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  • 7/24/2019 Cortazar.textes

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    Julio Cortazar, Continuit des parcs

    Il avait commenc lire le roman quelques jours auparavant. Il labandonna cause daffaireurgentes et louvrit de nouveau dans le train, en retournant sa proprit. Il se laissait lentemenintresser par lintrigue et le caractre des personnages. Ce soir-l, aprs avoir crit une lettre son

    fond de pouvoir et discut avec lintendant une question de mtayage, il reprit sa lecture dans latranquillit du studio, do la vue stendait sur le parc plant de c!"nes. Install dans son fauteufavori, le dos la porte pour ne pas "tre g"n par une irritante possibilit de drangements divers, laissait sa main gauc!e caresser de temps en temps le velours vert. Il se mit lire les derniersc!apitres. #a mmoire retenait sans effort les noms et lapparence des !ros. $illusion romanesque leprit presque aussit%t. Il jouissait du plaisir presque pervers de sloigner petit petit, ligne aprs lignede ce qui lentourait, tout en demeurant conscient que sa t"te reposait commodment sur le velours dudossier lev, que les cigarettes restaient porte de sa main et quau -del des grandes fen"tres lesouffle du crpuscule semblait danser sous les c!"nes.

    &!rase aprs p!rase, absorb par la sordide alternative o se dbattaient les protagonistes, il selaissait prendre au' images qui sorganisaient et acquraient progressivement couleur et vie. Il fut ainstmoin de la dernire rencontre dans la cabane parmi la broussaille. $a femme entra la premiremfiante. &uis vint l!omme le visage griff par les pines dune branc!e. (dmirablement, elle tanc!aide ses baisers le sang des gratignures. $ui, se drobait au' caresses. Il ntait pas venu pour rptele crmonial dune passion clandestine protge par un monde de feuilles sc!es et de sentiers furtifs$e poignard devenait tide au contact de sa poitrine. )essous, au ryt!me du coeur, battait la libertconvoite. *n dialogue !aletant se droulait au long des pages comme un fleuve de reptiles, et lonsentait que tout tait dcid depuis toujours. +usqu ces caresses qui enveloppaient le corps de lamancomme pour le retenir et le dissuader, dessinaient abominablement les contours de lautre corps, qutait ncessaire dabattre. ien navait t oubli alibis, !asards, erreurs possibles. partir de cett!eure, c!aque instant avait son usage minutieusement calcul. $a double et implacable rptition tait peine interrompue le temps quune main fr%le une joue. Il commen/ait faire nuit.

    #ans se regarder, troitement lis la t0c!e qui les attendait, ils se sparrent la porte de lacabane. 1lle devait suivre le sentier qui allait vers le nord. #ur le sentier oppos, il se retourna un instanpour la voir courir, les c!eveu' dnous. son tour, il se mit courir, se courbant sous les arbres et les!aies. la fin, il distingua dans la brume mauve du crpuscule lalle qui conduisait la maison. $ec!iens ne devaient pas aboyer et ils naboyrent pas. cette !eure, lintendant ne devait pas "tre l et ntait pas l. Il monta les trois marc!es du perron et entra. travers le sang qui bourdonnait dans sesoreilles, lui parvenaient encore les paroles de la femme. )abord une salle bleue, puis un corridor, puiun escalier avec un tapis. 1n !aut, deu' portes. &ersonne dans la premire pice, personne dans laseconde. $a porte du salon, et alors, le poignard en main, les lumires des grandes baies, le dossielev du fauteuil de velours vert et, dpassant le fauteuil, la t"te de l!omme en train de lire un roman.

    +ulio Corta2ar, 3 Continuidad de los &arques 4, Fin dun jeu 56789:, traduit de lespagnol par C. e. Caillois, ;allimard, 679

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    PARTIE I

    Il avait commenc lire le roman quelques jours auparavant. Il labandonna cause daffaireurgentes et louvrit de nouveau dans le train, en retournant sa proprit. Il se laissait lentemenintresser par lintrigue et le caractre des personnages. Ce soir-l, aprs avoir crit une lettre sonfond de pouvoir et discut avec lintendant une question de mtayage, il reprit sa lecture dans la

    tranquillit du studio, do la vue stendait sur le parc plant de c!"nes. Install dans son fauteufavori, le dos la porte pour ne pas "tre g"n par une irritante possibilit de drangements divers, laissait sa main gauc!e caresser de temps en temps le velours vert. Il se mit lire les derniersc!apitres. #a mmoire retenait sans effort les noms et lapparence des !ros. $illusion romanesque leprit presque aussit%t. Il jouissait du plaisir presque pervers de sloigner petit petit, ligne aprs lignede ce qui lentourait, tout en demeurant conscient que sa t"te reposait commodment sur le velours dudossier lev, que les cigarettes restaient porte de sa main et quau-del des grandes fen"tres lesouffle du crpuscule semblait danser sous les c!"nes.

    &!rase aprs p!rase, absorb par la sordide alternative o se dbattaient les protagonistes, il selaissait prendre au' images qui sorganisaient et acquraient progressivement couleur et vie. Il fut ainstmoin de la dernire rencontre dans la cabane parmi la broussaille.

    Il devient je : fais les transformations ncessaires en resectant le tems demand

    ==. ==..=. commenc lire le roman quelques jours auparavant. =.. l=====.=. causedaffaires urgentes et l==..= de nouveau dans le train, en retournant =.. proprit. =. ..... laissai=lentement intresser par lintrigue et le caractre des personnages. Ce soir-l, aprs avoir crit unelettre == fond de pouvoir et discut avec lintendant une question de mtayage, =.. repri=. =lecture dans la tranquillit du studio, do la vue stendait sur le parc plant de c!"nes. Install dan== fauteuil favori, le dos la porte pour ne pas "tre g"n par une irritante possibilit de drangementdivers, =.. ==== === main gauc!e caresser de temps en temps le velours vert. =.. ======. lire les derniers c!apitres. ==. mmoire retenait sans effort les noms et lapparence des

    !ros. $illusion romanesque ..... pri= presque aussit%t. ==. ===.. du plaisir presque pervers de==loigner petit petit, ligne aprs ligne, de ce qui ==. entourait, tout en demeurant conscient que== t"te ====.. commodment sur le velours du dossier lev, que les cigarettes restaient portde ==. main et quau -del des grandes fen"tres le souffle du crpuscule semblait danser sous lec!"nes.

    &!rase aprs p!rase, absorb par la sordide alternative o se dbattaient les protagonistes, ====. ======.. prendre au' images qui sorganisaient et acquraient progressivement couleur evie. ==.. === ainsi tmoin de la dernire rencontre dans la cabane parmi la broussaille.

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    PARTIE II

    Phrase aprs phrase, absorb par la sordide alternative o se dbattaient les protagonistes, il selaissait prendre aux images qui sorganisaient et acquraient progressivement couleur et vie. Il ut ainstmoin de la dernire rencontre dans la cabane parmi la broussaille.

    $a femme entra la premire, mfiante. &uis vint l!omme le visage griff par les pines dunebranc!e. (dmirablement, elle tanc!ait de ses baisers le sang des gratignures. $ui, se drobait aucaresses. Il ntait pas venu pour rpter le crmonial dune passion clandestine protge par umonde de feuilles sc!es et de sentiers furtifs. $e poignard devenait tide au contact de sa poitrine)essous, au ryt!me du coeur, battait la libert convoite. *n dialogue !aletant se droulait au long depages comme un fleuve de reptiles, et lon sentait que tout tait dcid depuis toujours. +usqu cescaresses qui enveloppaient le corps de lamant comme pour le retenir et le dissuader, dessinaienabominablement les contours de lautre corps, quil tait ncessaire dabattre. ien navait t oubli

    alibis, !asards, erreurs possibles. partir de cette !eure, c!aque instant avait son usagminutieusement calcul. $a double et implacable rptition tait peine interrompue le temps quunmain fr%le une joue. Il commen/ait faire nuit.

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    PARTIE III

    #ans se regarder, troitement lis la t0c!e qui les attendait, ils se sparrent la porte de lacabane. 1lle devait suivre le sentier qui allait vers le nord. #ur le sentier oppos, il se retourna un instanpour la voir courir, les c!eveu' dnous. son tour, il se mit courir, se courbant sous les arbres et les!aies. la fin, il distingua dans la brume mauve du crpuscule lalle qui conduisait la maison. $ec!iens ne devaient pas aboyer et ils naboyrent pas. cette !eure, lintendant ne devait pas "tre l et ntait pas l. Il monta les trois marc!es du perron et entra. travers le sang qui bourdonnait dans sesoreilles, lui parvenaient encore les paroles de la femme. )abord une salle bleue, puis un corridor, puiun escalier avec un tapis. 1n !aut, deu' portes. &ersonne dans la premire pice, personne dans laseconde. $a porte du salon, et alors, le poignard en main, les lumires des grandes baies, le dossielev du fauteuil de velours vert et, dpassant le fauteuil, la t"te de l!omme en train de lire un roman.