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Commission océanographique intergouvernementale série technique I 21 Conférences à la mémoire d'Anton Bruun, 1979' ~ - Prononcées à la onzième session de l'Assemblée de la COI, Unesco, Paris, 1 er novembre 1979 Le milieu marin et les ressources de l'océan Unesco, 1980

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Commission océanographique intergouvernementale série technique

I

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Conférences à la mémoire d'Anton Bruun, 1979' ~

-

Prononcées à la onzième session de l'Assemblée de la COI, Unesco, Paris, 1 er novembre 1979

Le milieu marin et les ressources de l'océan

Unesco, 1980

Les désignations employées et la présentation adoptée ne sauraient être interprétées comme l’expression d’une prise de position des Secré- tariats de l’Unesco et de la COI sur le statut légal ou le régime d’un pays ou d’un territoire quelconque, non plus que sur le tracé de ses frontières.

ISBN 92-3-201947-7 Edition anglaise 92-3-1 01947-3 Edition espagnole 92-3-301947-0 Edition ;usse 92-34019474 Publiée en 1981 par l’organisation des Nations Unies p o w l’éducation, la science et la culture 7, place de Fontenoy, 75700 Pans Composé et imprimé dans les ateliers de l’Unesco

Unesco 1981 Imprimé en France

Avant-propos

Cette série de conférences, prononcées à la onzième session de l'Assemblée d e la Commission océanographique inter- gouvernementale, est dédiée à la mémoire d'Anton Frederick Bruun, éminent océanographe danois et premier président d e la Commission. Les "Conférences à la mémoire d'Anton Bruun" sont organisées en application de la résolution VI-19 de la COI, par laquelle la Commission a proposé que des conférenciers résument les événements importants survenus pendant les deux années précédentes dans les domaines suivants : études concernant la litho- sphère ; océanographie physique et chimique et météoro- logie; biologie marine. La Commission a en outre prié l'Unesco de prendre les dispositions voulues pour que ces Conférences soient publiées, et i l a été décidé par la suite de les faire paraître dans la "Série technique" des publi- cations de la COI.

Anton Bruun, né le 14 décembre 1901, était le fils aîné d'un cultivateur mais, victime dans son enfance d'une grave attaque de poliomyélite, i l renonça à l'agriculture pour s'orienter vers une carrière universitaire.

Lorsqu'il passa son doctorat de zoologie, en 1926, Bruun travaillait déjà depuis plusieurs années pour l'Institut danois de recherches halieutiques. I I put ainsi participer à des croisières dans l'Atlantique Nord, au cours desquelles i l apprit beaucoup au contact d'éminents h o m m e s de science c o m m e Johannes Schmidt, C. G. Johannes Petersen et Thomas Mortensen.

Plus importante encore pour sa future carrière fut sa participation à l'Expédition Dana, qui lui permit de faire le tour du monde en 1928-1930 et d'approfondir ses

connaissances sur \a vie animale dans les mers, I'océano- graphie générale et les techniques de la recherche marine.

Au cours des années suivantes, Bruun consacra la plus grande partie de son temps à étudier les animaux des riches collections Dana et à publier son traité sur les poissons volants de l'Atlantique. En 1938, i l fut n o m m é conserva- teur d u musée zoologique de l'université de Copenhague, où i l donna également par la suite des cours d'océanologie.

A partir de 1945-1946, i l fut le chef de l'expédition Atlantide qui explora le plateau continental de l'Afrique de l'Ouest. I I dirigea ensuite de ,facon magistrale I'expé- dition Galathea (1950-1952) essentiellement consacrée à la faune benthique au-delà de 3.000 m de profondeur, et i l entreprit la première exploration des grandes fosses abyssales, où i l découvrit une faune spéciale à laqùelle i l donna le n o m de faune "hadale".

Bruun consacra les dix dernières années de sa vie à l'océanographie internationale. I I participa activement à la création d'organismes tels que le Comité scientifique de la recherche océanique (SCOR), le Comité consultatif international des sciences de la mer (IACOMS), I'Asso- ciation internationale d'océanographie biologique(AIOB1 et la Commission océanographique intergouvernementale (COI), dont i l devint le premier président en 1961.

Sa mort prématurée, quelques mois plus tard, le 13 décembre 1961, mit fin à de multiples espoirs et aspirations, mais son souvenir ne s'effacera pas, en raison de l'influence vivifiante qu'il a eue sur ses collègues océanographes et de sa contribution à la connaissance scientifique de la mer qu'il aimait tant.

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Table des matières

DECLARATION LIMINAIRE M. Neil J. Campbell, (Premier Vice-président). ..................................... 5

GESSOURCES MARINES NON BIOLOGIQUES M. EugenSeibold ........................................................ 7

ENERGIES DE LA MER M.KenzoTakano ........................................................ 17

LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES A COURT TERME : LE POINT DE VUE D’UN SPECIALISTE DE L’OCEANOGRAPHIE PHYSIQUE

M. J.S. Godfrey. ......................................................... 23

LA PRODUCTION AU CENTRE DES TOURBILLONS DU PACIFIQUE M.D.H.Cushing ......................................................... 35

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Déclaration liminaire M. Neil J. Campbell, Premier Vice-président

Mesdames, Messieurs, J'ai l'honneur de vous souhaiter la bienvenue aux confé- rences qui seront prononcées à la mémoire d'Anton Bruun à l'occasion de la onzième session de l'Assemblée de la Commission océanographique intergouvernementale. Les quatre conférences que vous entendrez aujourd'hui font partie d'une série de réunions scientifiques dédiées à la mémoire d'Anton Bruun, connu c o m m e un éminent spé- cialiste de la biologie marine non seulement dans son pays natal le Danemark, mais aussi dans le m o n d e entier. A u cours de sa remarquable carrière, i l a apporté de n o m - breuses et importantes contributions à la biologie marine et aux recherches sur la faune benthique des grands fonds. I I s'est consacré à la recherche, l'enseignement et au pro- grès général des sciences de la mer. Anton Bruun a contribué en outre de facon déterminante à la création de la Commission océanographique intergouvernementale dont i l a été élu le premier président en 1961. Sa mort prématurée survenue dès la première année de son mandat, a été pour la Commission ainsi que pour l'ensemble de la communauté océanographique une perte immense. C'est pourquoi la Commission a décidé de dédier, à chacune des sessions de son Assemblée, une série de conférences à sa mémoire.

Les conférences d'aujourd'hui ont pour thème le milieu marin et les ressources de l'océan. Les océans sont de plus en plus considérés c o m m e une source de nourriture, de matières premières et d'énergie. Cela s'applique particu- lièrement aux pays en développement dont certains ne bénéficient malheureusement pas d'un climat propice à la production agricole ou de formations géologiques terrestres se prêtant à l'exploitation de ressources miné- rales. Et bien évidemment, les pays développés c o m m e les pays en développement se retrouvent face à la sinistre perspective d'une diminution des sources classiques d'énergie.

Nous sommes donc particulièrement heureux d'avoir parmi nous aujourd'hui quatre scientifiques éminents qui peuvent parler avec compétence de ce que les océans nous réservent pour l'avenir. Nous entendrons dans l'ordre

M. Eugen Seibold de la République fédérale d'Allemagne qui nous parlera des ressources non renouvelables; M. Kenzo Takano qui traitera la question de l'énergie des océans ; M. David Rochford d'Australie qui présentera une c o m m u - nication sur le climat océanique et M. David Cushing d u Royaume-Uni qui nous entretiendra des ressources biolo- giques. Fidèle à l'esprit de coopération qui caractérise la COI, M. Rochford lira la communication de son collègue australien M. Stuart Godfrey qui, souffrant, n'a pu se joindre à nous aujourd'hui.

L'Assemblée de la COI a adopté au cours de cette onzième sesion des résolutions qui placeront les quatre thèmes qui vont être examinés au premier rang des pré- occupations de la COI. Les conférences à la mémoire d'Anton Bruun qui vont être prononcées aujourd'hui sont donc particulièrement d'actualité.

Avant que nos éminents orateurs prennent la parole, je tiens à les remercier au n o m de la COI ainsi qu'en m o n n o m propre de leur précieuse collaboration, qui consti- tuera sans aucun doute une excellente contribution aux travaux de l'Assemblée. C o m m e je l'ai déjà mentionné, notre premier invité est M. Eugen Seibold de la République fédérale d'Allemagne, directeur de l'Institut de géologie de l'université de Kiel. I I a étudié les sciences géologiques à l'université de Tübingen et à l'université de Bonn et obtenu son doctorat en 1948 après s'être spécialisé en sédimentologie. I I a enseigné à l'Institut de géologie de l'université de Tübingen, à l'Institut de géologie de l'université technique de Karlsruhe ainsi qu'à l'université de Kiel. I I s'intéresse tout particulièrement à la tectonique, à la sédimentologie et à la géologie marine appliquée. Ses recherches l'ont amené à travailler très souvent dans la Baltique, la mer d u Nord, l'Atlantique Est, l'océan Indien et le golfe Persique et à remplir en de nombreuses occa- sions les fonctions de responsable de l'équipe scientifique à bord d u N / O Meteor et d u N/O Valdivia. I I a partiîipé c o m m e co-responsable à la Section 41 du Glomar Challenger au large de la cote occidentale de l'Afrique et à bord d u Sonne au large d u Nord-Ouest de l'Australie.

Je laisse la parole à M. Eugen Seibold.

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Ressources marines non biologiques Eugen Seibold,

Institut de géologie et de paléontologie, Université de Kiel République fédérale dlAllemagne

Mesdames, Messieurs, Puisque l'occasion m'est donnée aujourd'hui de prendre la parole devant vous, je tiens à remercier la Commis- sion océanographique intergouvernementale (COI) et vous qui la représentez au plus haut niveau, de l'intérêt et d u soutien que j'ai reçus personnellement en tant que scien- tifique ainsi qu'un grand nombre de mes collègues, depuis l'Expédition internationale de l'océan Indien(ElO1). C'est pour moi un réel plaisir et un grand honneur de dédier m a présente contribution à la mémoire d'Anton Frederick Bruun, qui a œuvré au Danemark dans un domaine scien- tifique proche d u mien.

Cette assemblée est composée de personnalités qui occupent de hautes fonctions dans les administrations de leurs pays respectifs - diplomates, officiers de marine, ingénieur et océanographes. I I se peut que les géologues c o m m e moi soient peu nombreux parmi vous et person- nellement je ne m e sens compétent que pour parler de géologie marine, J'exclurai donc de m o n propos les res- sources de l'eau de mer.

A u cours de cette conférence, j'essaierai : 1. D e présenter ce sujet c o m m e un exemple de la néces-

sité d'une coopération internationale. E n tant que géologue je dois ajouter que jusqu'à maintenant la COI a montré quelque réticence à encourager les projets de géosciences, si l'on compare, par exemple, à d'autres programmes des Nations Unies dont relève le Comité pour la coordination de la prospection c o m m u n e des ressources minérales au large des côtes du Pacifique Sud (CCPM/PACSU). Néan- moins, avec l'aide de la COI :

des plans d'action mondiaux excellents ont été pré- sentés au cours de réunions de travail c o m m e à Ponza (1969). à Hawaii (1971) et à Maurice (1976). Ces idées ont été en partie exprimées dans le Programme élargi et à long terme d'exploration et de recherche océaniques ( L E P O R ) ; des résultats importants ont été et continueront d'être obtenus par une douzaine (sur 61) de groupes de travail d u Comité scientifique de la recherche océanique (SCOR) qui s'occupent de notre sujet ; des efforts soutenus ont été consacrésà I'établissementde la Carte générale bathymétrique des océans (GEBCO) - dont environ 40 % des feuilles ont été publiées - et de l'Atlas géologique/géophysique de l'Expédition internationale de l'Océan indien. Enfin, la Commission de géologie marine d u ClUS et Programme international de corrélation géologique

s'efforcent de resserrer les liens entre scientifiques, pays et disciplines.

2. D e présenter des informations à l'intention des diplo- mates parmi vous. E n effet ceux-ci souhaitent particulière- ment être mis au courant à la fois des faits essentiels et de l'actualité la plus récente ;

3. D'emmener les ingénieurs de l'assistance, d u moins par la pensée, à bord d'un navire pour leur montrer les méthodes nouvelles ;

4. D'examiner les relations entre recherche fondamen- tale et recherche appliquée, à l'intention des responsables de haut niveau parmi vous. C e n'est pas seulement parce que je sais que sans l'argent que vous allouez aucune recherche ne serait possible, mais aussi parce qu'il vous incombe de veiller à ce que les connaissances acquises soient correctement utilisées.

5. Je m'efforcerai enfin d'emprunter aux officiers de marine une de leurs nombreuses vertus : la ponctualité dont un conférencier emporté par son sujet oublie souvent de faire preuve.

Défis et théories

Pendant des millénaires l'homme a pêché en mer et ramassé des moules, du sable et d u sel près des côtes. Cela ne fait qu'un siècle qu'il a acquis quelques connaissances sur les profondeurs océaniques. I I y a à peine un demi-siècle qu'a commencé la production pétrolière au large. Notre connaissance de la morphologie des fonds marins ne dépasse pas celle que nous avions des continents i l y a deux siècles; c'est-à-dire qu'en fait elle se limite aux zones côtières et à quelques sections observées au cours d'expéditions dans les vastes étendues océaniques. Par exemple, i l n'existait guère de données publiées concer- nant les profondeurs de l'eau dans la zone située entre 80" et 90" E et entre 40" et 50" S lorsque nous avons établi l'Atlas de I'EIOI à Moscou. C'est-à-dire qu'on ne savait pratiquement rien sur une région de 860.000 km', soit à peu près la surface de la France et de l'Italie réunies. La COI a été invitée à dresser avec l'Organisation hydro- graphique internationale (OHI), une carte à l'échelle de 1/10.000.000 ou de 1/6.000.000 avant mai 1982 pour la Troisième Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS) qui, espérons-le, ne présentera pas de blancs importants.

O n en sait encore moins sur la nature des sédiments ou des structures sous le fond de la mer. Par conséquent, la première tâche d'un spécialiste de la géologie marine consiste à combler quelques-unes de ces immenses lacunes. En ce qui concerne m o n exposé sur les ressources minérales marines, je doute fort de l'utilité de certaines estimations qui sont publiées sur l'ampleur de ces ressources des fonds marins. Les conjectures actuelles, souvent trop optimistes, risquent m ê m e de rendre encore plus difficile la conclusion d'un accord politique au cours des débats de I'UNCLOS.

C o m m e n t trouve-t-on des ressources minérales marines ? Les gisements d'intérêt économique sont presque toujours concentrés dans des limites restreintes, parce que la combi- naison favorable d'un grand nombre de facteurs est néces- saire pour produire une zone d'enrichissement. C o m m e certains d'entre vous le savent, i l est généralement plus simple de découvrir une mine par hasard que de prévoir son emplacement, c o m m e i l est plus facile de tomber amoureux que de prédire des fiançailles. Néanmoins

l'immensité des étendues océaniques et le coût extrê- mement élevé des recherches à y entreprendre militent fortement en faveur d'une stratégie de prospection des fonds marins, afin du moins qu'on puisse prédire les zones n'ayant aucune chance de contenir des concentrations minérales présentant un intérêt économique.

A u cours des deux dernières décennies les spécialistes de la géophysique et de la géologie marines ont mis au point la stratégie en question fondée sur la théorie de l'expansion des fonds océaniques et de la tectonique des plaques, et Arthur E. Maxwell a présenté quelques élé- ments Ce ces concepts dans une conférence à la mémoire d'Anton Bruun en 1969. I I ressort de sa conférence, vous vous en souvenez sans doute, que ces théories de I'évolu- tion des océans sont aussi révolutionnaires aujourd'hui que les idées de Charles Darwin l'étaient i l y a un siècle. Les remarques qui suivsnt s'adressent aux diplomates qui s'attachent aux points essentiels.

U n flux de chaleur accru venant du manteau de la terre, combiné à des fractures et à des failles, a produit et continue de produire des protubérances de la croûte terrestre sous les continents et les océans (fig. la). Les matériaux chauds d u manteau atteignent la surface, formant des laves basal- tiques, des fossés et des seuils (fig. Ib). Les deux côtés de ces zones linéaires faibles s'éloignent du "centre d'expan- sion''. O n a enregistré des vitesses allant de 1 à plus de 10 c m par an. U n apport continu de basalte remplit I'inter- vaiie et forme une nouvelle croûte océanique (fig. ICI. Ces processus sont actuellement concentrés près des lignes médianes de la plupart des océans. Les protubérances forment les dorsales médio-océaniques, généralement à des profondeurs d'environ 2-3 k m (fig. Id).

La croûte océanique en expansion refroidit et s'affaisse. Par conséquent les profondeurs de l'eau augmentent vers la terre. Quand elles atteignent environ 4,5 km, les parti- cules de carbonate produites par les organismes marins se trouvant dans une situation critique. Elles sont complè- tement dissoutes à ces profondeurs. Les taux de sédimen- tation médio-océaniques normaux de quelques centimètres

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Figure 1 : Théorie de l'expansion des fonds océaniques (voir texte pour explication). cc = croûte continentale, CO = croûte océanique. D'après Blissenback et Fellerer (1973).

a

pour 1.000 ans sont alors réduits à quelques millimètres pour 1.000 ans. Ces taux de sédimentation très faibles favorisent la formation et la persistance sur le fond de l'océan de nodules de manganèse, que nous étudierons plus tard.

A u niveau des marges continentales, les taux de sédi- mentation sont plus élevés d'un ordre de grandeur ou davantage en raison des matériaux provenant des conti- nents. En outre, en raison de l'expansion. le fond de l'océan est souvent plus ancien à mesure qu'on approche des continents. Les sédiments ont donc eu plus de temps pour s'accumuler et c o m m e on le verra plus tard, des dépôts épais de sédiments sont une condition nécessaire à la formation de pétrole et de gaz naturel.

Naturellement, ce résumé des théories de l'expansion des fonds océaniques et de la tectonique des plaques est très simplifié et n'explique que certains aspects de I'évolu- tion des océans. Par exemple, les marges dites actives, ainsi que les limites des plaques convergentes (fig. 2) - centre d'intérêt d u Groupe de travail WESTPAC de la COI, qui a commencé ses travaux en février 1979 - sont exclues de notre propos.

Concentrations de métaux aux limites des plaques divergentes

Sur une carte mondiale, ces centres d'expansion et ces dorsales médio-océaniques ont plus de 60.000 k m de lon- gueur et sont généralement caractérisés par des tremble- ments de terre et quelquefois par des phénomènes de vol- canismes, c o m m e en Islande. Ils marquent les limites dites divergentes de plaques rigides, qui ont une centaine de kilomètres d'épaisseur et qui sont formées par la croûte terrestre et le manteau supérieur (fig. 2).

Dans la mer Rouge, un prolongement de la dorsale médio-indienne s'enfonce dans une masse continentale (fig. Ic) et certaines de ses parties centrales contiennent des boues métallifères d'un intérêt économique potentiel. Elles sont concentrées dans une zone restreinte de 6 x 15 k m à plus de 2.000 m de profondeur, dénommée la fosse Atlantis I I (Fig. 3). Elles ont été découvertes au cours de la dernière phase de I'EIOI et explorées par des navires océanographiques et par des spécialistes notamment des Etats-Unis, d u Royaume-Uni, de la France et de m o n pays. Les deux gouvernements intéressés, ceux de l'Arabie saoudite et d u Soudan, ont aidé à organiser ces recherches, bel exemple de coopération internationale. Ces boues contiennent jusqu'à 65% de fer, 2 % de cuivre et 20 % de zinc, ce qui représente en tout environ 30 millions de tonnes de fer, 2,5 millions de tonnes de zinc, 0,5 million de tonnes de cuivre et 9.000 tonnes d'argent, d'une valeur approximative de 4 billions de dollars des Etats- Unis aux cours mondiaux de 1978. Elles présentent donc un intérêt économique potentiel. I I y a quelques mois, un navire de forage a effectué avec succès les premiers essais de pompage de .ces boues à bord en vue de séparer les par- ticules de minerai à grain très fin de la boue inutile. E n m ê m e temps, le navire océanographique allemand Valdivia a étudié les effets possibles de ces opérations sur le milieu marin. Nous savons tous qu'il faut associer exploitation et protection et que les spécialistes de la géologie marine ont besoin de la coopération des spécialistes de la biologie marine.

C o m m e n t sont formées ces boues métallifères ? Les métaux sont transportés par des eaux chaudes hypersalines qui pénètrent dans des sédiments tertiaires ; ils proviennent

Figure 2 : Théorie de la tectonique des plaques. Limites des plaques divergentes et dorsales médiooc6aniques (double trait) contenant des gisements métalliques (1 -9). Limites convergentes (pointes). J, K, T = croûte océanique form6e au cours du jurassique, du c r h c é ou du tertiaire. D'apks Chase et al. (1975).

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Figure 3 : Bathymétrie compliquée de la fosse Atlantis-Il et des fosses environnantes dans la mer Rouge centrale. Profondeurs de l'eau en mètres. Les zones couvertes de saumure sont hachurées. 225-227 = Forages du Glomar Challenger. La carte en cartouche

montre la concentration des profondeurs dans la mer Rouge au niveau d'une-ligne médiane ; la plupart des fosses portent le n o m de navires océanographiques. D'après Backer et al (1975).

de roches situées sous le fond de la mer et probablement de basaltes formés lors de l'expansion des fonds océa- niques. Ce mot probablement peut avoir des conséquences très importantes et de portée mondiale, parce qu'il peut indiquer que des concentrations de minerais semblables pourraient également être découvertes dans des zones peu étendues le long des 60.000 k m des dorsales médio- océaniques. Jusqu'à maintenant, une douzaine d'exemples environ d'enrichissement métallique ont été signalés dans les zones centrales de ces dorsales, mais malheureusement, la plupart se présentent sou: forme de croûtes dures et consistent seulement en manganèse et en hydroxydes et oxydes de fer. En mars 1973. toutefois, le submersible de recherche français CYANA a détecté une zone de sulfures multicolores sur la dorsale du Pacifique oriental à 21' N, 109OW par 3.000 m de profondeur (fig. 2, flèche). Cette zone contenait jusqu'à 28% de zinc, 6% de cuivre et 0,05 % d'argent, certainement produits par les basaltes sous-jacentes et par les m ê m e s processus hydrothermaux.

Ces résultats passionnants de la recherche scientifique pure ne présentent aucun intérêt économique pour le moment, mais m ê m e si ces gisements sont éparpillés c o m m e des aiguilles dans une meule de foin, étant donné la longueur (60.000 k m ) de la zone à explorer, i l est fort probable qu'on en trouve d'autres. A l'heure actuelle, les concentrations de métaux dans ce qu'on appelle les nodules de manganèse sont plus intéressantes du point de vue économique.

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Nodules de manganèse

C o m m e je l'ai indiqué précédemment, o n rencontre ces nodules dans des zones de grande profondeur ayant des taux de sédimentation réduits, c'est-à-dire généralement : 1) loin de la terre et 2) à des profondeurs allant de 4 à 5 k m , où les eaux de fond attaquent les carbonates, zones qui sont donc peut-être liées à la circulation de l'eau de fond antarctique. Les sédiments sous-jacents sont le plus souvent constitués d'argile rouge ou de boues sili- ceuses. D'une manière générale, c'est le Pacifique qui présente la plus grande abondance de nodules en compa- raison des océans Atlantique ou Indien, qui tous deux recoivent les apports de grands fleuves en matériaux ter- restres (fig. 4).

champs de nodules aient au moins 20.000 à 30.000 k m 2 en gros la superficie de la Belgique, ou m ê m e 80.000 km2, celle de l'Autriche, pour garantir un approvisionnement suffisant pendant une vingtaine d'années.

I I reste donc beaucoup à faire dans divers domaines: - sur le plan scientifique : nous ne pouvons pas à l'heure

actuelle prédire l'emplacement de champs riches en nodules parce que nous ne comprenons pas vraiment les processus qui sont à l'origine de la formation de nodules de différents métaux.

- Sur le plan technique : les systèmes de collecte c o m m e le procédé d'aspiration Air-Lift n'en sont qu'au stade expérimental, les essais ayant été faits par 5.000 m de profondeur en mai 1978 par la 3cean Management Inc., groupe international, dans le Pacifique. L'extraction

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Figure 4 : Gisements de modules de m a n g a n h dans les océans. D'après Berger (1974).

Selon des estimations optimistes faites dans lesannées60, i l y aurait au total entre 0.9 et 20 x 10l1 tonnesde nodules de manganèse. A u cours de la dernière décennie, des recherches intensives ont considérablement réduit nos espoirs.

Normalement, les nodules contiennent environ 15-30 % de manganèse, 15% de fer, 0,l-0,5 % de nickel, 0,3-1 % de cobalt et 0,l-0,4 % de cuivre. Actuellement, toutefois, seuls les nodules dont la teneur minimale atteint au moins 2% de nickel + cobalt + cuivre combinés sont considérés c o m m e ayant une valeur économique. Ils se présentent seulement de façon sporadique dans l'océan mondial, en particulier dans le Pacifique central oriental vers 10' N, Le nombre des zones intéressantes est encore réduit par une autre condition de l'exploitation économique. La densité des nodules doit dépasser 15 kg de poids humide ou 10 kg de poids sec par m2. Malheureusement, la répar- tition des nodules est très inégale, leur teneur en métal et leur taille sont très variables et i l en existe différents types. E n outre, les champs de nodules doivent être exempts d'obstacles morphologiques et contenir des sédiments sous-jacents qui se prêtent au ramassage des nodules soit par le système de la ligne continue de bennes, soit par un système de p o m p e centrifuge ou par la méthode d'aspira- tion des nodules. Enfin, en raison des investissements énormes que nécessitent l'exploration, les systèmes d'exploitation et les usines de traitement, i l faut que les

des nodules fait l'objet de recherches suivies. D'une manière générale i l faut de une à trois décennies pour mettre au point un nouveau système technique à des fins commerciales.

- Sur le plan économique : seule une expérience beau- coup plus grande permettra d'avancer des chiffres plus réalistes que les estimations mentionnées précédem- ment. D'après certaines données publiées, i l est possible de supposer l'ampleur des réserves de métaux poten- tielles de la zone de nodules à haute teneur du Pacifique nord : nickel 40-100 millions de tonnes, cuivre 30- 80 millions de tonnes, cobalt 9-20 millions de tonnes. Pour le nickel la quantité esthée correspond approxi- mativement aux réserves mondiales sur terre ; pour le cuivre, elle représente environ le dixième des réserves terrestres et pour le cobalt les réserves sur terre n'attei- gnent que le quart ou le huitième des estimations ci-dessus. Des estimations plus récentes pour cette zone indiquent 26 millions de tonnes pour le nickel, 20 mil- lions de tonnes pour le cuivre, 4 millions de tonnes pour le cobalt (McKelvey, 1979).

- Sur le plan jurïdique : vous êtes certainement tous ici au courant des débats de la Troisième Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer. Les nodules de manganèse, avec leur teneur en métaux particulièrement précieux, sont pratiquement limites à la "Zone" (..."les fonds marins et leur sous-sol au-delà des limites de la

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juridiction nationale", Article l e r du Texte de négocia- tion composite officieux ; voir aussi les Articles 139- 192), l'essentiel de "l'héritage c o m m u n de l'humanité'' selon la définition d'Arvid Pardo. E n Allemagne, du moins, les héritiers sont rarement souriants et se que- rellent souvent. Ils ont donc besoin d'hommes de loi. Plus, les accords conclus sont complexes moins ils sont efficaces; plus la passion ou la force y ont de part, plus ils risquent d'être injustes. I I en va de m ê m e d u droit de la mer. D'une part l'industrie minière a besoin d'être assuré que l'exploitation se poursuivra suffisam- ment longtemps pour justifier ses investissements en main-d'œuvre et en capitaux. Actuellement, cinq consortiums internationaux se préparent activement à l'extraction des minéraux en mer profonde. D'autre part, i l faut considérer les répercussions possibles de l'exploitation des nodules sur les marchés mondiaux des minéraux. Bien que de noilibreux facteurs restent inconnus, Levy (1979) estime qu'en 1990 I'exploita- tion des fonds marins répondra à 30 % de la consomma- tion mondiale de nickel, à 2% de celle d u cuivre et à 58% de celle du cobalt et qu'en l'an 2.000 ces chiffres atteindront 40-60% pour le nickel, 3-4% pour le cuivre et 70-1 O0 % pour le cobalt. E n 1974, 27,5 % des réserves mondiales de cobalt sur terre étaient concen- trées au Zaïre, 27.1 % en Nouvelle-Calédonie, 14% en Zambie et 13,6% à Cuba, En 1977, le Zaïre a fourni 58 % de la production mondiale et la Zambie 8 %. C'est pourquoi l'exploitation des nodules pourra avoir une influence importante sur la situation économique de quelques pays en développement. Nous devons donc résoudre ces problèmes mondiaux dans un esprit de coopération et non dans la méfiance et l'affrontement. Retournons maintenant aux h o m m e s de loi, à la science et à m o n expérience personnelle : i'enrégimentation et la bureaucratie sont néfastes à la science. I I en va de m ê m e des recherches entreprises sur tous les minéraux de la mer et j'aimerais maintenant ajouter quelques remarques sur d'autres ressources.

Autres concentrations d'origine mécanique ou chimique

En eau profonde, l'action mécanique des vagues et des cou- rants provoque des concentrations de sables et de graviers, deux matériaux de construction importants qui deviennent de plus en plus coûteux sur terre. Par exemple, en 1971, au Royaume-Uni, l'extraction de gisements marins de sables et de graviers a correspondu à environ 12% (soit 13,5 millions de tonnes) de la consommation totale -situa- tion typique, parce que ce genre d'exploitation ne pré- sente un intérêt économique que très près des grandes villes industrielles.

Les placers d'étain, d'or, de minéraux de fer, de dia- mants et de minéraux contenant du titane ou d u zirco- nium représentent un exemple de triage mécanique à un degré encore supérieur. L'Australie est le premier pro- ducteur mondial (98% en 1974) de Ti02-rutile, et de zirconium (70 %) provenant de placers. La production d'étain est concentrée entre la Thaïlande et l'Indonésie (61 % de la production mondiale en 1976 provenait de cette région, dont le sixième était fourni par des gisements marins). Des sables ferrugineux sont exploités autour du Japon et de la Nouvelle-Zélande (Fig. 5).

Aujourd'hui nous pouvons observer ces processus de concentration dus aux vagues sur les plages et aux courants dans les rivières. Ils ont été particulièrement actifs sur le plateau continental lorsque le niveau de la mer était infé- rieur d'une centaine de mètres i l y a quelque 18.000 ans. Les plages et leurs placers ont subi des changements et se sont rapprochés de la terre quand le niveau de la mer s'est élevé ou ont été recouverts ainsi que d'anciens dépôts fluviaux par des sédiments marins jeunes. Par conséquent, l'exploration à des fins économiques nécessite une combi- naison de plusieurs outils tels que la bathymétrie, la recon- naissance sismique, quelquefois les levés magnétiques et la télédétection, le dragage, le carottage, le forage, la plongée et l'analyse pétrographique. C e n'est pas tout : seule une étude approfondie de la géologie côtière, des

Figure 5 :

Placers près des &tes. En pointillé = exploitations marines en cours, croix = zones productives possibles. Les activités sur des plages modernes ou sur des plages anciennes soulevées sont exclues.

D'après Ernery et Noakes (1 968).

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changements régionaux d u niveau de la mer, des processus de triage, etc. peut nous permettre de déterminer les zones qui se prêtent le mieux à une prospection détaillée.

Des dépôts de phosphorite, matière première intéres- sante pour la fabrication d’engrais, qui contient du fluor et de l’uranium, ont été découverts par 30 à 500 m de pro- fondeur près des rebords du plateau continental ou sur des dorsales sous-marines c o m m e au large de la Californie, de l’ouest de l’Amérique du Sud, de l’Afrique du Sud ou sur le massif sous-marin de Chattam à l‘est de la Nouvelle- Zélande. Ces gisements sont peut-être liés à des zones de grande productivité biologique ancienne ou récente - c o m m e peut l‘être également la haute teneur en métaux précieux des nodules de manganèse découverts dans le Pacifique Centre-est. Les dépôts marins de phosphorite contiennent environ 15 à 25 %de P,05 alors que les dépôts terrestres actuellement exploités en Floride ou au Maroc, où la concentration de P,05 est due à l’action des agents atmosphériques, est de 30 à 40 %. Par conséquent, I’évalua- tion de ces ressources marines dépendra des prix pratiqués par les exploitants des dépôts terrestres et de la situation nationale.

I I ressort des débats que j‘ai suivis au sein du Conseil consultatif scientifique de la COI que les eaux peu pro- fondes et les zones littorales présentent un intérêt mondial du point de vue scientifique et économique, surtout dans les pays en développement. La COI devrait donc déve- lopper ses activités dans ce domaine, c o m m e par exemple les projets sur l’aménagement et la mise en valeur des zones côtières prévus au titre du programme del’lOCARI B E ou de celui de la réunion de travail de l‘Unesco organisée à Dakar en juin 1979, ainsi que de nombreux aspects d’activités TEMA considérablement intensifiées. I I ne s‘agit pas de considérer seulement l’intérêt direct des Etats côtiers mais encore de mettre en pratique la règle qui veut que plus o n a de droits plus on a de responsabilités et de devoirs. Mais je tiens une fois de plus à vous avertir que l’exploitation des minéraux marins n’est pas forcé- ment un pactole.

Réserves marines de pétrole et de gaz naturel

L’exploitation du soussol marin ne présente pas d‘intérêt économique actuellement, à l’exception de quelques gise- ments de minerai de fer et de charbon près de la côte et surtout à l‘exception d u pétrole et du gaz naturel. Par exemple, la production industrielle de pétrole et de gaz a commencé dans les années 20 dans la mer Caspienne près de Bakou et en 1938 dans le premier champ de pétrole vraiment en mer au large de la Louisiane dans le golfe du Mexique. Après 1945, des champs gigantesques ont été exploités dans le golfe du Mexique, dans le golfe entre l’Arabie et l’Iran, au large de la Malaisie, de I’lndo- nésie, de l‘Australie, de l‘Angola, du Nigeria et dans la mer du nord (fig. 6). Tous ces champs se trouvent situés sous des zones d u plateau continental et dans la plupart des cas la situation géologique est semblable à celle des terres émergées attenantes. Malheureusement pour l‘hémisphère sud, le plateau continental n’y représente que le tiers de ce qu‘il est dans l’hémisphère nord. Actuellement le record de profondeur est atteint par un champ exploité par 31 2 m d‘eau, à 25 k m au sud de l’embouchure du Mississippi ; i l nécessite une installation de forage et de pompage de 385 m de haut et 46 O00 tonnes d’acier.

Figure 6 : Pétrole sur terre et en mer. En noir = zones de pro- duction, en pointillé = zones productives possible sur terre, hachures = zones productives possibles en mer. D‘après ESSO- Magazine (3/1978).

En 1978, environ 22% de la production pétrolière mondiale provenait de ces régions de la plate-forme conti- nentale et i l est prévisible que ce chiffre augmentera au cours de la prochaine décennie lorsque m ê m e les zones de tempête ou couvertes par les glaces seront exploitées, c o m m e on l‘a vu en mer d u Nord. Cela ne peut se faire sans la coopération des spécialistes de l’océanographie physique et des météorologues. Pour donner un ordre de grandeur des sommes en jeu : i l y a dix ans l’extraction des minéraux marins ne représentait que 170 millions de dollars des Etats-Unis alors que la production de pétrole en mer atteignait une valeur de 6 milliards de dollars des Etats-Unis et celle du gaz 275 millions de dollars des Etats-Unis (Archer, 1973).

E n ce qui concerne l’avenir, i l nous faut examiner les possibilités d’exploitation des réserves de pétrole et de gaz à de plus grandes profondeurs. Tout d‘abord, en tant que

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géologue, je suis obligé de faire une remarque générale très décevante. I I est inutile de rechercher du pétrole et d u gaz dans le sous-sol d'au moins 80% des vastes étendues bleues des océans représentés sur nos cartes d u monde. Pourquoi ? Parce que l'épaisseur des sédiments est trop faible dans les régions océaniques centrales d'âge géolo- gique récent, c o m m e l'explique la théorie de l'expansion des fonds marins déjà mentionnée (fig. 2).

C o m m e vous le savez, le pétrole et le gaz sont formés par la décomposition de la matière organique provenant d'organismes marins et terrestres. Des températures allant de 50' à 150' C sont nécessaires pour transformer ces matières en pétrole liquide. Ces températures sont atteintes dans des couches de sédiments ayant généralement plus de un à deux kilomètres d'épaisseur, selon la durée de I'enfouis- sement. O n trouve ces épaisseurs près des continents, c o m m e o n l'a déjà vu, dans une quarantaine de petites zones océaniques autour de "microcontinents" et dans des bassins de dimensions relativement restreintes c o m m e le golfe d u Mexique, la Méditerranée y compris la mer Noire, la mer du Japon, la mer d'Okhotsk et la mer de Norvège .

Les juristes parmi vous savent qu'au cours des dernières réunions de I'UNCLOS, diverses formules de compromis ont été envisagées pour parvenir à la définition des limites extérieures des zones de juridiction nationale. L'Irlande propose que la limite extérieure soit fixée au point où l'épaisseur des roches sédimentaires devient inférieure à 1 % de la distance jusqu'à la base d u talus continental. U n e autre proposition la fixe à 60 milles marins de cette base, ce qui correspond à environ un kilomètre de sédiments selon la définition irlandaise, ce qui c o m m e vous vous le rappelez constitue juste l'épaisseur minimale nécessaire à la formation de pétrole.

Mais m ê m e dans les séries sédimentaires épaisses, o n compte davantage de puits secs que de gisements de pétrole ou de gaz, dont quelques-uns seulement pré- sentent un intérêt économique. Par exemple, sur les 14 puits forés depuis 1976 dans la zone du fossé du Canyon de ,Baltimore, considérée c o m m e la zone la plus prometteuse d u plateau continental extérieur au large de l'est des Etats-Unis, 13 se sont révélés secs, deux seule- ment ont mis en évidence des gisements de gaz mais pas de pétrole. En 1973, 40 puits avaient été forés dans le bassin de Nouvelle-Ecosse au large de l'est d u Canada, mais aucun gisement commercialement exploitable n'y a été découvert. C o m m e n t s'expliquent des résultats aussi décevants ? Par le fait que la formation d'hydrocarbures nécessite une série de processus complexes commençant par l'accumulation et la conservation dans des proportions suffisantes des matières organiques appropriées dans des roches mères. M ê m e en mer profonde, le Glomar Challenger a détecté des roches mères potentielles, des ampélites d u crétacé moyen, dans de nombreux trous de l'Atlantique Nord et Sud, mais la plupart ne sont pas enfouies suffi- samment profond pour permettre la formation d'hydro- carbures, leur expulsion et leur migration vers des roches- réservoirs. En outre, ces roches-réservoirs poreuses et perméables doivent constituer des pièges étanches pour empêcher les pertes ; et enfin, tous ces processus doivent se dérouler dans le temps de façon appropriée.

La complexité de ces conditions explique que les champs pétroliers soient de dimensions restreintes, de l'ordre de dizaines de kilomètres carrés alors que les bassins sédimentaires en ont plusieurs centaines de mille, ce qui réduirait à moins d'une sur mille les chances de découvrir des gisements de pétrole si l'on devait forer

au hasard. C'est pourquoi en géophysique et en géologie des idées et des méthodes, nouvelles de préférence, seront les bienvenues pour battre en brèche le pessimisme d u pro- fesseur - quelle belle occasion pour nos étudiants !

Jusqu'à maintenant, le Glomar Challenger a effectué environ 500 forages à l'extérieur du plateau continental dans le cadre d u Projet de forages profonds, c'est-àdire environ un puits pour 670.000 km 2 , o u un puits pour la superficie de la Pologne, de la Tchécoslovaquie et de la Roumanie réunies. Par conséquent, i l faudra multiplier les forages et en particulier dans des conditions de sécurité optimales, pour obtenir des estimations réalistesdesréserves d'hydrocarbures en mer.

E n outre, i l faudra mettre au point des techniques d'exploitation en mer très coûteuses au cours de la pro- chaine décennie, en tenant compte d u fait que certaines pentes continentales risquent d'être instables en raison d'éboulements ou de glissements de sédiments.

Enfin, nous assistons à un phénomène spectaculaire, la plus grande conquête de terres de l'histoire. Les Etats côtiers revendiquent non seulement la zone d u plateau continental - qui correspond dans son ensemble à la taille du continent africain - mais aussi les pentes, qui consti- tuent une deuxième "Afrique" sous les océans. C'est une situation optimale pour les Etats-Unies, le Canada, le Brésil, l'Australie ou l'URSS et d'autres Etats dotés d'un long kilométrage de côtes mais moins satisfaisante pour les Etats sans littoral tels que la Bolivie, la Tchécos- lovaquie ou la Mongolie ou pour les Etats qui ne sont pas riverains de bassins océaniques c o m m e certains Etats arabes ou la Pologne et l'Allemagne.

En bref, pour mieux comprendre les différents aspects des ressources marines non biologiques i l nous faut regar- der vers l'avenir bien que les résultats ne puissent pas être immédiats.

Toutefois, un géologue est habitué à regarder en arrière et vers le bas et à spéculer sur l'inconnu. Normalement pour le géologue le fond de la mer n'est pas un tremplin vers l'avenir mais le départ d'une exploration du passé dans sa tentative pour débrouiller l'histoire des océans et des continents. Mais ce n'est que lorsque cette histoire sera mieux connue qu'il pourra faire des prédictions préci:es pour la prospection et l'exploitation des ressources miné rales de la mer.

O n juge u n scientifique en fonction de la part de vérité qu'il a contribué à dévoiler. Dans un domaine aussi complexe que les sciences de la mer, o n ne peut acc6der à la vérité qu'en ayant recours à une coopération inter- nationale permanente, à des débats, des conférences et des critiques de ces conféïences, à des publications et à des contre-publications. I! vous incombe, entre autres tâches, Mesdames et Messieuc-s,de faciliter ce processus.

Le responsable de I'apDlication des résultats de la recherche est jugé d'après l'outil qu'il conçoit et la manière dont i l exécute ses plans. C e point de vue s'applique à tous les ingénieurs mais peut également s'appliquer à un grand nombre de décideurs assis dans cette salle aujourd'hui. Les deux partenaires sont tribu- taires l'un de l'autre, du moins dans le domaine de l'océa- nologie dont les coûts sont élevés mais qui présente en revanche des avantages de portée mondiale et souvent d'une valeur incalculable. L'application de la recherche est une opération complexe qui fait intervenir en perma- nence des processus d'interaction et de rétroaction.

J'espère qu'à l'avenir ce genre d'interaction se produira dans d'autres domaines. Pour conclure, permettez-moi de vous remercier de votre aimable attention.

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Discussion' E. Seibold

C. Palomo

Cher confrère, j'aimerais vous poser une question. E n Espagne, nous nous occupons de certains des aspects que vous avez abordés. M a question concerne la formation des gaz d'hydrocarbures. Nous utilisons actuellement des techniques de pénétration du milieu d'une haute résolu- tion dans le cadre d'activités très diverses portant sur la détection des gaz dans les sédiments. Nous en avons trouvé, dans des cas particuliers, à des profondeurs infé- rieures à deux kilomètres. Nous les considérons c o m m e des cas typiques de la "couche hydratée" dans ces "poches de gaz" bien connues. Quoique nous n'ayons pas effectué de forages, nous sommes pratiquement sûrs de la présence de gaz en raison des résultats caractéristiques obtenus en géophysique par les sondages séismiques. Nous avons pensé qu'il pouvait y avoir des gaz d'hydrocarbures cons- titués d'une chaîne courte, alors que peut-être, et c'est-là m a question, des composés sulfhydriques ou autres étaient également présents.

Etant donné que vous avez indiqué dans votre exposé que la formation d'hydrocarbures, à des profondeurs infé- rieures à 2 k m était improbable sinon impossible, m a ques- tion est la suivante : devrions-nous considérer en principe que la présence de ces gaz est due à une migration depuis des sources plus profondes ? Cette explication poserait, toutefois, un problème puisque nous les avons trouvés dans des bassins granitiques ne présentant qu'un dépôt sédimentaire peu épais. La formation de gaz d'hydrocar- bures à chaîne courte c o m m e le méthane et l'éthane dans certaines conditions très spéciales, est-elle possible à moins des 2 k m de profondeur que vous avez mentionnés ? Merci beaucoup.

Vous m e posez plusieurs questions. Tout d'abord est-il possible de détecter un véritable gaz provenant de champs de pétrole ou de gaz naturel, simplement en étudiant les deux premiers mètres de sédiments? C'est tout à fait possible. I I n'y a qu'à prélever carottes de sédiments et ensuite examiner leur teneur en gaz avec un spectromètre de masse. Si les gaz ne sont que les CH4 ou les autres chaînes courtes que vous avez mentionnées, ils proviennent probablement d'une décomposition normale de matières organiques. Mais si vous trouvez des composés à plus haute teneur, vous pourrez avoir la chance que ce gaz provenant de sédiments profondément enfouis soit par- venu à la surface et vous pourrez m ê m e détecter des champs de gaz naturel grâce à ces traces minimes de composés à plus forte teneur. Je n'ai en la matière qu'une expérience personnelle modeste - mais négative - acquise sur le plateau d'Exmouth au large d u nord-ouest de I'Aus- tralie où j'ai eu l'occasion de m e rendre en janvier 1979 à bord d u N / O SONNE.

Je crains qu'un malentendu ne soit à l'origine de la deuxième question. J'ai dit qu'il fallait un ou deux k m de sédiments et qu'à la base de cette pile de sédiments, vous pouvez normalement attendre les températures néces- saires à une importante transformation de la matière organique en hydrocarbures. Cela est indépendant de la profondeur de l'eau.

J'en viens au troisième point. Les roches mères se trouvent souvent éloignées de quelques milles o u dizaines de milles de la roche-réservoir. I I peut y avoir une migra- tion non seulement vers le haut mais également latérale. I I peut y avoir d'autres complications : par exemple, au Venezuela on a découvert un champ de pétrole dans d u granit. N'importe quel professeur de géologie parierait qu'il ne peut y avoir de champs de pétrole dans d u granit ! Et pourtant ils existent en raison d'une migration latérale et verticale. VOUS voyez donc que, m ê m e si on m e fait le compliment de m e dire que je suis un bon professeur, je ne suis toujours pas tout à fait sûr de pouvoir faire de vous tous en quarante minutes de bons géologues pétroliers. 1. Le n o m et le titre des orateurs figurent a la fin de la publication.

N.J. Campbell

La deuxième conférence de cet après-midi sera prononcée par notre éminent confrère japonais, M. Kenzo Takano.

M. Takano, qui est diplômé de l'université de Tokyo où i l s'est spécialisé dans la géophysique et la dynamique des océans, a été n o m m é en 1955 attaché de recherches auprès de cette université et, la m ê m e année, à l'Institut océanographique de Paris. E n 1957, au terme de ses tra- vaux de recherche, i l a été n o m m é à un poste de chercheur sur la dynamique de la houle au Centre de recherche scientifique de l'Institut polytechnique de l'université de Grenoble, poste qu'il a occupé jusqu'en 1960. D e retour au Japon, i l a été n o m m é professeur associé à l'Institut de recherches océanographiques de l'université de Tokyo.

M. Takano s'est particulièrement distingué par ses vastes connaissances sur la circulation et la dynamique des océans et notamment par la publication d'uneséried'articles

sur la circulation générale des océans qui lui ont valu d'être couronné par la Société franco-japonaise d'océanographie.

E n 1970, i l a été n o m m é directeur d u Laboratoire océanographique de l'Institut de recherches physiques et chimiques où, sous sa direction, de vastes recherches ont été entreprises sur la circulation des océans, la mesure à long terme des courants, la dynamique des tourbillons à moyenne échelle et l'énergie des océans.

E n outre, en qualité de météorologue, M. Takano s'est rendu à plusieurs reprises au Département de météorologie de l'université de Californie où i l a procédé à des recherches sur l'élaboration de modèles de couplage des circulations océanique atmosphérique.

Enfin, dans le domaine de l'océanographie appliquée, i l a notamment entrepris des recherches approfondies sur les différents moyens d'exploiter l'énergie des océans. Depuis 1973, i l est m e m b r e d u Comité spécial sur l'énergie des océans de l'Agence scientifique et technique d u Japon.

Je donne la parole à M. Takano.

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Energies de la mer Kenzo Takano,

Rikagaku Kenk yusko (Institut de Recherche Physique et Chimique)

Wako-Shi, Saitama-ken, 35 1 Japon

Aspect mondial

L'énergie solaire incidente à la frontière externe de la terre est de 1.8 x IO1' W. U n watt est une puissance de 1 jouleh ou de 0,24 calls. Une partie de cette énergie solaire se transforme en énergie cinétique, potentielle et Calorifique de la mer et circule dans les océans : par exemple, les cou- rants marins transfèrent la chaleur vers de hautes latitudes de facon que l'eau de basses latitudes ne soit pas trop chauffée et que l'eau de hautes latitudes ne soit pas trop refroidie. La chaleur traversant un parallèle est de quelque 101' W. Une partie de la chaleur absorbée dans les océans sert à évaporer l'eau de mer. La chaleur latente perdue par l'évaporation est à peu près 4 x 1OI6 W. Le flux de la cha- leur de surface et la force d'entraînement du vent éta- blissent les courants marins. L'énergie cinétique des cou- rants marins est immense, elle aussi. Celle du Gulf Stream est évaluée à 2.5 à 5 x IO" W au moins et celle du Kuroshio est probablement du m ê m e ordre de grandeur. La seconde source des énergies de la mer est l'attraction de la lune et du soleil, qui produit les marées. L'énergie des marées est dissipée par le frottement, principalement dans les mers peu profondes. Le ralentissement de la rotation de la terre dû au frottement des marées permet d'évaluer l'énergie dissipée par le frottement. Elle est de quelque 10" W. La troisième source est le flux géothermique, évalué à IOl3 W, que je laisse ici de côté. I I convient de noter que la capacité mondiale des centrales électriques est de 10" W et que la société actuelle des h o m m e s consomme lOI3 W en total.

Le tableau 1 résume ces chiffres. Ils montrent que les océans accumulent une grande quantité d'énergie ciné- tique, potentielle et calorifique.

Table 1

Quelques chiffres indicatifs de la grandeur des énergies de la mer

Energie solaire à la frontière externe

Chaleur latente perdue par l'évaporation Frottement des marées Energie cinétique d u Gulf Stream et

1.8~1 017 W

4x1 0l6 W 3x1 Ûl2 W

d u Kuroshio 2.5-5x1 O1'W

Chaleur transférée par les courants marins 1 oi5 w

Capacité mondiale des centrales électriques Dépense mondiale de l'énergie

10'2w 1 oi3 w

Cela ne veut toutefois pas dire que les énormes énergies de la mer soient immédiatement disponibles et aisément domestiquées. C'est la grand masse d'eau de mer et la grande capacité calorifique résultant de la grande chaleur spécifique de l'eau de mer qui font des océans une énorme réserve d'énergie. C'est pourquoi la densité de l'énergie est très faible malgré l'abondance des énergies de la mer. Cette faiblesse de la densité est mise en relief par compa- raison à la densité énergétique du pétrole. U n gramme de pétrole produit 104 cal. I I faut donc dix jours pour qu'un gramme d'eau à 1 mls produise la m ê m e quantité d'énergie.

Une vitesse de 1 m/s est exceptionnelle dans les océans ; à part des courants intenses tels que le Gulf Stream et le Kuroshio, la vitesse est généralement inférieure. Etant donné que la puissance des courants est proportionnelle au cube de la vitesse, il faut 10000 jours si la vitesse est IO1' cm/s au lieu de 1 m/s. U n autre exemple est la puis- sance de la houle. Supposons qu'une houle de 10 secondes de période et de 2 m de hauteur (de 1 m d'amplitude) se propage dans une mer peu profonde. La longueur d'onde est 150 m. L'eau de mer se met pratiquement en mouve- ment jusqu'à quelques dizaines de mètres de profondeur. L'énergie de cette houle qui traverse en une seconde une coupe verticale de 1 m de large sur quelques dizaines de mètres de profondeur est 40 kW/m, presque 104 cal/m/s. Elle n'est que l'énergie produite par un gramme de pétrole.

I I conviendrait de remarquer qu'il n'y a pas toujours avantage à installer un dispositif de grande taille pour uti- liser l'énergie à faible densité. Prenons un exemple. La puissance utilisable d'un courant marin P est évidemment proportionnelle à la superficie d u dispositif S, perpendi- culaire au courant. La superficie S est, à son tour, propor- tionnelle au carré de la longueur du dispositif L. Son volume V augmente généralement avec le cube de la lon- gueur L pour qu'il soit suffisamment solide. Les frais de construction F sont en gros proportionnels au volume V. I I s'ensuit donc :

Les frais de construction par unité de puissance, F/P, augmentent avec P'/'. I I en résulte que de nombreux petits dispositifs sont plus économiques qu'un seul grand dispositif à superficie totale équivalente, d u point de vue des frais de construction. Alors que le prix de revient de l'énergie ne dépend pas exclusivement des frais de cons- truction, de petits dispositifs pourraient être utiles, L cet égard, à fournir de l'énergie à de petites collectivités, plus particulièrement dans les pays on développement.

Le tableau 2 donne un apzrcu grossier des énergies de la mer renouvelables et susseptibles d'être exploitées : 10" à 10l1 W pour les courants marins aussi bien que les marées. W pour les houleset le gradient de salinité, 1013 W pour le gradient thermique. Parmi ces chiffres, ceux des courants marins sont les plus discutables, à cause de la difficulté technique de procéder à des mesures directes précises de la vitesse des courants.

Table 2

Energies de la mer susceptibles d'être utilisées

Courants - 10'0 - 1o"w Marées 10'O - 10"w

1 ol* w Houles Gradient thermique 1 013 w Gradient de salinité 1 0'2 w

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Principe de l'utilisation du gradient thermique

L'idée de l'utilisation d u gradient thermique remonte au siècle dernier. La figure 1 schématise son principe. D e l'eau chaude de surface à 28" C est introduite dans le flacon droit. U n e p o m p e est chargée pour diminuer la pression dans le flacon droit. Dès que la pression diminue jusqu'à 0,0373 atm., l'eau à 28" C commence à bouillir. Dans le flacon gauche i l y a de la glace qui peut être consi- dérée c o m m e l'eau froide prise dans la couche profonde. La pression de la vapeur d'eau en équilibre avec la glace à O" C est 0.0061 atm. Soumise à la différence de pression de 0,0312 atm. entre les deux flacons. la vapeur sortant de l'eau chaude jaillit d u flacon droit au flacon gauche. C e jet fait fonctionner un générateur.

0,0061 ATM 0,0373 ATM

fleuves mondiaux étant 1,4 x 101* g/s, sa puissance totale devient 3.4 x 10'' W. Alors que l'abondance énergétique du gradient de salinité a été connue depuis longtemps, on n'a pas porté d'intérêt à son utilisation, la technologie de la membrane semi-perméable étant loin d'être satis- faisante. Mais la recherche fondamentale commence à s'y intéresser et l'utilisation 2 grande échelle est une possibi- lité à long terme.

Je m e réserve de décrire le principe de l'utilisation des marées qui nous est familier. C'est aussi le cas des houles et des courants marins.

Outre la faible densité énergétique, les océans ont les points faibles suivants : 1. A part l'utilisation des marées, les dispositifs sont

mouillés loin de la côte dans la plupart des cas. Ceci rend difficile leur entretien et pose le problème du stockage, du transport et de la conversion de l'énergie exploitée.

2. Les emplacements géographiquement avantagés ne sont pas nombreux.

3. A l'exception du gradient thecmique et d u gradient de salinité qui existent d'une manière permanente et des marées qui sont bien prévisibles, la puissance des houles et des courants marins est très variable dans le temps et dans l'espace. Par ailleurs, cette variation est difficile à prévoir.

Y

Figure 1 : Principe de l'utilisation du gradient thermique.

Principe de l'utilisation du gradient de salinité

L'utilisation du gradient de salinité est l'utilisation de la pression osmotique. Supposons que l'eau douce et l'eau de mer soient séparées, c o m m e schématisé dans la figure 2, par une membrane semi-perméable. L'eau douce passe de gauche à droite par la membrane semi-perméable. C e phénomène s'appelle "osmose". L'osmose se termine quand la différence du niveau d'eau atteint une certaine valeur. Si la salinité est de 35%0, la différence d'équilibre est à peu près 245 m. La chute d'eau de 240 à 250 m fait travailler un générateur. O n peut dire donc qu'au point de vue de la pression osmotique, un gramme d'eau douce a une énergie potentielle de 250 gramme mètres par rapport à l'eau de mer à 35%0. La décharge totale des

1

Figure 2 : Principe de l'utilisation du gradient de salinité.

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Points forts des énergies de la mer

Malgré ces points faibles, les énergies de la mer sont inté- ressantes par certains aspects. Tout d'abord, ce sont des énergies propres. Le mot "énergie propre" est interprété habituallement c o m m e énergie non polluante. Mais on ne peut oublier un autre aspect, non moins important. Ainsi qu'il est montré plus haut, l'énergie solaire de 10'' W circule sur la terre en se transformant de diverses facons. D'autre part, on consomme à l'heure actuelie quelque 1013 W dont la plupart sont des énergies fossiles. Cette énergie de 1013 W est ajoutée à l'écoulement de l'énergie naturelle de IO1' W. I I est évident que la nature sera perturbée irrévocablement si cette énergie additionnelle dépasse un certain plafond. Alors se pose la question suivante : dans quelle mesure l'énergie additionnelle peut- elle s'ajouter à l'écoulement de l'énergie naturelle sans perturber trop celle-ci ? Alors que nous ne sommes pas encore capables de donner une réponse définitive, un certain nombre de géophysiciens présument que le plafond n'est pas loin de la présente dépense de 1013 W. Si cette présomption est vraie, la dépense de l'énergie ne pourrait s'élever au-delà de l'ordre de 1013 W, d'autant que l'on s'appuie sur les énergies fossiles et nucléaire. U n e seconde question se pose : où se situe le plafond si une partie de l'énergie naturelle est utilisée? Dans ce cas, aucune énergie additionnelle ne porte sur l'écoulement de I'éner- gie naturelle d'où elle est exploitée, bien que la forme énergétique soit différente avant et après l'utilisation. Le total de l'énergie circulant dans la nature n'augmente pas, ce qui suggère que l'utilisation d'une partie de l'énergie de nature n'est pas aussi dangereuse que l'utilisation des énergies fossiles et nucléaire. Le plafond serait alors tout supérieur à celui des énergies fossiles et nucléaire.

Le second avantage est que la matière première est gratuite et renouvelable. Cet avantage est d'autant plus prépondérant que les énergies fossiles épuisables sont plus chères.

Intervention possible de l'utilisation des énergies de la mer dans le milieu terrestre

M ê m e si les énergies de la mer sont propres et relativement peu dangereuses, leur utilisation est une intervention dans les processus naturels et peut modifier ces processus. L'état actuel des sciences de la mer n'étant passatisfaisant, la recherche fondamentale sur de divers processus océa- niques est indispensable pour bien prévoir la conséquence dans le milieu terrestre, de l'utilisation des énergies de la mer à grande échelle.

Voici un exemple de la complexité de divers processus qui interviennent. L'utilisation d u gradient thermique abaisse plus ou moins la température de l'eau de surface, ce qui diminue la stabilité verticale et active le mélange vertical de l'eau. Le sel nutritif des couches profondes sera fourni abondamment à la couche de surface. Ceci enrichira la productivité biologique dans la couche de surface et développera la pêche maritime.

U n autre effet se manifestera. L'abaissement de la tem- pérature de l'eau de surface est susceptible de changer le climat. La moyenne spatiale de la température de surface durant la période glaciaire de W ü r m a été plus basse que la moyenne actuelle. Des études récentes du sédiment d u fond océanique montrent que la différence entre ces deux moyennes n'est que 1" C. I I est suggéré, d'autre part, que l'utilisation du gradient thermique de l'ordre de 1013 W abaissera la température de surface moyenne de 1" C au risque d'amener une période glaciaire. Donc, le plafond serait de l'ordre de 1013 W pour le gradient thermique, pour que le climat actuel soit conservé.

L'augmentation de CO2 dans l'atmosphère conduit à l'échauffement de l'atmosphère, qui chauffe, à son tour, l'eau de surface. U n comité de l'Académie Nationale des Etats-Unis d'Amérique en avertit de la conséquence c o m m e suit [anonyme, 19771. L'échauffement de l'eau de surface stabilise la stratification verticale de la couche de surface et affaiblit le mélange vertical, contrairement au cas de l'utilisation du gradient thermique. Par suite, le sel nutritif y devient pauvre, ce qui aboutit à une faible productivité. La distribution mondiale de la pêcherie deviendra donc complètement différente de celle d'aujour- d'hui. D e plus, le niveau de la surface s'élèvera en consé- quence de la dilatation thermique de l'eau par I'échauffe- ment. L'élévation d u niveau étant évaluée à plusieurs mètres, i l arrivera une inondation mondiale dans les régions basse côtières. L'utilisation à grande échelle d u gradient thermique servira à supprimer ou à affaiblir ces deux effets nuisibles.

Effet possible de l'utilisation de la puissance des courants marins

Pour évaluer l'effet de l'utilisation de la puissance des cou- rants marins, j'ai effectué des expériences numériques au moyen d'un modèle mathématique de la circulation géné- rale dans un océan à profondeur constante, borné par deux méridiens séparés de 48' en longitude et deux paral- lèles séparés de 70" en latitute [Takano, 19771. La frontière sud se situe à l'équateur. La profondeur est de 4000 m. En négligeant la force d'entraînement d u vent, je ne tiens compte que d u flux de la chaleur de surface c o m m e force motrice des courants, ce qui n'empêchera pas d'évaluer grossièrement l'effet dont i l s'agit. Le pas d'espace est 2' en longitude et en latitude. La vitesse horizontale et la température sont calculées à 20,120,640,l 280 et 2 760 m de profondeur. La vitesse verticale est calculée à 70, 380,

960 et 2020 m de profondeur. La densité de l'eau est supposée c o m m e une fonction linéaire de la température.

Une telle étude par un modèle mathématique peut être un peu prématurée pour deux raisons : 1. Les modèles mathématiques actuellement disponibles ne sont pas suffi- samment perfectionnés pour bien simuler les courants marins naturels et prévoir la conséquence de l'utilisation de leur puissance. 2. Etant donné que ce ne sont pas des équations de l'énergie mais des équations de la force vive qui sont résolues dans les modèles mathématiques, i l est difficile de bien formuler la condition dynamique de I'uti- lisation de la puissance. Sous ces réserves, deux calculs sont effectués, l'un pour le cas où la puissance n'est pas exploitée et l'autre pour le cas où la puissance est exploitée. O n suppose, dans ce dernier cas, que l'énergie contenue dans le volume de 2" de large en longitude et en latitude sur 70 m de profondeur entre 30' N et 32" N le long de la frontière ouest est entièrement utilisée.

La figure 3 montre la vitesse horizontale de surface. La figure gauche se réfère au premier cas et la figure droite au second cas. Le carré en pointillé localise l'emplacement du dispositif. Les flèches représentent les vitesses selon les indications données en haut de la figure. A l'exception du voisinage d u dispositif, i l n'y a aucune différence à noter entre les deux figures. La figure 4 donne la distri- bution de la température de surface. L'effet de l'utilisa- tion de l'énergie près du dispositif est plus accentué que dans la vitesse horizontale à cause d u mouvement vertical de l'eau forcé par la mise en place du dispositif. L'eau se dirigeant vers le nord le long de la frontière ouest se heurte au côté sud du dispositif. Une partie de l'eau passe en dessous. Une autre partie se dirige vers l'est. C'est ce qui arrive en face sud d u dispositif. La plongée de l'eau augmente la température de surface de 23,07" C à 28.41' C. Par contre, en arrière d u dispositif, l'eau froide remonte de la couche profonde à la couche de surface et abaisse la température de surface de 22,47" C à 18.95" C.

Le courant le long de la frontière ouest joue un rôle important dans le transfert de la chaleur vers de hautes latitudes. L'utilisation de son énergie affaiblit l'intensité du courant et le transfert de la chaleur. I I en résulte que l'eau devient un peu froide à de hautes latitudes et un peu chaude à de basses latitudes où la chaleur est pour ainsi dire stagnante. Le changement m a x i m u m de la tempéra- ture de surface est de quelque 0.3" C.

E n outre, la mise en place d u dispositif affaiblit le cou- rant lui-même. La puissance à exploiter en face d u dispo- sitif est diminuée à 47% par rapport à la puissance initiale avant la mise en place.

Cette étude est une étape préliminaire vers l'étude future plus approfondie sur l'effet de l'utilisation des énergies de la mer.

Pour terminer je voudrais signaler que la recherche sur l'utilisation des énergies de la mer vaut la peine d'être poursuivie activement en raison de leur propreté et de leur abondance et que la recherche fondamentale sur les pro- cessus océaniques est d'importance capitale pour bien pré- ciser la quantité d'énergie disponible sans détruire la nature.

Bibliographie

Anon. Assessing the "greenhouse effect". Nature (London),

Takano, K. Kairyu enerugi no rivo ga daijunkan ni oyobosu vol. 268, No 5618,1977, p. 289-290.

eikyo [Effet de l'utilisation de la puissance d u cou- rant marin sur le milieu marin]. La mer (Tokyo), tome 15. No 2, 1977, p. 94-100.

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Figure 3 : Vitesse horizontale de surface. A gauche le cas où l'énergie n'est pas exploitée et à droite le cas où l'énergie est exploitée. Le dispositif occupe le carré en pointillé.

HORIZONTRL VELOCITY FIT 20M IUNITS: CiiiSECI

7 0-4.9 v 4.9-9.8 T 9.8-14.7 3 14.7-19-6 + 19.6-24.4 -D 24.4-29.3

7 Oc

6C

50

2 30

20

10

O

6 O"

50

40 3 c - 6. 30 A

20

IO

O

HORIZONTAL VELOCITY FIT 20M 7 0-4.5 7 4.5-9.0 - 9.0-13.6 IUNITS: Cti/SECi

+ 13.6-18.1 + 18.1-22.6 + 22.6-27.1

7 O'

60

50

40 O 3 +- - & 30 1

20

10

O O 10 20 30 40"

L û N G I TUDE

Figure 4 : Température de surface. A gauche le cas où l'énergie n'est pas exploitée et

à droite le cas où l'énergie est exploitée.

TEMPERATURE 20M TEMPERATURE 20M

6 O"

50

40 3 +- - 2 30 1

20

I

O 10 20 30 40' L û N G LTUDE

O ! I O IO 20 30 40'

LONG I TUDE 20

Discussion'

H. U. Roll

K. Takano

Exactement.

Merci, Monsieur le Président, J'espère que M. Takano est en mesure de comprendre ce que je vais dire. Votre exposé, M. Takano, n'a pas manque d'intéresser au plus haut point les membres de la COI ici présents qui, l'autre jour encore, se demandaient si la Commission devait ou non entreprendre des recherches sur l'énergie des océans. Pour ma part, j'étais de l'avis que l'extraction de cette énergie se résumait à un problème technique qui débordait du cadre des préoccupations de la COI et de ses compétences, Toutefois, vos propos nous laissent clairement entendre qu'il reste encore un problème à résoudre, qui est de savoir ce que deviendrait l'océan mondial s'il fallait en extraire de l'énergie sur une grande échelle. A vous entendre, j'ai retiré l'impression que ce type de recherche passe nécessairement pas l'élaboration de modèles mathématiques. S'il en est ainsi, comment la Commission, qui cherche à mieux connaître la nature des océans en organisant des recherches de portée mondiale et régionale, pourait-elle contribuer à cette entreprise ? Vous avez conclu en disant qu'il fallait entreprendre de plus amples recherches fondamentales dans ce domaine ; à cet égard, je dirais que, dans l'état actuel des choses, la seule contribution que la COI pourrait à mes yeux apporter serait peut-être de fournir des données permet- tant de vérifier et d'essayer de tels modèles. Je vous remercie.

K. Takano

Je vous sais gré de vos remarques.

H. Postma

M'étant déjà exprimé à ce sujet i l y a quelque jours, je ne ferai aucun commentaire sur les observations du pro- fesseur Roll. Je souhaiterais néanmoins poser une question à M . Takano ; vous considérez le frottement des marées c o m m e une source d'énergie mais vous ne parlez pas de l'énergie que l'on peut obtenir en tirant parti de la diffé- rence entre les marées hautes et les marées basses c o m m e cela se fait, par exemple, dans ce bassin fermé de l'estuaire de la Rance, sur la côte francaise. Avez-vous une idée de la quantité d'énergie qu'il serait possible d'extraire en exploi- tant ces différences de niveaux ou des suggestions à for- muler à cet égard ?

K. Takano

L'énergie dissipée par frottement n'est qu'une partie de l'énergie des marées. La configuration globale des marées ne subit pas de modification tant que la quantité d'énergie domestiquées reste inférieure à la quantité d'énergie non utilisée. Dans la mesure où l'énergie produite par I'ampli- tude des marées est une partie de l'énergie marémotrice, on peut considérer que la puissance maximale qui peut- être extraite à partir de la différence de niveau est égale à l'énergie dissipée par frottement.

H. Postma

Donc, si je vous ai bien compris, la dénivellation de la marée - ou l'énergie que peut engendrer ce phénomène - fait partie du frottement des marées.

S.M. ul-Haq

Merci, Monsieur le Président. M . Takano a relevé plusieurs aspects très importants de la question de l'énergie produite par les océans. Pour m a part, je souhaiterais connaître son opinion sur un aspect particulier d u problème, à savoir la possibilité de favoriser artificiellement les remontées d'eau dans certaines régions en vue d'accroître la production biologique dans les zones en question. Pour autant que cela ne sorte pas d u cadre de son exposé, M. Takano pourrait-il nous donner quelques éclaircissements à cet égard ? Je vous remercie.

K. Takano

Bien que n'ayant pas une connaissance particulièrement approfondie de la question, je pense être en mesure d'en parler ultérieurement.

B.A. Nelepo

J'aimerais poser une question à M. Takano. En effet, j'étais très optimiste quant aux possibilités d'utiliser l'énergie des océans avant d'avoir pris connaissance d u premier tableau présenté dans le cadre de votre exposé. Pourtant, après vous avoir entendu parler des diverses composantes énergétiques d u bilan calorifique global, j'ai pris conscience d u fait qu'en principe i l s'agit d'un processus relativement complexe de transformation de l'énergie solaire, puisque les mers accumulent de l'énergie solaire et qu'il nous faut extraire cette énergie dans des condi- tions très peu rentables. En outre, l'utilisation de l'énergie des mers a des incidences écologiques. La question est donc de savoir si le recours aux techniques actuelles de conversion directe de l'énergie solaire en énergie électrique est la solution la plus prometteuse. Quoi qu'il en soit, je reste convaincu qu'il nous faudra bien à l'avenir recourir à l'énergie des océans. Je vous remercie.

K. Takano

Je ne suis pas si spécialisé dans la conversion directe de l'énergie solaire que je m e retims de dire si la conversion directe est la plus pleine de promesses.

J. Stromberg

M. Takano, les chiffresfigurant dansvos tableaux et corres- pondant aux possibilités énergétiques offertes par diverses sources sont, je présume, calculés sur une échelle globale ce qui, bien entendu, ne signifie pas que toute cette énergie est réellement disponible. Auriez-vous une idée approxima- tive des proportionsdans lesquelles ces ressources pourraient être utilisées ? Seraitce jusqu'à concurrence de 50 pour cent ou plus o u moins ?

K. Takano

Les chiffres apparaissant dans les tableaux ont effective- ment été calculés à partir de données théoriques et pure- ment océanographiques sans qu'il soit tenu compte de

1. Le nom et le titre des orateurs figurent a la fin de la publication. 21

facteurs économiques o u financiers. E n fait, la quantité d'énergie d'origine océanique réellement utilisable est dans une large mesure fonction de bien d'autres facteurs tels que le prix du pétrole et d'autres sources d'énergie et des incidences de l'utilisation de ce type d'énergie sur notre environnement. I I est donc extrêmement difficile de se faire une idée, m ê m e approximative, de la quantité d'énergie d'origine océanique qui sera exploitable dans un proche avenir, mais je pense pour m a part que l'on pourra en utiliser un assez fort pourcentage.

R. Zoeliner

Vous avez fait état de plusieurs méthodes permettant d'extraire de l'énergie des océans ; puis-je vous demander

votre avis sur la possibilité de recourir pour ce faire à la technique des thermocouples ?

K. Takano

O n étudie, à l'heure actuelle, de nombreuses nouvelles techniques dont le thermocouple, le capteur piézo- électrique, etc., mais i l serait peu réaliste de compter sur elles à court terme.

N.J. Campbell

L'état de santé de M. Stuart Godfrey, qui est l'auteur de la troisième conférence de cet après-midi, ne lui a pas permis d'assister à notre réunion. Diplômé de l'Université de Tasmanie, M. Stuart Godfrey est titulaire d'un doctorat de l'université britannique deCambridge. I I occupe aujourd'hui un poste de maître de recherche à la Division des pêches et de l'océanographie de l'Organisation australienne de recherche scientifique et industrielle d u Commonwealth, la CSI RO.

Spécialiste de la modélisation des courants océaniques, M. Stuart Godfrey a consacré une grande partie de ses recherches à l'étude d u courant de l'est de l'Australie et des tourbillons anticycloniques à moyenne échelle formés par ce courant. I I s'est récemment penché sur les inter- actions entre la variabilité de la circulation équatoriale

dans le Pacifique occidental et le phénomène El Nifio. A cet égard, i l a publié une importante communication sur les mécanismes qui relient le phénomène El Nifio aux évènements qui se produisent dans l'ouest d u Pacifique équatorial.

Les précieuses recherches entreprises par M. Godfrey l'ont conduit à se rendre aux Etats-Unis à plusieurs reprises, ce qui lui a permis de participer aux travaux d'autres collègues spécialisés dans son domaine.

E n son absence, la communication d e M. Godfrey vous sera donc présentée par le chef de la délégation australienne, M. David Rochford, qui, dans des délais très courts, a bien voulu se charger d e le remplacer.

M. Rochford.

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Les changements climatiques à court terme : le point de vue d'un spécialiste de l'océanographie physique

J. S. Godfrey, Division des pêches et de l'océanographie,

CSIRO, P. O. Box 2 1, Cronulla, NS W 2230, Australie

Introduction

E n tout point de l'océan, la température de surface varie au cours de l'année ; elle est plus élevée durant les mois d'été qu'en hiver. Toutefois, de manière générale, un certain nombre d'anomalies entraînent des variations de la température moyenne de surface qui, sur mille o u deux mille kilomètres, et pendant quelques mois de l'année, peut être régulièrement supérieure o u inférieure à la moyenne normalement enregistrée durant la période de l'année considérée. Ces anomalies peuvent provoquer des perturbations de l'écoulement de l'air et, partant, des fluctuations climatiques à court terme. Pour le spécialiste de l'océanographie physique, deux questions se posent, à savoir : quelles sont les principales régions océaniques dont le comportement est responsable de ces changements climatiques à court terme? et aussi : quels sont les phé- nomènes physiques susceptiblesdeprovoquer des anomalies de la température de surface dans ces régions ? Dans l'état actuel des recherches, m ê m e s'il ne nous est pas possible de répondre de manière absolument certaine à l'une ou l'autre de ces deux questions, nous en savonssuffisamment pour pouvoir d'ores et déjà procéder à un examen d'ensemble d u problème.

Régions océaniques de première importance

a) Zone terminale du Gulf Stream Ratcliffe et Murray (1970) ont étudié les données relatives aux anomalies d e la température de surface enregistrées dans l'océan Atlantique de 1876 à 1968 (à l'exception des périodes de guerre). D'après leurs recherches, i l semblerait que ce soit surtout dans la zone située au sud de Terre-Neuve, où se termine le Gulf Stream, que la température de surface présente les plus fortes anomalies. Ils ont étudié les anomalies constatées dans cette zone pour chaque mois de l'année. C'est ainsi, par exemple, c o m m e le montre la figure 1 ,que pour le mois de septembre, on a enregistré onze années au cours desquelles la tempéra- ture de surface a été de plus de IoC inférieure à la normale dans toute la région et treize années au cours desquelles elle a été de plus de IoC supérieure à la normale. Ils ont donc calculé la moyenne des niveaux de pression enregistrés durant le mois d'octobre de toutes les années à faible température et ont comparé' ces résultats à la moyenne obtenue à partir des cartes barométriques portant sur le mois d'octobre des soixante dix années couvertes par l'étude. C'est ce que montre la figure Ic qui représente une zone de haute pression ayant pour centre la Scandinavie et résultant sans doute de l'anomalie ayant provoqué une baisse de la température. O n en a la confirmation en étudiant une carte analogue portant sur le mois d'octobre de toutes les années ayant connu un mois de septembre anormalement chaud. Cette configuration est pratique- ment l'inverse de ce que l'on constate lorsque la tempéra- ture est anormalement basse, ce qui confirme l'idée que

l'on se trouve bien en présence d'un phénomène réel. D e manière générale, et quel que soit le mois de l'année, i l est désormais admis que la température de surface enregistrée au large de Terre-Neuve était un bon indice des conditions atmosphériques que l'Europe était susceptible de connaître durant le mois suivant le relevé.

D'un point de vue climatologique, la zone océanique située au sud de Terre-Neuve présente donc un très grand intérêt. C'est aussi dans cette zone que le Gulf Stream perd de sa puissance et se termine; i l est à cet égard vraisemblable que, dans cette zone, plus que partout ailleurs dans l'Atlantique, la température de surface est fonction de l'évolution des forces qui entraînent le Gulf Stream. Par analogie, on est en droit de penser, ce qu'à d'ailleurs démontie Davis en 1976, que la température de surface des eaux situées à l'est d u Japon là où se termine le Kuro-shio et qui présentent des caractéristiques ana- logues, est elle aussi sujette à d'importantes anomalies. E n ce qui concerne l'hémisphère austral, on pourrait égale- ment s'attendre que la température des eaux de surface des trois zonesocéaniquessituéesau large d u sud d u Brésil, d u sud de l'Afrique d u Sud et des Nouvelles-Galles d u Sud soit particulièrement sujette à d'importantes anomalies et que ces anomalies aient des répercussions sur les conditions météorologiques d'autres régions.

b) L 'Atlan tique tropical La partie orientale de l'Atlantique tropical est désormais reconnue c o m m e étant la deuxième région océanique dans laquelle les anomalies de la température des eaux de surface ont des incidences sur le climat. Ces anomalies semblent en effet influer sur les précipitations enregistrées dans le nord-est d u Brésil, zone fréquemment sujette à la sécheresse et aux inondations,notamment de janvier à mars. La figure 2 représente l'indice de Markham et McLain (1977) donnant la moyenne des précipitations enregistrées dans la région entre janvier et mars. Cette moyenne est indiquée en corré- lation avec la température des eaux d e surface dans l'Atlantique tropical. A u mois d e décembre, i l se forme dans cette zone une région présentant une très étroite corrélation avec les précipitations que connaît le Brésil entra janvier et mars. O n constate que cette région se déplace vers l'ouest et qu'elle perd d e son importance au cours des mois qui suivent. O n peut donc dire que les conditions observées dans l'Atlantique équatorial, en particulier près d u secteur oriental, constituent un bon indice des précipitations qui seront enregistrées au Brésil.

c) Le Pacifique équatorial Toutefois, c'est le phénomène connu SOUS le n o m d"'osci1- lation australe " qui constitute l'exemple le plus frappant d'anomalies de la température des eaux de surface ayant une influence sur les conditions météorologiques. C o m m e le montre la figure 3, la pression réduite au niveau moyen de la mer présente dans l'ensemble de la ceinture tropicale des anomalies dont les caractéristiques sont identiques en

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tous points d u globe. C'est ainsi que lorsque la pression est basse en Indonésie, en Australie et en Afrique, elle est élevée dans le Pacifique et vice versa. Ce phénomène d' "oscillation australe " comporte des périodes typiques qui peuvent aller de plusieurs mois à plusieurs années. I I explique un grand nombre d'anomalies climatiques connexes. Ainsi, par exemple, si l'on considère la figure 3 c o m m e une carte barométrique, on peut prévoir, lorsque l'indice de l'oscillation australe est élevé, la présence de vents d u nord sur la partie orientale de l'Australie. O n peut s'attendre que ces vents soient à l'origine d'un déplacement d'air humide de la mer de Corail sur l'est de I'Austraiie et, par conséquent, de la formation des pluies. L'examen de la figure 4 laisse en effet penser qu'une telle relation st justifiée. O n remarquera, en particulier, que l'année 1940, à Darwin, a marqué le passage de pressions anormalement élevées à des pressions anormalement basses ; toujours en 1940 et dans l'est de l'Australie, on a enregistré une évolution des conditions météorologiques du sec vers l'humide. E n bref, l'oscillation australe est un phénomène climatique global extrêmement important.

O n a constaté que l'oscillation australe était intimement liée aux anomalies de la température des eaux de surface de l'est d u Pacifique équatorial. C'est ainsi notamment que la température moyenne de la bande hachurée de la figure 3 est représentée en fonction d u temps dans la figure 5 ; l'indice de l'oscillation australe est également donné. La corrélation entre les deux est à l'évidence ex- trêmement étroite. Certains météorologues estiment que la température des eaux de surface dans l'est du Pacifique tropical joue un rôle essentiel dans le mécanisme qui est à l'origine de l'oscillation australe.

En résumé, i l apparaît que les anomalies de la tempéra- ture de surface des eaux tropicales-et, en particulier, de la partie orientale des tropiques-déterminent des variations climatiques à court terme. Dans un cas au moins, la région terminale d'un courant limitrophe occidental joue aussi un rôle sur le climat. A u demeurant, peu de recherches systématiques ont été faites jusqu'à présent sur la corréla- tion entre les anomalies de la température de surface des eaux océaniques du globe et les variations climatiques que connaissent les parties émergées.

Mécanismes physiques de l'évolution de la température des eaux de surface

La seconde question que nous nous posions au début de cet exposé était la suivante: quels sont les phénomènes physiques susceptibles de provoquer des variations de la température des eaux de surface dans les régions déter- minantes? I I y a à cet égard plusieurs possibilités, mais nous n'en examinerons que trois.

a) Formation de la couche de mélange Dans la plus grande partie des océans, les courants sont en moyenne assez faibles, de sorte que les variations de la température ont surtout pour origine l'action de phéno- mènes locaux c o m m e la radiation solaire, les échanges entre la chaleur sensible et la chaleur latente et l'atmosphère et le mélange d û au vent. C o m m e le montre la figure 6, ces phénomènes entraînent l'apparition d'un cycle de tempéra- ture annuel lorsqu'ils se manifestent isolément. A u prin- temps, une couche d'eau chaude se forme à la surface et la couche de mélange superficielle se réchauffe et s'amenuise peu à peu jusqu'à la fin de l'été. L'automne venu, avec

l'abaissement de la température, la couche de mélange se refroidit et s'épaissit progressivement au fur et à mesure que l'hiver avance. Ce dernier phénomène est à la fois le résultat d'une plongée convective des eaux et d'un brassage dû au vent. O n remarquera que l'évolution de la tempéra- ture ne suit pas un cycle saisonnier bien défini au-dessous de la couche mixte d'hiver. Pour pouvoir comprendre la facon dont les anomalies de la température de surface se produisent dans n'importe quel point de l'océan, i l nous faut absolument être en mesure de décrire quantitative- ment la réaction de la couche de mélange à ces influences.

Ces dernières années, d'importantes progrès ont été réalisés dans ce sens. La figure 7 en donne un bon exemple ; elle indique la vitesse du vent, le rayonnement solaire et la rétroradiation, la température de surface et le profil de la température pour une périodede douze jours en juin 1970, à 50" N dans le nord-est du Pacifique (d'après Denman et Miyake,1973). La ligneen pointilléde la figure7c représente la température de surface relevée et la ligne continue la prévision de la température de surface à partir d'un modèle numérique très simple. Ce modèle est si simple qu'on peut en apprécier la précision par un simple examen du graphi- que: ainsi, les 14, 18 et 21 juin, la température de surface a augmenté brusquement, tant dans la réalité que d'après le modèle. Les figures 7a et 7 b révèle que ces journées n'ont pas été exceptionnellement ensoleillées mais que la vitesse du vent était particulièrement faible. L'examen de la figure 7d nous permet de comprendre pourquoi la température de surface a brusquement augmenté au cours de ces journées. Les jours calmes, la chaleur provenant d u rayonnement solaire pénètre l'eau jusqu'à une profondeur de quelques mètres mais ne descend pas plus bas, faute de brassage d û au vent. O n observe donc la formation d'une fine couche superficielle qui absorbe l'intégralité d u rayonnement et se réchauffe rapidement. Lorsque le vent forcit, cette chaleur se mélange au reste de la colonne d'eau et la température de surface baisse. Réciproquement, l'une des causes principales des anomalies durables de la température de surface est, semble-t-il, la présence de vents violents. O n estime que le brassage d û au vent augmente dans des proportions équivalant au cube de la vitesse d u vent ; c'est ainsi qu'un coup de vent provoquera un brassage des eaux jusqu'à des profondeurs anormale- ment importantes et sur une grande superficie et se traduira par une baisse sensible de la température de surface.

D e récentes recherches ont montré que le modèle utilisé par D e n m a n et Miyake présentait plusieurs défauts qui n'apparaissaient pas à l'examen de la figure 7. Toute- fois, dans la mesure où les recherches théoriques et prati- ques sur le comportement de la couche mixte océanique se poursuivent activement dans le m o n d e entier, i l est à prévoir que l'on parviendra à remédier à ces imperfections dans les années à venir.

b) Phénomènes d'ondes dans l'est des océans tropicaux Les phénomènes purement localisésdont on vient de parler sont circonscrits, dans l'est des mers tropica1es.à la couche supérieure des eaux de surface ; ils ne se manifestent que sur une quarantaine de mètres tout au plus. Toutefois, on sait que, dans ces régions, l'ensemble de la structure thermique est sujette continuellement à des mouvements verticaux jusqu'à une profondeur d'environ quatre cents mètres. Lorsque le mouvement est ascendant, la tempéra- ture baisse à toutes les profondeurs mais surtout en sur- face. Des remontées d'eau profonde (ou à l'inverse, des

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"plongées d'eau'') se produisent à la suite de l'action de certaines ondes provoquées par des modifications d u champ d u vent. Les vents d'est qui soufflent le long de l'équateur jouent ici un rôle capital; en effet, lorsque ces vents faiblissent pendant quelques mois, l'eau chaude occupant généralement la partie occidentale d u Pacifique équatorial se déplace vers l'est, à la suite de quoi la thermocline s'enfonce dans l'est d u Pacifique équatorial. C o m m e le montre la figure 8a, cette houle ne met quequatre semaines environ pour atteindre les côtes d'Amérique d u Sud. U n e houle correspondant à une "plongée d'eau" se déplace alors vers le nord et le sud en suivant la côte (voir la figure 8b), provoquant la formation de zonesà thermocline profonde et une élévation de la température des eaux de surface près de la côte. Sous l'effet d'autres ondes plon- geantes la zone à thermocline profonde s'étend vers l'ouest (voir les figures 8c et 8d) ; le déplacement vers l'ouest s'accélère à proximité de l'équateur.

C e cas de figure envisagé par Godfrey en 1975 et qui a depuis lors fait l'objet de plus amples recherches dues, notamment, à McCreary (19761, Hurlbert, Kindle et O'Brien (1976) est une illustration assez satisfaisante des caractéristiques principales d u phénomène El Niîio. Wyrtki a démontré, à cet égard, en 1977, que la température d e l'eau augmentait effectivement sur une grande surface le long des côtes américaines et le long de l'équateur un mois o u deux après la disparition des vents prédominants de l'est de la partie médiane d u Pacifique équatorial.

c) Remontées dkau et advection dans la région terminale des courantes limitrophes occidentaux

I I ne fait aucun doute que la température des eaux de surface des régions terminales des courants limitrophes occidentaux subit l'influence des phénomènes purement localisés dont o n a parlé plus haut, à savoir le brassage d û au vent, le rayonnement solaire, etc.;toutefois, i l est probable que ce sont les variations des courants eux-mêmes qui exercent la principale influence à cet égard. Malheu- reusement, ces variations peuvent être extrêmement complexes. La Figure 9 reproduit une photographie d u courant Est-Australien prise dans l'infrarouge à partir d u satellite TI ROS-N. Les tâches foncées qui ne correspondent ni aux terres émergées ni à des nuages représentent les secteurs où la température des eaux de surface est élevée. Dans le courant Est-Australien, on note la présence fréquente de fronts intenses et de longues et fines bandes d'eau chaude associés à des tourbillons. La seule évaluation de la température moyenne des eaux de surface dans une telle région est déjà une entreprise très difficile ; quant à expliquer les variations de cette moyenne en fonction de l'évolution des vents o u de l'action de la chaleur, i l faudrait pour cela disposer sur les courants limitrophes occidentaux de connaissances qui restent a acquérir. C'est la raison pour laquelle, tout au moins pour l'instant, nous devons considérer les anomalies d u type de celles observées au sud de Terre-Neuve ou au large des côtes orientales de l'Australie c o m m e "non prévisibles".

Conclusions

Compte tenu de l'état des connaissances relatives aux effets des remontées d'eau profonde et des phénomènes localisés, sur la température des eaux de surface, o n peut raisonnable- ment espérer que les spécialistes seront désormais en mesure, sous réserve d e disposer des données en temps réel nécessaires sur l'océan mondial, de prévoir, peut-être deux mois à l'avance, la température des eaux de surface des océans tropicaux orientaux. S'il en était ainsi, des relations d u type de celle de Markham et McLain n'en auraient que plus de valeur, autrement dit, s'il était possible de prévoir environ un mois à l'avance l'anomalie de la température d e surface enregistrée en décembre et que ces auteurs ont reliée aux précipitations relevées au Brésil, o n disposerait de plus de temps pour prendre les dispositions nécessaires. Ces remarques s'appliquent tout aussi bien à la température de l'est d u Pacifique et à l'oscillation australe.

I I existe bien d'autres zones océaniques de grande superficie, notamment les régions éloignées des terres émergées et de l'équateur où les anomalies de la tempéra- ture des eaux de surface sont essentiellement dues à des phénomènes localisés. Là aussi, on peut d'ores et déjà envisager la possibilité de faire des prévisions valables de la température des eaux de surface, pour autant que de telles prévisions soient utiles en matière de climatologie. I I demeure néanmoins que nous ne serons sans doute pas en mesure avant un certain temps de prévoir les anomalies d e la température des eaux de surface des régions terminales des courants limitrophes occidentaux.

O n retiendra surtout que pour être à m ê m e de prévoir avec une précision suffisante les anomalies de la tempéra- ture des eaux de surface, i l nous faut, avant toute chose, disposer des données en temps réel nécessaires. Nous avons mis l'accent sur le rôle capital que joue le champ d u vent dans le calcul de la température des eaux de surface ; toutefois, les relevés des navires de commerce sont trop irréguliers pour pouvoir servir de données en temps réel et c'est pourquoi i l nous faut trouver d'autres sources d'information. A u cours des trois mois qu'il a passés dans l'espace, SEASAT a fait la preuve que les capteurs installés à bord de satellite permettaient d e mesurer la vitesse et la direction des vents océaniques (Jones et al., 1979). Nous ne pouvons qu'espérer vivement qu'un autre engin de ce type sera lancé dans l'espace dans un proche avenir. C'est en effet grâce à ce genre d'instrument que l'on peut envisager de faire des prévisions à grande échelle des anomalies d e la température des eaux de surface alors que ce type de pré- visions ne sauraient, sans l'aide d'un satellite, aboutir qu'à de médiocres résultats.

La prévision de la température des eaux de surface repose aussi sur l'analyse d'autres données essentielles telles que les données relatives au rayonnement: à cet égard, les informations fournies par satellite sur les nuages sont sans doute les plus utiles. I I serait également bon de pouvoir disposer de données sur la température et l'humidité d e l'air, mais i l ne semble pas que cela soit encore réalisable ; toutefois, l'examen des données climatologiques devrait se révéler fort intéressant à cet égard.

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Références

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Denman, K.L.; Miyake, M. 1973. Upper layer modification at ocean station"Papa": Observationsand simulation. J. Phys. Oceanogr. Vol. 3, p. 185-196.,

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Hurlbert, H.E.; Kindle, J.C.; O'Brien, J.J. 1976. A numeri- cal simulation of the onset of El Nifio. J. Phys. Oceanogr. Vol. 6, p. 632-645.

Jones, W.L.; Black, P.G.; Boggs, D.M.; Bracalente, E.M.; Brown, R.A.; Dome,G.; Ernst,J.A.; Halberstam,l.M.; Overland, J.E.; Peteherych, S.; Pierson, W.J.; Wentz, F.J.; Woiceshyn, P.M.; Wurtele, M.G. 1979; Seasat scatterometer: results of the Gulf of Alaska Workshop. Science Vol. 204, p. 1413-1415.

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Figure 1 : (a) Moyenne (en "CI des anomalies de la température des eaux de surface en

septembre, calculée d'après les données relatives aux années à fortes anomalies négatives (températures plus basses) au large de Terre-Neuve. La figure donne l'emplacement des points sujets aux anomalies et les deux derniers chiffres de l'année, à savoir : O anomalie négative > 2" c ; A anomalie négative entre 1" et 2' c ; X localisation et intensité incertaines.

(b) C o m m e pour la figure l(a), mais pour les anomalies positives (tempéra- tures plus élevées).

(cl Anomalies de la pression moyenne à la surface (en m b ) pour le mois d'octobre des années ayant connu des anomalies négatives de la tempéra- ture des eaux de surface en septembre, au large de Terre-Neuve, c o m m e le montre la figure 1 (a).

(d) C o m m e pour la figure 1 (cl, mais pour les années ayant connu des anoma- lies positives en septembre.

21

Figure 2 : Corrélation entre la température de la mer en surface et l'indice pluviométrique pour

janvier-février-mars de Ceari, nord-est du Brésil. O n remarque une zone ayant un coefficient de corrélation élevé au large des côtes africaines en novembre ; cette zone, dans laquelle

la corrélation est encore plus étroite en décembre, se déplace vers l'ouest avec le courant Sud-équatorial en janvier, février et mars et disparaît en avril. (D'après Markham et McLain, 1977).

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Figure 3 : Coefficients de corrélation (X 100) de l'anomalie de la pression réduite au

niveau m o y e n de la mer avec l'"indice de l'oscillation australe". (D'après Wright, 1977). Dans la Figure 5, l'"indice de l'oscillation australe" et la température moyenne à la surface

(zone hachurée) sont représentés en fonction du temps.

Figure 4 : (a) Anomalies cumulées des précipitations moyennes annuelles (Australie orientale). (b) Anomalie cumulée de la pression réduite au niveau m o y e n de la mer (Darwin) ;

(l'anomalie de la pression réduite au niveau m o y e n de la mer à Darwin peut faire office d' "indice de l'oscillation australe"). (D'après Pittock, 1975).

2

O E E -2

-4

-1

O

n E +1

+2

%- a ) C u m u l a t e m e a n annual rainfall anomalies.

East Auçtralia.

r,

index .) I I 1 I

1920 30 40 50 60 70 29

Figure 5 : (a) Température de la mer à la surface, 9Oo-18O0 W, IOo N-10' S (1949-1970). (b) Indice de la pression de l'oscillation australe, 1949-1975.

1950 IF55 1360 1965 1970 19 75 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1

(a) SST (inverted) 90' - 180" W, 10°N -10's 1 A

(bi 5 0 PRESSURE LNDEX + 2 - -

tn3 u - i - a

- - 2 - -

.- Figure 6 :

(a) Cycle annuel type de réchauffement et de refroidissement observé dans une zone à faible advection (Pacifique subarctique) et comparé aux

(b) Variations de la température en fonction de la profondeur dans la m ê m e région. Les isothermes sont données en F. (D'après Turner, 1973) -

i. +LOO

E

n - u 51

O u (rJ O

?

e

c

v

= -200 - (J 0 ci e< - 400

\ I-ieat Inr

1 c J a n . Feb. Mar. Apr. May J u n e luly AUE. Sept. Oci. Nov. Dec.

30

Figure 7 : Vitesse du vent observée, Ulo, à 10 mètres au-dessus du niveau de la mer, entre le 13 et le 24 juin 1970. Rayonnement solaire et rétroradiation pour la m ê m e période. Température de la mer à la surface observée (en pointillé) et prévue (ligne continue). O n remarquera que la température augmente surtout lorsque la vitesse du vent est faible. Profils de la température, observée et prévue (toutes les 1 2 heurs). D'après Denman et Miyake, 1973.

a

12 - 8 -

4 -

O

Figure 8 : Lorsque les vents prédominants de l'est mollissent pendant quelques mois dans la zone délimitée par les pointillés, une plongée d'eau provoque un enfoncement de la thermocline, tout d'abord, dans la partie orientale du Pacifique équatorial (Figure 8(a)), puis le long des côtes américaines (Figure 8(b)). La zone caractérisée par uen therrnoclineplus profonde s'étend alors vers l'ouest sous l'action d'autres ondes plongeantes (Figures 8(c) et 8(d)).

A R E A S O F D E E P E N E D T H E R M O C L I N E AFTER RELAXATION O F EQUATORIAL W I N D S

WlNDS W E A K E N _____------ --

- - _ _ _ _ _ - _---

(a) 4 weeks (b) 6 weeks

24 weeks (d 1

31

Figure 9 : Photographie typique de la région du courant Est-Australien, prise dans l'infrarouge par le satellite TI ROS-N. Dans les zones océaniques sans nuages, les taches sombres indiquent des températures élevées (pour le 20 août 1979). II est difficile d'évaluer et a plus forte raison de prévoir, la température moyenne dans une telle zone.

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N.J. Campbell

Notre dernier orateur de ce jour est M. David Cushing. Diplômé d u Balliol College de l'université d'Oxford,

M . Cushing est entré, peu après la deuxième guerre mondiale, au Ministère de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation, à Lowestoft, Angleterre. Les recherches et les études très poussées qu'il a entreprises sur la gestion des stocks de poissons en ont fait l'un des plus éminents spécialistes d u m o n d e dans ce domaine. C'est ainsi que M. Cushing a été l'un des premiers à étudier des techniques telles que l'évaluation acoustique des populations de poissons et la dynamique de ces populations. I I a en cutre mené des recherches approfondies sur le plancton et le hareng non seulement dans les eaux territoriales d u

Royaume-Uni mais aussi au large de l'Afrique d u Sud, dans l'océan Indien et dans le Pacifique.

Professeur honoraire de l'université d'East Anglia, M. Cushing a donné de nombreuses conférencesa l'étranger notamment à l'université d u Wisconsin, à l'université de Washington et à l'université d'Etat de l'Oregon, aux Etats Unis. A l'heure actuelle, i l remplit les fonctions de directeur adjoint du Laboratoire des pêches de Lowestoft, poste qu'il occupe depuis 1974.

En outre, M. Cushing est l'auteur de nombreux articles et de deux ouvrages importants, l'un sur l'écologie marine et la pêche et l'autre sur les ressources halieutiques de la mer et leur gestion. En 1977, i l a été n o m m é m e m b r e de la Royal Society en reconnaissance de son œuvre scientifique.

Je donne la parole a M. Cushing.

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La production au centre des tourbillons du Pacifique D. H. Cushing,

Ministry of Agriculture, Fisheries and Food, Dire c tora te of Fis h eries Resea rc h, Fish eries La b ora tory,

Lowestoft, Suffolk NR33 OHT, Royaume-Uni

Introduction

La production au centre des tourbillons subtropicaux est toujours faible, soit de 0,l à 0.5 gramme de carbone par mètre carré et par jour et peut ne subir que de Jégères variations tout au long de l'année ; pourtant, selon Ryley (1 957) et Ryther et Menzel (1960),la production augmente dans la mer dessargassesau cours des mois d'hiver. D'après des estimations faites grâce à la méthode du carbone radio- actif, les eaux de surface produisent aussi mais la concentra- tion des éléments nutritifs est souvent si faible qu'il est impossible de les détecter. Bien entendu, l'examen de la surface n'est pas déterminant, sans doute parce que la lumière est trop forte à ce niveau; on a constaté une quantité maximale de chlorophylle au voisinage du fond de la couche euphotique (voir, par exemple, Shulenberger (1978). à cet égard) et de nombreux auteurs ont émis l'hypothèse que cette couche relativement profonde (environ 100 mètres) était fertilisée par l'action de divers phénomènes hydrodynamiques.

Etant donné que la production varie peu en fonction du temps, j'ai suggéré, en 1959, qu'on pouvait se trouver en présence d'un système stable dans lequel, par exemple, le taux de reproduction des algues est compensé par leur mortalité due au broutage et que des taux analogues étaient également contrabalancés à des niveaux trophiques supérieurs d u système. O n pourrait s'attendre, dans un tel système, que l'absorption d'éléments nutritifs par les algues soit contrebalancée par une régénération immédiate. E n 1971, j'ai mis l'accent sur le fait que toute quantité d'éléments nutritifs observée dans la couche euphotique comprenait essentiellement de la matière régénérée ; toutefois, on peut difficilement imaginer que la régénéra- tion compense la consommation sauf si le taux de repro- duction diminue du fait d'un manque d'éléments nutritifs ; on peut donc prévoir que les quantités d'éléments nutritifs atteignant des niveaux trophiques supérieurs sont moindres

et que, par conséquent, la régénération s'effectue de manière moins immédiate. Si l'on pousse cet argument, o n peut m ê m e penser que la régénération n'a pas lieu d u tout.

Autre point très important, i l semblerait que la biomasse des espèces animales est plus importante que celle des algues. C o m m e je m e propose de le montrer, i l n'en est pas toujours ainsi mais le fait se produit suffisamment souvent pour que l'on soit en droit de se poser des questions à ce sujet. Lorsque c'est le cas, le taux de reproduction des algues doit être assez élevé pour que les espèces animales puissent s'alimenter, autrement dit, i l faut que le système soit stable et indépendant d'un apport extérieur d'éléments nutritifs.

Je m e propose ici d'étudier la production au centre des tourbillons tropicaux pour essayer de comprendre I'exis- tence de quantités maximales de chlorophylle à un niveau relativement profond, la proportion élevée des herbivores par rapport à la quantité d'algues et la nature d'un éventuel système stable.

La couche de chlorophylle profonde

O n connaît depuis longtemps (l'ouvrage de Venrick et a/. 1973, résume les résultats des observations effectuées) l'existence d'une couche de chlorophylle profonde dans les mers subtropicales. La figure 1 donne la répartition verticale de la chlorophylle a, des nitrates, de l'ammonium et de la phaeophytine, d'après les prélèvements effectués aux stations B (voir ci-après) au centre du tourbillon subtropical du Pacifique Sud. La couche de chlorophylle se situe entre 80 et 140 m avec un m a x i m u m approximatif de 100 à 120 m . La couche euphotique quant à elle (1 % d u rayonnement subsuperficiel) se situe à environ 100 m. La couche de chlorophylle est donc située sous la couche euphotique et, au-dessous de ce niveau quelque peu arbitraire qu'il est difficile de déterminer di1 fait de la

Tableau 1

Proportion des espèces animales par rapport aux espèces végétales dans les mers tropicales et subtropicales

Atlantique Mer Ionienne Remontées d'eau Mer des R e m o n t h d'eau Atlantique sud du Pacifique équatorial Sargasses équatoriales

Phtyoplancton 19.0 6B 31.35 3.33 2.93 3.12 0.3-0.5 180 108 0.01 12

Zooplancton (Total) 54.0 58.4 13.50 7.21 6.99 7.20 2.23 838 22

Unités (mglm3 poids sec) (g/rn2 poids sec) (g C/rn2) (callm31 (rng/l poids sec)

Herbivores 36.6 48.7 6.20 2.00 2.98 2.50 499 12 0,02 16

2 34 Zooplancton Phytoplancton

(Greze, 1970)

8.59 0.63 2.77 2.39 2.31 4.46 4.66 0.20 1.93

(Vinogradov et Shushkina, (Cushing, (Petipa, 1978) (Expédition 1977) 1959) rnétéorol.

Cushing, 1962)

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Figure 1 Répartition de la chlorophylle a, des nitrates, de l'ammonium et

O1 -

t

/ *

O 7

O,

00

Lc:

O F O O

O2-I

02i

O2-I

02-t

02i

O 1 O0 Chl'a'

200

de la

3 2 1

O 4 3 2 1

O 4 3 2 1

O 4 3 2 1 C 4 3 2 1

O 4 3 2 1

O 4 3 2 1

O 4 3 2 1 O

phaeophytine aux stations B (Venrick et al., 1973).

-1

-t

-t

1 I 1 -

1 O0

NO3 200

36

Figure 1 (suite)

O - O -' I I c

10-

00 I O - 0 O -I

2oi

O2 -1 " ' - L L e O -1

"'1 0 1 1 O

20-l 10-

'"1 O-I

I

I I c 2ol 1 O-

* O -, I- l "1

l I c

02

O1

o . 02

O1

O . 02

O1

O 02

O1

O . O 1 O0 200

NH4

1 O0 200 Phaeo

37

très grande clarté des eaux océaniques, i l peut exister une production lente. La quantité de nitrates est faible et variable dans les 100 premiers mètres mais elle augmente au-dessous de ce niveau. La répartition de l'ammonium selon la profondeur est tout à fait différente dans la mesure où cet élément est régulièrement réparti quelle que soit la profondeur et que la quantité est un peu moins variable. Dans une certaines mesure, la phaeophytine se répartit de la m ê m e manière que la chlorophylle. La production est assurée dans la couche de chlorophylle profonde m ê m e si le taux d'éléments nutritifs et l'intensité de rayonnement sont f ai b I es.

La proportion des espèces animales par rapport aux végétaux

Le Tableau 1 donne, dans les m ê m e s unités, quelques exemples des quantités d'animaux et de végétaux présents dans les mers tropicales et subtropicales situées à l'écart des zones côtières de remontée d'eau. I I convient de noter qu'il existe diverses méthodes d'échantillonnage, que la classification des herbivores peut ne pas être uniforme et qu'il peut être difficile de faire la distinction entre le zooplancton et le necton. Deux prélèvements effectués l'un et l'autre dans la zone équatoriale de remontées d'eau donne un rapport animaux-végétaux inférieur à un mais huit autre prélèvements donnent un rapport supérieur à l'unité. E n chiffres absolus, la quantité d'espèces animales est assez élevée bien qu'inférieure à la quantité enregistrée dans la zone côtière de remontées d'eau. Le maintien de ce rapport présuppose sans doute que le taux de repro- duction des algues soit de plusieurs fois supérieur à celui des herbivores ; le taux de respiration des herbivores est élevé, étant donné qu'il s'agit d'espèces de petite taille et que l'eau est chaude et la durée de maturation est probable- ment courte. E n conséquence, le taux de reproduction des algues doit être assez élevé là ou les éléments nutritifs sont rares.

Méthodes

Le rapport sur l'expédition Climax I I (27 août - 13 octobre 1969) de la Scripps Institution of Oceanography( Référence SI0 75-6) présente les informations physiques, chimiques et biologiques recueillies dans une série de stations (A) au centre d u tourbillon d u Pacifique nord et dans une série de stations (B) au centre d u tourbillon d u Pacifique sud. Ces travaux ont fait l'objet d'une étude de Venrick et a/. en 1973). Dix stations A (du 26 août au 6 septembre) et six stations B (du 3 au 8 octobre) ont fourni des échantil- lons en continu tandis que le navire océanographique déri- vait. Des échantillons de chlorophylle a (données corrigées pour la phaeophytine) ont été prélevés et des mesures par la méthode d u carbone 14 ont été faites à plusieurs niveaux de lumière (soit à environ 1 %, 1.5 %, 2,3 %, 5.4 %, 20 %, 40 % et 50 % d u rayonnement subsuperficiel). Parallèle- ment, des échantillons de nitrites de nitrates, d'ammoniac, de silicates et de phosphates ont été prélevés, dans certains cas à la m ê m e profondeur et dans d'autres cas à des profon- deurs standard (dans ce dernier cas o n a utilisé des estima- tions interpolées). Le microzooplancton a été prélevé par pompage et à cinq niveaux de profondeur (de O à 20 m,

de 21 à 41 m, de 42 à 62 m, de 63 à 104 m et de 105 à 169 m) ; les échantillons sont ensuite été tamisés à l'aide de trois filtres ayant des mailles de 35 um , 103 u m et 363 u m . La biomasse de zooplancton a été échantillonnée à l'aide d'un chalut pélagique Isaacs-Kidd (1 KPT) à environ 300 m ; aux stations A, le macrozooplancton et les poissons ont été prélevés à l'aide d'un chalut à perche Isaacs-Kidd ( I K M W T ) jusqu'à une profondeur de 3,500 m. Lorsque les conditions le permettaient, on a utilisé les données de stations nocturnes relatives à des échantillons d'animaux ; en effet, d u fait de la migration verticale, un plus grand nombre d'animaux remontent durant la nuit à proximité de la surface, notamment la plupart des espèces qu'on trouve, dans la journée, à des profondeurs aussi importantes que 3.500 m. Avec plusieurs collaborateurs, Eppley (1973) a étudié la dynamique d u plancton dans le Pacifique nord et a prélevé des échantillons d'ATP (adenosine triphosphate) à l'aide de la méthode d'Holm-Hansen (1969-1970) ; d'après ces recherches, le carbone "vivant" équivaudrait à 250 fois I'ATP particulaire. Quant au rapport carbone "vivant"/chlorophyIle, i l irait de 150/200 dans les soixante premiers mètres à 35/60 dans la couche contenant la quantité maximale de chlorophylle. La diminution de ce rapport avec la profondeur pourrait être due à la trop forte luminosité des zones supérieures de la couche euphotique. La figure 3 donnée dans l'étude d'Eppley montre que ce rapport est fonction de la profondeur; là où c'était nécessaire, j'ai utilisé des valeurs interpolées. Dans chaque station, on a calculé les quantités d e carbone "vivant" en m g C / m 2 présentes dans la couche euphotique et, étant donné que les mesures au carbone 14 ont été exprimées en m g C/m2/12 heures (à partir de relevés de 6 heures effectués de 12 heures à 18 heures), on a pu utiliser le rapport entre la productivité et le stock de carbone pour évaluer le taux de reproduction des algues. C e rap- port A correspond à Po (exp Rt-1 )/Po, où Po représente le stock initial de carbone calculé par la méthude d u carbone 14 et R le taux de reproduction des algues. Donc, R = 1 n (A+I 1. Cette méthode repose intégralement sur l'évaluation des stocks de carbone "vivant" mais en cas d'erreur systématique, on retrouve les m ê m e s différences aux phases ultérieures de l'opération. E n outre, G = R-In (Pl/Po), où Po représente la valeur initiale d u stock d'algues pour un jour donné et PI la valeur d u stock le jour suivant; G représente le taux instantané de la mortalité due au broutage.

La quantité produite quotidiennement (PR) et la quantité consommée (PG) sont données par les équations suivantes :

PR = POIR/(R-G)l lexp (R-GIt - 11 et

toutes deux exprimées en g C/m2/jour. D'après Goldman et McCarthy (1978) le rapport N / C = 0,16 (qui est le rapport de Redfield) est constant chez les algues der zones pauvres en ammonium. O n peut donc convertir en g N / m 2 ou en g N/m2/jour les valeurs exprimées en g C / m 2 ou en g C/m2/jour. A partir de recherches faites sur le broutage de Biddulphia sinensis par Calanus, Corner (1973) a évalué la proportion des rations converties en taux de croissance, d'excrétion soluble et de déjection, ces valeurs pouvant toutes être appliquées à la quantité broutée (PG) et exprimées en g N/m2/jour.

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Résultats

Le Tableau 2 donne la production moyenne enregistrée aux stations A (tourbillon du Pacifique nord) et aux stations B (tourbillon du Pacifique sud). Le stock d'algues contenu dans le tourbillon de la zone nord est de presque 50 pour cent supérieur au stock enregistré dans le tourbillon de la zone sud, mais les estimations sont, dans une certaine mesure, plus variables dans cette zone. Parallèlement, les taux estimatifs de reproduction (moyenne calculée dans toute l'épaisseur de la couche euphotique, par station et en fonction du temps) paraissent élevés ; toutefois, avec un autre rapport carbone/chlorophylle, disons un rapport de 40 à 60, on aurait obtenu des taux deux à trois fois supérieurs. Si l'on se rapporte à l'étude d'ensemble du Pacifique publiée par Koblentz-Mishke et ai. (1970) et uniquement fondée sur des mesures au carbone radioactif, on peut dire que la production estimée est raisonnable. Avec un taux de reproduction des algues qui serait deux ou trois fois supérieur, on aurait pu obtenir des chiffres nettement plus élevés que ce que laissent prévoir les esti- mations de Koblentz-Mishke. A quelque chose près, le taux instantané de la mortalité due au broutage est le m ê m e que le taux de reproduction. Puisque G = R - In (Pl/Po), si l'on surestime ou si l'on sous-estime R, i l en est de m ê m e de G et l'estimation du rapport (R/G) est donc correcte. Le point le plus important est que (R/G) 1, donc que les deux taux s'équilibrent, ce qui résulte du fait que le stock d'algues évolue autour d'une moyenne sans grande variation en hausse ou en baisse.

Les taux d'excrétion soluble et de déjection et le taux de croissance des herbivores sont calculés directement à partir de la quantité consommée par jour, qui correspond à la ration quotidienne des herbivores. Ces taux, exprimés en g C/m2/jour sont convertis à l'aide du rapport N/C = 0,16 et, puisqu'il s'agit du rapport de Redfield, on peut égale- ment appliquer ce rapport aux végétaux et aux espèces animales.

Conséquence directe de la différence qui existe entre les taux de reproduction des deux zones océaniques, la production enregistrée au centre du tourbillon de la zone nord est a peut près deux fois supérieure à celle de la zone sud. Dans le tourbillon du nord, la couche euphotique est située à 73 m ; dans le sud, elle est à 106 m ; le fait que l'eau soit plus claire dans la zone sud peut être imputé à une diffusion moindre des cellules d'algues, dont la population est inférieure de presque la moitié. Par suite de la différence entre les taux de reproduction des algues, la production et la quantité consommée dans le tourbillon de la zone sud représentent l'une et l'autre environ la moitié des valeurs enregistrées dans la zone nord. I I va de soi que les trois taux (taux de croissance, d'excrétion soluble et de déjection) calculés à partir de la quantité consommée sont aussi réduits. Le cycle est plus rapide dans le nord que dans le sud, sans doute du fait que le taux de reproduction des algues y est plus élevé. Faute de pouvoir calculer de manière précise la quantité d'herbi- vores, on ne saurait construire un modèle d'écosystème qui permettrait d'étudier le problème.

Tableau 2

Paramètres de la production dans le tourbillon du Pacifique nord (stations A) et dans le tourbillon du Pacifique sud (stations B)

Taux de pro- Taux de Taux d'excré- duction de croissance tion soluble déjections des

herbivores

G PR PG Stock d'algues

g C/m2 g C/mZ /j g C/mZ /j

(+ 0,285) (+ 0.18) (+ 0.57)

(+ 0,148) (+ 0.1 5) (f 0.30)

10 A 0,746 0.44 0,43 0,328 0,321

7 B 0,521 0.27 0,21 0,141 0,109

g N/rn2/j g Nlm'lj G N/rnz/j g NlrnZlj g Nlrn21j 10 A 0.0525 0,0514 0,0184 0.01 93 0.01 37 7 0 0,0226 0.01 74 0,0062 0.0065 0,0046

Le Tableau 3 donne la population animale enregistrée aux stations A et B. Les chiffres des prélèvements du microzooplancton par pompage et ceux des prélèvements effectués au chalut pélagique (IKPT) et au chalut à perche (IKMWT) sont donnés séparément mais on peut les addi- tionner pour obtenir le total du zooplancton. Les chiffres relatifs aux prélèvements de poissons par IKMWT sont également indiqués séparément. L'objectif était de classer ultérieurement les formes d'excrétion et i l ne s'agissait pas de spécifier des niveaux trophiques étant donné qu'il se pourrait bien que, dans des proportions inconnues, les herbivores les plus importants soient des euphausiacées. Le tableau montre que la biomasse des espèces animales est trois fois supérieure à celle des végétaux dans le secteur nord et deux fois supérieure dans le secteur sud. I I est intéressant de noter que cet écart important a été calculé à partir d'un rapport carbone/chlorophylle élevé.

Le Tableau 4 donne la quantité d'éléments nutritifs azotés dont disposent les algues. Les valeurs moyennes correspondant aux nitrites, aux nitrates et à l'azote ammoniacal et enregistrées dans toute l'épaisseur de la couche euphotique à chaque station sont exprimées en m g - a h 3 . Les moyennes globales figurant au bas de chaque colonne représentent les moyennes globales l'ensemble des valeurs enregistrées pour l'azote dans les stations considérées et à tous niveaux de profondeur. O n a fait la s o m m e des trois éléments d'azote inorganique enregistrés à chaque station pour obtenir l'ensemble de l'azote inorganique (Z N). Sous la première ligne de "moyennes globales", les valeurs de moyennes globales correspondant à NH4N et Z N ont été élevées à la puis- sance 14 pour donner des valeurs exprimées en m g N / m 3 et multipliées séparément par la profondeur de la couche euphotique divisée par 1.000 pour donner des valeurs

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Tableau 3

Quantités d'animaux échantillonnés aux stations A et B et proportion des espèces animales par rapport aux espèces végétales

stock Micro- Autre Poisons Animaux Rapport animaux1 d'algues zooplancton zooplancton (total) végétaux

g C / m 2 g C/m2 g C/m2 g C / m 2 gC/m2 A 0.746 0,955 1.16 0.18 2,295 3.08

0 0,521 0,690 0.35 1 .O4 2.00

Methode Chlorophylle Pompage I KPT 1 KMWT IKMWT

Note : L'IKMWT (chalut à perche Isaacs-Kidd) n'a pas été utilisé aux stations B.

Tableau 4

Quantités d'éléments azotés disponibles (en mg-at/m3)

Station no NOz.N N03.N NH,N. N Station no Série A 2 0.08 0.13 0.21 Série B 1

3 0.00 0.10 4 0.01 0.18 5 0.00 0.22 6 0.03 0.11 7 0.05 0.15

8 0.00 0.50 9 0.00 0.32 10 0.00 0.41

Moyennes globales 0.02 0.23 (f 0.05) (f 0,181 Moyennes globales

0.75 0.85 2 0.18 0.37 3 0.15 0.37 4

0.16 0.30 5 0.08 0.28 6 0.05 0.55 7 0.17 0.49 0.21 0.62 0.21 0.45

2.94 m g Nlm3 or 0,214 g N/mZ jusqu'à 73 m.

(f 0.22)

6.30 m g N/m3 or 0,460 g Nlm' jusqu'à 73 m.

N02.N N03.N NH4.N Z N 0.09 0.10 0.30 0.49 0.06 0.42 0.17 0.65 0,003 0.30 0.21 0.51 0.03 0.07 0.46 0.56 0.01 0.29 0.44 0.74 0.0 0.20 0.31 0.51 0.0 0.53 0.32 0.85

0.03 0.27 0.32 0.62

(f 0.04) (f 0.28) (f 0.20) 4.48 m g Nlm3

or 0.475 g Nlm2 jusqu'à 106 m.

8.68 m g N / m 3 or 0,920 g N/mZ jusqu'à 106 m.

exprimées en g N/mZ. Les chiffres donnés dans ce tableau doivent être comparés aux répartitions en fonction de la profondeur représentées à la figure 1. Le fait qu'on ait pu observer une très forte carence en éléments nutritifs à la surface ou au voisinage de celle-ci présente moins d'intérêt que l'abondance d'éléments nutritifs dans l'ensemble de la couche euphotique. La figure 1 montre que la répartition de l'ammonium en fonction de la profondeur est relative- ment plus régulière que celle des nitrates, ce que serait normal si les espèces animales excrétaient de l'ammonium à tous les niveaux de la couche euphotique. (Corner et al., 1972, ont montré que le zooplancton excrète des ions ammonium).

Le Tableau 5 donne la moyenne des taux de production quotidiens de l'azote enregistrés dans les deux groupes de stations, soit 0,0525 G N/mZ/jour aux stations A et 0,0226 g N/mZ /jour aux stations B. Si l'on compte que la production totale des stations A et B est respectivement de 0,46 g N / m 2 et 0.92 g N/mZ, i l est évident qu'une telle production suffit, en cas de non régénération, à assurer le

fonctionnement du système pendant quelques jours, c'est-à-dire 4 jours dans le secteur nord et 21 jours dans le secteur sud. Bien que, si l'on se reporte aux constantes de Michaelis-Menten ou de Droop (Dugdale, 1976). le m o d e d'absorption par les algues puisse être différent selon l'élément considéré, les trois ions sont présents.

Reste à savoir dans quelles proportions les animaux restituent au milieu les éléments nutritifs qu'ils ingèrent. Le Tableau 2 repond en partie à cette question puisqu'il indique qu'on estime à 0,018 g N/m2/jour et à 0,0062 g N/m2/jour les taux d'excrétion soluble respectivement pour le nord et pour le sud. Ces chiffres ont été calculés à partir de la valeur PG, qui représente la quantité broutée, ce qui veutdire qu'ils correspondent auxquantités excrétées par les seuls herbivores.

Dans l'ouvrage de Hoar et Randall sur la physiologie des poissons (19691, Hickman et T r u m p signalent que les poissons excrêtent 0.44 ml d'urine/kg/heure, 1 litre d'urine contenant 13,7 mmol de NH4 soit 247 m g d'azote. Le taux quotidien d'excrétion d'urine est donc de 10.56 ml/kg/

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Tableau 5

Paramètres de la production et quantités excrétées __

Production Quantité Excrétion NH4 .N Jours de production P R P G soluble disponible sans excrétion

g N/m2/j g Nlmz/j g N/m2/j g N/m2

A 0,0525 0,0514 0.0236-0.0434 0,214 4.08

0 0,0226 0,0174 0,0231 0,475 21 ,O2 (estimations maximales)

jour ou 2.6 m g N/kg/jour. A u x stations A, la quantité de poissons correspond à 0.1 8 g C/m2, soit 1.98 g/m2 (poids net). Le taux d'excrétion des poissons peut donc être représenté ainsi : B O x 2 , 6 g N/jour=5,15mgN/mZ/jour. Si l'on utilise le rapportde Redfield N/c=0,16,0,18gC/m2 = 0,0288 g N/mZ. Donc, le taux d'excrétion soluble exprimé en azote organique/jour est le suivant : 0,0052/0,0288 = 18,l %, l'excrétion se présentant, si l'on admet I'hypo- thèse émise plus haut, sous forme d'ions ammonium. C e taux peut paraître élevé, mais rappelons que, d'après Corner et ses collaborateurs (1972). Calanus finmarchicus peut aller jusqu'à excréter 13,3 % d'azote organique par jour (en revanche C. helgolandicus n'en excrète que

Le taux d'excrétion soluble des herbivores enregistré aux stations A est de 0,0184 g N/mZ/ jour ; cette valeur est calculée à partir d e la quantité broutée mais on ignore la quantité d'herbivores. S'il ne s'agit que d u microzoo- plancton, o n obtient la valeur de 0,955 g C/m2 x 0,16= 0,153 g N/mZ, où N/C = 0.16 c o m m e indiqué ci-dessus et le taux quotidien d'excrétion d'azote organique est de 12%. Si les herbivores comprenaient l'ensemble d u zooplancton (0,338 g N/m2), ce qui est impensable, le taux quotidien d'excrétion d'azote organique serait de 5,4%. La moyenne calculée pour les poissons et les deux estimations relatives aux herbivores donnent un taux d e 11.8%. qui pourrait s'appliquer aussi aux espèces zoo- planctoniques carnivores. Le total de l'excrétion soluble d'azote organique est alors de 0,0434 g N/m2/jour en ions ammonium. C'est là le taux estimatif le plus élevé pos- sible, le taux le moins élevé, soit 0,0236 g N/m2/jour correspondant au total de l'excrétion des poissons et d u microzooplancton mais i l s'agit là, bien évidemment, d'une sous-estimation, dans la mesure où les euphau- siacées herbivores sont exclus des calculs.

Le Tableau 5 donne les quantités produites et la consommation exprimées en g N/mz/jour ainsi que le taux quotidien d'excrétion d'ions ammonium. I I donne également la quantité totale d'azote ammoniacal exprimée en g N / m Z et le nombre d e jours de production dans l'hypothèse d'un arrêt de l'excrétion. C o m m e on l'a dit plus haut, o n compte 4 jours de production dans le tourbillon d u secteur nord et 21 dans celui d u secteur sud, ce qui signifie que le système comporte nul marge d e sécurité. Mais le plus frappant est que le taux quotidien de production et le taux quoditien de broutage, exprimés dans les m ê m e s unités, sont presque identiques et que le taux d'excrétion soluble pourrait être voisin de ces valeurs. E n d'autres termes, le système fonctionnerait à la manière d'un "chemostat" qui ne serait pas complètement étanche ; c'est ce qu'ont pensé Eppley et ses collaborateurs (1973) sans toutefois être en mesure de vérifier cette hypothèse. Le total d e l'excrétion aux stations A pourrait être Iégère- ment inférieur à 0,0434 g N/m2/jour mais i l est certaine- ment bien supérieur à 0,0246 g N/m2/jour. Cet équilibre

7.3 %).

n'étant assuré que par l'excrétion des ions ammonium, l'adjonction de nitrates et de nitrites pourrait très bien permettre d'équilibrer le système.

S'agissant d'un système fermé (ou presque fermé) i l faut pouvoir expliquer la perte d e déjections dont le taux est d e 0,0193 g N/mz/jour dans le secteur nord et de 0,0065 g N/m2/jour dans le secteur sud. Les fonds marins étant essentiellement constitués d'argiles rouges dénudées, i l faut admettre que la consommation des produits d e déjection s'effectue en pleine eau et que les consomma- teurs restituent l'ammonium à la couche euphotique au cours de leur migration verticale quodidienne. Bien entendu, I'apparail ne peut fonctionner éternellement ; cependant, le gradient vertical des nitrates indique que l'azote remonte en se diffusant dans la couche euphotique. E n revanche, l'absence d e gradient dans le casde I'ammo- nium montre qu'un tel phénomène d e diffusion n'inter- vient pas, sans doute d u fait que les excrétions animales se répartissent uniformément sur toute la profondeur.

Le taux d'excrétion soluble est calculé indépendam- ment d u taux de production. Le fait que ces deux taux, calculés à des niveaux différents, sont identiques dans le secteur nord et dans le secteur sud, laisse penser que les taux de reproduction ont été correctement estimés. Sures- timer le rapport carbone/chlorophylle revient à surestimer la valeur des stocks, à sous-estimer les taux d e reproduc- tion, les quantités produites et la consommation et vice versa si l'on sous-estime le rapport carbone/chlorophylle. Si l'on compare les deux tourbillons, o n comprend qu'une surestimation ou une sous-estimation a moins d'impor- tance que l'équilibre des taux.

L'examen d u Tableau 5 soulève la question de savoir s'il y a ou non un manque d'éléments nutritifs au centre de chacun des tourbillons d u Pacifique. A supposer que le cycle de production fonctionne à la manière d'un "chemostat", l'apport régulier d'éléments nutritifs est assuré. La formulation simple de Michaelis-Menten corres- pondant à la carence d'éléments nutritifs dans le cycle de reproduction des algues se traduit par l'équation suivante :

où R max. est le taux m a x i m u m de reproduction des algues

la concentration en éléments nutritifs expri- m é e en mg-at/m' le cœfficiefit de demi-saturation, soit le niveau d'éléments nutritifs (exprimé en mg-at/m3) auquel le taux de reproduction est réduit d e moitié.

Sous forme linéaire, cette équation se présente de la

S

et Ks

façon suivante :

O n peut donc corréler les valeurs correspondant aux taux de reproduction d'une journée donnée avec les quantités moyennes d'éléments nutritifs présentes la m ê m e journée dans la couche euphotique. L'équation linéaire permet d'obtenir une estimation de Ks et de R m a x et les courbes sont établies en fonction des données recueillies (voir Figure 2). Le taux d e reproduction est fonction de trois éléments, à savoir : apport de nitrates, d'ammonium et total d'azote inorganique. Le premier cas de la Figure 2 est le plus frappant puisque le cœffi- cient estimatif d e demi-saturation est négatif alors que le cœfficient de détermination de la régression est égal à 0.65. Autrement dit, on n'a pu relever aucun effet d u manque d'éléments nutritifs et c'est la raison pour laquelle on a tracé parallèlement à l'abscisse une ligne représentant le taux moyen de reproduction. Dans le cas de l'azote

ammoniacal, on a estimé à r2 = 0.34 le taux maximal d e reproduction et le cœfficient maximal de demi-saturation ; un écart type par rapport à la moyenne des quantités d'éléments nutritifs observées a été porté sur la courbe obtenue. O n a utilisé la m ê m e méthode dans le cas d u total d'azote inorganique (bas de la Figure 2) où r2 = 0.07.

Si les algues consomment les ions a m m o n i u m directe- ment excrétés par les animaux dans la couche euphotique, i l n'est pas surprenant que les nitrates ne fassent pas défaut et que le total d'azote inorganique ait si peu d'inci- dence sur la variabilité. La Figure 2(b) donne donc une image correcte de la carence en éléments nutritifs et i l est évident que le processus d e reproduction intervient essentiellement au-dessus d u cczff icient de demi-saturation et qu'une forte carence en éléments nutritifs est moins la règle que l'exception.

Figure 2 : Corrélation entre le taux de reproduction et les nitrates, l'azote ammoniacal et le total d'azote inorganique. Les courbes de Michaelis-Menten ont été tracées en fonction

des données recueillies.

. R

. . . . 0. .

1 1 1 1 1 1 1 1 1 J 0 5 10 NO3 N

! b

. - Rm 051 ...

& L I 1 1 1 I O 0 5 10

Ks NH, N

. - Rm

E N Ks

42

Conclusion

Pour autant que l'azote puisse faire défaut, ce qui n'est d'ailleurs pas certain, ce manque n'est pas très prononcé. Bien entendu, i l se pourrait que le fonctionnement du système soit perturbé d u fait du manque d'un élément nutritif qui n'aurait pas fait l'objet de mesures mais c'est une objection qu'on peut multiplier à l'infini ou alors i l faut postuler que tous les éléments nutritifs sont liés aux nitrates. I I est vraisemblable que la taux quotidien de production est égal au taux quotidien d'excrétion d'ions a m m o n i u m par les espèces animales. I I est tout aussi vraisemblable que ce système stable est le résultat d'une évolution et que, c o m m e le montre la Figure 2(b), le manque d'azote ammoniacal serve à protéger le système contre toutes perturbations. C o m m e le montre le Tableau 2, le coefficient de variation du taux de reproduc- tion est de 41 % dans le secteur nord et de 55 % dans le secteur sud et celui du taux de broutage est d'environ 100 % dans l'un et l'autre des deux tourbillons ; quant aux coefficients de variation des stocks, ils se situent entre 25 et 33 %. O n peut donc estimer que le quantité moyenne produite est égale à la quantité moyenne consommée; toutefois, les variations sont considérables d'un jour à l'autre. En revanche, la quantité totale d'animaux est beaucoup moins variable, ce qui fait que le taux d'excré- tion soluble varie aussi beaucoup moins. D u fait des varia- tions que connaît la production, la quantité d'éléments nutritifs varie et la carence en éléments nutritifs a pour fonction de limiter la production aux extrêmes et de la ramener à la moyenne, autrement dit d'assurer la stabilité du système.

Goldman et ses collaborateurs (1979) ont montré que la diminution des rapports internes de Redfield entraine une diminution du taux de reproduction des algues. Ces rapports étant normaux dans le cas d u phytoplancton des

océans, ils en ont tiré la conclusion que le taux de repro- duction des algues était voisin de la valeur maximale dans les eaux océaniques. Wyatt et Horwood (1973) ont mis au point une méthode permettant de déterminer le taux maximal de reproduction des algues à partir de la moyenne des taux et compte tenu de la profondeur de la couche euphotique, d u coefficient d'extinction, de la profondeur à laquelle le taux de reproduction atteint un m a x i m u m et du rayonnement subsuperficiel . La profondeur à laquelle le taux maximal de reproduction est atteint a été calculée à partir d'estimations du taux de reproduction des algues selon la profondeur et dans chacune des stations d u secteur nord. A l'aide de la méthode de Wyatt et Horwood (19731, on a pu calculer que, dans les stations du secteur nord, le taux maximal de reproduction était de 0,773 tandis que le taux moyen était de 0.44.

Si le manque d'éléments nutritifs ne joue qu'un rôle secondaire dans le fonctionnement du système, le taux maximal estimatif, à savoir 0,773, doit être relativement proche du taux maximal effectif. Eppley (1972) estime toutefois, au terme de ses recherches expérimentales, qu'à des températures aussi élevées, le taux de reproduction des algues doit être bien supérieur. Très récemment, Gieskes et ses collaborateurs (1979) ont montré que les mesures au carbone radioactif étaient fonction de la dimension des bouteilles utilisées, que la plupart de nos estimations étaient trop faibles et qu'il se produisait des échanges rapides au niveau des eaux de surface de l'Atlan- tique nord subtropical. O n peut estimer qu'un chemostat, m ê m e incomplètement étanche, serait plus efficace à la condition de fonctionner rapidement. Toutefois, ce qui nous paraît le plus important est qu'il soit possible que nous ayions sous-estimé la productivité absolue. C'est la raison pour laquelle nos estimations ne sauraient être que relatives.

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Discussion’

H.A. Al-Saadi

Merci Monsieur le président. J‘aimerais remercier l’orateur et lui poser une question sur les éléments nutritifs. En effet, i l a mis l’accent sur les rapports entre la productivité et la présence d’azote mais i l n‘a fait aucune mention des phos- phates o u des silicates. Je lui serais reconnaissant de bien vouloir nous faire part de ses observations.

D.H. Cushing

Les observations relatives à ces éléments apparaissent en fait dans les tableaux que je vous ai présentés mais elles ne sont pas assez détaillées pour m‘avoir permis d’étudier le rôle des éléments en question c o m m e je l’ai fait pour les nitrates. L’hypothèse qui prévaut à l‘heure actuelle est que les nitrates sont les éléments dont les algues ont le plus besoin et qui risqueraient précisément de faire défaut. Cependant, dans la mesure où, c o m m e on le sait, l’ammonium est l’élément le plus rapidement absorbé, i l ne devrait pas y avoir de problème. A m o n avis, les silicates ne jouent pas un grand rôle dans le secteur dont nous avons parlé étant donné que ces eaux ne contiennent pas de végétaux siliceux. I I se peut, mais j’avoue l‘ignorer, qu’il y ait un manque de phosphore; quoi qu’il en soit, c’est le genre d’objection qu‘on pourrait multiplier à l‘infini, ce qu’il vaut mieux éviter.

H. Postrna

Je tiens à féliciter M. Cushing pour son intéressant exposé. A propos de Gieskes, dont i l a mentionné les travaux, j’aimerais rappeler qu‘au cours des recherches qu’il a entre- prises avec ses collaborateurs dans l’océan Atlantique, i l a également calculé le taux de carbone organique particulaire présent dans le centre de cet océan pour arriver à la conclu- sion que ce taux était, dans les premières heures de la matinée, d‘environ 50 pour cent, sinon plus, inférieur au taux enregistré en fin d‘après midi ou dans la soirée, ce qui veut dire qu‘on assiste à une accumulation de la matière organique particulaire au cours de la journée, accumulation qui reflète la production primaire, laquelle est au moins aussi élevée que la production indiquée par Gieskes et peut-être m ê m e deux fois plus élevée. Ces calculs nous permettent d’évaluer la production primaire d u centre des océans, qui est aussi élevée que celle des zones côtières fertiles.

S.M. Haq

Je tiens à remercier M. Cushing pour les très intéressantes précisions qu‘il vient de nous donner sur les transferts d’énergie dans les tourbillons d u centre d u Pacifique. Je suis convaincu qu‘un grand nombre des biologistes ici présents auront apprécié à leur juste valeur les observa- tions qu‘il a pu faire à cet égard.

Tout d’abord, je souhaiterais savoir dans quelle mesure vous avez ou non limité vos observations à un m o m e n t précis ou si, au contraire, elles ont porté sur plusieurs saisons. E n effet, au cas où vous n‘auriez retenu qu‘une saison au cours de laquelle les rapports entre les divers niveaux trophiques ont été tels que l‘énergie a été, dans sa plus grande partie, transférée d u niveau primaire au niveau secondaire, ce qui aurait pu vous conduire, dans

une certaine mesure, à sous-estimer la production primaire et, par voie de conséquence, à aboutir à des conclusions discutables. En second lieu, j’aimerais savoir - ce qui pourrait être le prolongement de la question posée par le professeur Postma -si vous avez tenu compte dans vos calculs des matières organiques particulaires, celles-ci pouvant constituer une source d’énergie complémentaire au stade de la production secondaire. Si la production primaire - au niveau où vous la situez d’après les chiffres que vous donnez des stocks existants - n‘est pas suffisam- ment importante pour constituer la principale source d’énergie, i l faut postuler que le taux de broutage est très élevé ou alors que l‘énergie est utilisée sous une forme différente. Je souhaiterais donc savoir si vous avez procédé à une estimation des matières organiques particulaires.

D.H. Cushing

Pour répondre à votre première question, je dirai que, dans le secteur nord, nous avons procédé à des observa- tions dans dix stations entre le 26 août et le 6 septembre et, dans la station d u secteur sud, entre le 3 et le 8 octobre. I I s‘agit donc d’un ”instantané” de l’ensemble du système. Nous ne souhaitions pas, en effet, faire des observations, disons, au printemps, pour extrapoler ensuite.

Quant à votre deuxième question, je regrette de ne pouvoir y répondre.

A.E. Bayoumi

Je voudrais, plutôt que de poser véritablement une question, faire une remarque générale. Le professeur Seibold a attiré notre attention sur l’importance des ressources non biologi- ques de la mer. Quant à M. Takano, i l nous a longuement parlé de l’énergie des océans et M. Cushing vient d’attirer notre attention sur l‘importance des ressources vivantes. Sachant à quel point l’homme peut être ambitieux, et compte tenu de la situation actuelle, i l est plus que pro- bable qu‘il ne tardera pas à exploiter ces diverses res- sources à une échelle telle que leur exploitation pourrait présenter de multiples risques pour l’environnement. C‘est au premier chef à la COI qu’il incombe doncdecommencer à planifier et à promouvoir la recherche fondamentale destinée a prévenir les dangers inhérents à l’exploitation de ce patrimoine et à assurer la préservation des ressources vivantes des océans. Je vous remercie de votre attention.

1. Le n o m et le titre des orateurs figurent à la fin de la publication.

N.J. Campbell

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, i l m‘appartient à présent de clore officiellement la séance. Toutefois, je tiens auparavant ‘exprimer mes remerciements aux quatre éminents orateurs qui se sont succédés à cette tribune et qui, dans des domaines à la pointe de l‘actualité, nous ont donné amplement la preuve de leurs compétences et de leur talent. C o m m e je l‘ai dit précédemment, i l est plus que temps de réfléchir aux activités futures de notre Commission ; pour m a part, j‘estime que vous avez bien défini la conduite que nous devrions adopter à cet égard. Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, vous m’obligeriez en voulant bien témoigner aux orateurs toute votre reconnaissance.

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Références

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14, p. 740-747.

p. 252-270.

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Liste des participants

Prof. H.A. Al-Saadi Head, Department of Biology University of Basrah Basrah Iraq

Dr. A h m e d El-Refai Bayumi Director, lnstitute of Oceanography and Fisheries Academy of Scientific Research 101 Kasr-El-Ainy Street Le Caire Egvpte

Dr. Neil J. Campbell First Vice-Chairman IOC Director General Marine Sciences and Information Directorate 240 Sparks Street Ottawa, Ontario KIA OE6 Canada

Dr. D.H. Cushing Deputy Director, Fisheries Laboratory Ministry of Agriculture, Fisheries and Food Directorate of Fisheries Research Fisheries Laboratory Lowestoft Suffolk N R33 OHT Royaume-Uni

Academician B.A. Nelepo Marine Hydrophysical lnstitute Academy of Sciences of the Ukrainian SSR 28 Lenin Street Sebastopol 335000 RSS d'Ukraine

Mr. C. Palomo Pedraza Chief, Department of Marine Geology Spanish lnstitute of Oceanography Alcali 2740 Madrid-1 4 Espagne

Dr. D.J. Rochford Chief, Division of Fisheries and Oceanography CSlRO P.O. Box 21 Cronulla, N.S.W. 2230 Australie

Professor Dr. H.U. Roll Chairman German Committee for Marine Research and Technology Roegenfeld 34 2000 Hamburg 67 République fédérale d'Allemagne

Professor Dr. Eugen Seibold Geological-Palaeontological lnstitute Kiel University République fédérale d'Allemagne

Prof. Jarl-Ove Stromberg Kristineberg Marine Biological Station Royal Swedish Academy of Sciences S45034 F iskebackski I I Suède

Prof. Kenzo Tokano lnstitute of Biological Sciences University of Tsukuba Sakura-mura, Ibaraki-ken 305, Japon

Dr. S.M. ul-Haq Sous-secrétaire de la COI Unesco 7, Place de Fontenoy 75700 Paris France

Mr. R. Zoellner Deutscher Wetterdienst Seewetterarnt Bernhard-Nocht-Str. 76 2000 Hamburg 4 République fédérale d'Allemagne

Professor Dr. H. Postma Director Netherlands lnstitute for Sea Research P.O. Box 59 Texel Pays-Bas

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