commentaire et herméneutique

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Commentaire et Hermeneutique 1 Yvon Lafrance Marie-Odile Goulet, directrice de l'Institut des traditions textuelles de Paris nous presente dans cet ouvrage un ensemble d'etudes savantes sur la pratique du commentaire de l'Antiquite ä la Renaissance, dans le monde occidental aussi bien que dans le monde oriental. Sous sa signature, 1'Avant-Propos souligne le role important joue par la pratique du com- mentaire en histoire de la philosophic, des religions et des sciences, et presente brievement chacune de ces etudes (1-12). L'ouvrage est divise en trois grandes parties. La premiere partie est consacree au support materiel du commentaire dans l'Antiquite clas- sique (13-52: T. Dorandi, H. Maehler, I. Andorlini), dans le Monde byzantin (53-98: G. Cavallo, M. Maniaci, L. Vianes, J.-H. Sautel) et au Moyen Age latin (99-166: L. Holtz, L. Dovoti, P. Busonero, S. Marchitelli, A. Tomiello, C. Bozzolo). La deuxieme partie de l'ouvrage traite des commentaires bibliques (169-230: G. Dorival, L. Perrone, W. Geerlings, G. Dahan), et est suivie d'une table ronde presidee par A. Le Boulluec sur les commentaires de Genese 2,24 « deux en une seule chair », dans la tradition chretienne grecque et dans la tradition juive (231-69: A. Le Boulluec, G. Madec, J.-C. Attias, C. Mopsik). La troisieme partie aborde les commentaires scientifiques et philosophiques (271-434: J. Jouanna, R. Sorabji, C. Luna, C. D'Ancona, L. Brisson, Ph. Hoffmann, C. Dalimier, H. Hugonnard-Roche, J. Jolivet, J.-L. Solere, M. Hulin). Elle est suivie d'une table ronde presidee par Sylvain Matton sur les commentaires al- 1 Compte rendu du hvre M.- O. Goulet-Caze, et alia, dir., Le Commentaire. Entre tradition et innovation. Actes du colloque international de l'Institut des traditions textuelles (Paris et Villejuif, 22-25 septembre 1999). Paris: J. Vrin 2000. 583p. US$40.88: "45.00. ISBN 2-7116-1445-X. APEIRON a journal for ancient philosophy and science 0003-6390/2001/3404 349-360 $6.00 ©Academic Printing & Publishing Brought to you by | Washington University in St. L Authenticated | 128.252.67.66 Download Date | 10/5/13 10:06 PM

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Page 1: Commentaire et Herméneutique

Commentaire et Hermeneutique1

Yvon Lafrance

Marie-Odile Goulet, directrice de l'Institut des traditions textuelles de Parisnous presente dans cet ouvrage un ensemble d'etudes savantes sur lapratique du commentaire de l'Antiquite ä la Renaissance, dans le mondeoccidental aussi bien que dans le monde oriental. Sous sa signature,1'Avant-Propos souligne le role important joue par la pratique du com-mentaire en histoire de la philosophic, des religions et des sciences, etpresente brievement chacune de ces etudes (1-12).

L'ouvrage est divise en trois grandes parties. La premiere partie estconsacree au support materiel du commentaire dans l'Antiquite clas-sique (13-52: T. Dorandi, H. Maehler, I. Andorlini), dans le Mondebyzantin (53-98: G. Cavallo, M. Maniaci, L. Vianes, J.-H. Sautel) et auMoyen Age latin (99-166: L. Holtz, L. Dovoti, P. Busonero, S. Marchitelli,A. Tomiello, C. Bozzolo). La deuxieme partie de l'ouvrage traite descommentaires bibliques (169-230: G. Dorival, L. Perrone, W. Geerlings,G. Dahan), et est suivie d'une table ronde presidee par A. Le Boulluecsur les commentaires de Genese 2,24 « deux en une seule chair », dans latradition chretienne grecque et dans la tradition juive (231-69: A. LeBoulluec, G. Madec, J.-C. Attias, C. Mopsik). La troisieme partie abordeles commentaires scientifiques et philosophiques (271-434: J. Jouanna, R.Sorabji, C. Luna, C. D'Ancona, L. Brisson, Ph. Hoffmann, C. Dalimier, H.Hugonnard-Roche, J. Jolivet, J.-L. Solere, M. Hulin). Elle est suivie d'unetable ronde presidee par Sylvain Matton sur les commentaires al-

1 Compte rendu du hvre M.- O. Goulet-Caze, et alia, dir., Le Commentaire. Entretradition et innovation. Actes du colloque international de l'Institut des traditionstextuelles (Paris et Villejuif, 22-25 septembre 1999). Paris: J. Vrin 2000. 583p.US$40.88: "45.00. ISBN 2-7116-1445-X.

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chimiques (435-90: S. Matton, C. Viano, A. Calvet, D. Kahn, J.-M. Man-dosio) et d'une seconde table ronde presidee par Regis Morelon sur lesconunentaires en histoire des sciences (astronomic, mathematiques et«physique») (491-519: R. Morelon, T. Levy, A. Hasnawi). L'ouvragepresente plusieurs tables qui le rendent d'acces facile la consultation:une table des papyri cites (523), des manuscrits cites (524-6), un indexlocorum tres minutieusement detaille sur les auteurs, les oeuvres et lespassages d'oeuvres citees (527-45), et un index nominum (547-55). L'ou-vrage se termine par une presentation des auteurs en un paragraphsd'une quinzaine de lignes pour chacun (557-63), d'un resume en anglaisde toutes les etudes (565-77), de la table des matieres (581-3), suivie de23 planches photographiques de manuscrits utilises au cours de cesetudes. Le travail editorial de Marie-Odile Goulet-Caze realise avec lacollaboration de T. Dorandi, R. Goulet, H. Hugonnard-Roche, A. LeBoulluec et E. Omato est tout fait remarquable dans son intention depresenter au lecteur un ouvrage unifie bien que compose d'etudesdiverses et riches en connaissances precises sur toute la tradition ducommentaire.

Nous suivrons ici cette intention editoriale en essayant de mettre laportee du lecteur les points les plus saillants de ces etudes et en soulig-nant quelques problemes d'hermeneutique. Et pour ce faire nous trait-ons chaque partie de l'ouvrage comme une unite thematique sans nousattarder outre mesure aux particularites de chacune de ces etudes.

1 Le support materiel du commentaire

La premiere partie de cet ouvrage sur le support materiel du commen-taire (13-166) pourrait etre considered comme une petite histoire desorigines du livre durant cette periode qui precede l'invention de 1'im-primerie au XVe siecle. Les commentaires nous ont ete transmis sur desrouleaux de papyrus jusqu'au IIe - IIP siecles de notre ere, et ensuite surdes codex de papyrus jusqu'au VT - VIIe siecle, puis sur des codex deparchemin qui remp^a le papyrus partir du FVe siecle. Le plus anciencommentaire connu est celui de Theagene de Rhegium sur Homere etqui date du VIe siecle av. J.-C. Ce genre litteraire allait traverser toutel'Antiquite, le Moyen ge jusqu' la Renaissance.

Dans la tradition papyrologique on note la difficulte d'identifier unpapyrus un commentaire au sens alexandrin du terme (υπόμνημα) etΓόη nous propose de retenir les six criteres d' Edgar Lobel (18) dont leprincipal est la presence de lemmes qui est indispensable la com-Brought to you by | Washington University in St. Louis

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prehension du texte. Ainsi les deux papyri sur le Phedon: le PHeid. G inv.28 et le PGraecMon. 21, qui sont une paraphrase sommaire de Phedon,92-94 et de Phedon, 106b-e, ne seraient pas un hypomnema, mais unsuggramma ( ) parce qu'ils ne contiennent pas de lemmes,c'est-a-dire une reproduction exacte de passages du dialogue, maisseulement une paraphrase. Les papyri, qui appartenaient ä l'origine aumeme rouleau de papyrus, s'inspirent d'une oeuvre contemporaine deStraton qui contenait une critique du Phedon (20-1). On nous signale aussi1'importance de la papyrologie dans notre representation de 1'activitedes copistes et de la mise en page des manuscrits. Les scholies que nousrencontrons dans les manuscrits byzantins du Xe au XVe siecles provien-nent des hypomnemata alexandrins ä 1'epoque hellenistique qui etaienttout ä fait differents des manuscrits byzantins. On peut s'en faire uneidee ä partir du commentaire aux Acharniens d'Aristophane (POxy, 856,Hie s.) et d'un commentaire aux Pheniciennes d'Euripide (PWürzburg, Vies.). Les hypomnemata alexandrins etaient des rouleaux independants etsepares du texte de l'auteur, tandis que les scholies byzantines apparais-sent dans les marges du texte de 1'auteur sous une ecriture fine et pressee,comme on peut le constater dans le Venetus A de l'Iliade. Cette evolutionde Vhypomnema ä la scholia a pu se realiser grace ä deux facteurs: 1'adop-tion de 1'ecrirure minuscule au debut du IXe siecle et d'un Systemed'abreviahons qui permettait d'economiser de 1'espace puisque I'hypom-nema alexandrin ne pouvait pas etre transcrit dans sa totalite (32-5). Ladiversite des techniques editoriales de presentation du texte d'un auteur,du commentaire transmis en partie et des scholies dans les codices depapyrus de medecine de 1'Egypte entre le Hie et le Vile siecle est1'expression d'une pratique scolaire institutionnalisee et de niveau ap-preciable. Cette collection medicale d'Antinoupolis d'Egypte permetd'affirmer que le commentaire continu a toujours ete transmis en partiesoit sur le rouleau de papyrus, soit sur le codex de papyrus, soit sur lecodex de parchemin. Les scholies qui remplissaient les marges autourdu texte etaient soit des notes autonomes de professionnels, soit desparties d'un commentaire continu. La Strategie editoriale consiste äetablir une juste proportion ä l'interieur d'une page de manuscrit entrele texte de l'auteur qui occupe la place principale, et les parties decommentaire et de notes qui occupent les marges (40 et 44).

Les copistes byzantins ont adopte un ensemble de precedes qui per-mettent de juxtaposer sur une meme page le texte et le commentaire demaniere ä ce que le lecteur puisse distinguer facilement ces deux unites.Ces procedes sont appliques par une seule main: on se sert de la margepour le commentaire et de la page pour le texte, on utilise la majuscule etBrought to you by | Washington University in St. Louis

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la minuscule ainsi que I'ecriture formelle (καλλιγραφείν) et l'ecritureinformelle (ταχυγραφείν) pour bien differencier le texte du commentaire(62-3). On trouve de beaux exemples de strategies de juxtaposition dutexte et du commentaire dans deux manuscrits sur Ylliade d'Homereconserves la Bibliotheque de Venise: le Marcianus 454 (Xe s.) et leMarcianus 453 (XI6) (65-78). Dans les manuscrits byzantins de chaines, endisposition encadrante ou en disposition altemante entre texte et com-mentaire, les copistes developperont tout un Systeme de renvoi parsignes conventionnels, ou par lettres ou par chiffres. Ils developperontaussi un Systeme de reglure pour les pages comme on peut le constaterdans les manuscrits de chaines d'Ezechiel (79-88), et dans deuxmanuscrits grecs chaines exegetiques du fonds Coislin de la Bib-liotheque nationale de France: les Coislins 28 (Xe s.) et 29 (XIF s.) (89-98).

Les copistes du Moyen Age latin allaient heriter de ces techniques etprocedures editoriales. Mais ils allaient aussi les renover sous troisaspects importants. Les copistes du Haut-Moyen ge s'etaient efforcesde rapprocher le commentaire lemmes du commentaire marginalcomme on peut le constater dans la manuscrit de Zurich (Ms. Zurich,Staatsarchiv. AG 19 No. 12) (VIIIe - IXe) ou chaque page est divisee en troiscolonnes avec au centre le texte d'Ezechiel et le commentaire dans lescolonnes laterales (Planche 15). Ce commentaire est une homelie deGregoire le Grand mis en rapport avec le texte de la Bible. Pour harmo-niser le texte et le commentaire on se sert de la reglure: une ligne du texted'Ezechiel correspond deux lignes du commentaire de Gregoire. Onvoit dej dans ce precede le debut d'une reorganisation de la structurede la page. la fin de l'epoque carolingienne une evolution se produitdans la strategic de juxtaposition du texte et du commentaire. Jusqu'cette epoque la mise en page se faisait en function du texte, mais partirdu Xe siecle, c'est le commentaire qui decide de la mise en page. Lepremier temoin de cette nouvelle mise en page est le Ms. Paris, latin.16236 (un peu anterieur l'An mil) qui contient le corpus Virgilien aucomplet et le commentaire de Servius in extenso. Le texte de Virgile esttant t sur une colonne, tant t sur deux colonnes et il lui arrive aussid'etre completement encadre par le commentaire. Tout se passe commesi le copiste avait d'abord copie le commentaire et ajuste les vers deVirgile raison de 28 vers par page. Quand le texte de Virgile fait moinsque 28 vers pour correspondre au commentaire, alors c'est le commen-taire qui prend toute la place dans la page. En cas de distorsion dans lalongueur des deux textes, le copiste laisse les espaces en blanc.

La Glosa ordinaria du texte de la Bible dont 1'inventeur est Anselme deLaon (1050-1117) marque un autre aspect de nouveaute dans la mise enBrought to you by | Washington University in St. Louis

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page. A la place de gloses marginales et interlineaires rassemblees pardivers lecteurs, pour chaque livre de I'Ecriture, on ne retient qu'un seulauteur qui poursuit un objectif precis et qui cree de nouvelles syntheses.Get auteur reste anonyme. Le commentaire demeure toujours en marge,mais il presente une plus grand unite et est concu pour rester dans1'espace ou il a ete cree. On a un exemple de la Glosa ordinaria dans lemanuscrit de Laon BM 74, (Planche 20), copie ä Laon au siecle, quicontient le texte de Matthieu et la Glosa ordinaria avec des addihons etdes corrections de la main meme d'Anselme. Le manuscrit est copie surtrois colonnes: sur la colonne du centre, Anselme a dispose le texte deMatthieu par lemmes, et dans les colonnes laterales il a mis le commen-taire. Les espaces blancs montrent bien que c'est le commentaire quicommande la disposition de la page.

Un troisieme aspect de 1'evolution de la mise en page de la Glosaordinaria se produit dans les ateliers parisiens: la place du texte et ducommentaire n'est plus fixee d'avance, mais devient interchangeableselon la longueur respective des deux elements. La place de l'un et l'autreelement peut varier ä chaque page, mais nulle confusion n'est possiblepuisque Tun et l'autre element se trouve bien identifie par le contrastedes ecritures et par 1'espacement interlineaire. On a un exemple de cenouveau precede de mise en page dans le manuscrit ä six colonnes dutexte de Jeremie (Ms. 72 de Rouen: Planche 21). Certaines disciplinesimportantes, comme la philosophie et la theOlogie, n'adopteront pas lamise en page mixte du texte et du commentaire (ä l'exception desSentences de Pierre Lombard), mais s'en tiendront au commentaire älemmes qui, de toute 3 , survit au livre mixte (109-15). La Glosaordinaria eut un grand succes comme on peut le voir dans les manuscritscontenant le codex de Justinien et la glose d'Accursius (XIIe-XFVe ss.)(121-5), dans les manuscrits de Seneque le tragique oü le commentairede Nicholas Trevet compose entre 1307 et 1317 prend plus d'importanceque le texte de Seneque (127-45). Sur la production medievale demanuscrits, limitee cependant ä l'aire rhenane et ä l'aire fra^aise, onretiendra quelques donnees statistiques interessantes. Sur 972manuscrits repertories dans l'aire rhenane et 1444 dans l'aire fra^aise,21% sont des manuscrits avec commentaires dans l'aire rhenane et 20%dans l'aire frangaise. Les manuscrits religieux dominent ä 73% dans l'airerhenane et ä 60% dans l'aire fra^aise, les manuscrits sur la Bible occu-pent 45% de l'aire rhenane et 22% de l'aire frar^aise, la langue latinedomine ä 91% dans l'aire rhenane et ä 77% dans l'aire frangaise (156-66).

Dans la deuxieme partie de cet ouvrage nous passons des problemeseditoriaux de mise en page dans la tradition manuscrite papyrologiqueBrought to you by | Washington University in St. Louis

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et codicologique aux commentaires eux-memes, en commengant par lescommentaires bibliques (167-269). Tous ceux qui s'interessent auxproblemes d'hermeneutique contemporaine trouveront matiere ä reflex-ion dans cette section de l'ouvrage oü les etudes mettent l'accent sur lessimilitudes de principes hermeneutiques dans l'exegese juive etl'exegese chretienne, sur l'origine et la structure des commentaireschretiens et sur l'exegese medievale de la Bible qui cherche ä degager lesdeux sens fondamentaux du texte biblique: le sens litteral et le sensspirituel.

2 Les commentaires bibliques

II existe sans doute de grandes differences entre l'exegese chretienne etl'exegese rabbinique, ne serait-ce que sur ce point precis: pour l'exegesechretienne la clef de la Bible est la personne de Jesus, ce qui est tout ä faitunacceptable pour l'exegese rabbinique pour laquelle le Messie du Nou-veau Testament est toujours ä venir. Mais on souligne plusieurs indicesqui permettent d'attenuer ces differences: les caracteristiques propre-ment juives de la premiere exegese chretienne, la recuperation par latradition patristique de deux grands exegetes juifs de langue grecque,Philon d'Alexandrie et Flavius Josephe, et le rattachement ä l'ecole del'hellenisme des deux traditions d'exegese (169-170). Le cri du v.2a duPsaume 21 (22) « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonne ?» est rapporte, dans l'exegese rabbinique, ä Esther, au moment oüAssuerus vient de decider le massacre de tous les juifs, tandis qu'il estrapporte ä Jesus sur la croix dans l'exegese chretienne. Mais au-delä decette difference de contenu, l'analyse du commentaire juif et chretien duPsaume 21 (22) revele une grande similitude dans les principes et lesmethodes d'interpretation. Le principe hermeneutique fondamental estidentique: « La Bible explique la Bible » et«II f aut expliquer la Torah parla Torah », un principe adopte par les interpretes alexandrins: « II fauteclairer Homere par Homere ». De ce principe fondamental decoule troisregies d'exegese: 1. La regle de la totalite selon laquelle la Bible ou laTorah forme un tout coherent dans lequel tous les elements se placentdans une continuite logique, 2. La regie prosopologique selon laquellele texte religieux est considere comme une scene de theatre qui comportedes personnages: la personne de Jesus ou la personne d'Esther dans lePsaume 21 (22), 3. La regle de l'hysteron proteron selon laquelle 1'ordrereel des versets d'un texte qui donne la veritable explication est äl'inverse de 1'ordre apparent ou encore que le posterieur explique 1'an-Brought to you by | Washington University in St. Louis

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terieur (170-5). Dans les deux traditions on reconnait egalement le sensobvie et le sens cache du texte religieux, une distinction qui remonte äTheagene de Rhegium (VIe s. av. J.-C.) et qui permettait au commentateurgrec de sauver Homere des accusations d'impiete et d'immoralite. Onretrouve ainsi dans les deux traditions d'exegese la pratique de 1'exegeseallegorique (psychologique, morale, physique, physiologique, histori-que, cosmologique) qui permet de reveler le sens cache du texte religieux(175-80). Les lecteurs Interesses ä cette comparaison entre 1'exegese juiveet 1'exegese chrerienne trouveront tout leur plaisir ä lire les etudes de latable ronde sur un passage precis: la Genese 2,24. Ces etudes mettent bienen relief les points communs et les differences entre ces deux typesd'exegese sur un verset precis « les deux en une seule chair » (231-69).

L'origine du commentaire biblique chretien est liee ä la canonisationdes Ecritures et le genre litteraire fut cree entre 180 et 250 avec lescommentaires d'Origene sur I'Evangile de saint Jean et sur celle de saintMatthieu (184-97). Le tout premier commentaire chretien du gnostiqueHeracleon sur l'Evangile de saint Jean qui date du debut du IF siecle nenous est connu que par des citations d'Origene. Le plus ancien qui nousa ete transmis est le commentaire d'Hippolyte du livre de Daniel ecrit enlangue grecque en 204 (199). Dans la tradition latine nous possedons 170commentaires de la Bible dont certains sous forme de fragments seule-ment (201). On distingue dans ce vaste ensemble environ un tiers decommentaires preches qui ont ete transcrits par la suite, et le reste estcompose de commentaires ecrits. L'exegese chretienne fonctionne de lameme maniere que 1'exegese pa'ienne. La structure du commentaire,comme on peut le constater dans les Enarrationes in psalmos d'Augustinest la meme que celle des cours de grammaire. La structure comprendles elements suivants: 1. La lectio: eile porte sur la division ambigue desmots et sur la structure de la phrase, 2. L'emendatio: eile porte sur lesvariantes du texte rencontrees dans les manuscrits de la Bible et surcertaines traductions inadequates, 3. Uexplanatio: eile cherche ä clarifierle langage (verba) et le contenu du texte, ä savoir les choses (res) dont iltraite, 4. Lejudicium qui porte un jugement du commentateur sur le texte.Ce dernier element est absent du commentaire d'Augustin sur lesPsaumes aussi bien d'ailleurs que le prologue qui se trouve dans laplupart des interpretations patristiques des psaumes, un element parailleurs emprunte aux neoplatoniciens et dont la fonction etait de dormerle skopos du commentaire (201-6).

Le passage du sens obvie au sens cache, du sens litteral au sensspirituel de la Bible engage toute une hermeneutique qui impregne lecommentaire chretien de la Bible au Moyen Age. On doit d'abord partirBrought to you by | Washington University in St. Louis

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d'un principe hermeneutique fondamental: le caractere revele du textecommente. La Bible est consideree par les medievaux comme ayant deuxauteurs: un auctor principalis qui est la Parole divine qui transcende letemps, et un auctor ministralis qui recueille cette Parole et la transmet enlangage humain aux hommes croyants qui en sont les recepteurs. Lamission de l'exegete consiste ä remonter de l'expression humaine dumessage divin donnee par Yauctor ministralis ä l'intentio auctoris princi-palis. On comprend des lors pourquoi 1'opposition entre le sens obvie etle sens cache, le sens litteral et le sens spirituel, entre la lettre et l'espritest constitutive de I'hermeneutique chretienne. Cette opposition seretrouve dans la celebre distinction de Gilbert de la Porree entre lesrecitatores qui se limitent ä la paraphrase tres proche du texte, et lesinterpetes auxquels il assigne une triple demarche: l'analyse du langagedu texte, la transposition du contenu culturel dans le contexte de säpropre culture, et la capacite de faire entrer les situations particulieresdans un cadre general. Ces principes hermeneutiques vont progressive-ment separer l'exegese biblique de la theologie proprement dite et cetterupture sera consommee au XIIP siecle (213-16).

Le commentaire biblique sera ainsi constirue de deux formes essen-tielles: la glose et le sur-recit. La glose comprend le travail du recitator etcelui de l'interpres. En effet, la glose est une explication du contenu et desmots. Trois types de gloses sont constitutives du commentaire medieval:la glose paraphrastique qui correspond au travail du recitator qui s'atta-che ä la littera au sens strict, la glose explicative qui cherche le sensus dutexte, et la glose questionnante qui s'attaque aux difficultes du texte etexplicite son contenu religieux. Nous obtenons ainsi les trois niveaux del'exegese litterale au sens large du terme. Avec le sur-recit nous passonsdu sens litteral au sens spirituel du texte biblique. Ä partir du derniertiers du XIIe siecle, les commentateurs separent la glose et le sur-recitauquel Us donnent des indicateurs tels que mystice, moraliter, allegorice,etc. La demarche fondamentale du sur-recit est celle de 1'allegorie definiepar Donat (Ars grammatica, II, 16, ed. H. Keil) « le trope par lequel estsignifie autre chose que ce qui est dit»(218). La part accordee au sur-recittentera ä diminuer dans la seconde moitie du XHIe siecle. Dans la Quaestio6 du Quodlibet VII, saint Thomas d'Aquin insiste pour que le sensspirituel soit fonde sur le sens litteral et qu'il ne contredise pas le senslitteral d'un autre passage de la Bible. Le «saut hermeneutique» du senslitteral au sens spirituel ne peut pas se faire de n'importe quelle fagon.On distingue trois enclencheurs du passage de la lettre ä l'esprit: 1.L'interpretatio nominum qui consiste en la traduction d'un nom la plupartdu temps sous sa forme hebra'ique, tels que « Abraham, c'est-a-dire pereBrought to you by | Washington University in St. Louis

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qui voit le peuple », ou encore, « Ismael, c'est-ä-dire qui obeit ä soi », 2.La concordantia verbale ou thematique qui consiste ä eclairer un versetpar un autre verset ou un passage par un autre passage selon le principehermeneutique fondamental que la Bible constitue un tout coherent etdone que chaque partie peut eclairer une autre partie, 3. La significationdes res ou realites donnees dans 1'Ecriture: les res primae (objets naturels,artificiels, animaux, nombres, etc.) qui renvoient ä des realites secondes(res secundae). Le presuppose de ce dernier enclencheur est la correspon-dance entre le monde considere comme livre et la Bible considereecomme speculum du monde (214-27). Par ou voit qu'un exegetemedieval accepterait difficilement certaines theses de l'hermeneutiquecontemporaine selon lesquelles un texte n'a pas d'auteur, que Yintentioauctoris principalis est inaccessible, ou encore qu'un texte n'a pas de sensoriginaire, mais seulement les sens actuels que peuvent lui dormer seslecteurs ä chaque epoque (cf. E.D. Hirsch, Validity in interpretation [NewHaven, CT: Yale University Press 1969], 1-23).

Des commentaires bibliques nous passons ensuite, dans la troisiemepartie de 1'ouvrage, aux commentaires philosophiques et scientifiques.Certains traits specifiques distinguent ces commentaires des commen-taires bibliques et religieux.

3 Les commentaires philosophiques et scientifiques

Si la science theologique a evolue en separation avec 1'exegese biblique,il en va tout autrement pour la philosophie qui a trouve son lieu dedeveloppement ä l'interieur meme du commentaire selon la these bienconnue de P. Hadot, rappelee dans cet ouvrage (356), et selon laquelletoute la philosophie a ete con ue du We siecle av. J.-C. jusqu'au XVT sieclecomme une exegese de textes philosophiques qui faisaient autorite, enparticulier, les textes d'Aristote et de Platon (voir entre autres « Philoso-phie, exegese et contresens », maintenant dans ses ttudes de philosophieancienne [Paris 1998], 3-11). De cette these apparemment acceptee dans lemonde savant, on peut en deduire une analogie entre le commentairebiblique et le commentaire philosophique: dans les deux cas, le commen-tateur se trouve en face d'un texte qui exprime la Verite, dans un cas, laverite revelee dans la Parole divine, et dans 1'autre cas, la verite philoso-phique definitive exprimee dans les textes d'Aristote et de Platon que lesneoplatoniciens lisaient en adoptant le principe hermeneutique de l'har-monie des philosophies grecques. Ce rapport ä la verite va bien au-delä de laverite philosophique dans le commentaire philosophique arabe et indien.Brought to you by | Washington University in St. Louis

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On remarque, en effet, que le commentaire philosophique arabe appar-tient ä la meme sphere spirituelle que le commentaire coranique, lapremiere etant une structure speciale tandis que la seconde en est unestructure fonda trice (397-8). Meme apres avoir 1'heritage grec au IXe

siecle, avoir traduit de nombreux commentaires grecs des oeuvresd'Aristote (Alexandre d'Aphrodise, Porphyre, Jamblique, Ammonius,Themistius, Jean Philopon, ßtienne Alexandre, Galien, Theophraste,Simplicius, Syrianus), et avoir produit leurs propres commentaires desoeuvres d'Aristote (Al-Kindi, Al-Razi, Abu Yahya al-Marwazi, Al-Farabi), les commentateurs arabes revelent dans leur pratique du com-mentaire philosophique qu'ils se meuvent encore dans la spherespirituelle du Coran lequel, selon Al-Kindi, contient toute la verite de laphilosophie (397-400). Meme la position contraire adoptee par Al-Farabi,et selon laquelle la « religion suit la philosophie », se meut dans la spherespirituelle du Coran puisque ce dernier est considere comme « le vete-ment religieux d'une structure intellectuelle » (403). Dans la litteraturephilosophique de l'Inde ancienne qui n'a pas connu la separation precocedu logos et du mythos et qui est constituee entre 80% et 95% de commen-taires sur les 300 oeuvres representatives dejä repertoriees (425), c'est laParole divine du Veda et ses successeurs: les Upanisad (vers le VIIIe av.J.-C.), le genre du Sütra (-200 ä 400 env.), celui des Brahmasütra (IIP s. env.),le texte fondateur de l'ecole du Vedänta non-dualiste, qui contiennent laverite sur toutes choses, de sorte que la plus grande partie de cettelitterature philosophique de l'Inde est constituee par des commentairesd'un texte qui prend sa source dans une Revelation originaire et dont ilfaut saisir le sens pour acceder ä la Verite (425-34).

Pour revenir en Occident, ä l'epoque du commentarisme de l'Anti-quite tardive ( - VIe siecles), on n'est pas surpris d'apprendre qu'ilpouvait exister des commentaires philosophiques qui conciliaient letexte philosophique et le texte religieux, la verite philosophique et laverite religieuse, de sorte que la pratique du commentaire devenait uneveritable priere destinee ä assurer le salut de l'äme, c'est-ä-dire faciliterl'acces de Tame au divin. C'est le cas du Commentaire sur le Timee de Platande Proclus (Ve s. apr. J.-C.) dans lequel Proclus utilise les OraclesChaldaiques, un ouvrage du IF siecle apr. J.-C. qui contenait des revela-tions obtenues par Julien le Theurge et que les neoplatoniciens de l'Ecoled'Athenes consideraient avec les Rhapsodies Orphiques, comme 1'expres-sion de leur spiritualite religieuse (329-53). Par ou Ton voit que lepresuppose hermeneutique selon lequel le texte commente contient laVerite ouvre facilement la porte ä des alliances pour le moins com-promettantes pour l'autonomie du discours philosophique.Brought to you by | Washington University in St. Louis

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Commentaire et Hermeneutique 359

I,e commentaire philosophique de 1'antiquite tardive et du MoyenAge latin n'est pas toujours impregne de cette alliance de religion et dephilosophic. Meme si on reconnait generalement l'autorite de Platon etd'Aristote, on se permet non seulement d'expliquer leurs positions, maisaussi de les critiquer et meme de commettre des contresens dans leurinterpretation, lesquels, pour suivre une observation bien connue de P.Hadot, permettent souvent ä la philosophie d'acceder ä de nouvellestheories et de se renouveler pour ainsi dire de I'interieur. Ce fut le casbien connu du Neoplatonisme qui se considerait comme tres fidele ä ladoctrine de Platon et qui pourtant transforma radicalement sametaphysique de I'lntelligible en metaphysique des Hypostases. Lesous-titre de cet ouvrage: Entre tradition et innovation exprime ä merveillecet aspect de la tradition philosophique du commentaire dans 1'Anti-quite tardive et au Moyen-Äge latin. Cet aspect critique dans la pratiquedu commentaire et cette presence de contresens apparaissent tres visi-bles dans les commentaires analyses: celui de Syrianus (Ve s.) ä laMetaphysique d'Aristote (301-27) qui arbitre un differend entre Platon etArisote ä parhr du entere de verite de Platon, de Simplicius (VT s.) auxCategories d'Aristote et de ses nombreux contresens dans son interpreta-tion du texte aristotelicien (355-76), du meme Simplicius au Traue du Cielet de son infidelite dans la re-formulation des raisonnements d'Aristote(377-86), d'Averroes au meme traite d'Aristote (387-95) qui critique latheorie aristotelicienne des attributs du corps circulaire chez Aristote(387-95). Voila autant d'exemples d'un rapport ä la verite dans la lectured'un texte qui debouche sur des infidelites au texte commente, sur descontresens et sur une critique qui privilegie la verite d'un texte sur celled'un autre texte ä partir de l'engagement philosophique du commen-tateur. Ainsi le rapport de tous ces commentateurs aux textes pla-toniciens ou aristoteliciens demeure dans ses grandes lignes un rapportintemporel et anhistorique. La verite philosophique comme la veritebiblique transcende le temps et l'espace.

Le developpement des sciences n'a pas ete aussi etroitement lie quela philosophie ä la tradition du commentaire. L'evolution des theoriesalchimiques depend autant de la manipulation et de la transformationdes substances que de l'exegese des premiers auteurs alchimiques pro-prement dits: Zosime de Panopolis, Pelagios, et Jamblique (FVe apr. J.-C.),et dont les principaux commentateurs furent Synesius (IVe s.), Olympio-dore (VIe s.) et Stephanus ( s.) (455). D'ailleurs, toute cette litteraturealchimique ne se limite pas au commentaire des auteurs alchimiques,mais envahit egalement les textes mythologiques, litteraires (475-80),bibliques (464-74), medicaux, philosophiques (481-90) jusqu'aux romansBrought to you by | Washington University in St. Louis

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de chevalerie medievaux, et se transforme souvent en oeuvre person-nelle (437-53). Les astronomes arabes qui ont traduit entre le IXe s. et leXIVe s. les deux grandes oeuvres de Ptolemee (He s.): l'Almageste et le Livredes Hypotheses ont moins commente ses theories que critique celles-cipour etablir leurs propres theories. Bien que toute la science arabe deI'astronomie se refere ä Ptolemee, on peut affirmer qu'U n'y a pas decommentaires arabes, au sens strict du terme, des ouvrages de Ptolemee(493-500). Une observation analogue peut etre faite en ce qui concemeles traductions et les recensions arabes des Elements d'Euclide qui ontjoue un röle seminal dans les traditions latines et hebra'iques. Lorsque letexte euclidien parvient ä la connaissance du monde arabe ä la fin duVlir s., il est dejä considere comme un texte canonique. Sur les 60 auteursrepertories par F. Sezgin entre le VIII6 et le XIXe siede, il est possible dedegager plusieurs genres litteraires qui ne correspondent pas necessaire-ment ä un commentaire au sens strict (501-8). Par oü voit querevolution des sciences est beaucoup moins liees au genre litteraire ducommentaire que ne l'a etc la philosophic.

En refermant cet ouvrage savant et d'une tres haute qualite scienri-fique, le lecteur pourrait peut-etre regretter l'absence d'une bibliog-raphie generale ä la fin de l'ouvrage, comme il sied toujours ä ce genrede travail. Qu'il se console. Chaque etude est pourvue de notes substan-tielles et de references bibliographiques en bas de pages capables desatisfaire les esprits les plus curieux et les appetits les plus voraces. Enbref, voilä un ouvrage passionnant dans son contenu, rigoureux dans sapresentation editoriale et qui donne amplement matiere ä reflexion äl'historien du livre, des religions, de la theologie, de la Bible, de laPhilosophie, des sciences, sans compter tout l'interet qu'il peut presenterä ceux qui s'occupent des problemes d'hermeneutique contemporaine.

Departement de PhilosophieUniversite d'Ottawa

Ottawa, ONKIN 6N5

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