connaitre les bacteries cibles qui justifient la prevention et la therapeutique probabiliste par les...

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M~decine et Maladies Infectieuses -- 1987 --Numdro Special ~ 31 & 35 CONNAITRE LES BACTERIESCIBLES QUi JUSTIFIENT LA PREVENTION ET LA THERAPEUTIQUE PROBABILISTE PAR LES ANTIBIOTIQUES parCh.SUC* La prescription empirique des antibioti- ques repose sur des connaissances clini- ques et ~pid~miologiques; le m~decin devra avant tout tenir compte de la cible bact6rienne probable. Les principaux ger- mes r6sidents & potentialit6 pathog~ne sont r~sum~s dans le Tableau I. Le choix d'une antibioth~rapie empirique s'applique : -& I'antibioprophylaxie : I'antibiotique est administr~ alors m~me que I'infection n'existe pas dans le but de pr6venir sa sur- venue. La molecule sera choisie en fonc- tion de I'~cologie bact~rienne de I'organe concern& Elle sera de courte dur~e inf~- rieure ou ~gale & 24 h. L'antibioprophylaxie est synonyme d'antibioth~rapie pr6ventive, flash, minute ou de dissuasion, -& I'antibioth~rapie curative probabi- liste dont la dur6e est d'au moins 48 h pour #.tre reconsid~r~e en fonction des r~sultats des examens bact~riologiques. Elle s'a- dresse & une infection r~elle symptomati- que ou non #, bact6ries pr~cises. Ces deux modalites th~rapeutiques s'a- dressent aux situations & risque en chirur- gie et en m~decine, parfois dans le cadre d'une antibioth~rapie curative probabiliste d'une situation d'urgence comportant une TABLEAU I DES MUQUEUSES Aero digestives supdrieures Streptocoque Alpha (Nelsseria, Corynebact~ries) . Anadrobies sensibles & la Peni G I Haemophi/us ± / Pneumocoque _ BG (-) + Estomac ~F Duodenum • "P Colon et rectum I rr'Escherichia co/i I ;IAutres ent~robact~ries : Proteus, J.~ K/ebsie//a, Enterobacter, Serratia, II C itrobacter Bile41-,--,,-. i L Strept°c°que D (ent~rocoque) = Ana6robies r~sistants ,~ la Peni G I (Bacteroides du Gr. fragilis) I. Clostridium Tractus g6nital (Bacille de Doderlein, inhibiteur des flores) 4, DU REVETEMENT CUTANE | Staphylococcus epidermidis (Corynebact~ries) Staphylococcus aureus +__ Streptocoque _+ BG (-) +_ DE L'ENVIRONNEMENT Eco syst~me du secteur de soins * H6pital de Rangueil, Service de Microbiologie, Chemin du Vallon, 31054 Toulouse Cedex. Les principaux germes r~sidents & potentialit~ pathog~ne 31

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M~dec ine e t Maladies Infect ieuses -- 1987 - - N u m d r o Specia l ~ 31 & 35

CONNAITRE LES BACTERIES CIBLES QUi JUSTIFIENT LA PREVENTION ET LA THERAPEUTIQUE PROBABILISTE PAR LES ANTIBIOTIQUES

par Ch. SUC*

La prescription empirique des antibioti- ques repose sur des connaissances clini- ques et ~pid~miologiques; le m~decin devra avant tout tenir compte de la cible bact6rienne probable. Les principaux ger- mes r6sidents & potentialit6 pathog~ne sont r~sum~s dans le Tableau I. Le choix d'une antibioth~rapie empirique s'applique :

- & I'antibioprophylaxie : I'antibiotique est administr~ alors m~me que I'infection n'existe pas dans le but de pr6venir sa sur- venue. La molecule sera choisie en fonc- tion de I'~cologie bact~rienne de I'organe concern& Elle sera de courte dur~e inf~- rieure ou ~gale & 24 h. L'antibioprophylaxie est synonyme d'antibioth~rapie pr6ventive, flash, minute ou de dissuasion,

- & I'antibioth~rapie curative probabi- liste dont la dur6e est d'au moins 48 h pour #.tre reconsid~r~e en fonction des r~sultats des examens bact~riologiques. Elle s'a- dresse & une infection r~elle symptomati- que ou non #, bact6ries pr~cises.

Ces deux modalites th~rapeutiques s'a- dressent aux situations & risque en chirur- gie et en m~decine, parfois dans le cadre d'une antibioth~rapie curative probabiliste d'une situation d'urgence comportant une

TABLEAU I

DES MUQUEUSES Aero digestives supdrieures Streptocoque Alpha (Nelsseria, Corynebact~ries)

. Anadrobies sensibles & la Peni G I Haemophi/us ± / Pneumocoque _

BG (-) + Estomac ~ F

Duodenum • "P Colon et rectum I rr'Escherichia co/i I ;IAutres ent~robact~ries : Proteus, J.~ K/ebsie//a, Enterobacter, Serratia,

I I C itrobacter Bile41-,--,,-. i L Strept°c°que D (ent~rocoque)

= Ana6robies r~sistants ,~ la Peni G I (Bacteroides du Gr. fragilis) I. Clostridium

Tractus g6nital (Bacille de Doderlein, inhibiteur des flores)

4, DU REVETEMENT CUTANE |

Staphylococcus epidermidis (Corynebact~ries) Staphylococcus aureus +__ Streptocoque _+ BG (-) +_

DE L'ENVIRONNEMENT Eco syst~me du

secteur de soins

* H6pital de Rangueil, Service de Microbiologie, Chemin du Vallon, 31054 Toulouse Cedex.

Les principaux germes r~sidents & potentialit~ pathog~ne

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menace vitale. Quoiqu'il en soit, I'anti- bioth~rapie sera dans la mesure du possi- ble & spectre 6troit ; vouloir couvrir tous les risques infectieux serait illusoire, dange- reux et s61ectionnant. Les modalit~s de I'antibiopr~vention en chirurgie r~pondent & des r~gles strictes :

-I 'antibiotique dolt: ~tre present au moment de I'incision & taux tissulaire efficace et persister en p~ri-op~ratoire imm6diat,

- la technique g~n~rale d'administration comportera donc: une injection & I'induc- tion anesth6sique, puis une injection toutes les 2 1/2 vies et enfin une injection en post-op6ratoire imm6diat.

II nous faut opposer : - & la chirurgie aseptique (os, articula-

tions, coeur et vaisseaux, greffes d'orga- nes) o~ le danger est repr~sent~ par la flore de la peau et de I'environnement,

- l a chirurgie septique (digestive, ORL et stomatologique, g~nitale et urologique) o~ le danger est represent6 par les flores des muqueuses.

CHIRURGIE ASEPTIQUE A RISQUE INFECTIEUX DE HAUTE GRAVITE

L'antibioth~rapie est uniquement pre- ventive. Seront int6ress~es la chirurgie thoracique, cardio-vasculaire (coeur ou- vert, pontage, proth~se vasculaire de I'aor- te et des membres inf~rieurs), osseuse et articulaire et tout particuli~rement les proth~ses de hanche, enfin les greffes d'organes. Les bact~ries responsables de ces infections post-op6ratoires sont avant tout Staphylococcus aureus mais aussi Staphylococcus epidermidis et les bacilles gram (-). On proposera ainsi I'association :

PENICILLINE M ou CEPHALOSPORINES DE 2eme GENERATION (C~famandole / Cefotiam)

+ AMINOSIDES

CHIRURGIE SEPTIQUE

CHIRURGIE DIGESTIVE (Tableau II)

TABLEAU I!

AB preventive _<24 H

AB curative probabiliste > 48h puis reconsid~r~e

Castro duod6nal Certaines affections : K - UIc~re - Traitement Cimetidine .... E. coli, Staph. aureus Cephalo 1ere ou 26me g(~n.

Voles biliaires

Obstacle voie principale ] V~sicule GG. I

Escherichia coil Clostridiurn Autres BG (-) Strepto D

I UREIDO-PENICILLINES

Colon, Rectum Chirurgie r~gl6e Appendicite perforL=e

P~ritonite Bacteroides du Gr. fragilis

Escherichia coil Strepto D

UREIDO-PENICILLtNES ou

CEPHALO 2~me GEN. + IMIDAZOLE

Chirurgie digestive

Antibiopr~vent ion

La chirurgie gastroduod6nale : L'anti- bioprophylaxie est bien codifi~e et ne devra ~tre prescrite que chez des patients au pH gastrique non acide (affection can- c6reuse, traitement anti H2). Les germes alors les plus souvent en cause sont E. coli et Staphylococcus aureus. On recourra ainsi.& une c~phalosporine de l~re ou de 2~me g~n~ration.

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La chirurgie biliaire : L'infection post- operatoire sur les voies biliaires est causee dans la majorite des cas par E. coil, d'au- tres bacilles gram (-) ou encore BacteroT- cles et Enterocoque. Les Ure'fdeo-Penicil- lines sont bien adaptees aux necessites de I'antibioprevention en chirurgie biliaire.

La chirurgie colo-rectale : Elle represen- te I'indication majeure de I'antibioprophyla- xie. Les bacteries concernees sont : Bacte- roTcles du groupe fragilis, Escherichia coli et Enterocoques. L'antibioprophylaxie doit comporter des molecules actives sur les germes anaerobies. On peut ainsi proposer les Ure'fdo-Penicillines ou les Cephalospo- rines de 26me generation, ces dernieres en association avec les Imidazoles.

A n t i b i o t h e r a p i e c u r a t i v e p r o b a b i l i s t e : Dans les cholecystites gangreneuses,

la bacterie la plus souvent en cause est Escherichia coli, mais peuvent se retrouver aussi Klebsiella, Proteus, Enterocoques, Bact~roTdes et Clostridium perfringens. Le choix antibiotique pourra se porter sur les Ure'fdo-Penicillines. Au cours des appendi- cites perforees ou des peritonites d'autres causes, les anaerobies predominent, mais se rencontrent aussi les enterobacteries et les enterocoques. L'antibiotherapie de pre- miere intention pourra comporter les UreT- do-Penicillines ou les Cephalosporines de 2eme generation associees aux Imidazo- 16s.

CHIRURGIE GYNECOLOGIQUE ET OBS- TETRICALE (Tableau III)

Les infections post-operatoires rencon- trees apres hysterectomie par voie abdomi- nale ou vaginale ou elargie, apres interrup- tion volontaire de grossesse sont causees par E. coil, les autres enterobacteries, les streptocoques, les Clostridium perfringens, les autres anaerobies. Le protocole antibio- tique propose tant en antibiotherapie pre- ventive que curative probabiliste compor- te : Ampicill ine + Imidazole ou Cefoxitine, ou U re'fdo-Penicillines.

TABLEAU III

AB preventive <_24 h

Hysterectomie abdomi- nale+ Hyst~rectomie ~largie Hyst~rectomie vaginale I.V.G.

AB curative probabiliste > 48h puis reconsider~e

C6sarienne & haut risque

Escherichia coil Autres enterobact~ries

Streptocoques CL perfringens

Autres anaerobies

AMPICILLINE + IMIDAZOLE ou CEFOXITINE

ou UREIDO-PENICILLINES

Chirurgie gynecologique et obst~tricale

CHIRURGIE UROLOGIQUE (Tableau IV)

TABLEAUIV

AB preventive <_24h

Manoeuvres trans-urethrales - Resection trans-urethralc

& la prostate - Biopsie prostatique

AB curative probabiliste > 48h puis reconsid~ree

Chirurgie de I'obstruc- tion des voies urinaires (lithiase syndrome de la jonction)

Enterobacteries (E. coli) Autres BG (-) (pyocyanique)

Strepto D (enterocoque)

I TRIMETHOPRIME- SULFAM ETOXAZOLE

UREIDO- PENICILLINES

Chirurgie urologique

Ant ib iopr~vent ion L'antibioprophylaxie reste sujette & con-

troverse, bien que les risques infectieux post-op6ratoires soient majeurs. Apr~s re, section endoscopique de la prostate, les biopsies prostatiques trans-rectales, les

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explorations retrogrades, le germe le plus souvent en cause est E. coli, mais aussi les autres bacilles gram (-), le bacille pyocyanique, I'enterocoque. Parmi les nombreux protocoles antibiotiques propo- s6s nous retiendrons le Trimethoprime- Sulfametoxazole ou les Ur6"fdo-P~nicil- lines.

Ant ib io thdrap ie curat ive II faut noter qu'une chirurgie sur urines

infect~es ne rel~vera pas d'une antibiopr~- vention mais d'une antibioth6rapie curative (chirurgie de I'obstruction des voies urinai- res distendues).

TABLEAU VI

AB pr6ventive _<24 h

Avulsions dentaires Endoscopies Sujets & risque d'endo- cardite bact~rienne Streptocoque alpha ou D

AMPI ou AMOXYCILLINE + GENTAMICINE

avant INTERVENTION RENOUVELER 8h apr~s

AB curative probabiliste > 48h puis reconsid~r6e

Plaies et blessures CI. perfringens PENI G ou IMIDAZOLE Pasteurella (morsures animales) TETRACYCLINES

Petite chirurgie

TABLEAU V

AB preventive _<24 h

AB curative probabiliste > 48h puis reconsid~r~e

K. autres affections _+ contamin#s

I Streptocoques

Staphylocoques BG (-)

Ana(~robies

CEPHALO 1#re ou 2~me g~n. : CEFAMANDOLE - CEFOTIAM

Chirurgie ORL

Les germes en cause sont les strepto- coques, les staphylocoques, les bacilles gram (-) et les ana6robies. Ces infections sont particulierement fr6quentes dans la chirurgie carcinologique. L'antibioth6rapie choisie sera une c6phalosporine de l~re ou 2eme g6n6ration.

PETITE CHIRURGIE (Tableau VI)

L'antibiopr6vention des avulsions den- taires (Streptocoques) et des endoscopies

(Streptocoques D) chez les sujets & risque d'endocardite infectieuse repose avant tout sur I'Ampicilline, associ~e & la Gentamicine dans le cas des Streptocoques D. Lors d'une plaie ou d'une blessure souill~e, la contamination par le Clostridium perfrin- gens est toujours & pr6venir par la Penicilli- ne G ou les Imidazol6s. Apr~s morsures animales, les pasteurelloses seront pr~ve- nues par les T6tracyclines.

CHOIX DE L'ANTIBIOTIQUE CURATIVE PROBABILISTE LORS D'INFECTIONS MEDICALES GRAVES (Tableau VII)

Pour les m~ningites bact6riennes puru- lentes la plupart du temps provoqu6es par un pneumocoque ou un m~ningocoque, le traitement ,, moderne >> sera le cefotaxime ou la ceftriaxone. En cas de m6ningite & li- quide clair, il faudra 6voquer un BK ou une Listeria et prescrire alors un traitement anti-tuberculeux ou I'ampicilline :

- l a p6nicilline G & de fortes doses doit ~tre prescrite & la moindre suspicion de gangrene gazeuse,

- Io rs de pneumopathie aigu~ grave, trois types de germes doivent #tre soup- £~onnes : le pneumocoque, les bacille gram (-) et legionella ; ce qui peut justifier I'association erythromicine - amoxycilline - acide clavulanique,

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TABLEAU VII TABLEAU VIII

AB curative probabiliste > 48 h puis reconsid6r6e

M6ningite bactdrienne (sauf BK et Listeria)

CEFOTAXIME / CEFTRIAXONE

Gangrene gazeuse

PENI G

Pneumopathie aigu~

ERYTHRO + AMOXY + AC. CLAVU- LANIQUE

Py61on6phrite

AMINOSIDE OU ~ LACTAMINE PARENTERALE

Salpingite

AMOXY + AC. CLAVULANIQUE +

TETRACYCLINES

Infections m~dicales graves

- I o r s d'une py610nephrite aigu~ le choix se portera sur des antibiotiques & forte diffusion dans le parenchyme renal et tr~s actif sur les bacilles gram (-). En rai- son de trop nombreuses resistances de ces germes & I'ampicilline, elle devra eve associ~e aux aminosides. On peut encore proposer une c6phalosporine de 3~me g~- n~ration,

- l e s salpingites exigent une associa- tion antibiotique active sur les bacilles gram (-), les ana6robies; le streptocoque et les Chlamydiae, un bon choix est t6tracy- ciines + amoxycilline + acide clavulanique.

AB curative probabiliste > 48 h puis reconsid6r6e

Selon la probabilite clinique et I'ecologie du secteur de soins

Risque AB Staph. aureus Vanco Meti aminoside r~sistant Fosfo

Acinetobacter calcoaceticus Pseudomonas aeruginosa Ent~robact~ ~ries multi r6sistantes Serratia Citrobacter Proteus #]dole +

C~phalo 3~me g~n6- ration Nelie ~ lacta- mines : lmipenem

+ Amikacine

Le malade de soins intensifs pr~sentant un 6tat septique grave

ANTIBIOTHERAPIE CURATIVE PROBABI- LISTE D'UN MALADE DE SOINS INTEN- SIFS PRESENTANT UN ETAT SEPTIQUE GRAVE (Tableau VIII)

L'antibioth~rapie sera toujours discut(~e en fonction de la probabilit6 clinique et de 1'6cologie du secteur de soins. Deux ris- ques sont & craindre :

- l e s infections & staphylococcus au- reus m6ticilline resistant aminosides r6sis- tant ; la vancomycine est active; la fos- fomycine peut lui ~tre associ~e,

- l e s infections & pseudomonas aerugi- nosa et aux ent6robact6ries multi-r6sis- tantes ; c'est dans ces casque les c6pha- Iosporines de 3eme g6n6ration et les nou- velles b6ta-lactamines (imipenem, aztreo- nam) en association avec I'amikacine trou- vent leurs meilleures indications.

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