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Comment devenir célèbre en

accumulant toutes les erreurs à la fois…

Benjamin, l’œuvre d’art, l’aura et la

technique 1 Antoine Hennion et Bruno Latour,

CSI, Ecole des Mines, Paris

Dans l’époque lointaine où nous croyions aux structures et au pouvoir, nous avions été fortement influencés par le fameux article de Walter Benjamin2.

L’enjeu, en ces temps reculés, était d’échapper au dédain dans lequel, malgré le matérialisme dont elles se glorifiaient tant, les traditions marxistes et critiques tenaient les dispositifs techniques. Jusque là, ils n’étaient considérés que comme de simples instruments, neutres, bons ou mauvais selon les intérêts qu’ils servaient.

Benjamin, et ses collègues de Francfort, apportaient un autre message. “La technique fait le pouvoir. Voyez les arts,” disaient-ils. Un simple changement dans les techniques de reproduction peut produire une incroyable transformation dans le contenu des œuvres elles-mêmes, et dans leur audience. Comme dans la parabole de l’Evangiile : la multiplication des pains fait subir à l’hostie aussi une

transsubstantiation. Le message était fort, et, de fait, il n’est pas passé inaperçu. En relisant l’article aujourd’hui, notre réaction est bien différente. Une fois

rendu l’hommage au précurseur, et reconnu ce que la critique présente faite à Benjamin doit à Benjamin lui-même, nous sommes au contraire surpris par le

nombre d’erreurs que l’article accumule allègrement, ou, pour le dire avec plus de mesure,, par sa profonde incompréhension de la plupart des phénomènes , modernes ou passés, qu’il analyse.

Sur un ton délibérément provocateur, à la mesure du culte qui lui est rendu, nous voulons suggérer que, loin d’être le revers un peu faible d’un texte puissant,

incapable d’empêcher ses nombreuses qualités de lui assurer un succès mérité, ces erreurs sont la cause principale de la fascination qu’il a exercée, et qu’il continue à exercer. En un collage que peu d’auteurs ont osé faire avec une telle ingénuité,

1 La version originale de cet article est parue dans Mapping Benjamin: The Work of

Art in the Digital Age, H.U. Gumbrecht, M. Marrinan eds, Stanford University Press,

1995. 2 Benjamin Walter, 1971, « L’œuvre d’art à l’ère de sa reproductibilité technique », in

L’Homme, le langage et la culture, Paris, Denoël-Gonthier, pp. 137-181 ; orig. 1936.

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tous les aspects de la vie moderne sont brièvement dépeints dans « L’œuvre d’art à l’âge de sa reproductibilité technique » : art, culture, architecture, science, technique, religion, économie, politique, et même la guerre et la psychanalyse. Et chaque fois, d’après nous, c’est pour se tromper de catégorie.

Une dichotomie à répétition organise toute l’argumentation : d’un côté, la

singularité, la contemplation, la concentration — et l’aura ; de l’autre, les masses, la distraction, l’immersion — et la perte de l’aura.

Mais le statut de cette « aura » est très ambivalent. Comme il est au cœur non seulement de la thèse de Benjamin, mais de la plupart des discours actuels sur la modernité et sur son passé, il mérite plus ample examen. Le recours à l’aura donne

à Benjamin un moyen très efficace d’avoir toujours raison. Quand il analyse le présent, l’aura devient une sorte de Paradis perdu, une référence négative par rapport à laquelle il décrit les effets nouveaux de la reproduction mécanique des œuvres et la nouvelle séduction des masses qui a remplacé l’ancienne beauté de l’art. Mais, quand il se penche sur le passé, la nostalgie pour l’aura se trouve à son

tour critiquée comme n’étant plus rien qu’une illusion, une relique, le résidu d’un culte sans valeur. Ainsi peut-il critiquer l’art moderne comme n’étant plus qu’une volonté bourgeoise réactionnaire de revenir à une conception élitiste qui a disparu de l’art. Les copies modernes standardisées de l’art ont perdu l’authenticité de la présence réelle — mais la présence réelle n’est elle-même qu’’un vieil artéfact

religieux3. Ce premier collage entre art et religion constitue ce que, sans prendre de gants,

nous appellerons la première erreur de Benjamin : le culte rituel rendu à l’image cachée de Dieu est peut être une bonne définition de l’idolâtrie, sûrement pas de la religion. On ne peut à la fois se servir de la religion pour dénoncer la modernité, et de la modernité pour dénoncer la religion. Ou bien, première solution, en bon rationaliste moderne, on prend l’aura pour de la religion — mais alors on ne peut

en même temps dénoncer la désacralisation de l’art : les outils modernes de la rationalité l’ont déjà enterrée. Qui ne voient pas la différence entre le fétichisme, que la religion a toujours combattu, et la religion elle-même? Réciproquement, la « désacralisation » de l’art que le modernisme est censé provoquer n’a aucun sens sacré : du moment qu’elle ne vise que la perte de sa valeur de fétiche, ce qui est

supposé avoir été perdu n’avait pas de valeur sacrée — la religion a toujours professé que Dieu n’était pas dans l’image, mais au delà ou en deçà. Ou bien, deuxième solution, on met quelque chose de réel dans l’aura, et on dénonce le fétichisme moderne qui remplace Dieu par des idoles — mais pourquoi alors parler de cinéma, de nouvelles techniques, de masses ? On ne dit rien sur la

modernité. Comme les bons vieux prophètes, dans la Bible, on ne fait que renverser les idoles et les fétiches auxquels s’attachent les masses4 !

3 C’est là un argument classique du marxisme et de la littérature post-marxiste.

Aujourd’hui, Bourdieu ne cesse par exemple de manier cette arme à double tranchant. 4 L’ambiguïté est très frappante quand Benjamin cite Georges Duhamel (p.xx238-9)

ou Aldous Huxley (n.13 p.xx248), endossant dans un premier temps leur critique du

cinéma ou de la technologie moderne, puis la dénonçant d’un mot comme étant

réactionnaire : « Ce type d’observation n’est manifestement pas progressiste »…

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La pierre de touche de l’article de Benjamin est fournie par l’idée qu’il se fait de la technique elle-même. L’argument est à peine présenté en tant que tel. tant il semble pour lui aller de soi : la principale fonction de la technique est de reproduire mécaniquement un original — et cette définition de bon sens constitue selon nous la deuxième erreur de catégorie commise par Benjamin. Quand il

combine cette définition erronée de la technique, comme reproduction mécanique, avec sa fausse définition de l’aura religieuse, comme présence unique de l’original, il ne peut rater sa cible : la copie devient une pâle contrefaçon de l’original.

L’histoire de l’art, qu’il résume cavalièrement en deux pages à l’appui de sa

thèse, offre un excellent terrain pour faire une série d’arguments qui, l’un après l’autre, conduisent à l’exact opposé du sien. La technique n’est pas une reproduction mécanique. Il n’existe rien de tel qu’un original, qu’on pourrait ensuite recopier. Enfin, à moins qu’on ait déjà admis cette hypothèse comme un solide résultat empirique, la multiplication elle-même n’a aucune raison d’être

assimilée à un appauvrissement. Suivons par exemple Francis Haskell et Nicholas Penny, analysant la formation

du goût moderne pour les statues antiques5. Quand les découvreurs italiens

s’intéressent aux vieilles statues, ils en font les témoins de la perfection antique, et les outils qui permettent à leurs découvreure de reconstruire une identité italienne. Ils ne se soucient guère de la valeur esthétique de chacune d’entre elles, ils accordent peu d’attention aux sculpteurs, ils insistent sur la continuité entre le

passé et le présent, et ils se servent des statues comme d’actifs médiateurs pour rentrer en contact avec l’idéal de la Beauté. Sans le moindre respect pour une prétendue aura, ils les restaurent, ils les déplacent, ils les copient. Selon eux, l’art est tout sauf un culte rendu à la pureté d’originaux : c’est un flux d’action. Haskell et Penny montrent en détail comment, au contraire, c’est la copie qui, peu à peu, a

produit l’original. Il faudra trois siècles pour transformer ces moyens vivants de relation avec le passé et avec les autres en « originaux » immuables et intouchables — et encore un siècle, une fois ces statues romaines devenues originales, pour les repousser dans l’antichambre d’un art plus original qu’elles, la statuaire grecque, dont elles finissent par ne devenir qu’une pâle copie…

Ainsi, le thème de l’authenticité, nous le découvrons maintenant à la lumière de l’histoire de l’art, n’est que le sous-produit tardif d’une constante activité de reproduction, par tous les moyens techniques imaginables. L’image de sens commun de l’art au nom de laquelle Benjamin prophétise sa transformation en une reproduction mécanique est elle-même le fruit d’une continuelle reproduction

technique. Ars veut dire technique, et voilà qui correspond beaucoup mieux avec l’obsession constante des artistes pour leurs moyens techniques que l’opposition, inventée par Benjamin, entre art et reproduction mécanique. A peine les photographes ont-ils fait des photos que, loin d’essayer de les rendre plus réalistes, ils ont esthétisé les myriades de choix techniques nécessaires pour tirer les

épreuves, travailler la qualité des papiers, régler les optiques, définir les cadrages,

5 Francis Haskell et Nicholas Penny, 1988, Pour l’amour de l’Antique : la statuaire

gréco-romaine et le goût européen, 1500-1900, Paris, Hachette.

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etc.6 Benjamin se trompe autant sur le cinéma que sur la photographie. Il n’y a rien de mécanique dans le film. Rien n’est moins vrai que le poncif qu’il reprend, de l’acteur de cinéma qui serait une « personnalité » immédiate livrée au public

(xxp.231) — la caméra ajoute simplement une médiation supplémentaire à une longue chaîne, elle ne la coupe pas ; il n’y a ni plus ni moins de présence réelle dans le studio que sur la scène, et il y a autant de technique et de médiation dans les deux « performances ». N’importe quel preneur de son sait que sa technique produit la musique, et ne re-produit rien. La technique fut toujours le moyen actif

de production des arts, et jamais la perversion moderne d’une création auparavant désincarnée. C’est précisément de la vision romantique qu’il voulait critiquer que Benjamin est ici prisonnier.

Si la reproduction se recrèe toujours activement, et si la technique est tout sauf

mécanique, inversement la multiplication ne peut sûrement pas être prise pour la dissolution passive de l’authenticité originale dans la consommation réifiée des fétiches. Au contraire, ce sont l’originalité et l’authenticité qui supposent, comme condition sine qua non, l’existence d’une intense reproduction technique. l’exemple de la musique le montre très clairement : au départ il y a la répétition

indéfinie, les standards, les canevas, les schémas et leurs variations, puis viennent les œuvres. On fait un anochronisme si l’on imagine avant les temps modernes un compositeur d’œuvres uniques. Même encore en 1750, chaque fois que Rameau donne une nouvelle série de représentations d’un de ses opéras, il le réécrit pour

l’occasion : ce n’est qu’au milieu du XXe siècle, pour les besoins de l’industrie du

disque, que la question même d’établir et de choisir une version stable d’Hippolyte ou de Dardanus a quelque sens. Auparavant, la musique était écrite pour être jouée, les compositeurs copiaient, transcrivaient, corrigeaient, adaptaient, sur un

tissu continu de thèmes et d’harmonies. Il a fallu le travail continu de nombreux éditeurs actifs pour transformer les partitions, d’abord outils d’amateurs mêlant de nombreuses transcriptions pour jouer ensemble, en fidèles copies Urtext d’une pièce originale écrite par un compositeur particulier — que deux ou trois générations de musicologues ont fini par produire7. Et il a fallu ensuite une

seconde transformation sur le long terme, conduite par l’industrie du disque, pour produire un nouveau marché d’amateurs, capables de reconnaître Bach et

Schubert comme les compositeurs originaux de leurs œuvres. Dans le cas de la peinture, Svetlana Alpers a montré tout le travail et la perspicacité stratégique que Rembrandt a dû déployer pour se transformer lui-même en l’auteur de ses tableaux — et tous les peintres après lui8.

6 Cf. Raymonde Moulin, 1978, « La genèse de la rareté artistique », in Ethnologie

française, vol.8 n° 2-3, mars-septembre 78, pp.241-258. 7 Cf. Antoine Hennion, 1993, La passion musicale. Une sociologie de la médiation,

Paris, Métailié. 8 Cf. Svetlana Alpers, 1991, l’Atelier de Rembrandt. La peinture, la liberté et

l’argent, Paris, Gallimard.

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Ce point sur l’« auteur » a été repris de nombreuses fois, depuis le fameux article de Michel Foucault9. Même si Benjamin n’a pu connaître cette nouvelle histoire de l’art et cette sociologie de l’autorité, il n’en reste pas moins curieux qu’il

se serve si peu de l’exemple des livres pour illustrer sa thèse. Mais ce n’est pas si surprenant : s’il est vrai que « xxles changements massifs que l’imprimerie… a imposés à la littérature sont une histoire familière » (xxp.218-9), là encore l’histoire n’est pas du tout celle de la déperdition de l’aura, mais celle de la naissance de l’auteur et de l’extension nouvelle du lectorat. Plus précisément, l’exemple de

l’imprimerie aurait très clairement montré la confusion faite par Benjamin entre la reproduction mécanique du texte, comme support matériel, et la multiplication de ses lectures : la première, loin d’empêcher l’unicité et la variété de la seconde, est justement ce qui les rend possibles. Si, sur un mode unique, hic et nunc, je peux

lire « Othello », cette pièce particulière de l’auteur « original » qu’est devenu Shakespeare, ce n’est pas malgré les milliards de copies imprimées partout dans le monde, c’est grâce à elles.

Nous voyons plus clairement à présent le paradoxe sur lequel pivote l’argument de Benjamin sur la technique : il veut lui redonner un rôle actif, tout en lui déniant

toute activité propre. Contre les prétendus idéalistes, il souligne l’extrême importance de nos moyens de reproduction sur les œuvres qui sont produites. Mais , à l’instar des idéalistes qu’il combat, lui-même ne laisse aucun rôle actif à la présence matérielle des supports, ni au travail continu de la répétition technique (à la différence de ce que font continuellement les artistes et les publics). C’est là,

d’après nous, la clef de son indécrottable succès : son texte flatte les deux camps. Les matérialistes, parce qu’il prétend révéler un fondement infra-structurel caché sous une histoire de l’art idéaliste ; mais en définitive il flatte aussi les idéalistes (ou l’idéaliste cochon qui sommeille en tout bon matérialiste), parce qu’il présente la technicisation du monde comme une nouvelle déperdition mécanique de l’état

passé de l’art. Une histoire véritablement matérialiste devrait redonner à la technique son rôle,

non pas pour en faire l edémon pervers de la modernité, mais pour montrer comment elle produit activement de l’art.

La place nous manque ici pour montrer toutes les erreurs de catégorie

accumulées par ce texte étrange. Mais nous aimerions conclure brièvement avec une remarque sur l’économie et la politique, parce qu’elle généralise à l’Ecole de Francfort le point que nous avons essayé de faire sur Benjamin. L’erreur est la même : les penseurs allemands de l’âge moderne ont systématiquement dépeint les masses modernes, complètement dominées par les dispositifs techniques, comme si

elles pouvaient être confondues avec la foule10. Leur crainte de la fusion incontrôlée et de l’immédiateté de la foule — ils avaient à l’époque de bonnes

raisons d’avoir peur — les a conduits à confondre celle-ci avec la production

9 « Qu’est-ce qu’un auteur ? », 22/2/1969, conférence au Collège de France. Entre

autres, par la suite Peter Jaszi et Martha Woodmansee, Mark Rose, Carla Hesse, Jane C.

Ginsburg et Molly Nesbit ont examiné les problèmes du droit d’auteur et du copyright

au 18e siècle, en comparant la France, l’Angleterre et l’Allemagne. 10 Paul Yonnet, 1985, Jeux, modes et masses, Paris, Gallimard.

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technique et économique des masses. Ce faisant, ils se sont taillés une audience, attirée par la dramatisation de son propre portrait, alors qu’ils mettaient en fait dans le même camps deux ennemies: les masses américaines et les foules de Nuremberg. En dépit du tableau apocalyptique qu’Adorno a peint du marché de masse, les masses américaines ont arrêté la foule nazie. Rien n’est plus différent,

d’un point de vue sociologique, que la multiplication technico-économique des biens et des consommateurs, dont le marché de masse et les mass-médias sont l’exemple extrème, d’un côté, et de l’autre la foule « chaude », perdant ses différences dans le creuset commun d’un espace et d’un temps immédiatement partagés dans l’identification totale avec un Fürher.

La technique ne supprime pas la distance, elle la crée. L’économie traite de la production d’une consommation isolée, limitant à une transaction précise tant la responsabilité de l’acheteur que celle de l’offreur . Elle ne concerne pas la fusion totalitaire de chaque aspect de notre activité dans la foule immédiate que les penseurs de Francfort ont prétendu révéler, comme si elle se dissimulait sous les

masses tranquilles regardant la télé et remplissant leurs caddies au supermarché… En ce sens, Benjamin est bien un marxiste, il essaie de réduire chaque ordre de réalité à un vocabulaire unique qui, en dépit de son économisme affiché, vient par emprunt du modèle politique.

Un nouvel examen matérialiste de l’œuvre d’art à l’âge de la reproduction

mécanique devrait tenter, à l’inverse de celui de Benjamin, d’éviter les erreurs de catégorie et de retravailler la définition constamment changeante de la modernité. Mais, comme il devrait ainsi distinguer entre les modalités variées de délégation mises en œuvre en économie, en religion, en art, en technique et en politique, et qu’il devrait suivre empiriquement la prolifération des médiations, il n’aurait sans

doute pas le même attrait que le texte de Benjamin… attrait largement dû, comme nous croyons l’avoir montré, à la confusion qu’il introduit, et à la complaisante dénonciation du monde moderne que celle-ci permet.i

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