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SOS-TORTURE

SOS - Torture

SOS-TORTURE

SOS - Torture

SOS-TORTURE

Rapport trimestriel sur la situation des droits de l'homme au Burundi du 1er janvier au 31 mars 2019

Dilemmes totalitaires : pluralisme politique ou parti unique ?

Mai 2019

1.Contexte socio-politique4

2.Atteintes au droit à la vie et à l’intégrité physique6

2.1.Assassinats perpétrés par des individus non identifiés sur des personnes non identifiés7

2.2.Assassinats ciblées par des individus restant non identifiés8

2.3.Violations du droit à la vie dans lesquelles des auteurs présumés ont été identifiés et arrêtés8

2.4.Assassinats attribués à des agents des forces de l’ordre9

2.5.Attaques persistantes à la grenade : règlements de compte et activisme politique10

3.Atteintes au droit à la liberté et à la sécurité physique11

3.1.Des agents présumés de la police impliqués dans des cas de torture diffusés sur les médias sociaux : en toute impunité12

3.1.1.Une victime de torture par des policiers condamnée par un tribunal : des entorses à la loi12

3.1.2.Une autre victime de torture filmée par des agents de police12

3.2.Traitements inhumains et dégradants attribués à des éléments de la milice imbonerakure13

3.3.Arrestations attribuées à des agents de la police nationale : presque toujours politiquement motivées14

3.4.Arrestations imputables à des éléments de la milice imbonerakure : une cheville ouvrière de la répression16

3.5.Arrestations arbitraires imputables aux agents du SNR17

3.6.Atteintes aux libertés de réunion, de propriété et rançonnements intempestifs de la population18

3.6.1.Des violations de la liberté de réunion devenues systématiques18

3.6.2.Violations du droit de propriété18

4.Contributions forcées et extorsions : multiples et intempestives19

4.1.A Makebuko et Rumonge : des populations ballotées20

4.2.Des enseignants de plus en plus menacés à payer de multiples contributions forcées20

5.Détentions illégales et dysfonctionnements de la justice21

5.2. Détention illégale de 5 jeunes du MSD21

5.2. Détention illégale d’une personne après torture21

5.3. Isolement d’un détenu se trouvant dans un état de santé critique21

5.4. Surpopulation inquiétante à la prison centrale de Muramvya22

6.Conclusion22

Recommandations23

Au Gouvernement du Burundi :23

A la Communauté de l’Afrique de l’Est :23

A la Communauté Internationale:24

1. Contexte socio-politique

Environ quatre ans après le déclenchement de la crise en cours au Burundi, en dépit de quelques variations d’intensité, les caractéristiques et les tendances des violations des droits de l’homme sont invariablement les mêmes : massives et systématiques. Les auteurs présumés de ces violations sont quasi exclusivement des agents de l’État, relayés ou appuyés de plus en plus par des membres de la milice imbonerakure. Tous ces actes bénéficient d’une totale impunité.

Après la radiation des organisations burundaises de défense des droits de l’homme et l’exil de la majorité de leurs membres et leaders, le gouvernement a décidé de passer à la vitesse supérieure dans le verrouillage de l’espace démocratique, en décidant la fermeture du Bureau des Nations Unies aux droits de l’homme. Cette décision est entrée en vigueur le 28 février 2019, parachevant la volonté affirmée du gouvernement burundais de mettre fin à la coopération avec les organismes onusiens des droits de l’homme, arguant que le pays a fait suffisamment de progrès pour mettre en place des mécanismes nationaux de protection des droits de l’homme, de sorte que l’existence du Bureau ne soit plus justifiée[footnoteRef:1]. S’agit-il d’une volonté de poursuivre la violation des droits de l’homme, à huis clos, et sans témoins ? [1: http://frontieresdafrique.com/2019/03/05/burundi-fermeture-du-bureau-des-droits-de-lhomme-des-nations-unies/]

Les mesures prises à l’égard de deux principales radios internationales semblent bien le confirmer. En effet, pour renforcer ce blackout, le gouvernement burundais, à travers la Conseil National de Communication, a prolongé les sanctions qui touchent deux radios internationales émettant en Kirundi, la Voix de l’Amérique (VOA) et la British Broadcasting Corporation (BBC). La première a été suspendue jusqu’à nouvel ordre et pour la seconde, l’ordre d’exploitation a été retirée. La BBC est accusée de ne pas avoir respecté sa précédente suspension avec la diffusion d'un documentaire qualifié par les autorités burundaises de « calomnieux » et d’« accablant » pour le pays. En ce qui concerne la « Voice of America », le Conseil National de la communication (CNC) lui reproche d'avoir maintenu au sein de sa rédaction un journaliste burundais, Patrick Nduwimana, visé par un mandat d'arrêt international émis par le Burundi pour des violences intervenues avant le putsch manqué de mai 2015[footnoteRef:2]. [2: http://www.rfi.fr/afrique/20190330-burundi-medias-bbc-voa-nouveau-sanctionnees-bankumukunzi-rsf]

Ces sanctions sont un signe de plus que les libertés sont extrêmement contraintes et restent en étroite surveillance par le pouvoir au Burundi. L’agrément du nouveau parti, le Conseil National de libération, dirigé par Agathon Rwasa, le 14 février 2019, après plus de cinq mois d’une procédure sinueuse, avait été interprété par certains comme un signe d’ouverture. Mais aussitôt après, des entraves systématiques posées par le pouvoir au fonctionnement de ce parti suscitent des interrogations. Dans ce cadre, pour bloquer les activités de ce nouveau parti, le pouvoir lui a d’abord interdit d’inaugurer sa permanence à Bujumbura, ensuite ses militants sont systématiquement pourchassés à travers tous les coins du pays. En effet, juste après l’agrément, des policiers et des miliciens imbonerakure ont arrêté plusieurs membres présumés du CNL, certains d’entre eux ont même été tués.

Toutes ces violations bénéficient d’une totale impunité à l’instar de la torture pratiquée au vu et au su de tout le monde, sans qu’aucun des auteurs ne soit inquiété. Cela a été le cas lors de deux séances de torture filmées, et diffusés sur les réseaux sociaux. Des éléments de la police sont présumés être les auteurs de ces actes de torture mais n’auraient jamais été poursuivis pour ces forfaits.

En toute impunité aussi, des policiers ont été impliqués dans deux assassinats. L’un d’un conducteur de taxi vélo, abattu à bout portant, dans la ville de Bujumbura. Dans l’autre cas, un policier a tiré sur quatre personnes à Gatumba qui ont immédiatement été tuées.

Un autre élément marquant, qui montre l’arbitraire qui caractérise le pays, aura été l’arrestation de trois jeunes filles écolières de la province de Kirundo. Elles étaient accusées d’avoir gribouillé la photo du Président Pierre Nkurunziza se trouvant dans un de leurs livres de classe. Ces écolières de Kirundo ont été arrêtées, condamnées et emprisonnées à Ngozi. Comme la loi burundaise ne définit aucune infraction relative au gribouillage, l’emprisonnement de ces jeunes filles était totalement arbitraire. Heureusement, elles ont bénéficié d’une libération provisoire, après six jours de détention, à l’aune d’une vaste campagne internationale en faveur de leur libération.

Sur les aspects socio-économiques, deux évènements importants sont à retenir. La poursuite de « collectes » forcées, en particulier opérées auprès des enseignants pour les élections de 2020. Ces collectes s’opèrent sans contrôle de l’administration et parfois sous de fortes menaces par des autorités provinciales en charge de l’enseignement.

L’actualité du trimestre a été aussi marquée par les pillages des maisons, situées à Bujumbura, appartenant à des opposants politiques et officiers de haut rang en exil. Ces actes de vandalisme et d’occupation illégale commis par des agents de police ont été consécutives à l’annonce du gouvernement d’autoriser la spoliation des propriétaires accusés d’atteinte à la sécurité de l’État.

Globalement, les violations des droits de l’homme gardent les mêmes tendances que celles des trimestres précédents, caractérisés par des assassinats, dont des corps ligotés, parfois décapités sont retrouvés dans la nature ou des cours, d’eau, des arrestations arbitraires, surtout de personnes considérées comme des opposants politiques, avec en tête des membres supposés du parti nouvellement agréé, le CNL, dirigé par Agathon Rwasa.

En tout, 52 assassinats ont été rapportés, 114 arrestations arbitraires, 10 cas de torture et 3 disparitions forcées.  Bref, les caractéristiques des violations restent similaires à celles des trimestres antérieurs.

2. Atteintes au droit à la vie et à l’intégrité physique

Les atteintes au droit à la vie sont essentiellement dominées par des assassinats perpétrés par des individus non identifiés. Dans de nombreux cas, les corps sont retrouvés dans la nature, en pleine campagne ou dans des cours d’eau. Les marques de torture, les blessures se trouvant sur plusieurs de ces corps laissent penser à des meurtres planifiés, pouvant avoir un caractère politique. Dans quelques cas, les victimes ont été même décapitées. Souvent, les corps des victimes sont jetés loin de leur milieu habituel de vie, où personne ne peut les identifier. Leur inhumation est généralement ordonnée par les administratifs avant d’entreprendre toute démarche d’identification des victimes. Ce scenario est le plus emblématique de la situation d’impunité qui caractérise le pays. Dans un autre scénario non moins fréquent, les victimes sont identifiées et tuées dans leur milieu de vie, mais leurs assassins sont rarement retrouvés.

Les atteintes à la vie et l’intégrité physique perpétrées à la grenade sont devenues récurrentes, on en retrouve plusieurs au cours de cette période, se soldant par de nombreuses victimes, surtout des blessés et heureusement peu de morts.

Quelques violations du droit à la vie sont imputables à des agents de la police. Dans un cas où un conducteur de taxi vélo a été abattu presque à bout portant, l’auteur du forfait a bénéficié de la protection de ses supérieurs, qui ont justifié ce geste comme étant involontaire, et par ailleurs que le policier se trouvait en position de légitime défense. Dans un autre cas, à Gatumba un policier a tué quatre personnes dans un bar suite à une altercation avec ces personnes. Il a été arrêté et jugé suivant la procédure de flagrance.

Au cours de ce trimestre, deux attaques de groupes armés ont été rapportées, dont une a visé une position militaire.

2.1. Assassinats perpétrés par des individus non identifiés sur des personnes non identifiées

Quelques exemples illustratifs de ces cas qui font partie des scenarii d’atteintes au droit à la vie devenue fréquents. Au vu de leur mode opératoire, il y a lieu de penser à des exécutions à caractère politique. L’intention de rendre impossible l’identification du corps peut être présumée.

Le 17 janvier 2019, en commune Kayanza de la province Kayanza, le corps d’un jeune homme a été retrouvé. Selon des témoins, la victime avait été ligotée puis égorgée. Le corps n’a pas pu être identifié par ni par les habitants de la localité, ni par les agents de la police de Kayanza. L’hypothèse vraisemblable est que l’exécution aurait été commise ailleurs, et le corps transporté loin de la résidence de la victime pour qu’elle ne soit pas identifiée, les bourreaux s’étant débarrassés du corps à cet endroit pour qu’il ne soit pas identifié. Comme d’habitude, l’administration locale a ordonné l’enterrement immédiat de la victime, sans permettre l’ouverture d’enquêtes poussées.

Le 13 février 2018, sur la colline Bambo, en commune Murwi, de la province Cibitok, le corps en décomposition d’un homme a été découvert, ligotée à un arbre.

La victime n’a pas pu être identifiée ni par les habitants de la localité, ni par les autorités administratives. En dépit de cela, ces mêmes autorités ont ordonné l’enterrement de cet homme, sans requérir des enquêtes supplémentaires permettant d’identifier la victime et clarifier les circonstances de son assassinat.

Le 22 février 2019, au bord de la rivière Rusizi, sur la colline Rukana, en commune Rugombo, de la province Cibitoke deux corps d’hommes ont été retrouvés ligotés et attachés, avec des traces de blessure au corps. Selon les informations reçues, l’administration locale et l’armée ont été avisées de la présence de ces corps mais aucune action n’a été menée pour évacuer et identifier les victimes, afin de connaître les circonstances de leur exécution.

Le 22 février 2019, dans le lac Rweru sur les collines Gatare et Nyagisozi, en commune Busoni, de la province Kirundo, cinq (5) corps ont été découverts flottant sur les eaux dudit lac. Selon des témoins, deux des victimes étaient attachées à un morceau d’arbre. Les victimes n’ont pas pu être identifiées, ni par les autorités administratives ni par la police. Cette dernière avait par ailleurs quadrillé l’endroit où se trouvaient les corps, empêchant aux habitants de la localité d’approcher.

2.2. Assassinats ciblées par des individus restant non identifiés

Certaines victimes sont ciblées par leurs assassins dans leurs milieux de vie, où elles sont bien connues, à leur domicile ou près de celui-ci. Le plus souvent, aucune enquête n’est ouverte, ou lorsqu’elle l’est, elle n’aboutit pas. Ainsi la vérité n’est jamais connue et la justice n’est pas rendue. Comme dans le cas précédent, ce sont des situations qui renforcent l’impunité au Burundi.

Le 3 Janvier 2019, sur la colline Gifumbe, de la commune Kibago, en province Makamba, Émile Ntahiraja a été abattu en revenant de ses activités commerciales de cambiste, qu’il exerçait près de la frontière burundo-tanzanienne. À ce jour, la police de Kibago n’a identifié aucun suspect de cet assassinat à ce jour.

Le 8 janvier 2019 M. Naphal Mpawenimana (60 ans), a été assassiné et son corps a été découvert sur la colline Mukoma, commune Mabayi, province Cibitoke. Selon des témoins, le corps de la victime avait plusieurs traces de blessures. À ce jour, la police de Mabayi n’a identifié aucun suspect.

Le 15 janvier 2019, au quartier Socarti, de la zone Kinama, en commune Ntahangwa dans la ville de Bujumbura, le corps de M. Arsène Ndabihawenimana a été découvert gisant dans un caniveau. La victime était directeur du département d’électricité à l’aéroport international de Bujumbura. Les témoignages ont affirmé que la victime aurait été étranglée. La police n’a identifié aucun suspect jusqu’aujourd’hui.

Le 26 mars 2019, sur la colline Karera, de la commune Musongati, en province Rutana, le corps de Mme Bayizere a été découvert portant plusieurs traces de coups d’objets contondants d’après des témoins. Selon les informations disponibles, la police de Musongati n’a identifié aucun suspect jusqu’à ce jour.

2.3. Violations du droit à la vie dans lesquelles des auteurs présumés ont été identifiés et arrêtés

Plutôt rares sont les situations où les auteurs présumés des crimes sont identifiés et arrêtés. Ce sont généralement des crimes de droit commun, où il n’y a pas d’interférence politique.

Le 1er janvier 2019, sur la colline Namande, en commune Rusaka, de la province Mwaro, Mesdames Cécile Gatete (80 ans) et sa petite fille Audrey Bukeyeneza (20 ans) ont été assassinées. Selon des témoins, les deux victimes auraient été poignardées. Par la suite, la police de Rusaka a annoncé l’arrestation d’un suspect.

Le 19 janvier 2019, sur la colline Kinzanza, en commune Gitanga, de la province Rutana, M. Ildephonse Nduwimana (45 ans) a été assassiné et son corps découvert, décapité et un des bras amputés. La police de Gitanga a annoncé l’arrestation d’un certain Sinaniranye, sans confirmer qu’elle disposait d’indices suffisants de culpabilité sur le meurtre de M. Nduwimana.

Le 24 mars 2019, sur la colline Sigu, de la commune Busoni, en province Kirundo, un membre de la milice imbonerakure a assassiné M. Aimable Ndayizeye. Des témoins rapportent que l’auteur présumé, nommé Toyi, a ordonné à la victime de fermer son bistrot. Les deux hommes ont commencé à se disputer et le milicien Toyi a sorti son couteau et poignardé M. Ndayizeye en plein cœur.

La victime est morte sur le champ. La police de Busoni a annoncé l’arrestation de l’auteur présumé de cet assassinat. Plusieurs membres de la milice imbonerakure se rendent coupables de diverses exactions à travers le pays dont des assassinats, la torture, des arrestations illégales ainsi que les menaces et intimidations.

2.4. Assassinats attribués à des agents des forces de l’ordre

Trois évènements sont survenus au cours de ce trimestre. Deux assassinats, l’un en plein cœur de Bujumbura, lorsqu’un policier a tiré sur un conducteur de taxi vélo. Des circonstances atténuantes ont été avancées par sa hiérarchie pour le disculper. Dans un autre cas, un policier a tué d’un coup, quatre personnes au cours d’une rixe dans un bistrot. Il a été arrêté et jugé suivant une procédure de flagrance. Enfin, un troisième cas concerne des militaires.

Le 5 février 2019, sur l’avenue Muyinga, en zone Rohero, de la commune Mukaza en mairie de Bujumbura, un agent de police a abattu un jeune homme, exerçant comme conducteur de taxi vélo. Il a été pris en embuscade par des agents de police en tenue civile qui ont voulu prendre de force les vélos des transporteurs. Ces derniers se sont défendus, et des témoins rapportent avoir vu un autre groupe de policiers en tenue de police, s’approcher et l’un d’eux a tiré sur la victime.

Par la suite, le porte-parole de la police, Pierre Nkurikiye, a affirmé que le conducteur de vélo avait été victime d’une balle tirée par mégarde par un policier, en train de se défendre contre un groupe qui voulait lui arracher son fusil. Cependant, le porte-parole de la police n’a pas annoncé l’arrestation de l’auteur de l’assassinat. Des agents de la police ont également arrêté trois (3) transporteurs à vélos parmi les camarades de la victime les accusant d’avoir lancé des pierres aux policiers après l’assassinat de leur camarade.

Le 2 mars 2019, dans un bistrot de la zone Gatumba, en commune Mutimbuzi, de la province Bujumbura, un agent de police a abattu quatre (4) personnes. Selon des témoins, l’agent Léopold Nizigiyimana, en tenue civile, s’est d’abord bagarré avec des clients ainsi qu’une femme identifiée comme étant une prostituée. Il serait ensuite retourné au poste de police de Gatumba pour enfiler son uniforme et prendre son arme de service.

Ledit agent a tiré dans la foule des clients présents de sang-froid. La police de Gatumba a annoncé l’arrestation de l’agent de police incriminé, et un procès de flagrance a été organisé par le Tribunal de Grande Instance de Bujumbura, le lundi 04 mars. L’auteur présumé a été reconnu coupable et condamné à une peine de prison à perpétuité.

 

Le 1e mars 2019, sur la colline Gafumbegeti, de la commune Mabayi, en province Cibitoke quatre (4) corps ont été découverts dans la forêt de la Kibira. Selon des témoins, les corps des victimes étaient ligotés.

Les habitants des environs auraient identifié les victimes comme étant des orpailleurs. Ils auraient été exécutés par des militaires en patrouille. L’administration locale a ordonné l’enterrement des victimes, avant une identification permettant d’établir l’identité de ces personnes.

2.5. Attaques persistantes à la grenade : règlements de compte et activisme politique

Les attaques à la grenade sont devenues régulières et fréquentes. Elles visent généralement des ménages ou des lieux publics où sont assemblés beaucoup de personnes. Au regard des cibles, les attaques à la grenade seraient motivées par des règlements de compte à caractère personnel ou par des motivations politiques. Au cours de la période sous revue, des miliciens imbonerakure ont été visés par ce type d’attaque ainsi qu’un poste de police en commune Mpanda, de la province Bubanza.

Le 19 janvier 2019, dans le quartier Mutakura, de la zone Cibitoke, en commune Ntahangwa de la ville de Bujumbura, une grenade a été lancée dans un ménage, dans la soirée. Des témoins ont rapporté qu’une personne est décédée sur le champ, et deux (2) autres personnes ont été blessées dont un agent de police et une mère de famille.

La police n’a identifié aucun suspect à ce jour. Cependant, des témoins ont rapporté que plusieurs personnes, principalement des jeunes, ont été arrêtées le lendemain de l’attaque, après une fouille perquisition de tout le quartier.

Le 27 janvier 2019, au quartier Buterere I, en zone Buterere, de la commune Ntahangwa au nord de la ville de Bujumbura, une attaque à la grenade a été menée contre un bar, visant des clients d’un bar. Huit (8) personnes ont été blessées par les éclats de grenade dont quatre (4) enfants. Le bistrot attaqué appartient à M. Égide Nduwayo, identifié par des témoins comme étant un membre très actif de la milice imbonerakure du parti au pouvoir CNDD-FDD. Il a été grièvement blessé lors de l’attaque. La police n’a identifié aucun suspect à ce jour.

Le 3 février 2019, sur colline Kaburantwa, de la commune Buganda en province Cibitoke, une grenade a été jetée dans un bar situé à la transversale 6, faisant sept (7) blessés dont quatre (4) grièvement. La police de Buganda a annoncé l’arrestation d’un suspect.

Le 6 mars 2019, sur la colline Ngarama, en commune Mpinga Kayove, de la province Rutana, une attaque à la grenade a été menée contre le domicile du surnommé Nterena. Selon des témoins, la victime a perdu trois doigts suite à l’attaque. À ce jour, la police n’a identifié ni appréhendé aucun suspect.

3. Atteintes au droit à la liberté et à la sécurité physique

Arrêter arbitrairement et illégalement est devenu un des outils de la terreur que le pouvoir utilise pour mettre au pas tous ceux qui sont considérés comme des opposants politiques et pour faire peur à ceux qui seraient tentés par l’opposition politique. Ce sont des agents de police qui viennent en première position, suivis par de éléments de la milice imbonerakure et après des agents du service national de renseignement. Parfois, des éléments de ces différents corps collaborent pour l’arrestation de certaines personnes, ou pour la mise en détention de personnes arrêtées illégalement par des éléments de la milice imbonerakure.

Comme lors des trimestres antérieurs, les personnes les plus visées sont celles considérées comme des membres de l’opposition politique avec en tête des membres et sympathisants du Congrès National de Libération (ex branche FNL) dirigée par Agathon Rwasa. Le changement de nom et l’agrément de ce nouveau parti n’y ont rien changé, au contraire la traque et la persécution de ses membres s’est poursuivie, voire accrue. Ceux d’autres partis politiques font aussi l’objet d’arrestations mais dans une moindre mesure. L’autre catégorie la plus souvent visée est celle des membres issus des anciennes Farces Armées du Burundi (ex FAB). Ils sont régulièrement la cible d’arrestations arbitraires et illégales et de persécutions.

Les arrestations illégales opérées par des éléments de la milice imbonerakure sont fréquemment accompagnées de traitements inhumains et dégradants. Certaines des victimes se retrouvent dans un état critique, et sont même parfois détenues sans soins, et tout cela dans une impunité totale.

Au cours du premier trimestre 2019, un total de 114 arrestations arbitraires et illégales ont été opérées.

3.1. Des agents présumés de la police impliqués dans des cas de torture diffusés sur les médias sociaux : en toute impunité

3.1.1. Une victime de torture par des policiers condamnés par un tribunal : des entorses à la loi

Le 20 février 2019, sur la colline Mugara, dans la commune et province Rumonge, des agents de la police ont torturé et arrêté Esron Vyemero âge compris entre 65 et 70 ans, à son domicile. Cette séance de torture a été filmée et diffusée par ces mêmes agents qui accusaient la victime de « pratiquer la sorcellerie ». Des témoins ont rapporté que M. Vyemero a avoué avoir « ensorcelé » une personne, et ce au terme de la séance de torture. Des habitants du voisinage ont démoli une partie de la maison de la victime. Il a été embarqué avec quatre (4) autres personnes présentées comme ses complices.

Aucun des auteurs de cette torture n’a été interpellé à ce jour. Il est fort à craindre que les « aveux » de la victime n’aient été extorqués à travers la séance de torture et traitement cruel inhumain et dégradant.

Paradoxalement, le Tribunal de Grande Instance de Rumonge a condamné M. Vyemero et son épouse à 20 ans de prison pour des « pratiques superstitieuses » ayant causé la mort de certaines personnes à Mugara, au cours d’un procès dit de flagrance le 22 février 2019. Deux autres co-accusés ont été condamnés à 2 ans de prison et l’autre personne a été acquittée. Bien que la Torture soit une grave infraction prévue et réprimée par le code pénal Burundi, aucun des tortionnaires présumés n’a fait l’objet de poursuite.

3.1.2. Une autre victime de torture filmée par des agents de police

Une vidéo mettant en scène un homme en train d’être torturé par des agents de police qui le filmait a fait le tour des réseaux sociaux surtout burundais. La victime a été identifiée par des journalistes de l’hebdomadaire Iwacu comme étant Modeste Irankunda, un homme marié et père de 3 enfants[footnoteRef:3]. [3: Voir http://www.iwacu-burundi.org/papa-parfait-identifie, paru le 3 février 2019.]

À travers la vidéo, on voit que la victime est ligotée, le bras gauche dans le dos, rattaché à ses organes génitaux. Les échanges entendus dans la vidéo font comprendre que la victime a été torturée pour avouer son infidélité au téléphone à son épouse, en lui demandant de payer une rançon destinée aux agents de police afin de le libérer. Les tortionnaires ont également affirmé qu’ils sont de la police judiciaire et qu’ils allaient le décapiter et envoyer la tête à sa femme.

En dépit du fait que la vidéo ait fait le tour des médias sociaux, la police n’a engagé aucune poursuite contre ces présumés tortionnaires.

3.2. Traitements inhumains et dégradants attribués à des éléments de la milice imbonerakure

Plus d’une dizaine d’agressions violentes ont été rapportées, attribuées aux éléments de la milice imbonerakure. Leur abus, perpétrés en toute impunité, sont sans limites et nul n’est à l’abri. Au cours de la période sous revue, ils ont agressé une personne de 70 ans, un élu collinaire, et régulièrement aussi ils s’en prennent à des femmes âgées, quelque chose qui est inimaginable dans la culture burundaise. Voici, quelques exemples pour illustrer ces faits.

Le 4 janvier 2019, sur la colline Mbizi, de la commune Kibago, en province Makamba, des membres de la milice imbonerakure ont grièvement blessé Ntirongwa (70 ans) lors de rafles de personnes suspectées dans l’assassinat d’un commerçant, survenu la veille[footnoteRef:4]. [4: Voir rapport Sos-Torture Burundi N°160 : http://sostortureburundi.org/wp-content/uploads/2019/01/SOS-Torture-Burundi-nume%CC%81ro-160.docx]

Les coups infligés à la victime ont entrainé son hospitalisation. Cependant, aucun des auteurs des coups n’a été interpellé, malgré la présence de l’administrateur communal de Kibago et du chef du service des renseignements de Makamba au moment où la victime était battue.

Le 11 février 2019, au quartier Nyamugari, de la commune et province Gitega, des membres présumés de la milice imbonerakure ont agressé Arsène, après avoir défoncé la porte de son domicile à l’aide de gourdins. L’un des agresseurs, nommé Ido Munezero, a été blessé par la victime qui tentait de se défendre. La police a cependant arrêté la victime agressée, en laissant libres les miliciens qui l’avaient attaqué à son domicile.

Le 2 mars 2019, dans le secteur Mparambo I, en commune Rugombo,de la province Cibitoke, des membres de la milice imbonerakure ont torturé Hassan Ntahomvukiye, un élu collinaire, membre également du parti au pouvoir, le CNDD-FDD. Selon ses proches, la victime a été emmenée dans une « chambre de correction » de la permanence du parti CNDD-FDD à Rugombo puis ligotée et battue. Il aurait subi tous ces actes parce qu’il lui était reproché d’avoir refusé de traquer les membres de l’opposition de sa colline et de ne pas s’appliquer à collecter les contributions forcées auprès de ses électeurs.

Selon des informations reçues, M. Ntahomvukiye aurait pris la fuite dès le lendemain de cette séance de torture, craignant pour sa sécurité. Les miliciens imbonerakure l’avaient menacé de mort et de graves représailles s’il n’exécutait pas leurs ordres. Aucun de ses agresseurs présumés n’a été interpellé, comme cela est généralement le cas pour tous ceux qui accomplissent ce type de mission du parti au pouvoir.

Le 14 Mars 2019, dans la forêt naturelle de Murehe, située dans la commune de Busoni, en province Kirundo, des membres présumés de la milice imbonerakure ont torturé M. Ndarurinze. La victime a été retrouvée par des personnes de la localité dans un état critique. Ces dernières ont alerté la police et l’administration locale et M. Ndarurinze a été immédiatement conduit à l’hôpital de Kirundo pour des soins intensifs. Selon les proches de M. Ndarurinze, celui-ci se rendait au Rwanda pour rapatrier sa famille.

Aucun auteur présumé de ces atrocités n’a été appréhendé à ce jour. Pourtant, des témoins ont rapporté que cette localité est sous contrôle de la milice imbonerakure surnommé « Mix », connue pour ses maltraitances et tueries de personnes en partance ou en provenance du Rwanda.

3.3. Arrestations attribuées à des agents de la police nationale : presque toujours politiquement motivées

Comme au cours des périodes antérieures, des agents de police constituent la cheville ouvrière de la répression qui vise essentiellement des membres de l’opposition politique. Au cours de la période sous revue, ils ont procédé à environ 100 arrestations, procédant à maintes reprises à des interpellations de personnes en groupe, leur dénominateur commun étant l’appartenance au CNL. Le harcèlement de nouveaux membres du CNL semble avoir connu une accélération après l’agrément de ce parti. Dans une moindre mesure des membres d’autres partis politiques de l’opposition ont été arrêtés, notamment du FRODEBU, du MSD et de l’UPRONA.

Un autre évènement marquant aura été l’arrestation de 7 élèves, encore mineurs, de leur salle de classe de l’école fondamentale Akamuri, en commune et province Kirundo, en date du 12 mars 2019. Ils étaient accusés de « gribouillage » de la photo du Président de la République par le Parquet de Kirundo se trouvant dans les manuels scolaires. Selon la loi burundaise, le gribouillage ne constitue pas une infraction. Trois de ces élèves ont été condamnés et détenus pendant six jours avant de bénéficier d’une libération provisoire.

Le 4 janvier 2019, en commune Murwi, de la province Cibitoke, des agents de la police ont arrêté Jean Kamwenubusa, Jean Paul Nizigama, Hazimana, Nsanzurwimo et Claude Bizimana D’après des témoins, l’ordre de les arrêter aurait été donné par l’administrateur communal de Murwi, les accusant de "désobéissance". Selon des informations reçues, les six hommes arrêtés seraient tous des militants de la coalition de l’opposition Amizero y’Abarundi.

Quelques personnes proches des personnes arrêtées ont rapporté que l’administrateur communal de Murwi aurait exigé le versement d’un pot-de-vin de cinquante milles (50.000) francs Burundais par individu en échange de la libération.

Le 29 janvier 2019, dans la zone Buringa, de la commune Gihanga, en province Bubanza, des agents de la police ont arrêté Anne Marie Sinzumunsi. L’arrestation était dirigée par le chef de poste de la police à Buringa. Mme Sinzumunsi est la représentante du Mouvement pour la Solidarité et la Démocratie(MSD) dans la province Bubanza. Mme Sinzumunsi a été libérée le 31 janvier 2019, sans qu’elle ne soit informée des raisons de son arrestation et de sa détention.

Le 23 février 2019, en commune et province Bururi, des agents de police ont arrêté Nestor Nyata, un militant actif du parti UPRONA de la commune Mugamba et membre de la cellule d’appui de ce parti dans la ville de Bujumbura. M. Nyata été interpellé lors de la visite dans la commune Bururi du premier Vice-président burundais et du président du parti UPRONA. Le concerné est signataire d’un document interne de ce parti demandant la démission de l’actuel président de l’aile de l’UPRONA, allié au gouvernement.

Le mandat d’arrêt a été émis par le parquet général près la Cour d’Appel de Bururi pour « dénonciation calomnieuse, atteinte et complot à la sécurité de l’autorité de l’État et intégrité territoriale ». Il est à noter que la victime n’ayant pas de privilège de juridiction, son dossier ne devait pas être instruit par le parquet général près la Cour d’Appel de Bururi. Ceci est un élément de nature à prouver qu’il s’agit d’une arrestation politiquement motivée. Le 27 février 2019, M. Nyata a été libéré par le même parquet, et toutes les charges ont été abandonnées.

Le 24 mars 2019, sur la colline Rukobe, en commune Itaba, de la province Gitega, des agents de la police ont arrêté Abel Niyonkuru, Mélance Ngenzebuhoro et son épouse, Léonidas Niyonkuru, Alexis ainsi qu’un conducteur de taxi-moto (centre du pays. Toutes ces personnes sont des membres du Congrès National pour la Liberté(CNL), dirigé par Agathon Rwasa. M. Abel Niyonkuru est le représentant de ce parti dans la commune Itaba et M. Ngenzebuhoro y est responsable de la jeunesse de ce parti. Selon des témoins, ces personnes ont été interpellées dans un bistrot de la localité alors qu’ils partageaient un verre.

D’autres témoins ont rapporté en outre que les agents de police étaient accompagnés de membres de la milice imbonerakure qui désignaient les personnes à interpeller, en les accusant d’avoir organisé une réunion illégale. Les six membres du parti CNL ont été transférés des cachots de la commune Itaba vers ceux du commissariat de la province Gitega.

3.4. Arrestations imputables à des éléments de la milice imbonerakure : une cheville ouvrière de la répression

La milice du parti au pouvoir, Imbonerakure, seule, ou en collaboration avec des agents de la police ou du SNR, est très active dans la chasse aux opposants politiques, dirigée principalement contre des membres et sympathisants de l’aile du FNL, dirigée par Agathon Rwasa, et devenue entretemps le CNL. L’agrément de ce parti n’a rien changé. Les arrestations illégales opérées par des éléments de la milice imbonerakure ont visé presque exclusivement des membres supposés du CNL.

Le 30 janvier 2019, sur la colline Buhayira, en commune Murwi, de la province Cibitoke, des membres de la milice imbonerakure ont arrêté Jonathan Ndikumwenayo, Alain Sindimwo et Jacques Ndayizeye, tous membres actifs de la coalition de l’opposition Amizero y’Abarundi. Ces miliciens les accusaient de se préparer pour rejoindre des groupes rebelles en République Démocratique du Congo (RDC).

Selon des informations reçues, la raison de persécution de ces trois (3) jeunes hommes est qu’ils avaient refusé d’adhérer au parti au pouvoir CNDD-FDD. L’arrestation a été menée avec la complicité du chef du service de renseignement de Cibitoke, Venant Miburo, qui a embarqué par la suite les trois (3) membres de l’opposition, sans indiquer à leurs familles leur lieu de détention. Ils auraient été aperçus, pour la dernière fois, assis à l’arrière de la camionnette immatriculée B047A GB du responsable du SNR.

Le 15 février 2019, sur la colline Muyange, en commune Mugina, de la province Cibitoke, des membres de la milice imbonerakure ont arrêté Marc Nahimana, Albert Kwizerimana, Richard Niyondiko, Daniel Manirampa, Elias Mvukiyuburundi et Geredy Ntawutangimana. Tous sont des militants du nouveau parti politique CNL dirigé par le député Agathon Rwasa, en remplacement de l’aile parti FNL qu’il dirigeait mais qui n’était pas agréé.

Les six (6) jeunes hommes arrêtés étaient accusés d’avoir tenu une réunion politique pendant la nuit. Ils ont été remis au commissariat de police de Mugina qui les a placés illégalement en détention, légitimant le pouvoir de fait des miliciens imbonerakure.

Le 25 mars 2019, sur la colline Gitumba, dans la commune Mugina, en province Cibitoke, des membres de la milice imbonerakure ont arrêté Georges Itangishaka, Daniel Nizigiyimana et Raymond Nkurikiyimana, des membres du parti d’opposition CNL. Selon des témoins, ces trois personnes ont été arrêtées alors qu’elles allaient s’enquérir de la situation des membres de leur parti, passés à tabac la veille par des miliciens imbonerakure. Les trois (3) militants du CNL ont été ensuite ligotés et embarqués vers le cachot de police de la commune Mugina.

Une arrestation illégale accompagnée de mauvais traitements avec une totale complicité de la police.

3.5. Arrestations arbitraires imputables aux agents du SNR

L’implication des agents du SNR dans les arrestations arbitraires a été moins importante au cours de la période sous revue. Beaucoup de soupçons appuyés par des faisceaux d’indices convergents tentent à invoquer leurs responsabilités dans des disparitions forcées.

Le 27 février 2019, en mairie de Bujumbura, des agents du service national de renseignement ont arrêté Aimé Claude Ntahorwamiye à son bureau du département de la planification dans la ville de Bujumbura. Selon plusieurs témoins, l’opération était dirigée par le responsable du SNR de la ville de Bujumbura, Salvator Ihorihoze.

Ces agents ont arrêté M. Ntahorwamiye sans mandat d’arrêt, et sans lui expliquer les raisons de son arrestation. Le SNR a fini par libérer M. Ntahorwamiye le lendemain, toujours sans explications sur les motifs à l’origine de son interpellation.

Le 8 mars 2019, sur la sous-colline Rubuye, du secteur Mparambo I, de la commune Rugombo, en province Cibitoke, le responsable du service national de renseignement de la province Cibitoke a enlevé Manassé Nduwimana à son domicile. Dans cette action, ce responsable était appuyé par des membres de la milice imbonerakure venus l’aider à embarquer M. Nduwimana. Ce dernier est un membre actif et mobilisateur du parti CNL dirigé par le député

Cette arrestation arbitraire a été accompagnée du refus du SNR de communiquer aux proches le lieu de détention de la victime. Selon des témoins, M. Nduwimana aurait refusé à maintes reprises d’adhérer au parti au pouvoir CNDD-FDD, ce qui expliquerait les menaces et intimidations dont il a été victime.

Le 12 mars 2019, sur la colline Gatare, en commune Busoni, de la province Kirundo, le responsable du service national de renseignement de la province Kirundo a arrêté Asman Misago, à son domicile. Ce dernier était connu pour un membre du parti d’opposition CNL, récemment agréé.

Comme dans plusieurs autres cas, cette arrestation arbitraire a été menée sans mandat et sans explication des motifs de l’arrestation.

3.6. Atteintes aux libertés de réunion, de propriété et rançonnements intempestifs de la population

3.6.1. Des violations de la liberté de réunion devenues systématiques

En plus de nombreuses arrestations arbitraires sur accusations de tenues de réunions illégales, plusieurs responsables administratifs violent fréquemment les droits et libertés politiques des membres de l’opposition, plus spécifiquement la liberté de réunion. Ainsi, le 3 mars 2018, le chef de la zone Gitaba, en commune et province Makamba a interdit la tenue d’une réunion des membres du Front pour la Démocratie au Burundi (FRODEBU). Des témoins ont rapporté qu’il a arraché les drapeaux et signes du parti.

Dans la même province, le chef de la colline Birima, en commune Mabanda, a commis les mêmes actes à l’endroit des militants du FRODEBU venus se réunir.

Ces interdictions ont eu lieu en dépit du fait que les représentants politiques du FRODEBU avaient avisé par écrit les administrateurs communaux de Makamba et Mabanda pour les informer de la tenue de ces réunions, de l’heure et du lieu conformément à la loi. Selon des témoins présents sur place, les responsables administratifs locaux étaient accompagnés de membres de la milice imbonerakure, au cours de ces opérations. Aucune explication n’a été apportée pour expliquer le refus aux membres de ce parti de se réunir.

Il s’agit donc de harcèlements et d’intimidations devenues systématiques visant des membres de l’opposition.

3.6.2. Violations du droit de propriété

Les autorités burundaises autorisent le pillage de maisons appartenant à des opposants en exil.

Plusieurs informations concordantes reçues par Sos-Torture/Burundi se rapportent au pillage systématique de plusieurs maisons d’opposants et d’anciens hauts gradés des forces de défense dans la ville de Bujumbura. Selon de nombreux témoins, ces pillages ont été opérés par des agents de la police et du service national de renseignement.

Les maisons visées sont entre autres celle du Colonel Gérard Cishahayo, ancien directeur général de la police de l’air et des frontières, dont la maison située à Kinindo (au sud de la ville de Bujumbura). Ladite maison a été vandalisée au début du mois de décembre 2018 par des agents de police qui venaient l’arrêter dans le cadre des enquêtes sur l’assassinat de l’ancien Président Melchior Ndadaye. Les pillages ont débuté lorsque ces agents de police ont constaté que la personne visée était absente.

En date du 29 décembre 2018, d’autres agents de la police ont saccagé et pillé la maison du Général Pontien Gaciyubwenge, ancien Ministre de la défense jusqu’en 2015, en exil actuellement. La même opération a été menée aux domiciles du Général Godefroid Niyombare, ancien responsable du SNR et de M. Onésime Nduwimana, ancien porte-parole du CNDD-FDD. Tous les deux sont en exil.

Le 2 janvier 2019, les maisons au Général Philbert Habarugira et au Lieutenant-Colonel Edouard Nshimirimana ont été pillées. Toutes sont situées au quartier Kinanira, de la commune Muha, dans la mairie de Bujumbura.

Ces pillages sont consécutifs à des déclarations prémonitoires de la ministre de la justice qui avait annoncé le 13 décembre 2018 l’intention des autorités de spolier et de revendre des maisons "où des armes auraient été saisies" depuis le début de la crise 2015. Sos-Torture Burundi avait relevé le risque que ces actes illégaux ne visent les biens des personnes vivant en exil et opposés au gouvernement (cfr rapport Sos-Torture Burundi N°157 : http://sostortureburundi.org/wp-content/uploads/2018/12/SOS_Torture_Burundi_numero_157.docx). Les actes de pillage et d’occupation illégale par la police confirment ces craintes.

Des miliciens imbonerakure démolissent des maisons

Sos-Torture/Burundi a appris la destruction méchante d’au moins quatre maisons sur la colline Gatabo, commune Kayogoro, province Makamba, en date du 9 février 2019. Des témoins ont rapporté que ces maisons appartenaient à des membres de l’opposition. Elles ont été détruites par des miliciens imbonerakure du parti au pouvoir CNDD-FDD, sur ordre de responsables administratifs de la colline Gatabo.

Aucun des auteurs de ces destructions n’a été interpellé. Les victimes ont pourtant porté plainte auprès de l’administrateur communal de Kayogoro, chef hiérarchique des deux élus collinaires de Gatabo, qui n’a donné aucune suite. Il s’agit d’une complicité de l’administrateur de Kayogoro avec ses subalternes et les miliciens imbonerakure.

4. Contributions forcées et extorsions : multiples et intempestives

Dans différents coins du Burundi, les citoyens sont contraints de donner des contributions pour des motifs divers : référendum, élections de 2020, construction de stades, accueil et achat de cadeaux au Président de la République, etc. Quelques cas sont présentés ici.

4.1. A Makebuko et Rumonge : des populations ballotées

L’administrateur communal de Makebuko, en province Gitega a exigé des contributions de la population en vue d’offrir des vivres et une vache au Président Pierre Nkurunziza. Ces collectes forcées visaient à accueillir le président Nkurunziza lors de la célébration de la fête de l’Unité le 5 février 2019. Elles devaient être collectées entre le 31 janvier et le 3 février 2019.

Une note de l’administrateur communal de Makebuko exigeait à chaque fonctionnaire de contribuer à hauteur de 1000 francs, et aux agriculteurs de donner 500 francs chacun. Ces contributions forcées s’ajoutaient à d’autres montants exigés à la population pour les élections de 2020 ou pour d’autres activités. Elles contribuent à appauvrir davantage la population, qui n’a cependant pas le choix, au risque de subir des représailles en cas de refus.

Il est clair qu’il y a une croissance continue des contributions forcées et variées, exigées aux populations. Des témoins rapportent que les propriétaires de boutiques sont contraints de verser cinq mille (5000) francs pour la construction du bureau de la zone Rumonge (sud-ouest du pays). Ces contributions sont collectées par des membres de la milice imbonerakure qui menacent de représailles quiconque ne s’acquitte pas de cette exigence.

À Rumonge, le gouverneur de la province Rumonge quant à lui a entrepris de collecter des matériaux de construction auprès de la population. Les enseignants ont été les premiers visés par cette collecte : deux enseignants devaient acheter un sac de ciment, en payant 12500 francs, chacun. Les transporteurs à vélo devaient se mettre à quatre (4) pour acheter un sac de ciment et les transporteurs à moto, à deux (2).

Malgré l’augmentation de la pauvreté, une pression incessante est exercée par les autorités locales sur la population pour extorquer de l’argent. Et on sait qu’aucun suivi n’est fait pour en connaître l’utilisation finale. En plus de ces constructions, les habitants doivent aussi continuer à verser de l’argent pour les élections de 2020.

4.2. Des enseignants de plus en plus menacés à payer de multiples contributions forcées à Rumonge.

Selon plusieurs témoignages, des enseignants de la province Rumonge, ont été forcés à travers des menaces de contribuer pour les élections de 2020 à hauteur de 2000 francs chacun. Ce montant s’ajoute à une autre « contribution » de 5000 francs, prélevée à la source par le gouvernement, sur les salaires de tous les enseignants, officiellement pour les élections de 2020.

Cette seconde imposition, sans aucune base légale, est exigée directement par des responsables provinciaux de l’enseignement, qui menacent d’éventuels récalcitrants de transmettre leurs noms au ministère de tutelle.

5. Détentions illégales et dysfonctionnements de la justice

5.2. Détention illégale de 5 jeunes du MSD

Le parquet de Rumonge a maintenu en détention prolongée et illégale cinq (5) jeunes hommes arrêtés le 10 janvier 2019 et jamais inculpés. Il s’agit d’Emmanuel Niyonganji, Mélance Irambona, Pascal Ahishakiye, Rénovat Ninteretse et Jean Bosco Niyomwungere. Depuis leur arrestation, le parquet de Rumonge n’a apporté aucune preuve, ni aucun témoin à charge pour étayer les accusations portées contre ces jeunes hommes. Ils étaient accusés d’avoir effacé les écrits sur un monument du parti au pouvoir CNDD FDD dans la commune Burambi[footnoteRef:5]. [5: cfr rapport Sos-Torture Burundi N° 162 : http://sostortureburundi.org/wpcontent/uploads/2019/01/SOS_Torture_Burundi_numero_162.docx.]

Les cinq (5) jeunes hommes ont finalement été libérés le 13 février 2019 suite à un non-lieu consécutif aux pressions des familles. Celles-ci ont confirmé que les jeunes hommes étaient victimes de leur appartenance politique au Mouvement pour la Solidarité et la Démocratie(MSD).

5.2. Détention illégale d’une personne après torture

Dans un autre cas, le parquet de Rumonge a maintenu illégalement en détention Éric Ntunzwenimana au cachot de police de Rumonge, malgré une décision du Tribunal de grande Instance de le libérer. Cet homme avait été arrêté le 20 février 2019 avec quatre (4) autres personnes, pour « pratiques superstitieuses ». L’une des personnes arrêtée ce jour-là, Esron Vyemero, a été torturé par des agents de police qui ont filmé et diffusé la séance de torture[footnoteRef:6]. [6: Voir rapport Sos-Torture Burundi N°167 : http://sostortureburundi.org/wpcontent/uploads/2019/02/SOS_Torture_Burundi_numero_167.docx]

La décision de libérer M. Ntunzwenimana a été prise le 22 février 2019 au terme d’un procès suivant la procédure de flagrance. Depuis cette date, le parquet de Rumonge a refusé d’exécuter la décision des juges.

5.3. Isolement d’un détenu se trouvant dans un état de santé critique

Le Colonel Adrien Kadende, en détention depuis 2015 est victime de très mauvaises conditions carcérales. Cet officier de l’armée a également été victime d’une tentative d’assassinat le 3 août 2017 lorsqu’un policier lui a tiré dessus à la prison de Rumonge où il était détenu[footnoteRef:7]. Après son transfert à Bujumbura, les autorités pénitentiaires de Mpimba lui ont toujours refusé de se faire soigner afin de se faire retirer une balle logée dans les hanches [footnoteRef:8]. Au lieu de le faire soigner, le Colonel Kadende a été placé en isolement prolongé et soumis à la torture, ce qui a aggravé son état de santé au fil des mois. [7: Pour plus de détails voir rapport Sos-Torture Burundi N°86 : http://sostortureburundi.org/wp-content/uploads/2016/08/SOS-Torture-Burundi-nume%CC%81ro-86-en-Fr-1.pdf] [8: Voir rapport N°87 : http://sostortureburundi.org/wp-content/uploads/2016/08/SOS-Torture-Burundi-nume%CC%81ro-87-en-Fr.pdf]

Il s’agit d’un traitement inhumain et cruel infligé à cet officier. Selon des informations provenant de ses proches, le Colonel Kadende aurait été hospitalisé depuis quelques jours, au moment où son corps présente plusieurs blessures et des tumeurs dues à ces conditions inhumaines de détention.

5.4. Surpopulation inquiétante à la prison centrale de Muramvya

Sos-Torture/Burundi a pris connaissance de la surpopulation carcérale très inquiétante au sein de la prison centrale de Muramvya. Au 6 février 2019, la prison comptait 913 détenus pour une capacité d’accueil de 100 prisonniers uniquement.

Plusieurs rapports ont fait état d’un nombre plus important de prévenus que de condamnés. Cette surpopulation carcérale va de pair avec conditions infrahumaines pour les détenus.

6. Conclusion

La situation des droits de l’homme au cours du premier trimestre 2019 fait ressortir une certaine montée de la fièvre électorale prélude de tensions avant les élections de 2020. Les membres supposés du nouveau parti nouvellement agréé, le CNL, dirigé par Agathon Rwasa, sont pourchassés, tués, arrêtés, et sommés de ne pas se rencontrer. Plusieurs d’entre eux ont été arrêtés, accusés d’avoir tenu des réunions non autorisées.

Cette fièvre électorale va de pair avec des demandes intempestives et multiples de contributions forcées. La population est en permanence sollicitée tantôt pour accueillir le chef de l’Etat et lui acheter un cadeau, souvent une ou plusieurs vaches de race, tantôt c’est pour la construction d’un stade et souvent c’est pour les élections, de façon opaque, certaines catégories comme les enseignants, forcés de payer au moins deux fois.

En l’absence de médias indépendants, après la suspension des seules radios indépendantes qui diffusaient sur le pays, la situation est donc à risque et mérite d’être suivie avec attention au moment où le pays avance à grands pas vers les élections.

Plus préoccupant encore est la tendance du ministre en charge de la sécurité publique et du porte-parole de son ministère à passer sous silence ces graves violations. De surcroît, comme la fouille des agents du SNR l’a montré à Kirundo, il y a la certitude que des éléments de la milice imbonerakure ont été armés illégalement, et gardent ces armes, en toute impunité.

RecommandationsAu Gouvernement du Burundi :

1. Au lieu de poursuivre le forcing vers les élections, rejoindre la table de négociation afin de trouver une issue pacifique à la crise et préparer le retour de l’Etat de droit ;

2. Arrêter de ponctionner la population à travers des contributions forcées multiples, et rendre publics les fonds déjà collectés et leur mode de gestion ;

3. Désarmer les éléments de la milice Imbonerakure qui disposent d’armes de guerre illégalement reçus ;

4. Poursuivre toutes les personnes qui se sont rendues coupables de torture dont les séances ont été diffusées sur les réseaux sociaux ;

5. Annuler la mesure de renvoi des trois jeunes filles accusées de gribouillage de la photo du chef de l’Etat, et les rétablir dans leur droit d’accès à l’éducation ;

6. Coopérer pleinement avec les mécanismes de protection des droits de l'homme à l'échelle nationale, régionale et internationale, pour la mise en œuvre des résolutions du Conseil des droits de l’homme et collaborer avec la Cour Pénale Internationale (CPI).

A la Communauté de l’Afrique de l’Est :

1. Tirer les leçons des échecs d’organisation du dialogue inter burundais en tant que Parrain de l’Accord de paix d’Arusha et du dialogue inter-burundais, et associer d’autres partenaires multilatéraux pour un dialogue inclusif efficace entre tous les protagonistes burundais en vue de revenir sur les principes fondamentaux de l’Accord pour la paix et la réconciliation signé à Arusha signé en 2000 et la constitution de 2005 ;

2. Prendre les mesures appropriées, y compris le recours à un embargo, pour que le pouvoir burundais accepte une négociation inclusive sans préalables, car l’entêtement de Pierre Nkurunziza constitue une menace pour la paix non seulement au Burundi mais aussi dans la région, et comporte des risques pour la stabilité de la Communauté Est Africaine (CEA).

A la Communauté Internationale:

1. Prendre les mesures économiques, politiques et diplomatiques qui s’imposent pour amener le gouvernement burundais à respecter ses engagements internationaux, et s’engager de façon concrète et vérifiable pour le retour de l’État de droit et à l’accord d’Arusha ;

2. Appuyer le travail de la Cour Pénale Internationale pour mener à bien les enquêtes commencées sur le Burundi en vue de poursuivre sans tarder les auteurs de graves crimes commis depuis le déclenchement de la crise au Burundi en 2015 ;

3. Prendre des mesures appropriées pour engager les autorités burundaises à collaborer pleinement avec les mécanismes des Nations Unies et la CPI ;

4. Suivre de près la situation des droits de l’homme au Burundi où la fièvre électorale pourrait entrainer des violations massives des droits de l’homme et prendre des mesures appropriées de prévention.