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Complications des anomalies embryologiques de la rotation intestinale : prise en charge chez l’adulte H. Kotobi D. Gallot Résumé. Les anomalies de rotation intestinales peuvent être responsables de complications tant chez l’enfant que chez l’adulte. La complication la plus grave chez l’adulte est le volvulus total du grêle survenant sur anomalie de rotation de type mésentère commun incomplet à 180°. La gravité du volvulus total du grêle sur anomalie de rotation (VTGAR), engageant le pronostic vital, associé à son incidence exceptionnelle, justifient que tout chirurgien ait connaissance de cette pathologie, des méthodes pour en faire le diagnostic et des principes de son traitement chirurgical. Cette mise au point a pour objectif de rappeler les principes embryologiques de la rotation de l’intestin primitif, l’anatomie des anomalies de rotation intestinale, les moyens permettant de réaliser le diagnostic d’anomalie de rotation et de VTGAR ainsi que les principes de sa correction chirurgicale étape par étape, en insistant sur les gestes à proscrire et les moyens préventifs pour éviter toute récidive. Seront évoquées également les particularités des formes chroniques de VTGAR ainsi que les principes thérapeutiques des autres formes anatomiques d’anomalie de rotation que sont les rotations inverses et les hyper-rotations, plus exceptionnelles encore. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots-clés : Anomalie de rotation intestinale ; Volvulus total du grêle ; Mésentère commun incomplet ; Procédure de Ladd ; Rotation inverse ; Hyper-rotation Introduction Les complications des anomalies de rotation (AR) intestinale sont représentées avant tout, tant chez l’adulte que chez l’enfant, par le volvulus total du grêle (VTG). Chez l’adulte, le VTG sur AR est une pathologie suffisamment exceptionnelle pour que la majorité des chirurgiens n’y soient jamais confrontés, mais la gravité de cette complication, qui peut parfois dans l’urgence engager le pronostic vital, justifie que tout chirurgien connaisse son existence, les moyens d’en faire le diagnostic et les principes de son traitement. En effet, la prise en charge du VTG sur AR nécessite au préalable une connaissance et une compréhension de l’embryologie de la rotation intestinale, de l’anatomie des AR et des principes de la procédure de Ladd. Le VTG sur AR ayant une symptomatologie peu spécifique, tout chirurgien doit penser à évoquer ce diagnostic et devrait pouvoir, lorsque les circonstances le permettent, le confirmer en préopératoire par un examen scanographique avec injection et opacification haute. Que le diagnostic soit fait ou non avant l’intervention, tout chirurgien d’adultes doit savoir reconnaître, à ventre ouvert, l’AR et sa complication ainsi que les principes de son traitement : la procédure de Ladd, détaillée ci-dessous, qui permet non seulement de traiter le volvulus mais également d’en prévenir définitivement toute récidive. Les autres complications des AR, moins spécifiques et de meilleur pronostic, seront abordées à la fin de cet article. Les objectifs de cet article sont donc de permettre à un chirurgien d’adulte confronté à un VTG sur AR pour la première fois, de pouvoir le prendre en charge correctement, ou de savoir quand et pourquoi il devra demander l’aide d’un collègue pédiatre. Volvulus total aigu du grêle sur anomalie de rotation de type « mésentère commun incomplet » Pathologie classique de la période néonatale, le VTG sur AR est une urgence bien connue des néonatologistes et des chirurgiens- pédiatres. [1, 2] Sa prévalence serait, en France, de l’ordre de 1/10 000 à 1/20 000 naissances, mais elle reste encore difficile à mieux préciser. La plupart des VTG surviennent avant l’âge de 1 an, avec un pic de fréquence dans le premier mois de vie (64 % à 80 % des cas [3, 4] ), le risque diminuant significativement au-delà de 1 an (9 % à 18 % des cas). [3, 5] Chez l’adulte la prévalence du VTG sur AR n’est pas connue, mais elle semble tout à fait exceptionnelle puisque moins de 100 cas ont été publiés dans la littérature. Cependant, il semble possible que pour un certain nombre de patients décédés de VTG sur AR, le diagnostic d’infarctus mésentérique ait été retenu et, de ce fait, la fréquence réelle de cet accident pourrait être plus importante que les données habituelles ne le suggèrent. En pratique, si la fréquence des VTG sur AR chez l’adulte est de l’ordre de 1 à 2 % des cas décrits en pédiatrie, cela revient à dire que moins d’un chirurgien sur trois sera amené à en observer un cas dans sa carrière… ! Le caractère ainsi tout à fait exceptionnel du VTG à l’âge adulte en fait donc une pathologie peu connue, voire méconnue des chirurgiens, d’où un risque accru de retard ou d’absence de diagnostic et une mise en jeu du pronostic vital si le traitement n’est pas adapté ou fait à temps. EMBRYOLOGIE Meckel [6] fut le premier en 1817 à décrire la hernie physiologique de l’intestin primitif au stade embryonnaire, puis Mall [7] en H. Kotobi, D. Gallot Adresse e-mail: [email protected] Hôpital Bichat, chirurgie générale et digestive, 46, rue Henri-Huchard, 75018 Paris, France. Encyclopédie Médico-Chirurgicale 40-440 (2004) 40-440 40-440

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Page 1: Complications Des Anomalies Embryologiques de La Rotation In

Complications des anomaliesembryologiques de la rotation intestinale :prise en charge chez l’adulte

H. KotobiD. Gallot

Résumé. – Les anomalies de rotation intestinales peuvent être responsables de complications tant chezl’enfant que chez l’adulte. La complication la plus grave chez l’adulte est le volvulus total du grêle survenantsur anomalie de rotation de type mésentère commun incomplet à 180°. La gravité du volvulus total du grêlesur anomalie de rotation (VTGAR), engageant le pronostic vital, associé à son incidence exceptionnelle,justifient que tout chirurgien ait connaissance de cette pathologie, des méthodes pour en faire le diagnostic etdes principes de son traitement chirurgical. Cette mise au point a pour objectif de rappeler les principesembryologiques de la rotation de l’intestin primitif, l’anatomie des anomalies de rotation intestinale, lesmoyens permettant de réaliser le diagnostic d’anomalie de rotation et de VTGAR ainsi que les principes de sacorrection chirurgicale étape par étape, en insistant sur les gestes à proscrire et les moyens préventifs pouréviter toute récidive. Seront évoquées également les particularités des formes chroniques de VTGAR ainsi queles principes thérapeutiques des autres formes anatomiques d’anomalie de rotation que sont les rotationsinverses et les hyper-rotations, plus exceptionnelles encore.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Anomalie de rotation intestinale ; Volvulus total du grêle ; Mésentère commun incomplet ;Procédure de Ladd ; Rotation inverse ; Hyper-rotation

IntroductionLes complications des anomalies de rotation (AR) intestinale sontreprésentées avant tout, tant chez l’adulte que chez l’enfant, par levolvulus total du grêle (VTG).Chez l’adulte, le VTG sur AR est une pathologie suffisammentexceptionnelle pour que la majorité des chirurgiens n’y soient jamaisconfrontés, mais la gravité de cette complication, qui peut parfoisdans l’urgence engager le pronostic vital, justifie que tout chirurgienconnaisse son existence, les moyens d’en faire le diagnostic et lesprincipes de son traitement. En effet, la prise en charge du VTG surAR nécessite au préalable une connaissance et une compréhensionde l’embryologie de la rotation intestinale, de l’anatomie des AR etdes principes de la procédure de Ladd.Le VTG sur AR ayant une symptomatologie peu spécifique, toutchirurgien doit penser à évoquer ce diagnostic et devrait pouvoir,lorsque les circonstances le permettent, le confirmer en préopératoirepar un examen scanographique avec injection et opacification haute.Que le diagnostic soit fait ou non avant l’intervention, toutchirurgien d’adultes doit savoir reconnaître, à ventre ouvert, l’AR etsa complication ainsi que les principes de son traitement : laprocédure de Ladd, détaillée ci-dessous, qui permet non seulementde traiter le volvulus mais également d’en prévenir définitivementtoute récidive.Les autres complications des AR, moins spécifiques et de meilleurpronostic, seront abordées à la fin de cet article. Les objectifs de cetarticle sont donc de permettre à un chirurgien d’adulte confronté àun VTG sur AR pour la première fois, de pouvoir le prendre encharge correctement, ou de savoir quand et pourquoi il devrademander l’aide d’un collègue pédiatre.

Volvulus total aigu du grêlesur anomalie de rotation de type« mésentère commun incomplet »

Pathologie classique de la période néonatale, le VTG sur AR est uneurgence bien connue des néonatologistes et des chirurgiens-pédiatres. [1, 2] Sa prévalence serait, en France, de l’ordre de1/10 000 à 1/20 000 naissances, mais elle reste encore difficile àmieux préciser. La plupart des VTG surviennent avant l’âge de 1 an,avec un pic de fréquence dans le premier mois de vie (64 % à 80 %des cas [3, 4]), le risque diminuant significativement au-delà de 1 an(9 % à 18 % des cas). [3, 5]

Chez l’adulte la prévalence du VTG sur AR n’est pas connue, maiselle semble tout à fait exceptionnelle puisque moins de 100 cas ontété publiés dans la littérature. Cependant, il semble possible quepour un certain nombre de patients décédés de VTG sur AR, lediagnostic d’infarctus mésentérique ait été retenu et, de ce fait, lafréquence réelle de cet accident pourrait être plus importante queles données habituelles ne le suggèrent.En pratique, si la fréquence des VTG sur AR chez l’adulte est del’ordre de 1 à 2 % des cas décrits en pédiatrie, cela revient à dire quemoins d’un chirurgien sur trois sera amené à en observer un casdans sa carrière… !Le caractère ainsi tout à fait exceptionnel du VTG à l’âge adulte enfait donc une pathologie peu connue, voire méconnue deschirurgiens, d’où un risque accru de retard ou d’absence dediagnostic et une mise en jeu du pronostic vital si le traitement n’estpas adapté ou fait à temps.

EMBRYOLOGIE

Meckel [6] fut le premier en 1817 à décrire la hernie physiologique del’intestin primitif au stade embryonnaire, puis Mall [7] en

H. Kotobi, D. GallotAdresse e-mail: [email protected]ôpital Bichat, chirurgie générale et digestive, 46, rue Henri-Huchard, 75018 Paris, France.

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1898 décrivit la réintégration de l’intestin dans la cavité abdominale.Par la suite, les embryologistes Frazer et Robbins [8] firent, en 1915,une description des trois stades de la rotation intestinale qui sertencore aujourd’hui de référence. Sur le plan chirurgical, c’est Dott [9]

qui, en 1923, envisagea le premier le traitement des AR, suivi parGardner et Hart [10] en 1934. À la même époque, Ladd [11] mit enévidence, en 1932, l’importance des brides congénitalespréduodénales fréquemment associées aux AR, et dont il décrivit lapathogénie. En 1941, [12] Ladd détailla la cure chirurgicale du VTGsur AR de façon réglée. Cette technique dite « procédure de Ladd »reste aujourd’hui le traitement de référence du VTG sur AR chezl’adulte comme chez l’enfant.

¶ Embryologie normale

La portion de l’intestin primitif concernée par la rotation intestinale(« anse ombilicale ») correspond à l’intestin moyen qui s’étend dudeuxième duodénum au tiers droit du côlon transverse et qui estvascularisé par l’artère mésentérique supérieure. Celle-ci est l’axeautour duquel se fait la rotation intestinale.

Entre la 5e et la 10e semaine du développement embryonnaire, l’anseombilicale est en dehors de la cavité abdominale. Puis elle vaamorcer sa rotation dans le sens antihoraire en réintégrant la cavitéabdominale, et achever sa rotation pour s’accoler de façon définitive.Cette rotation embryologique comporte trois stades et c’est soninterruption prématurée qui va conditionner le positionnementdéfinitif de l’intestin dans une situation plus ou moins à risque devolvulus.

Premier stade

Il correspond à la période où l’anse ombilicale est située en dehorsde la cavité abdominale. Initialement placée dans un plan verticalsagittal (Fig. 1), l’anse ombilicale va progressivement subir unerotation de 90° dans le sens antihoraire, centrée sur l’axemésentérique supérieur, qui va l’amener dans un plan horizontal,toujours sagittal (Fig. 2). À ce stade, l’angle duodénojéjunal est àdroite de l’axe mésentérique supérieur et la jonction iléocæcale àgauche.

Deuxième stade

Beaucoup plus rapide, il se produit au cours de la 10e semaine. Cestade consiste d’une part en une nouvelle rotation de 90° toujoursdans le sens antihoraire (soit une rotation globale de 180° depuisla position initiale) et d’autre part, en une réintégration de l’anseombilicale dans la cavité abdominale (Fig. 3). À ce stade, l’angleduodénojéjunal se situe toujours à droite de l’axe mésentériqueou sur la ligne médiane, tandis que la jonction iléocæcale est situéedans la région sous-hépatique, en avant et au-dessus de l’axemésentérique supérieur. La première anse jéjunale et la dernièreanse iléale se trouvent alors très proches l’une de l’autre.

Figure 1 Anse ombili-cale : position embryologi-que initiale. 1. Antérieure ;2. postérieure.

Figure 2 Rotation de l’anse ombili-cale : premier stade.1. Droite ; 2. Gauche.

Figure 3 Rotation del’anse ombilicale : deuxièmestade.

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prise en charge chez l’adulte Techniques chirurgicales

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Troisième stade

Dernier temps de la rotation intestinale, il se produit durant la 11e etle début de la 12e semaine. Il consiste en une dernière rotationantihoraire de 90° (aboutissant donc à une rotation globale de 270°par rapport à la position initiale). Une fois la rotation ainsi achevée,l’intestin s’accole au péritoine pariétal postérieur primitif de façondéfinitive à différents niveaux : au niveau du duodénum (fascia deTreitz), de la racine du mésentère et des côlons ascendants etdescendants (fascias de Toldt) (Fig. 4). L’angle duodénojéjunal passesous l’axe mésentérique et se retrouve à gauche du rachis, tandisque la jonction iléocæcale se place dans le flanc droit, à droite del’axe mésentérique supérieur ; la première anse jéjunale est alorsdans l’hypocondre gauche et la dernière anse iléale dans la fosseiliaque droite avec, entre les deux, une longue racine du mésentèreaccolée. Cette position correspond à la position intestinale dite« normale » (seul le cæcum peut se mobiliser encore en venant sepositionner au cours de la première année de vie dans la fosseiliaque droite).

¶ Anomalies de rotation

L’interruption de la rotation intestinale à 90° avec réintégration etaccolements aboutit à une position où l’ensemble de l’intestin grêle,y compris l’angle duodénojéjunal, se situe à droite du rachis, tandisque la totalité du côlon se retrouve à gauche. La racine du mésentères’étend donc de l’hypocondre droit à la fosse iliaque gauche (Fig. 5).Cette position, dite en « mésentère commun complet », n’est pas àrisque de VTG du fait de la longueur de la racine du mésentère.L’interruption de la rotation intestinale à 180° aboutit à une positionoù la jonction iléocæcale vient s’accoler dans la région sous-hépatique. Cet accolement, s’il est situé en regard du duodénum,peut, inconstamment, provoquer une compression extrinsèque dupremier ou du deuxième duodénum : on parle alors de « brides deLadd » (Fig. 6). L’angle duodénojéjunal se situe, lui, à droite durachis, et de ce fait la première anse jéjunale et la dernière anse iléalese trouvent très proches et toutes les deux à proximité de l’axemésentérique supérieur. De plus, il peut parfois exister unaccolement congénital entre le méso de ces deux anses intestinales(« fusion mésentérique de Pellerin » [13]). Dans cette position à 180°,la racine du mésentère est extrêmement courte et l’ensemble de

l’intestin grêle se trouve « pédiculé » sur son axe vasculairemésentérique. Cette position, dite en « mésentère communincomplet », est à haut risque de VTG du fait de la brièveté de laracine du mésentère.Les trois positions anatomiques dites « normale », en « mésentèrecommun complet » et en « mésentère commun incomplet » sont lestrois situations anatomiques les plus fréquentes, mais toutes lesrotations intermédiaires entre 90° et 270° sont théoriquementpossibles. Le risque de VTG est d’autant plus important que laracine du mésentère est courte du fait d’une rotation interrompueautour de 180°. Enfin, signalons que plusieurs classifications des ARont été proposées dans la littérature, notamment par Snyder etChaffin en 1954 [14] puis par Estrada en 1958. [15]

ANATOMIELa connaissance de l’anatomie des AR est indispensable pour savoirles reconnaître en peropératoire et pour comprendre les principesde la cure chirurgicale.

Figure 4 Rotation del’anse ombilicale : troisièmestade.

Figure 5 Position de« mésentère commun com-plet ».

Figure 6 Position de« mésentère commun in-complet ».

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Nous décrivons ici la forme anatomique classique de la rotationintestinale à 180° dite « en mésentère commun incomplet » et sesvariantes, en dehors de toute complication.Classiquement, cette position se définit par :

– un duodénum court s’interrompant après D2 avec un angle deTreitz à droite du rachis ;

– un cæcum situé en position sous-hépatique et accolé aurétropéritoine en regard du duodénum ;

– une racine du mésentère centrée par l’axe vasculaire mésentériquesupérieur et excessivement courte, donnant parfois un aspect quasipédiculé du mésentère.Dans le détail, l’angle de Treitz est souvent le siège de remaniementsfibreux, généralement en rapport avec des épisodes de torsionsincomplètes, parfois répétés et anciens. La première et la dernièreanse grêle sont parfois solidarisées, soit directement, soit par leurméso respectif, il s’agit alors d’une « fusion mésentérique »,caractéristique de l’anomalie. L’adhérence du cæcum en regard duduodénum se fait, lui, par l’intermédiaire de fibres qui, lorsqu’ellescompriment le duodénum au niveau du genu superius ou de D2,prennent le nom de brides de Ladd : [11] s’il y a compressionextrinsèque du duodénum, celle-ci est le plus souvent distale surD2, en aval de la papille. Enfin, l’accolement du grand épiploon surle côlon transverse étant un phénomène postérieur à la rotationintestinale, en cas d’AR, l’épiploon va s’accoler « où il peut » et seretrouve le plus souvent sur le côlon droit.Les variantes de cette forme classique à 180° peuvent correspondreà une rotation, soit légèrement supérieure, soit légèrement inférieureà 180°.

– Si la rotation est légèrement inférieure à 180° : l’angle de Treitzreste à droite du rachis, en revanche le cæcum peut siéger dansl’hémiabdomen gauche, voire être mobile et se projeter dans le flancou la fosse iliaque gauche, faisant ainsi penser à un mésentèrecommun complet à 90°. Il est alors essentiel, pour savoir s’il y arisque de VTG, de vérifier trois points : la mobilité éventuelle ducæcum pouvant ramener celui-ci dans la région sous-hépatique ; laprésence d’une fusion mésentérique au niveau de la première et dela dernière anse grêle ; une brièveté de la racine du mésentère. Si cestrois conditions sont retrouvées, l’AR est plus proche d’une forme à180° que d’une forme à 90° : elle est, de ce fait, à risque de VTG etdoit donc être traitée préventivement.

– Si la rotation est légèrement supérieure à 180° : l’angle de Treitzpeut se situer, soit à droite du rachis, soit sur la ligne médiane. Lecæcum se situe, lui, dans l’hypocondre droit ou le flanc droit mais leplus souvent libre et c’est donc le côlon descendant qui se retrouveaccolé au rétropéritoine en regard du duodénum. Néanmoins, laracine du mésentère est très courte et le risque de VTG bien réel : encas de volvulus, le cæcum, voire le côlon ascendant peuvent alorsêtre entraînés avec la totalité du grêle.

PHYSIOPATHOLOGIE

Le VTG est la complication des AR à 180° ou proches de 180° etplus la racine du mésentère est courte, plus le VTG risque de seproduire précocement dans la vie. C’est la raison pour laquelle plusde la moitié des VTG sur AR se produisent dans la première semainede vie et environ 80 % de la totalité des VTG dans le premier moisde vie.L’arrivée du bol alimentaire, en alourdissant la masse intestinale,déséquilibre ainsi le mésentère et entraîne sa torsion. Le volvulus seproduit classiquement dans le sens horaire, [5] mais certainespublications insistent sur le fait qu’il peut exceptionnellement seproduire dans le sens antihoraire. [13]

L’ischémie qui résulte du volvulus peut être, soit aiguë en casd’ischémie artérielle, la torsion du mésentère étant au moins d’untour de spire, soit subaiguë en cas d’ischémie veineuse, lorsque latorsion du mésentère est peu serrée et généralement inférieure à untour de spire. Dans ce cas, il peut alors se produire avec le temps

soit un infarctus veineux mésentérique, tout aussi redoutable quel’infarctus artériel mais d’installation plus progressive, soit une asciteparfois abondante, secondaire à une stase veineuse majeure. Enfin,en cas d’accident subaigu ou chronique, il a été décrit l’apparitiond’une ascite chyleuse secondaire à l’obstruction isolée des vaisseauxlymphatiques dilatés.Quel que soit le degré d’ischémie, le tube digestif peut resterperméable car moins « vrillé » que le mésentère lui-même, ce qui apour conséquences, d’une part de constater parfois un passagejéjunal de produit de contraste en cas d’opacification digestive haute,et d’autre part d’avoir une aération intestinale très variable sur lesimages radiologiques.

DIAGNOSTIC

Le diagnostic de VTG peut se faire dans deux circonstancestotalement différentes :

– en urgence, devant un tableau d’occlusion intestinale aiguë, voireun état de choc ;

– devant un tableau douloureux abdominal plus ou moinschronique.Nous détaillons ici le tableau aigu.

¶ Symptomatologie

Le VTG peut être inaugural [16] mais est le plus souvent précédé parune symptomatologie digestive récurrente comparable au tableauchronique décrit plus loin. Le tableau clinique est peu spécifique ; ilpeut être protéiforme et se révéler déroutant. Il s’agit le plus souventd’un syndrome occlusif haut associant des douleurs abdominalesparfois violentes à début brutal, des vomissements alimentaires puisrapidement bileux, un arrêt des matières et des gaz retardé et unballonnement abdominal inconstant mais parfois majeur. Il s’associevolontiers à ces signes une rectorragie ou une diarrhée sanglante, [17]

une hématémèse qui doivent être interprétées comme des signes degravité mais qui parfois ne traduisent qu’une ischémie muqueuseencore réversible, ainsi qu’une défense abdominale, reflet de lasouffrance intestinale. Parfois, les signes de choc peuvent être aupremier plan, en cas de volvulus suraigu ou d’une nécroseintestinale déjà constituée : tachycardie, hypotension artérielle, voirecollapsus, anurie, marbrure, angoisse.

¶ Imagerie

Abdomen sans préparation (ASP)

Extrêmement variable d’un cas à l’autre, l’ASP ne montre aucunsigne spécifique de VTG. En revanche, il est rarement normal etrégulièrement interprété comme « inhabituel » ou « discordant ». Encas de distension digestive, celle-ci est souvent majeure au pointqu’il est parfois difficile de distinguer s’il s’agit de côlon ou de grêle.Parfois, l’orientation des anses distendues est franchementincompréhensible, faisant suspecter un obstacle mécanique. Ladistension est d’ailleurs d’autant plus importante que l’épisode aigua été précédé par une symptomatologie récurrente d’épisodessubocclusifs. Enfin, l’ASP peut également être le siège d’une grisaillediffuse avec peu ou prou de gaz intestinaux, essentiellement dansles cas de volvulus subaigu avec ascite.

Transit œso-gastro-duodénal (TOGD)

Examen de référence en pédiatrie pour les AR, [2, 18, 19] chez l’adulte,le TOGD n’est qu’exceptionnellement demandé en cas de syndromeocclusif aigu. Et lorsqu’il est prescrit dans le cadre d’un bilan pourvomissements, celui-ci n’est pas toujours analysé jusqu’à l’angle deTreitz…Néanmoins, lorsqu’un TOGD est réalisé, il permet de fairele diagnostic d’AR en montrant un arrêt du produit de contraste àdroite du rachis avec le plus souvent une image en « bec de flûte »ou plus rarement un passage tardif de produit de contraste dans unjéjunum en position non anatomique (soit médian, soit dans

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l’hypocondre droit). Un aspect du jéjunum en « tire-bouchon » peutmême être retrouvé. [20] Notons que les clichés de profil sontessentiels pour identifier formellement l’angle de Treitz.

Lavement aux hydrosolubles (LHS)

S’il est réalisé, en cas de VTG, le LHS montre alors un cadre coliqueincomplet avec un cæcum (identifié formellement lorsquel’appendice est opacifié) anormalement haut, [21] le plus souventsous-hépatique. Parfois, lorsque le côlon droit est entraîné par levolvulus, il peut alors exister une image d’arrêt de produit decontraste de type « bec de flûte » au niveau du côlon transverse.

Échographie

Souvent gênée par les gaz intestinaux, l’échographie n’est pastoujours contributive. Cependant, elle peut montrer des ansesdigestives pleines de liquide, contrastant ainsi avec un ASP grisâtreou peu aéré, signant l’occlusion ; montrer un épanchement intra-abdominal en rapport avec, soit une ischémie aiguë, soit une gêneau retour veineux, soit une ascite chyleuse. Enfin, l’échographie peutau mieux montrer la vrille du mésentère sous forme d’une imagemédiane en cocarde, tissulaire, traversée de vaisseaux etcorrespondant au signe du tourbillon décrit au scanner. L’examenpeut être optimisé par la réalisation d’un doppler des vaisseauxmésentériques qui met alors en évidence une verticalisation desvaisseaux mésentériques supérieurs, voire leur inversion, avec uneveine mésentérique supérieure située à gauche de son artère. [22]

Exceptionnellement, on peut voir un arrêt du flux sanguin dansl’artère mésentérique supérieure, alors de mauvais pronostic.

Tomodensitométrie

Le scanner avec injection est l’examen de référence chez l’adultepour le diagnostic de VTG sur AR. [16, 20, 23] En effet, le signe du« tourbillon » décrit par Fischer [24] en 1981 sous le nom de whirl-likepattern, semble être pathognomonique du VTG pour la majorité desauteurs. Il correspond à la vrille du mésentère visible en positionmédiane, en avant de l’aorte et au niveau de l’artère mésentériquesupérieure, autour de laquelle vient s’ « enrouler » le jéjunumproximal. Les clichés avec injections permettent de visualiser laverticalisation ou l’inversion des vaisseaux mésentériques supérieursavec une veine venant se placer au-dessus ou à gauche de l’artère. [25]

En revanche, l’AR est plus difficile à diagnostiquer sur le simplescanner avec injection, ce qui peut s’avérer essentiel lorsque le signedu tourbillon fait défaut en cas de volvulus peu serré. C’est la raisonpour laquelle il est préférable d’associer une opacification haute aucours du scanner. [24] Idéalement, l’opacification se fera par la sondegastrique et en tout début d’examen, pour laisser le temps auproduit de franchir le pylore. L’absence de passage du duodénumdans la pince aortomésentérique et la stagnation du produit decontraste à droite de la ligne médiane signent alors l’AR.

Artériographie

Bien que décrit, cet examen long, coûteux et invasif ne doit plus êtreretenu dans cette indication.

¶ Conduite à tenir diagnostique

En pratique, chez l’adulte, le diagnostic préopératoire doit ainsi êtreau mieux réalisé à l’aide d’un scanner avec injection et opacificationhaute. Pour cela, il est indispensable de demander cet examen enurgence devant tout syndrome douloureux abdominal auquels’associe l’un des éléments suivants :

– un syndrome occlusif haut quel qu’il soit (a fortiori si le patientne présente pas de cicatrice abdominale) ;

– un passé digestif fait de symptômes postprandiaux récurrents,parfois anciens ;

– une étiquette diagnostique d’affection digestive non ou maldocumentée ;

– un ASP ininterprétable ou discordant par rapport au tableauclinique.

Attention : la présence d’une cicatrice abdominale ne permet enaucun cas d’éliminer le diagnostic de VTG, tant il est vrai quecertains patients ont déjà pu « bénéficier » d’une appendicectomie,voire d’une laparotomie pour dévolvuler le grêle une première foissans qu’une cure adéquate de l’AR n’ait été réalisée dans le mêmetemps opératoire.Attention : en cas de signes de choc présents d’emblée, il faut savoirrenoncer au scanner pour procéder à une laparotomie exploratriceen extrême urgence.

TRAITEMENT

Quelle voie d’abord utiliser ? Comment reconnaître la pathologie enperopératoire ? Quels sont les temps opératoires de la curechirurgicale selon les principes de Ladd ? Quels gestes doivent êtreà tout prix évités ? Que doit-on faire lorsque le grêle ne semble pasrécupérer ? Quand doit-on appeler à l’aide ?Telles sont les questions que doit se poser tout chirurgien digestifconfronté à un VTG chez l’adulte.

¶ Quelle voie d’abord utiliser ?

Devant un tableau aigu, la laparotomie médiane doit être choisie depremière intention.La voie d’abord cœlioscopique sera contre-indiquée de principe enraison de la difficulté technique majeure que constitue la détorsionde la masse de l’intestin grêle, fragilisé par l’occlusion.

¶ Reconnaître la pathologie en peropératoire

Le VTG est identifié sur le fait que le grêle est intéressé en totalitépar le volvulus et se trouve, une fois extériorisé, « pédiculisé » surson mésentère. L’inspection du mésentère révèle alors la présenced’un ou plusieurs tours de spires. À ce stade, il est important denoter le sens du volvulus (le plus souvent horaire), le nombreapproximatif de tours de spires et la coloration du grêle.L’AR est identifiée par la position non anatomique du cæcum (etses éventuelles adhérences en regard du duodénum), la position del’angle de Treitz à droite du rachis et le défaut d’accolement dumésentère dont la racine apparaît toujours courte.

¶ Principes de la procédure de Ladd

Bien que certains auteurs aient proposé plusieurs variantestechniques, comme la fixation du cæcum [26] ou du mésentère, [27] laprocédure de Ladd reste à ce jour le traitement de référence du VTGsur AR aussi bien chez l’adulte que chez l’enfant. Cette procédureconsiste en une réduction du volvulus, suivie d’une mise enmésentère commun complet de l’intestin pour éviter toute récidivedu volvulus.Elle peut être décomposée en cinq temps opératoires successifs.

Détorsion

Le premier temps consiste à extérioriser prudemment la totalité dela masse du grêle de la cavité abdominale puis à procéder à laréduction du volvulus (Fig. 7). Pour cela, le grêle doit êtreprogressivement soulevé à deux mains sans traction excessive etimmédiatement placé dans des champs chauds et humides. Cettemanœuvre permet d’une part d’inspecter le mésentère enauthentifiant les tours de spires et leur sens horaire (ouexceptionnellement antihoraire) et d’autre part de procéder à laréduction du volvulus en faisant faire à la masse de l’ensemble desanses grêles soulevées un ou plusieurs demi-tours successifs dans lesens inverse du volvulus. La progression de la réduction par demi-tours successifs a pour avantages de permettre à l’opérateur devérifier qu’elle se fait dans le bon sens et de lui permettre de lapoursuivre jusqu’à réduction complète, sans laisser une torsionpartielle qui pourrait secondairement entraîner un infarctus veineuxà bas bruit. La qualité de la réduction peut alors être vérifiée par labonne recoloration du grêle et la palpation d’un pouls mésentériquedistal.

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Libération du cæcum

Le second temps est la dissection du cæcum. Celui-ci, comme nousl’avons vu, peut être directement accolé au rétropéritoine en regarddu duodénum ou par le biais des « brides de Ladd ». C’estl’ensemble de ces attaches qu’il faut sectionner. La simple tractionsur le cæcum permet la mise en tension de ces attaches et leursection progressive. Dans le même temps, il est possible de devoirlibérer la dernière anse iléale, parfois accolée à la première ansejéjunale (fusion mésentérique). De même, il peut être nécessaire deprocéder à un décollement coloépiploïque atypique, car souvent,l’épiploon est venu, de façon hasardeuse, s’accoler au cæcum ou aucôlon droit (Fig. 8). Cette dissection est indispensable car le cæcumdevra en fin de compte être suffisamment libéré pour pouvoir êtreplacé dans la fosse iliaque gauche en fin d’intervention.

Libération de l’angle de Treitz

Le temps suivant est la mobilisation de l’angle de Treitz (Fig. 9A,9B). Siège d’adhérences congénitales ou parfois acquises à la suited’épisodes antérieurs de torsions incomplètes, l’angle de Treitz doitêtre disséqué jusqu’au plus près de la capsule pancréatique sanseffraction de celle-ci. Le but de cette dissection est en effet depermettre à la première anse jéjunale, une fois libérée, d’être placéele plus à droite possible, en sous-hépatique, idéalement dansl’espace de Morisson.

Appendicectomie

Vient ensuite une appendicectomie de principe. En effet, dans tousles cas, l’appendice doit être retiré pour ne pas faire courir au patientle risque ultérieur d’une appendicite aiguë en position aberrante.L’appendicectomie peut être faite, soit de façon classique parligature de la base appendiculaire après ligature et section de sonméso, soit par la technique de retournement, couramment pratiquéeen pédiatrie et qui consiste, après ligature du méso, à invaginerl’appendice à l’aide d’un stylet mousse puis à fermer l’orifice cæcalborgne par une bourse de fil fin à résorption lente.

Positionnement en mésentère commun complet

La manœuvre consiste tout d’abord à ranger progressivement latotalité de l’intestin grêle dans l’hémiabdomen droit, en commençantpar la première anse jéjunale qui est placée le plus en dehors

possible en sous-hépatique. Puis, en finissant par le cæcum, qui estbasculé vers la fosse iliaque gauche et placé le plus bas possible. Decette façon, la totalité du côlon se retrouve alors positionné dansl’hémiabdomen gauche (Fig. 5). Aucune pexie intestinale oumésentérique n’ayant fait la preuve de son utilité, voire même deson innocuité, [27] l’intestin est donc laissé tel quel sans fixation. Leséventuelles opacifications digestives ultérieures montrent le plussouvent la bonne stabilité de la position, sans doute renforcée parles adhérences postopératoires du mésentère sur les zones dedépéritonisation pariétale postérieure laissées en place. Il estsimplement recommandé au patient de rester alité les premiers jourspostopératoires pour permettre à l’intestin de se fixer spontanémentde façon définitive.

¶ Gestes à proscrire

Un certain nombre de gestes peuvent avoir des conséquencesdramatiques pour le patient : ils doivent être connus pour être évités.

¶ Que doit-on faire lorsque le grêle ne se recolore pas ?

Dans le cas où la nécrose de la totalité du grêle est avérée, le patientest alors au-delà de toute ressource thérapeutique. En cas de surviemalgré l’état de choc, la seule issue est alors la nutrition parentéraleà vie, dans l’attente d’une hypothétique greffe de grêle…Lorsque, après réduction du volvulus, le grêle reste franchementischémique à tel point que le chirurgien se pose la question de savitalité, il est préférable, en urgence, de ne pas avoir recours àd’importantes résections intestinales emportant les zones« douteuses ». Seules les zones nécrosées avec certitude devrontalors être réséquées. En effet, les capacités de récupération del’intestin étant fonction du degré d’ischémie, de l’importance del’état de choc et à un moindre degré de la pression intra-abdominalepersistante, il est préférable dans cette situation de laisser en placel’intestin « douteux », d’écourter la laparotomie en faisant unefermeture cutanée exclusive avec d’éventuelles incisions dedécharges, et de programmer un second look à 24 ou 48 heures. Cetteattitude a pour objectif, en cas de survie du patient, de préserver lepronostic fonctionnel en limitant les risques de grêle court. Bien sûr,

Figure 7 Volvulus totaldu grêle. 1. Sens de la tor-sion.

Figure 8 Libération du cæcum. 1. Décollement coloépiploïque ; 2. section des bri-des de Ladd ; 3. section de la fusion mésentérique de Pellerin.

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toute anastomose est à proscrire dans un contexte de nécroseintestinale avec choc, et si une résection intestinale s’avèreindispensable, une mise en stomie des deux orifices digestifs doitêtre préférée.

¶ Doit-on appeler à l’aide ? …Et qui ?Lorsque le diagnostic a pu être évoqué en préopératoire, on agénéralement le temps de contacter un chirurgien-pédiatre et deprogrammer une intervention avec son assistance. Dans l’urgence etlorsque le chirurgien d’adulte se voit confronté à cette situation pourla première fois, toute incompréhension ou hésitation doit conduireà interrompre l’intervention et à contacter par téléphone un collèguepédiatre pour s’informer. Cet appel doit être fait avant toute« section de bride » car il serait dramatique de sectionner le pédiculemésentérique. Très fréquemment, les conseils des collègues pédiatresavertis conduiront à limiter le geste et en aucun cas, il ne faudrachercher à reconstituer une anatomie « normale ».

Autres aspects des volvulussur anomalies de rotation

FORMES SUBAIGUË ET CHRONIQUEDES VOLVULUS TOTAUX DU GRÊLE

¶ Diagnostic

Symptomatologie

Le plus souvent, il s’agit d’une symptomatologie digestive à typed’occlusion haute incomplète habituellement récurrente. Cettesymptomatologie peut remonter à quelques mois, voire à quelquesannées et jusqu’à l’enfance dans certains cas. [17] Les symptômes lesplus fréquents sont des ballonnements abdominaux postprandiaux,les douleurs abdominales, des borborygmes « bruyants », voire desclapotis plusieurs heures après les repas ou l’ingestion de boissons.La période de digestion peut alors être marquée par une diarrhéeprofuse soulageant généralement le patient, ou bien desvomissements alimentaires également salutaires. Une ascite estparfois associée. La plupart du temps, les patients ontprogressivement d’eux-mêmes éliminé de leur alimentation certainsaliments riches en fibres ou certaines boissons gazeuses par exemple.Enfin, il est rare chez ces patients d’observer un surpoids en rapportavec une alimentation hypercalorique…Lorsque ces prodromes sont présents, il n’est pas rare alors que cespatients soient porteurs d’une « étiquette » diagnostique pouvantdramatiquement égarer le clinicien en cas de VTG avéré. [28] Laplupart du temps, ces diagnostics ne sont pas ou peu documentés etsouvent anciens. Ainsi retrouvons-nous dans la littérature [16, 29, 30, 31]

des cas de patients ayant été suivis préalablement pour « gastritechronique », « maladie de Crohn », « pancréatite aiguë récidivante »,« colite spasmodique », « migraine intestinale » (sic !)… De façonnon exceptionnelle, au moment du VTG, on s’aperçoit que le patienta déjà été « appendicectomisé », ce qui peut détourner le diagnosticvers un problème de bride postopératoire… La voie d’abord utiliséeest d’ailleurs souvent « inhabituelle », de type McBurney élargi,Jalaggier…Quant aux comptes-rendus, une fois récupérés, onconstate souvent que l’appendicite n’était pas si « aiguë » ou mêmequ’un « mésentère commun » avait été signalé…

Imagerie

Comme dans les formes aiguës, le diagnostic repose désormaisavant tout sur le scanner avec injection et opacification haute. Lesautres examens d’imagerie apportent sensiblement les mêmesinformations que devant un tableau aigu.

¶ Traitement

Voie d’abord

L’abord chirurgical par voie médiane est recommandé ; cependant,l’abord cœlioscopique peut être discuté pour les chirurgiens rompusà cette technique. [32]

Principes chirurgicaux

La reconnaissance de l’AR se fait selon les mêmes principes qu’enphase aiguë et la cure chirurgicale repose également sur la procédurede Ladd.

Figure 9 A. Libérationde l’angle de Treitz.B. Positionnement enmésentère communcomplet.

Il ne faut pasEffectuer une manœuvre de réduction du volvulus dans le mauvaissens, qui peut temporairement aggraver l’ischémie intestinale.Réduire insuffisamment le volvulus, ce qui peut entraînersecondairement une ischémie, voire un infarctus veineux de latotalité du territoire mésentérique supérieur…Prendre le pédicule mésentérique supérieur pour une bridecongénitale responsable du volvulus.Tenter de rétablir l’anatomie « normale » de l’intestin par desmanœuvres de décroisement avec résections-anastomoses, enlaissant en place la torsion du mésentère…Une fois l’intestin dévolvulé, tenter coûte que coûte de le placer enposition anatomique dite « normale » à 270°, le risque étant alorsd’une part de voir l’intestin se repositionner spontanément à 180°et d’autre part de créer une obstruction duodénale extrinsèque auniveau de la pince aortomésentérique.Se contenter de réduire le volvulus sans traiter l’AR, exposant ainsile patient à une récidive certaine.

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En cas d’abord chirurgical classique : les manœuvres de détorsionssuivent les mêmes principes qu’en phase aiguë.En cas d’abord cœlioscopique, l’exposition optimale est la suivante :l’opérateur se place à gauche du patient, la colonne étant placée àl’épaule droite.Un trocart d’optique de 10 mm est introduit par voie d’open à traversl’ombilic, la réalisation du pneumopéritoine à l’aide de l’aiguille deVriess est contre-indiquée en raison de la distension intestinalepossible et de la position aléatoire du cadre colique. Lepneumopéritoine est réalisé avec une pression de 15 mm de mercure,puis deux trocarts opérateurs de 5 mm sont placés dansl’hypocondre gauche et dans la fosse iliaque droite sous contrôle dela vue.La table est inclinée avec du roulis sur la gauche, de telle façon quela région duodénale puisse être parfaitement exposée. Pour ce faire,il est parfois nécessaire d’introduire un troisième trocart de 5 mmdans l’épigastre.Par voie cœlioscopique, le grêle ne pouvant être mobilisé enmonobloc, celui-ci doit être manipulé avec beaucoup de précautionet déroulé progressivement dans le sens inverse de la torsion encommençant par le jéjunum proximal et jusqu’à réduction complètede la torsion du mésentère.Une fois le volvulus détordu, les différents temps de la procédurede Ladd seront réalisés par voie cœlioscopique en suivant la mêmechronologie qu’à ciel ouvert.

Autres formes anatomiquesd’anomalies de rotation

Les autres formes d’AR sont encore plus exceptionnelles chezl’adulte que la forme dite « de mésentère commun incomplet » à180° que nous venons d’étudier. Il s’agit de l’exceptionnelle absencetotale de rotation, des rotations inversées et des hyper-rotations.

PATHOGÉNIE

¶ Absence totale de rotation

Tout à fait exceptionnelle, l’absence de rotation intestinale seprésente sous la forme d’un mésentère vertical avec un intestin nonaccolé qui ne se rencontre qu’en cas de hernie diaphragmatique,d’omphalocèle ou de laparoschisis. [5] Exclusivement rencontrées enpériode néonatale, elles sont donc ici hors sujet.

¶ Rotations inverses

Également exceptionnelles, les rotations inverses ont été décrites parGrob en 1953. [5] Elles se présentent toutes avec un duodénum situéen avant des vaisseaux mésentériques et correspondent à unerotation initiale à 90° antihoraire habituelle, suivie d’une rotationinverse de 90° ou 180°. [5, 33] Le plus souvent, le côlon réintègrel’abdomen avant le grêle. Ainsi dans le cas d’une rotation inverse de90°, le cæcum vient se placer dans le petit bassin mais est situé enarrière du mésentère venu s’accoler sur le côlon droit ; dans le casd’une rotation inverse de 180°, le cadre colique est en place avec uncæcum en fosse iliaque droite, mais le côlon transverse passe enarrière des vaisseaux mésentériques et du duodénum. [34] Encoreplus rarement, si le côlon réintègre l’abdomen après le grêle, il estpossible alors de retrouver la totalité du grêle dans l’hémiabdomengauche et la totalité du côlon dans l’hémiabdomen droit,

correspondant ainsi à une position « en miroir » du mésentèrecommun complet avec, cependant, un duodénum en avant desvaisseaux mésentériques.Enfin, dans certains cas, la totalité du grêle s’étant réintégrée avantle côlon, le mésocôlon peut l’envelopper en totalité ; ce quiexpliquerait le mécanisme de formation des exceptionnelles herniesparaduodénales droites et gauches [35] dont l’origine congénitale estfortement suspectée sur le fait qu’elles intéressent toujours la totalitédu grêle et que le grand épiploon n’est jamais retrouvé enintraherniaire. [36] Dans le cas de ces hernies paraduodénales, le cadrecolique et le cadre duodénal sont en place, en revanche la racine dumésentère peut s’avérer courte dans la forme gauche.

¶ Hyper-rotations

Les hyper-rotations correspondent à une migration du cæcum dansle pelvis, trop précoce et avant tout accolement, voire, à l’extrême, àune réascension du cæcum dans l’hémiabdomen gauche, endirection de l’angle colique gauche. [37] Cependant, le cadre duodénalainsi que le cadre colique sont toujours en place.

COMPLICATIONS

Parmi toutes ces formes exceptionnelles d’AR, il n’est pas logiquede rencontrer une situation à risque similaire à celle de l’AR à 180°,à savoir un mésentère très court et à proximité de la première et dela dernière anse grêle, sauf peut-être dans un sous-groupe derotation inverse à 90°, lorsque le cæcum reste en avant duduodénum tandis que la dernière anse grêle reste, elle, en arrièredes vaisseaux mésentériques (où dans ce cas, il existerait un risquethéorique de VTG, non retrouvé dans la littérature…).Autrement dit, les complications que l’on peut rencontrer dans cesformes de rotation inverse ou d’hyper-rotations sont plutôt de troisordres :

– soit un obstacle mécanique par compression extrinsèque d’unsegment intestinal sur lequel est venu s’accoler de façon aberranteun autre segment intestinal ;

– soit un volvulus de la région iléocæcale, libre ou trop allongée ;

– soit enfin, l’exceptionnelle hernie paraduodénale droite ougauche [33] dont le mécanisme d’occlusion n’est autre qu’uneplicature intestinale au niveau du collet herniaire, sans ischémieintestinale. [36]

Dans tous les cas, malgré la gravité potentielle de ces complications,le pronostic reste meilleur du fait du caractère localisé de l’ischémieintestinale, contrairement au VTG qui intéresse, lui, la totalité duterritoire mésentérique supérieur.

PRINCIPES DU TRAITEMENT

Les complications des rotations inverses seront traitées au cas parcas, selon le mécanisme en cause, soit par une section de bridespathogènes, soit par une résection intestinale limitée, soit par unemise en mésentère commun complet, soit par l’extraction du grêlehernié dans un orifice paraduodénal droit ou gauche. Dans ce cas,l’agrandissement de l’orifice herniaire peut être nécessaire pourfaciliter l’extraction de la totalité du grêle ; cependant, il est d’unepart indispensable de veiller à respecter la vascularisation coliquesituée dans la paroi du sac péritonéal, et d’autre part, il ne faut pasoublier d’obturer l’orifice pour éviter toute récidive.36 Enfin, leshyper-rotations compliquées de volvulus du cæcum sont traitées parune résection iléocæcale.

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