veto - etre et apparition selon la doctrine de la science de 1812 - 1997

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  • 8/12/2019 Veto - Etre Et Apparition Selon La Doctrine de La Science de 1812 - 1997

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    Etre et Apparition selon ladoctrine de la science de 1812

    Miklos VetO (Poitiers)

    I L acquis et Ie n uf de la SpiitphilosophieFichte est considere comme un des auteurs les plus difficiles de toutel histoire de la philo sophie et les diverses versions tardives de la Wissen-schaftslehre contribuent grandement a fonder cette reputation. On etudie,certes, ces textes mais beaucoup moins que les ecrits de la peri ode de lena eteffectivement, s il existe quelques bons travaux critiques de detail, on nedispose encore d aucun expose general de la Spiitphilosophie Et les difficul-tes conceptuelles de ces textes sont encore aggravees par I etat defectueux deleurs versions imprimees. Sans doute, une fois la Gesamtausgabe completee,l historiographie se trouvera dans une situation plus favorable. D une part, onaura tous les textes anotre disposition, d autre part, on profitera d une editioncorrigee et critique de tous ceux qui actuellement ne sont accessibles que re-touches et remanies par leur premier editeur, Immanuel Hermann Fichte. Enattendant, tout en etant conscient de l inexactitude et de l absence de fidelitedes textes deja imprimes, on pourra les etudier pour en degager les grandes

    1 Voir toutefois 1 H Lowe: Die Philosophie Fichtes nach den Gesamtergebnissen ihrer Ent-wicklung und in ihrem Verhiiltnis zu Kant und Spinoza, Stuttgart 1862 et J Drechsler: FichtesLehre vom Bi/d, Stuttgart 1955 et dans une certaine mesure l ouvrage recent de W Janke: YomBilde des Absoluten. Grundzuge der Phiinomenologie Fichtes, Berlin 1993. Toutefois il est tressignifiant que les commentateurs classiques J 1 Erdmann, K Fischer, X Leon evitent prudem-ment la discussion de la Wissenschaftslehre tardive.

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    376 Miklos Vetolignes de leur developpement, les themes principaux de leur discours? C estce que nous nous proposons de faire pour la Wissenschaftslehre de 1812 3

    La Doctrine de la Science professee a l Universite de Berlin en 1812 estimprimee dans Ie volume 2 des Nachgelassene Werke qu on designe habituellement comme Ie tome X des (Euvres. 4 C est la demiere version de laDoctrine de la Science que l auteur a pu completer et elle peut etre considereecomme l expose final de sa speculation. Sans doute, la Wissenschaftslehre de1813 restee fragment contient maintes formulations percutantes, auparavantinconnues et les Tatsachen des BewujJtseins de 1813 presentent selon un autreordre - et d une maniere bien plus agreable, plus lisible - la plupart desgrands themes du cours de 1812. Toutefois, ce texte demeure l ultime formulation autorisee de l idealisme fichteen, un ouvrage de grande maturite, quiexpose avec fermete et brio Ie processus du savoir transcendantal. lei aussi Iephilosophe dit et redit avoir accede a une c1arte jusqu alors inconnue dansI expose, mais en ce qui conceme Ie sujet de cet expose, il reste Ie meme.Fichte croit dire la meme chose depuis 1794 meme s il pense Ie dire rnieuxchaque annee. Or l historiographie reste plus que sceptique a egard des pretentions de l auteur et el1e ne voudrait pas lui conceder la continuite desthemes et des theses a travers Ie fil des ans. On lui reproche une espece derupture avec Ie projet transcendantal de ses commencements, on Ie prend pourIe representant d un idealisme theiste, d une mystique speculative. se seraitengage comme Schelling - et d une maniere peut-etre encore plus desespe

    que lui - sur une voie sans issue de la speculation qui l aurait conduit ala mine.

    2 Nous nous pennettons de renvoyer ici nos propres travaux Idealisme et theisme dans lademiere philosophie de Fichte. La Doctrine de la Science de 1813, Archives de philosophie. 55,1992, pp. 263-284 et Les trois images de l Absolu. Contribution l etude de la derniere philosophie de Fichte, Revue philosophique de a France et de I Etranger, 117, 1992, pp. 31-64(pour les Thatsachen des Bewusstseyns de 1813).

    3 Nous avons consuJte avec profit pour ce texte G Schulte: Die WissenschaftsLehre des spa-ten Fichte, Frankfurt a.M. 1971, pp. 89 et 189 et surtout J. Manzana Martinez de Maranon:L Absolu et son >apparition< absolue d apres la >Doctrine du Savoir< de Johann Gottlieb Fichte(tf. X Tilliette), Revue e Meraphysique t de Morale, 86, 1981, pp. 390-423.

    4 Die Wissenschaftslehre. Vorgetragen im Jahre 1812. Fichtes Werke, ed. I.H. Fichte, Berlin1834, reimprime Berlin 1971, pp. 315-492. Les chiffres arabes, non precedes de chiffres romains,dans Ie texte de cet article et non pas dans les notes, renvoient cette edition. Ce texte est fortement rernanie par son editeur I H Fichte. Nous remercions chaleureusement M. Erich Fuchs d a-voir mis notre disposition une transcription de la premiere partie, la seule qui survive, du manuscrit original.

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    Etre et Apparation selon la doctrine de la science de 1812 377Or Ie jugement de l historiographie est trop rapide et par trop superficielle

    et nous pensons de notre cote - comme Ia plupart de ceux qui essaient delire les textes de pres - que Ies pretentions du philosophe concernant la continuite de sa pensee sont fondees pour l essentiel. Le Fichte tardif ne voudraitrien abandonner de l acquis de lena, il n entend aucunement brader Ies resuItats de son idealisme transcendantal. S il y a du changement, cela revientmoins a modifier et a alterer 1 acquis qu a Ie completer et Ie fonder. Le Fichtede lena ne s occupe guere que d analyser 1 activite du moi, Ie Fichte tardifvoudrait Ie pourvoir d une assise ontologique, sans pour autant delaisser l expose de ses syntheses. La Wissenschaftslehre demeure une philosophie de Iaconscience mais Ia conscience elle-meme est renvoyee a son fond transcendant. A partir de 1801 Fichte expose - comme ilI avait fait auparavant Iadeduction des moments de la conscience, Ia genese de Ia representation, Iareprise par 1 idealisme de la seconde serie Ie realisme de Ia premiere. Toutefois, il fera tout cela contre l arriere-fonds de l Absolu qui procure au moi sesprincipes metaphysiques ultimes. En presence d un Absolu apophatique maisqui est liberte et jaillissement Ie moi, Ie pour-soi prend conscience de sonpropre statut ontologique jusqu alors non-thematise. Fichte qui avait auparavant ignore, mis entre parentheses la notion meme de l Etre, l inscrira desormais dans l Absolu et des ce moment, il se voit contraint de positionner Iemonde du moi par rapport a l Etre absolu. L Etre absolu seul est etre. Ce quise trouve en dehors de lui n est pas de 1 etre mais il n est non plus du nonetre pur et simple. Ce qui est en dehors de l Etre absolu, a defaut d etre reelen et pour soi, est au moins image. La conscience qui est savoir estessentiellement image, image de son objet. Et c est cette condition d image, cet etreimage convu et deploye comme categorie metaphysique qui est Ie grand acquis speculatif du Fichte tardif.

    La conscience, Ie moi dans la mesure ou iis constituent Ie monde du sa-voir dans la mesure ou ils existent en tant que savoir, c est-a-dire presentation, representation sont de 1 ordre de 1 image. Fichte presente inlassablementet avec profondeur et brio des developpements sur Ie concept de l image, touten s interrogeant egalement sur ce dont elle est I image. a Wissenschafts-lehre de 1812 deploie les deductions des differentes syntheses dans lesquelleson voit l image prendre conscience de sa condition d image. Le pour-soi del idealisme est avant tout image d image, image de cette image qu il est luimeme mais il est, bien sur egalement image de ce qu il n est pas. On setrouve donc fatalement renvoye a l Absolu dont l Apparition est censee etre1 image. Fichte se sert Ie plus souvent du terme apparition qui est pour ainsidire la designation d une sphere ontologique donnee tandis qu image exprime

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    378 Miklos VetOplutot la nature, la structure, Ie comment de cette region. II s agit d ailleursdans les deux cas de vocables qui renvoient obligatoirement a un autre dontils sont I image ou I apparition. Cet autre est evidemment l Absolu etl Apparition est 1 apparition ou 1 image de l Absolu.

    II Necessite et Jactualite: l Absolu et l ApparitionL historiographie pense que Fichte avait developpe dans ses cours de 1801 etde 1804 la problematique d une montee vers l Absolu et que par la suite, ilpouvait se consacrer a une etude detaillee du mouvement descendant du savoir, a l expose des moments de l Apparition. 5 Toutefois, meme la Wissen-schaftslehre de 1812 contribue d une maniere signifiante a la clarification desrapports entre l Absolu et l Apparition. Nous allons done discuter dans unpremier moment Ie sens respectif de l Absolu et de l Apparition a partir deI eclairage du couple metaphysique des concepts necessaire et factue1.Par la suite, nous traiterons de la question proprement dite des relations entrel Absolu et l Apparition, plus precisement de I autonomie de l Apparition etfinalement, on discutera de la signification de la notion pour I idealismefichteen.Le cours de 1812 conserve grosso modo I ordre traditionnel de l expose dela Wissenschaftslehre mais Fichte profite aussi - une fois de plus - de I occasio? de regler les comptes de I idealisme avec Spinoza a travers lequel ilvise _. il Ie dit d ailleurs lui-meme - Schelling. Spinoza et apres lui la Na-turphilosophie pensent partir de l Absolu. Or leur Absolu n est que de lafactualite supreme (328 sq.). L Absolu de l Ethique n est qu un Absolu setrouvallt-Ia, un Absolu qui ne saurait rendre compte de son propre etre. Enrealite cet Absolu ne correspond qu a l Apparition de I idealisme fichteen, acette apparition qu on verra d ici peu dans sa factualite primordiale. L Absoluveritable qui, lui, est necessaire, se situe au-dela de l Apparition et leur relation mutuelle est a comprendre a partir de la dialectique de la necessite et dela factualite.

    Fichte designe l Absolu comme position, comme realite pures (329). L Absolu est I etre, voire il est Ie tout de I etre en dehors duquel il n y a pasd etre. Et l exclusivite d etre de l Absolu n est pas un simple fait mais unenecessite etemelle qui interdit toute division et toute communication de soi331 f. . De I Absolu on ne saurait concevoir, poser aucune descente, tout

    5. J. Manzana Martinez de Maranon: op.cit., pp. 392 f.

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    Etre et Apparation selon la doctrine de la science de 1812 379pantheisme emanationniste mais aussi la creation au sens traditionnel du terme sont a proscrire. La nature meme de l Absolu transcendant est incompatible avec une deduction du monde a partir de lui. Toutefois, I absence detoute composition interne, de toute articulation immanente ne signifie pas encore que l Absolu soit un pur Dass une existence indivise qu'on constatemais qu'on ne pense pas. En realite, si l'indivisibilite de l Absolu empechepour ainsi dire la reftexion de s'accrocher a lui, de Ie cerner, de trouver unpoint d ou la deduction pourrait demarrer, la plenitude d' etre qu' est l Absolun'est l'objet d'aucun empirisme. Contrairement au factuel qui ne peut etrepense mais seulement trouve (332), l Absolu est pense - et non pas trouve- comme etre.6 En analogie avec la preuve ontologique, la doctrine fich-teenne entrevoit la llt cessite de l' Absolu seulement a partir de son concept.Avec la difference toutefois qu'elle veut eviter toute scission entre l Absolu etson concept ou plutot entre l essence de l' Absolu et son existence. Tout simplement: l ' Absolu ne peut pas ne pas etre, il est necessaire (329), formaliter(333).

    La Wissenschaftslehre tardive p r ~ o i t un Absolu absolument transcendantet dans la mesure meme ou cet Absolu est transcendant, on ne saurait en diregrand'chose. Ou si 1'0n veut: on parlera de lui a travers ce qu'il n'est pas, asavoir son apparition. Autant dire que deja chez Fichte l'ontologie n'est vraiment possible que comme phenomenologie .. Le monde de la conscience estcelui de l'apparition etde l'image de cet Autre dont il est 1'apparition etI'image. L' Apparition est opposee a l Absolu comme Ie factuell 'est au necessaire. L' Absolu existe effectivement car il est necessaire de par son concept,on ne deduit pas sa necessite a partir de son existence effective. L Absolun'est pas un factum (329), par contre, l' Apparition est un factum parfait(350,446). Avec elle on delaisse I'univers de la pensee pure, c'est-a-dire dela necessite pour Ie monde de la contingence. L Apparition apparalt absolument et immediatement, en dehors de l Absolu se trouve, simplement carelle est la son image (332 f.).

    La factualite supreme de l' Apparition determine la maniere dont on la connalt. Le factuel ne peut qu'etre trouve et non pas deduit. Fichte repeteinlassablement I'indeductibilite, la contingence de l Apparition et il n'entendpas par cela du simple empirique. Le factuel primordial n'est pas une chosematerielle, une sensation ou un evenement fortuit mais Ie savoir lui-meme ouplus exactement la conscience en tant qu'elle est conscience de soi. Est factuel Ie savoir non seulement en tant qu'il sait mais aussi et surtout en tant qu'il

    6. G. Schulte: op. cit., p. 106.

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    380 Miklos VetOse sait, en tant qu il se sait comme sachant. Le monde du savoir est celui del image et ce qu il y a de vraiment neuf dans I idealisme fichteen, c est quel essentiel de l image n est pas sa condition de refieter un autre, c est-a-direson etre-image mais la relation qu a I image d elle-meme, cet etre-image sesachant comme image. L image n est pas un niveau d etre - et surtout pasun niveau d etre degrade - mais plutot une nouvelle espece d etre, un etreautre que I etre proprement dit. L image est une realite qui n a pas d etre,mais qui se rapporte a l etre et Ie fait de s y rapporter est precisement cetteespece d etre sui generis. Savoir ne signifie pas seulement refieter I etre maisetre conscient de ce refieter. II y a dedoublement mais il conceme la forme,non pas Ie contenu. Le contenu de I image doit etre evidemment Ie meme quece ui de l image, par contre I exercice de cette refiexion, l acte de cet exercice- que Fichte designe COmme sa forme - renvoie a un autre etre. Et c est cetautre etre qu on ne saurait deduire a partir de l Etre lui-meme. Le fait absolu- Fichte declare a ses etudiants - est que l Apparition se sait (344). Ce savoir ne peut etre saisi que dans l acte meme de son accomplissement, ni avantni en dehors de lui (319), Ie savoir est la, il est la absolument schlecht-weg), sans aucune apriorite normative (477). Une fois pour toutes il faut admettre que Ie mystere ou Ie miracle du savoir est indeductible, qu on ne connait qu on sait que parce qu on Ie connait (328).

    a discussion sur la condition metaphysique du savoir, du pour-soi commefactuel est deja du neuf. Mais Fichte va plus loin. Si la factualite supreme nes applique pas aux choses empiriques mais au phenomene superieur de laconscience, de I irnage, i l sera approprie de fonder cette factualite superieureet autonome en concept. La deduction transcendantale est en derniere instancela fondation de l aposteriori a partir de l apriori et cette vision est pour ainsidire generalisee ici. L Apparition, el e aussi, est necessaire, elle ne peut pasne pas etre mais sa necessite est fondee sur son effectivite, comme dit Ie texteaUf den Kredit des wirklichen Seins (333). Autant dire qu ici la necessite setrouve renvoyee a la factualite, a une factualite certes superieure mais quireste neanmoins du factuel, du contingent.

    En realite cette factualite n est pas Ie terme de la demonstration: Ie factuelne saurait etre Ie dernier mot de ce rationalisme superieur. La factualite. estcertes respectee et conservee comrne telle mais Fichte trouve Ie moyen pourIe fonder, sans porter atteinte a sa realite propre, a son autonomie metaphysique. L Apparition est I apparition de Dieu - Fichte se sert d une maniere quasi-interchangeable des termes Dieu et l Absolu (331, 381, 400, ... ) -et la question doit se poser: Dieu est-il libre d apparaitre ou de ne pas apparaitre? a reponse ne peut pas passer par une conception inferieure de la

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    Etre et Apparation selon la doctrine de la science de 1812 381liberte, d une liberte sauvage, sans 10i elle doit faire appel a cette liberte su-perieure qui n est pas differente de la necessite. Selon son concept Dieu estabsolument necessaire et il est ce qu il est simplement du fait qu il est.Comme s exprime Fichte: son etre entier est donne par son seul etre formel. Or en I occurrence, Dieu apparait sous la forme d un autre etre(=son Apparition), on en constate la factualite et puisque cet apparaitre nepeut etre qu en vertu de l etre abselu de Dieu, il doit etre necessairement.Vne fois que Dieu apparait, on saura qu il n aurait pu ne pas apparaitre. Lefait de l Apparition est donc absolument necessaire mais on ne Ie sait qu unefois Dieu apparu effectivement (343 0. Certes, dans la mesure U I Absoluest absolument necessaire, tout son etre est necessaire et l Apparition est deson etre. Mais nous ne pouvons pas savoir cela par son concept. Ce que noussavons, ce que nous concevons - parce que nous Ie constatons, parce queno us Ie trouvons - c est la factualite supreme. L Apparition sait ou plusexactement se sait. C est la factualite fondamentale et a partir de cette factualite on peut remonter jusqu a l Absolu. On suit donc ici l unique voie ascendante de la metaphysique fichteenne. Le contingent n est pas deduit a partirdu concept du necessaire mais c est a partir du contingent qu on monte versIe necessaire (tout en se servant bien entendu de la notion a priori de I Absolucomme impliquant necessairement tout ce qu il est effectivement). L aprioritedu factuel n est deduite qu ex post facto, sa necessite ne peut etre conyueavant et en dehors de scm effectivite.

    III Dependance et autonomie de I ApparitionLa deduction du factuel a partir du necessaire ouvre Ie debat sur la relationreciproque de l Absolu et de I Apparition. L Apparition doit etre dependantede l Absolu aussi bien qu independante de lui. Fichte veut conserver la transcendance apophatique de l Absolu aussi bien que I independance authentiquede son apparition. II entend mettre en relief la primaute radicale de Dieu maisegalement la realite sui generis de la conscience. On lit dans Ie Resume de laDoctrine de fa Science de 1810: l Apparition n est pas I effet mais la consequence de l Absolu. n faut eviter I emploi de Ia categorie de Ia causalite,ressort metaphysique par excellence de la notion de creation et Ie cours de1812 finit par designer l Apparition comme l accident de l Absolu (354, 436).Le concept accident permet de rendre justice aux grandes exigences de Ia

    7 Die Wissenschaftslehre in ihrem allgemeinen Umriss, Fichtes Werke II, 696.

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    382 Miklos VetOtheorie fichteenne. D une part, couper court a toute tentative de deduction,montrer I impossibilite de toute genese a priori. D autre part, attester ladependance qui est I etre meme de I image en tant qu image. Ni Ie fait del Apparition ni son contenu ne sont deductibles a priori (388). L Apparitionn est et n est ce qu elle est que parce que I Absolu apparait. L Absoluamene avec lui son image - ecrit Fichte (361). Celle-ci est pour ainsi direson ombre, une realite dependante, derriere ou apres lui.

    Le fait meme de l Absolu est la factualite premiere et indeductible qu ontrouve tout ~ i m p l e m e n t L Absolu apparait et puisqu il apparait de fait, ildoit apparaitre comme tel (382). Ce constat quasi-empirique de la dependance de l Apparition par rapport a l etre peut etre egalement verifie sur Ieplan du concept. L Apparition est image et en tant que telIe, eUe renvoie aunautre. Selon la Wissenschaftslehre de 1813 l Apparition ne fait que copierI essence de I Absolu. 8 Apparition n est que synonyme du moi et on saitbien que dans I idealisme transcendantal Ie moi, la conscience ne sont pascontenu mais contenant. Le moi n est pas une chose a cote d autres choses,un contenu surajoute aux autres contenus mais cette realite qui permet de lespenser.

    Ces arguments montrent que l Apparition en tant qu image ne peut querenvoyer a un autre mais comment comprendre qu elle n est pas seulementapparition en general mais cette apparition, celle de l Absolu (339)? Unefois de plus sous condition de rappeler la premisse de la Wissenschaftslehretardive, a savoir que Ie seul etre est I etre absolu, la demonstration est facile.L Appariti:on qui n a pas d etre en elle-meme ne peut etre apparition que deI etre, or i l n y a d etre que I Etre lui-meme: l Absolu ou Dieu.9

    L Apparition est done bel et bien l apparition de Dieu. Et une fois que ladependance radicale est confirmee, il sera loisible de voir I autre moment dela relation, a savoir I autonomie. Le texte de 1812 designe l Apparitioncomme le representant (352) ou le vicaire de l Absolu (348, 358, 369),des expressions qui denotent la separation dans la connexion, la realite propredans la dependance. Sans doute, Ie representant doit suivre fidelement les instructions de celui qui I envoie, il n est cense etre qu un presentateur, un copiste de ses instructions, et Ie vicaire, lui, n exerce son pouvoir que dans lamesure ou Ie chef Ie lui delegue. L Apparition ne fait que copier I Etre, pourtant Fichte dit qu il y ajoute du sien (383). Par ce sien, on n entend pas,

    8. Die That.l acizen des Bewusstseyns (1813), Fichtes Werke IX, 530 f9. Ueber das Verhiiltnis der Logik zur Philosophie oder transzendentale Logik, ed. R Lauth,

    Philosophische Bibliothek 337, Hamburg 1982, p 64 =Fichtes Werke IX, 172).

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    Etre et Apparation selon la doctrine de la science de 1812 383bien sUr un supplement de contenus mais l exercice de presentation et derepresentation qui est une nouvelle forme d etre, a savoir I Apparition. eetexercice est quelque chose de radicalement neuf et cette difference, cette nouveaute est finalement requise par I Absolu lui-meme.

    Fichte prouve peut-etre un peu trop facilement la necessite ou se trouveI Absolu d avoir un autre contre ou a travers lequel il apparait (405). Neanmoins, on finira par voir que I absoluite de l Absolu, sa transcendance radicale seraient compromises s il n etait que seul et en lui-meme. Si l Absoluseul est etre et s il n y a rien en dehors de lui, il est alors tout mais il n estpas transcendant: la veritable transcendance ne s exerce qu a I egard et parrapport a un autre. Toutefois, Ie sens de cet autre reste encore a qualifier, aspecifier. Si l autre n est qu en dependance de l Absolu, il n est pas vraimentson autre done la transcendance est de nouveau annulee. Par contre, s il n estqu independance sans melange, autonomie pure, on tombe alors dans Ie dualisme incompatible avec la condition accident de l apparition. II ne restealors qu une solution mediane qui est precisement la doctrine de l Apparition,chiffre de la conscience transcendantale.

    Dans Ie cours de 1812 Fichte rappelle: l Absolu ne saurait apparaitre quedans Ie Iibre (379 f. 382 0. Autant dire que ce qui provient de lui, cette ombre qu il traine avec lui, ce verbe dans lequel i l s enonce doit etre autonome.C est pour eel a que l Apparition-Image ne saurait etre un contenu, ffit-il unsuper-contenu que1conque mais seulement une autre espece d etre que celuide I Etre lui-meme. L Apparition ne fait que copier l essence de l Absolu,reproduire ses contenus, sans y ajouter un supplement, par consequent elledemeure en ce qui concerne Ie contenu en continuite etroite avec son originel.Ceci dit, ] autonomie de I Apparition est signifiee par ce sien qu elle ajoutea tous les contenus que presente I Etre absolu. Ce sien c est Ie fait meme deson etre, de son etre-image. Tous les contenus du monde (de \ Apparition)dependent de l Absolu. Seul Ie fait de la conscience, Ie fait de reffeter, bref,Ie fait d appara itre est du neuf. L Apparition n ajoute ni ne retire rien descontenus de I etre. Elle ne change pas un iota de la Loi mais elle rassembledans une synthese, selon une relation autonome, tous les contenus du monde.L Apparition est un avatar du Moi de la premiere Doctrine de la Science et sice moi n est pas eternel, il est bel et bien originaire.

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    N. Non etre et etreA travers tout son cours Fichte pn sente des definitions negatives: l Apparition est non-etre (333, 490, etc) ou neant (444). Or il ne s'agit pas ici d'unidealisme qui nierait la realite du monde fini ni d'une espece d'apophatismeapplique au pour-soi. La negativite, ou plus exactement, Ie non-etre deI'Apparition n'est pas absolue mais relative. Au debut de l'expose on lit laformule lapidaire: L'un est, en dehors de celui-ci rien n'est. Tout autre chosen'est pas [ ] (331). Et plus loin: il n y a d'etre qu'en Dieu et non pas endehors de lui (365). Ce non-etre, ce neant n'est pas un neant en soi maisseulement par rapport aDieu, relativement a I'Etre absolu. n faut neanmoinsrappeler que ce langage n'est pas Ie vehicule d'une metaphysique c1assique,d'inspiration religieuse denigrant la condition finie, desireuse de marquer l'indigence du fini devant l'infini, la nullite de la creature devant Dieu. Et la nullite n'est pas non plus d'ordre moral, elle ne signifie pas une radicale absencede valeur. Et surtout elle ne sert pas a designer un degre d'etre inferieur. Sinon, I'opposition se rapporterait a un maximum et a un minimum a l'interieurde la meme sphere. La nullite de l Apparition - il faut la noter - est radicale. Cela ne veut pas dire que Ie moi tout simplement n'est pas mais qu'ilest autrement. Non-etre a I'interieur du monde de l'Etre, il a son etre ailleurs et autrement.

    La Wissenschaftslehre - ecrit Fichte - dissout tout savoir [ J en imageet ne pose l'etre qu'en Dieu (381). Cette formule presente dans un raccourcisaisissallt Ie grand accomplissement de I'idealisme: depasser les tentatives desmetaphysiques platoniciennes de situer la conscience - comme un momentinferieur - a I'interieur de I'Etre. La Wissenschaftslehre tardive prefere lacompagnie de Parmenide et dit avec lui: il n y a que I'etre et rien en dehorsde lui, fiit-il son emanation, a savoir une realite de moindre densite ontologique mais restant en lien de continuite homogene a l Absolu. Pour Fichtetout l etre dans l acception ontologique du terme se trouve dans l Absolu et laconscience, Ie pour-soi c'est quelque chose d'autre. s'agit d'une formed'etre entierement differente de celIe qui prevaut en ontologie (333). A savoirde l'etre-image (367) ou plutot de la Bildlichkeit (334). L'etre de I'ontologie se developpe pour ainsi dire dans la profondeur et la largeur. II a un poidset une extension. II est en lui-meme mais il s'articule d'une maniere immanente dans ses contenus. Et essentiellement il est un, sans relation, sans dedoublement. Par contre, l'image qui est conscience ne se situe qu a la surface,dans I'acte irrepresentable de la representation. Elle n a d'autre etre que larepresentation, c est-a-dire en derniere instance de la reftexion dont l essence

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    Etre et Apparation selon la doctrine de la science de 1812 385

    est la differenciation de soi. Le moi est image d un autre et en se sachantcomme tel, il est, lui, precisement dans cette image ce que I image elle-memen est pas. L etre n est que lui-meme, Ie moi n est que conscience, se posantcomme distinct de ce qu il pose dans Ie savoir lO

    e Fichte tardif prodigue des formuies profondes et suggestives sur l irreductible specificite de Ia forme d etre de la conscience en tant que differentiation et auto-differentiation. De ce fait, i l manifeste sa continuite essentielleavec sa premiere philosophie de lena. Ce qui est neuf - comme nous I avonsdit plus haut - c est la thematisation de l Absolu en vertu de la remontee apartir de la conscience vers I etre. La Grundlage de 1794 developpe toute uneserie de syntheses qui constituent la trame de la vie de la conscience et de laconscience de soi mais e1le ne tente pas d elargir la reflexion vers une eventuelle relation a l Absolu au-dela du moi. Par contre - et c est de cette maniere que la phenomenologie se revele comme ontologie - Ie Fichte tardiftirera la conclusion de la theorie de l image: se poser comme image revient aposer l etre. La Spiitphilosophie demeure une philosophie de la conscience,au sens Ie plus eleve du terme mais elle voudrait aussi etre autre chose. Asavoir un empirisme superieur qui, en s assumant comme tel, finira par renvoyer a une ontologie. La grandeur du dernier Fichte c est d avoir su depasserl auto-enfermement idealiste dans la subjectivite transcendanta1e en directiond une ontologie et de faire ceci sans pour autant reintegrer Ie moi dans l etre.La Wissenschaftslehre tardive respecte I autonomie du pour-soi sans verserdans Ie dualisme. Le moi reaffirme son autarcie mais cette autarcie meme estsigne d un Autre, reference a un Principe, ressort d une Ascension.

    10 G Schulte: op.cit.. 123II ie Wissenschaftslehre (1813), ichtes Werke X 24