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10 CONCERTS AU , RUE DES ALPES, GENÈVE,TÉLÉPHONE02271656 30 CLUB DE JAZZ et au tres musiques impr ovisées www.amr-geneve.ch 7 3 0 E S P E 1 6 E T M R B E C O T B O R

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10C O N C E RT S AU , RUE DES ALPES, G E N È V E , TÉLÉPHONE 022 716 56 30

CLUB DE JAZZ et autres musiques improviséeswww.amr-geneve.ch

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par roger loponte

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D U B A L A Ipar Jean-Luc Babel

Il y a tout juste vingt ans, j’ai franchi pour la première fois la portedu Sud des Alpes, jeune ado allant à son premier atelier de l’AMRavec sa basse Washburn blanche sur le dos. Dans le couloir, un saxo-

phon i s t esuisse alle-mand à quij’avais de-

mandé si son atelier était avec Gus ou Métraux, les deux seuls profsdont je connaissais le nom, m’avait répondu que non, il se déplaçaità vélo et ne connaissait pas le métro genevois… J’ai tout de suiteaimé l’AMR et je n’ai jamais cessé d’en être membre.Quelques jours plus tôt, François Jacquet nous avait quittés, mais cen’est que bien plus tard que j’ai commencé à en entendre parler. Augré de mon apprentissage de la maison, de ses coutumes, ses fonc-tionnements et ses gens, j’ai compris combien cet homme-là en avaitété un architecte et un moteur. Je ne ferai pas l’affront à ceux quil’ont côtoyé de vous parler de lui et ne me ferai pas le messager del’une ou l’autre des nombreuses anecdotes que l’on m’a contées.D’autres lui rendront hommage dans ces pages.J’ai simplement envie de penser au fait que vingt ans plus tard, l’AMRest bien là et poursuit sa mission d’encouragement des musiques im-provisées, que nous continuons à le faire en plaçant au centre le col-lectif, la confiance, le partage et l’écoute. Certains diront qu’àl’époque, tout était plus simple, que la charge administrative estbeaucoup plus lourde aujourd’hui. Sans trahir la mémoire de FrançoisJacquet, je crois au contraire que nous devons nous féliciter d’avoirsu évoluer d’une structure qui dépendait tant de l’incroyable géné-rosité d’un individu à celle d’aujourd’hui, certes moins gracile, maisqui, s’appuyant sur une équipe plus large, permet d’envisager l’avenirplus sereinement.La victoire du deux fois non contre les coupes budgétaires du 5 juinà la ville de Genève nous a permis d’aborder les Cropettes et l’étéavec plus de légèreté. J’espère que vous en avez bien profité et quevous êtes d’attaque pour cette rentrée 2016 qui offrira je l’espère,en plus de son lot de beaux concerts, un dé-nouement favorable aux probléma-tiques de la loi sur les débits deboissons et les budgets de la cul-ture. Nous vous attendons auSud des Alpes dès le vendredi16 septembre pour le su-perbe trio Speak Low deLucia Cadotsch, suivi del’inénarrable Han Ben-nink le 17. Et qui sait, peut-êtreque l’auteur del’édito de la rentrée2036 fait son entréeaux ateliers juniorscette année… Ouvrez l’œil et les oreilles!

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Profitant de la pluie d’un dimanche je suis re-tourné au vieux quartier. Le vieux quartier estbobo devenu. Il verdoie, il pédale. Les boutiquesde créateurs abondent où les objets, dans unecourse niaise à l’unicité, finissent par ne ressem-bler à rien, fatalement, et je songeais à l’heureusesimplicité des produits manufacturés au galbe jus-tifiable (réveils, cafetières…).Me trouvant près de l’atelier d’un ami peintre, j’al-lai frapper à la porte, qui s’ouvrit joyeusement. De-puis que je le connais je l’ai toujours vu avec lagoutte au nez mais je n’avais encore jamais ima-giné que c’était la même goutte. Naguèreinsolente, elle perdait de son éclat, se ratatinait. Ladiscussion enfla autour d’un flacon de vieux marcde Bourgogne. «Prends Rodin. Lui l’auguste, n’ajamais sculpté. Il était, mais il remettait. Or lasculpture n’est pas la glaise, c’est le rocSCVLPTVR, un monde sans voix, sans repentir.Ses marbres furent exécutés d’après ses indica-

tions, comme par un manchot.»Je fis remarquer sans malice qu’il existe despeintres manchots qui travaillent avec lespieds (pinceaux, en argot). Mon ami estchatouilleux comme un acarien. Il flairala vacherie, il éclata d’un rire jaune. Jedétournai la conversation vers le cur-ling, pour rester dans les poils. Mais s’ilvous plaît mesdames et messieurs lestechniciens de surface, par respect pourles joueurs, attendez au moins que lapartie soit finie avant de passer les ba-lais sur la glace.

UNE WASHBURN BLANCHE SUR LE DOSéditorial, par ninn langel

ET M RB E CO T BO R

juste là à gauche, c’est bérengère mastrangelo qui rigole,photographiée par patrick mohr. en couverture c’est elleaussi, il y a quelques temps, qui mange une tartine, unephoto de raph anthonioz. dans quelques pages on la retrou-vera comme au cinéma, sous l’articulet du blé (photo de phi-

lippe carrat), c’est une sorte de numéro thématique... il faut direque bérengère est une grande artiste, une aéèmériste de première

et qu’elle est pour sûr à l’origine du titre de notre magazine! c’est vraique nous parlons également dans ce numéro de françois jacquet, qui est

un thème à lui tout seul, notre héros! mais bérengère est quand même plusphotogénique ; excuse-moi, françois! (aloys lolo)

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par claude tabarini

enveloppe

Le «Jazz Magazine» nous apprend que l’église John Coltrane de San Francisco songe àchanger d’adresse, victime des contraintes immobilières. Mon petit doigt me dit ques’il arrivait aux fidèles de ladite de nourrir quelque appréhension intérieure à l’idéede l’inévitable éloignement (ne serait-ce que temporairement, les fidèles sont si sen-sibles!) du maître et d’être ainsi privés de sa voix durant le déménagement du temple,ils auraient bon vent pour réconforter leurs âmes d’orienter leurs pavillons acoustiquesen direction de Gilles Torrent. Ils ne commettraient là par ailleurs aucune infidélité carGilles Torrent ne ressemble nullement à un dieu, il se contente de jouer comme. Çan’est déjà pas si mal. Je connais Gilles Torrent depuis très longtemps (bientôt un demi-siècle). Nous avons découvert John Coltrane ensemble et, si mes souvenirs sont bonsje crois même l’avoir précédé. Comme tant d’autres il est indéniable que cela nous amarqués pour la vie.Pour Gilles ce fut sa croix, son honneur, son bonheur, son destin en quelque sorte. Qui-conque ayant une connaissance quelque peu approfondie de cette musique l’enten-dant jouer derrière une porte fermée s’y croirait (comme on dit). Toute une vie àtravailler à la poste et à se faire des cachetons pourris avec le ténor sur le dos pour enarriver là!Gilles Torrent fut d’abord un stupéfiant guitariste be bop mais ne lui parlez pas de gui-tare actuelle (son Frisell et compagnie!…). Il déteste l’électricité, les micros, les ingé-nieurs du son. Avec quelque raison je trouve.Gilles Torrent est aussi un érudit parmi les plus pointus et perspicaces des musiquestraditionnelles et du modalisme en général et a même tenu la clarinette grecque avecdes maîtres en la matière (écoutez-le avec son groupe Skaros).Gilles Torrent trouve qu’Elvis est le meilleur, Gilles Torrent est désopilant. Gilles Torrentpossède une petite voiture de rien du tout qu’il conduit comme un retraité. Gilles Tor-rent a été mordu par Georges Gurdjeff. Gilles Torrent a longtemps porté un de ces par-kas des glorieuses années comme d’autres ont traîné un vélosolex de misère. GillesTorrent n’aime pas trop le jazz. Gilles Torrent n’est jamais content. Je crois bien que jel’aime!Les deux volumes présentés ici sont à mon sens représentatifs du quotidien de sonart. Ils contiennent des enregistrements couvrant une longue période qui va de 1997à 2014 dont une bonne part live qui va de l’AMR au café de l’Hôtel-de-Ville de Lau-sanne en passant par l’Ardèche. Parmi ses divers interlocuteurs on notera le très solideet trop méconnu François Gallix à la contrebasse et le merveilleux pianiste MathieuRossignelly qui voue à MacCoy Tyner un véritable culte (mais pas seulement!).De Coltrane ne sont repris que deux thèmes: «Naïma» et le sublime «Crescent». Lereste va de Billy Eckstine à Azy Barroso en passant par Eric Dolphy. Il y a aussi une deces magnifiques fautes de goûtcomme je les aime avec le «Te-quila» de Danny Flores qui refermece diptyque et huit compositionsoriginales parfaitement dans le ton.Soudain, à l’audition il nous vientcomme un doute: Coltrane aurait-il vraiment joué cela? Mais c’est undoute fertile. Est-ce Torrent rêvantde Coltrane ou Coltrane rêvant deTorrent? comme dirait TchouangTseu.Du très bon matos, croyez-moi(comme ils disent dans le milieu dela drogue).

P.S. Petit conseil aux organisateurs deconcerts et amis: n’invitez jamais GillesTorrent à manger. Si le cuisinier n’estpas un disciple de Kurosawa, il n’ava-lera rien et vous serez tout déçu. Don-nez-lui plutôt cinquante balles sup- plémentaires, ça lui fera plaisir.

de gauche à droite s’abreuvant d’eau fraîche vraie d’orage : Ganesh Geymeier, saxophone ténor / Robin Girod, guitare /Maël Godinat, piano Fabien Iannone, contrebasse / Baba Konaté, percussions / Nelson Schaer, batterie, compositions photo diana robinson, licencecreativecommons.fr

Le jazz est un fameux ristrette, tassé noir& fumant et Nelson Schaer est tombé toutpetit dedans. C’est que ça swingue grave,c’est que ça groove gros à la baraque. Il ya son père, saxophoniste enjoué, chauffeurde taxi puis architecte chez Roger Lopontedans les intervalles, ange un peu bourrumais l’esprit grand ouvert, le cœur tou-jours au bond et qui répond au nom de Ga-briel. Il y a son oncle aussi, là juste der- rière le mur de leur maison mitoyennedans la campagne genevoise, Pascal Schaer,tromboniste pétri de jazz lui aussi et quine craint pas (& bien mieux qu’Hannibal)de réveiller les éléphants qui dorment de-puis trop longtemps dans le cor des Alpes,immense & généreuse trompe. C’est dans cette tribu inventive et généreuseque Nelson dès ses huit ans décide d’en décou-dre pour la vie pour de bon, lui aussi avec lesmusiques de jazz. Il choisit la batterie car iltrouve que c’est cet instrument qui tient vrai-ment le grand tonnerre au cœur et qui pulsecomme pulse un gamin au sortir de l’enfance.Il suit à l’EPI (l’espace de pratique instrumen-

tale à Carouge) entre neuf et seize ans les coursde Pierre-André Baumann et de LaurentWyler, puis au Conservatoire pour un an ceuxde l’exigeant, de l’excellent percussionnisteRaùl Esmerode.Superbe coup de chance un peu plus tard lorsd’un voyage dans la province du Yatenga aunord du Burkina Faso. A Ouahigouya, il a lebonheur, à ses douze ans, de recevoir les leçons

très libres d’un griot de première bourre, mu-sicien formidable, Saïdou dit Baba Konaté,jeune en diable lui-même puisqu’il n’a quedix-huit ans mais s’impose déjà comme unmaître. Exigeante, vivante oui et si vivantebonne école! Ici on ne théorise pas, on ne tientpas la musique pour une desséchée mathéma-tique, une science euclidienne, ici on pratique,ici on joue intensément. Ici (comme au fusild’être) on la met en joue, on la met organique-

ment en jeu la musique et Baba Ko-naté d’ailleurs construit lui-même lesinstruments de percussions, djembé,tama, dumdum, doundounba, sang-ban, kenkeni, choisissant, goûtantsoigneusement du plat des mains,l’oreille aux aguets, la souplesse & lerebond futurs des peaux de chèvresou d’antilopes qu’il tendra – ah! sifermement – sur le calice, sur le mor-tier à piler le grain, sur les fûts douxfurieux de bois d’Afrique.C’est la tête pleine de ces feux d’eau,le cœur battu de ses rythmes sans li-mites qu’il regagne quelques se-maines plus tard Genève. A l’EPItoujours et dans la fanfare de cetteécole qui bouge, il côtoie encore despointures comme Yves Cerf, EduardoKohan et des musiciens jeunescomme lui, Maël Godinat le saxo-phoniste & le pianiste et puis au col-lège vers quinze ans, un pote espiègleet ravageur, le guitariste, bassiste etchanteur saintement enroué, Robin Girod aurock en feu par ses ravagées les plus jeunesavec qui il va mener joyeusement les quatrecents coups. Sans s’enfermer fût-ce dans leplus débridé des jazz mais filant vers les milleouvertures du rock’n’roll, (leurs racines, in-siste-il sont les mêmes) de la musique cajun etde bien d’autres saladiers vivants de rythmesancestraux jusqu’en leurs surgeons les plus ju-teux et verts (post-modernes comme disent lesgredins dans les pauvres gazettes qui écrivent).Schaer & Girod + Pierre-Henri Beyrière à labasse (autre glorieux alligator), ça donnera parexemple le groupe Duck Duck Grey Duck quià travers l’Europe ces dernières années en cru-cifiera plus d’un d’une joie monstre & carré-ment transatlantique.Mais Nelson Schaer qui dès ses dix-huit ans adécidé de ne plus suivre de cours ni fréquenterd’école de musique préfère visiter mains nuesl’histoire, préfère tailler la bête à bras-le-corps,aller au vif et oublier l’horrible cri que crienttous les freins quand on les tire, monter surscènes si possible ultra-simples & sauvages etfricoter grave en studio – oui le studio merveil-

Baba Konaté

Nelson Schaer

Frisson bleu & chemins libres de l’éclair

CARTE BLANCHE à NELSON SCHAER

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de gauche à droite s’abreuvant d’eau fraîche vraie d’orage : Ganesh Geymeier, saxophone ténor / Robin Girod, guitare /Maël Godinat, piano Fabien Iannone, contrebasse / Baba Konaté, percussions / Nelson Schaer, batterie, compositions photo diana robinson, licencecreativecommons.fr

leuse antichambre – le chant têtu des mondes.Je dirai simplement ici de ce Nelson qu’il est«original » en diable vous incitant à aller àgrands pas fouler les dictionnaires pour enten-dre ce que ce vocable au vrai signifie.Et puis il n’a pas oublié pour affoler encore sesbalais & ses baguettes d’aller rôder à Sienneen Italie au Séminaire international de jazz ouà New York auprès de Matt Wilson et de Gé-rald Cleaver.En parallèle, il a scotché pico bello une licenceen sciences de l’éducation à l’Université deGenève. Son travail de mémoire de licence dé-cortique la transmission des savoirs musicauxdu griot burkinabé Baba Konaté. L’oral, s’ilvous plaît, l’oral au vif du voisinage, au tran-chant de la pogne et sans préméditation!Et puis on a pu l’entendre puissamment tour-ner dans des groupes comme «’NK» avecAina Rakatobe le large et Manuel Gesseney letrès rapide aux saxophones. Avec la puissanteErika Stucky & Roots and Communication deJean-Jacques Pedretti et Robert Morgenthalersonneurs au gros sel véritable de conques, detrombones & de cors. Dans les «Mystères de

l’Ouest» avec le piano zambèze au-tant que niagara de Florence Mel-notte et le trombone explosé typo-graphe de Jean-Jacques Pedretti, cetéclaireur de pattes de mouches.Dans «Trionyx» encore, aux côtésde Maël Godinat, compositeur,saxophoniste et pianiste qui pour lessoulager posa le premier, poète, desven touses aux tortues prédilu-viennes et de Manu Hagmann, lecontrebassiste au cœur qui vibre auxquatre cordes d’un si profond cou-teau.J’en oublie, c’est sûr mais vous se-riez fous de m’en vouloir car il esttemps maintenant que le météoro-logue estomaqué & lyrique (que jesuis un peu), escamote sa tronchepour vous annoncer le prochainORAGE que la commission de pro-grammation de l’AMR a décidé encarte blanche de convoquer les ven-dredi 23 et samedi 24 septembre au

Sud des Alpes. Nelson Schaer y réunit ses amisles plus vifs et les plus intenses. Ceux avec quiil a échangé depuis longtemps ou depuis peules chants les plus forts. Les noms de ces mu-siciens sont alignés ci-haut sous le zigzag hal-luciné des zèbres.Voici ce qui l’en écrit lui-même & qui me mitmieux qu’un citron l’eau à la bouche.«Quand les chemins se croisent et que lesrythmes se répètent à l’infini dans une transecontinentale, c’est l’Orage qui gronde. Lesbeats se disloquent et les thèmes brouillent lescartes du monde. Dans les nuages d’un ciel defin d’été, les amitiés de longue date s’emmê-lent dans un courant ascendant. Mélodies at-mosphériques et pulsations magnétiques pourune musique foudroyante!»Et c’est vrai, je vous le balance au torchonrouge (celui qu’on brandit dans la nuit des lan-ternes) non ça n’est pas du char ce qu’il vousannonce Nelson Schaer. Il est batteur. Aux vi-rages, superbe, il se penche. Motard ému iltient costaud la corde tant que la parole verti-cale toute retentie des peaux. Ça se vivra. AuSud des Alpes. Demain, l’autre jour. Merci.

Le jazz est un fameux ristrette, tassé noir& fumant et Nelson Schaer est tombé toutpetit dedans. C’est que ça swingue grave,c’est que ça groove gros à la baraque. Il ya son père, saxophoniste enjoué, chauffeurde taxi puis architecte chez Roger Lopontedans les intervalles, ange un peu bourrumais l’esprit grand ouvert, le cœur tou-jours au bond et qui répond au nom de Ga-briel. Il y a son oncle aussi, là juste der- rière le mur de leur maison mitoyennedans la campagne genevoise, Pascal Schaer,tromboniste pétri de jazz lui aussi et quine craint pas (& bien mieux qu’Hannibal)de réveiller les éléphants qui dorment de-puis trop longtemps dans le cor des Alpes,immense & généreuse trompe. C’est dans cette tribu inventive et généreuseque Nelson dès ses huit ans décide d’en décou-dre pour la vie pour de bon, lui aussi avec lesmusiques de jazz. Il choisit la batterie car iltrouve que c’est cet instrument qui tient vrai-ment le grand tonnerre au cœur et qui pulsecomme pulse un gamin au sortir de l’enfance.Il suit à l’EPI (l’espace de pratique instrumen-

tale à Carouge) entre neuf et seize ans les coursde Pierre-André Baumann et de LaurentWyler, puis au Conservatoire pour un an ceuxde l’exigeant, de l’excellent percussionnisteRaùl Esmerode.Superbe coup de chance un peu plus tard lorsd’un voyage dans la province du Yatenga aunord du Burkina Faso. A Ouahigouya, il a lebonheur, à ses douze ans, de recevoir les leçons

très libres d’un griot de première bourre, mu-sicien formidable, Saïdou dit Baba Konaté,jeune en diable lui-même puisqu’il n’a quedix-huit ans mais s’impose déjà comme unmaître. Exigeante, vivante oui et si vivantebonne école! Ici on ne théorise pas, on ne tientpas la musique pour une desséchée mathéma-tique, une science euclidienne, ici on pratique,ici on joue intensément. Ici (comme au fusild’être) on la met en joue, on la met organique-

ment en jeu la musique et Baba Ko-naté d’ailleurs construit lui-même lesinstruments de percussions, djembé,tama, dumdum, doundounba, sang-ban, kenkeni, choisissant, goûtantsoigneusement du plat des mains,l’oreille aux aguets, la souplesse & lerebond futurs des peaux de chèvresou d’antilopes qu’il tendra – ah! sifermement – sur le calice, sur le mor-tier à piler le grain, sur les fûts douxfurieux de bois d’Afrique.C’est la tête pleine de ces feux d’eau,le cœur battu de ses rythmes sans li-mites qu’il regagne quelques se-maines plus tard Genève. A l’EPItoujours et dans la fanfare de cetteécole qui bouge, il côtoie encore despointures comme Yves Cerf, EduardoKohan et des musiciens jeunescomme lui, Maël Godinat le saxo-phoniste & le pianiste et puis au col-lège vers quinze ans, un pote espiègleet ravageur, le guitariste, bassiste etchanteur saintement enroué, Robin Girod aurock en feu par ses ravagées les plus jeunesavec qui il va mener joyeusement les quatrecents coups. Sans s’enfermer fût-ce dans leplus débridé des jazz mais filant vers les milleouvertures du rock’n’roll, (leurs racines, in-siste-il sont les mêmes) de la musique cajun etde bien d’autres saladiers vivants de rythmesancestraux jusqu’en leurs surgeons les plus ju-teux et verts (post-modernes comme disent lesgredins dans les pauvres gazettes qui écrivent).Schaer & Girod + Pierre-Henri Beyrière à labasse (autre glorieux alligator), ça donnera parexemple le groupe Duck Duck Grey Duck quià travers l’Europe ces dernières années en cru-cifiera plus d’un d’une joie monstre & carré-ment transatlantique.Mais Nelson Schaer qui dès ses dix-huit ans adécidé de ne plus suivre de cours ni fréquenterd’école de musique préfère visiter mains nuesl’histoire, préfère tailler la bête à bras-le-corps,aller au vif et oublier l’horrible cri que crienttous les freins quand on les tire, monter surscènes si possible ultra-simples & sauvages etfricoter grave en studio – oui le studio merveil-

Frisson bleu & chemins libres de l’éclair

ORAGE

par Jean Firmann

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outilspour l’improvisati

par Eduardo Kohaninvité, Tobias Netta

Tobias Netta est un trompettiste allemand. Il a étudié au Conservatoirede musique de Cologne et a joué notamment avec Anthony Braxton et le «Cecil Taylor’s Large Ensemble».Actuellement, il est établi à Berlin. Vous trouverezLine Up et d’autres trans-criptions de Tobias Netta sur youtube: 62memory389.

LINE UP (All of me)Transcription du solo de Lennie Tristanopar Tobias NettaLennie Tristano (1919-1978),pianiste, compositeur et enseignant de jazz américain, est une figureparticulière dans l’histoiredu jazz, à la fois très influente et très marginale. Cette transcription excèdeles limites de ma rubrique.Vous trouverez sur mon site,eduardokohan.com la version complète de Line Upet des transpositionsen Eb et en Bb.

Suggestions, idées d’article, contactez-moi: [email protected] mon site,eduardokohan.com, vous trouverez tous les outils pour l’improvisation publiés depuis mars 2007 dans vivalamusica. Lecture inspiratrice: Brooklyn Follies de PaulAuster.

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JAZZCONTREBANDA 20 ANS !Quand l’idée est venue en 1996 de créerJazzContreBand les suspects étaient loind’imaginer qu’ils en prendraient pour 20ans. Ils avaient, disent-ils, de « bonnes inten-tions » en mettant en œuvre un réseau et unfestival ayant pour mission de soutenir lacirculation des artistes et des publics autourde la frontière franco-suisse. Tout ce traficillégal, d’affiches et de tracts imprimés lanuit dans leurs caves respectives, a permisde provoquer le passage de la frontière à denombreux artistes, dissimulant sous leursmanteaux leurs instruments et leurs outil-lages à faire du son. La mafia des organisateurs de spectacles etdes directeurs de centres culturels réunit au-jourd’hui plus d’une vingtaine de structuressur le territoire entourant le lac Léman. Onles retrouve même parfois jusqu’au fond dessombres vallées de leurs montagnes. Ils sesont tous enrichis à force d’échanger leurscoups de cœur, leurs devises et leur savoir-faire. Les douaniers les plus irréductibles ontfini par fermer les yeux sur tous leurs mé-faits, acceptant de chacun du fromage ou duvin mais surtout en respectant l’omertà et lareconnaissance de leurs faux passeports. 20 ans, ce n’est pas cher payé pour tous cestrafiquants et bi-douilleurs de sonsqui sont restés soli-daires et n’ont ma-nifesté aucun re-pentir. Ils disentmême qu’i ls nes’arrêteront jamaispuisque le jazz estune musique vi-vante et pleine deressources…

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Inversant les principes de notre culture moderne n’associant que le lan-gage à la raison, ne liant l’image qu’aux hallucinations et ne rapportantla musique qu’aux évasements de la fuite, je me rappelle, en ces tempsestivaux, des visions objectives et intérieures éprouvées naguère enGrèce où je me perdais en voyage.Ah, la somme d’expériences que contient pour moi ce souvenir hellène,comme en contient tout souvenir pour quiconque libère un tant soit peu

sa sensibilité des catégories mentalesgravées depuis les Lumières dans lemétal de la raison! Par exemple. Nous

sommes en mer Égée dans la lumière et la chaleur. Il y aurait la mer etsur elle, très bleue, un navire blanc de bois peint. Il y auraitsur ce navire un homme se tenant debout à sa poupe.Et cet homme attendrait. Il ne ferait que celajusqu’au bout.On entendrait d’abord la rumeur effilée duglissement produit par la coque qui fend lasoie de l’onde et selon l’instant la caresse,la réunit, la divise et la gifle à peine. Laroute du voyageur est cependant recti-ligne, et s’allonge entre les îles de ro-cher nu que n’habite aucun oiseau, nimême d’ombre au-delà de l’herbesèche.Clapotements répétés de la vaguecreuse, chuintements d’écume battue,replis de la masse émue de son proprepoids, longs ourlets amoureusementbordés: l’extase naîtrait de ce champ li-quide inlassablement chanté mais mo-deste et discret, comme un soupir desorigines à rejoindre.L’homme respire à ce spectacle de longuesfois, à fortes goulées, comme s’il voulait réveil-ler sa stérile présence au dur soleil qui frappe. Maisil est déjà trop tard. L’œil verra maintenant le dessinde la mort. L’étrave du navire, qui tranche l’espace mater-nel en deux parts irréconciliables, laisse la vague marquée d’une bles-sure définitive et mousseuse, plus cruelle que la conscience des vivantsne la mesure.Sillage d’abord épouvanté sous l’hélice régulière, tout de bulles fouet-tées qui s’affolent avant de s'ordonner en cercles fixes et de s'éteindredoucement, comme des pupilles écroulées.Et plus loin la trace paraît s'apaiser, longée de baves lisses et calmant

ses danses, mais couverte aussi d'innombrables couteaux qui tressentensemble leurs foisonnants reflets cassés de lames et d'argent, entre lerire et ce teint brûlant de pur métal.Le regard cherche ensuite au-delà du visible, et devine l'empreinte ma-rine assaillir la ligne embuée de l'horizon puis la pénétrer sans y dispa-raître tout à fait, comme une invincible fragilité. En même temps, etselon le même instinct, on pressentirait de vifs ressacs adressés de touscôtés aux rivages insulaires.Dans quelques millénaires, ils les auront réduits en sables vaseux oùcheminera l'asticot rosi des pêcheurs à venir… Ainsi s'effacent au filde nos trajets les univers sûrs qu'espèrent nos âmes impuissantes – et

l'homme du navire est secoué d'un tressaillement. Puis il jointses mains comme le double pan d'un désir inaccompli,

s’ébroue comme un oiseau dérangé par le passagedu chasseur et clôt ses paupières.

Que reste-t-il désormais sous ce couvercleépuisé? Peut-être l'ampleur bleue de la certi-tude marine, à quoi s'ajoute maintenantcelle du ciel. Vont et viennent ces jeuxronds de l'opale et du vert parfois chinésd'azur en mille nuances, où méduses etnuages passaient autrefois comme de légères hypothèses d'enfance! Ilstour nent, s'incurvent et gonflent enhymne splendide, mais dépouillé de touteffet jusqu'à sa note la plus vraie,comme l'homme du bastingage est lui-même ramené jusqu'à son secret.Puis le voyageur, vêtu d'une seule che-mise, de sandales aériennes et d'un vieux

pantalon, sent son cœur empoigné. Il sur-sautera cette fois-ci, mais sans peur ni doute,

et s'affaissera très élastiquement sur le plancherrâpeux du blanc vaisseau, où les marins de l'équi-

page le retrouveront quelques heures plus tard mortde corps, de figure et de mémoire, aboli devant la mer

et le caillou.Voilà.

Rien ne ressemble davantage à la musique que ces évocations son-geuses. Rien ne ressemble aux sons construits des instruments qui selibèrent d’eux-mêmes pour devenir des voyageurs ailés dans l’espaceou frapper fort en chacun d’entre nous comme une pulsation de sa pro-pre existence, ténue mais tenue jusqu’au bout, comme deviennent inau-dibles, parfois, les balais du batteur sur les peaux de la caisse claire.

Strophes grecques

par Christophe Gallaz

Daniel HumairRené UrtregerPierre Michelot H U MUn livre : «Le Roi René». A lire avec uncoffret rassemblant les trois galettes enre-gistrées par «HUM». HUM pour DanielHumair, René Urtreger et Pierre Michelot.Galette 1 : HUM 1960. La première vie dupianiste René Urtreger, racontée par AgnèsDesarthe, s’achève dans ces années soi -xante naissantes où tout va basculer. Jus -que-là, la France est habillée du noir etblanc des images d’«Ascenseur pour l’é -cha faud» et du général De Gaulle s’adres-sant aux téléspectateurs avec sa grossevoix, derrière une table, depuis l’Elysée. Ence temps, René Urtreger, fils de boucherd’origine polonaise, est le sideman euro-péen préféré de la crème du jazz améri-cain. Sorte de doublure de Bud Powell,lui-même version piano de Charlie Parker,il accompagnera Miles après que celui-cil’aura adoubé d’un seul mot pour l’enga-ger : «allright». Mais une sorte de poisses’invite au milieu de ce bal sympa: lesyéyés. Les ersatz de rockers envahissent lesscènes et le petit écran. L’hexagone prendalors les couleurs des émissions télé deJean-Christophe Averty et les jazzmen serattrapent comme ils peuvent. Si certainss’en sortent tel Sacha Distel qui lâche saguitare et utilise sa belle gueule, ce n’est pasle cas de René, qui plonge au plus profondde la came. Durant ces années plus quenoires, il n’aura qu’un recours : ClaudeFrançois, qui le repêchera régulièrementpour l’accompagner et dont Urtreger loueles qualités pro fessionnelles et person-nelles. Puis un beau jour, alors que mêmesa famille a perdu sa trace, il décide destopper l’alcool qui avait remplacé ladrogue. Galette 2 : HUM 1979. C’est le re-tour de René Urtreger, un brin laborieux àl’écoute d’ailleurs. Mais enfin, c’est quand-même l’homme qui a vu l’ours et à ce titreil est la référence de la jeune génération quiredécouvre le bop. Galette 3 : HUM 1999.

des écr ivains , des musiciens

«Le maître de la maison est venu m’accueillir par de nombreux saluts, une foule de gentillesses et forcecompliments; ensuite, il m’a fait entrer dans la salle, oùj’ai aperçu une multitude de dames assises autour de huiténormes tables. J’ai moins été ébloui par l’éclat de leursdiamants que par le bruit qu’elles faisaient avec leursaiguilles à tricoter, que toutes maniaient activement.»

Frédéric Chopin, Correspondance, Paris (Richard-Masse), 1953,lettre 67, datée de Dresde, 14 novembre 1830, p. 216

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dibles, parfois, les balais du batteur sur les peaux de la caisse claire. pre existence, ténue mais tenue jusqu’au bout, comme deviennent inau-ou frapper fort en chacun d’entre nous comme une pulsation de sa pro-libèrent d’eux-mêmes pour devenir des voyageurs ailés dans l’espacegeuses. Rien ne ressemble aux sons construits des instruments qui seRien ne ressemble davantage à la musique que ces évocations son-Voilà.

et le caillou.de corps, de figure et de mémoire, aboli devant la mer

page le retrouveront quelques heures plus tard mortrâpeux du blanc vaisseau, où les marins de l'équi-

et s'affaissera très élastiquement sur le planchersautera cette fois-ci, mais sans peur ni doute,pantalon, sent son cœur empoigné. Il sur-mise, de sandales aériennes et d'un vieuxPuis le voyageur, vêtu d'une seule che-même ramené jusqu'à son secret.comme l'homme du bastingage est lui-effet jusqu'à sa note la plus vraie,hymne splendide, mais dépouillé de touttour nent, s'incurvent et gonflent en légères hypothèses d'enfance! Ilsnuages passaient autrefois comme ded'azur en mille nuances, où méduses etronds de l'opale et du vert parfois chinéscelle du ciel. Vont et viennent ces jeux

tude marine, à quoi s'ajoute maintenantépuisé? Peut-être l'ampleur bleue de la certi-

Que reste-t-il désormais sous ce couvercledu chasseur et clôt ses paupières.

s’ébroue comme un oiseau dérangé par le passageses mains comme le double pan d'un désir inaccompli,

l'homme du navire est secoué d'un tressaillement. Puis il jointde nos trajets les univers sûrs qu'espèrent nos âmes impuissantes – etcheminera l'asticot rosi des pêcheurs à venir… Ainsi s'effacent au filDans quelques millénaires, ils les auront réduits en sables vaseux oùcôtés aux rivages insulaires.selon le même instinct, on pressentirait de vifs ressacs adressés de tousraître tout à fait, comme une invincible fragilité. En même temps, etrine assaillir la ligne embuée de l'horizon puis la pénétrer sans y dispa-Le regard cherche ensuite au-delà du visible, et devine l'empreinte ma-rire et ce teint brûlant de pur métal.ensemble leurs foisonnants reflets cassés de lames et d'argent, entre leses danses, mais couverte aussi d'innombrables couteaux qui tressent

Et plus loin la trace paraît s'apaiser, longée de baves lisses et calmantdoucement, comme des pupilles écroulées.tées qui s’affolent avant de s'ordonner en cercles fixes et de s'éteindreSillage d’abord épouvanté sous l’hélice régulière, tout de bulles fouet-ne la mesure.sure définitive et mousseuse, plus cruelle que la conscience des vivantsnel en deux parts irréconciliables, laisse la vague marquée d’une bles-de la mort. L’étrave du navire, qui tranche l’espace mater-il est déjà trop tard. L’œil verra maintenant le dessinler sa stérile présence au dur soleil qui frappe. Maisfois, à fortes goulées, comme s’il voulait réveil-L’homme respire à ce spectacle de longuesorigines à rejoindre.deste et discret, comme un soupir desquide inlassablement chanté mais mo-bordés: l’extase naîtrait de ce champ li-poids, longs ourlets amoureusementreplis de la masse émue de son proprecreuse, chuintements d’écume battue,Clapotements répétés de la vaguesèche.même d’ombre au-delà de l’herbecher nu que n’habite aucun oiseau, niligne, et s’allonge entre les îles de ro-route du voyageur est cependant recti-la réunit, la divise et la gifle à peine. Lasoie de l’onde et selon l’instant la caresse,glissement produit par la coque qui fend laOn entendrait d’abord la rumeur effilée dujusqu’au bout.Et cet homme attendrait. Il ne ferait que celasur ce navire un homme se tenant debout à sa poupe.sur elle, très bleue, un navire blanc de bois peint. Il y auraitsommes en mer Égée dans la lumière et la chaleur. Il y aurait la mer et

métal de la raison! Par exemple. Nousgravées depuis les Lumières dans lesa sensibilité des catégories mentales

comme en contient tout souvenir pour quiconque libère un tant soit peuAh, la somme d’expériences que contient pour moi ce souvenir hellène,Grèce où je me perdais en voyage.estivaux, des visions objectives et intérieures éprouvées naguère enla musique qu’aux évasements de la fuite, je me rappelle, en ces tempsgage à la raison, ne liant l’image qu’aux hallucinations et ne rapportantInversant les principes de notre culture moderne n’associant que le lan-

accd gcd intelligent et pudique.un véritable écrivain pour publier ce livretion entre entretien et biographie. Il fallaitson trio, pour décrire ce parcours d’excep-plus de 80 ans, qui tourne toujours avecdonc rencontré le bonhomme il y a peu, àplus. Du grand jazz. Agnès Desarthe acomplètement contemporaine, le bagage enses pairs. Une pêche terrible et une allurement à la fin du siècle et n’a rien à envier àrant artificiel désormais, il arrive gaillarde-Incroyable mais vrai : sans aucun carbu-

redécouvre le bop. Galette 3 : HUM 1999.il est la référence de la jeune génération quimême l’homme qui a vu l’ours et à ce titrel’écoute d’ailleurs. Mais enfin, c’est quand-tour de René Urtreger, un brin laborieux àdrogue. Galette 2 : HUM 1979. C’est le re-stopper l’alcool qui avait remplacé lasa famille a perdu sa trace, il décide denelles. Puis un beau jour, alors que mêmeles qualités pro fessionnelles et person-pour l’accompagner et dont Urtreger loueFrançois, qui le repêchera régulièrementnoires, il n’aura qu’un recours : Claudede la came. Durant ces années plus quele cas de René, qui plonge au plus profondguitare et utilise sa belle gueule, ce n’est pass’en sortent tel Sacha Distel qui lâche sarattrapent comme ils peuvent. Si certainsJean-Christophe Averty et les jazzmen sealors les couleurs des émissions télé descènes et le petit écran. L’hexagone prendyéyés. Les ersatz de rockers envahissent less’invite au milieu de ce bal sympa: lesger : «allright». Mais une sorte de poissel’aura adoubé d’un seul mot pour l’enga-il accompagnera Miles après que celui-cilui-même version piano de Charlie Parker,cain. Sorte de doublure de Bud Powell,péen préféré de la crème du jazz améri-d’origine polonaise, est le sideman euro-ce temps, René Urtreger, fils de bouchervoix, derrière une table, depuis l’Elysée. Ensant aux téléspectateurs avec sa grossecha faud» et du général De Gaulle s’adres-blanc des images d’«Ascenseur pour l’é -que-là, la France est habillée du noir etxante naissantes où tout va basculer. Jus -Desarthe, s’achève dans ces années soi -pianiste René Urtreger, racontée par AgnèsGalette 1 : HUM 1960. La première vie duHumair, René Urtreger et Pierre Michelot.gistrées par «HUM». HUM pour Danielcoffret rassemblant les trois galettes enre-Un livre : «Le Roi René». A lire avec un

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Yannick Barman

STALKERUn fichier : «Stalker. Beauty and the devilare the same thing». Yannick Barman, lui,ne s’embarrasse plus de fabriquer des ga-lettes. On le retrouve sur la toile à l’adressehttp://everestrecords.ch. Il faut dire queses projets sont de toute façon de l’ordre duplus que présent. Dans ses œuvres les plusrécentes, on entend le Valaisan avec BlixaBargeld, ancien guitariste de Nick Cave,sacré numéro qui prête sa voix à Kiku, duoextensible formé voici plus de dix ans parBarman et Cyril Regamey. Ne serait-ce quepar la nécessité qui se dégage du projetStalker, la connexion vaut le détour. Seulaux manettes du vaisseau, Barman tritureles sons électros et trafique sa trompette. Deses multiples registres, on retient le brui-tisme qui râpe le bout des terminaisonsnerveuses mais que vient soulager toutefoisle baume d’une belle trompette aérienne (El - et chapeau pour la magnifique mélo-die). Une musique électro-symphoniqueoccupant tous les coins de l’écran (OuterSpace ). Des accents extrêmes-orientaux( Sun-yo ). Toutes propositions remarqua-blement arrangées, évocation de Stalker, lefilm du même nom d’Andreï Tarkovski,1979, si poétique et sans concession. Pourmémoire, les protagonistes du film s’inté-ressent à une «chambre », située au milieud’une «zone». Dans la chambre, il semblequ’on peut voir se réaliser tous ses vœux.Encore faut-il pouvoir l’approcher. Pourcela, il faut y croire. Car Stalker, du nomdu guide qui seul connaît le chemin, est unfilm sur la foi, autrement dit la conviction.Une bonne disposition pour apprécier lamusique, par exemple celle de Yannick

Marc Perrenoud HAMRAUn CD: «Hamra», de Marc Perrenoud.On l’a dit et redit : ce pianiste est doté de lapanoplie complète du jazzman d’aujour -d’hui. Connu essentiellement en trio avecCyril Regamey et Marco Müller, il se pré-sente ici habillé de ses seules touches, solodont il se tire d’affaire avec une grande élé-gance, voire plus. Il choisit en intro un AllThe Things You Are , saisi «in medias res»,dont il fait ensuite un tour complet. Boulotharmonique enthousiasmant, rythmiqued’airain, virtuosité sobrement utilisée etsurtout, comme cela va se confirmer aucours du disque, imagination débordante.Le CD totalise par ailleurs quatre em-prunts : Naima de Coltrane, Nica’s Dreamde Horace Silver mais également et surtoutdeux titres tout simples hors standards RealBook pour y faire retentir des solos où secache un vrai et rare talent de mélodiste. Aentendre d’abord dans Dark Is The Night ,chanson tirée du film russe Two Soldiers ,dont le thème tire déjà facilement deslarmes par ses accents slaves mais que lepianiste rehausse d’un cran par une improtout en retenue qui fait dresser le tympanillico. Même programme en fin de galetteavec la bande-son du film Le roi et l’oi-seau . On se penche alors sur les composi-tions personnelles et l’hypothèse seconfirme que la mélodie est peut-être lapremière de ses forces. Le meilleur du meil-leur de cet opus réside en effet à notre avisdans le Clouds For Dima , à l’écriture évi-dente, au swing irrésistible. Second sur lepodium, Vestry Lamento , héritage du der-

faut qu’espérer qu’il poursuive sur cette voie.est un créatif de première force et qu’il nereste, on aura compris que Marc Perrenoudautres morceaux personnels n’étant pas en

, intrigant et tortueux. LesRhythm Gamespar le bout de l’oreille. Citons encorepouvoir du piano solo de mener l’auditeurnier album de son trio, qui démontre ici le

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des écr ivains , des musiciens

«Le maître de la maison est venu m’accueillir par de nombreux saluts, une foule de gentillesses et forcecompliments; ensuite, il m’a fait entrer dans la salle, oùj’ai aperçu une multitude de dames assises autour de huiténormes tables. J’ai moins été ébloui par l’éclat de leursdiamants que par le bruit qu’elles faisaient avec leursaiguilles à tricoter, que toutes maniaient activement.»

Frédéric Chopin, Correspondance, Paris (Richard-Masse), 1953,lettre 67, datée de Dresde, 14 novembre 1830, p. 216

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Barman.

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VIVA LA MUSICAmensuel d’ information de l’AMRassociAtion pourl’encourageMent de la musique impRovisée

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coordination rédactionnel le : jean f irmann ,viva.stampa@gmail .com publ i c ité : tarif sur demandemaquette: les studios lolos, [email protected]

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AMR, 10, rue des Alpes, 1201 Genèvenous vous ferons parvenir un bulletinde versement pour le montant de lacotisation (50 francs, soutien 80 francs)��������������������������������

J A Z Z S O U S L E S éT O I L E S , q U AT R I è M E B O U q U ETQui n’aime pas que les initiatives bonnes& fortes recommencent? Qui n’aime pasle relief magique et toujours neuf del’écho? Qui n’aime pas le redoublementdes lumineux plaisirs? En tout cas ilssont bien partis les Valaisans du mondequi pour la quatrième année consécu-tive organisent à Saint-Luc dans le vald’Anniviers les rencontres de jazz sousles étoiles. Un petit comité têtu et bienallumé qui regroupe Marie et Chris-tophe Rhodius, épaulés par Brenda Salamin et Ariane Leimbgruber. Cette année la fête se tiendra du vendredi 16 au dimanche 18 septembre. En voici le programme:• Vendredi 16 à 21 h, à l’hôtel-restaurant BeausiteLe quartette lausannois «Même si», dont le CD a obtenu le prix «Coup de cœur»de l’Académie Charles Cros à Paris en juin 2014. Avec Christine Python, vocals, composition / Christian Graf, guitare, compositionPierre-François Massy, basse / Marcel Papaux, batterieà 22h30 : «Jam sous les étoiles» au Pub l’AzimutAvec Christophe Rhodius, piano / Gregor Vidic, saxophone / Alvaro Soto, basseRodolphe Loubatière, batterie

• Samedi 17 à 12h30, au villageUne fanfare savamment déjantée: «Swing de fou» avec Daniel Verdesca, trompette / Olivier Michels, clarinette / Jérôme Gautschi,trombone / Ariel Garcia, banjo / Joël Musy, tuba et Jean Rochat, percussions

Attention à la marche, elle n’est pas militaire.à 17h, à l’hôtel-restaurant Bella Tola

Le duo du pianiste Moncef Genoud et du contrebassiste Ivor Malherbeà 21h, au Grand Hôtel du Cervin

Jazz/rock/folk par le septette «The Black Buoy Project» avec Tom Brunt, guitare,composition, arrangement / Joanne Gaillard, vocal / Sylvain Fournier, percussionsNicolas Masson, saxophone / Nicola Orioli, clarinette / Brooks Giger, contrebasseGiacomo Grandi, violoncelleà 22h30 : «Jam sous les étoiles» au bar de l’hôtel du CervinJam session ouverte à tous les musiciens.

• Dimanche 18, de 9 à 12 heures et de 14 à 17 heures,au salon de thé Lo Pirlo

Une puissante avalanche de pianos avec six solistes qui vont se succéder: GabrielZufferey, Marcos Jimenez, Michel Bastet, Fabian Müller, Stefan Aeby et ImmanuelWitschi

à 21 heures enfin, au Gîte du PrilettLe trio de la vivace artiste internationale (originaire de Brigue et vivant depuisquinze ans à New York), Eliane Amherd. Avec Eliane Amherd, vocal et guitareRodrigo Aravena, basse et vocal / Florian Reichle, batterie et vocalSi ça c’est pas de la désalpe! Et de l’anniviarde & de la noire à cornes. De la vraie vache aux yeux fournaise. Altitude 1655 mètres. Merci. J. F.

Cent francs suisses assurés à qui nous dira

vraiment de quelle couleur sont les yeux

des vaches, (l’iris pas la pupille).

Oui cent balles garantisà qui nous dira quelle

couleur intense ont les vaches à l’œil.

Un truc pas con qui pourrait vous aider :

relisez toute l’Iliade et toute l’Odyssée

ou allez voir carrément dans le pré.

Vos réponses à [email protected]

(s’il y a plusieurs gagnants, l’élufinal sera tiré devant notaire auchapeau & à la courte paille)

SPÉCIAL CONCOURS DÉSALPEDE L’AMR

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Il y a vingt ans, le vendredi 13 septembre 1996, François Jacquet nous quit-tait. Discret, économe de ses paroles mais tellement généreux dans son en-gagement, son amitié, sa disponibilité et sa ténacité il reste un des artisansmajeurs de cette magnifique réussite qu’il conduisit dès 1973, de la rue duCloître jusqu’au Centre musical du Sud des Alpes.Cher François, nous savons ce que nous te devons. Laisse-moi te dire, sobrement, mais de tout cœur Merci.

H E L L O F R A N Ç O I S

Vingt ans et c’est comme sic’était hier… ta manière si

personnelle de faire se rencontrer les gens pour ce projet, faite de modestie,

d’abnégation et en ayant toujours en vue l’os que nous

continuons de ronger. Tu nous manques et nous

te remercions encore avec beaucoup de souvenirs

en commun, musicaux mais surtout amicaux.

Ciao.

Si le Viva la Musica prend date ici ça n’est pour faire retentirquelque anniversaire nécrologique ni pour pondre nouvellepage à l’hagiographie des dinosaures. Le Viva & ses artisanstiennent juste à tirer d’un coup sec & juteux leur chapeau neuf& libre, leur casquette sans visière ni devant ni derrière, à lamémoire aimantée de ce François qui lança la toupie AMR, im-provisée, encourageante tant. Et qui sut de son trop courtvivant en une ouverture d’esprit & de cœur ahurissante, lafouetter la toupie, l’utopie, de sa badine novatrice & généreuse,pour qu’elle tourne longtemps, sur ce tapis aride genevois oùl’on ne dit jamais bravo ni merci. Et c’est pourquoi, ouverte aumonde, l’AMR pour longtemps bigrement tournoie. Mercibeaucoup sacré voyou, (te l’affirme de si loin le psychopompe).

L ’ AMR est une AventuRe coL L ect i v e par pierre losio

par jean firmann

par roger loponte

LANCER LA TOUPIE FORT

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