constitution pastorale sur leglise dans le monde de ce temps : « gaudium et spes » (gs) on...

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Constitution pastorale sur l’Eglise dans le monde de ce temps : « Gaudium et spes » (GS) On trouvera ici le texte intégral de la première partie de GS, sans les notes (pour gagner de la place). Pour faciliter la lecture, dans le texte de la constitution, j’ai mis en rouge ce qui me semble être des passages « clés ». En bleu, sous le texte, quelques petits résumés ou commentaires.

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  • Constitution pastorale sur lEglise dans le monde de ce temps : Gaudium et spes (GS) On trouvera ici le texte intgral de la premire partie de GS, sans les notes (pour gagner de la place). Pour faciliter la lecture, dans le texte de la constitution, jai mis en rouge ce qui me semble tre des passages cls . En bleu, sous le texte, quelques petits rsums ou commentaires.
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  • Les chrtiens nont pas besoin dtre envoys dans le monde Ils y sont dj ! Aprs de longues dcennies o lEglise considrait le monde comme un adversaire plus ou moins dangereux, elle fait cette dcouverte surprenante : les membres de lEglise sont des hommes et des femmes parmi les autres. A ces autres ils ont pour mission de manifester lamour du Christ. Les premiers mots du texte illustrent magnifiquement lesprit douverture qui caractrise le Concile Vatican II. Originalit, aussi, de cette constitution Gaudium et Spes : elle est adresse, non pas aux seuls catholiques, mais tous les hommes, pour dialoguer avec eux. Etroite solidarit de l'Eglise avec l'ensemble de la famille humaine 1 Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n'est rien de vraiment humain qui ne trouve cho dans leur cur. Leur communaut, en effet, s'difie avec des hommes, rassembls dans le Christ, conduits par l'Esprit Saint dans leur marche vers le royaume du Pre, et porteurs d'un message de salut qu'il faut proposer tous. La communaut des chrtiens se reconnat donc rellement et intimement solidaire du genre humain et de son histoire. A qui s'adresse le Concile 2 C'est pourquoi, aprs s'tre efforc de pntrer plus avant dans le mystre de l'Eglise, le deuxime Concile du Vatican n'hsite pas s'adresser maintenant, non plus aux seuls fils de l'Eglise et tous ceux qui se rclament du Christ, mais tous les hommes. A tous il veut exposer comment il envisage la prsence et l'action de l'Eglise dans le monde d'aujourd'hui. Le monde qu'il a ainsi en vue est celui des hommes, la famille humaine tout entire avec l'univers au sein duquel elle vit. C'est le thtre o se joue l'histoire du genre humain, le monde marqu par l'effort de l'homme, ses dfaites et ses victoires. Pour la foi des chrtiens, ce monde a t fond et demeure conserv par l'amour du Crateur; il est tomb certes, sous l'esclavage du pch, mais le Christ, par la Croix et la Rsurrection, a bris le pouvoir du Malin et l'a libr pour qu'il soit transform selon le dessein de Dieu et qu'il parvienne ainsi son accomplissement.
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  • Nous nous adressons au monde - dit lEglise - mais de quoi allons nous parler ? De ce qui nous est commun tous, de ce qui nous proccupe tous juste titre : de lhomme. Ce sera quelques annes plus tard un slogan de Jean Paul II : Lhomme est la route de lEglise. Des expressions nouvelles apparaissent : famille humaine , vocation humaine . Le service de l'homme 3 De nos jours, saisi d'admiration devant ses propres dcouvertes et son propre pouvoir, le genre humain s'interroge cependant, souvent avec angoisse, sur l'volution prsente du monde, sur la place et le rle de l'homme dans l'univers, sur le sens de ses efforts individuels et collectifs, enfin sur la destine ultime de choses et de l'humanit. Aussi le Concile, tmoin et guide de la foi de tout le peuple de Dieu rassembl par le Christ, ne saurait donner une preuve plus parlante de solidarit, de respect et d'amour l'ensemble de la famille humaine, laquelle ce peuple appartient, qu'en dialoguant avec elle sur ces diffrents problmes, en les clairant la lumire de l'Evangile, et en mettant la disposition du genre humain la puissance salvatrice que l'Eglise, conduite par l'Esprit-Saint, reoit de son Fondateur. C'est en effet lhomme qu'il s'agit de sauver, la socit humaine qu'il faut renouveler. C'est donc l'homme, l'homme considr dans son unit et sa totalit, l'homme, corps et me, cur et conscience, pense et volont, qui constituera l'axe de tout notre expos. Voila pourquoi, en proclamant la trs noble vocation de l'homme et en affirmant qu'un germe divin est dpos en lui, ce saint Synode offre au genre humain la collaboration sincre de l'Eglise pour l'instauration d'une fraternit universelle qui rponde cette vocation. Aucune ambition terrestre ne pousse l'Eglise; elle ne vise qu'un seul but: continuer, sous l'impulsion de l'Esprit consolateur, l'oeuvre mme du Christ, venu dans le monde pour rendre tmoignage la vrit, pour sauver, non pour condamner, pour servir, non pour tre servi.
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  • EXPOSE PRELIMINAIRE : LA CONDITION HUMAINE DANS LE MONDE D'AUJOURD'HUI Dans cet expos prliminaire , le concile esquisse une analyse de la situation du monde en 1965. Le regard port sur le monde est remarquablement bienveillant : il sagit de discerner le meilleur. Mais il est aussi lucide : les aspects dramatiques, voire tragiques, de la vie du monde ne sont pas ignors. Evidemment le temps a pass Cependant presque tout ce que dit ce texte est encore valable aujourdhui. Plus prcisment, bien souvent, ces constatations sont encore plus vraies aujourdhui quil y a cinquante ans !
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  • Scrutant les signes des temps - voir plus loin, au N 11 lEglise prend conscience dune mutation profonde et rapide. Ce qui, comme nous le disions plus haut, est encore plus vrai aujourdhui Des contradictions apparaissent dans tous les domaines : pouvoir et impuissance ; savoir et incertitude ; richesse et pauvret ; libert et servitudes ; changes et conflits, etc. Espoirs et angoisses 4 Pour mener bien cette tche, l'Eglise a le devoir, tout moment, de scruter les signes des temps et de les interprter la lumire de l'Evangile, de telle sorte qu'elle puisse rpondre, d'une manire adapte chaque gnration, aux questions ternelles des hommes sur le sens de la vie prsente et future et sur leurs relations rciproques (cf. aussi N 11). Il importe donc de connatre et de comprendre ce monde dans lequel nous vivons, ses attentes, ses aspirations, son caractre souvent dramatique. Voici, tels qu'on peut les esquisser, quelques-uns des traits fondamentaux du monde actuel. Le genre humain vit aujourd'hui un ge nouveau de son histoire, caractris par des changements profonds et rapides qui s'tendent peu peu l'ensemble du globe. Provoqus par l'homme, par son intelligence et son activit cratrice, ils rejaillissent sur l'homme lui-mme, sur ses jugements, sur ses dsirs, individuels et collectifs, sur ses manires de penser et d'agir, tant l'gard des choses qu' l'gard de ses semblables. A tel point que l'on peut dj parler d'une vritable mtamorphose sociale et culturelle dont les effets se rpercutent jusque sur la vie religieuse. Comme en toute crise de croissance, cette transformation ne va pas sans de srieuses difficults. Ainsi, tandis que l'homme tend si largement son pouvoir, il ne parvient pas toujours s'en rendre matre. S'efforant de pntrer plus avant les ressorts les plus secrets de son tre, il apparat souvent plus incertain de lui-mme. Il dcouvre peu peu, et avec plus de clart, les lois de la vie sociale, mais il hsite sur les orientations qu'il faut lui imprimer. Jamais le genre humain n'a regorg de tant de richesses, de tant de possibilits, d'une telle puissance conomique, et pourtant une part considrable des habitants du globe sont encore tourments par la faim et la misre, et des multitudes d'tres humains ne savent ni lire ni crire. Jamais les hommes n'ont eu comme aujourd'hui un sens aussi vif de la libert, mais, au mme moment, surgissent de nouvelles formes d'asservissement social et psychique. Alors que le monde prend une conscience si forte de son unit, de la dpendance rciproque de tous dans une ncessaire solidarit, le voici violemment cartel par l'opposition de forces qui se combattent: d'pres dissensions politiques, sociales, conomiques, raciales et idologiques persistent encore, et le danger demeure d'une guerre capable de tout anantir. L'change des ides s'accrot; mais les mots mmes qui servent exprimer des concepts de grande importance revtent des acceptions fort diffrentes suivant la diversit des idologies. Enfin, on recherche avec soin une organisation temporelle plus parfaite, sans que ce progrs s'accompagne d'un gal essor spirituel. Marqus par une situation si complexe, un trs grand nombre de nos contemporains ont beaucoup de mal discerner les valeurs permanentes; en mme temps, ils ne savent comment les harmoniser avec les dcouvertes rcentes. Une inquitude les saisit et ils s'interrogent avec un mlange d'espoir et d'angoisse sur l'volution actuelle du monde. Celle-ci jette l'homme un dfi; mieux, elle l'oblige rpondre.
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  • Lextraordinaire volution des sciences et des techniques bouleverse nos existences. Cela a pour effet de changer notre faon de nous situer dans le temps : alors que, jadis, on considrait que les choses essentielles taient immobiles, ou mme que lon rvait dun ge dor situ dans un pass lointain, nous voici convoqus une nouvelle manire dtre, dynamique et volutive Une mutation profonde 5 L'branlement actuel des esprits et la transformation des conditions de vies sont lis une mutation d'ensemble qui tend la prdominance, dans la formation de l'esprit, des sciences mathmatiques, naturelles ou humaines et, dans l'action, de la technique, fille des sciences. Cet esprit scientifique a faonn d'une manire diffrente du pass l'tat culturel et les modes de penser. Les progrs de la technique vont jusqu' transformer la face de la terre et, dj, se lancent la conqute de l'espace. Sur le temps aussi, l'intelligence humaine tend en quelque sorte son empire: pour le pass, par la connaissance historique; pour l'avenir, par la prospective et la planification. Les progrs des sciences biologiques, psychologiques et sociales ne permettent pas seulement l'homme de se mieux connatre, mais lui fournissent aussi le moyen d'exercer une influence directe sur la vie des socits par l'emploi de techniques appropries. En mme temps, le genre humain se proccupe, et de plus en plus, de prvoir dsormais son propre dveloppement dmographique et de le contrler. Le mouvement mme de l'histoire devient si rapide que chacun peine le suivre. Le destin de la communaut humaine devient un, et il ne se diversifie plus comme en autant d'histoires spares entre elles. Bref, le genre humain passe d'une notion plutt statique de l'ordre des choses une conception plus dynamique et volutive: de l nat, immense, une problmatique nouvelle, qui provoque de nouvelles analyses et de nouvelles synthses.
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  • Industrialisation urbanisation dveloppement des communications migrations socialisation (au sens de dveloppement des liens entre les personnes et les groupes ... Particulirement frappant dans cette numration : limportance que le Concile accorde aux nouveaux moyens de communication, qui vont dvelopper des ractions en chaine. Or en ce temps-l, les ordinateurs commenaient tout juste ; il ntait pas encore question dInternet et de tout ce qui va avec ! Changements dans l'ordre social 6 Du mme coup, il se produit des changements, de jour en jour plus importants, dans les communauts locales traditionnelles (familles patriarcales, clans, tribus, villages), dans les diffrents groupes et les rapports sociaux. Une socit de type industriel s'tend peu peu, amenant certains pays une conomie d'opulence et transformant radicalement les conceptions et les conditions sculaires de la vie en socit. De la mme faon, la civilisation urbaine et l'attirance qu'elle provoque s'intensifient, soit par la multiplication des villes et de leurs habitants, soit par l'expansion du mode de vie urbain au monde rural. Des moyens de communication sociale nouveaux, et sans cesse plus perfectionns, favorisent la connaissance des vnements et la diffusion extrmement rapide et universelle des ides et des sentiments, suscitant ainsi de nombreuses ractions en chane. On ne doit pas ngliger non plus le fait que tant d'hommes pousss par diverses raisons migrer, sont amens changer de mode de vie. En somme, les relations de l'homme avec ses semblables se multiplient sans cesse, tandis que la "socialisation" elle- mme entrane son tour de nouveaux liens, sans favoriser toujours pour autant, comme il le faudrait, le plein dveloppement de la personne et des relations vraiment personnelles, c'est--dire la "personnalisation". En vrit, cette volution se manifeste surtout dans les nations qui bnficient dj des avantages du progrs conomique et technique; mais elle est aussi l'oeuvre chez les peuples en voie de dveloppement qui souhaitent procurer leurs pays les bienfaits de l'industrialisation et de l'urbanisation. Ces peuples, surtout s'ils sont attachs des traditions plus anciennes, ressentent en mme temps le besoin d'exercer leur libert d'une faon plus adulte et plus personnelle.
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  • Tous ces changements provoquent de multiples remises en causes, surtout chez les jeunes Quelques annes avant mai 68, les Pres du Concile sont conscients des bouleversements venir. Les mentalits et valeurs anciennes semblent dpasses, en particulier en ce qui concerne la religion ; celle-ci, dans un sens, peut tre purifie par un sain esprit critique, mais aussi beaucoup de gens sen cartent. Changements psychologiques, moraux, religieux 7 La transformation des mentalits et des structures conduit souvent une remise en question des valeurs reues, tout particulirement chez les jeunes: frquemment, ils ne supportent pas leur tat; bien plus, l'inquitude en fait des rvolts, tandis que, conscients de leur importance dans la vie sociale, ils dsirent y prendre au plus tt leurs responsabilits. C'est pourquoi il n'est pas rare que parents et ducateurs prouvent des difficults croissantes dans l'accomplissement de leur tche. Les cadres de vie, les lois, les faons de penser et de sentir hrits du pass ne paraissent pas toujours adapts l'tat actuel des choses: d'o le dsarroi du comportement et mme des rgles de conduite. Les conditions nouvelles affectent enfin la vie religieuse elle-mme. D'une part, l'essor de l'esprit critique la purifie d'une conception magique du monde et des survivances superstitieuses, et exige une adhsion de plus en plus personnelle et active la foi, nombreux sont ainsi ceux qui parviennent un sens plus vivant de Dieu. D'autre part, des multitudes sans cesse plus denses s'loignent en pratique de la religion. Refuser Dieu ou la religion, ne pas s'en soucier, n'est plus, comme en d'autres temps, un fait exceptionnel, lot de quelques individus: aujourd'hui en effet on prsente volontiers un tel comportement comme une exigence du progrs scientifique ou de quelque nouvel humanisme. En de nombreuses rgions, cette ngation ou cette indiffrence ne s'expriment pas seulement au niveau philosophique; elles affectent aussi, et trs largement, la littrature, l'art, l'interprtation des sciences humaines et de l'histoire, la lgislation elle-mme: d'o le dsarroi d'un grand nombre.
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  • Sous le choc de ces volutions se multiplient les contradictions et les tensions au niveau de la personne, de la famille et des groupes sociaux de toutes dimensions... - Les dsquilibres du monde moderne 8 Une volution aussi rapide, accomplie souvent sans ordre et, plus encore, la prise de conscience de plus en plus aigu des cartlements dont souffre le monde, engendrent ou accroissent contradictions et dsquilibres. Au niveau de la personne elle-mme, un dsquilibre se fait assez souvent jour entre l'intelligence pratique moderne et une pense spculative qui ne parvient pas dominer la somme de ses connaissances ni les ordonner en des synthses satisfaisantes. Dsquilibre galement entre la proccupation de l'efficacit concrte et les exigences de la conscience morale, et, non moins frquemment, entre les conditions collectives de l'existence et les requtes d'une pense personnelle, et aussi, de la contemplation. Dsquilibre enfin entre la spcialisation de l'activit humaine et une vue gnrale des choses. Tensions au sein de la famille, dues soit la pesanteur des conditions dmographiques, conomiques et sociales, soit aux conflits des gnrations successives, soit aux nouveaux rapports sociaux qui s'tablissent entre hommes et femmes. D'importants dsquilibres naissent aussi entre les races, entre les diverses catgories sociales, entre pays riches, moins riches et pauvres; enfin entre les institutions internationales nes de l'aspiration des peuples la paix et les propagandes idologiques ou les gosmes collectifs qui se manifestent au sein des nations et des autres groupes. Dfiances et inimitis mutuelles, conflits et calamits s'ensuivent, dont l'homme lui-mme est la fois cause et victime.
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  • Nouveaut remarquable et trs positive (cela fait partie des signes des temps dj reprs par Jean XXIII dans lencyclique Mater et Magistra ), les mentalits se transforment. On voit grandir l'aspiration un ordre politique, social et conomique qui soit au service de l'homme, sous la forme de revendications face aux injustices. Les groupes lss : peuples du Tiers Monde, femmes, travailleurs... rclament partage, galit, indpendance, conditions de vie plus humaines. Les aspirations de plus en plus universelles du genre humain 9 Pendant ce temps, la conviction grandit que le genre humain peut et doit non seulement renforcer sans cesse sa matrise sur la cration, mais qu'il peut et doit en outre instituer un ordre politique, social et conomique qui soit toujours plus au service de l'homme, et qui permette chacun, chaque groupe, d'affirmer sa dignit propre et de la dvelopper. D'o les pres revendications d'un grand nombre qui, prenant nettement conscience des injustices et de l'ingalit de la distribution des biens, s'estiment lss. Les nations en voie de dveloppement, comme celles qui furent rcemment promues l'indpendance, veulent participer aux bienfaits de la civilisation moderne tant au plan conomique qu'au plan politique, et jouer librement leur rle sur la scne du monde. Et pourtant, entre ces nations et les autres nations plus riches, dont le dveloppement est plus rapide, l'cart ne fait que crotre, et, en mme temps, trs souvent, la dpendance, y compris la dpendance conomique. Les peuples de la faim interpellent les peuples de l'opulence. Les femmes, l o elles ne l'ont pas encore obtenue, rclament la parit de droit et de fait avec les hommes. Les travailleurs, ouvriers et paysans, veulent non seulement gagner leur vie, mais dvelopper leur personnalit par leur travail, mieux, participer l'organisation de la vie conomique, sociale, politique et culturelle. Pour la premire fois dans l'histoire, l'humanit entire n'hsite plus penser que les bienfaits de la civilisation peuvent et doivent rellement s'tendre tous les peuples. Mais sous toutes ces revendications se cache une aspiration plus profonde et plus universelle: les personnes et les groupes ont soif d'une vie pleine et libre, d'une vie digne de l'homme, qui mette leur propre service toutes les immenses possibilits que leur offre le monde actuel. Quant aux nations, elles ne cessent d'accomplir de courageux efforts pour parvenir une certaine forme de communaut universelle. Ainsi le monde moderne apparat la fois comme puissant et faible, capable du meilleur et du pire, et le chemin s'ouvre devant lui de la libert ou de la servitude, du progrs ou de la rgression, de la fraternit ou de la haine. D'autre part, l'homme prend conscience que de lui dpend la bonne orientation des forces qu'il a mises en mouvement et qui peuvent l'craser ou le servir. C'est pourquoi il s'interroge lui-mme.
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  • Pour l'Eglise, la cause de ces tensions est dans le cur de l'homme : faible et pcheur / aspirant une vie suprieure. Devant ces volutions, beaucoup d'hommes (pas tous: certains, pour diverses raisons, passent cot de la question) s'interrogent sur le sens de la vie humaine. Pour les chrtiens, la rponse est dans le CHRIST. Il est la cl, le centre et la fin de toute histoire humaine, lumire sur lhomme parce qu Image de Dieu. Chacun des chapitres de la premire partie de Gaudium et Spes va ainsi aboutir une contemplation de Jsus. Les interrogations profondes du genre humain 10 En vrit, les dsquilibres qui travaillent le monde moderne sont lis un dsquilibre plus fondamental qui prend racine dans le coeur mme de l'homme. C'est en l'homme lui-mme, en effet, que de nombreux lments se combattent. D'une part, comme crature, il fait l'exprience de ses multiples limites; d'autre part, il se sent illimit dans ses dsirs et appel une vie suprieure. Sollicit de tant de faons, il est sans cesse contraint de choisir et de renoncer. Pire: faible et pcheur, il accomplit souvent ce qu'il ne veut pas et n'accomplir point ce qu'il voudrait. En somme, c'est en lui-mme qu'il souffre division, et c'est de l que naissent au sein de la socit tant et de si grandes discordes. Beaucoup, il est vrai, dont la vie est imprgne de matrialisme pratique, sont dtourns par l d'une claire perception de cette situation dramatique; ou bien, accabls par la misre, ils se trouvent empchs d'y prter attention. D'autres, en grand nombre, pensent trouver leur tranquillit dans les diverses explications du monde qui leur sont proposes. Certains attendent du seul effort de l'homme la libration vritable et plnire du genre humain et ils se persuadent que le rgne venir de l'homme sur la terre comblera tous les voeux de son coeur. Il en est d'autres qui, dsesprant du sens de la vie, exaltent les audacieux qui, jugeant l'existence humaine dnue par elle-mme de toute signification, tentent de lui donner, par leur seule inspiration, toute sa signification. Nanmoins, le nombre crot de ceux qui, face l'volution prsente du monde, se posent les questions les plus fondamentales ou les peroivent avec une acuit nouvelle. Qu'est-ce que l'homme ? Que signifient la souffrance, le mal, la mort, qui subsistent malgr tant de progrs ? A qui bon ces victoires payes d'un si grand prix ? Que peut apporter l'homme la socit ? Que peut-il en attendre ? Qu'adviendra-t-il aprs cette vie ? L'Eglise, quant elle, croit que le Christ, mort et ressuscit pour tous, offre l'homme, par son Esprit, lumire et forces pour lui permettre de rpondre sa trs haute vocation. Elle croit qu'il n'est pas sous le ciel d'autre nom donn aux hommes par lequel ils doivent tre sauvs. Elle croit aussi que la cl, le centre et la fin de toute histoire humaine se trouve en son Seigneur et Matre. Elle affirme en outre que, sous tous les changements, bien des choses demeurent qui ont leur fondement ultime dans le Christ, le mme hier, aujourd'hui et jamais. C'est pourquoi, sous la lumire du Christ, image du Dieu invisible, premier-n de toute crature, le Concile se propose de s'adresser tous, pour clairer le mystre de l'homme et pour aider le genre humain dcouvrir la solution des problmes majeurs de notre temps.
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  • PREMIERE PARTIE L'EGLISE ET LA VOCATION HUMAINE
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  • Ce paragraphe indique lesprit de lensemble de lexpos. Il sagit, comme dj annonc au N 4, de discerner les signes des temps. Quest-ce que ces signes des temps ? Le P. Chenu les dfinissait ainsi : des phnomnes qui par leur gnralisation et leur grande frquence caractrisent une poque, et par lesquels sexpriment les besoins et les aspirations de lhumanit prsente. Le Concile affirmera au N 26 que LEsprit de Dieu, qui par une providence admirable conduit le cours des temps et rnove la face de la terre, est prsent cette volution (malgr les rticences dun certain nombre dvques qui trouvaient lexpression trop darwinienne !) Rpondre aux appels de l'Esprit 11 M par la foi, se sachant conduit par l'Esprit du Seigneur qui remplit l'univers, le peuple de Dieu s'efforce de discerner dans les vnements, les exigences et les requtes de notre temps, auxquels il participe avec les autres hommes, quels sont les signes vritables de la prsence ou du dessein de Dieu. La foi, en effet, claire toutes choses d'une lumire nouvelle et nous fait connatre la volont divine sur la vocation intgrale de l'homme, orientant ainsi l'esprit vers, des solutions pleinement humaines. Le Concile se propose avant tout de juger cette lumire les valeurs les plus prises par nos contemporains et de les relier leur source divine. Car ces valeurs, dans la mesure o elles procdent du gnie humain, qui est un don de Dieu, sont fort bonnes; mais il n'est pas rare que la corruption du coeur humain les dtourne de l'ordre requis: c'est pourquoi elles ont besoin d'tre purifies. Que pense l'Eglise de l'homme ? Quelles orientations semblent devoir tre proposes pour l'dification de la socit contemporaine ? Quelle signification dernire donner l'activit de l'homme dans l'univers ? Ces questions rclament une rponse. La rciprocit des services que sont appels se rendre le peuple de Dieu et le genre humain, dans lequel ce peuple est insr, apparatra alors avec plus de nettet: ainsi se manifestera le caractre religieux et, par le fait mme, souverainement humain de la mission de l'Eglise.
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  • CHAPITRE PREMIER LA DIGNITE DE LA PERSONNE HUMAINE Ce chapitre et les deux suivants dessinent toute une image de lhomme (une anthropologie). Trois dimensions de ltre humain vont apparaitre, et lordre dans lequel elles vont apparaitre est fort important : 1.Lhomme comme personne. 2.Lhomme comme tre communautaire. 3.Lhomme considr dans son action.
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  • Tous s'accordent aujourd'hui reconnatre l'homme comme centre et sommet de l'univers ; mais Qu'est-ce--que l'homme? La rvlation rpond : Ds sa cration, ltre humain est image de Dieu, seigneur et non pas esclave, tre fait pour la relation. L'homme l'image de Dieu 12 Croyants et incroyants sont gnralement d'accord sur ce point: tout sur terre doit tre ordonn l'homme comme son centre et son sommet. Mais qu'est-ce que l'homme ? Sur lui-mme, il a propos et propose encore des opinions multiples, diverses et mmes opposes, suivant lesquelles, souvent, ou bien il s'exalte lui-mme comme une norme absolue, ou bien il se rabaisse jusqu'au dsespoir: d'o ses doutes et ses angoisses. Ces difficults, l'Eglise les ressent fond, instruite par la Rvlation divine, elle peut y apporter une rponse, o se trouve dessine la condition vritable de l'homme, o sont mises au clair ses faiblesses, mais o peuvent en mme temps tre justement reconnues sa dignit et sa vocation. La Bible, en effet, enseigne que l'homme a t cr " l'image de Dieu", capable de connatre et d'aimer son Crateur, qu'il a t constitu seigneur de toutes les cratures terrestres pour les dominer et pour s'en servir, en glorifiant Dieu. "Qu'est-ce donc l'homme, pour que tu te souviennes de lui ? ou le fils de l'homme pour que tu te soucies de lui ? A peine le fis-tu moindre qu'un dieu, le couronnant de gloire et de splendeur: tu l'tablis sur l'oeuvre de tes mains, tout fut mis par toi sous ses pieds" (Ps 8,5-7). Mais Dieu n'a pas cr l'homme solitaire: ds l'origine, "il les cra homme et femme" (Gn 1,27). Cette socit de l'homme et de la femme est l'expression premire de la communion des personnes. Car l'homme, de par sa nature profonde, est un tre social, et, sans relations avec autrui, il ne peut vivre ni panouir ses qualits. C'est pourquoi Dieu, lisons-nous encore dans le Bible, "regarda tout ce qu'il avait fait et le jugea trs bon" (Gn 1,31).
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  • Le pch, rupture avec Dieu, a provoqu une rupture dans l'homme et entre les hommes, entranant un esclavage que le Seigneur lui-mme est venu abolir. (Dans chacun des N' 14 17, on retrouvera le mme mouvement : - un aspect de la dignit humaine - les dommages causs par le pch - lappel retrouver la dignit premire). Le pch 13 Etabli par Dieu dans un tat de justice, l'homme, sduit par le Malin, ds le dbut de l'histoire, a abus de sa libert, en se dressant contre Dieu et en dsirant parvenir sa fin hors de Dieu. Ayant connu Dieu, "ils ne lui ont pas rendu gloire comme un Dieu (...) mais leur coeur inintelligent s'est entnbr", et ils ont servi la crature de prfrence au Crateur. Ce que la Rvlation divine nous dcouvre ainsi, notre propre exprience le confirme. Car l'homme, s'il regarde au-dedans de son coeur, se dcouvre enclin aussi au mal, submerg de multiples maux qui ne peuvent provenir de son Crateur, qui est bon. Refusant souvent de reconnatre Dieu comme son principe, l'homme a, par le fait mme, bris l'ordre qui l'orientait sa fin dernire, et, en mme temps, il a rompu toute harmonie, soit par rapport lui-mme, soit par rapport aux autres hommes et toute la cration. C'est donc en lui-mme que l'homme est divis. Voici que toute la vie des hommes, individuelle et collective, se manifeste comme une lutte, combien dramatique, entre le bien et le mal, entre la lumire et les tnbres. Bien plus, voici que l'homme se dcouvre incapable par lui-mme de vaincre effectivement les assauts du mal; et ainsi chacun se sent comme charg de chanes. Mais le Seigneur en personne est venu pour restaurer l'homme dans sa libert et sa force, le rnovant intrieurement et jetant dehors le prince de ce monde (cf. Jn 12,31), qui le retenait dans l'esclavage du pch. Quant au pch, il amoindrit l'homme lui-mme en l'empchant d'atteindre sa plnitude. Dans la lumire de cette Rvlation, la sublimit de la vocation humaine, comme la profonde misre de l'homme, dont tous font l'exprience, trouvent leur signification ultime.
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  • L'homme est constitu "corps et me, mais vraiment un". Il lui faut donc d'une part respecter son corps et d'autre part reconnatre en lui-mme un tre spirituel et libre qui dpasse l'univers matriel. La grandeur de l'intelligence humaine est reconnaissable dans les progrs de toutes les sciences, mais surtout en ce qu'elle tend vers la sagesse. Constitution de l'homme 14 Corps et me, mais vraiment un, l'homme est, dans sa condition corporelle mme, un rsum de l'univers des choses qui trouvent ainsi, en lui, leur sommet, et peuvent librement louer leur Crateur. Il est donc interdit l'homme de ddaigner la vie corporelle. Mais, au contraire, il doit estimer et respecter son corps qui a t cr par Dieu et qui doit ressusciter au dernier jour. Toutefois, bless par le pch, il ressent en lui les rvoltes du corps. C'est donc la dignit mme de l'homme qui exige de lui qu'il glorifie Dieu dans son corps, sans le laisser asservir aux mauvais penchants de son coeur. En vrit, l'homme ne se trompe pas lorsqu'il se reconnat suprieur aux lments matriels et qu'il se considre comme irrductible, soit une simple parcelle de la nature, soit un lment anonyme de la cit humaine. Par son intriorit, il dpasse en effet l'univers des choses: c'est ces profondeurs qu'il revient lorsqu'il fait retour en lui- mme o l'attend ce Dieu qui scrute les coeurs et o il dcide personnellement de son propre sort sous le regard de Dieu. Ainsi, lorsqu'il reconnat en lui une me spirituelle et immortelle, il n'est pas le jouet d'une cration imaginaire qui s'expliquerait seulement par les conditions physiques et sociales, bien au contraire, il atteint le trfonds mme de la ralit. Dignit de l'intelligence, vrit et sagesse 15 Participant la lumire de l'intelligence divine, l'homme a raison de penser que, par sa propre intelligence, il dpasse l'univers des choses. Sans doute son gnie au long des sicles, par une application laborieuse, a fait progresser les sciences empiriques, les techniques et les arts libraux. De nos jours il a obtenu des victoires hors pair, notamment dans la dcouverte et la conqute du monde matriel. Toujours cependant il a cherch et trouv une vrit plus profonde. Car l'intelligence ne se borne pas aux seuls phnomnes; elle est capable d'atteindre, avec une authentique certitude, la ralit intelligible, en dpit de la part d'obscurit et de faiblesse que laisse en elle le pch. Enfin, la nature intelligente de la personne trouve et doit trouver sa perfection dans la sagesse. Celle-ci attire avec force et douceur l'esprit de l'homme vers la recherche et l'amour du vrai et du bien; l'homme qui s'en nourrir est conduit du monde visible l'invisible. Plus que toute autre, notre poque a besoin d'une telle sagesse, pour humaniser ses propres dcouvertes, quelles qu'elles soient. L'avenir du monde serait en pril si elle ne savait pas se donner des sages. Pourquoi ne pas ajouter cette remarque: de nombreux pays, pauvres en biens matriels, mais riches en sagesse, pourront puissamment aider les autres sur ce point. Par le don de l'Esprit, l'homme parvient, dans la foi, contempler et goter le mystre de la volont divine.
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  • La conscience morale est "le sanctuaire o l'homme est seul avec Dieu et o sa voix se fait entendre. Mais cette conscience a besoin dtre informe et forme. La libert est une valeur bon droit estime par nos contemporains. Elle trouve son sens vritable quand elle s'exprime dans des choix conscients, dgags des servitudes extrieures, tendant vers le bien, et, avec l'aide de la grce, ordonns Dieu. Dignit de la conscience morale 16 Au fond de sa conscience, l'homme dcouvre la prsence d'une loi qu'il ne s'est pas donne lui-mme, mais laquelle il est tenu d'obir. Cette voix, qui ne cesse de le presser d'aimer et d'accomplir le bien et d'viter le mal, au moment opportun rsonne dans l'intimit de son coeur: "Fais ceci, vite cela". Car c'est une loi inscrite par Dieu au coeur de l'homme; sa dignit est de lui obir, et c'est elle qui le jugera. La conscience est le centre le plus secret de l'homme, le sanctuaire o il est seul avec Dieu et o sa voix se fait entendre. C'est d'une manire admirable que se dcouvre la conscience cette loi qui s'accomplit dans l'amour de Dieu et du prochain. Par fidlit la conscience, les chrtiens, unis aux autres hommes, doivent chercher ensemble la vrit et la solution juste de tant de problmes moraux que soulvent aussi bien la vie prive que la vie sociale. Plus la conscience droite l'emporte, plus les personnes et les groupes s'loignent d'une dcision aveugle et tendent se conformer aux normes objectives de la moralit. Toutefois, il arrive souvent que la conscience s'gare, par suite d'une ignorance invincible, sans perdre pour autant sa dignit. Ce que l'on ne peut dire lorsque l'homme se soucie peu de rechercher le vrai et le bien et lorsque l'habitude du pch rend peu peu sa conscience presque aveugle. Grandeur de la libert 17 Mais c'est toujours librement que l'homme se tourne vers le bien. Cette libert, nos contemporains l'estiment grandement et ils la poursuivent avec ardeur. Et ils ont raison. Souvent cependant ils la chrissent d'une manire qui n'est pas droite, comme la licence de faire n'importe quoi, pourvu que cela plaise, mme le mal. Mais la vraie libert est en l'homme un signe privilgi de l'image divine. Car Dieu a voulu le laisser son propre conseil pour qu'il puisse de lui-mme chercher son Crateur et, en adhrant librement lui, s'achever ainsi dans une bienheureuse plnitude. La dignit de l'homme exige donc de lui qu'il agisse selon un choix conscient et libre, m et dtermin par une conviction personnelle et non sous le seul effet de pousses instinctives ou d'une contrainte extrieure. L'homme parvient cette dignit lorsque, se dlivrant de toute servitude des passions, par le choix libre du bien, il marche vers sa destine et prend soin de s'en procurer rellement les moyens par son ingniosit. Ce n'est toutefois que par le secours de la grce divine que la libert humaine, blesses par le pch, peut s'ordonner Dieu d'une manire effective et intgrale. Et chacun devra rendre compote de sa propre vie devant le tribunal de Dieu, selon le bien ou le mal accomplis.
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  • La mort pose de faon radicale et incontournable la question du sens de la vie humaine. L'homme rejette juste titre cette perspective de sa propre destruction. L'Eglise trouve dans la rsurrection de Jsus la certitude que la mort est vaincue ainsi que l'esprance de la communion avec Dieu. Le mystre de la mort 18 C'est en face de la mort que l'nigme de la condition humaine atteint son sommet. L'homme n'est pas seulement tourment par la souffrance et la dchance progressive de son corps, mais plus encore, par la peur d'une destruction dfinitive. Et c'est par une inspiration juste de son coeur qu'il rejette et refuse cette ruine totale et ce dfinitif chec de sa personne. Le germe d'ternit qu'il porte en lui, irrductible la seule matire, s'insurge contre la mort. Toutes les tentatives de la technique, si utiles qu'elles soient, sont impuissantes calmer son anxit: car le prolongement de la vie que la biologie procure ne peut satisfaire ce dsir d'une vie ultrieure, invinciblement ancr dans son coeur. Mais si toute imagination ici dfaille, l'Eglise, instruite par la Rvlation divine, affirme que Dieu a cr l'homme en vue d'une fin bienheureuse, au-del des misres du temps prsent. De plus, la foi chrtienne enseigne que cette mort corporelle, laquelle l'homme aurait t soustrait s'il n'avait pas pch, sera un jour vaincue, lorsque le salut, perdu par la faute de l'homme, lui sera rendu par son tout-puissant et misricordieux Sauveur. Car Dieu a appel et appelle l'homme adhrer lui de tout son tre, dans la communion ternelle d'une vie divine inaltrable. Cette victoire, le Christ l'a acquise en ressuscitant, librant l'homme de la mort par sa propre mort. A partir des titres srieux qu'elle offre l'examen de tout homme, la foi est ainsi en mesure de rpondre son interrogation angoisse sur son propre avenir. Elle nous offre en mme temps la possibilit d'une communion dans le Christ avec nos frres bien-aims qui sont dj morts, en nous donnant l'esprance qu'ils ont trouv prs de Dieu la vritable vie.
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  • Beaucoup de personnes nient larelation intime de l'homme Dieu, son origine et son but. Le Concile numre ici les diffrentes formes de l'athisme contemporain. De cet athisme, tous, incroyants et croyants (dont les chrtiens) portent une part de responsabilit. Formes et racines de l'athisme 19 L'aspect le plus sublime de la dignit humaine se trouve dans cette vocation de l'homme communier avec Dieu. Cette invitation que Dieu adresse l'homme de dialoguer avec Lui commence avec l'existence humaine. Car, si l'homme existe, c'est que Dieu l'a cr par amour et, par amour, ne cesse de lui donner l'tre; et l'homme ne vit pleinement selon la vrit que s'il reconnat librement cet amour et s'abandonne son Crateur. Mais beaucoup de nos contemporains ne peroivent pas du tout ou mme rejettent explicitement le rapport intime et vital qui unit l'homme Dieu: tel point que l'athisme compte parmi les faits les plus graves de ce temps et doit tre soumis un examen trs attentif. On dsigne sous le nom d'athisme des phnomnes entre eux trs divers. En effet, tandis que certains athes nient Dieu expressment, d'autres pensent que l'homme ne peut absolument rien affirmer de lui. D'autres encore traitent le problme de Dieu de telle faon que ce problme semble dnu de sens. Beaucoup outrepassant indment les limites des sciences positives, ou bien prtendent que la seule raison scientifique explique tout, ou bien, l'inverse, ne reconnaissent comme dfinitive absolument aucune vrit. Certains font un tel cas de l'homme que la foi en Dieu s'en trouve comme nerve, plus proccups qu'ils sont, semble- t-il, d'affirmer l'homme que de nier Dieu. D'autres se reprsentent Dieu sous un jour tel que, en le repoussant, ils refusent un Dieu qui n'est en aucune faon celui de l'Evangile. D'autres n'abordent mme pas le problme de Dieu: ils paraissent trangers toute inquitude religieuse et ne voient pas pourquoi ils se soucieraient encore de religion. L'athisme, en outre, nat souvent, soit d'une protestation rvolte contre le mal dans le monde, soit du fait que l'on attribue tort certains idaux humains un tel caractre d'absolu qu'on en vient les prendre pour Dieu. La civilisation moderne elle-mme, non certes par son essence mme, mais parce qu'elle se trouve trop engage dans les ralits terrestres, peut rendre souvent plus difficile l'approche de Dieu. Certes, ceux qui dlibrment s'efforcent d'liminer Dieu de leur coeur et d'carter les problmes religieux, en ne suivant pas le "dictamen" de leur conscience, ne sont pas exempts de faute. Mais les croyants eux-mmes portent souvent cet gard une certaine responsabilit. Car l'athisme, considr dans son ensemble, ne trouve pas son origine en lui-mme; il la trouve en diverses causes, parmi lesquelles il faut compter une raction critique en face des religions et spcialement, en certaines rgions, en face de la religion chrtienne. C'est pourquoi, dans cette gense de l'athisme, les croyants peuvent avoir une part qui n'est pas mince, dans la mesure o, par la ngligence dans l'ducation de leur foi, par des prsentations trompeuses de la doctrine et aussi par des dfaillances de leur vie religieuse, morale et sociale, on peut dire d'eux qu'ils voilent l'authentique visage de Dieu et de la religion plus qu'ils ne le rvlent.
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  • On note en particulier deux formes d'athisme systmatique : 1) Une ide de la libert humaine qui exclut la dpendance l'gard de Dieu (cf. lexistentialisme) ; 2) Une ide de la libration conomique et sociale pour laquelle la religion serait un obstacle (cf. le marxisme). Rponse de lEglise devant lathisme (cf. diapo suivante) L'athisme systmatique 20 Souvent l'athisme moderne prsente aussi une forme systmatique, qui, abstraction faite des autres causes, pousse le dsir d'autonomie humaine un point tel qu'il fait obstacle toute dpendance l'gard de Dieu. Ceux qui professent un athisme de cette sorte soutiennent que la libert consiste en ceci que l'homme est pour lui-mme sa propre fin, le seul artisan et le dmiurge de sa propre histoire. Ils prtendent que cette vue des choses est incompatible avec la reconnaissance d'un Seigneur, auteur et fin de toutes choses ou, au moins, qu'elle rend cette affirmation tout fait superflue. Cette doctrine peut se trouver renforce par le sentiment de puissance que le progrs technique actuel confre l'homme. Parmi les formes de l'athisme contemporain, on ne doit pas passer sous silence celle qui attend la libration de l'homme surtout de sa libration conomique et sociale. A cette libration s'opposerait, par sa nature mme, la religion, dans la mesure, o, rigeant l'esprance de l'homme sur le mirage d'une vie future, elle le dtournerait d'difier la cit terrestre. C'est pourquoi les tenants d'une telle doctrine, l o ils deviennent les matres du pouvoir, attaquent la religion avec violence, utilisant pour la diffusion de l'athisme, surtout en ce qui regarde l'ducation de la jeunesse, tous les moyens de pression dont le pouvoir public dispose. L'attitude de l'Eglise en face de l'athisme 21 L'Eglise, fidle la fois Dieu et l'homme, ne peut cesser de rprouver avec douleur et avec la plus grande fermet, comme elle l'a fait dans le pass, ces doctrines et ces manires de faire funestes qui contredisent la raison et l'exprience commune et font dchoir l'homme de sa noblesse native. Elle s'efforce cependant de saisir dans l'esprit des athes les causes caches de la ngation de Dieu et, bien consciente de la gravit des problmes que l'athisme soulve, pousse par son amour pour tous les hommes, elle estime qu'il lui faut soumettre ces motifs un examen srieux et approfondi. L'Eglise tient que la reconnaissance de Dieu ne s'oppose en aucune faon la dignit de l'homme, puisque cette dignit trouve en Dieu lui-mme ce qui la fonde et ce qui l'achve. Car l'homme a t tabli en socit, intelligent et libre, par Dieu son Crateur. Mais surtout, comme fils, il est appel l'intimit mme de Dieu et au partage de son propre bonheur. L'Eglise enseigne, en outre, que l'esprance eschatologique ne diminue pas l'importance des tches terrestres, mais en soutient bien plutt l'accomplissement par de nouveaux motifs.
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  • Devant l'athisme, l'Eglise : - dit sa dsapprobation mais essaie de comprendre ; - affirme que la reconnaissance de Dieu augmente le sens de la dignit humaine (au lieu de la nier) et quelle encourage l'homme agir pour un monde plus humain (au lieu de len dtourner) ; - incite les chrtiens donner un juste tmoignage de la foi, par la parole et par laction, - invite tous les hommes, croyants et incroyants, travailler ensemble la construction du monde, dans un esprit de respect mutuel et de dialogue. A l'oppos, lorsque manquent le support divin et l'esprance de la vie ternelle, la dignit de l'homme subit une trs grave blessure, comme on le voit souvent aujourd'hui, et l'nigme de la vie et de la mort, de la faute et de la souffrance reste sans solution: ainsi, trop souvent, les hommes s'abment dans le dsespoir. Pendant ce temps, tout homme demeure ses propres yeux une question insoluble qu'il peroit confusment. A certaines heures, en effet, principalement l'occasion des grands vnements de la vie, personne ne peut totalement viter ce genre d'interrogation. Dieu seul peut pleinement y rpondre et d'une manire irrcusable, lui qui nous invite une rflexion plus profonde et une recherche plus humble. Quant au remde l'athisme, on doit l'attendre d'une part d'une prsentation adquate de la doctrine, d'autre part de la puret de vie de l'Eglise et de ses membres. C'est l'Eglise qu'il revient en effet de rendre prsents et comme visibles Dieu le Pre et son Fils incarn, en se renouvelant et en se purifiant sans cesse, sous la conduite de l'Esprit-Saint. Il y faut surtout le tmoignage d'une foi vivante et adulte, c'est--dire d'une foi forme reconnatre lucidement les difficults et capable de les surmonter. D'une telle foi, de trs nombreux martyrs ont rendu et continuent de rendre un clatant tmoignage. Sa fcondit doit se manifester en pntrant toute la vie des croyants, y compris leur vie profane, et en les entranant la justice et l'amour, surtout au bnfice des dshrits. Enfin ce qui contribue le plus rvler la prsence de Dieu, c'est l'amour fraternel des fidles qui travaillent d'un coeur unanime pour la foi de l'Evangile et qui se prsentent comme un signe d'unit. L'Eglise, tout en rejetant absolument l'athisme, proclame toutefois, sans arrire-pense, que tous les hommes, croyants et incroyants, doivent s'appliquer la juste construction de ce monde, dans lequel ils vivent ensemble: ce qui, assurment, n'est possible que par un dialogue loyal et prudent. L'Eglise dplore donc les diffrences de traitements que certaines autorits civiles tablissent injustement entre croyants et incroyants, au mpris des droits fondamentaux de la personne. Pour les croyants, elle rclame la libert effective et la possibilit d'lever aussi dans ce monde le temple de Dieu. Quant aux athes, elle les invite avec humanit examiner en toute objectivit l'Evangile du Christ. Car l'Eglise sait parfaitement que son message est en accord avec le fond secret du coeur humain quand elle dfend la dignit de la vocation de l'homme, et rend ainsi l'espoir ceux qui n'osent plus croire la grandeur de leur destin. Ce message, loin de diminuer l'homme, sert son progrs en rpandant lumire, vie et libert et, en dehors de lui, rien ne peut combler le coeur humain:"Tu nous as faits pour toi, Seigneur "et notre coeur ne connat aucun rpit jusqu' ce qu'il trouve son repos en toi".
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  • Le Christ nous rvle, non seulement qui est Dieu, mais aussi qui est l'homme. Dans son incarnation la nature humaine est assume (cest--dire prise tout entire et non amoindrie) et restaure comme image de Dieu. Par la croix il nous rconcilie avec Dieu et nous libre. Par sa glorification et le don de l'Esprit il nous vivifie. Le Christ, homme nouveau 22 En ralit, le mystre de l'homme ne s'claire vraiment que dans le mystre du Verbe incarn. Adam, en effet, le premier homme, tait la figure de celui qui devait venir, le Christ Seigneur. Nouvel Adam, le Christ, dans la rvlation mme du mystre du Pre et de son amour, manifeste pleinement l'homme lui-mme et lui dcouvre la sublimit de sa vocation. Il n'est donc pas surprenant que les vrits ci-dessus trouvent en lui leur source et atteignent en lui leur point culminant. "Image du Dieu invisible" ( Col 1,15 ), il est l'homme parfait qui a restaur dans la descendance d'Adam la ressemblance divine, altre ds le premier pch. Parce qu'en lui la nature humaine a t assume, non absorbe, par le fait mme, cette nature a t leve en nous aussi une dignit sans gale. Car, par son incarnation, le Fils de Dieu s'est en quelque sorte uni lui-mme tout homme. Il a travaill avec des mains d'homme, il a pens avec une intelligence d'homme, il a agi avec une volont d'homme, il a aim avec un coeur d'homme. N de la Vierge Marie, il est vraiment devenu l'un de nous, en tout semblable nous, hormis le pch. Agneau innocent, par son sang librement rpandu, il nous a mrit la vie; et, en lui, Dieu nous a rconcilis avec lui- mme et entre nous, nous arrachant l'esclavage du diable et du pch. En sorte que chacun de nous peut dire avec l'Aptre: le Fils de Dieu "m'a aim et il s'est livr lui-mme pour moi" ( Ga 2,20 ). En souffrant pour nous, il ne nous a pas simplement donn l'exemple, afin que nous marchions sur ses pas, mais il a ouvert une route nouvelle: si nous la suivons, la vie et la mort deviennent saintes et acquirent un sens nouveau. Devenu conforme l'image du Fils, premier-n d'une multitude de frres, le chrtien reoit "les prmices de l'Esprit" ( Rm 8,23 ), qui le rendent capable d'accomplir la loi nouvelle de l'amour. Par cet Esprit, "gage de l'hritage" ( Ep 1,14 ), c'est tout l'homme qui est intrieurement renouvel, dans l'attente de "la Rdemption du corps" ( Rm 8,23 ): "Si l'Esprit de celui qui a ressuscit Jsus d'entre les morts demeure en vous, celui qui a ressuscit Jsus-Christ d'entre les morts donnera aussi la vie vos corps mortels, par son Esprit qui habite en vous ( Rm 8,11 ). Certes, pour un chrtien, c'est une ncessit et un devoir de combattre le mal au prix de nombreuses tribulations et de subir la mort. Mais, associ au mystre pascal, devenant conforme au Christ dans la mort, fortifi par l'esprance, il va au-devant de la rsurrection. Et cela ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ, mais bien pour tous les hommes de bonne volont, dans le coeur desquels, invisiblement, agit la grce. En effet, puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernire de l'homme est rellement unique, savoir divine, nous devons tenir que l'Esprit Saint offre tous, d'une faon que Dieu connat, la possibilit d'tre associ au mystre pascal. Telle est la qualit et la grandeur du mystre de l'homme, ce mystre que la Rvlation chrtienne fait briller aux yeux des croyants. C'est donc par le Christ et dans le Christ que s'claire l'nigme de la douleur et de la mort qui, hors de son Evangile, nous crase. Le Christ est ressuscit; par sa mort, il a vaincu la mort, et il nous a abondamment donn la vie pour que, devenus fils dans le Fils, nous clamions dans l'Esprit: Abba, Pre ! (Avec les paragraphes finaux des autres chapitres, ce texte forme une magnifique synthse de lenseignement de lEglise sur le Christ)
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  • CHAPITRE II LA COMMUNAUTE HUMAINE Lhomme, dimension communautaire
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  • Ce que le Concile appelle la "socialisation, cest--dire la multiplication des relations entre les hommes, tend vers le dialogue fraternel mais ne suffit pas l'assurer. Il y faut une communion base sur le respect des personnes. La rvlation chrtienne favorise cette communion et en claire le sens. Dieu a voulu que tous les hommes soient une seule famille. C'est pourquoi le grand commandement du Christ demande la fois l'amour de Dieu et du prochain. Plus encore (Jn 17, 20-23) : l'union des hommes, dans un esprit de don dsintress, est l'image de l'union du Pre et du Fils. But poursuivi par le Concile 23 Parmi les principaux aspects du monde d'aujourd'hui, il faut compter la multiplication des relations entre les hommes que les progrs techniques actuels contribuent largement dvelopper. Toutefois le dialogue fraternel des hommes ne trouve pas son achvement ce niveau, mais plus profondment dans la communaut des personnes et celle-ci exige le respect rciproque de leur pleine dignit spirituelle. La Rvlation chrtienne favorise puissamment l'essor de cette communion des personnes entre elles; en mme temps elle nous conduit une intelligence plus pntrante des lois de la vie sociale, que le Crateur a inscrites dans la nature spirituelle et morale de l'homme. Mais comme de rcents documents du magistre ont abondamment expliqu la doctrine chrtienne sur la socit humaine, le Concile s'en tient au rappel de quelques vrits majeures dont il expose les fondements la lumire de la Rvlation. Il insiste ensuite sur quelques consquences qui revtent une importance particulire en notre temps. Caractre communautaire de la vocation humaine dans le plan de Dieu 24 Dieu, qui veille paternellement sur tous, a voulu que tous les hommes constituent une seule famille et se traitent mutuellement comme des frres. Tous, en effet, ont t crs l'image de Dieu, "qui a fait habiter sur toute la face de la terre tout le genre humain issu d'un principe unique" ( Ac 17,26 ), et tous sont appels une seule et mme fin, qui est Dieu lui-mme. A cause de cela, l'amour de Dieu et du prochain est le premier et le plus grand commandement. L'Ecriture, pour sa part, enseigne que l'amour de Dieu est insparable de l'amour du prochain: "... tout autre commandement se rsume en cette parole: tu aimeras le prochain comme toi-mme... La charit est donc la loi dans sa plnitude" ( Rm 13,9-10 cf. 1Jn 4,20 ). Il est bien vident que cela est d'une extrme importance pour des hommes de plus en plus dpendants les uns des autres et dans un monde sans cesse plus unifi. Allons plus loin: quand le Seigneur Jsus prie le Pre pour que "tous soient un... comme nous nous sommes un" (Jn 17,21-22), il ouvre des perspectives inaccessibles la raison et il nous suggre qu'il y a une certaine ressemblance entre l'union des personnes divines et celles des fils de Dieu dans la vrit et dans l'amour. Cette ressemblance montre bien que l'homme, seule crature sur terre que Dieu a voulue pour elle-mme, ne peut pleinement se trouver que par le don dsintress de lui-mme.
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  • La personne a un besoin essentiel de la relation aux autres pour grandir. Mais dautre part les institutions sociales doivent avoir la personne pour principe, sujet et fin. Donc la famille et toutes les autres formes d'associations sont indispensables ou utiles pour le bien de la personne humaine. Mais souvent la socit nuit la personne humaine par des dsordres provenant de mauvaises structures sociales et, en dernire analyse, du pch. Interdpendance de la personne et de la socit 25 Le caractre social de l'homme fait apparatre qu'il y a interdpendance entre l'essor de la personne et le dveloppement de la socit elle-mme. En effet, la personne humaine qui, de par sa nature mme, a absolument besoin d'une vie sociale (3), est et doit tre le principe, le sujet et la fin de toutes les institutions. La vie sociale n'est donc pas pour l'homme quelque chose de surajout; aussi c'est par l'change avec autrui, par la rciprocit des services, par le dialogue avec ses frres que l'homme grandit selon toutes ses capacits et peut rpondre sa vocation. Parmi les liens sociaux ncessaires l'essor de l'homme, certains, comme la famille et la communaut politique, correspondent plus immdiatement sa nature intime; d'autres relvent plutt de sa libre volont. De nos jours, sous l'influence de divers facteurs, les relations mutuelles et les interdpendances ne cessent de se multiplier: d'o des associations et des institutions varies, de droit public ou priv. Mme si ce fait, qu'on nomme socialisation, n'est pas sans danger, il comporte cependant de nombreux avantages qui permettent d'affermir et d'accrotre les qualits de la personne, et de garantir ses droits. Mais si les personnes humaines reoivent beaucoup de la vie sociale pour l'accomplissement de leur vocation, mme religieuse, on ne peut cependant pas nier que les hommes, du fait des contextes sociaux dans lesquels ils vivent et baignent ds leur enfance, se trouvent souvent dtourns du bien et ports au mal. Certes, les dsordres, si souvent rencontrs dans l'ordre social, proviennent en partie des tensions existant au sein des structures conomiques, politiques et sociales. Mais, plus radicalement, ils proviennent de l'orgueil et de l'gosme des hommes, qui pervertissent aussi le climat social. L o l'ordre des choses a t vici par les suites du pch, l'homme, dj enclin au mal par naissance, prouve de nouvelles incitations qui le poussent pcher: sans efforts acharns, sans l'aide de la grce, il ne saurait les vaincre.
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  • La socialisation fait que le bien commun prend une dimension toujours plus universelle. En mme temps grandit la conscience de "l'minente dignit de la personne humaine" (numration de ses droits fondamentaux) C'est la personne qui est premire et tout dveloppement de la socit doit lui tre subordonn (cf. l'ordre du texte: Chapitre 1: la personne ; Chapitre 2 : la socit). L'Esprit de Dieu est luvre dans ces volutions : socialisation et sens des droits de l'homme. Promouvoir le bien commun 26 Parce que les liens humains s'intensifient et s'tendent peu peu l'univers entier, le bien commun, c'est--dire cet ensemble de conditions sociales qui permettent, tant aux groupes qu' chacun de leurs membres, d'atteindre leur perfection d'une faon plus totale et plus aise, prend aujourd'hui une extension de plus en plus universelle, et par suite recouvre des droits et des devoirs qui concernent tout le genre humain. Tout groupe doit tenir compte des besoins et des lgitimes aspirations des autres groupes, et plus encore du bien commun de l'ensemble de la famille humaine (5). Mais en mme temps grandit la conscience de l'minente dignit de la personne humaine, suprieure toutes choses et dont les droits et les devoirs sont universels et inviolables. Il faut donc rendre accessible l'homme tout ce dont il a besoin pour mener une vie vraiment humaine, par exemple: nourriture, vtement, habitat, droit de choisir librement son tat de vie et fonder une famille, droit l'ducation, au travail, la rputation, au respect, une information convenable, droit d'agir selon la droite rgle de sa conscience, droit la sauvegarde de la vie prive et une juste libert, y compris en matire religieuse. Aussi l'ordre social et son progrs doivent-ils toujours tourner au bien des personnes, puisque l'ordre des choses doit tre subordonn l'ordre des personnes et non l'inverse. Le Seigneur lui-mme le suggre lorsqu'il a dit: Le sabbat a t fait pour l'homme et non l'homme pour le sabbat . Cet ordre doit sans cesse se dvelopper, avoir pour base la vrit, s'difier sur la justice, et tre vivifi par l'amour; il doit trouver dans la libert un quilibre toujours plus humain. Pour y parvenir, il faut travailler au renouvellement des mentalits et entreprendre de vastes transformations sociales. L'Esprit de Dieu qui, par une providence admirable, conduit le cours des temps et rnove la face de la terre, est prsent cette volution. Quant au ferment vanglique, c'est lui qui a suscit et suscite dans le coeur humain une exigence incoercible de dignit.
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  • Enumration des aspects pratiques et urgents du respect de la personne : - Respect des pauvres (vieillards, migrs, enfants... - Condamnation de toute atteinte la vie, lintgrt de la personne, la dignit de l'homme... Respect de la personne humaine 27 Pour en venir des consquences pratiques et qui prsentent un caractre d'urgence particulire, le Concile insiste sur le respect de l'homme: que chacun considre son prochain, sans aucune exception, comme "un autre lui-mme", tienne compte avant tout de son existence et des moyens qui lui sont ncessaires pour vivre dignement, et garde d'imiter ce riche qui ne prit nul souci du pauvre Lazare. De nos jours surtout, nous avons l'imprieux devoir de nous faire le prochain de n'importe quel homme et, s'il se prsente nous, de le servir activement: qu'il s'agisse de ce vieillard abandonn de tous, ou de ce travailleur tranger, mpris sans raison, ou de cet exil, ou de cet enfant n d'une union illgitime qui supporte injustement le poids d'une faute qu'il n'a pas commise, ou de cet affam qui interpelle notre conscience en nous rappelant la parole du Seigneur: "Chaque fois que vous l'avez fait l'un de ces plus petits de mes frres, c'est moi que vous l'avez fait ( Mt 25,40 ). De plus, tout ce qui s'oppose la vie elle-mme, comme toute espce d'homicide, le gnocide, l'avortement, l'euthanasie et mme le suicide dlibr; tout ce qui constitue une violation de l'intgrit de la personne humaine, comme les mutilations, la torture physique ou morale, les contraintes psychologiques; tout ce qui est offense la dignit de l'homme, comme les conditions de vie sous-humaines, les emprisonnements arbitraires, les dportations, l'esclavage, la prostitution, le commerce des femmes et des jeunes; ou encore les conditions de travail dgradantes qui rduisent les travailleurs au rang de purs instruments de rapport, sans gard pour leurs personnalit libre et responsable: toutes ces pratiques et d'autres analogues sont, en vrit, infmes. Tandis qu'elles corrompent la civilisation, elles dshonorent ceux qui s'y livrent plus encore que ceux qui les subissent et insultent gravement l'honneur du Crateur.
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