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Courrier de Rome Année 2009 • Janvier 2009, n° 318 G.F. Le modernisme polique : la négaon de la royauté de Jésus-Christ. Préambule | La cause du mal qui enveloppe le monde moderne : le laïcisme | Le Christ est Roi | Règne principalement mais non exclusivement spirituel | L’humanité a besoin du Christ-Roi | Le Christ, Roi des intelligences et des cœurs | Comment restaurer le règne social du Christ ? | Devoirs communs aux intellectuels et aux gouvernants | La menace qui pèse sur l’humanité. Hirpinus Les gloires de Marie sacrifiées aux faux œcuménisme. Avvenire du 9 juillet 2008 | Titre et doctrine | Données bibliques et patris- ques et leur développement théologique | Le magistère ponfical | L’année zéro | Mentalité protestante. Don L. Moncalero Navigare necesse est... Réflexions morales sur l’ulisaon d’internet Nous sommes tous théologiens | Copier oller, ou... couper et découdre ? | Iudico... ergo sum | Averssement desné à tous | Effet transparence | Le temps s’en va et l’homme ne le voit pas. Ab. Du Chalard Ouverture du VIII e Congrès théologique de Sì Sì No No. Citaon du Père Cavalcoli O.P. sur la situaon actuelle de l’Église | Pour - quoi ces réacons : on peut tenter une double réponse | Que devons-nous faire ? | Conclusion. • Février 2009, n° 319 Sì Sì No No Romano Amerio et le crise de l’Église catholique au XX e siècle. La crise de l’Église est un fait | Les causes de la crise de l’Église dans l’ana- lyse de Iota unum : Le pyrrhonisme ; Le mobilisme dogmaque ; Le principe du dialogue et l’œcuménisme | La démocrae dans l’Église. L’irrupon dans l’Église des principes de 1789 | La défaillance de l’autorité | Conclusions. Sì Sì No No Romano Amerio : la queson du Filioque ou la distorsion de la monotriade. Transcripon d’une conversaon privée avec des amis, en 1994. • Mars 2009, n° 320 Franco Adessa La Vierge condamne la franc-maçonnerie. Notre-Dame du Bon Succès. Apparion de la Sainte Trinité | Première apparion de la Vierge | Deuxième apparion de la Vierge | Troisième apparion de la Vierge | Quatrième appa- rion de la Vierge | Cinquième apparion de la Vierge | La statue achevée par les anges | La consécraon de la statue | Vision de la furie du démon | Sixième apparion de la Vierge | Apparion de Jésus | Sepème apparion de la Vierge | Mort de Mère Mariana | Le testament de Mère Mariana.

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Page 1: Courrier de RomeSecure Site €¦ · Franco Adessa La Vierge condamne la franc-maçonnerie. Notre-Dame du Bon Succès. Apparition de la Sainte Trinité | Première apparition de la

Courrier de RomeAnnée 2009

• Janvier 2009, n° 318G.F. Le modernisme politique : la négation de la royauté de Jésus-Christ. Préambule | La cause du mal qui enveloppe le monde moderne : le laïcisme |

Le Christ est Roi | Règne principalement mais non exclusivement spirituel | L’humanité a besoin du Christ-Roi | Le Christ, Roi des intelligences et des cœurs | Comment restaurer le règne social du Christ ? | Devoirs communs aux intellectuels et aux gouvernants | La menace qui pèse sur l’humanité.

Hirpinus Les gloires de Marie sacrifiées aux faux œcuménisme. Avvenire du 9 juillet 2008 | Titre et doctrine | Données bibliques et patris-

tiques et leur développement théologique | Le magistère pontifical | L’année zéro | Mentalité protestante.

Don L. Moncalero Navigare necesse est... Réflexions morales sur l’utilisation d’internet Nous sommes tous théologiens | Copier oller, ou... couper et découdre ? |

Iudico... ergo sum | Avertissement destiné à tous | Effet transparence | Le temps s’en va et l’homme ne le voit pas.

Ab. Du Chalard Ouverture du VIIIe Congrès théologique de Sì Sì No No. Citation du Père Cavalcoli O.P. sur la situation actuelle de l’Église | Pour-

quoi ces réactions : on peut tenter une double réponse | Que devons-nous faire ? | Conclusion.

• Février 2009, n° 319Sì Sì No No Romano Amerio et le crise de l’Église catholique au XXe siècle. La crise de l’Église est un fait | Les causes de la crise de l’Église dans l’ana-

lyse de Iota unum : Le pyrrhonisme ; Le mobilisme dogmatique ; Le principe du dialogue et l’œcuménisme | La démocratie dans l’Église. L’irruption dans l’Église des principes de 1789 | La défaillance de l’autorité | Conclusions.

Sì Sì No No Romano Amerio : la question du Filioque ou la distorsion de la monotriade. Transcription d’une conversation privée avec des amis, en 1994.

• Mars 2009, n° 320Franco Adessa La Vierge condamne la franc-maçonnerie. Notre-Dame du Bon Succès. Apparition de la Sainte Trinité | Première apparition de la Vierge | Deuxième

apparition de la Vierge | Troisième apparition de la Vierge | Quatrième appa-rition de la Vierge | Cinquième apparition de la Vierge | La statue achevée par les anges | La consécration de la statue | Vision de la furie du démon | Sixième apparition de la Vierge | Apparition de Jésus | Septième apparition de la Vierge | Mort de Mère Mariana | Le testament de Mère Mariana.

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• Avril 2009, n° 321Sì Sì No No Lettre ouverte à Don Nicola Bux (sur sa publication : La réforme de Benoît

XVI. La liturgie entre innovation et tradition). Le principe conducteur | Une réforme résolument radicale | La messe, véri-

table sacrifice, et la transsubstantiation ; 1. Le remplacement de l’offertoire ; 2. Du canon aux prières eucharistiques ; 3. L’abomination dans le lieu saint : la modification de la formule de consécration ; 4. D’autres modifications | La glorification de Dieu | La propitiation et l’expiation | La sacralité | Le sacer-doce | La forme de la ré-forme | Une observation concrète et un souhait.

Don Mancinella 1962 : Révolution dans l’Église : Extrait de cette étude.

• Mai 2009, n° 322Abbé Gleize Pour une juste réévaluation de Vatican II : la Tradition et le magistère clai-

rement définis. Les raisons profondes d’un antagonisme | La récente déclaration du Pape

Benoît XVI. Première partie : la définition du Magistère ordinaire et universel | 1.1 Re-

cherche des éléments de la définition ; a. Quelques précisions autorisées ; b. Les deux éléments spécifiques du magistère ordinaire universel ; c. Les modes concrets d’exercice | 1.2 Définition ; 1.2.1 Première différence acci-dentelle du côté de l’intention de l’auteur de l’acte ; 1.2.2 Deuxième diffé-rence essentielle du côté de l’objet formel de l’acte ; 1.2.3 Troisième diffé-rence essentielle du côté du sujet qui exerce l’acte | Conclusion.

Deuxième partie : le magistère ordinaire universel est infaillible | 2.1 Valeur de cette infaillibilité ; 2.2 Quel est le fondement de l’infaillibilité du magistère ordinaire universel ? ; 2.2.1 Qu’est-ce qui fonde cette infaillibilité en soi ? ; 2.2.2 Qu’est-ce qui fonde cette infaillibilité par rapport à nous ?

Troisième partie : le magistère conciliaire selon Benoît XVI | 3.1 Une nou-velle optique ; 3.2 De la Tradition de l’Église à la nouvelle tradition vivante ; 3.3 Un postulat historiciste.

Épilogue | 4.1 Un dilemme inchangé ; 4.2 Geler le magistère ? ; 4.3 La vrai solultion appelle la vraie question.

• Juin 2009, n° 323Sì Sì No No Le Concile Vatican II (Présentation de l’ouvrage de Mgr Gherardini : Concilio

ecumenico Vaticano II – Un discorso da fare) Premier aspect du dilemme : La contradiction ne permet pas... | Encore sur le

premier aspect : quand ceux qui doivent éclaircir n’éclaircissent pas | Le second aspect du dilemme : l’autorité de Vatican II | La solution du dilemme : prendre le Concile au sérieux | Un discours à faire... mais à quelles conditions ? | An-nexe : lettre de S.E. Mgr Mario Oliveri.

Fides catholica Un cardinal dans les ténèbres et une foi à risque. Entretien avec Georg Sporschill sur la foi, les jeunes et l’Église, de Carlo Maria Martini.

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• Juillet-Août 2009, n° 324Abbé Gleize Du magistère vivant et de la Tradition – Pour une réception thomiste de

Vatican II ? Première partie : la valeur magistérielle de Vatican II ; A. Quelques distinctions

élémentaires ; B. Le magistère entendu au deuxième sens : l’acte ou l’exercice du pouvoir de magistère ; C. Le magistère entendu au troisième sens : l’objet propre de la prédication ecclésiastique ; D. Une conséquence : Le magistère ecclésias-tique est un magistère traditionnel ; E. Le magistère de Vatican II : en quel sens ? ; F. Les avantages de ces distinctions : une critique fondée sur de sérieuses raisons doctrinales.

Seconde partie : Le discours du 22 décembre 2005 ; A. Benoît XVI et l’herméneu-tique de la réforme | B. La véritable intention du Concile | C. Rupture ou conti-nuité ? | D. Relativité et relativisme ; E. Continuité de la foi et de la raison chez saint Thomas ; F. La rupture du relativisme chez Benoît XVI ; G. La véritable portée du Discours du 22 décembre 20005.

Troisième partie : le nouveau relativisme de la Tradition vivante ; A. La Tradi-tion redéfinie ; B. Un discours cohérent, mais aux antipodes des enseignements de l’Église ; C. une Tradition immuable et un magistère vivant ; D. Du magistère vivant à la nouvelle Tradition vivante.

Épilogue : Pour une réception fructueuse et réaliste.

• Septembre 2009, n° 325Mgr Mario Oliveri La redécouverte de Romano Amerio. Une œuvre passée sous silence | Un raisonnement toujours linéaire | Conti-

nuité dans la Tradition | Pas seulement des interprétations | Du phénomène au fondement.

Canonicus L’autorité du Concile Vatican II. 1. Vatican II : une expression du magistère suprême, dont dépendrait la pleine

communion avec l’Église. 2. Vatican II : un organe du magistère suprême, véritablement infaillible ? ; 2.1

L’infaillibilité du magistère selon la doctrine catholique traditionnelle ; 2.2 L’in-faillibilité du magistère selon l’abbé Lucien ; a. Corps épiscopal rassemblé ou dispersé : Une nouvelle terminologie – ... qui prête à équivoque - De l’équi-voque au postulat ; b. Définir ou transmettre : Une double différence réelle : deux sujets et deux objets – La confusion de l’abbé Lucien – Vatican II n’est pas l’expression d’un magistère infaillible.

3. Vatican II : un organe du magistère suprême, simplement authentique ; 3.1 Les déclarations de Jean XXIII ; 3.2 L’intention pastorale n’exclut pas l’ensei-gnement doctrinal ; 3.3 Une mauvaise tautologie.

4. Un texte qui n’a pas vieilli.

• Octobre 2009, n° 326Le Glaneur Cardinal Martini. I. La contre-théologie du cardinal Martini. II. La contre-éthqiue du cardinal Martini. III. L’exégèse néo-moderniste du cardinal Martini.

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• Novembre 2009, n° 327Catholicus Dédié aux prêtres en l’année du sacerdoce catholique. Souvenir du saint

Curé d’Ars. Une initiative très opportune, mais qui n’est pas bien accueillie par tous.

La vie et la personnalité du saint Curé d’Ars | Des pensées du saint Curé d’Ars.

Marcel de Corte L’intelligence en péril de mort. Extrait de la préface de la première édition (14 août 1968) | Extrait de la préface de la nouvelle édition (avril 1987) | Premier extrait du livre L’intelligence en péril de mort | Second extrait du livre L’intelligence en péril de mort.

• Décembre 2009, n° 328Don P. Petrucci Faux œcuménisme et vraie charité. Don D. Pagliarani Anglicanorum confusio. Réflexions en marge de la promulgation de la

Constitution apostolique Anglicanorum cœtibus ; Une étrange tradition | Le problème du célibat ecclésiastique | Le risque du libre examen | Le dyna-misme de l’Église du Christ | Oecuménisme : l’embarras du cardinal Kasper.

Don D. Pagliarani Le mécontentement du primat de l’Église anglicane.

Fulton J. Sheen Le sacrifice de la messe. Offertoire ; Consécration ; Communion.

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s ì s ì no no« Que votre OUI soit OUI, que votre NON soit NON, tout le reste vient du Malin »

(Mt 5, 37)

Le numéro 3€

Janvier 2009Mensuel - Nouvelle SérieAnnée XLI n° 318 (508)

PRÉAMBULE

Nous allons nous intéresser dans cetarticle au modernisme politique, ou catho-libéralisme, qui veut la séparation entre Étatet Église, à l’encontre de l’enseignement del’Église sur la royauté sociale de Notre Sei-gneur Jésus-Christ.

Le modernisme politique, en effet, vou-drait que Dieu n’ait qu’un rapport individuelet intime avec l’humanité. L’Église, aucontraire, enseigne que l’homme, étant parnature un animal sociable, doit, entre autres,rendre à Dieu un culte social, et que lasociété (union de plusieurs familles), étantune « créature morale » de Dieu, lui doit unculte et une adoration publics. Hélas, leConcile Vatican II (Dignitatis Humanæ, 8déc. 1965) a nié l’aspect social de la vraiereligion, c’est-à-dire l’État confessionnelcatholique. Le dernier voyage deBenoît XVI aux États-Unis (avril 2008) aété l’apothéose de cette erreur, car il a pré-senté comme idéal et comme modèle laséparation entre État et vraie religion.

LA CAUSE DU MAL QUI ENVELOPPE LE MONDEMODERNE : LE LAÏCISME

Le 11 décembre 1925, Pie XI promulguaitl’encyclique Quas Primas sur le Règnesocial de Notre Seigneur Jésus-Christ ; cetexte faisait entrer la royauté sociale duChrist dans la liturgie universelle (fête duChrist Roi) et dans la catégorie des véritésdéclarées par le Magistère ecclésiastique.

Dans son encyclique, Pie XI enseigne quela cause du mal qui envahit aujourd’hui lemonde est le laïcisme, véritable peste del’ère moderne. Ce laïcisme a en effet éloi-gné le Christ de la vie de l’individu, desfamilles et de la société civile, avec desconséquences catastrophiques, et c’est pour-quoi la paix individuelle, familiale et socialene pourra être rétablie que par la restaura-tion du règne du Christ.

Le 24 mars 1960, l’Épiscopat italien, sous

LE MODERNISME POLITIQUE :LA NÉGATION DE LA ROYAUTÉ DE JÉSUS-CHRIST

la présidence du cardinal Siri, écrivait à sontour une intéressante « Lettre pastorale surle Laïcisme », qui en expliquait bien la natu-re et la malice.

Étymologiquement, le mot grec laòs, d’oùvient le mot laïcisme, désigne le fidèle et,dans le langage biblique néotestamentaire,le chrétien, le saint ; mais le terme « laïcis-me », au XIXe siècle, comme le dénote lesuffixe « isme », a pris un sens négatif pure-ment anticlérical et antireligieux. Le laïcis-me, en effet, est « un état d’esprit com-plexe… toutefois il est possible d’y obser-ver une ligne constante… une mentalitéd’opposition systématique et alarmisteenvers toute influence que pourraient exer-cer la religion et la hiérarchie catholiquesur les hommes et sur les institutions »(Lettre pastorale sur le Laïcisme, cit.).

Le laïcisme peut être radical ou modéré :il est radical quand il fait complètement abs-traction de la Révélation et de la grâce ; ilest modéré quand il considère la foi commequelque chose de privé et d’individuel quifait que l’Église ne doit pas intervenir dansla vie publique. Le laïcisme modéré est luiaussi anticatholique : c’est le catholicismelibéral, que Pie IX jugeait plus dangereuxque la « Commune de Paris ».

Une des causes du laïcisme peut être la« carence de certains membres du clergé,dont l’attitude d’autoritarisme excessif et deméfiance vis-à-vis des laïcs… peut entraî-ner… des défiances et des oppositions réci-proques (ibidem). Le prêtre, au contraire,doit former doctrinalement les laïcs, les diri-ger spirituellement, leur fournir les moyensde la grâce, et les laïcs doivent ensuite por-ter Jésus et l’esprit de l’Église dans leurmilieu social, dans leur environnement detravail.

Saint Pie X répétait que pour Instaurareomnia in Christo, il fallait de bons laïcs qui,dans une collaboration subordonnée au cler-gé, portent l’Évangile dans la société sécu-larisée et rechristianisent le monde. L’Ami

du Clergé du 20 janvier 1921 rapportait undialogue entre saint Pie X et un groupe decardinaux : « Quelle est, dit le Pape, lachose la plus nécessaire aujourd’hui au salutde la société ? – Fonder des écoles catho-liques, répondit l’un. – Non. – Multiplier leséglises, répondit un autre. – Non plus. –Promouvoir les vocations, dit un troisième.– Non, répliqua saint Pie X. Ce qui estactuellement le plus nécessaire, c’estd’avoir dans chaque paroisse un groupe delaïcs très vertueux, éclairés, résolus et véri-tablement apôtres. »

LE CHRIST EST ROI

Le Christ est roi, affirme le Pape Pie XI,et il se demande : Quelle est la nature de saroyauté?

En tant que Dieu, le Fils est consubstantielau Père, il est roi de l’univers comme lePère et le Saint-Esprit. En tant qu’homme, ilest roi par droit de naissance, son humanitéappartenant à la personne du Verbe divin(union hypostatique), il est roi par droitacquis, ayant, par son sang, racheté le genrehumain du péché. Par conséquent, le Christa aussi en tant qu’homme pouvoir sur toutesles créatures, qui doivent l’adorer et luiobéir. C’est de cette royauté qui réside dansla nature humaine du Christ que Pie XIparle dans son encyclique.

En tant que roi, le Christ a une primautéd’honneur ou d’excellence et une primauté

Des retards dans l’envoi dujournal ont été provoqués par lademande de renouvellementde notre autorisation auprès dela commission paritaire nousoctroyant les tarifs postaux dela presse. Nous nous en excu-sons auprès des abonnés.

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Courrier de Rome2 Janvier 2009

de domination, c’est-à-dire qu’il a les pou-voirs qui reviennent au roi pour diriger(regere) la société vers sa fin. Il a donc letriple pouvoir législatif (il promulgue les dixcommandements), judiciaire (jugement par-ticulier et universel) et exécutif (il récom-pense et châtie en cette vie et dans l’autre).

Dans la Sainte Écriture, nous trouvonsannoncée à plusieurs reprises la royauté duChrist, tant dans l’Ancien que dans le Nou-veau Testament. Dans le Nouveau Testa-ment, l’Ange de l’Annonciation dit àMarie : « Et son règne n’aura pas de fin »,et le vendredi saint, à Pilate qui lui demande« Tu es donc roi? », Jésus répond : « Je lesuis. » Mais les catholiques libéraux objec-tent : - Dans l’Évangile, Jésus dit : « Monroyaume n’est pas de ce monde » : donc leChrist règne seulement dans l’au-delà (etc’est la raison pour laquelle la fête du ChristRoi, dans le Novus Ordo, a été placée à lafin de l’année liturgique). La réponse don-née par tous les Pères et les Docteurs estque le verset signifie : mon royaume n’estpas selon le genre de ce monde, ce n’est pasun royaume terrestre; mais il est déjà dansce monde, en germe, pour fleurir parfaite-ment dans l’autre.

RÈGNE PRINCIPALEMENT MAISNON EXCLUSIVEMENT SPIRITUEL

Le règne du Christ est par nature essen-tiellement et principalement spirituel, maisil n’exclut pas l’extension aux choses tem-porelles ; il est aussi social, et non seule-ment individuel.

La royauté de Notre Seigneur Jésus-Christest principalement spirituelle : il gouverneles âmes et les dirige vers le Paradis, « setromperait gravement – écrit saint Pie X –celui qui retirerait au Christ Dieu et hommele pouvoir sur toutes les chosestemporelles ».

En tant que Dieu, il a en effet un droitabsolu sur toutes les choses créées. Maiscette royauté appliquée aux choses tempo-relles, le Christ ne voulut et ne veut pasl’exercer, et il la laisse à l’autorité humaine(« non eripit mortalia, Qui regnat datcœlestia »). Ce pouvoir, il le communiquedans les mêmes termes à l’Église en la per-sonne du Pape : pouvoir direct et exercédans les choses spirituelles ; pouvoir directmais non exercé dans les chosestemporelles, que le Pape, comme le Christ,laisse aux princes, n’exerçant le pouvoir quedans la mesure où les choses temporellesgênent l’homme dans la poursuite de sa findernière spirituelle (ratione peccati) 1.

Le règne de Notre Seigneur Jésus-Christest un règne non seulement individuel maisaussi social. La société est la réunion deplusieurs familles ou plusieurs individus pardroit naturel, et comme le Christ est roi del’individu, il l’est aussi des nations, qui luidoivent adoration et soumission. L’État, enoutre, doit coopérer avec l’Église au moyen

de bonnes lois, afin que les citoyens attei-gnent le bonheur éternel ; tout cela par lasubordination des fins : le bien temporel estinférieur au bien spirituel, il lui est doncsubordonné.

La négation de la royauté sociale duChrist a des conséquences catastrophiquesparce qu’elle mène à l’anarchie et au totali-tarisme. Si l’autorité ne vient pas de Dieu,mais de l’homme, se pose la question :pourquoi l’un devrait-il obéir et l’autre com-mander? C’est le principe de la révolution,de l’anarchie. Par ailleurs, si les citoyensrefusent d’obéir à une autorité dont ilsvoient qu’elle est exclusivement humaine,l’État n’a pas d’autre moyen que la forcepour les forcer à l’obéissance. Et voilà letotalitarisme. Au contraire, si l’on accepte leprincipe que l’autorité vient de Dieu, lescitoyens seront plus obéissants, parce qu’ilssavent qu’en obéissant à l’autorité humaine,ils obéissent à Dieu, et les chefs, à leur tour,seront plus justes, voyant en la royauté duChrist le modèle auquel ils doivents’efforcer de se conformer.

Ne pas tenir compte de la royauté duChrist mène à la destruction de la sociétécivile, en la faisant osciller entre l’anarchieet l’État policier, qui, pour se faire respecter,doit inspirer la terreur et écraser toute oppo-sition. Le Pape a institué la fête liturgiquedu Christ Roi dans le but d’aider les indivi-dus et les nations à revenir sous le tendrejoug du Rédempteur 2.

L’HUMANITÉ A BESOIN DU CHRIST ROI

Le monde, égaré après la grande guerre,cherchait un roi de paix. En 1925, le Pape ledésigna à tous en disant : le Christ est lePrinceps pacifer.

Tous les êtres qui ne vont pas nécessaire-ment vers leur fin, mais qui doivent s’y diri-ger d’eux-mêmes librement, avec l’aide deleur intelligence et de leur volonté, ontbesoin que quelqu’un les gouverne ou lesguide (un rector ou rex, de regere, c’est-à-dire diriger quelqu’un vers un but) commele bateau a besoin d’un timonier (timon =gubernaculum). Ce roi est le Christ, etl’homme doit être disposé à observer seslois et ses ordres pour parcourir le cheminqui le mènera au port ; c’est-à-dire la Loiqui, observée avec l’aide de la grâce, leconduira au Ciel. S’il refuse, étant libre, ildemeurera privé de sa fin dernière qui est lavie éternelle.

En outre, l’homme est un animal social, ettoute société a besoin d’une autorité qui lamaintienne dans l’unité et qui la gouverne,en vue de sa fin : ubi non est gubernator,populus corruet. Le monde issu de la pre-mière guerre mondiale sentait la nécessité

1. P. PARENTE, A. PIOLANTI, S. GAROFALO, Dic-tionnaire de Théologie Dogmatique, Studium,Rome, 4e éd., 1957.

2. Cf. T. DE SAINT JUST, La royauté sociale deNotre Seigneur Jésus-Christ, éd. de Chiré, Chiréen Montreuil, 1988, pp. 23-42 ; J. DE MONLÉON

O.S.B., Le Christ Roi, Téqui, Paris 1933 ;F. SARDA Y SALVANY, Le libéralisme est unpéché, éd. Nouvelle Aurore, Paris, 1975, pp.239-245 ; J. OUSSET, Pour qu’Il Règne, Office,Paris, 1970, pp. 11-30.

d’un guide qui le mette à l’abri des consé-quences de ce massacre, et cherchait un roi ;le Pape le lui a montré, mais le monde n’apas voulu que le Christ règne sur lui, etvoici une seconde guerre mondiale encoreplus terrible, à la fin de laquelle le dernier« Empire » qui restait debout en Europe,encerclé d’Est en Ouest, était l’Égliseromaine, avec le Pape Pie XII pour pasteur,qui indiquait encore une fois le seul remèdeà tant de maux : le retour au Christ Roi. Lemonde n’a pas voulu obéir alors non plus, etc’est pourquoi nous nous trouvons au seuild’une époque de chaos, de désordre,d’anarchie, qui nous effraie.

LE CHRIST ROI DES INTELLIGENCESET DES CŒURS

Il y a un seul vrai « Roi par essence », etc’est de son pouvoir que participent les roishumains. Ceux-ci sont rois « par participa-tion » et ils ne se comportent pas toujourscomme tels ; que l’on pense au roi d’Italiequi, le 8 septembre 1943, s’enfuyait sansdonner de directives militaires, et laissaitson armée et son peuple livrés à eux-mêmes.

L’homme est un animal rationnel, pourvud’une intelligence et d’une volonté ordon-nées à la vérité et au bien. Le roi del’intelligence est le Christ, qui seul révèle laplénitude de la vérité. Il est aussi le roi descœurs, parce qu’il est le Souverain Bieninfini, le seul capable de combler les désirsde l’âme humaine qui est ouverte à l’infini.

L’intelligence humaine peut, avec laseule lumière de la raison naturelle,connaître l’existence de la Vérité infinie,en remontant des effets à la Cause, maiselle est incapable de voir l’essence, la natu-re ou le visage de cet Être Suprême; elle adonc besoin que celui-ci lui révèle (révéler= enlever le voile qui cache une certainechose ou vérité) sa nature intime, ses mys-tères. L’homme a besoin d’un roi de sonintelligence, qui l’éclaire et la conduise auport de la vérité, pour éviter qu’elle nes’égare. Ce roi est le Christ, qui a dit : « Jesuis la Voie, la Vérité, la Vie » et nous aprévenus : « ne vous faites pas appeler Sei-gneur, entre vous ; vous n’avez qu’un Sei-gneur, le Christ. » (Mt. 23, 10.)

De plus, l’homme est fait pour aimer,mais il ne trouve aucune créature capable decombler les désirs de son cœur. SaintAugustin disait : « Fecisti nos ad te, Deus,et irrequietum est cor nostrum donecrequiescat in Te, Domine. » (Tu nous as faitspour Toi, ô Dieu, et notre cœur et sans repostant qu’il ne repose pas en Toi, ô Sei-gneur »). C’est une expérience que nous fai-sons chaque jour. Mais notre cœur est aussi« Pravum et inscrutabile », commel’enseigne Jérémie (XVII, 9), et il peut tour-ner le dos à Dieu et lui préférer les créa-tures, qu’il devra pourtant abandonner unjour, qu’il le veuille ou non. C’est pourquoile cœur humain (nutantia corda, dit la litur-gie) a besoin d’un remède, d’un médecin,d’un guide sûr, qui le préserve de ses ater-moiements. Seul Jésus, vrai Dieu et vraiHomme, a le pouvoir de guérir nos cœurs

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Courrier de RomeJanvier 2009 3

hésitants et il nous dit : « Venez à moi, voustous qui peinez et portez un fardeau acca-blant, je vous soulagerai… Apprenez de moique je suis doux et humble de cœur, et voustrouverez du soulagement pour vos âmes. »(Mt. 11, 28-29.) Voilà le seul vrai remèdeaux maux qui affligent l’homme et risquentde lui faire perdre sa route : le Christ, roi del’intelligence, du cœur et de la société, parceque l’homme n’est pas seulement un animalrationnel, mais aussi social, et la société, quin’est pas autre chose qu’une union deshommes en cherche d’une fin, a besoin elleaussi d’un guide qui l’empêche de tomberdans toutes les déviations et les tragédiesauxquelles l’histoire nous a hélas habitués.

COMMENT RESTAURER LE RÈGNE SOCIALDU CHRIST ?

Le cardinal Pie a beaucoup écrit sur laroyauté sociale du Christ, et il nous a aussidonné de sages conseils pour la restaurer.Écoutons ses conseils.

Les fidèles doivent faire régner Jésus dansleur intelligence et ensuite dans leur cœur(nihil volitum nisi præcognitum) parl’instruction religieuse; « La seule espéran-ce de la régénération sociale dépend del’étude de notre religion… Le premier pasde retour à la paix et au bonheur sera leretour à la science du christianisme 3. »

Éloigner son esprit de la vérité, lui êtreindifférent, est - selon le cardinal Pie - lecrime que Dieu punira le plus sévèrementet le plus justement. L’instruction religieusedes fidèles doit être solide et doit alimenteren eux une foi intégrale et complète, quiconfesse non seulement la divinité etl’humanité de Jésus-Christ, mais aussi saroyauté sociale. Le catholique, s’il veut êtretel intégralement, doit croire que Jésus a ledroit de régner sur les institutions sociales.Le fidèle manifestera sa foi intégrale sur-tout en pratiquant sans respect humain lareligion catholique, apostolique etromaine : « La religion chrétienne est unereligion publique, et les f idèles ontl’obligation de la pratiquer publiquement,...d’où la nécessité de rendre au Christ leculte public de l’Église 4. »

Il ne faut pas rougir du Christ devant leshommes, et il ne faut pas se résigner si lemilieu dans lequel on vit et dans lequel ontravaille est antichrétien; ceci serait une cir-constance aggravante et non pas atténuante,car dans l’apostasie générale dans laquellenous vivons, nous devons déclarer à voixhaute notre foi, et être des exemples ; siquelqu’un a honte de Jésus devant leshommes, Jésus aura honte de lui lorsqu’ilviendra juger les vivants et les morts :« comme aujourd’hui le Dieu du ciel et dela terre est devenu impopulaire, et que vousrisquez comme lui d’être méprisé par unegénération corrompue, vous vous croyezlibres de tout devoir public à son égard…Au contraire ! Si nous lui sommes fidèles,

nous régnerons avec lui, si nous le renions,il nous reniera 5. »

Les prêtres doivent consacrer leur vie à lacause du règne social du Christ. Comme lepremier obstacle à sa restauration estl’ignorance religieuse, « le devoir principaldu prêtre est d’instruire… c’est sa mis-sion… Si le prêtre est un homme de doctri-ne, ce programme sera réalisé, il doit savoirdonner aux fidèles et aux gouvernantsl’enseignement complet de l’Église sur laroyauté sociale du Christ 6. »

Mais qui réalisera et mettra en pratiquel’enseignement doctrinal donné par leprêtre ? se demande le cardinal ; et ilrépond : le savoir et le pouvoir, c’est-à-direles intellectuels (le savoir) et les gouver-nants (le pouvoir).

DEVOIRS COMMUNS AUX INTELLECTUELSET AUX GOUVERNANTS

Les laïcs, qui ne sont ni les laïcistes ni lesanticléricaux, car le mot « laïc » désigne lefidèle qui n’est pas clerc, doivent avoir uneinstruction solide, complète, supérieure :« ils devraient suivre un cours de philoso-phie thomiste, d’éthique naturelle, de doc-trine sociale catholique, de droit publicecclésiastique ; ainsi la nation changerad’aspect 7. »

Le cardinal Pie écrit : « la science sacrée,aujourd’hui, seul le prêtre la connaît, onn’en a plus la moindre idée. Une trentained’hommes supérieurs, fortement nourris descience sacrée, auraient une très forteinfluence tant sur un parlement national quesur la gestion des différentes chargespubliques 8. » Le prélat insiste surtout sur lanécessité d’une bonne philosophie, car « lafausse philosophie subjectiviste a engendréla mauvaise politique, en effet la mauvaisepolitique est seulement la mauvaise philoso-phie qui érige ses principes en maximes dedroit public 9. »

Les professeurs, qui ont la mission délica-te de former intellectuellement et morale-ment la jeunesse, ont le devoir particulier delui enseigner les principes du christianismeet la nécessité de la royauté sociale de Jésus-Christ, à l’inverse des intellectuels du siècledes lumières qui ont profité de leur rôlepour faire le vide autour du Christ, discrédi-ter l’Église et le clergé, éloignant ainsi lesmasses de Jésus.

Il faut en outre que les gouvernants pren-nent part officiellement et sincèrement auculte public de l’Église. Le retour en massedu peuple à la liturgie et à la vie chrétiennene pourra pas se réaliser si les chefs intellec-tuels et politiques ne montrent pasl’exemple : l’élite intellectuelle (le savoir)doit donner un enseignement intégralementcatholique et les gouvernants (le pouvoir)

3. H. OUDIN-J. LEDAY, Œuvres sacerdotales,

Paris, 1891, vol. I., p. 137.

4. T. DE SAINT JUST, op. cit., p. 87.

5. L. PIE, Instruction pastorale sur l’obligationde confesser publiquement la foi chrétienne(Carême 1874), H. Oudin-J Ledday, Paris, 1891.6. T. de Saint Just, op. cit., p. 94.7. Ibidem, p. 103.8. Œuvres sacerdotales, cit. vol. IX, pp. 216-217.9. Ibidem, vol. II, p. 437.

doivent s’efforcer de réaliser en politique unprogramme intégralement chrétien.

Il ne faut pas oublier que saint Pie Xdisait : « La civilisation n’est plus à inven-ter ni la cité nouvelle à bâtir dans lesnuées. Elle a été, elle est ; c’est la civilisa-tion chrétienne, c’est la cité catholique. Ilne s’agit que de l’instaurer et la restaurersans cesse sur ses fondements naturels etdivins contre les attaques toujours renais-santes de l’utopie malsaine, de la révolte etde l’impiété 10. » Et Léon XIII a décrit ences termes la société chrétienne, ou chré-tienté médiévale : « Il fut un temps où laphilosophie de l’Évangile gouvernait lesÉtats. À cette époque, l’influence de lasagesse chrétienne et sa divine vertu péné-traient les lois, les institutions, les mœursdes peuples… alors la religion instituée parJésus-Christ… était partout florissante,grâce à la faveur des princes et à la protec-tion légitime des magistrats. Alors le sacer-doce et l’empire étaient liés entre eux parune heureuse concorde… Organisée de lasorte, la société civile donna des fruits supé-rieurs à toute attente, dont la mémoire sub-siste et subsistera consignée qu’elle est dansd’innombrables documents que nul artificedes adversaires ne pourra corrompre ouobscurcir 11. » Et encore saint Pie X : « Toutrestaurer dans le Christ a toujours été ladevise de l’Église… Restaurer touteschoses, non d’une manière quelconque,mais dans le Christ… mais encore la civili-sation chrétienne 12. » Et « pour restaurertoutes choses dans le Christ, il est nécessai-re, avant tout, de connaître la doctrine deJésus-Christ, en lisant non pas les grandslivres destinés aux savants, mais un petitlivre qui sous un humble aspect contienttoute la sagesse répandue dans les grandslivres : le Catéchisme 13. »

Enfin, Pie XII constatait : « C’est tout unmonde qu’il faut reconstruire depuis sesfondations, c’est l’ordre universel qu’il fautrétablir. Ordre matériel, ordre intellectuel,ordre moral, ordre social, ordre internatio-nal : tout est à refaire et à remettre dans unmouvement régulier et constant. Cette tran-quillité de l’ordre, qui est la paix, la seulevraie paix, ne peut renaître et perdurer qu’àla condition de faire reposer la sociétéhumaine sur le Christ, pour tout rassembler,récapituler et reconjuguer en Lui : instaura-re omnia in Christo 14. »

LA MENACE QUI PÈSE SUR L’HUMANITÉ

Le monde est de plus en plus déchristiani-sé ; il n’existe plus aujourd’hui une seulenation dans laquelle le Christ règne publi-quement ; on fait même tout ce que l’onpeut pour effacer toute trace de son règne.Humainement parlant, la lutte est inégale. Si

10. Lettre sur le Sillon « Notre charge aposto-lique », 25 août 1910.11. Immortale Dei, 1er novembre 1885.12. Le ferme propos, 11 juin 1905.13. Allocution aux pélerins toscans, 12 octobre1908.14. Exhortation aux fidèles de Rome, 10 février1952.

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Courrier de Rome4 Janvier 2009

quelqu’un pense pouvoir vaincre par desmoyens purement humains, qu’il écoute ceque saint Pie X enseigne : « Il en est, et engrand nombre, Nous ne l’ignorons pas, qui,poussés par l’amour de la paix, c’est-à-direde la tranquillité de l’ordre, s’associent et segroupent pour former ce qu’ils appellent leparti de l’ordre. Hélas! Vaines espérances,peines perdues! De partis d’ordre capablesde rétablir la tranquillité au milieu de laperturbation des choses, il n’y en a qu’un :le parti de Dieu 15. »

Mais le bras de Dieu n’a pas perdu saforce, et « omnia quæcumque voluit, fecit »,bien que l’ennemi de l’ordre social chrétien

ait fait des pas de géant, de l’humanisme etde la Renaissance jusqu’à aujourd’hui, attei-gnant son sommet en Italie avec le Risorgi-mento, et devenant phénomène de masseavec la Démocratie Chrétienne. Cet ennemiest admirablement décrit par saint Pie X :« Il est partout et parmi tous ; il sait êtreviolent et sournois. Au cours de ces dernierssiècles, il a tenté de réaliser la désagréga-tion intellectuelle, morale, sociale de l’unitédans l’organisme mystérieux du Christ. Il avoulu la nature sans la grâce ; la raisonsans la foi; la liberté sans l’autorité; par-fois l’autorité sans la liberté. C’est un enne-mi de plus en plus concret, avec une absen-ce de préjugés qui laisse stupéfait : le Christ

oui, l’Église non. Puis : Dieu oui, le Christnon. Finalement le cri impie : Dieu estmort; et même : Dieu n’a jamais existé. Etvoici la tentative de construire la structuredu monde sur des fondements… qui [sontles] principaux responsables de la menacequi pèse sur l’humanité : une économiesans Dieu, un droit sans Dieu, une politiquesans Dieu 16. »

G.F.

15. E supremi apostolatus cathedra, 4 octobre1903.16. Nel contemplare

LES GLOIRES DE MARIE SACRIFIÉESAU FAUX ŒCUMÉNISME

AVVENIRE DU 9 JUILLET 2008Interview de l’archevêque Angelo

Amato, à cette date encore secrétairede la Congrégation pour la Doctrine dela Foi.On lui demande entre autres :

« Quelques cardinaux ont récemment sou-haité que soit proclamé un nouveau dogmemarial, qui proclame la Vierge “coré-demptrice” et “médiatrice de toutes lesgrâces”. Est-ce une possibilité? »

Réponse de son excellence Mgr Amato :« C’est une demande ancienne [sic].Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire,le titre de “corédemptrice” n’est nibiblique, ni patristique, ni théologique, etil n’a été que rarement employé par cer-tains pontifes, et seulement dans des allo-cutions mineures. Le Concile Vatican IIl’a volontairement évité. Il est utile derappeler qu’en théologie, on peut utiliserle principe de l’analogie mais non pascelui de l’équivocité. Et dans le cas pré-sent il n’y a pas analogie, mais seulementéquivocité. En réalité Marie est la “plusparfaitement rachetée”, elle est le premierfruit de la rédemption de son Fils uniqueRédempteur de l’humanité. Vouloir allerau-delà me semble peu prudent [sic !]. »

TITRE ET DOCTRINE

C’est étrange, mais Mgr Amato sembleignorer que, jusqu’au dernier Concile,l’écrasante majorité des théologiensétaient d’avis concordant sur la corédemp-tion (mais soyons clairs : subordonnée etsecondaire) de Marie, ainsi que sur samédiation dans la distribution de toutes lesgrâces, et qu’ils considéraient ce jugementsolidement fondé sur les donnéesbibliques, patristiques et théologiquescomme sur les textes pontif icaux. Peuimporte, en effet, que le titre de « coré-demptrice » sur lequel semble s’arrêterformellement Mgr Amato se trouve ounon dans la Sainte Écriture, dans le témoi-gnage des Pères, dans la tradition théolo-gique et dans le magistère de l’Église. Letitre résume la doctrine et celle-ci est aussiancienne que le Christianisme. Rien

d’étonnant, donc, à ce que la demanderenouvelée récemment soit, commel’admet Mgr Amato, “ancienne”.

DONNÉES BIBLIQUES ET PATRISTIQUES,ET LEUR DÉVELOPPEMENT THÉOLOGIQUE

La corédemption de Marie est prophéti-sée dans l’Ancien Testament, toutd’abord dans le Protoévangile ou premièreannonce du salut (Gen. 3, 14-15), où Dieuassocie étroitement Marie au Christ dansl’œuvre de notre rédemption : « Je mettraiune inimitié entre toi et la Femme, entre sadescendance et ta descendance. Ellet’écrasera la tête. » Cette prophétie « est àla fois générique et globale »(Mgr Spadafora, Sujets d’exégèse,I.P.A.G., Rovigo). En effet le NouveauTestament, les Pères de l’Église, les théo-logiens et les Pontifes romains n’ont faitqu’en expliquer le contenu, dans une tradi-tion ininterrompue.

Le Nouveau Testament nous en présen-te la réalisation de l’Annonciation (Lc. 1,38) à la prophétie du saint vieillardSiméon : « Et toi aussi un glaive de dou-leur transpercera ton âme » (Lc. 1, 34-35)et à Jn. 19, 25 : « près de la Croix de Jésusse tenait sa Mère. »

Les pères de l’Église et les auteursecclésiastiques des premiers siècles (SaintJustin, saint Irénée, Tertullien…) ontinclus la doctrine de la corédemption dansl’idée fondamentale de Marie « nouvelleÈve » opposée à l’ancienne Ève : « Demême que tous meurent en Adam et Ève,de même tous ressuscitent dans le Christet Marie. » Le Christ est le « nouvelAdam » (saint Paul) et Marie la « nouvelleÈve ».

La théologie mariale du IIe au XXe sièclea développé et approfondi de façon homo-gène (c’est-à-dire avec cohérence et sanscontradictions) ces données bibliques etpatristiques. Quelques noms : Jean Géo-mètre, saint Bernard, Eadmer de Canterbu-ry, (« La bienheureuse Marie, protégeanttous par ses mérites, est Mère et Maîtressedes choses »), Arnauld de Chartres (« Elleobtint, avec le Christ, le commun effet dusalut du monde ») et, avec une égale

vigueur saint Albert le Grand, saint Bona-venture, Ambroise Catarino, Alonso Sal-merón, Laurent de Brindes, Olier, etc.Sans parler de certaines hymnes litur-giques du XIVe siècle, où apparaît nonseulement la doctrine de la corédemptionmariale, mais aussi pour la première foisle titre « corédemptrice » (à la place de« rédemptrice » utilisé auparavant) : « Afinque, souffrant avec le Rédempteur, tudeviennes corédemptrice. » (ut compassaredemptori, coredentrix fieres.)

LE MAGISTÈRE PONTIFICAL

Quand la réflexion théologique sembleavoir atteint sa maturité, au point de neplus rien avoir à ajouter sur le sujet, lesPontifes romains, par une série de textesoff iciels (magistère ordinaire, et non« simples allocutions mineures », à moinsque S.E. Mgr Amato ne veuille considérercomme mineure aussi la bulle dogmatiqueIneffabilis Deus sur l’Immaculée Concep-tion de Pie IX, et la dogmatique Munifi-centissimus Deus de Pie XII surl’Assomption) interviennent de plus enplus fréquemment (et non « rarement »)sur la coopération de Marie à l’œuvre denotre Rédemption :

• Pie IX, bulle dogmatique IneffabilisDeus : « la Très Sainte Vierge, unie étroite-ment, unie inséparablement avec lui[Jésus-Christ], fut, par lui et avec lui,l’éternelle ennemie du serpent venimeux,le vainquit, le terrassa sous son pied virgi-nal et sans tache, et lui brisa la tête. »

• Léon XIII, encyclique Iucunda semper.Marie fut associée à la douloureuse expia-tion de son Fils par « un dessein spécial deDieu » ; encyclique Adiutricem populi :Marie fut « coopératrice dans le mystèrede la rédemption humaine » et elle l’est« dans la distribution des grâces », et lapremière coopération est la raison de laseconde.

• Pie X, encyclique Ad diem illum :« Parce que Marie a été associée parJésus-Christ à l’œuvre de la rédemption,elle nous mérite de congruo, comme disentles théologiens, ce que Jésus-Christ nousa mérité de condigno. » (dans le mérite

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Courrier de RomeJanvier 2009 5

« de condigno », la récompense est duepar justice, le mérite étant proportionné àla récompense ; dans le mérite « decongruo », il n’y a pas cette proportion,mais la récompense est requise par laconvenance et accordée par la divine bien-veillance ; il reste que Marie, fût-ce à untitre différent, nous a mérité ce que nous amérité le Christ).

• Benoît XV, Lettre Apostolique Intersodalicia : Marie au pied de la Croix« souffrit tellement et mourut avec sonFils souffrant et mourant [...] que c’estavec raison que l’on peut dire qu’elle aracheté le genre humain avec le Christ » ;

• Pie XI, message radiophonique pour laclôture de l’année jubilaire de la Rédemp-tion : « Ô mère [...] combien souffrante etcorédemptrice vous fûtes auprès de votretrès doux Fils… » (L’Osservatore Romano23-30 avril 1935).

• Pie XII, encycliques Mystici corporis,Ad cœli Reginam (où - comme par hasard- le Pape fait appel à l’« analogie » entrele Christ et Marie) et Haurietis aquas : « lepeuple chrétien [...] a reçu la vie divine duChrist et de Marie. » Enfin, dans la bulledogmatique Munificentissimus Deus surl’Assomption, Pie XII résume ainsi la tra-dition catholique sur la coopération deMarie à l’œuvre de notre rédemption :« Tous ces arguments et considérationsdes saints Pères et des théologiens repo-sent sur l’Écriture comme sur leur dernierfondement ; celle-ci nous fait voir enquelque sorte l’auguste mère de Dieu trèsintimement unie à son divin Fils et parta-geant toujours son sort. [...] Il faut sur-tout se rappeler que, depuis le IIe siècle, laVierge Marie est présentée par les saintsPères comme la nouvelle Ève, soumisesans doute au second Adam, mais trèsintimement unie à lui, dans le combatcontre l’ennemi infernal, combat qui, telqu’il est préfiguré dans le Protoévangile(Gen. 3, 15), devait aboutir à la victoiretotale sur le péché et la mort. »

À ces affirmations publiques et répé-tées des Papes font écho les affirmationspubliques et répétées de l’épiscopat mon-dial.

L’ « ANNÉE ZÉRO »Mais Mgr Amato déclare tout le monde

dans l’erreur, ou du moins reproche à toutle monde un « manque de prudence » :auteurs inspirés de l’Ancien et du Nou-veau Testament, Saints Pères et auteursecclésiastiques, Papes et évêques. Seul leConcile Vatican II aurait été dans le justeet aurait fait preuve de « prudence », ayant« volontairement » évité le titre de « coré-demptrice » (et éclipsé - ajoutons-nous -de nombreuses autres gloires de Marie), etchacun sait que c’est à Vatican II que l’ondoit faire commencer toute la traditiondoctrinale de l’Église.

Mais pourquoi le Concile Vatican II a-t-il « volontairement » évité le titre de« corédemptrice »? Mgr Amato ne nous ledit pas, mais il n’est pas difficile de le

deviner. Comme Mgr De Smet le soulignaavec chaleur dans la 22e Congrégation duConcile (19 novembre 1962), un Secréta-riat spécial pour l’Union des Chrétiens, àla tête duquel se trouvait De Smet, avait,par la volonté de Jean XXIII, le devoir,pendant les travaux conciliaires,« d’examiner les différents textes [...] dupoint de vue de l’œcuménisme » (F. Spada-fora La tradition contre le Concile, p. 45).Or, que pouvait-il y avoir de plus anti-œcuménique, de plus désagréable pour lesprotestants qu’un accroissement du cultemarial ? Et en effet, les « raisons » avan-cées par Mgr Amato n’ont - elles - aucunfondement « ni biblique, ni patristique, nithéologique », mais sont empruntées aux« frères séparés ».

Mgr Amato dit qu’il y a dans le cas pré-sent « équivocité », c’est-à-dire que l’ondonnerait le même nom à deux réalitéstotalement différentes : Marie est « la plusparfaitement rachetée », et son Fils estl’« unique Rédempteur de l’humanité ».Or 1) si elle est rachetée, Marie ne peutpas être corédemptrice ; 2) sa corédemp-tion porterait préjudice à l’unicité duRédempteur.

À Mgr Amato, comme aux « frères »protestants, il a toutefois échappé qu’unechose est la rédemption de soi-même, uneautre chose est la rédemption d’autrui.Quant à elle-même, Marie est « rachetée »(d’une rédemption singulière qui la préser-va, mais ne la libéra pas, comme tous lesautres hommes, du péché originel) ; quantaux autres hommes, Marie est corédemp-trice. Et sa corédemption ne porte pas depréjudice à l’unicité du Rédempteur, parceque Marie collabora eff icacement avecson divin Fils, mais dans un rapport dedépendance et de subordination. C’estAdam qui nous a perdus, car, même si Èveavait obéi, la faute d’Adam nous auraittout de même perdus, alors que si Adamavait obéi, la faute d’Ève n’aurait pas suffià nous perdre. Mais Ève n’en coopéra pasmoins activement à notre perte, bien qued’une façon secondaire et subordonnée parrapport à Adam. De même c’est Jésus, etnon Marie, qui nous a sauvés, parce que lemérite de Jésus aurait suffi à nous sauvermême sans le mérite de Marie, tandis queMarie, sans Jésus, n’aurait pu ni se rache-ter ni coopérer à la rédemption des autreshommes. Mais elle n’en a pas moinscoopéré activement à l’œuvre de notresalut dans laquelle Dieu - « en rétorsion »contre satan (Tertullien) - la voulut « nou-velle Ève » aux côtés du « nouvel Adam ».Donc, « dans le cas présent », il n’y aaucune « équivocité », mais précisémentcette « analogie » dont Mgr Amato exclutla présence : par deux mots identiques(Rédempteur – corédemptrice) on désignedeux réalités semblables, mais substantiel-lement différentes. Il y aurait« équivocité » si les catholiques attri-buaient à Marie le titre et la fonction decorédemptrice au même degré et au sensoù le Christ est Rédempteur. Mais ce n’est

pas cela : le Christ est le seul Rédempteur,indépendant, se suffisant à lui-même et,dans l’ordre actuel, absolumentnécessaire ; Marie, au contraire, est coré-demptrice secondaire, dépendante, nonefficace en elle-même, hypothétiquementnécessaire (c’est-à-dire nécessaire à lasuite de la libre décision de Dieu).

Pour nous limiter aux citations desgrands théologiens, nous n’en rappelleronsque deux. Ambroise Catarino (†1552) écritque « c’est un jugement très constant detous les anciens » que Marie fut d’abordrachetée par le Christ puis, avec le Christ,qu’elle a racheté tous les hommes (Dispu-tatio pro Immaculata Dei Gen. Concept. 3,c.14) : rachetée, donc et corédemptrice.Alfonso Salmerón s.j. (†1565), théologiendu Concile de Trente, écrit qu’« ici [dansla rédemption] se produit l’envers [dupéché originel]. L’homme [le Christ] goûted’abord le bois amer de la croix et ledonne à goûter à la femme af in que,comme de deux, mais surtout de l’homme,vint la chute du monde, ainsi de deux,mais surtout du Christ, vienne le salut etla rédemption. Puisque, quelque efficacitéque puisse avoir Marie, celle-ci lui vientdu Christ… » (Commentarii in evangeli-cam historiam… tract. 41, vol. 10).

MENTALITÉ « PROTESTANTE »Nous le disons clairement, non pas pour

manquer de respect à l’autorité deMgr Amato, mais pour l’honneur de laMère de Dieu et notre mère : il ne noussemble aucunement « peu prudent » devouloir « aller au-delà » de la rédemptionpersonnelle de Marie ; il nous semble aucontraire très protestant de refuser d’allerlà ou les Textes Sacrés, les Pères del’Église, les grands théologiens et les Pon-tifes romains sont déjà allés, désignant enMarie non seulement « la plus parfaite-ment rachetée » et « le premier fruit de larédemption de son Fils », mais aussi laprincipale corédemptrice, subordonnée auChrist et dépendante de Lui. À un degrédifférent, mais ressemblant à Marie, sontaussi corédempteurs les grands saints,comme le Padre Pio, à qui son directeurspirituel écrivait justement que Dieu levoulait « racheté et corédempteur ». C’esteffectivement sous ce même prétexte del’atteinte a l’« unique Rédempteur » queles protestants nient aussi la médiation dessaints, diminuant ainsi, alors qu'ils préten-dent la sauvegarder, la gloire du Rédemp-teur qui nous a mérité toute une chaîne de« corédempteurs » qui lui sont subordon-nés, à partir de Sa sainte Mère.

Est-il possible que, pour « favoriser » lesprotestants, comme le veut aujourd'huil'œcuménisme, les catholiques doiventavoir eux aussi une mentalité« protestante » ? Et est-ce la meilleurefaçon de convertir les « frères » dansl'erreur que de les suivre (ou feindre de lessuivre) dans l'erreur?

Hirpinus

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Courrier de Rome6 Janvier 2009

Dieu peut être connu par les forces natu-relles de la raison, au moyen des créatures,comme Auteur de l’ordre naturel. Mais il ya une « science de Dieu » que l’on ne peutpas acquérir par les seules forces de la rai-son, car elle présuppose que Dieu même sesoit manifesté aux hommes parl’intermédiaire de la Révélation. Telle est lathéologie au sens strict. On comprend alorsque le théologien doive posséder parfaite-ment tant la théologie que les données de laRévélation, telles qu’elles sont proposéespar le Magistère, pour pouvoir effectuercette synthèse - opportunément nourrie parla prière - qui distingue la vraie théologie dela discussion de café du commerce.

Le théologien doit avant tout être humble.Puis, il doit être docile aux inspirations deDieu, le sujet qu’il étudie étant le plus élevéet le plus sublime. De l’union entre humilitéet docilité naît le don de la sagesse.

Toutes choses absolument absentes desforums et mailing-lists. Je mets au défi qui-conque de me prouver le contraire.

Mu par le don de sagesse, une théologiedu calibre de saint Thomas d’Aquin, face àune question particulièrement difficile, netrouvait pas mieux à faire que de se mettreen face du tabernacle.

Le tabernacle. Et non un écran d’ordinateur.

COPIER COLLER, OU… COUPER ET COUDRE?L’autre énorme avantage d’Internet sur

tout autre moyen de communication est lefait de pouvoir répandre à une vitesse verti-gineuse, sans effort et gratuitement, laBonne Nouvelle.

Si ce n’est que, avec la même facilité etavec des conséquences cent mille fois plusimportantes, on peut aussi répandre l’erreur,ou ne serait-ce que l’imprécision; la calom-nie, ou même le doute sur une personne; lamédisance, etc.

Cette simple constatation devrait faireréfléchir l’internaute avant d’effectuer lefatidique clic et répandre une nouvelle, unjugement, etc. Tant pis pour celui qui ne sepose aucune question morale, mais pour cequi est de l’internaute catholique, il doittoujours avoir cette réflexion salutaireavant de cliquer.

Et au contraire, un tour rapide sur lesforums catholiques qui gravitent autour dela Tradition nous fait découvrir avec hor-reur que ceux-ci pullulent de méchancetés,médisances et insinuations gratuites. Onse demande vraiment si ceux qui écrivent -ou répandent - ces choses ont réfléchisérieusement à la portée du huitièmeCommandement « tu ne feras pas de fauxtémoignage ».

IUDICO… ERGO SUM

Que dire ensuite de la démangeaison descommentaires? Avec un clavier et une sou-

ris certains deviennent éditorialistes, chroni-queurs, sages inspirés qui considèrent queleur jugement apporte à la pauvre humanitécette lumière qui jusqu’alors lui manquait.Et alors - même si on ne leur a rien deman-dé - ils répandent, à longueur de mails, leuravis sur tous les sujets: actualité, politique,vie ecclésiale, etc. Rien ni personnen’échappe à leur jugement. Même si c’estun jugement téméraire…

S’il est vrai que l’opération appelée« jugement » est propre à l’homme en tantqu’être rationnel, il n’y a pas d’obligationde porter un jugement sur tout et sur tous, àplus forte raison s’il n’est pas demandé, etsurtout si on n’est pas vraiment sûr des faits.

« Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés[...], car de la mesure dont vous vous serezservis, on se servira envers vous » (Lc. 6, 37).

AVERTISSEMENT DESTINÉ À TOUS

Tout le monde se souvient de la singulièrepénitence que saint Philippe Néri imposa àcette femme venue se confesser d’avoirl’habitude de dire du mal de son prochain.Le saint, pour lui faire comprendre les ter-ribles effets de ce péché, lui imposa de plu-mer une poule par les rues de Rome, puis derevenir le voir. La femme s’exécuta et- revenue auprès du saint - lui demanda cequ’elle devait faire ensuite.

« Maintenant vous allez retourner dans lesrues par lesquelles vous êtes passée et vousramasserez une à une toutes les plumes de lapoule, sans en laisser une seule par terre. »

« Mais, mon Père, vous me demandez unechose impossible ! - s’exclama la pauvrepénitente désespérée - Il y avait tellement devent que je ne pourrai jamais retrouvertoutes ces plumes. »

« Je le sais - conclut le saint - mais je vou-lais vous faire comprendre par là que vosmédisances ressemblent à ces plumes. »

Il faudrait un autre Pippo Buono 1 pourimaginer une pénitence proportionnée desti-née à tous ceux qui répandent des kilobitsde médisances malveillantes et de juge-ments perfides.

EFFET TRANSPARENCE

Enfin, Internet permet de partager sespropres connaissances, expériences, etc.avec d’autres utilisateurs. Non seulemententre amis, mais aussi avec des inconnus.Finie l’époque du journal intime fermé parun petit cadenas. Maintenant il y a le blog,dans lequel on se raconte au grand public:vices et vertus. Il y en a pour tous.

Les discussions prennent elles aussi uncaractère public de dimension planétaire: ilest beaucoup plus savoureux de se disputeren ligne devant un plateau d’utilisateurs

« C’est une grande sagesse que de nepoint agir avec précipitation, et de nepas s’attacher obstinément à son propresens ».(Imitation de Jésus-Christ, L. 1, c. 4, 2)

La diffusion d’Internet est désormais sousles yeux de tous, et les foyers des traditiona-listes n’en sont pas exempts, même lesprieurés sont concernés… Il me semble quele moment est venu de parler de la moralitéde l’utilisation d’Internet. Je laisse volontai-rement de côté l’aspect lié aux obscénitésdont cet instrument peut être le véhicule: jerappelle seulement aux parents que laisserun accès libre à Internet aux enfants est uneimprudence colossale : s’il doit vraiment yavoir une connexion à la maison, quel’ordinateur soit situé dans une pièce com-mune (... et donc jamais dans la chambredes enfants).

Dans ces quelques lignes, je voudraisconsidérer l’utilisation d’Internet sous unautre point de vue, toujours moral mais d’unautre genre : je pense aux divers forums etautres mailing-lists qui encombrent nosadresses de courrier électronique.

NOUS SOMMES TOUS THÉOLOGIENS

Internet, en plus des avantages que tousconnaissent, en présente un qui est digned’attention : le fait de se trouver à l’abrid’un écran, et mieux encore si on est proté-gé par un pseudo (un nom de code quicache la véritable identité), fait devenirimmédiatement… théologien. C’est extraor-dinaire, mais c’est ainsi. Il y a des gens quiétudient pendant des années pour avoir undiplôme en théologie; d’autres, au contraire,s’inscrivent à un forum ou à une mailing-list, et les voilà prêts à répandre leurs juge-ments éclairés et éclairants parmi les inter-nautes assoiffés de vérité. Ils dissertent à quimieux mieux, avec force citations d’illustresthéologiens, sur l’infaillibilité pontificale,les canonisations, la validité des sacrements,la liturgie, le magistère ordinaire universel.Et ce, bien évidemment, avec moult ana-thèmes réservés à ceux qui osent mettre endoute leur enseignement. Anathème… clic.

Il est beau de voir se multiplier ces théolo-giens qui osent s’aventurer là où d’autres,- manifestement moins doués qu’eux - n’ontjamais osé s’aventurer.

Or, toute ironie mise à part, je voudraisfaire ici une réflexion : la théologie est unechose sérieuse, tellement sérieuse qu’onne peut pas la pratiquer derrière son écran,en temps réel. La théologie est le sommetdu savoir. S’il est vrai que la métaphysiqueest la plus élevée des sciences humaines -c’est-à-dire des sciences qui connaissent laréalité à la seule lumière de la raison - lathéologie est encore plus élevée, car lalumière qui l’éclaire est la lumière mêmede Dieu.

NAVIGARE NECESSE EST...RÉFLEXIONS MORALES SUR L’UTILISATION

D’INTERNET

1. Surnom donné à saint Philippe Néri - ndt.

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Courrier de RomeJanvier 2009 7

connectés. Comme ces belles bagarres entrevoisins : deux personnes se disputent d’unbalcon à l’autre, et tout le voisinage en pro-fite, apprenant un tas de choses intéres-santes sur les deux protagonistes et leursmères respectives.

Très bien. L’avantage d’Internet est que levoisinage qui assiste peut être constitué deplusieurs dizaines d’utilisateurs mis « encopie », qui reçoivent un va-et-vient demails de réponses, dans un crescendo wag-nérien. Édifiant. Très, très catholique…

« LE TEMPS S’EN VA ET L’HOMME NE LE VOITPAS… » (DANTE, LA DIVINE COMÉDIE,

PURG. 4, 9)Pour conclure, je voudrais souligner un

autre aspect. L’ordinateur nous a habitués à

raisonner, agir, communiquer, etc. à unevitesse inimaginable. Tout se mesure ennanosecondes, c’est-à-dire en milliardièmesde seconde : il en passe quelques millierssans que l’on ait eu le temps d’écrire unmot. Le processeur de l’ordinateur, quant àlui, utilise bien le temps: il ne perd mêmepas une nanoseconde. En revanche, com-bien de temps (non plus en fractions deseconde, mais en heures de soixanteminutes) les hommes passent-ils à posterdes commentaires sur des forums ou à écriredes mails interminables ? On se demandevraiment comment ils trouvent le tempspour cela. Et avez-vous déjà remarquél’heure de certains posts ou mails? Minuit,deux heures du matin, quatre heures etdemie…! Mais le lendemain, au travail (ouà l’école), que font-ils? Cela ne me semble

pas être la bonne façon de « mettre le tempsà profit », comme dit saint Paul, ajoutant«... quoniam dies mali sunt - parce que lesjours sont mauvais » (Éph. 5, 16): précisé-ment parce qu’ils sont mauvais, les joursdoivent être employés à faire le bien enaccomplissant avec diligence son devoird’état, et en ne gaspillant pas inutilementson temps.

« Serva tempus - ne gaspille pas letemps », écrivaient sagement les anciens surles cadrans solaires.

Il faudrait l’écrire aussi sur les écrans(éteints) des ordinateurs.

Don Luigi Moncalero(La Tradizione Cattolica n° 2, 2008)

OUVERTURE DU VIIIe CONGRÈS THÉOLOGIQUEDE SÌ SÌ NO NO (2 - 4 janvier 2009)

Ce VIIIe Congrès théologique de Sì SìNo No se situe à un moment particuliè-rement délicat et difficile de la crise del’Église.

Pour commencer voici une longue citationdu Père Cavalcoli O.P. qui décrit la situationactuelle de l’Église, ce texte est extrait d’unepublication de 2008. Ce qui fait la force et lavaleur de cette citation est que le Père Caval-coli n’est pas ce qu’on appelle « un traditio-naliste » et qu’il fait ici et là dans son ouvra-ge des critiques aux dits « lefebvristes ».Voici ce qu’il écrit :

« Peut-être, jamais comme aujourd’hui, iln’a existé dans l’histoire de l’Église autantde confusion doctrinale et une telle diffusionde l’hérésie, à tous les niveaux et dans tousles domaines. […] La situation pourraitfaire penser à celle décrite dans les prophé-ties eschatologiques du Nouveau Testament.Jamais, de fait, à l’intérieur de l’Églisecatholique, n’ont été diffusées autantd’erreurs dans le domaine de la foi. […]C’est une lutte titanesque de la lumièrecontre les ténèbres, du Christ contre Bélial,de l’Église contre le Dragon, […] C’est unelutte très difficile, qui occasionne beaucoupde découragement et d’amertume, beaucoupde troubles et d’épreuves, beaucoup dedéceptions et d’insuccès, beaucoup d’amisqui se retirent et trahissent. Les néomoder-nistes sont souvent des personnes cultivéeset capables, avec de grandes qualités, ayantacquis un immense pouvoir et une autoritécertaine, ayant choisi depuis longtemps unetactique souple et aimable, mais inexorableet déterminée : Ils veulent, en effet se fairepasser pour des esprits libéraux et tolérants,mais en même temps ils sont bien organiséset ont des objectifs précis. Ils cherchent àmarginaliser les vrais fidèles d’une manièreindolore, quasiment sans qu’ils s’en rendentcompte, et avec leurs sophismes, ilsn’exercent pas la violence mais la séduction,et ainsi ils peuvent apparaître charitables etcompréhensifs, et ouverts à tous. […] leurbut est de faire en sorte que le vrai fidèle se

trouve marginalisé, pratiquement exclu de lacommunion ecclésiale. […]. En réalité, quece sont eux les vrais exclus. Le vrai fidèlepeut résister à ces embûches, se rappelanten quoi consiste l’Église. Les modernistessont des ambitieux, des vantards, ils cher-chent le succès et les postes de responsabili-té : ceci est pour eux la manière d’être del’Église, ainsi ils espèrent avoir la victoiresur les vrais fidèles, faisant de manière à ceque ceux-ci soient ignorés et que leursœuvres tombent dans le vide.

[…] Le vrai fidèle devant ces mesquinesmachinations ne se décourage pas et se sentplus que jamais au cœur de l’Église, […], encommunion avec ses frères dans la foi, bienque cachés et isolés, parce qu’il sait quel’Église est avant tout la communion invi-sible des saints, […], il sait qu’être avecl’Église veut surtout dire être fidèle audogme, souffrir à cause du Christ crucifié etabandonné.

[…]La situation actuelle donne de très bonnes

occasions aux fidèles de bonne volontéd’être avec le Christ et de se sanctifier,même si cela coûte, sans doute, à cause dulégitime désir de recevoir l’appui et lareconnaissance dans les fatigues et lesrisques pour propager la vérité de la foi etdéfendre le Magistère de l’Église. […]cependant le vrai fidèle n’attend pas unereconnaissance et un appui, sachant que lessupérieurs ne sont pas sans faiblesseshumaines. […] La consolation de sa propreconscience, illuminée par l’Écriture et parles documents infaillibles lui suffit. Contrai-rement aux modernistes, il ne désire pas lesuccès, même pas dans l’Église visible, maisseulement dans l’Église invisible. » (Laquestione dell’eresia oggi, Giovanni Caval-coli, Edizioni Viverein, 2008). »

Il ne serait pas difficile de continuer àciter ce Père Dominicain qui ne se conten-te pas de considérations générales, maiscritique aussi ouvertement des théologiens

modernes comme Schillebeecks, Kasperou Bruno Forte.

Pourquoi avoir cité ce bon Père? On pour-rait citer d’autres auteurs qui analysent lasituation actuelle en critiquant la doctrine decertains théologiens néomodernistes, mêmesi ceux-ci sont arrivés à avoir de grandes res-ponsabilités dans la hiérarchie. Ici et là,apparaissent des réserves, des critiques, nonseulement sur l’interprétation du concile,mais sur ses textes mêmes.

C’est là, la nouveauté de la situation actuel-le. Ces publications qui ne viennent pas denos milieux, étaient même tout à fait impen-sables, il y a encore trois ou quatre ans.

Il est clair que ces considérations ne veulentpas dire que la crise est finie, loin de là. Laconfusion et le désastre continuent plus quejamais et les effets du concile se font sentird’une manière toujours plus catastrophique.

Alors pourquoi ces réactions?D’où viennent-elles?

ON PEUT TENTER UNE DOUBLE RÉPONSE

Tout d’abord, cela peut être une réactionquasi « physiologique » de l’Église qui est lecorps mystique du Christ. Quand on touche lefond, cela provoque un rebondissement. Phé-nomène analogue à ce qui se passe dans lasociété : lors qu’une société se laisse aller àtous les débordements jusqu’à détruire lafamille, on note à un moment une réactionpour redécouvrir certaines valeurs. Est-ce seu-lement une réaction de la société ou del’Église qui se sentent blessées dans leur natu-re profonde? Difficile à dire. Il est sûr que sices saines réactions ne sont pas soutenues parl’autorité compétente, elles ne dureront paslongtemps et ne porteront que des fruits limi-tés.

Ensuite, elles viennent, il faut avoirl’honnêteté et le courage de le dire de l’effetRatzinger. L’élection de Benoît XVI a provo-qué comme une secousse même si elle estdifficile à définir. Est-ce un climat nouveau?Sont-ce les prémices d’un changement decap, d’un redressement? Difficile à dire! Il

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Courrier de Rome8 Janvier 2009

faudra un certain recul pour pouvoir analysernotre époque. À propos de ces réactions nepensons pas seulement au Motu Proprio,mais à beaucoup d’autres domaines ; bienque ce soit le Motu Proprio qui ait rompu letabou que tout ce qui pouvait venir duConcile ou de la période postconciliaire étaitintouchable comme des acquis absolumentdéfinitifs. Ce qui est certain, c’est quequelque chose a bougé, même s’il est diffici-le d’être plus précis.

Cette nouvelle situation dans le mondereligieux officiel permet certainement uneplus grande liberté de critique de la part deprofesseurs ou théologiens ou ecclésias-tiques. Les critiques du document conciliaireGaudium et Spes sont toujours plus fré-quentes. Certes, ce n’est pas le document leplus important du Concile, mais peut-être leplus représentatif de ce qu’on appellel’esprit du concile, en tant qu’il a fait siennela pensée moderne, en recevant les principeslibéraux du Protestantisme, de l’Illuminismeet de la Révolution, même si la critique estencore insuffisante sur beaucoup de points.Il y a encore beaucoup de chemin à fairepour trouver pleine satisfaction dans ses cri-tiques. En attendant, une brèche est ouverte.

Ces réactions sont des signes qui ne doi-vent pas nous laisser indifférents.

ALORS QUE POUVONS-NOUS FAIRE ?Les condamner parce qu’elles sont faibles

et incomplètes?Ne pas en tenir compte car la crise conti-

nue et que ses effets se font sentir d’unemanière toujours plus dramatique?

Arrêter notre combat pour soutenir cesréactions?

Notre attitude doit être sur deux fronts.

PremièrementContinuer plus que jamais une analyse

profonde et forte des problèmes doctrinaux,avec sérénité et sans amertume, dans le seulbut de défendre et mettre en évidence lavérité pour la mieux faire connaître. Il s’agitde « procéder avec très grande charité etdélicatesse, comme un chirurgien qui doitfaire attention à ne pas blesser les partiesvitales ; et lorsqu’il est bon de se servir d’unton sévère, la sévérité doit être dictée par lacharité, comme l’a fait certainement Jésuslors qu’il lançait ses invectives contre lesscribes, les pharisiens et les docteurs de laloi » (op. cit. p.37).

Avec la patience, ces études finissent parporter des fruits, à condition de ne pas cher-cher d’abord un résultat, mais surtout la véri-té. Défendre la vérité théologique, c’estdéfendre la foi et en définitive c’est défendreNotre Seigneur Jésus-Christ.

DeuxièmementVis-à-vis de ceux qui réagissent dans la

bonne direction, même si cette réaction n’estpas complète et ne donne pas pleine satisfac-tion, évitons des critiques déplacées etsoyons patients. Notre rôle est plutôt de lesencourager à poursuivre dans le bon sens etde les éclairer pour qu’ils aillent plus à fonddans les problèmes. Dans la mesure où lepermet le Seigneur, nous devrions être unpoint de référence pour ces personnes de

bonne volonté, non pas pour ce que noussommes mais pour ce que nous représentonset défendons. Certes nous ne pouvons pasfaire nôtre leur position, car la vérité est tota-le ou elle n’est pas. Mais nous ne pouvonspas non plus, par une attitude déplacée êtreun frein à cette tentative de réaction, ce seraittriste et malheureux de notre part alors quenotre devoir est de tout faire pour quetriomphe la vérité.

Il est indéniable qu’on ne passera pas d’unjour à l’autre des ténèbres de l’erreur à lalumière de la vérité, il y aura certainementune période clair-obscure, de flou, c’estinévitable. Cette période n’est pas acceptableen soi, mais est inévitable. On ne peut pas nepas en tenir compte.

Notre vocation n’est pas de prétendrerésoudre les problèmes de l’Église, mais defaire simplement notre devoir, ce qui ne veutpas dire que cela est toujours facile, sachantque le reste est dans les mains de Dieu.

Ceci dit, dans un pareil contexte, notrecongrès va consacrer ses études d’abord surun problème clef de ce pontificat : la ques-tion de l’herméneutique qui a joué et joue unrôle important dans la pensée du PapeBenoît XVI. Ensuite seront abordées lesconséquences de l’herméneutique dans desdocuments officiels du Saint-Siège ou dansdes questions tout à fait actuelles, et enfinquelques considérations sur les principes quidoivent guider notre combat dans la situationconcrète tel qu’elle est aujourd’hui.

CONCLUSION

En guise de conclusion de cette brèveintroduction, deux mots sur la question deFatima qui reste très certainement la clef detous nos problèmes. Lors de notre derniercongrès, il avait été brièvement questiond’un livre d’Antonio Socci, intitulé Le Qua-trième secret de Fatima, où l’auteur cher-chait à démontrer que ce que le Vatican avaitpublié en l’an 2000 était incomplet.

Depuis il y a eu des réactions à cet ouvra-ge de la part du Vatican ou plus précisémentdu Cardinal Bertone, Secrétaire d’État, pourdéfendre la position « officielle » qui veutque tout ait été publié. Il est intervenu par lapublication d’un livre sur le sujet, un débattélévisé, une interview à radio Vatican et uneprésentation solennelle et très médiatique deson livre. Dans ces quatre interventionspubliques, le Cardinal n’a pas répondu à uneseule objection de Socci, mais certainssilences et contradictions à l’occasion de sesinterventions ne font que renforcer la thèsede Socci. L’écrivain et avocat Christofer Fer-rara, américain, a analysé avec beaucoup depertinence toutes les interventions du Cardi-nal Bertone pour les confronter avec lesarguments de Socci. Le livre est intitulé. : Lesecret encore caché (Il segreto ancora nas-costo, Christofer A. Ferrara, AssociazioneMadonna di Fatima). Le résultat de cetteexcellente étude ne vient que renforcer le faitqu’il manque l’explication de la vision de lapart de la Très Sainte Vierge, qui n’est autreque le fameux troisième secret. Le cardinalCiappi qui fut Maître des Sacré Palais pen-dant quarante ans, de Pie XII à Jean-Paul IIl’a résumé ainsi : « Dans le troisième secret

il est prédit, entre autre chose, que la grandeapostasie dans l’Église arrivera par son som-met ». Il est difficile d’être plus clair.

La situation de l’Église aujourd’hui, « estun peu le problème des tumeurs - commeécrit le Père Cavalcoli - si la tumeur est iso-lée et non diffuse, l’opération chirurgicalepeut réussir ; mais si la tumeur a déjà desmétastases, il est inutile d’opérer. Eh bien,aujourd’hui nous nous trouvons devant uneespèce de métastase héréticale, vécue tran-quillement, avec aussi des structures juridi-co -institutionnelles, comme un fait ecclé-sial normal. Dans cette situation il estimpensable de pouvoir guérir avec des opé-rations chirurgicales, c’est-à-dire cœrci-tives. Il y a une différence cependant entreles maux du corps et ceux de l’esprit : lespremiers sont mortels et irrémédiables, lesseconds, même s’ils sont péchés mortels,sont toujours remédiables avec la grâcedivine qui change les cœurs. »

On peut résumer ainsi le propos du bonPère dominicain : pour sortir de cette crisedésastreuse, l’unique voie possible est lasainteté et les moyens surnaturels, commeon peut le voir dans la solution des diffé-rentes crises de l’Église ; ce qui, certes, nedoit pas nous empêcher de faire notre devoiret donc justifie pleinement le déroulementde notre congrès.

Abbé du Chalard

COURRIER DE ROME

Édition en Français du Périodique RomainSì Sì No No

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s ì s ì n o no« Que votre OUI soit OUI, que votre NON soit NON, tout le reste vient du Malin »

(Mt 5, 37)

Le numéro 3€Février 2009Mensuel - Nouvelle SérieAnnée XLIII n° 319 (509)

cours de Paul VI le 16 novembre 1970 :« C’est pour tout le monde un motif destupeur, de douleur, de scandale de voirque c’est justement de l’intérieur del’Église que naissent les inquiétudes et lesinfidélités, et souvent venant de ceux quidevraient, en raison de l’engagement priset du charisme reçu, être plus constants etplus exemplaires. » Et puis « les aberra-tions doctrinales… l’affranchissement àl’égard de l’autorité de l’Église », le liber-tinage général des mœurs, « le refus de ladiscipline dans le clergé 5. »Enfin, l’auteur cite un texte exemplaire

et d’une extraordinaire importance, decelui qui était alors le Préfet de la Congré-gation pour la Doctrine de la Foi, le cardi-nal Ratzinger, publié par l’OsservatoreRomano du 9 novembre 1984 : « Lesrésultats qui ont suivi le Concile semblentcruellement opposés à l’attente de tous, àcommencer par celle du Pape Jean XXIIIpuis de Paul VI… [Tous] s’attendaient àune nouvelle unité catholique et, aucontraire, on est allé vers une dissensionqui semble être passée de l’autocritique àl’autodestruction… On s’attendait à unbond en avant et l’on s’est trouvé aucontraire face à un processus progressifde décadence qui s’est développé dansune large mesure en se réclamant duConcile et qui, de cette manière, l’a deplus en plus discrédité… Le bilan sembledonc être négatif : il est incontestable queles dix dernières années ont été décidé-ment défavorables pour l’Église catho-lique 6. »Outre les aspect théologiques et plus

strictement doctrinaux de la crise, Amerio

ROMANO AMERIO ET LA CRISE DEL'EGLISE CATHOLIQUE AU XXE SIECLELA CRISE DE L’ÉGLISE EST UN FAIT

Tout Iota Unum, le chef-d’œuvre deRomano Amerio, et l’un des ouvrages lesplus importants de la théologie catholiquedu XXe siècle, tire sa justification, auxyeux de son auteur, d’un faitincontestable : la crise très grave que tra-verse l’Église, crise que le philosophe deLugano n’hésite pas à définir comme laplus grave que l’Église ait jamais vécue,dans la mesure où l’attaque, venant essen-tiellement d’hommes qui appartiennent àla hiérarchie épiscopale elle-même, vientdonc de l’intérieur, et non de l’extérieur.Or pour Amerio, la crise de l’Église

catholique est un fait d’une évidence abso-lue, qu’il est insensé de chercher à nier, etqui de plus, comme tout fait, ne peut pasêtre démontré, mais seulement montré : ilne s’agit pas de le déduire d’une suited’étapes logiques, mais de voir la réalitételle qu’elle est et de s’éduquer àl’honnêteté intellectuelle qui permetd’appeler toute chose par son nom, par lenom qui lui revient et qui en exprime lavéritable essence.Conformément à son principe méthodo-

logique le plus important, qui est de nejamais plaquer sa pensée ou ses opinionspersonnelles sur la réalité, Amerio préfères’appuyer sur les paroles des pontifes quiont à plusieurs reprises dénoncé la gravitéde la crise. Voici donc les passages, touscélèbres que nous trouvons cités dansIota :Paul VI, discours au Seminario lombar-

do de Rome le 7 décembre 1968 :« L’Église se trouve à une heure inquièted’autocritique, mieux vaudrait dired’autodémolition. C’est comme un retour-nement à angle aigu et compliqué auquelpersonne ne se serait attendu après leConcile. L’Église en vient pour ainsi dire

à se porter des coups elle-même 1. »Paul VI, discours du 30 juin 1970 :

« quelque part la fumée de Satan est entréedans le temple de Dieu. [...] Même dansl’Église règne le même état d’incertitude.On croyait qu’après le Concile unejournée ensoleillée aurait lui surl’histoire de l’Église. C’est au contraireune journée de nuages, de tempête,d’obscurité qui est venue 2. »Jean-Paul II, Congrès pour les Missions

(OR, 8 février 1981) : « Il faut admettreavec réalisme et avec une sensibilité atten-tive que de nombreux chrétiens se sententperdus, confus, perplexes et même déçus ;des idées contredisant la vérité révélée etenseignée depuis toujours ont été pro-pagées dans le domaine dogmatique etmoral, créant des doutes, des confusions,des rébellions ; même la liturgie a étémanipulée ; plongés dans le “relativisme”intellectuel et moral et jusque dans le“permissivisme” où tout est permis, leschrétiens sont tentés par l’athéisme, parl’agnosticisme, par l’illuminisme vague-ment moraliste, par un christianismesociologique sans dogmes définis et sansmorale objective 3. »Quant à la cause de la crise, Paul VI la

relie sans hésiter aux problèmes internes àl’Église elle-même : « Une grande part deces maux ne vient pas du dehors, c’est dudedans qu’ils affligent, affaiblissent etépuisent l’Église. Le cœur se remplitd’amertume 4. »Encore une citation par Amerio du dis-

1. ROMANO AMERIO, Iota Unum, NEL, Paris,1987, pp. 13-14.2. Op. cit. p. 14.3. Op. cit. pp. 14-15.4. Op. cit. p. 153.

5. ROMANO AMERIO, Iota Unum, NEL, Paris,1987 p. 154.6. Op. cit. p. 593.

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Courrier de Rome2 Février 2009ne se lasse pas de souligner que le caractè-re essentiel de la crise qui a accompagnél’après Concile repose sur deux élémentsétroitement liés : a) la crise vient d’uneattaque menée par des forces internes àl’Église, en particulier au sein de la Hié-rarchie, par des Conférences épiscopalesentières ; b) l’attaque contre la doctrine del’Église est conduite par des clercs quidemeurent au sein de l’Église.Dans Iota Unum, Amerio se fonde non

seulement sur les paroles des pontifes quiont reconnu et condamné la crise avec leplus de lucidité, cherchant à en com-prendre les causes, mais il recense aussid’autres éléments démontrant l’état degrave souffrance de l’Église catholique, etque nous résumons rapidement :a) la défection des clercs par dizaines demilliers, avec un très grand nombre deprêtres réduits à l’état laïc par Paul VI ;b) la défection sans précédent de reli-gieux et de religieuses, avec des ordresentiers, chargés de mérites et de gloire,drastiquement réduits dans le nombre deleurs membres ;c) l’effondrement des vocations reli-gieuses féminines ;d) l’effondrement de l’assistance à laMesse dominicale ;e) le référendum sur l’avortement, qui en1981 à Rome ne vit que 22 % de votantss’opposer à son introduction ;f) la crise doctrinale : un sondage publiépar l’Osservatore Romano ennovembre 1970 affirmait que 50 % despersonnes se disant catholiques necroient ni au paradis ni à l’enfer ;g) l’effondrement des conversions desprotestants et de juifs, après des annéespendant lesquelles leur nombre avaitbeaucoup augmenté, surtout aux États-Unis.

LES CAUSES DE LA CRISE DE L’ÉGLISE DANSL’ANALYSE DE « IOTA UNUM »

Le pyrrhonismeIota Unum est un texte asystématique :

ses nombreux chapitres ne se succèdentpas suivant une hiérarchie précised’importance ou de priorité méthodolo-gique, philosophique ou théologique.Mais il y a, à notre avis, cinq grandsthèmes porteurs, étroitement liés entreeux, qui peuvent guider le lecteur : le pyr-rhonisme, le mobilisme dogmatique, leprincipe du dialogue et l’œcuménisme, ladémocratie dans l’Église, la défaillancede l’autorité.Commençons par le thème du « pyrrho-

nisme ». Celui-ci, qui vient du nom dePyrrhon, le philosophe sceptique le plusimportant de l’âge hellénistique, est fondésur la constatation du fait qu’à partir deVatican II, le cœur de tout aspect de lacrise se trouve dans une crise de la foigénérale, dans la présence diffuse parmiles membres de l’Église et de la Hiérar-chie elle-même d’un scepticisme à l’égard

des vérités de foi.Amerio affirme avec clarté qu’un scepti-

cisme diffus, qui envahit le sentiment deshommes d’Église, est à la racine de lacrise :« À la base du bouleversement actuel, il

y a une attaque contre les facultés deconnaître dont dispose l’homme: attaquequi renvoie à la constitution métaphysiquede l’être, et, en suprême instance à laconstitution métaphysique de l’Être pre-mier, c’est-à-dire à la Sainte-Trinité.Cette attaque contre la faculté cognitivede l’homme, nous la désignons par leterme historiquement expressif de pyrrho-nisme, car elle ne s’en prend pas à telleou telle certitude de raison ou de foi, maisau principe même de toute certitude, à lacapacité que l’homme a de connaîtrequelque chose 7. »C’est le Romano Amerio profond

connaisseur de la pensée moderne quiparle ici, pensée dont il identifie la faibles-se gnoséologique de fond : l’incapacité, envertu du présupposé naturaliste, qui en estle vrai fondement, de maintenir le lienentre sujet connaissant et objet connu àl’intérieur des limites du réalisme méta-physique, débouchant sur une antiméta-physique, un scepticisme, un immanentis-me et un subjectivisme. De fait, le zeit-geist qui domina la pensée philosophiquedu XXe siècle a envahi aussi la penséecatholique : cette défection d’une idéeforte, réaliste, rigoureuse, de la capacitécognitive de l’homme – en un mot : neplus enraciner la réflexion théologiquedans un solide socle conceptuel thomiste,scolastique – a rendu, depuis cinquanteans, beaucoup plus difficile pour l’Églisela tâche d’enseigner avec autorité, enl’enfermant dans une sorte de ghetto intel-lectuel, où l’enseignement ne peut êtreproposé que s’il est accompagné de for-mules interrogatives et dubitatives qui endiminuent la valeur et la portée.C’est ici, pour Amerio, le point le plus

profond et le plus délicat de toute la crise ;on peut dire que dans son analyse tous lesautres éléments de crise viennent de cepremier et décisif affaiblissement, pour nepas dire effondrement, d’une saine visionmétaphysique.En effet les conséquences du scepticis-

me qui se répand dans la pensée catho-lique de l’après Concile, à tous lesniveaux, des Papes aux simples prêtres etaux fidèles, ont une très grande portée, carle phénomène constitue une dislocation dela Sainte-Trinité.Ce pyrrhonisme gnoséologique et méta-

physique explique, dans l’analysed’Amerio, la primauté de la praxis, c’est-à-dire de la volonté et de l’action, dans lapensée moderne. Du reste, si le doute surnotre faculté de connaître est déjà, implici-tement, un athéisme, il est évident que la

pensée catholique ne peut pas accepterd’être contaminée par la pensée modernesans se corrompre : en d’autres termes, soitle catholicisme est réaliste en métaphy-sique, soit il dévie.Si « le fond de l’égarement actuel, mon-

dial et ecclésial, est le pyrrhonisme, c’est-à-dire la négation de la raison », aucune« amitié » ou « sympathie » ne sera pos-sible avec les systèmes philosophiquesmodernes, ni aucune incorporation de cessystèmes dans la théologique catholique.En effet, comment la Hiérarchie catho-

lique pourra-t-elle enseigner avec la fer-meté nécessaire, si elle a intériorisé ledoute sceptique propre au moderne quantà la capacité de l’homme à connaître ?Une des preuves les plus claires

qu’Amerio apporte de la nouvelle attituderelativiste, et du style dominé parl’incertitude utilisé par la hiérarchie, est lafaçon dont les catéchismes rapportent ladoctrine de l’Église : tandis que le Caté-chisme de saint Pie X (ou tout autre caté-chisme précédent) affirme avec autoritéles articles de foi à croire (par exemple :art. 104 : « Combien de temps dureront leparadis et l’enfer ? Le paradis et l’enferdureront éternellement ») ; le catéchismepostérieur à Vatican II expose non pas cequ’il faut croire, mais l’enseignement del’Église sur ce qu’il faut croire (parexemple : art. 1035 : « L’Église, dans sonenseignement, affirme l’existence del’enfer et son éternité. ») Il est inutile desouligner la différence extraordinaire entreles deux façons d’exprimer la mêmevérité : dans le premier cas on présente unevérité objective en tant que telle, en expri-mant la nature des choses ; dans le secondcas on présente un contenu en soulignantqu’il est un élément de l’enseignement del’Église, et pour ainsi dire en le relativi-sant et en le revêtant – ne serait-cequ’implicitement – d’une patine de scepti-cisme.Enfin, Amerio remarque : « Et tout

comme on nie l’aptitude de notre intelli-gence à former des concepts ayant unesimilitude avec le réel voici que plusl’esprit est incapable d’apprendre et deconcevoir (prendre avec soi) le réel, plusil développe à partir de lui-même sapropre opération, produisant (c’est-à-dire “extériorisant”) de pures inventions[...]. Si la pensée n’a pas de relationessentielle avec l’être, elle ne subit pas la

7. ROMANO AMERIO, Iota Unum, NEL, Paris,1987, p. 287.

8. ROMANO AMERIO, Iota Unum, NEL, Paris,1987, p. 288. L’essai d’Amerio dans lequel cethème est le plus largement développé s’intitule :La question du Filioque ou la distorsion de laMonotriade, in Principes catholiques pour resterfidèles à l’Église en ces temps extraordinaires decrise, Actes du Congrès théologique de Sì Sì NoNo, (Albano Laziale, 8-10 décembre 1994),Publications du Courrier de Rome, 1995, pp.137-144. Ce texte figure à la suite de cetarticle. Il s’agit de la transcription d’une conver-sation privée que le professeur Amerio eut avec

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Courrier de RomeFévrier 2009 3loi des choses et n’est pas mesurée, maiselle est la mesure 8. »

Le mobilisme dogmatiqueUne conséquence immédiate et inévi-

table du pyrrhonisme philosophique est lemobilisme dogmatique : si l’on ne peutplus rien connaître avec certitude, il estévident que même les vérités possédées etenseignées depuis toujours ne pourrontpas se soustraire au doute sceptique defond, avec la pensée moderne pour hori-zon infranchissable. Puisqu’il n’y a plus,désormais, même chez de nombreuxhommes d’Église et chez les croyants, lacapacité de se reporter au depositum fidei,au dogme, à son immuabilité, on est passéen une cinquantaine d’années de l’ordre dela certitude à l’ordre de la probabilité enmatière de foi : le dogme n’est pas nié for-mellement, mais l’adhésion intérieure àcelui-ci, l’assentiment de la raison et de lavolonté, sont comme mutilés du caractèreradical et absolu qui doit caractériser la foidu croyant en la Vérité immuable. Amerioappelle mobilisme dogmatique cette nou-velle attitude de théologiens et de fidèles àl’égard des articles de la doctrine catho-lique. Chez le moderne, dans son analyse,il y a l’émergence d’une philosophied’extraction « héraclitienne », avec lanette primauté du devenir et de l’histoiresur l’être ; mais « la primauté du devenirporte avec elle la primauté de l’action etl’insignifiance du but » 9, et tant du pointde vue théologique que de la vie de piété,la primauté des vertus actives sur les ver-tus contemplatives 10.Un grand nombre de citations à l’appui,

Amerio démontre l’importance croissanteet de plus en plus enracinée même dans lemonde catholique de cette vision de lavérité de foi, et de l’être en généralcomme une réalité in fieri, jusqu’à intro-duire le devenir de Dieu lui-même, et jus-qu’à nier le Verbe, « c’est-à-direl’existence éternelle en Dieu des formesdes choses créées et créables ».Amerio nous montre que la destruction

de l’idée même de l’immuabilité dudogme bouleverse aussi le domaine de lathéologie morale, en ouvrant la porte à lanégation, ou la subversion progressive, de

l’idée clé du système catholique : l’éternitéet l’immuabilité de la loi morale.Une fois le dogme dissout dans une

vision historiciste de celui-ci, une foi la loinaturelle dissoute, le mobilisme dogma-tique débouche, selon Amerio, sur la pri-mauté de la praxis, c’est-à-dire sur ce quenous pourrions à bon droit considérercomme une forme d’athéisme implicite.La conciliation avec le monde moderne,qui s’est philosophiquement modelée surla dialectique hégélienne, ne peut quemener à une crise très grave de l’Église,parce que la modernité se fonde justementsur l’indépendance impossible du dépen-dant, sur le fini que l’on pense – absurde-ment – comme infini, comme causa sui.Cette dérive est ce qu’Amerio appelle« perte ou renversement des essences »,débouchant sur « la dislocation de la divi-ne Monotriade » c’est-à-dire sur la viola-tion conceptuelle de la Trinité elle-même.Parmi les nombreuses violations de la

Tradition catholique opérées à partir deVatican II par de nombreux théologiens ethommes d’Église, aucune n’a peut-être eudes conséquences plus graves que celle-là,car elle a pesé sur la défense et sur latransmission intacte du depositum fideilui-même, qui n’est plus pensé à la lumiè-re des principes immortels établis par saintVincent de Lérins. L’historicisation dudogme, sa lente érosion et altérationmenée sur la base d’une herméneutiqueillégitime et hétérodoxe, ont enfin porté àce que l’on pourrait appeler une foi sansdogmes, une fois toujours plus vidée decontenus doctrinaux stables, fermes, cer-tains. Cela revient à dire que le vécu denombreux catholiques est désormais mar-qué par un rapport avec la vie de foi detype protestant, décliné de façon sentimen-tale et subjective.Amerio est catégorique : « Or cette idée

que la mutabilité est une valeur positive àaccueillir, a pénétré même dans l’Églisede façon diffuse. Le précepte de la religionest pourtant clair : “Soyez fermes,immuables” (I Cor., XV, 58) 11. »

Le principe du dialogueet l’œcuménisme

Scepticisme gnoséologique et métaphy-sique : on ne peut affirmer connaître quoique ce soit avec une certitude absolue ; lavérité, même dans le domaine religieux etdoctrinal, ne peut donc jamais être penséecomme pleinement possédée, et tout doitêtre considéré comme devenant, commehistorique, comme précaire et incertain :mobilisme dogmatique ; mais si mêmel’Église catholique ne possède pas lavérité de façon stable et immuable, si surle plan moral seule la recherche de lavérité n’a de valeur et de dignité, et si l’onprésente presque avec mépris l’idée mêmeque soit possible, en général, la possessionstable de cette vérité, il s’ensuit que seule

sera culturellement acceptée une Églisedialogante, qui avec les catholiques necherche pas la vérité, rediscutant sanscesse, problématisant elle-même et la doc-trine toujours enseignée, et surtoutrenonçant à condamner l’erreur (lacondamnation de l’erreur est en effetessentielle dans l’enseignement, mais elleest exclue du dialogue) : « La mentaliténovatrice a horreur de la polémique, tenuepour incompatible avec la charité, alorsque c’est au contraire un acte de charité.Le concept de polémique est en réalitéinséparable de l’opposition entre le vrai etle faux. La polémique vise précisément àabattre l’équivalence que l’on tentait demettre entre une position vraie et uneposition fausse. Sous cet aspect, la polé-mique est connaturelle à la pensée, qui,lorsqu’elle ne détruit pas le faux en dialo-guant avec un adversaire, le détruit enmonologuant en elle-même. La fin du dia-logue, de la part du catholique qui y prendpart, ne peut être heuristique, car, en faitde vérité religieuse, il est en possession etnon en recherche 12. »Amerio, de même que sur tous les autres

sujets, abonde, à propos du dialogue, encitations de valeur incontestable, et il nefaut jamais oublier que sa collected’informations s’arrête à la moitié desannées quatre-vingt (quand le thème dudialogue n’était pas encore arrivé à sonplus grand développement dans le praxisecclésiale).Avec le génie linguistique qui lui est

propre, le philosophe parle du « discussio-nisme » qui a pénétré dans l’Église catho-lique, et qui s’y est répandu à une vitesseimpressionnante ; bien que le principe dudialogue ne puisse revendiquer aucune tra-dition ni aucun support dans la SainteÉcriture, mais qu’il surgisse à l’improvisteavec Vatican II, Amerio nous montre qu’ilest désormais le dénominateur commun àtout acte ecclésial, au point que le dia-logue avec les hérétiques ou les schisma-tiques semble être plus important quel’action pastorale tournée vers les fidèlescatholiques (ou mieux, la dimension pas-torale est comme absorbée et réduite à larecherche continuelle du dialogue et de laconfrontation avec toute formed’hétérodoxie), contredisant la parole del’Évangile « Erat docens eos sicut potes-tatem habens » (Mt. 7, 29).L’enseignement – et non le dialogue –

nous rappelle Amerio, est la figure norma-le du rapport entre l’Église et le monde, etl’on ne peut pas avancer que le dialogueserait une forme modernisée et codée,cachée, d’enseignement, un enseignementsous le masque plus bienveillant et conci-liant de la discussion sereine sur les diffé-rents thèmes qui s’opposent. En effet, dansl’analyse amérienne, la doctrine catho-lique n’est pas l’équivalent d’une philoso-phie, d’une science, d’une activité humai-

quelques amis, envoyée comme message aucongrès cité ci-dessus, organisé par la FraternitéSacerdotale Saint Pie X, et plus spécifiquementpar l’abbé Emmanuel du Chalard. C’est dans cesplendide essai que se trouve l’affirmation fulgu-rante qui synthétise toute l’analyse du pyrrhonis-me que nous exposons : « La pensée moderne estune négation implicite de la raison » (p. 140).9. ROMANO AMERIO, Iota Unum, NEL, Paris,1987, p. 309. Et aussitôt après : « Or cette idéeque la mutabilité est une valeur positive àaccueillir, a pénétré même dans l’Église de façondiffuse. Le précepte de la religion est pourtantclair : “Soyez fermes, immuables” (I Cor., XV,58) ».10. Ce que l’on pourrait définir comme un retourarrogant de l’américanisme.

11. ROMANO AMERIO, Iota Unum, NEL, Paris,1987, p. 309.

12. ROMANO AMERIO, Iota Unum, NEL, Paris,pp. 301-302.

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Courrier de Rome4 Février 2009ne, pour laquelle il est naturel de chercheravec les autres à travers un processus pro-gressif d’argumentation, de dialogue et deréfutation, car elle est fondée sur la Révé-lation divine elle-même, et qu’elle a en lapersonne du Souverain Pontife et dansl’Église un guide assisté du charisme del’infaillibilité.Outre cette observation de fond, Amerio

fait aussi remarquer que le dialogue avecl’hérétique est sans issue en tant que tel,pour la simple raison que les deux interlo-cuteurs ne partagent pas les mêmes prin-cipes : « En second lieu, il faut considérerla situation où le dialogue, loin d’aiderceux qui le pratiquent, les réduit à uneimpossibilité. C’est le cas, envisagé parsaint Thomas, où il manque aux deuxinterlocuteurs un principe commun à par-tir duquel raisonner : dès lors il devientimpossible de prouver la vérité à celui quirécuse le moyen de démontrer 13. » S’il estvrai que principia negantibus non est dis-putandum, Amerio a raison de souligner lastérilité du dialogue œcuménique,l’impossibilité que celui-ci débouche surun résultat concret, se traduisant par unprocessus à l’infini, que l’on rouvre sanscesse, mais en rongeant la conviction aveclaquelle le peuple catholique pense sa foi(en effet, comment peut-on croire ferme-ment ce qui est sans arrêt, pendant desdécennies, soumis au feu de l’échange cri-tique et dialogique avec ceux qui appar-tiennent, par exemple, à une secte protes-tante, à une autre confession?).En outre, Amerio fait magistralement

remarquer que le dialogue de la part d’uncatholique (puisqu’il est impossible, si unseul des interlocuteurs se place dans laposition d’avoir des certitudes absolues etinaliénables, d’avoir un dialogue efficacesur le plan euristique) implique le faitqu’il se met dans une position de douteréel au sujet de sa propre foi, ou de simu-lation de l’état de doute, uniquement dansle but d’ouvrir et de conduire le« dialogue ». Mais dans ces deux cas, il ya de graves conséquences. En effet : « Orla difficulté réapparaît : si le doute ou lerefus de la foi sont réels, ils impliquentchez l’interlocuteur croyant la perte de lafoi, et c’est un péché. Si au contraire ledoute ou le refus est imaginaire et simulé,le dialogue est vicié par une simulation eta une base immorale 14. »Dans l’analyse du philosophe de Luga-

no, il y a surtout des objections morales audialogue œcuménique, fondées sur le faitque lorsqu’on choisit la méthode du dia-logue, on renonce à la conversion de celuiqui est dans l’erreur ou de l’hérétique, enn’accomplissant pas les œuvres de charitéspirituelle qui consistent à enseigner àl’ignorant et à reprendre le pécheur.« Pour conclure sur le goût du dialogue

dans l’Église post-conciliaire, nous disons

que le dialogue des novateurs n’est pas ledialogue catholique. 1°) Parce qu’il a unefonction purement heuristique, un rôle derecherche, comme si l’Église dialogantene possédait pas la vérité mais la cher-chait, ou comme si en dialoguant elle pou-vait faire abstraction de la possession dela vérité. 2°) Parce qu’elle ne reconnaîtpas la position supérieure de la véritérévélée comme si la distinction de valeurentre nature et révélation était tombée. 3°)Parce qu’elle suppose une égalité, neserait-ce que méthodique, entre les inter-locuteurs, comme si faire abstraction desavantages de la foi divine, même seule-ment par fiction dialectique, n’était paspécher contre la foi. 4°) Parce qu’elle pos-tule que toutes les positions de la philoso-phie humaine sont indéfiniment soute-nables, comme s’il n’existait pas despoints de contradiction de principe, quitranchent le dialogue et ne laissent placequ’à la réfutation. 5°) parce qu’elle sup-pose que le dialogue est toujours fruc-tueux, et que “nul ne doit rien sacrifier”(OR, 19 novembre 1971), comme s’il n’yavait pas un dialogue corrupteur, quidéplante la vérité et implante l’erreur, etque l’on ne dût, en ce cas, rejeter l’erreurd’abord professée 15. »Il faut noter par ailleurs que, dans

l’analyse d’Amerio, le principe du dia-logue et le « discussionisme » ne sont pastant vus comme des buts que comme desmoyens, le véritable but étantl’œcuménisme, qui, dans sa lecture, est lavariation la plus importante et la plusgrave qui soit intervenue dans l’Églisecatholique pendant et après le Concile, etqui découle directement de la « perte desessences », cœur de la théologie novatrice.La critique d’Amerio se fonde, de façon

particulière, sur l’acte magistériel qui syn-thétise la doctrine traditionnelle del’Église sur le rapport avec les confessionsnon catholiques ; l’Instructio de motioneœcumenica de décembre 1949, danslaquelle sont rappelés les quatre principesqui doivent guider les catholiques danscette matière : 1°) L’Église catholiquepossède la plénitude du Christ ; 2°) On nedoit pas rechercher l’union par voied’assimilation progressive ou en accom-modant le dogme catholique ; 3°) La véri-table union ne peut se faire que per redi-tum des frères séparés à la vraie Église deDieu, qui est l’Église catholique : 4°) Lesséparés qui reviennent ne perdent riend’essentiel en entrant dans l’Église catho-lique.Si l’on abandonne ces principes, comme

cela s’est largement produit pendantl’après Concile, on active selon Amerio unprocessus d’aggravation des maux dontsouffre l’Église, parce que l’œcuménismeau sens nouveau (Église catholique etconfessions non catholiques sont porteursde vérités partielles et doivent marcher

ensemble vers l’Una Sancta, vers unenouvelle église pneumatique dans laquelleelles se compléteront réciproquement) estl’anti-principe du catholicisme, et en réa-lité de la foi en général, qui est l’adhésionpleine à une vérité posée et affirméecomme absolue.C’est dans la suite à Iota Unum ,

l’ouvrage Stat Veritas publié en 1997,qu’Amerio, avec encore davantage declarté et de fermeté, fait le bilan del’œcuménisme des dernières décennies :« Pour signifier que l’œcuménisme conci-liaire et post-conciliaire est un œcuménis-me faux, ou du moins incomplet, il suffitde voir que les actes des frères séparésn’ont pas été des actes qui les faisaientavancer sur la voie du catholicisme, maisdes actes qui ne tenaient aucun compte dela foi, qui contredisaient la foi : certainssont des actes retentissants, comme lesacerdoce accordé aux femmes. Ces faitscontredisent l’optimisme de tous ceux quiveulent aujourd’hui considérer que lemouvement œcuménique a porté desfruits. Il n’a porté aucun fruit. Au contrai-re, il a semé la confusion dans la multitu-de des fidèles 16. »Du reste, comment ne pas reconnaître la

solidité des raisons sur lesquelles repose lescepticisme d’Amerio? Il souligne à plu-sieurs reprises que le problème peut êtreramené à celui de l’habitus de l’hérétique :croire seulement ce que ma raison ou monsentiment considère comme digne d’êtrecru ; tandis que c’est un principe catho-lique de croire en vertu de l’Autoritépropre à celui qui m’enjoint de croire :l’Église, et donc en dernière instance leChrist lui-même. C’est une évidence derappeler que si l’hérétique n’abandonnepas le principe qui le rend hérétique, toutdialogue œcuménique – aussi long soit-il– sera infructueux.

LA DÉMOCRATIE DANS L’ÉGLISE. L’IRRUPTIONDANS L’ÉGLISE DES PRINCIPES DE 1789Tout le chapitre XXXIII de Iota Unum

est consacré à ce sujet, lui-même étroite-ment lié aux sujets analysés jusqu’alors, etconséquence de ceux-ci : pyrrhonisme,mobilisme dogmatique et primauté du dia-logue exigent, comme leur corollaire etleur achèvement, l’adhésion au démocra-tisme idéologique.Le problème de fond est le rapport de

l’Église avec la Révolution française,avec les principes qui inspirèrent 1789 :liberté, égalité, fraternité. Amerio faitremarquer que l’idée de fond qui gouver-ne la Révolution française et, dans sonsillage, la philosophie de la politiquemoderne, est dans son essence antimonar-chique. On a donc vu se répandre et deve-nir commune l’idée que « l’exercice parun seul du droit d’ordonner la sociétéselon la justice cesse d’être une espècelégitime de la forme de gouvernement, et

13. ROMANO AMERIO, Iota Unum, NEL, Paris,p. 303.14. Op. cit. p. 304.

15. ROMANO AMERIO, Iota Unum, NEL, Paris,p. 305.

16. ROMANO AMERIO, Stat Veritas. Suite à IotaUnum, Ricciardi Editore, Milan-Naples, 1997.

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Courrier de RomeFévrier 2009 5s’identifie aux formes illégitimes de gou-vernement » ; mais naturellement il s’agitd’un sophisme, démoli, entre autres, dansla grande encyclique de saint Pie X, Notrecharge apostolique, dans le Sillon (c’est-à-dire sur la démocratie chrétienne, sur lecatholicisme libéral) 17.Pour Amerio cette idée – antichrétienne

en soi – que la démocratie serait la seuleforme de gouvernement légitime, qu’elleserait le type de tout gouvernement légiti-me, a pénétré dans l’Église et l’a infectéeà tous les niveaux de l’échelle hiérar-chique.Mais contre cette dérive démocratiste,

Amerio fait remarquer que l’Église, entant que société parfaite de droit divin, estune monarchie et le restera éternellement,parce que telle est la forme que Notre-Sei-gneur lui-même a voulu lui donner. IotaUnum nous rappelle en outre que l’atteinteà l’autorité monarchique suprême du Sou-verain Pontife romain passe par le rôleexorbitant donné aux Conférences épisco-pales nationales, qui toutefois entravent,lorsqu’elles n’annulent pas complètement,l’autonomie décisionnelle et le pouvoir dechaque évêque, pour qui il devient très dif-ficile d’agir et de décider contrel’orientation donnée par sa Conférenceépiscopale.Les lignes de la critique d’Amerio se

développent suivant une double direction :en première instance montrer la faiblesseintrinsèque et l’absence de fondement del’idée démocratique en tant que telle, en serattachant à la polémique catholique duXIXe siècle ; en second lieu, il entre dansle détail du fonctionnement des Confé-rences épiscopales, et montre qu’elles altè-rent irrémédiablement le rôle traditionnel(et d’institution divine) de l’évêque : « Laseconde conséquence [de l’introductiondes Conférences épiscopales – ndr] est laperte d’autorité de chaque évêque prisséparément en tant que tel. Ils ne sont plusresponsables devant leur propre peuple nidevant le Saint-Siège, car à leur responsa-bilité personnelle s’est substituée une res-ponsabilité collégiale qui, appartenant aucorps tout entier, ne peut plus s’imputeraux différents éléments composant cecorps. Dans les Conférences épiscopales,les décisions se prennent à la majorité desdeux tiers ; mais la majorité qualifiée, sielle donne peut-être plus de facilitéd’exécution, ne fait pas disparaîtrel’oppression que la majorité vient à exer-cer sur la minorité 18. »Dans la vision d’Amerio, l’acceptation

des sophismes de la démocratie modernecomme normatifs même pour la hiérarchiecatholique a certainement affaibli l’unitéde l’Église, plaçant plus d’une Conférenceépiscopale dans un état pré-schismatique 19

(dans la mesure où des affirmations duPape en matière de foi sont continuelle-ment discutées, saisies, soumises auxjugements des Conférences elles-mêmes(comme si la validité d’un acte magistérielpontifical dépendait ou avait besoin del’approbation du corps épiscopal). Maisd’un autre côté, le démocratisme et le par-lementarisme ont affaibli l’autorité à tousles autres niveaux, puisque chaque prêtre,monsignore, expert, vicaire épiscopal,théologien, professeur d’université catho-lique, abbé, etc. trouve son autoritéentravée par un filet aux mailles étroitesde conseils, synodes, réunions, assem-blées, rencontres, scrutins, indications,délibérations, etc. qui finissent par ronger,consumer et épuiser les qualités morales etintellectuelles qui sont nécessaires pourdécider (et la décision étant l’un des gestessuprêmes de l’intelligence et de la volonté,c’est-à-dire de la liberté, que peut accom-plir l’homme, le démocratisme brise avanttout l’humanité des hommes d’Église).

La défaillance de l’autoritéTous les éléments analysés jusqu’ici ont

comme fondement commun et commeissue une seule réalité : la destruction duprincipe d’autorité ; nous ne parlons pasd’un élément quelconque, mais du cœurmême de la modernité, depuis Luther. Sil’on pense le moderne comme révolution,c’est-à-dire comme guerre civileeuropéenne contre Christianitas, sonessence consiste précisément enl’agression idéologique, et en la destruc-tion pratique du principe d’autorité.Et c’est à bon droit, à notre avis,

qu’Amerio voit dans cette démolition del’idée traditionnelle d’autorité, tellequ’elle était conçue depuis toujours dansle monde catholique, la clé de voûte de lacrise de l’Église. En effet l’Église est hié-rarchique et fondée sur le principed’autorité par sa nature même, en tantqu’elle se fonde non sur l’homme, maissur Dieu et sur sa Révélation, sur sa Loi etsur sa Parole. C’est d’en haut, de Dieumême que descend le pouvoir que l’Églisepossède de gouverner, enseigner, formerles peuples, prêcher, sanctifier individus etpeuples. S’en prendre à l’idée d’autorité etde hiérarchie signifie enlever la pierreangulaire qui soutient tout l’édifice : uneÉglise catholique avec un Pontife privé neserait-ce que d’une partie de son autorité,ou qui renonce à utiliser la plénitude deses pouvoirs, est blessée en son cœurmême.Hélas, les dernières décennies de vie de

l’Église catholique ont été marquées enprofondeur justement par une mise encrise radicale de l’autorité pontificale : leprocessus, qu’Amerio appelle à plusieursreprises « breviatius manus », a consistédans l’épuisement du pouvoir du Vicaire

du Christ, avec la renonciation, oul’impossibilité pratique pour celui-ci deprononcer des sanctions, punir les délits,reprendre avec sévérité, dénoncer publi-quement le mal.Mais Amerio, avec une grande simpli-

cité et sa clarté habituelle, nous rappellequ’une société ne peut pas subsister sansle pouvoir d’infliger des sanctions, etl’Église, Corps mystique du Christ, est etreste une société, même si elle est divine-ment fondée et assistée. La défaillance del’autorité est le problème suprême parceque l’erreur, si elle n’est pas combattueavec la plus grande fermeté, ne peut quese répandre 20. Mais dans la perspectiveamérienne, après le Concile a disparu lapossibilité même de définir l’erreurcomme telle, l’hérésie comme hérésie : lesparoles mêmes utilisées pendant dessiècles pour condamner, ont disparu, sou-mises à une sorte de génocide linguistiquesans précédent 21. Amerio énumère certainsde ces termes disparus : orthodoxe, ortho-doxie, hérétique, erreur, péché, enfer, etc.Mais la liste complète est bien plus longueet comprend des dizaines de mots.Dans Iota Unum , la défaillance de

l’autorité est aussi étroitement liée au pro-blème du caractère et de la psychologuede Montini ou, si l’on préfère, à sa façon

17. Sur la démocratie, la Révolution française etla persécution de l’Église pendant la Révolution,voir A. REYNE, D. BREHIER, Les martyrsd’Orange. La persécution des catholiques dansla France jacobine.18. ROMANO AMERIO, Iota Unum, cit. pp.433-434.19. Romano Amerio parle de « situation présa-geant le schisme » des Conférences épiscopales(op. cit. p. 434).

20. Il faut rappeler ici que le désistement del’autorité, compris comme renonciation à lacondamnation de l’erreur, était déjà implicite, etmême annoncé dans le célèbre discours inaugu-ral de JEAN XXIII à l’ouverture du Concile Vati-can II : « L’Église n’a jamais cessé de s’opposerà ces erreurs. Elles les a même souventcondamnées, et très sévèrement. Mais aujour-d’hui, l’Épouse du Christ préfère recourir auremède de la miséricorde, plutôt que de brandirles armes de la sévérité. Elle estime que, plutôtque de condamner, elle répond mieux auxbesoins de notre époque en mettant davantage envaleur les richesses de sa doctrine. Certes, il nemanque pas de doctrines et d’opinions fausses,de dangers dont il faut se mettre en garde et quel’on doit écarter ; mais tout cela est si manifeste-ment opposé aux principes d’honnêteté et portedes fruits si amers, qu’aujourd’hui les hommessemblent commencer à les condamner d’eux-mêmes. C’est le cas particulièrement pour cesmanières de vivre au mépris de Dieu et de seslois, en mettant une confiance exagérée dans leprogrès technique, en faisant consister laprospérité uniquement dans le confort del’existence. Les hommes sont de plus en plusconvaincus que la dignité et la perfection de lapersonne humaine sont des valeurs très impor-tantes qui exigent de rudes efforts » (Discoursd’ouverture du Concile Vatican II, 11 oct. 1962).21. Pour un approfondissement du thème de ladestruction du langage de la théologie catholiquetraditionnelle, cf. M. D’AMICO, Typologie de lacrise présente. Le principe du dialogue etl’Église catholique : la catastrophe de la raison,in Les crises dans l’Église. Les causes, effets etremèdes, Actes du VIIe Congrès Théologique deSì Sì No No, Publications du Courrier de Rome,2007, pp. 285-356.

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Courrier de Rome6 Février 2009particulière d’interpréter son rôle. « Or lecaractère singulier du pontificat de PaulVI est la propension à transférer le rôle duSouverain Pontife du gouvernement àl’admonition, ou, pour le dire en termesscolastiques, à restreindre le domaine dela loi préceptive qui crée une obligation età élargir celui de la loi directive qui for-mule une loi sans y attacher obligation dela suivre. De cette façon le gouvernementde l’Église se trouve réduit de moitié et,pour le dire en langage biblique, la maindu Seigneur est abrégée (Isaïe, 59, 1) 22. »Amerio cite des cas exemplaires, et jus-

tement célèbres, de défaillance del’autorité : l’opposition sur les catéchismeshollandais et français, avec le fléchisse-ment de Rome, et l’opposition sur Kung,et sa conclusion très « légère » pour lethéologien sur la foi et l’orthodoxie duquelde sérieux doutes étaient – et sont – per-mis.Enfin, Amerio fait les observations sui-

vantes sur la crise de l’idée mêmed’autorité et de l’idée du Pontife romainen particulier : « La défaillance del’autorité n’est pas l’adaptation occasion-nelle d’un principe à la force des situa-tions historiques, elle est elle-même unprincipe. Il a été énoncé par le cardinalSilvio Oddi, préfet de la Congrégation duClergé, au cours de sa visite aux États-Unis en juillet 1983, dans une conférencedonnée à l’université d’Arlington devanthuit cents membres de l’associationCatholics United for the Faith, Catho-liques Unis pour la Foi. Le cardinalavouait la désagrégation de la foi : beau-coup de catéchistes sélectionnent aujour-d’hui dans le dépôt de la foi quelquesarticles à croire, et désavouent tous lesautres. Des dogmes comme la divinité duChrist, la virginité de la Mère de Dieu, lepéché originel, la présence réelle dansl’Eucharistie, l’absolu de l’impératif

moral, l’enfer, la primauté de saint Pierre,sont publiquement réfutés du haut deschaires d’églises et d’universités par desthéologiens et des évêques 23. »Ce passage, qui est avant tout une preu-

ve du fait qu’Amerio a vraiment construitson Iota Unum en ne s’appuyant que surdes éléments tirés des discours et des actesdes représentants les plus importants de laHiérarchie, est suivi d’un lapidaire com-mentaire, qui mérite d’être cité : « On faitcoïncider l’idée de charité avec celle detolérance, on fait prévaloir la voie del’indulgence sur celle de la sévérité, onnéglige le bien de la communauté ecclé-siale par respect pour la liberté du parti-culier qui en abuse, on perd le sens de lalogique et la vertu de courage propres àl’Église. En effet, l’Église doit préserver etdéfendre la vérité avec tous les moyensd’une société parfaite 24. »

CONCLUSIONS

Quelle est la vraie, la grande leçon quenous donnent Iota Unum et la vie decatholique exemplaire de son auteur ?Nous pouvons la résumer ainsi : d’un côté,en des temps extrêmes de crise très gravecomme ceux que nous vivons, la nécessitéde la critique, d’une vie de foi vigilante etattentive, circonspecte et prudente, pouréviter d’être dévorés par ces pasteurs quine sont pas « bons », mais sont des « mer-cenaires » ; de l’autre côté, la nécessitéque cette instance critico-prudentielle soitunie à la plus intense charité, à une ferveursincère : est vaine toute réflexion sur lacrise de l’Église qui ne soit pas nourrie dela plus intense volonté de sanctificationpersonnelle.Peut-être l’Église, pour employer les

paroles inquiétantes de Paul VI, « sera unepoignée de vaincus » ; peut-être Amerio a-t-il raison quand, dans le majestueux etterrible épilogue de Iota, il parle d’une« nanification » de l’Église, c’est-à-dired’une Église presque revenue aux cata-

combes et réduite à des termes humaine-ment décourageants. Une Église qui secondamne à une extinction pratique, dansles limites du non prævalebunt, et qui metau défi la foi des croyants les plus sincèreset les plus fervents, les plus désireux de sesanctifier, de reconnaître dans son visagedéfiguré par le péché et par la trahison debeaucoup, le visage intact de l’épousemystique du Christ, vivant ainsi la mêmeépreuve que celle vécue par Marie et parsaint Jean sur le Calvaire, reconnaissantdans le visage défiguré du Crucifié le visa-ge du Sauveur, le visage de l’Homme-Dieu.Contre toute espérance humaine,

espérer ; contre toute incrédulité, croire ;dans la solitude extrême, se sentirconfortés par la paix que donne le Sei-gneur, qui n’est pas la paix que donne lemonde, mais une paix mystérieuse etsecrète, qui creuse dans les cœurs la placedans laquelle peut resplendir une lumièrequi ne faiblit jamais et qui, seule, éclaire etfortifie.Quand l’Église resplendira-t-elle de nou-

veau dans toute sa force et sa pureté ?Nous ne le savons pas. Mais nous savonsquelle est la séduction qui a causé etconduit toute la crise, laborieusementrésumée et décrite ici en suivant la tramede Iota Unum : c’est la séduction que l’onpeut placer dans la catégorie amérienne dechristianisme secondaire, c’est-à-direl’idée que la foi chrétienne tirerait sa légi-timité de sa capacité à produire la cultureet le progrès sur le plan civil et simple-ment humain : « L’Église en vient donc à

24. ROMANO AMERIO, Iota Unum, pp. 135-136.22. ROMANO AMERIO, Iota Unum, p. 127.23. Op. cit. pp. 134-135. 25. ROMANO AMERIO, Iota Unum, p. 543

ROMANO AMERIO :LA QUESTION DU FILIOQUE

OU LA DISTORSION DE LA MONOTRIADECe texte est la transcription d’uneconversation privée que le professeurAmerio eut, en septembre 1994, avecdes amis qui l’enregistrèrent. Il a donc laspontanéité et la fraîcheur del’improvisation, et l’on y trouve desimprécisions et des répétitions. Mais leprofesseur Amerio a accepté que nous lepubliions sans modification.

La célébration indiscrète que l’Église et

la théologie moderne font de l’amour estune perversion du dogme trinitaire,puisque notre foi enseigne qu’au com-mencement est le Père, que le Pèreengendre le Fils, qui est le Verbe et que,du Père et du Fils, procède le Saint-Espritqui est l’Amour. (Concile de Florence,Bulle Lætantur cœli et exultet terra).L’Amour est précédé du Verbe, il estprécédé de la Connaissance et l’on nepeut faire de l’Amour un absolu : en en

faisant un absolu l’on tombe dans l’erreurdes Orientaux, qui n’acceptent pas leFilioque de notre Credo.Les Orientaux disent que le Saint-Esprit

procède du Père mais non du Fils, tandisque la foi catholique dit que l’Amourprocède du Père et du Fils. De fait l’amourprocède de la connaissance : quand on ditque l’amour ne procède pas de la connais-sance on réduit l’amour à une valeur sansprécédent, tandis qu’il y a une valeur qui

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Courrier de RomeFévrier 2009 7précède l’amour : c’est la connaissance.Donc cette mise en valeur excessive etindiscrète de l’amour implique une distor-sion du dogme trinitaire.Il faut dire que le développement dog-

matique de l’Église dans les premierssiècles fut fortement influencé par les rai-sons politiques : à un certain momenttoute la chrétienté se retrouva arienne,parce que certains empereurs soutenaientles ariens ; puis, presque à l’improviste lachrétienté revint au dogme trinitaire cor-rect.Pourquoi ? Parce que les opinions des

empereurs avaient changé. Dans tout ledéveloppement doctrinal il y eut une trèsgrande influence politique ; d’ailleurs, lesconciles étaient convoqués par les empe-reurs ; ils n’y souscrivaient pas parcequ’ils ne faisaient pas partie du concile,mais c’étaient eux qui en décidaient laconvocation, le transfert, la fermeture…Que le Filioque paraisse pour la premiè-

re fois à Jérusalem dans une certainecommunauté monastique nem’impressionne nullement parce que lemouvement progressif du dogme est unfait historique. Durant des siècles et dessiècles certains dogmes de l’Église furentcombattus par certains courants théolo-giques : pendant de nombreux siècles,d’importants courants théologiquesniaient le dogme de l’Immaculée Concep-tion.Saint Thomas lui-même nie

l’Immaculée Conception, parce que lesthéologiens orthodoxes disaient que laSainte Vierge n’avait pas même « ladette » du péché, tandis que quelques-unsd’entre eux soutenaient qu’elle n’avaitpas le péché originel mais qu’elle avait« la dette » du péché originel ; et cettedissension (entre les maculistes et lesimmaculistes) dura des siècles. SaintThomas était du côté de ceux qui soute-naient que la Sainte Vierge n’était pasImmaculée ; les dominicains en général,étaient contre l’Immaculé Conception ;les franciscains étaient pour. Le grandmaître franciscain qui a défendul’Immaculée Conception c’est Duns Scot,de peu postérieur à saint Thomas.Il ne faut pas en être étonné car les

données de la foi sont fournies àl’intellect et la vie de l’intellect suit ceprogrès. Il faut toutefois que ce progrèsait lieu à l’intérieur des données de la foi.Dans « Iota Unum » je crois avoir fait

cette observation : nous, chrétiens duXXe siècle, nous en savons beaucoup plusque les Pères de l’Église ; – prenons unexemple : Ils ne savaient rien del’Immaculée Conception parce que ledogme procède non parce qu’il change desubstance, non parce qu’à un momentdonné il dit une chose et ultérieurementen dit une autre, mais parce qu’il dit plusclairement la même chose, il la comprendavec plus de détermination.Le dogme du Filioque qui semble être

un théorème de théologie abstraite, est enfait une attitude très pratique, parce que lemonde est submergé par l’idée que lavraie valeur est dans l’action, dans ledynamisme.Au contraire, en soutenant ainsi falla-

cieusement la priorité de l’amour, ontombe facilement dans un irénisme quiveut embrasser toutes les doctrines, toutesles religions. Cet embrassement est pos-sible dans la mesure où l’on fait abstrac-tion du Verbe, qui est vérité et loi.Les nazis étaient contre le Filioque, les

communistes sont contre le Filioque ; et ledynamisme moderne qui place toutes sesvaleurs dans la seule action,l’enthousiasme, l’impétueux, ne veut pasdu Filioque.Quand je parle de l’action je pense à

l’énorme phénomène du dynamisme et dutechnicisme qui caractérise le mondemoderne.Les communistes ne soutiennent pas le

Filioque parce qu’ils répudient la raison.Le communisme est un système quimanipule l’homme sans égards pour sanature ; or la nature de l’homme c’estquelque chose qui ne peut être lu qu’avecla raison. L’action dans ces systèmes tota-litaires – nazisme et bolchévisme – neconnaît aucune loi en dehors de cettemême action parce qu’ils répudient leFilioque. Ils disent : l’action et l’amoursont une valeur qui précède tout ; notezbien ; il ne disent pas : procède mais seu-lement précède.Par contre si l’amour procède il faut

nécessairement qu’il procède de quelquechose, de qui il reçoit ordre et loi. Donc,le Filioque est une question intrinsèqueau problème du totalitarisme.Je me souviens d’une affirmation de

Paul VI, que je crois avoir citée dans« Iota Unum ». À un certain moment PaulVI a dit : « Nous sommes aujourd’hui lesseuls défenseurs de la raison. Quandl’Église catholique défend la loi naturel-le, elle défend la raison. Les vrais ratio-nalistes ce sont les hommes d’Église,parce qu’ils placent la raison, c’est-à-dire le Verbe, au fond de toute chose et audébut de toute chose. Par contre lapensée moderne y met l’amour ; y met uneforce qui n’a en soi aucune direction etaucune destination car l’amour crée lesenfants de l’amour ».La pensée moderne est une négation

implicite de la raison ; ceci se voit égale-ment dans l’imposant phénomène de lapolitique. Quels sont les États qui règlentla politique d’après la raison ? Les Étatsémettent des ordres destinés à soumettrela vie humaine mais la raison et la justifi-cation de ces ordres est l’ordination ensoi. Toute la politique actuelle est unsystème de négation de la raison ; unsystème qui nie qu’il y ait quelque chosed’antérieur à l’amour, à la volonté et à laforce de l’action, parce que c’est l’Étatqui se donne sa propre destinée. Toute

destinée que l’amour se donne à soi-même est une destinée plausible, c’estune destinée qui devient devoir. Nonparce qu’il y aurait une référence auVerbe mais parce que c’est une référenceà la force de l’État, à la force de l’amour.Il y a enfin l’assertion définitive de

l’Évangile de saint Jean « ln Principioerat Verbum ».Dans le Faust de Goethe, il y a une

scène dans laquelle le docteur Faust lit laBible et trouve ce passage « ln Principioerat Verbum ». Il s’exclame : « Non, cene peut être le Verbe ! Mais : « Au com-mencement était l’Action ! » Le docteurFaust de Goethe refuse le Filioque. C’estune scène très significative du Faust, il yest affirmé le principe moderne du dyna-misme, de l’impétueux, du mouvement etde la philanthropie, cette charité privée dela raison à laquelle elle est ordonnée.Il y a encore la déclaration d’un évêque

américain à Vérone, – rapportée égale-ment au n. 439 de mon IIIe « Zibaldone »de Pires. Cet évêque à déclaré :« La prostitution est une mission

d’amour auprès des pauvres, c’est un ser-vice de charité ; et une religieuse, danscertaines circonstances, doit la préférer àsa profession religieuse. » Une religieusepeut se prostituer pourvu que ce soit parcharité, parce qu’il n’y a rien qui précèdel’amour, l’amour est commencement etfin.Je voudrais presque dire qu’au fond du

problème moderne il y a le Filioque, carcelui qui nie le Filioque donne la pri-mauté, indiscrète et absolue, à l’amour.L’amour n’a pas de limites, il n’a pas defreins, quelle que soit l’action, si elle estfaite « avec amour », cette action estbonne.C’était d’ailleurs, l’argument des théo-

logiens hollandais qui en 1964-1965 prê-chaient la bonté de l’union sodomique.En Hollande il y eut un très grand mouve-ment pour mettre en valeur la sodomie.Ils déclaraient : « La sodomie n’est pasun acte contre nature, ce n’est pas l’undes quatre péchés très graves qui crientvengeance devant Dieu. Non; la sodomieest une des manières par laquelles’exprime l’amour. » Comme je l’ai écritdans« Iota Unum »,les Hollandais en sontarrivés au point qu’ils célèbrent desmariages entre homosexuels, créant unrite propre pour la messe de ces« mariages » ; ils ont créé une Missa prohomophilis.Messe que l’on peut lire dans le bulletin

de la fameuse Commission pour la Réfor-me Liturgique. Dans un numéro de cebulletin, Mgr Bugnini parlait de cetteMesse avec horreur, en termes effrayés,en termes d’abomination.Séparer l’amour, séparer la charité de la

vérité ce n’est pas catholique. On nous ditque « le vouloir » ne dépend pas duconnaître. Qu’il est une valeur en soi :

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Courrier de Rome8 Février 2009c’est l’action pour l’action ; et ceci estégalement visible en théologie puisqu’onnous dit que l’action a valeur par elle-même ; les actions n’auraient donc pas devaleur selon la fin pour lesquelles ellessont accomplies. Ce qui compte c’estl’action pour elle-même, c’est-à-direl’action séparée de tout principerationnel : le Saint-Esprit sans le Verbe.C’est un nouvel acharnement contre le

Christ, justement parce que le Christ estla Raison : le Christ est la Raison divine,qui, incarnée, est une personne historiqueindividuelle. Le Christ est la Raison divi-ne incarnée et individuée.Les choses qui paraissent être les plus

abstraites, les plus détachées de la vie, cesont justement celles qui sont le plus aucœur de la vie.Si l’on dit que l’action vaut pour elle-

même, que l’amour n’a aucune règle,aucun précepte ni aucun précédent, ontouche le point le plus intime de notreexpérience humaine, parce que nousvivons pour une vérité. Selon notre caté-chisme, la fin de l’homme est deconnaître et aimer Dieu. Il y a d’abord le« connaître » et ensuite l’« aimer ». Maisen quoi consiste la jouissance ? En uneintellection, une vision, et c’est cettevision seule qui peut être suivie de l’acted’amour.La charité dont jouissent les bienheu-

reux dans la béatitude du ciel est l’effetde la vision béatifique, à mesure quegrandit la vision grandit en eux la charité.La charité, l’ardeur des bienheureux est

proportionnée à la vision de l’intellect etde la connaissance. Cette vision enfingrandie par une lumière surnaturelle lalumen gloriæ.Donc, selon la théologie catholique, et

particulièrement celle de saint Thomas,notre béatitude est proportionnée à notreconnaissance, et cette connaissance ainsivalorisée s’enflamme tout naturellement.Cette doctrine, classique dans la théolo-

gie catholique, est exposée magnifique-ment par Dante, dans le chant XIV duParadis : « Lorsque de la chair glorieuseet sanctifiée nous serons revêtus, pourêtre toute entière, notre personne seraplus joyeuse, car s’accroîtra la lumière etla connaissance, qu’en pure charitédonne le Bien suprême. Lumière, quiseule nous rend capables de Le voir. »C’est ce que les théologiens appellentlumière de gloire : c’est un surplus deconnaissance et de capacité de connaître,au-dessus de la nature. Il dit encore :« Parce qu’il convient que la visions’accroisse. Et par cette vision l’ardeurs’enflamme. » C’est-à-dire, l’ardeur, lacharité, l’amour, s’enflamment en propor-tion de la vision. La vision de l’essencedivine est conditionnée par la lumière degloire et, autant grandit la lumière degloire, autant grandit la vision, et parconséquent autant grandit la charité, carla charité dépend directement de la

vision.La question du Filioque en est la racine,

et cette célébration inappropriée, del’amour est une destruction implicite dudogme de la Monotriade. Ainsi l’Esprit-Saint ne procède pas du Verbe mais il leprécède, et même, il précède tout. Cetteopinion est devenue populaire parcequ’aujourd’hui on ne dit pas « L’actionest bonne si elle est conforme à la loi duVerbe », mais on dit :« L’action est bonne si elle est faite

avec amour. »Et même dans la vie quotidienne nous

péchons quand nous « voulons », actevolitif, sans consulter la loi de la connais-sance : « d’abord le vouloir et ensuite lesavoir » disons-nous, renversant ainsil’ordre de procédure.Je crois que, dans la foi catholique,

l’Esprit-Saint a toujours « procédé » : eten effet dans l’Évangile c’est le Verbe quidit : « Je vous enverrai l’Esprit ! »C’est le Christ, le Verbe, la Seconde

Personne qui annonce : « Je vous enver-rai l’Esprit-Saint lequel vous enseigneratoute chose. » Et, après la Résurrection duSeigneur, les Apôtres attendent l’Esprit-Saint promis par le Christ, et qui est né duChrist.L’Esprit-Saint ne procède pas du Père.

Non. L’Esprit-Saint est envoyé à l’Églisepar le Verbe.Regardons aussi les théories théolo-

giques du cardinal Martini, dans ses inter-views au Sunday Times et à Elkann.Changer le cœur – le fond des erreurs esttoujours le même : « Notre religion n’estpas encore dans le Verbe, notre religionest fondée sur l’amour. »Après ces affirmations l’on peut dire du

cardinal Martini que c’est un incroyant :un incroyant sur la chaire de saintAmbroise. Il met une équivalence entretoutes les religions parce que toutes lesreligions, toutes les doctrines, toutes leshérésies, servent à développer le sens reli-gieux dans le genre humain, et à le main-tenir ; et ce sens se trouve aussi bien dansl’Église catholique, dans la confessionprotestante, dans le bouddhisme, ou dansl’Islam. Le sens est celui-ci : la religioncatholique a perdu sa particularité, elle estmise sur le même plan que toutes lesautres religions, parce que toutes les reli-gions remplissent cette condition primairequ’est le sens religieux. La seule chosequi compte c’est d’être tourné vers Dieu.De ce point de vue, l’être le plus reli-

gieux c’est Satan, car Satan était tendu aumaximum vers la divinité puisqu’il vou-lait être Dieu.Or, dans la créature, nous ne pouvons

imaginer une tension plus forte que cellede vouloir être Dieu. De plus, non seule-ment le démon vivait cette tension désor-donnée, mais il suggère la même chose ànos premiers parents. :

« Vous serez comme des dieux. »Alors quand on dit que notre religion

signifie : être tendu vers Dieu, on dit unechose erronée, on reçoit la suggestion deSatan, qui est ainsi tourné pour anéantir leChrist, seule raison de toute tension.Ce n’est donc pas la doctrine qui serait

importante mais le fait d’être tendu, cedynamisme spirituel ; et cette théorie avaitdéjà été développée dans 1’ « Osservato-re Romano » par Mgr Rossano. Je les aisoigneusement examinés et critiqués dansIota Unum.Mgr Rossano soutenait la thèse que

cette tension vers la divinité se trouveaussi dans les autres religions, qu’elle estle fondement de notre religion et detoutes les religions. Ces tendances ont étésanctionnées par l’événement d’Assise en1986. Le faux œcuménisme enseigne que

COURRIER DE ROMEÉdition en Français du Périodique Romain

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s ì s ì no no« Que votre OUI soit OUI, que votre NON soit NON, tout le reste vient du Malin »

(Mt 5, 37)

Le numéro 3€

Mars 2009Mensuel - Nouvelle SérieAnnée XLIII n° 320 (510

lance. La femme, avec l’aide du Saint Sacrement etde la main de l’enfant, frappa le serpent avec unetelle force que celui-ci fut réduit en pièces.

Deux ans plus tard, Mère Maria fit frapper unmédaillon sur lequel était représentée la scènedécrite par Mariana dans sa vision et, à partir de cejour, la médaille fut portée par toutes les sœurs duCouvent de l’Immaculée Conception de Quito.

Les fondatrices arrivèrent à Quito le30 décembre, et le 13 janvier 1577, le Vicaire pro-vincial de l’Ordre franciscain reçut les vœuxd’obéissance des fondatrices, avec le gouverne-ment spirituel et temporel du père Antonio JuradoO.F.M. La célébration de la fondation du Couventroyal de l’Immaculée Conception fut grande etsolennelle.

À l’âge de 15 ans, le 8 septembre 1577, Marianaentra au noviciat, et passa la première année sous laconduite de sa tante, la Mère Maria. Après deuxans de vie religieuse, de pratique des vertus et destricte observance de la Règle, le 4 octobre 1579,Mariana prononça ses vœux solennels devant laMère Abbesse, la Mère Maria.

À peine avait-elle fini de prononcer ses vœuxqu’elle tomba en extase et entendit le Père éternelrépéter les paroles prononcées par sa tante : « Si tues fidèle en ceci, Je te promets la vie éternelle. »Puis elle vit Notre-Seigneur qui, avec une majestéet une douceur ineffables, l’épousa, passant àl’annulaire de sa main droite un merveilleuxanneau orné de quatre pierres précieuses, sur cha-cune desquelles était inscrit l’un des quatre vœux :pauvreté, obéissance, chasteté et clôture. Notre-Seigneur lui dit : « Mon épouse, Je désire pour toiune vie d’immolation. Ta vie sera un continuelmartyre… ».

Apparition de la Sainte-TrinitéC’était en 1582. Un jour, alors qu’elle était en

train de prier dans le Chœur de la chapelle du Cou-vent au pied du tabernacle, après un incident surve-nu parmi les sœurs, sœur Mariana, après un brefdialogue avec Notre-Seigneur, entendit un gronde-ment terrifiant et vit l’église tout entière plongéedans l’obscurité, dans la poussière et la fumée.Levant les yeux, elle vie le maître-autel éclairé. Letabernacle s’ouvrit et Jésus apparut, comme sur le

LA VIERGE CONDAMNE LA FRANC-MAÇONNERIENOTRE-DAME DU BON SUCCÈS

C’était en 1563. Dans la province basque de Vis-caya, près de la frontière française, dans une famil-le de l’aristocratie espagnole, naissait MarianaFrancisca de Jesus Torres y Berriochoa, premièrefille de Diego Torres et Maria Berriochoa, tousdeux pieux catholiques.

D’une rare beauté et douée d’une intelligencerapide, de nature douce et inclinée à la vertu,Mariana, dès l’enfance, évitait les jeux des enfantsde son âge pour se réfugier à l’église adjacente à samaison, dans laquelle elle avait été baptisée, et oùsa mère la retrouvait souvent prosternée devant letabernacle.

À l’âge de sept ans, un incendie détruisit l’église,endommageant aussi gravement la maison et lapropriété paternelles, et précipitant dans la misèretoute la famille, qui dut déménager dans la petiteville de Santiago de Galicie, dans le nord-ouest del’Espagne.

Un jour, agenouillée devant le tabernacle, Maria-na s’exclama à haute voix : « Oh mon aimé !Quand viendra le jour où je pourrai m’unir à Toidans la sainte communion? » Aussitôt après, elleentendit ces paroles venant du tabernacle : « Lejour que tu voudras, ma fille, parce que ton cœurest déjà prêt! »

Ayant dévoilé le secret de ce dialogue à un frèrefranciscain, elle commença aussitôt sa préparation,et le 8 décembre 1572, à l’âge de neuf ans, Maria-na recevait sa première communion.

Dans cette première étreinte avec Jésus, le torrentde la grâce divine inonda son cœur, la faisant tom-ber en extase. Elle vit pour la première fois la MèreImmaculée qui, après lui avoir expliqué la grandeurdu vœu de chasteté, lui enseigna la formule et lasignification de ce vœu, en lui demandant de leprononcer un jour, dans l’Ordre religieux del’Immaculée Conception. Elle vit ensuite, dans letabernacle, les trois personnes de la Sainte-Trinitéet Saint Joseph. Elle prononça alors les parolesentendues de la Mère Immaculée et, à la fin, lePère éternel bénit l’union entre Mariana et son Fils,qui lui demanda de commencer sa marche sur lechemin de l’amour et du sacrifice.

À la demande des familles les plus influentes etd’une grande partie de la population de la ville de

Quito, le roi d’Espagne, Philippe II, en 1566, émitun décret pour la fondation du Couvent Royal del’Immaculée Conception, qui fut érigé sur la placeprincipale de Quito. Son but était la prière del’Office divin pour l’éducation et la formation reli-gieuse des filles des familles espagnoles et créolesde la Colonie espagnole dont Quito était la capitale.

Le roi envoya en Espagne le premier groupe desMères fondatrices du couvent, à la tête desquelles ilplaça Mère Maria de Jesus Taboada, une de sesparentes et tante de Mariana Francisca de JesusTorres. Lorsque Mariana apprit la nouvelle de lafondation de ce nouveau couvent, elle comprit lesparoles de Jésus qui l’invitait à abandonner la mai-son paternelle pour s’unir à Lui.

Mère Maria décida d’emmener avec elle la petiteMariana et, quelques jours avant le départ, ayantreçu la communion, elle eut une vision de Notre-Seigneur qui lui dit : « Mon épouse, le temps estvenu d’abandonner la maison paternelle et tapatrie. Je t’emmènerai dans ma maison où, derrièrede solides murs, tu vivras loin de la chair et dusang, cachée et oubliée de toutes les créatures. […]À mon imitation, tu porteras la croix et tu connaî-tras de grandes souffrances. La force et le couragene te manqueront pas. Je désire seulement que tavolonté soit toujours prête à accomplir la mienne. »

En 1576, Mère Maria, cinq autres fondatrices etMariana embarquèrent pour l’Équateur. En pleinemer, le ciel s’obscurcit subitement, un ouragand’une violence inouïe se déchaîna, si effrayant queles marins crurent qu’il n’y avait plus aucun espoirde salut. Pensant qu’elle était la cause de cet oura-gan, Mariana s’unit à sa tante pour prier et invoquerla miséricorde de Dieu. C’est alors qu’elles virent,dans les eaux déchaînées, un gigantesque serpent àsept têtes, qui cherchait à détruire et à faire sombrerleur bateau. Mariana s’évanouit et, tout à coup, lalumière du jour apparut dans cette effrayante obs-curité et l’ouragan se calma. Lorsque Marianarevint à elle, elle raconta à sa tante qu’elle avait vuun serpent plus grand que la mer qui se tordait etensuite une femme, d’une incomparable beauté,vêtue de soleil, couronnée d’étoiles, avec dans sesbras un enfant merveilleux, et sur le cœur uneimage du Saint Sacrement. D’une main elle bran-dissait une grande croix d’or terminée en forme de

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Courrier de Rome2 Mars 2009

Golgotha dans son agonie, avec à ses pieds la Vier-ge Marie, Saint Jean et Marie-Madeleine.

Craignant d’avoir été la cause de tout ceci, SœurMariana, se prosternant à terre avec les bras encroix, s’écria : « Seigneur, c’est moi la coupable!Punis-moi et pardonne à ton peuple. » Mais sonange gardien la souleva de terre et lui dit : « Non!Ce n’est pas toi la coupable. Lève-toi, car Dieudésire te révéler un grand secret. » Voyant leslarmes de la Vierge Marie, elle s’adressa à elle endisant : « Notre-Dame, est-ce moi qui suis la causede votre tristesse? » « Non, ce n’est pas toi, mais lemonde criminel! ».

Alors Notre-Seigneur commença son agonie etsœur Mariana entendit la voix de Dieu le Père quilui dit : « Ce châtiment sera pour le XXe siècle! »Tout à coup, au-dessus de la tête du Christ agoni-sant, apparurent trois épées sur lesquelles étaitécrit : « Je punirai l’hérésie », « Je punirail’impiété », « Je punirai l’impureté », et elle com-prit que cela se passerait au XXe siècle. La ViergeMarie lui demanda : « Ma fille, veux-tu te sacrifierpour les hommes de cette époque? » « Oui, je leveux! » répondit sœur Mariana.

Alors tout à coup les trois épées au-dessus de latête du Christ agonisant transpercèrent le cœur desœur Mariana, lui faisant subir une mort mystique.Elle parut devant le jugement de Dieu. Notre-Sei-gneur lui présenta deux couronnes : l’une de gloireimmortelle, d’une beauté indescriptible, l’autre delys blancs entourés d’épines, et il lui dit : « Monépouse, choisis l’une de ces couronnes. » Elledevait choisir entre la gloire du paradis et la gloirede son retour sur terre, pour souffrir comme victi-me sacrificielle pour apaiser la divine justice enversles hérésies, les impiétés et les impuretés quiseraient commises au XXe siècle. Rassurée par lesparoles de la Vierge et par la promesse de son aidedans cette terrible épreuve, sœur Mariana répondit :« Notre-Dame et ma Mère, que soit faite en moi ladivine volonté! » Après ces paroles, elle reçut avechumilité et résignation la couronne de lys entourésd’épines, et retourna sur la terre pour souffrir.

Elle devint ainsi une victime expiatoire pour leshérésies, les impiétés et les impuretés de notretemps.

Première apparition de la ViergeLe 17 septembre 1588, sœur Mariana était en

train de réciter les prières de minuit lorsque soncorps tout entier ressentit subitement un frisson siviolent qu’elle ne put retenir un cri de douleur. Onla porta dans son lit, on l’examina et l’on découvritque ses mains et ses pieds présentaient des bles-sures profondes, et qu’elle avait au côté une blessu-re semblable à celle causée par un coup d’épée. Lelendemain matin, le médecin constata qu’elle étaitcomplètement affaiblie, et son corps paralysé. Leseul mouvement perceptible de son corps étaitcelui des battements de son cœur qui étaient si fortsqu’on pouvait les entendre à distance.

Cette infirmité contraint sœur Mariana à garderle lit pendant environ un an, mais au cours des pre-miers mois, aux souffrances physiques vinrents’ajouter les souffrances spirituelles. Un jour, alitéeet incapable de bouger à cause de la douleur, elleentendit un bruit épouvantable dans sa cellule.Ouvrant les yeux, elle vit un horrible serpent qui,se débattant et se tordant, cherchait frénétiquement,tout en rampant, à grimper le long des murs,comme s’il était poursuivi par quelqu’un qui lechassait.

La peine que sœur Mariana ressentit fut si aiguëqu’elle fut plongée dans le désespoir. Tous les acteshéroïques de sa vie lui semblèrent criminels; sesbonnes œuvres lui apparurent comme des œuvresde perdition; sa vocation comme une illusion etune honte par laquelle elle s’était dirigée vers ladamnation éternelle. Dans ce malheureux état inté-rieur, dans lequel il lui semblait que son âme seséparait de son corps par la violence de la douleuret qu’elle était précipitée en enfer, elle rassemblatoutes ses forces et gémit à voix haute : « Étoile dela mer, Marie Immaculée, le pauvre voilier de monâme est en train de sombrer. Les eaux de la tribula-tion me noient. Sauvez-moi, car je meurs! » Avantqu’elle ait fini sa phrase, elle vit une lumière céles-te l’entourer et elle sentit une main affectueuse luitoucher la tête. En même temps, sœur Marianaentendit une voix douce qui lui dit : « Pourquoi as-tu peur, ma fille? Ne sais-tu pas que je suis avec toidans les tribulations? Lève-toi et regarde-moi! »L’humble religieuse se leva et vit une femme d’unegrande majesté et d’une grande splendeur, dontémanaient la douceur et l’amour. Elle luidemanda : « Qui êtes-vous, splendide Dame? »« Je suis la Mère du Ciel que tu as invoquée. Je suisvenue dissiper les ténèbres de la nuit de ton âme[…] parce que ton Seigneur et Dieu t’a destinée àde grandes choses pendant ta vie. […] À présent jeredonnerai la vie à tes muscles, à tes veines et à tesartères, et je chasserai le serpent infernal » À peinela femme eut-elle fini de parler que l’énorme ser-pent émit un effrayant sifflement de désespoir,s’élançant vers l’enfer dans un terrible grondementqui fit trembler la terre sous le Couvent et toute laville de Quito.

Mariana demeura alitée et sa santé continuad’empirer jusqu’au mois de septembre 1589. Lesecond mercredi du mois, à neuf heures du matin,commença son agonie. La messe du matin fut célé-brée en sa présence. Elle reçut l’extrême-onction.Son agonie continua jusqu’au vendredi. À 3h30 del’après-midi, sœur Mariana rendit son dernier sou-pir. Ses obsèques étaient prévues pour le lundi sui-vant, mais le dimanche à trois heures du matin (lamême heure que celle de la résurrection de notreseigneur Jésus-Christ) lorsque les sœurs du Cou-vent se rendirent au chœur pour le petit office, ellestrouvèrent stupéfaites sœur Mariana en train deprier.

En 1592, mère Maria, abbesse du Couventdepuis 15 ans, tomba malade et sœur Mariana futélue à sa place. Toutefois, à la mort de mère Maria(1593), un groupe de sœurs rebelles complotèrentpour que la juridiction du Couvent soit transféréedes frères mineurs à l’Évêque de Quito. Ce climatdétériora la vie conventuelle qui déboucha sur desaccusations personnelles et sur l’institution deprocès à l’égard des présumées coupables.

Deuxième apparition de la ViergeLe 2 février 1594, le cœur rempli d’amertume et

de peine, sœur Mariana priait, prosternée sur le soldu chœur du Couvent. Elle suppliait Notre-Sei-gneur, par l’intercession de sa Mère bénie, pourque cessent les procès continuels qui avaient lieudans son Couvent bien-aimé et pour la fin de tousles péchés qui étaient commis dans le monde.

Pendant cette longue pénitence, mère Marianaperçut la présence de quelqu’un en face d’elle. Soncœur était troublé, mais une voix douce l’appelapar son nom. Elle se releva, et vit en face d’elle unefemme merveilleuse qui portait Jésus Enfant surson bras gauche, et qui tenait dans sa main droite

un Pastoral d’or brillant et orné de pierres pré-cieuses d’une beauté indescriptible. Le cœur remplide joie et de bonheur, elle dit : « Dame merveilleu-se, qui êtes-vous et que voulez-vous? Ne savez-vous pas que je suis une pauvre sœur, certainementpleine d’amour pour Dieu, mais aussi débordantede douleur et de souffrance ? » La Femmerépondit : « Je suis Marie du Bon Succès, la Reinedu ciel et de la terre. C’est précisément parce quetu es une âme religieuse remplie d’amour pourDieu et pour sa Mère, que je te parle. Je suis venuedu ciel pour consoler ton cœur affligé. Tes prières,tes larmes et tes pénitences sont très appréciées parnotre Père céleste. L’Esprit Saint, qui console tonesprit et te soutient dans toutes tes justes tribula-tions, a formé, avec trois gouttes du sang de moncœur, l’Enfant le plus excellent de l’humanité. Pen-dant neuf mois, Vierge et Mère, je l’ai porté dansmon sein très pur. Dans l’étable de Bethléem, jel’ai couché sur la paille froide. Moi, sa Mère, je l’aiplacé ici, sur mon bras gauche, pour qu’ensemble,nous puissions retenir la main de la Justice divine,qui est toujours prête à châtier ce monde malheu-reux et criminel. Dans ma main droite, je porte lePastoral que tu vois, parce que je désire gouvernerce Couvent comme abbesse et Mère. Dans peu detemps, les frères franciscains ne gouverneront plusce Couvent et, à cause de cela, mon patronage etma protection seront plus nécessaires que jamais,car cette épreuve durera pendant des siècles. Parcette séparation, Satan tentera de détruire cetteœuvre de Dieu, en se servant de mes filles ingrates.Mais il n’aura pas de succès, parce que je suis laReine des Victoires et la Mère du Bon Succès, etc’est sous cette invocation que je désire être connuepour tous les temps, pour la préservation de monCouvent et de ses habitants. Maintenant, je désirete donner force et encouragement. Ne permets pasà la souffrance de te décourager, car tu vivras long-temps sur cette terre pour la gloire de Dieu et de saMère qui te parle en ce moment. Mon très saintFils désire te donner toutes sortes de souffrances et,pour te donner le courage dont tu auras besoin, je leprends de mes bras et… reçois-le dans les tiens!Serre-le contre ton cœur faible et imparfait! »

La très sainte Vierge posa l’enfant divin dans lesbras de l’heureuse Mère Mariana, qui le serracontre son cœur, le caressant tendrement. Aprèsavoir fait cela, elle sentit en elle un fort désir desouffrance.

L’esprit de rébellion et de non-observance de laRègle se retourna contre Mère Mariana. Les sœursrebelles, en 1595, s’opposèrent à sa réélectioncomme abbesse et firent élire mère Maddalena.Leurs rapports avec les frères mineurs s’étant dété-riorés, elles obtinrent en 1598 leur séparation duCouvent qui passa sous la juridiction de l’évêquede Quito. La période qui va de 1599 à 1610 fut lapériode la plus troublée et la plus dramatique pourle Couvent. Mère Mariana et les fondatrices furentcalomniées, humiliées, persécutées, poursuivies enjustice et à plusieurs reprises traînées en prison.

Troisième apparition de la ViergeCe fut précisément dans la prison du Couvent

que la Vierge choisit d’apparaître de nouveau. Celaarriva le 16 janvier 1599. Dans une lumière brillan-te, Mère Mariana vit apparaître une femme mer-veilleuse qui se présenta : « Je suis Marie du BonSuccès, une invocation bien connue en Espagne età laquelle tu as recouru plusieurs fois […]. Les tri-bulations que mon très saint Fils t’a données sontun don du ciel pour embellir ton âme et pour rete-

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nir la colère divine, tellement prête à déchaîner unterrible châtiment sur cette ingrate colonie. Com-bien de crimes cachés y sont commis! […].

Dans peu de temps, le pays dans lequel tu viscessera d’être une colonie et deviendra une Répu-blique libre 1. Alors, connue sous le nomd’Équateur, elle aura besoin d’âmes héroïques pouraffronter les nombreuses calamités publiques etprivées. Ici, dans le Couvent, Dieu trouvera tou-jours des âmes comme des fleurs cachées. Quitoserait maudite sans se Couvent! Le roi le plus puis-sant de la Terre, avec toutes ses richesses, ne pour-rait pas construire de nouveaux édifices sur ce lieu,parce que ce lieu appartient à Dieu. Au XIXe siècle,il y aura un vrai président chrétien (GarciaMoreno – ndr), un homme de caractère auquelDieu donnera la palme du martyre sur la placeadjacente à mon Couvent 2. Il consacrera la Répu-blique au Sacré-Cœur de mon très saint Fils et cetteconsécration soutiendra la religion catholique dansles années qui suivront; années qui seront funestespour l’Église. Ces années, pendant lesquelles lasecte maudite de la franc-maçonnerie aura lecontrôle du gouvernement civil, verront une cruellepersécution de toutes les communautés religieuses,qui frappera aussi violemment mon Couvent bien-aimé. Des hommes penseront pouvoir détruire leCouvent, mais Dieu existe et j’existe, et nousferons se dresser de puissants défenseurs, et nousplacerons face à ces ennemis des difficultés impos-sibles à surmonter, et nous triompherons. […]

Donc, c’est le désir de mon très saint Fils que tucommandes la construction d’une statue me repré-sentant telle que tu me vois maintenant, et que tu lafasses placer sur le siège de l’abbesse, afin que jepuisse gouverner mon Couvent. Dans ma maindroite, fais placer le Pastoral et les clés du cloîtrecomme signe de ma propriété et autorité. Sur monbras gauche, place mon Enfant divin, afin que leshommes comprennent que je suis puissante pourapaiser la Justice divine et obtenir la miséricorde etle pardon pour tout pécheur qui vient à moi avec uncœur contrit, parce que je suis la Mère de Miséri-corde et il n’y a en moi que bonté et amour; et afinque de tous les temps, mes filles comprennent queje leur montre et leur donne mon très saint fils etleur Dieu comme modèle de perfection religieuse.Elles devront venir à moi, pour que je les conduise àLui. »

Mère Mariana doutait que même le sculpteur leplus expérimenté puisse sculpter une telle statue,mais la Vierge répondit : « Ma fille, je suisd’accord avec ce que tu dis. Mon serviteur

François, avec ses mains blessées, sculptera ma sta-tue, et les esprits angéliques l’assisteront. Il meceindra avec sa ceinture, symbole de tous ses fils etde ses filles dont je suis si proche. Pour la hauteurde ma statue, tu me mesureras toi-même avec lecordon séraphique qui te ceint : porte-moi ton cor-don et place une de ses extrémités dans ma main.Puis tu placeras l’autre extrémité sur mon pied.[…] Ainsi, ma fille, tu as la hauteur de ta Mèrecéleste. Transmets-la à mon serviteur Francisco delCastillo, et décris-lui mes traits et mon allure. Ilexécutera le travail extérieur de ma statue… »

La même année, l’évêque de Quito, après uneenquête faite sur les faits de la vie du Couvent,ayant regretté les erreurs commises à l’égard deMère Mariana et des fondatrices, envoya un ordreécrit à Mère Mariana dans lequel il était affirméque c’était à elle que revenait le gouvernement duCouvent, avant même l’abbesse en charge, qui laconsultait, écoutait ses conseils en toutes chosesparce qu’elle était Mère fondatrice.

La charité de Mère Mariana, à l’égard des sœursrebelles et en particulier de la sœur qui était à leurtête, la poussa à demander à Notre-Seigneur de luidonner les souffrances nécessaires pour obtenir lesalut de son âme. C’est ainsi que commença, en1601, une période de cinq années d’expiation pourla sœur rebelle qui, tombée gravement malade, futsoignée personnellement par Mère Mariana. Cettepériode terminée, la sœur rebelle mourut, et peuaprès Mère Mariana fut élue abbesse pour la troi-sième fois (1606-1609), puis une quatrième fois(1609-1612).

[...]

Quatrième apparition de la ViergeLe 21 janvier 1610, Mère Mariana était en train

de prier quand, tout à coup, le chœur fut inondéd’une splendeur céleste. Au milieu de cette lumièreéblouissante, elle vit arriver les trois archanges,Saint Gabriel, Saint Michel et Saint Raphaël quiavaien précédé l’apparition de la Vierge pour éclai-rer l’intelligence, renforcer le cœur et soigner lacécité d’esprit de Mère Mariana. Une fois les mes-sagers célestes partis, Mère Mariana demeura pros-ternée à terre jusqu’à deux heures du matin,lorsque la Reine du ciel lui apparut, portant dansses bras l’enfant, et s’adressant à elle par ces mots :« Lève-toi de la terre où tu gis, fille bien-aimée demon cœur maternel et épouse aimée de mon divinFils. Ton humilité a attiré mon cœur, commel’orgueil qui règne dans cette colonie s’éloigne demoi. Mais puisque j’ai des filles fidèles et aimantesdans ce Couvent, et parmi elles toi, ma préférée, jeviens comme toujours te confier mes secrets. »

Après lui avoir parlé des religieuses infidèles quivivraient dans le Couvent dans les temps à venir,de leur tiédeur obstinée et de leur surdité à toutegrâce, à tout conseil charitable, avertissement ouchâtiment qui pourrait leur être envoyé, la Viergelui dit : « Je t’apprends qu’à partir de la fin duXIXe siècle, dans ce qui est aujourd’hui la Colonieet qui sera un jour la République de l’Équateur,exploseront les passions et il y aura une totale cor-ruption des mœurs, car Satan régnera presque com-plètement au moyen des sectes maçonniques.Celles-ci se concentreront principalement sur lesenfants pour maintenir cette corruption générale.Malheur aux enfants de cette époque! Il sera diffi-cile de recevoir le sacrement du baptême et aussicelui de la confirmation. Les enfants ne recevrontle sacrement de confession que s’ils restent dansles écoles catholiques, car le diable s’efforcera de le

détruire au moyen de personnes en positiond’autorité. La même chose arrivera pour le sacre-ment de la sainte communion. Hélas! Comme celam’afflige de te parler des énormes sacrilègespublics et privés qui surviendront en profanation dela sainte eucharistie ! Souvent, pendant cetteépoque, les ennemis de Jésus-Christ, poussés par lediable, voleront des hosties consacrées dans leséglises pour profaner les espèces eucharistiques.Mon très saint Fils sera jeté à terre et piétiné […].Mais à cette époque, tu seras déjà connue, ainsi queles faveurs que je t’accorde. Combien j’aime lesheureux habitants de ce saint lieu! Et cette connais-sance stimulera l’amour et la dévotion à ma saintestatue. Pour cette raison, aujourd’hui, avec autorité,je t’ordonne de faire faire cette statue : qu’elle soitsculptée exactement comme tu me vois, et fais-laplacer sur le siège de l’abbesse, afin que de là jepuisse gouverner et diriger mes filles et défendremon Couvent; parce que Satan, se servant tant dubien que du mal, engagera une bataille féroce pourle détruire. […] Comme ce pauvre pays sera privéde l’esprit catholique, le sacrement de l’extrême-onction sera peu considéré. Beaucoup de per-sonnes mourront sans le recevoir – par négligencede leurs familles, ou à cause d’une affection malcomprise envers les malades. D’autres, poussés parle diable, se révolteront contre l’esprit de l’Églisecatholique et priveront un grand nombre d’âmesd’innombrables grâces, consolations et de la forcedont ils ont besoin pour faire le grand saut autemps de l’éternité. Mais certaines personnesmourront sans recevoir ce sacrement par un châti-ment juste et secret de Dieu.

Pour le sacrement du mariage, qui symbolisel’union du Christ avec son Église, celui-ci sera atta-qué et profondément profané. La franc-maçonne-rie, alors au pouvoir, approuvera des lois iniquesdans le but de s’affranchir de ce sacrement, rendantfacile pour chacun de vivre dans le péché, etencourageant la procréation d’enfants illégitimes,nés sans la bénédiction de l’Église. L’esprit catho-lique disparaîtra très rapidement, éteignant la pré-cieuse lumière de la foi, jusqu’à ce que l’on arrive àune presque totale corruption des mœurs. À celas’ajouteront les effets de l’éducation séculière quisera une des raisons de la mort des vocations sacer-dotales et religieuses.

Le sacrement de l’ordre sera moqué, opprimé etméprisé, parce que dans ce sacrement, l’Église deDieu et Dieu lui-même sont rejetés et méprisés, carc’est Dieu qui est représenté par les prêtres. Ledémon cherchera à persécuter les ministres du Sei-gneur de toutes les façons possibles, et il agira avecastuce et cruauté pour les détourner de l’esprit deleurs vocations, en corrompant beaucoup d’entreeux. Ces prêtres corrompus, qui seront motif descandale pour les catholiques, feront en sorte que lahaine des mauvais catholiques et des ennemis del’Église catholique apostolique et romaine retombesur tous les prêtres.

Ce triomphe apparent de Satan causerad’immenses souffrances aux bons pasteurs del’Église, aux bons prêtres, et au Vicaire suprême duChrist sur terre qui, comme un prisonnier au Vati-can, versera des larmes amères et secrètes en pré-sence de son Dieu et Seigneur, implorant la lumiè-re, la sainteté et la perfection pour le clergé dumonde entier, dont il est roi et père.

Dans ce suprême moment de besoin de l’Église,ceux qui devraient parler garderont le silence! Tuverras tout cela du ciel, ma fille bien-aimée, où tu

1 En effet, la République d’Équateur fut fondée le19 août 1809. Les années suivantes furent témoins deterribles massacres de la noblesse, au cours desquels lesfemmes et les enfants furent passés au fil de l’épée.L’indépendance fut obtenue le 22 mai 1820, après labataille de Pinchincha et, depuis, l’Équateur a toujoursété déchiré par des dissensions internes.2. Le président catholique Gabriel Garcia Moreno futprésident de l’Équateur au cours des périodes 1861-1865 et 1869-1875, pendant lesquelles il transforma sonpays, en le libérant des révolutions continuelles et de ladette publique. En 1873, Garcia Moreno fit consacrerpubliquement l’Équateur au Sacré-Coeur de Jésus. Cetacte rendit les francs-maçons furieux, et la Grande loged’Allemagne décréta sa mort. Le 6 août 1875, alors qu’ilse dirigeait vers la cathédrale de Quito sur la place àproximité du Couvent royal de l’Immaculée Conception,il fut brutalement attaqué et assassiné par une bande à lasolde de la franc-maçonnerie.

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Courrier de Rome4 Mars 2009

ne souffriras plus, mais tes filles et celles qui lessuivront souffriront, et apaiseront la colère divine.Elles recourront à moi par l’invocation de Notre-Dame du Bon Succès, dont je te commande defaire faire la statue pour la consolation et la préser-vation de mon Couvent et pour les âmes fidèles dece temps, une époque où il y aura une grande dévo-tion envers moi, parce que je suis la Reine du cielsous de nombreuses invocations.

Cette dévotion sera le bouclier entre la Justicedivine et le monde prévaricateur, pour empêcher laréalisation de la terrible punition de Dieu, que cetteterre coupable mérite. Aujourd’hui même, tudevras aller chez l’évêque et lui dire que je t’aiordonné de me faire représenter par une statue qu’ilfaudra sculpter et placer à la tête de mon couventafin que, sous ce titre, je puisse prendre possessionde ce qui m’appartient. Comme preuve que tu disla vérité, dis-lui qu’il mourra dans deux ans et deuxmois et qu’il doit commencer à se préparer pour lejour de l’éternité, parce que sa mort sera violente. Ildevra consacrer ma statue avec le saint chrême etlui donner le nom de « Marie du Bon Succès de laPurification, où Chandeleur ». Dans cette occasionsolennelle, lui-même devra placer les clés duCloître, avec le Pastoral, dans la main droite de mastatue, comme preuve que le gouvernement desépouses de mon très saint Fils m’a été confié etqu’elles devront remettre toutes leurs préoccupa-tions à ma protection aimante et maternelle. Puis, àce moment, je prendrai complète possession duCouvent, ma maison, et je le protégerai et le libére-rai de tous les désordres jusqu’à la fin des temps,en demandant à mes filles à un continuel esprit decharité et de sacrifice. Ainsi, par l’humilité,l’obéissance, la patience, et la prière continuelle,cette maison et cette communauté seront soute-nues. […] Toutes leurs nécessités et leursdemandes seront accueillies, grâce à la pratiquequotidienne de ces vertus. Ceci vaut pour chacunede mes filles qui vivront dans ce cloître bien-aiméjusqu’à la fin des temps […].

Sois docile à mes exhortations, et demande quema statue soit sculptée sans retard, telle que tu mevois, et demande à la placer dans le lieu que je t’aiindiqué […]. Je pourvoirai à la perfection de cetteœuvre. Les archanges Gabriel, Michel et Raphaëlprendront soin d’exécuter secrètement ma statue.Tu devras appeler Francisco del Castillo, quiconnaît bien cet art, et lui donner une succinctedescription de mes traits, exactement comme tu lesvois aujourd’hui et toujours, car c’est pour cette rai-son que je te suis apparue plusieurs fois. »

Mère Mariana mesura de nouveau la hauteur del’apparition avec son cordon.

Cinquième apparition de la ViergeLe 2 février 1610 à 1h30 du matin, Mère Maria-

na, après avoir prié dans le chœur, méditant surl’humilité et l’obéissance de Marie, allait se retirerlorsqu’elle se sentit soudain envahie d’une joiemêlée de crainte, et elle se vit aussitôt en présencede Notre-Dame du Bon Succès, qui la regardaitavec une aimable sévérité, sans dire un mot.

Aux inquiétudes de Mère Mariana, Notre-Damerépondit :

« Créature au cœur dur et lent à agir […], par laconstruction de ma statue, ce n’est pas seulement àtoi et à mon couvent que je donne mes faveurs,mais aussi aux gens et au vaste public, à travers lessiècles. Parce que ce Couvent est une forteresse, etportera le salut à beaucoup d’âmes, tirant de

l’abîme du péché celles qui s’y trouvent, Dieu seraglorifié dans ces âmes. Si tu savais combien deconversions il provoquera! Veux-tu être respon-sable de la perte de tant d’âmes, en restant sourde àma voix et à ma demande? »

« Notre-Dame – répondit mère Mariana – votrereproche est très juste et je l’accepte humblementdevant Dieu […] mais permettez-moi de vousconfier mes craintes et de vous demander unegrâce que, comme mère, vous ne pourrez pas merefuser. La crainte que je vous expose est celle-ci :comme les gens de ce pays sont enclins àl’idolâtrie, ceci pourrait être une occasion de lespousser à cette pratique. La grâce que je vousdemande est que vous ne fassiez pas apparaîtremon nom, afin que vous seule, comme souveraineet reine que vous êtes, puissiez être glorifiée, etmoi au contraire, toujours inconnue. En outre, jevous demande de pouvoir mesurer votre hauteurencore une fois, car il est impossible de vous repré-senter exactement telle que vous êtes, même sivotre sainte statue et sculptée par des esprits angé-liques. »

La reine du ciel répondit : « Fille bien-aimée demon cœur, ton humilité m’est agréable. Dès quepossible, va parler à l’évêque et dis-lui de ma partce que je t’ai dit et demandé la dernière fois. Hâte-toi de demander la sculpture de ma statue, car letemps passe et il ne reste que deux années de vie àl’évêque, qui a été choisi pour consacrer ma statueavec le saint chrême et la placer dans le lieu que jet’ai désigné. Dis-lui en outre qu’au terme de sonagonie, nous – toi et moi – serons à ses côtéspour l’assister dans son passage final. S’il tedemande comment tu pourras te trouver là,réponds-lui que rien n’est impossible à Dieu et à satrès sainte Mère, parce qu’ils sont les maîtres abso-lus de toutes les créatures.

Ta demande de rester inconnue m’est agréable,et je ferai comme tu me l’as demandé. Dis àl’évêque que c’est ma volonté et la volonté de montrès saint Fils que ton nom soit inconnu à tout prix,tant à l’extérieur qu’à l’intérieur du Couvent, parcequ’il n’est utile pour personne, à l’heure actuelle,de connaître les détails et l’origine de la façon dontcette statue a été réalisée. Tout ceci ne sera connudu vaste public qu’au XXe siècle. Pendant cettepériode, l’Église se trouvera attaquée par de ter-ribles hordes de la secte maçonnique, et cettepauvre terre de l’Équateur sera agonisante à causede la corruption des mœurs, de la luxure effrénée,de la presse impie et de l’éducation séculière. Lesvices d’impureté, d’impiété et de sacrilège domine-ront, en ces temps de désolation dépravée, et ceuxqui devraient parler garderont le silence!

Sache, fille bien-aimée, que quand ton nom seraconnu au XXe siècle, beaucoup ne croiront pas,disant que cette dévotion n’est pas agréable à Dieu.Mais les grandes souffrances de mes filles, et tessouffrances présentes, seront comme un mélodieuxconcert d’humilité et de pénitence cachée pourmon très saint Fils et pour moi. L’Époux divin etmoi, sa Mère, et toi aussi, nous prendrons soin denos filles depuis le ciel, et nous les conduirons surla juste voie qui mène au paradis. Ce qui causera laplus grande peine à ces filles, ce seront les doutesde leurs consœurs, qui augmenteront leurs souf-frances et aussi leurs mérites.

Une foi simple et humble dans la véridicité demes apparitions à toi, ma fille bien-aimée, seraréservée aux âmes humbles et ferventes qui sontdociles aux inspirations de la grâce, parce que notre

Père céleste communique aux simples de cœur, etnon à ceux qui ont le cœur gonflé d’orgueil et quifont semblant de savoir ce qu’ils ne savent pas, ouqui sont infatués d’une science vide.

Ne t’inquiète pas pour les traits de ma statue, carelle sera faite comme je le désire pour les butssublimes auxquels elle est destinée. Donne-moil’extrémité du cordon que tu as autour de la taille,symbole de la pureté de l’épouse du divin Jésus,afin que je puisse la porter à mon front. Metsl’autre extrémité sur mon pied droit, et tu auras lamesure de ma hauteur, marquée par la longueur dece cordon ».

L’humble religieuse, pleine de confiance et degratitude envers la Vierge, dénoua le cordon qu’elleportait autour de la taille et tendit l’une de sesextrémités à la bienheureuse Mère, puis plaçal’autre extrémité aux pieds de Notre-Dame. Le cor-don s’allongea, comme s’il était élastique, jusqu’àatteindre la hauteur de la Reine du ciel et de laterre. Quand elle leva les yeux pour observer lefront de sa Mère, elle vit l’Enfant divin debout quitenait l’extrémité du cordon touchant le front de saMère. […] Puis, levant sa petite main gracieuse, iltendit le cordon à Mère Mariana en disant : « Monépouse bien-aimée, maintenant tu as la mesure dela hauteur de ma très sainte Mère, comme tu lesouhaitais. Conserve ce cordon avec révérence, carje désire que les nombreuses épouses que j’aurai àtravers les siècles se mesurent avec lui. La mesure adéjà été donnée. Et sais-tu comment je désirequ’elles soient mesurées? Je mesurerai leur humi-lité, leur silence, leur charité, leur patience et leuramour pour moi et pour ma bienheureuse Mère,que toutes doivent prendre pour modèle. Commechrétiennes, et encore plus comme religieuses, jedésire qu’elles aient mon esprit dans chacun desactes de leur vie. Mon esprit de patience, de dou-ceur, d’abnégation et de total abandon à la volontédivine. Fais qu’elles me servent avec diligence,abandonnant même leur bonheur éternel àl’amoureuse volonté de mon Cœur divin […]. »

Le lendemain, Mère Mariana s’employa immé-diatement à faire réaliser la statue de Notre-Damedu Bon succès. Elle parla avec son père spirituel P.Juan de la Mère de Dieu, puis avec l’évêque deQuito, qui s’engagea à faire faire les clés du Cou-vent pour la Statue, tandis que la couronne futofferte par le chapitre de la cathédrale.

Le sculpteur Francisco del Castillo, appelé auCouvent deux jours plus tard, honoré de la chargequ’on lui attribuait, l’accepta, et chercha aussitôt unbois spécial qui puisse durer le plus longtemps pos-sible. À la fin du mois d’août, il retourna au Cou-vent avec ce bois de prix, et s’engagea à commen-cer le travail le 15 septembre. Lorsqu’il commençade sculpter la statue, il sembla transformé et, sou-vent, on le trouva au travail avec les larmes auxyeux. L’évêque lui rendit visite plusieurs fois, etchaque fois, il le quittait très ému.

À la fin du mois de septembre, Mère Marianaappela la marquise Maria de Yolanda, qui assumala charge de faire faire le Pastoral d’or en Espagnepar sa famille. Ayant su ensuite que la hauteur deNotre-Dame avait été mesurée avec le cordon del’abbesse, la marquise demanda la faveur de le voir.Elle le reçut entre ses mains, et à peine l’avait-ellerendu que son bras gauche, infirme depuis plu-sieurs jours à cause d’une chute, fut guéri.

La statue achevée par les angesLe matin du 16 janvier 1611, les ferventes reli-

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gieuses du Couvent se levèrent tôt comme à leurhabitude. S’approchant de la chapelle, elles enten-dirent une musique mélodieuse. Hâtant le pas, ellesvirent là, avec émerveillement, tout le chœur rem-pli d’une lumière céleste, et elles entendirent lesvoix des anges, accompagnées d’une musique divi-ne, entonner le Salve Sancta Parens.

La sainte statue avait déjà été finie par les anges!De son visage émanaient d’intenses rayons delumière qui se répandaient dans le chœur et dansl’église. Petit à petit, ces rayons perdirent de leurintensité et les sœurs purent s’approcher et contem-pler de plus près le miracle opéré par Dieu pour sonCouvent et pour l’humanité, avec l’achèvement dela sainte et vénérable statue par les anges. Entouréd’un halo de lumière brillante, le visage de la statuen’était pas sévère, mais majestueux, serein, doux,aimable, attirant, comme si elle invitait ses filles às’approcher de leur Mère céleste avec confiance,pour les embrasser en signe de remerciement et debienvenue. L’enfant Jésus était un chef-d’œuvre. Ilexprimait l’amour et la tendresse pour les épousestant aimées de son Cœur et si chères à sa Mère. […]Débordantes d’amour pour Dieu et pour sa bien-heureuse Mère, les sœurs récitèrent l’Office enredoublant de ferveur.

À l’heure prévue, le sculpteur, Francisco delCastillo, arriva au Couvent pour poser la dernièrecouche de couleur à sa grande œuvre, apportantavec lui les couleurs les plus précieuses qu’il ait putrouver. Arrivé à la chapelle, il regarda la statueavec stupéfaction et avec une grande émotion, ets’écria : « Mères, que s’est-il passé? Cette splendi-de statue n’est pas mon œuvre! Je n’arrive pas àexprimer ce que je ressens dans mon cœur. C’estune œuvre angélique, car elle n’a pas pu être faitesur cette terre, par une main humaine ! Aucunsculpteur, aussi expert qu’il soit, ne peut imiter unetelle perfection et une telle beauté. »

Il tomba au pied de la statue, le cœur inondé desentiments de foi et de piété, et un flot de larmescoula de ses yeux. S’étant relevé, il demanda dupapier et une plume pour pouvoir faire un témoi-gnage écrit, jurant que cette statue n’était pas sonœuvre, mais celle des anges. Dans ce témoignage,il déclara qu’il avait retrouvé une statue différentede celle qu’il avait laissée dans le chœur supérieurdu Couvent, six jours plus tôt.

L’évêque, informé de ce prodige, se rendit immé-diatement au Couvent pour voir en personne lamerveille de l’achèvement de la statue et, aprèsavoir constaté cet événement extraordinaire, il invi-ta Mère Mariana à se rendre au confessionnal, pourapprendre d’elle ce qui s’était réellement passé.

« Excellence, dit Mère Mariana, pendant la priè-re de l’après-midi du 15 de ce mois, Dieu m’a aver-tie que pendant les premières heures du lendemainmatin, je serais témoin de sa miséricorde envers leCouvent et envers l’humanité. Il m’a demandé deme préparer à recevoir ses grâces par une pénitencenocturne et une prière. C’est ce que je fis. Àminuit, entrant dans le chœur, je vis l’égliseéclairée d’une lumière céleste. Mon esprit s’estperdu dans l’immensité de Dieu et l’amour divin adilaté mon cœur. Alors le tabernacle s’est ouvert etj’ai vu que dans la sainte hostie se trouvaient lePère, le Fils et le Saint-Esprit. J’ai vu le sublimemystère de l’incarnation du Verbe divin se réaliserdans le sein très pur de la bienheureuse Vierge.Puis j’ai compris l’amour infini des trois Personnesdivines pour la très sainte Vierge Marie, Notre-Dame, qui était présente, si magnifique, si belle et

si attirante. Les neuf chœurs des anges chantèrentles louanges et rendirent hommage à leur Reine. Latrès sainte Trinité manifesta sa satisfaction pourcette sainte et merveilleuse créature, exempte detoute tâche du péché originel. À un geste de la trèssainte Trinité, les archanges Michel, Gabriel etRaphaël se présentèrent devant le trône de laMajesté divine, et j’étais prête à accomplir unemission sublime. Je n’ai pas compris l’ordre qu’ilsm’ont donné, mais après s’être inclinés avec uneprofonde révérence, je les ai vus s’approcher dutrône de la Reine du ciel. Stain Michel, la saluant, adit : “Très sainte Marie, Fille de Dieu le Père” ;Saint Gabriel a dit : “Très sainte Marie, Mère deDieu le Fils”; Saint Raphaël a dit : “Très sainteMarie, pure Épouse du Saint-Esprit”. Puis, ils ontentonné ensemble : “Très Sainte Marie, Temple dela très sainte Trinité”. En un instant, plus rapidesqu’un éclair, les trois archanges se trouvèrent dansle chœur où la statue était sculptée, de façon à pou-voir l’achever et l’éclairer d’une splendeur divine.J’ai vu aussi apparaître mon Père séraphique. Deses mains blessées sortaient des rayons célestes qui,sans aveugler mes yeux, pénétrèrent mon cœur etle transportèrent dans les sphères célestes. Accom-pagné des trois archanges, Saint Michel, SaintGabriel et Saint Raphaël, il s’est approché de la sta-tue presque achevée par le Señor Francisco delCastillo et, en un instant, ils la transformèrent. Jen’ai pas réussi à voir de quelle façon a eu lieu cettetransformation instantanée, mais ils ont laissé lastatue dans l’état magnifique où votre Excellencel’a vue. Puis, mon Père séraphique a pris son cor-don blanc et, le nouant autour de la taille de la sain-te statue, il dit avec amour et révérence : “Notre-Dame, je confie à votre amour maternel mes fils etmes filles des trois ordres que j’ai fondés et quicontinuent leur pèlerinage terrestre. Aujourd’hui jevous confie, et pour tous les temps, ce Couventfondé sous ma protection. Des temps difficilesd’aridité et d’ardent désir spirituel viendront, avecmes filles qui le quitteront pour une longue pério-de. En leur absence, je vous supplie d’être la viepour mes filles qui vivront dans ce cloître, pendantces temps malheureux. Il y aura des filles illégi-times, c’est vrai, mais elles ne seront heureusesqu’en apparence, parce qu’intérieurement ellesmanqueront de vertu. Elles deviendront des instru-ments pointus pour ciseler et polir mes filles. Pourcelles-ci, je donne ma bénédiction et je demandevotre aide. Mais pour les autres, la justice finale!”Mon Père séraphique a alors ceint la statue avecson cordon, et il s’en est allé. Pendant ce temps, lastatue était complètement éclairée, comme plongéedans la lumière du soleil. La très sainte Trinité l’aregardée avec satisfaction et les anges ont chanté leSalve Sancta Parens. Dans cette grande félicité, laReine des anges s’est approchée de la statue et yest entrée, comme les rayons du soleil pénètrentdans le cristal. À ce moment, la statue a pris vie et achanté le Magnificat d’une voix céleste. Ceci estarrivé à trois heures du matin ».

La consécration de la statueEn préparation de la consécration de la statue,

l’évêque demanda aux sœurs de faire une neuvai-ne, et bénit la statue, lui donnant le nom de « Mariedu Bon Succès de la Purification ou Chandeleur ».À neuf heures du matin, dans l’église du Couvent,P. Juan de la Mère de Dieu célébra la messe en pré-sence de l’évêque, de toutes les sœurs, du chapitrede la cathédrale et d’un large public de toutes lesclasses sociales qui affluait dans l’église. À la finde la messe, débuta la consécration de la statue, qui

fut transportée sur le maître-autel, avec le Pastoral,la couronne, l’épingle d’or, le précieux vêtementorné d’une longue ceinture de soie, et un manteaude soie brodée de fils d’argent. En plus de ces tré-sors, il y avait aussi un collier de perles précieuseset trois anneaux d’or : l’un avec une émeraude, ledeuxième avec un diamant, et le troisième avec unrubis. Ceux-ci furent placés dans un étui sur lequelétaient brodées en lettres d’émeraude : « Je suisMarie du Bon succès, 2 février 1611 ».

Après les discours qui suivirent, l’évêque com-mença la procession à travers le cloître, précédéd’une immense croix et suivi du clergé, de reli-gieux et de fidèles qui portaient chacun un ciergeallumé. La procession se termina dans le chœur,décoré pour l’occasion, et la statue fut placée danssa niche par les frères. Après le Salve Regina, suivides litanies et du Salve Sancta Parens, l’évêqueplaça la couronne sur la tête de la statue en disant :« Notre-Dame, je vous confie l’église. » Puis il mitle Pastoral dans sa main droite en disant : « Notre-Dame, je vous confie le gouvernement de ce Cou-vent et de mon troupeau. » Enfin, il plaça les clésdans la main qui tenait le pastoral et dit : « Notre-Dame et ma Mère, je vous confie mon âme.Ouvrez-moi les portes du ciel, parce que le tempsqui me reste en cette vie est très court. Protégez cetabernacle et ce cloître de tes filles avec soin etaffection. Défendez-les toujours et conservez-lesdans l’esprit religieux qui doit caractériser lesépouses de votre très saint Fils. »

Vision de la furie du démonEn 1623, Mère Mariana était en train de prier au

pied du tabernacle quand elle tomba en extase. Elleeut la vision de son pays gratifié de grâces et demiséricorde comme résultat de la dévotionpublique et solennelle qui serait rendue au SaintSacrement, dans les siècles futurs.

Elle vit de pieuses processions dans les rues prin-cipales de la ville, où il y avait des hommes reli-gieux, des femmes, des enfants et des personnes detoutes les classes sociales. Elle vit le respect et lagrande et profonde dévotion des différents groupes,certaines personnes utilisant des instruments depénitence sur leur corps. Elle vit la foi et la piétédes fidèles et la satisfaction de Notre-SeigneurJésus-Christ, quand Il passait par les rues de laville, dans ces heureux temps à venir. Mais, hélas,elle vit aussi que tout cela provoquerait la furie dudémon, qui chercherait à démolir ce solide édificede la piété catholique fondé sur la foi des enfantsde Dieu. Pour atteindre ce but, le démon se servi-rait des enfants de ce pays qui avaient perdu la foique leurs parents et leurs ancêtres leur avaienttransmise. Ces hommes travailleraient à opprimerl’Église dans leurs assemblées et empêcheraient ladévotion publique, parce qu’ils s’uniraient au partide Satan, en devenant membres de sectes maçon-niques. Elle vit que cette génération d’hommessans foi serait formée de fils indignes de l’Églisecatholique, qui l’opprimeraient en mettant fin auxprocessions qui attiraient les bénédictions de Dieu.Ce serait un temps de douleur et d’angoisse pourtous les enfants fidèles de l’Église qui, avec leurspasteurs, ne seraient qu’un petit nombre. Notre-Seigneur lui montra comment le sanglier mons-trueux de la franc-maçonnerie entrait dans la mer-veilleuse vigne en fleurs de l’Église, la laissantanéantie et saccagée. […] Mère Mariana revint àelle dans les bras de ses consœurs qui pleuraient, lacroyant morte, car elle n’avait pas donné de signede vie de neuf heures du matin à cinq heures de

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l’après-midi. Pâle comme un cadavre, Mère Maria-na essaya de parler, de se lever et de marcher, maismalgré ses efforts, elle n’y parvint pas. […] Danssa faiblesse, elle perdit à nouveau connaissance.Cette fois, Mère Mariana vit l’infidélité desministres de l’autel à leur vocation, et la façonindigne dont ils s’approchaient du saint Sacrifice.Elle considéra les causes de ce comportement, etson âme fut submergée d’une profonde et lugubredouleur.

Sixième apparition de la ViergeLes yeux fixés sur le tabernacle, Mère Mariana,

le 2 février 1634 à trois heures du matin, priaitNotre-Seigneur en lui disant tout son amour pourLui. Ayant fini sa prière, elle vit la lampe du SaintSacrement s’éteindre brusquement, laissant l’auteldans l’obscurité. Puis elle vit une lumière célesteéclairer toute l’église. La Reine du ciel apparut et,ayant rallumé la lampe du tabernacle, elles’approcha de Mère Mariana en se présentantcomme Marie du Bon Succès, et lui expliqua la rai-son de l’obscurité du sanctuaire : « La lumièreéteinte dans le sanctuaire a plusieurssignifications : la première raison de l’extinction dela lumière est qu’à partir de la fin du XIXe siècle etpendant une grande partie du XXe siècle, plusieurshérésies seront répandues dans ce pays, qui seraalors une République indépendante 3. Quand ceshérésies auront le dessus, la lumière précieuse de lafoi s’éteindra dans les âmes à cause de la presquetotale corruption des mœurs. Pendant cette période,il y aura de grandes catastrophes physiques etmorales. Le petit nombre d’âmes qui, cachées,conserveront le trésor de la foi et des vertus, souf-friront un cruel et long martyre. Beaucoup d’entreces hommes mourront à cause de la violence deleurs souffrances, et ceux qui se sacrifieront pourl’Église et pour la patrie seront considérés des mar-tyrs. Pour libérer les hommes de ces hérésies, ceuxque l’amour miséricordieux de mon très saint Filsdestinera à la restauration devront avoir une grandeforce de volonté, et la constance et la confiance desjustes, et il y aura des moments où tout sembleraperdu : ce sera l’heureux début de la restauration.

La deuxième raison de l’extinction de la lumièredu sanctuaire est que mon Couvent sera submergépar un océan d’amertume indescriptible, et semble-ra se noyer dans ces eaux de tribulation. Cesauthentiques vocations périront par manque de dis-crétion, de discernement et de prudence de la partdes directrices des novices qui les forment. Mal-heur à ces âmes qui reviendront à la Babylone dumonde après avoir vécu dans le lieu sûr de ce Cou-vent béni ! Pendant cette époque malheureuse,l’injustice entrera même dans mon jardin fermé.Sous le masque d’une fausse charité, l’injusticesèmera la ruine dans les âmes. Le diable chercheraà semer la discorde au moyen de membres putridesqui, cachés derrière une apparence de vertu, serontcomme des sépulcres en corruption exhalant lapestilence de la putréfaction, causant des mortsmorales chez certains, la tiédeur chez d’autres.Ceux-ci planteront une épée dans l’âme de mesfilles fidèles, mes âmes cachées, leur faisant endu-

rer un martyre lent et continuel. Elles pleureront ensecret et se lamenteront auprès de leur Seigneur etDieu, et leurs larmes seront présentées par leurange gardien au Père céleste, demandant que cestemps soient écourtés pour l’amour du divin Pri-sonnier.

La troisième raison de l’extinction de la lumièredu sanctuaire est que l’esprit d’impureté qui sature-ra l’atmosphère en ces temps, comme un océanrépugnant, inondera les rues, les places les lieuxpublics avec une incroyable liberté. Il n’y aurapresque plus aucune vierge dans le monde. La fleurdélicate de la virginité, menacée de complète dis-parition, resplendira de loin. Prenant refuge dansles Couvents, elle y trouvera une bonne terre et, yplongeant ses racines, elle croîtra et vivra. Son par-fum fera les délices de mon très saint Fils, et ellesera un bouclier contre la colère divine. Sans virgi-nité, il faudrait que le feu du ciel tombe sur cespays, pour le purifier. Dans ces temps malheureux,le diable envieux cherchera à s’introduire aussidans ces jardins clos des Couvents pour faner cesfleurs merveilleuses et délicates. Mais jel’affronterai et l’écraserai sa tête sous mes pieds!Hélas, quelle douleur! Il y aura des âmes impru-dentes qui se jetteront volontairement dans sesgriffes. D’autres, retournées au monde, devien-dront les instruments du diable pour la perte desâmes.

La quatrième raison de l’extinction de la lumièredu sanctuaire est que, par la prise de contrôle detoutes les classes sociales, la secte maçonnique seraassez fourbe pour pénétrer au cœur des familles etcorrompre même les enfants, et le diable se feraune gloire de se nourrir de la délicieuse délicatessedu cœur des enfants. Pendant ces temps malheu-reux, le mal attaquera l’innocence des enfants et,de cette façon, les vocations religieuses seront per-dues, et ce sera un vrai désastre. Il sera du devoir degroupes religieux de soutenir l’Église et de tra-vailler avec un zèle désintéressé pour le salut desâmes, parce que, pendant cette période, les com-munautés religieuses abandonneront l’observancede la Règle, et il y aura de saints ministres del’autel, cachés, et des âmes merveilleuses dont montrès saint Fils et moi ferons nos délices, en lesconsidérant comme des fleurs excellentes et desfruits de sainteté héroïque. Les impies déclarerontune guerre cruelle contre eux, en les couvrantd’insultes, de calomnies et de vexations, pourempêcher l’accomplissement de leur ministère.Mais eux, comme de solides colonnes, demeure-ront inébranlables et affronteront tout cela avec unesprit d’humilité et de sacrifice. À cette époque, leclergé séculier abandonnera ses idéaux, parce queles prêtres deviendront négligents dans leursdevoirs. Ayant perdu la boussole divine, ilss’éloigneront de la route tracée par Dieu pour leministère sacerdotal, et ils seront attachés aux bienset aux richesses qu’ils s’efforceront d’obtenir.Comme l’Église souffrira pendant cette nuit obscu-re! N’ayant pas de Père pour les guider avec unamour paternel, avec douceur, force, sagesse etprudence, beaucoup de prêtres perdront leur esprit,mettant leurs âmes en grand danger. Priez avecinsistance, sans vous lasser, et pleurez des larmesamères, dans le secret de votre cœur, en implorantnotre Père céleste qui, pour l’amour du Cœureucharistique de mon très saint Fils, pour son pré-cieux Sang versé avec tant de générosité, et pourl’amertume de sa cruelle passion et de sa mort,pourrait avoir pitié de ses ministres et mettre rapi-dement fin à ces temps funestes, en envoyant à son

Église le Pasteur qui restaurera l’esprit de sesprêtres.

Mon très saint Fils et moi aimerons ce fils pri-vilégié d’un amour de prédilection, et nous luiferons don de rares capacités : humilité de cœur,docilité et divine inspiration, force pour défendreles droits de l’Église, et un cœur tendre et compa-tissant, si bien que, comme un autre Christ, il assis-tera les grands et les petits, sans dédaigner les âmesles plus malheureuses qui lui demanderont un peude lumière et de conseil dans leurs doutes et leurssouffrances. Avec une divine suavité, il guidera lesâmes consacrées au service de Dieu dans les Cou-vents, éclairant le joug du Seigneur qui a dit :« Mon joug est doux, et mon fardeau léger. » Latiédeur de toutes les âmes consacrées à Dieu, dansl’état sacerdotal et religieux, retardera la venue dece Pasteur et Père. Telle sera donc la cause qui per-mettra au diable de prendre possession de ce pays,où il remportera des victoires au moyen d’étrangerset de gens sans foi, si nombreux que, comme desnuages noirs, ils obscurciront le ciel limpide decette future République qui sera consacrée au trèssaint Cœur de mon divin Fils. Avec ces gens, tousles vices entreront, et ils attireront à leur tour toutessortes de châtiments, calamités, famines, guerresciviles, oppositions à d’autres nations et apostasie,la cause de la perdition de tant d’âmes si chères àJésus-Christ et à moi. Pour dissiper ces nuagesnoirs, qui empêchent l’Église de bénéficier du jourlimpide de la liberté, il y aura une guerre effrayanteet terrible qui verra l’effusion de sang de natifs etd’étrangers, de prêtres réguliers et séculiers et ausside moniales. Cette nuit sera la plus horrible, parcequ’il semblera qu’humainement parlant, le malaura triomphé.

Ce sera alors le signe que mon heure est arrivée,quand je détrônerai l’orgueilleux Satan enl’écrasant sous mon pied et en l’enchaînant dansles abîmes de l’enfer, libérant ainsi finalementl’Église et la nation de sa cruelle tyrannie.

La cinquième raison de l’extinction de la lumièredu sanctuaire est la faiblesse et la négligence deceux qui possèdent de grandes richesses, qui regar-deront avec indifférence l’Église qui sera opprimée,la vertu persécutée et le mal qui triomphe, sansemployer leurs richesses pour la destruction du malet pour restaurer la foi. Cette raison est aussil’indifférence de ces gens qui permettront que l’onfasse progressivement disparaître le nom de Dieu,et qui adhéreront à l’esprit du mal, se livrant de leurplein gré aux vices et aux passions. Hélas, mesfilles bien-aimées! S’il vous était permis de vivre àcette époque sombre, vous mourriez de douleur devoir se réaliser tout ce que je vous ai raconté. Montrès saint Fils et moi avons un si grand amour pource pays que nous désirons même, dès à présent,demander vos sacrifices et vos prières pour écour-ter les temps de cette terrible catastrophe ».

Après cette vision, tout ce qui avait été décrit parNotre-Dame apparut devant les yeux de mèreMariana. À cette vue, Mère Mariana perditconnaissance et resta comme morte pendant deuxjours. Le médecin, ne pouvant pas la ranimer, pen-sait que sa mort serait inévitable. Mais MèreMariana se réveilla miraculeusement et vécut sadernière année.

Apparition de JésusLe 2 novembre 1634, après avoir reçu la commu-

nion, Mère Mariana eut une vision de Jésus-Christ.Il n’était que blessure, surtout son Sacré-Cœur quiétait recouvert d’épines qui le tourmentaient avec

3. Notre-Dame faisait certainement allusion au Moder-nisme, qui eut une grande influence à la f in duXIXe siècle et au début du XXe, et qui fut défini par StPie X comme la « somme de toutes les hérésies ». LeProgressisme, l’héritier du Modernisme, a continué àdévelopper et répandre les hérésies partout, à l’intérieurde l’Eglise catholique, y compris en Equateur.

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cruauté. Il versait d’abondantes larmes, accompa-gnées de plaintes et de soupirs. Mère Mariana leserra sur son cœur et, dans un élan d’amour, elles’écria : « Amour cher et adoré de mon âme, est-ilpossible de connaître la cause de votre souffranceet de votre cruel martyre? » Jésus-Christ, la regar-dant avec tendresse, lui dit : «… Tu vois commeces petites épines me blessent cruellement. Sacheque ce sont les péchés de mes prêtres, séculiers etreligieux, que je retire du monde et que je conduisdans les Couvents. Je les comble d’un déluge degrâces spirituelles, en leur donnant aussi delongues maladies, afin qu’ils puissent devenircomme moi. Mais, ingrats et sans cœur, ils selamentent de ma Providence aimante. Ils pensentque je suis cruel envers eux et, s’éloignant avecindifférence, ils me laissent seul. L’esprit de cesâmes se flétrit comme une fleur brûlée, se dessé-chant et devenant incapable de répandre son par-fum, dans le jardin de ma Mère immaculée où cesâmes étaient appelées. Par ce comportement ingrat,ils plantent ces épines dans mon cœur et me bles-sent cruellement, moi qui ne suis qu’amour etaffection pour mes âmes choisies.

Instille chez tes filles l’amour pour la croix et lesacrifice, afin qu’elles puissent le transmettre degénération en génération dans ce Couvent commedans les autres Ordres en général. Imprègne-lesaussi d’amour pour leur vocation religieuse et pourles pécheurs, et apprends-leur à correspondre fidè-lement à l’inspiration de la grâce.

Un temps viendra où la doctrine sera répanduechez les savants et les ignorants, accessible auxprêtres et aux religieux mais aussi aux simplesfidèles. On écrira beaucoup de livres, mais la pra-tique des vertus ne se trouvera que dans quelquesâmes, parce que les saints se feront rares.

Précisément pour cette raison : mes prêtres etreligieux tomberont dans une fatale indifférence.Leur froideur éteindra le feu de l’amour divin, affli-geant mon Cœur amoureux par ces épines que tuvois. Pour cette raison, je désire qu’il y ait desâmes, ici, dans lesquelles je puisse me reposer etme complaire. Leurs vies souffrantes d’expiationsont les mains caressantes et compatissantes quienlèvent ces épines de mon Cœur et lui appliquentle baume nécessaire. Hélas, s’il t’était donné decomprendre mon intense souffrance intérieure, quim’a accompagné de mon Incarnation dans le seintrès pur de ma Vierge Mère jusqu’au moment oùmon âme a quitté mon corps, déchiré par les cloussur la croix! Sache en outre que la justice divineenvoie de terribles châtiments à des nations toutentières non seulement pour les péchés de leurspeuples, mais aussi pour les péchés des prêtres etdes religieux, parce que ces derniers sont appelés,par la perfection de leur état, à être le sel de la terre,les maîtres de la vérité, ceux qui retiennent la colè-re divine. En s’éloignant de leur sublime mission,ils s’abaissent à un point tel qu’aux yeux de Dieu,ce sont eux qui augmentent la rigueur des châti-ments, car en se séparant de moi, ils finissent parne vivre qu’une vie superficielle de l’âme, et semaintenir loin de Moi n’est pas digne de mesministres. Par leur froideur et leur manque deconfiance, ils agissent comme si j’étais un étrangerpour eux. Hélas, si seulement ils savaient, s’ilsétaient convaincus à quel point je les aime et jedésire qu’ils entrent dans la vraie profondeur deleurs âmes, là, sans aucun doute, ils me trouve-raient et vivraient nécessairement la vie d’amour,de lumière et d’union continuelle pour laquelle ils

ont non seulement été appelés, mais choisis! Monépouse, pendant le peu d’années d’exil qui te res-tent, travaille sans cesse pour la perfection de mesprêtres et religieux. En union avec mes méritesinfinis et ceux de ma Mère immaculée, offre toutce que tu fais – même ton dernier soupir – pourcela. Je suis très satisfait des âmes religieuses quise chargent du sublime devoir de sanctification duclergé par leurs prières, leurs sacrifices et leurspénitences. De tous temps, je choisirai ces âmesafin qu’en s’unissant à Moi, elles travaillent, prientet souffrent pour atteindre cette noble fin, et unegloire spéciale les attendra au ciel ».

Après cette vision bouleversante, Mère Marianasembla transformée en une nouvelle créature. Ellesemblait un ange de chair. Ses paroles étaient desflèches ardentes d’amour divin qui blessaient dou-cement les cœurs des filles qui avaient la chance devivre avec elle.

Septième apparition de la ViergeLa nuit du 8 décembre 1634, à onze heures et

demie du soir, Mère Mariana monta au chœursupérieur pour sa prière habituelle. Versant un flotde larmes, elle présenta chacune de ses consœursau divin prisonnier et à sa bienheureuse Mère,implorant un bon succès pour leur passage versl’éternité, et pour le sien. Pendant ce colloque,Mère Mariana sentit la véhémence de l’amourdivin, qui lui fit perdre les sens. Elle vit alors, faceà elle, la Reine du ciel, belle et fascinante commetoujours, avec son très saint Fils sur le bras gauche,et le Pastoral dans la main droite. Elle était accom-pagnée de trois archanges :

L’archange Michel qui portait plusieurs vête-ments blancs ornés d’étoiles d’or brillant. Chaquevêtement était orné d’un collier de perles, d’oùpendait une merveilleuse croix d’or sertie depierres précieuses. Au milieu de la croix, il y avaitune étoile brillante où étaient gravés les noms deJésus et de Marie.

L’archange Gabriel portait un calice qui contenaitle sang du Rédempteur, un ciboire rempli d’hostieset une grande quantité de lys blancs et parfumés.

L’archange Raphaël portait une précieuseampoule transparente et finement ciselée quicontenait un baume dont le parfum suave se répan-dait dans l’air, purifiant l’atmosphère et faisantéprouver à l’âme une joie immense et une admi-rable tranquillité. Il portait lui aussi des étoles decouleur violette qui brillaient d’une lumière res-plendissante, et une plume d’or brillant, où étaitgravé le nom de Marie.

Les trois saints archanges se tenaient face à laSouveraine, dont le bras gauche tenait le Roi duciel et le Prince de l’éternité. Les neuf chœursd’anges, à un signe du prince Saint Michel, semirent à chanter avec une harmonie céleste, sesuccédant l’un après l’autre jusqu’au neuvièmechœur. La symphonie céleste achevée, la Reineprononça ces paroles : « Ma fille bien-aimée, épou-se de l’Agneau sans tache, quitte cette terre, le tris-te lieu d’exil du juste, et gagne ta patrie tantdésirée. Le dur hiver de ton existence mortelle estfini et ton printemps éternel commence, où lesbonnes œuvres, pratiquées pendant la vie sur terre,sont des fleurs à la beauté rare et au parfum suave,car elles sont le prix de la Rédemption douloureu-se. Si les mortels savaient apprécier le temps quileur est donné et s’ils profitaient de chaque instantde leur vie, comme le monde serait différent! Etune multitude d’âmes ne tomberaient pas dans la

perdition éternelle! Ce mépris est la cause princi-pale de leur chute. Ma fille, aie pitié de tes frèrespécheurs imprudents et pleure pour eux. Imploreton Dieu et Rédempteur de donner à leurs âmesdes grâces spéciales et efficaces, suffisammentpuissantes pour les tenir éloignées du sombreabîme du péché et du mensonge.

Vois-tu ce que portent avec joie les troisarchanges, Saint Michel, Saint Gabriel et SaintRaphaël ? Sache que les vêtements blancs queporte l’archange Saint Michel sont destinés, pre-mièrement, à mes filles fidèles et ferventes quivivront dans ce Couvent à travers les siècles : à cer-taines, pour avoir conservé leur innocence baptis-male; à d’autres, pour s’être purifiées par des péni-tences austères […]. Deuxièmement, les vêtementsblancs sont aussi pour les prêtres réguliers et pourles laïcs qui, aimant mon très saint Fils et moi-même avec un cœur simple et droit, aimeront aussice Couvent. Ignorant les critiques et le mépris, ilss’emploieront à sa conservation et se consacrerontà propager ma dévotion, sous la consolante invoca-tion du Bon Succès, qui sera la nourriture et la sau-vegarde de la foi dans la quasi-totale corruption duXXe siècle.

L’archange Gabriel porte le précieux calicecontenant le sang du Rédempteur : cela signifie lagrâce de la Résurrection de la mort (du péché) et laguérison des âmes au moyen du sacrement de péni-tence, que les ministres de mon très saint Fils ren-dent disponible avec abondance pour restaurer lavie des âmes tuées par la jalousie satanique du dra-gon infernal. Regarde et contemple la grandeur decette guérison et du sacrement qui donne la vie, sioublié et même méprisé par les mortels ingrats qui,dans leur folle illusion, ne se rendent pas compteque c’est le seul moyen sûr de salut, après avoirperdu l’innocence baptismale […]. L’archangeGabriel, comme tu vois, porte aussi un ciboire rem-pli d’hosties : cela signifie le plus auguste sacre-ment de l’Eucharistie qui est distribué par mesprêtres catholiques aux fidèles qui appartiennent àla sainte Église catholique apostolique et romaine,dont le chef visible est le Pape, le roi de la chré-tienté. Son infaillibilité pontificale sera déclaréedogme de foi par le même Pape que celui choisipour la proclamation de mon Immaculée Concep-tion. Il sera persécuté et emprisonné au Vatican parl’usurpation des États Pontif icaux à traversl’iniquité, l’envie et l’avarice d’un monarque ter-restre. Regarde le ciboire rempli, afin de com-prendre la sublimité de ce mystère et la révérenceavec laquelle il doit être reçu par le fidèle. Ce seraun antidote contre le péché et un moyen puissant etfacile pour les âmes de s’unir à leur Dieu etRédempteur qui, dans l’excès de son amour, secache sous les blanches apparences d’une hostie,exposée aux profanations sacrilèges de ses enfantsingrats. Réparer ces sacrilèges est vraiment le rôledes âmes contemplatives et, de façon spéciale, desfilles de mon Immaculée Conception. Sache quedans le mystère divin, cette expiation cachée etvolontaire est l’un des desseins de Dieu dans lafondation de cet Ordre, qui lui est si cher. Les lysblancs, extraordinairement parfumés que tu voisavec le calice et le ciboire, portés par mon archangeGabriel, sont toutes les religieuses de mon Ordre(et elles seront très nombreuses dans les couventsdu monde entier). Chacune aura une mission dis-tincte et recevra des torrents de grâces du ciel pouratteindre cette fin. Je recommande à mes filles desouffrir afin que les sept sacrements soient reçusavec perfection par les fidèles, en particulier le troi-

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Courrier de Rome8 Mars 2009

sième (la sainte Eucharistie), le quatrième (laconfession) et le sixième (l’ordre).

La précieuse ampoule portée par mon archangeRaphaël contient un baume extraordinaire au douxparfum, se répandant dans l’air et purif iantl’atmosphère, communiquant à l’âme un bonheursuprême et une admirable tranquillité. Elle repré-sente les Monastères et les couvents. Ils sont deslieux choisis où l’on voit la pratique quotidienne dela solide vertu comme l’observance de la Règle etd’austères pénitences par leurs habitants. La puretéet la chasteté qui y règnent sont le plus doux par-fum qui embaume les heureux pays qui possèdentdes monastères et des couvents. Ils purifient l’airpollué par ceux qui, dans le monde, s’adonnent auxvices et aux passions les plus honteuses. En mêmetemps, ils transmettent aux âmes une joie ineffableet une paix admirable qui provoque le repentir despécheurs. Ceci arrive par la vertu des prières quis’élèvent jour et nuit de ces lieux. Comme Moïseles bras levés vers le ciel, les âmes religieuses sup-plient et font pénitence pour la conversion despécheurs et pour sauver leurs nations du torrent devices et de passions qui provoquent les terribleschâtiments de la Justice divine. Malheur au mondes’il n’y avait plus de monastères ni de couvents!Les mortels ne comprennent pas leur importance,car s’ils la comprenaient, ils emploieraient leursrichesses à les multiplier, puisqu’ils sont lesremèdes à tous les maux physiques et moraux. Latrès sainte Trinité et moi, Mère et modèle des per-sonnes religieuses, nous aimons ces maisons d’unegrande tendresse. Je suis le canal de ce fleuve deprécieuses grâces qui ne sont pas données à ceuxdu monde. Parce que, dans chaque monastère etcouvent, je suis tendrement aimée; leurs membresrecourent à moi avec la confiance et l’amour queles enfants ont pour leur douce et amoureuse mère.Dans ces lieux, on me vénère sous différents noms.Les archanges accueillent toutes leurs prières,larmes, pénitences, sanglots, et des vies de sacrifices’offrent à moi. Ensuite, je les présente devant letrône de Dieu pour le salut du monde. Personne,sur la face de la terre, ne se rend compte d’où vientle salut des âmes, la conversion des grandspécheurs, la disparition des grands fléaux, la ferti-lité de la terre, la fin des épidémies et des guerreset l’harmonie entre les nations. Tout ceci est dû auxprières qui montent des monastères et des cou-vents. Les nombreuses étoles de couleur violetteportées par l’archange Raphaël, qui brillent etéclairent l’autel, symbolisent les actions efficaceset le zèle des bons prêtres qui, avec abnégation,s’oublient eux-mêmes pour faire connaître et aimerJésus-Christ et moi-même. Fidèles à la mission queleur a confiée le Père de famille, ils travaillent sanscesse à la vigne du Seigneur pour la faire croître etprospérer, et pour sauver les âmes rachetées par lesang du Rédempteur. Ils sont les bons et fidèlesserviteurs qui entreront dans la gloire de leur Sei-gneur. La plume d’or marquée à mon nom est pourtous les prêtres réguliers et séculiers qui écriventsur ma gloire et mes peines. Elle est aussi pourceux qui, au moyen de leurs écrits, répandent madévotion du Bon Succès de ce couvent, et aussi tavie, qui est inséparable de cette douce et réconfor-tante invocation. Au XXe siècle, cette dévotion ferades prodiges dans la sphère spirituelle comme dansla sphère temporelle, parce que c’est la volonté deDieu de réserver cette invocation et la connaissancede ta vie pour ce siècle, quand la corruption desmœurs sera presque générale et la lumière précieu-se de la foi sera presque éteinte!

À présent, ma fille bien-aimée, tu comprends lasignification de toutes les choses que tu as vuesdans les mains de mes saints archanges : Michel(Qui est comme Dieu?), Gabriel (La forteresse deDieu) et Raphaël (Le remède de Dieu); chaquearchange remplit une mission, en assistantl’humanité décadente. Même si le reste del’humanité oublie d’invoquer et de vénérer cesPrinces, je désire que toi et tes filles actuelles,comme celles qui viendront, vous le fassiez pourrecevoir des grâces et des faveurs – matérielles etmorales – pour vous-mêmes et pour ce Couvent.Je veillerai aussi à ce qu’ils prennent toujours soinde ma statue et de mon couvent bien-aimé, si pri-vilégié par la bonté de Dieu.

Mort de Mère MarianaDans les cinq premiers jours de 1635, Mère

Mariana resta très faible, son état empirant conti-nuellement. Le septième jour, elle commença àavoir des évanouissements, mais elle s’efforçait derester debout et de suivre ses sœurs. Le 11 janvier,après la communion, elle perdit connaissance et,après avoir cherché à se relever, retomba à terre.Elle demanda alors à ce qu’on la porte àl’infirmerie, car elle vivait ses derniers jours. Ellesavait qu’elle expirerait le 16 janvier.

Mère Mariana assista et consola en particuliertoutes ses sœurs, se confessa, assista à la messecélébrée dans sa chambre en présence de l’évêque,reçut l’extrême-onction, puis la cloche sonna pourrassembler les sœurs pour leur dernier entretienavec elle. Elle lut son testament, demandant etordonnant qu’il soit suivi et transmis de générationen génération, et que son texte reste toujours acces-sible. La lecture terminée, le frère qui l’assistait luitendit le crucifix qu’elle baisa, prit entre ses mainset serra sur son cœur. Deux larmes coulèrent surses joues, et elle rendit son dernier soupir. Lacloche sonna à ce moment : il était trois heures del’après-midi, le 15 janvier 1635.

Le Testament de Mère MarianaDans son testament, Mère Mariana s’adresse à

Jésus en disant :« Mon bien-aimé, ouvrez-moi les portes de votre

Royaume comme un jour vous m’avez ouvert lesportes bénies du cloître de ma Mère Immaculée, oùje me suis sanctifiée et ou j’ai accompli votre saintevolonté sous votre regard. Regardez-moi ici,épuisée par le dur exil de la vie mortelle lorsque jesouffrais en silence et pour votre amour toutes lesprivations et les misères que vous m’envoyiez. Laroute a été longue, mais finalement je suis arrivéeau but. Ouvrez-moi vos bras et permettez-moi deme reposer de mes fatigues, et de poser ma tête surle feu ardent de votre Cœur divin. […] Je viensavec impatience prendre possession de l’éternitébénie que vous m’avez promise, ou je vivrai sous lemanteau de ma Mère Immaculée et en compagniede mon père, François d’Assise. »

Mais la préoccupation principale de Mère Maria-na fut la conversion des pécheurs. Elle indiquecomme moyen l’imitation du Christ dans sa dou-ceur et dans son humilité de cœur et l’union à Luisur la Croix, pour qu’il soit toujours prêt àaccueillir les demandes faites pour les âmes qui ontbesoin de l’aide divine. À ce propos, le message deNotre-Dame du Bon Succès, sur les raisons del’extinction de la lumière du sanctuaire, futconsidéré par Mère Mariana si important pour cepauvre monde que ses dernières pensées furent depromouvoir la dévotion et les messages reçus par la

Vierge. Dans son testament, en effet, elle écrit :« Quand le divin Maître était suspendu à ce hon-teux échafaud de la Croix, plongé dans une peineet un tourment presque infinis, le testament qu’ildonna pour racheter l’humanité fut de laisser saMère comme notre Mère. En effet, il dit à sa ViergeMère : “Femme, voici ton fils”, en désignant sondisciple préféré. Et s’adressant à celui-ci, il dit :“Voici ta Mère”. Voilà votre Mère céleste, Marie duBon Succès. Elle vous donnera toujours un bonsuccès. Ayez un grand amour pour la bienheureuseVierge, imitez ses vertus, surtout sa profondehumilité, son ardent amour pour Dieu et pour lespauvres pécheurs, sa simplicité et son innocenceconfiante. Qu’il n’y ait pas de tromperie nid’hypocrisie dans vos âmes. Préservez et propagezla dévotion sous l’invocation de Notre-Dame duBon Succès, car par elle vous obtiendrez de Jésuset Marie tout ce que vous demanderez… Vousdevrez conserver pieusement ce vrai trésor et lefaire connaître et aimer par le plus d’âmes possible.Assurez-les que par cette dévotion elles obtien-dront toujours un bon succès, dans le temps et dansl’éternité… Recourez à elle dans toutes vos néces-sités spirituelles et temporelles. Quand votre âmesouffre à cause des tentations et qu’elle est plongéedans la douleur, et si par une permission divinel’étoile de votre vocation se cache à la vue de votreâme, adressez-vous à elle, avec confiance, par cesparoles : Étoile de la mer dans la tempête de mavie mortelle, puisse votre lumière m’éclairerafin que je ne m’éloigne jamais du chemin quime mène au ciel. »

Franco Adessa

COURRIER DE ROME

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s ì s ì no no« Que votre OUI soit OUI, que votre NON soit NON, tout le reste vient du Malin »

(Mt 5, 37)

Le numéro 3€

Avril 2009Mensuel - Nouvelle SérieAnnée XLIII n° 321 (511)

toutefois à une conclusion différente dela vôtre, tout en reconnaissant que votreconclusion est naturelle pour un boncatholique, qui répugne avec raison àl’idée d’une « rupture » dans le dévelop-pement de la liturgie. Mais ce sont lesfaits, que vous avez montrés et sur les-quels nous reviendrons, ce sont les faits,donc, qui montrent le véritable visage dunouveau rite. Et une mise au point préa-lable est nécessaire : nous ne nous inté-resserons pas aux abus illégaux, commeles messes rock, ou de style pique-nique,et autres mascarades de ce genre. Nousne nous arrêterons pas trop non plus surles abus légalisés, comme la communionreçue debout et dans la main, l’usageexclusif de la langue vernaculaire, etc.Nous savons bien que tout ceci n’est pasprévu par le Novus Ordo, mais le fruitd’« ajustement » ultérieurs et d’un dyna-misme liturgique qui prétend être tou-jours vivant et agissant. Toutefois ceséléments doivent être eux aussiconsidérés comme le fruit de la réformeliturgique, telle qu’elle a été conçue etde fait réalisée par Bugnini et Cie. Nousrenvoyons à la suite de cette lettre pourappuyer cette dernière affirmation, graveassurément, mais qui n’est pas le fruit del’imagination ni de préjugés.

LE PRINCIPE CONDUCTEUR

Dans nos considérations, nous nouslaisserons guider par votre brillanteexplication du terme « réforme » : « On

LETTRE OUVERTE À DON NICOLA BUX 1

Rév. Don Nicola Bux,Il nous a semblé nécessaire de considé-

rer avec attention votre dernière publica-tion, La riforma di Benedetto XVI. Laliturgia tra innovazione e tradizione 2,qui apparaît comme la continuation del’appel que vous avez lancé dansL’Osservatore Romano le 18 novembredernier, lorsque vous avez invité « àdébattre sans aucun préjugé » sur la litur-gie. Depuis, vos efforts ont toujours viséà apporter une contribution de véritépour sortir de la crise liturgique (et doc-trinale) que traverse l’Église catholique.C’est un appel que l’on ne peut pas nepas entendre, car après des années deréduction au silence de ceux quin’étaient pas d’accord avec la « vulgateliturgique », une voix importante, enécho à celle du Souverain Pontife, sortdes schémas « défendus » - semble-t-il -par la cour céleste, du moins par SaintAnselme et Sainte Justine (Saint Ansel-me et Sainte Justine sont les Institutsliturgiques de Rome et de Padoue - ndt).Vous êtes un homme d’esprit, noussommes certains que vous saurez souri-re, sans voir dans cette plaisanterie lamoindre intention de polémique…

Le premier grand mérite de votre livreest d’avoir porté à l’attention du grandpublic les dissensions intestines de laréforme liturgique, en particulier enmentionnant l’opposition du cardinalFerdinando Antonelli aux diktats deBugnini. La liturgie est aujourd’hui un« champ de bataille », pour employer

l’une de vos expressions, et c’est cequ’elle a été depuis le début de sa réfor-me.

Le deuxième mérite, et nous ne ledisons pas par simple captatio benevo-lentiæ, apparaît aux chapitres premier(La sainte et divine liturgie), deuxième(Qui nous approchons par le cultedivin), et sixième (Comment rencontrerle mystère), qui constituent une belle etprofonde introduction à l’essence del’esprit liturgique. Ce sont des chapitresque tout prêtre et tout fidèle devraientlire et méditer. Et nous ne pouvons quenous réjouir de vos considérations surl’essentielle verticalité de la liturgie,qu’il faut retrouver aussi à partir de lavexata quæstio du versus liturgique, êtretourné vers l’orient et être tourné vers lacroix, pour signifier de nouveau la cen-tralité de Notre Seigneur Jésus-Christ etde son Sacrifice.

Or vous reconnaissez, et votre livre enest un témoignage, que le rite tridentin asu incarner d’une façon excellentel’authentique esprit liturgique ; toutefois,l’une de vos thèses de fond est aussi que« la réforme liturgique dans son ensemble,y compris ses aspects déjà réalisés, peutêtre réexaminée à la lumière du véritableesprit de la liturgie » (p. 59).

Vous souhaitez donc un mouvementdes « extrêmes » vers le centre : « Siceux qui aiment ou découvrent la tradi-tion liturgique précédente doivent aussise convaincre “de la valeur et de la sain-teté du nouveau rite”, tous les autres doi-vent réfléchir sur le fait que “dansl’histoire de la liturgie, il y a croissanceet progrès, mais aucune rupture”. » (pp.45-46)

C’est sur ce point que nous voudrionsnous arrêter et réfléchir, en partant devos affirmations et en cherchant à suivreleur logique interne, qui nous conduira

1. Don Nicola Bux est professeur à la facultéthéologique de Bari, consulteur des Congrégationspour la Doctrine de la Foi et pour les causes dessaints, et du Bureau des Cérémonies liturgiques duSouverain Pontife.2. La réforme de Benoît XVI. La liturgie entreinnovation et tradition. Ed. Piemme, 2008.

LE COURRIER DE ROME VIENT DE PUBLIER

UN NOUVEAU LIVRE

Voir page 7

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Courrier de Rome2 Avril 2009

sait qu’il n’y a pas de contenu sansforme ; depuis que Dieu s’est faithomme, il n’y a pas de vérité qui n’aitune forme qui le rappelle. Ré-formesignifie-t-il améliorer la forme, ou lachanger ? Le sens ne semble pas uni-voque. Selon les Pères de l’Église, il està renouveler constamment. Mais laréforme ne peut pas être comprise dansle sens d’une reconstruction selon lesgoûts du temps. La réforme, selonMichel-Ange, est celle de l’artiste quilibère l’image du matériau dont elle estprisonnière ; l’image est déjà présentedans le marbre et il n’y a qu’à éliminerles incrustations qui se sont déposées aucours des siècles. La réforme, c’est enle-ver ce qui gêne afin que la forme noblesoit visible, c’est-à-dire le visage del’Église et avec lui aussi le visage deJésus… Adopter le terme « réforme »pour la liturgie peut-être acceptable ounon : acceptable si la forme correspondau contenu, non acceptable si la formeindique un autre contenu » (p. 49).

Il y a tout dans ce passage : réformersignifie faire en sorte que la forme expri-me le contenu de la meilleure façon pos-sible, en se souvenant que ce contenun’est pas à la disposition des goûts dutemps. Le visage de l’Église et le visagede Jésus-Christ ne sont pas« vendables » sur le marché des goûts etdes sensibilités historiques. Votre princi-pe conducteur est parfaitement dans lesillage de celui que Pie XII donna dansla merveilleuse encyclique MediatorDei : « De tous temps, la hiérarchieecclésiastique a usé de ce droit sur leschoses de la liturgie ; elle a organisé etréglé le culte divin, rehaussant son éclatde dignité et de splendeurs nouvelles,pour la gloire de Dieu et le profit spiri-tuel des chrétiens. Et, de plus, elle n’apas hésité - tout en sauvegardantl’intégrité substantielle du sacrificeeucharistique et des sacrements - àmodifier ce qu’elle jugeait n’être pasparfaitement convenable et à ajouter cequi lui paraissait plus apte à accroîtrel’honneur rendu à Jésus-Christ et àl’auguste Trinité, et à instruire et stimu-ler le peuple chrétien de façon plus bien-faisante. »

Nous n’avons aucune réticence à citerce texte ; nous reconnaissons à la hiérar-chie le droit d’intervenir en matière litur-gique et nous avons déjà montré cettereconnaissance dans les faits. Saint PieV n’a-t-il pas fait une réforme ? Lesinterventions plus récentes en matièreliturgique, comme celles que vous rap-pelez vous-même, jusqu’au missel de1962, ont été elles aussi accueillies parnous avec une obéissance filiale. Le pro-blème ne se trouve donc pas dans lalicéité de la réforme liturgique, maisdans la réforme spécifique qui a suivi leConcile et qui s’est concrétisée dans lemissel de Paul VI. Cette réforme n’estpas dans la ligne du principe conducteuradmis tant par nous que par vous, et

c’est pourquoi elle ne peut pas être com-parée aux autres réformes qui l’ontprécédée. Nous ne pouvons pas tomberd’accord avec vous lorsque, en vousréférant à la lettre du Saint-Père qui aaccompagné le Motu Proprio SummorumPontificum, vous affirmez que le misselde 1962 et celui de Paul VI sont « deuxversions successives, comme cela estdéjà arrivé au cours des siècles, du déve-loppement d’un rite unique, en effet qui-conque connaît l’histoire des livres litur-giques sait qu’à l’occasion de leur réim-pression, ils ont été corrigés et enrichisde formulaires pour des messes, desbénédictions etc. » (p. 62).

Nous ne pouvons pas tomber d’accordavec vous, parce que nous ne pouvonspas nier la réalité, cette réalité que vousavez vous-même rappelée en plusieurspoints de votre livre et que nous souhai-tons maintenant reparcourir.

« UNE RÉFORME RÉSOLUMENT RADICALE… »Nous citons votre livre : « Hélas le

missel de Paul VI ne contient pas tout lemissel de Pie V - si l’on s’en tient auxéditions dans les langues nationales - deplus il l’a modifié sur plusieurs points enajoutant de nouveaux textes. (p. 72) » Etun peu plus loin : « Il est vrai que lepape Paul VI avait l’intention de restau-rer simplement le rite de saint Pie V,c’est-à-dire la liturgie de saint Grégoire,mais hélas les experts, dans une premiè-re phase, prirent le dessus, en “fabri-quant” une autre chose. Lorsque le papes’en aperçut, nous avons vu ce quiarriva ; en attendant, les bœufs s’étaientéchappés de l’étable. C’est cette erreurqui produisit la fracture, car elle révélaque tout n’allait pas dans la bonne direc-tion. (pp. 72-73) » Précisément. Ce quePaul VI corrigea, c’est en définitive lecélèbre paragraphe 7 de l’Institutiogeneralis de 1969, peut-être à la suite duBref examen critique des cardinaux Otta-viani et Bacci, ou d’une intervention ducardinal Journet auprès de Paul VI. Cefut assurément une correctionimportante ; mais à quoi bon changercette définition de la messe, si on laissaitinchangé le nouveau missel, qui étaitl’expression de cette définition? Le Brefexamen critique ne dénonçait pas seule-ment ce point de l’Institutio, mais aussile Novus Ordo , affirmant qu’« ils’éloigne de façon impressionnante,dans l’ensemble comme dans le détail,de la théologie catholique de la sainteMesse » 3. Les bœufs s’étaient désormaiséchappés, comme vous nous le rappelez,et le missel de Paul VI est le fruit decette fugue qui n’a pas été empêchée àtemps.

Il est temps de montrer que la formuledu nouveau missel ne correspond pas aucontenu catholique, mais à un autre

contenu. Si nous suivons le principedirecteur que vous nous avez fourni, ilne s’est donc pas agi d’une réforme maisd’une révolution.

Dans une interview 4 accordée parAndrea Rose, chanoine titulaire de lacathédrale de Namur (Belgique) etconsulteur du Consilium ad exequendamconstitutionem de sacra liturgia, dont lesecrétaire était Mgr Annibale Bugnini,nous avons la confirmation que l’espritde la réforme liturgique fut précisémentBugnini : « Ce que je sais, c’est que MgrMartimort n’était pas tellement d’accordavec lui [Bugnini]. Il le critiquait chaquefois qu’il n’était pas là. Il me disait : “CeBugnini fait ce qu’il veut !”. Un jour, ilm’a dit : “Vous savez, Bugnini a fait unbon collège.” Tel était le jugement deMartimort sur Bugnini. Au début, je pen-sais qu’il exagérait, mais ensuite je mesuis rendu compte qu’il avait raison.Bugnini n’avait aucune profondeur depensée. Ce fut une grave erreur de dési-gner pour un tel poste une personne quiétait comme une girouette. Est-ce quevous vous rendez compte? Le soin de laliturgie laissé à un pauvre hommecomme celui-là, un superficiel… » Et ilajoute : « Bugnini était toujours chez lepape, pour l’informer. Un jour, c’était audébut, quand les problèmes n’étaient pasencore aussi graves, j’étais sur la placeSaint-Pierre avec le père Dumas. Nousavons rencontré Bugnini, qui nous amontré les fenêtres de l’appartement dePaul VI, en disant : “… priez, priez pourque ce pape nous soit conservé !” Et ce,parce qu’il manœuvrait Paul VI. Il allaitchez lui pour lui rendre compte, mais ilne lui racontait que ce qu’il voulait. Puisil revenait, en disant : “le Saint-Pèredésire ceci, le Saint-Père désire cela.”Mais c’était lui qui, en douce… » Affir-mations graves, assurément, mais quiconcordent avec celles du cardinal Anto-nelli que vous rapportez et qui révèlentprincipalement le poids déterminantqu’eut Bugnini dans la compilation dunouveau missel. Mais Bugnini n’étaitcertainement pas le seul ; le cardinalAntonelli ne fait pas mystère du fait quele climat qui dominait au Consilium étaitloin d’être rassurant : esprit critique etintolérance envers le Saint-Siège, ratio-nalisme, aucun intérêt pour la véritablepiété, impréparation théologique… Iln’y a donc pas à s’étonner du résultat,qui n’a que l’apparence d’un retour auxsources liturgiques, comme le révèleencore don Rose : « Certains, au Consi-lium, voulaient le retour à la traditionprincipale quand cela les arrangeait.Franchement, que l’on fasse de petitesréformes, d’accord, mais ce que l’on afait a été vraiment radical. » La réformedite de Paul VI n’a pas de précédentdans l’histoire de la liturgie ; même laréforme de Luther, d’après Mgr Klaus

3. Lettre à Paul VI des cardinaux Ottaviani etBacci, 1.

4. Interview publiée dans le Courrier de Rome dejuin 2004.

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Courrier de RomeAvril 2009 3

Gamber, ne fut pas aussi radicale : « Lanouvelle organisation de la liturgie, etsurtout les profondes modifications durite de la messe apparues sous le pontifi-cat de Paul VI, qui sont prématurémentdevenues obligatoires, ont été beaucoupplus radicales que la réforme liturgiquede Luther - du moins en ce qui concer-ne le rite extérieur - et ont moins tenucompte de la sensibilité populaire 5. »

LA MESSE, VÉRITABLE SACRIFICE, ET LA TRANSSUBSTANTIATION

Nous disions que la forme doit expri-mer le contenu. Nous vous proposons unrapide survol de la réforme liturgiquepour vérifier si la forme du Novus Ordocorrespond aux contenus fondamentauxde la doctrine sur le saint Sacrifice de laMesse.

« Le saint sacrifice de l’autel n’estdonc pas une pure et simple commémo-ration des souffrances et de la mort deJésus-Christ, mais un vrai sacrifice, ausens propre, dans lequel, par une immo-lation non sanglante, le Souverain Prêtrefait ce qu’il a fait sur la croix, ens’offrant lui-même au Père éternelcomme une hostie très agréable 6. »

Le missel de saint Pie V rappelle sanscesse cet aspect fondamental, qui expri-me l’essence même de la sainte Messe.Et il le rappelle principalement dansl’offertoire et dans le canon.

1. Le remplacement de l’offertoireL’offertoire a précisément pour fonc-

tion d’anticiper non pas l’effet de laconsécration, mais sa signification, enappelant le prêtre et les fidèles àl’offrande d’eux-mêmes, en union à lavictime divine. Le tout était ancienne-ment exprimé par la seule présentationdu pain et du vin, et la sanctification desoffrandes. Au cours des siècles, cettesignification s’est traduite en une multi-plicité de rites. Saint Pie V, dansl’intention d’unifier et réguler les céré-monies du culte public, choisit les for-mules qui exprimaient le mieux le gestede l’offrande, signifié par l’élévation dela patène et du calice.

Dans le nouvel offertoire, il ne resteplus rien de tout ceci, pas même le nomd’« offertoire », remplacé par « présenta-tion des dons » ; et effectivement la nou-velle formulation n’a plus rien à voiravec l’intention d’offrande. Paul VI lui-même s’en rendit compte, mais iln’apporta aucune modification. Il fitremarquer que les formules « sont deuxbelles expressions eucologiques, maisqui n’ont aucune intention oblative, sil’on supprime les deux incises [pro-posées par le Pape - nda] : « quem tibiofferimus », « quod tibi offerimus » ;sans ces incises, ces formules ne sont

5. K. GAMBER, La réforme liturgique en question,1992, p. 42.6. PIE XII, Mediator Dei, 20 novembre 1947.

7. M. BARBA, La réforme conciliaire de l’« OrdoMissæ », Rome, 2002, p. 214.

8. A. BUGNINI, La réforme liturgique…, cit., p. 446.9. Concile de Trente, session XXIII, 17 septembre 1562,Décret et canons sur la Messe, c. IV.10. M. BARBA, La réforme conciliaire…, cit., p. 137.

pas les formules de l’offertoire. C’estpourquoi il semble que ces deux incisesdonnent une valeur spécifiqued’offrande au geste et aux paroles ».Mais, comme une nouvelle preuve de ladictature de Bugnini et du Consilium, lePape ajouta : « Toutefois nous remettonsla décision de leur maintien ou de leursuppression au jugement collégial duConsilium 7. »

Donc Paul VI s’accorde lui aussi à direcomme nous que l’offertoire du NovusOrdo n’est pas un offertoire…

L’ajout des deux formules proposéespar le Pape a fini par aggraver la situa-tion : le pain et le vin sont offerts à Dieuà la place de la seule offrande qui luisoit agréable, celle du corps et du sangde son Fils, et l’homme se déclarecapable d’offrir à Dieu les fruits de sontravail ; l’Eucharistie comme sacrificen’est pas prévue dans les deux formulesde « présentation » du pain et du vin,qui au contraire renvoient aussitôt àl’Eucharistie comme sacrement (« pourqu’il devienne pour nous aliment de vieéternelle » ; « pour qu’il devienne pournous breuvage du salut »). L’élémentsacrificiel est ainsi non pas nié, maissans aucun doute mis de côté, au détri-ment de la foi du célébrant et desfidèles.

L’offertoire romain a été dévasté pourde pseudo-motivations, qui manifestentl’absence de formation théologique et desensibilité liturgique chez de nombreuxmembres du Consilium.

C’est encore don Andrea Rose quinous dit ce qui s’est passé :

« Ceux qui se sont occupés de laMesse furent encore plus radicaux quenous ne le fûmes à l’Office Divin. Il suf-fit de voir comment l’offertoire a étépratiquement supprimé. Dom Capelle nevoulait aucun offertoire. “On parlecomme si le sacrifice était déjà accom-pli. On risque de croire que tout est déjàfait”, disait-il. Il ne se rendait pas comp-te que toutes les liturgies contiennentune anticipation comme celle-là. On seplace déjà dans la perspective del’accomplissement.

Question : Ne s’agit-il pas d’uneabsence de perspective finaliste ?

Réponse : Oui, et on a fini par toutsupprimer, tout ce qui était prière dansl’offertoire, parce que, disait-on, il nes’agit pas encore du sacrifice. Mais enfait, nous nous trouvons ici face à despositions très rationalistes !

Question : Dans votre expérience pas-torale, avez-vous remarqué que lesfidèles croyaient que les offrandesétaient déjà consacrées ? C’est-à-dire :avez-vous constaté la concrétisation desdangers soulignés par dom Capelle ?

Réponse : Mais non, mais non. Jamais !Et puis, il suffit d’observer comment sedéroulent les rites orientaux. C’est lamême chose. Et il serait intéressant decomparer toutes ces choses. »

2. Du canon aux prières eucharistiques

On a réussi à faire encore pire en cequi concerne les prières eucharistiques.À côté du canon, reproposé dans la Priè-re eucharistique I, mais avec des varia-tions significatives que nous verronsplus loin, ont été placées d’autres ana-phores (quatre, plus deux dites « de laréconciliation »).

Toutes ces prières ont été faites sur lepapier, y compris la deuxième, qui aplus ou moins l’inspiration du canond’Hippolyte. Et pour quelle profonderaison théologique ? Pour mettre fin « àdes siècles de fixisme! » 8

Vous avez raison lorsque vous dites que« la liturgie est un processus vital, et nonle produit d’une érudition de spécialiste.(p. 50) » Or les nouvelles prières eucha-ristiques sont précisément le fruit desmains d’une commission… qui, selon lejugement du cardinal Antonelli résumépar vous, était caractérisée par« l’incompétence de beaucoup, la soif denouveauté, des discussions bâclées, desscrutins chaotiques, pourvu d’approuverau plus vite…(p. 50) » Est-il sensé,d’après vous, de mettre fin au canon (carde fait le canon n’est plus canon, règle)qui rassemble plus de 1500 ans de tradi-tion liturgique, qui, selon le Concile deTrente, est « si pur de toute erreur qu’il necontient rien qui ne parfume de grandesainteté et piété, et qui n’élève vers Dieul’esprit de ceux qui l’offrent 9 », parce que,dans les séances du Consilium « certainssoulignaient les difficultés que l’actuelcanon comportait pour la nouvelle époqueet pour la mentalité moderne 10 ? »

Il y a une autre remarque à faire :Bugnini affirme que dans les trois prièreseucharistiques ajoutées, « autant que pos-sible on a évité de répéter… des notions,des paroles et des phrases du canonromain 11. » Mais alors qu’exprime-t-ondans ces prières eucharistiques ? Si lecanon rassemble et exprime la traditionliturgique sur le saint Sacrifice, harmoni-sant merveilleusement l’impétration,l’action de grâce, la supplication,l’expiation, que reste-t-il dans les autresprières eucharistiques?

3. « L’abomination dans le lieu saint » :la modification de la formule de

consécrationIl y a un autre aspect, qui intéresse

aussi la prière eucharistique I et qui frap-pe directement l’action sacrificielle de la

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Courrier de Rome4 Avril 2009

consécration. Il s’agit de la modificationde la forme de la consécration. Sur cepoint aussi, Bugnini n’en fit qu’à sa tête,contrairement à l’indication du Pape, quidemanda que l’on laisse inchangé lecanon, et que l’on ajoute deux ou troisautres anaphores à utiliser dans certainstemps 12. In primis, ce qui était appeléconsécration est devenu dans le nouveaumissel « le récit de l’institution » ; et lenouveau titre nous fournit hélasl’authentique clé de lecture des modifi-cations de la formule de consécration.

L’ajout des paroles : « Prenez et man-gez-en tous » et « Prenez et buvez-entous », qui, dans le missel de saint Pie V,sont clairement distinctes de la véritableformule de consécration, tant en raisondu point qui les suit que par la différencedes caractères typographiques, permetde considérer la consécration davantagecomme mémorial narratif que commevéritable sacrifice rendu présent aumoyen de la formule prononcée par leprêtre. L’« hunc præclarum calicem »est aussi devenu simplement « lecalice » ; mais alors que dans le premiercas on souligne l’action in personaChristi, par laquelle le calice de la Cèneest ce calice, dans le second cas on ometde souligner ce point, en favorisantencore une fois le style narratif.

Vous savez bien que dans la liturgie,chaque mot, utilisé ou non utilisé,chaque geste, chaque silence ont unevaleur et véhiculent une idée théolo-gique. Bugnini & Cie sont passéscomme un ouragan, mettant sens dessusdessous une formule de consécration quepersonne n’avait jamais osé altérer. Àvrai dire, certains l’avaient changée : lesprotestants ; et si on lit leur texte de récitde la Cène, on s’aperçoit qu’ils ont pré-cisément le même texte que celui présentdans le nouveau missel. La présomptionde Bugnini est vraiment incroyable, lors-qu’il affirme que la formule de consécra-tion présente dans le canon « est en soigravement incomplète du point de vuede la théologie de la Messe 13! » Nonmoins incroyables sont les motivationsavancées pour la suppression du « mys-terium fidei » de la formule de consécra-tion, avant l’acclamation del’assemblée : « Cette formule n’est pasbiblique ; elle se trouve uniquement dansle canon romain ; elle est d’origine et designification incertaines ; les expertseux-mêmes discutent sur le sens précisde ces paroles. Certains les comprennentmême dans un sens dangereux car ilstraduisent : signe pour notre foi ; celainterrompt la phrase et rend difficile sacompréhension et sa traduction 14. » Aucontraire, ce « mysterium fidei », placéimmédiatement après la consécration duvin, a une valeur très importante, parce

qu’il affirme que l’immolation vient dese produire, au moyen de la doubleconsécration, qui est le mystère desmystères de notre sainte foi.

Il y a ensuite l’ajout des acclamationsde l’assemblée, selon trois formulesdifférentes. À part le fait qu’il est inop-portun d’introduire ici une acclamation,qui interrompt la sacralité du silence, ilfaut noter que les deux premières for-mules (« Nous annonçons ta mort… », et« Chaque fois que nous mangeons… »)sont vraiment très dangereuses, car ellesdéplacent l’attention des fidèles vers la« seconde venue du Christ à la fin destemps, précisément au moment où Il estvraiment, réellement et substantielle-ment présent sur l’autel » 15, alors quel’on parle de « l’attente de ta venue ».De plus, la formule « Chaque fois quenous mangeons… » est inadaptée et noci-ve pour le sens du sacrifice qui vient des’accomplir. En effet, elle ne souligne pasque c’est la consécration qui « annonce(au sens de rendre présent) ta mort, Sei-gneur », mais le fait de « manger le pain etboire le vin ». Cette acclamation a un par-fum fortement protestant.

4. D’autres modificationsÀ toutes ces modifications s’ajoute

aussi la suppression de la quasi-totalitédes signes de croix faits par le célébrantsur les offrandes, sur et avec les espècesconsacrées, pour indiquer que lesespèces qui se trouvent devant le célé-brant sont réellement la Victime dont onparle. Les génuflexions ont été réduitesau nombre de dix et on a supprimécelles, si importantes, que fait le prêtredès qu’il a prononcé les paroles deconsécration du pain et du vin. On a éga-lement supprimé la préservation desdoigts du prêtre après la consécration etleur purification dans le calice, ce quiaffaiblit encore davantage le sens de laprésence substantielle du Christ danschaque fragment eucharistique. On aégalement omis les prescriptions pré-cises et pleines de révérence qui sont derigueur dans le cas où l’hostie consacréetomberait à terre. La purification desvases sacrés peut être remise à plustard… Et l’on pourrait continuer ainsi. Ilest clair que la nouvelle formen’exprime plus de façon adéquatel’essence sacrificielle de la Messe et laprésence substantielle de Notre-Sei-gneur. Nous ne disons pas qu’elle nie cesaspects, mais elle ne les signifie certai-nement plus de façon adéquate, ouvrantainsi la voie à ce qui de fait est arrivé etque vous dénoncez vous-même.

LA GLORIFICATION DE DIEU

Et après l’essence de la Messe,considérons maintenant ses finalités,dont la première est sans aucun doute laglorification de la très Sainte-Trinité par

Notre Seigneur Jésus-Christ. La liturgiea principalement et substantiellementune dimension verticale, et le rite toutentier doit exprimer et favoriser cetteorientation.

Dans le nouveau missel, la finalité der-nière de la liturgie (et de toutes choses) apresque disparu. Le Gloria Patri, dansl’antienne à l’Introït a été omis ; le Glo-ria in excelsis Deo est récité moins fré-quemment ; seule la collecte se terminepar la formule trinitaire (« Par Notre Sei-gneur Jésus-Christ… »), tandis que lesautres oraisons concluent simplement :« Par le Christ Notre-Seigneur » ; lamême conclusion a aussi été suppriméeaprès les trois prières qui préparent à lasainte communion, et après le Libera nosDomine qui suit le Pater noster ; la trèsbelle prière de l’offertoire Suscipe, Sanc-ta Trinitas, très beau résumé de la finalitédu saint Sacrifice, est abolie ; la préfacede la Sainte-Trinité n’est plus récitée tousles dimanches mais seulement le jour dela solennité de la Sainte Trinité ; on aaussi supprimé le Placeat tibi, SanctaTrinitas, à la fin de la Messe. Dans ce casaussi, nous sommes face à une véritabledévastation qui prive les prêtres et lesfidèles de cette référence habituelle à lagloire de la Sainte Trinité, qui est la finde la vie et de toutes choses.

LA PROPITIATION ET L’EXPIATION

« L’aspect le plus manifeste de cetteréélaboration [des oraisons - nda] est laquasi-totale suppression des expressionsrelatives au péché et au mal (“peccatanostra”, “mminentia pericula”, “mentisnostræ tenebræ”), et des expressionsrelatives à la nécessité de la rédemptionet du pardon (“puriores”, “mundati”,“reparatio nostra”, “purificatis menti-bus”) 16. » C’est la nécessaire consé-quence du principe de Bugnini, cité plushaut, qui consiste à « revoir » ce quin’est pas conforme aux temps modernes.L’idée d’être pêcheurs, profondémentdébiteurs envers Dieu, que nous méri-tions ces châtiments, que nous soyonsradicalement incapables de réparer parnous-mêmes la dette contractée par nospéchés, cette idée n’est pas acceptée parl’homme de toujours, et en particulierpar l’homme moderne.

Et c’est ainsi que les « coupes » tom-bent de tous côtés ! Première victime :l’imploration « Deus tu conversus vivifi-cabis nos » dans les prières au bas del’autel, suivie des deux oraisons que leprêtre récite lorsqu’il est monté à l’autel(Aufer a nobis et oramus te, Domine),dans lesquelles il demande à Dieud’éloigner ses iniquités et de pardonnerses péchés. Le Confiteor n’est plus récitépar le prêtre « profondément incliné » etpar les fidèles à genoux, deux attitudesexprimant l’humilité et la supplication.Avec l’abolition de l’offertoire, ont dis-

11. A. BUGNINI, La réforme liturgique…, cit., p. 446.12. Ibid., p. 444.13. A. BUGNINI, La réforme liturgique…, cit., p 448.14. Ibid., p. 448-449.

*

15. Bref examen critique du Novus Ordo Missæ,Les formules de consécration.

16. L.BIANCHI, Liturgie. Mémoire ou moded’emploi?, Milan, 2002, p. 59.

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paru aussi deux supplicationsd’acceptation de l’offrande immaculée« pro innumerablilbus peccatis et offen-sionibus et negligentis meis », de mêmeque l’expression « tuam deprecantes cle-mentiam ». Le geste d’étendre les mainssur l’hostie et le calice, qui indique legeste du Souverain Prêtre qui« chargeait » de nos péchés la victimequi allait être immolée, ce geste est asso-cié dans les prières eucharistiques dunouveau Missel à l’invocation del’Esprit-Saint, perdant ainsi la significa-tion expiatoire du Sacrifice du Christ.

Les rites précédant la communion, quiaident le prêtre et les fidèles à raviverdes dispositions intérieures de contrition,ont été eux aussi sensiblement modifiés.Pour le prêtre comme pour les fidèles, leDomine non sum dignus - outre la varia-tion du texte - a été ramené de trois foisà une fois seulement, alors que la répéti-tion permet toujours une meilleureconscience de son indignité devant un telmystère.

LA SACRALITÉ

Sur cet aspect aussi, il y aurait beau-coup à dire. Nous nous contenterons,dans cette lettre, de revenir rapidementsur ce que vous écrivez dans ce beau pre-mier chapitre sur la sainte et divine litur-gie : « Le sacré dans l’ancienne messe estprésent et s’exprime aussi dans les signesde croix et dans les génuflexions, dans lesilence des fidèles pendant la prièreeucharistique, qui n’est pas criée maisprononcée submissa voce, pour signifierle geste de soumission et d’humiliation,devant Dieu, de notre voix. (p. 23) »Vous ajoutez ensuite de profondesconsidérations sur la langue sacrée. Voussavez que tout cela a disparu.

S’il y a un reproche général que l’onpeut faire à la Messe réformée, c’estqu’elle veut faire comprendre trop dechoses. Le leitmotiv est que tout lemonde doit comprendre tout et tout desuite. Le prêtre doit toujours parler àhaute voix, les fidèles doivent parler, leslectures doivent être multipliées, lalangue doit être comprise, etc., et il y atoujours moins de place pour le silenceet le chant sacré, les deux plus hautesexpressions de la prière et del’adoration. « Rationalité dans la liturgieet aucune piété 17 » : telle étaitl’accusation précise que soulevait le car-dinal Antonelli. Rien n’est plus vrai.

Sur cet aspect, il y aurait vraiment detrès nombreuses considérations à faire,en particulier sur les ornements, lesvases sacrés, les édifices, le chant, lalangue, les attitudes du corps, etc.

LE SACERDOCE

L’une des « victimes » privilégiées de

la réforme liturgique est le sacerdoce (etpar conséquent l’identité des prêtres etleur fidélité à leur vocation).

Les remarques faites plus haut sur leglissement vers le sens narratif de la for-mule de consécration nous permettent deprendre conscience de l’incidence de ceglissement sur l’intention du prêtre quila prononce. En raison aussi del’absence d’indication dans les rubriquesau sujet de la position, du ton de lavoix, etc., le prêtre est de moins enmoins conduit à comprendre la célébra-tion comme actio sacrificalis accompliein persona Christi.

Son rôle irremplaçable de nécessairemédiateur et sacrificateur a été éclipsé parla réforme liturgique tant par la suppres-sion de certains éléments, qui soulignentla différence essentielle entre le prêtre del’assemblée des fidèles, que parl’insistance excessive et imprécise sur lesacerdoce commun.

En ce qui concerne le premier aspect,le seul que nous examinerons, voyonsce qui s’est passé avec l’acte péniten-tiel. Le Confiteor, alors qu’il n’est pasremplacé par des formules alternatives,est récité en commun par le prêtre etpar les f idèles, sans aucunedistinction ; le prêtre, de Pater, devientl’un des fratres. On a omis en outre laformule d’absolution, acte exclusive-ment sacerdotal, que les protestantssupprimèrent eux aussi dans leurmesse réformée.

Dans les nouvelles prières eucharis-tiques non plus, on n’affirme plus la dis-tinction entre le sacrifice offert par leprêtre et auquel s’associent les fidèles(« pro quibus tibi offerimus vel qui tibiofferunt »), mais on dit en général« nous t’offrons », ou encore dans laprière eucharistique III, on parle d’un« peuple qui d’un bout à l’autre de laterre offre à ton nom un sacrificeparfait ».

La formule de communion du prêtreest devenue mois spécifique, et est unieà celle des fidèles. De deux oraisons, onest passé à une ; ensuite le prêtre réciteavec les fidèles une seule fois « Sei-gneur, je ne suis pas digne » (nous pas-sons sur la modification de la formule),puis il communie avec les seules for-mules « Que le Corps [ou Sang] duChrist me garde pour la vie éternelle ».Ensuite il administre aussitôt la commu-nion aux fidèles.

Ainsi, on distingue de moins en moinsle fait que la communion du prêtre estnécessaire pour l’accomplissement duSacrifice, alors que celle des fidèles,bien sûr importante, n’est pas essentiel-le. Dans le nouveau rite, la communiondu prêtre a simplement lieu « avant »celle des fidèles, alors qu’elle devraitconstituer un élément structurel etconclusif du Sacrifice, puisqu’elle est laconsommation de la Victime divine.

LA FORME DE LA RÉ-FORME

À la lumière de toutes ces modifica-tions (comme la suppression del’« Église triomphante », le biblicismede l’actuel lectionnaire) on ne peut pasne pas se demander ce qui reste de ladoctrine catholique sur le saint Sacrificede la Messe. On est encore plus stupéfaitlorsqu’on compare le Novus Ordo avecles modifications des liturgies protes-tantes et jansénistes.

Devant la réalité des faits, nous nepouvons pas vous suivre lorsque vousaffirmez que « la réforme liturgique nedoit pas être mise en doute… (p. 68) »Il est au contraire nécessaire, pour lasauvegarde du trésor les plus précieuxque Notre-Seigneur nous ait laissé, pourla conservation du sacerdoce catholique,et pour la sauvegarde et l’augmentationde la foi et de la piété des fidèles,d’avoir le courage de revoir une réformequi a fait la preuve de son échec.

Vous avez affirmé, de façon quelquepeu euphémique : « Si l’on ne peut pasdire que la réforme liturgique n’a pasdécollé, elle a assurément volé bas,…Donc, des ombres restent à dissiper surla façon dont elle a été faite. Est-on alléplus loin que les intentions du Concile ?Que l’on fasse une trêve dans labataille : l’usus antiquior est revenu, telun miroir, aux côtés du nouveau. Si cer-taines nouvelles formes rituelles ontparu être une concession à l’esprit dumonde, un approfondissement apaisé etune révision ou restitution des anciennesformes pourront éloigner toute crain-te. (p. 59) » S’il en est vraiment ainsi,c’est-à-dire s’il a fallu « faire revenir »la Messe tridentine pour que la nouvellepuisse retrouver son identité, alors celasignifie tout simplement que la réformea échoué. Elle n’a pas été ré-forme, ausens souhaité par vous et par nous, maiselle a été l’apport d’une nouvelle formeà la Messe, une forme qui « s’éloigne defaçon impressionnante de la théologiecatholique de la sainte Messe » 18. Iln’est jamais arrivé, dans l’histoire de laliturgie, qu’un Missel réformé doiveremonter au précédent pour pouvoir« récupérer » l’authentique esprit litur-gique. Nous célébrons avec le Missel de1962, et bien que nous tenions en hauteestime les précédentes éditions, nousn’avons pas besoin de nous y référercomme à « un miroir aux côtés du nou-veau », parce que le Missel de 1962 aconservé le même esprit - et aussi lalettre ! - que les précédents.

Nous ne voulons pas affirmer par làque tout prêtre célébrant selon le nou-veau rite serait hérétique ; mais ce qui estclair, c’est que ce rite favorise un espritet une piété qui ne sont pas authentique-ment catholiques. Peu à peu, on « absor-be » une mentalité qui n’est plus catho-

17. N. GIAMPIETRO, Le cardinal FerdinandoAntonelli et les développements de la réformeliturgique de 1948 à 1970, Rome, 1988, p. 234.

18. Lettre à Paul VI des cardinaux Ottaviani etBacci, 1.

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lique. Et s’il est possible que les prêtresqui célèbrent selon le Novus Ordo et lesfidèles qui y assistent réussissent àconserver un esprit catholique, il est tou-tefois réaliste d’admettre que ce n’estpas grâce à cette Messe, mais malgréelle. En d’autres termes, si la foi catho-lique peut être maintenue intérieure-ment, le rite liturgique n’en est plusl’expression extérieure. C’est un peucomme quand on entre dans les nou-velles églises, à l’architecture douteuse :on peut théoriquement y prier, mais il estpréférable pour cela de fermer lesyeux… Il n’y a rien dans ces églises quiaide l’âme à s’élever, l’esprit à serecueillir, le cœur à se réchauffer au feusurnaturel.

C’est pourquoi nous ne pouvons pasêtre de votre avis lorsque vous affirmezque « les prêtres qui célèbrent selonl’ancien rite doivent éviter de délégiti-mer l’autre rite, et vice-versa. Il n’estpas permis de refuser de célébrer le nou-veau rite par parti pris. Ce ne serait pasun signe de communion, par exemple, derefuser de concélébrer avec un évêquequi souhaite le faire selon le nouveauMissel. (p. 64) » Non possumus !

Il est vraiment impossible de conciliercette réforme avec la tradition ; et nousinsistons sur le démonstratif, car ce n’estpas le développement historique quenous nions, ce n’est pas la sagesse du et-et catholique dans cette merveilleusesynthèse entre « renouveau et tradition,innovation et continuité, attention àl’histoire et conscience de l’Éternel…(p. 10) » , mise en lumière par VittorioMessori dans la préface à votre livre Cen’est pas cela. Le saint patron de notreFraternité, saint Pie X, n’a-t-il pas étél’un des plus grands réformateurs (entreautres dans le domaine liturgique) del’histoire de l’Église?

Ce que nous ne pouvons pas accepter,c’est que ce et-et soit donné de façonhégélienne, comme synthèse de contra-dictions, dans une identité entre le réelet le rationnel. « Sauver lesphénomènes » ! Tel était, d’après la pro-fonde lecture de Taylor 19, l’impératif dela philosophie de Hegel : sauver ration-nellement l’histoire et ses moments, enaffirmant de façon idéaliste que chacunde ces moments est une étape vers unstade suivant. Hegel perd ainsi l’essencedes choses, il perd le critère de vérité oude fausseté. « Sauver la réforme »semble être la devise de ce nouveaumouvement liturgique que vous souhai-tez dans le dernier chapitre. Maisn’avait-on pas dit qu’il fallait débattresur la liturgie « sans aucun préjugé »?

UNE OBSERVATION CONCRÈTE ET UN SOUHAIT

Rév. don Bux, nous concluons cettelettre avant tout par une invitation àl’espérance. Pour vous et pour nous. Il

n’est pas impossible de sortir de cettesituation, et peut-être tomberez-vousd’accord avec nous sur ce point ; Notre-Seigneur n’abandonne jamais ceux quicherchent sa gloire et le bien des âmes.

Mais peut-être ne serez-vous pas sur lamême longueur d’onde que la nôtre, sinous vous avouons que nous sommescertains que le « retour au sacré » ne sefera pas en cherchant à accorder l’ancienet le nouvel Ordo. Humainement, celapeut sembler la seule façon de ne pasprovoquer de ruptures, au détriment dela foi de nombreux croyants, déjà large-ment éprouvée. Mais il n’en est pasainsi.

La situation liturgique dans la Francedu XVIIIe siècle et du début du XIXe

n’était pas moins dramatique que lanôtre. L’anarchie liturgique était àl’ordre du jour, et l’on voyait serépandre les rites « personnalisés », dansle but plus que noble de retrouverl’authentique esprit liturgique. DomProsper Guéranger, le grand abbé deSolesmes, après avoir présentél’incroyable situation de cette époque,conclut ainsi : « Le bouleversementd’idées au dix-huitième siècle était telque l’on vit des prélats combattre leshérétiques et dans le même temps, parun zèle inexplicable, attaquer la traditiondans les saintes prières du missel ;confesser que l’Église a sa voix propre,et faire taire cette voix pour donner laparole à quelque docteur sans autorité.Telle fut la stupide arrogance des nou-veaux liturgistes, qui ne proposaient riende moins, et ils en convenaient, que dereconduire l’Église de leur temps auvéritable esprit de prière ; de purger laliturgie des éléments non purs, inexacts,peu mesurés, plats, difficiles à com-prendre correctement, que l’Église, parles pieux mouvements de son inspira-tion, avait malencontreusement produitset adoptés. La barbarie dans laquelleétaient tombés les Français quant auculte divin était telle, l’harmonie litur-gique ayant été détruite, que la musique,la peinture, la sculpture, l’architecture,qui sont les arts tributaires de la liturgie,la suivirent dans une décadence qui n’afait que s’accroître au cours desannées 20. »

Telle était donc la situation, qui res-semble de façon impressionnante à lanôtre. Et comment est-on sorti de cettesituation ? Avec le rite romain de tou-jours, pur et simple.

Vous demandez une « trêve » sur laliturgie, maintenant que le rite tradition-nel est « revenu » ; toutefois, bien quenous comprenions votre intention, ilnous semble que sur cette « trêve »hypothétique pèse officiellement juste-ment l’un des préjugés auxquels vousinvitez à renoncer : celui de faire souffrir

au Missel de 1962 une conditiond’infériorité par rapport au missel dePaul VI. Nous vous faisons remarquerqu’alors que l’on parle aujourd’hui deforme « ordinaire » et « extraordinaire »,même Mgr Gamber, il y a déjà plusieursannées, dans le livre cité (qui bénéficiad’une préface signée de quatre illustresprélats : Mgr Nuyssen, les cardinauxStickler et Oddi, et le cardinal Ratzin-ger) proposait une « trêve » en destermes différents des vôtres (et en uncertain sens opposés) : « La forme de laMesse actuellement en vigueur ne pour-ra plus passer pour un rite romain ausens strict, mais pour un rite particulierad experimentum. Seul l’avenir montrerasi ce nouveau rite peut un jour s’imposerde façon générale et pour une longuepériode. On peut supposer que les nou-veaux livres liturgiques ne resteront paslongtemps en usage, parce que les élé-ments progressistes de l’Église aurontcertainement, entretemps, développé denouvelles conceptions concernant l’“organisation” de la célébration de laMesse 21. »

Quoi qu’il en soit, nous restons pro-fondément convaincus que le rite triden-tin, avec l’ensemble des éléments doctri-naux sur lesquels il se fonde, qu’il expri-me et qu’il véhicule, ne peut que mettreen évidence l’incompatibilité substan-tielle du rite de Paul VI avec la doctrinecatholique.

Nous considérons que les deux rites nepeuvent cohabiter que si l’on ne com-prend pas leur valeur doctrinale opposée,ou si l’on se fonde sur une philosophiequi conjugue les contradictions ; en effetune liturgie présuppose toujours, à tra-vers et au-delà des signes qu’elle utilise,une dimension doctrinale et spirituelleprécise, qui ne peut en aucune façon êtredissociée du rite lui-même. Célébrerd’une façon et croire en quelque chosede différent n’est pas normal et, en der-nière analyse, n’est pas honnête.

Illustrons la chose par un exemplesimple à la portée de tous.

Comment un même prêtre peut-il offrirsur le même autel « la Victime Imma-culée » et « le pain fruit de la terre et dutravail des hommes », croyant et faisantcroire que les deux expressions sontéquivalentes?

Comment la même institution peut-ellefaire siens deux signes aussi manifeste-ment opposés, s’imaginant pouvoirexpliquer l’un à travers l’autre, sansperdre ensuite son identité et sans aug-menter la confusion des simples ? Qu’yaurait-il de commun entre ce nouveaulangage liturgique et le « si si no no »évangélique?

Il ne fait aucun doute que quiconqueaborde sans préjugé le Missel romaintraditionnel puisse renouveler

19. C. TAYLOR, Hegel, Cambridge, 1975, p. 494.20. P. GUÉRANGER, Institution liturgique, t. II, c. XX,pp. 393-394. 21. K. GAMBER, La réforme liturgique…, cit., p. 76.

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Courrier de RomeAvril 2009 7

l’expérience qu’eut dom Guéranger,lorsque pour la première fois, simpleprêtre, il aborda accidentellement le riteromain, lui qui n’avait eu jusqu’alorsaucune sympathie pour ce rite : « Malgrémon peu de sympathie pour la liturgieromaine, que d’ailleurs je n’avais jamaisétudiée sérieusement, je me sentis aus-sitôt pénétré de la grandeur et de lamajesté du style employé par ce missel.L’usage de la sainte Écriture, si grave et

plein d’autorité, le parfum d’antiquitéqui émane de ce livre, ses caractèresrouges et noirs, tout cela m’entraînait àcomprendre que j’étais en train dedécouvrir dans ce missel l’œuvre encorevivante de cette antiquité ecclésiastiquedont j’étais passionné. Le ton des mis-sels modernes m’apparut alors dépourvud’autorité et d’onction, et je ressentisl’œuvre d’un siècle et d’un pays, et en

même temps d’un travail personnel 22. »C’est l’expérience que nous vous sou-

haitons de tout cœur et à nos confrèresdu monde entier !

Avec toute notre estime.La rédaction

LE COURRIER DE ROME VIENT DE PUBLIER

UN NOUVEAU LIVRE

Cette étude, intitulée 1962-Révolution dans l’Église et réaliséeavant 2002, fut publiée de janvier 2007 à avril 2008 dans la revueCourrier de Rome.

La clarté du texte, accompagné d’un très grand nombre decitations et de faits, donne à cette étude toute sa valeur et met lelecteur devant la situation actuelle de l’Église d’une manièreimpressionnante et tout à fait objective.

Don Andrea Mancinella, prêtre du diocèse d’Albano Laziale(Roma), ordonné en 1983, en est l’auteur. Ce prêtre conscientque quelque chose n’allait pas dans l’Église a eu pour la premièrefois entre les mains la revue Sì Sì No No, cela l’a incité à fairedes recherches et des études personnelles pour mieuxcomprendre la crise que traversait l’Église. Ensuite ayantconstaté la désinformation générale du clergé pour ce quiconcerne la crise actuelle et la position de Mgr. Lefebvre, ildécida de publier la synthèse de son étude et de la distribuer àtous les prêtres de son diocèse pour mieux leur montrer saposition de fidélité à la Rome éternelle.

Prix 14 euros + 2 euros pour le port

Table des MatièresI. Préambule p. 5II. Les nouveaux modernistes de la nouvelle théologie p. 19III. La condamnation officielle de la « nouvelle théologie » p. 31IV. Le concile du pape Jean p. 45V. Vatican II, première session, le début

de la révolution p. 55VI. Les nouveautés « conciliaires », quintessence de la

nouvelle théologie p. 69VII. L’aveu de Paul VI : le discours de clôture de Vatican II p. 85VIII.La preuve par neuf p. 87IX. La dénonciation de Mgr Marcel Lefebvre p. 91X. L’après concile. Les « coups de pioche » de Paul VI p. 95XI. La révolution envahit la liturgie : la nouvelle « messe »

de Paul VI p.105XII. Jean-Paul II, Fauteur de la « Nouvelle Théologie » p.121XIII.La crise générale dans l’Église p.181XIV. Vers la « solution finale » du Catholicisme p.191

22. P. GUÉRANGER, Mémoires autobiographiques(1805-1833), Solesmes, 2005, p.81.

VOICI UN EXTRAIT DE CETTE ÉTUDE

La dénonciation de Mgr Marcel Lefebvre

Le 20 décembre 1966, dans une lettrede réponse au cardinal Ottaviani, Préfetdu Saint Office, qui, alarmé par

l’explosion subite et universelle de lacrise au sein du clergé et parmi lesfidèles, avait envoyé des questions à cesujet aux évêques du monde entier, MgrMarcel Lefebvre en dénonçait ou ver -tement la cause dans les « nouveautés »du Concile Vatican II.

Nous rapportons ici de larges extraitsde cette lettre :

« […] Je crois qu’il est de mon devoirde vous exposer en toute clarté - écrivaitle prélat français - ce qui résulte de mesconversations avec de nombreuxévêques, prêtres et laïcs d’Europe et

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Courrier de Rome8 Avril 2009

COURRIER DE ROME

Édition en Français du Périodique RomainSì Sì No NoResponsable

Emmanuel du Chalard de TaveauAdresse : B.P. 156 — 78001 Versailles Cedex

N° CPPAP : 0408 G 82978Imprimé par

Imprimerie du Pays Fort18260 Villegenon

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d’Afrique, ce qui résulte aussi de meslectures dans des pays anglophones etfrancophones.

Je suivrais volontiers l’ordre desvérités énoncées dans votre lettre, maisj’ose dire que le mal actuel me semblebeaucoup plus grave que la négation oumise en doute d’une vérité de notre foi.Celui-ci se manifeste, actuellement, parune confusion ex trême des idées, dans ladésagrégation des institutions del’Église, institutions religieuses, sémi-naires, écoles catholiques, en somme dece qui a été le soutien permanent del’Église, mais ce n’est pas autre choseque la continuation logique des hérésieset des erreurs qui minent l’Église depuisplusieurs siècles, en particulier après lelibéralisme du siècle dernier, qui a cher-ché à tout prix à concilier l’Église et lesidées qui ont débouché sur la Révolu-tion.

L’Église a fait des progrès dans lamesure où elle s’est opposée à ces idées,qui vont contre la saine philosophie et lathéologie ; au contraire, chaque compro-mis avec ces idées subversives a provo-qué un alignement de l’Église au droitcommun et le risque de la rendre esclavedes sociétés civiles.

Par ailleurs, chaque fois que desgroupes de catholiques se sont laissésattirer par ces mythes, les Papes les ontcourageusement rappelés à l’ordre, lesont éclairés et, lorsque c’était nécessai-re, condamnés. Le libéralisme catho-lique a été condamné par Pie IX, lesillon par saint Pie X, le commu nismepar Pie XI et le néomodernisme par PieXII. Grâce à cette admirable vigilance,l’Église s’était consolidée et développée.Les conversions des païens, des protes-tants, étaient très nombreuses ; l’hérésieétait en déroute complète, les Étatsavaient accepté une législation catho-lique.

Mais certains groupesd’ecclésiastiques imprégnés de cesfausses doctrines avaient réussi à lesrépandre dans l’Action Catholique, dansles séminaires, grâce à une certaineindulgence des évêques et à une toléran-ce de certains Dicastères romains.Bientôt, les évêques furent choisis parmices prêtres. Et c’est ici que se place leConcile, qui s’apprêtait, avec ses com-missions préparatoires, à proclamer lavérité face à ces erreurs, pour les fairedisparaître de l’Église. Cela aurait été lafin du protestantisme et le commence-ment d’une nouvelle ère féconde pourl’Église. Au contraire, cette préparationa été odieusement rejetée, pour faireplace à la plus grave tragédie qu’aitjamais subie l’Église. Nous avonsassisté au mariage de l’Église avec lesidées libérales. Ce serait nier l’évidence,se fermer les yeux, que de ne pasaffirmer co u ra geu sement que le Concilea permis à ceux qui professent leserreurs et les tendances condamnéespar les Papes que nous avons cités, de

croire légitimement que leurs doctrinessont désormais approuvées. […] Enrègle presque générale, quand le Concilea fait des innovations, il a frappé la cer-titude des vérités enseignées par leMagistère authentique de l’Église commeappartenant définitivement au trésor dela Tradition. Qu’il s’agisse de la trans-mission de la juridiction des évêques,des deux sources de la Révélation, del’inspiration scripturale, de la nécessitéde la grâce pour la justification, de lanécessité du baptême catholique, de lavie de la grâce chez les hérétiques, lesschismatiques et les païens, des fins dumariage, de la liberté religieuse, des finsdernières, etc., sur ces points fondamen-taux, la doctrine traditionnelle était clai-re et unanimement enseignée dans lesuniversités catholiques. Au contraire, denombreux textes du Concile permettentdésormais de douter de ces vérités.

Les conséquences ont été rapidementtirées et appliquées dans la vie del’Église.

• Les doutes sur la nécessité del’Église et des sacrements provoquent ladisparition des vocations sacerdotales.

• Les doutes sur la nécessité et la natu-re de la conversion de toutes les âmessont en train de provoquer la disparitiondes vocations religieuses, la ruine de laspiritualité traditionnelle dans les novi-ciats, l’inutilité des missions.

• Les doutes sur la légitimité del’autorité et l’exigence de l’obéissance,causés par l’exaltation de la dignitéhumaine, de l’autonomie de la conscien-ce, de la liberté, sont en train de frappertoutes les sociétés à commencer parl’Église, les sociétés religieuses, lesdiocèses, la société civile, la famille.L’orgueil a comme conséquence toutesles concupiscences des yeux et de lachair. C’est peut-être l’une des constata-tions les plus effrayantes de notreépoque que de voir à quelle décadencemorale sont arrivées la plupart despublications catholiques. On y parlesans aucune retenue de la sexualité, dela limitation des naissances par tous lesmoyens, de la légitimité du divorce, del’éducation mixte, du flirt, des balscomme moyens nécessaires à l’édu -cation chrétienne, du célibatsacerdotal, etc.

• Les doutes sur la nécessité de lagrâce pour être sauvé sont en train deprovoquer le mépris du baptême désor-mais renvoyé à plus tard, l’abandon dusacrement de la pénitence. Il s’agitd’ailleurs surtout d’un comportementdes prêtres et non des fidèles. Il en va demême pour la Présence Réelle : ce sontles prêtres qui agissent comme s’ils necroyaient plus, cachant le Tabernacle,supprimant tous les signes de respectenvers le Très Saint Sacrement et toutesles cérémonies en son honneur.

• Les doutes sur la nécessité del’Église, source unique du salut, surl’Église catholique, seule vraie religion,

découlant des déclarations surl’œcuménisme et la liberté religieuse,détruisent l’autorité du Magistère del’Église. Rome, en effet, n’est plusl’unique et nécessaire « Magistra Verita-tis » (Maîtresse de Vérité).

Il faut donc conclure, contraints parl’évidence des faits, que le Concile afavorisé de façon inconcevable la diffu-sion des erreurs libérales. La foi, lamorale, la discipline sont atteintes dansleurs fondements, selon les prévisionsde tous les Papes. La destruction del’Église avance à grands pas.

Pour avoir accordé une autoritéexagérée aux conférences épiscopales, leSouverain Pontife est devenu impuis-sant. Combien d’exemples douloureuxen une seule année !

Toutefois le successeur de Pierre, et luiseul, peut sauver l’Église. Que le SaintPère s’entoure de vigoureux défenseursde la foi, qu’il les désigne dans lesdiocèses les plus importants. Qu’ildaigne proclamer, par des documentsimportants, la vérité, pour combattrel’erreur sans crainte des contradictions,sans crainte des schismes, sans craintede remettre en cause les dispositionspastorales du Concile. »

Ce diagnostic précis et douloureux deMgr Lefebvre tomba – inutile de le rap-peler – dans le vide le plus absolu.

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s ì s ì no no« Que votre OUI soit OUI, que votre NON soit NON, tout le reste vient du Malin »

(Mt 5, 37)

Le numéro 3€

Mai 2009Mensuel - Nouvelle SérieAnnée XLIII n° 322 (512)

solennel (celui des conciles œcuméniques oudu pape parlant ex cathedra) est sans doute laforme la plus frappante du magistère, celle quirevêt en principe la plus grande visibilité; maiscet exercice est rare. L’exercice du magistèreordinaire universel est beaucoup plus fréquent,il agit davantage sur les esprits; et c’est bien cequi se passe avec l’exercice du nouveaumagistère ordinaire post-conciliaire, qui se faitl’écho quotidien et incessant de Vatican II.C’est dire toute l’importance de la déclarationdu pape Benoît XVI : comment conçoit-il « lafoi professée au cours des siècles»? Y a-t-ildans ce propos une allusion au magistèreconstant de la Tradition de l’Église, et BenoîtXVI voudrait-il mettre un terme àl’antagonisme créé par ses deux prédécesseurs,en corrigeant le concile Vatican II à la lumièrede la Tradition? Ou bien Benoît XVI réaffir-me-t-il tout au contraire, le postulat de la tradi-tion vivante?

Pour répondre à cette question, nous allonscommencer par rappeler la définition de l’actedu magistère ordinaire universel (1ère partie).Puis nous étudierons sa propriété qui estl’infaillibilité (2e partie). Enfin, nous essaye-rons de voir à quoi correspond ce magistèredans la pensée de Benoît XVI (3e partie) avantde donner une réponse en guise d’épilogue.

PREMIÈRE PARTIELA DÉFINITION DU MAGISTÈRE ORDINAIRE

ET UNIVERSEL 8

L’acte infaillible de magistère est exercé par

POUR UNE JUSTE RÉÉVALUATION DE VATICAN II :LA TRADITION ET LE MAGISTÈRE CLAIREMENT DÉFINIS

Par un décret de la congrégation pour lesévêques daté du 21 janvier 2009 1, Benoît XVIa « levé l’excommunication » 2 subie en 1988par les quatre évêques de la Fraternité Saint-Pie X. À peine une semaine plus tard, lors del’Audience générale du mercredi 28 janvier 3,le pape a jugé bon d’expliquer le sens de cedécret, en disant qu’il avait voulu accomplir« un acte de miséricorde paternelle » et enajoutant qu’il attendait de la part des évêquesconsacrés par Mgr Lefebvre « une reconnais-sance véritable du magistère et de l’autorité dupape et du concile Vatican II ».

LES RAISONS PROFONDES D’UN ANTAGONISME

Ces paroles de Benoît XVI semblent bienfaire écho à celles de Paul VI et de Jean-PaulII. Deux phrases sont en effet restées danstoutes les mémoires. « Comment aujourd’huiquelqu’un pourrait-il se comparer à saint Atha-nase, en osant combattre un concile comme ledeuxième concile du Vatican, qui ne fait pasmoins autorité, qui est même sous certainsaspects plus important encore que celui deNicée? » 4 Ce reproche lancé par le pape PaulVI en 1975 est réitéré de façon encore plus pré-cise par le pape Jean-Paul II, après que MgrLefebvre eut invoqué l’état de nécessité dansl’Église pour se donner le droit de consacrerquatre évêques, le 30 juin 1988. Dans le motuproprio Ecclesia Dei afflicta qui excommunieMgr Lefebvre, le pape Jean-Paul II déclare :« À la racine de cet acte schismatique, on trou-ve une notion incomplète et contradictoire dela Tradition. Incomplète parce qu’elle ne tientpas suffisamment compte du caractère vivantde la Tradition 5. »

LA RÉCENTE DÉCLARATION DU PAPE BENOÎT XVI En demandant à la Fraternité Saint Pie X

qu’elle reconnaisse l’autorité du concile Vati-can II, Benoît XVI confirme donc l’analyse deses deux prédécesseurs, et semble maintenirleur postulat avec cette nouvelle notion d’unetradition vivante. Dans la fameuse lettre du10 mars 2009, il revient d’ailleurs encore sur cesujet : « J’ai l’intention de rattacher à l’avenirla Commission pontificale “Ecclesia Dei”, quidepuis 1988, est responsable de ces commu-nautés et de ces personnes qui, venant de la Fra-ternité Saint-Pie X ou d’autres groupes simi-laires, veulent revenir à la pleine communionavec le Pape, à la Congrégation pour la Doctri-ne de la Foi. Il apparaîtra clairement que lesproblèmes à traiter maintenant sont essentielle-ment de nature doctrinale, en particulier ceuxconcernant l’acceptation du concile Vatican IIet le magistère post-conciliaire des papes. […]On ne peut pas geler l’autorité du magistère del’Église en 1962 : cela doit être très clair pourla Fraternité 6. » Mais cette fois-ci Benoît XVIajoute une réflexion qui ne devrait laisser per-sonne indifférent : « Cependant, à certains deceux qui se proclament comme de grandsdéfenseurs du Concile, il doit aussi être rappeléque Vatican II renferme l’entière histoire doc-trinale de l’Église. Celui qui veut obéir auConcile doit accepter la foi professée au coursdes siècles et il ne peut couper les racines dontl’arbre vit 7. »

La foi professée au cours des siècles est laforme la plus visible, la plus fréquente et laplus accessible pour les esprits de l’exercice dumagistère. C’est celle qui a lieu lorsque le papeet les évêques transmettent l’ensemble desvérités révélées dans le cadre de leur prédica-tion quotidienne : c’est l’exercice du magistèreordinaire universel. L’exercice du magistère

1. DC n° 2419, p. 236.2. Nous ne faisons ici que reprendre la propreexpression du pape Benoît XVI, qui indique sonintention.3. DC n° 2419, p. 242.4. « Lettre de Paul VI à Mgr Lefebvre du 29 juin1975 » dans Itinéraires. La condamnation sauvage de Mgr Lefebvre, numéro spécial hors série(décembre 1976), p. 67.5.JEAN-PAUL II, « Motu proprio Ecclesia Dei afflicta,

§ 4 » dans DC n° 1967, p. 788.6. BENOÎT XVI, « Lettre du 10 mars 2009 auxévêques de l’Eglise catholique » dans DC n° 2421,p. 319-320.7. ID., ibid., p. 320. 8. La référence fondamentale sur toute cette question

Congrès théologique les 8, 9 et 10 janvier 2010 à Paris

Le thème de ce Congrès sera

LE CONCILE -UNE DISCUSSION À FAIRE

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Courrier de Rome2 Mai 2009

tout le corps épiscopal, donc par le pape ayantsous lui les évêques selon deux circonstancesdiverses. La constitution dogmatique DeiFilius de Vatican 1 (DS 3011) enseigne quel’Église enseignante exige de la part de l’Égliseenseignée la soumission d’un acte de foi, dansdeux circonstances : circonstance des juge-ments solennels et circonstance du magistèreordinaire universel. Le pape Pie IX (DS 2879)affirme que le magistère de l’Église enseignan-te exerce trois actes infaillibles différents danstrois circonstances différentes : distinction estici faite au niveau des jugements solennelsentre les définitions solennelles des concilesœcuméniques et les définitions solennelles dupape parlant ex cathedra; et Pie IX distingueencore comme Dei Filius ces deux premièrescirconstances d’une troisième, celle dumagistère ordinaire de l’épiscopat dispersé.

Il existe donc un magistère ordinaire univer-sel. Et ce magistère propose infailliblement desdogmes de foi divine et catholique. Pie XIIl’affirme encore explicitement dans la bulleMagnificentissimus Deus du 1er novembre1950. Le pape fait allusion à la consultation quieut lieu le 1er mai 1946 par la lettre Deiparœ-Virginis Mariae. « Cet accord remarquable desévêques et des fidèles catholiques nous offrel’accord de l’enseignement du magistère ordi-naire de l’Église et de la foi concordante dupeuple chrétien que le même magistère sou-tient et dirige et manifeste donc par lui mêmeet d’une façon tout à fait certaine et exempte detoute erreur, que ce privilège est une véritérévélée par Dieu et contenue dans le dépôtdivin confié par le Christ à son Épouse pourqu’elle le garde fidèlement et le fasse connaîtred’une façon infaillible. »

Quelle est la circonstance qui distingue l’actedu magistère solennel et celui du magistèreordinaire ? Vatican 1 a défini que l’Égliseenseignée doit croire de foi ce que lui enseignele magistère ordinaire universel, mais il n’arien dit de plus sur la nature de ce magistère.

1.1 - Recherche des éléments de ladéfinition

a) Quelques précisions autoriséesLors du concile Vatican 1, dans le discours

du 6 avril 1870 9 prononcé au nom de la Dépu-tation de la foi (c’est-à-dire du Saint-Siège),Mgr Martin donne deux précisions impor-tantes, sur le texte de la définition de DeiFilius, en dz 3011 :

1ère précision : « Qu’on ne pense pas que nousparlons en ce lieu du magistère infaillible duSaint-Siège apostolique en opposant cemagistère infaillible aux conciles œcumé-niques. » Le magistère ordinaire universel dontil est question en ce passage n’est pas lemagistère solennel de la locutio ex cathedra,par opposition au magistère solennel du conci-le œcuménique. C’est une troisième catégoriede magistère, qui est précisément « ordinaire »et non pas solennel.

2 e précision : « Ce mot « universel » signifie

à peu près la même chose que le mot employépar le Saint-Père [Pie IX] dans la lettre aposto-lique Tuas libenter, à savoir le magistère detoute l’Église dispersée sur la terre. »

Il y a donc deux éléments spécifiques : c’estun magistère ordinaire et c’est un magistèreuniversel.

b) Les deux éléments spécifiques dumagistère ordinaire universel

On appelle magistère ordinaire l’ensei gne -ment qui est donné en dehors de la circonstan-ce exceptionnelle du concile œcuménique oude la locutio ex cathedra. Le magistère ordinai-re s’exerce tous les jours 10, par la prédicationhabituelle des pasteurs, tandis que le magistèresolennel s’exerce rarement.

On appelle magistère universell’enseignement que le pape, et sous lui lesévêques, exercent de manière concordante etunanime, lorsqu’ils sont non pas réunis enconcile mais dispersés à travers l’universcatholique, le pape enseignant l’Église univer-selle depuis Rome et chaque évêque ensei-gnant son troupeau particulier, au titre de sajuridiction restreinte et subordonnée. Le pèreVacant 11 fait d’ailleurs la distinction entre cemagistère ordinaire universel et le magistèreordinaire propre au pape : l’infaillibilité decelui-ci est une simple hypothèse, en faveur delaquelle Vacant opine, tandis que l’infaillibilitéde celui-là est imposée par le pape Pie IX dansDei Filius et Tuas libenter.

Pour être universel, le magistère ordinaire doitremplir deux conditions. Il doit y avoir universa-lité dans l’espace ou unanimité de l’épiscopatdispersé ; il doit y avoir universalité dans letemps ou constance de l’objet enseigné. Lesdeux, l’unanimité et la constance, sont requises àl’universalité qui définit formellement lemagistère ordinaire universel.

L’unanimité concerne le sujet enseignant :c’est une universalité qui a lieu dans l’espace(car ce sont tous les évêques de la terre qui sontunanimes alors qu’ils ne sont pas réunis enconcile mais dispersés), et elle se vérifie à uneépoque déterminée de l’histoire (c’est parexemple l’unanimité des évêques telle que lepape Pie XII la constate le 1er mai 1946). Lemagistère ordinaire universel est l’expressiondu magistère prêchant de vive voix et c’estpourquoi l’unanimité dont il résulte estl’unanimité des évêques de toute la terre et

d’un instant présent, ici et maintenant. Si en seplaçant du point de vue du sujet, on dit que lemagistère ordinaire universel est l’unanimitéde tous les évêques et de tous les papes depuissaint Pierre et les apôtres, on risque d’altérer lanotion même de magistère ordinaire, prêchantde vive voix, pour lui substituer la notion d’unmagistère posthume, qui s’exerce avant toutpar l’écrit 12.

La constance en revanche concerne l’objetenseigné : c’est une universalité qui a lieu nonseulement dans l’espace (car on a affaire à unedoctrine qui est enseignée par tous les évêquesde la terre) mais aussi dans le temps (car on aaffaire à une doctrine qui est enseignée par tousles évêques de la terre à toutes les époques del’histoire). Le magistère ordinaire universel estla proposition de la doctrine révélée. Or, cettedoctrine est immuable substantiellement, cequi veut dire qu’elle demeure inchangée dansle temps et dans l’espace. Le magistère ordinai-re universel est par définition un magistère tra-ditionnel : c’est un magistère qui prêcheaujourd’hui et qui, par définition, ne peut pasêtre en désaccord avec le magistère d’hier.

Dans cette double universalité, il y a unordre. En soi, l’universalité au niveau del’objet, la constance dans le temps, précèdel’universalité au niveau du sujet, l’unanimitédans l’espace, car c’est d’abord l’objet qui spé-cifie un acte. Les évêques ne peuvent pas êtreen accord actuellement et entre eux ici et main-tenant, de façon à constituer le magistère ordi-naire universel, s’ils ne sont pas d’abord enaccord avec toute la Tradition qui a précédédans le passé.

Ajoutons un troisième élément, qui est unsigne auquel peut se reconnaître l’enseignementde ce magistère ordinaire universel. Cet élé-ment est indiqué par Pie IX dans Tuas libenter,lorsqu’il dit que l’accord unanime et constantdes théologiens est le signe auquel on reconnaîtles vérités qui sont proposées comme desdogmes par le magistère ordinaire de l’Églisedispersée 13.

est : JEAN-MICHEL VACANT, Études théologiques surles constitutions du concile du Vatican, vol. 2,articles 107-111, §§ 621-662.9. Mansi, tome 51, colonne 322, A17-C1.

10. Le PÈRE RAMIREZ (De Fide divina, § 83, p. 78)parle de « magistère quotidien » (quotidianum)plutôt que d’utiliser l’expression de « magistèreordinaire ».11. VACANT, ibid. § 624. « Le pape pourrait-ilexercer ce magistère ordinaire sans les évêques,comme il porte sans eux des définitions solennellesinfaillibles? Nous le croyons. Mais le magistèreordinaire dont nous parlent la lettre de Pie IX àl’archevêque de Munich et la constitution Dei Filiusest celui qu’exercent ensemble le pape et lesévêques. Pie IX l’appelle en effet le magistèreordinaire de toute l’Église dispersée sur la terre,“totius Ecclesiæ per orbem dispersæ magisterio”; eten proposant au Concile Vatican 1 d’ajouter auxmots “magistère ordinaire” le qualificatifd’”universel”, Mgr Martin déclarait que cetteformule exprime à peu près la même chose que cellede Pie IX. »

12. Le magistère posthume est la répétition del’enseignement jadis donné avec autorité par lemagistère authentique, après la cessation de celui-ci;il s’exerce par l’écrit. Le magistère vivant estl’exercice toujours actuel du magistère authentique;il s’exerce principalement par la prédication orale etaccessoirement par l’écrit. Le catholicisme n’est pasune « religion du Livre »; c’est une religion de laTradition orale. Le magistère ecclésiastique estexercé de vive voix, à chaque époque de l’histoire,par la prédication orale des ministres légitimes. On ledistingue ainsi d’avec le magistère posthume que leministre peut continuer à exercer après sa mort parses écrits. Cette notion de magistère posthume estcelle que l’on trouve aussi chez les protestants. PourLuther, le Christ a institué un magistère vivant etauthentique dont le sujet unique et exclusif fut lecollège apostolique; les apôtres ont exercé cemagistère d’abord de vive voix en prêchant puis parl’écrit en faisant œuvre d’hagiographes inspirés; unefois le canon des Écritures achevé, le magistèrevivant cesse et il n’y a plus que le témoignage desÉcritures que chaque fidèle peut interpréter en étantimmédiatement éclairé par l’Esprit-Saint. VoirTIMOTHÉE ZAPELENA, SJ, De Ecclesia Christi, 1954,t. 2, thèse 16, § 1, p. 120-121.13. «… quæ ordi nario totius Ecclesiæ per orbem

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c) Les modes concrets d’exerciceLes modes concrets d’exercice de ce

magistère ordinaire sont variables 14. De façondirecte et immédiate, ce magistère peuts’exercer tantôt par la prédication orale et tantôtpar l’écrit. La prédication orale du pape peutrevêtir de nombreuses expressions, telles queles allocutions en consistoire réservées auxcardinaux ou aux évêques, les sermons ouhomélies destinés au peuple catholique dansson ensemble, à quoi s’ajoutent de nos jours lesmessages radiophoniques ou télévisés. Laprédication orale des évêques peut revêtir denombreuses formes, et on doit y compter nonseulement tout ce que l’évêque prêche par lui-même, mais encore tout ce qu’il peut prêcherpar ses représentants (curés dans les paroisses,professeurs dans les séminaires ou dans lesfacultés d’enseignement catholique, prédicateursde retraites, etc.). Quant à la prédication del’écrit, elle correspond aux lettres encycliquesdu pape, aux décrets doctrinaux du Saint-Office,aux réponses de la commission biblique, auxlettres pastorales des évêques, etc. De façonindirecte et médiate, le magistère ordinaireuniversel peut s’exercer à travers l’approbationexplicite (celle d’un Imprimatur ou d’un Nihilobstat) qui est donnée à des catéchismes, auxdifférents manuels à l’usage des séminaires etdes écoles catholiques, aux écrits desthéologiens, aux décrets doctrinaux des concilesparticuliers. Le magistère ordinaire universelpeut encore s’exercer de manière indirecte àtravers l’approbation implicite qui est donnéedu fait même de l’usage, soit d’une doctrinespéculative, comme celle des Pères de l’Égliseou des théologiens, soit d’une disciplinepratique, comme celle de la liturgie ou du droit.

Comme exemples du magistère ordinaireimmédiat par la prédication écrite, on peut citerla lettre encyclique Diuturnum du29 juin 1881, où Léon XIII enseigne l’originedivine du pouvoir civil en s’appuyant sur lesÉcritures (dz 3151); la lettre encyclique Arca-num du 10 février 1880, du même Léon XIIIqui enseigne l’institution divine etl’indissolubilité du mariage ainsi que le droitde regard exclusif de l’Église sur ce sacrement(dz 3142-3143); l’encyclique Providentissimusdu 18 novembre 1893 où encore Léon XIIIenseigne comme de foi divine et catholique lanotion d’inspiration et celle d’inerrance (dz3293) ; l’encyclique Immortale Dei du1er novembre 1885, où Léon XIII toujoursenseigne l’indépendance absolue de l’Église àl’égard de tout pouvoir civil (dz 3168-3169); laProfession de foi du pape Pie IV du13 novembre 1564 (dz 1862-1870); le Sermentantimoderniste du 1er septembre 1910 (dz3537-3550). Dans la liturgie on peut citer : ledogme de la Sainte- Trinité (Préface de la fêteet tout l’office du bréviaire de la fête) ; ledogme de la virginité de la Mère de Dieu (danstout l’office de la Nativité) ; le dogme de lagrâce, spécialement contre le pélagianisme etle semi-pélagianisme (dans les oraisons du

dispersæ magisterio tanquam divinitus revelatatraduntur ideoque universali et constanti consensu acatholicis theologis ad fidem pertinere retinentur. »14. VACANT, ibid. §§ 650-657; TIMOTHÉE ZAPELENA,SJ, De Ecclesia, 1954, t. 2, thèse 17, § 3, p. 185-186.

15. Les partisans de cette thèse (principalementsédévacantistes) invoquent comme argument lediscours de MGR MARTIN, le 6 avril 1870 (Mansi,51/322) qui explique l’ajout du mot « universel » dansDei Filius (Dz 3011). Mais ce texte n’est pas ad rem.16. « Discours de clôture du Concile, le 7 décembre1965 » dans DC n° 1462 (2 janvier 1966), col. 64;

« Audience du 12 janvier 1966 » dans DC n° 1466(6 mars 1966), col. 418-420.17. Par cette expression de « magistère authentique »,les théologiens entendent aujourd’hui communémentl’enseignement d’un magistère non infaillible.

missel, spécialement après la Pentecôte) ; ledogme du Purgatoire (liturgie des défunts).

1.2 - DéfinitionLe magistère ordinaire et universel est non

un acte mais un ensemble d’actes par les-quels le pape et les évêques (Église enseignan-te) enseignent infailliblement les fidèles (Égliseenseignée). Ils n’enseignent pas comme causespartielles et concourantes du même acte,comme c’est le cas en concile; mais ils ensei-gnent chacun étant pour sa part cause totale deson propre acte.

La différence entre magistère solennel duconcile et magistère ordinaire universel esttriple. Les deux enseignements ne se différen-cient pas au niveau de la matière de l’acte quiest dans les deux cas l’objet de la foi. Il y ad’abord une différence accidentelle, qui décou-le de l’intention du sujet qui exerce le magistè-re (la finis operantis). Il y a ensuite deux diffé-rences essentielles, qui découlent l’une de lafin propre et objective de l’acte (la finis operisde l’acte, c’est-à-dire son objet formel) etl’autre du sujet qui exerce l’acte.

D’où en résumé :

1ère différence accidentelle selon l’intention del’auteur de l’acte, ou selon la finis operantisqui est une circonstance de l’acte ;

2 e différence essentielle selon l’objet formelde l’acte ou selon la finis operis;

3 e différence essentielle selon le sujet quiexerce l’acte.

12.1 - Première différence accidentelledu côté de l’intention de l’auteur de l’acteLa différence est le fait de vouloir mettre ou

non un terme à une controverse. Les évêquesexercent le plus souvent l’acte de magistèreordinaire lorsqu’ils enseignent l’objet de la foipour lui-même, en dehors de toute controverse.Les évêques exercent l’acte de magistèresolennel en concile le plus souvent lorsqu’ilsenseignent l’objet de la foi pour condamnerune erreur, et donc pour mettre un terme auto-risé à une controverse.

Cette différence existe, mais elle est acciden-telle. Ce n’est pas là ce qui explique la natureprofonde du magistère ordinaire universel, paropposition à celle du magistère solennel d’unconcile œcuménique. Si on y voit la différenceessentielle, on dit que les évêques exercent lemagistère ordinaire universel pourvu qu’ilsenseignent pacifiquement : qu’ils soient réunisen concile ou qu’ils soient dispersés n’importepas; auquel cas, il pourrait y avoir magistèreordinaire dans un concile, bien que, de fait, iln’y ait jamais eu jusqu’à Vatican II que dumagistère solennel dans les conciles 15. Cepoint de vue est défendu par tous ceux qui veu-lent faire du concile Vatican II un concileinfaillible. En effet, le pape Paul VI a déclaré àdeux reprises 16 que ce concile « a évité de pro-

mulguer des définitions dogmatiques solen-nelles engageant l’infaillibilité du magistèreecclésiastique » et a simplement voulu munirses enseignements de « l’autorité du magistèreordinaire suprême, manifestement authen-tique » 17. Si l’on postule que le magistère ordi-naire universel infaillible peut s’exercer aussibien lorsque les évêques et le pape sont dis-persés que lorsqu’ils sont réunis en concile, unconcile œcuménique pourrait donc exercer lesdeux sortes d’enseignement magistérielinfaillible : celui du magistère solennel et celuidu magistère ordinaire universel. Puisque lesdéclarations de Paul VI excluent la possibilitéd’un enseignement du magistère solennel àVatican II, ceux qui veulent à tout prix que cesenseignements soient infaillibles, sont obligésd’y voir l’enseignement du magistère ordinaireuniversel.

Certains en concluront que les enseigne-ments de ce concile s’imposent sans restrictionà l’adhésion de foi de tous les fidèles. D’autresen concluront que, les enseignements de ceconcile censé être infaillible étant manifeste-ment contraires aux dogmes de foi antérieure-ment définis, on se trouve en face d’unecontradiction dont on ne peut sortir qu’enadoptant la thèse sédévacantiste, c’est-à-dire en

LE COUR-RIER DE

ROME A ÉDITÉ

UNNOUVEAU

LIVRE

Cette étude, intitulée 1962-Révolution dansl’Église et réalisée avant 2002, fut publiée dejanvier 2007 à avril 2008 dans la revueCourrier de Rome. La clarté du texte, accompagné d’un très grandnombre de citations et de faits, donne à cetteétude toute sa valeur et met le lecteur devant lasituation actuelle de l’Église d’une manièreimpressionnante et tout à fait objective.Don Andrea Mancinella, prêtre du diocèsed’Albano Laziale (Roma), ordonné en 1983, enest l’auteur. Ce prêtre conscient que quelquechose n’allait pas dans l’Église a eu pour lapremière fois entre les mains la revue Sì Sì NoNo, cela l’a incité à faire des recherches et desétudes personnelles pour mieux comprendre lacrise que traversait l’Église. Ensuite ayantconstaté la désinformation générale du clergépour ce qui concerne la crise actuelle et laposition de Mgr. Lefebvre, il décida de publierla synthèse de son étude et de la distribuer àtous les prêtres de son diocèse pour mieux leurmontrer sa position de fidélité à la Romeéternelle.

Prix 14 euros + 2 euros pour le port

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disant que le pape et les évêques ont perdu leurlégitimité depuis le moment où Vatican II adéfini des hérésies.

Nous estimons pour notre part que le concileVatican II reste un concile œcuménique légiti-mement convoqué, organe d’un éventuel exer-cice du magistère solennel et qu’il ne sauraitéquivaloir à l’organe du magistère ordinaireuniversel; le pape Paul VI ayant explicitementrenoncé à exercer ce magistère solennel, lesenseignements propres de Vatican II ne sontpas couverts par l’infaillibilité, dès lors qu’ilsne se font pas l’écho du magistère infaillible ettraditionnel antérieur.

12.2 - Deuxième différence essentielledu côté de l’objet formel de l’acte

La différence est le fait d’énoncer ou non unedéfinition. Les évêques réunis sous le pape enconcile proposent l’objet de la foi en le définis-sant tandis que l’épiscopat dispersé proposel’objet de la foi sans pour autant le définir.Dans les deux cas, l’enseignement estinfaillible du côté du sujet enseignant ; et ducôté de l’objet enseigné, il énonce un dogme. Ily a cependant une différence car ce n’est pas lamême manière d’enseigner dans les deux cas.

En effet, dans la lettre Tuas libenter àl’archevêque de Munich, le pape Pie IX, lors-qu’il parle des dogmes de foi divine, réserve aumagistère solennel le privilège de définir cesdogmes (« expressis decretis definita sunt »),tandis qu’il attribue au magistère ordinaire uni-versel le soin de les transmettre (« tradun-tur ») et de les conserver (« retinentur »).

« S’il s’agissait de cette soumission qui doitse manifester par l’acte de foi divine, elle nesaurait être limitée à ce qui a été défini parles décrets exprès des conciles œcuméniquesou des pontifes romains de ce Siège aposto-lique, mais elle doit aussi s’étendre à ce que lemagistère ordinaire de toute l’Église répanduedans l’univers transmet comme divinementrévélé et, par conséquent, qui est retenu d’unconsensus unanime et universel par les théo-logiens catholiques, comme appartenant à lafoi. » (dz 2879).

Quelle différence y a-t-il entre « définir » et« transmettre »? Lorsqu’il définit, le pape ne secontente pas d’énoncer une proposition qui estformellement révélée; il énonce précisément,d’abord et avant tout, que la proposition for-mellement révélée, jusqu’ici transmise par lemagistère ordinaire de l’Église, est bel et bienformellement révélée; et il le fait en disant pré-cisément que cet objet en tant que déjà ensei-gné par l’Église 18 fait partie du dépôt desvérités révélées. L’acte de la définition est unjugement dont : 1) le sujet est la propositiondogmatique déjà enseignée jusqu’ici dans lecadre du magistère ordinaire universel (parexemple le dogme de l’Immaculée Concep-tion, tel que transmis dans l’enseignement ordi-naire du pape et des évêques à chaque époquede l’histoire); 2) et le prédicat est l’inclusiondans le dépôt de la révélation divine. C’est un

acte réflexe et cela veut dire qu’il suppose(comme sujet de l’énonciation qu’il formule)un autre acte, qui est précisément l’acte dumagistère ordinaire universel. À l’inverse,lorsque le pape et les évêques proposentl’objet de la foi sans faire de définition, leurjugement consiste simplement à énoncerl’objet révélé, de façon directe. L’acte dumagistère ordinaire universel est l’énonciationmême d’un mystère de foi. La vérité révéléeapparaît d’abord et avant tout dans son intelli-gibilité immédiate, telle que la présente lemagistère de l’Église 19 ; elle apparaît commeformellement révélée de manière seulementindirecte et implicite. Dans ce cas, on dit pré-cisément que le pape et les évêques transmet-tent le dépôt de la révélation 20.

Dans les deux cas du magistère ordinaireuniversel et du magistère solennel, l’objet del’acte est un dogme de foi infailliblement pro-posé. C’est l’enseignement explicite de DeiFilius (DS 3011) : « On doit croire de foi divi-ne et catholique tout ce qui est contenu dans laParole de Dieu, écrite ou transmise par la Tra-dition, et que l’Église propose à croire commedivinement révélé, soit par un jugement solen-nel, soit par son magistère ordinaire et univer-sel. » Le père Vacant le souligne : « Le conciledu Vatican range le magistère ordinaire sur lemême pied que les jugements solennels, sansfaire aucune distinction entre les vérités qui ensont l’objet. Les théologiens font de même.C’est donc que le magistère ordinaire possèdeune autorité suffisante pour rendre de foi[divine et] catholique une vérité qui ne l’étaitpas 21. » La différence est que le magistèresolennel donne à la vérité la note « de foi divi-

ne et catholique définie » tandis que lemagistère ordinaire universel lui laisse lasimple note « de foi divine et catholique ».Pour qu’une vérité soit un dogme, il faut et ilsuffit qu’elle mérite la note « de foi divine etcatholique ». Mais il y a deux catégories dedogme : dogme de foi divine et catholique etdogme de foi divine et catholique définie. Lepère Vacant 22 pense que la différence entredogme défini et dogme non défini est auniveau de la censure contraire : contredire unsimple dogme mérite une censure inférieure àl’hérésie (en général : « proche de l’hérésie »);tandis que contredire un dogme défini corres-pond à la censure de l’hérésie. Cet avis du pèreVacant n’est pas partagé par d’autres théolo-giens : le père Salaverri 23, le père Cartechini 24,le Sommaire de théologie dogmatique despères Panneton et Bourgeois 25 considèrent quela note d’hérésie est méritée par toute proposi-tion contraire au dogme, que ce dogme soit ounon défini.

Il en résulte qu’il n’y a pas entre le magistèreordinaire universel et le magistère solennel unedifférence formelle univoque. Ce sont deuxactes complémentaires : l’enseignement solen-nel « propose » (ou cause la visibilité) pluspleinement que l’enseignement ordinaire.Entre les deux, il y a une différence de degré.Et d’autre part, n’oublions pas que ce n’est pasla différence qui existe entre deux actes. C’estla différence qui existe entre d’un côté un acteet de l’autre un ensemble d’actes.

12.2 - Troisième différence essentielledu côté du sujet qui exerce l’acte

La différence est le fait d’être ou non réunien concile. Les évêques exercent l’acte demagistère solennel lorsqu’ils enseignent enétant rassemblés en concile. Ils sont alors par-ties d’un ensemble. Ils sont causes partielles defaçon proportionnelle, c’est-à-dire tous sousl’autorité de l’un d’entre eux qui est le pape. Ilscausent ainsi un seul et même acte 26. De faitc’est la plupart du temps pour dirimer unecontroverse.

Les évêques exercent l’acte de magistèreordinaire lorsqu’ils enseignent de façon dis-persée. Chaque évêque ordinaire exerce,comme cause totale, tout un ensemble d’actesd’enseignement à la tête de son troupeau.L’unanimité constante de tous ces actes singu-liers d’enseignement de tous les évêques, papecompris, constitue un critère de la révélation.Et de fait, c’est la plupart du temps en dehorsde controverse.

1.3 - ConclusionLe magistère ordinaire universel est une

expression suffisante de la prédication ecclé-siastique, qui possède déjà par elle-même toutel’autorité requise pour imposer les vérités divi-nement révélées comme des dogmes, dont laprofession est nécessaire au salut. Mais ce

18. Par exemple PIE IX en dz 2803 énonce :« definimus doctrinam quæ tenet… esse a Deorevelatam atque idcirco ab omnibus fidelibusfirmiter constanterque tenendam. »

19. VACANT, ibid. § 650, p. 110. « L’infaillibilité n’estassurée au magistère ordinaire qu’autant qu’ilenseigne une vérité comme proposée à la croyance de l’Église par le pape ou le corps épiscopal dispersé,agissant en vertu de leur pleine autorité. »20. Pour mieux comprendre, on pourrait donner desexemples, en s’appuyant sur deux autres cas enpartie semblables et censés mieux connus. On fait enphilosophie deux distinctions classiques. Lapremière distinction a lieu entre deux sortesd’opérations : l’opération in actu signato etl’opération in actu exercito. Cette distinction estexpliquée, par exemple, dans le commentaire deCajetan sur la Somme théologique, 1a pars, question16, article 2, n° 6. L’acte signé est un acte réflexe dedeuxième intention et il suppose l’acte exercé, quiest un acte de première intention. Ce rapport du signéà l’exercé est lui-même comparable (pour s’enrapporter à une deuxième distinction qui est encoremieux connue) au rapport qui existe entre l’exercicede la science au sens strict et l’exercice du senscommun. La ressemblance qui permet de rapprocherces trois rapports est la suivante : on a dans les troiscas la distinction entre l’énoncé d’un fait brut(« quia ») et l’énoncé du même fait sous la lumièredu principe dont découle ce fait (« propter quid »).Moyennant quoi, on peut dire (en quelque sorte) quel’acte du magistère solennel est au magistèreordinaire universel ce que l’acte signé est à l’acteexercé, c’est-à-dire ce que l’acte scientifique est àl’acte du sens commun.21. ID., ibid., § 662, p. 120. Le père Vacant parle enabrégé de « foi catholique », en utilisant uneterminologie différente de celle de Dei Filius. Laterminologie varie en effet d’un auteur à l’autre.Sous la plume de Vacant, « de foi catholique »signifie « de foi divine et catholique ».

22. ID., ibid., § 663.23. De Ecclesia, n° 896-897.24. De valore notarum theologicarum, ch 2, p. 10-20.25. Page 19.26. Le père Zapelena remarque que les décrets desconciles œcuméniques vont ainsi bénéficier d’unmeilleur conseil (ZAPELENA, ibid., p. 187).

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magistère ordinaire reste aussi dans les faits enrelation étroite avec le magistère solennel. Lepère Timothée Zapelena 27 remarque justementqu’on ne doit pas trop séparer ces deux formesde la prédication ecclésiastique et qu’il fautplutôt les associer étroitement puisqu’elles secomplètent. En effet, le magistère ordinaireuniversel est d’un très grand secours pour pré-parer les définitions du magistère solennel etpour les expliquer une fois qu’elles ont étépubliées ; d’autre part, le jugement solennelpeut dans certains cas clarifier la prédication dumagistère ordinaire universel, lorsque celle-cis’est trouvée en butte aux attaques de l’hérésieet lui donner non pas exactement plusd’autorité mais plus d’éclat, c’est-à-dire unemeilleure visibilité.

Ce lien qui existe entre les deux formes de laprédication ecclésiastique a son importance,puisqu’il manifeste la nature profonde de cetteprédication, qui est celle d’un magistère tradi-tionnel et constant. En particulier, le magistè-re solennel d’un concile œcuménique doits’appuyer sur la prédication du magistère ordi-naire universel et ne peut pas la contredire ni lachanger substantiellement.

DEUXIÈME PARTIELE MAGISTÈRE ORDINAIRE UNIVERSEL

EST INFAILLIBLE

2.1 - Valeur de cette infaillibilitéVatican 1 ne dit pas explicitement que le

magistère ordinaire est infaillible. Il est dit enDS 3011 que ce qui est enseigné par lemagistère ordinaire universel doit être cru defoi divine. Puisque ce qui est enseigné commedevant être cru de foi divine est enseignéinfailliblement, on infère de là que le magistèreordinaire universel enseigne infailliblement.L’infaillibilité du magistère ordinaire universelest conclusion théologique.

2.2 - Quel est le fondement del’infaillibilité du magistère ordinaire

universel ?On doit distinguer deux questions : qu’est ce

qui fonde l’infaillibilité du magistère ordinaireuniversel en soi ; qu’est ce qui fonde cetteinfaillibilité par rapport à nous, c’est-à-dire quelest le critère de visibilité de l’infaillibilité dumagistère ordinaire universel?

22.1 - Qu’est-ce qui fondecette infaillibilité en soi?

L’infaillibilité résulte de l’assistance promisepar le Christ à tout le corps épiscopal ensei-gnant, en Mt, 28/18-20. En effet, il y a dans cepassage l’institution de l’organe du magistèreordinaire universel, pourvu du charisme del’indéfectibilité. Le Christ dit en effet : « Etvoici que je suis avec vous. » Or, le sens decette expression, où on dit que « Dieu est avecquelqu’un », est très clair. Cette expression estutilisée constamment dans l’Écriture pour dési-gner la protection divine, dans ce qu’elle a decertain et d’invincible. Elle signifie une assis-tance qui ne souffre aucune défaillance dansl’accomplissement de la charge pour laquelleelle est promise et qui préserve à l’avance detout ce qui pourrait faire manquer la fin pour-

suivie. Or, les apôtres et tous ceux qui leursuccéderont à tout jamais reçoivent la promes-se de cette assistance du Christ, et celle-ci viseun effet très particulier. Dans ce passage leChrist dit : « Je suis avec vous lorsque vousallez enseigner ce qui est contenu dans la révé-lation de mon Évangile. » Voilà pourquoi nousdevons reconnaître sans le moindre doute quel’assistance promise dans ce passage, ainsi quel’indéfectibilité qui lui est associée, concerneprécisément la transmission intacte de la doc-trine authentique du Christ.

Remarquons encore qu’il y a dans ce passagel’institution du magistère ordinaire universel telque le Christ lui donnera son assistance defaçon continuelle et non seulement par inter-mittence. En effet, le Christ affirme encorequ’il assistera ses apôtres et leurs successeursnon pas certains jours ni dans certaines circons-tances, ce qui est le cas en Lc, 22/32, lorsqu’onparle de l’assistance promise à tous les succes-seurs de saint Pierre seuls, dans l’exercice deleur magistère solennel (locutio ex cathedra ouconcile œcuménique). Lorsqu’il est questiondu magistère ordinaire universel, le Christ ditau contraire : « tous les jours », ce qui exclutabsolument toute interruption, aussi brève soit-elle, ne serait-elle que d’un seul jour, et ne lais-se place à aucune déviation. Qu’entendre enco-re par « tous les jours »? À chaque siècle, àchaque génération, restera toujours debout lamême hiérarchie apostolique qui est la colonneet le fondement de la vérité 28 parce qu’elletransmet indéfectiblement l’Évangile reçu duChrist.

22.2 - Qu’est ce qui fondecette infaillibilité par rapport à nous?

C’est la question du critère de visibilité :qu’est-ce qui fait que l’acte du magistère ordi-naire universel va nous apparaître en tant quetel, et donc comme infaillible? Il y aurait deuxexplications possibles. 1ère explication : on voitqu’il y a enseignement infaillible du magistèreordinaire universel parce qu’on voit d’abordque le pape et tous les évêques de la terre sontunanimes dans l’instant présent de l’histoire. 2e

explication : on voit qu’il y a enseignementinfaillible du magistère ordinaire universelparce qu’on voit d’abord la constance dans letemps. Mais si l’on y réfléchit bien, cette diffé-rence d’explications ne devrait pas susciter devraie difficulté. En effet, on ne peut pas séparerl’unanimité de la constance, qui définissenttoutes les deux le magistère ordinaire universelen tant que tel et qui sont aussi toutes les deuxdes critères de visibilité 29. Il suffit seulementde distinguer entre critère et critère.

Comme l’explique le cardinal Billot dans sonTraité de l’Église du Christ, un critère de visi-bilité est tantôt négatif, tantôt positif. Si l’onprend l’exemple des notes de l’Église, qui sontles critères grâce auxquels on peut reconnaîtrequelle est la véritable Église fondée par Jésus-Christ et la distinguer des sectes schismatiquesou hérétiques, on peut observer cette distinc-

tion : « La note est positive lorsque sa simpleprésence suffit à démontrer la vérité de l’Égliseoù elle se trouve. La note est négative dans lamesure où son absence démontre qu’on n’a pasaffaire à la véritable Église, et où sa présenceinterdit simplement une telle déduction 30. » Dela même manière, si l’on a affaire à un critèrede visibilité qui est censé indiquer la présenced’un enseignement, on va retrouver la mêmedistinction. Le critère négatif joue en particu-lier le rôle d’une condition nécessaire, quoiquenon suffisante : si elle est remplie, on ne peutpas encore conclure à la présence del’enseignement; mais si elle fait défaut, on peutdéjà conclure à l’absence de cet enseignement.En l’occurrence, le fait qu’un enseignement nesoit pas constant, ni conforme à la Traditionobjective des siècles passés, est seulement unsigne négatif, mais il suffit déjà pour que nouspuissions reconnaître avec certitude l’absencede l’enseignement magistériel infaillible : unenseignement qui est contraire à la Traditionnon seulement ne peut pas être infaillible, maisne peut pas non plus s’imposer commel’exercice d’un véritable magistère.

Nous disons donc (pour mettre le propos enforme logique) : si les évêques et le pape ensei-gnent ici et maintenant dans le cadre de leurmagistère ordinaire universel infaillible, ilsenseignent nécessairement en conformité avecla tradition objective constante; et donc, si lesévêques et le pape n’enseignent pas ici et main-tenant en conformité avec la tradition objectiveconstante, ils ne peuvent pas enseigner dans lecadre de leur magistère ordinaire universelinfaillible 31.

27. ZAPELENA, ibid., p. 188.

28.TITE, 3/15.29. Voir LOUIS BILLOT, Tradition etmodernisme – De l’immuable tradition contre lanouvelle hérésie de l’évolutionnisme, Courrier deRome 2007, chapitre I, n° 47-50, p. 37-38.

30. LOUIS BILLOT, De Ecclesia Christi, 4e édition de1921, question 2, p. 120.31. Toute conséquence met en présence unantécédent et un conséquent, et elle consiste en ceque celui-ci suive celui-là. Une conséquence logiqueconsiste en ce que deux connaissances se suiventainsi dans la raison : la première une fois connuecomme vraie, la seconde l’est aussi. Par exemple,soit l’antécédent : la maison fume (effet); et soit leconséquent : la maison brûle (cause). Ainsi, dèsqu’on sait que la maison fume, on sait aussi que lamaison brûle, dès qu’il y a l’effet, il y a la cause.Sinon, il n’y aurait pas conséquence d’une chose àl’autre. Or la relation du conséquent à l’antécédentétant ce qu’elle est (l’antécédent ne pouvant pas êtresans que le conséquent soit aussi), il s’ensuitnaturellement que le conséquent ne peut pas ne pasêtre sans que l’antécédent ne soit pas non plus. C’estlà comme l’envers (ou la conversion) de touteconséquence : on a affaire à une deuxièmeconséquence, distincte de la première, où l’absencedu conséquent de la première conséquence (lamaison « ne »brûle « pas »: absence de la cause) agitcomme antécédent pour l’absence de l’antécédent dela première conséquence (la maison « ne »fume «pas » : absence de l’effet). Lorsqu’on comprend cecaractère convertible de chaque conséquence, ondispose d’un outil extrêmement utile pour apprécierindirectement sa rigueur, lorsqu’elle n’est pasévidente en elle-même. Car il arrive souvent,lorsqu’une conséquence n’est pas manifestementrigoureuse (ou au contraire lâche), que sa conversionle soit. Alors, simplement à regarder sa conversion,on saura à quoi s’en tenir avec la conséquence. Caril faut bien prendre garde à ne pas confondrel’inversion d’une conséquence (c’est-à-dire le faitd’intervertir son antécédent et son conséquent) avec

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Courrier de Rome6 Mai 2009

Cette deuxième affirmation donne le critèrenégatif dont parle le cardinal Billot : « SaintPaul parle de la fausse doctrine comme d’uneautre doctrine étrangère. Je t’ai demandé, dit-il à Timothée 32, de rester à Éphèse […] pourque tu donnes comme principe à certains de nepas donner un autre enseignement étranger.Autre exemple : Je m’étonne que si vite vousvous laissiez détourner de celui qui vous aappelés en la grâce de Jésus-Christ, pour pas-ser à une autre Évangile; non certes qu’il y enait un autre; seulement il y a des gens qui voustroublent et qui veulent changer l’Évangile duChrist 33. Si à une époque ou à une autre ondonne du dogme de la foi une explicationétrangère à celle que l’on donnait jusqu’ici,cette explication sera considérée comme hétéro-doxe, par opposition à l’orthodoxie, et on pour-ra reconnaître facilement et sans examencomme hérétique une affirmation, du simplefait qu’elle est absolument nouvelle, c’est-à-diresi elle introduit une signification différente de lasignification reçue dans la Tradition 34. »

C’est d’ailleurs ce critère négatif qui a servide point de repère à Mgr Lefebvre. « Nous nesommes pas contre le pape comme pape, maisnous sommes contre le pape qui nous enseignedes choses qui ont été condamnées par sesprédécesseurs. Ou bien nous sommes avec sesprédécesseurs qui ont proclamé la vérité detoujours, qui sont en concordance avec l’Églisedepuis les apôtres jusqu’au pape Pie XII. Oubien nous sommes avec le Concile et noussommes contre les prédécesseurs des papesactuels. Il faut choisir, il y a un choix à faire. Ilest évident que la Tradition se trouve avec les250 papes qui ont précédé le pape Jean XXIIIet le concile Vatican II. C’est clair. Ou alorsl’Église s’est toujours trompée 35. »

Ceci dit, il reste vrai que, d’autres critères devisibilité peuvent se prendre du côté du sujetqui exerce l’acte et attester l’unanimité des pas-teurs dans l’instant présent de l’histoire : onpeut vérifier, par exemple, que les évêques et lepape utilisent tous les mêmes expressions (parexemple, ils parlent tous de l’« Assomption dela Mère de Dieu » ou bien ils disent tous que« la Mère de Dieu a été élevée en son corps et

en son âme dans la gloire »), ils citent tous lesmêmes lieux apodictiques d’autorité (Écriture,Tradition), ils se citent mutuellement et en par-ticulier ils font tous référence au même ensei-gnement du souverain pontife donné dans untexte de référence. Moyennant tous ces signes,on peut constater l’unanimité des évêques dansl’instant présent. Mais cette unanimité auniveau du sujet suppose elle-même d’abord laconstance au niveau de l’objet. C’est en ce sensqu’il faut entendre la remarque du cardinalJean-Baptiste Franzelin : « Lorsqu’on est cer-tain qu’existe, avec son autorité, le magistèretoujours vivant qui est l’organe établi pourconserver la Tradition, il suffit de démontrerque l’unanimité de la foi se réalise à uneépoque ou à une autre chez les successeurs desapôtres pour pouvoir établir solidement qu’unpoint de doctrine fait partie de la révélationdivine et de la tradition apostolique 36. » Pourindiquer ce critère positif de l’unanimité pré-sente, Franzelin n’en oublie pas moins l’autrecritère négatif : si l’on observe que dans la pré-dication des hommes d’Église « un change-ment s’est introduit dans la profession de foiqui faisait jusqu’ici l’objet d’une adhésion una-nime, le oui remplaçant le non ou réciproque-ment », par le fait même cette prédication« n’est plus celle de l’Église du Christ 37 ». Laconstance de l’objet enseigné doit donc tou-jours rester à la base de l’unanimité des ensei-gnants.

TROISIÈME PARTIELE MAGISTÈRE CONCILIAIRE SELON BENOÎT XVI

3.1 - Une nouvelle optiqueLe magistère ordinaire universel se règle en

fonction du magistère solennel, puisqu’il s’enfait l’écho. Ce qui veut dire que le magistèreordinaire conciliaire doit se définir en tant quetel comme l’écho de Vatican II. Et nous voyonsbien que, de fait, il en va ainsi 38. Or, d’aprèsJean XXIII, l’intention de Vatican II futd’adopter « les modes de recherche et de

formulation littéraire de la pensée moderne » 39.Et peu avant son élection au souverainpontificat, le cardinal Joseph Ratzinger avaitclairement expliqué ce qu’il fallait entendre parlà : la pensée moderne s’identifie avec la culturedes Lumières, « définie en substance par lesdroits de la liberté » et qui « part de la libertécomme valeur fondamentale à l’aune de quoitout se mesure » 40. D’après ces deuxinterprétations autorisées de Jean XXIII et dufutur Benoît XVI, le concile Vatican II n’a pasvoulu changer directement la vérité de la

sa conversion. Par exemple, pour cette conséquencevraie : « s’il y a homme, il y a animal », la conversioncorrespondante, vraie elle aussi, est : « s’il n’y a pasanimal, il n’y a pas homme », tandis que l’inversion(qui est fausse) est : « s’il y a animal, il y a homme. »Un sophisme assez courant consiste à passer d’uneconséquence à son inversion (au lieu de saconversion). Par exemple, Voltaire dit dans leDictionnaire philosophique : « Si on connaît le vrai,on connaît le faux. Donc, si on connaît le faux onconnaît le vrai ». Il y a là une inversion et elle est fausse; en réalité, la conversion est : « si on neconnaît pas le faux, on ne connaît pas le vrai ». Enrevanche, saint Augustin raisonne correctementlorsqu’il dit dans La cité de Dieu : « Si je me trompe,je suis; celui qui n’est pas ne peut, en effet, setromper en aucun cas ».32. 1 Tm, 1/3.33. Gal, 1/7.34. CARDINAL LOUIS BILLOT, Tradition etmodernisme - De l’immuable tradition contre lanouvelle hérésie de l’évolutionnisme, Courrier deRome, 2007, n° 61, p. 45.35. MGR LEFEBVRE, « Homélie à Écône, le 14 mai1989 » dans Vu de haut n° 13 (automne 206), p. 70.

36. CARDINAL JEAN-BAPTISTE FRANZELIN, De divinaTraditione, Rome (4e édition), 1896, thèse 9, 1er

corollaire, p. 82. Traduction française : La Tradition,Courrier de Rome, 2008, n° 156, p. 120.37. CARDINAL JEAN-BAPTISTE FRANZELIN, De divinaTraditione, Rome (4e édition), 1896, thèse 9, 2e

corollaire, p. 82. Traduction française : La Tradition,Courrier de Rome, 2008, n° 159, p. 121.38. On peut en effet s’en tenir aux propos tenus parBenoît XVI, lors d’une interview donnée à latélévision polonaise le 16 octobre 2005 : « En parlantde l’héritage du pape tout à l’heure, j’ai oublié deparler des nombreux documents qu’il nous alaissés – 14 encycliques, beaucoup de lettrespastorales et tant d’autres – et tout ceci représenteun patrimoine richissime qui n’est pas encoresuffisamment assimilé dans l’Église. Je pense quej’ai pour mission essentielle et personnelle de ne paspromulguer de nombreux nouveaux documents maisde faire en sorte que ces documents soient assimilés,car ils constituent un trésor très riche, ils sontl’authentique interprétation de Vatican II. Noussavons que le pape était l’homme du Concile, qu’ilavait assimilé intérieurement l’esprit et la lettre duConcile et, par ces textes, il nous fait vraimentcomprendre ce que voulait et ce que ne voulait pas leConcile. » (BENOÎT XVI, « Entretien à la télévisionpolonaise, le 16 octobre 2005 » dans DC n° 2346(20 novembre 2005), p. 1051).

39. « Nous n’avons pas non plus comme premierbut de discuter de certains chapitres fondamen-taux de la doctrine de l’Église, et donc de répéterplus abondamment ce que les Pères et lesthéologiens anciens et modernes ont déjà dit. […] Ilfaut que […] cette doctrine certaine et immuable, quidoit être respectée fidèlement, soit approfondie etprésentée de la façon qui répond aux exigences denotre époque. […] On devra recourir à une façonde présenter qui correspond mieux à unenseignement de caractère surtout pastoral. »(JEAN XXIII, « Discours d’ouverture, 11 octobre1962 » dans DC n° 1387 (4 novembre 1962), col.1382-1383). JEAN XXIII reprendra la même penséedans une allocution adressée au Sacré Collège le23 décembre 1962. Il dit : « [La doctrine de l’Église]doit être étudiée et exposée suivant les modes derecherche et de formulation littéraire de la penséemoderne, en se réglant, pour les formes et lesproportions, sur les besoins d’un magistère dontle caractère est surtout pastoral. » (DC n° 1391(6 janvier 1963), col. 101). L’intention du concileVatican II, clairement explicitée par son interprèteauthentique le pape Jean XXIII, a été d’exercer unmagistère pastoral, c’est-à-dire d’étudier et deprésenter la doctrine catholique selon le mode derecherche et de formulation littéraire de la penséemoderne. L’intention fondamentale du Concile (onpourrait dire en termes techniques : son objet formelspécificateur) est de procéder selon une méthodemoderne. Le problème posé par le Concile estmoderne; il est un aggiornamento; c’est un concilepastoral. Ces trois expressions sont équivalentes. Toutle concile doit donc être interprété sous cette lumièrepour être correctement compris.40. Peu avant son élection au souverain pontificat, lecardinal Joseph Ratzinger avait clairement expliquéen quoi consiste cette pensée moderne, cette culturedes Lumières avec laquelle le concile Vatican II avoulu se réconcilier : « Le concile Vatican II, dans laConstitution pastorale sur l’Église dans le monde dece temps a remis en évidence cette correspondanceprofonde entre le christianisme et les Lumières,essayant d’arriver à une véritable conciliation entrel’Église et la modernité, qui est le grand patrimoineque doivent sauvegarder chacune des deux parties.[…] Cette culture des Lumières est définie ensubstance par les droits de la liberté, elle part de laliberté comme valeur fondamentale à l’aune de quoitout se mesure : la liberté du choix religieux, ce quiinclut la neutralité religieuse de la part de l’État; laliberté d’expression de ses opinions, à condition dene pas mettre en doute ce principe lui-même;l’organisation parlementaire sur les organismes del’État, et donc le contrôle parlementaire sur lesorganismes d’État; la liberté de formation des partis;l’indépendance de la magistrature; et enfin la tutelledes droits de l’homme et l’interdiction desdiscriminations. » (CARDINAL JOSEPH RATZINGER,« L’Europe dans la crise des cultures - Conférenceprononcée à Subiaco lors de la remise du Prix Saint-Benoît pour la promotion de la famille en Europe, levendredi 1er avril 2005 » dans DC Hors-série 1,Cardinal Ratzinger : Discours et conférences deVatican II à 2005, 2005,, p. 121-124).

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doctrine, mais la proposer d’un point de vuenouveau : du point de vue de la liberté. Lesdeux points culminants de cet enseignementsont la déclaration Dignitatis humanæ sur laliberté religieuse et la constitution pastoraleGaudium et spes sur l’Église dans le monde dece temps.

Mais on peut bien se demander comment ilserait possible de concilier ce nouveau pointde vue avec la Tradition de l’Église. En effet,la vérité révélée par Dieu est exprimée dansdes concepts qui correspondent à une philoso-phie bien déterminée. Celle-ci est la philoso-phie naturelle à l’intelligence humaine et c’estla seule possible : philosophie de l’être, quidonne le primat à l’intelligence sur la volontéet donc sur la liberté, et où la vérité se définitcomme l’exacte conformité de la faculté intel-lectuelle à la réalité, « adæquatio rei et intel-lectus ». On ne peut pas changer cette philoso-phie naturelle, en donnant le primat à laliberté, sans altérer profondément la révélationdivine, sans modifier le sens des expressionsdogmatiques 41. Dans le Motu proprio Docto-ris angelici du 29 juin 1914, le pape saint PieX rappelle le lien nécessaire qui existe entreune saine philosophie, la philosophie pérenned’Aristote et de saint Thomas, et l’intelligenceauthentique des dogmes révélés : « Les pointscapitaux de la philosophie de saint Thomas nedoivent pas être placés dans le genre des opi-nions au sujet desquelles on peut disputer enl’un et en l’autre sens, mais bien regardéscomme les fondements sur lesquels toute lascience des choses naturelles et divines setrouve établie; et si on les retire ou si on lesaltère en quelque manière que ce soit, il enrésulte encore nécessairement cette consé-quence que les étudiants en sciences sacréesne perçoivent même plus la signification desmots par lesquels les dogmes que Dieu arévélés sont proposés par le magistère del’Église. C’est pour cela que nous avons vouluque tous ceux qui travaillent à enseigner laphilosophie et la théologie sacrée fussent aver-tis que s’ils s’éloignaient d’un seul pas, surtoutdans les choses de la métaphysique, de saintThomas d’Aquin ce ne serait point sans ungrand détriment. ». Voilà pourquoi, le concileVatican II pouvait difficilement proposer ladoctrine révélée du point de vue nouveau« des modes de recherche et de formulationlittéraire de la pensée moderne », sans courirle risque d’altérer profondément l’intelligenceet le sens du dépôt de la foi.

3.2 - De la Tradition de l’Égliseà la nouvelle tradition vivante

Benoît XVI cherche néanmoins à établir une

continuité entre Vatican II et les enseignementsdu magistère antérieur, lorsqu’il affirme que« Vatican II renferme l’entière histoire doctri-nale de l’Église » 42.

Jusqu’ici, tous les papes ont toujours ensei-gné, en conformité avec la révélation divine etdans la dépendance des paroles mêmes duChrist 43 que l’exercice du magistère a pourobjet de conserver et de transmettre sans altéra-tion substantielle le dépôt de la révélation sur-naturelle. Cela implique que le magistère apour fonction de prêcher avec autorité au nomde Dieu des vérités qui doivent rester inva-riables à travers toutes les époques del’histoire, c’est-à-dire des vérités éternelles.Dans ce cas, la prédication du magistère estcelle d’un magistère constant, et il n’est paspossible de la faire dépendre de la pensée dujour, passée, présente ou future, ancienne oumoderne. C’est bien ce qu’enseigne le concileVatican 1, dans la constitution dogmatiquePastor æternus, lorsqu’il dit : « Le Saint-Espritn’a pas été promis aux successeurs de Pierre,afin qu’ils publient une nouvelle doctrine quele Saint-Esprit leur révélerait, mais afin qu’ilsgardent saintement et exposent fidèlement ledépôt de la foi, c’est-à-dire la révélation trans-mise par les apôtres, avec l’assistance du Saint-Esprit 44. » Et dans le Syllabus le pape Pie IX ad’ailleurs condamné cette idée d’un aggiorna-mento doctrinal, avec la proposition suivante :« Le pontife romain peut et doit se réconcilieret composer avec le progrès, le libéralisme et laculture moderne 45. »

Si on estime en revanche, avec le papeBenoît XVI, que l’exercice du magistère a pourobjet non plus un enseignement magistral,mais un dialogue entre la foi et la raison, lemagistère a pour fonction de proposer la doc-trine révélée dans la dépendance du progrès dela pensée philosophique. L’acte du magistèreest le moment d’une histoire, l’étape présented’un mouvement, et la Tradition doit se conce-voir dans une optique résolument historique.Ainsi raisonne le pape Benoît XVI, dans sondiscours du 22 décembre 2005, où il reprendd’ailleurs les déclarations majeures de JeanXXIII, pour expliquer quelle fut l’intention duconcile Vatican II. Il fallait présenter la véritéen tenant compte des éléments essentiels de lapensée moderne et c’est pourquoi le concile ainauguré une étape nouvelle dans les rapportsqui doivent exister entre la foi et la penséehumaine. Ces rapports doivent en effet évoluerau gré de l’histoire, car la foi doit chercher às’exprimer de la manière qui convient à lapensée de son temps. Selon Benoît XVI, il yaurait là un principe de base clairement exprimépar la révélation dans l’épître de saint Pierre (1Pe, 3/15). Le concile Vatican II a été vis-à-visde la pensée moderne issue du XVIIIe siècle ceque saint Thomas fut vis-à-vis de la pensée aris-totélicienne du XIIIe siècle. L’intention de ceconcile fut donc bien de proposer la vérité de

foi en fonction de la pensée moderne et donc dese réconcilier avec celle-ci 46.

3.3 - Un postulat historicisteLa continuité dont parle le pape actuel doit

donc s’entendre comme la continuité d’unmême mouvement. Ce n’est pas la continuitéd’une même doctrine immuable, qui esttransmise et proposée par le magistère à traversle temps, tout en demeurant toujourssubstantiellement identique. C’est la continuitéd’une histoire, au cours de laquelle les hommesd’Église s’efforcent de « placer la foi dans unerelation positive avec la forme de raisondominante à son époque » 47. Voilà pourquoi,dans l’esprit de Benoît XVI, dire que « VaticanII renferme l’entière histoire doctrinale del’Église », c’est affirmer une continuité et nonune rupture. Mais c’est la continuité d’uneévolution. En effet, cela signifie que lesenseignements du dernier concile s’inscrivent àleur place dans le cadre d’un mouvementhistorique, où l’Église essaye de résoudre « leproblème éternel du rapport entre foi et raison,qui se présente sous des formes toujoursnouvelles » 48.

Il semble bien difficile d’accorder unepareille conception avec l’enseignement duconcile Vatican 1, dans le chapitre IV de laconstitution dogmatique Dei Filius, où il est ditque « la doctrine de foi que Dieu a révélée n’apas été proposée comme une découverte

41. « Toutes les philosophies n’ont pas la mêmevaleur, mais (pour reprendre la belle image de saintAugustin, dans son De doctrina christiana, livre II,chapitre 40, n° 60 dans PL, 34/63) les unes sontcomme les idoles de l’Égypte, que le peuple d’Israëldevait détester et fuir, tandis que d’autres sontcomme les ustensiles et les récipients d’or et d’argentque, sur l’ordre de Dieu, ce peuple s’appropria enquittant l’Égypte, pour en faire un meilleurusage. » — CARDINAL LOUIS BILLOT, Tradition etmodernisme - De l’immuable tradition contre lanouvelle hérésie de l’évolutionnisme, Courrier deRome, 2007, n° 230, p. 144.

42. BENOÎT XVI, ibid., p. 320.43. Mt, 28/19-20 : « Allez, enseignez toutes lesnations […] et en leur enseignant à observer tout ceque je vous ai commandé; et voici que je suis avecvous tous les jours jusqu’à la fin du monde. »44. DS 3070.45. Proposition condamnée n° 80 dans DS 2980.

46. « Le pas accompli par le Concile vers l’époquemoderne qui de façon assez imprécise a été présentécomme une “ouverture au monde” appartient endéfinitive au problème éternel du rapport entrefoi et raison, qui se présente sous des formestoujours nouvelles. La situation que le conciledevait affronter est sans aucun doute comparable auxévénements des époques précédentes. Saint Pierre,dans sa première Lettre, avait exhorté les chrétiens àêtre toujours prêts à rendre raison (apologia) àquiconque leur demanderait le logos, la raison deleur foi (cf. 3, 15). Cela signifiait que la foi bibliquedevait entrer en discussion et en relation avec laculture grecque et apprendre à reconnaître à traversl’interprétation la ligne de démarcation, maiségalement le contact et l’affinité qui existait entreelles dans l’unique raison donnée par Dieu.Lorsqu’au XIIIe siècle, par l’intermédiaire desphilosophes juifs et arabes, la pensée aristotélicienneentra en contact avec le christianisme médiévalformé par la tradition platonicienne, et que la foi et laraison risquèrent d’entrer dans une oppositioninconciliable, ce fut surtout saint Thomas d’Aquinqui joua le rôle de médiateur dans la nouvellerencontre entre foi et philosophie aristotélicienne,plaçant ainsi la foi dans une relation positive avecla forme de raison dominante à son époque. Ledouloureux débat entre la raison moderne et la foichrétienne qui, dans un premier temps, avait connuun début difficile avec le procès fait à Galilée, connutassurément de nombreuses phases, mais avec leconcile Vatican II, arriva le moment où une nouvelleréflexion était nécessaire. Dans les textesconciliaires, son contenu n’est certainement tracéque dans les grandes lignes, mais cela a déterminé ladirection essentielle, de sorte que le dialogue entrereligion et foi, aujourd’hui particulièrementimportant, a trouvé son orientation sur la base duconcile Vatican II. » (BENOÎT XVI « Discours à lacurie romaine du 22 décembre 2005 » dans DCn° 2350, p. 61-62.47. BENOÎT XVI, ibid.48. ID., ibid.,.

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Courrier de Rome8 Mai 2009

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philosophique à faire progresser par la réflex-ion de l’homme, mais comme un dépôt divinconfié à l’Épouse du Christ pour qu’elle legarde fidèlement et le présente infaillible-ment. En conséquence, le sens des dogmessacrés qui doit être conservé à perpétuité estcelui que notre Mère la sainte Église a présentéune fois pour toutes et jamais il n’est loisiblede s’en écarter sous le prétexte ou au nomd’une compréhension plus poussée. “Quecroissent et progressent largement et intensé-ment, pour chacun comme pour tous, pour unseul homme comme pour toute l’Église, selonle degré propre à chaque âge et à chaquetemps, l’intelligence, la science, la sagesse,mais exclusivement dans leur ordre, dans lamême croyance, dans le même sens et dans lamême pensée” (Saint Vincent de Lérins) » 49.

ÉPILOGUE

4.1 - Un dilemme inchangéNous retrouvons ici le même dilemme, où

l’on est quand même bien obligé de choisirentre deux conceptions différentes de la Tradi-tion. D’une part, une Tradition conçue commela transmission fidèle d’une doctrine substan-tiellement immuable; de l’autre, une Traditionvivante conçue comme un mouvement histo-rique. Encore théologien, Joseph Ratzingers’en était d’ailleurs clairement expliqué :« Non seulement on doit dire que l’histoire desdogmes, dans le domaine de la théologiecatholique, est fondamentalement possiblemais encore que tout dogme qui ne s’élaborepas comme histoire des dogmes est inconce-vable 50 »; et c’est pourquoi « la formation duconcept de Tradition dans le catholicisme post-tridentin constitue le plus grand obstacle à unecompréhension historique de la réalité chré-tienne 51 ». En effet, le concept post-tridentin deTradition suppose que la révélation a étéachevée à la mort du dernier des apôtres et quedepuis elle demeure substantiellementimmuable. Or, « l’axiome de la fin de la révéla-tion avec la mort du dernier apôtre », expliqueJoseph Ratzinger, « était et est, à l’intérieur dela théologie catholique, un des principaux obs-tacles à la compréhension positive et historiquedu christianisme : l’axiome ainsi formulén’appartient pas aux premières données de laconscience chrétienne 52 ». […] « En affirmantque la révélation est close avec la mort du der-nier apôtre, on conçoit objectivement la révéla-tion comme un ensemble de doctrines que Dieua communiquées à l’humanité. Cette communi-cation prit fin un certain jour et les limites decet ensemble de doctrines révélées restèrentainsi fixées en même temps. Tout ce qui vientaprès serait ou la conséquence de cette doctrineou la corruption de celle-ci 53. » Or, « non seule-ment cette conception s’oppose à une pleinecompréhension du développement historiquedu christianisme mais est même en contradic-tion avec les données bibliques 54. ».

On ne voit pas très bien comment il seraitpossible de concilier ces propos avec les ensei-gnements du pape saint Pie X. Dans le DécretLamentabili, celui-ci condamne en effet lesdeux propositions suivantes : « La révélation,qui est l’objet de la foi catholique, n’a pas étéachevée par les apôtres 55 » et : « Les dogmesque l’Église présente comme révélés ne sontpas des vérités tombées du ciel, mais une inter-prétation de faits religieux que l’esprit humains’est donné par un laborieux effort 56. »

4.2 - Geler le magistère ?Dans ces conditions, peut-on dire qu’il ne

faut pas « geler l’autorité du magistère del’Église en 1962 »? Si l’autorité du magistèreest « gelée » au sens où elle ne pourrait pluss’exercer du tout après cette date et que seulevaudrait par elle-même la doctrine déjà pro-posée dans les actes du magistère antérieur, ilen résulte qu’il n’y aurait plus dans l’Églisequ’un magistère posthume par opposition à unmagistère vivant. Or, nous savons bien quel’institution divine de l’Église rend nécessaireune autorité sociale qui s’exerce à chaqueépoque de l’histoire, dans le cadre d’une prédi-cation vivante parce qu’actuelle, et que cetteprédication du magistère a pour tâche de pro-poser avec autorité, d’expliquer et de clarifier,toujours dans le même sens, le dépôt de la foi.En ce sens, il est bien clair que l’Église catho-lique ne saurait se définir, par principe, comme« l’Église des sept ou des vingt premiersconciles œcuméniques ». Mais d’autre part, ilest indubitable que l’autorité de ce magistèrevivant doit s’exercer à chaque époque del’histoire pour transmettre sans altération ledépôt de la foi définitivement révélé, et en cesens, pour reprendre l’expression imagée dupape actuel, tout est « gelé » dès la mort del’apôtre saint Jean et la doctrine catholiquedemeure substantiellement immuable : « Lesdéfinitions sont statiques, les définitions sontdéfinitives, le Credo est quelque chose de défi-nitif, on ne peut pas changer le Credo 57. » Or,nous sommes bien obligés de le constater :pour Benoît XVI, si « on ne peut pas gelerl’autorité du magistère de l’Église en 1962 »,cela s’explique parce que « Vatican II renfermel’entière histoire doctrinale de l’Église », c’est-à-dire parce que la Tradition est vivante. Maisnous retrouvons là la notion déjà indiquée parJean-Paul II dans le Motu proprio Ecclesia Deiafflicta., notion qui constitue une nouveautéinouïe par rapport aux enseignements dumagistère d’avant Vatican II.

4.3 - La vraie solution appellela vraie question

Il reste que, sur un point, on doit reconnaîtreà Benoît XVI le mérite de la clarté. Exprimantson intention de rattacher à l’avenir la commis-sion pontificale Ecclesia Dei à la congrégationpour la doctrine de la foi, le pape explique ences termes le sens de ce vœu : « Il devient clairainsi que les problèmes qui doivent être traités àprésent sont de nature essentiellement doctrina-

le et regardent surtout l’acceptation du concileVatican II et du magistère post-conciliaire despapes 58. » La levée de l’excommunication est« une mesure dans le domaine de la disciplineecclésiastique. […] Il faut distinguer ce domai-ne disciplinaire du domaine doctrinal » 59.

S’il y a toujours plusieurs points de vue pos-sibles, il est difficile d’en suivre un et impos-sible d’en suivre plusieurs à la fois. Faute dedistinguer la nature des véritables enjeux quirendent nécessaires des discussions entre laFraternité Saint-Pie X et le Saint-Siège, touteffort pour dissiper les malentendus n’auraitpour effet que de les multiplier. Si l’on s’entient aux récentes déclarations que nous avonscitées et analysées, on peut se rendre compteque le pape y délimite sans équivoque le pointlitigieux, dont la solution devra être au centred’une éventuelle discussion doctrinale, entre leSaint-Siège et la Fraternité Saint-Pie X. Il fau-dra commencer par s’entendre sur la naturemême de la Tradition et du magistère. C’estseulement au prix de cette première clarifica-tion que le concile Vatican II pourra fairel’objet d’une discussion sérieuse, et que l’onpourra espérer résoudre pour de bon les gravesproblèmes qui se sont posés jusqu’ici.

Abbé Jean-Michel Gleize

49. DS 3020.50. JOSEPH RATZINGER, Théologie et histoire. Notessur le dynamisme historique de la foi, 1972, p. 108,cité par Joaquim E. M. Terra, Itinerario teologico diBenedetto XVI, Roma, 2007, p. 66.51. ID., ibid., p. 65.52. ID., ibid., p. 64.53. ID., ibid.

54. ID., ibid..55. Proposition condamnée n° 21 dans DS 3421.56. Proposition condamnée n° 22 dans DS 3422.57. MGR LEFEBVRE, «Conférence à Ecône, le 18octobre1976 » dans Vu dehaut n° 13 (automne 206), p. 47.

58. BENOÎT XVI, « Lettre du 10 mars 2009 auxévêques de l’Église catholique » dans DC n° 2421,p. 319-320.59. ID., ibid., p. 319.

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s ì s ì no no« Que votre OUI soit OUI, que votre NON soit NON, tout le reste vient du Malin »

(Mt 5, 37)

Le numéro 3€

Juin 2009Mensuel - Nouvelle SérieAnnée XLIII n° 323 (513)

Conciles, par sa valeur et son enseignement?

Le livre de Mgr Gherardini, Concile Œcumé-nique Vatican II. Un discours à faire, que nousallons présenter maintenant, fait son entrée surscène en ce moment historique, offrant unesolution réelle à un problème réel. Étant donnéque dans l’Église, il ne peut y avoir disconti-nuité dans la doctrine (« l’herméneutique de larupture » étant donc rejetée) un dilemme inso-luble semble apparaître : si l’on accepte Vati-can II, comment s’accommoder des enseigne-ments de ce même Concile qui sont difficile-ment compatibles avec la ligne de la continuitédoctrinale? Si d’un autre côté on refuse VaticanII, qui est un Concile Légitime, approuvé parl’Église en la personne du Souverain Pontife etde tous les évêques en communion avec lui, nese place-t-on pas de fait en rupture avecl’Église elle-même?

PREMIER ASPECT DU DILEMME :« LA CONTRADICTION NE PERMET PAS… »Mgr Gherardini ne cache pas que le premier

aspect du dilemme n’est pas imaginaire, nisimplement contournable en affirmant que lestextes du Concile sont bons, et que seule leurinterprétation pose problème. Le problème, aucontraire, est bien réel. C’est vrai : les évêques,les Papes et le Concile lui-même ont à plu-sieurs reprises revendiqué l’appartenance deVatican II à la Tradition vivante de l’Église;toutefois, « la communication vitale entre sesdifférentes phases ne doit pas être déclamée,mais démontrée et de façon telle que sadémonstration coïncide avec la continuité aumoins substantielle de son contenu avec ceuxdes phases précédentes » 2. En effet, lorsque le

LE CONCILE VATICAN IIIl nous a semblé utile de présenter à nos lec-

teurs un ouvrage publié il y a peu en italien etqui sera prochainement traduit en français.L’auteur en est Mgr Brunero Gherardini, né en1925, qui fut doyen de la Faculté Théologiquede l’Université du Latran. Ce théologien derenom a publié plus de quatre-vingts ouvrageset plusieurs centaines d’articles. Il est actuelle-ment chanoine de la Basilique de Saint Pierrede Rome. Il peut être considéré comme le der-nier représentant de l’école romaine de théolo-gie illustrée par les Ottaviani, Tromp, Parente,Piolanti…

Dans ce livre, Mgr Gherardini étudie laquestion de la valeur du magistère du Concileet de son interprétation. Nos lecteurs y verrontsans doute une manière différente d’aborderles problèmes doctrinaux, mais pour arriverpratiquement aux mêmes conclusions que biende nos publications. Ce nouvel ouvrage al’avantage d’ouvrir un débat au cœur de laRome éternelle et donc de l’Église. La traduc-tion des citations est de notre rédaction, et lesréférences des pages sont celles de l’éditionitalienne.

Concilio Ecumenico Vaticano II — Undiscorso da fare.

Casa Mariana editrice, via Piano dellaCroce, 83040 Fringento (AV) Italia.E-mail : [email protected]

La rédaction

Nous ne pensons pas prendre de grandsrisques, ni nous trouver bien loin de la vérité enplaçant le nouveau livre de Mgr Gherardini, parordre d’importance, aux côtés du célèbre IotaUnum du professeur Romano Amerio. Et lesillustres présentations qui accompagnent lelivre – celle de S.E. Albert Malcom Ranjith,Secrétaire de la Congrégation pour le CulteDivin et la Discipline des Sacrements, et cellede S.E. Mgr Mario Oliveri, évêque du diocèsed’Albenga – Imperia, sur laquelle nousreviendrons à la fin de cet article – sont déjà unsigne de l’importance de ce travail. Leprofesseur Amerio eut le mérite de « donner unvisage » à la crise de l’après-Concile, quebeaucoup percevaient, mais que peuparvenaient à comprendre dans toute sa portée.Le philosophe suisse réussit à désamorcer la

première tentative d’endormir les âmesinquiètes, c’est-à-dire la tentative de faire croireque le nouveau cours ne proposait pas nova sednove. Il affirmait : « On cherche donc àdissimuler le passage « à autre chose » en lerangeant dans une autre catégorie, celle de lamodalité. On avance que la nouvelle idée de lareligion n’est qu’un mode nouveau d’exprimerla même religion et non le passage à unequiddité hétérogène, ce qui impliqueraitcorruption et perte de l’ancienne. Tout notrelivre est une récolte de preuves de cettetransition 1. »

Cette analyse, si elle n’en fut pas le point dedépart, renforça et rationalisa certainement larésistance de ceux qui ne se sentaient pas à leuraise dans l’après-Concile; c’est pourquoi IotaUnum et son auteur furent éclipsés du mondecatholique pendant longtemps. Mais bien quel’on ait cherché à exorciser cet ouvrage, il étaitdésormais clair qu’à partir du Concile, quelquechose de très sérieux et dangereux pour la foi,une sorte de virus mortifère, était entré scène,au point que pendant quarante ans la tonalitédominante de la symphonie catholique futl’idée de rupture. Il n’y avait donc aucun pro-blème à considérer et à prôner un ConcileŒcuménique comme un Concile de « ruptu-re », comme un nouveau commencement, uneannée zéro dans l’histoire du catholicisme.

On a dû attendre plus de quarante ans pouravoir une déclaration claire qui condamne cette« mode théologique ». Nous nous référons aucélèbre discours que Benoît XVI adressa en2005 à la Curie romaine, pointant « l’hermé-neutique de la rupture » comme incompatibleavec le catholicisme, et montrant dans« l’herméneutique de la continuité » le cheminà parcourir. Mais loin de résoudre le problème,ce discours en a soulevé un autre : commentparcourir concrètement ce chemin? « Hermé-neutique de la continuité » signifie-t-il fermerles yeux sur la discontinuité? « Herméneutiquede la continuité » signifie-t-il que Vatican II seplace dans la ligne de tous les précédents

1. R. AMERIO, Iota Unum. Étude des variations del’Église catholique au XXe siècle, NEL, Paris, 1987, §319. 2. B. GHERARDINI, Concile Œcuménique Vatican II. Un

Congrès théologique les 8, 9 et 10 janvier 2010 à Paris

Le thème de ce Congrès sera

LE CONCILE -UNE DISCUSSION À FAIRE

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Courrier de Rome2 Juin 2009

théologien florentin s’apprête à faire une analy-se détaillée des textes conciliaires, il fait remar-quer que dans ces textes se trouvent des affir-mations vraiment problématiques.

En se référant par exemple à la ConstitutionSacrosantum Concilium, au chapitre VI Vati-can II et Liturgie, il fait remarquer qu’« ici, il ya beaucoup plus qu’une porte ouverte [auxnovatores – ndr] : elle est grande ouverte.Tout d’abord on doit, du rite romain, sauver aumoins la substance, puis les diversités sontdites légitimes et… l’on n’indique pas du toutlesquelles d’entre elles sont réellement légi-times ni en quoi consiste la substance du riteromain. Cela peut être tout et le contraire detout… Certes, la porte est vraiment grandeouverte. Et si quelqu’un est passé à traverscette porte pour introduire dans l’Église nonpas une réforme liturgique qui mette en harmo-nie, sur la base de ses sources, la Traditionecclésiale avec les attentes d’aujourd’hui envue du lendemain, mais une liturgie éversive desa propre nature et de ses finalités primaires,alors en fin de compte le responsable est juste-ment le style conciliaire » 3.

Le chapitre VII, Le grand problème de laliberté religieuse, après avoir étudié attentive-ment la question de la liberté religieuse, tant dupoint de vue objectif que du point de vue sub-jectif, conclut que ce sont certaines affirma-tions, contenues dans le texte lui-même, quisont problématiques : « Le fait d’avoir déclaré[dans Dignitatis Humanæ – ndr] le choix reli-gieux exempt de toute coercition, inévitable-ment libre et responsable, rend évidente lacondition métaphysique et existentielle dusujet… Le niveau, par conséquent, est subjectifet le sujet est encadré dans une hypothèse desolipsisme absolu, c’est-à-dire absurde. Laconscience du sujet – de ce sujet – en fait,n’est jamais la seule réalité et n’est pas nonplus l’unique valeur 4. »

Au sein du même sujet, celui de la libertéreligieuse, telle qu’elle est considérée dansDignitatis Humanæ, apparaît un autre aspectproblématique. Écoutons Mgr Gherardini :« La déclaration conciliaire DH […] place latolérance en rapport avec la charité et sur labase de cette dernière, affirmant toutefois lasupériorité indiscutée de la charité. En fait,tandis que la tolérance essaie par elle-mêmed’éviter des maux pires et ouvre les portes« pro bono pacis » à une coexistence autrementimpossible entre la vérité et l’erreur, la libertéreligieuse de la déclaration conciliaire voitdans cette présence simultanée non pas un malà tolérer, ou un simple expédient pour éviterdes maux pires, mais un bien à affirmer, proté-ger et défendre, pour la sauvegarde du droitintersubjectif à l’autodétermination […] Unetelle façon d’imposer la réflexion sur la libertéreligieuse étonne, et même beaucoup, surtout sic’est un Concile Œcuménique qui l’impose. UnConcile, en fait, comme je l’ai indiqué à plu-sieurs reprises, est le garant indiscuté de ladoctrine vraiment catholique, le sommet suprê-me authentique et solennel du Magistère ecclé-siastique, lequel, toutefois, dans la DH, donnel’impression de s’être auto réduit au niveaud’un État éthique qui n’hésite pas à se considé-

rer comme la base de la moralité, au-dessus, etmême contre la base naturelle. Le fait d’avoirélevé la présence simultanée du vrai et du fauxà un bien à protéger peut répondre àl’impératif de la coexistence pacifique desdifférents ou des contraires, mais en soi et poursoi c’est un mal à éviter, soutenu par un absur-de paralogisme : un raisonnement faux quesoit l’équivoque, soit l’apparence, soitl’illusion fait paraître vrai 5. »

Si dans Dignitatis Humanæ est posée la préé-minence de l’élément subjectif sur l’élémentobjectif, dans Unitatis Redintegratio 6 ce prin-cipe est en quelque sorte absolutisé, en faisantpasser l’œcuménisme de la saine perspectiveconsistant à mettre en œuvre tous les efforts etles moyens possibles pour ramener les brebis àl’unique bercail du Christ, à une sorte de dia-logue pour le dialogue, au nom d’un présumérespect de la dignité de l’homme, qui empêche-rait tout prosélytisme 7 : selon Mgr Gherardini,en effet, par l’accent mis sur la dimension sub-jective, « Les bases anthropocentriques du dia-logue œcuménique étaient ainsi jetées; sur cesbases l’on pouvait tranquillement érigerl’édifice des “principes catholiques del’œcuménisme”, dans le but non pas de semettre en cordée avec les christianités diffé-rentes et opposées jusqu’au but d’un seul trou-peau avec un seul berger (Jn 10,16), mais d’enfaciliter l’engagement chrétien commun auservice de l’homme, chacune restant elle-mêmeet toutes arrêtées sur les lignes de départ 8. »

Sur cet œcuménisme, fils du virage anthro-pologique de la pensée contemporaine, MgrGherardini fait des observations pointues (etpar conséquent piquantes) qu’il a publiées dansla revue Divinitas, dont il est actuellement ledirecteur 9. Mais dans le livre, nous trouvonsd’un côté une plus grande pondération desrésultats néfastes que les « principes catho-liques de l’œcuménisme » ont entraînés, audétriment des âmes et de la cause œcuméniqueelle-même, et de l’autre côté une conscienceplus marquée « donnant la mesure de combienles prémisses œcuméniques ont pénétré pro-fondément presque dans tous les documents deVatican II » 10.

ENCORE SUR LE PREMIER ASPECT :QUAND CEUX QUI DOIVENT ÉCLAIRCIR

N’ÉCLAIRCISSENT PAS

Dans le dernier numéro de 2008 de Divinitas(alors qu’il avait certainement déjà mis la mainà la réalisation du livre que nous présentonsici), Mgr Gherardini mettait en lumière unautre problème : « Dans ce que j’ai appeléinterprétation officielle se cachait un défautqui, de façon compréhensible mais non légiti-me, contaminait la production historico-théolo-gique, ou du moins ceux qui, parmi les histo-riens et les théologiens, plus que de larecherche sur les perspectives sources, sepréoccupaient de rappeler Vatican II et sa vul-gate officielle. Un grave défaut, à mon humbleavis : non sans quelques rares exceptions, onjustifiait Vatican II en le reproposant 11. » Unepreuve plus que jamais évidente et incontes-table a été la déclaration de la Congrégationpour la Doctrine de la Foi Réponses à des ques-tions concernant certains aspects de la doctri-ne sur l’Église, du 10 juillet 2007. La deuxièmequestion et sa réponse se référaient à la vexataquœstio de la signification du subsistit in, àlaquelle Mgr Gherardini a consacré beaucoupde son temps, pour en donner une interpréta-tion conforme à l’enseignement traditionnel del’Église. L’ex-doyen de l’Université duLatran – qui a dû avouer : « Donner de l’un etde l’autre une interprétation le plus en lignepossible avec la doctrine traditionnelle relevaitde la quadrature du cercle 12 » – n’a toutefoispas trouvé de soutien dans la déclaration, quis’est limitée à réaffirmer l’ambiguïté du texteconciliaire 13.

L’interprétation métaphysique du subsistit in 14

par Mgr Gherardini résoudrait le vieux problè-me, s’il n’y avait pas, à côté du texte de LG 8,d’autres textes qui au contraire sapent à la basecette correcte interprétation, « élargissant » lesfrontières de l’Église. C’est Mgr Gherardinilui-même qui le révèle avec lucidité : « Dureste, le fait d’avoir reconnu comme élémentsde l’Église du Christ les biens multiples desanctification et de vérité qui existent en dehorsdu Catholicisme, a fait paraître pour la plupartune dilatation des frontières de la Catholicitépartout où ces biens se trouveraient. D’où ladéfinition d’une nouvelle catholicité […] com-prenant aussi bien l’Église Catholique que lescommunautés ecclésiales dotées des biens indi-qués ci-dessus et confluantes, avec l’Église

discours à faire. Frigento, 2009, p. 131.3. Ibid., p. 147.4. Ibid., p. 181.

5. B. GHERARDINI, Concile Œcuménique Vatican II. Undiscours à faire, p. 183-184.6. Sur ce sujet voir le chap. VIII, Œcuménisme ousyncrétisme ?7. Il est vrai que sur le terme « prosélytisme », il fauts’entendre. Si l’en entend par là une action de force oude pression psychologique illégitime, elle estclairement antichrétienne. Mais l’accent excessif missur l’acception négative du terme a fait oublier que leterme « prosélyte » désigne « celui qui est à côté, quis’approche ». C’est donc un terme hautement positif,qui répond au commandement de Notre-Seigneurexprimé dans Mt. 28, 19 de « faire des disciples ».8. B. GHERARDINI, Concile Œcuménique Vatican II. Undiscours à faire, p. 190.9. Voir en particulier les articles suivants : UnitatisRedintegratio a quarante ans, in « Divinitas » 2 (2005),pp. 217-232 ; Œcumenica-1, in « Divinitas » 1 (2003),pp. 90-103 ; Œcumenica-2, in « Divinitas » 2 (2003),pp. 233-246 ; La « Charta Œcumenica » oudu « consensus différencié », in « Divinitas » 3 (2003)pp. 325-335.10. B. GHERARDINI, Concile Œcuménique Vatican II.Un discours à faire, p. 201.

11. B. GHERARDINI, Vatican II en jugement. « La grandeguerre du Concile », in « Divinitas » 3 (2008), p. 322.12. Ibid., p. 324.13. Nous rapportons le texte de la réponse : « Dans lenuméro 8 de la Constitution Dogmatique LumenGentium, “subsister” signifie la perpétuelle conti- nuité historique et la permanence de tous les élémentsinstitués par le Christ dans l’Église catholique, danslaquelle on trouve concrètement l’Église du Christ surcette terre. » Nous nous limitons à dire que le verbe« on trouve » n’est pas mélioratif, quant à la clarifica-tion, par rapport au « subsistit in » ; au contraire, ilfavorise encore davantage la « théologie deséléments » problématique d’Unitatis Redintegratio.14. Se référant à la Métaphysique d’Aristote, subsisterdans une réalité prend le sens d’être forme perceptivede cette réalité. En ce sens, l’Église du Christ fait toutun avec l’Église catholique (reprenant l’identité renduepar le terme est) et en est la forme perceptive ; d’où ils’ensuit que l’Église catholique a en elle et seulementen elle la raison de son être église.

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Catholique, dans l’Église du Christ. Laquelle,par conséquent, subsisterait non seulementdans l’Église gouvernée par le Pape et par lesévêques en communion avec lui, mais aussidans les communautés en tant qu’elles possè-dent des biens catholiques et sont ordonnées àl’unité catholique. Une telle interprétation estsuggérée par la logique d’UR 3/b, dont le textene semble pas guidé par une prudenceéclairée 15. » Le texte d’UR mentionné porte àune interprétation bien différente du subsistitin, difficilement conciliable avec l’enseigne-ment de l’Église : « Donc, si l’on s’en tient àces paroles [UR 3/b – ndr] et à leur interpré-tation œcuménique, il y a une unique Église duChrist, constituée non pas de la seule ÉgliseCatholique, mais de celle-ci et de celles quidétiennent des biens ci-dessus, par lesquelscette Église du Christ est justement “édifiée etvivifiée”. Il est évident que si cette Église estédifiée et vivifiée par les biens “de sanctifica-tion et de vérité”, même les communautésecclésiales qui en font partie – et non pas seu-lement la seule Église Catholique – sont ellesaussi des moyens de salut. L’enseignement dela “Mystici corporis”, selon laquelle on n’estincorporé dans l’Église que par la présencesimultanée de tous les liens d’appartenance, etpas seulement de tel ou tel lien, est alors renduvain ou annulé 16. »

On pourrait faire un discours analogue – etc’est ce qu’a fait Mgr Gherardini – sur l’autrepoint problématique de LG, à savoir la collé-gialité épiscopale 17.

En résumé : à côté d’affirmations qui appa-raissent en opposition avec l’enseignement tra-ditionnel de l’Église, il y en a d’autres, ambi-guës, qui pourraient être ramenées dans uneherméneutique de la continuité, mais qui, cefaisant, seraient démenties par d’autres affirma-tions peu orthodoxes du même Concile.Concernant ces points, il semble vraiment trèsdifficile, pour ne pas dire impossible, de réali-ser cette herméneutique de la continuité sou-haitée par le Saint-Père, au point que les inter-ventions autorisées n’arrivent pas à faire autrechose qu’expliquer ces textes du Concile par leConcile lui-même… 18

LE SECOND ASPECT DU DILEMME :L’AUTORITÉ DE VATICAN II

L’analyse des textes conciliaires pose un pro-blème sérieux, qui ne peut pas être simplementcontourné par un rejet indifférencié de VaticanII, en faisant comme si le Concile n’avaitjamais eu lieu, ou comme s’il n’était pas unConcile… Si le réalisme méthodologique, quicaractérise la saine philosophie, nous « oblige »à admettre l’existence de points problématiquesdans le texte de Vatican II, ce même réalismeexige de prendre acte que ce Concile a eu lieuet qu’il a été approuvé par un Souverain Ponti-fe légitime : « Un Vatican II en dehors et contrel’Église serait non seulement une absurdité his-

15. B. GHERARDINI, Concile Œcuménique Vatican II,cit. p. 232.16. Ibid., p. 233.17. Nous renvoyons directement au texte : cf. pp. 235ss.18. À cet égard, l’absence, dans les Responsa de laCongrégation pour la Doctrine de la Foi, de documentsantérieurs au Concile Vatican II, est embarrassante.Mais comment montrer la continuité de ce Concileavec le passé sans se référer à celui-ci ?

19. B. GHERARDINI, Concile Œcuménique Vatican II, p.233.20. Ibid., p. 80.21. Ibid.22. Ibid., p. 51-52.

23. PIE XII, Humani Generis, 12 août 1950.24. B. GHERARDINI, Concile Œcuménique Vatican II,pp. 48-49.25. Ibid., p. 51.

torico-théologique, mais aussi un élément enfaveur des soi-disant “sédévacantistes” et detous ceux qui – avec des argumentsdivers – en suivent le jugement inconsidérésur la non-authenticité du dernier Concile etdonc sur son manque d’autorité ecclésiale 19. »Un Concile approuvé par un Pape légitime,dont les documents (presque tous) ont étésignés par l’intégralité des Pères qui y ont prispart ne peut pas être facilement relégué à lapériphérie de l’autorité ecclésiale, ou comparéau conciliabule janséniste de Pistoie. La fidélitéaux faits empêche de penser Vatican II commes’il n’était pas un réel Concile œcuménique :« Il n’est donc même pas utile de dépenser enco-re quelques paroles pour une démonstration nonnécessaire de Vatican II comme véritable etauthentique Concile Œcuménique et donccomme un fait – et quel fait ! – inéquivocable-ment ecclésial, attenant à la vie, à la Foi et àl’histoire de l’Église 20. »

Vatican II, comme événement ecclésial, etmême comme acte du Magistère solennel del’Église, est donc reconnu par Mgr Gherardinicomme un fait, et… contra facta non valetargumentum. La constatation de la présenced’un esprit de rupture, d’aggiornamento ambi-gu chez une considérable partie des Pèresconciliaires, qui ont souvent adopté un tonpolémique 21, n’est jamais un argument suffi-sant pour attaquer l’autorité ecclésiale de Vati-can II, pour le rejeter ou le ridiculiser. Il est etdemeure un acte du Magistère solennel : « Sonenseignement […] n’en revêt pas moins unedignité et une autorité peu communes […]autant parce qu’il dérive du Magistère Solen-nel de l’Église, que parce que sa formulationmême peut être symptomatique de cette ditedignité et autorité 22. »

Mais alors, comment se placer, face à unConcile qui, en tant que tel, constitue un actedu Magistère Solennel de l’Église, mais qui defait recèle des textes problématiques?

LA SOLUTION DU DILEMME :PRENDRE LE CONCILE AU SÉRIEUX

Ce que donne Mgr Gherardini n’est pas àproprement parler une réponse définitive, maisune indication précieuse du chemin à parcourirpour rendre compte des deux faits : ceux quenous avons appelés les deux aspects du dilem-me. Deux faits, donc, qui ne sont pas posés parnous, mais dont nous devons simplementprendre acte. Nous espérons ne pas ennuyer leslecteurs en revenant sur ce point, mais il estd’une importance incalculable. Il y a en effetdes tendances « rationalistes » très fortes,tentées de « construire » une réalité conformeaux principes dont elles partent, mais qui n’aque peu de rapports avec les faits.

Un premier exemple est cette tendance qui neveut pas entendre parler des erreurs présentesdans les documents conciliaires. Lorsque l’onsoulève des objections objectives, commecelles rigoureusement démontrées par MgrGherardini, on répond que si nous ne compre-nons pas pourquoi il n’y a pas de contradiction,il n’est pas dit que la contradiction soit réelle :

au contraire, de foi, il faut croire fermementque le Magistère ne peut pas se contredire. Etl’on invoque à l’appui le § 365 des ExercicesSpirituels de saint Ignace, qui affirme : « Pourne pas nous écarter en rien de la vérité, nousdevons toujours être disposés à croire que cequi nous paraît blanc est noir, si l’Église hié-rarchique en décide ainsi. Car il faut croirequ’entre Jésus-Christ, notre Seigneur, qui estl’Époux, et l’Église, qui est son Épouse, il n’y aqu’un même esprit qui nous gouverne et nousdirige pour le salut de nos âmes, et que c’estpar le même Esprit et le même Seigneur quidonna les dix commandements qu’est dirigée etgouvernée notre Mère la sainte Église. » Il vade soi que le texte ignacien constitue uneobservation à caractère général, pour orienterles esprits des fidèles dans la direction du senti-re cum Ecclesia. Il ne rentre donc pas dans laspécificité de la question du Magistère, demême que nous n’y rentrons pas non plus,étant donné le caractère de présentation de cetarticle. Nous nous limitons à rappeler ce quesaint Ignace souligne : « Si l’Église hiérar-chique en décide ainsi ». Il est donc nécessairequ’il y ait une intention de définir quelquechose, afin que le type d’assentiment soit celuiindiqué. Plus proche de nous et avec plusd’autorité, Pie XII s’exprime ainsi : « Que sidans leurs Actes, les Souverains Pontifes por-tent à dessein un jugement sur une questionjusqu’alors disputée, il apparaît donc à tousque, conformément à l’esprit et à la volonté deces mêmes Pontifes, cette question ne peut plusêtre tenue pour une question libre entre théolo-giens 23. » Le passage souligné – par nous,évidemment – veut mettre en reliefl’importance décisive de retrouver la mens et lavoluntas d’une affirmation, pour en éclaircir ledegré d’assentiment. C’est sur cette ligne quese plaça S.E. Mgr Pericle Felici, lorsqu’il dutclarifier l’adhésion à donner aux documents duConcile Vatican II 24.

Mgr Gherardini rassemble alors les critèresdonnés par le cardinal Felici et les intentionsexplicites des Papes qui convoquèrent leConcile, et il montre – il ne déduit pas,n’élabore pas mais montre – l’absencedéclarée d’intentions de définir. C’est pourquoi« Ses doctrines [de Vatican II – ndr] ne sontpas reconductibles à des définitions précé-dentes, ne sont ni infaillibles ni irréformables,et donc ne sont pas non plus contraignantes :celui qui les nierait non pour cette raison pré-cise serait formellement hérétique. Et celui quiles imposerait comme infaillibles et irréfor-mables irait contre le Concile même 25. » Ladistinction réelle entre Magistère solennel etMagistère infaillible est donc un fait.

Il n’est pas d’une grande utilité deprotester – et c’est la seconde tendance deceux que j’ai appelé « rationalistes » – que,puisque tous les Conciles précédents, expres-sion du Magistère solennel, ont été infaillibles,alors Vatican II aussi doit jouir de la mêmeinfaillibilité. En effet nous ne pouvons pas nierle fait objectif que ce Concile, unique dansl’histoire, a explicitement refusé la voluntasdefiniendi et le don d’infaillibilité qui lui est lié.D’où la possibilité que des points faibles ou

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erronés s’y soient glissés, possibilité qui esthélas fort probable; et le livre de Mgr Gherar-dini est là pour le démontrer, après quaranteannées pendant lesquelles les éclaircissementsn’ont pas tous été faits, et d’autres doutes etproblèmes se sont accumulés…

L’issue est donc celle d’une reconsidérationattentive des documents conciliaires, selon uneherméneutique théologique également attentive(résumée par Gherardini au chap. III, § 2); ilfaut enfin prendre le Concile au sérieux pourdissiper le doute « si effectivement la Traditionde l’Église a été en tout et pour tout sauve-gardée par le dernier Concile et si, par consé-quent, l’herméneutique de la continuité évoluti-ve est son mérite indéniable et si l’on peut luien donner acte 26. » Il est nécessaire de faire cetravail parce que trop nombreux et trop gravessont les dommages qui détournent les âmes dela foi catholique; et c’est pour cette raison queMgr Gherardini termine son livre par une fer-vente supplique adressée au Saint-Père, pourque l’on réalise un examen scientifique desdocuments de Vatican II : « Si la conclusionscientifique de l’examen aboutit àl’herméneutique de la continuité comme laseule impérative et possible, alors il faudradémontrer – au-delà de toute assévérationdéclamatoire – que la continuité est réelle, etqu’elle ne se manifeste comme telle que dansl’identité dogmatique de fond. Dans le cas où,en tout ou partie, elle ne résulterait pas scienti-fiquement prouvée, il serait nécessaire de ledire avec sérénité et franchise, en réponse àl’exigence de clarté ressentie et attenduedepuis presque un demi-siècle 27. » Et il conclutainsi : « C’est l’ecclésiologie qui dans l’Église“une-sainte-catholique-apostolique” reconnaîtla présence mystérique de Notre-SeigneurJésus-Christ et selon laquelle le Pape, même“seorsim”, est toujours en mesure – pour ledire avec saint Bonaventure – de “reparareuniversa” même dans le cas où “omnia des-tructa fuissent”. Une seule parole de Vous suf-fit, Très Heureux Père, car c’est la Parole, pourque tout revienne dans le giron de la pacifiqueet lumineuse et joyeuse profession de l’uniqueFoi dans l’unique Église 28. »

UN DISCOURS À FAIRE…MAIS À QUELLES CONDITIONS ?

Lorsque l’on présente un livre, on met natu-rellement en évidence les notes dominantes etl’harmonie qui unit ces notes. Mais il y a unautre aspect qui, dans cet ouvrage de Mgr Bru-nero Gherardini, ne doit pas passer inaperçu, etqui en constitue en quelque sorte le doublefond. C’est ce que Mgr Oliveri, évêqued’Albenga-Imperia, fait apparaître dans sa pré-face au livre. Toute l’analyse de Mgr Gherardi-ni, imprégnée de sainte théologie et soutenuepar le Magistère de l’Église, se rattache à « uneconception philosophique, et donc aussi théo-logique (dans la mesure où l’attention concer-ne la Vérité) qui reconnaît à l’intellect humainsa vraie valeur et sa vraie nature, au point dele considérer capable d’atteindre et d’adhérerà une vérité qui est immuable, comme estimmuable l’être de toutes les choses, parce quede l’Être Absolu, de celui qui Est, il tire par

création sa nature. Mais l’intellect ne crée pasla vérité, puisqu’il ne crée pas l’être : l’intellectconnaît la vérité, quand il connaît le « ce quiest » des choses. En dehors de cette vision, endehors de cette Philosophie, tout discours surl’immuabilité de la vérité et sur la continuitéd’adhésion de l’intellect à la même vérité iden-tique ne tiendrait plus, ne serait absolumentplus soutenable. Il ne resterait plus qu’à accep-ter une mutabilité continuelle de ce quel’intellect élabore, exprime et crée 29. » Telledoit être la base commune pour une saineherméneutique du Concile. La continuité qu’ilfaudra vérifier à travers une analyse attentive,approfondie et pondérée des textes et dessources conciliaires doit être comprise dansl’horizon de la philosophia perennis quel’Église a toujours défendue et encouragée.Qu’il n’arrive jamais que l’herméneutique duConcile – et ce n’est pas un jeu demots – s’abîme dans les méandres del’herméneutique contemporaine, mais qu’aucontraire elle s’enracine dans l’« eodem dog-mate, eodem sensu eademque sententia » de StVincent de Lérins, que Vatican I a fait sien, etqui est le seul critère pour s’assurer que « telspassages, ou tels autres passages et affirma-tions du Concile, ne disent pas seulement« nove » mais aussi « nova », par rapport à laTradition pérenne de l’Église » 30.

Lanterius

ANNEXE :LETTRE DE S.E. MGR MARIO OLIVERI

Par un effet de votre grande courtoisie, vousavez voulu que je puisse lire avant sa publica-tion le contenu de votre méditation théolo-gique, qui sera éditée par la « Casa MarianaEditrice », sous le titre « Un Discours à faire »,et le discours concerne le Concile ŒcuméniqueVatican II.

J’ai lu le tout avec le même esprit assoifféque celui avec lequel j’ai jusqu’ici accueilli bonnombre de vos publications, plusieurs de voslivres, et beaucoup de vos articles. Le filconducteur de tous vos écrits est toujours celuiqui relie par un lien logique – et je dirais parun lien « de fer » – Vérité révélée et véritéméditée par l’intellect humain illuminé parla Foi, soutenu par la Théologie des Pères del’Église, systématisée par la grande Théologiescholastique qui s’est transmise au fil dessiècles; aidé par l’Enseignement du Magistèrede l’Église, qui jamais ne peut être en contra-diction avec lui-même, qui ne peut qu’avoir undéveloppement si homogène qu’il ne dirajamais « nova » mais tout au plus « nove »(selon la terminologie du « Commonitorium »de saint Vincent de Lérins).

Je me rends compte que par ces expressionsje me réfère à une conception philosophique,et donc aussi théologique (dans la mesure oùl’attention concerne la Vérité) qui reconnaît àl’intellect humain sa vraie valeur et sa vraienature, au point de le considérer capabled’atteindre et d’adhérer à une vérité qui estimmuable, comme est immuable l’être detoutes les choses, parce que de l’Être Absolu,de celui qui Est, il tire par création sa nature.Mais l’intellect ne crée pas la vérité, puisqu’ilne crée pas l’être : l’intellect connaît la vérité,

quand il connaît le « ce qui est » des choses.

En dehors de cette vision, en dehors de cettePhilosophie, tout discours sur l’immuabilité dela vérité et sur la continuité d’adhésion del’intellect à la même vérité identique ne tien-drait plus, ne serait absolument plus soute-nable. Il ne resterait plus qu’à accepter unemutabilité continuelle de ce que l’intellect éla-bore, exprime et crée.

Tout comme un discours sur le développe-ment homogène du dogme, ou del’Enseignement de l’Église à travers les siècles,dans le déroulement du temps et de l’histoire,ne pourrait plus se faire en envisageant la pos-sibilité qu’il soit compris, proposé et accueilli.Il faudrait se rendre à un « continuum fieri »sur le plan d’une « vérité » non plus connue etreconnue par l’intellect, mais élaborée par luisur la base de ce qui paraît et non de ce qui est.

Ce n’est certainement pas à vous qu’il fautfaire ce discours, mais en lisant votre médita-tion théologique, d’où ressort la nécessitéd’une véritable « herméneutique de la conti-nuité » à propos de l’enseignement de VaticanII, je n’ai pu m’empêcher d’exprimer l’une demes pensées et de la partager avec vous.

Votre publication montre avec une grandeclarté, avec cette clarté de pensée qui vous esthabituelle, en conséquence de votre finessed’intelligence ainsi que de votre très longueexpérience de Doyen, que dans l’Église il nepeut y avoir que de la continuité. Le seul faitd‘imaginer qu’il puisse y avoir « révolution,changement radical, mutation substantielle »sur le plan de la vérité et sur le plan de la viesurnaturelle de l’Église, dévie déjà du sain rai-sonnement théologique, puisque comme je l’aidit plus haut, il dévie également du sain raison-nement philosophique. Il ne dérange pas seule-ment la Foi, mais aussi la raison.

On parle nécessairement de continuité « insubstantialibus », et non pas « inaccidentalibus »; on parle de continuité avectout ce que « in sua materia » l’Église a tou-jours cru, professé, enseigné et vécu dans savraie réalité à travers les siècles, à partir de cedébut qui n’est pas humain, mais divin, qui nepeut être saisi que par un intellect illuminé parla Foi, soutenu par une volonté mue par laGrâce divine.

Votre discours, Éminent Professeur, permetd’affronter une profonde analyse de VaticanII et de son enseignement, formulé dans sesDocuments, tel qu’il porte à comprendre quemême là où le langage pourrait faire penser àune discontinuité avec le contenu théologiquequi se retrouve dans « tout le bagage doctrinalde l’Église » il ne peut que dire « nove » et nonpas « nova ». Et donc on ne peut pas plier le« bagage doctrinal de l’Église » à ce langage,mais ce dernier doit être interprété de façon àce qu’il ne dise absolument pas « nova » parrapport à la Tradition de l’Église.

Mais, attendu la nature du Concile et la naturediversifiée de ses Documents, je pense que l’onpeut soutenir que si d’une herméneutique théo-logique catholique il ressortait que telspassages, ou tels autres passages et affirmationsdu Concile, ne disent pas seulement « nove »mais aussi « nova », par rapport à la Traditionpérenne de l’Église, on ne se trouverait plusdevant un développement homogène duMagistère : on aurait là un enseignement pasirréformable, certainement pas infaillible.

26. B. GHERARDINI, Concile Œcuménique Vatican II, p.87.27. Ibid., p. 256.28. Ibid., p. 257.

29. Ibid., préface de Mario Oliveri, évêque, pp. 5-6.30. Ibid., p. 7.

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Je suis très réconforté d’avoir pu justementces jours-ci lire le discours du Saint-Père à laséance Plénière de la Congrégation pour leClergé. Parlant de la formation des Prêtres, Il aaffirmé : « La mission trouve particulièrementses racines dans une bonne formation, déve-loppée en communion avec la Tradition ecclé-siale ininterrompue, sans coupures ni tenta-tions de discontinuité. Dans ce sens, il estimportant de favoriser chez les Prêtres, surtoutchez les jeunes générations, une réception cor-recte des textes du Concile ŒcuméniqueVatican II, interprétés à la lumière de tout lebagage doctrinal de l’Église ».

Devant cet Esprit du Saint-Père, il est facilede penser qu’Il voudra donner une bonneconsidération à la Supplique, qu’en conclusionde votre méditation théologique sur le ConcileVatican II, votre âme de fils très dévot del’Église a voulu formuler au Successeur de

Pierre, demandant qu’au plus haut degré duMagistère soit réalisée « une mise au pointgrandiose et si possible définitive sur le Conci-le Vatican II dans chacun de ses aspects et deses contenus », qui touche sa vraie nature, quiindique ce que signifie qu’il a voulu se propo-ser comme un Concile pastoral. Quelle est,donc, sa valeur dogmatique? Tous ses docu-ments ont-ils la même valeur, ou non? Toutesles expressions présentes dans ses documentsont-elles la même valeur, ou non? Son ensei-gnement est-il entièrement irréformable?

Il est vrai que certaines réponses à ces ques-tions peuvent déjà se déduire de votre travail etdevraient pouvoir se dégager en se basant surles critères constants de jugement théolo-gique toujours suivis dans l’Église; mais per-sonne ne peut nier que dans l’abondante pro-duction « théologique » post-conciliaire, laconfusion à cet égard est grande et dense, et

l’incertitude doctrinale et pastorale est trèsdense.

Par conséquent permettez-moi, cher Profes-seur, et que le Saint-Père surtout me permet-te, de m’unir « toto corde » à Votre Sup-plique, tandis que je formule le souhait quevotre publication suscite une grande attentionet beaucoup de réflexion à l’intérieur del’Église, partout où l’on veut faire de la vraiethéologie, et qu’elle soit accueillie avec le res-pect que mérite un travail mené avec rigueuret certainement avec un grand amour del’Église, de sa Tradition pérenne, de sonMagistère, pour la connaissance fidèle et latradition duquel vous avez œuvré durant toutevotre longue activité de Doyen de la ThéologieSacrée.

Albenga, 19 Mars 2009, solennité de SaintJoseph Patron de l’Église Universelle

� Mario Oliveri, Évêque

UN CARDINAL DANS LES TÉNÈBRES ET UNE FOI À RISQUEEn marge du Rêve de Jérusalem. Entretiensavec Georg Sporschill sur la foi, les jeuneset l’Église 1, de Carlo Maria Martini

par M. Piesse

L’auteur illustre ici l’esprit et les contenusfondamentaux du récent livre du cardinal CarloMaria Martini. Comme dans l’interviewaccordée à L’Espresso en avril 2006, dans son« Conversazioni notturne » (2008), le cardinalMartini révèle habilement en clair-obscur sonprofond désaccord avec le Magistère ecclésialet la Tradition catholique. Derrière de bellesparoles, sur un ton paternaliste et morbide,Martini souhaite de fait une Église totalement« nouvelle » dans laquelle règne le libre examende Luther. Ce subjectivisme investit toute lapensée martinienne et, appliqué de façon cohé-rente à la théologie et à la vie éthique, il conduità la perte de la vraie foi catholique. Sur lacontraception, l’homosexualité, l’ordinationsacerdotale des femmes, Martini se comprometet dévoile son désaccord avec l’Église. Dans leclergé italien, il y a beaucoup de « marti-niens »…

Voici plusieurs années que, dans les milieuxecclésiaux « conservateurs », circulent desrumeurs selon lesquelles le cardinal Carlo MariaMartini, jésuite et bibliste renommé, serait l’âme(ou du moins l’un des principaux représentants)du mouvement néoprogressiste qui se répanddans l’Église italienne, et fortement lié àd’autres milieux « libéraux » théologiques etecclésiaux, en Europe et dans le monde.

En 2006, au cours d’un Angélus sur la placeSaint Pierre, le Pape Benoît XVI fit ouvertementl’éloge du cardinal Martini pour ses qualitésexégétiques et spirituelles, et pour ses qualitésde communication (en particulier avec lesjeunes). Mais à ce qu’il paraît, le cardinal n’apas été aussi magnanime vis-à-vis de BenoîtXVI et de ses prédécesseurs…

Toutefois depuis quelques années, ces voixanti-martiniennes semblent trouver un écho, oudes preuves, objectives et textuelles.

En effet, dans l’hebdomadaire italienL’Espresso du 27 avril 2006, a été publié

l’entretien du biologiste Ignazio Marino avec lecardinal Martini. Selon le cardinal Martini,science (laïque ou laïciste) et éthique chrétiennepeuvent se rencontrer (c’est-à-dire s’accorder)sur des sujets tels que la fécondation artificielle,l’avortement, l’adoption par des célibataires,l’utilisation du préservatif pour les malades duSida, l’euthanasie. Les thèses du cardinal Marti-ni, en tant que contraires à la doctrine del’Église catholique, ont trouvé un accueil favo-rable chez les francs-maçons du Grand Orientd’Italie (G.O.I.), qui ont publié cet entretienMarino-Martini dans la revue de presse de leurbulletin Erasmo notizie n° 7-8/2006 2.

Le prêtre défroqué don Franco Ratti est le fon-dateur du Mo. Co. Va. (Movimento ConcilioVaticano II, Mouvement du Concile VaticanII – ndt), un mouvement « catholique » ultra-progressiste, lié à des mouvements allemands etautrichiens (par exemple Hans Küng et le mou-vement Wir sind Kirche), et avec des sympathi-sants parmi certains évêques, prêtres et religieuxen Italie 3. Le Mo. Co. Va. revendique entreautres : les femmes prêtres, la légitimité pourcertains cas de divorce et d’homosexualité, lecélibat facultatif pour les prêtres 4 … Dans cemême numéro de L’Espresso, Nea Agorà apublié un article dans lequel don Franco Rattiréfute l’infaillibilité pontificale et le célibatsacerdotal, et fait ensuite l’éloge de « Don Toni-no Belle, l’évêque catholique-évangéliste », etde Luther, « prophète très catholique » 5. Lesthèses de Ratti sont en accord avec celles de

Martini. Et tous deux sont bien vus des milieuxmaçonniques, du moins ceux du G.O.I.

Une autre preuve du progressisme du cardinalMartini est son très récent livre, écrit « à quatremains » avec le père Georg Sporschill, intituléLe rêve de Jérusalem. C’est un livre interviewqui se lit d’un trait et avec grand plaisir car, fina-lement, le cardinal Carlo Maria Martini montrede façon très claire son progressisme théolo-gique. Les idées de Martini sont, en un certainsens, la magna charta du néo- « modernisme » 6

théologique qui sévit depuis quarante ans dansde nombreux domaines ecclésiaux, entre autresà cause d’une fausse compréhension de l’espritdu Concile Vatican II. Assurément, de nom-breux évêques et prêtres (en particulier italiens)approuveront les idées « martiniennes » que jevais à présent exposer de façon critique.

Le compte rendu fait par Sandro Magister,journaliste à L’Espresso et spécialiste du Vati-can, est très instructif. Celui-ci écrit en effet :« En privé, dans les hautes sphères de la hiérar-chie, les critiques envers l’auteur sont sévères etrévèlent une inquiétude. Mais en public, la règleest de se taire. Il y a la crainte que contesterpubliquement les thèses de ce livre vienne ajou-ter des problèmes aux problèmes 7. » Magister

1. Cf. C.M. MARTINI – G. SPORSCHILL, Le rêve deJérusalem. Entretiens avec Georg Sporschill sur la foi,les jeunes et l’Église, Desclée de Brouwer, Paris, 2009.

2. CF. C. MARTINI – I. MARINO, Dialogue sur la vie,« L’Espresso », 27 avril 2006, dans la revue de pressede Erasmo Notizie, Bulletin d’information du GrandOrient d’Italie, n° 7-8, 15-60 avril 2006, pp. 42-47.3. Cf. Movimento Concilio Vaticano II, in CESNUR(Centro Studi Sulle Nuove Religioni – Centre d’Étudessur les nouvelles religions – ndt), Les religions en Italie,Ed. Elledici, Leumann (Turin) 2006, pp. 105-106. LeMo. Co. Va. est à Avellino, Monopoli, Bari, Côme.4. Cf. Les interviews d’Agora – Qui est don FrancoRatti, fondateur du Mo. Co. Va., in NeaAgorà – Revue d’Études et Traditions, « revue bimes-trielle de vulgarisation culturelle réservée exclusive-ment aux membres du Grand Orient d’Italie », AnnéeIII, novembre-décembre 1998, Bari, p. 34.5. Cf. F. RATTI, Jubilée et Crépuscule, in NeaAgorà – Revue d’Études et Traditions, novembre-décembre 1998, Bari, pp. 35-36.

6. Au cours de l’audience général e du mercredi 19 jan-vier 1972, le PAPE PAUL VI a dénoncé ouvertementl’actualité – sous d’autres noms – du« modernisme » (paroles de Paul VI!) déjà condamnépar le pape saint Pie X dans le décret Lamentabili(1907) et dans l’encyclique Pascendi. Paul VI a citéouvertement ces deux documents de saint Pie X (cf.Enseignements de Paul VI, vol. X, 1972, TypographiePolyglotte Vaticane 1973, p. 56).7. S. MAGISTER, Dieu n’est pas catholique, parole decardinal, 12 novembre 2008, sur www.chiesa, Nou-velles, analyses, documents sur l’Eglise catholique, parSandro Magister, sur

http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/209322site visité le 9 décembre 2008. Ce nouveau livre deMartini a été loué par l’athée Eugenio Scalfari. PourNoël 2008, la revue des jésuites italiens, Popoli, offraitle livre de Martini-Sporschill à tout nouvel abonnépour l’année 2009. Le Livre de Martini-Sporschill a étéloué dans un article de Benedetta Stella, sur le siteinternet du Centre de Pastorale Universitaire del’Université Catholique du Sacré-Cœur de Milan.L’auteur écrit : « Le livre de Martini, jésuite et biblistede renommée internationale, qui présente des théma-

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Courrier de Rome6 Juin 2009

tiques très variées – extrêmement clair mais non pourautant superficiel dans les contenus – est un livre trèsactuel pour les jeunes qui cherchent à donner uneréponse à ce que sont les interrogations les plus pro-fondes pour la vie d’un croyant et pour les autres. »Cela donne à réfléchir…8. P. DE MARCO, Observations sur le « Rêve de Jérusa-lem » de Carlo Maria Martini et Georg Sporschill, surhttp://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/209322site visité le 9 décembre 2008. Dans le livre cité, Marti-ni dit que les défections de l’Église et du clergé nel’effraient pas… En revanche il est préoccupé « par lespersonnes qui ne pensent pas » (Ibid., p. 64).9. Dans une étude récente, don Nicola Bux a révéléque la base idéologique de la crise liturgique de ces 40dernières années est le virage anthropologique de KarlRahner (cf. N. BUX, La réforme de Benoît XVI. Laliturgie entre innovation et tradition, préface de Vitto-

rio Messori, Piemme, Casale Monferrato 2008, pp. 25-26, 58. Don Nicola Bux est consultant pour lesCongrégations pour la Doctrine de la Foi et pour lesCauses des Saints. Il est aussi consultant pour l’Officedes Célébrations Liturgiques du Souverain Pontife.10. G. SPORSCHILL, Pour une Église courageuse, in Lerêve de Jérusalem, p. 6.11. Cf. Le rêve de Jérusalem, pp. 117-135.12. Ibid., p. 17.

publie, en annexe à ses réflexions, une étude cri-tique de Pietro De Marco (professeur àl’Université de Florence et à la Faculté Théolo-gique Centrale). La critique anti-martinienne duprofesseur De Marco, dont je publie ici unextrait significatif, est précise et profonde :« […] Il est évident que ce qu’exprime le cardi-nal est aussi la part de responsabilité de l’Églisedans la longue crise des hommes et de la foi del’après-Concile. Évident aussi est l’optimismequi sous-tend cette pédagogie de la réalisationprovidentielle de soi dans la liberté. Mais ainsi,on a sous-évalué, puis favorisé l’hécatombeparmi les hommes de l’institution, le clergé. Iln’était pas difficile, encore récemment,d’entendre dire par les pastoralistes que lemanque de clergé est un faux problème, et qu’ilest même une chance pour le renouveau de latransmission de la foi et pour sa purification,naturellement dans un sens “non clérical”.L’optimisme qui accompagne le rêve de Jérusa-lem du cardinal Martini ne peut donc pas êtresimplement proposé à l’expérimentation future.Il a déjà marqué des pratiques du passé. Et lesrésultats de cet optimisme sont visibles par tous.On peut soupçonner que, derrière la fascinationdes formules et l’approbation de nombreux amisnon croyants, cet optimisme ait alimenté cetteintime contradiction dont le cardinal apparaîtporteur : d’un côté une visibilité chrétiennedotée d’un profil “ouvert”, de l’autre un messa-ge réticent quant à l’exhaustivité de la confes-sion de la foi. Dans son modèle pédagogique,entre fréquentation de la Bible et confiance dansles articles du Credo, le déséquilibre est mani-feste : un déséquilibre dans lequel la Tradition etle Credo vivent en sourdine comme s’il étaitsuperflu de les mentionner 8. »

J’en viens maintenant à mon étude critique etsynthétique de certains passages du livre deMartini-Sporschill.

Le père Georg Sporschill, né en 1946, est unjésuite autrichien, très engagé dans le domainesocial. Il a reçu le prix Albert Schweitzer, et aété nommé en 2004 autrichien de l’année. Spor-schill a été chargé de la rédaction d’un textedans lequel Karl Rahner répondait à des ques-tions de jeunes. Les jésuites Martini et Spor-schill estiment beaucoup leur confrère Rahner.Le père Sporschill a de grands mérites dans ledomaine de la pastorale « sociale » : il s’estengagé pour les enfants des rues de Roumanie etde Moldavie. De la teneur de ses questions et deses affirmations, on comprend que Sporschillpartage (comme Martini) le sécularisme anthro-pologique du maître Rahner 9. Cela explique

pourquoi Sporschill (avec Martini) est si appré-cié du monde (catholique) séculier et sécularisé.

Sporschill écrit que les réponses du cardinalMartini « ouvrent les portes à une Église coura-geuse et digne de foi » 10. Après avoir lu tout lelivre, traçons les contours de la « foicourageuse » proposée par Martini. Cette foiest : existentialiste, problématique, bibliciste (lesola Scriptura), fiducielle (Martini fait ouverte-ment l’éloge de Luther et des biblistes protes-tants), jeuniste (c’est-à-dire trop dépendante etindulgente envers la mentalité et les passionsterrestres des jeunes), « ouverte » au mondesécularisé, « libre » de l’enseignement moral duMagistère de l’Église (par exemple au sujet desrapports avant le mariage, la contraception,l’homosexualité), œcuméniste (favorable àl’ordination in sacris des femmes). Dogmes,Magistère, tradition de l’Église, vie de grâce,sacrements, dévotion, et tout ce qui est « tradi-tionnel » (ou « préconciliaire », comme disentbeaucoup), n’ont pas d’espace vital et visibledans la foi-morale-pastorale « ouverte et coura-geuse » des jésuites Martini-Sporschill. Biensûr, Martini consacre un chapitre entier àL’intimité avec Dieu (chap. 4) : exercices desaint Ignace, oraison, méditation, examen deconscience, contrition des péchés, etc. 11. Maisceux-ci, dans le cadre global de la pensée marti-nienne, risquent de dévier vers un intimismesubjectiviste.

Parler aux jeunes et aux hommes du monded’aujourd’hui de péché, d’ascèse, de dévotion,de grâce… n’a pas de sens dans l’optique marti-nienne; au contraire, il faudrait éviter – selonMartini – de moraliser, juger, dogmatiser…Martini est ouvertement hostile à l’encycliqueHumanæ Vitæ de Paul VI. Il sait manifester sa« modernité » par des paroles et des attitudes« diplomates », « douces », paternalistes, indul-gentes… Il insiste beaucoup sur : écoute-confiance-engagement-risque, des catégoriesexistentialistes, horizontales qui rappellent lathéologie rahnérienne. L’Église doit savoirécouter… Le jeune doit avoir confiance en uneÉglise qui écoute… Le jeune doit s’engagerpour Jésus, l’ami… Et risquer pour lui… Cesont de belles paroles… Mais il est dommageque, de fait, elles soient détachées del’authentique référence aux vérités de la foi et dela morale. Sans un ancrage dans la vérité dog-matique, dans le Magistère et dans la Tradition,ces belles paroles deviennent de pieuses illu-sions. En effet on sent flotter le découragement,la déception, la foi protestante dans le Rêve deJérusalem de Martini.

Entrons maintenant dans le livreMartini suggère à ceux qui ne sont pas

croyants d’« essayer de vivre sans la foi enDieu » 12, c’est-à-dire, en d’autres termes, vivreen Dieu même sans croire en Lui… Martinidéclare avec candeur que même devenu évêque,il s’est querellé avec Dieu face à la souffrance età la mort… Pourquoi la mort? Voici la réponse

martinienne (et rahnérienne) : sans la mort, nousne serions pas en mesure de nous adonnerentièrement à Dieu 13!

Martini demande à Dieu : pourquoi ne nousdonnes-tu pas de meilleures idées? […] Pour-quoi avons-nous si peu de prêtres […], si peu demembres du clergé régulier…? 14 Le cardinalmontre vraiment des signes de grande crise defoi.

Martini espère beaucoup en la miséricorde deDieu, peut-être même trop… En effet, il espèreque « tôt ou tard, il délivre tout le monde »15… Martini croit en l’existence de l’enfer, maisil dit : « personne ne sait si quelqu’un s’ytrouve » 16 Pour « réparer » un tel agnosticismeeschatologique, Martini dit qu’il faut tenircompte de l’enfer. Mais de toute façon pourMartini l’enfer est déjà sur la terre… Il reste tou-tefois de l’avis que, l’enfer mis à part, finale-ment l’amour de Dieu est le plus fort… 17 Ensomme, de façon ambiguë, Martini laisseentendre qu’il espère – il en est même convain-cu – la rédemption finale pour tous!

Qui est le bon chrétien, d’après le cardinal?C’est celui qui croit en Dieu, a confiance en leChrist, le connaît dans la Bible, l’écoute… 18

Et – ajouterai-je – le Magistère de l’Église, oùdevons-nous le mettre?

Face au fait que beaucoup d’hommes se fabri-quent leur propre religion, Martini inclut aussiles catholiques : « Ce danger existe aussi cheznous. Dieu est au-delà des limites et des délimi-tations que nous construisons 19. » Martiniexplique que Dieu a un cœur plus large que nosdéfinitions. Pour protéger cette « immensité » deDieu, le meilleur moyen proposé par le jésuitecardinal est toujours la Bible 20. Conciles,dogmes, Magistère, il n’y a pas de place pourtout cela… Pour Martini (comme déjà pourLuther) : sola Scriptura. Nous pourrions direque Martini, lui non plus (conforme à l’imagede son Dieu) n’est pas catholique, et qu’il estau-delà des définitions dogmatiques. Le subjec-tivisme et le biblicisme protestant du cardinalsont évidents.

Au sujet de l’amour, Martini se demande (defaçon rhétorique) : « Y a-t-il quelque chose deplus grand que de voir des jeunes gens amou-reux 21 ? » Nous, au contraire, nous répondons :oui, l’amour virginal et fidèle des évêques, desprêtres et des religieux pour le Christ et l’Égliseest plus grand.

Martini est certain que Dieu aidera « toutes leséglises, toutes les religions », à « réaliser le biendans le monde » et à le rendre « plus clair »(« Et Jésus les aidera à mieux remplir leur mis-sion à l’égard du monde ») 22. Mais alors, est-ceque cela signifie que toutes les religions ont unemission divine? Dans ce cas, quel sens a encorel’évangélisation? Il est clair que dans l’optiquemartinienne, l’évangélisation n’a de sens que sielle est a-dogmatique (comme l’est justement la

13. Ibid., p.19.14. Ibid., p. 21.15. Ibid., p. 30.16. Ibid., P. 31.17. Ibid.18. Ibid., p. 32.19. Ibid., p. 34.20. Ibid., p. 35.21. Ibid., p. 36.22. Ibid., p. 42.

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pensée de Martini).

Martini voit dans le bouddhisme et dans leyoga « des aides merveilleuses pour une vieapprofondie », bien qu’il donne ensuite la préé-minence aux exercices de saint Ignace 23.

Qui est Jésus pour Martini? Il est le maître,mais plus encore, il est « mon ami » 24. Commepreuve supplémentaire de la banalité anthropo-centrique de la « christologie » et del’« oraison » martinienne, nous lisons que le car-dinal parle à Dieu « sur un ton tout à fait normal,pas pieux du tout ». Martini sent le soutien deDieu dans la prière, en particulier quand il voit« de nombreux problèmes, y compris les fai-blesses de l’Église » 25. Mais le cardinal Martiniarrive-t-il à voir aussi ses propres faiblesses doc-trinales?

D’accord avec son interlocuteur, Martiniobserve : « L’Église a beaucoup parlé du péché,trop. De Jésus, elle peut apprendre qu’il vautmieux donner du courage aux hommes et lesengager à lutter contre le péché du monde 26. » Ilsemble vraiment que le Jésus de Martini ne soitpas le Jésus de l’Église.

En matière de pastorale (aux teintes « rouges »et soixante-huitardes), Martini exhorte au dia-logue-écoute avec les jeunes, mais un dialoguedans lequel les ecclésiastiques ne doivent pas seplacer comme « supérieurs », en somme un dia-logue « les yeux dans les yeux » 27.

Martini dit qu’autrefois, il faisait « des rêves àpropos de l’Église » : une Église pauvre,humble, ouverte, jeune… « Une Église qui lais-se un espace aux gens qui pensent plus loin 28. »(c’est-à-dire comme Martini ?). Le cardinaldéclare que maintenant, il ne fait plus ces« rêves » (mais les rêves de Martini sont descauchemars pour les catholiques fidèles auDepositum Fidei). Il dit qu’il s’est décidé « àprier pour l’Église » 29. Assurément, le cardinalMartini a raison de prier pour l’Église. Maisl’Église aurait davantage raison de prier pourson éminence le cardinal Martini!

Le chapitre V (Apprendre l’amour) montre lesidées de Martini en matière de morale sexuelle.Le père Sporschill est convaincu qu’avecl’encyclique Humanæ Vitæ (hostile à la contra-ception), l’Église a dressé une barrière entre elleet la jeunesse… Hélas, le card. Martini est dumême avis que Sporschill 30. Voici ce que dit lecardinal Martini sur Humanæ Vitae : « Le plustriste, c’est que cette encyclique est en partieresponsable du fait que beaucoup ne prennentplus du tout au sérieux l’Église comme partenai-re d’un dialogue ou comme enseignante. […] Jedois avouer que l’encyclique Humanæ Vitæ amalheureusement engendré en partie une évolu-tion négative. Beaucoup de gens se sont éloi-gnés de l’Église, et l’Église s’est éloignée d’eux.Il y a eu de gros dégâts 31. » Martini affirme que

beaucoup de questions des jeunes concernent lasexualité, le mariage et le célibat. Au sujet deces questions et des personnes en mesure d’yrépondre, voici ce qu’affirme le cardinal : « Ilest tragique de constater, en un certain sens, quel’Église s’est à ce point éloignée de ceux quisont concernés et qui cherchent une issue 32. »Ou bien est-ce Martini qui s’est éloigné del’Église?

D’après Martini, il faut aborder les questionsde la sexualité dans « un horizon plus large »…il faut chercher « une voie pour parler de maniè-re appropriée du mariage, du contrôle des nais-sances, de la fécondation artificielle et de lacontraception » 33. Mais je me demande :l’enseignement de l’Église, à ce sujet, n’est-ilpas déjà approprié? Le lecteur comprend que,sous prétexte de discussions appropriées (etsans fin), Martini veut contourner et dépasserl’enseignement de l’Église.

Malgré une commission d’experts dans lesdomaines de la médecine, de la biologie, de lathéologie, Paul VI a voulu publier l’encycliqueHumanæ Vitæ… Voici le commentaire de Mar-tini : « Cette manière solitaire de décider n’allaitpas, à long terme, créer des conditions favo-rables pour le traitement du thème de la sexua-lité et de la famille. Son successeur, Jean-PaulII, une personnalité puissante, a suivi le chemind’une application stricte 34. »

Martini partage la ligne de désaccord desévêques autrichiens et allemands (et de beaucoupd’autres évêques) lorsqu’il dit : « Après la paru-tion de l’encyclique Humanæ Vitæ, les évêquesautrichiens et allemands, ainsi que beaucoupd’autres, ont publié des déclarations exprimantleur inquiétude et ont ainsi pris un chemin quenous pourrions suivre aujourd’hui. Une périodede quarante ans, comme celle que nous venons devivre – aussi longue que la traversée du désertpar Israël – pourrait nous permettre de porter unregard nouveau sur ces questions 35. »

Martini est convaincu qu’aujourd’hui, « lahiérarchie de l’Église peut montrer un meilleurchemin que celui tracé par l’encycliqueHumanæ Vitæ. Et peu après, le jésuite déclare :« C’est un signe de grandeur et de confiance ensoi lorsque quelqu’un est capable de reconnaîtreses fautes et son manque de lucidité d’hier 36. »Plus que l’enseignement de l’Église, il sembleque ce qui compte pour Martini, c’est l’accordd’« un grand nombre », c’est-à-dire de « chré-tiens adultes qui veulent être attentifs dans ledomaine de l’amour » 37. Au sujet de l’amour (ycompris la sexualité) et le Royaume de Dieu, lejésuite affirme : « […] dans la rencontre phy-sique […] regarder le but [le Royaume de Dieu]est plus important que de se demander si cela estpermis ou si c’est un péché 38. » Et plus loin :« Nous devons ici changer notre façon de pensersi nous voulons protéger la famille et encoura-ger la fidélité conjugale. Ni les illusions ni lesinterdictions ne permettent d’obtenir uneavancée positive 39. »

Au sujet de l’homosexualité, Martini montre

davantage d’habileté mais pas moins de désac-cord avec les positions du Magistère. À la ques-tion de Sporschill : « Cette attitude libérales’applique-t-elle aussi à la question de l’attitudede l’Église à l’égard de l’homosexualité ? »,Martini répond : « En répondant à cette ques-tion, permettez-moi de faire preuve de la réserveet de la discrétion que j’exige de l’Église pource qui concerne la sexualité. Dans mon cercle deconnaissances, il existe des couples homo-sexuels, des gens qui sont très estimés et socia-lement intégrés. On ne m’a jamais demandé, etil ne me serait d’ailleurs jamais venu à l’idée, deles condamner. La question est seulement desavoir comment nous pouvons nous situer face àcette réalité. Lorsque je connais quelqu’un per-sonnellement qui vit cette situation, je peuxaborder plus facilement celle-ci, bien plus que sije devais défendre des thèses générales 40. » Ensomme, Martini se montre plutôt agnostique enmatière d’homosexualité (justement commeKarl Rahner…). Condamner l’homosexualité entant que telle (tout en respectant les personneshomosexuelles) serait pour Martini une thèsegénérale à ne pas défendre…

Le cardinal Martini soutient que la condamna-tion biblique de l’homosexualité est motivée par« la pratique douteuse qui régnait dansl’Antiquité, où des hommes avaient, à côté deleur famille, des garçons pour leur plaisir et desamants masculins. Alexandre le Grand représen-te un exemple célèbre en ce sens. C’est contrecela que la Bible veut protéger la famille, lafemme et l’espace réservé aux enfants » 41.Quelle habileté, chez Martini! Au contraire, sinous lisons la Bible (Ancien et Nouveau Testa-ment), en perspective vitale et nécessaire avec laTradition et le Magistère (par ex : Catéchismede l’Église catholique!), nous comprenons quela condamnation de l’homosexualité n’est passimplement motivée par la protection de lafamille, mais par l’intrinsèque perversité del’homosexualité même. Des rapports sexuelsentre personnes du même sexe sont en soi desactes contre nature.

Martini explique que dans les communautésprotestantes et dans le judaïsme réformé,l’homosexualité n’est pas un problème, alorsque pour les orthodoxes, l’homosexualité estune horreur… Et il ajoute : « C’est dans cettediversité que nous cherchons notre voie. […]C’est pourquoi j’ai tendance à établir une hiérar-chie des valeurs entre toutes ces questions, etnon par principe une égalité des droits. Je viensd’en dire plus que je n’aurais dû… Prenonsensemble et avec circonspection des voies quipeuvent être différentes. Mais nous ne devonspas nous faire la guerre pour autant en raison deces voies différentes. J’ai cité les limites quetrace la Bible 42. »

Sur le sujet du célibat des prêtres, Martini estun peu « bancal »… : « Le célibat m’apparaîtune question d’une autre nature. Cette forme devie est extrêmement exigeante et suppose unepratique spirituelle profonde, une bonne intégra-tion dans la communauté et de fortes personna-lités, et surtout la vocation au célibat. Il est pos-sible que les hommes appelés à la prêtrise nepossèdent pas tous ce charisme. Dans le mondecatholique, l’Église devra avoir une nouvelle

23. Le rêve de Jérusalem, p. 43.24. Ibid., p. 44.25. Ibid., p. 46.26. Ibid., p. 48.27. Ibid., p. 75.28. Ibid., p. 97.29. Ibid. Martini dit avoir « toujours étéenthousiasmé par Teilhard de Chardin » qui voit lemonde se diriger vers Dieu… Martini fait l’éloge de« l’utopie » de Teilhard (p. 97).30. Ibid. p. 141.31. Ibid. pp. 141-142.

32. Ibid., p. 142.33. Ibid., p. 143.34. Ibid., p. 144.35. Ibid.36. Ibid., p. 145.37. Ibid., p. 146.38. Ibid., p. 147-148.39. Ibid., p. 149.

40. Ibid., p. 151.41. Ibid.,42. Ibid., p. 152.

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Courrier de Rome8 Juin 2009

COURRIER DE ROME

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vision à ce sujet 43. »

Passons maintenant à l’avant-dernier chapitre(le 6e), lui aussi très intéressant : Pour une Égliseouverte. En guise d’introduction au chapitre 44,nous lisons deux « opinions », probablementpartagées par le père Sporschill (et par Martini).Un certain René se plaint, entre autres, de ce quele Pontife actuel ait libéralisé « la messe enlatin ». René commente : « Cela devient tropétroit pour moi. Pour le bon Dieu, probablementaussi »… puis, une certaine Évelyne accusel’Église de misogynie : à l’autel et au Vatican, iln’y a que des hommes; l’Église utilise la Bible« de façon sexiste »; les saintes ne sont que « lesbraves servantes »…

Sporschill-Martini sont convaincus que l’Églisen’est plus ouverte au monde comme dans lesannées du Concile… Et même, pour Martini,« l’Église s’en est trouvée affaiblie » 45. Martinicite des « théologiens contestés » de ces années,tels que « Karl Rahner, Pierre Teilhard de Char-din, Henri de Lubac »… Martini sait bien que cesderniers se sont trouvés confrontés à ceux quivoulaient sauver la néo-scolastique… Le cardinalcomprend bien que des évêques et des ensei-gnants « conservateurs » puissent être « tentés derevenir au bon vieux temps ». Toutefois, pourMartini, il faut « regarder en avant »…46

À propos de la Cattedra, c’est-à-dire la chairedes incroyants, qu’il a fondée à Milan, Martiniprésente ses interlocuteurs incroyants comme« des gens qui réfléchissent » 47. Mais alors,Martini considère-t-il les croyants quin’adhèrent pas à son progressisme comme desgens qui ne réfléchissent pas?

Dans son éloge du féminisme, Martini saitaussi être habile. Il est convaincu que « leshommes d’Église doivent demander pardon auxfemmes pour beaucoup de choses » 48.

La mariologie martinienne est pour le moinsétriquée, manifestement en phase avec le virageanthropologique de Rahner. Voici ce que ditMartini sur la Vierge, dans le Rêve deJérusalem : « Marie, la mère de Jésus, devraitêtre davantage aimée par les hommes de notretemps. Aucun être humain ne s’est vu assignerpar Dieu une plus grande importance, pour leMessie, que cette femme. » Un point c’est tout.

Martini écrit que dans le Nouveau Testament,et jusqu’au Moyen-Âge, il y avait les « femmesdiacres »… Mais où veut-il en venir? Le lecteurle comprend au bout de quelques lignes, lorsquele cardinal parle de l’ordination des femmes…Oui, Martini y est favorable! Voici ce que dit leprélat : « Dans les années quatre-vingt-dix, j’aivisité à Canterbury l’archevêque Dr George Leo-nard Carey, qui était à l’époque le primat del’Église d’Angleterre. Son Église souffrait alorsde tensions en raison des ordinations de femmes.J’ai essayé de lui donner du courage en vue decette prise de risque; je lui ai dit que cela pourraitaussi nous aider à devenir plus justes à l’égarddes femmes et à comprendre comment les chosespeuvent évoluer. Nous ne devons pas être mal-heureux de voir que les Églises évangéliques etanglicanes consacrent des femmes et apportent

ainsi quelque chose d’essentiel dans le concert dela grande œcuménée. Toutefois, ce n’est pas làune raison d’unifier les différentes traditions 49. »

Le subjectivisme et le relativisme martinienssont choquants.

Martini veut « une Église ouverte, une Églisedont les portes sont ouvertes à la jeunesse, uneÉglise dont le regard est orienté vers un horizonlointain » 50.

Et un peu plus loin, le cardinal livre d’autresfulgurantes « confessions » au sujet de la réfor-me de l’Église qui – selon lui – devraits’effectuer dans le sens luthérien : « L’Église atoujours besoin de réformes. La force de réfor-mer doit venir de l’intérieur. [… ] Martin Lutherétait un grand réformateur. Le plus important estsans doute son amour de l’Écriture sainte où ilpuisait de bonnes idées. Je suis moi-même trèsredevable aux grands auteurs protestants dans ledomaine de la science biblique. Ce que je trouveproblématique chez Luther, c’est le fait qu’iltransforme les réformes et idéaux nécessaires enun système proprement dit. Au concile VaticanII, l’Église catholique s’est elle aussi laissé ins-pirer par les réformes de Luther et a mis enmarche, de l’intérieur, un processus de renouvel-lement. Les trésors de la Bible ont été pour lapremière fois ouverts, sur une base large, auxcatholiques. Nous avons gagné une nouvellerelation avec le monde, avec ses difficultés etson savoir. Le mouvement œcuménique est luiaussi une conséquence des réformes 51. »

Au sujet du renouvellement de l’Europe del’Est, Martini parle d’un de ses amis évêquedans cette région, inquiet du danger sécularistequi menace les fidèles de l’Est. D’après Martini,il faut abandonner l’attitude défensive et propo-ser des idées nouvelles, libérer la pratique dusacrement de la confession « de certainescharges anciennes héritées de l’Antiquité etmettre en lumière l’offre de Dieu ». Martiniinsiste sur la nécessité de « prêtres compétentsen matière d’accompagnement spirituel ». Selonlui, il faut regarder en avant, « ne pas nouslamenter ni moraliser » 52.

En somme, Martini laisse entendre que laconfession devrait être libérée de l’habituelle« enquête » du confesseur, visant à sonder lesdispositions du pénitent, et du « traditionnel »travail d’éclairage du pénitent sur de brûlantssujets moraux. La confession devrait être libéréedes « interdictions » et « moralismes »… Noussavons déjà ce que pense le cardinal en matièrede sexualité. Martini laisse entrevoir en sommeune administration à bon marché de la confes-sion, avec absolution même pour ceux qui, toutcompte fait, veulent continuer d’avoir des rap-ports hors mariage, avec contraception, ou desrapports homosexuels…

En ce qui concerne le dialogue Interreligieux,les grands modèles de Martini sont le Dalaï-lama53 et Gandhi 54. Martini soutient que « l’islamest une religion fille du christianisme, de mêmeque le christianisme est une religion fille dujudaïsme » 55. Comme d’habitude, Martini est

ambigu. Que veut-il dire lorsqu’il affirme que lesreligions sont filles l’une de l’autre? Peut-être quel’une est générée par l’autre? Naturalisme et évo-lutionnisme religieux? Comme celui supposé, ouproposé, par Teilhard de Chardin?

ConclusionÀ la fin de sa présentation, intitulée Pour une

Église audacieuse, le père Sporschill écrit : « Lanuit est un temps des ténèbres, de l’imagination,des sens aiguisés. Et le milieu de la nuit est ledébut du jour. En ce sens, les conversations quise déroulent à Jérusalem – en un endroit oùl’histoire des chrétiens a débuté – sont aussides discussions qui évoquent le chemin de la foien des temps d’incertitude. Les réflexions etréponses du cardinal, que j’ai retenues de nosconversations, ouvrent la porte d’une Égliseaudacieuse et digne de confiance 56. »

Hélas, malgré leurs excellentes intentions, nousdevons constater qu’objectivement, aussi bien lecardinal Martini que le père Sporschill sontdemeurés dans l’obscurité et l’incertitude…Leurs réflexions ne protègent aucunement lescatholiques du risque de perdre la foi, aucontraire, elles supposent et favorisent cetteperte… En effet, quiconque, comme Martini,s’éloigne ouvertement du Magistère de l’Église(ne serait-ce que sur le seul sujet de la sexualité),montre qu’il a perdu la foi… Comme je l’ai déjàécrit plus haut, le cardinal martini a raison de« prier pour l’Église »… Mais l’Église a davan-tage raison de prier pour le cardinal Martini.

Traduit de la revue Fides catholica n° 2, 2008

43. Le rêve de Jérusalem, p. 154.44. Ibid., p. 159.45. Ibid., p. 161.46. Ibid., p. 162.47. Ibid., p. 163.48. Ibid., p. 167.

49. Ibid., p. 169.50. Ibid., p. 170.51. Ibid., pp. 171-172.52. Ibid., pp. 173-174.53. Ibid., p. 176.54. Ibid., p. 177.55. Ibid., p. 180.

56. Ibid., p. 12.

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s ì s ì no no« Que votre OUI soit OUI, que votre NON soit NON, tout le reste vient du Malin »

(Mt 5, 37)

Le numéro 3€

Juillet - Août 2009Mensuel - Nouvelle SérieAnnée XLIII n° 324 (514)

pape et des évêques qui en vertu de la missionreçue de Jésus-Christ proposent avec autorité aunom de Jésus-Christ les mystères surnaturels defoi et les vérités naturelles révélés par le Christafin de conserver l’unité de foi dans l’Église et cefaisant conduire les fidèles au salut éternel. »Dans cette définition, nous pouvons distinguerquatre éléments distincts. Premièrement, lacause matérielle ou le sujet qui exerce le magistè-re : le magistère est l’activité du pape et desévêques. Deuxièmement, la cause efficiente oul’agent qui institue le magistère : le magistère estune activité que le pape et les évêques exercent envertu de la mission reçue de Jésus-Christ. Troisiè-mement, la cause formelle ou la nature même dumagistère : le magistère est l’acte par lequel lepape et les évêques se font les témoins autorisésdes vérités révélées par Jésus-Christ et les impo-sent à la croyance des fidèles avec l’autoritémême de Jésus-Christ. Quatrièmement, la causefinale : le magistère est une activité que le pape etles évêques doivent exercer afin de conserverl’unité de foi dans l’Église et ce faisant conduireles fidèles au salut éternel.

Il y a donc des distinctions à faire lorsqu’on uti-lise le mot « magistère ». Et il nous intéresse icide souligner que ce mot peut s’entendre en troissens : premièrement, il peut désigner le sujet quiexerce l’acte de magistère (c’est-à-dire le pape etles évêques) ; deuxièmement, il peut désignerl’acte de magistère proprement dit (c’est-à-dire laprédication qui s’exerce par la parole ou parl’écrit); troisièmement, il peut désigner l’objet dumagistère (c’est-à-dire la vérité révélée qui estenseignée dans le cadre de la prédication).

DU MAGISTÈRE VIVANT ET DE LA TRADITION -POUR UNE « RÉCEPTION THOMISTE » DE VATICAN II ?Les vendredi 15 et samedi 16 mai derniers s’est

tenu, dans les locaux de l’Institut catholique deToulouse, un colloque organisé par la Revue tho-miste et l’Institut Saint-Thomas-d’Aquin, sous ladirection du père Serge Thomas Bonino, o.p. Cecolloque avait pour thème : « Vatican II - Ruptureou continuité. Les herméneutiques en présence ».Une centaine d’auditeurs, en grande partie ecclé-siastiques, étaient présents. L’absence de la Fra-ternité Saint-Pie X aurait été remarquée avecregret par les organisateurs eux-mêmes. La paru-tion des Actes de ce colloque est annoncée pour2010. Mais le mot d’invitation du père Boninoexplique déjà suffisamment le sens de cette initia-tive : « Notre colloque se propose de réfléchir surla manière dont le courant théologique issu desaint Thomas d’Aquin peut concourir à uneRéception de Vatican II qui honore le Concilecomme un acte de Tradition vivante. » Pouratteindre ce but, la méthode est toute indiquée :« Il s’agit de souligner à la fois l’aspect “mémoi-re” et l’aspect “nouveauté” de cet enseignementmajeur du Magistère au XXe siècle. C’estl’exigence que le pape Benoît XVI indiquait auxthéologiens dans son discours à la Curie romainedu 22 décembre 2005 quand il proposait de dis-tinguer l’ “herméneutique de la continuité” et l’“herméneutique de la rupture”. »

Partant de ce fait que le Discours du22 décembre adressé par le pape Benoît XVI à laCurie affirme la continuité des enseignements deVatican II vis-à-vis de la Tradition vivante del’Église, les organisateurs de ce colloque ontvoulu réfléchir à la manière dont la théologie tho-miste pourrait justifier cette continuité, dans lecadre de l’herméneutique proposée par BenoîtXVI. Celle-ci devrait d’ailleurs prévaloir, dansl’intention du pape, sur les extrapolations progres-sistes dues à une herméneutique de la rupture, quele Discours à la Curie dénonce comme telle. C’estpourquoi, pour reprendre le propos du père Boni-no, la continuité vivante doit se définir comme lasynthèse des deux aspects, l’aspect mémoire etl’aspect nouveauté, ou, pour reprendre les expres-sions de Benoît XVI, loin de toute rupture, elledoit correspondre à une synthèse de fidélité et de

dynamisme. Il reviendrait désormais à la théolo-gie d’élaborer les éléments spéculatifs de cettesynthèse, et le colloque de Toulouse a voulu poserles jalons d’une contribution thomiste àl’herméneutique du Concile.

Un tel propos est-il justifié? Pour répondre àcette question, nous allons d’abord examiner siVatican II peut se présenter comme un « ensei-gnement majeur du magistère au XXe siècle », etnous vérifierons pour cela quelle est la valeurmagistérielle de ce Concile (1ère partie). Nous exa-minerons ensuite la signification précise du Dis-cours du 22 décembre 2005, et nous détermine-rons pour cela en quel sens le pape Benoît XVIconçoit l’herméneutique du Concile (2e partie).Cela nous donnera ensuite l’occasion de revenirsur la définition de la Tradition, qui est le pointfondamental, dont dépend la solution des gravesdifficultés suscitées à l’occasion du dernierConcile (3e partie).

PREMIÈRE PARTIELA VALEUR MAGISTÉRIELLE DE VATICAN II

A - Quelques distinctions élémentairesAu sens étymologique, le magistère est une

fonction qui a pour but d’instruire 1. On doit dis-tinguer ce terme selon qu’il présente deux sensanalogues : il y a le magistère scientifique et lemagistère ecclésiastique qui est un cas particulierde magistère attestant. Dans le cas du magistèreecclésiastique, on a affaire à la proposition del’objet de la foi, qui est essentiellement obscur;tandis que dans le cas du magistère scientifiqueon a affaire à une démonstration scientifique, quimet en possession d’une évidence. Le magistèreecclésiastique n’est pas un magistère scientifiquecar il ne cause pas la science. Le magistère ecclé-siastique donne un témoignage, et ce faisant ilcontribue à causer la foi.

Ce magistère ecclésiastique est : « l’activité du

1. JOACHIM SALAVERRI, S.J., De Ecclesia, thèse 12,n° 503 dans Sacra theologiæ summa, t. 1 : « Theologiafundamentalis », Biblioteca de autores cristianos,Madrid, 1962, p. 654-655.

Congrès théologiqueles 8, 9 et 10 janvier 2010 à Paris

Le thème de ce Congrès sera

LE CONCILE -UNE DISCUSSION À FAIRE

juillet août 2009:maquette si si no no.qxd 15/07/2009 10:52 Page 1

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Courrier de Rome2 Juillet - Août 2009

B - Le magistère entendu au deuxièmesens : l’acte ou l’exercice du pouvoir de

magistèreL’acte de magistère consiste à faire usage de

l’autorité divine du Christ pour conserver, expli-quer et imposer à l’adhésion des fidèles les véritésdivinement révélées par le Christ. Pour accomplircet acte il faut et il suffit d’être en possession del’autorité divine du Christ et d’avoir l’intentiond’en user dans les limites qui lui sont imparties,c’est-à-dire pour imposer à croire les vérités divi-nement révélées. La première condition (être enpossession de l’autorité divine du Christ) est réa-lisée chez le pape, successeur de saint Pierre etchez les évêques, successeurs des apôtres, ainsique chez tous les ministres (prêtres ou diacres)auxquels le pape et les évêques peuvent déléguerleur autorité. La deuxième condition (avoirl’intention requise) mérite un peu plusd’explications.

Il y a en effet une distinction fondamentaleentre deux types d’intention. Il y a d’une partl’intention de remplir un office ou intention toutcourt, et il y a d’autre part l’intention de remplirce même office pour une fin louable ou intentiondroite. La première intention correspond à ce queles théologiens appellent la « finis operis » et elleest requise à l’existence pure et simple ou à lavalidité de l’acte : c’est l’intention objective. Tan-dis que la seconde correspond à la « finis operan-tis » et elle est requise au bon mérite de l’acte :c’est une intention subjective et accidentelle àl’acte (même si elle peut parfois changer l’espècede l’acte). Par exemple, il y a l’intention de fairece que fait l’Église requise à la validité d’unsacrement et il y a l’intention de procurer la gloirede Dieu et le salut des âmes (et non pas de gagnerde l’argent ou de l’estime humaine), requise aumérite du ministre qui donne le sacrement.

Certains actes extérieurs, pour être valides,réclament l’intention objective de l’agent,entendue au 1er sens. C’est le cas pour les sacre-ments. C’est encore le cas pour l’exercice del’autorité. Un sacrement est valide si et seulementsi le ministre qui l’accomplit (pour tous les sacre-ments) ou la personne qui le reçoit (sauf pourl’eucharistie) a l’intention objective d’accomplirou de recevoir le bienfait de ce sacrement, l’acteextérieur voulu comme tel par l’Église 2.L’exercice de l’autorité est valide et légitime, si etseulement si le chef qui l’exerce a l’intentionobjective d’accomplir l’acte requis par le biencommun de la société 3. Ordinairement, cetteintention est présumée. Mais on ne peut plus laprésumer, lorsqu’intervient la preuve du contraire,moyennant une déclaration de l’intéressé, quiindique une intention différente 4.

Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi il

en va ainsi. L’homme agit toujours en tant que tel,c’est-à-dire comme un agent raisonnable et libre.Il doit accomplir tous ses actes en connaissancede cause et volontairement. Il est donc nécessairequ’il ait connaissance de la nature de son acte etqu’il veuille l’accomplir, tel qu’il le conçoit. Direque l’autorité humaine ou le ministre humain estun intermédiaire entre Dieu et les hommes nesignifie pas que Dieu utilise cet intermédiairecomme une machine, qui fonctionnerait toujoursselon le même mécanisme imperturbable, quoiqu’il en fût du côté de l’homme appelé à exercerl’autorité ou le ministère. L’instrument dont Dieuse sert n’est pas un instrument inanimé, mais c’estau contraire un instrument intelligent et libre.Même dans le cas de la médiation ex opere opera-to propre à l’exercice des sacrements, l’intentionde l’homme reste absolument requise. À plus forteraison l’est-elle dans le cas de la médiation exopere operantis, propre à l’exercice de l’autorité.

Si le titulaire de l’autorité manifeste d’unemanière ou d’une autre qu’il n’a pas l’intentionrequise à l’exercice de l’autorité, les actes qu’ilva poser dans la dépendance de cette intentionhabituelle ne seront pas les actes de l’autoritélégitime, aussi longtemps que l’intention requisen’aura pas été clairement manifestée. À plusforte raison si le titulaire de l’autorité adopte uneintention contraire à l’intention requise, etincompatible avec elle 5: pour que l’exercice del’autorité soit valide, il est alors nécessaire quecette intention contraire soit rétractée. Parexemple un professeur qui indiquerait son inten-tion de donner un cours de philosophie moderne,en se basant sur les principes de la pensée desLumières, exclut par le fait même l’intention defaire de la philosophie thomiste, puisque lapensée des Lumières et celle de saint Thomassont incompatibles. Et aucun parmi les élèves dece professeur ne devra se laisser abuser.

Dans ces conditions, il est facile de comprendrequelle est l’intention requise à l’exercice dumagistère : c’est tout simplement l’intention defaire usage de l’autorité divine du Christ pourconserver, expliquer et imposer à l’adhésion desfidèles les vérités divinement révélées par le Christ.

C - Le magistère entendu au troisièmesens : l’objet propre de la prédication

ecclésiastiqueL’objet propre de l’acte du magistère est la

Révélation transmise par les apôtres c’est-à-direle dépôt de la foi à garder saintement et à expli-quer fidèlement. Le Concile Vatican 1 nousl’enseigne à deux reprises. D’abord dans laconstitution dogmatique Pastor Æternus surl’Église : « Le Saint-Esprit n’a pas été promis auxsuccesseurs de Pierre, afin qu’ils publient unenouvelle doctrine que le Saint-Esprit leur révéle-rait, mais afin qu’ils gardent saintement et expo-sent fidèlement le dépôt de la foi, c’est-à-dire laRévélation transmise par les apôtres, avecl’assistance du Saint-Esprit 6. » Ensuite dans laconstitution dogmatique Dei Filius sur la foicatholique : « La doctrine de foi que Dieu arévélée n’a pas été proposée comme une décou-verte philosophique à faire progresser par la

réflexion de l’homme, mais comme un dépôtdivin confié à l’Épouse du Christ pour qu’elle legarde fidèlement et le présente infailliblement 7. »

Pour désigner l’objet propre de l’acte dumagistère, le Concile Vatican 1 utilise deuxexpressions : « la Révélation transmise par lesapôtres »; « le dépôt de la foi ».

La Révélation transmise par les apôtres estl’ensemble des vérités nécessaires au salut, quiont été révélées aux apôtres, par le Christ jusqu’àson Ascension et par le Saint-Esprit depuis laPentecôte, jusqu’à la mort du dernier des apôtres.Cette Révélation est définitivement close avec lesapôtres 8, de telle sorte que le rôle du magistèreest de la conserver et de la transmettre, et non derecevoir de nouvelles Révélations.

L’expression de « dépôt de la foi » est utiliséepar saint Paul à quatre reprises : deux fois enpropres termes et deux fois quant à l’idée. Enpropres termes : dans 1 Tim, 6/20 (« Garde ledépôt, et évite les nouveautés profanes dans lesexpressions, ainsi que ce qui s’oppose à ce dépôtau nom du fausse science ») et 2 Tim, 1/13-14(« Retiens la forme des expressions correctes, quetu as reçues de ma bouche, dans la foi et dansl’amour du Christ Jésus; garde le bon dépôt, parl’Esprit-Saint qui habite en nous »). Quant àl’idée : dans 2 Tim, 2/2 (« Confie à des hommesfidèles, qui seront capables d’instruire les autres,ce que tu as reçu de ma bouche, et par l’entremisede nombreux témoins ») et 2 Tim, 3/14 (« Restefidèle à ce que tu as appris et qui t’a été confié,sachant de qui tu l’as reçu »). Cette expressiondoit s’entendre dans un sens métaphorique. Unechose reçue en dépôt est propriété d’autrui donton a la garde et que l’on doit restituer à son pro-priétaire dans toute son intégrité substantielle. Dela même manière, l’ensemble de la Révélationobjective est la vérité de Dieu dont le magistèrereçoit la garde et qu’il doit transmettre dans touteson intégrité substantielle. On remarquera com-ment, dans les deux passages où il utilisel’expression, saint Paul insiste aussi sur les mots(« vocum »; « verborum ») qui sont l’expressionrequise à l’intégrité substantielle de la vérité. Onne doit changer ni le sens des mots ni les motseux-mêmes. Le dogme étant à la Révélationobjective ce que les mots sont à la vérité, la trans-mission intègre du dépôt équivaut à la transmis-sion du dogme, c’est-à-dire à la transmission desexpressions immuables utilisées pour désigner lavérité.

D - Une conséquence : le magistère ecclé-siastique est un magistère traditionnel

Le magistère ecclésiastique est par définition unmagistère traditionnel et constant. En effet, c’estune fonction d’enseignement très particulière, carelle a pour objet de conserver et de transmettresans aucun changement substantiel 9 le dépôt

2. Par exemple : CJC de 1917, canon 742, § 1; canon752, § 3; DS 1017; DS 1262; DS 1312; DS 1315; DS1352; DS 1611; DS 1617; DS 1685; DS 1998; DS2328; DS 2382; DS 2536; DS 2835; DS 2838; DS3100; DS 3104; DS 3126; DS 3318; DS 3874; DS3928.3. Par exemple : DS 1309; DS 1406; DS 1407; DS1434; DS 1519; DS 2399; DS 2509; DS 2729; DS2750; DS 2885; DS 3007 ; DS 3120; DS 3202; DS3400; DS 3428 ; DS 3440; DS 3448 ; DS 3518 ; DS37934. CJC, canon 830; canon 1086

5. SAINT THOMAS D’AQUIN, Somme théologique, 2æ2æ pars, question 104, article 5.6. Concile Vatican 1, constitution dogmatique PastorÆternus, chapitre 4 dans DS 3070.

7. Concile Vatican 1, constitution dogmatique DeiFilius, chapitre 4 dans DS 3020.8. CARDINAL JEAN-BAPTISTE FRANZELIN, La Tradition,Courrier de Rome, 2008, thèse 23, Appendice, n° 499,p. 350-351.9. Nous expliquerons plus loin (3e partie, § c) dans quel-le mesure il reste possible qu’il y ait un certain change-ment accidentel, un progrès extrinsèque, dans la mesu-re où le magistère exprime la même vérité en des termesplus explicites pour permettre à l’intelligence des fidèlesde la saisir avec une plus grande pénétration.

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inaltérable des vérités révélées par Jésus-Christ.Ce magistère traditionnel se distingue du magistè-re scientifique, qui procède par voie de recherche,et qui a pour objet de découvrir de nouvellesvérités. Le magistère ecclésiastique n’a pas pourobjet de découvrir de nouvelles vérités ; il doittransmettre la vérité définitivement révélée, sanschangement substantiel possible.

De cela, nous sommes absolument certains.D’abord, parce que le Christ lui-même l’affirmedans l’Évangile. Voulant assurer la perpétuité et ladiffusion en tous lieux de la Révélation qu’il étaitvenu donner au monde, il adressa la parole à sesapôtres qu’il établissait comme ses vicaires surterre pour achever son œuvre et il leur dit : « Toutpouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allezdonc et instruisez les nations, en leur enseignant àobserver tout ce que je vous ai commandé etvoici que je suis avec vous tous les jours jusqu’àla fin du siècle. » (Mt, 28/20.) C’est dans ce pas-sage que se trouve l’institution divine du magistè-re ecclésiastique, et on remarque bien que cemagistère est établi par le Christ pour transmettrefidèlement la Révélation. D’autre part,l’enseignement du Concile Vatican 1 affirmeexplicitement la nature traditionnelle du magistèrede l’Église. Dans la constitution Dei Filius sur lafoi catholique, le Concile, réuni sous l’autorité dupape Pie IX, affirme en effet que « le sens desdogmes sacrés qui doit être conservé à perpétuitéest celui que notre Mère la sainte Église a pré-senté une fois pour toutes et jamais il n’est loi-sible de s’en écarter sous le prétexte ou au nomd’une compréhension plus poussée. “Que crois-sent et progressent largement et intensément, pourchacun comme pour tous, pour un seul hommecomme pour toute l’Église, selon le degré propreà chaque âge et à chaque temps, l’intelligence, lascience, la sagesse, mais exclusivement dans leurordre, dans la même croyance, dans le même senset dans la même pensée” (Saint Vincent deLérins) 10. » Pie IX déclare encore lors du mêmeConcile, dans la constitution Pastor Æternus(cette fois-ci sur l’Église) que « Nos prédéces-seurs ont toujours pris une peine persévérante,pour que la doctrine salutaire du Christ serépandît auprès de tous les peuples de la terre, etils ont veillé avec un soin pareil à ce que là où elleétait reçue, cette doctrine fût conservée intègre etpure 11. »

E - Le magistère de Vatican II :en quel sens?

Pour appliquer ces distinctions à Vatican II, l’onpeut dire que ce Concile reste de toutes façons dumagistère au premier sens, c’est-à-dire qu’ilreprésente le sujet hiérarchique (pape et évêques)en possession de l’autorité divine du Christ etcapable d’exercer éventuellement un acte demagistère, parce que ce fut un Concile légitime-ment convoqué. On peut dire ensuite que VaticanII n’a pas été en tout et pour tout du magistère autroisième sens. En effet, on trouve dans les textesde ce Concile tout un monde d’ambiguïtés etd’équivoques, un langage qui s’éloigne del’expression claire et nette du dogme et de lavérité, pour se complaire dans l’indéterminé, le

10. Concile Vatican 1, constitution Dei Filius, chapitre4 dans DS 3020.11. Concile Vatican 1, constitution Pastor Æternus,chapitre 4 dans DS 3069.

12. Le lecteur peut se reporter à ce sujet au numéro dejuillet-août 2008 du journal Sí Sí No No.13. JEAN XXIII, « Discours d’ouverture, 11 octobre1962 » dans DC n° 1387 (4 novembre 1962), col.1382-1383 et « Allocution adressée au Sacré-Collègele 23 décembre 1962 » dans DC n° 1391 (6 janvier1963), col. 101.14. En témoigne le Discours que le cardinal Ottaviani,président de la Commission de doctrina fidei et morumprononça lors du Concile Vatican II, à l’occasion de la31e congrégation générale du 1er décembre 1962, poursoumettre à l’examen de l’assemblée le schéma surl’Église : « Ceux qui ont mis au point ce schéma ont eusoin de lui donner une tournure aussi pastorale etbiblique que possible, et de le rendre accessible auxsimples fidèles, en évitant d’employer des expressionsscolastiques, pour s’exprimer plutôt dans un langagecompréhensible de tout le monde, à l’époque actuelle.Je dis cela car je m’attends à entendre les jérémiadeshabituelles des pères conciliaires : ce n’est pas œcumé-nique, c’est scolastique, ce n’est pas pastoral, c’estnégatif et ainsi de suite. Qui plus est, je dois vous faireune confidence. Je crois bien que moi-même et lesautres rapporteurs allons parler en pure perte, car lachose est déjà jugée. En effet, ceux qui nous disenttoujours : “Retirez ce schéma, retirez-le!”, ceux-là sont

déjà prêts au combat. Voici une petite révélation : avantmême que ce schéma fût distribué, – écoutez bien,écoutez bien! – avant même qu’il fût distribué, onétait déjà en train de rédiger un autre schéma qui devaitle remplacer [Vobis revelationem quamdam facio :antequam schema istud distribueretur - audite !audite ! - antequam distribueretur, jam con -ficiebatur schema substituendum.] C’est pourquoi,avant même d’avoir été examiné, notre texte était déjàjugé! Il ne me reste plus qu’à me taire, puisque, commele dit la sainte Écriture : “Si on ne t’écoute pas, ne tedonne pas la peine d’ouvrir la bouche.” J’ai dit. » (Actasynodalia sacrosancti concilii œcumenici vaticani II,vol. 1, pars 4, Typis polyglottis vaticanis, 1971, p. 121.)15. Dans l’encyclique Quanta Cura (8 décem-bre 1864) PIE IX dit exactement ceci : « Et nous nepouvons pas non plus passer sous silence l’audace deceux qui affirment que pour les jugements et décretsdu Siège apostolique dont il est déclaré que leur objet atrait au bien général de l’Église, ainsi qu’à ses droits età sa discipline, dès lors qu’ils ne touchent pas auxdogmes de la foi et des mœurs, on peut refuser d’yadhérer et de leur obéir sans péché et sans aucun détri-ment aucun pour la profession de la foi catholique ».Dans la lettre Tuas libenter (21 décembre 1863), lemême souverain pontife avait d’ailleurs déjà expriméla même idée : « Mais quand il s’agit de cette soumis-sion qui oblige en conscience tous les catholiques quis’adonnent aux sciences de l’esprit, pour rendre denouveaux services à l’Église par leurs écrits, les mem-bres de ce congrès doivent reconnaître qu’il est absolu-ment insuffisant pour des savants catholiques derecevoir et de révérer les dogmes de l’Église dont nousavons parlé, mais qu’il est aussi nécessaire de sesoumettre aux décisions touchant la doctrine qui sontédictées par les congrégations pontificales, ainsiqu’aux points de doctrine que le consensus commun etconstant des catholiques tient pour des véritésthéologiques et des conclusions si certaines que lesopinions qui leur sont contraires, même si elles ne peu-vent être dites hérétiques, méritent cependant quelquecensure théologique. » Et dans le Motu proprio Præs-tantia Scripturæ (18 novembre 1911) SAINT PIE X dit :« Nous considérons qu’il faut déclarer et ordonner,comme Nous déclarons et ordonnons expressément, que tous sans exception sont tenus en conscienced’obéir aux décisions de la Commission biblique pontif-icale, à celles qui ont été émises comme à celles qui leseront, de la même manière qu’aux décrets des Sacrées

flou et le vague d’expressions prétendumentadaptées au monde moderne. Ce langage qui neveut plus rien définir permet toutes les interpréta-tions et laisse ainsi libre cours aux erreurs et aulaxisme moral. Les fondements mêmes del’Église et de la Révélation y sont sérieusementébranlés. D’autre part, sur certains points, ceConcile a même proposé des expressions quicontredisent explicitement l’enseignement dumagistère antérieur (comme par exemple le n° 2de Dignitatis Humanæ qui contredit les enseigne-ments de Pie IX dans Quanta Cura) 12. On peutdire enfin que Vatican II n’a pas été en tout etpour tout du magistère au second sens, pour lamême raison, puisque l’acte du magistère ecclé-siastique doit se définir en fonction de son objetpropre : là où il n’y a pas l’objet, il n’y a pasl’acte correspondant ; on peut dire même queVatican II n’a pas été du tout du magistère ausecond sens puisque l’intention clairement mani-festée de ce Concile fut non pas d’user del’autorité du Christ pour imposer à croire lesvérités révélées par le Christ; ce fut plutôt de pré-senter la vérité révélée en fonction des catégoriesde la pensée moderne, pour pouvoir accomplir undialogue avec le monde 13; et ce Concile peutd’autant moins être considéré comme la sourcelégitime d’une Tradition magistérielle que ceuxqui s’en revendiquent encore aujourd’hui, le papeBenoît XVI au premier chef, conçoivent cetteTradition d’une manière qu’il serait bien difficilede concilier avec la définition du magistère ecclé-siastique, c’est-à-dire au sens évolutionniste etrelativiste d’une Tradition vivante.

Bref, Vatican II fut un Concile qui n’est paspassé à l’acte : l’exercice de son magistère a étéparalysé par les prélats déjà acquis à la cause dumodernisme et par les théologiens, qui commeYves Congar, ont profité de la circonstance pourfaire réviser les schémas officiels préparés sous ladirection du cardinal Ottaviani et leur substituerleurs propres élucubrations (d’ailleurs déjàcondamnées par le pape Pie XII dans l’encycliqueHumani Generis de 1950) 14. Nous avons doncdes motifs assez sérieux de remettre en cause lavaleur magistérielle du Concile Vatican II, si nous

nous plaçons du point de vue de l’acte, en prenantle mot « magistère » au deuxième sens.

F - Les avantages de ces distinctions :une critique fondée sur de sérieuses

raisons doctrinalesSi nous distinguons entre les trois sens diffé-

rents du même mot « magistère », nous sommesen mesure de faire une critique sérieuse et profon-de, en allant jusqu’au cœur du problème posé parle dernier Concile. Il ne suffit pas, en effet, de direque Vatican II ne fut pas un Concile infaillible,que ce Concile qui s’est voulu « pastoral » n’a pasnon plus voulu procéder selon le mode solenneld’un magistère dogmatique contraignant enénonçant des dogmes et qu’il en est resté ausimple niveau du magistère authentique. En effet,l’acte de magistère non-infaillible et simplementauthentique oblige lui aussi, au for interne : il estcontraignant. Certes, il ne réclame pas un acte defoi, mais il réclame quand même un acted’obéissance (le fameux « assentiment religieuxinterne ») sous peine de faute grave. Le pape PieIX va même jusqu’à dire qu’on ne peut refuserd’adhérer aux enseignements du magistère sim-plement authentique « sans aucun détrimentaucun pour la profession de la foi catholique 15. »

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Courrier de Rome4 Juillet - Août 2009

Les théologiens 16 sont unanimes pour dire queces enseignements non infaillibles d’un acte demagistère simplement authentique obligent enconscience et ne peuvent faire l’objet de critiquepositive qu’avec beaucoup de réserves 17.

Constance des enseignements conciliairesDe fait, nous voyons bien que les enseigne-

ments du Concile Vatican II, pour non infailliblesqu’ils soient, se sont imposés dans le cadre d’unenouvelle tradition constante, qui correspond à laprédication du magistère post-conciliaire. Deuxexemples l’attestent, et la valeur de ces deuxindices est d’autant plus importante qu’ils corres-pondent aux deux enseignements du Concile quisont en opposition la plus manifeste vis-à-vis detoute la Tradition de l’Église : la nouvelle ecclé-siologie et l’œcuménisme d’une part, la nouvelledoctrine sociale et la liberté religieuse de l’autre.Sur le premier point, la Sacrée congrégation de ladoctrine de la foi n’a cessé de réaffirmer depuisquarante ans en toute clarté et avec une constanceremarquable, la signification de la constitutiondogmatique Lumen Gentium sur l’Église (au n° 8)et du décret Unitatis Redintegratio surl’œcuménisme (au n° 3). À quatre reprises, en1973 18, 1985 19, 2000 20 et 2007 21 , l’organe duSaint-Siège est intervenu dans des textes officiels

pour rappeler la doctrine qui doit s’imposer dansl’Église. Le dernier texte en date de 2007 affirmemême que « la Congrégation se propose de préci-ser ici la signification authentique de certainesexpressions ecclésiologiques du magistère, pourque le débat théologique ne soit pas faussé par desconfusions ou des malentendus » 22. Quant ausecond point, la prédication du pape Benoît XVI,qui se veut en parfaite continuité avec celle de sonprédécesseur immédiat, réaffirme elle aussi avecune constance également remarquable, le principede la liberté religieuse tel que l’a énoncé le Conci-le Vatican II dans la déclaration DignitatisHumanæ. Depuis trois ans, Benoît XVI s’estexprimé à peu près 80 fois pour exposer la nou-velle doctrine sociale de l’Église, telle qu’il fautl’entendre depuis le Concile Vatican II. Si l’oncompulse les 75 numéros de la Documentationcatholique qui s’échelonnent d’avril 2005 ànovembre 2008, les n° 2337 à 2411, on peut rele-ver exactement 87 extraits, qui portent sur cesujet, c’est-à-dire sur la place de l’Église dans lemonde de ce temps, avec le double principe de laliberté religieuse et de la laïcité des États 23.

Une explication contradictoireC’est pourquoi, si l’on considère que les ensei-

gnements du Concile Vatican II relèvent d’unmagistère proprement dit, même non infaillible etsimplement authentique, il semble bien difficilede les remettre en cause. Comme nous l’avonsmontré en nous appuyant sur l’enseignement despapes et sur la doctrine commune des théolo-giens, le magistère non infaillible est un magistèreproprement dit, parfaitement achevé dans la lignemême du magistère. Pour pouvoir considérer lemagistère simplement authentique comme unmagistère inachevé ou improprement dit, il fau-drait commencer par supposer implicitement quele seul magistère véritablement achevé et dignede ce nom serait le magistère infaillible 24. Mais

cela va à l’encontre de l’enseignement constantdes souverains pontifes, depuis Pie IX jusqu’à PieXII 25. D’autre part, nous voyons bien quel’enseignement post-conciliaire ne se donne abso-lument pas pour inachevé. Les rappels officiels dela Sacrée congrégation pour la doctrine de la foique nous avons évoqués plus haut à propos de lanouvelle ecclésiologie et de l’œcuménisme, laprédication ordinaire des papes Jean-Paul II etBenoît XVI sur la liberté religieuse et la nouvelledoctrine sociale de l’Église conciliaire ne laissentrien à désirer : nous avons là une expression com-plète et achevée, qui se veut en continuité parfaiteavec les enseignements conciliaires, sur les pointsles plus ouvertement contraires à la Traditioncatholique. Si on admet comme hypothèse que leConcile Vatican II représente l’exercice d’unmagistère « ordinaire et manifestement authen-tique » 26, on ne voit vraiment pas comment ilserait possible de rectifier ou compléter les ensei-gnements relatifs à l’œcuménisme, à la libertéreligieuse, ou au statut des religions non chré-tiennes. Loin d’avoir affaire à la rectification d’unenseignement inachevé, nous avons au contrairesous les yeux l’écho le plus fidèle del’enseignement conciliaire déjà achevé en lui-même.

Le vrai point de départ de la critiqueLa critique des enseignements du Concile est

donc possible si et seulement si il s’avère que nousn’avons pas affaire avec Vatican II à l’exerciced’un véritable magistère (infaillible ou pas). L’actede magistère se définit par son objet, et, commenous l’avons expliqué plus haut, cet objet est laRévélation transmise par les apôtres c’est-à-dire ledépôt de la foi à garder saintement et à expliquerfidèlement. Et c’est pourquoi le magistère ecclé-siastique est un magistère traditionnel et constant.Si, comme l’a fait Vatican II, on propose desvérités qui sont en opposition manifeste avec lesvérités déjà enseignées comme révélées parl’Église, cette proposition ne peut pas êtrel’exercice d’un magistère digne de ce nom. Sansdoute trouve-t-on au Concile le magistère au pre-mier sens (le sujet du magistère : le pape et lesévêques); toutefois cette hiérarchie a été commeparalysée par l’intention faussée qui l’animait etqui la conduisit à vouloir exposer la doctrine de

Congrégations qui ont trait à la doctrine et qui ont étéapprouvées par le souverain pontife; que tous ceux qui,en paroles ou par des écrits, attaqueront ces décisions nepourront éviter la note de désobéissance ou de témérité,et se chargeront la conscience d’une faute grave, sansparler du scandale qu’ils peuvent causer et d’autresresponsabilités qu’ils peuvent encourir devant Dieu pourleurs propos différents, téméraires et erronés, commesouvent, en ces matières. »16. CARDINAL JEAN-BAPTISTE FRANZELIN, LaTradition, Courrier de Rome, 2008, n° 254-255,p. 166-168; PÈRE DUBLANCHY, article « Infaillibilité dupape » dans le DTC, col 1711-1712; PÈRE STRAUB, DeEcclesia, n° 968 sq. ; PÈRE REGINALD-MARIE

SCHULTES, De Ecclesia catholica, Lethielleux, 1925,p. 620-622; LUCIEN CHOUPIN S.J., Valeur des décisionsdoctrinales et disciplinaires du Saint-Siège, Beauch-esne, 1928, p. 91.17. Par exemple, dans l’article cité du DTC, le pèreDublanchy fait les remarques suivantes : « Contre lacertitude morale avec laquelle l’enseignement pontifi-cal [simplement authentique] se présente àl’intelligence, il ne peut y avoir normalement que desdoutes ou des soupçons non fondés ou imprudents, quel’on doit écarter soit à l’aide de motifs d’ordre intel-lectuel sur lesquels s’appuie la certitude morale del’enseignement, soit par l’influence de la volonté quidoit, par déférence pour l’autorité, inclinerl’intelligence vers une adhésion jugée pratiquementtrès prudente. Si dans un cas particulier des doutes quiparaissent bien fondés arrêtent l’intelligence etempêchent son adhésion à l’enseignement proposé, ondoit pour mettre un terme à cette situation d’espritsoumettre ses doutes à des guides capables d’éclairerl’intelligence ou les soumettre à l’autorité elle-même. »18. Sacrée congrégation pour la doctrine de la foi,« Déclaration Mysterium Ecclesiæ, du 24 juin 1973,sur la doctrine catholique concernant l’Église en vuede la protéger contre des erreurs d’aujourd’hui. » dansDC n° 1636 (15 juillet 1973), p. 664-665 et 670.19. Sacrée congrégation pour la doctrine de la foi,« Notification du 11 mars 1985, à propos du livreÉglise : charisme et pouvoir du père Léonardo Boff. »dans DC n° 1895 (5 mai 1985), p. 484-486.20. Sacrée congrégation pour la doctrine de la foi,« Déclaration Dominus Jesus sur l’unicité etl’universalité salvifique de Jésus-Christ et de l’Église »dans DC n° 2233 (1er octobre 2000), p. 812-822.

21. Sacrée congrégation pour la doctrine de la foi,« Réponse à des questions concernant certains aspectsde la doctrine de l’Église » dans DC n° 2385 (5-19 août 2007), p. 717-720.22. Sacrée congrégation pour la doctrine de la foi,Ibid., p. 717.23. On voit par exemple que, lors de son voyage auxÉtats-Unis d’Amérique, le pape a positivementencouragé le pluralisme religieux dans les écoles:« Aujourd’hui, de jeunes chrétiens, juifs, musulmans,hindous, bouddhistes et des enfants de toutes lesreligions et de tous les pays sont assis côte à côte dansles salles de classe, apprenant les uns avec les autres etles uns des autres. Cette diversité donne lieu à denouveaux défis qui suscitent une réflexion plusapprofondie sur les principes fondamentaux d’unesociété démocratique. […] J’invite donc toutes lespersonnes religieuses à considérer le dialogue nonseulement comme un moyen pour renforcer lacompréhension réciproque, mais également comme unefaçon de servir la société de manière plus large. […] Unexemple concret de la contribution que lescommunautés religieuses peuvent offrir à la sociétécivile sont les écoles confessionnelles. Ces institutionsenrichissent les enfants tant intellectuellement quespirituellement. Guidés par leurs enseignants à ladécouverte de la dignité donnée par Dieu à chaque êtrehumain, les jeunes apprennent à respecter les croyanceset les pratiques religieuses des autres, en développant lavie civile de la nation » (BENOÎT XVI, « Rencontre avecles représentants des autres religions au Centre culturelJean-Paul II à Washington, le 17 avril 2008 » dans DCn° 2403, p. 529-530).24. Dans son traité sur la Tradition, le Cardinal

Franzelin justifie en détail l’existence de ce magistèrenon infaillible, en expliquant la véritable pensée du papePie IX et des théologiens (Suarez, Gotti, Benoît XIV,Cappellari, futur Grégoire XVI, Zaccaria), pour ladéfendre contre les déformations que lui ont fait subir lesjansénistes d’Utrecht. Ceux-ci ne concevaient en effetl’exercice du magistère que de manière infaillible. Voir :CARDINAL JEAN-BAPTISTE FRANZELIN, La Tradition,Courrier de Rome, 2008, thèse 12, 3e corollaire au 7e

principe, n° 254-272, p. 166-183.25. Dans l’encyclique Humani Generis (12 août 1950),PIE XII dit en effet : « Et alors que ce magistère, enmatière de foi et de mœurs, doit être pour toutthéologien la règle prochaine et universelle de vérité,puisque le Seigneur Christ lui a confié le dépôt de la foi - les Saintes Écritures et la divine Tradition - pour leconserver, le défendre et l’interpréter, cependant ledevoir qu’ont les fidèles d’éviter aussi les erreurs plusou moins proches de l’hérésie et pour cela “deconserver les constitutions et les décrets par lesquels leSaint-Siège proscrit et interdit ces opinions qui faussentles esprits” (CJC, canon 1324), est parfois aussi ignoréd’eux que s’il n’existait pas. »26. PAUL VI, « Audience du 12 janvier 1966 » dans DCn° 1466 (6 mars 1966), col. 418-420.

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l’Église « suivant les modes de recherche et deformulation littéraire de la pensée moderne, en seréglant, pour les formes et les proportions, sur lesbesoins d’un magistère dont le caractère est sur-tout pastoral 27. » Les mêmes raisons, qui font quele magistère conciliaire ne peut engager soninfaillibilité, font qu’il ne peut parler avec autoritéen exerçant un acte de magistère (au deuxièmesens).

Parce qu’ils ne sont pas l’expression d’un véri-table acte de magistère, les enseignements duConcile Vatican II peuvent être jugés à la lumièredu magistère de toujours, à la lumière de la Tradi-tion immuable de l’Église. C’est d’ailleurs ainsique Mgr Lefebvre concevait la critique du Conci-le. « Pour moi, pour nous, je pense, dire qu’onvoit, qu’on juge les documents du Concile à lalumière de la Tradition, ça veut dire évidemmentqu’on rejette ceux qui sont contraires à la Tradi-tion, qu’on interprète selon la Tradition ceux quisont ambigus et qu’on accepte ceux qui sontconformes à la Tradition 28. »

SECONDE PARTIELE DISCOURS DU 22 DÉCEMBRE 2005

Ceci dit, une nouvelle question mérite d’êtreposée. Le pape Benoît XVI, en particulier dansson fameux Discours du 22 décembre 2005,aurait-il exprimé la volonté de rectifier et de corri-ger les enseignements du Concile Vatican II, afinde les entendre dans le sens d’une continuité vis-à-vis de la Tradition catholique antérieure? Dansun autre texte de référence, la Lettre aux évêquesdu 10 mars 2009, le pape ne disait d’ailleurs-t-ilpas, à l’adresse de « ceux qui se proclamentcomme de grands défenseurs du Concile », que« Vatican II renferme l’entière histoire doctrinalede l’Église » et que « celui qui veut obéir auConcile doit accepter la foi professée au cours dessiècles et il ne peut couper les racines dont l’arbrevit » 29? Il y a là une allusion assez claire à cette« herméneutique de la rupture », que le papedénonçait dès le début de son pontificat 30.« L’herméneutique de la discontinuité », disait-il,« risque de finir par une rupture entre Église pré-conciliaire et Église post-conciliaire. ». Dans cetteoptique faussée, estime le pape, on se méprendsur le rôle que le Concile Vatican II est appelé àjouer. « Il est alors considéré comme une sorte deConstituante, qui élimine une vieille constitutionet en crée une nouvelle. »

A - Benoît XVI et l’herméneutiquede la réforme

À cette herméneutique de la rupture, BenoîtXVI oppose ce qu’il appelle « l’herméneutique dela réforme ». Celle-ci correspond, ni plus nimoins, à l’intention initiale clairement expriméepar Jean XXIII lors de l’ouverture du ConcileVatican II : « Il est nécessaire », disait-il le11 octobre 1962, « que cette doctrine certaine etimmuable, qui doit être respectée fidèlement, soit

approfondie et présentée de la façon qui répondaux exigences de notre époque. […] On devrarecourir à une façon de présenter qui correspondmieux à un enseignement de caractère surtoutpastoral 31. » Jean XXIII précise encore la mêmepensée, dans une allocution adressée au SacréCollège le 23 décembre 1962, où il dit : « [Ladoctrine de l’Église] doit être étudiée et exposéesuivant les modes de recherche et de formulationlittéraire de la pensée moderne, en se réglant, pourles formes et les proportions, sur les besoins d’unmagistère dont le caractère est surtoutpastoral 32. » Et Benoît XVI commente en nousdisant que, pour répondre à cette intention initialedu pape Jean XXIII, le Concile Vatican II devaitaccomplir « une synthèse de fidélité et dedynamisme » 33. L’herméneutique de la réformecorrespond à un « engagement en vue d’exprimerde façon nouvelle une vérité déterminée », exi-geant « une nouvelle réflexion sur celle-ci et unnouveau rapport vital avec elle » 34. Il fallait pré-senter la vérité en tenant compte des « modes derecherche et de formulation littéraire de la penséemoderne ». Aux yeux de Benoît XVI, le ConcileVatican II a voulu ainsi inaugurer une étape nou-velle dans les rapports qui doivent exister entre lafoi et la pensée humaine. Ces rapports doivent eneffet évoluer au gré de l’Histoire, car la foi doitchercher à s’exprimer de la manière qui convientà la pensée de son temps. Le Concile Vatican II aété vis-à-vis de la pensée moderne issue duXVIIIe siècle ce que saint Thomas fut vis-à-vis dela pensée aristotélicienne du XIIIe siècle.L’intention de ce Concile fut donc bien de propo-ser la vérité de foi en fonction de la penséemoderne et donc de se réconcilier avec celle-ci.Comme le fit saint Thomas au XIIIe siècle, il fal-lait « placer la foi dans une relation positive avecla forme de raison dominante à son époque » 35.

B - La véritable intention du ConcileLe Concile Vatican II avait donc pour tâche de

« définir de façon nouvelle le rapport entrel’Église et l’époque moderne » 36. En effet, cesrapports avaient commencé par être conflictuels.« L’opposition de la foi de l’Église avec un libéra-lisme radical, ainsi qu’avec des sciences natu-relles qui prétendaient embrasser à travers leursconnaissances toute la réalité jusque dans seslimites, dans l’intention bien déterminée de rendresuperflue “l’hypothèse de Dieu”, avait provoquéde la part de l’Église, au XIXe siècle, sous Pie IX,des condamnations sévères et radicales de cetesprit de l’époque moderne. Apparemment, iln’existait donc plus aucun espace possible pourune entente positive et fructueuse, et les refus dela part de ceux qui se sentaient les représentantsde l’époque moderne étaient également éner-giques 37. » Le Syllabus de 1864 est comme laquintessence de cette opposition. Or, justement,avec la constitution pastorale Gaudium et Spes, leConcile Vatican II a voulu prendre le contre-pied

du Syllabus et inaugurer un nouveau type de rela-tions. Dans son livre paru en 1982, Les Principesde la théologie catholique, le cardinal Joseph Rat-zinger affirmait que l’intention fondamentale duConcile Vatican II est contenue dans la constitu-tion pastorale Gaudium et Spes. L’épilogue de celivre de Ratzinger est intitulé : L’Église et lemonde : à propos de la question de la réceptiondu deuxième Concile du Vatican 38. Le préfet de lafoi y affirme : « Si l’on cherche un diagnostic glo-bal du texte, on pourrait dire qu’il est (en liaisonavec les textes sur la liberté religieuse est sur lesreligions du monde) une révision du Syllabus dePie IX, une sorte de contre-Syllabus. […] Le Syl-labus a tracé une ligne de séparation devant lesforces déterminantes du XIXe siècle : les concep-tions scientifiques et politiques du libéralisme.Dans la controverse moderniste, cette doublefrontière a été encore une fois renforcée et forti-fiée. […] D’abord en Europe centrale,l’attachement unilatéral conditionné par la situa-tion, aux positions prises par l’initiative de Pie IXet de Pie X contre la nouvelle période del’Histoire ouverte par la Révolution françaiseavait été dans une large mesure corrigé via facti;mais une détermination fondamentale nouvelledes rapports avec le monde tel qu’il se présentaitdepuis 1789 manquait encore 39. » Vingt-trois ansplus tard, dans une conférence prononcée àSubiaco lors de la remise du « Prix Saint-Benoîtpour la promotion de la famille en Europe », levendredi 1er avril 2005 40, veille du décès du papeJean-Paul II, le cardinal Ratzinger explique enco-re plus profondément en quoi consiste cette inten-tion du Concile. Le Concile a voulu réaliserl’adaptation de la vérité de l’Église vis-à-vis de lapensée des Lumières et de 1789. Cette pensée desLumières admet les valeurs religieuses sans pourautant les confondre avec le monde et les valeursprofanes; elle rend donc possible la conciliationentre le christianisme et la pensée moderne, d’unemanière différente du Moyen-Âge et des époquesantérieures à 1789, parce qu’elle pose en principeles droits absolus de la liberté. Telle est la nouvel-le mentalité moderne, qui réclame un autre typede relation, vis-à-vis de l’Église. « Le ConcileVatican II, dans la Constitution pastorale surl’Église dans le monde de ce temps a remis enévidence cette correspondance profonde entre lechristianisme et les Lumières, essayant d’arriver àune véritable conciliation entre l’Église et lamodernité, qui est le grand patrimoine que doi-vent sauvegarder chacune des deux parties 41. »

C - Rupture ou continuité?Aux yeux de Benoît XVI, cette intention initia-

le du Concile Vatican II n’implique aucune ruptu-re, aucune discontinuité. En proposant la foi demanière à la placer dans une relation cette fois-cipositive vis-à-vis de la pensée moderne, tellequ’elle est issue des Lumières et du XVIIIe siècle,le Concile a voulu accomplir « une synthèse de

27. JEAN XXIII, « Allocution adressée au Sacré-Collège, le 23 décembre 1962 » dans DC n° 1391(6 janvier 1963), col. 101.28. MGR LEFEBVRE, « Conférence à Écône, le2 décembre 1982 » dans Vu de haut, n° 13 (automne2006), p. 57.29. BENOÎT XVI, « Lettre du 10 mars 2009 aux évêquesde l’Église catholique » dans DC n° 2421, p. 320.30. BENOÎT XVI, « Discours à la curie romaine le22 décembre 2005 » dans DC n° 2343, p. 59.

31. JEAN XXIII, « Discours d’ouverture, 11 octobre1962 » dans DC n° 1387 (4 novembre 1962), col.1382-1383.32. DC n° 1391 (6 janvier 1963), col. 101.33. BENOÎT XVI, « Discours à la curie romaine le22 décembre 2005 » dans DC n° 2343, p. 60.34. ID., Ibid.35. ID., Ibid., p. 62.36.. ID., Ibid., p. 60.37. BENOÎT XVI, « Discours à la curie romaine le22 décembre 2005 » dans DC n° 2343, p. 60.

38. CARDINAL JOSEPH RATZINGER, Les Principes de lathéologie catholique. Esquisse et matériaux, Téqui,1982, p. 423-440.39. ID., Ibid., p. 426-427.40. Le texte original italien est paru dans Il Regno du1er mai 2005.41. CARDINAL JOSEPH RATZINGER, « L’Europe dans lacrise des cultures » dans DC Hors-série 1, CardinalRatzinger : Discours et conférences de Vatican II à2005, 2005,, p. 123-124

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42. BENOÎT XVI, « Discours à la curie romaine le22 décembre 2005 » dans DC n° 2343, p. 61.43. BENOÎT XVI, « Discours à la curie romaine le22 décembre 2005 » dans DC n° 2343, p. 61.

44. C’est, entre autres, le propre du libéralisme, héritierdu scepticisme.45. C’est, entre autres, le propre du mathématisme,comme chez Descartes ou Spinoza. Ce dernier aéchafaudé une morale qui a pour titre Ethica ordinegeometrico demonstrata.46. Livre 1, leçon 3, n° 32.47. L’opposition qui existe entre la nécessité et lacontingence peut s’entendre en deux sens distincts.Dans un premier sens, on peut l’entendre à propos du« modus operandi » et en ce sens, l’opération nécessaires’oppose à l’opération contingente comme l’opérationde l’agent naturel dépourvu de raison s’oppose àl’opération de l’agent libre. Dans son Commentaire surla Physique d’Aristote (livre 2, leçon 13), SAINT THO-MAS explique que l’agent naturel agit toujours de lamême manière parce qu’étant dépourvu de raison iln’a pas la possibilité de varier ses moyens, à la diffé-rence de l’agent libre qui peut varier dans son art. C’estainsi que les toiles d’araignée se ressemblent toutes,

fidélité et de dynamisme ». C’est l’idée centraledu Discours de 2005, qui vient compléter et ache-ver sur ce point la réflexion ratzingérienne desannées 1982-2005. « C’est précisément dans cetensemble de continuité et de discontinuité àdivers niveaux que consiste la nature de la véri-table réforme 42. » Vatican II a pu se présentercomme une sorte de contre-Syllabus sans opérerde discontinuité ni de rupture vis-à-vis del’enseignement de Pie IX ; et cela s’expliqueparce que, nous dit Benoît XVI, les décisions quel’Église prend dans un domaine contingent sontelles-mêmes contingentes. « Dans ce processusde nouveauté dans la continuité, nous devionsapprendre à comprendre plus concrètementqu’auparavant que les décisions de l’Église en cequi concerne les faits contingents - par exemple,certaines formes concrètes de libéralisme oud’interprétation libérale de la Bible - devaientnécessairement être elles-mêmes contingentes,précisément parce qu’elles se référaient à une réa-lité déterminée et en soi changeante. Il fallaitapprendre à reconnaître que, dans de telles déci-sions, seuls les principes expriment l’aspectdurable, demeurant en arrière-plan et en motivantla décision de l’intérieur. En revanche les formesconcrètes ne sont pas aussi permanentes, ellesdépendent de la situation historique et peuventdonc être soumises à des changements. Ainsi, lesdécisions de fond peuvent demeurer valables, tan-dis que les formes de leur application dans descontextes nouveaux peuvent varier 43. »

Il est vrai qu’il y a une différence absolumentfondamentale entre la science (ou mêmel’opinion) et la prudence. La science doit donnerla ratio tout court, c’est-à-dire la raison pourlaquelle un prédicat est attribué à un sujet. Cetteattribution est universelle et nécessaire. Si on ditpar exemple que l’évêque de Rome est le succes-seur de saint Pierre, cette proposition est vraietoujours et partout et elle ne peut pas ne pas êtrevraie : elle est absolue. Quel que soit l’individuqui a été légitimement élu par les cardinauxévêques de Rome, quelle que soit l’époque del’Histoire de l’Église, cet individu est le succes-seur de saint Pierre. La prudence doit donner larecta ratio agibilium, c’est-à-dire non plus la rai-son qui rend compte d’une définition universelleet nécessaire, mais la raison qui explique pour-quoi on décide telle action, ici et maintenant.Cette raison vient au terme d’un raisonnement,elle est la conclusion d’un syllogisme pratique :dans ce syllogisme, on combine une prémisseuniverselle et nécessaire et une autre prémisseparticulière et contingente. La conclusion indiquece qui est vrai non plus absolument mais relative-ment, non plus toujours et partout, mais dans lecontexte de telles circonstances. Un tel syllogismen’a pas pour but de passer d’un universel confus àun autre universel distinct. On doit passer d’ununiversel à un particulier. En effet, la loi est unprincipe qui demeure trop universel pour qu’onpuisse l’appliquer tel quel; il contient en puissan-ce une multitude de conclusions, dont la possibi-lité est égale. Il faut choisir celle de ces conclu-sions qui sera non seulement possible mais pro-bable ou vraisemblable, c’est-à-dire vraie dans le

particulier, compte tenu de toutes les circons-tances qui composent cette particularité. Bien quevraie dans des circonstances données, cette mêmeconclusion serait fausse dans d’autres circons-tances différentes. Le jugement prudentiel estdonc relatif aux circonstances.

La relativité d’un jugement n’est donc pas mau-vaise, pas plus que son caractère absolu. Ce quiest défectueux, c’est de se tromper de registre, etd’énoncer un jugement relatif en matière néces-saire 44 ou un jugement absolu en matière contin-gente 45. Saint Thomas explique cela dans sonCommentaire sur l’Éthique d’Aristote 46: on nepeut pas appliquer une démonstration mathéma-tique en matière morale. Un jugement relatif n’estpas un jugement faux ou insuffisant. C’est unjugement qui est vrai dans un certain domaine etjusqu’à un certain point. Il suffit dans un contexteparticulier. Un tel jugement va changer avec lescirconstances. Plus précisément, le jugement de laprudence a pour but de déterminer quel est lemoyen à employer pour obtenir la fin, non pas lemoyen en général, qui s’impose toujours et par-tout, mais le moyen requis dans telles circons-tances.

D - Relativité et relativismeCependant, un jugement, même le jugement de

la prudence, relatif aux circonstances, n’est jamaispurement relatif, car il comporte une part denécessaire : la fin ne justifie pas tous les moyens.De manière semblable lorsque l’Église prend desdécisions relatives aux circonstances, des déci-sions qui sont prises en matière contingente,celles-ci correspondent tout de même à une cer-taine part de nécessité, du côté des principes : lesprincipes que l’on applique dans une matièrecontingente ne sont pas nécessairement contin-gents. D’autre part, et surtout, il y a une grandedifférence entre prendre une décision dans unematière contingente (c'est-à-dire faire un acte deprudence) et exercer un acte de manière contin-gente (ce qui caractérise tout acte humain, qu’ilsoit prudentiel ou scientifique). Il est clair quetout acte émanant d'un sujet humain est exercé demanière contingente, au sens où, ce sujethumain, étant doué de raison et libre, aurait pu nepas exercer cet acte ; et au sens où cet actes'inscrit dans l'histoire, dans le cadre d'une duréeoù aucun moment ne ressemble exactement à unautre. Mais cela n'implique pas que tout acte d'unsujet raisonnable et libre, inscrit dans le temps, nepuisse s'exercer qu'en matière contingente 47. Si

par son corps l’homme est le sujet du mouve-ment, s’inscrit dans la durée et appartient à unecertaine part de contingence, par son âme, il peutatteindre des vérités nécessaires et immuables, quifont abstraction de la contingence historique. Et defait, pour une bonne part, les déclarations dumagistère de l’époque moderne, antérieure à Vati-can II, concernent une matière nécessaire. Bienque s’inscrivant dans le contexte historique duXIXe siècle, époque différente de la nôtre, lesdéclarations du pape Pie IX condamnant la libertéreligieuse et les faux principes de la philosophiedes Lumières sont définitives et nécessaires : lepape Pie IX a condamné l’erreur du libéralisme entant que telle, telle qu’elle doit s’exprimer toujourset partout, et telle qu’elle s’exprime dans un prin-cipe qui reste en opposition universelle et néces-saire vis-à-vis de la doctrine divinement révélée.

E - Continuité de la foi et de la raisonchez saint Thomas

Il est d’ailleurs inexact de dire que saint Tho-mas d’Aquin a réalisé la conciliation entre la foiet la philosophie aristotélicienne, « plaçant ainsila foi dans une relation positive avec la forme deraison dominante à son époque » 48. Saint Thomasa concilié la foi et la raison, et non pas la foi etl’aristotélisme ou la foi et la pensée rationnelle deson temps, ce qui serait la pensée moderne duXIIIe siècle. La synthèse thomiste vaut pour tousles temps. Comme le dit le pape saint Pie X dansle Motu proprio Doctoris Angelici du 29 juin1914, elle représente un ensemble de principes« grâce auxquels toutes les erreurs de tous lestemps se trouvent réfutées ». Et d’ajouter que« les points capitaux de la philosophie de saintThomas ne doivent pas être placés dans le genredes opinions au sujet desquelles on peut disputeren l’un et en l’autre sens, mais bien regardéscomme les fondements sur lesquels toute la scien-ce des choses naturelles et divines se trouve éta-blie ». Le pape Pie XII redira la même chosequelque trente ans plus tard, dans l’encycliqueHumani Generis du 12 août 1950 : « Cette philo-sophie reconnue et reçue dans l’Église défend,seule, l’authentique et juste valeur de la connais-sance humaine, les principes inébranlables de lamétaphysique, […] la poursuite enfin, effective,de toute vérité certaine et immuable. » La synthè-se accomplie par saint Thomas à un momentdonné de l’Histoire est la conciliation définitive,nécessaire et suffisante, de la foi et de la philoso-phie naturelle à la raison humaine. On peut certesprogresser dans une meilleure connaissance de laRévélation et tâcher de pénétrer toujours mieuxles mystères divins, en recourant aux lumières dela raison que dirige la foi. « Lorsque la raison,éclairée par la foi », dit le Concile Vatican 1,« cherche avec soin, piété et modération, elle arri-ve par le don de Dieu à une certaine intelligence

tandis qu’aucune cuisine maison ne ressemble (norma-lement) à une autre. Dans un second sens, on peutentendre la distinction à propos de la matière qui faitl’objet de l’opération et en ce sens l’opération néces-saire s’oppose à l’opération contingente commel’opération de la science s’oppose à celles de l’art oude la prudence. C’est ainsi que les cours de mathéma-tique se ressemblent tous, tandis qu’aucun chefd’œuvre artistique, aucun traité diplomatique ne res-semble à un autre.48. BENOÎT XVI, « Discours à la curie romaine le22 décembre 2005 » dans DC n° 2343, p. 62.

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très fructueuse des mystères 49. » Mais dans cetterecherche, la raison que dirige la foi ne peut paschanger d’instrument : son outil naturel et néces-saire reste la philosophie pérenne, dans ses prin-cipes fondamentaux, tels que saint Thomas les aparfaitement synthétisés. C’est pourquoi, il n’yaucune continuité possible entre la foi et la penséemoderne issue du XVIIIe siècle ; les hommesd’Église ne peuvent pas nourrir la prétentiond’exprimer la foi « d’une façon qui correspondeaux exigences de notre temps », si l’on entend parlà la philosophie moderne des Lumières.

F - La rupture du relativismechez Benoît XVI

Dans son Discours de 2005, le pape BenoîtXVI raisonne comme si toute décision, du faitmême qu’elle appartient à l’Histoire, ne pouvaitconcerner qu’une matière contingente et exprimerune vérité seulement relative aux circonstances.On ne saurait être plus explicite pour ériger enprincipe le relativisme doctrinal. Et d’ailleurs,l’exemple que le pape allègue pour illustrer lanature de la vraie réforme, qui consiste selon luidans un ensemble de continuité et de disconti-nuité, indique très clairement que ce n’est passeulement l’application des principes qui change,mais bien les principes eux-mêmes. « Il fallaitdéfinir », nous dit-il, « de façon nouvelle le rap-port entre Église et État moderne, qui accordaitune place aux citoyens de diverses religions etidéologies, se comportant envers ces religions defaçon impartiale et assumant simplement la res-ponsabilité d’une coexistence ordonnée et tolé-rante entre les citoyens et de leur liberté d’exercerleur religion 50. » Or, il n’y a aucune continuité,mais au contraire discontinuité la plus complèteentre le nouveau principe de Dignitatis Humanæ,équivalant à cette nouvelle définition du rapportentre l’Église et l’État, et le principe rappelé parLéon XIII dans l’encyclique Immortale Dei du1er novembre 1885 et d’après lequel « les sociétéspolitiques ne peuvent sans crime se conduirecomme si Dieu n’existait en aucune manière, ouse passer de la religion comme étrangère et inuti-le, ou en admettre une indifféremment selon leurbon plaisir. En honorant la Divinité, elles doiventsuivre strictement les règles et le mode suivantlesquels Dieu lui-même a déclaré vouloir êtrehonoré. Les chefs d’État doivent donc tenir poursaint le nom de Dieu et mettre au nombre de leursprincipaux devoirs celui de favoriser la religion,de la protéger de leur bienveillance, de la couvrirde l’autorité tutélaire des lois, et ne rien statuer oudécider qui soit contraire à son intégrité. » Il estabsolument inexact de prétendre, comme le faitBenoît XVI, que « le Concile Vatican II, recon-naissant et faisant sien à travers le Décret sur laliberté religieuse un principe essentiel de l’Étatmoderne, a repris à nouveau le patrimoine plusprofond de l’Église 51. » L’enseignement duConcile Vatican II sur la liberté religieuse a plutôtaccompli une rupture vis-à-vis de toute la Tradi-tion, et donc vis-à-vis du patrimoine le plus pro-fond de l’Église.

G - La véritable portée du Discoursdu 22 décembre 2005

L’herméneutique de la réforme, telle que laconçoit le pape Benoît XVI, n’est donc pasl’expression d’un retour à la Tradition de l’Église.Benoît XVI cherche sans doute à établir unecontinuité entre Vatican II et les enseignements dumagistère antérieur. Mais ce n’est pas la conti-nuité telle que les papes l’ont tous toujours com-prise jusqu’au dernier Concile, continuité dans latransmission inaltérée d’une même doctrine sub-stantiellement immuable. C’est la continuitéd’une nouvelle tradition vivante, continuité dansle relativisme où l’on croit pouvoir surmonter lacontradiction, en partant du principe que lesenseignements de l’Église s’expriment dans unematière toujours contingente.

Essayons pour terminer de cerner de plus prèscette notion nouvelle de la tradition vivante, dumoins telle que le pape Benoît XVI l’entend.

TROISIÈME PARTIELE NOUVEAU RELATIVISME DE LA TRADITION VIVANTE

Le relativisme doctrinal qui s’exprime dans leDiscours du 22 décembre 2005 correspond, dansla pensée du pape actuel, à une notion faussée dela Tradition, qui reste bien dans la ligne du Motuproprio Ecclesia Dei afflicta de Jean-Paul II.Cette notion est décrite dans la catéchèse du papeBenoît XVI sur l’Église, avec les allocutions des26 avril, 3 et 10 mai 2006, publiées dansL’Osservatore romano. La Tradition n’y est plusd’abord définie comme la transmission du dépôtdes vérités divinement révélées. Elle est d’abordconçue comme une Expérience et une Vie.

A - La Tradition redéfinieDans la cinquième allocution du 26 avril 52, le

pape Benoît XVI s’exprime ainsi : « L’Espritapparaît comme le garant de ·la présence activedu mystère dans l’Histoire, il est Celui qui enassure la réalisation au cours des siè cles. Grâce auParaclet, l’expérience du Ressuscité, faite par lacommunauté apostolique aux origines de l’Église,pourra toujours être vécue par les géné rations suc-cessives, dans la mesure où elle est transmise etactualisée dans la foi, dans le culte et dans la com-mu nion du Peuple de Dieu, pèlerin dans le temps.[…] C’est dans cette transmission des biens dusalut, qui fait de la communauté chrétiennel’actualisation permanente, dans la for ce del’Esprit, de la communion origi nelle, que consistela Tradition aposto lique de l’Église. » La Tradi-tion n’est pas d’abord la transmission desdogmes, l’enseignement perpétuel des véritésrévélées ni l’administration des sacrements et lacélébration du culte. Elle est sans doute cettetransmission, mais en tant qu’elle prolongel’expérience communautaire des origines :moyennant cette transmission, la communiond’aujourd’hui continue la communion d’hier, levécu et l’expérience des générations passées secontinue dans le vécu et l’expérience des généra-tions présentes.

Un peu plus loin, nous trouvons une autre défi-nition qui exprime encore la même idée : « LaTradition n'est pas une transmission de choses oude paroles, une collection de choses mortes. La

Tradition est le fleuve vivant qui nous relie auxorigines, le fleuve vivant dans lequel les originessont toujours présentes. Le grand fleuve qui nousconduit aux portes de l’éternité 53. » Dans la sixiè-me allocution du 3 mai 54, Benoît XVI récapituleainsi son propos: « La Tradition apostolique n’estpas une collection de choses, de mots, commeune boîte remplie de choses mortes; la Traditionest le fleuve de la vie nouvelle qui vient des ori-gines, du Christ jusqu’à nous, et qui nous fait par-ticiper à l’histoire de Dieu avec l’humanité. » Et ilajoute un peu plus loin: « La Tradition est doncl’Histoire de l’Esprit qui agit dans l’Histoire del’Église à travers la médiation des Apôtres et deleurs successeurs, en continuité fidèle avecl’expérience des origines 55. »

B - Un discours cohérent, mais aux anti-pode des enseignements de l’Église

On comprend alors sans peine ce que veut direBenoît XVI, lorsqu’il affirme que « Vatican II ren-ferme l’entière Histoire doctrinale de l’Église » etque « celui qui veut obéir au Concile doit accepterla foi professée au cours des siècles et il ne peutcouper les racines dont l’arbre vit 56. » Cette« entière Histoire doctrinale de l’Église », cette« foi professée au cours des siècles » dont il nousparle en mars 2009, c’est exactement la Traditionvivante dont il nous parlait déjà en mai 2006,c’est-à-dire « l’Histoire de l’Esprit qui agit dansl’Histoire de l’Église à travers la médiation desApôtres et de leurs successeurs, en continuité fidè-le avec l’expérience des origines ». Le propos dupape se tient parfaitement, d’un bout à l’autre.Mais c’est un propos qui donne du magistère et dela Tradition une définition absolument nouvelle,en opposition complète avec les enseignements dumagistère antérieur à Vatican II.

C - Une Tradition immuableet un magistère vivant

Il est vrai que l’Église explicite l’expression desvérités révélées et procure ainsi aux fidèles uneintelligence plus pénétrante du dépôt de la foi.C’est en ce sens que l’on a pu dire que le magistèretraditionnel était aussi un magistère vivant.« Vivant » s’oppose à « posthume ». Cet attributconcerne le sujet et l’acte du magistère (le magistè-re entendu au 1er et au 2e sens) mais non l’objet dumagistère (le magistère entendu au 3e sens).

Du point de vue du 2e sens (le magistère enten-du comme acte d’enseignement), le magistèreposthume est la simple répétition del’enseignement jadis donné avec autorité par lemagistère vivant et authentique, après la cessationde celui-ci. Il s’exerce par l’écrit. Le magistèrevivant est l’exercice toujours actuel du magistèreauthentique. Il s’exerce principalement par la pré-dication orale et accessoirement par l’écrit.

Du point de vue du 1er sens (le magistère enten-du comme le sujet qui exerce l’acted’enseignement), le magistère est vivant au sensoù à chaque époque de l’Histoire la prudence des

49. Concile Vatican 1, constitution dogmatique DeiFilius, chapitre 4 dans DS 3016.50. BENOÎT XVI, « Discours à la curie romaine le 22 décembre 2005 » dans DC n° 2343, p. 61.51. BENOÎT XVI, « Discours à la curie romaine le22 décembre 2005 » dans DC n° 2343, p. 61.

52. BENOÎT XVI, « La communion dans le temps : laTradition », Allocution du 26 avril 2006, dansL’Osservatore romano n° 18 du 2 mai 2006, p. 12.

53. BENOÎT XVI, « La communion dans le temps : laTradition », Allocution du 26 avril 2006, dansL’Osservatore romano n° 18 du 2 mai 2006, p. 12. 54. BENOÎT XVI, « La Tradition apostolique », Allocu-tion du 3 mai 2006, dans L’Osservatore romano n° 19du 9 mai 2006, p. 12.55. ID., Ibid.. 56. BENOÎT XVI, « Lettre du 10 mars 2009 aux évêquesde l’Église catholique » dans DC n° 2421, p. 320.

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pasteurs reste toujours suffisamment inventivepour éclairer l’intelligence des fidèles et leur pro-poser la même vérité d’une manière toujours plusapprofondie et adaptée aux circonstances. Dans laQuestion disputée n° 11 de la série De veritatesaint Thomas montre à l’article 4 quel’enseignement est une œuvre qui relève de la vieactive. En effet, l’acte d’enseigner concerne pourainsi dire un double objet, une double matière. Ily a la vérité enseignée : par rapport à cet objet,l’enseignement est une œuvre de la vie contem-plative. Il y a aussi l’auditoire à enseigner : parrapport à cet objet, l’enseignement est une œuvrede la vie active 57. Il y a en effet du côté del’auditoire à enseigner des circonstancesvariables, qui réclament une adaptation de la pré-dication. L’auditoire n’est pas uniforme et il peutse présenter dans des conditions bien différentes.Ces conditions diverses seront par exemple leserreurs qui sévissent chez les fidèles, et qui met-tent en péril chez eux l’intelligence du donnérévélé et qui rendent nécessaire une propositionplus explicite 58. Ces conditions diverses corres-pondront encore à la diversité de temps et delieux, qui rendent nécessaire des explicitationsdiversement appropriées 59 au niveau du droitpositif ecclésiastique. En ce sens, la transmissionde la doctrine catholique est une prédicationvivante parce que c’est une prédication pasto-rale, le pasteur étant celui qui use de discerne-ment et qui tient compte des dispositions de sontroupeau (selon l’adage scolastique : « quidquidrecipitur in aliquo est in eo per modumrecipientis 60. » : ce qui est reçu dans un sujet,l’est selon la capacité de celui qui reçoit). C’estd’ailleurs pourquoi cette prédication recourt prin-cipalement à la parole 61.

Mais cela n’a rien à voir avec le « magistèrepastoral » dont se réclame Vatican II. En effet, lemagistère de Vatican II s’est voulu pastoral parcequ’il a changé la vérité sous prétexte d’adapter laprédication de la vérité à l’intelligence del’homme moderne. Or, si le magistère est vivantau 1er et au 2e sens, la Tradition objective quis’identifie au magistère entendu au 3e sens (et quiéquivaut aux dogmes, c’est-à-dire vérités divine-ment révélées, qui sont l’objet de la prédicationdu magistère) n’est pas vivante mais immuable.La prédication ecclésiastique devient seulementplus précise lorsque les pasteurs de l’Église exer-cent leur magistère pour donner une intelligenceplus profonde du dogme. Mais le dogme ne chan-ge pas. Il y a progrès non du dogme mais del’intelligence du dogme chez les fidèles, qui sontdavantage protégés contre les attaques de l’erreur.C’est le passage d’une connaissance implicite àune connaissance explicite; le changement affectele mode selon lequel va s’exercer l’adhésion de

l’intellect du fidèle à l’objet de foi. L’objet de foireste inchangé, et il est formellement révélé avantcomme après la définition du pape. Le fidèlecroyait par exemple jusqu’ici implicitement àl’Immaculée Conception en croyant explicitementque la Très Sainte Vierge possédait la plénitude degrâce (vérité enseignée dans la sainte Écriture avecle passage de l’Évangile de saint Luc, chapitre 1,verset 28). Cette plénitude de grâce impliquebeaucoup de choses, et en particulier la conceptionindemne du péché originel. Cette conséquenceparticulière a été explicitée par la définition dupape Pie IX (tandis qu’une autre conséquence par-ticulière sera explicitée par Pie XII lorsqu’il pro-clamera le dogme de l’Assomption). Depuis lors,le fidèle est tenu de croire non plus seulementimplicitement mais encore explicitement lavérité de l’Immaculée Conception. L’évolutionporte donc précisément et exclusivement sur lemode de la croyance : la façon dont le croyantexerce son acte, de façon implicite et explicite etnon sur l’objet de la croyance.

D - Du magistère vivant à la nouvelleTradition vivante

Bref, l’on peut admettre un certain progrès seu-lement extrinsèque mais nullement intrinsèque dudogme, c’est-à-dire un progrès non du dogme entant que tel mais de l’intelligence que les fidèlesen possèdent. D’une part le progrès de cette intel-ligence doit s’accomplir « dans la même croyance,dans le même sens et dans la même pensée » 62,sans remettre en question la teneur objective dudépôt révélé. D’autre part, c’est le magistèreinfaillible et constant, le magistère traditionnel del’Église, et lui seul, qui doit donner cette intelli-gence, non la simple raison naturelle ni la seulephilosophie. Dans la constitution Dei Filius, leConcile Vatican 1, a consacré de son autorité cettepropriété essentielle du magistère ecclésiastique,qui est d’être un magistère constant. « Le sens desdogmes sacrés qui doit être conservé à perpétuitéest celui que notre Mère la sainte Église a pré-senté une fois pour toutes et jamais il n’est loi-sible de s’en écarter sous le prétexte ou au nomd’une compréhension plus poussée 63. » À cettedéfinition, correspond le canon suivant : « Siquelqu’un dit qu’il est possible que les dogmesproposés par l’Église se voient donner parfois, parsuite du progrès de la science, un sens différent decelui que l’Église a compris et comprend encore,qu’il soit anathème 64. »

Même si la prédication de l’Église s’exerce demanière contingente, dans le cadre des circons-tances historiques, elle a pour objet de transmettredes vérités divinement révélées, qui sont non pascontingentes mais nécessaires et immuables. Laconfusion introduite par le Discours du22 décembre est à ce niveau : on est passé d’unmagistère vivant (la prédication ecclésiastique quis’exerce pour transmettre toujours la mêmevérité, de manière contingente, c’est-à-dire entenant compte des circonstances) à une Traditionvivante (la prédication ecclésiastique qui s’exercedans une matière contingente, c’est-à-dire pourétablir une relation toujours renouvelée et chan-geante entre la foi et la raison dominant à chaqueépoque). On est ainsi passé du progrès dogma-

tique extrinsèque et homogène à un progrèsintrinsèque et relativiste.

ÉPILOGUEPOUR UNE RÉCEPTION FRUCTUEUSE ET RÉALISTE

Le colloque de Toulouse se proposait de réflé-chir « sur la manière dont le courant théologiqueissu de saint Thomas d’Aquin peut concourir àune Réception de Vatican II qui honore le Concilecomme un acte de Tradition vivante ». Nous pou-vons dire, d’ores et déjà, sans crainte de noustromper, que cette réflexion va rester prisonnièrede la problématique dans laquelle elle s’estenfermée dès le départ. Si on admet le postulat dela Tradition vivante, aucune critique sérieuse desenseignements conciliaires ne sera possible. Ilfaudra, bon gré mal gré, faire rentrer la libertéreligieuse, l’œcuménisme et la nouvelle ecclésio-logie dans le patrimoine commun de l’Église, fût-ce au prix de la contradiction, ou plutôt grâce à lacontradiction érigée en principe premier de touteréflexion théologique. Car si la Tradition estvivante, le mouvement est l’être et tout devientpossible… et imaginable.

La seule « réception thomiste » qui nous sembleconcevable est celle qui commencera par définirsans ambiguïté la Tradition et le magistère enconformité avec les enseignements du pape Pie IXet du Concile Vatican 1. Dans ces conditions, etdans ces conditions seulement, nous pourronsnourrir l’espoir d’interpréter les enseignements deVatican II « à la lumière de la Tradition », compri-se comme l’ont toujours entendue tous les papes ettous les évêques catholiques jusqu’au Concile.

Abbé Jean-Michel Gleize

57 Cette dualité de matière est bien rendue par laconstruction du verbe latin « docere » qui exige undouble accusatif.58. SAINT THOMAS D’AQUIN, Somme théologique, 2a2æ pars, question 1, article 9, ad 2.59. ID., Ibid., article 7, ad 2 et ad 3.60. ID., Ibid., 1a pars, question 76, article 2, 3e objection.61. L’expression écrite implique en effet certaineslimites auxquelles échappe l’expression orale. Celle-ciest donc le moyen d’expression privilégié de la pru-dence, qui doit garder suffisamment de souplesse pourfaire face à l’improviste des circonstances. Cela nousmontre pourquoi la religion catholique n’est pas une« Religion du Livre ».

62. Concile Vatican 1, constitution Dei Filius, chapitre4 dans DS 3020.63. Ibid.64. Ibid., canon 3 du chapitre 4 dans DS 3043.

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s ì s ì no no« Que votre OUI soit OUI, que votre NON soit NON, tout le reste vient du Malin »

(Mt 5, 37)

Le numéro 3€

Septembre 2009Mensuel - Nouvelle SérieAnnée XLIII n° 325 (515)

IXE CONGRÈS THÉOLOGIQUE

PARIS 8, 9 ET 10 JANVIER 2010

VATICAN II : UN DÉBAT À OUVRIRINTERVENANTS

S.E. Monseigneur Bernard Fellay, Supérieur Général de la F.S.S.P.XAbbé Philippe Bourrat, Recteur de l’Institut Universitaire Saint Pie XAbbé Emmanuel du Chalard, Directeur du « Courrier de Rome »Abbé Jean-Michel Gleize, Professeur au Séminaire International Saint Pie X, ÉcôneAbbé Patrick de La Rocque, Prieur à NantesAbbé Alain Lorans, Rédacteur des publications: « D.I.C.I » et « Nouvelles de Chrétienté »Abbé Renaud de Sainte-Marie, Doctorant en philosophie, Université Nancy 2Abbé Christian Thouvenot, Secrétaire Général de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie XMonsieur le Professeur Paolo Pasqualucci, Professeur honoraire de l’Université de Pérouse(Italie)Dottoressa Luisella Scrosati, Diplômée de l’Université Catholique du Sacré-Cœur de Milan(Italie)

DÉTAIL PRATIQUES

- Lieu : Palais de la Mutualité, 24 rue Saint Victor 75005 Paris

- Conférences : le vendredi 8 janvier de 14h00 à 17h00; le samedi 9 janvier de 9h00 à 12h00 et de 14h00 à 17h00; le dimanche 10 janvier de 14h00 à 17h00

- Secrétariat du congrès : 15 rue Pierre Corneille, 78000 Versailles ; tel : 01 39 51 08 73 courriel : [email protected]

- Tarifs : 3 jours 25 € - 2 jours 20 € - 1 jour 10 € - étudiants 8 € pour les 3 jours

LA REDÉCOUVERTE DE ROMANO AMERIOpar Mgr MARIO OLIVERI Évêque d’Albenga-Imperia

(Traduit de la revue Studi Cattolici, numéro de juin 2009)

En 1985, l’éditeur Ricciardi publiait uneétude volumineuse et détaillée de RomanoAmerio, intitulée Iota Unum – Studio dellevariazioni della Chiesa cattolica nel secoloXX 1. Or deux autres maisons d’édition ontannoncé la réédition de ce livre de 656pages (« Fede e Cultura », Vérone et « Lin-dau », Turin), et la chose est considérée dansdifférents milieux comme ayant une signifi-cation et un intérêt notables. L’OsservatoreRomano lui-même, qui n’avait pas prêtéattention à cette étude lors de sa premièreparution, s’y intéresse à présent. Le journaldu Saint-Siège a même donné nombred’informations sur un Congrès d’étudeconsacré à la personnalité et à l’œuvre litté-raire, philosophique et théologique du pen-seur de Lugano.

UNE ŒUVRE PASSÉE SOUS SILENCE

Lors de la première parution de l’étude deRomano Amerio, L’Osservatore Romano nefut certainement pas le seul à ne rien dired’une œuvre qui avait été conçue pour faireréfléchir, pour faire penser, pour en appelerà la rigueur de raisonnement de l’intelligencehumaine. L’œuvre avait été ignorée par denombreux milieux culturels (surtout de cul-ture religieuse et de culture théologique),qui la condamnèrent purement et simple-ment au silence. Dans d’autres milieux,hélas, elle avait été cataloguée d’officecomme écrit anti-conciliaire, exempletypique de refus de la pensée nouvelle, del’ère nouvelle, du nouveau printemps del’esprit ; fruit d’une mens qui s’étonnait qued’une nouvelle et incessante pensée naissenécessairement une nouvelle action, un nou-veau mode d’action, et donc une nouvelle

organisation de la mission de l’Église : sil’Église a une nouvelle conception d’elle-même – et tel était à cette époque le mode deraisonnement dominant de toute une littératu-re qui se présentait comme catholique – sidu Concile est née une nouvelle ecclésiolo-

gie, pourquoi ne pas accepter une nouvellepastorale, de nouvelles méthodes d’action ausein de cette nouvelle Église, pourquoi nepas accepter qu’une pensée qui se renouvel-le et s’auto-crée sans cesse génère un chan-gement continuel dans l’action, vers quelque

1. Iota Unum – Étude des variations de l’Églisecatholique au XXe siècle, édition française parueen 1987 aux Nouvelles Éditions Latines, Paris.

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Courrier de Rome2 Septembre 2009

chose qui reste toujours nécessairementindéfini ?

Que le lecteur ne s’étonne pas de la des-cription de l’atmosphère qui dominait dansl’Église lorsque l’ouvrage d’Amerio futpublié. La pensée d’Amerio ne pouvait cer-tainement pas trouver un bon accueil auprèsde ceux qui étaient désormais convaincusque le Concile Vatican II représentait unevraie discontinuité avec ce que l’Égliseavait, par le passé, enseigné, fait et vécupendant des siècles. Très répandue était lamentalité selon laquelle Vatican II fut unevéritable révolution, un virage (changementde direction), un changement radical ou sub-stantiel (bien que l’on n’utilisât plus ce der-nier terme, puisque la substance était unenotion appartenant à une philosophiedépassée par la pensée philosophiquemoderne…).

Pour beaucoup, passer sous silence, refu-ser la pensée d’Amerio était naturel, c’étaitmême un devoir : personne ne pouvait se per-mettre d’émettre des doutes de quelque natureque ce fût sur Vatican II, sinon – tout auplus – pour dire qu’il avait été trop prudent,et qu’il était donc nécessaire d’aller plusloin, puisqu’il faut toujours aller plus loin.

UN RAISONNEMENT TOUJOURS LINÉAIRE

Si quelqu’un trouvait ce discours excessif,il aurait sans aucun doute la possibilité detenter de montrer pourquoi il pense ainsi. Demême, ceux qui considéraient alors le rai-sonnement d’Amerio comme excessif (rai-sonnement en vérité toujours linéaire, tou-jours bien articulé, de compréhension immé-diate) auraient pu instaurer un dialogue(qu’ils prônaient d’ailleurs comme la vraieformule de tout progrès dans la pensée, dansl’action, et dans l’aboutissement au consen-sus), ils auraient pu tenter de démontrerpourquoi la philosophie qui sous-tend toutesles pages de ce livre n’était plus acceptable,bien qu’elle ait été la philosophie communeau sein de l’Église pendant des siècles,dépassant des changements historiques (tou-jours accidentels) et des époques très tour-mentées de la vie de l’Église et de la vie dumonde. Ils ne le firent pas : ils se turent ourefusèrent tout en bloc, sans donner les rai-sons de leur refus.

Pourquoi maintenant, ici et là, semble-t-ily avoir, à l’égard du penseur de Lugano, unecertaine attention, une attitude un peu diffé-rente ? Peut-être parce que, du moins danscertains milieux ecclésiaux (mais certaine-ment pas dans tous), on est en train des’apercevoir, et même de constater, que sanscontinuité dans la pensée et donc dansl’action, sans continuité dans la connaissan-ce et dans l’adhésion à la vérité connue, iln’est pas possible de tenir un discourssérieux sur quoi que ce soit, il n’est pas pos-sible de dire un mot qui vaille la peine d’êtreécouté, d’être cru, d’être transmis, et quiserve de base au comportement et à la viehumaine?

CONTINUITÉ DANS LA TRADITION

Peut-être est-on en train de prendre acteque là où le Concile Vatican II a été inter-

prété comme discontinuité avec le passé,comme rupture, comme révolution, commechangement substantiel, comme virage radi-cal, et là où il a été appliqué et vécu commetel, est née véritablement une autre église,mais qui n’est pas l’Église vraie de Jésus-Christ ; est née une autre foi, mais qui n’estpas la vraie foi dans la divine Révélation ;est née une autre liturgie, mais qui n’est plusla Liturgie divine, la Liturgie tout imprégnéede transcendance, d’adoration, de mystère,de grâce qui descend d’en haut pour rendrevraiment l’homme nouveau, pour le rendrecapable d’adorer en esprit et en vérité ; unemorale de situation s’est répandue, unemorale qui n’est pas ancrée ailleurs que danssa propre façon de penser et de vouloir, unemorale relativiste, à la mesure d’une penséequi n’est plus sûre de rien parce qu’ellen’adhère plus à l’être, au vrai, au bien.

Si les timides signes d’intérêt et deconsidération à l’égard d’un penseur qui futmû par l’amour de la vérité et donc parl’amour de l’Église, dont le devoir neconsiste pas en autre chose que transmettrela vérité de la divine Révélation (et tout ceque celle-ci comporte), telle qu’elle a étéreçue et vécue au cours des siècles parl’Église de Jésus-Christ, guidée par le Saint-Esprit, un penseur qui a décrit avec unehonnêteté absolue les variations de l’Églisecatholique au XXe siècle, qui a montré leurincohérence avec la Traditio Ecclesiæ, c’est-à-dire avec ce qui, pendant des siècles, a étécru, enseigné et transmis par l’Église dansun langage qui ne peut dire nova (des chosesnouvelles, des vérités nouvelles) mais toutau plus nove (d’une façon nouvelle) ; si cessignes d’intérêt et de considération sont dessignes réels, et s’ils devaient encores’accentuer, il serait permis d’espérer queles temps de désorientation en philosophiecomme en théologie sont sur le point d’êtredépassés, pour laisser la place à une penséecorrespondant aux essences, aux réalités deschoses, à la substance des choses, substancequi ne change pas, qui ne peut changer, pasmême lorsque changent les accidents, lesformes extérieures, les expressions contin-gentes, qui ne constituent pas le quid estd’une chose.

Mais il y a une certaine mentalité qui estlongue à disparaître : celle selon laquelle leConcile Vatican II aurait été comme unerefondation de l’Église aux temps modernes,et qu’avec ce Concile l’Église aurait fait lapaix avec le monde, elle se serait réconciliéeavec la modernité, avec la philosophie deve-nue presque exclusive au cours des dernierssiècles, selon laquelle tout est toujours infieri, tout évolue, tout dépend de la penséecréative de l’homme, tout est entièrement enson pouvoir.

PAS SEULEMENT DES INTERPRÉTATIONS

Une autre idée, très répandue, continued’être soutenue : l’idée selon laquelle il yaurait eu sans aucun doute des variationsimportantes, négatives, après le ConcileVatican II, mais ces variations seraientexclusivement dues à des interprétationserronées du Concile, lequel devrait être

considéré comme parfait en soi, et ne com-porterait dans ses textes rien, absolumentrien, qui puisse donner lieu à de mauvaisesinterprétations. Cette façon de penser netient pas compte du fait que les mauvaisinterprètes post-conciliaires du Concileont – pour beaucoup – travaillé au sein duConcile, dont les textes montrent sur diverspoints l’influence des novatores : il y a, dansdifférents textes, des racines qui favorisentla mauvaise interprétation. D’ailleurs ceuxqui en appellent à l’« esprit du Concile »,pour en dépasser la lettre, pour justifierl’herméneutique de la discontinuité radicale,seraient-ils dépourvus d’intelligence et deprudence au point de créer leur raisonne-ment en partant du néant, de l’inexistant ?Ou en partant de documents – ceux duConcile – dont aucune des expressions nepeut faire penser à des nouveautés par rap-port au Magistère qui fut celui de l’Église,au cours des derniers siècles, jusqu’au der-nier pontificat avant Vatican II ?

Dans les textes du Concile, il n’y auraitaucune trace de cette mentalité qui existaitclairement au sein du Concile, et que le car-dinal Joseph Ratzinger décrit dans son auto-biographie (Ma vie, 1998, Fayard) en cestermes : « De plus en plus s’imposaitl’impression qu’il n’y avait dans l’Égliserien de stable, que tout peut être objet derévision. De plus en plus, le Concile parais-sait ressembler à un gros parlement ecclésialqui pouvait tout changer et révolutionnertoute chose à sa façon… Les discussionsconciliaires étaient de plus en plus pré-sentées selon le schéma de parti, typique duparlementarisme moderne. » (pp. 97-98).« À la fin, “croire” signifiait quelque chosecomme “considérer”, avoir une opinionsujette à des révisions continuelles. »(p. 90).

DU PHÉNOMÈNE AU FONDEMENT

À présent, je suis heureux de reproduirepour les lecteurs de la prestigieuse revueStudi Cattolici ce que j’écrivais en 2005, enguise de préface au livre Romano Amerio.Della verità e dell’amore (Marco Editore),d’Enrico Maria Redaelli, avec une introduc-tion du professeur Antonio Livi :

« La personne et l’œuvre intellectuelle deRomano Amerio suscitent la réflexion ; ellestouchent l’essence de la philosophie et doncde la théologie. On ne peut avoir une véri-table intelligence de la foi qu’au sein d’unepensée qui a pour objet la vérité, ainsi que lacertitude de la possibilité d’atteindre lavérité et de la connaître, de l’atteindre parun raisonnement rationnel droit ou de larecevoir d’en haut, après avoir compris quecette vérité doit être acceptée et qu’elle neva jamais à l’encontre de l’intelligence.

En effet il ne va pas à l’encontre del’intelligence d’adhérer à une vérité supé-rieure à l’intelligence humaine, supérieureau processus humain de l’intelligence, maiséclairant les réelles profondeurs de l’être, etqui élève la connaissance de l’homme jus-qu’à atteindre la vérité de Dieu, de sa Paroledivine, de son Verbe.

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Romano Amerio fut admirablementconvaincu que foi et intelligence doiventnécessairement se rencontrer, qu’elles nepeuvent jamais être en contradiction ni envéritable opposition. Il comprit de façon trèsclaire que l’on ne fait pas de théologie sansla vraie philosophie, et que celle-ci ne perdrien de sa nature qui lui vient de Dieu, lors-qu’elle se laisse éclairer par la vérité deDieu, par la vérité révélée.

Toute la philosophie de Romano Amerioest guidée par des certitudes fondamentales,sans lesquelles il n’est pas possible de secomprendre, de transmettre la connaissancede ce qui est, et non de ce qui paraît. Voilàpourquoi philosopher est toujours « passerdu phénomène au fondement », comme lerelève justement Antonio Livi : c’est passerde l’apparence des choses à la substance ouessence des choses ; c’est toujours dépasserles accidents pour atteindre la substance,c’est toujours dépasser ce qui change, qui seprésente sous des formes changeantes, poursaisir l’immuabilité de l’être, et donc del’essence des choses.

Nous avons donc la primauté de l’être,

nous avons la primauté de la vérité, nousavons la primauté de la connaissance, nousavons la primauté de l’intelligence sur lavolonté et sur l’action (“nihil volitum quinprecognitum”). L’ “agere sequitur esse”,l’agere doit se conformer à l’esse, il doit seconformer à la vérité.

De tout cela, on comprend pourquoiRomano Amerio, en tant que philosophe etcroyant, en tant que chrétien, en tant quecatholique, n’a pas pu détourner son regardde certaines façons de faire de la théologie,de certaines façons de faire magistère ausein de l’Église ; il n’a pas pu – parcequ’alors il aurait trahi la vérité et lebien – se désintéresser de la vie de l’Église,qui n’est plus concevable dans sa véritableessence si elle ne vient pas de la vérité et netend pas vers la vérité, vers la parfaite trans-mission et connaissance de la vérité de Dieu.

Il fut parmi les plus convaincus qu’il nepeut y avoir de changements substantielsdans la connaissance de la vérité et encoremoins dans la transmission de la véritérévélée ; il ne peut donc y avoir de révolu-tions et de changements substantiels dans la

vérité et dans la vie de l’Église. Ce qui chan-ge est accidentel, jamais substantiel ; ce sontles accidents qui changent, et non pas lesessences.

Ses écrits, son amour de la vérité et del’Église, furent par certains (nombreux) malaccueillis, mal jugés, incompris. Ils méritentune connaissance meilleure, plus dépas-sionnée, plus vraie. Son jugement sévère surles nouveaux systèmes théologiques, et par-fois aussi sur certaines positions magisté-rielles des dernières décennies de la vie del’Église, venait de convictions de raison etde foi qui tenaient compte aussi bien de ladroite philosophie que de la Traditio Eccle-siae, qui est la vraie garantie de la connais-sance de la vérité révélée.

Il eut la connaissance lucide des condi-tions dans lesquelles le magistère de l’Églisedevient la garantie certaine de la véritérévélée. Ces conditions doivent toutes êtreremplies, pour que l’intelligence puissecomprendre qu’elle doit se plier à la vérité,qui est d’autant plus élevée et contraignantequ’elle est supérieure à l’intelligence humai-ne ».

L’AUTORITÉ DU CONCILE VATICAN IIDans un récent numéro de la revue Tu es

Petrus 1, l’abbé Bernard Lucien revient surla question des degrés d’autorité dumagistère, qui faisait déjà la matière d’unlivre publié par ses soins il y a deux ans 2.Selon lui, ces nouvelles précisionss’avéreraient nécessaires en raison de« l’urgence des discussions sur Vatican II »3. La couverture du numéro de la revue oùfigurent ces lignes représentant une photode groupe des quatre évêques de la Frater-nité Saint Pie X, on peut facilement se dou-ter de quoi il s’agit.

1) VATICAN II : UNE EXPRESSION DUMAGISTÈRE SUPRÊME, DONT DÉPENDRAITLA PLEINE COMMUNION AVEC L’ÉGLISE ?

L’abbé Lucien cherche à montrer que lesenseignements du concile Vatican II sontl’œuvre du magistère ecclésiastique suprê-me, dont l’acceptation de principe seraitrequise pour la pleine communion avecl’Église ; mais cette acceptation de principereste à ses yeux compatible avec une accep-tation différenciée, et non pas absolue, dechacune des propositions contenues dansles documents promulgués 4. En effet,

1. ABBÉ BERNARD LUCIEN, « Les degrésd’autorité du magistère » dans Tu esPetrus – Revue des amis de la Fraternité SaintPierre, n° 122 (avril 2009), p. 45-51.2. ABBÉ BERNARD LUCIEN, « Les degrésd’autorité du magistère », La Nef, 2007. Voir enparticulier le chapitre VI, p. 135-189. Nousavons donné une analyse de cette réflexion dansle journal Courrier de Rome – Sì Sì No No defévrier 2008, p. 1-6, sous le titre : « À propos desaint Vincent de Lérins ».3. ABBÉ LUCIEN, article cité, p. 45.4. ABBÉ LUCIEN, article cité, p. 49.

comme le magistère peut s’exercer en enga-geant son autorité à des degrés divers, lemagistère suprême du concile a pu donner àla fois des enseignements infaillibles etd’autres non-infaillibles ou simplementauthentiques. Les enseignements de ceconcile qui sont garantis par l’infaillibilitépeuvent tout au plus receler quelques ambi-guïtés que le magistère devra lever ; quantaux autres enseignements qui sont simple-ment authentiques, ils peuvent contenirquelque erreur à rectifier, mais il est pro-bable qu’un examen attentif n’en trouverapas, car les passages litigieux relèvent plusde l’équivoque que de l’erreur formelle 5.L’abbé Lucien compte par exemple dans lapremière catégorie des enseignementsinfaillibles l’affirmation centrale de ladéclaration Dignitatis humanæ sur la libertéreligieuse, au n° 2 6 et dans la seconde caté-gorie des enseignements simplementauthentiques l’affirmation, selon lui ambi-guë, du n° 8 de la constitution Lumen gen-tium sur l’Église, selon laquelle « l’Églisedu Christ subsiste dans l’Église catholique »7. Outre cet exercice de l’autorité magisté-rielle proprement dite, l’abbé Lucien voitaussi dans Vatican II l’exercice d’unmagistère seulement pédagogique, quin’engage aucune autorité 8 : selon lui, lesaffirmations conciliaires les plus discutablesrelèveraient de cette catégorie, comme parexemple les développements explicatifs dela déclaration Dignitatis humanæ sur laliberté religieuse, « qui mettent en œuvre

une philosophie personnaliste, sans la situerdans la vue supérieure de la primauté dubien commun » 9.

Pour établir cette démonstration, l’abbéLucien est conduit à défendre deux conclu-sions : tout d’abord, il s’avère selon lui quele concile Vatican II est sur certains pointsl’organe d’un magistère suprême véritable-ment infaillible ; d’autre part, Vatican IIserait sur d’autres points l’organe d’unmagistère suprême non-infaillible et simple-ment authentique.

2) VATICAN II : UN ORGANE DU MAGISTÈRESUPRÊME, VÉRITABLEMENT INFAILLIBLE ?

2.1) L’infaillibilité du magistèreselon la doctrine catholique

traditionnelleSi l’on veut savoir quelles sont les condi-

tions et quelle est la nature précise del’infaillibilité du magistère de l’Église, ondoit se reporter à ce qu’en dit la révélationdivine. En effet, comme le rappelle le papeLéon XIII dans l’encyclique Satis cognitumdu 29 juin 1896, « l’Église a été fondée etconstituée par Jésus-Christ Notre Seigneur ;par conséquent, lorsque nous nous enqué-rons de la nature de l’Église, l’essentiel estde savoir ce que Jésus-Christ a voulu faireet ce qu’il a fait en réalité ». Or, le Christ aétabli le magistère ecclésiastique commel’organe authentique, chargé de proposer enson nom la doctrine révélée. C’est doncdans les documents de ce magistère quenous devons trouver l’enseignement duChrist relatif à l’infaillibilité de son Église,et ces documents sont les suivants : la5. ABBÉ LUCIEN, article cité, p. 51.

6. ABBÉ LUCIEN, article cité, p. 51, note 15.7. ABBÉ LUCIEN, article cité, p. 51, note 16.8. ABBÉ LUCIEN, article cité, p. 51. 9. ABBÉ LUCIEN, article cité, p. 51, note 18.

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Courrier de Rome4 Septembre 2009

Lettre Tuas libenter (21 décembre 1863) dupape Pie IX, adressée à l’archevêque deMunich ; la constitution dogmatique DeiFilius sur la foi catholique (24 avril 1870),du concile Vatican I ; la constitution dogma-tique Pastor æternus sur l’Église(18 juillet 1870), du même concile.

Cette infaillibilité est une propriété quin’affecte immédiatement ni l’Église en tantque société, ni la personne qui dans l’Égliseest investie de l’autorité suprême, nil’exercice de l’autorité en tant que tel. C’estune propriété qui affecte précisément cer-tains actes qui correspondent à un certainexercice de l’autorité. Si l’on s’en tient auxtrois documents du magistère que nousvenons d’évoquer, on peut distinguer troiscirconstances précises, uniques et irréduc-tibles, dans lesquelles un certain exercice del’autorité suprême jouit de l’infaillibilité. Ily a l’acte singulier du pape qui enseignetout seul sans le concours des évêques : cetacte est la locutio ex cathedra. Il y a l’actesingulier d’une personne non plus physiquemais morale, c’est-à-dire le décret publiépar un concile œcuménique, lorsque tousles évêques, réunis autour du pape, ensei-gnent de concert avec lui et sous son auto-rité suprême. Il y a enfin l’ensemble desactes, unanimes et simultanés, qui émanentde tous les pasteurs de l’Église, sousl’autorité du pape, mais dans ce cas, lesévêques et le pape sont dispersés et nonplus réunis et leur union n’est que morale.

L’infaillibilité de la locutio ex cathedraest explicitement définie par le concile Vati-can I dans le chapitre IV de la constitutiondogmatique Pastor æternus (DS 3074).L’infaillibilité des décrets conciliaires estimplicitement enseignée à deux reprises :d’abord dans le chapitre III de la constitu-tion dogmatique Dei Filius (DS 3011) ;ensuite dans la lettre Tuas libenter de PieIX (DS 2879). D’une part le concile VaticanI affirme dans Dei Filius que « l’on doitcroire de foi divine et catholique tout ce quiest contenu dans la Parole de Dieu, écriteou transmise par la Tradition, et quel’Église propose à croire comme divine-ment révélé […] par un jugement solen-nel », et il faut entendre par cette expressiongénérique de « jugement solennel » aussibien les définitions du pape parlant excathedra que celles des conciles œcumé-niques. D’autre part, Pie IX affirme dansTuas libenter que, lorsqu’il s’agit « de cettesoumission qui doit se manifester par l’actede foi divine », elle est exigée, quoique nonexclusivement, par « ce qui a été défini parles décrets exprès des conciles œcumé-niques ou des pontifes romains de ce Siègeapostolique ». Dans les deux cas, il estexplicitement dit que les définitions desconciles œcuméniques réclament un assen-timent de foi divine. Puisque seul un ensei-gnement infaillible est en mesure de récla-mer l’assentiment de foi divine, ces deuxpassages de Dei Filius et Tuas libenterenseignent implicitement l’infaillibilité desdécrets conciliaires. L’infaillibilité dumagistère ordinaire et universel est elleaussi enseignée implicitement dans les deux

mêmes passages de Dei Filius et de Tuaslibenter. D’une part le concile Vatican Iaffirme dans Dei Filius que « l’on doit croi-re de foi divine et catholique tout ce qui estcontenu dans la Parole de Dieu, écrite outransmise par la Tradition, et que l’Églisepropose à croire comme divinement révélé[…] par son magistère ordinaire etuniversel ». D’autre part, Pie IX affirmedans Tuas libenter que, lorsqu’il s’agit « decette soumission qui doit se manifester parl’acte de foi divine », […] « elle doit aussis’étendre à ce que le magistère ordinaire detoute l’Église répandue dans l’univers trans-met comme divinement révélé ». Dans lesdeux cas, il est explicitement dit que lesenseignements du magistère ordinaire etuniversel réclament un assentiment de foidivine, et cela suppose que ces enseigne-ments sont infaillibles.

2.2) L’infaillibilité du magistèreselon l’abbé Lucien

a) Corps épiscopal rassembléou dispersé

L’abbé Lucien s’intéresse ici uniquementà l’infaillibilité de ce qu’il appelle « lemagistère universel ». Remarquons tout desuite que l’abbé Lucien commence par don-ner au mot « universel » un sens très précis,un sens qui n’apparaît d’ailleurs que sous saplume, et qui n’est pas du tout le sens queles textes du magistère donnent à ce motlorsqu’ils recourent à l’expression du« magistère ordinaire et universel ».

Une nouvelle terminologie…En effet, pour l’abbé Lucien, le magistère

universel s’oppose au magistère pontifical,comme le magistère suprême du corps épi-scopal unanime s’oppose au magistèresuprême du pape seul. Le mot « universel »dans l’expression « magistère universel »désigne pour lui l’activité simultanée etconjointe du pape et des évêques, dans unsens très général, qui fait abstraction de laréunion ou de la dispersion du corps épisco-pal. Le magistère universel, au sens quel’abbé Lucien donne à cette expression,désigne aussi bien l’activité du pape et desévêques physiquement réunis au mêmeendroit lors d’un concile œcuménique quel’activité du pape et des évêques disperséspar toute la terre et unis par le simple lienmoral de leur intention 10.

… qui prête à équivoqueÀ l’extrême rigueur, l’usage de cette

expression, avec le sens précis que lui donnel’abbé Lucien, pourrait être acceptable, bienqu’il s’agisse là d’une nouveauté dont on netrouve guère de précédent ni dans les textesdu magistère, ni dans la théologie. Maisl’expression est à réprouver, dans la mesureoù elle introduit une équivoque, et donneune interprétation faussée desenseignements du concile Vatican I surl’infaillibilité du magistère de l’Église. Eneffet, le texte de la constitution Dei Filiusparle d’un « magistère ordinaire et

universel », dont il oppose l’enseignement àcelui du « jugement solennel ». Dans cepassage, le mot « universel » a un sens trèsprécis, qui n’a absolument rien à voir avec lesens que voudrait lui donner l’abbé Lucien,et il désigne le magistère du corps épiscopaldispersé par toute la terre par oppositionau magistère du concile œcuménique, c’est-à-dire du corps épiscopal rassemblé. Pours’en convaincre, il suffit de se reporter auxactes authentiques du concile Vatican I, oùl’on trouve les déclarations de la Députationde la foi (c’est-à-dire de l’organisme chargéde représenter l’autorité du pape lors desdébats conciliaires) qui expliquent en quelsens le mot « universel » a été adopté dans letexte final de la constitution. Unamendement ayant proposé d’ajouter auxmots « magistère ordinaire » les qualificatifsde « public » et d’« universel », laDéputation de la foi jugea inutile l’additiondu mot « public » mais elle invita le concileà adopter l’addition du mot « universel »,qui fut voté à l’unanimité, moins une oudeux voix. Le rapporteur de la Députation,Mgr Martin, explique en ces termes le sensde cet ajout : « Ce mot universale signified’ailleurs à peu près la même chose que lestermes employés par Sa Sainteté dans saLettre apostolique, à savoir le magistère detoute l’Église dispersée sur la terre » 11. Lerapporteur ajoute un peu plus loin que cetteLettre apostolique était celle que Pie IXavait adressée le 21 décembre 1863 àl’archevêque de Munich, la lettre Tuaslibenter. Or Pie IX parle bien dans ce textedu « magistère ordinaire de toute l’Égliserépandue dans l’univers ». Comme leremarque le père Vacant, dans une étudeclassique, qui fait autorité sur la question :« Ce magistère est le mode d’enseignementqui s’exerce par toute l’Église, tandis queles jugements des conciles sont promulguésen un lieu donné » 12. Et de conclure : « Laplupart des théologiens qui ont écrit depuisle concile du Vatican avaient reconnu dansce qu’il nomme le magistère ordinaire etuniversel le même magistère que la Lettre dePie IX appelle le magistère ordinaire detoute l’Église dispersée sur la terre.Maintenant que nous possédons les actesauthentiques du concile du Vatican, on nepeut plus douter de cette identité,puisqu’elle a été affirmée dans lesdéclarations qui ont amené le vote de cepassage de notre constitution 13. »

De l’équivoque au postulatUn simple fait est digne de remarque :

dans toute son étude, l’abbé Lucien ne citejamais ni la Lettre Tuas libenter du pape PieIX, ni les déclarations de la Députation dela foi, telles qu’elles figurent dans les actesauthentiques du concile Vatican I. Ces

10. ABBÉ LUCIEN, article cité, p. 46.

11. MGR MARTIN, « Discours du 6 avril 1870 »dans J. D. Mansi, Sacrorum conciliorum nova etamplissima collectio, Paris, Hubert Welter, 1903,tome 51, colonne 322, A17-C1.12. ABBÉ JEAN-MICHEL VACANT, « Études théo-logiques sur les constitutions du concile du Vati-can », vol. 2, 1895, n° 624, p. 92.13. ID., ibidem, n° 622, p. 91.

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textes contredisent ouvertementl’explication fausse qu’il donne du passagede la constitution Dei Filius. Ce passage ditexactement ceci : « On doit croire de foidivine et catholique tout ce qui est contenudans la Parole de Dieu, écrite ou transmisepar la Tradition, et que l’Église propose àcroire comme divinement révélé, soit par unjugement solennel, soit par son magistèreordinaire et universel . » (DS 3011.)D’après les explications que nous venons dedonner, ce texte distingue entre le magistèredu corps épiscopal réuni en concile et lemagistère du corps épiscopal dispersé partoute la terre. L’abbé Lucien lit ce texte endonnant au mot « universel » le sens géné-rique qui fait abstraction de l’état de réu-nion ou de dispersion du corps épiscopal.Le « magistère ordinaire et universel » est àses yeux le magistère suprême du corps épi-scopal, aussi bien réuni en concile qu’àl’état de dispersion, et tel qu’il s’exerceselon un mode ordinaire, par opposition aumagistère suprême du même corps épisco-pal, tel qu’il s’exerce selon le mode d’unjugement solennel, ce qui n’a lieu quelorsque le corps épiscopal est rassemblé :« La qualification ordinaire pour l’exercicedu magistère universel s’oppose à jugementsolennel. Elle ne s’identifie donc pas avecl’état de dispersion du magistère universel.Rien ne s’oppose donc à ce qu’un concileœcuménique exerce le magistère ordinairesuprême selon le mode ordinaire et en enga-geant l’infaillibilité 14. » Voilà pourquoi,selon l’abbé Lucien, le concile Vatican II apu donner des enseignements infaillibles.En effet, comme l’a explicitement déclaréPaul VI, ce concile « a évité de promulguerdes définitions dogmatiques solennellesengageant l’infaillibilité », mais il a cepen-dant « muni ses enseignements de l’autoritédu magistère ordinaire suprême » 15. Si l’ons’en tient au postulat de l’abbé Lucien, onpeut conclure de là que, même si les ensei-gnements de ce concile ne se présentaientpas comme des définitions infaillibles enga-geant l’infaillibilité du magistère suprêmeuniversel selon le mode solennel, ils équi-valent cependant à l’exercice infaillible dumagistère universel selon le mode ordinaire.

b) Définir ou transmettreLe tour est joué, mais c’est un mauvais

tour de passe-passe. Il suffit de lire la LettreTuas libenter pour se rendre compte quel’abbé Lucien ne parle pas du tout le mêmelangage que le pape Pie IX. Le magistère del’Eglise peut enseigner de manièreinfaillible dans trois circonstances diffé-rentes : lorsque le pape parle seul ex cathe-dra ; lorsque le pape, à la tête des évêquesrassemblés autour de lui, publie les juge-ments solennels d’un concile œcuménique ;lorsque le pape, à la tête des évêques dis-persés dans toute la terre (chacun à la têtede son diocèse), prêche dans le cadre dumagistère ordinaire et universel. Entre ces

trois circonstances, nous trouvons une diffé-rence réelle modale imparfaite 16 : c’est ladifférence qui existe entre trois manièresd’être réellement distinctes, pour un seul etmême sujet, comme par exemple la distinc-tion qui existe entre le fait d’être assis, cou-ché ou debout pour un seul et mêmehomme. Si nous nous plaçons de ce pointde vue du sujet, c’est toujours l’Egliseenseignante qui est infaillible, à travers lecorps épiscopal dont le pape est l’uniquechef suprême ; mais cette Eglise enseignan-te est infaillible de deux manières réelle-ment distinctes, c’est-à-dire tantôt lors-qu’elle s’exprime par la bouche du corpsépiscopal rassemblé en concile, et tantôtlorsqu’elle s’exprime par la bouche ducorps épiscopal dispersé dans tout l’univers.La différence qui existe entre les deux estsans doute celle qui existe entre deuxmanières différentes pour un seul et mêmesujet d’enseigner infailliblement, mais c’estune différence bien réelle, et non unesimple différence de raison.

Une double différence réelle :deux sujets et deux objets

Cette différence réelle est d’abord,comme nous venons de le montrer en nousappuyant sur les enseignements du pape PieIX, la différence qui existe entre deuxfaçons distinctes, pour un même sujet,d’exercer son acte. Mais cette différenceréelle modale s’explique elle-même en rai-son d’une autre différence au niveau del’objet formel de l’acte. Dans la LettreTuas libenter, le pape Pie IX explique plusprécisément quelle est la différence quiexiste entre les jugements solennels desconciles œcuméniques et la prédication dumagistère ordinaire et universel en disantque cette différence est celle qui existeentre l’acte d’une définition et l’acte d’unetransmission. « S’il s’agissait de cette sou-mission qui doit se manifester par l’acte defoi divine », dit-il, « elle ne saurait êtrelimitée à ce qui a été défini par les décretsexprès des conciles œcuméniques […],mais elle doit aussi s’étendre à ce que lemagistère ordinaire de toute l’Égliserépandue dans l’univers transmet commedivinement révélé » (DS 2879). Il y a unedifférence entre une définition et unetransmission, et c’est la différence quiexiste entre deux objets formels distincts 17.

La confusion de l’abbé LucienSi, comme le fait l’abbé Lucien 18, on

affirme, en se plaçant de ce deuxième pointde vue de l’objet de l’acte, que la différencequi existe entre les jugements solennels des

conciles œcuméniques et l’exercice dumagistère ordinaire et universel est pure-ment accidentelle, on suppose par le faitmême que ces deux actes correspondent aumême objet formel, sous deux modalitésaccidentellement distinctes. On a doncaffaire dans les deux cas à l’acte d’une défi-nition, et la différence consiste seulementen ce que les jugements solennels compor-tent des solennités particulières dansl’expression verbale d’une doctrine directe-ment affirmée comme révélée, tandis que lemagistère ordinaire s’exprime sans recourirà ces solennités. Et c’est exactement cequ’affirme l’abbé Lucien 19. Il peut, selonlui, y avoir l’exercice d’un magistère ordi-naire dans le cadre d’un concile œcumé-nique, lorsque ce dernier procède à des défi-nitions sous un mode qui n’implique aucunesolennité particulière au niveau del’expression.

Cette explication ne tient pas, car elle estcontredite par l’enseignement explicite dupape Pie IX, dans la Lettre Tuas libenter. Sion se place du point de vue de l’objet del’acte (et non plus seulement du point devue du sujet), il y a une différence essen-tielle entre les jugements solennels d’unconcile œcuménique et l’exercice dumagistère ordinaire et universel. Dans lepremier cas, on a affaire à l’acte du corpsépiscopal rassemblé autour du pape, quiprocède à une définition solennelle. Dansle second cas, on a affaire à l’acte du corpsépiscopal dispersé par toute la terre etmoralement uni au pape, qui exerce latransmission du dépôt révélé. Le modesolennel n’est donc pas accidentel à la défi-nition 20 et il s’oppose essentiellement aumode ordinaire. Ces deux modalités, solen-nelle et ordinaire, correspondent à deuxactes essentiellement distincts 21.

14. ABBÉ LUCIEN, article cité, p. 49.15. PAUL VI, « Audience du 12 janvier 1966 »dans DC n° 1466 (6 mars 1966), col. 418-420.

16. Sur cette question, le lecteur peut se reporteraux explications que donne JACQUES RAMIREZ,O.P., De analogia, t. 2, n° 467, Instituto de filosofia Luis Vives, Madrid, 1971, p. 821-823.17. Nous avons expliqué plus en détail la natureprécise de cette différence, en nous appuyant surl’étude du PÈRE VACANT, dans le journal Cour-rier de Rome - Sì Sì No No de mai 2009, dans unarticle intitulé : « Pour une juste réévaluation deVatican II : le magistère et la Tradition claire-ment définis », p. 4.18. ABBÉ LUCIEN, article cité, p.46.

19. Abbé Lucien, article cité, p. 49, note 11.20. La solennité qui est le caractère propre etnécessaire d’une définition, et qui suffit à distin-guer celle-ci de l’exercice du magistère ordinai-re, n’est pas une solennité purement matérielle,qui se réduirait à un mode d’expression ou auxcirconstances solennelles dans lesquelles se pro-duit l’intervention du magistère conciliaire : legrand apparat avec lequel les décrets sontpubliés (si par exemple le pape porte la tiare, ets’il est entouré de tous les évêques en mitre et enchape) ; le lieu ou le temps de cette publication(si par exemple c’est dans la basilique Saint-Pierre du Vatican ou si c’est après une neuvainede prières ou de jeûne) ; le grand concours depeuple ; le retentissement médiatique. Il s’agitd’une solennité formelle, et elle équivaut au faitque la définition manifeste en tant que telle, avecla plus grande visibilité possible, qu’une propo-sition dogmatique est formellement incluse dansle dépôt révélé. Comme nous l’avons expliquédans l’article paru dans le numéro de mai 2009de ce journal, la définition a en effet pour objetdirect d’indiquer explicitement cette inclusion,tandis que le magistère ordinaire l’exprime defaçon implicite et indirecte, en se contentantd’énoncer directement les termes mêmes de laproposition formellement révélée.21. Cela se peut, même si on admet, (comme lefait JOACHIM SALAVERRI S.J., De Ecclesia, thèse13, n° 546 dans Sacra theologiæ summa, t. 1 :

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Courrier de Rome6 Septembre 2009

Vatican II n’est pas l’expression d’unmagistère infaillible

Le concile Vatican II a été un concileœcuménique légitimement convoqué, orga-ne possible d’éventuels jugements solennelsinfaillibles. Mais en tant que concile, c’est-à-dire en tant que corps épiscopal rassem-blé, il ne pouvait absolument pas équivaloirà un magistère ordinaire et universel. Etd’autre part, le pape Paul VI ayant explici-tement renoncé à exercer dans ce conciledes jugements solennels, les enseignementsde Vatican II ne sont nullement ceux d’unmagistère proprement infaillible 22.

3) VATICAN II : UN ORGANE DU MAGISTÈRESUPRÊME, SIMPLEMENT AUTHENTIQUE ?

L’abbé Lucien pense pouvoir prouver queVatican II a correspondu à l’exercice d’unmagistère proprement dit, même non-infaillible, dans la mesure où les enseigne-ments de ce concile se sont voulus doctri-naux, et il avance deux arguments pour éta-blir ce dernier point. D’abord un argumentpositif : les déclarations du pape Jean XXIIIaffirmeraient cette nature doctrinale desenseignements conciliaires. Ensuite unargument négatif : l’intention pastorale duconcile n’exclurait pas la nature doctrinaledes enseignements conciliaires 23.

3.1) Les déclarations deJean XXIII

L’abbé Lucien donne des extraits du dis-cours d’ouverture du concile Vatican II,prononcé par le pape Jean XXIII. Mais cescitations sont partielles, et elles ne donnentpas une idée exacte de la pensée de JeanXXIII. Si l’on se reporte à l’intégralité dudiscours, tel qu’il fut publié dans la Docu-mentation catholique 24, on s’aperçoit que lepape Jean XXIII n’a pas voulu réunir ceconcile pour proposer un enseignementdoctrinal : « Nous n’avons pas non pluscomme premier but », dit-il, « de discuterde certains chapitres fondamentaux de ladoctrine de l’Église, et donc de répéter plusabondamment ce que les Pères et les théolo-giens anciens et modernes ont déjà dit.

Cette doctrine, nous le pensons, vous nel’ignorez pas, et elle est gravée dans vosesprits. En effet, s’il s’était agi uniquementde discussions de cette sorte, il n’aurait pasété besoin de réunir un concile œcumé-nique. » Le pape a plutôt réuni ce concileafin de présenter la doctrine dans une formenouvelle : « Il faut que […] cette doctrinecertaine et immuable, qui doit être respectéefidèlement, soit approfondie et présentée dela façon qui répond aux exigences de notreépoque. En effet, autre est le dépôt lui-même de la foi, c’est-à-dire les véritéscontenues dans notre vénérable doctrine, etautre est la forme sous laquelle ces véritéssont énoncées, en leur conservant toutefoisle même sens et la même portée. Il faudraattacher beaucoup d’importance à cetteforme et travailler patiemment, s’il le faut, àson élaboration ; et on devra recourir à unefaçon de présenter qui correspond mieux àun enseignement de caractère surtout pasto-ral. » Jean XXIII reprendra d’ailleurs lamême idée, et de façon beaucoup plus pré-cise, dans une allocution adressée au SacréCollège le 23 décembre 1962. Il dit alors :« L’objet essentiel —disions-nous dans cediscours d’ouverture solennelle duConcile — n’est donc pas une discussionsur tel ou tel article de la doctrine fonda-mentale de l’Église, discussion qui repren-drait largement l’enseignement des Pères etdes théologiens anciens et modernes ; pourune pareille entreprise, en vérité, on n’avaitpas besoin d’un concile. Mais cette [doctri-ne] doit être étudiée et exposée suivant lesmodes de recherche et de formulation litté-raire de la pensée moderne, en se réglant,pour les formes et les proportions, sur lesbesoins d’un magistère dont le caractère estsurtout pastoral 25. »

Fort des citations très partielles qu’ildonne du discours du 11 octobre 1962,l’abbé Lucien pense pouvoir conclureainsi : « Il est donc certain qu’en poursui-vant un but pastoral, le concile Vatican IIn’a absolument pas renoncé à être formelle-ment doctrinal 26. » En réalité, quand on litla teneur exacte des propos de Jean XXIII,une pareille certitude semble bien devoirêtre sérieusement mise en cause. Sansdoute, loin d’exclure un enseignement doc-trinal, une « intention pastorale », au senshabituel et traditionnel du terme, le réclameet le favorise : au sens où l’intention pasto-rale se définit comme le souci du salut desâmes et de l’intégrité de leur foi, il est bienévident qu’une telle intention va de pairavec le souci de préciser et de défendre ladoctrine, qui est le moyen primordial grâceauquel les âmes pourront se sauver. Cepen-dant, le pape Jean XXIII définit cette« intention pastorale » dans un sens absolu-ment nouveau, et qui n’est pas sans impli-quer de graves ambiguïtés : il s’agit désor-mais d’exposer la doctrine non plus enfonction du salut des âmes et de l’intégritéde leur foi, mais « suivant les modes derecherche et de formulation littéraire de la

pensée moderne ». Quand on saitl’opposition irréductible qui existe entre lapensée moderne et la doctrine traditionnellede l’Église 27, un tel propos a de quoi laisserperplexe. La belle certitude de l’abbéLucien s’en trouve quand même assez forte-ment ébranlée et nous pouvons biencraindre qu’en poursuivant un tel but pasto-ral le concile Vatican II ait renoncéd’avance à être formellement doctrinal.

3.2) L’intention pastorale n’exclut pasl’enseignement doctrinal

L’argument négatif avancé par l’abbéLucien perd donc lui aussi toute sa consis-tance. En bonne philosophie, on dit que lafin détermine la forme. Le but d’un actedétermine d’avance la nature de cet acte.L’intention d’un concile détermine donc lanature des enseignements de ce concile.Une intention pastorale au sens traditionneldu terme n’exclut pas des enseignementsdoctrinaux et proprement magistériels, bienau contraire. Mais une intention pastorale,au sens nouveau indiqué par Jean XXIII,exclut que les enseignements du concileVatican II soient des enseignements doctri-naux et proprement magistériels, ou donnedu moins des raisons sérieuses d’en douter.

3.3) Une mauvaise tautologieAjoutons pour finir que l’abbé Lucien ne

répond pas à l’objection qui lui est faite.

On peut objecter en effet que le concileVatican II ne s’est pas exprimé avec uneautorité proprement magistérielle, et cecipour deux motifs. D’abord à cause del’intention pastorale, au sens nouveau indi-qué par Jean XXIII et qui semble difficile-ment conciliable avec l’exercice d’unmagistère ecclésiastique proprement dit.Ensuite dans la mesure où on trouve dansles enseignements de ce concile des affir-mations qu’il est impossible, ou du moinstrès difficile, de concilier avec les défini-tions dogmatiques et les enseignementsinfaillibles de la Tradition antérieure. Parmices enseignements contraires à la Tradition,les principaux, ceux dont l’opposition aumagistère traditionnel de l’Église est la plusmanifeste, sont renfermés dans la déclara-tion Dignitatis humanæ sur la liberté reli-gieuse, le décret Unitatis redintegratio surl’œcuménisme et la constitution pastoraleGaudium et spes. Le premier de ces troistextes contredit l’enseignement des papesGrégoire XVI dans l’encyclique Mirari voset Pie IX dans l’encyclique Quanta cura 28.Le deuxième texte contredit l’enseignementdu pape Pie XI dans l’encyclique Morta-lium animos 29. Le troisième contredit toute

« Theologia fundamentalis », Biblioteca deautores cristianos, Madrid, 1962, p. 667), que, dupoint de vue du sujet, la différence réelle modaleimparfaite qui existe entre le corps épiscopal ras-semblé ou dispersé équivaut à une différenceaccidentelle. Un seul et même sujet peut en effetexercer dans des circonstances qui ne sontqu’accidentellement différentes des actes spécifi-quement différents : Pierre peut parler debout oucouché, mais il peut aussi parler debout et dor-mir couché.22. Cela n’empêche pas que ce concile ait pu[dato non concesso] réaffirmer des enseigne-ments déjà enseignés auparavant par le magistèreinfaillible antérieur ; mais c’est une autre ques-tion, qu’il faudrait examiner pour elle-même.Nous examinons seulement ici la question pré-cise de l’infaillibilité du concile Vatican II entant que tel.23. ABBÉ LUCIEN, article cité, p. 49-50.24.JEAN XXIII, « Discours d’ouverture,11 octobre 1962 » dans DC n° 1387 (4 novembre1962), col. 1382-1383.

25. DC n° 1391 (6 janvier 1963), col. 101.26. ABBÉ LUCIEN, article cité, p. 50.

27. Le lecteur peut se reporter à ce sujet aunuméro de juillet-août 2009 du Courrier deRome- Sì Sì No No, p. 5-6.28. Pour une étude plus détaillée de cette ques-tion, on pourra se reporter au livre deMGR LEFEBVRE, « Mes doutes sur la liberté reli-gieuse », Clovis, 2000.29. Pour une étude plus détaillée de cette ques-tion, on pourra se reporter au livre deMGR LEFEBVRE, « C’est moi l’accusé qui devrait

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la doctrine sociale de l’Église, sur le règnedu Christ Roi, telle qu’elle se retrouve dansl’encyclique Immortale Dei du pape LéonXIII et dans l’encyclique Quas primas dupape Pie XI 30. Or, le magistère ecclésias-tique est par définition un magistère tradi-tionnel 31 et l’enseignement de ce magistèreest donc constant ; cette constance estconstatable non seulement par la raisonéclairée par la foi mais même par la seuleraison, par les lumières du sens commun. Sila prédication des hommes d’Église contre-dit celle de tous leurs prédécesseurs sur despoints qui concernent directement la sub-stance du message révélé, cette prédicationne peut en aucun cas revendiquer l’autoritédu magistère divinement institué. En cas dediscontinuité au niveau de l’objet de la pré-dication, on a le devoir de conclure quel’acte de cette prédication n’est pas l’actedu magistère de l’Église ; les hommes quiexercent cette prédication (c’est-à-dire lesujet de cet acte) restent ce qu’ils sont jus-qu’à preuve indubitable du contraire : cesont des hommes d’Église, évêques oupapes légitimes, qui possèdent la fonction etl’autorité du magistère ecclésiastique. Maisen l’occurrence ils ne peuvent pass’appuyer sur une telle autorité pour impo-ser leur prédication comme celle dumagistère de l’Église, car celle-ci n’est pasla prédication constante et immuable desvérités révélées par le Christ. Puisque lesenseignements du concile Vatican II sont enrupture avec la Tradition bimillénaire del’Église, au moins sur les trois points sub-stantiels que nous avons indiqués plus haut,ces enseignements ne peuvent pas être lesenseignements d’un magistère ecclésias-tique proprement dit.

L’abbé Lucien nous répond que ce seraitminimiser le rôle du magistère simplementauthentique. En effet, rappelle-t-il, même siun concile n’est pas infaillible, il reste qu’ilpeut s’exercer avec l’autorité d’un magistè-re simplement authentique 32. Cette réponseénonce sans doute une vérité d’ordre géné-ral (une possibilité), mais elle ne résout riendu tout, puisque la question à laquelle elleest censée répondre est justement celle oùl’on se demande si cette vérité d’ordregénéral peut s’appliquer dans le cas de Vati-can II. Nous avons de sérieuses raisons dedouter que Vatican II ait correspondu àl’exercice d’un magistère proprement dit,infaillible ou non, et il ne sert à rien derépondre que, de toute façon, Vatican II cor-

respond au moins à l’exercice d’un magistè-re non-infaillible et simplement authen-tique.

Il y a là un sophisme 33. L’abbé Luciennous dit que Vatican II a fait acte demagistère,… parce qu’un concile œcumé-nique est le sujet qui a la capacité requisepour exercer l’acte de magistère 34. Norma-lement, oui : si on a affaire à un concileœcuménique légitimement convoqué, ondoit présumer, habituellement, dans des cir-constances normales, que le concile va pas-ser comme tel à l’acte, et que les enseigne-ments qui vont être publiés par ce concileseront les enseignements d’un véritablemagistère. Cependant, cette présomption estlégitime pour autant que nous n’avons pasla preuve explicite et manifeste du contrai-re. Or, cette preuve intervient justementlorsque les enseignements du concile enquestion sont en contradiction manifesteavec l’enseignement du magistère ecclésias-tique antérieur : c’est le fameux critèrenégatif 35 qui doit nous conduire à nier qu’ily ait eu, dans le cas précis de Vatican II,l’exercice d’un véritable magistère,l’exercice d’un concile qui serait passécomme tel à l’acte. Même s’il arrive ordi-nairement et la plupart du temps qu’unconcile œcuménique fasse acte de magistè-re, il n’est pourtant pas mathématiquementnécessaire que tout concile œcuméniquepasse comme tel à l’acte et exerce toujoursun acte de magistère : le cas d’exceptionreste possible, même s’il est rare (une foissur vingt-et-un conciles œcuméniques), etc’est justement ce qui est arrivé avec Vati-can II : contra factum non fit argumentum.

4) UN TEXTE QUI N’A PAS VIEILLI

Au moment où, de l’aveu même d’unprêtre membre de la Fraternité Saint-Pierre,« l’urgence des discussions sur Vatican II »apparaît comme une évidence, il n’est passans intérêt de relire l’Introduction au livreJ’accuse le concile, paru en 1976 et qui ras-semble le texte des interventions par les-quelles, lors du concile Vatican II,Mgr Lefebvre a dénoncé les erreurs graves,contraires à l’enseignement constant dumagistère traditionnel, et qui ont été ensuiteadoptées par les décrets conciliaires.

« Pourquoi ce titre « J’accuse leConcile » ? Parce que nous sommes fondésà affirmer, par des arguments tant de cri-tique interne que de critique externe, quel’esprit qui a dominé au Concile et en a ins-piré tant de textes ambigus et équivoques etmême franchement erronés, n’est pasl’Esprit Saint, mais l’esprit du mondemoderne, esprit libéral, teilhardien, moder-niste, opposé au règne de Notre SeigneurJésus-Christ. Toutes les réformes et orienta-tions officielles de Rome sont demandées etimposées au nom du Concile. Or, cesréformes et orientations sont toutes de ten-dance franchement protestante et libérale.C’est dès le Concile que l’Église ou dumoins les hommes d’Église occupant lespostes clés, ont pris une orientation nette-ment opposée à la Tradition, soit aumagistère officiel de l’Église. […] LeConcile a été détourné de sa fin par ungroupe de conjurés et il nous est impossibled’entrer dans cette conjuration, quand bienmême il y aurait beaucoup de textes satis-faisants dans ce Concile. Car les bons textesont servi pour faire accepter les textes équi-voques, minés, piégés. Il nous reste uneseule solution : abandonner ces témoinsdangereux pour nous attacher fermement àla Tradition, soit au magistère officiel del’Église pendant vingt siècles 36. »

Voilà comment il faudrait, selon nous,« résoudre, dans la paix, la charité, et lavérité, les problèmes suscités par le concileVatican II et artificiellement entretenus denos jours par le Diable (le Diviseur), pour leplus grand malheur de l’Église et desfidèles » 37.

Abbé Jean-Michel Gleize

vous juger », Fideliter, 1994.30. Pour une étude plus détaillée de cettequestion, on pourra se reporter au livre deMGR LEFEBVRE, « Ils L’ont découronné », Fideli-ter, 1987.31. Voir à ce sujet le numéro de février 2008 duCourrier de Rome — Sì Sì No No.32. ABBÉ LUCIEN, article cité, p. 50. À lapage 51, notre auteur va plus loin, en disant quemême si un concile n’est pas infaillible selon lemode d’un jugement solennel, il reste qu’ils’exerce avec l’autorité d’un magistère infaillibleselon le mode ordinaire. C’est la reprise del’explication faussée que nous avons analyséeplus haut, § 2.

33. A posse ad esse non valet illatio. Dans sonTraité sur la comparaison entre le pouvoir dupape et celui du concile, chapitre XXVII, n° 416,CAJETAN remarque, à propos d’un raisonnementtout différent, mais comparable sur le point pré-cis qui le vicie, que ce sophisme consiste à pas-ser, de façon toute géométrique, d’une proposi-tion affirmative universelle à une propositionaffirmative particulière contenue, en concurrenceavec une autre proposition négative contraire,dans cette universelle : « sophisma consequentisa superiore ad suum inferius affirmative ». De lapossibilité universelle à l’une plutôt qu’à l’autredes réalités particulières contraires et égalementpossibles (quoiqu’inégalement probables),l’inférence n’est pas mathématiquementnécessaire ni toujours légitime.34. On retrouve le même sophisme, de manièreinversée, et à l’appui de la conclusion diamétra-lement opposée, dans la thèse sédévacantiste :Vatican II n’ayant pas accompli l’acte d’un véri-table magistère traditionnel, on en conclut queVatican II ne fut pas le sujet ayant la capacitérequise pour exercer cet acte, et on nie qu’il futun concile œcuménique légitime. On raisonneainsi par déduction sophistique a posteriori enpassant de « Vatican II n’a pas agi en tant queconcile » (vrai) à « Vatican II ne pouvait pas agiren tant que concile » (faux) puis à « Vatican II nefut pas en tant que concile » (faux). Et c’est tou-jours le même « mathématisme » qui se cachederrière cette apparente rigueur.35. Voir le numéro de mai 2009 du Courrier deRome — Sì Sì No No, p. 5-6.

36. MGR LEFEBVRE, J’accuse le concile, p. 9-11.37. ABBÉ LUCIEN, article cité, p. 51.

« Le Saint-Esprit n’a pas été promis[au premier Pape et à ses successeurs]pour qu’ils manifestent, par sarévélation, une nouvelle doctrine, maisqu’avec son assistance ils gardentsaintement et exposent fidèlement larévélation transmise aux apôtres, c’est-à-dire le dépôt de la foi. »

Concile Vatican I

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Le jésuite Louis Billot (1846-1931) fut appelé àRome par le pape Léon XIII, qui voulait donner uneorientation nettement thomiste à l’enseignement.Saint Pie X l’élèvera au cardinalat en 1911, aprèsl’avoir nommé, l’année précédente, consulteur duSaint-Office. Principal artisan du renouveauthomiste, défenseur réputé de l’orthodoxie dans lecontexte de la crise moderniste, le cardinal Billot estdemeuré surtout célèbre à cause de son coursd’ecclésiologie. Le Traité de l’Église du Christ, paruen 1900 est en effet la dernière grande synthèsethéologique, grâce à laquelle, pendant plus decinquante ans, des générations d’étudiants, prêtres etséminaristes, pourront trouver l’expression achevéede la pensée de l’Église, sur l’un des points où lesremises en cause de la nouvelle théologie devaientse faire le plus durement sentir. Depuis le concileVatican II (1962-1965) la constitution Lumengentium sur l’Église et le décret Unitatisredintegratio sur l’œcuménisme n’ont faitqu’entretenir la confusion. Cette première traductionfrançaise du maître ouvrage du cardinal Billot n’ad’autre ambition que d’éclairer les esprits, en leur

donnant accès à ce qui reste l’une des meilleures sources de la théologie de l’Église. Leprésent volume offre à la lecture la première des trois parties dont se compose ce traité, etqui a pour objet l’aspect proprement apologétique de l’Église, avec la question de soninstitution divine et de ses notes (Couverture « La tempête apaisée » - Enluminure del'Évangéliaire de Hilda (12e siècle) - Landesbibliothek von Darmstadt). 21 € + 3 € de port.

Cette étude, intitulée1962-Révolution dansl’Église et réaliséeavant 2002, futpubliée de janvier2007 à avril 2008dans la revueCourrier de Rome. La clarté du texte,accompagné d’un trèsgrand nombre decitations et de faits,donne à cette étudetoute sa valeur et metle lecteur devant lasituation actuelle de

l’Église d’une manière impressionnante et tout àfait objective.Don Andrea Mancinella, prêtre du diocèsed’Albano Laziale (Roma), ordonné en 1983, enest l’auteur. Ce prêtre conscient que quelquechose n’allait pas dans l’Église a eu pour lapremière fois entre les mains la revue Sì Sì No No,cela l’a incité à faire des recherches et des étudespersonnelles pour mieux comprendre la crise quetraversait l’Église. Ensuite ayant constaté ladésinformation générale du clergé pour ce quiconcerne la crise actuelle et la position de Mgr.Lefebvre, il décida de publier la synthèse de sonétude et de la distribuer à tous les prêtres de sondiocèse pour mieux leur montrer sa position defidélité à la Rome éternelle.

Prix 14 euros + 2 euros pour le port

Courrier de Rome8 Septembre 2009

COURRIER DE ROME

Édition en Français du Périodique RomainSì Sì No NoResponsable

Emmanuel du Chalard de TaveauAdresse : B.P. 156 — 78001 Versailles Cedex

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Après la publication, en 2007, de Tradition etmodernisme du cardinal Billot, le Courrier deRome a fait paraître en 2008 la première traduc-tion française du Traité sur la Tradition divinedu cardinal Franzelin (400 pages, 15 € + 3 €,port, légers défauts dans cette édition).

L'abbé Jean-Michel Gleize, professeurd'ecclésiologie au Séminaire InternationalSaint-Pie X à Écône a assuré la traduction dutraité du cardinal Franzelin, avec une présenta-tion et des notes substantielles qui en facilitentgrandement la lecture. Élevé au cardinalat par le pape Pie IX en 1876,Jean-Baptiste Franzelin (1816-1886) enseignapendant vingt ans la théologie dogmatique, aucollège jésuite de Rome. Théologien écoutélors du premier concile du Vatican en 1870, ilpublia cette même année un traité sur la tradi-

tion, le De traditione divina, qui l'a rendu célèbre et que l'on considère à justetitre comme l'ouvrage de référence sur la question. Franzelin ne se contentepas d'y déployer, avec une érudition parfaitement maîtrisée, toutes les res-sources de la patrologie grecque et latine. Son traité est construit comme doitl'être une œuvre proprement scientifique. Les deux fonctions, positive et spé-culative, de la théologie y sont mises à contribution pour définir avec préci-sion le concept de tradition, dans la dépendance la plus étroite des sources dela révélation. L'ouvrage de Franzelin met ainsi le doigt sur le vice radical dusystème protestant, qui repose en grande partie sur le refus de ce dogmecatholique de la Tradition divine. Il garde surtout toute son actualité, à l'heureoù la fausse notion de tradition vivante, qui est au centre des enseignementsdu concile Vatican II, est à l'origine des confusions doctrinales dont pâtissentbien des fidèles de l'Église catholique.

LES DERNIÈRES PUBLICATIONS DU COURRIER DE ROME

À PARAÎTRE FIN SEPTEMBRE 2009

TOUS LES LIVRES PEUVENT ÊTRE COMMANDÉS À : [email protected]

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s ì s ì no no« Que votre OUI soit OUI, que votre NON soit NON, tout le reste vient du Malin »

(Mt 5, 37)

Le numéro 3€

Octobre 2009Mensuel - Nouvelle SérieAnnée XLIII n° 326 (516)

Les idées hétérodoxes exprimées par lecardinal Carlo M. Martini, résidant en Israëldepuis plusieurs années, dans le livre-inter-view dont Le Courrier de Rome a récem-ment publié un compte rendu, ne constituentcertainement pas une nouveauté. Mais par lepassé, le prélat s’exprimait avec davantagede prudence. Le fait qu’il puisse continuerouvertement et impunément son œuvre dedémolition de la doctrine et de la moralechrétiennes, démontre que la situation géné-rale, au sein de la Hiérarchie catholique,reste grave. Il nous semble donc utile derevenir sur les doctrines perverses de Marti-ni, en proposant à nos lecteurs ces « apos-tilles », qui intègrent et approfondissent lesremarques faites par l’auteur du compterendu paru dans le Courrier de Rome de juindernier.

I. LA CONTRE-THÉOLOGIEDU CARDINAL MARTINI

L’Enfer existe, mais il serait vide. Le car-dinal croit en l’existence de l’Enfer, mais ilaffirme que « personne ne peut dire si quel-qu’un s’y trouve ». (Les déclarations deNotre-Seigneur dans les Évangiles, qui affir-ment exactement le contraire, puisqu’Ilrévèle que c’est Lui-même qui condamneles pécheurs impénitents à la damnationéternelle, ont-elles une importance pour lecardinal? Les bons catholiques savent qu’ilsne peuvent jamais dire qui ira en Enfer,puisque le jugement ne revient qu’à Dieu,mais ils savent qu’ils ne peuvent certaine-ment pas dire que l’Enfer soit destiné àdemeurer vide, idée bien différente, quibafoue l’Écriture et la justice divine). Il fautnaturellement « tenir compte de l’Enfer »,dit Martini, même s’il faut comprendre qu’àbien y regarder, « l’Enfer est déjà sur terre ».À la fin, de toute façon, l’amour de Dieu

CARDINAL MARTINIApostilles au compte rendu du récent livre du cardinal C. M. Martini.

Courrier de Rome, XLIII, n° 323, juin 2009, pp. 5-8

triomphera de tout, fait comprendre le cardi-nal. Si l’on prend d’un côté l’Enfer vide etde l’autre côté le triomphe final de l’amourde Dieu (naturellement, on ne parle jamaisde sa Justice, du Jugement Universel, de laséparation entre élus et réprouvés, de la pré-destination à la Gloire), on peut en déduireque le cardinal insinue de façon ambiguëmais perceptible « l’idée de la rédemptionfinale pour tous », c’est-à-dire qu’il va dansle sens de cette scandaleuse et funeste erreur,tellement à la mode de nos jours parmi lesCatholiques (et seulement parmi eux, carpour les Musulmans et les Juifs, ceux quin’appartiennent pas à leur religion sont ipsofacto damnés pour l’éternité, sans autreforme de procès, alors que pour leurs coreli-gionnaires mauvais, l’Enfer existe mais il neserait que temporaire).

Sola Scriptura. Le cardinal Martini semblemettre au centre de la religion chrétienne nonpas l’enseignement de l’Église, mais la lectu-re personnelle de la Bible, à la façon des pro-testants. Il affirme en effet que « le bon chré-tien » est celui qui « croit en Dieu, a confian-ce en le Christ, le connaît dans la Bible,l’écoute… ». Il ne dit jamais (remarquel’auteur du compte rendu) que le bon chré-tien est avant tout celui qui suit en touteschoses l’enseignement de l’Église, enseigne-ment qui s’applique aussi à la façon corrected’interpréter la Bible. Pour ne pas tomberdans l’erreur qui consiste à se fabriquer unereligion personnelle, le bon chrétien doitdonc s’appliquer surtout à lire la Bible, selonMartini. Sola Scriptura, donc, commentejustement l’auteur, à la façon des Protestants.

L’évangélisation des peuples est superflue.Martini soutient ensuite que Dieu aidera« toutes les églises, toutes les religions », à« réaliser le bien dans le monde », à « mieux

remplir leur mission à l’égard du monde ».De cette façon, souligne le critique, le cardi-nal en arrive à attribuer une « missiondivine » à toutes les religions. Dans cesconditions, on ne comprend pas quel senspeut encore avoir l’évangélisation catho-lique. À quoi sert l’Église, dans une telleoptique? Il est clair (remarque l’auteur) quepour le cardinal, la seule évangélisation pos-sible devrait être de type « a-dogmatique »,c’est-à-dire réalisée sans la prétention deproposer et prôner une vérité absolue,comme l’est en soi la vérité révélée parNotre-Seigneur, qu’Il a ordonné à ses dis-ciples de prêcher de façon inconditionnelle,sans compromis, parce qu’elle est la seulequi puisse conduire les âmes au salut.

Exaltation du bouddhisme et du yoga.Dans cette optique, on comprend pourquoiMartini, bien qu’il dise (évidemment) préfé-rer les exercices de saint Ignace, affirme que« le bouddhisme et le yoga sont des aidesmerveilleuses pour une vie approfondie ».Pour la vie des Catholiques? S’il y a unephilosophie de vie incompatible avec leCatholicisme, c’est bien, à notre avis, lebouddhisme, de même que la philosophieyoga, qui en est un sous-produit. Ne possé-dant pas de dimension transcendante, le

COURRIER DE ROME

IXE CONGRÈS THÉOLOGIQUE

les 8, 9 et 10 janvier 2010 à Paris

VATICAN IIUN DÉBAT À OUVRIR

Voir page 3

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Le discours du Pape Benoît XVI, du 22décembre 2005 à la Curie Romaine, a suscitéde nombreuses réactions au sujet del’interprétation des textes de Vatican II. Un despoints les plus retenus est la question del’herméneutique de la discontinuité et de larupture d’une part, et celle de l’herméneutiquede la continuité et de la réforme d’autre part.Les intervenants de ce VIIIe congrèsthéologique ont voulu proposer une réflexionsur le concept d’herméneutique. Faut-ilprendre ce concept comme un synonymed’interprétation — comme une simpleexplication de texte —, ou dans le sens de lapensée contemporaine, c’est-à-dire dans uneacception plus large qui conduit à une notionsubjective de la vérité et de la compréhensionqu’on peut en avoir?D’autres interventions portent sur certainstextes du Concile Vatican II et s’interrogentsur la possibilité d’adopter une herméneutique

de continuité, lorsque la doctrine exposée est difficilement conciliable avec la ligne dumagistère antérieur ou n’a pas de fondement évident dans la Tradition.Prix 20 e + 3 e de port.

Courrier de Rome2 Octobre 2009

bouddhisme vise à dissoudre l’individu dansle néant (le soustrayant ainsi à la « douleur »de l’existence) au moyen de techniques deméditation conçues pour anéantir peu à peunon seulement les passions mais aussi lapensée consciente elle-même, la volonté. Ilen résulte une philosophie de la vie d’unégoïsme absolu, caché derrière une sollicitu-de féminine pour la « douleur », élevée arbi-trairement au rang de catégorie fondamenta-le de l’existence humaine. Certaines sectesbouddhistes pratiquent la « magie sexuelle »comme composante pratique de leurs« méditations ». La patience du chrétien àl’égard des souffrances de cette vie, dans laperspective de la rédemption et du salut deson âme et de celles des autres, voilà quiconstitue un idéal de vie totalement incom-préhensible pour le bouddhisme (commed’ailleurs pour toutes les autres religions).Ce répugnant mélange du Christianismeavec les religions orientales et les philoso-phies qui en dépendent est, nous le savons,une des conséquences les plus tristes deVatican II. Il est vraiment incompréhensibleque le cardinal Martini puisse associer lalimpide spiritualité vraiment chrétienne desExercices de saint Ignace avec la spiritualitéambiguë des « méditations » bouddhistes etavec le yoga.

Un faux Jésus, qui ne condamne pas lepéché. À l’égard de Notre-Seigneur, le car-dinal a un comportement confidentiel, tran-quille : il le voit comme « le maître » maissurtout comme « mon ami », avec lequel,dit-il, « je parle sur un ton tout à fait normal,

pas pieux du tout ». Comme si s’adresser àJésus-Christ Notre-Seigneur était la mêmechose que de s’adresser à l’un quelconquede nos bons amis!

Ce Jésus compréhensif, compatissant, ami-cal, humain, tolérant tous les péchés, ce fauxJésus est justement celui qui plaît à Martiniet que l’Église, à son avis, devrait proposeraux hommes. « L’Église a beaucoup parlé dupéché, trop. De Jésus, elle peut apprendrequ’il vaut mieux donner du courage auxhommes et les engager à lutter contre lepéché du monde. » La sainte Église (par lepassé) a « trop » parlé du péché? Et Notre-Seigneur, au contraire, aurait principalementparlé du « péché du monde », c’est-à-dire desinjustices sociales? Le Nouveau Testamenttout entier est là pour démentir de telles affir-mations. Et que signifie « donner ducourage » ? Donner du courage signifiemanifestement ici présenter une versionédulcorée du Christianisme, en évitant deparler de la nécessité de pratiquer les vertuschrétiennes si l’on veut être agréable à Dieu;en évitant même ne serait-ce que d’évoquerle Jugement Universel et la damnation éter-nelle pour les réprouvés. Cela revient à fairemontre d’un humanisme hyperoptimiste (à laJean XXIII), en cachant en substancel’existence du mal, de l’erreur, du péché, ori-ginel et individuel, de la Justice divineinfaillible ; cela signifie taire la nécessitéabsolue de se convertir au Christ en paroleset en actes, seule façon d’obtenir la vie éter-nelle.

II. LA CONTRE-ÉTHIQUEDU CARDINAL MARTINI

Passons sur d’autres aspects égalementrépréhensibles de la pensée martinienne etvenons-en à la « morale sexuelle », domainedans lequel le cardinal exprime encoredavantage d’énormités.

Contre Humanæ Vitæ. L’interviewer deMartini émet, dans le livre, un jugementnégatif sur l’encyclique Humanæ Vitæ (danslaquelle Paul VI interdit la contraception). Ilpartage l’opinion de ceux qui soutiennentqu’elle aurait « dressé une barrière entrel’Église et la jeunesse ». Martini déclare êtredu même avis. Il idéalise les « jeunes », plusque de raison. Au lieu de fustiger (commeelles le mériteraient) les mœurs corrompuesdes jeunes d’aujourd’hui, le cardinal se metde leur côté, et contre le magistère del’Église. Les jeunes, rappelle-t-il, posent àl’Église des questions concernant « la sexua-lité, le mariage, le célibat ». Sur ces ques-tions, l’Église avec raison est demeuréeferme dans sa position traditionnelle, c’est-à-dire qu’elle n’a pas adopté la façon dontles « jeunes » voudraient qu’elle les résolve.Et comment l’aurait-elle pu? La « façon »dont les « jeunes » voudraient que l’Égliseréponde n’est pas autre chose que le fléchis-sement total à l’égard de l’hédonisme et dumatérialisme qui inondent l’Occident. Ilsvoudraient que l’Église autorise la contra-ception (et donc l’avortement), les relationssexuelles avant le mariage, la sexualité nonreliée à la procréation comme fin premièredu mariage. En somme, ils voudraient enpratique que l’Église supprime les cinquiè-me et sixième commandements!

Le cardinal trouve que l’enseignement del’Église en la matière n’est pas approprié. Ildit en effet dans l’interview qu’il faut abor-der ces questions « dans un horizon pluslarge ». Il faut trouver « une voie pour parlerde manière appropriée du mariage, ducontrôle des naissances, de la fécondationartificielle et de la contraception ». Aborderces questions « dans un horizon plus large »,trouver « une voie pour parler de manièreappropriée » de ces questions délicates »…Il s’agit d’un langage évasif, typique desnovateurs d’aujourd’hui, qui toutefoismontre clairement de quel côté penchent cesderniers. C’est la position contraire àl’enseignement officiel et constant del’Église, et donc au dogme de la foi. En effetMartini, toujours dans l’entretien, s’aligneassez ouvertement sur les positions de cesévêques autrichiens, allemands et d’autrespays, qui ont contesté Humanæ vitæ. « Ilsont pris – dit-il – un chemin que nous pour-rions suivre aujourd’hui. Une période dequarante ans [depuis la publication del’encyclique], comme celle que nous venonsde vivre – aussi longue que la traversée dudésert par Israël – pourrait nous permettre deporter un regard nouveau sur ces ques-tions ».

LES ACTES DU VIIIE CONGRÈS DU COURRIER DE ROME DE JANVIER 2009SONT DISPONIBLES

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Courrier de RomeOctobre 2009 3

IXE CONGRÈS THÉOLOGIQUE DU COURRIER DE ROMEen partenariat avec

L’INSTITUT UNIVERSITAIRE SAINT-PIE X et D.I.C.I.

VATICAN II : UN DÉBAT À OUVRIRPARIS

8, 9 ET 10 JANVIER 2010SOUS LA PRÉSIDENCE DE S.E. MGR BERNARD FELLAY

SUPÉRIEUR GÉNÉRAL DE LA FRATERNITÉ SACERDOTALE SAINT-PIE X

PROGRAMME

VENDREDI 8 JANVIER : 14H00 — 17H00� Introduction : « Vatican II un débat à ouvrir » de Mgr Brunero Gherardini

Abbé Emmanuel du Chalard� Le fondement pérenne de la Révélation divine et de la doctrine de l’Église

Abbé Philippe Bourrat� Principes et fondements philosophiques de la nouvelle théologie

Dottoressa Luisella Scrosati� Influence de la pensée moderne dans Vatican II — essai d’interprétation

Professore Paolo Pasqualucci

SAMEDI 9 JANVIER :9H00 — 12H00

� La Tradition vivanteAbbé Jean-Michel Gleize

� La personne de l’Église au fondement de la nouvelle ecclésiologieAbbé Patrick de La Rocque

� Flottement stylistique et théologique dans Nostræ ÆtateProfesseur Dominique Viain

14H00 — 17H00� La liberté religieuse et la nouvelle doctrine sociale

Abbé Renaud de Sainte Marie� Foi et raison dans la pensée de Joseph Ratzinger

Abbé Christian Thouvenot� La mise en parenthèse du principe de non-contradiction

Abbé Alain Lorans

DIMANCHE 10 JANVIER : 14H00 — 17H00� La situation présente à Rome et dans l’Église

Abbé Emmanuel du Chalard� Synthèse et perspectives

S.E. Monseigneur Bernard Fellay

DÉTAILS PRATIQUES

• Lieu : Palais de la Mutualité, 24 rue Saint Victor 75005 Paris, salle Jussieu au 1er étage(entrée à droite à côté de l’église Saint Nicolas du Chardonnet)

• Conférences : le vendredi 8 janvier de 14h00 à 17h00; le samedi 9 janvier de 9h00 à 12h00et de 14h00 à 17h00; le dimanche 10 janvier de 14h00 à 17h00• Tarifs : 3 jours 25 € — 2 jours 20 € — 1 jour 10 € — étudiants 8 € pour les 3 jours

(Inscriptions possibles sur place avant chaque conférence)• Pour toute correspondance (spécifier) :

Secrétariat du congrès : 15 rue Pierre Corneille, 78000 Versailles; tel : 01 39 51 08 73courriel : [email protected]

(Les repas de midi des prêtres sont assurés sur place à proximité immédiate de la Mutualité)

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Courrier de Rome4 Octobre 2009

La référence biblique du cardinal biblisteMartini dans ce contexte nous semble unblasphème. Il fait clairement comprendrequ’il faut revoir l’enseignement d’HumanæVitae et aller dans les sens des positions duSiècle à l’égard du mariage, du contrôle desnaissances, de la fécondation artificielle, dela contraception ! En substance, il laisseentendre qu’à son avis, le Pape avait tort : ilfaut changer l’enseignement du Magistèrepour le conformer aux desiderata du monde(desiderata d’un monde de plus en plusdécadent, mais c’est là manifestement undétail sans importance).

Acceptation de l’homosexualité.L’entretien aborde ensuite, le thème del’homosexualité. Nous disons « naturelle-ment » parce que chacun sait quel’homosexualité est devenue désormais ungrave problème en Occident. Au sujet desrapports sexuels dans le mariage, le cardinalmanifeste une grande indulgence, en faisantcomprendre qu’il faut dépasser les tradition-nelles distinctions et interdictions enseignéesau cours des siècles par l’Église, et quivisent toutes à préserver la morale, la dignitédes épouses et la fin première du mariage,qui est la procréation et non le remediumconcupiscentiæ (fin secondaire).L’interviewer demande alors : « [votre] atti-tude libérale s’applique-t-elle aussi à laquestion de l’attitude de l’Église à l’égard del’homosexualité? »

La réponse semble évasive, mais seule-ment en apparence. « Dans mon cercle deconnaissances, il existe des couples homo-sexuels, des gens qui sont très estimés etsocialement intégrés. On ne m’a jamaisdemandé, et il ne me serait d’ailleurs jamaisvenu à l’idée, de les condamner. La questionest seulement de savoir comment nous pou-vons nous situer face à cette réalité. » Là estdonc seulement la « question » ?L’homosexualité en tant que telle n’est doncpas, pour notre cardinal, un péché grave, àcondamner, mais un phénomène social àaccepter! S’il voyait les choses autrement, ilne prendrait pas comme exemple le phé-nomène de ces couples homosexuels israé-liens « très estimés et socialementintégrés »! La recension rappelle que KarlRahner, le célèbre théologien en odeurd’hérésie, professait à ce sujet la même opi-nion, pour ainsi dire « agnostique » (Rahner– sauf erreur de notre part – a eu une maî-tresse pendant vingt ans, dont l’existence aété découverte après sa mort).

Mais cet « agnosticisme » est difficilementconciliable avec la condamnation bibliquede l’homosexualité, qui se prolonge dans leNouveau Testament, comme on le déduit decertains passages de saint Paul, à commen-cer par le célèbre chapitre d’ouverture (avecaussi un esprit de charité chrétienne qui apour but la conversion du pécheur) del’Épître aux Romains (dans la capitale baby-lonesque de l’immense empire, en crise de

valeurs, prospéraient aussi les vices, y com-pris l’homosexualité). Voici comment Marti-ni trouve le moyen d’esquiver la prescrip-tion donnée par l’Écriture. C’est le vieuxtruc (bien ingénu, en réalité) del’historicisation de la vérité contenue danscette prescription : la considérer commelimitée aux besoins de l’époque, et donccomme non valable de façon absolue. Àcause de « la pratique douteuse qui régnaitdans l’Antiquité, où des hommes avaient, àcôté de leur famille, des garçons pour leurplaisir [pédérastie] et des amants masculins,la Bible veut protéger la famille, la femme etl’espace réservé aux enfants ». Un exempleclassique d’homosexualité en ce sens seraitAlexandre le Grand, d’après le cardinal.

Contre Martini : la Bible et Platoncondamnent l’homosexualité en tant quetelle. Aux affirmations de Martini, l’auteurdu compte rendu répond avec raison que laBible ne condamne pas l’homosexualité uni-quement selon un critère d’opportunité, dansle but de défendre une institution fondamen-tale comme la famille : elle la condamnetout d’abord pour ce qu’elle est en soi : unerébellion à l’ordre de la procréation vouluepar Dieu. En dehors du fait que la défensede la famille constitue une raison plus quesuffisante de condamner l’homosexualité(manifestement cette défense importe peuau cardinal), il ne faut jamais oublier que lesrapports sexuels entre personnes du mêmesexe constituent en soi des « actes contrenature ».

Quant à nous, nous voulons ajouter qu’iln’est pas sûr du tout qu’Alexandre le Grandait été homosexuel. Toutes sortes delégendes ont fleuri à son sujet, en bien et enmal, dont il n’est pas facile de démêler levrai du faux. Les racontars sur sa prétenduehomosexualité sont peu crédibles, entreautres parce qu’ils proviennent de sourcesdouteuses ou hostiles. Un passage de Plu-tarque nous révèle qu’il considéraitl’homosexualité comme une chose honteuse(Alex., XXII). Le cardinal Martini auraitplutôt dû se souvenir de la condamnationexplicite de l’homosexualité en tant quetelle (en tant que comportement immoralprécisément parce que contre nature) parPlaton, dans les Lois : «… il faut reconnaîtreque ce plaisir [de l’étreinte] semble avoir étéattribué par la nature au sexe féminin et ausexe masculin dans la mesure où ilss’unissent pour la génération, mais l’uniondes hommes avec les hommes, ou desfemmes avec les femmes est contre nature,acte téméraire causé dès le commencementpar un plaisir désordonné. » (I, 636 c.)

S’intéressant aux autres religions, le cardi-nal affirme que « dans les communautésprotestantes et dans le judaïsme réformé,l’homosexualité n’est pas un problème,alors que pour les orthodoxes [gréco-schis-matiques], l’homosexualité est une hor-reur ». L’Église (qui pourtant – rappelons-le

– l’a toujours fermement condamnée, touten considérant les homosexuels avec charitéchrétienne comme des pécheur à sauver etnon comme des criminels à persécuter)devrait « chercher sa voie dans cette diver-sité », c’est-à-dire (tel est le sens des décla-rations du cardinal) trouver un pointd’équilibre entre ces deux visions opposées.Mais qu’est-ce que cela signifie? Cela signi-fie proposer une « voie » qui semble laisserprésager une reconnaissance del’homosexualité, sinon directement dumoins indirectement, ne serait-ce que parcequ’on ne voudrait plus la considérer commeune réalité peccamineuse que l’Église a ledevoir de condamner, en tant que tel!

Contre Martini : l’homosexualité crée degraves problèmes aussi chez les Protestantset les Juifs. Les références du cardinal àl’attitude des Protestants et du judaïsmeréformé appellent quelques observations. Iln’est pas vrai que l’homosexualité ne consti-tue pas un problème pour les Protestants.Dans la secte anglicane, après des années dediscussions et de disputes, on est arrivérécemment à une sorte de scission avec lescommunautés nord-américaines (dites « épi-scopales ») précisément parce que celles-ciont légitimé la nomination de pasteurs notoi-rement homosexuels et vivant en concubina-ge. Ce sont surtout les communautés angli-canes africaines qui ont poussé vers cetteséparation, en particulier celle du Nigéria.L’Église d’Angleterre admet le mariageentre divorcés et ne s’oppose pas aux unionsciviles entre homosexuels. Dans le cas decouples de pasteurs qui vivent de faitensemble, ils doivent toutefois pratiquer lachasteté (et une certaine discrétion). Certainsanglicans admettraient aussi le « mariagehomosexuel ». Mais d’autres communautésanglicanes sont beaucoup moins tolérantes.Il semble que la pratique des couples de pas-teurs homosexuels cohabitant discrètement(c’est-à-dire feignant d’être simplementamis) ne soit pas rare en Angleterre ni auxÉtats-Unis. La situation a empiré avecl’accession des femmes au pastorat (en 1974en Amérique, en 1992 en Angleterre). Parmielles se trouvent en effet des féministesacharnées, lesbiennes déclarées, qui ont misagressivement à l’ordre du jour la questiondes droits des « gays ». On veut une recon-naissance explicite. L’Anglicanisme, népour satisfaire la luxure (selon nature) dusanguinaire Henri VIII d’Angleterre, sembleêtre en train de s’étouffer dans la sordideluxure (contre nature) de notre siècle. Ànotre humble avis, il y aurait là une grandemoisson de vocations à récolter, étant donnél’égarement compréhensible dans lequeltombent des secteurs importants del’anglicanisme, s’il existait encore une Hié-rarchie catholique digne de ce nom, c’est-à-dire entièrement vouée à la sainteté de vie età la conversion des âmes au Christ.

En effet « si Sparte pleure, Messène ne riepas », comme l’on disait autrefois. Avec des

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Courrier de RomeOctobre 2009 5princes de l’Église comme le cardinal Marti-ni, qui voudraient redéfinir la doctrinecatholique de façon à l’adapter aux exi-gences du Siècle, y compris les pires, mêmel’avenir de l’Église (« modernisée » en fonc-tion des « valeurs » du Siècle) semble deplomb. Et le présent l’est aussi. En effetnous savons que dans certains pays, le vicede l’homosexualité a hélas atteint le clergédans des proportions qui semblent inquié-tantes, même si elles le sont certainementmoins que ce que veulent nous faire croireles media et les lobbys homosexuels. Etnous ne parlons pas des prêtres qui aujour-d’hui pèchent contre le vœu de chasteté, nerésistant pas aux pulsions de la nature, etfont pression pour l’abolition de l’obligationdu célibat ecclésiastique.

En ce qui concerne l’allusion au « judaïs-me réformé », il faut préciser que l’onentend par là en réalité l’aspect prédominantdu judaïsme, qui ne comprend pas les juifsorthodoxes qui, s’ils le pouvaient, condam-neraient probablement les homosexuels etles lesbiennes aux peines prévues pour euxdans l’Ancien Testament. Il s’agit en réalitédu judaïsme laïc, partagé entre intellectuelspolitiquement conservateurs ou libéraux. Lacomposante « libérale », représentée depuistoujours aux États-Unis par le mythiquequotidien New York Times, s’est révéléedans ces dernières années beaucoup plussensible aux requêtes des « gays ». EnIsraël, elle a réussi à créer un véritable sanc-tuaire législatif pour les homosexuels, quivoient beaucoup de leur « droits » supposésreconnus. Mais ce fait ne facilite pas les rap-ports avec les juifs orthodoxes ni avec lacomposante musulmane de l’État, car dansde nombreux États islamiques on a assistéces derniers temps (au moins formellement)à un raidissement extraordinaire à l’égard del’homosexualité, à l’inverse de ce qui sepasse en Occident.

Le célibat des prêtres doit être revu et ilfaut ordonner les femmes. Il va de soi que lecardinal Martini ne se montre pas favorableau célibat des prêtres. L’Église, affirme-t-il,« devra avoir une nouvelle vision à cesujet ». Il va également de soi qu’il semontre féministe, au point de se déclarerfavorable à l’ordination des femmes, utili-sant les mêmes arguments ridicules que lesféministes. Mais que signifie ici « une nou-velle vision »? On pratique ou on ne pra-tique pas le célibat. Il n’existe pas de « nou-velle vision » sur la pratique du célibat, uncélibat « différent » du célibat. Le sens del’affirmation, autrement incompréhensible,du cardinal, ne peut être que : le célibat desprêtres doit être supprimé, pourquoi pas enle rendant facultatif ! L’Église de demain,selon les troubles visions du cardinal Marti-ni, non seulement accorderait une plus gran-de liberté sexuelle, en acceptant les rapportscontre nature, mais devrait comporter desprêtresses et des prêtres mariés!

Pour l’apologétique « nicolaïte » (Ap. 2, 6)

du cardinal, cela suffit. Passons à quelquesconsidérations sur sa science de bibliste.

III. L’EXÉGÈSE NÉO-MODERNISTEDU CARDINAL MARTINI

Nous abandonnons maintenant la critiquedu livre-entretien pour porter à la connais-sance de nos lecteurs une autre interventionde cet ineffable prélat, digne du plus grandintérêt à notre avis. Depuis quelque temps,le cardinal publie de temps à autre unerubrique dominicale dans le Corriere dellaSera, le célèbre quotidien milanais, danslaquelle il répond aux lettres que les lecteurslui envoient, sur des sujets variés. Remar-quons tout d’abord l’inconvenance, pour unprêtre, d’une telle tribune. L’ex « journalnational des italiens » et en effet devenudepuis longtemps un journal anticlérical etmême antichrétien, car il déploie depuis desannées une propagande en faveur de la« libération sexuelle », sous toutes sesformes. Il publie aussi parfois des articles oudes images obscènes ou choquantes, dansles pages consacrées aux spectacles ou dansles rubriques d’actualité, ou encore dans lespages de publicité.

Quoi qu’il en soit, dans le Corriere du 26juillet 2009, p. 11, répondant à quelqueslettres qui demandaient des éclaircissementssur le sens et la crédibilité du récit biblique,le cardinal fait des considérations de métho-de sur l’herméneutique biblique.

Martini expose synthétiquement la métho-de selon lui correcte pour interpréter lasainte Écriture. « Nombreuses sont leslettres qui concernent tel ou tel passagebiblique d’interprétation difficile. Beaucoupde ces questions révèlent la conceptionencore répandue d’une Bible écrite sous ladictée divine et absolument dépourvued’erreurs. » Cette saine et traditionnelleconception, qui par la grâce de Dieu sembleencore répandue parmi les croyants, est-ellepartagée par notre cardinal? Il semble vrai-ment que non. Voici en effet ce qu’il affirme.

D’après Martini, l’interprétation quel’Église donne de l’Écriture n’est pas ins-pirée. « Il faut remarquer tout d’abord queles chrétiens lisent les Écritures comme unlivre unique, qui a été remis [par qui?] àl’Église pour qu’elle l’interprète sûrement, àpartir de son centre qui est Jésus mort sur lacroix et ressuscité. » Remarquons bien cettephrase, dont nous espérons qu’elle a étéaussi notée par les lecteurs du Corriere :« pour qu’elle l’interprète sûrement. » Seu-lement « sûrement »? Le Saint-Esprit (nonnommé par le cardinal) aurait remis les Écri-ture sainte (inspirées par Lui) à l’Église pourqu’elle se limite à les interpréter« sûrement », comme une quelconque auto-rité académique pourvue d’une bonne pré-paration philologique? Il ne s’agit pas seule-ment d’interprétation « sûre » : c’est àl’Église et à elle seule qu’a été conféréel’autorité pour juger du « sens vrai » desÉcritures et donc de l’unique vérité qui doit

s’y trouver. Voici ce que proclame la Profes-sion de Foi prononcée à l’ouverture duConcile œcuménique dogmatique Vatican I,dont la notion fut ensuite réaffirmée dans laconstitution conciliaire dogmatique sur la foicatholique Dei Filius, du 24 avril 1870, auchapitre III, dans laquelle fut « renouvelé »ce dont avait déjà délibéré le Concile deTrente : «… Dans les matières de foi et demœurs qui concernent l’élaboration de ladoctrine chrétienne, on doit tenir pour véri-table sens de la sainte Écriture celui qu’atenu et que tient notre Mère la sainte Église,à laquelle il appartient de juger du sens et del‘interprétation véritable des saintes Écri-tures; et que, dès lors, il n’est permis à per-sonne d’interpréter cette sainte Écriturecontrairement à ce sens ni non plus contrai-rement au consentement unanime desPères. » (DS, 1788/3007).

Pour un vrai catholique, il n’y a pas designification des Écritures qui puisse êtredifférente de celle professée par l’Église, etce parce qu’à son Eglise seulement, assistéepar le Saint-Esprit, Notre-Seigneur à confiéle dépôt de la foi et donc l’interprétationvéridique des Écritures.

La façon dont Martini expose cette véritéde foi est pour le moins réductrice. Ouplutôt, il ne l’expose pas du tout. Maisvoyons la suite.

Le subjectivisme évident de la méthodesuggérée par le cardinal. « De plus, la Biblen’est pas seulement un enseignement doctri-nal, mais en grande partie récit, interpella-tion, consolation, parabole, exhortation,prière, reproche, etc. Dans tout ceci noussommes conduits à marcher sur la bonneroute, sans craindre de nous tromper. Dansl’ensemble la tradition biblique, quand elleest bien interprétée, se révèle solide et col-lant à la vie, bien que ne manquent pas leserreurs historiques, sociologiques, géogra-phiques, etc. » Donc, il y aurait dans la Bibleune quantité notable d’erreurs, qui impli-quent l’histoire, la sociologie (?), la géogra-phie, etc. Ce « etc. », quel type d’erreurssous-entend-il ? La Bible est donc pleined’erreurs, mais « solide et collant à la vie »,comprenons-nous, si elle est « bien inter-prétée ». « Collant » à quelle vie? À la vieéternelle ? À notre vie de tous les jours,semble-t-il, à la vie quotidienne del’homme.

Mais voilà : la Bible n’est pas un simplerésumé de sagesse populaire pour la viequotidienne. Le fait est que la perspectivesurnaturelle (qui est le propre de l’Écriture)semble totalement absente del’herméneutique biblique de notre cardinal.Lequel, et ce n’est pas par hasard, retire sasignification doctrinale à une grande partiede la Bible, affirmant qu’elle est « récit,interpellation, etc. » séparément de la doc-trine. Comme si l’on pouvait priver uneseule ligne des deux Testaments de sa signi-fication « doctrinale », c’est-à-dire du faitqu’elle est la manifestation de la Vérité

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Courrier de Rome6 Octobre 2009

révélée par Dieu, ou au moins qu’elle s’yréfère!

Pour Martini, qui pense et écrit de façonconforme à l’exégèse subjectiviste confusedes Protestants, qui a pénétré (entre autresgrâce à lui) l’exégèse catholique actuelle, lesfaits relatés dans la Bible ne sont pas vraisparce que vrais, c’est-à-dire en tantqu’événements réels; ils le sont parce queleur expérience par les croyants est« vraie ». Qu’est-ce que cela veut dire? Quecette « expérience » est vraie parce que celuiqui l’a faite l’a crue vraie? Que cette expé-rience est vraie parce qu’elle s’avère dans lavie des croyants ? Celui qui y comprendquelque chose est très fort. Mais voici lepassage.

« Abraham, Isaac, Jacob, Joseph, etc., au-delà de ce que l’on peut en savoir parl’histoire, sont « vrais » parce que leur expé-rience est “vraie”, expérience qui s’avèresans cesse dans la vie des croyants. »L’expérience d’Abraham a été celle de pou-voir parler à Dieu directement, et Dieu luiest apparu sous une forme humaine, avecdeux anges à forme humaine, à la porte desa maison (Gen. 18, 1 ss). Cette « expérien-ce » est-elle vraie parce que le fait s’est réel-lement produit ou non ? De foi, nouscroyons comme l’a toujours enseignél’Église : que ces choses extraordinaires sontréellement arrivées. Dire, comme le fait lecardinal, que ces faits sont « vrais parce queleur expérience est vraie, expérience quis’avère sans cesse dans la vie des croyants »signifie s’exprimer de façon obscure, suffi-sant toutefois à introduire le doute sur lavérité objective et donc sur l’historicité desfaits racontés dans la Bible, étant donné quela « vérité » de ces faits, dépendant exclusi-vement de l’« expérience » que l’on en aeue, serait en fait un produit del’« expérience » de celui qui les raconte.Cela va contre le dogme et rend un trèsmauvais service à ceux qui écrivent au car-dinal, éminent bibliste, pour être éclairés surles Saintes Écritures.

La partie méthodologique, pour ainsi dire,de la réponse du cardinal, se conclut par uneinévitable référence à Vatican II.

Martini interprète dans un sens néo-moderniste Dei Verbum 11. « Plus délicatssont ces passages où, à propos par exemplede la guerre, ou de la vie après la mort, onexprime une doctrine qui à nos yeux sembletronquée. Ces passages doivent être luscomme une étape du chemin vers la plénitu-de de la lumière. Le Concile Vatican II ditque « les livres de l’Écriture enseignent net-tement, fidèlement et sans erreur, la véritételle que Dieu, en vue de notre salut, a vouluqu’elle fût consignée dans les saintesLettres » (cf. Dei Verbum, n. 11). Ceci posé,j’essaie de répondre à quelques-unes deslettres que j’ai reçues.

Cher Monsieur X, les premières pages dela Genèse nous présentent, à l’aide de sym-

boles, une profonde vérité sur Dieu, surl’homme et sur le mal. Tout n’est pas dit,mais c’est déjà beaucoup pour commen-cer… »

Notre commentaire : dans les Écritures setrouveraient donc des passages qui expri-ment une doctrine « qui à nos yeux sembletronquée ». Le cardinal veut dire ici, mani-festement, que dans les Écritures sont ensei-gnées des doctrines qui, de notre point devue d’hommes modernes, sont « incom-plètes ». Quelles sont-elles? La référence estgénérale. Il s’agirait de passages sur la façonde concevoir la guerre ou l’au-delà. Il seraitintéressant de savoir en quel sens l’éminentbibliste considère doctrinalement incomplettel ou tel passage de l’enseignement néotes-tamentaire à propos de « la vie après lamort ». Peut-être pense-t-il précisément à ceque Notre-Seigneur a révélé sur le jugementparticulier et sur le jugement dernier, et surla damnation éternelle des réprouvés? Cespassages qui semblent doctrinalement« tronqués » devraient être lus, dit-il,« comme une étape du chemin vers la pléni-tude de la lumière ». Qu’est-ce que cela veutdire ? À notre avis, cela veut dire que le« message » contenu dans l’Écriture n’estpas complet, que la Révélation ne s’est pasencore accomplie, que le chemin vers « laplénitude de la lumière », c’est-à-dire la plé-nitude de la Révélation, est encore ouvert.Pour tous, pour toutes les religions, étantdonné qu’à chacune d’elles a été confiée une« mission divine »! Nous sommes en pleindélire œcuméniste.

Quoi qu’il en soit, malgré les lacunes quipulluleraient dans les textes sacrés [sic], il nefaut pas nous inquiéter. Vatican II nousinforme que l’Écriture « enseigne fidèle-ment et sans erreur, la vérité telle que Dieu,en vue de notre salut, a voulu qu’elle fûtconsignée dans les saintes Lettres ». Tout vabien. Il suffit de savoir que la Bible nousenseigne « fidèlement et sans erreur » lavérité salvifique, malgré les erreurs histo-riques, sociologiques, géographiques, etc. etses lacunes doctrinales ! En effet,l’enseignement scriptural qui compte vrai-ment est celui qui concerne la « vérité envue de notre salut » dont « Dieu a vouluqu’elle fût consignée » dans les Écritures!Tout le reste est plein d’erreurs mais cela necompte pas pour notre salut! Mais quellesseraient ces vérités salvifiques? Martini nenous le dit pas. Et comment peut-il y avoirun noyau de vérité dans des textes truffésd’erreurs en tous genres, y compris doctri-nales ? On ne peut vraiment pas le com-prendre. Mais on comprend, au contraire,que le cardinal, à la manière de certainshérétiques, doute fortement de l’historicitédu récit de la Genèse.

La tentation d’Adam et Ève serait un récituniquement symbolique. En effet, à un lec-teur qui lui demande : « la première partiede la Genèse est-elle le fruit d’une simple

réflexion par l’auteur sur l’origine du mal,comme le pensent plusieurs prêtres que j’aientendus, ou bien représente-t-elle, bien quesous forme symbolique (l’arbre, la pomme,le serpent) une ressemblance de vérité? » lecardinal, comme on l’a vu, donne uneréponse dans le sens de l’interprétation ratio-naliste (et donc hérétique) déjà offerte aulecteur par des prêtres que celui-ci aconsultés. Pour lui, la première partie de laGenèse nous représente une profonde véritésous une forme symbolique, elle ne nousreprésente pas des faits. Sauf erreur, Pie XII,dans l’encyclique Humani Generis, n’a-t-ilpas justement condamné des exégèses de cegenre? Et si oui, pourquoi cette condamna-tion n’est-elle pas appliquée par l’autoritécompétente?

On déduit également de ce contexte que lecardinal Martini interprète le célèbre etambigu art. 11 de la constitution conciliaireDei Verbum sur la divine Révélation (l’undes articles les plus contestés de tout leConcile) dans le sens des novateurs néo-modernistes : le dogme de l’inerrances’applique seulement à ces parties del’Écriture qui enseignent la vérité placée enelle (par Dieu) pour notre salut. Mais celasignifie nier le dogme de l’inerrance au senspropre, cela signifie répandre de faussesdoctrines.

Le compte rendu publié en juin dernier parle Courrier de Rome rapporte aussil’opinion du vaticaniste de la célèbre revuede gauche L’Espresso, Sandro Magister, quiest considéré comme une journaliste bieninformé. « Dans les hautes sphères de la hié-rarchie, les critiques envers l’auteur sontsévères et révèlent une inquiétude. Mais enpublic, la règle est de se taire. Il y a la crain-te que contester publiquement les thèses dece livre vienne ajouter des problèmes auxproblèmes ». On peut comprendre la situa-tion difficile dans laquelle se trouve la Curie.Martini, dont l’audace a augmenté progres-sivement ces dernières années, représentetoute l’aile néo-moderniste de la Hiérarchie,aile qui demeure assez puissante, entreautres grâce aux multiples appuis extérieursdont elle jouit, connus de tous. Mais,demandons-nous, jusqu’à quand l’autoritécompétente pourra-t-elle continuer de setaire? Le scandale est maintenant énorme :un cardinal conteste ouvertement, et sansêtre inquiété, le magistère de l’Église sur despoints fondamentaux de la morale et dudogme, et fait litière de la bonne exégèsebiblique catholique. Jusqu’à quand la PrimaSedes pourra-t-elle repousser le bilan dunéo-modernisme qui gangrène toute l’Églisedepuis si longtemps? Les années passent,les Papes changent, mais les plaies del’Église, qui se sont ouvertes avec Vatican II,demeurent. Et elles s’infectent de plus enplus.

Le Glaneur

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Le jésuite Louis Billot (1846-1931) fut appelé à Rome par le pape Léon XIII, qui voulait donnerune orientation nettement thomiste à l’enseignement. Saint Pie X l’élèvera au cardinalat en1911, après l’avoir nommé, l’année précédente, consulteur du Saint-Office. Principal artisan durenouveau thomiste, défenseur réputé de l’orthodoxie dans le contexte de la crise moderniste, lecardinal Billot est demeuré surtout célèbre à cause de son cours d’ecclésiologie. Le Traité del’Église du Christ, paru en 1900 est en effet la dernière grande synthèse théologique, grâce àlaquelle, pendant plus de cinquante ans, des générations d’étudiants, prêtres et séminaristes,pourront trouver l’expression achevée de la pensée de l’Église, sur l’un des points où les remisesen cause de la nouvelle théologie devaient se faire le plus durement sentir. Depuis le concileVatican II (1962-1965) la constitution Lumen gentium sur l’Église et le décret Unitatisredintegratio sur l’œcuménisme n’ont fait qu’entretenir la confusion. Cette première traductionfrançaise du maître ouvrage du cardinal Billot n’a d’autre ambition que d’éclairer les esprits, enleur donnant accès à ce qui reste l’une des meilleures sources de la théologie de l’Église. Leprésent volume offre à la lecture la première des trois parties dont se compose ce traité, et qui apour objet l’aspect proprement apologétique de l’Église, avec la question de son institutiondivine et de ses notes (Couverture « La tempête apaisée » - Enluminure de l'Évangéliaire deHilda (12e siècle) - Landesbibliothek von Darmstadt). 21 € + 3 € de port.

Cette étude, intitulée 1962-Révolution dans l’Église etréalisée avant 2002, futpubliée de janvier 2007 à avril2008 dans la revue Courrierde Rome. La clarté du texte,accompagné d’un très grandnombre de citations et de faits,donne à cette étude toute savaleur et met le lecteur devantla situation actuelle de l’Églised’une manièreimpressionnante et tout à faitobjective.Don Andrea Mancinella,

prêtre du diocèse d’Albano Laziale (Roma), ordonné en1983, en est l’auteur. Ce prêtre conscient que quelquechose n’allait pas dans l’Église a eu pour la première foisentre les mains la revue Sì Sì No No, cela l’a incité à fairedes recherches et des études personnelles pour mieuxcomprendre la crise que traversait l’Église. Ensuite ayantconstaté la désinformation générale du clergé pour ce quiconcerne la crise actuelle et la position de Mgr. Lefebvre,il décida de publier la synthèse de son étude et de ladistribuer à tous les prêtres de son diocèse pour mieux leurmontrer sa position de fidélité à la Rome éternelle.

Prix 14 € + 2 euros pour le port

Courrier de RomeOctobre 2009 7

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Ce livre est la traduction d’un rapport d’enquête faitlors du procès de canonisation du saint pape; àpropos de la manière d’agir de saint Pie X dans lalutte contre le modernisme.Un bon complément aux deux autres ouvrages.

Après la publication, en 2007, deTradition et modernisme du cardinalBillot, le Courrier de Rome a faitparaître en 2008 la première traduc-tion française du Traité sur la Tradi-tion divine du cardinal Franzelin(400 pages, 15 € + 3 €, port, légersdéfauts dans cette édition).

L'abbé Jean-Michel Gleize, profes-seur d'ecclésiologie au SéminaireInternational Saint-Pie X à Écône aassuré la traduction du traité du cardi-nal Franzelin, avec une présentation etdes notes substantielles qui en facili-tent grandement la lecture. Élevé au cardinalat par le pape PieIX en 1876, Jean-Baptiste Franzelin(1816-1886) enseigna pendant vingtans la théologie dogmatique, au

collège jésuite de Rome. Théologien écouté lors du premier conciledu Vatican en 1870, il publia cette même année un traité sur la tradi-tion, le De traditione divina, qui l'a rendu célèbre et que l'onconsidère à juste titre comme l'ouvrage de référence sur la question.Franzelin ne se contente pas d'y déployer, avec une érudition parfai-tement maîtrisée, toutes les ressources de la patrologie grecque etlatine. Son traité est construit comme doit l'être une œuvre propre-ment scientifique. Les deux fonctions, positive et spéculative, de lathéologie y sont mises à contribution pour définir avec précision leconcept de tradition, dans la dépendance la plus étroite des sourcesde la révélation. L'ouvrage de Franzelin met ainsi le doigt sur le viceradical du système protestant, qui repose en grande partie sur le refusde ce dogme catholique de la Tradition divine. Il garde surtout touteson actualité, à l'heure où la fausse notion de tradition vivante, quiest au centre des enseignements du concile Vatican II, est à l'originedes confusions doctrinales dont pâtissent bien des fidèles de l'Églisecatholique.

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Courrier de Rome8 Octobre 2009

COURRIER DE ROME

Édition en Français du Périodique RomainSì Sì No NoResponsable

Emmanuel du Chalard de TaveauAdresse : B.P. 156 — 78001 Versailles Cedex

N° CPPAP : 0408 G 82978Imprimé par

Imprimerie du Pays Fort18260 Villegenon

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78001 Versailles CedexE- mail : [email protected]

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CATÉCHISME DE LA DOCTRINECHRÉTIENNE

CATÉCHISME DE SAINT PIE X164 p. - 20 € (cartonné), 10 € (broché)

Reproduction du catéchisme de 1912, fait par ordrede saint Pie X qui l’a prescrit à toute la Provinceecclésiastique de Rome. Ce catéchisme voulu parsaint Pie X, « plus bref et adapté aux exigencesactuelles » a été très répandu en Italie et ignoré enFrance.

TÉMOIGNAGES

LA PETITE HISTOIRE DE MA LONGUEHISTOIRE

MGR LEFEBVRE1 volume 128 p. - 9,9 €

Texte de quelques conférences que donna MgrLefebvre un an avant sa mort aux soeurs de laFraternité Saint Pie X. Il s’intitula « Les voies de laProvidence dans le cours de ma vie et comme il estbon de s’en remettre totalement à Elle pour plaire auBon Dieu ».

LE MESSAGE DU PADRE PIOKATHARINA TANGARI

1 volume 168 p. - 11 €Fille spirituelle de saint Padre Pio, Katarina Tangariraconte ici ses propres visites et celles de ses prochesà San Giovanni da Rotondo, le couvent où vivait lesaint moine stigmatisé.

KATHARINA TANGARIYVES CHIRON

1 volume 416 p. - 20 €Parution fin novembre 2006

Yves Chiron retrace la vie exceptionnelle deKatharina Tangari, fille spirituelle de saint Padre Pio,membre du Tiers-ordre dominicain, qui a connu lesprisons anglaises en Italie de 1943 à 1946, a étéemprisonnée en Tchécoslovaquie en 1971 et 1972pour son aide aux catholiques, et est venue en aideaux prêtres de la Fraternité Saint-Pie X. Sonitinéraire et la façon dont elle a surmonté sesépreuves sont exemplaires pour notre temps.

J'AI TUÉ MES SEPT ENFANTSD'APRÈS UN TÉMOIGNAGE RECUEILLI PAR

LE PÈRE D. MONDRONE S.J.1 volume 57 p. - 3,8 €

Le drame de l'avortement, relaté il y a plus de 50 ans,préfigurant une actualité toujours plus brûlante etmontrant l'angoisse et le désespoir d'une femme ausoir desa vie après avoir avorté sept fois.

CRISE DE L'ÉGLISE - THÉOLOGIE

STAT VERITASROMANO AMERICO1 volume 190 p. - 21 €

Ce livre est la suite de « Iota Unum ». C’est unrecueil d'observations faites suite à la lecture de lalettre « Tertio Millenio adveniente » du pape Jean-Paul II. Il se veut un cri d'appel aux plus hautesautorités de l'Église pour le XXe siècle quicommence.

LA TRADITION CATHOLIQUE PEUT-ELLEÊTRE EXCOMMUNIÉE?

1 volume 35 p. - 1,5 €Cette petite plaquette traite de l'invalidité de l'excommu -nication de Mgr Lefebvre suite aux sacres de 1988.

LA TRADITION VIVANTE ET VATICAN Il1 volume 37 p. - 1,5 €

Lorsque Mgr Lefebvre fut condamné par Rome aumoment des sacres de 1988, il fut expliqué qu'il avaitune idée fausse de la Tradition dans son caractèrevivant; c'est de ce concept même que traite cettepetite plaquette la lumière de la doctrine catholique.

LA TRADITION EXCOMMUNIÉE1 volume 117 p. - 9,15 €

Réédition. Ce volume réunit divers articles du« Courrier de Rome » au sujet des consécrationsépiscopales du 30 juin 1988. Ces études démontrentavec des arguments jusqu'à maintenant noncontestés, que la Fraternité Saint Pie X n'est niexcommuniée, ni schismatique mais qu'elle faitpartie de plein droit de l'Église Catholique Romaine.

LA THÉOLOGIE DE JEAN-PAUL Il ETL'ESPRIT D'ASSISE

JOHANNES DORMAN1 volume 225 p. - 18,3 €

Pour comprendre l'idéal que poursuit le pape depuisson élection sur le siège de Pierre, il faut découvrirl'étrange signification théologique de la réunioninterreligieuse d'Assise et de toutes celles qui necessent de lui succéder.

POLITIQUE ET RELIGIONESSAI DE THÉOLOGIE DE L’HISTOIRE

PR PAOLO PASQUALUCCI1 volume 108 p. - 10 €

L’auteur aborde un thème d’une brûlante actualité, lerapport entre politique et religion, en l’interprétantdu point de vue d’une théologie de l’histoireconforme aux canons de la pensée catholique la plusorthodoxe et la plus traditionnelle, aujourd’hui nonobservée par la hiérarchie et par la théologieofficielles, qui semblent être imprégnées de l’espritdu monde, ennemi du Christ.

MAÇONNERIE - POLITIQUE

MAÇONNERIE ET SECTES SECRÈTESÉPIPHANIUS

Préface de Monsieur HENRI COSTONRéédition - 800 p. - 39,5 €

Un ouvrage majeur, indispensable à tout vraicatholique. Epiphanius y dénonce lecomplotmondial mené par les organisations secrètes. On ydécouvre « l'histoire : secrète, où se trouvent lesvraies causes des événements, un histoirehonteuse! » (H de Bazac). Epiphanius ne se contentepas de dénoncer, il donne aussi lesmoyens de lutter,de ne pas céder au découragement. Plus de 100pages de mises à jour.

GUERRE EN YOUGOSLAVIEET EUROPE CHRÉTIENNE

1 volume 57 p. - 3,7 €Une étude qui tente de démontrer que la situationdans les Balkans ne serait rien d'autre qu'unenouvelle étape sur le chemin de la Républiqueuniverselle, celle des Hauts Initiés.

LA MAÇONNERIE À LA CONQUÊTE DEL'ÉGLISE

CARLO ALBERTO AGNOLI1 volume 52 p. - 6,9 €

Ce petit ouvrage démontre la fiabilité générale d'uneliste de prélats maçons publiée! par le journalisteMino Pecorelli le 12 septembre 1978. La liste Peco-relli fut le symptôme d'une pénétration maçonniquedes plus hautes hiérarchies écclésiastiques, pénétra-tion qui conduit à semer un doute : cette secte aurait-elle pratiquement pris la barre de l'Église?

LES CONGRÈS THÉOLOGIQUESDE SI SI NO NO

1. PRINCIPES CATHOLIQUES POUR RES-TER FIDÈLE À L'ÉGLISE EN CES TEMPSEXTRAORDINAIRES DE CRISE, 8 et 10décembre 1994 - 165 p. - 12 €.

2. ÉGLISE ET CONTRE-ÉGLISE AU CONCI-LE VATICAN Il, 2 et 5 janvier 1996 - 482 p. - 27,4 €.

3. LA TENTATION DE L'ŒCUMÉNISME, 21et 24 avri11998 - 518 p. - 22,9 €.

4. BILAN ET PERSPECTIVES POUR UNEVRAIE RESTAURATION DE L'ÉGLISE 3, 4 et5 août 2000 - 347 p. - 23 €.

5. LA MESSE EN QUESTION 12, 13, 14 avril2002 - 505 p. - 25 €.

6. PENSER VATICAN II QUARANTE ANSAPRÈS 2, 3, 4 janvier 2004 - 478 p. - 25 €.

7. LES CRISES DANS L’ÉGLISE, LESCAUSES, EFFETS, REMÈDES 5, 6, 7 janvier2007-385 p. - 20 €

TRADITION ET MODERNISMECARDINAL BILLOT, S.J. (1846-1931)

Édition 2007 - 200 p. - 20 €Ce livre est traduit pour la première fois en françaispar M. l’abbé Jean-Michel Gleize, professeur auséminaire d’Écône. Le cardinal Billot a joué un rôledécisif pour seconder le pape saint Pie X dansl’analyse du modernisme.

SAINT PIE X RÉFORMATEUR DEL’ÉGLISE

YVES CHIRON1 volume, 346 p. - 21 €

Biographie du seul pape de l’histoire moderne, avecsaint Pie V, a avoir été canonisé. Ce livre est le pluscomplet qui ait jamais paru sur saint Pie X. En effet,pour l’écrire, l’auteur a consulté de nombreuxouvrages et les archives secrètes du Vatican.

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s ì s ì no no« Que votre OUI soit OUI, que votre NON soit NON, tout le reste vient du Malin »

(Mt 5, 37)

Le numéro 3€

Novembre 2009Mensuel - Nouvelle SérieAnnée XLIII n° 327 (517)

Le 9 août dernier était le cent cinquantièmeanniversaire de la mort de saint Jean-MarieVianney, Confesseur, plus connu sous le nom de« saint Curé d’ars ». Au mois de juin précédent,le Saint-Père avait ouvert « l’année dusacerdoce catholique », en la plaçant sousl’égide du saint Curé. Dans la lettre apostoliquedu 16 juin, dans laquelle il proclamait lecommencement de cette année spéciale, lePontife déclarait, s’adressant à tous les prêtres :« Demandons au Seigneur Jésus la grâce depouvoir apprendre nous aussi la méthodepastorale de saint Jean-Marie Vianney »; cette« méthode » était fondée sur une seule chose :la sainteté, la sainteté de la vie quotidienne duprêtre! La sainteté et la foi; puisque il ne peut yavoir la première sans la seconde. Le saint Curéd’Ars, déclaré par saint Pie X intercesseur pourle clergé français en 1905, et vingt ans plus tard« patron des prêtres » par Pie XI, est donc à trèsjuste titre désigné par le Pape, en ces temps degrave crise d’identité des prêtres, commeexemple et modèle pour les prêtres et pour toutel’Église, fidèles compris.

La chronique rapporte que toute la Hiérarchiene s’est pas montrée enthousiasmée parl’exhortation papale. Aujourd’hui, a-t-on faitcomprendre avec un raisonnement singulier, leprêtre doit être dans le monde, vivre dans lemonde, être « ouvert » à ses exigences, il ne peutcertainement pas s’isoler et s’adonner(égoïstement) à la pratique de la sainteté, commel’a fait Jean-Marie Vianney! Pour cette partie dela Hiérarchie, qui empreint sa mission desfunestes « ouvertures au monde » proposées parVatican II et mises en œuvre de la façon que nousconnaissons par l’après-Concile, le curé d’Ars nepeut manifestement pas représenter un modèle àsuivre, ni par la vie de dure pénitence qu’il s’étaitimposée, ni par le type de « message » qu’ilrépandait, puisqu’il s’agit d’un message quicontenait toutes les vérités traditionnelles duChristianisme, sans aucune concession auxpseudo valeurs en lesquelles croit le monde.

DÉDIÉ AUX PRÊTRES EN L’ANNÉE DU SACERDOCE CATHOLIQUESOUVENIR DU SAINT CURÉ D’ARS

Une initiative très opportune, mais qui n’est pas bien accueillie par tousLA VIE ET LA PERSONNALITÉ

DU SAINT CURÉ D’ARS

Mais qui était saint Jean-Marie Vianney? Uneédition de 1960 du Missel Romain (celui del’ancien Rite Romain, improprement connusous le nom de « tridentin ») le rappelait ainsi ausouvenir des fidèles, en quelques mots simples :« Saint Jean-Marie Vianney naquit le 8 mai1786 à Dardilly, dans le diocèse de Lyon. Dèsl’enfance il se montra petit apôtre parmi lespastoureaux qui gardaient les troupeaux aveclui, et il fit preuve à l’égard des pauvres d’unegénérosité particulière, bien qu’étant lui-mêmetrès pauvre. Ayant reçu une instruction tardive,il rencontra de très graves difficultés dans sesétudes, qu’il effectua tout d’abord sous laconduite du curé d’Écully. Ordonné prêtre enraison de sa sainteté plus que pour son savoir, ilfut pendant trois ans vicaire d’Écully, puis ildevint curé d’Ars, petit village, dont leshabitants étaient très indifférents aux devoirsreligieux. Par d’âpres pénitences, il commençapar punir en lui-même les péchés de sontroupeau; puis progressivement il réussit às’imposer par sa vie exemplaire. Il devint leconseiller de toute la France et même del’Europe et de l’Amérique; il fut un véritablemartyr du confessionnal, dans lequel il passaitenviron 18 heures par jour. Ars devint pendantune vingtaine d’années, grâce à son saint etsimple curé, un lieu de pèlerinage pour plus decent mille personnes par an. Le curé d’Arsmourut le 4 août 1859, à l’âge de 73 ans. Pie XIle canonisa et le déclara patron des prêtre le25 mai 1925 » 1. Sa fête est célébrée le 9 août.

« Martyr du confessionnal », comme le fut ausiècle suivant saint Léopold de Padoue etl’italien saint Padre Pio, tous deux capucins.« Martyrs du confessionnal »? Et qu’a donc faitdu sacrement de Confession la Liturgie

« créative » de l’après-Concile? Combien defidèles se confessent encore, dans les églisespresque désertes où l’on célèbre la Messesuivant le rite du Novus Ordo?

Des informations précieuses sur la personnalitédu saint Curé nous sont données dans un petitouvrage contenant des pensées choisies et« fioretti ».

« Par un matin gris du 9 février 1818, Jean-Marie Baptiste Vianney, prêtre, se met en routepour sa nouvelle paroisse et son nouveauvillage : Ars, dans les Dombes.

Le curé d’Ars a trente-deux ans. Bien vite, ilprend la mesure du petit bourg dont il a la char-ge. Deux cent trente habitants, c’est peu – mais,dans son humilité profonde, l’abbé Vianneytrouve encore que c’est trop de cette gerbed’âmes pour les épaules d’un moissonneur. Ilest heureux d’être prêtre, mais il a peur d’êtrecuré. Jusqu’à sa mort, le souci de mener à Dieuson troupeau le hantera. Il ne cessera plus, jouret nuit, de prier pour ses paroissiens et pour« les pauvres pécheurs » »2.

En 1818, la France et l’Europe sont encorebouleversées par les tempêtes révolutionnaireset napoléoniennes. Moins de trois ans sontpassés depuis la bataille de Waterloo (18 juin1815). Un simple prêtre de campagne estenvoyé prendre possession de sa minusculeparoisse, un village qui semble oublié de Dieu,

COURRIER DE ROME

IXE CONGRÈS THÉOLOGIQUE

les 8, 9 et 10 janvier 2010 à Paris

Voir page 3

1. Le pèlerinage des fidèles à Ars a encore lieuaujourd’hui.

2. Préface de « Pensées choisies du saint Curé d’Arset petites fleurs d’Ars », par Janine Frossard, préfacede Michel de Saint-Pierre (p. 7).

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Courrier de Rome2 Novembre 2009

situé dans une région âpre, peu salubre et à demidéserte de la Bourgogne, et de surcroît plongéedans l’atmosphère spirituellement engourdie del’époque. Mais le curé d’Ars ne perd pascourage. Bien que se sentant écrasé par sondevoir immense, il s’emploie de toutes sesforces à l’œuvre de conversion et de salut àlaquelle l’appelle l’Esprit-Saint.

« On sait les difficultés auxquelles l’abbéVianney se heurte, dès les débuts de sonministère à Ars. La danse et le cabaret sont sesennemis, et par son enseignement, par dessermons maladroits et cependant irrésistibles,par ses catéchismes fameux, surtout par sonexemple de piété et d’austérité, il faudra bienqu’il en vienne à bout… » (p. 8). Le saint Curédémontra par les faits la validité de l’anciendicton selon lequel la meilleure prédication estcelle de l’exemple. Il s’imposait de durespénitences et mortifications. « Il se fabrique lui-même des instruments de pénitence composésavec des chaînes, des pointes de fer et desmorceaux de plomb. Il s’en frappe à coupredoublés, quand il est seul, et les femmes quis’occupent de son ménage diront en pleurantd’admiration horrifiée : “Ça fait pitié de voirl’épaule gauche de ses chemises tachée etmaculée de sang!” » (ibid.). Son régime luiaussi « faisait pitié ». « Il ne prend, pendantlongtemps, qu’un seul repas par jour et il trouvele moyen de l’expédier debout, en quelquesminutes. Il s’agit d’eau à peine rougie de vin, depommes de terre bouillies et froides, d’unepoignée de farine, et parfois, en tout et pour tout,d’horribles croûtons de pain qu’il a rachetés àde vieux mendiants et qui moisissaient au fonddes besaces. Car le suprême honneur, pourl’abbé Vianney, c’est de manger le pain despauvres. » (pp. 8-9). Si notre souvenir estbon, saint François lui aussi suivait unrégime semblable. Les autres « martyrsdu confessionnal » furent eux aussi degrands jeûneurs et pénitents pour nospéchés.

Avec une pareille vie, soutenue par unepareille foi, la Providence ne tarda pas à fairefructifier l’œuvre du saint Curé.

« L’activité du curé d’Ars, de jour en jour,deviendra plus étendue et plus tenace. Il crée àArs l’école des filles et l’orphelinat, sous le nomde “La Providence”. Il fonde l’école desgarçons. Il va dans toutes les autres paroisses,où il est de plus en plus demandé, réclamé, pourprêcher des missions. Et puis, la ferveurextraordinaire de ses sermons et de sescatéchismes commençant à le rendre célèbre,les pécheurs viennent à lui de toutes parts. C’estdéjà ce qu’on appellera “le Pèlerinage d’Ars” –et les foules se mettent en marche de tous lescoins de la France et même de divers paysd’Europe, vers ce seul homme, vers ce prêtre decampagne dans son village perdu, vers cepaysan ignorant, intuitif, inépuisable etruisselant de charité, dont le XIXe siècle,cynique et désespéré, a tant besoin! » (pp. 9-10).

Le XIXe siècle ! Et le nôtre, qui estcertainement encore plus cynique et désespéré?Après saint Padre Pio, mort le 23 septembre1968, auprès duquel des foules de pénitents serendaient également en pèlerinage du mondeentier, il n’y a plus eu de « martyrs du

confessionnal ». L’année suivant sa disparitionentra en vigueur la Messe du Novus Ordo, laMesse construite sur le papier par lesthéoriciens de la créativité liturgique et du« dialogue », avec la collaboration d’expertsprotestants, c’est-à-dire d’hérétiques et deschismatiques, ennemis depuis toujours de lavraie Messe catholique, qu’ils haïssent de lahaine perverse de Luther.

Mais revenons au curé d’Ars. Le succès qu’ilavait auprès des âmes irrita outre mesurel’Adversaire. Les soucis que le « grappin » luicausa pendant des années sont connus : depuisles bruits épouvantables en pleine nuit, suivispar exemple de l’entrée de l’invisible entitéinfernale dans la petite chambre où dormait lecuré, accompagnée des paroles « Vianney,Vianney, nous t’aurons bien, toi, noust’aurons! », aux désolations spirituelles, quitentaient de susciter chez le saint prêtre laconviction de ne pas être à la hauteur de sondevoir, pour le décourager, le faire fuir (pp. 10-11). Mais le saint Curé tint bon. La vie depénitence et de mortification qu’il menait, les sinombreuses heures passées chaque jour auconfessionnal, tout cela ne nuisait aucunement àsa santé.

« En 1845, M. Vianney, curé d’Ars, acinquante-neuf ans. En vérité, il ne porte plusd’âge… Il a, nous dit un témoin “ce donmerveilleux de paraître aux yeux de tousl’image de Jésus-Christ, un autre Jésus-Christ”.Le même témoin nous dit aussi : “Lorsqu’onavait une fois rencontré son regard ou entendusa parole, cette parole et ce regard vousfascinaient.” Et les personnes qui l’ont approchés’accordent en ceci “qu’une impressionprofonde fait trouver à tous, dans la figure de ceprêtre, quelque chose de surhumainementbeau”. Pourtant, il n’est pas un bel homme, tants’en faut ! Sa taille est petite (un mètrecinquante-huit). Il semble maladroit, “de formesgrêles”. On le sent doué d’une certaine vigueur,mais sa nature demeure éminemment nerveuse.L’âge n’a cependant rien enlevé de leursouplesse à ses membres de paysan. S’il voulaitbien dormir un peu, manger un peu, il seraitmême d’une extrême robustesse en dépit de songabarit modeste. Il a l’oreille très fine et la vuefort nette. Jusqu’au bout, son esprit resteralucide. […] Comme il possède une sorte degaieté naturelle, la malice paysanne pétillesouvent dans son regard. Enfin, il est doué à undegré vraiment extraordinaire d’une intuitionqui lui permet de voir à travers les regards, lesesprits, les âmes; de deviner, par exemple, lecontenu d’une lettre avant de l’avoir lue, oul’aveu d’une faute avant de l’avoir entendu; etparfois même de pressentir les événementsfuturs. Mais il en fait trop, et son épuisement leréduit chaque année, semble creuser ses traitsdavantage. » (pp. 12-14).

Ses pouvoirs sont des pouvoirs extraordi-naires, semblables à ceux accordés par la divi-ne Miséricorde à saint Léopold de Padoue et àsaint Padre Pio.

Dans sa vieillesse, son visage apparaît« amaigri et pour ainsi dire détruit »; le teint« blêmi par les séances quotidiennes de dix-huitheures de confessionnal, et des rides profondescomme des blessures… ». Le visage « détruit »et des « rides profondes comme des blessures »,

à la fin d’une vie passée à rendre gloire à Dieuen écoutant pendant quarante-et-un ans toute lajournée les fautes des pécheurs repentis, pourles absoudre, pour les conduire au salut éternel.Quel homme pourrait être « un martyr duconfessionnal » sans l’aide constante del’Esprit- Saint? Un tel fait ne constitue-t-il pasun argument supplémentaire pour démontrer lavérité de notre religion?

Le sens du péché et la nécessité de la prière etdu repentir, de la confession et d’une vie trèshonnête, vraiment chrétienne, sont au centre dela prédication du saint Curé d’Ars. Il futtoujours pasteur d’âmes, celui qui sentit jusqu’àl’angoisse et au total oubli de soi le devoir deconduire à la vie éternelle les brebis que luiavait confiées le Bon Pasteur, en les arrachantpour toujours au démon. « Sa vie, à coup sûr, aété celle d’un homme exceptionnel, en mêmetemps que d’un saint… Mais elle a été rempliejusqu’au bord, et nous ne le dirons jamais assez,par le souci d’un ministère paroissial que cethomme-là s’est toujours jugé incapabled’exercer. M. Vianney est le pasteur d’unvillage qu’il entend mener à Dieu. Pas uninstant cette vision des choses ne le quitte : savie, d’abord et avant tout, aura été celle d’uncuré. Il meurt à la tâche, comme un travailleursur le chantier. » (pp.14-15).

DES PENSÉES DU SAINT CURÉ D’ARS

L’ouvrage cité ci-dessus contient unesélection de « pensées choisies et fioretti » dusaint. Nous en proposons le choix suivant :

Il faut connaître notre religionIl faut avant tout connaître notre sainte

religion, la seule vraie religion, parce que laseule révélée par Dieu : « Mes enfants, pourquoiest-on si aveugle et ignorant? Parce qu’on nefait point de cas de la parole de Dieu… Avecune personne instruite [de la religioncatholique] il y a toujours de la ressource. Elle abeau s’égarer dans toutes sortes de voiesmauvaises, on peut toujours espérer qu’ellereviendra au bon Dieu tôt ou tard, quand ce neserait qu’à l’heure de la mort. Au lieu qu’unepersonne qui n’est pas instruite de sa religion estcomme un malade à l’agonie qui n’a plus saconnaissance; elle ne connaît ni la grandeur dupéché, ni la beauté de son âme, ni le prix de savertu; elle se traîne de péché en péché. » (p. 22).

Si on ne travaille pas chaque jourpour le ciel, on va en enfer

« Il faut dire en s’éveillant : “Je veux travailleraujourd’hui pour vous, ô mon Dieu! Je mesoumettrai à tout ce que vous m’enverrezcomme venant de vous. Je m’offre en sacrifice.Mais, mon Dieu, je ne puis rien sans vous;aidez-moi!” Oh! qu’au moment de la mort onregrettera le temps qu’on aura donné auxplaisirs inutiles, au repos, au lieu de l’avoiremployé à la mortification, à la prière, auxbonnes œuvres, à penser à sa misère, à pleurerses péchés! C’est alors que l’on verra que l’onn’a rien fait pour le ciel. Ô mes enfants, quec’est triste! Les trois quarts des chrétiens netravaillent qu’à satisfaire ce cadavre qui vabientôt pourrir dans la terre, tandis qu’ils nepensent pas à leur pauvre âme qui doit êtreéternellement heureuse ou malheureuse. Ilsmanquent d’esprit et de bon sens : cela faittrembler! » (pp. 24-25).

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Courrier de RomeNovembre 2009 3

IXE CONGRÈS THÉOLOGIQUE DU COURRIER DE ROMEen partenariat avec

L’INSTITUT UNIVERSITAIRE SAINT-PIE X et D.I.C.I.

VATICAN II : UN DÉBAT À OUVRIRPARIS

8, 9 ET 10 JANVIER 2010SOUS LA PRÉSIDENCE DE S.E. MGR BERNARD FELLAY

SUPÉRIEUR GÉNÉRAL DE LA FRATERNITÉ SACERDOTALE SAINT-PIE X

PROGRAMME

VENDREDI 8 JANVIER : 14H00 — 17H00� Introduction : « Vatican II un débat à ouvrir » de Mgr Brunero Gherardini

Abbé Emmanuel du Chalard� Le fondement pérenne de la Révélation divine et de la doctrine de l’Église

Abbé Philippe Bourrat� Principes et fondements philosophiques de la nouvelle théologie

Dottoressa Luisella Scrosati� Influence de la pensée moderne dans Vatican II — essai d’interprétation

Professore Paolo Pasqualucci

SAMEDI 9 JANVIER :9H00 — 12H00

� La Tradition vivanteAbbé Jean-Michel Gleize

� La personne de l’Église au fondement de la nouvelle ecclésiologieAbbé Patrick de La Rocque

� Flottement stylistique et théologique dans Nostræ ÆtateProfesseur Dominique Viain

14H00 — 17H00� La liberté religieuse et la nouvelle doctrine sociale

Abbé Renaud de Sainte Marie� Foi et raison dans la pensée de Joseph Ratzinger

Abbé Christian Thouvenot� La mise en parenthèse du principe de non-contradiction

Abbé Alain Lorans

DIMANCHE 10 JANVIER : 14H00 — 17H00� La situation présente à Rome et dans l’Église

Abbé Emmanuel du Chalard� Synthèse et perspectives

S.E. Monseigneur Bernard Fellay

DÉTAILS PRATIQUES

• Lieu : Palais de la Mutualité, 24 rue Saint Victor 75005 Paris, salle Jussieu au 1er

étage (entrée à droite à côté de l’église Saint Nicolas du Chardonnet)• Conférences : le vendredi 8 janvier de 14h00 à 17h00; le samedi 9 janvier de9h00 à 12h00 et de 14h00 à 17h00; le dimanche 10 janvier de 14h00 à 17h00• Tarifs : 3 jours 25 € — 2 jours 20 € — 1 jour 10 € — étudiants 8 € pour les 3jours (Inscriptions possibles sur place avant chaque conférence)• Pour toute correspondance (spécifier) :

Secrétariat du congrès : 15 rue Pierre Corneille, 78000 Versailles;tel : 01 39 51 08 73courriel : [email protected]

(Les repas de midi des prêtres sont assurés sur place à proximité immédiate dela Mutualité)

La vraie joie vient de la Foi« Ceux qui n’ont pas la foi ont l’âme bien plus

aveugle que ceux qui n’ont pas d’yeux… Noussommes dans ce monde comme dans unbrouillard; mais la foi est le vent qui dissipe cebrouillard et qui fait luire sur notre âme un beausoleil… Voyez, chez les protestants, commetout est triste et froid! C’est un long hiver. Cheznous, tout est gai, joyeux et consolant. Laissonsdire les gens du monde. Hélas, commentverraient-ils? Ils sont aveugles. Notre-SeigneurJésus-Christ ferait aujourd’hui tous les miraclesqu’il a faits en Judée, qu’ils ne croiraient pas. »(p. 32).

Le péché est notre bourreau« Le péché est le bourreau du bon Dieu et

l’assassin de l’âme. C’est lui qui nous arrachedu ciel pour nous précipiter en enfer. Et nousl’aimons!… Quelle folie! Si on y pensait bien,on aurait une si vive horreur du péché qu’on nepourrait pas le commettre. Ô mes enfants, quenous sommes ingrats! Le bon Dieu veut nousrendre heureux, et nous ne le voulons pas! Nousnous détournons de lui et nous nous donnons audémon! Nous fuyons notre ami et nouscherchons notre bourreau! Nous commettons lepéché; nous nous enfonçons dans la boue. »(p. 38).

Nous sommes trop attachés aux biens ter-restres parce que nous nous aimons trop« En dehors du bon Dieu, voyez-vous, mes

enfants, rien n’est solide, rien, rien! Si c’est lavie, elle passe; si c’est la fortune, elle s’écroule;si c’est la santé, elle est détruite; si c’est laréputation, elle est attaquée. Nous allonscomme le vent… Tout s’en va à grand train, toutse précipite [vers la mort]. Ah! Mon Dieu, monDieu! Qu’ils sont donc à plaindre, ceux quimettent leur affection dans toutes ces choses!Ils l’y mettent parce qu’ils s’aiment trop; maisils ne s’aiment pas d’un amour raisonnable; ilss’aiment avec l’amour d’eux-mêmes et dumonde, en se cherchant, en cherchant lescréatures plus que Dieu. C’est pourquoi ils nesont jamais contents, jamais tranquilles; ils sonttoujours inquiets, toujours tourmentés, toujoursbouleversés. » (pp. 41-42).

Deux minutes pour perdre son âme« Mes enfants, nous avons peur de la mort…

je crois bien! C’est le péché qui nous fait avoirpeur de la mort; c’est le péché qui rend la mortaffreuse, épouvantable; c’est le péché quieffraie le méchant à l’heure terrible du passage.Hélas! Mon Dieu! Il y a bien de quoi êtreeffrayé… Penser qu’on est maudit! Maudit deDieu!… Cela fait trembler… Maudit de Dieu!Et pourquoi? Pourquoi les hommes s’exposent-ils à être maudits de Dieu? Pour un blasphème,pour une mauvaise pensée, pour une bouteillede vin, pour deux minutes de plaisir! Pour deuxminutes de plaisir perdre Dieu, son âme, le cielpour toujours! » (p. 43).

L’enfer entrouvert« Dieu dira aux réprouvés : “Allez,

maudits!…” – Maudits de Dieu! Ah! Quelhorrible malheur ! Comprenez-vous, mesenfants? Maudits de Dieu! De Dieu qui ne saitque bénir! Maudits de Dieu, qui est tout amour!Maudits de Dieu, qui est la bonté même!Maudits sans rémission! Maudits pour toujours,maudits de Dieu! Quand nous nous lasserons de

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Courrier de Rome4 Novembre 2009

nos exercices de piété et que la conversationavec Dieu nous ennuiera, allons à la porte del’enfer, voyons ces pauvres damnés qui nepeuvent plus aimer le bon Dieu. Si un damnépouvait dire une seule fois : “Mon Dieu, je vousaime!” il n’y aurait plus d’enfer pour lui. Mais,hélas! Cette pauvre âme! Elle a perdu lepouvoir d’aimer qu’elle avait reçu, et dont ellen’a pas su se servir. Son cœur est desséchécomme la grappe quand elle a passé sous lepressoir. Plus de bonheur, dans cette âme, plusde paix, parce qu’il n’y a plus d’amour! Lesdamnés seront enveloppés dans la colère deDieu, comme le poisson dans l’eau. Il y en a quiperdent la foi et ne voient l’enfer qu’en yentrant… On croit bien qu’il y a un enfer, maison vit comme s’il n’y en avait pas; on vend sonâme pour quelques pièces de monnaie. » (p. 46-47).

Et aujourd’hui, en 2009, on a tout de suiteenvie de remarquer : combien de catholiques,prêtres et religieuses inclus, croient encore àl’existence de l’enfer? Combien, au contraire,ne croient pas que s’il existe, il est néanmoinsdestiné à demeurer vide, parce que Jésus auraitdéjà, par son Incarnation, sauvé toutel’humanité? Vide pour toujours, puisque lacondamnation des pécheurs impénitents à ladamnation éternelle serait en contradiction avecl’amour de Dieu pour l’humanité! Cette faussecroyance est une authentique hérésie, présente àl’état diffus, et montrant l’incapacité actuelle àraisonner de façon linéaire et lucide, comme lesaint d’Ars; fausse croyance qui certainementprovoque la juste et terrible colère de Dieu.

Du bon usage des tentations« Comme le bon soldat n’a pas peur du

combat, de même le bon chrétien ne doit pasavoir peur de la tentation. Tous les soldats sontbons en garnison : c’est sur le champ de batailleque l’on fait la différence des courageux et deslâches. La plus grande des tentations est de n’enpoint avoir. On peut presque dire qu’on estheureux d’avoir des tentations : c’est le momentde la récolte spirituelle où nous amassons pourle ciel. C’est comme au temps de la moisson :on se lève de grand matin, on se donnebeaucoup de peine, mais on ne se plaint pas,parce qu’on amasse beaucoup. Le démon netente que les âmes qui veulent sortir du péché etcelles qui sont en état de grâce. Les autres sontà lui, il n’a pas besoin de les tenter. Si nousétions bien pénétrés de la sainte présence deDieu, il nous serait très facile de résister àl’ennemi. Avec cette pensée : Dieu te voit! nousne pécherions jamais.

Il y avait une sainte, qui se plaignait à Notre-Seigneur après la tentation et lui disait : “Oùétiez-vous donc, mon Jésus tout aimable,pendant cette horrible tempête?”Notre-Seigneur lui répondit : “J’étais au milieu de toncœur, prenant plaisir à te voir combattre”. »(p. 48-49).

Une vérité fondamentale souvent répétée parle saint Curé, est qu’il est impossible de sesauver sans une lutte quotidienne contre leTentateur.

« Il ne faut pas croire qu’il y ait quelque lieusur la terre où nous puissions échapper à la luttecontre le démon. Nous le trouverons partout, etpartout il cherchera à nous ravir le ciel, mais

partout et toujours nous pouvons êtrevainqueurs. Ce n’est pas comme dans les autrescombats. Entre deux partis, il y a toujours unvaincu; là, si nous voulons, avec la grâce deDieu qui ne nous est jamais refusée, nouspouvons toujours triompher […]. Nous n’avonspas encore souffert comme les martyrs :demandez-leur s’ils sont fâchés maintenant…Le bon Dieu ne nous en demande pas tant… Ily en a qu’un seul mot renverse. Une petitehumiliation fait chavirer la barque. Courage,mes amis, courage! Quand viendra le dernierjour, vous direz : “Heureux combats qui m’ontvalu le ciel!”. De deux choses l’une : ou unchrétien domine ses penchants, ou sespenchants le dominent, il n’y a pas de milieu[…]. Si vous n’êtes pas un saint, vous serez unréprouvé; il n’y a pas de milieu; il faut être l’unou l’autre : prenez-y garde! » (pp. 57-59).

Le meilleur des baumes : la confession« Mes enfants, on ne peut pas comprendre la

bonté que Dieu a eue pour nous d’instituer cegrand sacrement de pénitence… Si l’on disait àces pauvres damnés qui sont en enfer depuis silongtemps : “Nous allons mettre un prêtre à laporte de l’enfer. Tous ceux qui voudront seconfesser n’ont qu’à sortir” ; mes enfants,croyez-vous qu’il en restât un seul? Les pluscoupables ne craindraient pas de dire leurspéchés, et même de les dire devant tout lemonde. Oh! Comme l’enfer serait vite désert, etcomme le ciel se peuplerait! Eh bien! Nousavons le temps et les moyens que ces pauvresdamnés n’ont pas […]. C’est beau de penserque nous avons un sacrement qui guérit lesplaies de notre âme! Mais il faut le recevoiravec de bonnes dispositions. Autrement, ce sontde nouvelles plaies sur les anciennes. » (pp. 77-78).

Et puis il y a tous ceux qui croient pouvoirvivre comme ils le veulent, en comptant sur lefait de pouvoir toujours se repentir à la fin deleur vie. Grave erreur. « Le bon Dieu n’est pasméchant, mais il est juste. Croyez-vous qu’ils’accommodera à toutes vos volontés? Croyez-vous, après l’avoir méprisé toute votre vie, qu’ilva se jeter à votre cou? Oh! Que non! Il y a unemesure de grâce et de péché au bout de laquelleDieu se retire. Que diriez-vous d’un père quitraiterait de la même manière un enfant sage etl’autre pas si sage? […] Eh bien! Dieu ne seraitpas juste s’il ne faisait point de différence entreceux qui le servent et ceux qui l’offensent. »(pp. 80-81).

Il faut donc lutter sans trêve chaque jourcontre les tentations et fuir les occasions dupéché, en commençant par déraciner lesmauvaises inclinations de notre cœur.

Il ne faut haïr personne et il faut recher-cher l’humilité et la mortification

« Dès qu’on hait son prochain, Dieu nousrend cette haine : c’est un trait qui se retournecontre nous […]. Ceux qui conservent de larancune sont malheureux; ils ont le frontsoucieux, des yeux qui semblent tout dévorer. »(pp. 55-56). Il faut pardonner les offenses, êtresimples et humbles de cœur, comme nous l’aenseigné notre divin Maître.

« L’humilité est le grand moyen pour aimerDieu. C’est notre orgueil qui nous empêche dedevenir des saints. L’orgueil est la chaîne du

chapelet de tous les vices; l’humilité est lachaîne du chapelet de toutes les vertus. Lessaints se connaissaient mieux que les autres,c’est pourquoi ils étaient humbles. Hélas! On neconçoit pas comment et de quoi une si petitecréature que nous peut s’enorgueillir… Unepincée de poussière grosse comme une noix :voilà ce que nous deviendrons après notre mort.Il y a bien de quoi être fier! Ceux qui noushumilient sont nos amis, et non ceux qui nouslouent […]. Oh! Que j’aime ces petitesmortifications qui ne sont vues de personne,comme de se lever un quart d’heure plus tôt, dese lever un petit moment pour prier la nuit; maisil y en a qui ne pensent qu’à dormir. On peut sepriver de se chauffer; si l’on se trouve mal assis,ne pas chercher à mieux se placer; si l’on sepromène dans son jardin, se priver de quelquesfruits qui feraient plaisir […] Lorsque nousallons dans les rues, fixons notre regard surNotre-Seigneur portant sa croix devant nous,sur la Sainte Vierge qui nous regarde, sur notreange gardien qui est à nos côtés. C’est encoreune bien bonne chose que de renoncer à sapropre volonté. La vie d’une pauvredomestique, qui n’a de volonté que celle de sesmaîtres, si elle sait mettre à profit cerenoncement, peut être aussi agréable à Dieuque celle d’une religieuse qui est toujours enface de la règle. » (pp. 50-54).

On aimerait continuer à l’infini d’exposer lespensées du saint Curé, qui nous éclairent sur leSaint-Esprit, sur la très Sainte Vierge médiatricede toutes grâces, sur la sainte Eucharistie, sur lasignification de la Croix et sur d’autres véritésde la foi et de la morale chrétienne; des penséessi simples et si profondes, si instructives pour lesalut de notre âme! Nous concluons cet aperçu,nécessairement bref, par ses méditations surl’importance de la prière et sur la figure duprêtre.

Importance fondamentale de la prière« Mes enfants, vous avez un petit cœur, mais

la prière l’élargit et le rend capable d’aimerDieu. La prière est un avant-goût du ciel, unécoulement du paradis. Elle ne nous laissejamais sans douceur. C’est un miel qui descenddans l’âme et qui adoucit tout. Les peinesfondent devant une prière bien faite, commeneige au soleil. La prière est une roséeembaumée; mais il faut prier avec un cœur purpour sentir cette rosée. Votez, mes enfants : letrésor d’un chrétien n’est pas sur la terre, il estdans le ciel. Eh bien! Notre pensée doit aller oùest notre trésor. L’homme a une belle fonction,celle de prier et d’aimer… Vous priez, vousaimez : voilà le bonheur de l’homme sur laterre!

La prière n’est autre chose qu’une union avecDieu. Quand on a le cœur pur et uni à Dieu, onsent en soi un baume, une lumière qui éblouit[…]. Ceux qui ne prient pas se courbent vers laterre, comme une taupe qui cherche à faire untrou pour s’y cacher. Ils sont tout terrestres, toutabrutis, et ne pensent qu’aux choses du temps…[…] Le bon Dieu n’a pas besoin de nous : s’ilnous commande de prier, c’est qu’il veut notrebonheur, et que notre bonheur ne peut se trouverque là. Lorsqu’il nous voit venir, il penche soncœur bien bas vers sa petite créature, comme unpère qui s’incline pour écouter son petit enfantqui lui parle. » (pp. 63-66).

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Courrier de RomeNovembre 2009 5Sans le prêtre, les dons de Dieu ne

serviraient à rien« Qu’est-ce que le prêtre? Un homme qui

tient la place de Dieu, un homme qui est revêtude tous les pouvoirs de Dieu. “ Allez, dit Notre-Seigneur au prêtre. Comme mon Père m’aenvoyé, je vous envoie… Toute puissance m’aété donnée au ciel et sur la terre. Allez donc,instruisez toutes les nations… Celui qui vousécoute m’écoute; celui qui vous méprise meméprise.” Lorsque le prêtre remet les péchés, ilne dit pas : “Dieu vous pardonne.” Il dit : “Jevous absous.” Saint Bernard nous assure quetout nous est venu par Marie; on peut dire aussique tout nous est venu par le prêtre : oui, tousles bonheurs, toutes les grâces, tous les donscélestes. Si nous n’avions pas le sacrement del’Ordre, nous n’aurions pas Notre-Seigneur.Qui est-ce qui l’a mis là, dans ce tabernacle?C’est le prêtre. Qui est-ce qui a reçu votre âmeà son entrée dans la vie? Le prêtre. Qui lanourrit pour lui donner la force de faire sonpèlerinage? Le prêtre. Qui la préparera àparaître devant Dieu, en lavant cette âme pourla dernière fois, dans le sang de Jésus-Christ?Le prêtre, toujours le prêtre. Et si cette âmevient à mourir, qui la ressuscitera? Qui lui

rendra le calme et la paix? Encore le prêtre.Vous ne pouvez pas vous rappeler un seulbienfait de Dieu, sans rencontrer, à côté de cesouvenir, l’image du prêtre. Allez vousconfesser à la Sainte Vierge ou à un ange : vousabsoudront-ils? Non. Vous donneront-ils lecorps et le sang de Notre-Seigneur? Non. LaSainte Vierge ne peut pas faire descendre sondivin Fils dans l’hostie. Vous auriez deux centsanges, là, qu’ils ne pourraient vous absoudre.Un prêtre, tant simple soit-il, le peut; il peutvous dire : “Allez en paix; je vous pardonne.”[…]. Après Dieu, le prêtre, c’est tout! Laissezune paroisse vingt ans sans prêtre, on y adorerales bêtes. Quand on veut détruire la religion, oncommence par attaquer le prêtre, parce que làoù il n’y a plus de prêtre, il n’y a plus desacrifice, et là où il n’y a plus de sacrifice, il n’ya plus de religion. » (pp. 94-96).

Dans ces dernières réflexions, le saint Curépensait sûrement aux expériences terribles de laRévolution Française, avec sa férocepersécution des prêtres restés fidèles à l’Église,et le désert moral qui s’en est suivi dans lasociété. Mais ses paroles valent encore pouraujourd’hui. La contestation de la figure et de la

signification du sacerdoce viennent nonseulement de la société en proie à unmatérialisme crasse, mais aussi du sein de lahiérarchie. Que l’on pense à l’étrange et tenaceprétention des femmes d’aujourd’hui –appuyées par tout le clergé progressiste etmême par des Cardinaux, comme par exempleC.M. Martini s.j. – à être investies elles aussi dusacrement de l’Ordre, comme si les problèmesactuels de l’Église pouvaient être résolus encherchant un contingent de prêtresses, quiseraient peut-être en définitive plus nombreusesque les prêtres. Ces prétentions illicites etperverses, qui se heurtent au Magistèreinfaillible de l’Église, sont professées enparticulier par les féministes, pour lesquelles, onle sait, la crasse immonde qui a pris le nom de« libération sexuelle de la femme » constitue unarticle de foi et une règle de vie.

Saint Curé d’Ars, intercédez pour nous,aidez-nous à résister, à être fidèles jusqu’à lamort, dans la lutte quotidienne contre nous-mêmes pour notre sanctification et contre lesténèbres qui nous enveloppent de plus en plusde tous côtés!

Catholicus

« L’INTELLIGENCE EN PÉRIL DE MORT »Par Marcel De Corte

Nous proposons quelques extraits du livre« L’intelligence en péril de mort » de MarcelDe Corte (Éditions Dismas, 1987). Les troischapitres qui le constituent dans sa majeurepartie avaient paru précédemment : les deuxpremiers respectivement dans le n° 122(avril 1968) et dans le n° 126 (septembre-octobre 68) de la revue Itinéraires, le troisième,suivant une version notablement différente,dans les actes du Congrès de Lausanne de1965, intitulé L’Information.

Après plus de 40 ans, ces textes n’ont rienperdu de leur actualité, bien au contraire. Mar-cel De Corte, en bon philosophe, avait analyséles causes du désastre sans attendre de voir tousles effets dévastateurs qui sont aujourd’huisous nos yeux. Ces réflexions de Marcel DeCorte permettent aussi de connaître lesremèdes à la crise.

EXTRAIT DE LA PRÉFACEDE LA PREMIÈRE ÉDITION (14 AOÛT 1968)La philosophie grecque est celle du sens

commun, du réalisme, de l’intelligence humai-ne fidèle à son essence, bref de la santé supé-rieure de l’homme. Chaque fois qu’on la répu-die, on en paie les conséquences.

Nous n’en voulons qu’un exemple, et il estde taille.

La religion chrétienne, et singulièrement lareligion catholique, n’est pas liée à la philoso-phie grecque à l’occasion d’un simple hasardhistorique, mais sous la poussée de la foi enquête d’intelligence, de la fides quærens intel-lectum, et dès lors d’une conception de l’espritqui fût universelle comme le message del’Évangile lui-même. La conception que lesGrecs se faisaient de l’intelligence, faculté duréel où tous les hommes se rencontrent ets’accordent entre eux, lui garantissait cette uni-versalité.

Cette solidarité entre le réalisme surnaturelde la foi et le réalisme naturel de l’intelligencehumaine a duré deux millénaires environ et,avec diverses péripéties, elle a constitué l’axedu christianisme et le pivot de l’Église consti-tuée en dépositaire et gardienne vigilante de lafoi, de l’intelligence et des mœurs. Elle a étérompue au cours de Vatican II.

On ne mesurera jamais les conséquencespour l’Église et l’humanité de cette catastropheprovoquée par un gang de Pères conciliaires àl’intelligence déboussolée. On sait que toute lapréparation du Concile, d’ordre de Jean XXIII,s’était effectuée selon les normes tradition-nelles et coulée dans le vocabulaire scolastique,forme évoluée du langage et propre à la« métaphysique naturelle de l’esprit humain ».La majorité du Concile, entraînée par sa mino-rité « structurée », repoussa cette méthode deprésentation et se déclara pour une formulationprétendument plus accessible à l’esprit moder-ne et à l’aggiornamento réclamé par le Pape. Ilne s’agissait là, semblait-il, que d’un simplechangement dans la seule présentation du mes-sage évangélique et du dogme. Le retour préco-nisé au parler biblique paraissait même requis,du moins en certains secteurs et notammentcelui de la prédication, par les Pères les plusattachés à la tradition de l’Église. Les Giron-dins du Concile se donnèrent ainsi une bonneconscience à peu de frais et l’affaire passa, telleune lettre à la poste. C’était une lettre chargée,bourrée d’explosifs. Nous commençons à subirles premières secousses déclenchées par sadéflagration.

On ne change pas en effet de langage commede vêtement. Sans doute toute langue est-elleaffaire de convention. Le langage est originel-lement un système d’expression verbale de lapensée composé de signes artificiels inventéspar l’homme. Mais dans son effort pour créer

ces signes, l’intelligence humaine est puissam-ment aidée par sa nature même qui l’ordonne àla réalité à laquelle son acte doit correspondrepour être vrai. L’art humain s’ajoute ici commepartout à la nature, sous peine de dégénérer enpur arbitraire dépourvu de toute significationautre que celle d’une volonté subjective,n’ayant à rendre compte à personne qu’à elle-même. Le langage participe donc au dynamis-me de la nature intellectuelle en quête de vérité.Plus cette nature sera développée et plus le lan-gage se lestera de signification objective. C’estle cas du grec, langue du peuple le plus intelli-gent du monde, et qui véhicula, à travers tousles remous de l’histoire, « la métaphysiquenaturelle de l’esprit humain ». C’est le cas dulatin scolastique qui en est l’héritier.

En refusant d’utiliser le langage de la scolas-tique où l’effort naturel de l’esprit humain estparvenu à un point de perfection inégalé, leConcile s’est délesté du même coup de ce réa-lisme dont l’Église avait toujours eu la chargejusqu’à lui. Dans l’outre vidée, ce n’est pas unvin nouveau qui fut versé, mais le vent detoutes les tempêtes de la subjectivité humainedont nous voyons avec une horreur stupéfaiteles ravages dans l’Église et dans la civilisationchrétienne. En répudiant le langage, signe desconcepts, on a répudié les choses, on est entréd’un seul coup, au grand étonnement des Pèreseux-mêmes ou de la plupart d’entre eux, dansla Subversion et dans la Révolution perma-nentes.

On essaya bien d’enrayer cette dégringolade,pudiquement appelée « mentalité post-conci-liaire », que les esprits les moins avertis pou-vaient prévoir. Faute de trouver leur unité auniveau de la vérité, objet de l’intelligencecontemplative, les Pères firent basculer leConcile dans « l’action » : les désaccordss’effacent lorsqu’on poursuit un même dessein.

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Courrier de Rome6 Novembre 2009

C’est pourquoi ce Concile s’est voulu stricte-ment pastoral, à la différence de tous lesConciles antérieurs. Il n’a proclamé aucundogme et il n’aurait pu le faire sans articuler sesdéfinitions aux dogmes traditionnels et démon-trer par là son impuissance à définir, à s’ajusteraux essences, à utiliser comme instrument,sicut ancilla, la seule philosophie qui puisses’accorder avec la foi et dont l’histoire del’Église a démontré la fécondité.

Mais cette tentative de circonscrire le Conci-le au « pastoral » devait avorter, ainsi que nouspouvons le constater. Le « pastoral » n’est autreque l’ensemble des règles de conduite des-tinées à diriger l’homme vers sa fin surnaturelleet que les pasteurs du troupeau sont chargésd’appliquer. Mais comment mener l’homme àsa fin surnaturelle s’il n’a pas connaissance desa fin naturelle ? La stratégie suppose laconnaissance du terrain : en l’occurrencel’homme inséré dans le monde. La grâcen’abolit pas la nature, elle ne la remplace pasdavantage. Comment l’homme connaîtrait-il safin naturelle s’il ignore la place qu’il occupedans l’univers et la relation fondamentale deson intelligence au réel et au Principe de la réa-lité? Le « pastoral » ne peut faire abstraction dela philosophie pratique et de la philosophie spé-culative. Comment y recourir alors que lacaractéristique de notre temps auquel on veutprécisément assortir à tout prix le christianismeest de les ignorer et de les remplacer par laseule activité poétique de l’esprit?

Le « pastoral » n’avait pas le choix. Il a falluet il faut encore qu’il devienne à son tour acti-vité poétique de l’esprit, fabricatrice d’unmonde nouveau, édificatrice d’une société nou-velle, constructrice d’un homme nouveau! Le« pastoral » est devenu ou tend à devenirconstamment révolutionnaire, subversif, et,dans la mesure où il projette des formes imagi-naires dans la réalité, mystificateur. Il est deve-nu également l’alibi et le masque de la volontéde puissance progressiste et d’un théocratismequi n’ose pas dire son nom, dissimulant la piredes tyrannies, celle dont Chesterton disaitqu’elle joue en l’âme sur le clavier de« l’amour ».

Ce phénomène extraordinaire de destructionde l’Église par l’intérieur et de la civilisationpar ceux-là même qui jadis la sauvèrent dudésastre, se passe sous nos yeux. Les pages quisuivent jetteront sur lui une lumière que nousn’avons pas voulu atténuer.

L’Église (du moins celle qui tient le haut dupavé, monopolise l’information et s’ébat dansla pagaille de l’aggiornamento), en manifestantsans vergogne son indifférence et son méprispour la valeur de vérité des concepts intellec-tuels et des formules qui les expriment, en rom-pant le cordon ombilical bimillénaire quil’unissait à la philosophie aristotélicienne dusens commun, est entrée, toutes voiles dehors,dans la fiction. L’exemple du Nouveau Caté-chisme, approuvé par la totalité de l’épiscopathollandais, le manifeste. La Commissionchargée de l’examiner n’y relève pas moins dedix-huit points majeurs dont la conception et laformulation ne correspondent pas aux réalitésde la foi. Les entorses mineures au dogme et ausurnaturel sont plus nombreuses. Or les auteursdudit catéchisme ne cachent nullement qu’ils

ont voulu, de manière délibérée, se défaire d’unaristotélisme et d’un thomisme « dépassés ».

Ce qui semble universel toutefois, dansl’Église contemporaine, avec des exceptionsaussi nombreuses qu’on voudra, mais épar-pillées, isolées, dépourvues de larges moyensde diffusion, parfois réduites au silence, c’est laprimauté de l’activité poétique de l’esprit et,par suite, la volonté de puissance. On veut par-tout « faire quelque chose », on transformetout. Rien n’échappe au zèle des nouveauxréformateurs qui imposent à tous leur jactance.Une telle Église est ainsi poussée à concurren-cer les systèmes politiques et sociaux en proie àla même maladie, voire à en prendre la relève.Comme eux, elle frappe d’un sceau artificiel,préfabriqué dans des cénacles, et dans desclubs, les conduites intellectuelles et morales,tant surnaturelles que profanes, des fidèles surlesquels s’étend son autorité. Cette forme nou-velle selon laquelle la « pastorale » façonnedésormais les âmes, comme le sculpteurl’argile, c’est le « Royaume de Dieu » ici-bas,l’inverse même de l’ascension, l’exaltation dela chute, le oui répondu au Tentateur qui accor-de tous les pouvoirs sur la terre à celui quitombe en adoration devant lui. On comprendalors toute la signification du mot de l’évêqueSchmitt : « La socialisation est une grâce », etles innombrables déclarations parallèles de tantde clercs qui introduisent, selon l’admirableexpression de Dietrich von Hildebrand, « leCheval de Troie dans la cité de Dieu », surl’identité entre communisme et christianisme.

EXTRAIT DE LA PRÉFACEDE LA NOUVELLE ÉDITION (AVRIL 1987)

[…] Mais c’est surtout dans l’Église catho-lique que l’information déformante coupée desa relation constitutive avec le surnaturel seconstate, avec sa conséquence immédiate : larupture avec la nature de l’homme et de lasociété où il vit depuis sa naissance. Nature etsurnature vont de pair : l’une ne va pas sansl’autre. En quoi le surnaturel s’incarnerait-ilsinon dans ce qui est naturel en l’homme : sonintelligence, sa volonté, sa chair même? Enquoi le surnaturel pourrait-il atteindre la plénitu-de de son être sinon dans le surnaturel qui segreffe sur lui pour le réaliser entièrement et pours’y fonder solidement? Les notions de nature etde surnature ont, à de rares exceptions près,totalement disparu du vocabulaire des ecclésias-tiques d’aujourd’hui, du sommet à la base ;Comment alors pouvoir restaurer la nature del’homme dénaturée par le seul axe économiqueoù les dirigeants politiques la placent? Com-ment y incarner solidement le surnaturel? Leverbalisme clérical tente toujours de remplacerles réalités divines transcendantes; ses informa-tions bavardes et prolixes tournent inévitable-ment à la déformation des vertus théologalespourtant essentielles. Dans la plupart des cas,les théologiens actuels, et le clergé contempo-rain qui obéit aveuglément à des chefs, n’enparlent plus.

Dom Gérard, moine bénédictin, nousl’assure : « Je maintiens, écrit-il voici peu, quela transcendance divine est entrée depuis trenteans dans la saison des brumes et que ceux quine s’en souviennent pas ont abdiqué la fiertédes fils jaloux de l’honneur du Père. » La situa-

tion de l’Église depuis Vatican II nous montreque l’hérésie contemporaine, qui met entreparenthèses les vérités théologales essentielles,sape de plus en plus toute croyance surnaturellesans que les clercs haut perchés s’en inquiètent.Un christianisme abstrait, désaxé de son orien-tation essentielle et existentielle vers le Dieu dela Révélation, se finalise sur l’homme en géné-ral et sur les biens temporels dont il faut désor-mais le pourvoir. Il ne s’agit plus de l’hommeen tant que membre de la famille, de la région,de la patrie – ces mots ont quasiment disparude l’esprit ecclésiastique avec les devoirs qu’ilscomportent et les liens réels qu’ils nouent –, ils’agit de l’Homme conceptuel issu de la Révo-lution française, du communisme et de lafranc-maçonnerie dont on reprend tous lesthèmes au point, en certains cas jamais criti-qués par la Hiérarchie, de faire une allianceeffective avec leurs informations déformantes.

[…] Celles-ci tendent à devenir officiellesdans le clergé catholique universel sous la cros-se du Pape actuel dont toute la philosophie,sous-jacente à la théologie, est fondée sur laprimauté de l’individu camouflé en« personne », à l’encontre des traditions augus-tiniennes et thomistes de l’Église traditionnelle.Jean-Paul II est assurément un prêtre pieux,mais sa piété est avant tout un sentiment indivi-duel qui risque fort de métamorphoserl’enseignement de l’Évangile si elle n’est pasnourrie de réalisme philosophique et théolo-gique, comme le montrent l’exemple de Vati-can II, l’introduction massive de la nouvellemesse dans le catholicisme et l’atténuation(sinon la disparition) des différences abyssalesqui séparent le rituel catholique du rituel pro-testant.

[…] Encore une fois, l’information défor-mante, la négation du surnaturel, le pseudo-créativisme humain, trop humain, le cléricalis-me malsain ont triomphé sans qu’il y ait delutte officielle de la part de la papauté pourendiguer leurs ravages.

Qu’un saint Pie X nous manque pour revigo-rer l’Église catholique et la rétablir sur les basessolides de la Tradition, l’exemple de la réunionœcuménique d’Assise, provoquée par Jean-Paul II, le prouve. Des représentants qualifiésdes diverses religions chrétiennes et païennesse sont rassemblés pour dire – ce qu’on savaitdepuis toujours – que la croyance en Dieu estun phénomène normal dans la vie del’humanité et qu’il est nécessaire de la restau-rer. Un tel « concile » vide, de toute évidence,la religion catholique du caractère surnaturelrévélé à elle seule. L’information que ce« synode » répand est, avec certitude, une miseentre parenthèses du fait historique que l’Églisecatholique est la seule qui possède la véritédivine. Il informe et il déforme en mêmetemps, avec toute l’autorité qui reste encoreaux papes actuels depuis Paul VI.

Répétons-le inlassablement : il importe derésister et de maintenir en nous la naturehumaine intégrale que nous possédons et leSurnaturel qui nous a été révélé. Prions inlassa-blement.

PREMIER EXTRAIT DU LIVRE« L’INTELLIGENCE EN PÉRIL DE MORT »

La situation de l’intelligence est d’autant plus

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Courrier de RomeNovembre 2009 7

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dramatique que l’Église catholique qui, jusqu’àprésent, s’était toujours présentée à l’opinionpublique universelle, aux fidèles des autres reli-gions, à ses propres fidèles, comme la gardien-ne des vérités de la nature et de la grâce, la dis-pensatrice de la sagesse naturelle et surnaturel-le, la conservatrice de la foi et des mœurs, voitune notable partie de son clergé, de ses prosé-lytes, sinon de ses adeptes, avec une désinvol-ture et une impudence non pareilles, faire fi decette tradition qui fut la sienne et collaborer à latransformation radicale de l’homme et dumonde sous le signe de la révolution technocra-tique triomphante.

L’Église catholique contemporaine et ses rela-tions avec l’intelligence; son investissement parune hiérarchie parallèle, contemptrice desvaleurs de vérité, qui se substitue à la hiérarchievéritable; l’extraordinaire isolement de celle-cipar rapport au monde réel et à l’homme réel; lerideau d’illusions, de chimères, de mirages,voire même de visions, qui l’aveugle, parfoischez ses plus éminents représentants; son inca-pacité qui s’accentue de jour en jour à discrimi-ner la vérité de l’erreur; les exercices de hautevoltige, souvent extravagants, que les clercs lesmieux intentionnés exécutent sur le fil de laniaiserie, de l’ignorance, de la compromission,voire de la trahison; le culte qu’ils vouent publi-quement à tous les veaux de la nouveauté; lafrénésie de l’aggiornamento à tout prix qui lesagite et qui témoigne de leur peu de discerne-ment intellectuel et spirituel, tout cela forme unsujet immense dont nous ne pouvons esquisserici qu’une ou deux lignes maîtresses.

La première est, sans aucun doute possible,l’orientation imprimée par le récent Concile àl’Église universelle où les valeurs de lacontemplation ont été reléguées à l’arrière-planau bénéfice des valeurs de l’action, et celles-ci,dans la mentalité dite post-conciliaire, ontreculé à leur tour devant les valeurs de la fic-tion et la volonté de puissance. Cette chute etcette rechute étaient fatales. Dès qu’en ses pre-mières séances, la majorité des Pères ont rejetéle schéma d’allure scolastique sur la définitionde l’Église, sous le prétexte qu’il était inacces-sible à l’esprit moderne, la vérité devait céderla place à l’efficacité, l’intelligence au vouloir,l’éternel au temporel. Le propre de la philoso-phie et de la théologie scolastiques est en effetd’exalter la différence spécifique de l’hommeet de faire de l’intelligence – éclairée par lagrâce – l’instrument le plus parfait dont nousdisposons pour comprendre la nature de Dieuet de tout ce qui est. Tous les autres instrumentslui sont subordonnés.

Il suit de là que, pour l’Église catholique, lesavoir conforme à la réalité naturelle et à la réa-lité surnaturelle est le cadre où toutes les autresactivités humaines se développent et qu’ellesne peuvent déborder sans dommage. L’Église atoujours réprouvé le fidéisme : elle le considèrecomme indigne de l’homme dont la fonctionprincipale est la raison. Aussi quelle que soit lapart de volonté dans l’acte de foi, cette inter-vention du vouloir n’est pas un saut dansl’inconnu. L’acte de foi se fonde sur desdonnées qui, sans être ni évidentes ni démon-trables, sont des signes de vérité pour la raison;les miracles et la résurrection du christ sont lessignes de sa divinité. La contemplation reste lapremière activité de l’Esprit livré à lui-mêmeou illuminé par la grâce, et l’action est placéesous sa dépendance.

En s’engageant dans la voie de la« pastorale », de l’aggiornamento et del’adaptation au « monde moderne », à la suite età l’invitation du Concile, bon nombre de clercssont portés à sacrifier les valeurs de vérité auxvaleurs d’efficacité. Pour atteindre l’hommecontemporain, il faut laisser tomber les partiesdes dogmes auxquelles sa mentalité ne peutplus consentir, il faut atténuer les exigences desautres, et les infléchir de telle sorte qu’ellespuissent être acceptées, il faut réformer laconscience morale de manière à ce qu’elles’adapte aux impératifs de la vie moderne, etc.L’essentiel n’est plus de présenter le vrai Dieuà l’homme contemporain pour qu’il soumetteson intelligence à la Révélation comme il lasoumet aux données de l’expérience et auxprincipes qui régissent toute réalité et touteconnaissance qu’il en a. Il est d’aménager etd’accommoder l’Évangile, et Dieu lui-mêmequi s’y révèle, à la subjectivité de l’hommed’aujourd’hui, à ses aspirations, à ses désirs, àses desseins. Autrement dit, pour atteindre sonbut et pour restituer à nos contemporains lareligion qu’ils ont délaissée ou reniée, le clercse soucie moins de la vérité qu’il dit que de laréussite de son action. À la limite de cette per-version de l’intelligence, on se trouve devantune religion sans Dieu, une religion où leChrist est ramené à l’homme, une religion del’homme. Mais comme une religion del’homme est inévitablement une religion quiérige l’homme en seigneur de l’univers, etcomme l’action la plus efficace est celle quisoustrait l’homme à sa nature et en opère larefonte radicale, les valeurs de l’action fontplace aux valeurs de transformation démiur-gique de l’homme et du monde, aux valeurs decréation d’un monde nouveau et d’auto-créa-

tion de l’homme par l’homme. Autrement ditencore, le seul christianisme qui soit aujour-d’hui « valable » est le christianisme révolu-tionnaire où le pouvoir de l’homme sur lemonde, sur soi-même et sur autrui se manifestepleinement.

Tel est le gouffre où dégringole le clerc quisubordonne la contemplation à l’action etl’action à la volonté de puissance. En cet abîmed’iniquité, il n’y a plus la moindre place pourl’intelligence.

SECOND EXTRAIT DU LIVRE« L’INTELLIGENCE EN PÉRIL DE MORT »

En rompant avec la tradition du langage sco-lastique où chaque terme est défini et renvoie àdes réalités déterminées, le récent Concile, parexemple, a créé une quasi-unanimité facticeentre ses membres et, sous couleur d’obtenir du« peuple chrétien » une meilleure audience, il agonflé d’équivoques le langage biblique dontdeux millénaires d’efforts théologiques avaientdistillé la substance intelligible. Quand unorganisme aussi soucieux que l’Église catho-lique de ne sacrifier en rien aux séductions dusubjectivisme et de sauver la portée ontolo-gique de l’intelligence humaine en arrive là, onpeut dire que le mal est universel. L’inoculationde la mentalité démocratique aux sociétés lesplus robustes en contraint les membres à nes’entendre que sur des mots et, comme chacunmet sous ces mots « le petit monde » imaginai-re qu’il s’est fabriqué et qui ne coïncide pasavec celui des autres, il faut alors distendre àl’extrême la signification des vocablesemployés ou les prendre en des sens différentsdans un même contexte, sinon dans une mêmephrase. N’insistons pas sur ce pointdouloureux : les Pères conciliaires se sont éver-tués à imiter les politiques toujours lancés à larecherche de formules qui subliment la chèvreet le chou en propos vaporeux et contententtout le monde. Les textes sur la liberté religieu-se ou sur les rapports de l’Église avec le mondepeuvent être étirés dans tous les sens. Ce n’estpas sur des réalités que les Pères se sontaccordés, mais sur un langage dont la relationavec ces réalités est indécise. La preuve en estque les interprétations des textes les plusopposées se sont fait immédiatement jour etqu’une « mentalité post-conciliaire » est appa-rue qui s’applique à vider les mots employés deleur référence résiduelle au monde de la Grâcepour les appliquer comme des formes vides àun monde désacralisé. La tentative eût étéimpossible si le Concile avait gardé le langagetraditionnel de l’Église.

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Courrier de Rome8 Novembre 2009

COURRIER DE ROME

Édition en Français du Périodique RomainSì Sì No NoResponsable

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Romano Amerio, 1 volume, 190 pages. - L’œcuménisme 9,2 €1 volume, 144 pages.- Politique et religion, essai de théologie de l’Histoire 10 €Professeur Paolo Pasqualucci, 1 volume, 108 pages. - La théologie de Jean-Paul II et l’esprit d’Assise 18,3 €- La Tradition catholique peut-elle être excommuniée 1,5 €1 volume, 35 pages. - La Tradition vivante et Vatican II 1, 37 pages, 5 €- La Tradition excommuniée 9,15 €- Tradition et Modernisme 20 €Cardinal Billot, S.J. (1846-1931), 200 pages. - La Tradition 21€

Cardinal Franzelin, S.J, (1816-1886), 400 pages- L’Église. I - Sa divine institution et ses notes 21€

Cardinal Billot, S.J, (1846-1931), 320 pages, pemière partie d’un livre en 3 volumes. - 1962 Révolution dans l’Église - Brève chronique de l’occupation 14 €

néo-moderniste de l’Églisecatholique. Don Andrea Mancinella. 195 pages.- Maçonnerie et sectes secrètes 39,5€

Epiphanius, préface de Monsieur Henri Coston, réédition, 800 pages.- La maçonnerie à la conquête de l’Église 6,9 €Carlo Alberto Agnoli, 1 volume 52 pages. - Guerre en Yougoslavie et Europe chrétienne. 57 pages., 3,7 €

LES CONGRÈS THÉOLOGIQUES DE SÌ SÌ NO NO

1. Principes catholiques pour rester fidèle à l’Église en ces temps extraordinaires de crise 12 €8 et 10 décembre 1994, 165 pages. 2. Église et Contre-Église au concile Vatican II 27,4 €2 et 5 janvier 1996, 482 pages. 3. La tentation de l’œcuménisme 22,9 €21 et 24 avri11998, 518 pages. 4. Bilan et perspectives pour une vraie restauration de l’Église 23 €3, 4 et 5 août 2000, 347 pages. 5. La messe en question 25 €12, 13, 14 avril 2002, 505 pages. 6. Penser Vatican II quarante ans après 25 €2, 3, 4 janvier 2004, 478 pages.7. Les crises dans l’Église, les causes, effets et remèdes 20 €5, 6, 7 janvier 2007, 385 pages8. L’Église d’aujourd’hui : continuité ou rupture ? 20 €

2, 3, 4 janvier 2009, 318 pages

Cette étude, intitulée 1962-Révolutiondans l’Église et réalisée avant 2002,fut publiée de janvier 2007 à avril2008 dans la revue Courrier de Rome. La clarté du texte, accompagné d’untrès grand nombre de citations et defaits, donne à cette étude toute savaleur et met le lecteur devant lasituation actuelle de l’Église d’unemanière impressionnante et tout à faitobjective.Don Andrea Mancinella, prêtre dudiocèse d’Albano Laziale (Roma),ordonné en 1983, en est l’auteur. Ceprêtre conscient que quelque chosen’allait pas dans l’Église a eu pour la

première fois entre les mains la revue Sì Sì No No, cela l’a incitéà faire des recherches et des études personnelles pour mieuxcomprendre la crise que traversait l’Église. Ensuite ayant constatéla désinformation générale du clergé pour ce qui concerne la criseactuelle et la position de Mgr. Lefebvre, il décida de publier lasynthèse de son étude et de la distribuer à tous les prêtres de sondiocèse pour mieux leur montrer sa position de fidélité à la Romeéternelle.

Prix 14 € + 2 € de port

Le jésuite Louis Billot (1846-1931) fut appelé àRome par le pape Léon XIII, qui voulait donnerune orientation nettement thomiste àl’enseignement. Saint Pie X l’élèvera au cardinalaten 1911, après l’avoir nommé, l’année précédente,consulteur du Saint-Office. Principal artisan durenouveau thomiste, défenseur réputé del’orthodoxie dans le contexte de la crisemoderniste, le cardinal Billot est demeuré surtoutcélèbre à cause de son cours d’ecclésiologie. Le

Traité de l’Église du Christ, paru en 1900 est en effet la dernièregrande synthèse théologique, grâce à laquelle, pendant plus decinquante ans, des générations d’étudiants, prêtres et séminaristes,pourront trouver l’expression achevée de la pensée de l’Église, surl’un des points où les remises en cause de la nouvelle théologiedevaient se faire le plus durement sentir. Depuis le concile Vatican II(1962-1965) la constitution Lumen gentium sur l’Église et le décretUnitatis redintegratio sur l’œcuménisme n’ont fait qu’entretenir laconfusion. Cette première traduction française du maître ouvrage ducardinal Billot n’a d’autre ambition que d’éclairer les esprits, en leurdonnant accès à ce qui reste l’une des meilleures sources de lathéologie de l’Église. Le présent volume offre à la lecture la premièredes trois parties dont se compose ce traité, et qui a pour objet l’aspectproprement apologétique de l’Église, avec la question de soninstitution divine et de ses notes. (Couverture « La tempête apaisée » -Enluminure de l'Évangéliaire de Hilda (12e siècle) - Landesbibliothekvon Darmstadt). 21 € + 3 € de port.

Actes du VIIIe

Congrès du Courrierde Rome

( janvier 2009)

Le discours du PapeBenoît XVI, du 22décembre 2005 à la CurieRomaine, a suscité denombreuses réactions ausujet de l’interprétationdes textes de Vatican II.Un des points les plusretenus est la question del’herméneutique de ladiscontinuité et de larupture d’une part, etcelle de l’herméneutiquede la continuité et de laréforme d’autre part. Lesintervenants de ce VIIIe

congrès théologi -que ontvoulu proposer uneréflexion sur le conceptd’herméneu- tique.Faut-il prendre ceconcept comme unsynonyme d’interpré-tation - comme unesimple explication detexte -, ou dans le sensde la pensée contem-poraine, c’est-à-diredans une acceptionplus large qui conduità une notion subjec-tive de la vérité et dela compréhensionqu’on peut en avoir? D’autres interventionsportent sur certainstextes du ConcileVatican II et s’interro-gent sur la possibilitéd’adopter une hermé -neutique de continui-té, lorsque la doctrine

exposée est difficilementconciliable avec la lignedu magistère antérieurou n’a pas de fondementévidentdans la Tradition. Prix 20 € + 3 € de port.

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s ì s ì no no« Que votre OUI soit OUI, que votre NON soit NON, tout le reste vient du Malin »

(Mt 5, 37)

Le numéro 3€

Décembre 2009Mensuel - Nouvelle SérieAnnée XLIII n° 328 (518)

Le cardinal Bagnasco, président de laConférence épiscopale italienne, a rencontréle 22 septembre dernier les rabbins GiuseppeLaras, Président de l’Assemblée RabbiniqueItalienne, et Riccardo Di Segni, Rabbin chefde la communauté juive de Rome. Il a déclaréqu’« il n’y a, de la façon la plus absolue,aucun changement dans l’attitude quel’Église Catholique a développé envers lesJuifs, surtout à partir du Concile VaticanII » et « qu’il n’est pas dans l’intention del’Église catholique d’œuvrer activementpour la conversion des Juifs » (agence SIR,22/09/2009).

Les affirmations du cardinal Bagnasco sontd’une extrême gravité et contredisent lesparoles de Jésus, qui affirme catégoriquement :« Nul ne vient au Père, si ce n’est par moi »(Jn, 14, 6); « Je suis la Porte, si quelqu’unentre par moi, il ira sain et sauf » (Jn 10, 9).Toute la Tradition de l’Église nous a transmiscette doctrine, enseignée et définie de manièreinfaillible par son Magistère : personne ne peutse sauver sans la foi en Jésus-Christ et sansappartenir à son Église qui continue son œuvred’évangélisation.

Ne pas vouloir « œuvrer activement pour laconversion » de notre prochain signifie le dis-criminer injustement, le priver coupablementdes secours nécessaires à son salut etl’exposer à la damnation éternelle.

Cela signifie avoir perdu ce désir naturel àtout homme de bonne volonté de partageravec son prochain le Bien le plus précieux.

Cela signifie être infidèle au mandat donnépar Jésus à ses apôtres et donc à son Église :« Allez dans le monde entier, proclamez laBonne Nouvelle à toute la création. Celui quiaura cru et aura été baptisé sera sauvé; celuiqui n’aura pas cru sera condamné » (Mc 16,15-16).

FAUXŒCUMÉNISME

ET VRAIECHARITÉ

Dans ce livre Mgr. Gherardiniétudie la question de la valeurdu magistère du Concile et deson interprétation. Nos lecteursy verront sans doute unemanière différente d’aborderles problèmes doctrinaux, maispour arriver pratiquement auxmêmes conclusions que bien denos publications. Ce nouvelouvrage a l’avantage d’ouvrirun débat au cœur de la Romeéternelle et donc de l’Église.

Brunero Gherardini, prêtre de Prato (Italie) est au service du Saint-Siège depuis1960, notamment comme professeur d’ecclésiologie et d’œcuménisme à l’Universitépontificale de Latran jusqu’en 1995. Il est l’auteur d’une centaine d’ouvrages et deplusieurs centaines d’articles de revues, sur trois cercles de recherche concentriques :la Réforme du XVIe siècle, l’ecclésiologie, la mariologie. Brunero Gherardini estactuellement chanoine de l’Archibasilique Vaticane et directeur de la revue interna-tionale de théologie « Divinitas ».

Ce livre sera disponible au Courrier de Rome fin décembre et pourra être commandéau prix de 15 € + 3 € de port à l’adresse: [email protected]

Il sera en vente à la Mutualité à l’occasion du IXe congrès du Courrier de Rome« Vatican II: Un débat à ouvrir »

les 8, 9 et 10 janvier 2010 à Paris (voir le programme du congrès page 3)

Table des matières

Préface, PrologueCh. I – Le concile œcuménique Vatican IICh. II – Valeur et limites du concile Vatican IICh.III – Pour une herméneutique de Vatican IICh.IV – Évaluation globaleCh.V – La Tradition dans Vatican IICh VI – Vatican II et la liturgieCh. VII – Le grand problème de la libertéreligieuseCh. VIII – Œcuménisme ou syncrétisme?Ch. IX – L’Église de la Constitutiondogmatique Lumen GentiumÉpilogueSupplique au Saint-Père

Décembre 2009:maquette 13/12/2009 20:47 Page 1

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Courrier de Rome2 Décembre 2009

Où donc est la vraie charité qui doit nouspousser à vouloir pour notre prochain le plusgrand bien, qui est le salut de son âme?

Tout ceci fait penser à la parabole du bonsamaritain.

Le prêtre, le lévite… le cardinal… passentsans s’inquiéter d’aider l’homme dépouillé etblessé par les brigands. Seul le bon samaritainse penche vers lui pour le soigner, et lui sauvela vie.

L’Église catholique a toujours voulu être le

bon samaritain pour tous les hommes qui sontloin de la foi, en la leur prêchant et en la leurproposant pour leur salut éternel.

Rien à voir avec les principes du fauxœcuménisme du Concile Vatican II dont lesaffirmations du cardinal Bagnasco se fontl’écho… pour la plus grande ruine spirituelledes âmes.

Dommage que les évêques italiens – commec’était prévisible – n’aient pas déchiré leursvêtements face à cette offense épiscopalecardinalice faite à la Rédemption de Notre-

ANGLICANORUM CONFUSIORÉFLEXIONS EN MARGE DE LA PROMULGATION

DE LA CONSTITUTION APOSTOLIQUEANGLICANORUM CŒTIBUS

Nous pensons qu’il est encore trop tôt pourévaluer de façon sereine et globale l’affairerelative à l’institution d’ordinariats par leSaint-Siège, dans le but d’accueillir des frac-tions de l’Église anglicane qui ne se recon-naissent plus dans leur dénominationd’origine à cause des bénédictions d’unionshomosexuelles et de l’administration dusacrement de l’Ordre – ou présumé tel – à deshomosexuels déclarés ou à des femmes.

Nous n’avons pas l’intention d’aborderimmédiatement tous les problèmes que laConstitution Apostolique a soulevés; toutefoisil est inévitable de s’interroger sur la délicatequestion du célibat ecclésiastique et des réper-cussions que pourrait avoir la situation qui seprofile, bien qu’elle soit définie comme pas-sagère.

Parallèlement, nous pensons qu’il ne seraitpas juste de passer sous silence ou de minimi-ser – à cause de problèmes contextuels – unedonnée indubitablement positive: la recherchede l’union avec Rome par une fraction signifi-cative de l’Église anglicane.

C’est sur cette dernière donnée que noussouhaitons réfléchir et dire quelques mots,puisqu’elle n’est pas, techniquement parlant,le fruit de l’œcuménisme, qui ne prévoit pasde conversion, si bien qu’un certain malaiseest né chez les grandes icônes du dialogueinterreligieux : le cardinal Kasper, en effet,s’est empressé de lire ce qui s’est produit à lalumière de la liberté de conscience et non à lalumière de la nécessité de revenir à l’unitécatholique. Il s’agit d’une lecture typiquementœcuménique, sur laquelle nous reviendronsavant de conclure.

Toutefois, avant d’aborder ce point, nousvoudrions réfléchir un instant sur les présup-posés ecclésiologiques qui constituent lebagage dogmatique et spirituel des anglicans,et également sur les prémisses ecclésiolo-giques de ceux qui les accueillent : l’affairesemble en effet un peu confuse, et suscitequelques inévitables interrogations.

UNE ÉTRANGE TRADITION

Que les mariages gays, les femmes prêtresou l’ordination d’homosexuels déclarés puis-

sent choquer même en Angleterre et au seinde la communion anglicane, nous le compre-nons sans difficulté; nous ne sommes pas nonplus surpris par le fait qu’une église ait glisséau cours de l’histoire de plus en plus loin dudroit chemin et loin de l’Évangile, que seulel’Église catholique garde dans son intégrité.

Toutefois, il ne suffit pas de fuir ces aberra-tions pour être catholique. L’Église anglicaneest née comme église nationale et s’est déve-loppée autour de – et sous – la couronne bri-tannique, forgeant et véhiculant à travers lessiècles une tradition résolument anti-romaine,césaropapiste et autocéphale. Si au cours deces dernières décennies, la dépendance vis-à-vis du souverain est devenue de plus en plusvirtuelle (d’ailleurs elle n’existe pratiquementplus hors du Royaume-Uni), on ne peut pas endire autant du caractère autocéphale et anti-romain propre à la tradition anglicane.

Il est donc nécessaire de se demander ce quia été réellement renié de cette ecclésiologie,fruit non seulement d’erreurs théologiques,mais aussi expression d’une attitude de fondqui peut difficilement être corrigée par unesimple fuite des aberrations contingentes évo-quées ci-dessus. En d’autres termes, on peutlégitimement se demander si la « fuite » loindes déviations les plus extrêmes del’Anglicanisme contemporain a suffisammentcontribué à remédier à une déformation ecclé-siologique enracinée et structurée, patrimoineancestral de la tradition anglicane.

Il est vrai que la High Church a conservédans les formes une considérable ressemblan-ce avec la liturgie et l’apparat extérieurromains. Mais il serait erroné de lui attribuerune tradition théologique et ecclésiologiquesubstantiellement différente de celle desautres fractions de la communion anglicane,c’est-à-dire plus papale et pro-romaine.

Ces prémisses étant posées, on reste per-plexe sur la volonté exprimée par le Vaticande maintenir vivante la tradition anglicane –qui est même définie comme un enrichisse-ment pour l’Église Romaine, et comme undon à partager – malgré la requête del’adhésion au Catéchisme de l’Église catho-lique.

Voici comment s’exprime, à ce propos, lepère Ghirlanda S.J., Grand Recteur del’Université Pontificale Grégorienne, dans lebulletin officiel du Saint-Siège:

« À la lecture de la Constitution Aposto-lique et des Normes Complémentaires éma-nant du Siège Apostolique, on perçoit claire-ment l’intention, avec le projet d’érectiond’Ordinariats personnels, de concilier deuxexigences : d’une part celle de « maintenirvivantes au sein de l’Église catholique les tra-ditions spirituelles, liturgiques et pastorales dela Communion Anglicane, en tant que donprécieux pour nourrir la foi de ses membres,et richesse à partager » (Cost. Ap. III) ; d’autrepart celle d’une pleine intégration de fidèlesou de groupes de fidèles, issus del’Anglicanisme, dans la vie de l’Église Catho-lique. L’enrichissement est réciproque : lesfidèles venant de l’anglicanisme, entrant dansla pleine communion catholique, reçoivent larichesse de la tradition spirituelle, liturgique etpastorale de l’Église Latine Romaine, pourl’intégrer avec leur tradition, dont l’ÉgliseLatine Romaine s’enrichit à son tour. Parailleurs c’est précisément cette tradition angli-cane, reçue dans son authenticité dans l’ÉgliseLatine Romaine, qui a constitué l’un de cesdons de l’Église du Christ qui ont poussé cesfidèles vers l’unité catholique » (P. GianfrancoGhirlanda S.J., La signification de la Consti-tution Apostolique Anglicanorum Cœtibus,Bulletin officiel du Saint-Siège, 09/11/2009).

Suit une liste détaillée de sept éléments àtravers lesquels la Constitution Apostoliqueentend protéger la tradition anglicane 1.

1. La sauvegarde et l’entretien de la traditionanglicane sont assurés:a) par la concession à l’Ordinariat de la faculté decélébrer l’Eucharistie et les autres sacrements, laLiturgie des Heures et les autres actions liturgiquesselon les livres liturgiques propres à la traditionanglicane approuvés par le Saint-Siège, sanstoutefois exclure que les célébrations liturgiquesaient lieu selon le Rite Romain (Const. Ap. III) ;b) par le fait que l’Ordinaire, pour la formation desséminaristes de l’Ordinariat qui vivent dans unséminaire diocésain, peut établir des programmesspécifiques ou bien ériger pour eux une maison de

Seigneur et à la mission de son Église; seulMgr Luigi Negri est intervenu sur cettequestion dans les pages de Il Timone, n° 87,nov. 2009.

Prions pour que l’Église et ses ministresretrouvent la flamme missionnaire génératricede missionnaires, prêts à donner leur vie pourla prédication de l’Évangile et le salut desâmes qui en dépend.

Don Pierpaolo PetrucciTraduit de La Tradizione Cattolica

n°4 (2009)

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Courrier de RomeDécembre 2009 3

IXE CONGRÈS THÉOLOGIQUE DU COURRIER DE ROMEen partenariat avec

L’INSTITUT UNIVERSITAIRE SAINT-PIE X et D.I.C.I.

VATICAN II : UN DÉBAT À OUVRIRPARIS

8, 9 ET 10 JANVIER 2010SOUS LA PRÉSIDENCE DE S.E. MGR BERNARD FELLAY

SUPÉRIEUR GÉNÉRAL DE LA FRATERNITÉ SACERDOTALE SAINT-PIE X

PROGRAMME

VENDREDI 8 JANVIER : 14H00 — 17H00� Introduction : « Vatican II un débat à ouvrir » de Mgr Brunero Gherardini

Abbé Emmanuel du Chalard� Le fondement pérenne de la Révélation divine et de la doctrine de l’Église

Abbé Philippe Bourrat� Principes et fondements philosophiques de la nouvelle théologie

Dottoressa Luisella Scrosati� Influence de la pensée moderne dans Vatican II — essai d’interprétation

Professore Paolo Pasqualucci

SAMEDI 9 JANVIER :9H00 — 12H00

� La Tradition vivanteAbbé Jean-Michel Gleize

� La personne de l’Église au fondement de la nouvelle ecclésiologieAbbé Patrick de La Rocque

� Flottement stylistique et théologique dans Nostræ ÆtateProfesseur Dominique Viain

14H00 — 17H00� La liberté religieuse et la nouvelle doctrine sociale

Abbé Renaud de Sainte Marie� Foi et raison dans la pensée de Joseph Ratzinger

Abbé Christian Thouvenot� La mise en parenthèse du principe de non-contradiction

Abbé Alain Lorans

DIMANCHE 10 JANVIER : 14H00 — 17H00� La situation présente à Rome et dans l’Église

Abbé Emmanuel du Chalard� Synthèse et perspectives

S.E. Monseigneur Bernard Fellay

DÉTAILS PRATIQUES

• Lieu : Palais de la Mutualité, 24 rue Saint Victor 75005 Paris, salle Jussieu au 1er

étage (entrée à droite à côté de l’église Saint Nicolas du Chardonnet)• Conférences : le vendredi 8 janvier de 14h00 à 17h00; le samedi 9 janvier de9h00 à 12h00 et de 14h00 à 17h00; le dimanche 10 janvier de 14h00 à 17h00• Tarifs : 3 jours 25 € — 2 jours 20 € — 1 jour 10 € — étudiants 8 € pour les 3jours (Inscriptions possibles sur place avant chaque conférence)• Pour toute correspondance (spécifier) :

Secrétariat du congrès : 15 rue Pierre Corneille, 78000 Versailles;tel : 01 39 51 08 73courriel : [email protected]

(Les repas de midi des prêtres sont assurés sur place à proximité immédiate dela Mutualité)

Henri VIII lui-même en resterait probable-ment perplexe.

Le raisonnement du père Ghirlanda n’estpas autre chose que l’application de ce sché-ma théologique typiquement conciliaire selonlequel tous les éléments chrétiens présentsdans les églises non catholiques seraient deséléments de l’Église du Christ (entité quitranscende toutes les églises, y comprisl’Église catholique) et pousseraient versl’unité catholique, c’est-à-dire vers cette plé-nitude que seule l’Église catholique possède.

En réalité, ce que l’anglicanisme historique– par exemple – possède de chrétien est plutôtun bien appartenant à l’Église catholique,dont elle a été frustrée, et grâce auquel et surlequel a été construite une église schismatiqueet nationale.

Le raisonnement du jésuite est exactementopposé, et il n’est compréhensible qu’à tra-vers les dynamiques ecclésiologiques duConcile, sur lesquelles nous reviendrons plusloin.

En ce qui concerne la nature spécifique dela tradition anglicane, la confusion règne.

On ne comprend pas comment une traditionschismatique puisse en tant que telle être unenrichissement pour l’Église catholique, etdoive donc, en tant que telle, être conservée.

En effet, nous ne nous trouvons pas face àune tradition faisant partie du patrimoinecommun de l’Église catholique comme pour-

formation (Const. Ap. VI § 5; NC Art. 10 § 2); lesséminaristes doivent venir d’une paroissepersonnelle de l’Ordinariat ou de l’Anglicanisme;c) par la concession que ceux qui étaient ministresmariés dans l’anglicanisme, même évêques,peuvent être admis au presbytérat, aux termes del’Encyclique de Paul VI Sacerdotalis cœlibatus,n. 42 et de la Déclaration In June, c’est-à-dire endemeurant dans l’état matrimonial (Const. Ap. VI§ 1);d) par la possibilité, après un processus dediscernement fondé sur des critères objectifs et lesnécessités de l’Ordinariat (NC Art 6 § 1), dedemander au Pontife Romain d’admettre cas parcas à l’ordre du presbytérat des hommes mariés, endérogation au Code de Droit Canonique can. 277,§ 1, bien que la règle veuille que ne soient admis àl’ordre du presbytérat que des hommescélibataires;e) par l’érection de paroisse personnelles parl’Ordinaire, après avoir entendu l’avis de l’évêquediocésain du lieu et obtenu l’accord du Saint-Siège(Const; Ap. VI § 2);f) par la possibilité de recevoir des Instituts de vieconsacrée et des Sociétés de vie apostoliquevenant de l’anglicanisme, et d’en ériger denouveaux;g) par le fait que, pour le respect de la traditionsynodale de l’anglicanisme: 1) l’Ordinaire estnommé par le Pontife Romain, sur la base de troisnoms présentés par le Conseil de direction (NCArt. 4 § 1); 2) la constitution du Conseil Pastoralest prévue comme obligatoire (Const. Ap. X § 2);3) le Conseil de direction, composé d’au moins sixprêtres, outre les fonctions établies par le Code deDroit Canonique pour le Conseil presbytéral et leCollège des consulteurs, exerce aussi celles quisont spécifiées dans les Normes complémentaires,car il doit dans certains cas donner son accord ouexprimer son vote délibératif (Const. Ap. X § 2;NC Art. 12).

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Courrier de Rome4 Décembre 2009

rait l’être la tradition Ambrosienne ; noussommes face à une tradition qui naît et sedéveloppe comme schismatique, et se posehistoriquement comme alternative au Catholi-cisme.

Le fait historique que cette tradition aitconservé des éléments catholiques, commepar exemple le baptême, ne signifie pas que lenoyau « sain » à l’intérieur de la traditionanglicane légitime en quelque façonl’anglicanisme lui-même, mais il rend simple-ment témoignage du fait que cette tradition estnée en tant que séparation de l’Église catho-lique, à laquelle elle a « emprunté » quelquechose qui toutefois ne lui appartient pas à titrespécifique.

Dire par conséquent que la tradition anglica-ne en tant qu’anglicane peut être un enrichis-sement pour l’Église catholique, qu’elle aconduit à l’unité et qu’elle doit donc êtremaintenue comme telle au sein de l’Églisecatholique, dont elle n’a jamais fait partie etdont elle a toujours été l’ennemie, est uneabsurdité qui n’est compréhensible que dansune optique conciliaire, et plus exactement àla lumière de Lumen Gentium.

LE PROBLÈME DU CÉLIBAT ECCLÉSIASTIQUE

Parmi les éléments propres à la traditionanglicane qui sont sauvegardés par la Consti-tution Apostolique, se trouve la « concessionque ceux qui étaient des ministres mariés dansl’Anglicanisme, même évêques, puissent êtreadmis au presbytérat » (P. Ghirlanda, S.J., ibi-dem).

Il est vrai que, par le passé, l’Église a déjàaccordé ad casum cette permission à desministres anglicans qui se convertissaient aucatholicisme. Toutefois, la chose était justifiéeen tant que tolérance due aux circonstancesparticulières de ces cas individuels. À présent,la chose est en revanche insérée parmi les élé-ments propres à la tradition anglicane quel’Église accueille et s’engage à conservercomme enrichissement et don à partager. Lesdeux perspectives sont non seulement diffé-rentes, mais aussi résolument inconciliables.Par conséquent, et ici les choses s’aggraventdavantage, « la sauvegarde et l’entretien de latradition anglicane sont assurés […] par lapossibilité, après un processus de discerne-ment fondé sur des critères objectifs et lesnécessités de l’Ordinariat (NC Art. 6 § 1), dedemander au Pontife Romain d’admettreaussi, au cas par cas, des hommes mariés àl’Ordre du presbytérat, en dérogation au Codede Droit Canonique can. 277, § 1, bien que larègle veuille que ne soient admis à l’ordre dupresbytérat que des hommes célibataires »(ibidem). La chose fait penser immédiate-ment, sans exagération ni préjugés, au chevalde Troie. Même si la possibilité ci-dessus estprévue ad casum, elle est déjà institutionna-lisée noir sur blanc: elle ne concerne pas sim-plement les ministres qui se convertissent aumoment présent, mais elle ouvre une nouvelleperspective pour le futur, c’est-à-dire pour descandidats au sacerdoce qui se présenteront àl’avenir.

Si l’on ajoute que dans le monde catholique,le désir d’abattre le célibat ecclésiastique estbien loin d’être éteint, et que la possibilité

accordée aux anglicans en tant qu’élément deleur tradition est définie comme « un don pré-cieux et une richesse à partager » (ibidem), onse demande si « l’enrichissement est réci-proque »… comme le suggère le père Ghir-landa.

La situation qui se profile nous semble trèsdangereuse pour la sauvegarde du célibatecclésiastique : ce ne serait pas la premièrefois que la modification d’une praxis commu-ne et universelle commence par une conces-sion à portée apparemment limitée, maispotentiellement lourde des conséquences lesplus extrêmes.

LE RISQUE DU LIBRE EXAMEN

L’assimilation de la tradition anglicane,dans les termes décrits par la Constitution etpar le père Ghirlanda, fait immédiatementpenser aux multiples possibilités dont ceprocédé pourrait être le prototype. Pourquoine pas aussi englober, de façon analogue, lestraditions luthérienne, calviniste, vaudoise ouadventiste? Le procédé utilisé et utilisable àl’avenir nous semble extrêmement dangereuxpour une raison bien précise.

Le Vatican s’est limité à demander commecontrepartie l’adhésion à un texte écrit : leCatéchisme de l’Église Catholique.

Mais nous ne devons pas oublier que lemonde protestant, dont les anglicans font par-tie intégrante, a pour critère herméneutiqueuniversel le libre examen appliqué à un texteécrit : la Bible. Par conséquent, se limiter àremettre à un protestant un texte écrit, en luidemandant d’y souscrire, risque de créer unesituation extrêmement équivoque.

Pour le catholique, en effet, le Catéchismeest un texte qu’il doit recevoir dans la mesureoù, à travers lui, c’est l’Église qu’il reçoit ; leprotestant, au contraire, sur la base de sastructure mentale et de sa tradition ecclésiale,reçoit le texte écrit, mais non l’autorité supé-rieure qui en lie l’interprétation.

Autrement dit, le catholique n’accepte pasun texte simplement parce qu’il accepte sasignification, mais parce qu’il acceptel’autorité de Dieu qui s’exprime à traversl’Église ; le protestant, au contraire, se limiteà donner ou ne pas donner son assentimentau contenu d’un texte dans la mesure où il leconsidère recevable. C’est, en dernière ana-lyse, l’élément vraiment spécifique etcaractéristique de la tradition anglicane etprotestante.

Si l’on ajoute qu’actuellement, le mondecatholique lui-même semble avoir perdu laconception d’un Magistère interprèteinfaillible – et donc faisant autorité – de laRévélation, la situation qui se profile sembleêtre encore plus chaotique.

LE DYNAMISME DE L’ÉGLISE DU CHRIST

Nous avons déjà évoqué la façon dont estjustifié théologiquement le processus guidépar le Saint-Esprit qui aurait conduit les angli-cans au sein de l’Église catholique : « Cesfidèles anglicans qui ont demandé à entrer enpleine communion avec l’Église catholique,sous l’action de l’Esprit Saint, ont été poussésvers la reconstitution de l’unité des éléments

propres de l’Église du Christ qui ont toujoursété présents dans leur vie chrétienne person-nelle et communautaire » (ibidem).

La chose mérite toute notre attention.

Dans l’optique conciliaire, le parcours décritn’est pas le résultat de la réfutation de l’erreuret de l’adhésion à la Vérité, mais le fruit mûrde la tradition anglicane elle-même qui,possédant certains éléments de l’Église duChrist, serait depuis toujours en marche,comme du reste toutes les autres dénomina-tions chrétiennes, vers l’unité plus pleine :« Cette tradition anglicane, qui est reçue dansson authenticité dans l’Église catholiqueromaine, a constitué dans l’anglicanisme l’unde ces dons de l’Église du Christ qui ontpoussé ces fidèles vers l’unité catholique »(ibidem).

Pour cette raison – et c’est là, au fond, quese trouve la donnée vraiment nouvelle et ano-male – la tradition anglicane est maintenue etelle est accueillie comme élément positif (donprécieux) au sein de l’Église catholique.

Ce principe n’est pas autre chose qu’uneapplication emblématique et significative de ladoctrine contenue dans la Constitution conci-liaire Lumen Gentium, reprise textuellementpar la Constitution Anglicanorum Cœtibus :

« Cette unique Église du Christ, dont nousprofessons dans le Symbole qu’elle est une,sainte, catholique et apostolique, “subsistedans l’Église catholique gouvernée par le Suc-cesseur de Pierre et les évêques qui sont encommunion avec lui, bien que des élémentsnombreux de sanctification et de vérité setrouvent hors de ses structures, éléments qui,appartenant proprement par don de Dieu àl’Église du Christ, appellent par eux-mêmesl’unité catholique”. »

Selon cette doctrine, l’Église fondée parJésus (Église du Christ) ne s’identifie plussimplement à l’Église catholique, mais à uneréalité plus large, dont les éléments sont pré-sents aussi dans les autres dénominations,bien que l’Église catholique en possède la plé-nitude. Par conséquent, comme nous l’avonsdéjà montré, l’appartenance à une autre église(en vertu de la possession matérielle dequelque chose de chrétien) n’est jamais vuecomme une séparation de l’Église catholique,mais au contraire comme un élément d’unionau moins imparfaite avec elle.

Autrement dit, si je suis vraiment et authen-tiquement anglican, je suis virtuellement déjàcatholique, et ce non tant dans la perspectived’un abandon de ma confession anglicane,mais grâce à celle-ci : voilà pourquoi la tradi-tion anglicane doit être maintenue commetelle ; voilà pourquoi être accueilli dansl’Église catholique ne signifie plus renoncercatégoriquement à l’anglicanisme.

Ce qui semble manquer, pour employer unlangage traditionnel, c’est la notion classiquede conversion, qui est remplacée par un par-cours dynamique, dont la conduite est attri-buée au Saint-Esprit, qui utiliseraitl’appartenance à une fausse église commemoyen positif pour atteindre la vraie.

Sans entrer dans des considérations théolo-giques, mais en nous tenant simplement aux

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faits, il est évident que le raisonnement netient pas : ce qui a poussé les anglicans« hors » de leur communion et « vers » lecatholicisme, ce ne sont pas des élémentspositifs propres à l’Église du Christ, mais deséléments aberrants tels que l’ordinationd’homosexuels. L’ordination d’un évêque gayn’est pas en soi un élément apte à unir leséglises, mais Dieu se sert aussi du mal pouren tirer du bien, et de cela nous ne pouvonsque nous réjouir. Voilà tout. Déranger leSaint-Esprit en voulant en faire le propulseurdu processus œcuménique décrit par LumenGentium et l’appliquer à ces récents événe-ments nous semble une interprétation idéolo-giquement forcée, peu crédible et surtout necorrespondant pas à la réalité des faits.

ŒCUMÉNISME : L’EMBARRASDU CARDINAL KASPER

Naturellement, nous ne souhaitons pas autrechose qu’une véritable et sérieuse conversiondes anglicans en question et ne pouvons quenous en réjouir. Les réserves exprimées sontsimplement liées à la situation contingente quise présente, et surtout à la confusion quel’ecclésiologie de Lumen Gentium provoqueinévitablement dans des cas comme celui-ci.

Nous nous réjouissons pour une raison trèssimple: nous savons que Dieu sait écrire droitsur des lignes courbes, et donc rien ne peutempêcher une conversion authentique malgréles mille circonstances négatives ou défavo-rables.

Mais tout le monde ne pense pas ainsi. Lepremier à être embarrassé est le cardinal Kas-per, leader du dialogue avec les autres confes-sions chrétiennes.

Il est clair que pour ce dernier, l’événementde la conversion au Catholicisme du groupeanglican ne profite pas à la cause œcumé-nique. Voyons pourquoi.

Il y a deux ans, Kasper avait déjà réussi àstopper une demande analogue à la demandeanglicane actuelle ; il avait demandé à cegroupe de rester dans sa propre église, en pro-mettant que le Vatican se serait employé àl’aider au sein de celle-ci.

La raison est claire: si le faux œcuménismed’aujourd’hui promeut l’unité, il ne le faitjamais en proposant une conversion au Catho-licisme comme unique bercail, mais il le faiten valorisant ces éléments communs présentsdans toutes les dénominations, qui sont parconséquent respectées et reconnues commedes instruments de salut. Dans cette optique,l’unité est le fruit du dialogue, de la compré-hension, de la prière commune, du partage, dela fraternité, de l’échange, de l’enrichissementréciproque… mais pas de la conversion.

Demander une conversion équivaudrait ànier le statut de légitimité reconnu aux autreséglises, et qui représente la plateforme pour ledialogue lui-même.

En ce sens, l’œcuménisme ne peut êtrequ’« anti-conversioniste », autrement les pré-supposés obligatoires qui lui permettentd’exister disparaîtraient.

Mais il y a plus dans le cas présent.

Étant donné que le groupe qui s’est adressé

à Rome représente seulement une partie del’obédience anglicane, son accueil au sein del’Église provoque inévitablement une fractureinterne à la communion anglicane, dontl’Église catholique est indirectement respon-sable. La chose pourrait compromettre sérieu-sement les efforts œcuméniques et le dialogueavec les autorités de l’anglicanisme, chosesqui pour Kasper sont des priorités absolues.En effet, une icône du dialogue comme Kas-per ne fait pas bonne impression, dans cesconditions, face à l’archevêque de Canterbury,qui pourrait se sentir frustré et trompé aprèsdes décennies de dialogue, ouverture, aideréciproque, promesses de soutien… Ceciexplique la réticence que Kasper a manifestéeil y a deux ans.

Cela montre surtout les contradictions del’œcuménisme et son incompatibilité avec ladoctrine catholique, avec la nature mission-naire de l’Église, et avec sa mission de prê-cher la vérité à toutes les créatures.

Pour sortir de son embarras, Kasper estintervenu le 15 novembre dernier dans lescolonnes de L’Osservatore Romano. Le ton del’intervention est bien sûr extrêmement positifmais quelques éléments intéressantsn’échapperont pas à ceux qui savent lire entreles lignes.

Avant toute chose Kasper assure, avecl’emphase typique de quelqu’un qui est morti-fié et qui doit se défendre, que l’œcuménismen’est pas en danger, et toute son interventionvise à développer cette idée de fond ; touteaffirmation contraire ne serait que le fruit dequelque scoop journalistique et le cardinal estextrêmement ennuyé.

Avec l’archevêque de Canterbury, les rap-ports seraient excellents, selon la version deKasper. Toutefois le primat anglican a télé-phoné à Kasper « en pleine nuit » alors quecelui-ci se trouvait à Chypre (pour une énièmeet stérile rencontre avec les orthodoxes – ndr)pour lui demander des explications. Or pourun gentleman anglais réservé, qui plus estarchevêque, déranger un cardinal en pleinenuit est au minimum le signe d’un malaise defond difficilement éliminable par un coupd’éponge, c’est-à-dire en répétant quelquepromesse stéréotypée typique du dialogueœcuménique.

Sur les causes du rapprochement du groupeanglican de l’Église catholique, Kaspers’efforce par tous les moyens de démontrerque ce n’est pas sa faute, ni la faute del’œcuménisme, comme s’il devait justifierquelque chose de négatif que personne n’a puéviter.

Il pousse avant tout un soupir de soulage-ment en soulignant que « tous ceux qui nesont pas d’accord avec ces nouveautés ne veu-lent pas devenir catholiques ». C’est commes’il disait : « nous déclinons toute responsabi-lité en cas de conversion », en démontrant quechaque anglican agit librement sans aucunepersuasion catholique préalable.

Puis le cardinal revient avec insistance surla même idée: il n’y est pour rien, ce n’est passa faute. Entre les lignes, on perçoit sonembarras: « Restons-en aux faits. Un groupe

d’anglicans a demandé librement et légitime-ment à entrer dans l’Église catholique. Cen’est pas à notre initiative. » En effet : « Cen’est pas à notre initiative. » Pendant ceslongues années de dialogue et de rencontres, iln’y a jamais eu la moindre invitation ou lamoindre allusion à la conversion. Seulementdes paroles creuses. L’appel à la conversion aété remplacé par le dialogue, et par consé-quent au moment ou une conversion arrive,malgré les omissions du côté catholique, il estnécessaire de la justifier et de se justifier!

La pensée de Kasper et son embarras se fontencore plus clairs : « Si un anglican ou ungroupe d’anglicans veut entrer dans la pleineet visible communion avec l’Église catho-lique, il n’est pas possible de nous yopposer. » La chose est tellement évidente queson affirmation aurait quelque chose de ridi-cule et d’inexplicable sur les lèvres d’un car-dinal, si l’on ne connaissait pas le malaise defond.

Pour éviter tout malentendu supplémentaire,Kasper précise que non seulement il n’y estpour rien, mais l’œcuménisme en tant que telnon plus: « Une chose est l’œcuménisme, uneautre chose est la conversion. »

Le cardinal conclut par une solennelle pro-messe de ne pas faire de prosélytisme, de nepas faire de « conversionisme » envers per-sonne, ni en Orient ni en Occident. Il s’agit,d’après lui, de méthodes qui appartiennent aupassé et qui ne sont valables ni pour le présentni pour le futur.

Mais alors – demandons-nous – qu’est-cequi peut justifier une conversion sans invita-tion, avec qui plus est le risque inévitable dedéchirer l’unité interne de l’église d’origine etde créer de graves malentendus?

Kasper sort ici la panacée à tous les maux età toutes les contradictions: « Il faut respecterla conscience et la liberté de conscience. »Oui, même si celle-ci va contrel’œcuménisme et les bons rapports avecl’archevêque de Canterbury, sa suprématieindiscutée est reconnue universellement etpersonne ne pourra accuser l’Église d’œuvreractivement pour la conversion du prochain.Mais ici Kasper démolit d’un seul coup le seulvrai fondement qui légitime une conversion:l’adhésion à la Vérité.

Dans son intervention, Kasper ne nommejamais la nécessité d’adhérer à la Vérité, à lavéritable Église, à la vraie Foi. Il ne fait pas lamoindre allusion au fait que c’est de laconversion que dépend le salut de l’âme decelui qui se convertit. Son argumentation auton socio-politique démontre d’une partl’échec historique de l’œcuménisme, del’autre son incapacité à se relier au Vrai, sondésintérêt pour le salut du prochain, son âmeanti missionnaire, et – une fois de plus – soncaractère inconciliable avec la Foi et la praxiscatholiques.

Don Davide PagliaraniTraduit de La Tradizione Cattolica

n°4 (2009)

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Courrier de Rome6 Décembre 2009

Le 19 novembre dernier, l’archevêque deCanterbury Rowan Williams a pris la parole àRome, lors d’un congrès organisé sur la figuredu card. Willebrands.

Bien entendu, il ne pouvait pas ne pasévoquer la Constitution AnglicanorumCœtibus.

D’un côté, le prélat apprécie le fait que la« Constitution Apostolique montre certainssignes de la reconnaissance du fait que ladifférence d’éthique ne compromet pas en soil’unité de l’Église catholique, même au seindes limites du patriarcat occidentalhistorique ». Il est clairement fait référence iciau clergé marié qui, en quelque sorte, a acquisun droit de cité aussi en Occident, au sein duclergé catholique de rite latin. En sommeWilliams lui aussi – comme nous – y voit unereconnaissance significative et certainementun pas en avant vers un possible résultatultérieur. Naturellement la perspective d’uneinfluence inverse, c’est-à-dire de lavalorisation du célibat ecclésiastique auprèsdes anglicans, ne semble pas l’intéresser, etelle n’a vraisemblablement pas été véhiculéepar le dialogue œcuménique avec Kasper.

Quant au retour à l’Église catholique dugroupe anglican, Williams ne voit pas là unbon résultat sur le plan œcuménique: c’est lesigne que l’Église catholique ne reconnaît pasà la communion anglicane un plein statut delégitimité, et cela ne correspond pas à ce quel’on avait promis de faire au point de vueœcuménique. Williams – comme Kasper – abien compris ce qu’est l’œcuménisme. Malgréle ton apaisé et académique, il est facile derelever une certaine déception: pour Williamsaussi, l’œcuménisme est blessé.

« Il est évident que la Constitution[Anglicanorum Coetibus] ne cherche pas àfaire ce que nous avons tracé: elle ne se fondesur aucune reconnaissance formelle deministères existants ni d’unités de supervision,ni sur des méthodes décisionnellesindépendantes, mais elle reste au niveau de laculture liturgique et spirituelle, pourrions-nousdire. En tant que telle, c’est une réponsepastorale ingénieuse aux nécessités decertains, mais ce n’est pas une innovationecclésiologique. Il reste à voir si la flexibilitésuggérée dans la Constitution pourra mener àquelque chose de moins semblable à une« chapellenie » et de plus semblable à uneÉglise autour d’un évêque [ici le mépris estmal dissimulé]. Tout ce que j’ai essayé de direici est que le verre œcuménique estauthentiquement à moitié plein » (OsservatoreRomano, 21/11/2009).

Don Davide PagliaraniTraduit de La Tradizione Cattolica

n°4 (2009)

Certaines choses dans la vie sont trop bellespour être oubliées. Certaines d’entre ellesconcernent la façon dont les hommes viventdans le monde; d’autres, au contraire, la façondont ils meurent. La plupart des pays ont insti-tué un jour commémoratif pour rappelerl’extrême sacrifice que leurs patriotes ontaccompli pour la défense de leur nation et de lasociété. Puisque la vie était ce qu’ils pouvaientdonner de plus précieux, il n’est pas permis àceux qui ont survécu d’oublier ce don. Ceshéros n’auraient pas pu demander un telmémorial, ni l’instituer, puisque cette tâcheétait réservée aux survivants.

Si l’on a établi des jours commémoratifspour ceux qui meurent afin de sauvegarder laliberté de l’oppression des hommes, à plusforte raison devait être institué un mémorialpour le suprême Sacrifice du Christ qui mourutpour nous libérer de la tyrannie du péché. Maisil y a de nombreuses différences entre cespatriotes et le Christ. Aucun d’entre eux n’étaitné pour mourir; chacun était né pour vivre, etla mort a été pour chacun d’eux une interrup-tion violente. Notre-Seigneur, au contraire, estné pour mourir. Il n’est pas venu au mondedans un autre but que celui de racheterl’humanité pécheresse.

De plus, à la différence des hommes qui nepeuvent pas faire leur propre mémorial, Il a ins-titué la façon précise dont sa mort devait êtrerappelée. Puisqu’Il est venu pour mourir, saMort était la chose la plus importante dont Ilvoulait que nous nous souvenions. Il n’a pas ditque les hommes devraient écrire une histoire àce sujet, ou être charitables envers les pauvresen mémoire de Lui. Non. Il leur a dit commentIl voulait que fût commémoré son Sacrifice: lemémorial qu’Il nous a laissé est la Messe.

Celle-ci a été instituée la nuit précédant samort, au cours de ce qui, depuis lors, est appeléla Sainte Cène. Prenant du pain dans ses mains,Il dit: « Ceci est mon Corps, livré pour vous »,c’est-à-dire livré sur la Croix, le lendemain.Puis sur la coupe de vin Il dit: « Ceci est monSang, le Sang de la nouvelle alliance, versépour un grand nombre en rémission despéchés. » Il était le Prêtre qui s’offrait Lui-même comme victime afin que les hommesn’oublient jamais qu’« il n’y a pas de plusgrand amour que de donner sa vie pour ceuxqu’on aime ». Et après avoir préfiguré et prévula façon dont Il allait mourir, le jour suivant,pour la rédemption du monde, Il donna a sesApôtres et à l’Église ce commandement divin:« Faites ceci en mémoire de moi. » Au cours dela Sainte Cène, Il avait prévu la Croix, au coursde la Messe nous revenons à cette Cène et àcette Croix.

La Messe est l’application et la projectiondans l’espace et dans le temps de l’amourrédempteur du Christ sur la Croix. Imaginonsune station radio qui transmet des messagesdepuis l’éternité : elle est là depuis toujours,mais nous n’écoutons les messages que lorsquenous commençons à nous accorder à sa fré-quence. De la même façon, le Sacrifice qui futoffert sur la Croix a une valeur éternelle, maisla Messe aide les créatures à « s’accorder » sur

Ses mérites et à se les appliquer.

La Rédemption de Notre Seigneur Jésus-Christ sur la Croix a été accomplie une foispour toutes, mais son actualisation dépend dudéroulement de l’histoire. Potentiellement,chaque être humain dans le monde a étéracheté sur la Croix, mais l’actualisation etl’application de cette Rédemption sont condi-tionnées par la libre coopération de l’hommeau cours de l’histoire.

Le Calvaire n’a occupé qu’une petite duréede temps, mais étant le Sacrifice d’un Dieuéternel, il est capable d’éclairer le temps toutentier, dans chacune de ses périodes histo-riques. La Messe, donc, est la projection dansle temps des valeurs éternelles du Calvaire.

De la même façon, le Calvaire n’a été qu’unlieu de faible étendue sur la terre, carrefourentre Jérusalem, Athènes et Rome. Mais ce quis’y est passé, c’est-à-dire le Sacrifice du tout-puissant, concerne l’homme où qu’il se trouve,aux quatre coins du monde.

La Messe plante la croix du Christ dans uneville, dans un village, dans une mission, dansune grande cathédrale, elle soulève le rideau dutemps et de l’espace et actualise ce qui s’estpassé sur le Calvaire. La Croix – de façon pré-figuratrice – a intéressé également tout le tempspassé: tous les sacrifices de jeunes bœufs, dechèvres, de brebis et, en particulier, le sacrificede l’agneau pascal ont trouvé leur accomplisse-ment dans la Croix du Christ. La Croix a aussiinflué sur le futur, passant à travers le tempscomme un puissant torrent qui forme descanaux dans les vallées et les plaines.

Le fait que tous les sacrifices cessent aprèscelui du Calvaire signifie qu’il est la perfectionet la plénitude de tous les sacrifices. Mêmes lesJuifs ne sacrifient plus les agneaux pascals dansleurs synagogues, puisque l’Agneau pascal adéjà été immolé.

Le Sacrifice de la Croix, donc, n’est pas unévénement passé: il se passe maintenant. Cen’est pas un souvenir ou un reliquat du passéqui perdure dans le présent : c’est un drameactuel, maintenant comme alors, et il en seraainsi pendant toute la durée du temps et del’éternité.

Sur la Croix, notre divin Rédempteur savaitde quelle façon chaque âme répondrait à sonplus grand acte d’amour: il savait si elle allaitl’accueillir ou le refuser. Nous-mêmes nesavons pas comment nous réagirons à sonamour tant que nous ne serons pas face à faceavec Lui et sa Croix. De notre point de vue,nous avons besoin de temps pour comprendrele « drame » du Calvaire. Mais la Messe nousdonne un indice; nous n’étions pas conscientsd’être présents sur le Calvaire le VendrediSaint, mais nous le sommes à la Messe. Nouspouvons connaître quelque chose du rôle quenous avons eu sur le Calvaire à partir de lafaçon dont nous nous comportons à la Messedu vingtième siècle, et dont la Messe nous aideà vivre notre existence quotidienne.

La Messe n’est pas un nouveau Sacrificemais une représentation du même suprême

LE MÉCONTENTEMENTDU PRIMAT DE L’ÉGLISE

ANGLICANE

LE SACRIFICE DE LA MESSE

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Sacrifice du Calvaire. Il y a deux momentsdans l’histoire: le premier, lorsque le Sacrificeest attendu (c’est le temps « avant Jésus-Christ »), et le second, lorsque le Sacrifice estaccompli et offert (c’est le temps « après Jésus-Christ »).

Si la très Sainte Vierge Marie et saint Jean, aupied de la Croix, avaient fermé les yeux pen-dant que Notre-Seigneur s’offrait pour lespéchés du monde, les résultats spirituelsn’auraient pas été différents en eux de ceux quinous recevons en assistant maintenant au Sacri-fice de la Messe. Mais leurs yeux étaientouverts, et c’est pourquoi ils virent le suprêmeSacrifice se réaliser avec effusion de sang, et cedernier couler des plaies ouvertes des mains,des pieds et du côté du Sauveur sur l’humanitépécheresse. À la Messe, nous voyons tout celase réaliser sans effusion de sang.

La Messe, donc, n’est pas un remplacementde la Croix. Au contraire, les mérites que nousacquérons en participant à la Messe sont lesmêmes que ceux que nous aurions obtenus sinous avions été présents sur le Calvaire.

Et ce, parce qu’il existe un seul Sacrifice, leSacrifice de celui qui est à la fois Prêtre et Vic-time: sur la Croix et à la Messe, c’est la mêmeet unique Personne qui s’immole. Avant lavenue du Fils de Dieu, de nombreux sacrificesétaient offerts pour les péchés. Les hommescomprenaient bien qu’ils étaient indignes de setrouver en présence de Dieu. En enlevant la vieà un animal ou en détruisant un objet, par unefonction de substitution, ils se punissaient et sepurifiaient. Chez presque tous les peuples, enplus des Juifs qui eurent le grand privilège de laRévélation divine, il y avait des prêtres quioffraient des victimes en sacrifice. Mais quandNotre-Seigneur offrit le Sacrifice éternel, il futà la fois Prêtre et Victime, Offrant et Offrande.Le prêtre et la victime n’étaient plus séparéscomme ils l’étaient avant. Sur la Croix, donc,Jésus fut élevé comme Prêtre et abaissé commeVictime, puisqu’il s’offrit lui-même.

Le prêtre célèbre la Messe uniquement « inpersona Christi », c’est pourquoi il ne dit pas,au moment de la consécration, « ceci est leCorps du Christ », mais « ceci est mon Corps »et « ceci est mon Sang »; il n’est qu’un instru-ment du Christ, un crayon dans la main decelui qui écrit. On dit que l’une des différencesentre la Croix et la Messe est qu’à celle-ci, leSacrifice est offert sans effusion de sang, tandisque sur la Croix, il y avait les scènes déchi-rantes de la crucifixion. C’est très vrai. Mais ily a une autre différence: sur la Croix Notre-Seigneur était seul, alors qu’à la Messe noussommes avec Lui.

La façon dont nous sommes avec Lui seraéclairée en examinant l’Offertoire, la Consé-cration, et la Communion.

OffertoirePour appliquer les mérites de la Rédemption

à nos âmes, nous devons considérer la mort aupéché, qui s’est accomplie sur la Croix. Le pre-mier acte nécessaire est donc de nous offrir enunion avec le Christ.

Dans l’Église primitive, on faisait cela enoffrant les mêmes éléments que ceux queNotre-Seigneur avait offerts durant la Sainte

Cène, c’est-à-dire le pain et le vin. Le fidèleapportait à la Messe le pain et le vin, dont unepartie était utilisée par le prêtre pour le Sacrifi-ce. Il existe des raisons intrinsèques pour les-quelles ces éléments devaient être utilisés. Lapremière est que le pain et le vin ont été les ali-ments traditionnels de la majeure partie deshommes au cours de l’histoire. Le pain estcomme la substance de la terre, et le vin estcomme son sang. Les fidèles, en offrant ce quileur apporte la subsistance physique et la vie,se donnent donc aussi eux-mêmes. La deuxiè-me raison est qu’il n’existe pas dans la naturedeux autres substances qui représentent mieuxl’unité que le pain et le vin. Le pain est faitd’une grande quantité de grains de blé, et le vinde multiples grappes de raisin. De la mêmefaçon les fidèles, qui sont nombreux, se réunis-sent pour faire une unique offrande avec leChrist. La troisième raison est que peud’éléments dans la nature symbolisent mieux leSacrifice que le blé et le raisin. Le blé nedevient pain qu’après être passé à travers leCalvaire de l’hiver et les tortures de la meule.Le raisin ne devient vin qu’après avoir étébroyé par le Gethsémani du pressoir.

De nos jours, les fidèles n’apportent plus lepain ni le vin du Sacrifice de la Messe mais unéquivalent : c’est la raison pour laquelle laquête est faite pendant l’offertoire. Le sacrificematériel que les fidèles offrent pour la Messeest toujours un symbole de leur incorporation àla mort du Christ. Bien qu’ils n’apportent plusde pain ni de vin, ils procurent ce qui sert àl’acquisition de ces éléments qui représententmatériellement l’unité de leur sacrifice.

ConsécrationNous nous sommes offerts à Dieu comme

Notre-Seigneur s’est offert à son Père des cieux.L’essence du Christianisme est de reproduiredans la vie de chacun ce qui est arrivé à Notre-Seigneur. La nature humaine qu’Il a prise est leprototype ou le modèle naturel pour chacun denous. Comme Il a été crucifié, qu’Il est ressus-cité et est monté au ciel dans la gloire pourracheter le monde, chaque individu doit libre-ment lui offrir sa nature humaine et mourir aupéché pour vivre dans la grâce et dans la gloireavec Lui. La Messe constitue le sommet del’incorporation à la mort et à la gloire du Christ.

À l’offertoire, nous nous présentons à Dieusous les espèces du pain et du vin. La consécra-tion est le moment où se réalise ce que l’onappelle la « transsubstantiation ». Nous avonscommencé à mourir dans la partie inférieure denous-mêmes pour vivre du Christ. Le terme« transsubstantiation » signifie qu’aux parolesde la consécration, la substance du pain devientla substance du Corps du Christ, et celle du vindevient la substance du Sang du Christ. Laconsécration a pour effet une nouvelle présen-ce, sans effusion de sang, de l’offrande du Cal-vaire. À la Messe il n’y a pas une autre offran-de, mais une autre présence de l’offrande duCalvaire à travers le ministère du prêtre.

Le pain et le vin sont consacrés séparément.D’abord le pain, qui devient le Corps du Christ,puis le vin, qui devient son Sang. Cette consé-cration séparée du pain et du vin constitue unesorte de séparation mystique du Corps et duSang du Christ, qui représentent la façon dont

Il mourut sur le Calvaire.

La consécration qui a lieu à la Messe nesignifie pas que Notre-Seigneur meurt de nou-veau. En effet, Il ne peut pas mourir dans sanature humaine individuelle, puisqu’Il estmaintenant dans la gloire à la droite du Père,mais Il peut prolonger sa mort en nous. […]C’est comme si, au moment de la Consécra-tion, Notre-Seigneur disait : « Je ne peux pasmourir de nouveau dans ma nature humainequi est dans la gloire à la droite du Père, maistoi, fidèle, donne-moi ton humanité et Je mour-rai encore en toi ».

À l’offertoire, nous nous sommes offerts ensacrifice avec le Christ; à la consécration, nousmourons avec Lui. Nous nous appliquons samort pour avoir part à sa gloire. À ce momentce qui est éternel fait irruption dans le temps, etil n’y a rien de plus solennel sur la terre que lemoment suggestif et plein de révérence de laconsécration. Ce n’est pas une prière, ce n’estpas une hymne: c’est un acte divin qui nousrend capables de nous appliquer la Croix salvi-fique du Christ.

Bien que les paroles de la consécration signi-fient avant tout que le Corps et le Sang duChrist sont présents sur l’autel, il y a une autresignification, qui nous concerne. Les prêtres etle peuple sont appelés à faire un semblable ettotal don d’eux-mêmes en mourant au péché etaux misères de la vie, pour pouvoir dire: « Ceciest mon corps, ceci est mon sang. Peum’importe que ces espèces, accidents ou appa-rences de ma vie – que sont mes devoirs, montravail, mes activités – demeurent: qu’elles res-tent donc comme elles sont. Mais ce que je suisdevant vous, mon Dieu, c’est-à-dire mon intel-ligence, ma volonté, mon corps, mon âme, toutdoit se transformer afin que je ne sois plusmien mais vôtre. » De cette façon nous réali-sons, au sens le plus profond, les paroles desaint Paul aux Galates: « J’ai été crucifié avecJésus-Christ. » Nous pourrions prier en disant:« Je me donne à vous, mon Dieu. Voici moncorps, prenez-le. Voici mon sang, prenez-le.Voici mon âme, mon énergie, ma force, mesfacultés, ma santé, tout ce que j’ai. Elles sont àvous. Prenez-les ! Consacrez-les ! Offrez-lesavec vous-même au Père céleste afin que,voyant ce Sacrifice, Il puisse ne voir que vous,son Fils bien-aimé en qui Il s’est complu.Transformez le misérable pain de ma vie envotre vie divine; vivifiez le vin de ma vie arideavec votre Esprit divin ; unissez mon cœurbrisé à votre Cœur transpercé; faites que je neporte pas la Croix mais que je sois crucifié. Nepermettez pas que mon abandon, mes peines etmes privations soient perdues. Ramassez-en lesfragments et, comme la goutte d’eau estabsorbée par le vin à l’offertoire de la Messe,faites que ma vie soit absorbée par la vôtre ;faites que ma petite croix soit serrée contrevotre grande Croix, afin que je puisse mériterles délices du bonheur éternel en union avecvous, mon Bien suprême ».

La communionÀ l’offertoire, nous sommes comme des

agneaux conduits à l’abattoir. À la consécra-tion, nous sommes des agneaux abattus dans lapartie inférieure de notre « moi » peccamineux.À la communion, nous découvrons que nous ne

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Courrier de Rome8 Décembre 2009

COURRIER DE ROME

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sommes pas du tout morts, mais que noussommes revenus à la vie.

Pour pouvoir comprendre, à travers la loi descontraires, ce qui se réalise dans la sainte com-munion, il peut être utile de considérer la natu-re du totalitarisme et du communisme. Dansces philosophies de vie, chaque personne doitse donner totalement et complètement, corps etâme, esprit et volonté, œuvres et vie, à un dicta-teur humain. Dans la réalité chrétienne aussi, ily a un dictateur; nous nous donnons complète-ment et entièrement à Dieu à travers son divinFils, Jésus-Christ.

Mais il y a une grande différence. Dans lecommunisme, ceux qui se livrent à l’État seconsacrent au matérialisme, puisqu’ils nientDieu et l’âme. Quand quelqu’un s’abandonne àce qui est matériel, il en est possédé, comme unhomme qui se noie est possédé par l’eau, ou unhomme qui est sur le point d’être brûlé est prispar le feu. Le communisme ne pourra jamaisenrichir ni élever les âmes de ses disciples.

En revanche, quand nous nous donnons àDieu et que nous mourons dans la partie infé-rieure de nous-mêmes, comme cela est le cas àla consécration de la Messe, alors nous retrou-vons nos âmes élevées et enrichies. Nous com-mençons à être finalement libres, glorifiés,élevés, divinisés. Nous comprenons qu’aprèstout, à la consécration, notre mort ne devait pasdurer plus longtemps que celle du Christ sur leCalvaire, puisque dans la sainte communionnous donnons notre humanité et nous recevonsla Divinité. Nous donnons notre temps et nousrecevons la toute-puissance de la volonté divi-ne. Nous donnons notre petit amour et nousrecevons le feu de l’Amour divin, nous don-nons notre néant et nous recevons le Tout. Etcela parce que le Christ a dit: « Celui qui perdsa vie à cause de moi la sauvera ».

Il existe une vie supérieure à celle du corps,et c’est la vie de l’âme. Et de même que la viedu corps est l’âme, de même la vie de l’âme estDieu. Cette vie divine, nous la recevons dans lacommunion. Si la lumière du soleil, l’humiditéet les substances chimiques de la terre pou-vaient parler, elles diraient aux plantes : « Si

Cette étude, intitulée 1962-Révolution dans l’Église etréalisée avant 2002, fut publiée de janvier 2007 à avril 2008dans la revue Courrier de Rome. La clarté du texte, accompagné d’un très grand nombre decitations et de faits, donne à cette étude toute sa valeur etmet le lecteur devant la situation actuelle de l’Église d’unemanière impressionnante et tout à fait objective.Don Andrea Mancinella, prêtre du diocèse d’Albano Laziale(Roma), ordonné en 1983, en est l’auteur. Ce prêtreconscient que quelque chose n’allait pas dans l’Église a eupour la première fois entre les mains la revue Sì Sì No No,cela l’a incité à faire des recherches et des étudespersonnelles pour mieux comprendre la crise que traversaitl’Église. Ensuite ayant constaté la désinformation généraledu clergé pour ce qui concerne la crise actuelle et la positionde Mgr. Lefebvre, il décida de publier la synthèse de son

étude et de la distribuer à tous les prêtres de son diocèse pour mieux leur montrer saposition de fidélité à la Rome éternelle. Prix 14 € + 2 € de port

vous ne me mangez pas, vous n’aurez pas lavie en vous. » Si les plantes et l’herbe deschamps pouvaient parler, elles diraient aux ani-maux : « Si vous ne me mangez pas, vousn’aurez pas la vie en vous. » Si les animaux, lesplantes et les substances chimiques de l’universpouvaient parler, ils diraient à l’homme: « Si tune me manges pas, tu n’auras pas la vie entoi. » De la même façon Dieu nous dit que, sinous ne le recevons pas, nous n’aurons pas lavie divine en nous. Selon la loi de la transfor-mation, ce qui est plus petit est transformé enplus grand : les substances chimiques enplantes, les plantes en animaux, les animaux enl’homme et l’homme en Dieu, sans toutefoisque l’homme perde son identité personnelle.

On dit communément que, dans la commu-nion, nous « recevons » Notre-Seigneur pouravoir en nous sa vie divine, bien plus qu’unnouveau-né qui reçoit la vie humaine de samère, puisque dans ce dernier cas, l’êtrehumain est nourri par un autre être humain (sonégal), tandis que dans la communion l’êtrehumain reçoit la vie divine de Dieu. Mais enréalité, à bien y regarder, ce n’est pas tellementnous qui recevons le Christ dans lacommunion: c’est le Christ qui nous reçoit, ennous incorporant à Lui.

Nous savons que nous n’en sommes pasdignes. Tout amour, en vérité, se considèreindigne. L’amant est toujours à genoux, l’aimésur un piédestal. C’est pourquoi, avant de rece-voir la communion, nous répétons avec leprêtre: Domine, non sum dignus, « mon Dieu,je ne suis pas digne ». C’est comme si nousn’avions pas le courage de nous approcher dela sainte Table, conscients de ne pas mériter leDon de Dieu.

Il faut remarquer que, même dans la nature, iln’y a pas de communion sans sacrifice. Demême que nous ne pouvons faire aucune« communion naturelle » avec la nourrituresans que celle-ci ait été traitée et mise au feu, etque les animaux aient été soumis au couteau età une purification, de même nous ne pouvonspas faire de communion au Christ sans qu’il yait d’abord eu une mort. Voilà pourquoi la

Messe n’est pas seulement une cérémonie,c’est un Sacrifice qui se termine à la commu-nion. La communion est la conséquence suCalvaire; nous vivons de ce que nous tuons.Nos corps vivent de l’abattage du bétail et desplantes du jardin; nous recevons la vie de leurcrucifixion: nous les tuons non pas pour le goûtde détruire mais pour avoir la vie en plus gran-de abondance. Nous les immolons pour l’utilitéque nous retirons de la communion avec eux.

Par un magnifique paradoxe de l’Amourdivin, Dieu fait de la Croix un réel moyen desalut. Nous l’avons tué, nous l’avons cloué etcrucifié; mais l’amour infini de son Cœur nepouvait pas se tarir. Il voulait nous donner lavrai Vie, que nous avons tuée; la vraie Nourritu-re, que nous avons détruite ; Il voulait nousnourrir avec le vrai Pain, que nous avons ense-veli, et avec le vrai Sang, que nous avons versé.Nous avons transformé notre crime effectif enune heureuse faute. Nous avons converti uneCrucifixion en une Rédemption; une immola-tion en une communion; une mort en une viesans fin.

Et c’est justement cela qui fait de l’hommeun mystère! Que l’homme – fait à l’image et àla ressemblance de Dieu, qui est amour – doiveêtre aimé, ce n’est pas un mystère. Mais pour-quoi il n’aime pas en retour, voilà un grandmystère. Pourquoi notre Dieu très doux doit-Ilêtre le grand mal-aimé, pourquoi l’Amourn’est-il pas aimé? Il est aimé en tous ceux quis’unissent au Christ, Prêtre et Victime.

Fulton J. SheenArchevêque 1895-1979

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