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TECH INFOTECH # 30 DEUX ANS APRÈS L'ANI, OÙ EN SONT LES ACCORDS DE BRANCHES ? SENIOR ADVISOR, ACTUARIS E-mail : [email protected] Jacques NOZACH 33 milliards d'euros, c'est ce que représente en 2013 le marché de l'assurance complémentaire santé pour l'ensemble de l'industrie de l'assurance : avec une prépondérance des mutuelles santé (56 %), mais une présence très significative des compagnies d'assurance (27 %) et des institutions de prévoyance (17 %)... L'assurance individuelle y est majoritairement pratiquée (57 % du marché) avec une large prépondérance des mutuelles santé (66 %) mais une part croissante et significative pour les compagnies d'assurance (30 %)... La part de l'assurance collective progresse d'année en année, avec une légère prépondérance pour les institutions de prévoyance dont c'est l'unique objet (43 %) et une présence significative pour les autres acteurs (mutuelles santé 35%, compagnies d'assurance 22%, nonobstant, pour ces dernières, l'activité en réassurance). 637 acteurs se partagent ce marché, dont 512 mutuelles santé, 96 compagnies d'assurance et 29 Institutions de Prévoyance. C'est ce marché qui est percuté de plein fouet par une accumulation de réformes sans précédent : COMPLÉMENTAIRE SANTÉ : UN MARCHÉ QUI EXPLOSE EN 2016 ? ACTUAIRE Responsable Tarification Prévoyance et Santé E-mail : [email protected] Cécile PARADIS 1) Tout a commencé par l'accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013, suivi par la loi du 14 juin 2013 qui - dans son article 1 er - généralise une couverture complémentaire santé collective obligatoire pour l'ensemble des salariés du secteur privé... Un vrai tsunami ! 4 millions de salariés et ayants- droit sont concernés par ce transfert qui représenterait 4 à 5 milliards de chiffre d'affaires susceptibles de "changer de mains" au 1er janvier 2016... À cette date, certains acteurs pourraient avoir perdu de 20 à 35 % de leur chiffre d'affaires ! Bien que d’un enjeu financier moindre, les débats des acteurs se sont focalisés sur les clauses de désignation et de migration dont était dotée la grande majorité des accords de branche. Avec au final un énorme "coup de théâtre": l'abrogation par le conseil constitutionnel de l'article L912-1, sur lequel les partenaires sociaux se sont appuyés, depuis des décennies, pour construire des régimes conventionnels principalement en prévoyance (12,5 millions de salariés concernés) dans 175 branches professionnelles. Bien que cette décision n'ait pas d'effet rétroactif, nul ne sait dire avec certitude ce que "non rétroactivité" signifie concrètement. 1 Institutions de prévoyance Compagnies d'assurance Mutuelles Santé Marché de l'assurance complémentaire santé en 2013 (%) 17 4 27 30 56 66 35 Focus sur l'assurance individuelle (%) Focus sur l'assurance collective (%) Institutions de prévoyance Compagnies d'assurance Mutuelles Santé 22 43 Institutions de prévoyance Compagnies d'assurance Mutuelles Santé

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INFOTECH # 30DEUX ANS APRÈS L'ANI, OÙ EN SONT LES ACCORDS DE BRANCHES ?

Senior AdviSor, ACTUAriSE-mail : [email protected]

Jacques NOZACH

33 milliards d'euros, c'est ce que représente en 2013 le marché de l'assurance complémentaire santé pour l'ensemble de l'industrie de l'assurance : avec une prépondérance des mutuelles santé (56 %), mais une présence très significative des compagnies d'assurance (27 %) et des institutions de prévoyance (17 %)... L'assurance individuelle y est majoritairement pratiquée (57 % du marché) avec une large prépondérance des mutuelles santé (66 %) mais une part croissante et significative pour les compagnies d'assurance (30 %)... La part de l'assurance collective progresse d'année en année, avec une légère prépondérance pour les institutions de prévoyance dont c'est l'unique objet (43 %) et une présence significative pour les autres acteurs (mutuelles santé 35%, compagnies d'assurance 22%, nonobstant, pour ces dernières, l'activité en réassurance).

637 acteurs se partagent ce marché, dont 512 mutuelles santé, 96 compagnies d'assurance et 29 Institutions de Prévoyance.

C'est ce marché qui est percuté de plein fouet par une accumulation de réformes sans précédent :

COMPLÉMENTAIRE SANTÉ : UN MARCHÉ QUI EXPLOSE EN 2016 ?

ACTUAireResponsable Tarification Prévoyance et Santé E-mail : [email protected]

Cécile PARADIS

1) Tout a commencé par l'accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013, suivi par la loi du 14 juin 2013 qui - dans son article 1er - généralise une couverture complémentaire santé collective obligatoire pour l'ensemble des salariés du secteur privé... Un vrai tsunami ! 4 millions de salariés et ayants-droit sont concernés par ce transfert qui représenterait 4 à 5 milliards de chiffre d'affaires susceptibles de "changer de mains" au 1er janvier 2016... À cette date, certains acteurs pourraient avoir perdu de 20 à 35 % de leur chiffre d'affaires !

Bien que d’un enjeu financier moindre,

les débats des acteurs se sont focalisés sur les clauses de désignation et de migration dont était dotée la grande majorité des accords de branche. Avec au final un énorme "coup de théâtre": l'abrogation par le conseil constitutionnel de l'article L912-1, sur lequel les partenaires sociaux se sont appuyés, depuis des décennies, pour construire des régimes conventionnels principalement en prévoyance (12,5 millions de salariés concernés) dans 175 branches professionnelles. Bien que cette décision n'ait pas d'effet rétroactif, nul ne sait dire avec certitude ce que "non rétroactivité" signifie concrètement.

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Institutions deprévoyance

Compagniesd'assurance

Mutuelles Santé

Marché de l'assurancecomplémentaire santéen 2013 (%)

174

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Focus sur l'assuranceindividuelle (%)

Focus sur l'assurancecollective (%)

Institutions deprévoyance

Compagniesd'assurance

Mutuelles Santé

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Compagniesd'assurance

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Néanmoins, le vide juridique ainsi créé a été partiellement comblé par la loi de financement de la Sécurité sociale de 2014 qui a instauré une "clause de recommandation" dont les mesures d'incitation fiscales, jugées disproportionnées, ont également été abrogées par le conseil constitutionnel en laissant ainsi subsister un dispositif que nous considérons non viable techniquement.

2) En complément de ce tsunami sans précédent, le gouvernement a décidé de revoir la définition de ce que doit être un contrat "solidaire et responsable", dont le respect permet d'acquitter une taxe d'assurance réduite à 7 % au lieu de 14 % et surtout de bénéficier sur les contrats collectifs d'exonérations sociales et fiscales.

L'objectif à l'origine de ce dispositif est de permettre un meilleur accès aux soins en instaurant des planchers de couverture limitant le reste à charge pour les assurés. Certes, la nouvelle définition, en cours d'adoption, augmente sensiblement certains de ces planchers, mais elle instaure, de surcroît, des plafonds en optique et en dépassements d'honoraires, marquant ainsi la volonté d'en faire également un outil de maîtrise des dépenses de santé.Bien entendu, ces nouveaux plafonds en projet ont suscité de vives réactions de la part des professionnels de santé concernés, ce qui a sensiblement retardé la parution du décret concerné... et de l'ensemble des autres décrets d'application (concernant l'ANI et l'ACS notamment) qui doivent respecter cette nouvelle définition des contrats "solidaires et responsables".

Initialement cette nouvelle définition devait entrer en vigueur au 1er janvier 2015 ! Dans la loi rectificative du financement de la Sécurité sociale de juillet 2014, les pouvoirs publics ont reculé ces délais : 1er avril 2015 pour les nouveaux contrats et 1er janvier 2018 pour les contrats actuellement en cours (avec un bémol important : en cas de modification apportée au contrat, la mise en conformité devra se faire à la date anniversaire de renouvellement du contrat suivant le 1er avril 2015).

En conséquence, après analyse, il ressort que la grande majorité des contrats collectifs actuellement en cours devra être révisée effectivement dès le 1er janvier 2016 !

3) Dans un tel contexte, il aurait été dommage de ne pas réformer également l'aide à la complémentaire santé (ACS) !Rappelons que les dispositifs d'aide à la complémentaire santé - en additionnant la CMU-C et l'ACS - concernent environ 15 % (8,5 millions de personnes) de la population française. Les bénéficiaires potentiels de l'ACS seraient environ 3 millions. Or, le dispositif n'est aujourd'hui utilisé que par 800 000 personnes. Actuellement, la grande majorité des assureurs complémentaires santé (environ 400) sont habilités à assurer et gérer l'ensemble des bénéficiaires de l'ACS, mais les mutuelles de proximité sont incontestablement les premiers acteurs (pour certaines mutuelles, cette activité représente 5 à 10 % de leur portefeuille).

Dans le but d'améliorer l'efficacité du système et d'augmenter le nombre de bénéficiaires réels, les pouvoirs publics ont prévu une réforme, dont le décret récemment promulgué prévoit une gamme de trois contrats santé, et une procédure "d'appel à concurrence" sur la base d'un cahier des charges non encore connu. Dans le but explicite de limiter à 15 le nombre d'organismes habilités à diffuser les contrats ACS. Ce nouveau dispositif devant se mettre en place au 1er juillet 2015 (!).

Une chose est sûre, les assureurs complémentaires santé ne vont pas chômer en 2015 !Ils sont aujourd'hui confrontés à des défis et des bouleversements sans précédent, et la concurrence s'annonce rude. Avec quelles conséquences en termes d’impacts sur les équilibres financiers des organismes, de capacité à répondre à la clientèle, d’impact sur l'emploi ? Avec en toile de fond l'application de Solvabilité 2.Il n'est pas étonnant que certains prévoient qu'il n'y aura plus que 100 mutuelles en 2018.Jamais une industrie n'aura dû faire face, en si peu de temps, à autant de réformes et de bouleversements !

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À la lecture de l'article 1er de la loi de juin 2013 qui donnait la primauté aux accords de branches jusqu'au 1er juillet 2014, laissant ensuite le champ libre aux accords d'entreprise, on pourrait penser que les accords de branches ont en quelque sorte "passé leur tour", par le fait que les partenaires sociaux n'ont rien pu faire durant cette période, en raison de la non parution des décrets d'application indispensables à leurs travaux (en particulier, la nouvelle définition des contrats "solidaires et responsables",

le panier de soins minimum de l'ANI, les règles de mise en concurrence, le haut degré de solidarité).

Pour autant les pouvoirs publics ont refusé de reculer l'échéance du 1er janvier 2016. En réalité le non-respect de ce calendrier n'a aucun impact : rien n'interdisait la conclusion de nouveaux accords d'entreprise avant le 1er juillet 2014, rien n'empêche la conclusion d'accords de branches après cette date (cf ci-après, 80 projets d’accords seraient en bonne voie).

Il y a parfois confusion entre "clause de désignation" et accords de branches. L'abrogation des clauses de désignation n'altère en rien la capacité des partenaires sociaux à négocier et à mettre en œuvre des régimes de couverture en prévoyance, en santé et en retraite supplémentaire, avec ou sans mention d’organismes assureurs recommandés...

En complémentaire santé, le très faible niveau de garanties proposées par le panier de soins de l'ANI (certaines garanties de ce panier de soins sont inférieures à celui de la CMU-C et ne respectent pas le projet de décret des contrats solidaires et responsables) pourrait au contraire inciter les partenaires sociaux à multiplier les accords de branches instaurant des garanties d'un niveau supérieur.

Rappelons qu'une fois "étendus" (par arrêté ministériel après examen par la COMAREP), ces accords ont force réglementaire et s'imposent

donc obligatoirement à l'ensemble des entreprises et des salariés de la branche... et que la commission paritaire de branche a toute latitude pour modifier périodiquement cet accord par voie d'avenant.

Nombre de branches ont aujourd'hui suspendu leurs travaux dans l'attente des décrets d'application. 80 projets d'accord seraient actuellement en attente et pourraient être présentés prochainement à la direction de la sécurité sociale et à la COMAREP (qui, rappelons-le, a suspendu ses avis dès lors qu'un accord comporte le choix d'un organisme d'assurance).

Inversement, certaines branches, sans attendre les décrets d'application, ont commencé à lancer leurs appels d'offres dans le but de recommander un ou plusieurs organismes d'assurance (dernier appel d'offres en date : celui de la branche de l'Animation socio-culturelle). Et certaines ont déjà fait le choix d'un ou plusieurs organismes recommandés.

Après l'abrogation de l'article L 912-1 du code de la Sécurité sociale qui prévoyait la "clause de désignation" et son remplacement laborieux et tronqué par une "clause de recommandation" dangereuse financièrement, beaucoup d'acteurs de la complémentaire santé pensent que c'est la fin des accords de branches et que la libre concurrence va pouvoir s'exercer pleinement... même si ce "démantèlement" doit prendre un peu de temps.

Pour un observateur extérieur, certains éléments permettent de constater, qu'en réalité, RIEN N'EST JOUÉ, ni dans un sens, ni dans l’autre !

DEUX ANS APRÈS L'ANI, OÙ EN SONT LES ACCORDS DE BRANCHES ?

LE CALENdRIER EST mAINTENU

CLAUSE dE dÉSIgNATION, ACCORd dE bRANChE, PAS dE CONfUSION

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Rappelons que les études menées par notre cabinet ACTUARIS avaient chiffré en 2013 à 1 800 000 le nombre de salariés couverts en complémentaire santé collective par un accord de branche (15 % des salariés). D'après nos projections, ils devraient représenter 19 % des salariés en 2018, en partant de l'hypothèse que la nouvelle clause de recommandation aura un faible impact : dans le passé, en effet, les clauses de recommandation permettaient des taux de pénétration de l'ordre de 15 %.

LES CLAUSES dE dÉSIgNATION EN COURS…Les clauses de désignation, en vigueur avant l'abrogation de l'article L 912-1 du code de la sécurité sociale par le conseil constitutionnel, continuent de produire leurs effets. Malgré l'insécurité juridique engendrée par des positions divergentes entre le Conseil Constitutionnel et le Conseil d'État sur l'application du principe de non rétroactivité (rappelons que pour l'un, le contrat se situe au niveau de l'entreprise adhérente - qui peut donc le résilier au 31 décembre de chaque année ; pour l'autre, le contrat est un régime qui se situe au niveau de la branche – l'adhésion d'une entreprise ne pouvant être résiliée qu'à la date anniversaire de l'accord de branche qui est présumé durer 5 ans à compter de la date d'extension en l'absence de date anniversaire explicitement mentionnée dans l'accord). La jurisprudence des tribunaux de grande instance et des cours d'appel semble aller plutôt dans le sens du Conseil d'Etat.

Bien entendu les organismes d'assurance désignés s'appuient sur l'avis du Conseil d'État pour poursuivre leur activité au niveau des branches concernées et continuent de démarcher les entreprises qui n'ont pas encore adhéré au régime de la branche. Par contre, ces organismes désignés semblent chercher à éviter, aujourd'hui, tout risque de

contentieux et n'assignent plus les entreprises qui refusent l'adhésion au régime de branche.

Le risque d'une jurisprudence contraire à leurs intérêts n'est, en effet, pas improbable. Certains accords de branches comportent des points de faiblesse qui sont de deux ordres :

• La transparence de l'appel à la concurrence lors du choix de l'organisme désigné (TGI Aurillac et Cour d'Appel de Toulouse). Le non-respect d'une procédure permettant la concurrence peut rendre caduque l'obligation d'adhésion d'une entreprise. À cet égard, la question préjudicielle (sur la transparence de la procédure d'appel la concurrence) posée par le Conseil d'État à la Cour de Justice de l'Union Européenne peut être très lourde de conséquences.

• La mise en œuvre dans le cadre de l'accord de branche d'un "haut degré de solidarité", au-delà de la seule mutualisation solidaire des risques qui aux yeux de la CJUE peut justifier une dérogation au principe de la libre concurrence. Tous les accords ne comportent pas aujourd'hui un tel dispositif. Même si actuellement la quasi-totalité des branches y travaille.

Les accords en vigueur (au nombre de 64 environ) continuent donc de se développer.

AvENIR dES CLAUSES dE RECOmmANdATION ?Le faible taux de captation des entreprises des accords de branche ayant opté dans le passé pour une clause de recommandation, pourrait être remis en cause par les nouveaux dispositifs

que les branches sont en train de monter dans le cadre de nouveaux accords ou pour assurer la continuité des clauses de désignation.

Quelques exemples identifiés (pages suivantes) :

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1) Accord de branche IRP Auto (accord étendu) :Cet accord a été conclu après l'abrogation de la clause de désignation et avant la mise en place de la nouvelle clause de recommandation. L'IRP Auto est une Institution de Prévoyance professionnelle créée par les partenaires sociaux de la branche et exclusivement réservée aux entreprises et aux salariés de la branche et agréée comme telle par l'autorité de contrôle. Elle constitue, en outre, par la volonté de ses partenaires sociaux, un guichet unique permettant à la fois de gérer les retraites complémentaires AGIRC et ARRCO et la prévoyance (clause de désignation).

Cet accord met en place un dispositif de couverture complémentaire santé obligatoire pour l'ensemble des salariés de la branche. Il affirme le principe de liberté de choix de l'assureur au niveau de l'assureur (en reprenant l'argumentation du Conseil Constitutionnel). Mais donne mandat et pouvoir à l'IRP Auto :• de contrôler le respect de l'accord auprès

des entreprises de la branche quel que soit l'assureur retenu ;

• de collecter auprès de l'ensemble des entreprises de la branche les contributions prévues pour assurer un "haut degré de solidarité" (le IV de l'article L 912-1 a prévu ensuite que ce financement et cette gestion pouvaient s'effectuer de façon mutualisée) ;

• de gérer ce seul contrat mutualisé référencé par la branche avec l'obligation, pour l'IRP Auto, d'y accueillir et d'y conserver toutes les entreprises sans sélection préalable ou possibilité d'exclusion ;

• de garantir un tarif unique pour ce contrat mutualisé assurant le haut degré de solidarité, mais qui peut faire l'objet, chaque année, d'un taux d'appel supérieur ou inférieur à 100 %, piloté avec la commission paritaire en fonction des résultats constatés.

Pour cette branche constituée majoritairement par des petites et moyennes entreprises (garages), l'ensemble de ce dispositif pourrait renforcer sensiblement la mutualisation, la majeure partie des entreprises ayant probablement intérêt – par simplicité – à confier à l’IRP Auto la complémentaire santé en même temps que le contrat mutualisé. Ce dispositif pourrait servir de modèle en particulier pour les Institutions professionnelles.

2) Accord de branche concernant les entreprises d'emplois temporaires :

Il s'agissait, dans ce cas, de renouveler un accord de prévoyance et de complémentaire santé ayant fait l'objet d'une désignation de Réunica. La totalité des entreprises concernées, eu égard aux spécificités de ce régime, du dispositif de gestion qu'il nécessite et de l'action sociale associée, n'ont pas estimé utile de lancer une procédure de recommandation et ont purement et simplement reconduit le dispositif existant. Bien sûr, chaque entreprise est libre de maintenir ou non son adhésion, mais nul n'a songé à quitter le dispositif.

Il convient de souligner, par ailleurs, que ce régime dispose d'un niveau important de provisions d'égalisation permettant un pilotage du régime sur le moyen et long terme.

La question des réserves et des provisions d'égalisation constituées risque de peser très lourd dans les décisions de renouvellement des accords de branches post-désignation.

En effet, que faire de ces réserves dont la gestion a été confiée à l'organisme désigné ? Antérieurement, lorsqu'une branche changeait d'assureur avec une nouvelle désignation, l'intégralité de ces réserves lui était généralement transférée, au motif que les réserves appartenaient à la branche et à travers elle à l'ensemble des entreprises et des salariés. Or, il faut savoir qu'une branche n'est pas une personne morale et ne dispose donc pas de la personnalité juridique. Ce qui pose la question de savoir qui est réellement propriétaire de ces réserves : l'assureur désigné ? Les syndicats signataires de l'accord de branche ? Chacune des entreprises de la branche au prorata de leur importance ? Que faire, dans ces conditions, en cas de recommandation suite à une désignation ? Le problème clairement posé est la transférabilité entre assureurs compte tenu de l'écart entre le périmètre mutualisé dans la désignation et le périmètre plus réduit et changeant de la recommandation. Dans ce contexte, tout milite pour le maintien de l'organisme antérieurement désigné, avec ou sans "recommandation".

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3) d'autres branches sont en train de vouloir tester d'autres dispositifs :

• La poursuite, pure et simple, des dispositifs avec désignations qui ne comportent aucune date de renouvellement (c'est le cas, en particulier, des régimes mis en place par des caisses professionnelles).

• La pratique de désignations sans demande

d'extension : dans cette hypothèse, l'adhésion n'est obligatoire que pour les entreprises adhérentes aux syndicats patronaux signataires de l'accord.

• La mise en place d'un dispositif de "co-désignations", que le Conseil Constitutionnel semble avoir validé dans les attendus de ses deux décisions.

LE CAS dE L’AbANdON dES NÉgOCIATIONSLa situation actuelle peut aussi décourager un certain nombre de branches et les amener à renoncer à négocier, en laissant le soin aux entreprises de mettre en place les dispositifs de leur choix.

C'est aujourd'hui le cas de la branche de la métallurgie, constituée, il est vrai, principalement de grandes entreprises qui ont déjà mis en place, de longue date, des contrats complémentaires santé, ce qui n'empêcherait pas la branche de labelliser des contrats.

CONCLUSIONA ce stade, l'insécurité juridique rend contestable et attaquable l'ensemble des nouvelles pratiques qui sont en train de se dessiner... De toute évidence aujourd'hui, les pouvoirs publics ont renoncé dans l'immédiat à légiférer à nouveau sur ces questions (le PLFSS 2015 ne comporte, en la matière, aucune nouvelle mesure) et ont décidé de laisser le soin, à la jurisprudence, de trancher l'ensemble de ces questions : faut-il donc s'attendre à une énorme et interminable bataille judiciaire ? La création, auprès de Marisol Touraine, d'une commission ad hoc présidée par une personnalité qualifiée qui laisse du temps au temps semble corroborer cette hypothèse.

Cependant, certaines initiatives pourraient néanmoins accélérer le processus de clarification de la situation :

• Le recours de l'UPA devant la cour européenne des droits de l'homme. Et le recours "en manquement" contre l'Etat Français actuellement en cours d'initialisation par certains syndicats. Ces deux recours se fondent sur le même motif : le non-respect du droit des partenaires sociaux à conclure des accords et à les mettre en œuvre... qui est, à la fois, un droit constitutionnel français et un droit consacré dans les traités européens.

• La demande auprès du MEDEF de la CGT-FO de réintroduire la clause de désignation (sous un système de co-désignation compatible avec les décisions du Conseil Constitutionnel) pour la prévoyance dans le cadre des négociations interprofessionnelles actuellement en cours.

Au total le chapitre des "clauses de désignation" est loin d'être refermé et la bataille s'annonce rude.

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