design crise

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design(s) et crise(s) / point d'étape 29 juillet 201, paru sur Design : crises / mutations / controverses. Laura Pandelle, designer pour l'innovation social et la recherche ethnographique. -volonté de légitimer l’action du design dans certaines situations de crise -Paul Ricoeur souligne lors d’une conférence à l’aula de l’Université de Neuchâtel qu’il s’agit d’un « déplacement de l’idée de crise du plan économique au plan des représentations d’un phénomène social et total» -On peut donc soupçonner que le lien entre la «crise» comme notion moderne, et le «design» comme discipline moderne, est à chercher du côté des modalités d’action du design, de son inscription dans son époque, voire de sa sensibilité aux événements qui lui sont contemporains – puisque ceux-ci sont potentiellement des signes et des symptômes qui se rapportent à la notion de Crise Moderne. -comment formule-t-on l’idée de crise sur un événement? -on peut se demander quelle résonance peut avoir l’énonciation de l’idée de crise sur un événement, sur le design contemporain de cet événement. -elle désigne alors un processus de rupture profonde et son onde de choc dans le temps. Soit un phénomène constitutif du développement de l’organisme-sujet, c’est à dire un processus de déséquilibrage-reéquilibrage. La crise témoigne alors de la dynamique interne de l’organisme (de sa capacité à évoluer). Ce qui nous intéresse là dedans, c’est de voir que la crise désigne l’accomplissement d’une transformation dans un système, plus que la transformation en soi. -Pour Ricoeur, les deux notions clés pour une théorie de la crise sont l’autonomie du processus (un accident, un fait disruptif, non prévisible mais non- évitable, qui peut être ressenti comme une fatalité) et sa périodicité. C’est à dire que la crise évoque une pensée d’un système faillible, et les facteurs (plus ou moins récurrents) de sa faillibilité. ---> faille = on veut bien faire en priant, mais on ne sait même plus vraiment pour quoi on prie. détachement émotionnel -la crise s’accompagne d’un imaginaire très fort. -Dès lors ce qu’on appelle «imaginaire de crise» peut être aussi considéré comme une crise de l’imaginaire, devant l’incapacité de la société à se projeter dans une marche équilibrée vers l’avenir. Jacqueline Barrus-Michel évoque dans une édition des Cahiers de psychologie politique [n°14] que la crise sur le plan historique se caractérise par le refoulement d’une réalité en contradiction avec l’imaginaire mis en place (par un système culturel, politique, idéologique…) puis, au moment du paroxysme, par une défaillance brutale de la symbolisation (c’est à dire que rien n’a plus de sens -C’est cette rupture entre l’ouverture sur l’avenir et le terrain d’opération du changement (en somme une rupture entre le temps et l’espace de l’action) qui aboutit à un engorgement, (une impasse) dans la représentation du changement -L’imaginaire de crise est donc à la fois le lieu d’amplificati on fantasmatoire du malaise et le lieu où se ré-enclenche l’action. -c’est l’idée que la crise provoque et légitime l’action -Edgar Morin dit ailleurs qu’en situation normale «la prédominance de déterminismes et de régularités ne permet l’action que dans des marges très étroites (…). Par contre la crise crée des conditions nouvelles pour l ’action. (…) Elle crée des conditions favorables au déploiement de stratégies inventives et audacieuses» -Dans le contexte de sortie de crise économique actuel, c’est une idée qui fonctionne. On peut se demander si les si tuations de crises ne sont pas favorables à des disciplines, qui sont dans une certaine mesure capables de se réinventer et de se re-positionner selon la donne socio-économique de leur temps. -Le design rendrait-il l’action possible? Serait-il réellement un réactivateur/solutionneur,… ou au contraire une discipline caméléon/marionette, rassurante plus qu’effective? -la transdisciplinarité du design, qui le met en position de reconnecteur, de médiateur -Le design n’est pas, à première vue, un domaine qu’on associe à une société ou un monde en crise. Le design veut oeuvrer dans le sens du bonheur général. Il travaille à (ré)enchanter notre rapport aux choses (objets, espaces, information, services…) – et ainsi peut être cantonné à la sphère de l’agréable et du pratique, et finalement à un incurable optimisme, ou à une compréhension superficielle des choses. - "fait en effet croire à une possible réconciliation entre aspirations individualistes et production d e masse » ] Jocelyne Leboeuf, De l’histoire de l’art à l’histoire du design industriel , Les ateliers de la recherche en design, 22 et 23 mai 2007, P.114-122. -vision du design comme une interprétation formelle et stylistique des problématiques de son temps, à travers la subjectivité éclairée de quelques individus. -En ce sens, le design n’a rien à voir avec les périodes de malaise profond que peuvent représenter les crises. On pourrait même imaginer qu’il est complètement étranger à cette notion. En tant qu’il transpose la Beauté dans un environnement matériel accessible au plus grand nombre, n’opère-t-il pas comme un adoucissant (ou un anesthésiant!) du quotidien, face à des conditions (sociales, économiques, politiques…) moins heureuses? --->selon la vision du design "s’adresse surtout au grand public ,et décrit l e design comme une discipline qui effectue l a synthèse créative des styles et des aspirations d’une époque, une discipline qui fait émerger des emblèmes, des objets pour la mémoire" -facteurs qui bouleversent l’ordre esthétique en même temps que l’ordre social. Le design est donc inextricablement liée à l’ idée d’une demande sociale qu’il faut satisfaire et pour ce faire qu’il faut constamment reformuler et requestionner -Il y a donc dans l ’ADN du design une très forte «adhérence» aux problématiques sociales de son temps. Le design est en position de donner à la société ‘ce qu’elle veut’. -on pourrait penser que le design est une discipline de l’ ajustement et du compromis, capable de jongler avec les contradictions des demandes et des moyens, et à travers quelques tours de passe-passe, de vous persuader qu’elle a exactement ce qu’il vous faut -nous parlons maintenant d’une discipline responsable -un nouveau rôle: après le design qui vous met le bonheur à disposition, le design qui vous garde des malheurs du monde en les prenant à son compte. -«Il était autrefois tacitement admis, nous dit Vilèm Flusser, que la responsabilité morale liée à un produit incombait à son utilisateur – si quelqu’un utilisait un couteau pour poignarder son prochain, il devait en porteur seul la responsabilité, et non pas le designer du couteau» -Désormais, il y a plusieurs gardiens et garants de la moralité des objets: les usagers et les designers. Lorsque les usagers deviennent consommateurs et les designers des créateurs, la responsabilité bascule du côté du design -le design comme une fonction sociale de pri se en charge de l’éthique

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  • design(s) et crise(s) / point d'tape

    29 juillet 201, paru sur Design : crises / mutations / controverses.Laura Pandelle, designer pour l'innovation social et la recherche ethnographique.

    -volont de lgitimer laction du design dans certaines situations de crise-Paul Ricoeur souligne lors dune confrence laula de lUniversit de Neuchtel quil sagit dun dplacement de lide de crise du plan conomique au plan des reprsentations dun phnomne social et total-On peut donc souponner que le lien entre la crise comme notion moderne, et le design comme discipline moderne, est chercher du ct des modalits daction du design, de son inscription dans son poque, voire de sa sensibilit aux vnements qui lui sont contemporains puisque ceux-ci sont potentiellement des signes et des symptmes qui se rapportent la notion de Crise Moderne.-comment formule-t-on lide de crise sur un vnement?-on peut se demander quelle rsonance peut avoir lnonciation de lide de crise sur un vnement, sur le design contemporain de cet vnement.-elle dsigne alors un processus de rupture profonde et son onde de choc dans le temps. Soit un phnomne constitutif du dveloppement de lorganisme-sujet, cest dire un processus de dsquilibrage-requilibrage. La crise tmoigne alors de la dynamique interne de lorganisme (de sa capacit voluer).Ce qui nous intresse l dedans, cest de voir que la crise dsigne laccomplissement dune transformation dans un systme, plus que la transformation en soi.-Pour Ricoeur, les deux notions cls pour une thorie de la crise sont lautonomie du processus (un accident, un fait disruptif, non prvisible mais non-vitable, qui peut tre ressenti comme une fatalit) et sa priodicit. Cest dire que la crise voque une pense dun systme faillible, et les facteurs (plus ou moins rcurrents) de sa faillibilit. ---> faille = on veut bien faire en priant, mais on ne sait mme plus vraiment pour quoi on prie. dtachement motionnel-la crise saccompagne dun imaginaire trs fort.-Ds lors ce quon appelle imaginaire de crise peut tre aussi considr comme une crise de limaginaire, devant lincapacit de la socit se projeter dans une marche quilibre vers lavenir. Jacqueline Barrus-Michel voque dans une dition des Cahiers de psychologie politique [n14] que la crise sur le plan historique se caractrise par le refoulement dune ralit en contradiction avec limaginaire mis en place (par un systme culturel, politique, idologique) puis, au moment du paroxysme, par une dfaillance brutale de la symbolisation (cest dire que rien na plus de sens-Cest cette rupture entre louverture sur lavenir et le terrain dopration du changement (en somme une rupture entre le temps et lespace de laction) qui aboutit un engorgement, (une impasse) dans la reprsentation du changement-Limaginaire de crise est donc la fois le lieu damplification fantasmatoire du malaise et le lieu o se r-enclenche laction.-cest lide que la crise provoque et lgitime laction-Edgar Morin dit ailleurs quen situation normale la prdominance de dterminismes et de rgularits ne permet laction que dans des marges trs troites (). Par contre la crise cre des conditions nouvelles pour laction. () Elle cre des conditions favorables au dploiement de stratgies inventives et audacieuses-Dans le contexte de sortie de crise conomique actuel, cest une ide qui fonctionne. On peut se demander si les situations de crises ne sont pas favorables des disciplines, qui sont dans une certaine mesure capables de se rinventer et de se re-positionner selon la donne socio-conomique de leur temps.-Le design rendrait-il laction possible? Serait-il rellement un ractivateur/solutionneur, ou au contraire une discipline camlon/marionette, rassurante plus queffective?-la transdisciplinarit du design, qui le met en position de reconnecteur, de mdiateur-Le design nest pas, premire vue, un domaine quon associe une socit ou un monde en crise. Le design veut oeuvrer dans le sens du bonheur gnral. Il travaille (r)enchanter notre rapport aux choses (objets, espaces, information, services) et ainsi peut tre cantonn la sphre de lagrable et du pratique, et finalement un incurable optimisme, ou une comprhension superficielle des choses.- "fait en effet croire une possible rconciliation entre aspirations individualistes et production de masse ] Jocelyne Leboeuf, De lhistoire de lart lhistoire du design industriel, Les ateliers de la recherche en design, 22 et 23 mai 2007, P.114-122.-vision du design comme une interprtation formelle et stylistique des problmatiques de son temps, travers la subjectivit claire de quelques individus.-En ce sens, le design na rien voir avec les priodes de malaise profond que peuvent reprsenter les crises. On pourrait mme imaginer quil est compltement tranger cette notion. En tant quil transpose la Beaut dans un environnement matriel accessible au plus grand nombre, nopre-t-il pas comme un adoucissant (ou un anesthsiant!) du quotidien, face des conditions (sociales, conomiques, politiques) moins heureuses? --->selon la vision du design "sadresse surtout au grand public ,et dcrit le design comme une discipline qui effectue la synthse crative des styles et des aspirations dune poque, une discipline qui fait merger des emblmes, des objets pour la mmoire" -facteurs qui bouleversent lordre esthtique en mme temps que lordre social. Le design est donc inextricablement lie lide dune demande sociale quil faut satisfaire et pour ce faire quil faut constamment reformuler et requestionner-Il y a donc dans lADN du design une trs forte adhrence aux problmatiques sociales de son temps. Le design est en position de donner la socit ce quelle veut.-on pourrait penser que le design est une discipline de lajustement et du compromis, capable de jongler avec les contradictions des demandes et des moyens, et travers quelques tours de passe-passe, de vous persuader quelle a exactement ce quil vous faut-nous parlons maintenant dune discipline responsable-un nouveau rle: aprs le design qui vous met le bonheur disposition, le design qui vous garde des malheurs du monde en les prenant son compte.-Il tait autrefois tacitement admis, nous dit Vilm Flusser, que la responsabilit morale lie un produit incombait son utilisateur si quelquun utilisait un couteau pour poignarder son prochain, il devait en porteur seul la responsabilit, et non pas le designer du couteau-Dsormais, il y a plusieurs gardiens et garants de la moralit des objets: les usagers et les designers. Lorsque les usagers deviennent consommateurs et les designers des crateurs, la responsabilit bascule du ct du design-le design comme une fonction sociale de prise en charge de lthique

  • Prayer Companion

    Interaction Research Studio (est. 2000) Goldsmiths (UK, est. 1891) University of London (UK, est. 1836)

    2010

    Photopolymer resin, dot-matrix display, and printed circuit board

    Developed for the nine Poor Clare Sisters who live at a monastery in York, UK, the Prayer Companion is a communication device with a very explicit purpose: it alerts the nuns to issues that need their prayers. The nuns, whose everyday lives have changed little since medieval times, have taken vows of enclosure, and their only connection to the outside world is through occasional access to Catholic newspapers, mail, and limited use of the telephone and computer. Designed to be understated and unobtrusive, the Prayer Companion subtly scrolls a ticker tape of issues across its top; its small screen can only be viewed from above and close-up, thus minimizing its distracting potential. The device was designed specifically for the nuns and is the only one of its kind. Goldie, as the nuns call it, sits on a table in a hallway that they often pass through, scrolling news as well as the feelings of anonymous strangers whose blog entries are aggregated by the website We Feel Fine. The nuns have told Bill Gaver, of the Interaction Research Studio, that it has been valuable in keeping [our] prayers pertinent.