cordi l mag -...

4
Corinne Isnard Bagnis est professeur à l’Université Pierre et Marie Curie, enseignant-chercheur en néphrologie à l’hôpital Pitié-Salpêtrière depuis 2006. Docteur en médecine, docteur en sciences, elle suit une formation postdoctorale à l’Université de Harvard à Boston entre 1998 et 2000 et en rapporte une expérience nouvelle : celle de la méditation de pleine conscience. Comment en êtes-vous venue à proposer la méditation aux patients de votre service ? Pr Corinne Isnard-Bagnis : Tout d’abord il faut préciser que je pratique la méditation, et c’est le premier, le seul, l’unique prérequis fondamental pour aller vers la formation professionnelle. C’est-à-dire que c’est avant tout un mode de vie. Je me suis investie dans le champ de l’Education Thérapeutique (ETP) depuis plusieurs Entretien cordi l mag Correspondances en Dialyse Professeur ISNARD BAGNIS – Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière Méditation à l’hôpital Pitié-Salpêtrière N° 3 avril 2014 É ditorial Dans le 3 e numéro de Cordial Mag, Roche vous invite à découvrir deux pratiques innovantes et très différentes, pourtant reliées par un point commun : celui du repos du corps et de l’ouverture de l’esprit. L’équipe de l’AUB Santé de Rennes, dirigée par Philippe Rolland, a développé la dialyse longue de nuit qui non seulement permet de maintenir une activité professionnelle mais aussi une meilleure re épuration. Les patients y ont leur chambre attitr attitrée et viennent y dormir 3 nuits par semaine. ne. A la Pitié-Salpêtrière, Corinne Isna Isnard Bagnis, professeur à l’Université Pierre e e et Marie Curie, enseignant-chercheur en néphr phrologie à l’hôpital Pitié-Salpêtrière a rapporté té des Etats-Unis et de de sa formation postdoctora orale à l’Université sité de Harvard à Boston une ex expérience nouvelle elle : celle de la méditation de plei leine conscience et et elle en fait profiter ses patients. années et ait créé, avec Catherine Tourette Turgis, un diplôme universitaire d’ETP qui a été le premier à admettre des patients experts comme étudiants. Cette démarche a pris de l’ampleur, puisque nous avons aujourd’hui une centaine d’étudiants par an à Paris VI. En parallèle des enseignements, nous finançons par le mécénat une chaire de recherche co-animée avec le centre de recherche sur la formation de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) où une quarantaine de chercheurs ont développé des axes de recherche autour du patient malade chronique et la façon dont il développe ses compétences. Il s’agit d’un nouveau regard sur ce que fait une personne qui a une maladie chronique comme un travail, en utilisant des modalités de recherche qui sont, d’habitude, centrées sur l’acquisition de compétences professionnelles et les mécanismes de formation des professionnels. Mais, je me suis rendue compte que même les programmes d’éducation thérapeutique ne répondent pas à la détresse, au stress et à l’anxiété vécue au quotidien par les malades. J’ai ressenti une frustration à ne pas répondre à ces besoins qui sont si intimement liés à des problématiques comme l’observance. Qu’est-ce que la méditation que vous enseignez ? Pr Corinne Isnard-Bagnis : Il existe plusieurs formes de méditations qui sont, pour la plupart, issues de cultures ou de spiritualités ancestrales. La particularité du programme MBSR (Mindfulness Based Stress Reduction) ou la méditation dite de pleine conscience auquel je suis formée et que j’enseigne à ed Stress sed sed La MBSR (Mindfulness-Base MBSR (Min ndfulness ess-Bas -Base ress Basée sur es Reduction ou Réduction du Stre tio u Réduc tion d du S la Pleine Conscience) est un programme e me la Pleine Conscience) est un e onscien ce) e structuré et progressif diffusé à des groupe es e upes structuré et progressif diffusé et pr gressi pes au contenu très précis et mis en place place par u contenu très précis et m très r par e p Jon Kabat-Zinn en 1979 au sein d ein du Center n Kabat-Zinn en 1979 ter ent C For Mindfulness in Medicine, ine, Health Care, Mindfulness in Med e, Car h C ealth and Society (CFM) de la M la Medical School de ociety (CFM) de d hoo Sch cal l’Université du Massach achusetts, Etats-Unis. té du Ma s. Un ats E L’accueil en néphrologie à l’hôpital Pitié-Salpêtrière

Upload: lamkiet

Post on 13-Sep-2018

214 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Corinne Isnard Bagnis est professeur à l’Université Pierre et Marie Curie, enseignant-chercheur en néphrologie à l’hôpital Pitié-Salpêtrière depuis 2006. Docteur en médecine, docteur en sciences, elle suit une formation postdoctorale à l’Université de Harvard à Boston entre 1998 et 2000 et en rapporte une expérience nouvelle : celle de la méditation de pleine conscience.

� Comment en êtes-vous venue à proposer la méditation aux patients de votre service ? Pr Corinne Isnard-Bagnis : Tout d’abord il faut préciser que je pratique la méditation, et c’est le premier, le seul, l’unique prérequis

fondamental pour aller vers la formation professionnelle. C’est-à-dire que c’est

avant tout un mode de vie. Je me suis investie dans le

champ de l’Education Thérapeutique (ETP)

depuis plusieurs

Entre

tien

cordi l magCorrespondances en Dialyse

Professeur ISNARD BAGNIS – Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière

Méditation à l’hôpital Pitié-Salpêtrière

N° 3 avril 2014

ÉditorialDans le 3e numéro de Cordial Mag, Roche vous invite à découvrir deux pratiques innovantes et très différentes, pourtant reliées par un point commun : celui du repos du corps et de l’ouverture de l’esprit. L’équipe de l’AUB Santé de Rennes, dirigée par Philippe Rolland, a développé la dialyse longue de nuit qui non seulement permet de maintenir une activité professionnelle mais aussi une meilleure activité professionnelle mais aussi une meilleure épuration. Les patients y ont leur chambre attitrée épuration. Les patients y ont leur chambre attitrée et viennent y dormir 3 nuits par semaine.et viennent y dormir 3 nuits par semaine.A la Pitié-Salpêtrière, Corinne Isnard Bagnis, A la Pitié-Salpêtrière, Corinne Isnard Bagnis, professeur à l’Université Pierre et Marie Curie, professeur à l’Université Pierre et Marie Curie, enseignant-chercheur en néphrologie à l’hôpital enseignant-chercheur en néphrologie à l’hôpital Pitié-Salpêtrière a rapporté des Etats-Unis et de Pitié-Salpêtrière a rapporté des Etats-Unis et de Pitié-Salpêtrière a rapporté des Etats-Unis et de sa formation postdoctorale à l’Université de sa formation postdoctorale à l’Université de sa formation postdoctorale à l’Université de Harvard à Boston une expérience nouvelle : celle Harvard à Boston une expérience nouvelle : celle Harvard à Boston une expérience nouvelle : celle de la méditation de pleine conscience et elle en fait de la méditation de pleine conscience et elle en fait de la méditation de pleine conscience et elle en fait profi ter ses patients.

années et ait créé, avec Catherine Tourette Turgis, un diplôme universitaire d’ETP qui a été le premier à admettre des patients experts comme étudiants. Cette démarche a pris de l’ampleur, puisque nous avons aujourd’hui une centaine d’étudiants par an à Paris VI. En parallèle des enseignements, nous fi nançons par le mécénat une chaire de recherche co-animée avec le centre de recherche sur la formation de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) où une quarantaine de chercheurs ont développé des axes de recherche autour du patient malade chronique et la façon dont il développe ses compétences. Il s’agit d’un nouveau regard sur ce que fait une personne qui a une maladie chronique comme un travail, en utilisant des modalités de recherche qui sont, d’habitude, centrées sur l’acquisition de compétences professionnelles et les mécanismes de formation des professionnels. Mais, je me suis rendue compte que même les programmes d’éducation thérapeutique ne répondent pas à la détresse, au stress et à l’anxiété vécue au quotidien par les malades. J’ai ressenti une frustration à ne pas répondre à ces besoins qui sont si intimement liés à des problématiques comme l’observance.

� Qu’est-ce que la méditation que vous enseignez ? Pr Corinne Isnard-Bagnis : Il existe plusieurs formes de méditations qui sont, pour la plupart, issues de cultures ou de spiritualités ancestrales. La particularité du programme MBSR (Mindfulness Based Stress Reduction) ou la méditation dite de pleine conscience auquel je suis formée et que j’enseigne à

La MBSR (Mindfulness-Based Stress La MBSR (Mindfulness-Based Stress La MBSR (Mindfulness-Based Stress La MBSR (Mindfulness-Based Stress La MBSR (Mindfulness-Based Stress La MBSR (Mindfulness-Based Stress La MBSR (Mindfulness-Based Stress La MBSR (Mindfulness-Based Stress Reduction ou Réduction du Stress Basée sur Reduction ou Réduction du Stress Basée sur Reduction ou Réduction du Stress Basée sur Reduction ou Réduction du Stress Basée sur Reduction ou Réduction du Stress Basée sur Reduction ou Réduction du Stress Basée sur Reduction ou Réduction du Stress Basée sur la Pleine Conscience) est un programme la Pleine Conscience) est un programme la Pleine Conscience) est un programme la Pleine Conscience) est un programme la Pleine Conscience) est un programme la Pleine Conscience) est un programme la Pleine Conscience) est un programme structuré et progressif diffusé à des groupes structuré et progressif diffusé à des groupes structuré et progressif diffusé à des groupes structuré et progressif diffusé à des groupes structuré et progressif diffusé à des groupes structuré et progressif diffusé à des groupes structuré et progressif diffusé à des groupes structuré et progressif diffusé à des groupes structuré et progressif diffusé à des groupes au contenu très précis et mis en place par au contenu très précis et mis en place par au contenu très précis et mis en place par au contenu très précis et mis en place par au contenu très précis et mis en place par au contenu très précis et mis en place par au contenu très précis et mis en place par Jon Kabat-Zinn en 1979 au sein du Center Jon Kabat-Zinn en 1979 au sein du Center Jon Kabat-Zinn en 1979 au sein du Center Jon Kabat-Zinn en 1979 au sein du Center Jon Kabat-Zinn en 1979 au sein du Center Jon Kabat-Zinn en 1979 au sein du Center For Mindfulness in Medicine, Health Care, For Mindfulness in Medicine, Health Care, For Mindfulness in Medicine, Health Care, For Mindfulness in Medicine, Health Care, For Mindfulness in Medicine, Health Care, For Mindfulness in Medicine, Health Care, For Mindfulness in Medicine, Health Care, and Society (CFM) de la Medical School de and Society (CFM) de la Medical School de and Society (CFM) de la Medical School de and Society (CFM) de la Medical School de and Society (CFM) de la Medical School de and Society (CFM) de la Medical School de and Society (CFM) de la Medical School de and Society (CFM) de la Medical School de l’Université du Massachusetts, Etats-Unis.l’Université du Massachusetts, Etats-Unis.l’Université du Massachusetts, Etats-Unis.l’Université du Massachusetts, Etats-Unis.l’Université du Massachusetts, Etats-Unis.l’Université du Massachusetts, Etats-Unis.l’Université du Massachusetts, Etats-Unis.

L’accueil en néphrologie à l’hôpital Pitié-Salpêtrière

cordi l magCorrespondances en Dialyse

l magCorrespondances en Dialyse

l mag

AUR

AL D

E RH

ÔN

E-A

LPES

2 N° 3 avril 2014 3

“wwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwww „

Professeur ISNARD BAGNIS et son équipe

l’hôpital est d’avoir été mise en œuvre par Jon Kabat-Zinn, professeur de biologie à Boston, qui en a complètement laïcisé la pratique et l’a déconnectée de tout support ou environnement spirituel, religieux, bouddhiste ou autre.La méditation est un exercice du mental, dans lequel on ne cherche pas à ne plus penser, mais on porte au contraire délibérément son attention, sans jugement et avec bienveillance, sur différents points de concentration, objets de méditation, qui peuvent être les sensations du corps, la respiration, les pensées, les émotions. On peut défi nir la méditation par ce qu’elle n’est pas. Ce n’est pas une technique de relaxation. Cela peut apporter de la relaxation, mais ce n’est pas la fi nalité. Ce n’est pas toujours agréable de méditer. On peut être mal quand on fait des exercices de méditation et cela peut être diffi cile, parce que, justement, on va essayer de se reconnecter à des sensations du corps que, la plupart du temps, avec la maladie, on cherche à éviter. On a souvent une attitude de fuite par rapport aux émotions négatives ou aux sensations négatives du corps. Là, on va faire l’inverse : on va essayer de s’intéresser à ce qu’on ressent, à la fois d’un point de vue physique et émotionnel. Ce n’est donc pas toujours si facile que cela ni si agréable ! En revanche cela peut considérablement aider à mieux vivre les douleurs, le stress, les émotions négatives.

� Concrètement comment se déroulent ces stages de méditation ? Pr Corinne Isnard-Bagnis : Le programme de méditation MBSR se déroule sur 8 semaines. Il y a huit séances de deux heures et demie, qui sont extrêmement formatées, par groupe de 5 à 8 personnes. En théorie nous pourrions être jusqu’à 20. J’essaie d’en lancer deux par an. Les patients s’engagent pour venir aux huit séances et aussi à travailler chez eux quotidiennement pendant 45 minutes. Après la sixième séance, il y a une journée de pratique plus intensive. On expérimente ensemble une journée en silence, un déjeuner en silence, et on voit ce qui se passe... C’est souvent une découverte extrêmement positive pour eux. Ils se rendent compte combien laisser tomber le langage verbal peut permettre de découvrir avec intensité tout le reste. Ils sortent souvent de là en disait : « c’était trop bien » !

� Sont-ils ouverts à tous les patients ? Pr Corinne Isnard-Bagnis : Tout le monde peut suivre ! Il n’y a pas de prérequis de faisabilité. J’ai en effet ouvert ces ateliers à des patients aux types de pathologies différents, les dialysés comme les greffés, les patients douloureux (coliques néphrétiques), etc., je l’ai même ouvert aux aidants naturels (conjoints ou parents) car ils apprennent beaucoup les uns des autres. En revanche, comme dans toutes les pratiques, il y a des contre-indications. Un entretien individuel ou un échange au cours de la réunion d’information permet de repérer les personnes qui sont dans une situation psychiatrique aigue, une dépression non traitée, ou une détresse psychologique qui ne permet pas de leur proposer le stage. Cependant sous traitement, bien équilibré, après éventuellement avis d’un référent psychiatre ou thérapeute, des patients traités pour dépression, syndromes anxieux ou autre peuvent suivre ces stages sans danger. Il ne faut pas oublier que la méditation de pleine conscience fait partie des thérapies cognitivo-comportementales de nouvelle génération proposées par les psychiatres dans la dépression et d’autres pathologies psychiatriques.

� Quels bénéfi ces observez-vous chez les patients qui pratiquent avec vous ? Pr Corinne Isnard-Bagnis : Tout d’abord, il y a un effet visible sur l’estime de soi, les patients renouent davantage avec la capacité de se prendre en charge, ils se font plus confi ance. Ils sont plus capables de s’observer, d’observer leurs symptômes, leur ressenti et de ne pas paniquer quand ils ressentent des ressentis négatifs. Une des choses la plus frappante, c’est de voir comment beaucoup de patients qui ont suivi le stage expriment le fait qu’ils se sont remis à avoir des sensations dans certaines parties du corps qu’ils avaient totalement occultées, car dans la maladie chronique, il y a une espèce de déni de certaines parties du corps. C’est un chemin d’acceptation de ce qu’est le corps avec la maladie, ce n’est pas le seul certainement, mais certaines personnes trouvent de l’aide dans cette démarche. Ensuite, il y a bien entendu toute la dimension de gestion du stress, parce que le programme est vraiment axé sur l’identifi cation des symptômes liés au stress. Etre capable de ressentir les moments où on est exposé au stress, la manière dont on y répond et pouvoir avoir la liberté, non pas de rester dans des schémas de réponses automatiques, de réactions automatiques au stress, mais de choisir de faire autrement est l’un des bénéfi ces de cet entraînement. Ainsi les patients ont une sensation de reconquête d’une certaine liberté par rapport à eux-mêmes. On est alors vraiment dans une stratégie d’empowerment pour les patients, c’est-à-dire leur redonner la capacité de trouver eux-mêmes leurs propres solutions, les accompagner dans cette démarche…

� Quel est le bénéfi ce que vous tirez vous-même de ces stages avec eux ? Pr Corinne Isnard-Bagnis : Le premier avantage selon moi est de développer une qualité de présence et d’écoute assez proche de ce qu’on essaie de développer en éducation thérapeutique : en travaillant l’écoute active, l’entretien motivationnel, la reformulation, toutes ces stratégies de communication auxquelles on essaie de former les soignants. Et je suis impatiente que mon équipe puisse s’y former. Le deuxième avantage à mes yeux est la prévention des risques psychosociaux chez les soignants. Ces derniers sont à peu près les seules catégories professionnelles qui ne sont accompagnées par personne alors même que la fréquence du « burn out » dans les professions médicales est supérieure à celle d’autres milieux professionnels. Mon vice-doyen vient d’accepter que je propose un enseignement optionnel aux étudiants de 3e année de médecine par exemple, ils auront 4 demi-journées de gestion du stress par la méditation.

� Votre service est pionnier dans ce domaine, mais la méditation reste rare à l’hôpital, pour quelles raisons selon vous ? Pr Corinne Isnard-Bagnis : Dans le monde anglosaxon, (États-Unis, Canada, Australie), les programmes de méditation pleine conscience explosent de partout, dans les universités, dans les grandes entreprises, avec des objectifs de gestion des risques psychosociaux d’une part et d’autre part dans l’idée d’améliorer la performance des personnes, ce qui en France est regardé d’un assez mauvais œil. Question de culture certainement… Mais cela bouge car il y a une demande très forte de la part des patients pour ce genre d’accompagnement. En revanche, il y a de nombreux freins à la mise en œuvre de ces pratiques à l’hôpital, les médecins eux-mêmes étant souvent très réticents.

Le point de vue des patients Qui vous a parlé de la méditation et qu’en avez-vous pensé à ce moment ?Qui vous a parlé de la méditation et qu’en avez-vous pensé à ce moment ?Qui vous a parlé de la méditation et qu’en avez-vous

J. : Une proposition de stage a été diffusée dans le service de néphrologie où je suis suivie. Je me suis inscrite sans aucune connaissance de la méditation de pleine conscience. Très stressée depuis quelques mois, j’ai pensé que ce stage intitulé «gestion de stress», allait peut être m’aider. Je me suis engagée dans cette aventure dans l’espoir de mieux gérer mes crises de stress et d’apprendre à me détendre et à lâcher prise.

Quel est le bénéfi ce concret que vous retirez de cette pratique ?Quel est le bénéfi ce concret que vous retirez de cette pratique ?Quel est le bénéfi ce concret que vous retirez de cette

J. : J’ai suivi ce stage sérieusement et j’ai fait consciencieusement tous les exercices demandés. Très progressivement, en pratiquant régulièrement la pleine conscience à la maison, j’ai commencé à ressentir les effets de cette étonnante méthode. Très lentement, je me suis sentie plus calme et plus sereine. Bien sûr, le stress ne m’a pas quitté soudainement, comme d’un coup de baguette magique; mais j’ai commencé à aborder toutes les situations de stress, avec plus de confi ance en moi et plus de maîtrise. Je me suis créée un espace de respiration quotidien pour mieux appréhender les situations de stress. Lentement mais sûrement, sans vraiment m’en rendre compte, mon quotidien s’est amélioré et tous mes amis ont constaté mon calme nouveau et ma sérénité.

Concrètement comment la rattachez-vous à votre quotidien de quelle manière a-t-elle contribué à mieux vivre votre insuffi sance rénale ?quotidien de quelle manière a-t-elle contribué à mieux vivre votre insuffi sance rénale ?quotidien de quelle manière a-t-elle contribué à mieux

J. : Aujourd’hui, après plus de 4 mois de pratique de méditation, ma vie au quotidien a beaucoup changé. J’ai intégré la pleine conscience dans mon pilote automatique. Mon style de vie a changé, je consacre plus d’une heure par jour à la pratique de la méditation. Je ne suis pratiquement plus stressée. Très concrètement : moi qui dormais depuis plus de 20 ans avec un comprimé...je dors aujourd’hui avec un demi voire un quart de comprimé et la qualité de mon sommeil s’est considérablement améliorée. Par ailleurs, j’avais depuis quelques temps des diffi cultés en station debout prolongée; grâce à tous mes exercices, je n’utilise plus ou rarement ma carte de priorité «station debout pénible». Enfi n, toutes mes douleurs articulaires (dos, cou...) ont disparu et je suis beaucoup plus souple. Bien entendu, je gère mieux ma pathologie génétique chronique et je suis prête à affronter l’avenir avec sérénité.

Quelques chiffres xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx

Quelques chiffres L’AUB Santé a pris en charge en dialyse 1200 patients durant l’année 2013 et 280 patients vacanciers.L’AUB Santé emploie 450 collaborateurs.

5 implantations en Bretagne proposent la dialyse longue de nuit en unité d’autodialyse (Rennes, Brest, Quimper, Lorient et Saint-Brieuc)

Historique des ouvertures de structures de nuit :1998 : BREST puis en 2000 : construction d’un bâtiment spécifi que sur ce territoire pour faire face à l’augmentation des demandes2002 : RENNES - 2004 : QUIMPER - 2005 : SAINT-BRIEUC - 2009 : LORIENT

Nombre de patients : 60 (potentiel d’accueil : 100 malades)Répartition :RENNES (30 patients) : 2 séries de 15 patients (3 IDE/ série)BREST : 1 série de 8 patients (2 IDE) et 1 série de 5 patients (1 IDE)QUIMPER : 1 série de 5 patients (1 IDE)SAINT-BRIEUC : 1 série de 7 patients (2 IDE)LORIENT : 1 série de 5 patients (1 IDE)

2 N° 3 avril 2014 3

cordi l magCorrespondances en Dialyse

l magCorrespondances en Dialyse

l mag

Maryvonne Kling, Directrice des soins et Philippe Rolland, Directeur, présentent l’AUB Santé

Une dialyse longue prend 8 heures, soit deux fois plus de temps qu’une dialyse conventionnelle réalisée en 4 heures. Elle a deux avantages : faite de nuit, c’est du temps gagné pour le patient sur sa vie active, de plus et une dialyse longue a une meilleure qualité d’épuration.

� Quels sont les débuts de la dialyse de nuit et pourquoi l’avez-vous mise en place ?Maryvonne Kling (Directrice des soins de l’AUB Santé) : Initialement cette dialyse longue de nuit a été proposée à Brest à quelques patients non autonomes, instables sur le plan hémodynamique et présentant des pathologies cardio-vasculaires. Leur prescrire une dialyse longue de jour était incompatible avec une vie sociale, familiale et professionnelle. Après une visite dans un centre d’une autre région, nous avons décidé en 1998 d’organiser ces dialyses longues de nuit dans une unité fonctionnant en journée afi n de répondre rapidement aux besoins de ces patients. L’ensemble des professionnels s’est mobilisé autour de ce projet (installations techniques, roulement de nuit pour les infi rmières…).Trois patients ont été initialement pris en charge par une infi rmière, leur tolérance aux séances de 8 heures était bien meilleure (pas de chute de tension, moins de fatigue après la dialyse). Au fi l du temps, nous avons eu de plus en plus de patients souhaitant dialyser la nuit.Notre structure n’étant plus adaptée au nombre de demandes, nous avons ouvert une nouvelle unité avec dix chambres individuelles en 2000 et depuis, cette modalité n’a cessé de se déployer sur l’ensemble des secteurs de l’AUB Santé.

� Quels sont les bénéfi ces pour les patients de cette dialyse longue de nuit ? Dr Eric Laruelle (néphrologue, Rennes) : Pour moi le bénéfi ce est double : social (plus de temps libéré) mais aussi médical car une dialyse longue a une meilleure épuration, une

meilleure tolérance hémodynamique. Nos patients se sentent en bien meilleure forme après une dialyse longue de 8 heures. Les avantages médicaux sont triples. 1/ Nous voyons bien que nous avons amélioré leur hyper tension artérielle de manière impressionnante : et cela tout en baissant les médicaments

antihypertenseurs. Du coup tous les inconforts de la séance de dialyse conventionnelle – grosse fatigue, chutes de tension, céphalées violentes, crampes – disparaissent. 2/ Au niveau cardio-vasculaire, la non-apparition ou la régression des calcifi cations vasculaires, de l’hypertrophie ventriculaire gauche. 3/ Au niveau nutritionnel, un phosphore mieux contrôlé, un bilan phospho-calcique bien meilleur. Ce qui les autorise à se nourrir de façon plus normale, c’est un changement énorme pour eux.Dr Elisabeth Tomkievicz (néphrologue, Rennes) : Non seulement la qualité de vie est meilleure mais l’espérance de vie aussi, et c’est important puisque 50 % des patients qui arrivent en autodialyse longue de nuit ont entre 20 et 40 ans.

L’AUB Santé est un établissement de santé privé à but non lucratif géré sous statut associatif. Il a été créé en 1971 et propose des alternatives à l’hospitalisation aux patients atteints d’une insuffi sance rénale chronique et aux patients pris en charge dans le cadre de l’hospitalisation à domicile. Le projet associatif de l’AUB Santé s’appuie sur les valeurs de l’établissement : personnalisation de l’accompagnement et des soins, de la proximité, de l’autonomie et du lien social.

� Quelles en sont les principales indications et contre-indications ?Dr Tomkiewicz : Les indications sont diverses mais il y a essentiellement les patients jeunes qui travaillent et souhaitent maintenir un travail à temps complet. La deuxième indication, un peu plus rare et non prioritaire, ce sont les patients qui ont de gros besoins de dialyse, les patients de plus de 95 kg, une hypertension diffi cile à contrôler. Ces patients vont également pouvoir bénéfi cier de la nuit. Nous mettons de nuit aussi les patients jeunes, même s’ils ne travaillent pas, qui sont hyperimmunisés par une première ou une deuxième greffe et qui ont donc un temps d’attente en dialyse extrêmement long, parfois supérieur à 10, 12, 15 ans. Nous savons pertinemment qu’avec la dialyse en trois fois quatre heures, nous n’allons pas leur rendre service…Dr Marie-Paule Guillodo (néphrologue, Brest) : Ce n’est pas réservé à un petit nombre de patients, en revanche c’est une question de choix. Quelquefois, au niveau familial, des personnes n’aiment pas quitter leur conjoint la nuit. Dr Tomkiewicz : La seule contre-indication est le patient trop fragile. C’est une contre-indication à l’autodialyse plus qu’à une dialyse de nuit. En tous les cas, une fois que les patients ont essayé la dialyse longue de nuit (ADLN), ils l’adoptent et ne souhaitent plus revenir en arrière.

Dr Eric Laruelle et Dr Elisabeth Tomkievicz (néphrologues, Rennes)

Dr Marie-Paule Guillodo (néphrologue, Brest)

Dialyse de nuit à l’AUB Santé

cordi l magCorrespondances en Dialyse

l magCorrespondances en Dialyse

l magA

UB S

AN

TÉ D

E RE

NN

ES

4 N° 3 avril 2014

� Connaissant ces bénéfi ces, autant médicaux que psycho-socio-professionnels, comment se fait-il que l’autodialyse longue de nuit soit si peu proposée en France ? Philippe Rolland (Directeur de l’AUB Santé) : Nous n’avons pas les réponses pour les autres établissements, mais, à mon sens, il faut une forte conviction médicale initiale sur les plus-values pour les malades de cette modalité et une implication volontariste de tous les acteurs. Les appréhensions d’absence d’équilibre économique ne sont certes pas à sous-estimer mais les diffi cultés sont principalement organisationnelles : il est plus facile de « gérer » une unité de jour que de nuit. De nuit, l’alchimie est plus délicate à réussir : il est nécessaire de disposer d’une équipe de soins « choisissant » un rythme de travail la nuit, compétente techniquement et sur le plan relationnel, avec des infi rmières ayant une capacité de travailler seules (pour les séries de 6 malades). Pour toutes ces raisons, les remplacements (pour congés payés, maladie, etc.) sont plus diffi ciles à organiser également qu’en journée. Cette offre de soins de nuit est plus coûteuse qu’en journée (de 30 à 45 ! de surcoût par séance principalement lié à la durée de la séance de dialyse, le poids des charges salariales étant presque doublé par rapport à des séances de jour : nombre d’heures moyennes rémunérées par infi rmière [11 h 50 versus 6 h 50] et majorations travail de nuit et, parallèlement, la tarifi cation Assurance Maladie est identique). Ceci dit, je ne crois pas que l’argument économique soit le principal frein. La motivation des équipes médicales et soignantes est déterminante pour impulser. Les retours des malades sur l’amélioration de leur qualité de vie et les paramètres médicaux très favorables nous encouragent à persévérer, notre but commun étant d’œuvrer pour favoriser leur autonomie.Dr Laruelle : J’abonde tout à fait dans votre sens, je pense qu’en fait le frein est avant tout culturel pour les équipes soignantes, c’est sortir d’un schéma ultra-traditionnel de la dialyse.

� Concrètement comment se passe une dialyse de nuit ici à l’unité de Montgermont de l’AUB ? Laurent Roul (infi rmier) : Nous avons 18 chambres ici sur le site de Montgermont, qui sont partagées puisque nous avons deux séries de patients : dimanche/mardi/jeudi et lundi/mercredi/vendredi. C’est une structure d’autodialyse non médicalisée, c’est-à-dire que les patients sont formés, ils savent monter leur générateur, nous n’avons plus qu’à les brancher, en général et selon le rythme de chacun car nous nous adaptons, entre 21 h et 23h, puis nous faisons les débranchements à partir de 5 h jusqu’à 7 h. Un médecin

est toujours de garde, joignable à tout moment par téléphone. Les patients s’approprient leur chambre car ils n’en changent pas d’une séance sur l’autre, l’un apporte son oreiller, l’autre apporte son ordinateur (nous avons la connexion wifi )… tous dorment en pyjamas !

� La surveillance du patient est-elle différente la nuit ? L. Roul : Elle est spécifi que puisque le but est de laisser

dormir le patient. Donc tout est organisé pour cela : le générateur a un report d’alarme mural ; au niveau de l’installation de l’aiguille, la fi xation est renforcée ; de plus nous

0000

0/M

IRC/0

713

- Eta

bli le

00/

04/2

014

Rédactrice médicale : Stéphanie Honoré© Elsevier-Masson SAS - Dépôt légal : avril 2014

installons un détecteur d’humidité près des aiguilles pour anticiper un éventuel saignement. Les portes des chambres sont équipées de hublot afi n que l’on puisse surveiller sans avoir à rentrer dans la chambre et à le réveiller. La sécurité des soins est donc assurée tout en préservant le sommeil des patients.� Et comment est le sommeil ? L. Roul : C’est variable. L’un dort comme un bébé, un autre a besoin de somnifère, mais la prise de somnifère n’est pas forcément due à la dialyse de nuit… Le matin, ils prennent leur douche, certains se rendent au travail directement, d’autres préfèrent repasser chez eux pour prendre le petit déjeuner en famille…

� Pour vous quel est le « plus » de cette dialyse de nuit ? L. Roul : Le soin, la dialyse, la continuité du soin, la sécurité restent les priorités, de jour comme de nuit. A mon sens, de nuit, nous enrichissons notre métier par un suivi psychosocial important, car nous nous retrouvons dans l’intimité de la chambre. Nous décelons des soucis personnels que nous ne voyons pas forcément sur du soin de jour, dans des salles. Nous tissons un lien complètement différent avec nos patients.

Le point de vue dePascale Olifant, assistante sociale Le grand plus de la dialyse de nuit, c’est vraiment de permettre aux patients de conserver leur

activité professionnelle et également leur vie sociale. Parmi nos patients en dialyse de nuit, 53 % sont

en activité professionnelle, mais il y a aussi des personnes retraitées très actives, investies dans le milieu associatif et qui veulent conserver cette vie sociale, des mères de familles, des pères en charge de famille…. Quelle que soit la catégorie professionnelle, chef d’entreprise, salarié, agriculteur, ou même étudiant, la dialyse de

nuit rouvre plusieurs portes pour toutes ces personnes et leur permet de concilier le

maintien de leur activité professionnelle sur du temps plein, leurs loisirs mais également leur

vie de famille.

Marie-Christine Roussel, psychologue La dialyse de nuit atténue, voire efface, l’effet de rupture qu’il peut y avoir dans le quotidien des personnes dialysées de jour. D’abord parce que, par ex., quand le parent dialysé dîne le soir avec conjoint et enfants, puis arrive ici à 22 h pour être branché et repart à 7 h le matin, c’est presque une « opération blanche » pour la famille, Et aussi parce que le patient a sa propre chambre, individuelle, toujours la même. Tous ici, médecins, infi rmiers, assistante sociale, diététicienne, psy, cadre, nous sommes convaincus de l’avancée et des bénéfi ces physiques et socio-professionnels de cette prise en charge. D’ailleurs un patient le résume bien en disant : « ma dialyse de quatre heures, quand je pars en vacances, est beaucoup plus longue que ma dialyse de nuit ». Cela veut tout dire !

0000

0/M

IRC/0

713

- Eta

bli le

00/

04/2

014

Le point de vue deFabrice, patient

Je suis dialysé depuis 17 ans, de 21 à 27 ans j’ai connu la dialyse de jour, de 18 à 22 h, tous les 2 jours. Les retours

de dialyse étaient très fatigants. Quand on m’a parlé de la possibilité d’une dialyse de nuit à Montgermont,

j’ai tout de suite été intéressé. La dialyse de nuit a révolutionné mon quotidien. Je pars à 22 h de chez moi, à 22 h 30 je suis branché, débranché à 6 h et à 8 h je suis au travail. Cela m’a permis de retrouver une ambition professionnelle (car nombre

de mes collègues ne savent pas que je suis dialysé) et une ambition personnelle, car en étant moins fatigué,

j’ai retrouvé le temps de faire des choses après mon travail comme reprendre le sport. C’est ainsi que j’ai pu

participer au semi-raid de la « Diagonale du fou » à La Réunion en 2008 par exemple. Attention tout n’est pas rose pour autant ! Il m’est arrivé un problème avec le détecteur de fuite de sang… et puis la nuit, c’est accepter de ne pas avoir l’infi rmier en visuel…

Marie-Christine Roussel (psychologue) et Laurent Roul (infi rmier)

AUB

SA

NTÉ

DE

REN

NES

Le point de vue deRonan Lazennec et Patrice Marion,

responsables techniques à l’AUB Santé

Les 2 principales particularités techniques pour la dialyse de nuit sont le renforcement de la sécurité et la gestion du bruit. Au plan de la sécurité, les alarmes des générateurs sont reportées dans le poste infi rmier en complément des appels malade. Nous choisissons des consommables de

capacité adaptée qui ne nécessitent pas de changement en cours de nuit. Une sonde reliée à un émetteur est positionnée

au niveau de la fi stule pour prévenir les fuites de sang. Par ailleurs, nous avons un groupe électrogène et une centrale de

traitement de l’eau double osmose permettant de continuer le traitement en cas de défaillance d’un élément. Au plan du bruit, nous privilégions les générateurs les moins bruyants, qui ont une circulation de dialysat continu. Notre attention se porte aussi sur la

réduction du bruit d’écoulement des effl uents de dialyse.

Nous sommes également vigilants au confort du patient, avec un éclairage en

position basse dans chaque chambre.Détecteur de fuite de sang