crise

37
N° 294 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009 Annexe au procès-verbal de la séance du 18 mars 2009 RAPPORT D´INFORMATION FAIT au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur la crise économique et financière au Japon et ses conséquences, Par M. Philippe MARINI, Sénateur. (1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc, Alain Lambert, vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Éric Doligé, André Ferrand, Jean-Pierre Fourcade, Christian Gaudin, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Gérard Longuet, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, Henri de Raincourt, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera.

Upload: medmed

Post on 10-Nov-2015

4 views

Category:

Documents


1 download

DESCRIPTION

crise

TRANSCRIPT

  • N 294

    SNATSESSION ORDINAIRE DE 2008-2009

    Annexe au procs-verbal de la sance du 18 mars 2009

    RAPPORT DINFORMATIONFAIT

    au nom de la commission des Finances, du contrle budgtaire et des comptes

    conomiques de la Nation (1) sur la crise conomique et financire au Japon et ses consquences,

    Par M. Philippe MARINI,

    Snateur.

    (1) Cette commission est compose de : M. Jean Arthuis, prsident ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jgou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Jol Bourdin, Franois Marc, Alain Lambert, vice-prsidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frcon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, Franois Trucy, secrtaires ; M. Philippe Marini, rapporteur gnral ; Mme Michle Andr, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badr, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, ric Dolig, Andr Ferrand, Jean-Pierre Fourcade, Christian Gaudin, Adrien Gouteyron, Charles Guen, Claude Haut, Edmond Herv, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Grard Longuet, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Grard Miquel, Albric de Montgolfier, Henri de Raincourt, Franois Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera.

  • - 2 -

  • - 3 -

    S O M M A I R E Pages

    AVANT-PROPOS ......................................................................................................................... 5

    I. LE JAPON : UNE CONOMIE FORTEMENT TOUCHE PAR LA CRISE ...................... 7

    A. UN PAYS QUI PRSENTE CERTAINES FAIBLESSES.......................................................... 71. Le Japon doit faire face un dclin dmographique rapide .................................................... 72. Son conomie est dpendante du reste du monde .................................................................... 8

    a) Le Japon, bientt doubl par la Chine ................................................................................. 8b) Une intgration croissante lconomie asiatique .............................................................. 9

    3. Le gouvernement actuel est affaibli ......................................................................................... 11

    B. UNE CRISE CONOMIQUE BRUTALE, SANS CRISE FINANCIRE ................................... 111. La crise des annes 1990 a servi de contre-modle ................................................................. 112. Lentre en rcession a t brutale.......................................................................................... 13

    a) Un trs fort recul du PIB au quatrime trimestre 2008 ........................................................ 13b) Un effondrement des exportations ...................................................................................... 15c) Une conomie pnalise par la forte remonte du yen......................................................... 16d) Une croissance du chmage, qui frappe en priorit les travailleurs non

    rguliers ........................................................................................................................... 173. Les banques sont confrontes une baisse de leur ratio de solvabilit ................................... 19

    II. LES RPONSES APPORTES LA CRISE CONOMIQUE ET LES PERSPECTIVES...................................................................................................................... 21

    A. DES MESURES ONT T PRISES PAR LA BANQUE DU JAPON ET LE GOUVERNEMENT POUR FAIRE FACE LA CRISE ........................................................... 21

    1. La Banque du Japon a assoupli sa politique montaire et dvelopp de nouvelles

    voies de refinancement............................................................................................................ 212. Le gouvernement a mis en place un premier plan de relance de 75.000 milliards de

    yens (564 milliards deuros) ................................................................................................... 22a) Les mesures financires : 84 % du total .............................................................................. 22

    (1) 33 000 milliards de yens pour le financement des entreprises, notamment des PME................... 23(2) 30 000 milliards de yens pour le soutien prventif au systme financier ................................... 23

    b) Les mesures budgtaires : 16 % du total ............................................................................. 233. Une rallonge de 14 000 milliards de yens a t vote en mai 2009.................................... 25

    B. LE JAPON DEVRAIT SORTIR DE LA CRISE AVEC DES FINANCES PUBLIQUES TRS DGRADES MAIS CONSERVE CERTAINS ATOUTS .............................................. 26

    1. Les finances publiques, dj dgrades, sont mises mal par la crise .................................... 26a) Le dficit et la dette sont dores et dj importants ............................................................. 26b) Le vieillissement de la population se traduit par une augmentation des dpenses

    sociales ............................................................................................................................... 272. Le Japon conserve certains atouts mais parat condamn accrotre sa fiscalit ................... 29

    a) Mettre fin linertie fiscale pour faire face au dsquilibre des finances publiques ............................................................................................................................ 29

    b) Une sortie de crise qui dpend dabord de la Chine et des Etats-Unis ................................. 30

    EXAMEN EN COMMISSION ...................................................................................................... 31

  • - 4 -

  • - 5 -

    AVANT-PROPOS

    Mesdames, Messieurs,

    Une dlgation1 de la mission commune dinformation du Snat sur la prise en charge de la dpendance et la cration du cinquime risque sest rendue Tokyo du 15 au 19 fvrier 2009, afin dtudier le systme japonais de prise en charge des personnes ges dpendantes2.

    Dans un contexte difficile sur le plan conomique, votre rapporteur gnral a souhait, en parallle, conduire diffrents entretiens caractre conomique et financier, pour apprcier la situation dune des toutes premires conomies mondiales et les mesures prises par les pouvoirs publics pour faire face la crise actuelle.

    Les rencontres, de haut niveau, ont t particulirement fructueuses. Votre rapporteur gnral a ainsi pu sentretenir avec :

    - M. Yuji Tsushima, dput, prsident de la commission des affaires fiscales du Parti libral-dmocrate. Un dner lambassade de France avec lensemble de la dlgation lui a galement permis de rencontrer des parlementaires de la majorit comme de lopposition ;

    - au ministre des finances, M. Yoichi Miyazawa, vice-ministre en charge des affaires conomiques et fiscales, M. Nobuki Sugita, conseiller du ministre de lconomie et de la politique fiscale, en charge de lconomie internationale et M. Naoyuki Shinohara, vice-ministre en charge des affaires internationales ;

    - M. Taizo Nishimuro, Chairman of the Board du Tokyo Stock Exchange ;

    - M. Takafumi Sato, qui dirige la Financial Services Agency, entit regroupant lquivalent de la Commission bancaire, de lAutorit des marchs financiers (AMF) et de lAutorit de contrle des assurances et des mutuelles (ACAM) ;

    - M. Atsushi Nakajima, Chief Economist au Mizuho Research Institute3. Votre rapporteur gnral a, par ailleurs, rencontr, loccasion dun djeuner organis par lambassade de France, des reprsentants de plusieurs banques4 pour analyser limpact de la crise conomique et financire au Japon.

    1 Cette dlgation tait compose de MM. Philippe Marini, prsident, Alain Vasselle, rapporteur,

    Franois Autain et Mme Michle Andr. 2 Le compte rendu de ce dplacement est disponible sur le site internet du Snat ladresse

    suivante : http://www.senat.fr/commission/missions/Dependance/japon.pdf3 Mizuho est la deuxime banque japonaise. 4 Socit gnrale, Calyon, JP Morgan, BNP Paribas, Dexia, RBS et Dresdner.

  • - 6 -

    Par ailleurs, votre rapporteur gnral a pu, avec lensemble de la dlgation snatoriale, avoir un change avec la chambre de commerce et dindustrie franaise du Japon (CCIFJ) et participer la runion des conseillers du commerce extrieurs lAmbassade de France.

    Le prsent rapport, qui prend en compte les volutions survenues depuis le mois de fvrier, a donc vocation donner un clairage sur la situation conomique et financire du Japon et permet dactualiser les travaux antrieurs de votre commission des finances1. Son objet est, par ailleurs, plus cibl que celui du rcent rapport de votre commission de lconomie, du dveloppement durable et de lamnagement du territoire2, qui analyse de manire gnrale lvolution du modle japonais.

    1 Rapport dinformation n 17 (2006-2007), Le Japon et la Core face la mondialisation , de

    MM. Jean Arthuis, Philippe Marini, Denis Badr, Aymeri de Montesquiou, Yann Gaillard, Philippe Adnot, Michel Moreigne et Franois Marc. 2 Rapport dinformation n 316 (2008-2009), Japon, larchipel des paradoxes : pour un

    partenariat renouvel , de MM. Jean-Paul Emorine, Pierre Hrisson, Dominique Braye, Adrien Giraud, Daniel Reiner et Jean Desessard.

  • - 7 -

    I. LE JAPON : UNE CONOMIE FORTEMENT TOUCHE PAR LA CRISE

    A. UN PAYS QUI PRSENTE CERTAINES FAIBLESSES

    1. Le Japon doit faire face un dclin dmographique rapide

    Selon les projections dmographiques actuelles, la population japonaise, qui slevait prs de 127,8 millions dhabitants en 2007, a dores et dj entam son dclin. En effet, on observe une baisse de la population active depuis 1997 et une diminution de la population totale depuis 2005. Si les tendances actuelles se prolongent, la population totale du pays pourrait tre ramene 100 millions dhabitants lhorizon 2050, ainsi que le montre le graphique suivant.

    Projections dvolution de la population japonaise

    Source : mission conomique de Tokyo

    30

    40

    50

    60

    70

    80

    90

    100

    110

    120

    130

    140

    1880 1890 1900 1910 1920 1930 1940 1950 1960 1970 1980 1990 2000 2010 2020 2030 2040 2050 2060 2070 2080 2090 2100

    mill

    ion

    s d'

    habi

    tan

    ts

    0

    10

    20

    30

    40

    50

    60

    70

    80

    90

    100

    110

    pou

    r ce

    nt

    Population (chelle de gauche)Taux de dependance ("+65 ans/15-64 ans",chelle de droite)

    projections

  • - 8 -

    Cette volution dmographique rsulte notamment de trois facteurs:

    - une esprance de vie parmi les plus leves au monde, puisquelle elle est value en 2008 85,6 ans pour les femmes et 78,7 ans pour les hommes. A titre de comparaison, elle stablissait en France 84,3 ans pour les femmes et 77,5 ans pour les hommes1 ;

    - une faible natalit : on dnombrait ainsi 1,34 enfant par femme en moyenne au Japon en 2007, contre 2 enfants en France. Cette situation peut notamment sexpliquer par une politique familiale incomplte et insuffisamment efficace ;

    - une faible immigration, la population trangre ne reprsentant que 1,3% de la population totale au 1er janvier 2009. A la mi-2004, lInsee valuait 3,5 millions de personnes le nombre dtrangers rsidant en France, soit environ 5,7 % de la population2.

    Le vieillissement de la population japonaise intervient rapidement : les personnes ges de plus de 65 ans reprsentent aujourdhui 22 % de la population, contre 12 % seulement en 1990. Selon les donnes transmises par la mission conomique, il aura fallu 24 ans au Japon pour que la population ge de plus de 65 ans passe de 7 % 14 % du total, contre 115 ans en France, et 12 ans pour quelle passe de 14 % 20 % (entre 1994 et 2006), contre une projection de 41 ans en France (entre 1979 et 2020).

    2. Son conomie est dpendante du reste du monde

    a) Le Japon, bientt doubl par la Chine

    Suivant les donnes communiques votre rapporteur gnral par la mission conomique, le Japon reste la deuxime conomie mondiale, avec un PIB de 4.840 milliards de dollars en 2008, contre 14.330 milliards de dollars pour les Etats-Unis, comme le montre le graphique qui suit.

    1 Sources : CIA, the world factbook 2008 (Japon), Insee (France). 2 Insee Premire n 1098, aot 2006.

  • - 9 -

    Produit intrieur brut en 2008 (en milliards de dollars)

    2 790

    2 980

    3 820

    4 220

    4 840

    14 330

    0 2 000 4 000 6 000 8 000 10 000 12 000 14 000 16 000

    Royaume-Uni

    France

    Allemagne

    Chine

    Japon

    Etats-Unis

    Source : mission conomique, daprs FMI (octobre 2008)

    La Chine se rapproche toutefois et les diffrentes personnes rencontres Tokyo ont fait part dun plus grand dynamisme de ce pays par rapport au Japon.

    Au demeurant, certaines statistiques placent dj lconomie chinoise devant lconomie japonaise. Raisonnant en parit de pouvoir dachat, la Banque mondiale fait apparatre la Chine en deuxime position en 2007, avec un PIB de 7 055 milliards de dollars, contre 13 811 milliards de dollars pour les Etats-Unis et 4 283 milliards de dollars pour le Japon.

    En tout tat de cause, la dynamique chinoise apparat telle que ce pays est destin dpasser le Japon dans un proche avenir.

    b) Une intgration croissante lconomie asiatique

    Lconomie japonaise est fonde sur les exportations, dsormais pour moiti destines lAsie, ce qui traduit une intgration croissante lconomie de cette zone. La Chine reprsente, elle seule, 16 % des exportations du Japon.

    La part des Etats-Unis dans les exportations japonaises diminue mais demeure leve (17,5 %). En comparaison, lensemble de lEurope reprsente 14 % des exportations japonaises.

  • - 10 -

    Rpartition des exportations japonaises

    (en pourcentage du total)

    Source : mission conomique

    A contrario, le Japon reste un pays assez ferm. Le stock des investissements directs trangers ne reprsente que 3 % du PIB fin 2007 et ce pays ntait que le cinquime importateur mondial cette mme anne. Selon les donnes transmises par la mission conomique votre rapporteur gnral, les importations en provenance de pays membres de lUnion europenne, qui reprsentent prs de 40 milliards deuros, pourraient tre doubles si le Japon tait aussi ouvert que les autres pays de lOCDE.

    Ce pays consacre, par ailleurs, des dpenses importantes la recherche-dveloppement (3,6 % du PIB, contre 2,6 % aux Etats-Unis et 2,1 % en France ; on y dnombre 5,6 chercheurs pour 1 000 habitants, contre 4,7 aux Etats-Unis et 3,3 en France) et dispose dun atout technologique (cest le premier pays au monde en nombre de brevets dposs).

    Il exporte ainsi trois fois plus de produits contenu technologique quil nen importe. Les industriels japonais se spcialisent galement dans des micro-niches technologiques.

  • - 11 -

    3. Le gouvernement actuel est affaibli

    Sur le plan politique, on constate une forte instabilit ministrielle depuis la fin du gouvernement dirig par M. Junichiro Koizumi(2001-2006). Trois Premier ministres se sont succds depuis lors : M. Shinzo Abe nest rest en fonction quun an (septembre 2006-septembre 2007), tout comme M. Yasuo Fukuda (septembre 2007-septembre 2008).

    Le gouvernement actuel, dirig par M. Taro Aso, Premier ministre depuis le 24 septembre 2008, est lui-mme au plus bas dans les sondages (moins de 20 % dopinions favorables), alors que lopposition contrle dj le Snat, ralentissant ainsi les projets du gouvernement1.

    A cet gard, le dplacement de votre rapporteur gnral Tokyo sest droul dans un contexte particulier, marqu par la dmission du ministre des finances, qui a nui limage du gouvernement actuel.

    Le Premier ministre Taro Aso a dcid de convoquer des lections la chambre basse le 30 aot 2009, conduisant au vote dune motion de censure par le Snat le 14 juillet dernier. Si cette procdure nentrane pas la chute du gouvernement, elle fragilise toutefois sa position, alors que les tudes dopinion laissent entrevoir une victoire de lopposition (conduite par le parti dmocrate du Japon). Toutefois, votre rapporteur gnral na pas observ de clivage net entre la majorit et lopposition sur les questions conomiques.

    B. UNE CRISE CONOMIQUE BRUTALE, SANS CRISE FINANCIRE

    1. La crise des annes 1990 a servi de contre-modle

    Le Japon, qui avait d rgler sa propre crise immobilire et bancaire dans les annes 1990, a eu le sentiment dtre pargn par la crise des subprimes. En effet, daprs les informations communiques votre rapporteur gnral, les banques japonaises ont t assez peu exposes aux produits toxiques, du fait dune gestion prudente du risque et dune rgulation troite des marchs financiers par la Financial Services Agency (FSA).

    1 Le Parlement japonais comprend deux chambres : la Chambre des Dputs, qui compte

    480 siges, ses membres tant lus pour une dure de quatre ans ; le Snat, compos de 242 membres lus pour six ans.

  • - 12 -

    La rduction des crances douteuses opres la suite de la prcdente crise a en effet t importante : celles-ci seraient passes de 30 trillions de yens en 1999 11 trillions de yens en mars 2008, le ratio de prts non performants (non performing loans) tant, quant lui, valu environ 2,5 % cette date1.

    Le Japon avait ainsi, au dpart, tendance donner des conseils au sein des instances internationales sur la manire dont il avait rgl sa propre crise durant les annes 1990. Il reconnaissait avoir alors manqu de ractivit, nabaissant le principal taux directeur de la banque centrale quau bout de trois ans de crise et prenant des mesures pour renflouer les banques seulement la fin des annes 1990.

    Les autorits nippones ont donc invit leurs partenaires prendre conscience de la rapidit et de lampleur des ajustements ncessaires. Lecontre-exemple japonais des annes 1990 a servi de rfrence constante lors de ladoption des plans de sauvetage du systme financier aux Etats-Unis et en Europe : la France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis nont pas attendu pour renflouer leurs propres banques par des mesures de recapitalisation ou de rachat dactifs toxiques.

    La crise japonaise des annes 1990 : une crise dclenche par un krach boursier et immobilier, entretenue par une longue

    absence de restructuration du secteur bancaire

    Dans le cas du Japon, la crise bancaire a t dclenche par lclatement de la bulle financire du dbut des annes 1990.

    De nombreux autres pays se sont alors trouvs confronts une situation analogue, sans que la crise soit durable. Le fait que des crises financires aient clat au mme moment dans de nombreux pays vient du fait que ceux-ci avaient drglement leur systme financier peu prs en mme temps, au dbut des annes 1980, et que les taux dintrt avaient augment au dbut des annes 1990 partout dans le monde.

    A lexception du Japon, au milieu des annes 1990, tous les Etats dvelopps qui avaient connu une crise bancaire au dbut de la mme dcennie en taient sortis, aprs avoir pris les mesures appropries, cest--dire la socialisation des pertes et des restructurations imposes par l'Etat. Les montants mobiliss ont t importants : plus de 10 % du PIB en Finlande, 8 % aux Etats-Unis, 5 % en France et en Sude.

    1 Sandrine Boyadjian, Les dfis du systme bancaire japonais , Crdit agricole Perspectives n 123, dcembre 2008. Au 19 juillet 2009, un euro quivaut 133 yens.

  • - 13 -

    Le fait que la crise financire ait t durable au Japon provient dun double phnomne.

    Tout dabord, la crise y est ne dun krach boursier et immobilier plus important que dans les autres pays. La bulle boursire et sa correction sont clairement mises en vidence par le graphique ci-aprs.

    Evolution des indices boursiers (1980=100)

    0200400600800

    10001200140016001800

    1980

    01

    1981

    01

    1982

    01

    1983

    01

    1984

    01

    1985

    01

    1986

    01

    1987

    01

    1988

    01

    1989

    01

    1990

    01

    1991

    01

    1992

    01

    1993

    01

    1994

    01

    1995

    01

    1996

    01

    1997

    01

    1998

    01

    1999

    01

    2000

    01

    2001

    01

    2002

    01

    2003

    01

    2004

    01

    2005

    01

    2006

    01

    Pays industrialiss Japon Etats-Unis

    Krach boursier

    Source : Morgan Stanley Capital International Inc.

    Ensuite, contrairement aux autres pays, le Japon a longtemps diffr la restructuration du systme bancaire, qui na t ralise, sous limpulsion de lEtat, qu partir de 1998.

    Source : commission des finances, Le Japon et la Core face la mondialisation , rapport

    dinformation n 17 (2006-2007)

    2. Lentre en rcession a t brutale

    a) Un trs fort recul du PIB au quatrime trimestre 2008

    Le Japon est toutefois entr en rcession au troisime trimestre 2008, avec une brutalit qui a surpris, comme le montre le graphique suivant, qui tmoigne galement de la croissance trs molle connue par le Japon depuis le dbut des annes 2000.

  • - 14 -

    Evolution du produit intrieur brut japonais (en %, rythme trimestriel)

    Source : mission conomique de Tokyo, mars 2009

    Les chiffres du quatrime trimestre 2008, qui viennent dtre rviss par le gouvernement japonais pour stablir 3,6 %, marquent un dcrochage trs brutal, puisquils font apparatre une contraction du PIB de 13,5 % en rythme annualis.

    Selon les statistiques gouvernementales, cette dgradation sest accentue au cours du premier trimestre 2009, le PIB reculant de 14,2% en rythme annualis.

    Selon le Fonds montaire international (FMI), le PIB japonais reculerait de 6 % sur lensemble de lanne 2009 et connatrait une croissance de 1,7 % en 20101, ces donnes tant plus favorables que celles du consensus des conomistes (respectivement 6,2 % et + 1,4 %).

    1 Consensus forecasts : World economic activity, mars 2009.

    -1,1

    1,51,8

    -1,2

    0,3

    -0,4

    -3,2

    -4

    -3

    -2

    -1

    0

    1

    2

    2000

    1T 2T 3T 4T

    2001

    1T 2T 3T 4T

    2002

    1T 2T 3T 4T

    2003

    1T 2T 3T 4T

    2004

    1T 2T 3T 4T

    2005

    1T 2T 3T 4T

    2006

    1T 2T 3T 4T

    2007

    1T 2T 3T 4T

    2008

    1T 2T 3T 4T

  • - 15 -

    b) Un effondrement des exportations

    Cette forte dgradation conomique sexplique, notamment, par leffondrement des exportations japonaises, en raison du ralentissement conomique des principaux partenaires commerciaux, Chine et Etats-Unis en particulier : en glissement annuel, les exportations ont ainsi chut de 27 % en novembre 2008, de 35 % en dcembre, de 45,7 % en janvier 2009 et de 49,4 % en fvrier, soit la baisse la plus importante depuis 1980. Cette chute des exportations est value 41 % en glissement annuel au mois de mai 2009.

    Outre le secteur automobile, celui des semi-conducteurs est galement particulirement affect par la crise. Dans le secteur automobile, la production a ainsi t rduite de 41 % entre janvier 2008 et janvier 2009. La production industrielle apparat en baisse de 9,4 % en fvrier 2009 (en glissement mensuel), et ce pour le cinquime mois conscutif.

    Le Japon, qui dispose traditionnellement dune balance commerciale excdentaire, a connu, doctobre 2008 janvier 2009, quatre mois conscutifs de dficit de sa balance commerciale, celui du mois de janvier 2009 (844 milliards de yens, soit environ 7,9 milliards deuros) tant le plus important depuis 1979. Sur lensemble de lexercice 2008 (avril 2008 mars 2009), le Japon a enregistr un dficit commercial valu 5 milliards deuros, soit 0,1 % du PIB, ce qui ne lui tait pas arriv depuis 28 ans. Le mois de fvrier 2009 sest cependant sold par un retour un excdent commercial (82,35 milliards de yens, soit environ 633 millions deuros), contrairement aux attentes des conomistes, ce qui sexplique largement par un fort recul des importations ce mois-l (- 43 % en glissement annuel). Le redressement de la balance commerciale sest confirm depuis lors, lexcdent commercial slevant 508 milliards de yens (3,8 milliards deuros) au mois de juin, grce au dblocage du crdit aux Etats-Unis, aux effets du plan de relance chinois et la baisse des prix du ptrole1.

    A contrario, on observe une meilleure rsistance de la demande intrieure, qui a particip pour 54 % la formation du PIB japonais en 2008 (- 1 % au deuxime trimestre 2008, - 0,4 % au troisime trimestre et 0,3 % au dernier trimestre)2.

    La diminution des dbouchs dans les pays partenaires du Japon sest trouve encore aggrave par la forte et rcente remonte du yen.

    1 Le Figaro, Japon : lexcdent commercial multipli par cinq au mois de juin ,

    24 juillet 2009. 2 Missions conomiques de Tokyo et de Soul, Lettre conomique et financire Japon-Core n 2 (27 fvrier 2009).

  • - 16 -

    c) Une conomie pnalise par la forte remonte du yen

    Aprs un dclin du yen par rapport leuro depuis 2001, on observe en effet une remonte brutale partir de la mi-2008. Cette croissance se retrouve aussi, quoique dans une moindre mesure, par rapport au dollar.

    Le yen sest ainsi apprci de 30 % face leuro et de 15 % face au dollar entre la faillite de Lehman Brother, le 15 septembre 2008, et la mi-fvrier 2009.

    Le graphique qui suit retrace cette volution.

    Evolution de la parit yen/dollar et yen/euro

    Source : mission conomique de Tokyo

    Cette apprciation du yen rsulte notamment du dbouclage des oprations de carry trade.

    Le carry trade

    La technique du carry trade consiste profiter des carts de rendement entre classes dactifs, en sendettant dans une devise faible taux d'intrt et en plaant les fonds emprunts dans une autre devise taux dintrt plus fort. Grce ce systme, les investisseurs tirent parti dun diffrentiel de taux d'intrt.

    Une personne qui emprunte du yen un taux dintrt bas va ensuite vendre cette devise et en acheter une autre, par exemple des dollars amricains. Ces derniers sont alors utiliss pour lachat dactifs amricains haut rendement. Aprs larrive maturation de cette obligation, linvestisseur rcupre le principal et les intrts, puis vend les dollars contre du yen, qui sert rembourser son prt initial en yen.

    Les positions du carry trade taient values 80 000 milliards de yens en 2008, soit prs de 600 milliards deuros. Elles taient dtenues hauteur de 6 % par les mnages japonais, de 45 % par des tablissements rsidents et de 49 % par des tablissements non rsidents.

    Source : trader forex ; mission conomique de Tokyo

  • - 17 -

    Daprs les informations recueillies par votre rapporteur gnral au cours de ses entretiens, les industriels pressaient ainsi les autorits japonaises dintervenir pour dprcier le yen. M. Yoichi Miyazawa, vice-ministre de la politique conomique et fiscale, a cependant estim quinverser la tendance par des interventions publiques sur le change ntait pas de lordre du possible.

    Par ailleurs, il convient de noter quen dpit de la remonte du yen, qui pnalise ses exportations, le Japon devrait continuer soutenir le dollar, ses rserves de change tant en quasi totalit constitues de bons du Trsor amricains.

    Lacclration de la dgradation conomique en fvrier 2009 aurait entran un dbut dinflexion dans ce mouvement, auquel la politique de communication du gouvernement, mettant laccent sur les faiblesses du pays sans souligner ses atouts, aurait galement contribu. La monnaie japonaise se serait ainsi dprcie de 11,2 % par rapport leuro et de 3,2 % par rapport au dollar depuis la mi-fvrier1 jusqu la fin mai 2009.

    d) Une croissance du chmage, qui frappe en priorit les travailleurs

    non rguliers

    Le Japon, qui avait cru chapper la crise financire, se retrouve donc confront une svre crise conomique, qui se traduit par une hausse des faillites et une croissance du chmage.

    Le nombre de faillites aurait ainsi augment de 21 %, en glissement annuel, au cours du mois de fvrier 2009, et dpasse, pour le neuvime mois conscutif, les 1 000 cas mensuels.

    Fin mars 2009, le ministre du Travail estime que 192 000 emplois avaient t ou seraient supprims entre octobre 2008 et juin 2009, ce chiffre tant constamment revu la hausse. La Japan Manufacturing Outsourcing Association voque, de son ct, le chiffre de 400 000 suppressions demplois.

    Le taux de chmage, qui stablissait 4 % en 2008, a fortement progress pour atteindre 5,2 % en mai 2009. Selon le consensus des conomistes2, il pourrait atteindre 5,1% en 2009 et 5,6% en 2010, ce qui est lev pour le Japon.

    Les employs dits non rguliers (CDD, temps partiel, intrim), qui reprsentent un tiers de la population active salarie, sont les premiers touchs par cette situation.

    1 Missions conomiques de Tokyo et de Soul, Lettre conomique et financire Japon-Core

    n 2, 27 fvrier 2009 et n 4, 27 mai 2009. 2 Consensus forecasts, 13 juillet 2009.

  • - 18 -

    Un march du travail de plus en plus dual

    Alors que le march du travail japonais tait traditionnellement fond sur un modle demploi vie , on observe depuis les annes 1990 une forte pousse des contrats de travail prcaires, dits non rguliers , allant de pair avec la forte croissance du secteur des services, qui reprsente dsormais prs de deux tiers de lemploi total.

    Sont considrs comme contrats rguliers les contrats dure indtermine temps plein. Ils couvraient 66,5 % des salaris en 2007.

    Les contrats non rguliers reprsentaient, la mme date, 33,5 % de la population active salarie, contre 17,6 % seulement en 1987. Ce type de contrats recouvre les contrats dure dtermine (5,8 % des salaris), le travail temps partiel (15,9 % des salaris), les petits boulots ( arubait , 6,6 % des salaris), lintrim (2,6 %) et dautres formes demploi minoritaires (2,6 %).

    Ces contrats non rguliers se caractrisent par une plus grande flexibilit (le pravis de 30 jours requis pour le licenciement dun salari ne sapplique pas) et par un cot moindre pour lemployeur. En effet, travail gal, les employs non rguliers peroivent en moyenne un revenu 30 % infrieur celui de leurs homologues rguliers .

    Les PME ont particulirement recours cette forme demploi, qui touche en priorit les jeunes (46,6 % des 15-24 ans sont couverts par un contrat de ce type), les seniors (67,3 % dentre eux y ont recours) et les femmes (53,5 % dentre elles sont embauches sous contrat non rgulier , contre 18,3 % des hommes).

    Source : UbiFrance/Mission conomique de Tokyo, Le march du travail au Japon , fiche de

    synthse, 19 mars 2008 ; Caroline Newhouse-Cohen (BNP Paribas), Le march du travail

    nippon , dcembre 2008

    Par ailleurs, lvolution du taux de chmage napparat pas totalement reprsentative, pour au moins deux raisons:

    - dune part, les chmeurs les moins qualifis semblent se retirer deux-mmes du march du travail, considrant quils ont peu dopportunits de trouver un emploi dans un pays o les jeunes diplms constituent les recrutements prioritaires des entreprises. Ces retraits spontans, qui concernent notamment les femmes, permettent de lisser les chiffres du chmage ;

    - dautre part, la flexibilit du systme de rmunration des employs rguliers limite aussi les suppressions demploi, grce la baisse des bonus, qui reprsentent en moyenne 20 % de la rmunration annuelle d'un salari (contre 27 % en 19901).

    Outre le recours aux travailleurs non rguliers , la baisse des bonus constitue ainsi lun des principaux leviers, avec la diminution des heures supplmentaires traditionnellement leves, utilis par les entreprises japonaises afin de rduire leur masse salariale.

    1 Caroline Newhouse-Cohen (BNP Paribas), Le march du travail nippon , dcembre 2008.

  • - 19 -

    A titre dexemple, l'enqute du quotidien conomique japonais Nikkei value la baisse des bonus d'hiver ngocis en automne 3,7% en glissement annuel (- 5,2% dans le secteur manufacturier). La baisse des rmunrations verses aux salaris sapparente ainsi un stabilisateur automatique en cas de crise, permettant de limiter le niveau du chmage.

    3. Les banques sont confrontes une baisse de leur ratio de solvabilit

    Les banques japonaises, quoique dtenant moins dactifs toxiques que leurs homologues occidentales, ont galement t touches par la crise.

    Les six principales banques japonaises1 ont ainsi enregistr une trs forte dgradation de leurs rsultats au cours du premier semestre 2008 : arrts au 30 septembre 2008, ceux-ci connaissaient un recul de 58 % par rapport aux rsultats constats en septembre 2007.

    Les dotations nettes aux provisions au titre du risque crdit avaient, cette date, connu une augmentation de 90 % par rapport la fin 2007, en raison, notamment, de la progression des faillites dentreprises.

    En outre, la chute du march des actions a conduit les six principales banques japonaises comptabiliser des provisions hauteur de 280 milliards de yens la fin septembre 2008, afin de faire face aux moins values latentes constates sur les portefeuilles titres2.

    Ceci a entran une baisse du ratio de solvabilit des banques,mme si aucun des grands tablissements ne prsentait de ratio infrieur 10 % en septembre 2008, pour un minimum rglementaire fix 8 %.

    Cette situation pnalise les entreprises, en rendant plus difficile laccs au crdit. Les PME seraient les premires touches et prouveraient de plus en plus de difficults se financer. De leur ct, les banquiers rencontrs par votre rapporteur gnral ont indiqu que les grands groupes avaient encore la possibilit de se financer sans faire appel aux banques, en raison de la trsorerie accumule ces dernires annes et du rle des grands conglomrats. Ils ont toutefois estim que certains dentre eux pourraient disparatre, en particulier dans le secteur de llectronique, du fait de la remonte du yen.

    Les banques vont donc devoir trouver des solutions pour pallier ce manque de fonds propres. La plupart des principaux tablissements bancaires ont dj procd des recapitalisations par anticipation en 2008. Par ailleurs, le gouvernement a mis en place un mcanisme de garantie de prt pour lever certaines difficults (cf. infra).

    1 Mitsubishi UFG, Mizuho, Sumimoto Mitsui, Resona, Sumimoto Trust et Mitsui Trust. 2 Missions conomiques de Tokyo et de Soul, Lettre conomique et financire Japon-Core n 2, 27 fvrier 2009.

  • - 20 -

    Certaines personnes rencontres par votre rapporteur gnral ont mis en garde contre les dangers dune rgulation renforce, qui accentuerait le cycle conomique. M. Takafumi Sato, Commissioner de la Financial Services Authority, a ainsi estim quil fallait, en cas de crise, envisager des ratios de solvabilit plus faibles.

  • - 21 -

    II. LES RPONSES APPORTES LA CRISE CONOMIQUE ET LES PERSPECTIVES

    A. DES MESURES ONT T PRISES PAR LA BANQUE DU JAPON ET LE GOUVERNEMENT POUR FAIRE FACE LA CRISE

    1. La Banque du Japon a assoupli sa politique montaire et dvelopp de nouvelles voies de refinancement

    Face cette situation, la Banque du Japon (BoJ) a assoupli sa politique montaire et recherche de nouvelles voies pour faciliter le refinancement des institutions financires.

    Son principal taux directeur a ainsi t ramen de 0,5 % 0,3 %, puis 0,1 %, les 31 octobre et 19 dcembre 2008. Cette mesure na cependant eu quun impact limit sur lconomie relle, en raison du caractre dj extrmement accommodant de la politique montaire. En outre, un tel niveau, le taux directeur apparat dsormais neutralis dans ses fonctions de relance ou de stabilisation de lconomie.

    La Banque du Japon envisage donc dautres voies et met en oeuvre, titre temporaire, une srie de mesures destines rendre plus souples les oprations de refinancement des banques sur le march montaire et, indirectement, faciliter le financement des entreprises d'ici la fin de l'exercice fiscal en cours (au 31 mars 2009), priode pendant laquelle les besoins de trsorerie des entreprises augmentent.

    Le dispositif mis en oeuvre repose sur :

    - llargissement de la gamme des titres accepts en garantie des oprations de refinancement ;

    - la mise en place dun nouveau guichet auquel les tablissements de crdit peuvent emprunter des sommes (contre garantie), pour trois mois, un taux quivalent au taux directeur (0,1%) : la Banque du Japon envisage de prter aux banques environ 3 000 milliards de yens (22,5 milliards deuros1)au titre de cette facilit ;

    - lacquisition, pour un montant total de 3 000 milliards de yens, des billets de trsorerie mis par les entreprises et dtenus par les banques.

    1 Par commodit, les chiffrages en euros mentionns ici reposent sur le taux de conversion

    suivant: un euro = 133 yens (taux rel constat le 19 juillet 2009 la clture : un euro = 133,36 yens).

  • - 22 -

    Depuis le dplacement de votre rapporteur gnral Tokyo, la Banque du Japon a en outre annonc quelle dbuterait un programme de rachat dobligations dentreprises, pour un montant total de 1 000 milliards de yens (soit environ 7,5 milliards deuros). Elle a en outre repouss le terme de ces mesures temporaires, la plupart dentre elles devant prendre fin au 31 dcembre 20091.

    2. Le gouvernement a mis en place un premier plan de relance de 75.000 milliards de yens (564 milliards deuros)

    De son ct, le gouvernement japonais a annonc un plan de relance dun montant global de 75.000 milliards de yens, soit environ 564 milliards deuros.

    Ce plan a t annonc en trois tapes :

    - une premire tranche de 11 500 milliards de yens (86,5 milliards deuros) la fin du mois daot 2008 ;

    - une deuxime tranche de 26 900 milliards de yens (202 milliards deuros) la fin du mois doctobre 2008 ;

    - une dernire tranche de 37 000 milliards de yens (278 milliards deuros), la mi-dcembre 2008.

    Ces mesures sont, pour lessentiel, des mesures financires, les mesures budgtaires ne reprsentant que 16% du total du plan.

    Dans ce contexte, le budget 2009 est le plus lev de lhistoire du Japon, avec des dpenses en hausse de 6,6% par rapport celles de lexercice 2008-2009. Les dpenses prvisionnelles slveraient ainsi 88.550 milliards de yens, soit prs de 666 milliards deuros. Dans le mme temps, les recettes diminueraient de presque 14 %, conduisant un dficit denviron 33.300 milliards de yens2.

    a) Les mesures financires : 84 % du total

    Les mesures financires , qui reprsentent 84% du montant total du plan, comprennent deux volets, lun consacr au financement des entreprises, lautre destin soutenir le systme financier.

    1 Bank of Japan, Statement on Monetary Policy, 15 juillet 2009. Certaines mesures se

    poursuivront mme au cours du premier trimestre 2010. 2 Natixis, Sophie Mametz, Japon Budget 2009 : volte-face dans la consolidation fiscale , Special Report n 17, 22 janvier 2009.

  • - 23 -

    (1) 33 000 milliards de yens pour le financement des entreprises, notamment des PME

    Ces aides au financement des entreprises reposent sur :

    - loctroi dune garantie de crdit aux PME, pour un montant de 30 000 milliards de yens (225,5 milliards deuros), dont 9 000 milliards effectivement garantis depuis la mi-octobre 2008, les 21 milliards de yens restants tant intgrs au projet de budget pour 2009, examin par le Parlement partir du mois de janvier et dsormais adopt. Ainsi, en cas de dfaut dun dbiteur, lEtat se substituerait lui pour rembourser les tablissements de crdit ;

    - loctroi de prts par la Development Bank of Japan (DBJ), pour un montant plafonn 1 000 milliards de yens (7,5 milliards deuros), au profit des moyennes et grandes entreprises prouvant des difficults se financer ;

    - lacquisition titre temporaire, par la DBJ, de billets de trsorerie mis par ces moyennes et grandes entreprises, pour un montant total de 2 000 milliards de yens (soit 15 milliards deuros).

    (2) 30 000 milliards de yens pour le soutien prventif au systme financier

    Le deuxime volet, destin soutenir le systme financier, comprend deux mesures :

    - le rachat, par la Banks Shareholdings Purchase Corporation(BSPC, entit cre en janvier 2002 et place sous la responsabilit du ministre des finances), dactions dtenues par les banques, dans la limite de 20 000 milliards de yens, afin dallger le volume de leur encours titres ;

    - une injection de fonds publics, de lordre de 10 000 milliards de yens, dans le capital des banques impliques dans le financement de lconomie locale et qui sont le plus exposes au risque de faillite. Ces fonds feraient lobjet de remboursements par la suite. En contrepartie, les banques aides devraient accrotre leur volume de prts aux PME.

    Ces deux mesures ont t intgres la loi de finances pour 2009.

    b) Les mesures budgtaires : 16 % du total

    Les mesures budgtaires, qui slvent 12 000 milliards de yens, soit environ 90 milliards deuros, se rpartissent de la manire suivante:

    - 4 000 milliards de yens, soit 30 milliards deuros, de soutien linvestissement des entreprises et des particuliers (subventions et rductions de taxe pour lacquisition dquipements plus conomes en nergie, rduction de la fiscalit sur les plus-values et les dividendes sur titres, baisses de limpt sur les bnfices des PME) ;

  • - 24 -

    - 3 500 milliards de yens, soit 26 milliards deuros, destination des collectivits locales pour la revitalisation du tissu conomique local (baisse des tarifs autoroutiers, dveloppement des emplois locaux, travaux publics) et pour soutenir le secteur agricole ;

    - 2 000 milliards de yens, soit 15 milliards deuros, de soutien la consommation, sous la forme de chques distribus aux mnages (en moyenne 96 euros par personne). Cette mesure a fait lobjet de controverses (cf. infra) ;

    - 1 500 milliards de yens, soit 11 milliards deuros, de soutien lemploi : subventions aux entreprises transformant des emplois prcaires en CDI temps plein, baisse de 0,4 point, 1,2%, des cotisations chmage, assouplissement des conditions de perception des prestations chmage ;

    - 1 000 milliards de yens, soit 7,5 milliards deuros, pour renforcer le systme de protection sociale (amlioration de la qualit des soins et extension des allocations familiales notamment).

    Bien quelle ne soit pas pargne par la crise, lindustrie automobile japonaise ne bnficie pas de mesures de relance spcifiques, les mesures consacres lemploi leur bnficiant amplement. Les autorits estiment que les constructeurs japonais sont dj bien positionns sur le march et que leur avance technologique (voitures hybrides) leur permettra de compenser la contraction de la demande mondiale. Daprs les informations communiques votre rapporteur gnral, les grands groupes japonais, qui ont accumul dimportants excdents de trsorerie au cours des annes passes, regardent avec intrt la dbcle de leurs concurrents amricains, mme si celle-ci touche indirectement le Japon en rduisant la demande adresse aux quipementiers sous-traitants.

    La distribution de chques aux mnages : une mesure controverse

    La mesure phare du second budget supplmentaire 2008 est la distribution dargent en espces aux mnages, pour un montant total de plus de 2 000 milliards de yens, soit 15 milliards deuros.

    Les collectivits locales se chargeront de la distribution aux mnages, sans distinction de revenu. Tous les rsidents japonais et tous les rsidents trangers qui sont inscrits dans les registres depuis le 1er fvrier 2009 sont ligibles cette aide. Un problme se posera pour les personnes sans domicile fixe qui ne possdent pas dadresse et ne sont donc pas enregistres leur mairie. 90 milliards de yens (677 millions deuros) sont galement prvus pour compenser les dpenses administratives des municipalits rsultant de lapplication de cette mesure. Chaque personne percevra 12 000 yens (90 euros). Les personnes ges de moins de 18 ans ou de plus de 65 ans recevront 20 000 yens (150 euros) chacune. Le village de Nishimeya, dans la prfecture dAomori, compos de 534 foyers pour un total de 1 595 habitants, est lune des deux premires collectivits locales appliquer la mesure. 25,5 millions de yens (192 000 euros) devraient tre distribus. Nishimeya a fait le choix de remettre largent de la main la main dans des enveloppes spcialement conues pour loccasion.

  • - 25 -

    Selon les enqutes de la presse japonaise, les quatre cinquimes des municipalits ne pourront pas assurer la distribution avant la fin de lexercice fiscal (31 mars 2009) et 30 % dentre elles nauront toujours pas averti par courrier leurs habitants. Les villes les plus peuples, comme Yokohama, rencontrent en effet des difficults dordre logistique : 120 millions de yens (902 000 euros) seront dpenss rien que pour organiser un centre dappel et ainsi rpondre aux questions des habitants. Il est galement probable que les grandes villes privilgient autant que possible la distribution de largent par virement bancaire plutt que la remise despces en main propre la mairie.

    Selon une enqute du quotidien conomique japonais Nikkei, 30 % des personnes interroges envisagent dutiliser cet argent dans des dpenses exceptionnelles qui ne concerneront pas les achats de vie quotidienne mais les activits de loisirs, les vacances ou lacquisition dquipements (dont les tlvisions de grande taille cran plat). Des compagnies ariennes, dont Japan Airlines, des agences de voyage ou des htels vont proposer entre mars et juillet des produits dun montant exact de 12 000 yens ou de 20 000 yens.

    Le Cabinet Office estime que cette mesure contribuera pour 0,15 point la croissance du PIB, sur la base dune utilisation de 40 % des 2 000 milliards de yens dans des dpenses exceptionnelles . Les conomistes valuent ce taux dutilisation entre 20 % et 30 %. A titre de comparaison, les coupons distribus au printemps 1999 par ladministration Obuchi avaient t utiliss hauteur de 32 %. Le gouvernement espre que ce chiffre sera suprieur aujourdhui, en raison du paiement en espces qui inciterait davantage la consommation.

    Une majorit de lopinion publique sest exprime en dfaveur de cette distribution, en raison, principalement, dune communication dsastreuse du gouvernement et parce quaucune condition de ressources na t fixe. Le RENGO, la confdration syndicale japonaise, estimait pour sa part, au moment du premier examen de la loi en janvier 2009, que cette rponse du gouvernement tait dj tardive et doute toujours aujourdhui du rel objectif du gouvernement, entre la relance de lconomie par la consommation ou la prparation des prochaines lections gnrales qui auront lieu le 30 aot prochain et que pourrait perdre le parti au pouvoir.

    Source : daprs une note de la mission conomique de Tokyo (mars 2009)

    3. Une rallonge de 14 000 milliards de yens a t vote en mai 2009

    Face la dgradation de la situation conomique, le gouvernement japonais a annonc, au dbut du mois davril 2009, un nouveau plan de relance.

    Celui-ci a t adopt par le Parlement a la fin du mois de mai et slve au total 13 930 milliards de yens, soit prs de 105 milliards deuros. Cette rallonge , intgralement finance par voie budgtaire, vient complter un budget ordinaire dj record de 88 550 milliards de yens.

    Trois objectifs sont avancs : prvenir une dgradation de lconomie, maintenir les emplois et stimuler la croissance. Ces mesures seraient finances grce aux rserves des comptes spciaux de lEtat et par le biais dune nouvelle mission de dette publique, ce qui fragiliserait encore des finances publiques dj dgrades (cf. infra).

  • - 26 -

    B. LE JAPON DEVRAIT SORTIR DE LA CRISE AVEC DES FINANCES PUBLIQUES TRS DGRADES MAIS CONSERVE CERTAINS ATOUTS

    1. Les finances publiques, dj dgrades, sont mises mal par la crise

    a) Le dficit et la dette sont dores et dj importants

    Le Japon devrait donc sortir de cette crise conomique avec des finances publiques trs dgrades.

    En effet, la dette publique brute du Japon, value 173 % du PIB fin 2008, devrait crotre encore. Selon une tude de Natixis1, la dette publique progresserait ainsi pour atteindre 181 % du PIB au 31 mars 2010, et ce sans tenir compte des mesures annonces dans le nouveau plan de relance du gouvernement. Eu gard son importance, la charge de la dette reste toutefois modre, puisquelle ne reprsente que 23 % des dpenses de lEtat en 2009.

    Le graphique suivant retrace lvolution de la dette publique japonaise.

    Evolution de la dette publique brute du Japon

    Source : OCDE

    1 Natixis, Sophie Mametz, Japon Budget 2009 : volte-face dans la consolidation fiscale , Special Report n 17, 22 janvier 2009.

  • - 27 -

    Le dficit public devrait galement crotre, les donnes en la matire divergeant suivant les sources consultes et la prise en compte, ou non, dlments exceptionnels1.

    Selon les donnes transmises par la mission conomique, le dficit public stablissait 7,1 % du produit intrieur brut (PIB) en 2007. Selon le consensus des conomistes2, le dficit passerait de 25 000 milliards de yens en 2008 34 000 milliards de yens en 2009 (255,6 milliards deuros) et 37 000 milliards de yens en 2010 (soit 278,2 milliards deuros). Il devrait donc dpasser 8 % du PIB en 2009.

    Dans son rapport intermdiaire de mars 2009 sur les perspectives conomiques, lOCDE retient des donnes diffrentes, mais aboutit au constat dune croissance importante du dficit primaire : laccroissement des dpenses et la baisse des recettes alourdiront le dficit budgtaire, le dficit

    primaire (hors lments exceptionnels) grimpant de 2,6 % en 2007 quelque

    8 % en 2010, soit nettement au-dessus de lobjectif officiel dexcdent

    budgtaire primaire global de ladministration centrale et des collectivits locales fix pour lexercice 2011 . Un tel excdent aurait en effet ncessit un taux de croissance annuel nominal de 3 %, ce qui est irralisable. En outre, ces estimations de lOCDE ne tiennent pas compte des mesures budgtaires votes par le Parlement japonais la fin du mois de mai 2009.

    b) Le vieillissement de la population se traduit par une augmentation

    des dpenses sociales

    On relvera galement que, au-del de la crise conomique actuelle, lvolution dmographique du Japon pse particulirement sur les comptes sociaux. Les dpenses de sant ont ainsi cr un rythme annuel de 3 % en moyenne depuis 1990 et slevaient 33 400 milliards de yens au cours de lexercice budgtaire 2007, soit environ 251 milliards deuros.

    1 Une tude de la Socit gnrale sur lassainissement des finances publiques au Japon,

    conduite en mars 2008 par Mme Audrey Gasteuil, relve ainsi que diffrentes mesures exceptionnelles viennent affecter ponctuellement le dficit public depuis 2000 ; elles comprennent notamment des transferts des fonds de pension et dun fonds budgtaire spcial (Fiscal loan Fund) au gouvernement et la privatisation de la Japan Highway Corporation . 2 Consensus forecasts : World economic activity, mars 2009.

  • - 28 -

    Evolution des dpenses de sant

    21,5

    12,05

    20,1

    17,3

    14,5

    15 000

    20 000

    25 000

    30 000

    35 000

    1990 1995 2000 2005 2007

    (milliards de yens)

    5

    10

    15

    20

    25(%)

    Dpenses publiques de sant (chelle de gauche)Part des plus de 65 ans dans la population totale (chelle de droite)

    Source : Ministre de la Sant.

    Source : ministre de la sant japonais

    Face cette volution, diverses mesures ont t prises afin daccrotre la contribution des assurs, notamment par linstauration dun ticket modrateur en matire dassurance maladie, par une augmentation des cotisations et un relvement de lge dligibilit la pension en matire de retraites, et par un durcissement des conditions doctroi des prestations chmage aujourdhui assouplies dans le cadre du plan de relance.

    Par ailleurs, un systme spcifique de prise en charge de la dpendance des personnes ges a t instaur en 2000, dont les dpenses se sont rvles trs suprieures aux prvisions. Elles sont ainsi passes de 3 600 milliards de yens en 2000 7 100 milliards de yens en 2006 (soit 53 milliards deuros). Les cotisations ont dj d tre releves, mais les interlocuteurs de la dlgation snatoriale ont largement soulign la ncessit dapporter des ressources nouvelles pour financer le systme de scurit sociale1.

    1 Sur ce point, se reporter au compte rendu du dplacement de la dlgation de la mission

    commune dinformation sur la prise en charge de la dpendance et la cration du cinquime

    risque, disponible sur le site internet du Snat ladresse suivante : http://www.senat.fr/commission/missions/Dependance/japon.pdf

  • - 29 -

    2. Le Japon conserve certains atouts mais parat condamn accrotre sa fiscalit

    a) Mettre fin linertie fiscale pour faire face au dsquilibre des

    finances publiques

    Compte tenu de cette situation gnrale, votre rapporteur gnral voit mal comment le Japon pourrait maintenir le statu quo actuel sur sa fiscalit.

    En effet, laugmentation des prlvements obligatoires, tout particulirement de la taxe sur la consommation, qui est trs faible (taux de 5 %), demeure un tabou, en particulier en cette priode pr-lectorale. La majorit comme lopposition sont toutefois convaincues de la ncessit de relever, terme, le niveau de certaines impositions, notamment pour faire face lvolution des dpenses sociales. Ceci apparat manifeste lorsque lon analyse lvolution des recettes et des dpenses de lEtat, comme le montre le graphique qui suit.

    On observe, au demeurant, que les mesures adoptes ces dernires annes par les gouvernements successifs se sont traduites par un report dune part croissante des dpenses de scurit sociale sur les mnages (introduction dun ticket modrateur, augmentation des cotisations), ce qui revient peu prs au mme.

    Evolution des recettes et des dpenses de lEtat

    (en milliers de milliards de yens, par anne fiscale)

    0

    10

    20

    30

    40

    50

    60

    70

    80

    90

    100

    1983

    1985

    1987

    1989

    1991

    1993

    1995

    1997

    1999

    2001

    2003

    2005

    2007

    Dpenses Recettes fiscales

    Source : daprs les donnes de la mission conomique de Tokyo

  • - 30 -

    Certaines personnalits, proches de lopposition, observent toutefois que le Japon pourrait supporter une aggravation de son dficit,en faisant valoir plusieurs arguments :

    - il est crancier net vis--vis du reste du monde ;

    - ses rserves de change sont les deuximes rserves au monde. Elles slvent prs de 1.000 milliards de dollars fin janvier 2009 (les rserves chinoises taient values 1.950 milliards de dollars la fin de lanne 2008) ;

    - la demande pour les bons du trsor japonais est soutenue ;

    - linflation est limite.

    Pour autant, votre rapporteur gnral estime que les plans de relance actuels, qui conduisent aggraver la situation de finances publiques dj passablement dgrades, ainsi que la dynamique plus gnrale des dpenses sociales, ncessiteront trs certainement une augmentation de la fiscalit dans les annes venir.

    b) Une sortie de crise qui dpend dabord de la Chine et des

    Etats-Unis

    Sagissant plus spcifiquement de la sortie de la crise conomique,celle-ci parat dpendre en priorit de lvolution de la demande intrieure chinoise et du rebond de lconomie amricaine, comme la indiqu votre rapporteur gnral le vice-ministre en charge de la politique conomique et fiscale.

    Compte tenu des dveloppements prcdents sur la dpendance de lconomie japonaise lgard du reste du monde, il est en effet peu probable que le Japon puisse, par ses seuls moyens, renouer avec la croissance.

    Sil sortira de cette crise affaibli sur le plan des finances publiques, le Japon conserve de rels atouts, quil ne faut pas ngliger.

    Deux lments principaux ressortent : ses capacits de recherche,prcdemment analyses, mais galement le consensus social qui rgne dans les entreprises. Les syndicats se placent, en effet, dans une logique de coopration avec la direction des entreprises. Par ailleurs, il semble que les salaris tmoignent un attachement fort leur compagnie et acceptent, plus facilement quailleurs, une dgradation de leurs conditions de travail, contre la promesse dun emploi de long terme et dune progression de salaire en fonction de lanciennet.

    On peut toutefois sinterroger sur la prennit de ce consensus social, compte tenu de la dualit croissante du march du travail.

    De mme, les banquiers rencontrs au Japon se sont interrogs sur lvolution du modle japonais, estimant que limportance du consensus dans la prise de dcisions a fait prvaloir le statu quo sur les rformes structurelles.

  • - 31 -

    EXAMEN EN COMMISSION

    Runie le mercredi 18 mars 2009 sous la prsidence de M. Yann Gaillard, vice-prsident, la commission a entendu une communication de M. Philippe Marini, rapporteur gnral, sur la crise conomique et financire au Japon et ses consquences.

    Procdant laide dune vido-projection, M. Philippe Marini, rapporteur gnral, a indiqu que le dplacement effectu Tokyo du 15 au 19 fvrier 2009 sinscrivait dans le cadre des travaux de la mission commune dinformation sur la prise en charge de la dpendance et la cration du cinquime risque, mais quil avait galement t loccasion de mener des auditions spcifiques dans les domaines conomique et financier.

    Il a rappel que le Japon reste la deuxime conomie mondiale derrire les Etats-Unis, mme si la Chine le talonne dsormais. Il dispose galement des deuximes rserves de change au monde prs de 1000 milliards de dollars fin janvier 2009 aprs les rserves chinoises.

    Sa population avoisine les 128 millions dhabitants, mais la population active comme la population totale ont commenc dcrotre. Cette volution dmographique rsulte notamment dune faible natalit et dune immigration trs marginale. Si ces tendances se prolongent, la population japonaise pourrait tre ramene 100 millions dhabitants lhorizon 2050. Ces volutions se traduisent galement par un fort vieillissement dmographique qui pse particulirement sur les comptes sociaux.

    M. Philippe Marini, rapporteur gnral, a observ que la situation des finances publiques japonaises est trs dgrade. Selon le consensus des conomistes, le dficit public passerait de 25000 milliards de yens (environ 200 milliards deuros) en 2008 34000 milliards (environ 270 milliards deuros) en 2009. Il pourrait donc dpasser 8 % du produit intrieur brut (PIB). La dette publique brute du Japon, value 173 % du PIB en 2008, pourrait atteindre 181 % la fin de lexercice 2009.

    Dans ce contexte, laugmentation des prlvements obligatoires, tout particulirement de la taxe sur la consommation, demeure un sujet tabou, en particulier en priode pr-lectorale. M. Philippe Marini, rapporteur gnral, a toutefois relev que les membres de la majorit comme de lopposition reconnaissent, en priv, la ncessit de relever terme le niveau de certaines impositions, notamment pour faire face lvolution des dpenses sociales.

    Il a ensuite mis en vidence la dpendance de lconomie japonaise vis--vis du reste du monde. Celle-ci est de plus en plus intgre lconomie asiatique. La Chine reprsente, elle seule, 16 % des exportations du Japon. La part des Etats-Unis dans les exportations japonaises diminue mais demeure

  • - 32 -

    leve (17,5 %). En comparaison, lensemble de lEurope reprsente 14 % des exportations japonaises.

    Le Japon consacre des dpenses importantes la recherche-dveloppement (3,6 % du PIB, contre 2,6 % aux Etats-Unis et 2,1 % en France) et dispose dun atout technologique, puisquil est le premier pays au monde en nombre de brevets dposs. Il exporte ainsi trois fois plus de produits contenu technologique quil nen importe. Dans ces conditions, et alors quil est lui-mme assez ferm, le Japon craint par dessus tout le protectionnisme des autres Etats.

    M. Philippe Marini, rapporteur gnral, a not la forte instabilit ministrielle depuis la fin du gouvernement Koizumi (2001-2006) et la fragilit du gouvernement actuel, dirig par M. Taro Aso, alors que lopposition contrle dj la chambre haute. Des lections la chambre basse devraient avoir lieu dici au mois de septembre 2009, les tudes dopinion actuelles laissant entrevoir une victoire probable de lopposition. Il a toutefois relev labsence de clivage trs marqu entre la majorit et lopposition sur les questions conomiques.

    M. Philippe Marini, rapporteur gnral, a ensuite observ que le Japon, qui avait d prendre des mesures drastiques pour faire face une grave crise immobilire et bancaire dans les annes 1990, avait dabord eu le sentiment dtre pargn par la crise des subprimes. Les banques japonaises avaient t assez peu exposes aux produits toxiques, du fait dune gestion prudente du risque et dune rgulation troite des marchs financiers par la Financial Services Agency (FSA). Ainsi le Japon avait tendance, au dpart, donner des conseils au sein des instances internationales tirs de la manire dont il avait rgl sa propre crise durant les annes 1990.

    Ce pays est toutefois entr en rcession au troisime trimestre 2008, avec une brutalit qui a surpris. Les chiffres du quatrime trimestre 2008 sont trs ngatifs, puisquils font apparatre une contraction du PIB de plus de 12 % en rythme annualis. Le consensus des conomistes prvoit ainsi un recul du PIB japonais de 5,8 % en 2009 et une croissance de 0,9% en 2010.

    Cette volution rsulte en particulier dun effondrement des exportations, en raison du ralentissement conomique des principaux partenaires commerciaux du Japon. Entre janvier 2008 et janvier 2009, la production automobile sest galement contracte de 41 %. Dans ce contexte, le taux de chmage, qui stablissait environ 4 % en 2008, pourrait atteindre 5,1 % en 2009. Cette volution, qui touche dabord les employs dits non rguliers (contrats dure dtermine, travailleurs temps partiel, intrimaires), apparat cependant sous-value, les actifs les moins qualifis ayant, en effet, tendance se retirer deux-mmes du march du travail, tandis que la flexibilit du systme de rmunration des employs dits rguliers limite les suppressions demploi.

  • - 33 -

    M. Philippe Marini, rapporteur gnral, a observ que cette situation conomique est aggrave par la rcente remonte du yen par rapport leuro, particulirement nette depuis la mi-2008. Il a not que, selon certaines interprtations, le gouvernement japonais serait tent de noircir le tableau conomique, en annonant des perspectives plus sombres quelles ne le sont en ralit, et ce afin de faire baisser le yen. Par ailleurs, le Japon devrait continuer soutenir le dollar, ses rserves de change tant en quasi totalit constitues de bons du Trsor amricains.

    Sagissant de la situation des banques japonaises, il a relev quelles se trouvent confrontes deux risques majeurs : la baisse brutale du cours des actions, qui diminue leurs ratios de solvabilit, et la ncessit de provisionner pour couvrir dventuelles pertes du fait de la rcession conomique qui augmente leur taux de crances douteuses. Ceci se traduit par un resserrement du crdit qui pnalise les entreprises, en particulier les petites et moyennes entreprises (PME). Les banquiers rencontrs Tokyo ont en revanche estim que les grands groupes ont encore la possibilit de se financer sans faire appel aux banques, en raison de la trsorerie accumule ces dernires annes et du rle des grands conglomrats.

    M. Philippe Marini, rapporteur gnral, a not que les banques japonaises devront donc trouver des solutions pour pallier ce manque de fonds propres. Il a galement relev les interrogations des autorits japonaises concernant les effets de la rgulation financire sur le cycle conomique, certaines personnes rencontres estimant quil faut, en cas de crise, envisager des ratios de solvabilit plus faibles.

    Il a ensuite dress un panorama des actions entreprises par la Banque du Japon. Celle-ci a progressivement ramen son taux directeur de 0,5 % 0,1 % la fin de lanne 2008, ce qui na eu quun impact limit sur lconomie. Ce moyen daction apparat ainsi dsormais neutralis.

    La Banque du Japon a donc t conduite mettre en uvre, titre temporaire, une srie de mesures destines rendre plus souples les oprations de refinancement des banques sur le march montaire et, indirectement, faciliter le financement des entreprises d'ici la fin de l'exercice fiscal en cours, priode pendant laquelle les besoins de trsorerie des entreprises augmentent.

    M. Philippe Marini, rapporteur gnral, a ensuite indiqu quun plan de relance a t prsent par le gouvernement japonais, pour un montant global de 75000 milliards de yens, soit environ 600 milliards deuros. Ces mesures sont financires pour lessentiel (84 %), les mesures budgtaires ne reprsentant que 16 % du total du plan. Dans ce contexte, le budget 2009 est le plus lev de l'histoire du Japon, avec des dpenses en hausse de 6,6% par rapport celles de l'exercice 2008-2009. Les dpenses slveraient ainsi 88550 milliards de yens au cours de cet exercice, soit prs de 710 milliards deuros. Dans le mme temps, les recettes diminueraient de presque 14 %,

  • - 34 -

    conduisant un dficit denviron 33300 milliards de yens (prs de 270 milliards deuros).

    Les mesures financires prsentes par le gouvernement japonais sont notamment constitues par des garanties de crdit aux PME, le rachat ventuel dactions dtenues par les banques et une possible injection de fonds publics dans le capital des banques rgionales.

    Les mesures budgtaires comprennent des mesures de soutien linvestissement des entreprises et des particuliers ; des crdits destination des collectivits locales pour la revitalisation du tissu conomique local et pour soutenir le secteur agricole ; des mesures de soutien la consommation, sous la forme de chques distribus aux mnages, ce qui a fait lobjet de controverses ; enfin, des dpenses en faveur de lemploi ainsi que du systme de protection sociale. Bien quelle ne soit pas pargne par la crise, lindustrie automobile ne bnficie pas de mesures de relance spcifiques, les mesures consacres lemploi, qui ont un impact positif sur ce secteur, tant considres comme suffisantes.

    M. Philippe Marini, rapporteur gnral, a indiqu que, face la dgradation de la situation conomique, le gouvernement japonais envisage un nouveau plan de relance dau moins 20000 milliards de yens (170 milliards deuros), qui serait cette fois intgralement financ par voie budgtaire. Il a not que le plan prcdent ntait cependant toujours pas dfinitivement adopt par le Parlement la mi-fvrier et que laction et la communication du gouvernement apparaissaient dsordonnes.

    Dans ce cadre, il a estim que la sortie de crise pour le Japon dpendra en priorit de lvolution de la demande intrieure chinoise et du rebond de lconomie amricaine. La situation dgrade des finances publiques et lvolution des dpenses sociales devraient conduire, terme, un relvement des prlvements obligatoires, notamment de la taxe sur la consommation, mme si le sujet reste encore tabou.

    M. Philippe Marini, rapporteur gnral, a observ que le Japon conserve cependant de rels atouts, du fait de ses capacits de recherche, mais galement du consensus social qui rgne dans les entreprises. Pour autant, certaines personnes rencontres lors de ce dplacement se sont interroges sur lvolution du modle incarn par ce pays, estimant que limportance du consensus dans la prise de dcision avait fait prvaloir, jusqu prsent, le statu quo sur les rformes structurelles.

    Mme Nicole Bricq a relev que la priode 2000-2008, conscutive la dbcle financire des annes 1990, na pas t marque par un rel dynamisme de lconomie japonaise, au point que Christine Lagarde, ministre de lconomie, de lindustrie et de lemploi, a pu parler de reprise en tle ondule pour dcrire le schma de sortie de crise qui a prvalu dans ce pays et qui pourrait bien caractriser la situation franaise lissue de la crise en cours. Elle a souhait obtenir des prcisions sur ce quaugure ce parallle pour les prochains mois et sur les leons en tirer.

  • - 35 -

    M. Philippe Marini, rapporteur gnral, a relev que la gestion japonaise de la crise des annes 1990 apparat comme un contre modle, les dcisions ayant t trop tardives. Il a not que le systme politique japonais parait assez bloqu et endogame , lancien Premier ministre Junichiro Koizumi, qui stait impos par son charisme et avait tent de mener des rformes librales, faisant figure dexception.

    M. Yann Gaillard, prsident, a relev la similitude des actions menes dans le cadre des plans de relance franais et japonais.

    M. Jean-Jacques Jgou a not que le systme bancaire japonais a t durement affect par la crise dans les annes 1990 et sest demand si cet pisode na pas laiss des traces qui expliquent lampleur de la crise actuelle. Il sest interrog sur le risque dilliquidit globale li lensemble des plans de relance et limportance de la dette publique, puis a estim que lvolution du taux de chmage au Japon ne traduit quune partie de la ralit.

    M. Philippe Marini, rapporteur gnral, a indiqu que les destructions demplois au Japon sont values par le gouvernement prs de 125000 entre octobre 2008 et mars 2009. La diminution des rmunrations, par le biais dun ajustement des bonus et dune rduction du nombre dheures supplmentaires, permet toutefois de lisser cette volution du chmage.

    Aprs avoir not limportance du taux dpargne des mnages japonais, il a indiqu que le Japon a t directement frapp par la crise conomique sans connatre ltape pralable de la crise financire ( la diffrence des pays occidentaux), ce qui illustre la grande rapidit de transmission des chocs conomiques dans le cadre dune conomie globale.

    M. Yann Gaillard, prsident, sest interrog sur la force des relations entre les Etats-Unis et le Japon et sur le lien entre le dollar et le yen.

    Soulignant la difficult des problmes auxquels se trouve confront le Japon, M. Franois Trucy a souhait obtenir des prcisions sur lvolution du climat social dans ce pays et sur le fonctionnement des systmes dassurance chmage et de scurit sociale.

    M. Philippe Marini, rapporteur gnral, a indiqu que le Japon dispose dun systme de scurit sociale trs protecteur, mais que des rformes ont t menes au dbut des annes 2000 pour faire face lvolution des dpenses : instauration ou majoration des tickets modrateurs pour lassurance maladie, augmentation de lge dligibilit la retraite, rduction de la dure maximale dindemnisation du chmage. La crise actuelle amne toutefois le gouvernement japonais proposer un assouplissement des conditions de perception des prestations chmage et une amlioration de la qualit des soins.

    M. Franois Marc a souhait connatre lapprciation du rapporteur gnral sur une ventuelle dvaluation comptitive du Japon, qui pourrait avoir des consquences ngatives sur les autres conomies. Il sest galement interrog sur le sens et les raisons de linertie fiscale qui empche les

  • - 36 -

    responsables japonais de prendre les mesures ncessaires pour relever le niveau des impts.

    M. Philippe Marini, rapporteur gnral, a indiqu que les ressources fiscales japonaises sont aujourdhui insuffisantes, de lavis unanime des responsables rencontrs, mais quaucun parti ne souhaite prendre le risque de relever certaines impositions, notamment la taxe sur la consommation, par crainte de limpopularit qui en dcoulerait. Il a estim que le systme politique japonais est aujourdhui assez fig.

    M. Jean-Claude Frcon a souhait obtenir des prcisions sur le mode de calcul du taux de chmage et sur la porte du nouveau plan de relance envisag par le gouvernement.

    M. Philippe Marini, rapporteur gnral, a indiqu que le premier plan annonc par le gouvernement est progressivement adopt par le Parlement et mis en uvre, mais que son impact psychologique parat limit. Il a estim prmatur de porter un jugement sur le nouveau plan envisag, en labsence dlments prcis.

    Sagissant du taux de chmage, outre les lments prcdemment mentionns concernant la rduction des rmunrations, il a indiqu que les femmes ont, par tradition, tendance se retirer du march du travail en priode de crise.

    M. Charles Gun a souhait obtenir des prcisions sur lvolution des exportations japonaises et sest demand si ce pays constitue un modle en ce domaine.

    M. Philippe Marini, rapporteur gnral, a indiqu que la crise actuelle marque lchec du gouvernement japonais face aux dlocalisations. La spcialisation sur les domaines technologiques na pas empch ce pays dtre frapp par la crise. Au contraire, il a estim que le Japon est plus vulnrable que la France aux risques de la globalisation, ce qui pourrait, terme, poser un problme de cohsion sociale.

    M. Adrien Gouteyron sest interrog sur la porte des initiatives gouvernementales japonaises en matire de soutien la consommation et sur la cohrence de sa communication. Il a galement demand des prcisions sur lvolution des contrats dont bnficient les salaris et sur le recours aux heures supplmentaires.

    M. Philippe Marini, rapporteur gnral, a estim que la communication du monde politique japonais est en dcalage par rapport aux techniques modernes. Lancien Premier ministre Junichiro Koizumi apparaissait cet gard comme une exception. Il a indiqu que la possibilit de distribuer des chques pour soutenir la consommation des mnages a fait lobjet de controverses.

  • - 37 -

    M. Jean-Pierre Fourcade a jug utile de pouvoir disposer, en vue du G20, dun tableau prsentant le produit intrieur brut de lensemble des pays concerns.

    La commission a donn acte au rapporteur gnral de sa communication et en a autoris la publication sous la forme dun rapport dinformation.

    SOMMAIREAVANT-PROPOSI. LE JAPON : UNE CONOMIE FORTEMENT TOUCHE PAR LACRISEA. UN PAYS QUI PRSENTE CERTAINES FAIBLESSESB. UNE CRISE CONOMIQUE BRUTALE, SANS CRISE FINANCIRE

    II. LES RPONSES APPORTES LA CRISE CONOMIQUE ETLES PERSPECTIVESA. DES MESURES ONT T PRISES PAR LA BANQUE DU JAPON ET LEGOUVERNEMENT POUR FAIRE FACE LA CRISEB. LE JAPON DEVRAIT SORTIR DE LA CRISE AVEC DES FINANCESPUBLIQUES TRS DGRADES MAIS CONSERVE CERTAINS ATOUTS

    EXAMEN EN COMMISSION