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coordination rédaction secteur des études locales participation à ce numéro : Hélène Marquié Maîtresse de conférence études de genre Université paris VIII Majda Oussaïef étudiante Master 2 Etudes économiques et sociales, université Paris I Nadège Turpin, pôle socio-démographie secteur des études locales Christine Bellavoine, sociologue, responsable du secteur des études locales secteur des études locales (Direction Générale) Mairie de Saint-Denis - BP 269 - 93205 SAINT-DENIS CEDEX 1 tél. 01 49 33 69 01 - fax. 01 49 33 66 33 [email protected] Fondateur du secteur des études locales - conception de Saint-Denis au fur et à mesure : Jean CLaude VIDAL

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  • coordination rédaction secteur des études locales

    participation à ce numéro :

    Hélène Marquié

    Maîtresse de conférence études de genre

    Université paris VIII

    Majda Oussaïef étudiante Master 2

    Etudes économiques et sociales, université Paris I

    Nadège Turpin,

    pôle socio-démographie

    secteur des études locales

    Christine Bellavoine, sociologue, responsable du

    secteur des études locales

    secteur des études locales (Direction Générale)

    Mairie de Saint-Denis - BP 269 - 93205 SAINT-DENIS CEDEX 1 tél. 01 49 33 69 01 - fax. 01 49 33 66 33 [email protected]

    Fondateur du secteur des études locales - conception de Saint-Denis au fur et à mesure : Jean CLaude VIDAL

  • Connaître la société locale

    Les sociétés urbaines connaissent des transformations massives et la société locale se complexifie. L'élaboration et la mise en oeuvre des politiques municipales, au plus près des réalités, nécessitent, de plus en plus, la mise en place de démarches scientifiques de connaissance des réalités locales : connaissances plus fines des populations, des grandes problématiques sociales et urbaines, de l'état des rapports sociaux... Elles viennent en complément d'autres formes de connaissance et de rapports à la population qui découlent de l'exercice de la démocratie locale et des missions de service public communal. Il ne suffit pas de connaître, il faut aussi faire connaître... "Saint-Denis, ...au fur et à mesure..." se donne pour objectif de constituer un temps fort de socialisation d'informations, de données, d'études, de sources d'information,... Il s'agit avant tout d'un instrument de travail qui vise à favoriser des élaborations collectives contribuant par leurs apports à éclairer, au fur et à mesure..., le mouvement de la société locale dans tous ces aspects. "Saint-Denis, ... au fur et à mesure...", publie des textes de socialisation de savoirs, d’études et de recherches élaborés par des acteurs divers de l'adminstration communale, par des chercheurs et autres partenaires de la Ville.

  • Le secteur des études locales

    Le secteur des études locales anime et édite "Saint-Denis, au fur et à mesure...", revue communale d'études. Le secteur des études locales a pour mission principale de participer - selon une démarche scientifique - à l'élaboration d'une meilleure connaissance de la société locale et de l'activité municipale afin de favoriser des réflexions prospectives, des réflexions sur les politiques municipales et de conforter le rapport au réel de l'instance municipale. La démarche du secteur des études locales se mène en resserrant les liens entre chercheurs et acteurs sociaux dans le respect des spécificités de chacun, de leurs rôles et compétences réciproques, ce qui implique autonomie, écoute réciproque et dialogue permanent. Le secteur des études locales réalise (ou participe à la mise en place) des études de cadrages socio-démographiques et des recherches sur la société locale dans les domaines des sciences sociales. Il suit également des études plus finalisées mises en place par les Directions qui le sollicitent. Il intervient en conseil auprès des Directions pour la mise en place d'études et l'exploitation de données. Il mène, dans son domaine, une mission de coordination, de synthèse et de socialisation des connaissances. Le secteur des études locales comprend deux personnes. Il constitue un secteur du cabinet du Secrétariat Général.

  • comment retrouver rapidement une information dans les différents numéros de “Saint-Denis, au fur et à mesure ...” ?

    à la fin de chaque numéro de “Saint-Denis, au fur et à mesure ...” consultez l’index thématique, vous y trouverez l’ensemble des informations parues sur un sujet

  • Saint-Denis ...au fur et à mesure... - revue communale d’études et de recherches – N° 63, juin 2014

    Invitée

    page 6 Les femmes artistes au cours du temps

    Hélène Marquié, maîtresse de conférence au département des études de genre,

    Université paris VIII de Saint-Denis

    Tranquillité publique

    page 18 Les médiateurs de nuit, entre tranquillité publique et intervention sociale,

    Majda Oussaïef, étudiante Master 2 Etudes économiques et sociales, Université Paris I

    Société locale

    page 25 Les grandes tendances socio – économiques à Saint-Denis, évolution 1999-2010

    secteur des études locales

    Habitants et activité

    page 50 Evolution mensuelle du chômage et du RSA, secteur des études locales

    page 61 Index thématique

  • Invitée

    Saint-Denis …au fur et à mesure, revue communale d’études et de recherches N° 63, juin 2014

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    Les femmes artistes au cours du

    temps

    Hélène Marquié

    maîtresse de conférence au département des études de genre à l’Université paris VIII de Saint-Denis

    Ce texte reprend l’intervention d’Hélène Marquié à l’occasion de la journée des femmes du 8 mars 2014. Cette rencontre a été organisée par Marie Leroy, Chargée de mission Droit des femmes à la Mairie de Saint-denis.

    Je commencerai par souligner deux aspects complémentaires, qui sont proposés dans le texte de la célèbre affiche des Guerrilla girls, dont la version française a été offerte au musée Ingres. « Est- ce que les femmes doivent être nues pour entrer au Metropolitan Museum ? Moins de 3% des artistes exposés sont des femmes mais 83% des nus sont féminins. »1

    Si ce constat est valable au Metropolitan Museum, il l’est également au Louvre, au musée d’Orsay, et même au centre Pompidou, qui avait proposé l’accrochage « Elles@Pompidou». En général, il y a très peu de femmes exposées, mais énormément de femmes nues ! Ce n'est pas l'absence de femmes artistes qui explique leur absence dans les musées ; elles existent, mais sont en revanche soigneusement gommées de l’histoire de l’art et des musées.

    Je présenterai rapidement les différents facteurs concourant à cette non-reconnaissance, que j’illustrerai par un panorama de la situation de différentes femmes artistes européennes dans l’histoire. Dans le temps qui nous est imparti, il

    1 Guerrillas girls : groupe de féministes, activistes et plasticiennes américaines des années 80.

    sera essentiellement question des femmes peintres et sculptrices jusqu’au début du XXe siècle, non qu’il n’y ait rien à dire sur la question à l'époque contemporaine, mais les artistes femmes sont cependant mieux connues.

    « Pourquoi n'y a-t-il pas de grandes femmes artistes ? »2

    Dans les ouvrages ou les formations universitaires en histoire de l’art, on est frappé par le peu de femmes mentionnées avant la fin du XXe siècle. La création artistique semble avoir été pendant longtemps un privilège masculin. Ce n’est que dans les années 1970, et d’abord aux Etats-Unis, que cette absence a posé question. Linda Nochlin a ainsi intitulé cet article fondateur : « Pourquoi n’y a t-il pas eu de grands artistes femmes ? ».

    Son texte apporte tout d’abord un démenti à cette assertion : il y en a eu, il faut les redécouvrir. Puis elle développe le fait que si les femmes artistes ont été moins nombreuses que les hommes, c'est en raison des conditions sociales et culturelles dans lesquelles elles vivaient, qui ne leur permettaient pas d’accéder

    2 Article publié en 1971 dans Artnews par Linda

    Nochlin, historienne de l’art

  • Invitée

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    au statut d’artiste. Elles n’avaient pas l’accès aux apprentissages, aux ateliers, aux écoles d’art, à la diffusion, autrefois par l’achat des œuvres, aujourd’hui par le biais d’acquisition par les musées. Elles ne disposaient pas de l’autonomie financière et sociale. Se consacrer à la création s’allie difficilement avec une vie quotidienne traditionnellement dévolue aux enfants. La réception par la critique était également bien souvent biaisée. A partir du moment où on savait qu’une œuvre était réalisée par une femme, d’emblée, elle était dévalorisée. Et on doit ajouter que, même celles qui sont parvenues à être reconnues de leur temps, ont été gommées de l'histoire par les historiens d'art. La notion de "grand artiste", a été définie par, et pour, les hommes, excluant, par définition, les femmes. Le système de valeurs définissant les œuvres d'art est construit à partir de l'art masculin et occidental.

    Et ces différents facteurs vont se cumuler. Par exemple, jusqu’au XIXe siècle, ce qui compte comme étant la « grande peinture », celle qui est faite par les « grands » artistes est ce qu’on appelle la peinture d’histoire, celle dont les thèmes portent sur des sujets historiques, ou mythologiques ou religieux. Cette peinture nécessitait une formation solide en anatomie, en perspective, pour représenter des hommes et des femmes nu-e-s, des guerriers... Dans la mesure où les femmes n’avaient pas accès à cette formation, elles n’avaient pas accès à cette « grande » peinture.

    Parcours dans l’histoire européenne

    On a longtemps affirmé que les artistes de la préhistoire étaient des hommes. Or, à l’heure actuelle, force est de constater qu’on ne peut rien dire avec certitude sur le sexe des artistes et qu’il est probable que des femmes comme des hommes ont réalisé ces statuettes ou ces fresques. Il a fallu très longtemps à l’histoire de l’art pour simplement se poser la question et revenir sur cette évidence.

    Nous ne disposons que de très peu de témoignages des femmes artistes dans l'Antiquité et l’histoire n’a pas conservé leur nom. Au Moyen Âge, la notion d’artiste telle qu’on l’entend aujourd’hui comme un individu singulier n’existe pas vraiment. Les artistes se rapprochent des artisans. Vous avez un bel exemple avec la cathédrale de Saint-Denis. Ce sont des anonymes, qui travaillent en collectifs. On y trouve sans doute des femmes, peut-être pas dans la sculpture, mais dans la peinture, dans l’enluminure. La production demeurait anonyme, pour les femmes comme pour les hommes.

    En revanche, les femmes pouvaient accéder à la création artistique dans les couvents. En effet, les couvents étaient des lieux protégés, fermés. L’une des premières artistes européennes, Hildegarde von Bingen (1098-1179) de famille noble, est entrée au couvent à 14 ans. Femme de lettres, linguiste, théologienne, médecin, elle a rédigé un traité en 9 volumes sur la nature et les plantes, écrit des pièces de théâtre religieux, des chants, de la musique sacrée. Il y aura un concert de ses cantiques à la Basilique, dans le cadre du festival de Saint-Denis le 27 mai. Elle peignait également à partir de ses visions et a illustré elle-même tous ses traités. C’était donc une artiste complète.

    Cette période est souvent considérée comme obscurantiste, mais d’un certain point de vue, elle peut paraître plus évoluée que la Renaissance qui voit diminuer l’autonomie des femmes dans les couvents avec l’arrivée des prêtres pour contrôler ces endroits. Les travaux des femmes se sont alors trouvés cantonnés dans les enluminures, la broderie, le textile, les dentelles etc.

    Toujours au Moyen Âge, on trouve aussi des musiciennes, des trobairitz - terme équivalent des troubadours - qui composaient de la musique et qui allaient de cour en cour jouer leur musique. Il ne faut donc pas croire que l’histoire des femmes dans l’art est une histoire linéaire passant du néant à une période actuelle d’existence et de reconnaissance. Il y a eu des hauts et des bas selon les périodes.

  • Invitée

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    La Renaissance (XV et XVI)

    C’est là qu’émerge la figure de l’artiste avec un grand « A », c'est-à-dire un individu créateur, voire démiurge. Cette valorisation de la figure de l’artiste s’accompagne d’une diminution du rôle des femmes. Cet artiste, individu créateur, est quasiment par essence considéré comme devant être un homme. L’art se pratique alors dans les ateliers, composés du maître et de ses apprentis. Ces derniers, qui pouvaient parfois être des femmes, font le petit travail et monsieur Vinci ou monsieur Rembrandt travaillent la partie délicate de l’œuvre, et la signent. C’est également la période où les grandes théories de l’art sont élaborées. Vasari écrit l’histoire des peintres célèbres et même s’il fait la part belle aux hommes, il introduit tout de même quelques noms de femmes.

    Catharina van Hemessen (1528- v. 1568), Flamande, est une des femmes de cette époque. Elle réalise à 20 ans un autoportrait considéré comme étant le premier d’une femme qui se représente dans l’exercice de sa profession. Elle se figure en effet en train de peindre affirmant ainsi son activité professionnelle.

    On a beaucoup dit que les femmes ont pratiqué l’autoportrait pour des raisons de coquetterie. Il s’agit sans doute de raisons plus prosaïques. On ne demandait pas aux femmes de réaliser des peintures d’histoire mais plutôt de faire des portraits, et des portraits ressemblants. La meilleure manière d’assurer sa publicité en la matière était donc de réaliser son autoportrait, ce qui permettait aux clients de se faire instantanément une idée de leur talent. Par ailleurs, lorqu’on n’a pas les moyens de se payer un modèle, lorqu’on n’a pas accès à des grands ateliers, se peindre représente la solution la plus économique.

    Sophonisba Anguissola (1532/36, 1625) est également une femme peintre du XVIe siècle. Deux configurations étaient favorables au devenir de femmes artistes : soit elles appartenaient à une famille d’artistes, soit elles venaient de familles plus aisées, qui pouvaient apprendre la

    peinture sans avoir besoin de travailler et d’être immédiatement rentables. Sophonisba Anguissola relève du second profil. Elle est issue de la petite noblesse génoise, a été beaucoup soutenue par son père ; un phénomène fréquent : pour qu’une femme artiste puisse parvenir à travailler, il fallait le soutien d’un père, frère ou mari. Le père de Sophonisba a encouragé les vocations artistiques de ses enfants. Trois de ses filles sont devenues peintres. Ce projet n’était pas entièrement désintéressé : il a encaissé les revenus de ses enfants et notamment de Sophonisba Anguissola, la plus célèbre.

    Cette artiste est la première femme à acquérir une renomée internationale. Elle ne peint pratiquement que des portraits, à la cour du roi d’Espagne Philipe II. En tant que demoiselle d’honneur de la reine, elle enseignait le dessin à cette dernière et elle avait donc une position de peintre reconnue à la cour. Si elle touchait de l’argent, c’est donc son père, puis son frère qui l'encaissait. Étant de petite noblesse, elle n’avait pas le droit de signer ses œuvres, ce qui était réservé aux professionnels. De ce fait, pendant longtemps, on a attribué ses œuvres à un homme, comme si la qualité de son travail impliquait naturellement qu’il fut produit par un homme. Ce n’est que relativement récemment qu’on lui a attribué ce qui lui revenait.

    Son succès est important, parce qu’elle a ouvert la porte à d’autres femmes peintres en Italie. En effet, le fait d’avoir des modèles, des figures célèbres, des femmes qui vous ont précédé, est extrèmement important pour les femmes, encore à l’heure actuelle. Avoir des figures tutélaires qui ne soient pas masculines, ça aide !

    Lavinia Fontana (1552-1614) est également Italienne et célèbre. Elle appartenait quant à elle à une famille de peintres. Elle a toujours baigné dans la peinture et a mené une carrière d’artiste « normale » : elle ne se limite pas aux portraits, même si elle s’est également soumise au rite de l’autoportrait, mais en se représentant en femme d’affaire. A cette époque, être artiste signifie aussi qu’on sait négocier ses œuvres, car il fallait pouvoir se vendre. Elle s’attaque également aux nus, et notamment aux nus masculins, et n’hésite

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    pas à s’emparer des thèmes à la mode. Elle a de grandes commandes publiques et le pape Clément VIII l’engage comme portraitiste à Rome, signe d’une véritable reconnaissance. Elle devient la première femme à être élue à l’Académie romaine.

    Bémol de taille cependant, elle ne touche pas à la fresque, qui est à l’époque le summum de l’œuvre picturale. Voir une femme sur un échafaudage, comme le faisait Michel-Ange, couchée en train de peindre, est inconcevable. Mais elle peint tout de même des sujets à la mode, notamment un Judith et Holopherne.

    Les thèmes bibliques étaient très appréciés à l'époque, comme celui de Judith et Holopherne. Judith est une veuve juive qui vit dans une ville assiégée par un des lieutenants de Nabuchodonosore, Holopherne. Les habitants vont périr par famine. Judith, une veuve, décide de sauver la situation. Elle se présente avec sa servante à Holopherne comme possédant des informations sur les assiégés, Il est séduit par sa beauté, l'invite à souper, et elle profite de son ivresse pour lui trancher le cou. La ville est sauvée. Ce thème est traité par de nombreaux peintres, et notamment le Caravage. Les deux tableaux suivants montrent la même scène, judith et sa servante, et la décapitation d’Holopherne.

    Sur ce premier tableau du Caravage (1571/1610), Judith prend les traits d’une jeune fille pure, qui effectue son geste presque avec dégoût, de loin, c’est une jeune fille convenable. La servante est reconnaissable, vieille, laide et mal habillée.

    Dans le tableau suivant, d’Artemisia Gentileschi (1593-1652/53), on a au contraire une femme dans la force de l’âge, une forte femme, qui ne détourne pas la tête mais qui est au contraire toute à la tâche ; pas facile de couper une tête quand on n’est pas habituée !

    Dans ce tableau, la servante est très semblable à la maîtresse, élément qu’on retrouve tout au long de l’œuvre d’Artemisia Gentileschi. Il y a une sorte de complicité, de solidarité entre femmes, entre la maîtresse et la servante. L’une maintient l’homme tandis que la seconde lui coupe la tête. Ce type de femmes est récurrent dans l’iconographie d’Artemisia Gentileschi. Elle peindra une Salomé, une Cléopatre, Béthsabée etc. notamment, des femmes fortes qui se vengent d’un homme. Sans qu'il faille nécessairement y voir une relation directe de cause à effet, on peut signaler le viol subi par l'artiste. Son père avait porté plainte, non pour violence contre elle mais pour atteinte à la propriété familiale. Au cours du procès, pour s'assurer qu’elle ne racontait pas de mensonges, elle fut soumise à la torture, notamment en lui écrasant les doigts. Imaginez ce que cela peut représenter pour une femme peintre… Elle put reconstruire une vie honorable en se mariant avec un peintre, et surtout continuer sa carrière. On peut supposer que cette représentation de femmes fortes est une réponse à ce qu’elle a vécu. Elle su gérer une très belle carrière,

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    négociant ses contrats, exigeant son dû, même aux plus grands. C’était une femme d’affaires compétente.

    Autre pays, autre style, avec Clara Peeters (1594 – après 1657), une artiste flamande qui s’est spécialisée dans les natures mortes, autre genre très prisé au XVI et XVIIe siècles, avec les vanités. Ses tableaux sont très symboliques, riches en emblèmes et symboles de l’époque : la bulle de savon, la fragilité des choses temporelles, la coupe renversée, c’est la richesse, mais renversée, etc. Chaque fleur a sa symbolique. Il y a toute la morale de l’époque dans ces natures mortes, mais les peintres y trouvent aussi l'occasion de montrer l’étendue de leur technique : il s’agit de représenter des étoffes, des métaux, parfois de la chair, avec le poisson et les viandes, la bulle de savon, les lumières etc… Clara Peeters a débuté très précocement, ce qu’on constate souvent chez les femmes peintres. Malheureusement aussi, elles s’arrêtent souvent assez tôt dans la carrière. Elles s’arrêtent quand elles se marient, quand elles ont des enfants. Ce fut le cas pour Judith Leyster (1609-1660), originaire des Pays Bas. Elle fait exception, car son père n’était pas peintre mais brasseur. C’est l’époque où les femmes peignent beaucoup de natures mortes car cela ne prend pas beaucoup de place et on n’a pas besoin de sortir pour faire une nature morte. Pour peindre une scène de cabaret, il faut y aller et les femmes ont été beaucoup confinées dans l’espace privé. Judith Leyster ne se limite pas aux natures mortes. Elle peint beaucoup de scènes de genre, de scènes d'intérieur, des portraits. Sa renommée est importante et elle est reconnue par la guilde des peintres de Haarlem, exclusivement composée d’hommes. Lorsque le célèbre peintre Franz Hals, maître de l’époque aux Pays Bas, lui prend trois de ses élèves dans son atelier, elle lui fait un procès. Elle fait partie de ces femmes qui entendent défendre leurs droits. Malheureusement, elle épouse un artiste avec qui elle aura 3 enfants. Je dis malheureusement, car elle arrête sa production après son mariage et sa maternité. N’existent donc de cette artiste que des œuvres de jeunesse.

    Il est d’autant plus remarquable que son œuvre soit à la hauteur des grands peintres flamands avec leur clairs-obscurs, leurs éclairages très particuliers. En même temps, elle travaille des sujets originaux, par exemple dans un tableau figurant sans doute une proposition de prostitution.

    L’évocation de ces femmes peintres ne doit pas nous faire oublier qu’elles sont très peu nombreuses, et, qu’à l’instar de Judith Leyster, elles arrêtent souvent assez précocément après leur mariage. Elles demeuraient aussi exclues des genres les plus prestigieux de l'époque : fresques ou paysages, peintures d’histoire (elles abordent peu les sujets religieux et historiques), et bien sûr de la sculpture : on n’imagine pas une « faible » femme en train de sculpter ! Elles sont exclues également de l’architecture. Ces domaines sont jusqu’à aujourd’hui encore, considérés a priori comme des domaines masculins.

    L’Académie Royale , théoriquement ouverte aux femmes

    En France, l’Académie Royale, qui précède l’Academie des Beaux-Arts, est créée par Louis XIV en 1648. Cette création visait à distinguer les artistes des peintres-artistes, qui faisaient de la peinture beaucoup moins prestigieuse, et surtout, des peintres-artisans, qui faisaient de la peinture en bâtiment, de la peinture de carosses, d’objets divers. L’Académie Royale visait à hiérarchiser et à mettre de l’ordre dans l’ensemble des situations existantes. On opposera ainsi les artistes de l’Académie aux autres. Le roi déclare accorder sa protection aux artistes « sans égard pour la différence de sexe », ce qui est novateur pour l’époque. Cependant, le nombre de femmes dans l’Académie Royale est limité à 4. Elles n’avaient pas accès aux classes de dessin, domaine premier pour la peinture de l’époque. Elles ne pouvaient ni enseigner, ni occuper de postes dans l’administration ; par ailleurs, grand classique, leur pension - les membres de l’Académie étaient payés - était inférieure à celle des hommes ! Néanmoins, il y eu des femmes à l’Académie Royale, sous louis XIV, au XVIIe siècle. Il y en eut de moins en moins

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    au XVIIIe, cette diminution étant toute relative au vu du faible nombre de départ. Parmi les célébrités de l'époque, notons Rosalba Carriera (1645-1757), une pastelliste de Venise, particulièrement renommée qui eut énormément de commandes, surtout de portraits dont elle avait fait sa spécialité, également de miniatures, sur ivoire notamment.

    Angelica Kauffmann (1741-1807) est une figure intéressante, qui a connu une carrière typique des femmes du XVIIIe siècle. Elle apprend la peinture avec son père, lui-même peintre. Elle est une enfant particulièrement douée et seconde son père, tout en menant à bien ses propres projets dès l’âge de 15 ans. Contrairement à la majorité des femmes peintres de l’époque, elle décide qu’elle ne veut pas faire de portrait, ou peindre des natures mortes, elle sera peintre d’histoire, et reconnue comme telle. A l’époque, les artistes voyageaient beaucoup, elle va donc voyager, rencontrer d’autres artistes et devenir célèbre en Europe, avant de se fixer à Londres où elle prend part à la fondation de la Royal Academy of Art (en 1768), dont Joshua Reynolds est le 1er président. La peinture d’histoire n’est alors pas très en vogue en Angleterre à cette époque et elle est contrainte d'assurer sa survie en faisant des portraits. Poursuivant ses voyages, elle fut particulièrement célébrée en Italie, et devint très riche.

    La peinture suivante est donc un des rares tableaux d’histoire fait par une femme. Nous sommes en 1785, époque pré révolutionnaire marquant un fort intérêt pour l’histoire romaine, pour l’héroïsme romain, la virilité romaine. Angelica Kauffman choisit également une histoire d’héroïsme, mais incarné par Cornélia, la mère des Gracques, connue pour avoir poussé ses fils à se sacrifier pour la patrie. Sur cette toile, Cornélia rencontre une autre femme qui, fière, lui montre ses bijoux. Cornelia lui montre les siens, ses fils.

    Le tableau D’angelica Kaufman peut sembler aujourd’hui assez banal mais si on le compare avec celui, ci-après, de David, la différence est éloquante et, on comprend que pour son temps, ce qu’elle faisait était loin d’être anodin.

    Le serment des Horaces nous instruit sur la manière dont sont traduits les rapports de pouvoir dans la peinture. Ce tableau est divisé en 3 parties dont les 2/3 sont dévolus aux hommes. Le groupe d’hommes, le père et les 3 fils, est représenté en groupe ascendant, batî autour de lignes, des épées, des jambes, qui forment des « V ». Ces héros vont défendre la patrie, la cité, et cet éloge de la virilité correspond tout à fait à l’esprit pré-révolutionnaire et révolutionnaire en France.

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    A côté, David représente un tas, un tas de femmes, larmoyantes, avec des enfants. Pas de lignes ici mais des courbes, sans direction. Les femmes sont dans la sphère privée, et pleurent, parce que les hommes vont partir. Cette séparation, qui va se cristalliser pendant la révolution et qui va continuer jusqu’au XIXe siècle entre une sphère publique, masculine et une sphère privée, féminine, les exclut de la sphère politique. David rend parfaitement compte de cette situation par la seule composition graphique de son tableau.

    La seconde partie du XVIIIe siècle peu favorable aux femmes

    C’est à cette époque que se sépare fortement la sphère privée, féminine, de la sphère publique, masculine, et que se développe l’idée qu’une femme, par nature, ne peut pas être une grande artiste. On va donc rencontrer de moins en moins de femmes artistes à l'Académie. Les deux dernières à y entrer sont Adélaïde Labille-Guiard et Elisabeth Vigée-Lebrun. Toutefois, il faut noter que si les femmes ne pouvaient pas entrer à l’Académie Royale, il leur était possible de se former ailleurs, dans des académies moins prestigieuses, mais dirigées par des peintres connus, ravis de se faire de l’argent en acceptant des femmes ! Elles avaient donc tout de même accès à un enseignement artistique.

    Adélaïde Labille-Guiard (1749-1803) suit les enseignements de maîtres avant d'être reçue à l’Académie Royale de peinture en 1783. Reconnue et pensionnée par le roi, elle devient la peintre officielle des princesses royales. Elle va alors œuvrer pour la cause des femmes puisqu’elle va plaider en 1790 devant l'Académie, pour que les femmes y soient admises sans numerus clausus. Par ailleurs, elle-même enseigne à des femmes. Ce point est important, non qu’il n’existait pas au préalable de transmission entre femmes, mais parce que ces transmissions ont souvent été gommées. On préfère parler des transmissions entre hommes, de maître à élève, et des filiations masculines, en oubliant les filiations entre femmes, souvent

    occultées par le discours sur la rivalité entre elles : les plus jeunes en voudraient aux plus anciennes et les plus anciennes ne laisseraient pas passer les plus jeunes. En fait, dans les arts plastiques comme ailleurs (en danse par exemple), il y a bien eu des femmes qui ont transmis leur art à d'autres. Certes, il y a eu des jalousies comme toujours dans le monde de l’art, mais aussi bien chez les hommes que chez les femmes. Dans un autoportrait, Adélaïde Labille-Guiard se représente ainsi comme enseignante, avec deux de ses élèves, ce qui correspond à un véritable manifeste. On se doute qu’elle ne devait pas travailler dans le splendide costume qu’elle arbore dans le tableau. Elle représente davantage sa fonction et ses idées concernant l'enseignement, qu'elle ne représente une réalité.

    Elisabeth Vigée-Lebrun (1755-1842), reçue à l'Académie Royale en même temps qu'Adélaïde Labille-Guiard, est l’autre célébrité de cette époque, qui devint une célèbre portraitiste de l’aristocratie française, membre de nombreuses académies, de Rome, Parme, Saint-Petersbourg, Berlin etc. En tant que portraitiste de Marie Antoinette, la Révolution l’oblige à l’exil, mais elle n'interrompt pas une carrière à succès poursuivie en Europe.

    Globalement, la Révolution va ouvrir une période de régression pour les femmes. Les révolutionnaires n’étaient en effet pas très bien disposés envers une émancipation féminine. Olympe de Gouges l’a payé de sa vie. L’académie Royale prit le nom de Société Populaire et Républicaine des Arts, et les femmes en furent exclues. La conception qui prévaut au XIXe siècle est que femmes et hommes sont quasiment de natures complètement différentes, pour ainsi dire deux espèces distinctes. Les femmes étant par nature des êtres délicats, irrationnels et peu suceptibles de capacités d’abstraction, elles ne peuvent accéder au grand art, à la création, dont le rôle revient aux démiurges, donc aux hommes ! On les encourage, à la limite, à pratiquer des arts d’agrément, qui peuvent les détourner de romans suceptibles de leur tourner la tête. Elles font donc un peu de peinture, un peu de musique, pour s’occuper. Une sorte de

  • Invitée

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    guerre va se déclarer contre les femmes artistes. Nous sommes après la Révolution, qui a proclamé l'égalité entre les hommes. Il faut donc justifier l'exclusion des femmes, et la religion, Dieu - qui a perdu du crédit – ne suffit plus pour légitimer leur domination. Celle-ci sera donc légitimée par la science. On voit alors proliférer les discours scientifiques et médicaux, qui dissertent sur la faible constitution des femmes, ne leur permettant pas d’accéder à la création.

    Au XIXe, les femmes s’organisent et

    revendiquent

    Toutefois, c’est aussi au XIXe siècle que les femmes vont d’une part commencer à s’organiser et à revendiquer des droits, et d’autre part revendiquer un statut d’artiste. Malgré une société très restrictive et des discours d'une grande violence contre les femmes créatrices, leur nombre augmente. Au milieu du XIXe siècle, 1 artiste sur 3 était une femme, mais aucune n'avait accès à l'École des Beaux-Arts, héritière de l'Académie Royale. Elle ne s'ouvrit aux femmes qu’en 1880 ; toutefois, leurs classes demeuraient séparées de celles des hommes, elles devaient payer leurs cours, et n'avaient pas de modèles nus. Elles passaient des concours différents de ceux des élèves hommes. Ce n'est qu'en 1897 que l'École des Beaux Arts de Paris devint réellement mixte, grâce à la sculptrice Hélène Bertaux, présidente de l'Union des femmes peintres et sculpteurs créée en 1881). La formation académique était aussi jalonnée de concours et de prix, notamment le prix de Rome, et les femmes n'ont pu y concourir qu'en 1903, grâce toujours à Hélène Bertaux. Cependant, d’autres établissements à Paris accueillaient des jeunes femmes venues pour se former, moyennant finances évidemment ! La situation des femmes artistes au XIXe siècle n’est donc pas comparable à celle des hommes, mais elles arrivent cependant à vivre de leur art. La bourgeoisie s’est beaucoup développée et achète des peintures pour son intérieur. Le marché et la demande se développent, et les femmes vont donc avoir du travail pour faire des peintures de genre, des portraits, des natures mortes ou

    encore de la peinture sur porcelaine. Elles sont aussi nombreuses à enseigner.

    Quand les impressionnistes vont sortir leur chevalet pour aller peindre dans la nature, il sera néanmoins difficile pour les femmes d’en faire autant. L'accès à l'espace public constitue toujours pour elles une limite. Ainsi, alors que Toulouse Lautrec va peindre des prostituées, on n’imagine pas les dames aller dans de tels lieux, ou encore aller, comme Degas, dans les coulisses des musi- halls.

    Il y a donc beaucoup de femmes peintres au XIXe

    siècle et certaines sont connues. Je vais donc vous présenter plutôt quelques femmes intéressantes parmi les oubliées.

    Henriette Brown (1829 - 1901), de son vrai nom Sophie De Bouteiller, a été qualifiée de peintre anthropologue en raison de ses nombreux voyages. Le XIXe siècle est une période de colonisation, où l’Orient - un orient très vaste, qui va de l’Espagne, en passant par le Maghreb, jusqu’en Chine - fascine. Les peintres dits orientalistes se spécialisent dans les représentations, surtout de femmes orientales. S’il est impossible de montrer des parisiennes nues, ce qui aurait choqué la bonne société, on peut en montrer à condition de traiter de l'antique, ou de l'Orient. Les femmes orientales nues, souvent des baigneuses nues, en postures érotiques, constituent une large source d'inspration, témoignant à la fois du sexisme et du racisme de l'époque. Jean-Léon Gérôme était spécialisé dans le domaine. On connaît également Ingres et son Bain turc, avec cet amoncellement de femmes nues, qui n’est absolument pas réaliste, mais qui représente un fantasme de l’époque.

    La visite au Harem de Henriette Brown nous offre une image sans doute plus proche de la réalité, si ce n’est du harem, du moins d’un lieu de femmes. Ces dernières ne sont absolument pas nues, ni allongées mollement sur des canapés. Elles vaquent à leurs affaires, certaines sont voilées, d’autres non. Certaines discutent entre elles et ça n’a rien d’exitant pour les messieurs qui vont voir cette peinture. On a donc un regard complètement décentré du regard masculin

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    porté sur les mêmes sujets à l’époque et effectivement, un regard beaucoup plus anthropologique, celui d’une femme qui va rendre compte de ce qu’elle voit au cours de ses voyages. Inutile de dire qu’elle deviendra beaucoup moins célèbre que Ingres ou Gérome !

    Emily Mary Osborn (1828–1925) artiste anglaise de l'époque victorienne est également une artiste intéressante. Elle s'inscrit dans le courant pictural symboliste qui s’est penchée sur la condition ouvrière, mais s'est spécialisée dans la représentation des enfants et des femmes dans la misère. L'un de ses plus célèbre tableau Nameless and Friendless (Seule et anonyme), représente une jeune femme peintre essayant de vendre son travail à un marchand qui le regarde d’un air passablement méprisant, sans doute afin de payer le moins cher possible son œuvre. Deux messieurs sont derrière, en train de jauger la dame, et surement pas sa peinture ! Ce tableau a été interprêté de manière erronée, notamment dans « L’histoire de l’art » éditée dans les années 1970 aux Etat-Unis. La scène devient celle d’une dame de bonne famille réduite à compter sur l’art de son frère. Autrement dit, alors même qu’on savait que c’était une femme qui avait peint cette toile, on n’imaginait pas que ce tableau représentait une femme qui allait vendre son travail mais comme étant une femme qui vendait le travail de son frère. L’idéologie est puissante dans l’histoire de l’art et nous raconte autre chose, qui finit par devenir une vérité.

    Je passe rapidement sur la fin du XIXe siècle en disant cependant quelques mots sur Rosa Bonheur (1822-1899), spécialiste de peinture animalière, peinture réservée aux hommes. Certes, les femmes pouvaient peindre des chats ou des oiseaux, mais ne pouvaient pas aller sur des champs de courses, ou aux marchés aux chevaux. Rosa Bonheur est aussi connue pour avoir bénéficié d’une autorisation pour circuler en pantalons, pour aller dans des lieux comme la foire aux chevaux, voir les animaux pour pouvoir les dessiner. Jusqu’à récemment, et même si cela n'était plus appliqué, il y avait toujours l’arrêté de la préfecture de police de Paris qui interdisait aux femmes de porter des pantalons ; Rosa Bonheur a aussi peint des tigres, et avait un lion,

    me semble-t-il également, chez elle. C’était d’ailleurs la mode à cette époque d’avoir des bêtes sauvages. Elle a été directrice de l’école impériale de dessin. C’est également la première artiste femme a avoir la Croix de la légion d’honneur, qui lui a été remise par l’impératrice Eugénie, qui souhaitait ainsi démontrer que le génie n’avait pas de sexe. Le mouvement de reconnaissance des artistes femmes gagnait une partie de la société, même au plus haut niveau.

    Malheureusement, Rosa Bonheur n’était pas féministre pour deux sous et elle n’a pas vraiment cherché à aider ses petites camarades ! Par ailleurs, les critiques de l’époque qui appréciaient son oeuvre disaient que celle-ci était d’une facture très masculine. Il y avait là une impasse pour les femmes : soit une œuvre était jugée féminine et elle n’avait, de ce fait, pas beaucoup de valeur, soit c’était une œuvre de valeur, et elle était donc jugée de facture masculine, l'artiste, en tant que femme, apparaissant donc comme quelque peu contre-nature. On rencontre le même phénomène concernant les écrivaines ou les musiciennes.

    J’évoque très rapidement Berthe Morisot (1841-1895), peintre qui a participé activement au mouvement impressionniste et qui, avec Marie Cassat, est une des rares à contester l’ordre établi. C’est également une des rares femmes qui a réussi à laisser un nom au sein des avant-gardes, ici avec les impressionnistes. On constate en effet que dans l’ensemble des avant-gardes, l’impressionnisme, le dadaisme, le surréalisme, s’est fait sur l’exclusion des femmes, sauf à titre de muses, et que certains sont demeurés dans l'histoire comme exclusivement masculins. Or, il y a eu des femmes dans ces mouvements, mais ce ne sont pas leurs noms et leurs œuvres qui ont été retenus.

    Suzanne Valadon (1865-1838) a un parcours singulier. Fille naturelle d’une blanchisseuse, sans instruction, elle fait tous les métiers, et notamment acrobate de cirque. Malheureusement, elle fait une chute à 15 ans et ne peut plus continuer comme écuyère. Pour gagner sa vie, elle va donc devenir modèle pour les grands peintres de l’époque, dont Toulouse Lautrec, Degas, Renoir, etc. Elle veut devenir

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    artiste et regarde comment ils font, leur pose des questions. Elle apprend ainsi leurs techniques et commence à graver dans l'atelier de Degas, qui l'encourage. Ainsi, Suzanne Valadon va devenir artiste peintre et connaître le succès. Dans le tableau ci-après, Suzanne Valadon montre à la fois une forte ironie mais également sa connaissance de l’histoire de l’art.

    L’image de la femme alanguie sur un divan est une figure qu’on retrouve depuis le début de l’histoire de l’art. Ainsi la célèbre Vénus d’Urbin du Titien (1538), qui représente une prostituée, sur son lit. Sa main semble cacher son sexe alors que tout est fait pour que le regard converge vers ce point. Elle tient une grappe de raisin à la main, symbole de luxure, avec un petit chien, également symbole de luxure. Les servantes sont en arrière fond.

    Ce thème est repris dans toute l’histoire de l’art. Avec l'Olympia de Manet, au XXe siècle, la main est sensiblement au même endroit, les plumes de paon ont remplacé le raisin mais le symbole est le même. La servante est devenue noire, colonialisme oblige, et le petit chien est devenu un petit chat.

    Avec beaucoup d’humour, Suzanne Valadon nous propose de revisiter ce thème classique de la peinture, et nous propose une autre vision de la femme de son époque. Nous avons une femme qui n’a pas du tout l’air d’une odalisque, plutôt bien en chair, tout à fait habillée, et qui ne fait rien pour nous séduire ! Elle porte un tee-shirt, un pantalon type pyjama à rayures, ne renvoyant à rien de glorieux. Elle ne nous regarde pas, elle

    fume sa cigarette. Plus de petit chien ou chat, mais apparaissent des livres !

    Devenir sculptrice

    Je vais terminer avec quelques mots pour les sculptrices. Je commence au XIXe siècle, car s’il y en a eu auparavant, elles ont quasiment disparu des histoires de l'art, et elles étaient bien rares. Sculpter suppose d’avoir de la place, un grand atelier. Il faut faire venir le marbre, avoir de l’argent. Cela suppose encore plus de moyens techniques que la peinture et donc est encore moins accessible aux femmes. Surtout, la sculpture reste la chasse gardée des hommes. Mais au XIXe, des femmes veulent devenir sculptrices, par exemple de Marie D’Orléans (1813-1839), fille cadette de Louis Philippe. Fille de roi, elle avait bien sûr plus de facilités que d’autres mais en même temps, elle ne pouvait faire ce que des femmes plus humbles étaient autorisées à faire. Elle n’a jamais appris l’anatomie, elle a dû se contenter d'imiter ce que d'autres faisaient. Sa Jeanne d’Arc est ainsi bien couverte de vêtements, ce qui permet de ne pas voir le corps. Marie D’Orléans a cependant eu des commandes et du succès. Elle est passée à la postérité notamment, comme d’autres, grâce à l’essor des cartes postales. En effet, les commandes portaient sur des monuments, et les villes les reproduisaient sur des cartes postales, ce qui permettait donc aux femmes de se faire une certaine publicité.

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    Marcello (1836-1879), pseudonyme masculin pour Adèle d'Affy (ou d'Affry), fut duchesse de Castiglione Colonna. Devenue veuve, donc indépendante et possédant de l’argent, elle a pu suivre des cours d’anatomie à l’école de médecine, mais en se travestissant ! En tant que sculptrice, elle a réalisé une oeuvre importante, et reçu beaucoup de commandes. On peut admirer sa Pythie à l’opéra, au centre de la magnifique fontaine qui se trouve sous le grand escalier. Beaucoup de reproductions en bronze circulent de cette oeuvre.

    Sarah Bernhardt (1844-1923), la célèbre comédienne, était également sculptrice, et sculptrice de talent. Elle n’a eu de cesse de se faire reconnaître en tant que telle, mais fut toujours cantonnée à son rôle d’actrice, comme si une comédienne était moins créatrice, et ne pouvait exceller dans deux domaines. Elle a cependant toujours affirmé cette double identité, revendiquant son talent de sculptrice Elle a exposé, eux Etats-Unis notamment, à l’exposition universelle de Chicago de 1893.

    Hélène Bertaux (1825-1909) est issue d’un milieu modeste. Elle a ouvert un atelier de modelage et surtout un atelier de sculpture pour femmes, en 1880. Cette artiste est celle qui a vraiment oeuvré pour les femmes, en créant notamment en 1881 l'Union des Femmes Peintres et Sculpteurs, reconnue d'utilité publique en 1892. On ne disait pas sculptrice à cette époque. Certes, au sein de l'association, il s’agit, si l'on peut dire, bien d’un féminisme de la différence. Ces femmes réclamaient de ne plus être exclues des formations et des dispositifs de reconnaissane artistique, tout en affirmant une spécificité de leur art féminin. C’était tout de même un premier pas, important. Grâce aux efforts d'Hélène Bertaux, les femmes ont pu entrer enfin à l'Ecole nationale des Beaux-Arts de Paris à partir de 1897, puis de concourir au Prix de Rome à partir de 1903. Elle devint également en 1896 l'unique membre féminin du jury de sculpture du Salon des Artistes Français. Comme artiste, elle reçut de nombreuses commandes publiques, comme une fontaine à Amiens, une statue du peintre Chardin pour une des façades de l'Hôtel de Ville de Paris, deux bustes pour l'Opéra Garnier, etc.

    Aujourd’hui, restons vigilentes !

    Aujourd’hui, toutes les formations sont mixtes, et il n’y a plus de discrimintations. Sauf que… Si 60% des artistes diplômées sont des femmes, dans les musées d’art comptemporain, elles sont bien peu nombreuses. En 2009, dans l’exposition intitulée la Force de l’art, au Grand Palais, sensée représenter l’art comtemporain français, il y avait 7 femmes sur 42 artistes. Si aujourd’hui les femmes « peuvent tout faire », les freins sont toujours là.

    A commencer par ce qui relève des conditions de possibilité pour accéder à la création et la diffusion des œuvres créées. Si vous faites des grandes œuvres, il vous faut un espace, de l’argent, il faut aller chez les galeristes, qui sont très défiants vis-à-vis des œuvres de femmes, et achètent souvent les petites, qui valent moins cher ! Ainsi, suite à l’accrochage Elles@Pompidou, le Musée d'Art moderne a acheté des œuvres de femmes, mais des petites œuvres, les moins chères. La carrière des femmes est aussi toujours semée d’embuches. Aux Beaux Arts, les professeurs sont presque tous des hommes et privilégient, parfois inconsciemment, les garçons, comme le montre une étude récente. La reconnaissance se fondant essentiellement sur des réseaux, les professeurs introduisent dans leur réseau plutôt les hommes que les femmes. La même étude fait ressortir que la question du harcèlement sexuel n’est pas à négliger dans le cadre de cette formation prestigieuse.

    La précarité frappe davantage les femmes, rendant la condition d'artiste bien peu accessible. Par ailleurs, être artiste suppose avoir du temps, que beaucoup de femmes n'ont pas. Les deux facteurs peuvent se conjuguer. La famille monoparentale est surtout féminine. Et même dans les familles traditionnelles, les mères continuent à s'occuper bien davantage des enfants que les pères, ce qui les rend peu disponibles, en termes de temps et disponibilité d'esprit, pour la création.

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    Le regard critique est également faussé par les biais d'évaluation qui discriminent les travaux des femmes. Les études faites en milieu universitaire et qui ont montré que les copies des étudiantes n'étaient pas évaluées comme celles des étudiants, sont valables en art. Des artistes ont testé le fait de présenter deux books de leurs travaux, l'un sous une identité de femme, l'autre sous une identité d'homme ; c'est le second qui a été choisi. On sait maintenant que les recrutements de femmes ont augmenté, dans les orchestres où les auditions ont été faites en aveugle, les musicien-ne-s étant dissimulé-e-s derrière des paravents.

    Signalons aussi le phénomène de l'arbre qui cache... l’absence de forêt : la célébrité d'une femme occulte souvent le fait qu'elle demeure un cas isolé. Si on souligne le peu de femmes artistes reconnues en France, il y a souvent quelqu'un pour citer Annette Messager ou Louise Bourgeois. Mais, outre que la seconde n'aurait peut-être pas été si célébrée ici, si elle ne l'avait pas été au préalable Etats-Unis, elles ne sauraient cacher la faible représentation de toutes les autres artistes dans les galeries et musées.

    Compte tenu du nombre de femmes dans les écoles, on n’y est pas !

    En agissant pour une plus grande représentation des femmes artistes, il ne s’agit pas de valoriser quelque production qui serait spécifiquement féminine. Mais de demander que cessent les privilèges d'une catégorie de la population. De faire en sorte que toutes les singularités artistiques soient représentées, sans que le sexe devienne un critère d'emblée discriminant (même s'il l'est souvent inconsciemment). C’est aussi et d’abord une question de démocratie. De plus, en restaurant une histoire de l'art qui ne soit pas tronquée d'une partie de ses actrices, on ne fait pas qu'ajouter des noms, on modifie parfois certaines idées reçues, certaines chronologies qui n'avaient été établies qu'à partir des œuvres d'hommes. Ainsi, la découverte d'une musicienne qui, durant la Révolution française avait composé une musique préromantique, permet de réenvisager les débuts du Romantisme en musique.

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    Les médiateurs de nuit, entre tranquillité publique et intervention

    sociale

    Majda Oussaïef, étudiante Master 2

    études économiques et sociales, université Paris I

    Après plusieurs mois de concertation et d’études, un service de médiation nocturne est mis sur pied le 1er juin 2011, sous forme d’un GIP (groupement d’intérêt public), opérant dans le centre ville de Saint-Denis.

    Deux ans après, le GIP médiation nocturne propose, dans le cadre d’un stage en collaboration avec le secteur des études locales, de faire le point sur cette réalisation, en interrogeant d’une part la question du métier de médiateur et d’autre part la manière dont se positionne le service entre social et tranquillité publique. Majda Oussaeïf a réalisé une étude dont la méthode essentielle, l’observation participante, lui a permis d’accompagner les médiateurs au cours de 38 maraudes, mais également à l’intérieur du local de l’équipe. Elle a ainsi pu mener sa réflexion à partir du travail en pratique, analysé en lien avec les entretiens et documents institutionnels recueillis.

    Selon Michèle Guillaume Hofnung, la médiation se définit comme un processus « reposant sur la responsabilité et l’autonomie des participants, dans lequel un tiers – impartial, indépendant, sans pouvoir de trancher ou de proposer (sans pouvoir décisionnel ou consultatif) avec la seule autorité que lui reconnaissent les médiés – favorise par des entretiens confidentiels

    l’établissement, le rétablissement du lien social, la prévention ou le règlement de la situation ».

    Genèse et contexte

    Saint-Denis est une ville à la démographie dynamique, s’accroissant de 25% entre 1999 et 20113. Elle compte désormais près de 109 000 habitants. Véritable pôle d’emploi au sein de la communauté d’agglomération Plaine Commune, elle accueille de nombreuses entreprises, notamment dans les quartiers Plaine et Pleyel. Ses habitants connaissent cependant d’importantes difficultés. Le chômage y est deux fois supérieur à la moyenne nationale et le revenu de ses habitants très nettement inférieur à cette moyenne 4 . Malgré l’importance du nombre de constructions neuves sur la ville, la question de l'insalubrité du parc ancien reste très présente, et la dernière possibilité de se loger pour les familles les plus précaires.

    Les rues et places du centre ville de Saint-Denis

    3 Source Insee, Recensements de la population.

    4 Voir dans ce numéro l’article, Les grandes tendances

    socio-économiques à Saint-Denis

  • Tranquillité publique

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    sont emblématiques à la fois d’une ville attractive et dynamique (forte présence liées aux gares, au marché, aux commerces, aux administrations, aux fêtes collectives très investies) et d’un usage lié à une économie de précarité (ex : vente à la sauvette, trafics). Les rapports sociaux sont parfois tendus du fait d’une forte hétérogénéité sociale. Les problèmes de sécurité y sont pointés comme particulièrement nombreux et récurrents. Le centre ville est ainsi classé zone de sécurité prioritaire en 2012.

    Si la médiation nocturne émane de la volonté des élus municipaux, elle n’est pas créée pour régler des questions de sécurité mais pour améliorer – apaiser - le cadre de vie des habitants. Le service s’inscrit dans un projet plus large initié dès 2005, dans un contexte de forte dégradation liée à l'arrivée d’un trafic de crack dans le quartier de la gare.

    Un dispositif original qui marque un jalon dans l’histoire de la médiation et qui contribue à sa reconnaissance

    La médiation nocturne à Saint-Denis est avant tout un dispositif original organisé sous la forme d’un Groupement d'intérêt public (GIP). Le GIP associe plusieurs acteurs de droit moral publics et privés. Cette coopération permet d’atteindre des objectifs communs grâce à une mutualisation des moyens, impossible dans le cadre d’une initiative individuelle. Surtout, il marque une rupture avec l'histoire de la médiation. Le GIP est une structure dont la durée est de 5 ans renouvelables. Elle traduit la volonté des élus d’intégrer ce nouveau dispositif de façon durable à la politique locale, sans s’intégrer dans le dispositif des emplois aidés. Ainsi, son existence ne dépend pas des crédits de la politique de la ville, contractualisés avec l’Etat chaque année, mais du droit commun, et des acteurs locaux.

    Traditionnellement, les professionnels de la médiation sont en effet recrutés sur des contrats atypiques largement financés par la politique de la ville. Ces postes étaient destinés à ne pas durer.

    Ici, les médiateurs sont en CDI.

    Les médiateurs bénéficient d’une formation d'un mois avant leur prise de poste, qui se poursuit tout au long de leur travail. Dès le départ, les missions qui leur sont déléguées ont fait l’objet de définitions claires et partagées entre les différentes partenaires du GIP, contrairement à la situation de structures de médiations plus traditionnelles, partant de missions plus floues qui se précisent au fur et à mesure. Si le cadre de la politique de la ville a favorisé l’émergence de ce nouveau métier, le GIP médiation nocturne de Saint-Denis correspond pleinement à une étape de professionnalisation de ces pratiques.

    Pour se faire, divers moyens sont mobilisés. En premier lieu, le GIP contribue à former des médiateurs et donc à compléter le premier socle de la formation académique. Si les diplômes sont nombreux, ils ne sont pas totalement adaptés à la médiation nocturne de terrain, spécifique, qui nécessite d’adapter les pratiques.

    Par ailleurs, en participant à des conférences et à des groupes de réflexion, le directeur du GIP contribue à la lisibilité de la profession, il fait connaître la médiation sociale, balise et reformule au sein de l’équipe les questions propres à être traitées par la médiation.

    Enfin, du coté des médiateurs, l’engagement dans des partenariats leur permet de mener à bien leurs missions et de spécifier et de faire connaître les savoir-faire des médiateurs aux autres professionnels.

    Le travail des médiateurs

    Le service fonctionne du mardi au samedi. Les médiateurs travaillent de 18h à minuit sauf le vendredi et le samedi où ils effectuent une heure de plus. La première demi-heure est consacrée au débriefing pendant lequel chaque groupe présente à ses collègues ses actions de la veille.

    Deux temps de maraudes5 sont prévus chaque soir, en équipe de 3 ou 4 personnes, sur les 5

    5 Terme employé par les médiateurs eux-mêmes

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    secteurs composant le périmètre de travail. Le premier commence à 18h30 et se termine à 20h30, tandis que le deuxième commence à 22h et se finit à 23h30. Aucune attention n’est portée au fait que les secteurs sont visités en première ou deuxième partie de soirée. Pour autant, pendant mon observation, chaque secteur a été couvert autant de fois en première ou en seconde maraude.

    Après chaque retour de maraude, une demi-heure est réservée à la rédaction des rapports synthétisant les évènements de la soirée. L’heure de repas, comprise dans le temps de travail, est à 21h. Il se peut que les maraudes durent plus longtemps parce qu’une « médiation » s’est prolongée. Dans ce cas, les horaires sont décalés, le retour final peut ainsi dépasser 23h30. La rédaction de la seconde fiche sera alors repoussée au lendemain.

    Le service dispose d’un numéro de téléphone que les habitants peuvent appeler pendant les heures de service. Lorsqu’ils sont au local, tous les médiateurs peuvent réceptionner l’appel. Lors des maraudes, l’appel est transféré sur le portable d’un des chefs d’équipe. Chaque groupe de maraude dispose d’un téléphone. Le chef d’équipe peut soit gérer la demande soit appeler une autre équipe si elle se situe dans le secteur correspondant.

    Du prescrit au réel

    Sur les six heures quotidiennes de travail, 3h30 sont dévolues aux maraudes. Le reste du temps, un travail important est fait au local. Le bilan d’activité daté de septembre 2012 reprend les missions attribuées aux médiateurs. Respectueuses de la charte de référence de la médiation sociale, elles se déclinent de la manière suivante :

    Assurer une présence rassurante pour que l’espace public soit davantage un lieu d’échanges et de tranquillité (Effectuer des maraudes itinérantes dans l’espace public et dans les parties communes de

    certains bailleurs)

    Résoudre des conflits par la médiation (nuisances et violence sur la voie publique, occupation de parties communes, conflit de voisinage),

    Faire le lien avec les services publics (contacts, évaluation des situations en vue de procéder à l’accompagnement ou l’orientation des personnes),

    Informer des événements et des services, orienter les usagers de l’espace public vers les Institutions,

    Nouer un dialogue avec les habitants, commerçants, usagers (aller au devant des habitants, des commerçants, des jeunes, etc., faire remonter les ressentis, les difficultés des personnes rencontrées, etc.)

    Appeler, si besoin, les autorités compétentes (police, pompiers, urgences, Samu social, etc.)

    Au fil du temps, les actions des agents se sont précisées et le travail se façonne avec la pratique. L’équipe a pu bénéficier d’une autonomie et du travail collectif leur permettant de traduire sur le terrain les missions confiées en construisant le sens de leur action. Au final, on peut ainsi définir les champs d'action des médiateurs :

    Nuisances et incivilités

    Conflits de voisinage

    Signalement de la présence de publics particuliers et de nuisances

    Veille sociale et suivi personnalisé

    Mise à contribution des habitants dans leurs actions

    La présence sur l’espace public constitue la mission première de l’équipe. Pour autant, un travail invisible, à la fois pour les habitants du quartier comme pour l’administration est réalisé au local. Les synthèses hebdomadaires des activités destinées à informer les mandataires du GIP n'en font pas explicitement état. Ce travail de

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    retour des maraudes s’avère cependant essentiel, pour permettre aux médiateurs d'assurer leurs fonctions, mais également qui donne sens à celles-ci.

    Au delà des maraudes, les formations, réunions, tâches administratives telles que la rédaction des fiches de maraudes, contribuent à la réflexion et à la communication autour de la mission. Par exemple, ce sont les médiateurs eux-mêmes qui travaillent à l’élaboration de nouveaux outils pour rendre compte de leurs actions. Plus tard, ces outils constitueront des indicateurs d’évaluation du service.

    Par ailleurs, le travail évolue, par exemple avec des rendez-vous donnés au local ou le traitement de dossiers individuels, nous y reviendrons.

    Une typologie d’usagers issue de, et orientée pour, la pratique professionnelle

    Les médiateurs ont établi une typologie de personnes cibles, en référence aux problématiques décelées et aux types de réponses à donner. Construites à partir des savoirs accumulés par la pratique, les catégories élaborées contribuent à cadrer les relations avec les usagers et permettent la communication et la transmission entre collègues. Il s’agit d’une typologie construite et orientée vers l’objectif de déterminer l’action la plus adaptée. 6

    Ainsi, la catégorie des « Jeunes » n’est pas définie par le critère de l'âge mais par la problématique de l’insertion professionnelle. Le « jeune » est au chômage, il cherche un emploi ou une formation.

    Quel que soit l’âge, la catégorie « jeune » concerne à la fois, dans le langage des médiateurs, des personnes qui sont au chômage (chômeur découragé, en recherche ou travail illégal) et qui habitent à Saint-Denis. Ces personnes font l'objet ou sont susceptibles de faire l'objet d'une

    6 Cf. Sophie Dalle –Nazebi, in sociologies pratiques n°

    24, 2012 : “La construction des savoirs des agents de centres d’appels d’urgence : entre individualisation et standardisation“

    interaction récurrente avec les médiateurs, voire d’une aide de leur part pour leur insertion professionnelle (orientation).

    Globalement, les catégories ainsi construites sont au nombre de 4 : Les habitants, les jeunes, les toxicomane, les SDF et personnes très précaires.

    Cette classification est opératoire, destinée à faciliter la pratique professionnelle. Elle répond à plusieurs fonctions.

    Dans un premier temps, elle a permis au service de mieux connaître son environnement, tout en l’ordonnant. Facilitant la communication entre les médiateurs et entre les médiateurs et le service administratif du GIP, ces catégories permettent également de s’entendre avec les autres acteurs (mandataires du GIP et partenaires). Cette classification est d’ailleurs commune à d’autres services de la ville, elle est construite en fonction de l’organisation de l’action publique. La distinction faite entre les sans abris et les toxicomanes révèle par exemple l’organisation de l’accueil des publics entre la Maison de la Solidarité et le Caarud7 à Saint-Denis. Dès lors qu’un SDF est usager de produits illicites, il est mis en relation avec le Caarud. Dans les autres cas, il peut être accueilli à la Maison de la Solidarité.

    Ces catégories partagées permettent ainsi de faire circuler les informations précises et efficaces rapidement, notamment pour transmettre des adresses qui pourront réellement accueillir les personnes ainsi orientées.

    En revanche, ces catégories n’influencent absolument pas les techniques d'approche, la posture et le comportement des médiateurs, identiques, que l'usager soit un habitant, un jeune, un toxicomane etc. La relation avec les personnes au cours des interactions générées par les médiateurs ne semble pas différer selon ces catégories.

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    Centre d’Accueil et d’Accompagnement à la Réduction des Risques liés à l’Usage de Drogues de l’Association Proses. Accueil médical et psycho-social à destination des consommateurs de stupéfiants et des riverains

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    A la jonction entre tranquillité publique et travail social

    Les missions de médiation se situent clairement dans le champ de la tranquillité publique et celui de l’intervention sociale, mais considérés comme deux champs bien séparés. L’inscription dans le second est réaffirmée pour limiter les attentes de solutions quant à la sécurité dans l’espace public et à bien délimiter les missions des médiateurs au regard de celles de la police. Cependant, la pratique du travail de médiation telle qu’elle est construite par les professionnels brouille ces frontières. Cette porosité provient directement de la définition que se font les médiateurs de leur travail.

    La déambulation dans l’espace public est bien, par la seule présence des médiateurs, l’expression de l’objectif de tranquillité, par l’occupation de l’espace par des professionnels de la tranquillité. Cette déambulation est parfaitement cadrée et quelle que soit la probabilité d’effectuer des médiations sur le trajet, celui-ci est effectué. Les synthèses hebdomadaires constituent une forme de lisibilité administrative de cette présence dans les rues. Cependant, les médiateurs utilisent le terme de maraude pour rendre compte de cette déambulation, nous y reviendrons.

    Lors de leurs interventions à l’occasion de nuisances et d’incivilités, lorsque ces dernières sont constatées et les médiateurs sollicités pour cela, ces derniers vont parler de « sensibilisation » plutôt que d’un rappel à la loi pour qualifier leur intervention. D’ailleurs, une fois le calme revenu, l'intervention des médiateurs peut se poursuivre.

    Mardi 7 mai, à 19h10, les médiateurs sont intervenus auprès d’un groupe de toxicomanes très bruyants et agités. Ils ont dispersé le groupe et isolé l’individu qui causait le plus de nuisances. L’homme s’est confié aux médiateurs sur son problème d’addiction. (Extrait, compte rendu des médiateurs)

    L’utilité sociale donne sens au métier

    Pour les professionnels, si l’action est bien ancrée dans ses deux champs de référence, (tranquillité et social) la finalité sociale est ce qui donne le sens à la mission de médiation.

    Le partenariat à l’intérieur du GIP avec plusieurs mandataires est très important dans ces circonstances. Il permet aux médiateurs de bénéficier d’un plus grand périmètre d’action. Cela leur permet d’installer une certaine continuité de l’action et d’élaborer ce sens « social » de la médiation.

    Ainsi, le travail des médiateurs dépasse la mission de l’apaisement « ici et maintenant » de l’espace public mais vise d’une part à identifier les différents problèmes rencontrés, à les partager avec leurs partenaires et d’autre part à connaître les publics et tisser avec eux des relations plus suivies. Entrer dans les halls pour « sensibiliser » aux bons comportements prend du sens si le contact établi avec les jeunes leur permet de tisser des liens de confiance, et de les aider.

    S’agissant des conflits de voisinage, les médiateurs ne se contentent pas d'interroger les personnes sur le conflit mais ils élargissent leurs questions afin de mettre en évidence d'éventuels autres problèmes. Ainsi, une personne mise en cause pour un conflit de ce type peut par la suite faire l’objet d’un suivi plus individuel.

    Au demeurant, les médiateurs améliorent la formalisation de ces suivis par la mise en place de dossiers et d’outils dédiés à cette fonction.

    Mercredi les médiateurs ont rendu visite à une dame habitant au * et souffrant de troubles psychologiques. Ils suivent cette personne depuis quelques temps notamment dans le cadre d’un conflit de voisinage. Ces relations avec ses voisins se sont améliorées.

    Nous avons vu que les médiateurs tenaient à garder un discours éloigné du lexique de la contrainte et du rappel à la loi. De la même façon,

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    ils veillent à garder une certaine distance avec les forces de l'ordre. Si les médiateurs croisent pendant les maraudes des policiers nationaux ou des CRS, ils ne les saluent pas pour ne pas que les approches respectives soient confondues. Ce comportement est circonscrit à ces seuls corps de métiers.

    Dans le registre de ce qui donne sens à l’action, L'utilisation du terme de maraude pour qualifier l'activité de déambulation dans l'espace public n’est pas anodine. Ce terme est directement emprunté au milieu associatif de lutte contre l'exclusion. On trouve sa définition dans une charte établit par ces associations. La maraude « consiste à prendre l’initiative d’une rencontre avec une personne vivant dans l’espace public, la rue ou tout autre lieu précaire ».

    Cet ancrage du sens de l’action dans le champ du social ne constitue pas un dévoiement par rapport aux objectifs du service. Pour les promoteurs du GIP, les médiateurs n'ont pas été recrutés sur des critères physiques. Il n’était pas question de recruter des personnes sportives, sensées impressionner –dissuader- les usagers de l’espace public. Les recrutements se sont conclus, semble-t-il, à partir des parcours de vie et des expériences professionnelles. Etaient recherchées avant tout les compétences permettant de développer le recul nécessaire dans des situations difficiles et de travailler en équipe.

    Ce positionnement professionnel est sans cesse mis en travail collectivement. L’attitude d’un collègue – en trop grande proximité par exemple - lors d’une médiation peut être discuté directement dans l’équipe lors de la maraude. Ces questions peuvent être également travaillées au local, dans des séances de débriefing ou en réunions plus formelles.

    Le collectif de travail est ainsi un élément fondamental du travail de médiation. Plus encore que pour un poste de médiateur positionné seul dans la médiation, la médiation est ici toujours collective. Concrètement, au sein des maraudes, les rôles sont définis entre chacun, les synthèses se rédigent par équipe et l’évolution du travail se définit également collectivement. L’entente entre collègues est nécessaire, pas seulement pour

    travailler dans « une bonne ambiance » mais pour assurer ce collectif de travail, condition indispensable du travail lui-même.

    Des professionnels reconnus

    Cette présence dans l’espace public assurée par la déambulation, en dehors même des interactions avec les publics cibles, semble reconnue, par les riverains et par les mandataires. La déambulation est créditée de la diminution du sentiment d'insécurité.

    Par ailleurs, le service semble également reconnu pour sa professionnalité dans le champ de la médiation. Les témoignages recueillis sur le terrain montrent que les habitants (riverains) ont bien accueilli ce service et qu'ils l'utilisent.

    Par ailleurs, cette professionnalité s’exprime également par la confiance que les médiateurs ont réussi à instaurer avec les usagers de l’espace public, confiance accordée au service plus qu'aux individus qui le composent. Lors d'une maraude, les usagers se confient à eux en ma présence alors qu'ils me rencontrent pour la première fois.

    Mais il existe des limites. Les médiateurs ne peuvent à eux seuls endiguer les comportements déviants et ce service ne peut répondre aux « troubles » sur l’espace public causés par des groupes importants. La médiation suppose de l’interaction verbale avec des individus, impossible à réaliser lors de rassemblements. La présence de groupes autour de la gare perturbant la vie quotidienne des riverains est récurrente. Plusieurs plaintes sont adressées aux services de la mairie mais aussi aux médiateurs directement. Pour autant, leurs actions se limitent à vérifier qu'il n'y a pas de débordements (violence) et à faire remonter les informations.

    Samedi à 22h50, les médiateurs ont rencontré un groupe d’une vingtaine de personnes d’origine antillaise fortement alcoolisées sur la Place des Tilleuls. Le groupe s’apprêtait à quitter les lieux pour se rendre à une fête.

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    Secteur Gare/Église Saint-Denis de l’Estrée

    Vendredi le secteur était particulièrement calme et l’ensemble des bars du secteur était fermé bien avant minuit.

    En revanche, le quartier était animé samedi soir. Vers 23h00, les médiateurs ont rencontré un groupe d’une soixantaine de personnes d’origine capverdienne dans la rue Renan devant le bar L’Etoile d’or. De petits groupes mixtes de 5 à 10 personnes discutaient bruyamment en consommant de l’alcool. Les médiateurs ont eu des difficultés à entrer en contact avec eux. Les médiateurs sont restés dans le secteur jusqu’à ce que le groupe se disperse peu à peu.8

    La médiation nocturne telle qu’elle se donne à voir dans le cadre du GIP est une réponse apportée à une configuration politique et locale précise. Ni travail social, ni maintien de l’ordre public purs ; le travail de l’équipe de médiation nocturne s’est élaboré collectivement, à partir de prescriptions précises afin de développer des éléments de professionnalité forts.

    Ceux-ci s’expriment dans le cadre de la déambulation dans l’espace physique, et des interactions qui s’y déroulent, répondant ainsi à l’impératif de visibilité qui participe de la réassurance des riverains et des commanditaires.

    Ces interventions sont reliées par la connaissance pratique des secteurs et des populations probables, mais également par l’interconnaissance qui se tisse avec des usagers particuliers. Ce territoire familier permet de construire, de projeter, de donner sens à son action. Cette élaboration se fait essentiellement en référence aux individus et à leur mieux-être.

    Ce faisant, cette élaboration participe à développer et à inscrire la médiation dans l'ensemble des outils travaillant la cohésion et la régulation sociale, largement valorisés par les pouvoirs publics. En ce sens, elle ne peut être

    8 Synthèses hebdomadaires

    évaluée en fonction d’un objectif de résolution des problèmes de l’espace public, attente, certes non formulée, mais présente.

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    Les grandes tendances socio- économiques à Saint-Denis

    Evolution 1999-2010

    Sources Insee, recensements de la population

    Secteur des études locales

    Les données du recensement étant produites par sondages en agrégeant 5 années de collectes, des variations annuelles ne peuvent être produites, car statistiquement infondées. Il s’agit donc ici d’établir une analyse de l’évolution de la ville portant sur la période 1999-2010 et remplaçant celle présentée pour l’année de référence 2009.

    Les données statistiques portant sur l’ensemble de la ville concernent l’année 2010 même si depuis le 1er janvier 2014, nous disposons du chiffre de la population légale 2011 : la population totale légale est de 108907 habitants.

    Les données statistiques locales rendent compte de manière globale de ces évolutions mais ne permettent que partiellement de comprendre la pluralité des facteurs qui les a générées. L’évolution du nombre de résidences principales est liée bien sûr à la politique locale de construction de logements neufs, mais encore faut-il que des ménages viennent y loger. L’environnement proche va également influer sur ce qui se passe à Saint-Denis (tension immobilière), de même que la conjoncture économique et les politiques nationales en matière de logement et de solidarité.

    Autre limite de la statistique locale standardisée et de l’interprétation de l’évolution des valeurs, elle pense territoire et non population : il est difficile d’utiliser les statistiques locales comme indicateurs d’évaluation de l’action publique car les mobilités résidentielles ne permettent pas d’intégrer l’ensemble des populations qui en ont bénéficié.

    Depuis 1999, période dont on disait de Saint-Denis qu’elle était à la « croisée des chemins »9, force est de constater que certains chemins se dessinent clairement, quand d’autres présentent des contours plus diversifiés et complexes.

    9 « Saint-Denis à la croisées des chemins », coord JC VIDAL » 1999

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    Une forte croissance démographique

    La population municipale10 de Saint-Denis est passée de 85 994 à 107762 habitants de mars 1999 à janvier 2011, soit un solde de + 21768 unités, représentant une augmentation de 25,3% sur la période et une variation annuelle de +2,1%. Cette évolution vient en rupture avec le recul démographique enregistré entre 1968 et 1999. Elle n’est pas spécifique à Saint-Denis : le département de la Seine-Saint-Denis (+10,7%) connait la même tendance, dans une moindre mesure cependant. La population de Plaine Commune s’accroît de +30%, correspondant à l’entrée dans la communauté d’agglomération de Saint-Ouen. 11

    L’accroissement de la population s’exprime à la fois par un solde naturel qui passe de +1,2 à + 1,6 en variation annuelle et par un solde apparent annuel entre entrées et sorties du territoire désormais positif : de -1,7 entre 1990 et 1999, il atteint 0,4 entre 1999 et 2010.

    Ces deux indicateurs sont liés. En effet, la mobilité est plutôt le fait des jeunes ménages. 45% des 25-39 ans n’habitaient pas la ville cinq ans auparavant contre seulement 27% pour l’ensemble de la ville. 12

    10 La population municipale correspond à l'ensemble des personnes dont la résidence habituelle se situe sur la commune, à savoir : -la population des résidences principales (ou population des ménages) - la population des personnes vivant en communautés ; - la population des habitations mobiles, les sans-abris et les mariniers rattachés au territoire. La population totale légale (108907 habitants) considère en plus la population comptée à part : résidents des casernes, internes des établissements scolaires, personnes sans domicile fixe recensées ailleurs mais rattachées à la commune, les personnes vivant en collectivité dans une autre commune déclarant une adresse personnelle à Saint-Denis, les étudiants logés hors commune et hors collectivité déclarant une adresse personnelle à Saint-Denis 11 Au sein de Plaine Commune, les villes connaissent un développement démographique différencié, les taux d’évolution allant de +4 à +25% de population. 12

    Données 2008, indisponibles en 2010

    Evolution démographique - comparaison Saint-Denis, PC, dept 93

    (base 100= 1962)

    70

    80

    90

    100

    110

    120

    130

    140

    1962 1968 1975 1982 1990 1999 2010

    Saint-Denis Plaine Commune Seine-Saint-Denis

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    L’arrivée de jeunes ménages sur la commune favorise la présence de jeunes enfants et de futures naissances. Sans surprise, nous constatons donc un accroissement remarquable des tranches d’âge autour de 30-34 ans et des très jeunes enfants. 6019 enfants de moins de 5 ans habitaient Saint-Denis en 1999, ils sont 10355 en 2010 (+72%)

    Pyramide des âges – comparaison 1999-2010

    50,5% de femmes en 1999, 50,4% d’hommes en 2010, la répartition hommes / femmes reste équilibrée.

    -6000 -4000 -2000 0 2000 4000 6000

    Moins de 5 ans

    10 à 14 ans

    20 à 24 ans

    30 à 34 ans

    40 à 44 ans

    50 à 54 ans

    60 à 64 ans

    70 à 74 ans

    80 à 84 ans

    90 à 94 ans

    100 ans ou plus Femmes 1999

    Femmes 2010

    Hommes 1999

    Hommes 2010

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    Des évolutions différenciées selon les quartiers

    Evolution de la population selon les territoires Démarches Quartier

    % évolution population 1999-2010

    -20,00,0

    20,040,060,080,0

    100,0120,0140,0160,0180,0

    MBR

    CDB FS

    CCV

    BSD

    GPL

    SP

    FMBA

    allen

    de RG Tota

    l

    JCSR

    CC

    PPSD

    F

    cosm

    o601

    pley

    el

    plain

    e

    La Plaine + 9140

    hab

    RG +2672 hab

    Pleyel +2406 hab

    Sans surprise, le quartier Plaine, et dans une moindre mesure Pleyel, connaissent des accroissements de population particulièrement importants, en lien avec la construction de logements neufs dans ces quartiers.

    Population totale Evolution 1999-2010Effectifs en %

    1999 2010 1999 2010 1999-2010 1999-2010

    MBRC 5649 5339 6,5 5,0 -310 -5,5

    FSC 6977 6668 8,1 6,2 -309 -4,4

    DB 9378 8948 10,8 8,4 -430 -4,6

    cosmo IRIS 601 1984 2069 2,3 1,9 85 4,3

    CVB 5963 6009 6,9 5,6 46 0,8

    FMBA 9375 10897 10,8 10,2 1522 16,2

    SDG 4342 4934 5,0 4,6 592 13,6

    PLSP 5960 6794 6,9 6,4 834 14,0

    RG 11325 13997 13,1 13,1 2672 23,6

    allende 4276 5256 4,9 4,9 980 22,9

    PPSDF 6920 8738 8,0 8,2 1818 26,3

    JCSRCC 4934 6199 5,7 5,8 1265 25,6

    pleyel 3416 5822 4,0 5,5 2406 70,4

    plaine 5973 15113 6,9 14,2 9140 153,0

    Commune 86472 106785 100 100 20313 23,5

    Effectifs %

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    En revanche, d’autres quartiers voient également leur population augmenter, moins du fait de l’augmentation du nombre de logements que de celle de l’occupation de ces logements.

    Un dynamisme démographique permis par l’augmentation du parc de logements et la diminution de la vacance des logements.

    L’augmentation de la population est en partie due à celle du parc immobilier de la ville (solde positif de + 5731 unités, soit +15% de logements supplémentaires) mais également à la progression de son occupation, puisque le nombre de logements vacants13 a diminué de moitié (5,5% de logements vacants en 2010 contre 11,6% en 1999).

    En 2010, le parc est composé de 44 115 logements, dont 41285 résidences principales et 2425 logements vacants. La taille des ménages n’a pas diminué, demeurant à 2,5 personnes par résidence principale.

    La forte progression de la construction de logements dans la période a quelque peu modifié la structure du parc de logements. La part des logements anciens décroît fortement, passant de 38% à 31%. A l’inverse, près de 13% des logements recensés dans la ville ont été construits après 1999, soit environ 3600 logements14.

    La diminution du parc ancien n’est pas que relative. En chiffres absolus, le nombre de logements datant d’avant 1949 a diminué d’environ 1200 unités.

    Parc de logements selon l’ancienneté – évolution 1990,1999, 2008

    1990 1999 effectifs %

    Avant 1949 16640 14513 13 318 31,1De 1949 à 1974 15706 15116 14 933 34,9de 1975 à 1989 5289 5718 6010 14,1De 1990 à 1998 - 3037 2 845 6,7De 1999 à 2005 - - 5 662 13,2Ensemble 37635 38384 42 768 100

    2008

    Source INSEE RGP 1999 – RP2008, données indisponibles 2009 et 2010

    Le taux de vacance immobilière est passé de 11,6% à 5,5% entre 1999 et 2010. La progression du nombre de résidences principales (logements occupés) est donc plus importante que celle des logements avec 7920 résidences principales supplémentaires, +24% en 11 ans. Aujourd’hui, Saint-Denis comprend 41285 résidences principales, soit

    13

    Il s’agit des logements vacants au sens du recensement : un logement vacant est un logement inoccupé se trouvant dans l'un des cas suivants : - proposé à la vente, à la location ; - déjà attribué à un acheteur ou un locataire et en attente d'occupation; notamment des logements en cours de travaux - en attente de règlement de succession ; - gardé vacant et sans affectation précise par le propriétaire (exemple un logement très vétuste...). 14

    Données 2008, indisponible en 2009 et 2010

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    autant de ménages résidents.

    Le recul en nombre absolu du nombre de logements anciens atteste du processus de renouvellement urbain. Cependant, de nombreux logements du parc ancien vacant en 1999 sont aujourd’hui occupés. Aussi, en données brutes, le nombre de résidences principales, c'est-à-dire de logements occupés, datant d’avant 1949, a légèrement augmenté : de 11655 unités en 1999, elles passent à 1212215 unités en 2008. En d’autres termes, ce parc de logements étant bien souvent