coup de chaleur aux urgences

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JEUR, 2006, 19, 165-166 © 2006. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés FMC Coup de chaleur aux urgences Questions – Réponses – Conclusion 1 – Doit-on systématiquement évoquer le diagnostic de coup de chaleur devant un patient fébrile aux urgences ? Non. Le coup de chaleur reste une pathologie excep- tionnelle et circonstancielle. Le diagnostic ne peut être évoqué que s’il existe un contexte évocateur : exercice physique intense en atmosphère chaude ou exposition au chaud lors d’une vague de chaleur météorologique. De plus, en l’absence de mesures de réfrigération en pré- hospitalier le diagnostic ne peut être évoqué que pour des températures corporelles élevées, habituellement supé- rieures à 40° C, même si ce seuil est discutable. L’asso- ciation à des troubles neurologiques quels qu’ils soient est également nécessaire pour poser le diagnostic de coup de chaleur. Leur absence ne signifie pas forcément que le patient est indemne de toute pathologie liée à une exposi- tion au chaud, mais qu’il se trouve dans l’une des phases précédant le coup de chaleur (« heat exhaustion » des anglo-saxons). Le coup de chaleur fait partie des diagnos- tics que tout urgentiste doit avoir en tête, au même titre que l’intoxication à l’oxyde de carbone ou le syndrome de Brugada. 2 – Le diagnostic de coup de chaleur chez un patient hyperthermique élimine-t-il forcément celui de pathologie infectieuse ? Non. Les deux diagnostics ne s’excluent pas mutuelle- ment. C’est même une des difficultés rencontrées lors d’une épidémie de coup de chaleur. Le risque est, en effet, de passer à côté d’une urgence infectieuse (méningite, choc septique), se glissant au milieu de tous les patients at- teints de coup de chaleur. De surcroît, près de 50 % des patients atteints de coup de chaleur présentent une compli- cation infectieuse : pneumopathie d’inhalation sur trou- bles de conscience, infection urinaire, bactériémie sur translocation digestive. Comment faire la part des chose ? En réalisant un examen clinique approfondi, d’une part, en pratiquant un bilan infectieux minimum systématique (radiographie de thorax, bandelette urinaire, hémocultu- re), d’autre part, et enfin en s’aidant des marqueurs biolo- giques d’infection. En effet, la protéine C réactive (CRP) est classiquement peu ou pas augmentée dans le coup de chaleur, contrastant avec la gravité du tableau clinique et l’importance de l’hyperthermie. Une CRP supérieure à 30-50 mg/l doit faire évoquer la possibilité d’une infec- tion associée. La procalcitonine (PCT) semble s’élever au cours du coup de chaleur, qu’il y ait ou non une complica- tion infectieuse. Des données discordantes existent sur son apport pronostique. Sa place comme outil de tri des coups de chaleur mérite d’être précisée. 3 – Un patient de 90 ans atteint de coup de chaleur avec critères de gravité doit-il être proposé en réanimation ? Cela dépend. Le coup de chaleur est une pathologie ré- pondant vite au traitement, pour peu qu’il soit entrepris ra- pidement et énergiquement. Un patient grave peut ainsi s’améliorer en quelques heures, moyennant des mesures de réfrigérations efficaces. L’information primordiale à recueillir à l’arrivée pour décider d’un transfert en réani- mation concerne l’autonomie physique et psychique anté- rieure. Sur un patient jusqu’à présent autonome, même très âgé, les indications de transfert en réanimation doi- vent être larges. En effet, pour être efficaces, les techni- ques de réfrigération nécessitent beaucoup de personnel soignant et la prise en charge rapide des complications im- médiates. Lors d’une épidémie de coup de chaleur, les cir- cuits de soins habituels doivent être repensés : utilisation préférentielle des zones rafraîchies de l’hôpital comme les salles de surveillance post-interventionnelles pour initier la réfrigération des patients dans de bonnes conditions techniques et organisationnelles, puis, en fonction de la

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Page 1: Coup de chaleur aux urgences

JEUR, 2006, 19, 165-166 © 2006. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

FMC

Coup de chaleur aux urgences

Questions – Réponses – Conclusion

1 – Doit-on systématiquement évoquer le diagnosticde coup de chaleur devant un patient fébrile auxurgences ?

Non. Le coup de chaleur reste une pathologie excep-tionnelle et circonstancielle. Le diagnostic ne peut êtreévoqué que s’il existe un contexte évocateur : exercicephysique intense en atmosphère chaude ou exposition auchaud lors d’une vague de chaleur météorologique.De plus, en l’absence de mesures de réfrigération en pré-hospitalier le diagnostic ne peut être évoqué que pour destempératures corporelles élevées, habituellement supé-rieures à 40° C, même si ce seuil est discutable. L’asso-ciation à des troubles neurologiques quels qu’ils soientest également nécessaire pour poser le diagnostic de coupde chaleur. Leur absence ne signifie pas forcément que lepatient est indemne de toute pathologie liée à une exposi-tion au chaud, mais qu’il se trouve dans l’une des phasesprécédant le coup de chaleur (« heat exhaustion » desanglo-saxons). Le coup de chaleur fait partie des diagnos-tics que tout urgentiste doit avoir en tête, au même titreque l’intoxication à l’oxyde de carbone ou le syndromede Brugada.

2 – Le diagnostic de coup de chaleur chez unpatient hyperthermique élimine-t-il forcément celuide pathologie infectieuse ?

Non. Les deux diagnostics ne s’excluent pas mutuelle-ment. C’est même une des difficultés rencontrées lorsd’une épidémie de coup de chaleur. Le risque est, en effet,de passer à côté d’une urgence infectieuse (méningite,choc septique), se glissant au milieu de tous les patients at-teints de coup de chaleur. De surcroît, près de 50 % despatients atteints de coup de chaleur présentent une compli-cation infectieuse : pneumopathie d’inhalation sur trou-bles de conscience, infection urinaire, bactériémie surtranslocation digestive. Comment faire la part des chose ?

En réalisant un examen clinique approfondi, d’une part,en pratiquant un bilan infectieux minimum systématique(radiographie de thorax, bandelette urinaire, hémocultu-re), d’autre part, et enfin en s’aidant des marqueurs biolo-giques d’infection. En effet, la protéine C réactive (CRP)est classiquement peu ou pas augmentée dans le coup dechaleur, contrastant avec la gravité du tableau clinique etl’importance de l’hyperthermie. Une CRP supérieure à30-50 mg/l doit faire évoquer la possibilité d’une infec-tion associée. La procalcitonine (PCT) semble s’élever aucours du coup de chaleur, qu’il y ait ou non une complica-tion infectieuse. Des données discordantes existent surson apport pronostique. Sa place comme outil de tri descoups de chaleur mérite d’être précisée.

3 – Un patient de 90 ans atteint de coup de chaleuravec critères de gravité doit-il être proposé enréanimation ?

Cela dépend. Le coup de chaleur est une pathologie ré-pondant vite au traitement, pour peu qu’il soit entrepris ra-pidement et énergiquement. Un patient grave peut ainsis’améliorer en quelques heures, moyennant des mesuresde réfrigérations efficaces. L’information primordiale àrecueillir à l’arrivée pour décider d’un transfert en réani-mation concerne l’autonomie physique et psychique anté-rieure. Sur un patient jusqu’à présent autonome, mêmetrès âgé, les indications de transfert en réanimation doi-vent être larges. En effet, pour être efficaces, les techni-ques de réfrigération nécessitent beaucoup de personnelsoignant et la prise en charge rapide des complications im-médiates. Lors d’une épidémie de coup de chaleur, les cir-cuits de soins habituels doivent être repensés : utilisationpréférentielle des zones rafraîchies de l’hôpital comme lessalles de surveillance post-interventionnelles pour initierla réfrigération des patients dans de bonnes conditionstechniques et organisationnelles, puis, en fonction de la

Page 2: Coup de chaleur aux urgences

166 DOSSIER DE FORMATION MÉDICALE CONTINUE

réponse au traitement, orientation soit vers un service deréanimation, soit vers un service de médecine.

4 – L’arrivée aux urgences ou la prise en chargepré-hospitalière d’un premier cas de coup de chaleurdoivent-elles générer une alerte sanitaire ?

Toute pathologie circonstancielle doit être prise ausérieux. En dehors du coup de chaleur d’exercice, la priseen charge d’un coup de chaleur environnemental témoi-gne de conditions climatiques exceptionnelles, exposantune frange de la population fragilisée (âgée, dépendante,

co-morbidité neurologique et cardiologique) à ce type depathologie. L’information sur un cas de coup de chaleurenvironnemental doit être signalée aux autorités sanitai-res, et notamment à l’Institut de Veille Sanitaire (InVS)dont le rôle est de centraliser ce type de signalements auniveau national. De même, un contact téléphonique avecle centre 15 permet également de savoir si d’autres coupsde chaleur ont été pris en charge sur le département ou larégion. Si tel est le cas, le service d’urgence déclarant doitse mettre en pré-alerte au sein de sa structure hospitalière,en collaboration avec les services administratifs et lesservices d’aval, afin de se préparer à un éventuel affluxmassif de victimes.