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1 COURS DE SOCIOLOGIE De M. Le Guirriec (2003-2004) Stéphanie Du 29 septembre 03 Plan des cours I- Définition de la sociologie 1°/ par rapport à la biologie 2°/ limite de la sociologie (action, décision) II- La sociologie du fait social Auguste Comte Emile Durkheim « Les règles de la méthode sociologique » Karl Marx Lévi-Strauss « Race et histoire » III- La sociologie de l’action sociale 1°/ L’individualisme méthodologique Max Weber (1864-1920) « Le savant et la politique » 2°/ la neutralité actiologique IV- Les idéaux types 1°/ les trois formes de domination -charismatique -rationalité légale -traditionnelle 2°/ les quatre formes d’action -rationnelle en valeurs -rationnelle en finalité

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COURS DE SOCIOLOGIE

De M. Le Guirriec (2003-2004) Stéphanie

Du 29 septembre 03 Plan des cours

I- Définition de la sociologie 1°/ par rapport à la biologie 2°/ limite de la sociologie (action, décision)

II- La sociologie du fait social Auguste Comte Emile Durkheim « Les règles de la méthode sociologique » Karl Marx Lévi-Strauss « Race et histoire »

III- La sociologie de l’action sociale 1°/ L’individualisme méthodologique

Max Weber (1864-1920) « Le savant et la politique » 2°/ la neutralité actiologique

IV- Les idéaux types 1°/ les trois formes de domination

-charismatique -rationalité légale -traditionnelle

2°/ les quatre formes d’action -rationnelle en valeurs -rationnelle en finalité

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-traditionnelle -affectuelle

V- Les héritages, les renouvellements de perspective

La stratification et la hiérarchie sociale

-société de classe -société d’ordre

VI- Conclusion

Enseignement, distinction de la sociologie explicative

Bibliographie R. ARON, « Les étapes de la pensée sociologique », Paris, TEL R.BOUDON, « Traité de la sociologie », Paris, PUF, 1992, p. 21 à 44 P.BOURDIEU, « La distinction », Paris, Ed. de Minuit, chapitre 3 E.DURKHEIM, « Les règles de la méthode sociologique J.FREUND, « Sociologie de Max Weber », Paris, PUF, 1989

Dates des auteurs H.L. Morgan F. Engels ( 1820 – 1895 ) K. Marx ( 1818 – 1883 ) C. Lévi Strauss ( 1908 ) E. Durkheim ( 1858 – 1917 ) A. Comte ( 1798 – 1857 ) M. Weber ( 1864 – 1920 ) P. Bourdieu ( 1930 – 2001 ) A. de Tocqueville ( 1805 – 1859 ) Dubet R. Boudon ( 1934 ) A. Touraine ( 1925 ) Mandras

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I- Définition de la sociologie Sociologie = projet d’analyse objective des faits sociaux, c’est une discipline qui se développe auprès de mutations des idées, d’une vision du monde, d’une institution. La sociologie, la psychologie sociale et l’ethnologie sont des sciences sociales en général. Il n’existe pas de différence fondamentale entre la problématique et l’objet étudié par ces trois disciplines. Ethnologie : Appel aux voyages, étude des populations étrangères pour les comprendre en les observant. Psychologie sociale : Méthode d’enquête (communication verbale entre l’enquêteur et l’enquêté), expérimentation en laboratoire sur des petits groupes. Sociologie : Etude de champs de domaines variés de la diversité sociale, se spécialise dans un champ particulier (famille, sexe, …) Le sociologue ne traite pas de problèmes nouveaux, mais de la condition humaine, de la vie des cités (depuis Platon) : -science positive et cumulative des faits sociaux selon le sociologue -le sociologue s’oppose aux préoccupations normatives moralistes (Platon contre Aristote) Platon : pour lui se sont les valeurs et l’idéal de l’homme, il imagine la cité qui devrait voir l’homme réaliser cet idéal. Aristote : il étudie la constitution des différentes cités du monde et en fait une typologie (il comprend l’esprit profond, comment, pourquoi, dans quel but…), c’est une demande intellectuelle contrairement à Platon. Il conclut sur le fonctionnement des différentes cités. Au XVIIIème il y a une reprise de cette perspective empirique, il y a une observation des faits et non un départ des idéaux propres. Montesquieu : Comment une civilisation grandit, arrive à son apogée et meurt ? il cherche à comprendre leur esprit. « L’esprit des lois », il veut donner un sens à l’organisation de la société :

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Ex. en France : c’est un pays très centralisé, où il y a deux institutions pour diffuser les valeurs, une idéologie parisienne qui sont l’école laïque et obligatoire et le service militaire. Ex. en Allemagne : c’est un pays avec plusieurs Etats qui ont tous leur culture, leurs normes, leur centre de pouvoir, leur institution, il n’y a pas véritablement un sens de l’Etat (droit du sang). Karl Marx est le premier sociologue au sens moderne du terme au XIXème. Il prétend tirer des lois générales, de prévoir l’avenir de cette humanité donc il devient prophète. Sa théorie de la lutte des classes devient une doctrine. Alexis de Tocqueville est pour une rigueur méthodologique dans son étude de la démocratie américaine en 1830 et pour l’ancien régime français. Pour lui le fonctionnement local de la société = régulation = esprit profond de la société américaine. F. Le Play s’intéresse à la famille, il est proche de nous par des études concrètes de la réalité à travers le monde. Il s’appuie sur sa source de connaissances sur l’organisation mais ne tire pas de théorie, juste une conclusion (confirmation) de sa doctrine du monde et religieuse. Pour lui :

Famille souche (un couple fondateur, leurs enfants et un seul enfant marié car on peut isoler facilement, pas d’interférence entre les rôles) > famille patriarcale (homme, ses enfants mariés, ses petits enfants …, il n’y a pas d’individualisation, le patriarche décide pour tous) > famille conjugale (couple et ses enfants)

Il fait preuve de moralisme car alors qu’il doit conduire à une élaboration théorique qui permet de comprendre, voir même de prévoir, il y a une observation qui renforce ou contredit notre jugement donc qui renforce les idées préconçues, notre propre doctrine.

Il y a des théories initiales auxquelles se raccrocher pour commencer une recherche. La sociologie est une science cumulative, et les sociologues modernes sont plus ambitieux que les penseurs du XIXème. Ceux qui réfléchissaient sur les problèmes sociaux avaient lu ceux d’avant, généralement pour les rejeter et repartir du début. Le sociologue n’a pas la prétention de repenser la totalité d’un problème, il veut regarder les faits et en tirer des schémas d’analyse et d’interprétation et il commence à examiner les conclusions de ses devanciers, il cherche à partir de là à les utiliser, quitte à les critiquer (à les discuter) et il cherche à les perfectionner.

Aujourd’hui il raisonne par rapport aux modèles, qui permet d’éviter les pièges. La sociologie et l’action est un outil conceptuel. La société qui valorise l’efficacité (moins en France et en Allemagne qu’en Grande Bretagne et Amérique). Le savoir désintéressé n’est pas suffisant pour l’existence d’une science. Le sociologue doit être utile et résoudre des problèmes. Il y a une demande de techniques et de recettes pour augmenter l’efficacité mais on ne peut pas prévoir l’évolution future ni des moyens pour agir sur celle-ci. Il y a quelques techniques sociologiques qui sont efficaces comme la description satisfaisante de phénomènes restreints et limités.

Ex. l’étude d’opinion publique qui donne une bonne photographie de l’opinion publique. Mais il y a des limites car on ne peut pas prévoir la pensée future vue la multitude d’évènements imprévisibles. « Toutes choses égales par ailleurs », ce n’est pas exact.

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Quels moyens d’intervention sont utilisables peut être dits à partir de ses recherches (au mieux) ?

Ex. entre les deux guerres mondiales, l’Etat ne s’occupe pas trop des logements, l’industrialisation est intense et donc il y a une multiplication de l’auto construction (apparition de bidonvilles, dispersion des habitats sur les terres agricoles). En 1934, la Charte d’Athènes, Le Corbusier (architecture) est basé sur une société paysanne (sa maison et ses terres) et donc une idéologie individualiste. Il y a une économie de place, de surface et plus de rapports sociaux pour faire une société plus moderne (ZUP).

Dans les années 60 il y a le boom du logement collectif, il y a des disfonctionnements qui ont dénoncé des rapports conflictuels (comme l’immigration), pas de prévision de cela, on ne peut pas en prévoir l’évolution car ce sont des facteurs imprévisibles.

La sociologie du fait social I- La genèse

A- La mise en place des institutions B- Un modèle de lien social : le contrat C- L’irréductibilité du social

II- La sociologie du fait social

A- La loi d’évolution de l’humanité, A. Comte B- E. Durkheim

- l’objet de la sociologie : le fait social - considérer les faits sociaux comme des choses - la définition préalable des faits sociaux - la méthode comparative - expliquer le social par le social

I- La genèse

A- La mise en place des institutions

Pendant plusieurs siècles, seule l’Eglise est reconnue dans la gestion des populations

mais peu à peu elle est substituée à l’Etat. Deux processus de longue durée vont se développer :

*à la fin du moyen-âge, l’Eglise et l’Etat centralisent et administrent, la volonté politique est marquée par un recueil des informations qui créent des rivalités et avant la Révolution Française on peut trouver les premiers grands recensements. Il y a la création d’une rivalité entre les deux car l’Eglise prétend que « seule Dieu a le droit de compter ses brebis » mais l’Etat qui à d’autres logiques, notamment le besoin de financer les guerres et la réalisation prestigieuse va multiplier les enquêtes pour connaître ses richesses et son potentiel. Les transformations économiques et sociales augmentent les relations marchandes qui se développent sous le contrôle des bourgeoisies urbaines, ce qui transforme les liens sociaux car aux liens personnels (supérieurs ou inférieurs) qui caractérisaient le lien entre le seigneur et ses vassaux vont se multiplier les accords commerciaux entre les personnes nominalement égales. Il y a une disparition progressive de l’aristocratie au profit d’une organisation plus

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bourgeoise. Il y a une remise en cause des valeurs tandis que se trouve légitimé le pouvoir des classes bourgeoises assises sur la propriété, sur la richesse. A partir de là, toutes relations entre les hommes changent.

B- Un modèle de lien social : le contrat Quelle est la nature du lien qui existe entre les hommes au sein d’un espace ? *la notion de contrat va être développée au XVII et XVIIIème siècles. La théorie du lien social fondé entre autre par T.Hobbes « Le Léviathan » (fin du XVI, début XVII) qui va s’appuyer sur la manière dont l’économique va être fondateur de ce lien et Rousseau « Du contrat social » (début XVIII) mais il a une orientation contraire. L’homme est un loup pour l’homme selon Hobbes et c’est cette agressivité naturelle qui justifie l’existence de la loi et au-delà, on trouve l’Etat. Par la soumission au chef de l’Etat, l’homme créé la société civile c’est à dire stable et pacifique. Pour Hobbes le lien social vient du fait que si on laissait l’homme a ses instincts, il serait agressif, d’où les lois qui créent la société en tant que telle. Pour Rousseau, c’est l’inverse. L’Etat de nature se caractérise par la bonté humaine et s’oppose aux injustices de la société politique mais conserve l’idée de contrat mais déplacé par rapport à Hobbes, Rousseau veut savoir si on peut construire une politique en conservant l’Etat de nature et la bonté humaine. Comment créer une société politique issue de l’accord des volontés individuelles et incarnant l’intérêt général ? Il faut des règles pour donner de la cohérence entre les individus. La solution de Rousseau est qu’il ne peut y avoir de société libre que si chacun accepte et intériorise le contrat qui le lie aux autres sinon une partie de la population imposera sa loi.

C- L’irréductibilité du social La notion du contrat voit très vite des limites car le lien social serait créé dans des finalités bien identifiées (but économique pour Hobbes et humaniste pour Rousseau), la dimension utilitariste est vite contestée par Hobbes d’abord. C’est Montesquieu qui dit que le lien social n’est pas réductible à chaque individu mais phénome en lui-même. Pour Montesquieu (fin XVII, début XVIII) les sociétés sont soumises à des déterminismes qui échappent à la conscience des individus. Ils ne sont pas conscients donc on ne peut pas orienter ses comportements. Montesquieu propose sous la forme d’un postulat que : la vie en groupe est irréductible aux seuls projets individuels. La société est autre chose qu’une somme d’individu. Qu’est ce que la société ?

II- La sociologie du fait social

A- La loi d’évolution de l’humanité : A. Comte Le premier courant est celui de la sociologie du fait social.

La sociologie comme discipline va devoir définir son champ d’investigation et ses objets d’étude en prenant modèle sur la science de la nature et en s’opposant aux explications en terme de contrat.

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Comte, Durkheim, Marx vont développer l’orientation de la sociologie en s’orientant sur ces 3 propositions :

- le refus d’expliquer les faits sociaux en terme de motivation ou de projet individuel (rupture avec la théorie du contrat)

- adoption d’une méthode d’analyse holiste qui privilégie le tout (la groupe, la société) sur les parties

- recherche de lois susceptibles d’éclairer la nature de l’évolution des sociétés

Le premier à mettre en œuvre ce projet est Comte « La loi de l’évolution de

l’humanité » pour lui la sociologie se définit à la vraie science de la nature humaine et il adopte un point de vu morphologique car il considère que la société peut être comparée au corps humain dans les inter-relations. Machine organisée = société = toute partie contribue à la marche de l’ensemble Pour Comte, les sociétés évoluent : état théologique, état métaphysique…

B- E. Durkheim

Durkheim défend lui aussi la définition de la sociologie du fait social, il poursuit l’étude de Comte mais son projet est plus ambitieux car il consiste à donner à la sociologie un objet d’étude plus spécifique : le fait social et son second projet est de fixer une méthode de recherche proche de la méthode expérimentale employée dans l’expérimentation de la nature : méthode comparative. Durkheim, « Les règles de la méthode sociologique »

a- L’objet de la sociologie : le fait social

Durkheim définit le fait social à partir de l’extériorité et la contrainte et définit le fait social comme toute manière de faire fixer ou non, susceptible d’exercer sur l’individu une contrainte extérieure. L’extériorité renvoie d’abord à une dimension temporelle dans la mesure où les faits sociaux s’inscrivent dans une temporalité plus longue que la vie humaine. Ils sont produits par l’ensemble des générations qui préexistent à la naissance de chacun d’entre nous et perdurent après notre mort. Ils constituent par conséquent un cadre extérieur que nous n’avons pas créé nous même et qui conditionne la plupart de nos comportements (ex manières de table…).

* La notion de temps explique cela. Certains faits sociaux comme les courants d’opinions (foule, assemblée…) sont plus éphémères, en effet ceux-ci disparaissent une fois la foule dissoute (ex du pavé dans une vitrine, …). Durkheim précise que si chaque membre du groupe participe bien par son action à l’élaboration des faits collectifs, la synthèse qui en résulte échappe en grande partie au contrôle de chacun des membres. Durkheim peut dire que la société existe en dehors de chacun des membres qui la constituent.

*La contrainte est le seconde caractéristique du fait social, l’être social est soumis. - Dans un premier sens (le plus fort), la contrainte fait référence à la

notion de sanction. Ainsi les faits moraux (règles morales) sont contraignants dans la mesure où ils consistent en des normes de conduite obligatoires dont le non-respect entraîne des sanctions de

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la part de la société, que ces sanctions soient diffuses (blâme…) ou organisées avec l’application de sanctions pénales par un tribunal.

- Dans un second sens, la contrainte s’identifie aux conditions réussites de l’action (ex une industrie qui ne baisse pas ses coûts de production risque la faillite, ou celui qui ne parle pas la langue du pays ou il vit risque l’exclusion…). Le non-respect de certaines règles et comportements risque l’échec de celui qui les refuse.

- La contrainte est aussi un ensemble de facteurs qui orientent le sens de nos actions et l’intensité des relations entre les populations sont par exemple largement déterminées par la nature et l’état des réseaux de communication.

- La quatrième contrainte réside dans les pressions exercées dans le groupe par chaque individu.

- La cinquième contrainte est que certaines normes de conduite, en particulier les règles morales, peuvent être intériorisées à travers ces processus de socialisation (inconscient car on le respecte sans s’en rendre compte).

b- Considérer les faits sociaux comme des choses

Durkheim dit que le fait social doit être considéré comme une chose, sur le modèle des

sciences de la nature, or elles sont des sciences des choses. Durkheim dit que le sociologue doit aborder l’étude des faits sociaux avec le même état d’esprit que le physicien ou le chimiste, qui abordent les faits de la nature, c’est à dire comme s’ils ne les connaissaient pas.

Le sociologue doit oublier l’expérience personnelle qu’il peut avoir de la vie sociale et regarder le fait social avec un œil neuf comme quelque chose qu’il ne connaît pas.

C’est difficile car il est lui-même un acteur de la vie social, impliqué dans une vie familiale, politique ou religieuse dans laquelle il peut s’investir avec passion et le sociologue devra donc construire les faits sociaux de telle manière qu’il puisse s’en distancier et pour cela doit choisir des instruments qui lui permettent de les observer de la manière la plus indépendante de leur manifestation individuelle. On peut étudier la morale à travers le droit (appareil législatif).

La définition préalable des faits sociaux débouche sur deux prescriptions classiques :

- l’une négative, qui écarte systématiquement les prénotions - l’autre positive qui définie les phénomènes étudiés

La prénotion = C’est un jugement tout fait que les individus portent sur la réalité sociale, manque de

la rigueur nécessaire au concept scientifique. Dans la pratique, le sociologue est bien obligé de partir des concepts du mot du sens commun. C’est un travail méthodologique pour obtenir une définition construite à partir de critères clairs et observables.

(L’ensemble des consanguins et alliés de consanguins sont définis sur deux générations ascendantes et descendantes et deux degrés de cette collatéralité). La définition de la famille est différente pour chacun.

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Durkheim utilise le concept scientifique pour lire la réalité (problèmes de succession, évènements géographiques, opposition politique…). Le sociologue est alors capable d’élaborer une définition construite. Ex. Le concept indigène ou concept opératoire = le crime qui ne peut être défini comme une atteinte à la vie mais à travers la peine que la société applique. En effet le seul dénominateur commun à tous les actes variés que les différentes sociétés qualifient de crime. Il y a deux avantages :

-permet d’appréhender le crime d’après un indicateur facilement observable : la peine (sanction)

-met sur le même plan la criminalité religieuse d’une société primitive et les criminalités des sociétés modernes Le crime d’honneur par exemple n’est pas reconnu comme tel partout.

• Qu’est ce que j’étudie ? Cette définition des faits sociaux a pour objet de démarrer une étude en délimitant le champ d’investigation. Pour entreprendre une recherche, il faut savoir ce que l’on cherche.

• La méthode comparative Le physicien ou le biologiste dans un laboratoire peut réaliser de véritables expériences et pour les mener a bien, il neutralise les différents facteurs et peut déterminer un impact de ceux-ci dans l’explication du phénomène étudié mais le sociologue ne peut pas faire pareil, il l’applique différemment mais cela est le seul moyen de comparer deux sociétés.

• Expliquer le social par le social Toutes les fois qu’un phénomène social est directement expliqué par un phénomène psychique, on peut assurer que l’explication est fausse.

c- Le suicide

1- La constitution du fait social Durkheim fait un double parie :

-montrer que ce phénomène privé, individuel, imprévisible pour l’entourage, est un fait social

-prouver qu’à partir d’une étude d’un phénomène bien spécifique, on peut tirer des conclusions sur l’état de santé morale d’une société ou d’un groupe. Durkheim n’étudie pas l’acte en tant que tel, mais il s’intéresse au taux de suicide dans les différentes régions européennes, culturellement homogènes. Il fait un double constat :

-les taux de suicide présentent une relative constance d’une année sur l’autre au sein d’une même société, à tel point qu’on peut prévoir les 2 ou 3 années qui suivent.

-il peut exister de très grandes variations du taux de suicide entre les différents pays et entre les catégories et groupes sociaux.

Si le suicide ne dépendait que de caractéristiques liées à la nature humaine, les taux de suicides devraient être à peu près identiques d’une société à une autre, à l’inverse, si les taux de suicides dépendaient des seules décisions des individus, ils devraient varier d’une manière importante d’une année sur l’autre.

Pour Durkheim, seule la particularité du milieu social propre à chaque société peut rendre compte à la fois de la constance des taux dans le temps et de leurs différences selon les types de sociétés. Le suicide est donc bien un fait social car il dépend du groupe auquel appartiennent les individus.

2- Les facteurs sociaux du suicide

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Deux facteurs semblent influencer le milieu des suicides : -le degré d’intégration des sociétés, il mesure l’intensité des liens et l’attachement des

individus à leur groupe sociaux. -le niveau de régulation à l’intérieur de ces sociétés, il fait référence à la force avec

laquelle la réglementation sociale impose ses limites, des règles, des bornes aux désirs des individus. Pour chacun de ces deux facteurs, on peut mettre en évidence deux déséquilibres :

-déséquilibre par l’excès -déséquilibre par le défaut

Ces formes altruistes qui se rencontrent à toute époque dans l’année. L’individu est tellement attaché au groupe, qu’il est prêt à se sacrifier pour sauver le groupe. L’excès de régulation peut former le suicide fatalistique que l’on ne rencontre guère que dans les sociétés, qui est dû au caractère trop contraignant de la norme qui ne permet pas de trouver un sens à la vie. Durkheim montre aussi que dans les sociétés industrialisées, le suicide s’explique par une progression de deux formes :

-le suicide égoïste : Il est lié à un défaut d’intégration des individus dans les groupes sociaux. En

comparant trois groupes religieux, les Protestants, les Catholiques, les Juifs, il s’aperçoit que le taux de suicide est plus grand chez les Protestants, puis chez les Catholiques et est plus petit chez les Juifs. On peut attribuer cette différence au fait que la religion protestante laisse une part plus importante au libre examen et à la pensée individuelle puisque la prédestination (bannit, ou élu à la naissance, le pardon n’existe pas chez les Protestants), il n’y a pas d’intégration.

L’intégration familiale montre que plus les liens familiaux sont étroits, plus les taux de suicides faibles. Par exemple les célibataires se suicident plus que les veufs mais moins que les hommes mariés.

L’intégration à l’Etat se fait surtout sentir en temps de guerre, ce qui stimule les sentiments collectifs donc ces évènements entraînent la baisse des suicides.

-le suicide anomique : L’individu se suicide car ses désirs ne rencontrent plus de limites. Il y a deux formes

d’anomies : aiguë et chronique Dans le domaine économique par exemple, l’anomie aiguë survient avec des crises

économiques qui entraînent une rupture de l’équilibre ancien. En cas de dépression certaines catégories de populations se trouvent déclassées donc se suicident. A l’inverse, en cas de prospérité certaines catégories sont propulsées à des niveaux supérieurs à leur niveau antérieur, et leurs inspirations vont augmenter plus vite que les moyens de les satisfaire donc se suicident. Mais dans l’un ou l’autre des cas les classements antérieurs sont brouillés, on ne sait plus ce qui est juste et injuste, c’est à dire qu’il y a une perte des repères qui fait perdre le sens de la vie.

Dans le contexte familial : aiguë = situation de veuvage, chronique = augmentation du nombre de divorces.

Tandis que le suicide anomique touche surtout le commerce et les activités indépendantes, à l’inverse, le suicide égoïste concernent surtout les sociétés intellectuelles.

Durkheim va aussi comparer les mariés avec ou sans enfants. Plus la famille est constituée, plus le suicide baisse. Il constate qu’une femme mariée avec des enfants est « protégée » contre le suicide alors que les femmes mariées sans enfants se suicident plus que les célibataires.

3- Conclusions méthodologiques Il y a trois renseignements méthodologiques fondamentaux :

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-il faut fonder l’objectivité de la sociologie, en effet deux personnes ayant des visions différentes mais utilisant des méthodes identiques doivent aboutir aux mêmes résultats pour Durkheim. (problématique – collecte des faits – analyse des faits – interprétation). Mais ce n’est pas le cas, cela n’est jamais atteint. Une interprétation est bonne tant qu’on n’a pas démontré qu’elle est fausse.

-rechercher les relations entre les variables à l’intérieur d’une même société ex. résultat scolaire / niveau social / instruction des parents consommation / âge / milieu social / sexe / lieu d’habitation C’est construire un modèle cohérent, système de schéma. La corrélation entre ces variables peut constituer un système = comprendre un phénomène. -confronter les lois générales avec le maximum de données (chercher à vérifier, confirmer les conclusions).

Le projet scientifique de Marx rejoint celui de Comte et Durkheim dans la mesure où il affirme que le sens des structures sociales n’est pas déchiffrable des discours des acteurs sociaux et n’est pas transparent à la conscience.

Marx (1818-1883) est un philosophe qui est arrivé à l’économie politique mais il est resté surtout philosophe. Il est influencé par 3 théories : -Hegel, philosophe allemand -Ecole de la situation anglaise (fin du XIXème) -histoire française

Le projet de Marx est de comprendre le capitalisme et les différentes étapes de l’évolution de la société humaine. Il commence par l’essentiel « Contribution à la critique de l’économie politique », 1869.

Pour Marx le conflit capitaliste-prolétariat fait la majorité des sociétés modernes et d’une certaine manière toute l’œuvre de Marx est un effort pour montrer que ce caractère antagoniste est inséparable de la structure fondamentale du régime capitaliste et en même temps le ressort du mouvement historique.

L’histoire de toute société jusqu’à nos jours est l’histoire de la lutte des classes, les hommes libres et les esclaves, praticiens et plébéiens, oppresseurs et opprimés, se sont trouvés en constante opposition tout au long de l’histoire. L’histoire humaine pour Marx est caractérisée par la lutte de groupes humains qui ont la double caractéristique de comporter l’antagonisme des oppresseurs et des opprimés et de tendre en deux blocs seulement (pas de catégories intermédiaires).

La société capitaliste pour Marx est caractérisée par deux formes de contradictions : -entre forces (ensemble des technologies, moyens, savoirs des moyens de production)et rapports de production (relations de propriété, partage révolutionnel du travail)

En effet la bourgeoisie créée sans cesse des forces de production puissantes mais les rapports de production ne se transforment pas au même rythme. Il y a de plus en plus de richesses créées mais la distribution de ces richesses n’est pas équitable.

Contradiction : la production de richesse et misère croissante du plus grand nombre dont il résultera un jour une crise révolutionnaire. En effet, plus il y a de richesses, plus il y a de pauvres. Le prolétariat représente l’immense majorité de la population, se constituera en classe aspirant à son tour à la prise du pouvoir, et cette évolution aboutira à la suppression simultanée du capitalisme et des classes sociales. Le pouvoir public perdra donc son caractère politique car ce dernier est le pouvoir organisé d’une classe (dominante) à l’oppression d’une autre (prolétariat). C’est donc la fin de l’Etat et l’ancienne société bourgeoise fait place à une association où le libre épanouissement et la condition de le libre épanouissement de tous.

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Pour Marx, l’Etat est un phénomène secondaire par rapport aux phénomènes économiques et sociaux (essentiels). Pour lui, l’Etat n’est que le sous produit des conflits sociaux.

45 ans à s’interroger sur le rôle de l’Etat, aujourd’hui, il n’y a plus à s’interroger. Pour Marx, les hommes entrent dans les relations déterminées qui sont indépendantes de leur volonté car ces rapports ne dépendent pas de leur façon de penser mais des formes et les rapports de production. Dans toute société, on peut distinguer la base économique qu’il appelle l’infrastructure et la superstructure.

L’infrastructure est constituée surtout par les formes et les rapports de production (toute dimension économique de la société) : substrat de la société : l’économie et la superstructure : ce qui naît de ce substrat : institution juridique et politique en même temps que les façons de penser et les idéologies.

Pour Marx le ressort du niveau historique est la contradiction entre les forces et les rapports de production. En effet c’est dans la contradiction entre les deux termes que s’insère ma lutte des classes, le prolétariat remet en cause sans cesse lorsqu’il est suffisamment massif, les rapports de production : par conséquent, cette dialectique entre force et rapports de production suggère une théorie des révolutions. Pour Marx ces révolutions ne sont pas des accidents politiques mais l’expression d’une nécessité historique. En effet se sont des révolutions qui favorisent la transformation des rapports de production mais se sont aussi des révolutions qui favorisent la transformation des forces de production.

Marx oppose aux causes la réalité sociale pour lui ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine la réalité, c’est au contraire la réalité qui détermine la conscience. Nicot Poulantzas

Marx distingue les étapes de l’histoire humaine d’après les régimes économiques, il y en a 4 types : -asiatique (ensemble du peuple est soumis à l’Etat) -antique (esclavage) -féodal (servage) -bourgeois (salariat)

Pour Marx les sociétés humaines évoluent mais dans ces quatre cas, il voit quatre modes distincts d’exploitation de l’homme et à chaque fois, quelque soit le régime économique on a deux groupes (vision dualiste de la société). L’évolutionnisme Cf. cours d’anthropologie

La division du travail entre agriculture et artisanat engendre une classe qui ne s’occupe plus de la production mais seulement de la vente des produits : des marchands qui s’irisent en intermédiaires indispensables entre artisans et agriculteurs qu’ils exploitent. Pour Engels, avec l’extension du commerce, avec l’inversion de l’argent, avec la concentration de la richesse dans une main. Appauvrissement croissant des masses. Quelle société connaît de telles divisions

Ou sous la domination d’une tierce puissance qui placée apparemment au-dessus des classes antagonistes, étouffait les conflits ouverts : naissance de l’Etat. L’ordre avant était généré par la famille, l’Etat n’existait pas, de même qu’il est amené à disparaître quand l’antagonisme des classes aura cessé : il se développe et continu à augmenter ses pouvoirs.

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Dans la société capitaliste, l’Etat = enjeu majeur de la lutte des classes, mais cet Etat n’est en fait qu’un outil de la classe dominante pour assurer sa domination. Pour Marx, le pouvoir politique :

Le progrès technique fait les modifications sociales. Une évolution incontestable. L’Europe actuelle a d’abord été habitée par des espèces variées du genre homo (avec comme outil le silex, culture qui est succédée par d’autres, on a vu apparaître le polissage de la pierre, la poterie, le tissage, l’agriculture, l’élevage, …, cette évolution est associée à la métallurgie et ses différentes étapes). Samuel Diamond « De l’inégalité parmi les sociétés », Paris, Gallimard, 2000 Lévi-Strauss « Race et histoire »

Dans ces sociétés, les formes d’organisation successive s’ordonne et d’un progrès, il est incontestable que la civilisation occidentale s’est entièrement tournée depuis plus d’un siècle vers la mise à disposition de l’homme des moyens mécaniques de plus en plus puissants et évidemment selon ce critère technologique la civilisation occidentale occupe la place de tête parmi les sociétés.

Mais dans notre société occidentale, on a tendance à privilégier le critère technologique comme critère hiérarchique (stupide), c’est celui qui nous arrange le mieux alors qu’on pourrait en prendre d’autres. L’occident est le maître des machines.

La hiérarchie des sociétés n’est pas simple, et s’il fallait comme les marxistes situer toutes les sociétés sur le même axe, cela signifierait que toutes les sociétés sont des héritières des sociétés moins développées et les ancêtres des sociétés les plus développer. Pourtant cette hypothèse est difficilement défendable car toutes les sociétés ont environ le même age (environ 15 000 ans avant JC), et pour traiter certaines sociétés et les étapes de certaines autres, il faudrait admettre que pour certaines, il ne se passait rien alors que d’autres accumulaient des progrès. Admettre qu’il y a deux sortes d’histoire : -histoire progressive, acquisitive qui cumule les trouvailles pour construire les grandes civilisations -histoire disposant d’autant de talent mais qui refuse (pas d’intérêt) d’accumuler les progrès technologies (par exemple les Mayas qui connaissaient la roue sûrement avant les Chinois mais ne l’ont jamais exploité pour leurs outils nécessaires : ils voyaient son utilité mais ne l’ont pas adopté dans leur technique). Chaque société a privilégié des activités différentes.

Pierre Clastres « Société contre l’Etat », il conteste les hypothèses marxistes sur l’apparition de l’Etat. Pour Marx, l’Etat est né de l’émergence des commerçants qui contrôlent la production sans produire.

Clastres lui, dit que deux types de sociétés irréductibles l’une de l’autres qui sont fondamentalement différentes : -société avec un Etat -société sans Etat

Le passage progressif de l’une à l’autre progressif est impossible car dans les primitives, l’innovation est impossible (pas d’innovation, pas d’évolution de la société, donc l’Etat ne peut pas apparaître).

Pour Clastres les rapports d’exploitation ne peuvent pas avoir précédé l’Etat. En effet, Clastres ne peut envisager philosophiquement, intellectuellement que des hommes aient accepté une situation d’esclaves ou d’exploités si personnes ne les y a contraint par le force et

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la coercition. Pour lui, ce n’est donc pas la division de la société qui a conduit à l’émergence de l’Etat mais la création de l’Etat (force légale) qui a soumis les hommes, qui les a divisé en classes inégalitaires. C’est cette crainte inductive de l’Etat qui empêche les sociétés primitives d’accepter toute forme de domination politique. Personne n’arrive à répondre à la question : d’où vient l’Etat ?

La sociologie de l’action sociale

I- Définition

A- Weber (1866-1920)

1- Ethique protestante et esprit du capitaliste

a- Le constat Objet sociologique = étude de l’interaction, ce qui résultait du rapport entre les individus. Weber, Tocqueville, Pareto : l’individu est au centre de ces phénomènes sociaux. Trois principes : -comprendre les motivations des acteurs individuels -situer ces acteurs par rapport aux relations qu’ils entretiennent entre eux dans une situation donnée -analyser les stratégies de ces acteurs et leurs résultats

L’ouvrage de Weber s’ouvre sur le triple constat statistique : -les protestants sont sur-représentés parmi les chefs d’entreprise et les détenteurs de capitaux ainsi que parmi les travailleurs les plus qualifiés des entreprises capitalistes -les catholiques sont sous représentés parmi les étudiants des établissements secondaires et s’orientent plus vers les lettres que l’industrie et le commerce -l’industrie moderne attire plus les protestants que les catholiques qui préfèrent rester dans l’artisanat

b- Le capitalisme La sur-représentation des protestants dans certains domaines traduit donc une

disposition spéciale pour le rationalisme économique dont il faut chercher l’explication dans les croyances religieuses.

Qu’elles sont les traits particuliers de la religion protestante qui ont pu influencer les conduites de vie caractéristique du capitalisme moderne ? Trois approches : -construire un modèle d’esprit du capitalisme moderne -isoler certains prêts caractéristiques de la théologie morale des sectes puritaines -mettre en relation les traits du capitalisme moderne et l’autre Weber construit un portrait idéalistique du capitaliste moderne :

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-recherche systématique du profit dans l’ordre d’une profession -attitude sobre par rapport au plaisir de la vie -développement de l’épargne en vu du développement du capital (accumulation)

Le capitaliste contraste avec l’entrepreneur traditionnel et l’homme d’affaire aventureux et sans scrupule

c- Le protestantisme

Selon une méthode similaire, ils cherchent à isoler les traits d’une éthique protestante en mettant en avant un concept clé introduit par Luther qui est la besogne (travail acharné entendu à la fois comme métier et comme vocation), accomplissement des devoirs temporels voulu par Dieu.

Le calvinisme (de Calvin) a rajouté la doctrine de la prédestination : dès sa naissance chaque homme doit son sort scellé par Dieu, le statut éternel pour les uns et la damnation perpétuelle pour les autres. Ce décret de Dieu est à la fois irrévocable (pas de pardon) et insondable (aucun signe extérieur qui permette de la savoir).

Le calvinisme est hanté par la question perpétuelle de savoir s’il est élu ou damné et un tel dogme aurait pu conduire au fatalisme mais effet contraire. En effet les pasteurs protestants confrontés aux tourments des fidèles ont été amenés à assouplir la doctrine en préconisant qu’un travail sans relâche des fidèles pourrait être en même temps un dérivatif à l’angoisse et que la réussite maternelle pouvait être le signe de son élection. Les pasteurs prônaient une morale pratique reposant sur deux catégories de prescriptions : -utilisation systématique du temps pour le travail et gaspiller son temps est le péché le plus grave -attitude ascétique au renoncement à tous les plaisirs de la vie, condamné ce n’est pas les richesses mais le repos à la possession, l’oisiveté et le plaisir de la chair.

Evidemment les applications de celles-ci furent favorables au développement du capitalisme puisque la puissante incitation au travail favorisé l’augmentation de la productivité et le freinage de la consommation a induit l’épargne favorable à l’accumulation du capital.

B- Action sociale Action sociale = activité orientée significative par rapport à autrui. Toutes les relations

entre les individus ne sont pas forcément une action sociale. Ex. collision entre deux cyclistes, dit Weber, n’est en soit qu’un événement sans

signification, en revanche la tentative de deux cyclistes pour s’éviter avant l’accident, l’arrangement amiable ou au contraire l’échange d’insultes qui peuvent s’ensuivre sont des actions sociales.

Toutefois la frontière entre l’action sociale et le simple comportement dénué de toute signification est relativement floue. Entre le simple comportement automatique et l’action sociale pleinement consciente, il existe en fait toute une série de degrés qui ne peuvent être appréhendé qu’à partir d’une typologie des déterminants de l’action. Weber distingue quatre déterminants de l’action sociale :

-comportement traditionnel qui repose sur l’attachement aux coutumes, à l’habitude et la plupart des activités de la vie quotidienne sont de cette nature

-comportement affectuel correspond à l’action qui s’exerce sous l’emprise de l’émotion, de la passion des sentiments et celui-ci souvent inconscient et Weber dit « agit de manière affectuelle celui qui cherche à satisfaire le besoin d’une jouissance actuelle ou d’un dévouement en valeur

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-comportement rationnel en valeur ne tient pas compte des conséquences prévisibles des actes car l’acteur est au service de sa conviction : ici la conviction est commandée par le devoir, la pitié ou la grandeur d’une cause quelque soi la nature. C’est l’homme d’honneur qui préfère mourir en duel plutôt que d’être déshonoré ou le capitaine d’un navire qui préfère sombrer avec son bateau

-comportement rationnel en finalité qui oriente l’action en confrontant des moyens aux fins en comparant des fins entre elles et en prenant en compte des conséquences de l’action

Evidemment ces idéaux types sont exceptionnels dans la réalité et la plupart des comportements effectifs combinent plusieurs de ces déterminants. La construction idéale typique des déterminants de l’action a donc avant tout une fonction exemplaire (heuristique) qui consiste à faciliter la compréhension des motifs réels de l’action par comparaison avec l’ensemble des motifs possibles.

C- Les formes de domination Weber : En ce qui concerne le politique : établir les fondements de la légitimité. Pourquoi la masse des individus accepte la domination d’un autre ?

La domination se distingue de la notion de pouvoir (puissance), le pouvoir est défini par Weber comme toute chance de faire triompher au sein d’une relation sociale sa propre volonté mais contre des résistances.

Les situations de pouvoir sont donc extrêmement variées et nombreuses de même que les moyens de l’exercer et le pouvoir peut aussi bien prendre la forme de dictature ou de joutes oratoires.

A l’inverse, la domination est décrite par Weber comme la chance pour des groupes spécifiques de trouver obéissance de la part d’un groupe d’individus déterminés. Suppose donc une relation de commandement, obéissance entre les individus. Cette obéissance acceptée peut reposer sur les motifs personnels extrêmement variés qui vont de la peur à la simple habitude en passant par la poursuite d’intérêts matériels ou symboliques. Mais au-delà de ces motifs multiples, l’obéissance exige la croyance de la part des dominés en la légitimité de la domination qu’ils subissent.

La domination suppose que ceux qui obéissent considèrent l’ordre comme valide. Tous les pouvoirs cherchent à entretenir cette croyance en leur légitimité. Par ailleurs Weber met l’accent sur le fait qu’un homme seul ne peut pas dominer un groupe d’individus, et il a besoin pour cela d’une direction administrative qui constitue une relation entre lui et le peuple. Weber distingue 3 types de légitimité : -domination rationnelle légale -domination traditionnelle -domination charismatique

a- Domination rationnelle légale

C’est celle qui caractérise les Etats modernes, elle suppose le respect de règles impersonnelles auxquelles chacun doit se plier y compris les détenteurs du pouvoir. C’est au nom de ce principe que les médias opposent la justice des riches à celui des pauvres en montrant qu’il n’y a pas d’égalité face à la justice.

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Les compétences de chacun, du Président de la République au plus modeste fonctionnaire, sont délimitées objectivement par les lois ou le règlement. De la même manière le recrutement de la fonction publique se fait par concours. Elle s’incarne dans une hiérarchie, chacun est tenu à obéir à son supérieur hiérarchique. On est dans un système bureaucratique où personne n’est propriétaire de sa fonction : changements de poste sont fréquents.

L’obéissance repose sur la croyance en la légalité des décisions et en la reconnaissance de la compétence de celui qui prend la décision. Elle est attestée par le système de recrutement et par le fait que les individus à l’intérieur de ce système ont des compétences à tester dans ces formations et des diplômes. Le type le plus pur de la domination légale est le type bureaucratique.

b- Domination traditionnelle

Elle s’appuie sur la croyance en la sainteté des traditions et repose sur le caractère sacré des dispositions transmises par le temps c’est à dire reproduction permanente, indéfinie des règlements intérieurs.

Ex. le pouvoir monarchique, tel qu’il a fonctionné en France jusqu’à la fin de l’ancien régime, où la désignation du monarque obéissait à ses règles fixées et les pouvoirs de celui-ci sont pour partie arbitraires, il doit accorder faveurs et grâces selon son bon plaisir : dans ce système du clientélisme, où les relations entre le chef et le peuple sont fortement personnifiées.

Elle peut être pratiquement opposée trait pour trait à la domination rationnelle légale, celui qui détient le pouvoir n’est pas considéré comme un supérieur mais comme un seigneur personnel : situation d’appartenance.

La direction administrative n’est pas composée de fonctionnaires mais de serviteurs liés à la personne même du seigneur qui ne sont pas tenus en tant que tel de respecter une réglementation.

c- Domination charismatique

Elle repose sur la grâce personnelle et extraordinaire d’un individu. Elle renvoie les qualités surhumaines, inaccessibles au commun des mortels. Le problème n’est pas de savoir si le personnage charismatique possède effectivement les qualités qui lui sont prêtées, l’important est que les adèptent croient les reconnaître en lui.

La domination suppose donc une adhésion libre qui repose sur la confiance or la personne du chef charismatique, qui prend la forme de deux figures principales : -celle du prophète religieux, l’envoyé de dieu, les messies dont le personnage emblématique est JC -celle du chef de guerre victorieux bien incarné par Napoléon, Hitler ou DeGaulle

Après les élections de 58,DeGaulles au pouvoir), donc élu après la guerre, en raison de ses qualités de chef charismatique, a remis son habit de général à deux reprises pour rappeler les fondements de sa légitimité.

Le rapport entre le chef charismatique et ceux qui le suivent repose sur une communauté émotionnelle. Les membres de la direction administrative ne sont pas des fonctionnaires, ni des serviteurs personnels mais sont des fidèles, des partisans attachés

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exclusivement aux personnages charismatiques et agissant en fonction de ces seuls commandements et sur un certain traditionalisme.

D- Action, domination et organisation sociale : essai de modélisation Weber a 4 types d’actions et 3 types de domination mais ne les met pas en relation. -action traditionnelle – domination traditionnelle – famille -action rationnelle en finalité – domination rationnelle légale – rapport de production -action rationnelle en valeurs – domination charismatique – idéologie -action affectuelle – domination pragmatique – phénomène d’individuation

Aron : il voyait plutôt une relation entre action affectuelle et domination charismatique mais l’action affectuelle est celle permettant la satisfaction (non réfléchie) or les personnes charismatiques ont été des créateurs d’idéologie. Famille : Rapport de production : (travail) : société capitaliste (jusqu’en 1950), où on avait les rapports de classe, de société organisée même dans l’espace. Le travail est important pour la création du lien social. Idéologie : rapport de force, fondement de l’organisation de la société. Phénomène d’individuation :

Où chacun à la capacité d’appartenir pour le temps qu’il veut, et les activités qu’il veut, au groupe qu’il veut (relation avec les trois autres systèmes où chaque individu fait le mélange des trois groupes). C’est le fait que les individus composent leur groupe d’appartenance. Domination pragmatique :

Où l’individu ne vote plus par rapport aux personnes, aux idées mais selon les idées qu’il attend. Aujourd’hui le modèle en place est :

Action affectuelle – domination pragmatique – phénomène d’individuation

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Stratification et hiérarchies sociales Introduction

Toutes sociétés humaines connaissent des hiérarchies. Dans la société traditionnelle, elle est donnée par les mythes. Des inégalités dans un accès aux choses matérielles et immatérielles.

Les réflexions sur cette question ont été clairement vues par Rousseau : les unes sont naturelles (âge, sexe, aptitudes) et les autres sont morales (politiques ou au moins largement sociales). Il est nécessaire de savoir que les inégalités naturelles sont une interprétation sociale, être puissant, être riche, être homme ou femme, n’a pas la même signification dans la société ni même dans les groupes sociaux.

Analyser comment ces hiérarchies sont organisées et justifiées aux yeux de tous, en mettant à jour leur processus de production, et aussi comment elles prennent en compte les inégalités naturelles pour les expliquer, les, ou les avancer : clarifier leur légitimité. (ex. F.Giroux)

Jusqu’au XVIIIème, les hiérarchies sont considérées comme nécessaires à l’ordre social et tire leur légitimité de la religion. Après la Révolution, la philosophie des lumière a rompu avec cette vision du monde pour fonder un nouveau régime égalitaire : égalité des droits entre tous les hommes et en dépit de cette idéologie, cette égalité ne se réalise pas dans les faits, bien au contraire, se sont perpétuées jusqu’à nos jours. L’égalité de tous est reconnue devant de la loi, on peut donc contester les inégalités, qui perdent leur légitimité et sont considérées comme injustes.

I- Le point de vue sociologique

La démarche sociologique cherchait à répondre à la question : Comment la vie en société est-elle possible ?

La vie sociale s’organise à l’intérieur de hiérarchies diverses et les relations sociales entre individus comme les rapports sociaux entre les groupes s’établissent selon des oppositions : gouvernants-gouvernés …

L’universalité de ces inégalités peuvent être contestées. Clastres voie les sociétés primitives comme des sociétés refusant l’Etat car elles refusent les rapports de domination.

Mais personne ne remet en cause leur, au sein des sociétés contemporaines et on peut définir ces polarités comme étant des ensembles constitués de positions inégalitaires et différentielles organisant et légitimant le partage des biens et des taches matérielles et symboliques.

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On peut dire que chaque individu trouve à sa naissance et acquière tout au long de sa vie une identité sociale qui est le double inséparable de son identité individuelle. La société vous construit parallèlement à ce que vous êtes à la naissance.

A- La boîte à outils

La position sociale est cette place que vous occupez dans la société quelque en soit la façon dont vous l’avez obtenue.

A chaque position sociale, un statut social et pour chacun d’entre nous, le statut social peut être défini comme l’ensemble des comportements des solidarités et des exclusions dont il peut s’attendre de la part des autres, c’est à dire qu’à telle position sociale, la société reconnaît un statut et ce statut social se traduit par des comportements, des solidarités, des exclusions.

Le statut est lié au groupe d’appartenance (famille, groupe d’âge, profession, espace résidentiel, et toutes formes d’appartenance qui est le signe d’une appartenance sociale).

Les rôles sociaux sont les comportements attendus par la société, des individus qui occupent un certain statut. Statut et rôle ne se superposent pas toujours facilement et il y a souvent un décalage entre la pratique et ce qu’attend la société de vous, en fonction du statut qu’elle vous accorde (décalage entre réalité et idéologie dominante, la société évolue) ; avec une redéfinition des rôles.

La socialisation des individus (éducation) est un apprentissage des normes, elle inclut l’apprentissage des dimensions hiérarchiques et les rôles sociaux.

La définition des statuts est un enjeu des luttes sociales et les détenteurs des statuts privilégiés cherchent à rendre leur position naturelle tandis que ceux qui se trouvent dans des positions dominées, s’efforcent de remettre en cause le bien fondé de la domination.

B- Le cadre sociologique On peut dégager trois traits :

-les individus qui partagent les mêmes conditions de vie ont tendance à développer des représentations communes (idées que l’on se fait d’une réalité), elles sont très subjectives. Ces représentations s’organisent selon des schémas généraux qui intègrent la définition des autres groupes déterminant en partie le sens des actions de chacun c’est à dire chaque groupe va se comporter à l’égard d’un autre groupe en fonction de plus les frontières sociales des groupes découpent des territoires inégaux. Certains groupes possèdent des territoires physiques et symboliques très restreints, d’autres au contraire possèdent un point de vue étendu et des possibilités riches et complexes. (cf. Finot et Hérin)

-si la vie en société voie se développer des conflits entre les groupes et des solidarités, toutes références à une norme absolue permettant de fonder des échelles hiérarchiques relève d’un arbitraire social, c’est à dire ni la race, ni les références à la nature ou à la science, ni la volonté divine celle d’un groupe particulier ne peuvent être légitime par la sociologie comme fondement des hiérarchies.

-il est nécessaire de distinguer entre deux types se reposant sur les valeurs inérantes au classement qu’établissent spontanément individus et groupes sociaux (fondés sur les valeurs) et celles fondées sur l’inégalité d’attribution des ressources au sein des sociétés, il est contingent et non dicté par une nécessité qui s’imposerait à tous.

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C- Les systèmes hiérarchiques purs

Ce sont les plus simples : société d’ordre et société de classe. Les sociétés de classe sont représentées (castes en Inde ou système aristocratique du

moyen-âge en France), elles se caractérisent par le fait qu’une appartenance à une classe est héréditaire et immuable, et on naît et on meurt dans la classe à laquelle on appartient : système figé.

Les sociétés d’ordre sont représentées par la société individuelle contemporaine. Le passage d’un statut à un autre est toujours possible. On peut naître ouvrier et mourir sous-prolétaire ou on peut naître ouvrier et mourir bourgeois, donc il n’y a ni hérédité ni immuabilité.

Ceci se traduit par exemple dans le choix résidentiel où les aristocrates assurés de la pérennité de leur statut se mélangent au peuple et font ainsi voir leur supériorité tandis que les bourgeois ayant constamment besoin de se rassurer sur leur position sociale, préfèrent se regrouper entre eux dans des espaces spécifiques où ils s’entourent de leurs semblables.

Les sociétés traditionnelles se référaient à Dieu pour fonder les inégalités. Les sociétés individuelles qui se laïcisent prennent du recul par rapport à la bonté

divine mais n’expliquent pas la justification symbolique des hiérarchies, or les transformations économiques, sociales et politiques sont profondes au XIXème et dans l’industrie se généralise un nouveau rapport de subordination : le salariat industriel qui met face à face deux catégories sociales : -propriétaires des entreprises -salariés.

II- La sociologie classique et les hiérarchies sociales

A- La constitution de deux traditions sociologiques

a- Marx (les classes sociales) Le marxisme propose la première grille explicative.

Le mode de production capitaliste est caractérisé par l’apparition des classes sociales et c’est la grande innovation de Marx que d’avoir formulé une théorie des classes, ne se rattache qu’à certaines luttes définies, l’historique lié au développement de la production. La découverte de Marx tient en trois propositions :

-La lutte des classes conduit nécessairement à la dictature du prolétariat et cette dictature elle-même constitue seulement une période de transition de tous vers la suppression et vers une société sans classe.

-les classes sociales sont liées à un système productif particulier à une période historique qui est le développement du capitalisme.

-c’est dans la lutte et par la lutte que les classes sociales se constituent et prennent conscience d’elle-même. Toute analyse doit être située historiquement dans une période et des structures particulières.

Pour Marx, le capitalisme est un rapport entre le détenteur du capital et le salarié (force de travail qu’il va vendre au premier), c’est toute la théorie de la plus-value (tout travail produit une valeur accaparée par le capitaliste et pour produire le capitaliste achète la force de travail du salarié à sa valeur d’échange mesurée par le temps de travail nécessaire pour que le travailleur reproduise se force de travail : nourrir et faire vivre sa famille), or le temps de

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travail nécessaire à la reproduction de la force de travail est inférieure au temps de travail que peut fournir un salarié.

A l’échelle de l’Etat, lutte permanente entre classe bourgeoise et ouvrière, lutte pour le

partage de la plus-value, pouvoir social et politique, car c’est en contrôlant cela que la bourgeoisie peut se maintenir au pouvoir.

Concentration du capitale face à la multiplication des prolétaires. Dans ce schéma, deux classes antagonistes mais ignorent deux classes : classe

moyenne et classe paysanne, les prolétaires n’ont pas vu d’amélioration. L’accès aux richesses n’est pas le seul critère de hiérarchisation. Statut, classe, parti :

La formation des classes = distribution du pouvoir économique, relève de la logique économique, repose sur le degré de prestige pour être, et repose sur les partis renvoie à l’ordre politique.

Chaque groupe fonctionne selon sa propre logique. L’individu est au sommet de l’échelle sociale à sa fortune ne le sera pas obligatoirement au niveau du prestige et inversement. Un noble ruiné restera classé en haut de l’échelle des prestiges. Ils sont en partie liés, en effet la fortune permet d’apprendre les bonnes manières et le pouvoir politique peut permettre de s’enrichir. Les différents ordres sont tout à la fois largement autonomes et dépendants les uns des autres.

Les classes = la définition de la classe est dominaliste, c’est qu’une collection d’individus regroupés par le sociologue à partir de la similitude de leur situation. La situation de classe renvoie aux chances d’accéder à des biens ou des revenus sur le marché des biens ou du travail donc le sociologue considère que les individus qui ont des chances comparables d’accéder au même bien sont considérés comme faisant parti mais qui oppose les propriétaires aux non-propriétaires car elle peut donner le monopole à l’acquisition de certains biens.

b- Weber (les classes, les groupes de statut, les partis politiques)

-travailleur manuel -petit bourgeoisie (artisans, commerçants …) -cols blancs (employés de bureau) -privilégiés par propriété et éducation.

Quels que soient les critères retenus, les classes sont définies par les caractéristiques objectives (capacité d’accès à certains biens) qui sont elles même indépendante.

Problème de savoir si l’action de classe est possible et savoir si la similitude des intérêts suffit à assurer une conscience de classe. Le passage de similitude d’intérêt et à la conscience de classe n’est pas automatique. Les classes sociales ne constituent pas des communautés, elles ne sont pas des groupes où les individus seraient liés les uns aux autres par des valeurs ou des sentiments communs, pas de construction de conscience de classe, l’appartenance à une même situation de clase ne débouche pas forcément à une action de classe.

A l’inverse, l’appartenance à un groupe de statut repose sur un critère subjectif puisque chaque groupe de statut est défini par le degré de prestige que les individus se reconnaissent mutuellement. Les groupes de statut constituent des communautés car leurs membres partagent sentiment et valeur en commun. Alors que les classes sociales sont différenciées en fonction de leur relation à la production et à la distribution des biens. Les groupes de statut sont différenciés à partir de leur mode de consommation et leur style de vie.

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Appartenir à un même groupe de statut signifie avoir reçu un certain mode d’éducation et partager un certain goût culturel et cette communauté de sentiment et valeurs se traduit par un certain nombre de privilèges comme un monopole d’accès à certains biens, certains vêtements respectent une convention spécifique, etc.… les groupes de statut sont plus ou moins formés et pratiquent l’endogamie et les castes et les ordres constituent de bons exemples de groupes de statut.

Les partis politiques sont un groupe d’individus qui cherchent à conquérir le pouvoir ou tout au moins influencer la prise de décisions dans le politique.

Les individus qui se regroupent en parti ont plusieurs motivations qui peuvent être la défense d’un idéal, bénéficie d’avantage matériel ou l’obtention de position de pouvoir personnel. La constitution des partis des partis, l’observation croissante ne se limitent pas au pouvoir d’Etat, on peut rencontrer ce même type de fonctionnement dans toutes formes d’organisation dès lors que se construisent des élans, des tendances qui s’affrontent par la conquête du pouvoir institutionnel au sein de l’organisation.

Le plus généralement le parti regroupera des individus appartenant à plusieurs de ces groupes sociaux.

c- Comparaison entre Marx et Weber

Marx a une vision uni-mentionnelle de l’espace social, Weber lui, a une vision pluri-mentionelle, les formes de pouvoir sont multiples et sa théorie de la stratification reflète cette théorie.

Pour Marx, les groupes de classe sont des groupes réels alors que Weber, ce ne sont que des collections d’individus d’où un traitement différent de la conscience des classes, celle-ci est appelée inévitablement à se développer chez Marx, alors que chez Weber, elle reste très hypothétique.

La théorie des classes est construite chez Marx à partir de la notion de l’économie ; alors que le principe structurant, la théorie de la stratification générale chez Weber est la distribution du pouvoir.

Les classes sociales sont analysées par Marx par le processus de production (la position occupée) alors que chez Weber, les classes sociales sont appréhendées à partir de situation par rapport au marché.

B- Analyse des hiérarchies sociales dans la société française contemporaine

a- Actualité d’une analyse en terme de classes

La société française reste une société de classe et le conflit central resterait celui qui oppose la classe ouvrière aux dirigeants. Analyse de la consommation de différentes classes sociales.

En 1971, besoins de consommation de 100 cadres supérieurs ont nécessité le travail de 141 personnes alors que pour satisfaire les besoins de 100 ouvriers qualifiés, seul 41 personnes ont été nécessaires.

Le peuple récolte les restes de ce qui est réservé aux classes dominantes (consommation, éducation). La lutte des classes reste d’actualité pour eux deux fonctions : -occuper une place déterminée dans les rapports de production -en dehors du travail, mode de vie particulier où elles se retrouvent (dominant) : classe intermédiaire. Dominés des classes dirigeantes qui ont pour fonction d’aider de ses taches de direction donc s’identifient aux dirigeants : ceux qui se prolétarisent, les employés.

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Ceux pour qui ont assiste à la fin de la lutte des classes :

• Touraine La société du XIXème n’existe plus, de plus que n’existe plus le conflit central entre les

ouvriers et les dirigeants, mais le conflit se développe sous de nouvelles bases et aux mouvements ouvriers ont succédé des mouvements sociaux à partir des années 60 (mouvements féministes, régionalistes …).

La société contemporaine n’est plus bourgeoise mais technocrate et les nouveaux enjeux sont plus d’ordre culturel que d’ordre économique.

• Boudon Sociologue actionniste (s’inspire de weber qui est neutre actiologiste), il rejette une

théorie générale des hiérarchies sociales et son argumentation peut être hiérarchisée : classe sociale n’est plus un concept sociologique pertinent puisque la conscience d’appartenance s’atténue, donc il ne peut plus y avoir de classe en elle-même. La division entre les groupes sociaux se multiplie et se chevauche, les reflux, statuts juridiques, les qualifications, les diplômes, les classes d’age, le milieu social sont autant de critères de classifications de la société française et cette multitude de critères forment un puzzle indéfini qu’il reste à reconstituer pour les besoins de chaque recherche.

La société se complexifie énormément, l’opposition en classe sociale ne peut pas prendre

cela en compte.

• Mendras Il observe cette rupture et montre qu’elle se traduit par l’individualisme qui est le signe de

la modernité : il est de plus en plus difficile de classer les individus. La notion de classes sociales se justifierait si l’on pouvait démontrer une convergence

entre toutes les échelles hiérarchiques (richesse, pouvoir, prestige…) mais la classe sociale n’est qu’un capital particulier à l’intérieur du concept de stratification sociale, il existe une multitude de critères de hiérarchisation. Personne ne met en doute l’existence de hiérarchies et des inégalités qu’elles induisent dans la société française contemporaine.

La mise à jour de ces inégalités ne permet pas en elle-même de rendre compte de la nature de notre société.

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Pierre Bourdieu Théorie de l’habitus

I- Définition de l’habitus

Habitus = disposition acquise. Pour Bourdieu, c’est ce qu’on a acquis et qui s’est incarné

dans le corps et l’esprit sous forme de disposition permanente. L’habitus est donc lié à l’histoire individuelle. Et on peut dire qu’il est un produit de conditionnement qui tente à reproduire la logique des conditionnements en leur faisant subir des transformations.

En effet, l’habitus n’est donc pas un destin défini une fois pour toute, les ajustements qui sont sans cesse imposés par les nécessités de l’adaptation à des situations nouvelles et imprégnées peuvent déterminer les transformations durables de l’habitus et qui demeure dans certaines limites. L’habitus est à la fois une manière d’être, des valeurs et une manière de voir les choses.

Bourdieu défini l’habitus comme étant un système de dispositions durables et transposables, structure structurée prédisposée à fonctionner comme une structure structurante, c’est à dire un principe générateur et organisateur des pratiques et des représentations.

A- Structure structurée

Structure = structure mentale, c’est à dire une certaine forme d’organisation de l’esprit quoi a été formé par l’intériorisation des structures existantes dans la société (division sexuelle, du travail, par âge …)donc ces développements, ces structures sont organisées et intériorisées et participent à organiser notre société en classe logique.

B- Structure structurante

Dans la mesure où la structure structurée permet de percevoir le monde social et par conséquent selon la manière dont on l’aura appris, l’habitus donne aux individus la capacité de se comporter de manière classable, c’est à dire par rapport à quelque chose qu’on connaît déjà, quelque chose de prévisible en fonction des normes inculquées, apprises, intériorisées. L’habitus donne aux individus la capacité d’évaluer, de juger ce comportement à l’intérieur de leur milieu.

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C- Poids des expériences premières

Bourdieu montre que le poids des expériences premières est fondamental. Une fois ces expériences acquises, cela change peu. L’habitus engage l’individu à choisir des expériences plutôt semblables à celles qu’il connaît déjà et donc l’individu se réfère constamment à des pratiques qui lui sont familières, les sélectionne et les reproduit de façon presque identique.

D- Durabilité

Les expériences premières agissant comme des dispositions formées dans la famille ont tendance à se reproduire, il y a donc une certaine stabilité, une certaine durabilité des expériences sociales, il est difficile de changer les traces de ses origines.

E- Transposabilité

Dans la mesure où l’habitus est susceptible de s’appuyer sur des variés, doit permettre à l’individu de s’adapter à toutes les situations rencontrées, sorte de capital que l’on mobilise (ex. des migrants qui se servent de leur habitus afin que confrontés à la réalité, ils puissent inventer, reconstruire une situation qui reste en phase avec des expériences passées : quand la société d’accueil propose des modèles trop éloignés des habitus que l’on observe, le développement d’un reclus communautaire).

II- Critiques Il y a quatre types de critiques :

-par rapport à la vision que Bourdieu a de la société Bourdieu est d’origine marxiste même s’il a quelques inspirations chez Durkheim et

Weber, il garde une vision hiérarchisée (dominant – dominé mais un peu plus complexe). Pour Bourdieu, en raison de cet habitus qui conduit les hommes à ne pas s’éloigner de leur expérience, difficulté d’un individu à passer dans un groupe supérieur, c’est à dire déterminisme, cursus scolaire spécifique, aliment, art … Certaine inertie, stabilité selon certaines formes de reproduction.

-relève de la fonction de l’incorporation de l’habitus. En effet pour Bourdieu, la pérennité des différences sociales (entre groupes sociaux)

sous estime les différences qu’introduisent dans les rapports sociaux les conditions objectives de la société. Ces changements sont traduits par le fait que pour la famille, l’école, à partir des années 70, socialiser, c’est plus souvent transmettre un patrimoine économique, culturel et des valeurs, c’est à dire que l’acquisition de ces dispositions n’étaient plus la seule fonction de l’école et de la famille, il y avait aussi toutes les expériences extérieures à celle-ci que les enfants peuvent vivre (jeux d’enfants …)

-par rapport à la dimension durable Bourdieu suppose que l’individu déterminé ses choix de sous envisager ce changement

(par rapport à ce qui a été acquis) or il est évident que chaque individu aujourd’hui est sûrement de plus en plus précisément s’inscrit dans une multitude de réseaux qui ne peuvent le laisser indifférent quant à la construction de ses propres normes.

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-par rapport aux dispositions incorporées au cours du processus de socialisation sont supposées incliner l’individu toujours selon les mêmes normes : assédisme, libéralisme, conservatisme.

Explication et compréhension

Un certain nombre de questions s’élèvent sur l’étude des phénomènes sociaux : Peut-on transposer en ce domaine des méthodes qui ont fait leur preuve dans ? L’idée même d’une connaissance scientifique est-elle applicable lorsque l’on a à faire à un ordre de réalité où l’homme intervient à titre essentiel en tant qu’agent ? Des l’instant où l’action joue un rôle, il y a inévitablement référence à des stratégies et à des motivations or peut-on traiter ces composantes à la manière de la propriété d’un objet physique ? Peut-on les objectiver ? Ne se trouve-t-on pas au contraire en présence d’un ordre de réalité qui participe, échappe radicalement à tout style d’objectivation ?

L’une emprunte le chemin de la connaissance analytique : raisonnement hypothético-

déductif, c’est l’explication, la recherche des causes, des phénomènes sociaux. L’autre relève plus de l’interprétation : raisonnement hypothético-inductif, c’est à dire

la compréhension du sens que les acteurs donnent à ce qu’ils font.

La première voie est incarnée par Durkheim pour qui la société est une réalité distincte en nature, une réalité individuelle, tout fait social à pour cause un autre fait social et jamais un fait de la psychologie individuelle (ex. le suicide = approche hypothético-déductive : construit une relation, cette hypothèse avec sa propre réflexion et va justifier avec des statistiques …). Le groupe pense, sent, agit selon Durkheim tout autrement que le feraient ses membres qui seraient isolés, par conséquent on ne pourra rien comprendre à ce qui se passe dans le groupe donc dans le suicide, explique que plus la cohésion dans le groupe est faible, plus il y a de suicides.

Weber a une toute autre vision des choses et si la méthode pour Durkheim était constructive de la sociologie, pour Weber, elle est seulement une technique de la connaissance commandée par l’efficacité et Weber dit qu’on ne peut juger de l’efficacité d’une méthode à posteriori. On ne peut pas dire à priori que tel procédé est meilleur qu’un autre, tout dépend du flaire du savant, du sens de la recherche et de l’habileté dans l’application de la méthode de sorte que seuls les résultats obtenus décident introspectivement de sa validité. Mais seulement, pas de méthode universelle, mais l’opportunité d’ . Weber préconise la démarche hypothético-inductive, c’est à dire celle qui consiste à faire remonter des hypothèses à partir de la mise à jour que les acteurs donnent à ce qu’ils font.

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La méthode de durkheimienne est principalement sociologique, la weberienne est plutôt ethnologique.