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CODEX Faits et Analyses CHINE Le virage électrique Santé Les hôpitaux malades Congrès PS Les anciens de l’UNEF à la manœuvre Education Enseignement laïc des faits religieux Exposition Universelle : Paris 2025 ?

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CODEXFaits et Analyses

CHINELe virage électrique

SantéLes hôpitaux malades

Congrès PSLes anciens de l’UNEF

à la manœuvre

EducationEnseignement laïc des faits religieux

Exposition Universelle : Paris 2025 ?

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Nouveau cycle. Adieu le consensus mou, place au 49-3. La génération qui dirigeait l’UNEF-ID au début des années 80 s’installe à la direction du PS. Adieu les cartables de 10 tonnes, remplacés par les tablettes 10 pouces. Adieu le pétrole, les qataris et les émissions à particules fines. Que la lumière soit, l’électricité est réinventée. La fin d’une génération, d’une époque, d’une façon d’agir et de penser, pour le meilleur et pour le pire. Dernière édition d’une nouvelle génération de journalistes, qui rêve d’une époque pourtant révolue. Backstages de concerts de rock, grands reporters, correspondants, nouveau Plantu. Mais ainsi va la vie, et de toute façon, l’histoire ne se répète pas, elle balbutie. L’actualité de demain s’écrit aujourd’hui, et seuls ceux qui ne savent pas la décrypter sont surpris de la tournure que prennent les évènements. Réveillez-vous : pour le côté voyeurisme, Internet vous a devancé. La valeur ajoutée, c’est l’analyse, l’enquête, le décryptage, ce que le lecteur veut savoir, même s’il n’en est pas conscient jusqu’à ce qu’on le lui montre. Ah mais pardon, c’était déjà le cas il y a 20 ans. Quand on vous dit que tout n’est qu’un éternel recommencement, on pèse nos mots.

sommaire

CODEX N°29 rue Alexandre Parodi

75010 – ParisDépôt légal : à parution

Directeur de la publication : Michel Baldi

En bref dans le mondeNemstov passe l’arme à gauche / Tsipras contre l’Eurogroupe / L’Europe bipolaire / Terrorisme, lois liberticides / Sida, la

troisième souche

Economie / Environnement Chine : le poids lourd du marché automobile mondial

choisit le moteur électrique p10

SantéLes hôpitaux de province gangrénés par les avoirs suisses p 17

APHP : entretien avec Pr. Bernard Granger, directeur du service de psychiatrie de l’hôpital Tarnier et membre du

MDHP p 20

PolitiqueCongrès du PS : les ex-UNEF à la manœuvre p22

DéfenseLe Charles de Gaulle entre en guerre p32

Education Les bafouillages du plan numérique p 38

L’enseignement laïc des faits religieux fait débat p 42

Sciences / Média / CultureINA : l’OTMédia, où est le financement ? p 48

Exposition Universelle : Paris, candidat pour 2025 p 54

Sir Culher

Directeur de la rédaction : Eric OuzounianRédactrice en chef : Jade ToussayDirectrice artistique : Romane GannevalMaquette : Sophie Combot, Audrey Bouts, Nicolas RaulinSecrétaires de rédaction : Sélène Agapé, Candice CheuretRédacteurs : Sélène Agapé, Audrey Bouts, Candice Cheuret, Romane Ganneval, Nicolas Merli, Nicolas Raulin, Jade Toussay, Olivier Vagneux

L'Editorial

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La fin de l’ère Eltsine (1991-1999) a marqué l’his-toire de la Russie. L’état, alors en guerre contre les indépendantistes tchétchènes, est partagé entre Boris Eltsine, alors président, et Vladimir Poutine, chef du service de renseignement FSD (ex-KGB). Nommé dauphin du chef de l’état en août 1999, ce dernier arrive au pouvoir en mars 2000. Pourtant,

Boris Nemtsov était pressenti à la succession jusque-là : réformateur libéral proche du régime, il incarnait une vision démocrate et modérée, idéale dans le projet d’Eltsine. Le krach boursier d’août 1998, qui met à sac l’économie d’ouverture internationale, freine ces espérances et plonge le pays dans une crise nationaliste. Les séries d’attentats qui suivirent, notamment lors de la rébellion tchétchène, furent un terreau fertile pour l’ascension de Poutine. Galvanisée par une image affaiblie d’Eltsine (hospitalisé pour une carence cardiaque), l’opposition de-vient de plus en plus féroce et demande sa démission, effective le 31 décembre 1999.

Le physicien et le guébisteLimogé en août 1998, Boris Nemtsov, alors vice-Premier ministre russe, rejoint l’opposition lorsque Poutine est nommé dauphin d’Elt-sine. Nemtsov s’engage en 2000 auprès du parti libéral SPS, très cri-tique envers le nouveau président. Selon lui : «  Le gouvernement reflète la volonté du peuple d’avoir un état fort, une économie en état de marche et la fin de la tolérance pour les oligarques  ». Poutine, ex-guébiste, incarne alors l’image d’un homme fort, nécessaire à la tête de l’Etat. Lors de l’annonce d’un possible troisième mandat illégal, la critique de Nemtsov devient plus virulente. Avec l’activiste Alexeï Navalny, il participe aux manifesta-tions de 2011 qui secouèrent le Kremlin. Engagé dans une critique violente de l’annexion de la Crimée et de la guerre ukraino-russe, Nemtsov avait appelé l’opposition russe à manifester pour le retrait immédiat des troupes russes en Urkaine le dimanche 1er mars.

Les circonstances de ce meurtre sont particulièrement inconfortables pour le Kremlin, déjà accusé d’un énième assassinat politique par les Etats-Unis et l’Europe. Pourtant, celui-ci a démenti toute implication et s’est engagé à mener une enquête. Il est pourtant difficile de croire qu’elle arrivera à des résultats concluants : comme pour l’affaire Anna Politkovskaïa, et d’autres avant elle, le verdict risque de mener à la condamnation des exécutants sans que les commanditaires ne soient jamais inquiétés.

N.M

Le nom de l’opposant russe Boris Nemtsov, assassiné la nuit du 27 février, s’ajoute à la liste des assassinats perpétrés sous le gouvernement Poutine III. Fermement opposés, les deux hommes poursuivaient cependant un but commun : assurer le sort de la Russie post-URSS d’Eltsine au XXIe siècle.

Nemtsov / Poutine deux visions de la Russie

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Les «  accords d’Avril  » permettent à la Grèce de re-pousser l’échéance du remboursement de six mil-liards d’euros à la Banque Centrale Européenne. Sans ceux-ci, le pays se serait retrouvé en défaut de paiement dès le 1er mars 2015 et aurait alors été contraint de sortir de la zone euro. Alors «  Grèce  : le gouvernement Tsipras se plie aux exigences européennes  » se-

lon Le Monde du 25 février 2015 ? N’en soyez pas si sûrs. Rappelons que jamais Syriza ne s’est placé en parti favorable à une sortie de la ZE au contraire, il s’est même engagé à négocier le plus possible avant d’atteindre ce point de non-retour. Alors non, la Grèce ne se plie pas aux exigences de l’Eurogroupe, loin de là.

Accords sur un désaccord«   Nous demandons  l’aide de  l’Europe, mais pas  seulement pour nous donner des leçons  » a déclaré Yanis Varoufakis, ministre des finances grec, à la sortie des négociations. Il rappelle de fait qu’aucune solution viable n’avait été trouvée depuis la mise sous tutelle de la Grèce par la Troï-ka. Depuis 6 ans, le PIB grec a chuté de 26 % et sa dette publique est passé de 113 à 176 %. Ces accords pourraient marquer la fin de cette faillite. D’abord, l’Eurogroupe a cessé d’évoquer les mesures d’aus-térité (diminution des pensions, coupes des budgets de la fonction publique et hausse de la TVA) et laisse donc une marge de manœuvre conséquente à Tsipras. Celui-ci s’est notamment engagé à réformer la fiscalité en visant à contrôler la fraude et l’évasion, estimée à 600

milliards d’euros placés en Suisse et à taxer les plus hauts revenus : les armateurs et l’Eglise Orthodoxe, respectivement exonérés d’im-pôts par la constitution de 1975 et plus gros propriétaire terrien du pays. Aussi, l’Eurogroupe, sans reconnaître officiellement la situation de crise humanitaire du pays, a maintenu les mesures de premières urgences proposée par le gouvernement. Il reconnaît donc la situation d’urgence publiquement mais rechigne à la financer. Si ces accords peuvent être considérés comme perdus pour la Grèce, rappelons tout de même que le gouvernement n’est installé que depuis un mois.

Syriza joue donc la carte de la provocation. Dès son installation au pouvoir, Tsipras a su asseoir son projet et obtenir une négociation de l’Eurogroupe. Rappelons que François Hollande, qui s’était engagé à « lutter contre son ennemi numéro un  : la finance  », était revenu bredouille de sa visite en Allemagne, où il devait renégocier l’accord Sarkozy-Mer-kel. Le parti anti-austerité a tout pour faire pression : une potentielle sortie de l’euro qui, bien que dédaignée par la zone, serait catastro-phique si l’Espagne et l’Italie prenaient la même direction. Un risque de crise bancaire généralisée et une favorisation des spéculations bour-sières sur les dettes publiques pourraient aussi renforcer l’image d’une Europe à deux vitesses. En définitive, Tsipras se place droit face à l’Eurogroupe : la faillite annoncée de sa politique sera la seule respon-sabilité de l’Allemagne..

N.M

Grèce Et si l’Eurogroupe était en train de perdre ?

La Grèce d’Alexis Tsipras et du parti anti-austerité Syriza a pu négocier la poursuite du plan d’aide financière européen jusqu’à fin avril. Les accords historiques entre l’Eurogroupe et le gouvernement hellénique, signés le 24 février, permettent la mise en place d’une série de réformes absolument nécessaires pour le pays. Celles-ci n’avaient jamais été proposées par les gouvernements européens jusqu’à maintenant.

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Les échéances électorales de 2015 pourraient tout remettre à plat. C’est en tout cas l’espoir qu’en-tretiennent les partis eu-rosceptiques et anti-aus-térité en Europe. Depuis

la crise des économies irlandaises, espa-gnoles, grecques et portugaise, l’Europe s’est dichotomisée. D’un côté, au Nord, les pays dont le déficit public sont presque inférieurs au PIB. Au Sud, les pays, qui subissent deux tendances, commencent à connaître une rogne populaire inédite. Certains sont endettés par les choix poli-tiques de leurs majorités. Les autres sont gangrenés par la spéculation des marchés. En outre, le taux d’emploi est en chute en Europe du Sud, tandis qu’il avoisine plutôt une situation de plein emploi au Nord. Ces écarts flagrants ont favorisé l’essor de Po-

demos, le parti eurosceptique espagnol, qui cumule aujourd’hui 30 % des intentions de vote pour l’élection de novembre 2015. L’Irlande et le Portugal connaissent égale-ment ce revirement politique, comme le té-moignent les succès du parti irlandais Sinn Fein (Nous-mêmes) de Gerry Adams et du Bloco de Esquerda (Bloc de la gauche) portugais aux élections européennes de 2014.

Podemos – Syriza : la voix du SudTout comme Syriza, Podemos propose une nouvelle conduite des affaires européennes, plus solidaire. Peu détaillé pour l’instant, son programme recommande la fin des politiques imposées par l’Eurogroupe et une négociation à poids égal entre les ac-teurs. Son argumentaire met aussi l’accent sur la prédominance allemande dans les décisions de la zone euro. La coordination

des politiques économiques serait, en ce sens, une possibilité envisageable. Pour-tant, dans les faits cette coordination existe depuis 1983. Elle devrait garantir une lo-gique économique complémentaire entre les pays membres. Mais l’arrivée des pays sud-européens dans l’Union l’a mise à mal. Les nouveaux membres peinent à s’adapter à cause de la disparité de leurs économies.

L’Eurogroupe doit aujourd’hui faire at-tention à ses choix pour ne pas voir une Europe jusqu’ici poussée par un élan de solidarité, plonger dans un nationalisme généralisé. Pour cela, les stratégies écono-miques doivent sortir de leur dogmatisme. Si l’économie libérale est aujourd’hui fri-gide, rien ne l’empêche de s’ouvrir à la cha-leur des politiques sociales.

N.M

Nord-Sud contours d’une Europe bipolaire

La récente élection d’Alexis Tsipras à la tête du gouvernement grec, la montée des partis eurosceptiques en Espagne et en Irlande et l’ingérence toute avouée de l’Allemagne sur les pays « périphériques » de la zone euro façonnent une idée bipolaire de l’économie européenne. Face à cet état de fait, les économies en crise prennent du poids et commencent à poser les bases d’une Europe solidaire.

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Le projet de loi anti-terrorisme entériné le 23 octobre 2014 prévoit la suspension de la nationalité pour les français soupçonnés d’appartenance à une filiale terroriste. A califourchon sur les droits fondamentaux et les politiques de migrations européennes, cette législation semble liberticide. Mesures nécessaires ou illustration de la montée en puissance des politiques sécuritaires ?

Bernard Cazeneuve, mi-nistre de l’intérieur, a annoncé la confiscation temporaire de six pas-seports français le 23 février dernier. Cette mesure s’inscrit dans la

pléthore de quatorze lois anti-terrorisme que promulgue l’état français depuis 1986. Ces six ressortissants sont soupçonnés d’être volon-taires à un départ imminent vers la Syrie, où 376 français se trouveraient actuellement. Selon les propos du ministère rapporté par Le Monde, cette mesure vise à endiguer les départs pour le djihad des personnes «  soupçonnés d’appartenance à un groupe terroriste qui projettent de se rendre sur les 

théâtres d’opération  ». Contactés directement par le renseignement, ces six candidats potentiels se sont vus remettre un récépissé en échange de leurs papiers d’identité. Aucune information les concernant n’a été communiquée au public. Le renseignement signale également que 1089 per-sonnes seraient actuellement impliquées dans ces réseaux en France.

Au dessus de tous soupçons ?Ces six confiscations s’inscrivent dans un contexte particulier : la montée parallèle des politiques sécuritaires et des départs pour le dji-had. En ce sens, il est nécessaire d’adopter une conduite raisonnée de ces politiques pour ne pas attiser un climat de tension. Ces six suspen-sions tendent pourtant à le favoriser. D’abord, les conditions sont floues : la définition de la « me-nace  » telle qu’elle est présentée dans le texte de loi est large... très large. Sont soupçonnées d’activités terroristes, toutes personnes interpellées pour « détention de substances dangereuses et consultation régulière de site web faisant l’apologie du terrorisme  ». Rappelons que la définition du concept de terrorisme pose de nombreuses difficultés : dans cette loi, pre-nons garde à ce que cette notion ne renvoie pas à une vision réductrice d’un terrorisme unique-ment religieux. De plus, aucun jugement, aucune condamnation n’est préalable à ces suspensions : elles ne sont basées que sur des soupçons. Or,

l’essence même du droit français réside dans la présomption d’innocence. L’article 25 du Code Pénal stipule qu’une «    déchéance  de  la  nationalité doit être motivée par la condamnation d’un délit ou d’un crime constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation  », tandis son référé 25-1 signale que seules les nationalités acquises (et donc non ob-tenue à la naissance) sont révocables. Dans ce cas précis, ces confiscations semblent préventives à un jugement et le terme de déchéance de na-tionalité semble impropre. Pourtant, le caractère reconductible de ces mesures peut inquiéter : les conditions de confiscation sont détaillées alors que celles des restitutions restent vagues. Quid alors de la constitutionnalité de cette loi ? La mise en garde à vue pour soupçons d’entreprise terroriste sont réglementée et ne peuvent pas dé-passer 36h.

Alors que Manuel Valls, Premier ministre, an-nonce qu’il «  y en aura plus  », la nécessité de divul-gation de ces identités confisquées est incontour-nable. Enfin, rappelons que la condamnation systématique d’une population pour ses choix et ses revendications participe amplement à sa stig-matisation et sa propre exclusion. Aujourd’hui, mieux vaut-il prévenir que guérir, surveiller que punir ?

N.M

Lois anti-terrorisme cachez ces identités que je ne saurais voir

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Sur un échantillon de 414 sujets sains, le Truvada a pu prévenir la contraction du virus chez 86% des par-ticipants de l’étude Ipergay. Sur les 35 % de volon-taires qui ont contracté une infection sexuellement transmissible (IST), seuls 0,94 % du « bras » qui a reçu le traitement a développé le sida contre 6 % pour le « bras » sous placebo. Une étude antérieure,

Iprex, réalisée entre 2007 et 2011, avait obtenu des résultats similaires : le médicament agirait en prévention dans 44 % des cas. La fourchette de ces résultats montre que l’utilisation du traitement est efficace dans un peu moins d’un cas sur deux.

L’autorisation de mise sur le marché (AMM), qui autorise la prescription du Truvada en France, est pour l’instant restreinte au traitement curatif. L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a décidé de le placer sous le régime des Recommandations temporaires d’utilisation (RTU) pour sa forme préventive. Les médecins peuvent donc prescrire le médicament sous surveillance médicale. Les résultats observés lors de cette phase permettront, ou non, son utilisation en prévention du sida. L’ANSM devrait rendre sa décision le 14 juillet 2015.

Risques décuplésUne nouvelle souche du virus (CRF-19) a été découverte chez 52 % des patients cubains sidéens. Son mode opératoire est inédit : jusqu’alors le virus avait un mode d’infection mono-site, il ne se fixait que sur une seule cellule et produisait ensuite ses copies. CRF-19 a abandonné ce premier ancrage : son mode d’infection est multi-site. Le développement du virus est donc accéléré et sa période d’incubation, estimée, à 3 ans contre 6 à 10 ans pour les souches plus anciennes. Aussi, la chance de contracter le virus est décuplée puisque plusieurs infections mono-sites peuvent sévir en même temps.

La recherche pour la lutte contre le sida évolue globalement mieux qu’à ses débuts. Aujourd’hui, les traitements stabilisent la charge virale : on peut rester séropositif plus longtemps sans développer le sida. La charge des traitements a également diminuée. Il y a 5 ans, une quarantaine de mé-dicaments était nécessaire aux soins. Parallèlement, les recherches conti-nuent pour trouver un vaccin. Enfin, la vie d’un malade est devenue, dans certains cas, compatible avec un mode de vie normal. Rappelons tout de même que l’utilisation du préservatif reste le moyen de protection le plus efficace.

N.M

L’étude Ipergay montre l’efficacité d’un traitement préventif au VIH grâce au médicament Truvada. Jusqu’ici utilisé pour tenter de guérir l’infection, il pourrait dès 2015 être indiqué en prévention. Tandis que la nouvelle souche CRF-19 du virus fait son apparition à Cuba, la recherche pour la lutte contre le sida accumule les succès.

Truvada vers des traitements préventifs du sida

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Le marché de l’automobile chinois se porte bien. Et même plus que bien. Si d’une façon générale dans le

monde, les chiffres sont plutôt en berne, la Chine, elle, a vu son parc automobile s’agrandir de façon exponentielle depuis l’année dernière, avec un « grand bond en avant » de 12%. Fin 2014, 264 mil-lions de véhicules circulaient sur le terri-toire chinois. Dans certaines métropoles, comme Shanghai et Pékin, le parc automo-bile a même atteint les 2 millions d’unités. En quelques années, la Chine s’est donc imposée comme le premier marché mon-dial de l’automobile, et ce, sans surprise. Car la nouvelle première puissance écono-mique a vu apparaitre une nouvelle classe de population, dite « classe moyenne » dont le pouvoir d’achat a augmenté de manière significative ces dernières années. L’acquisition d’une voiture reste symbole d’une certaine aisance sociale. Ainsi à Pé-kin, on compte désormais 63 véhicules pour 100 ménages, selon les chiffres du Comité des Constructeurs Français d’Au-tomobiles.Mais cette avancée n’est pas sans consé-quence. Considérée comme l’un des deux plus grands pollueurs de la planète, la Chine a du faire face récemment à plu-

sieurs pics de pollution et les images du « smog » chinois ont choqué la planète. Le 28 février dernier, un documentaire ré-alisé par une ancienne présentatrice de la télévision nationale a remis de l’huile sur le feu. Intitulé « Under the Dome - In-vestigating China’s haze » (Sous le Dôme – Enquête sur le brouillard chinois), le court-métrage met en avant les risques de la pollution sur la santé, mais aussi les conflits d’intérêts entre le gouverne-ment et les entreprises chinoises aux ac-tivités polluantes. En quelques jours, le documentaire aurait été visionné plus de 30 millions de fois, témoignant ainsi des préoccupations de la population chinoise. Or, qui dit population mécontente dit gouvernement en danger. Car le contrat social chinois repose sur un principe simple : des habitants avec un niveau et des conditions de vie en baisse devient vite synonyme d’une baisse de confiance dans l’action du gouvernement, alors illé-gitime. À cette première difficulté s’ajoute pour le gouvernement chinois la pression internationale pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais aussi et sur-tout l’inexorable diminution des réserves de pétrole. «  Les autorités chinoises savent que les  ressources  pétrolières  sont  finies  et  ils  voient 

déjà plus loin. Ils ont encore du charbon, et n’ont pas encore exploité le gaz de schiste, ce qu’ils fe-ront sans doute si cela leur est indispensable.  » explique Denis Astagneau, président de l’Association Française de la Presse Auto-mobile et journaliste spécialiste de l’auto-mobile à France Inter. Mais aujourd’hui, c’est vers le marché de l’automobile élec-trique que se tourne le gouvernement. Une solution qui sur le papier se vend bien, mais qui dans les faits, semble plus difficile à mettre en place.

Les mauvais choix du gouvernement chinois

Dès 2011, le gouvernement chinois a amorcé un premier pas vers le véhicule électrique en demandant aux construc-teurs locaux de concevoir une petite voiture de moins de 3000€. Le résultat avait été une « voiturette », allant jusqu’à 50km/h, d’une autonomie maximum de 100km, à l’intérieur spartiate, et inter-dite de circulation sur les autoroutes et les grands axes routiers des métropoles. Mais malgré ce premier échec, le marché automobile électrique chinois est long-temps resté la chasse gardée des deux grands constructeurs nationaux Build

Présentée comme une solution aux questions énergétiques et environnementales, l’électricité comme nouvelle source d’énergie a su faire rêver. Dans le domaine de l’automobile, le véhicule électrique est apparu comme une solution miracle. Pourtant sa mise en place reste laborieuse et ce particulièrement en Chine. L’Empire du Milieu est-il capable de réorienter son parc automobile? Et surtout, quelles seraient les conséquences sur le marché économique mondial ?

Nouveau moyen de pression chinois?

Véhicule électrique

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Your Dreams (BYD) - qui en détient 55%- et Chery, 39%. « Parmi les voitures électriques qui circulent en Chine, les plus utilisées sont les voitures d’origine chinoise elles-mêmes. Ce ne sont pas les voitures étrangères, ce n’est pas la Nissan Leaf, qui est la voiture électrique la plus vendue à travers le monde. » insiste De-nis Astagneau. «  Une industrie étrangère qui veut vendre en Chine, sans taxe de 300%, doit être associée à une  entreprise  chinoise. C’est  le cas de Nissan_Renault, PSA, qui sont associés avec  Dongfeng,  un  des  deux  grands  distribu-teurs chinois. Pour avoir un marché en Chine, il faut s’associer à un chinois qui détient 51% du capital.  » A À cette première clause, s’en ajoute une deuxième, représentative de la stratégie chinoise dans son ensemble : le transfert de technologie. En s’implantant sur le sol chinois, l’entreprise étrangère s’engage à partager son savoir-faire. En-fin, les subventions de 60 000 yuans - soit 7 600 euros- allouées lors de l’achat d’un véhicule électrique et réservées aux seuls constructeurs chinois complètent le tableau. Ce protectionnisme assumé n’a pas aidé à la promotion du véhicule électrique. Car jusqu’à présent, la population s’est montrée réticente. En 2013, seulement

17 600 véhicules électriques ou hybrides ont été vendues en Chine. Et la légère augmentation observée au premier se-mestre 2014 est loin d’être suffisante pour atteindre l’objectif des 500 000 véhicules électriques espéré pour 2015. Pourtant, l’essor du véhicule électrique fait partie des priorités du gouvernement chinois et s’inscrit dans le douzième plan quinquennal du ministère de la science et de la technologie chinois, pour la période 2011-2015.

La Chine ouvre ses portes

Afin d’atteindre ses objectifs, le gouverne-ment chinois s’est décidé à modifier de fond en comble sa politique dans le do-maine. Dans le courant de l’année 2014, une série de mesures a été prise : l’ouver-ture en septembre 2014 du marché aux constructeurs étrangers, l’harmonisation des subventions accordées aux véhicules « propres », d’origine chinoise ou étran-gère et l’exemption de la taxe de 10% du prix de vente pour l’achat d’un d’entre eux. Ces mesures, qui marquent un pre-mier pas du gouvernement, pourraient éventuellement redonner une chance aux véhicules électriques sur le sol chinois.

Mais d’autres problèmes restent encore à régler. Premier écueil, l’offre ne semble pas correspondre à la demande : les chinois, friands de berlines, n’avaient que jusqu’à très récemment accès qu’à de pe-tits modèles citadins. Mais l’arrivée sur le marché de voitures étrangères pourraient peut-être appor-ter une réponse. L’allemand BMW s’est d’ores et déjà positionné sur le marché chinois, avec ses deux modèles électriques i3 et i8. Ce dernier, type berline corres-pondant plus aux attentes de la clientèle chinoise. Mais les constructeurs français ne sont pas en reste. En 2012, Carlos Ghosn, président de Renault, annonçait l’implantation en Chine de la marque. En 2013, naissait Dongfeng Renault Auto-motive Compagny (DRAC), co-entreprise chinoise de la marque au losange. Et c’est dans la ville de Wuhan, sorte de Silicon Valley asiatique, que l’usine devrait ouvrir ses portes fin 2015. Au programme pour le premier semestre 2016, la production de la Fluence, première voiture électrique de Renault en Chine, une berline élec-trique qui correspondrait plus aux at-tentes chinoises.« Renault pourra profiter de tout le réseau Nissan qui est déjà bien implanté, puisque depuis 2014 Nissan est

En Chine, l’absence d’infrastructure de recharge constitue un véritable frein à l’essor du véhicule électrique © Wikimédia Commons

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CODEXlution électrique, et qu’on sera les premiers. Quand on parlera de moteurs électriques, on parlera de Renault. «  Pour  l’instant,  ce n’est pas un succès, mais  ils ont quand même de vraies  voitures  toutes  électriques.  Et  même  s’ils perdent  de  l’argent  dessus,  ils  vont  persister.    » analyse Denis Astagneau. À noter que la Fluence n’était pas destinée à l’origine au marché chinois. Prévue pour l’Europe, la production avait du être arrêtée suite à la faillite de la société israëlo-américaine Bet-ter Place, alors partenaire de Renault. Cette société avait pour ambition de révolution-ner le parc automobile électrique mondial, en proposant un système de recharge de batterie sous la forme d’un réseau de « sta-tion-service de l’électrique ». Une idée « ir-réalisable », selon Julien Varin, responsable de la communication du secteur Energie de Bolloré, en raison des coûts pharamineux qui auraient été nécessaires et des difficul-tés techniques rencontrées pour changer rapidement les batteries des véhicules.Aujourd’hui, les interrogations autour des batteries et des moyens de recharge sont toujours au coeur du débat. Et en Chine, c’est même le frein principal au dévelop-pement du marché du véhicule électrique.

Les batteries, point faible du véhicule électrique ?

Coût et autonomie. Deux mots qui, à eux seuls peuvent décider de l’avenir du vé-hicule électrique. Et ils se concentrent tous les deux autour d’un élément clé pour la voiture électrique : la batterie. Aujourd’hui, deux types de batteries sont proposés sur le marché : la batte-rie Lithium-ion, la plus fréquemment utilisée à l’échelle internationale, et la batterie Lithium Métal Polymère (LMP) produite par le groupe français Bolloré. Cinq critères permettent de juger de leur efficacité : l’intensité énergétique, l’inten-sité de puissance, le cycle de vie, la sécu-rité et le coût. Pour Julien Varin, responsable de la communication Bluecar chez Bolloré, la batterie LMP répond déjà à la plupart de ces critères  «   La  batteries LMP Bolloré  a trois  avantages. Elle  offre  une  plus  grande  sé-curité, et peut supporter des températures allant de -30° à 180°. Leur autonomie est également supérieure  à  celle  des  batteries  litihum-ion, puisqu’on parle de 250 à 300 km d’autonomie. Enfin,  et  c’est  le  plus  important,  la  durée  de 

vie supérieure à 3000 cycles de charge est bien plus  longue  que  celle  des  batteries  lithium-ion. Si vous deviez changer la batterie de votre télé-phone portable une fois par an, ce ne serait pas très grave. En revanche, dans le cas d’une bat-terie de voiture, le coût ne serait pas le même.  »Mais en Chine, la batterie LMP fait en-core figure d’exception et un véritable fossé technologique la sépare des batte-ries Lithium-ion, utilisées sur le marché asiatique. Un rapport du Ministère des Affaires Etrangères et du Développe-ment International met en évidence les failles des batteries chinoises : le système de gestion de la batterie, incluant notam-ment le système de contrôle de la tem-pérature, le système de commande de la charge et le système de sécurité sont loin d’être satisfaisants et ne peuvent donc répondre à la demande. À ces points techniques s’ajoute une contrainte de taille, primordiale pour le consommateur : le coût. «  Pour l’instant la population ne s’intéresse pas à l’électrique parce que  c’est  cher,  surtout  à  cause  des  batteries. Même si les chinois sont les premiers producteurs de batteries au monde –tout modèle confondus-, une batterie de voiture revient encore trop cher. Il ne s’agit pas d’une batterie de 12 Volts, c’est 

Le groupe français Bolloré a développé un système de bus électriques au sein des universités d’Abidjan © Jonas Ehouman

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beaucoup plus important et donc le prix est élevé. Et  pour  l’instant,  les  consommateurs  chinois regardent  le  prix,  évidemment.    »  explique Denis Astagneau. Aujourd’hui, le prix de la batterie représente environ le tiers du coût total du véhicule. Ainsi, pour rendre attractif les véhicules électriques, en Chine mais aussi à l’échelle mondiale, il faudrait parvenir à faire baisser les coûts de production des batteries, particulièrement onéreuses. «  Il faut qu’il y  ait  d’importants  investissements  en  recherche pour  alléger  le  prix  des  batteries.» explique Jean-Pierre Genêt, journaliste à L’Argus. «    Et  puis  aussi  -  et  c’est  fondamental  -  il faut  que  les  gains  d’échelle  soient  importants, ce  qui  veut  dire  qu’il  faut  que  les  volumes  de production  soient  suffisants pour  faire  en  sorte que le prix unitaire des véhicules soit baissé.  » Des volumes de production importants généreraient des économies d’échelle, suffisantes pour abaisser les coûts et rendre le moteur électrique compétitif. «    Pour  les  distributeurs  chinois  comme Dongfeng,  l’électrique  n’est  pas  une  priorité. Ce qui les intéresse, c’est le volume. Mais si le gouvernement chinois veut que ses constructeurs fassent de  l’électrique,  ils  feront de  l’électrique. C’est  un  marché  libéral,  mais  avec  une  forte propension  autoritaire  du  gouvernement.    » précise Denis Astagneau. Si l’on ajoute à ce facteur une éventuelle mesure

protectionniste que ne manquerait pas de prendre le gouvernement chinois pour lutter contre la pollution, et un passage à la solution de batterie LMP, viable sur le long terme, et envisagé par le groupe Bolloré qui s’est dit «  intéressé par le marché chinois  », le marché de automobile aurait achevé sa révolution copernicienne.

La solution électrique, envers et contre tout ?

En pleine interrogation sur l’avenir de l’industrie pétrolière, l’électrique avait à ses début fait figure de solution miracle - sauf pour les Etats-Unis, bien évidem-ment. Aujourd’hui encore, malgré des débuts difficiles, les gouvernements pro-meuvent encore les véhicules électriques.

En France, la ministre de l’Ecologie Ségo-lène Royal a récemment annoncé le retour des « pastilles vertes » à apposer sur les véhicules « propres », mais aussi le ren-forcement des aides pouvant aller jusqu’à 10 000 euros pour l’achat d’un de ces vé-hicules, sous condition bien sûr. Mais si

en France la question écologique relève plus d’une volonté politique et d’un souci de l’avenir, le gouvernement chinois, lui, a été mis au pied du mur, piégé par son propre contrat social. Car la population, de plus en plus sensible à la question de pollution de l’air, pourrait remettre en cause l’action du gouvernement, à moins que ce dernier ne se décide à agir vite. Et le virage vers l’électrique pourrait être une réponse, à condition que soient réglées les questions de batteries, de coût et de bornes de recharge…Parmi les problèmes du véhicule élec-trique, se pose la question du recyclage des batteries. Les écologistes pointent au-jourd’hui du doigt leur fabrication, qu’ils considèrent comme polluante, et plus en-core leur recyclage, qui serait difficile. Là

encore, le groupe Bolloré se distingue : « Quand les écologistes nous disent que les voitures électriques  sont  plus  polluantes  que  les  voitures thermiques,  c’est  grotesque. Dire  que  toutes  les batteries  électriques  sont  polluantes,  c’est  un gros  raccourci. Dans nos  batteries LMP,  il  n’y a  ni  métaux  lourds,  ni  solvants,  elles  sont  à 

Les pics de pollution dans les métropoles chinoises obligent à des mesures sanitaires ©Virginie Garin

Aujourd’hui, le prix de la batterie représente environ le tiers du coût total du véhicule.

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CODEX99%  recyclables.    ». En Chine, cependant, ce n’est pas tant la question du recyclage des batteries qui inquiéte que celle de leur recharge. Peu présentes - voire qua-si inexistantes- sur le territoire chinois, les bornes de recharge sont un véri-table frein à la promotion du véhicule électrique. Pour pallier à ce manque, l’agence Bloomberg avait annoncé en 2014 un projet gouvernemental chinois d’un montant de 16 milliards de dollars, destinés à intensifier le réseau. Depuis des décennies, le charbon est la principale source d’énergie de l’Empire du Milieu. Mais aujourd’hui, la pollu-tion qu’il génère dérange. Il faut donc rapidement se tourner vers une autre source d’énergie, propre cette fois-ci. Pour les chinois, ce renouveau passe par le développement du nucléaire, qui fait pourtant débat ailleurs. En France par exemple, le groupe Bolloré en reven-dique l’utilisation, tout en la nuançant : «  L’électricité  utilisée  dans  nos  batteries  est d’origine éolienne, hydrogène et aussi nucléaire. Nous avons  la  chance  en France d’avoir misé sur  l’énergie  nucléaire,  il  faut  s’en  servir. C’est une source d’’énergie  importante qui est à notre disposition pour pas  cher. » Dans le cas de la Chine, l’utilisation du nucléaire

pourrait effectivement réduire les émis-sions polluantes… à condition que les normes de sécurité soient respectées. Et pour l’instant, rien ne garantit que le gouvernement chinois réussira à les faire appliquer. Car dans le domaine de l’énergie, la Chine doit encore faire ses preuves. Les nombreuses polémiques autour du barrages des Trois-Gorges, considéré comme un échec économique et environnemental par certains et à propos duquel Pékin lui-même connait quelques failles, ont rendu légitime la question. Le gouvernement chinois est-il prêt à gérer l’industrie nucléaire, dont les conséquences en cas d’accident pourraient prendre une ampleur inima-ginable ? Pourtant, malgré toutes ces interroga-tions et variables, la simple éventualité d’une réorientation du parc automo-bile chinois a de quoi faire frémir le monde entier. Premier marché automo-bile mondial, la Chine pèse lourd dans l’économie des pays producteurs de pé-trole. Pire encore, un engouement vé-ritable de la population chinoise pour-rait faire basculer le marché mondial, car les constructeurs qui fonctionnent sur une logique d’économie d’échelle,

pourraient favoriser le marché de l’élec-trique au détriment de celui du pétrole. «  L’électrique ne va pas tout remplacer mais évidemment,  si  tout  d’un  coup  la demande de pétrole chute, les pays producteurs vont en pâ-tir(…) Si  la Chine  abandonne,  il  y  aura un trou. Et puis après la Chine, l’Europe. C’est une sorte d’effet domino.  » décrypte Denis Astagneau.

Le sort du marché automobile et de l’économie pétrolière serait-il entre le mains des chinois? Dans un avenir proche, la question ne se pose pas. Mais dans le cas de la Chine, la question de la temporalité est à repenser. En lançant aujourd’hui des mesures destinées à favoriser l’essor de l’électrique, le gou-vernement chinois parie sur un futur « proche » d’une trentaine d’années. Les magnants du pétrole devraient-ils commencer à considérer la question d’un œil nouveau ?

Jade Toussay

Le barrage des Trois-Gorges, censé favoriser la production d’hydroélectricité, est considéré comme un échec sur le plan environnemental et humain. © Harvey Mead

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Dans plusieurs communes de France, les hôpitaux sentent monter la fièvre. Entre le rattrapage des réductions du temps de travail (RTT) pour certains et celui des emprunts toxiques pour d’autres, les administrateurs hospitaliers peinent à garder la forme. À cela s’ajoute les mots « déficit », « investissements » ou encore « objectifs budgétaires ». L’entreprise médicale est en crise... et les Français, eux aussi, se font porter pâles : moins de médecins de ville de secteur 1, moins de moyens, moins de lits. En France, la mauvaise santé des établissement hospitaliers est aujourd’hui à double tranchant. Le service hospitalier ne tiendrait plus l’équilibre entre aspects économique et humain. « L’hôpital est un établissement public où les malades ont leur maux à dire », disait Serge Mirjean...Aussi bien sur les feuilles de soins que les rapports d’activité.

dossier de Sélène Agapé

Hopitaux français : S.O.S Santé en

danger

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« Emprunts toxiques », « dettes pourries  », les appellations sont nombreuses pour qualifier le poison qui parasite les dettes des hôpitaux publics français. Pourtant, ils ne sont pas in-connus du grand public… et du gouverne-ment français. En 2008, en pleine crise des subprimes et post-municipales, la France découvre que des milliers de communes françaises sont touchées par les emprunts toxiques. Les malheureux nouveaux maires s’aperçoivent que leurs prédécesseurs ont contracté ces emprunts sous forme de pro-duit structuré qui évolue selon la fluctuation des marchés financiers. Les crédits finan-ciers risqués concernent 5 500 communes – qui n’ont pas toujours été très attentives et conscientes des conséquences – dont le montant des dettes et des taux d’emprunts est au bord de l’implosion. Du côté des créanciers, on pointe du doigt des banques peu scrupuleuses dont une qui représente les deux tiers du marché des emprunts toxiques des communes : Dexia. Cette banque fran-co-belge-luxembourgeoise, ex-Crédit local de France, aurait vendu à près de 5 000 col-lectivités locales françaises 12 milliards d’eu-ros de crédits structurés ou spéculatifs. Six ans après le scandale, feu Dexia – démantelé en 2012 – serait responsable du péril de 53 communes françaises. Cette affaire est une illustration des dérives de la finance inter-nationale… qui n’aura pas pourtant servi de leçon à toutes les entités administratives et gouvernementales, puisqu’aujourd’hui

ce sont les hôpitaux français qui sont pris dans la tourmente. Et après les élus, ce sont les administrateurs hospitaliers qui appa-raissent comme les nouveaux « pigeons » des opérations financières empoisonnées.

Le mot d’ordre : « investissement »

« Dès 2009, nous –  la  fédération CFDT santé sociaux – avons abordé  le problème des  emprunts avec Annie Podeur qui était la directrice de l’organi-sation et de l’offre de soins (DGOS) au ministère de la Santé de l’époque. Il nous avait été dit de ne pas nous inquiéter car très peu d’établissements étaient concernés et qu’en cas de problème tout serait résolu rapidement. Au fil des années, nous nous sommes aperçus que c’était un leurre, se désole Dominique Coiffard, secrétaire national CFDT santé sociaux. De  plus,  un  hôpital  n’est  aujourd’hui  compétitif  que  s’il  investit. » Les premiers rouages de l’engrenage toxique se mettent en place dès mai 2005 avec le futur Plan hôpital 2007. Un ensemble de mesures pour lever « les freins qui pèsent sur les hôpitaux  » mais aussi en fi-ligrane pour pallier au sous-investissement hospitalier. En octobre 2007, le président de la République, Nicolas Sarkozy prend le dossier à bras le corps et confie au sénateur des Yvelines, Gérard Larcher, la mission de mener à bien une concertation sur les mis-sions de l’hôpital. Six mois après le chan-tier, le sénateur rend son rapport et dévoile une série de recommandations comme la

transformation du conseil d’administration en conseil de surveillance, la modernisation du statut de l’hôpital public mais surtout le renforcement des pouvoirs des directeurs d’hôpitaux. Le 22 octobre 2008, l’ensemble des propositions est présenté sous la forme de la loi Hôpital, patients, santé, territoire (HSPT) en Conseil des ministres pour af-finer les missions de l’hôpital et étudier les modes d’administration. Le 21 juillet 2009, la réforme de l’hôpital est adoptée et les di-recteurs d’hôpitaux sont désignés comme grands gagnants. Ils ravissent l’essentiel des pouvoirs du conseil d’administration et dé-sormais gèrent, entre autre, la politique gé-nérale de l’hôpital, les dépenses et recettes et les pôles d’activités de la structure. Du côté du corps médical, certains ne cachent pas leur crainte que les directeurs d’hôpitaux se lancent dans une recherche de résultats économiques, au détriment de probléma-tiques médicales et de conséquences non anticipées. « Les fameuses mesures de 2007 puis 2012, prises par le gouvernement ont permis un in-vestissement fort. C’est à ce moment que des banques sont entrées en scène pour faire des propositions aux hôpitaux, qui se sont engouffrés dans ces offres  », explique Dominique Coiffard. À l’instar des maires, ils ont fait le choix de l’emprunt pour pallier la baisse de régime des hôpitaux et endiguer le sous-investissement, en fai-sant fi des primes de risques à l’avenir.

15 janvier 2015, c’est la panique dans les hôpitaux français. Le franc suisse est libre… Libre de s’échanger à sa guise contre l’euro. Ce qui coûte cher aux établissements hospitaliers. Déjà englués dans leurs emprunts, ces derniers n’en finissent plus de s’enfoncer avec des dettes qui flambent d’heures en heures. À qui la faute ? Hôpitaux, créanciers, gouvernements… Peu importe, dans cet horizon médical aux portes de la suffocation.

Emprunts toxiques

Hôpitaux publics à bout de souffle

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Le rappel du 15 janvier

Les banques n’en finissent pas de mener la vie dure aux établissements français. Le 15 janvier 2015, la Banque centrale suisse décide de lâcher du lest sur sa monnaie. Le franc suisse, libre de tout seuil d’appréciation par rapport aux autres monnaies, grimpe face à l’euro et le dollar, allant jusqu’à 20%. Un el-dorado monétaire qui n’est pas au goût des titulaires de prêts en euro-franc suisse et dol-lar-franc suisse comme les hôpitaux français. « Nous avons au total 1,5  milliard d’euros d’em-prunts toxiques. Pour solder ces produits structurés, les conditions de sortie sont si draconiennes qu’il fau-drait débourser du jour au lendemain le double, soit 3  milliards d’euros. Et voilà maintenant qu’on nous rajoute 500  millions à payer !  », rapporte Frédé-ric Valletoux, président de la Fédération Hos-pitalière de France (FHF), à la rédaction des Echos.fr. Le coup de poker helvétique a fait monter les enchères qui sont passées de 730 millions à 1,2 milliard d’euros d’emprunts toxiques. Ce qui n’améliore pas le jeu des établissements publics de santé (EPS) dont la dette globale pèse déjà 30 milliards d’eu-ros. Selon le rapport de la Cour des comptes pour la MECSS « La dette des  établissements publics de  santé    »,    publié  en avril 2014,  en dix ans, celle-ci, à moyen et long terme, a triplé pour at-teindre 29,3 milliards d’euros fin 2012, soit 1,4% du PIB. Le compte-rendu dénonce l’origine

cette «  progression spéculaire » dans la « politique de  soutien  à  l’investissement  privilégiant  le  finance-ment par l’endettement » mais aussi à cause de « la vision exagérément optimiste de l’accroissement de  l’activité  des  établissements  publics  » des ges-tionnaires hospitaliers. « Nous n’avons pas pris assez  tôt  la mesure  des  risques  », tranche le Pr Bernard Granger, du mouvement de défense l’hôpital public (MDHP). Un avis que par-tage Dominique Coiffard, « puisqu’au-delà des fameux emprunts toxiques, il y a un certain nombre d’hôpitaux qui se trouvent en déficit budgétaire depuis des années. » Outre, une responsabilité diluée, ce sont les dispositifs d’alerte qui ont peiné à se mettre en place. Le réseau d’alerte des EPS ne date que du 10 février 2010 et n’attribue seulement qu’une note aux établissements selon les niveaux du déficit, d’exploitation, de la capacité d’autofinancement brute, de la couverture des remboursements en capital de dette et de l’encours de la dette rapporté aux produits d’exploitations. Dans cette pers-pective de désendettement, l’Etat a adopté le 14 décembre 2011 un décret « relatifs aux limites et réserves du recours à l’emprunt par les éta-blissements publics de santé  ». Désormais, pour recourir à un emprunt, un directeur d’hôpital doit saisir le directeur général de l’ARS, qui consultera le directeur des finances publiques avant de prendre une décision. De plus, la création de comités régionaux de veille sur la trésorerie des établissements publics de

santé est ratifiée le 14 septembre 2012. Pour compléter le dispositif de contrôle, le 5 juin 2013 est crée un comité interministériel de la performance et de l’offre de soin (COPER-MO). Il assure le suivi financier prioritaire des établissements sélectionnés par les indi-cateurs des autres dispositifs d’alerte. Le 23 avril 2014, le ministère de la Santé posait de premières réflexions sur l’augmentation du fonds de soutien dédié aux hôpitaux – doté de 100 millions sur 3 ans – , permettant de les soutenir à réduire le taux de leur encours de dettes. En réponse à l’affaire du 15 janvier et l’appel à l’aide lancé par les représentants du monde hospitaliers, la ministre de la San-té, Marisol Tourraine a annoncé une rallonge de 300 millions du fonds sur 10 ans. « Ces dernières semaines, nous avons commencé à faire re-monter les dossiers via les Agences régionales de santé. Les hôpitaux vont  entrer dans  le dispositif   comme prévu cette année, il y en aura des dizaines, peut-être 50, 70, 80… Ils seront aidés pour payer les intérêts, mais aussi le coût de sortie de l’emprunt  », précise la ministre dans un entretien aux Echos. Une assistance qui pourrait peut-être dissuader les établissements hospitaliers de s’engager dans des poursuites judiciaires à l’égard de leurs créanciers empoissonnés, à l’instar des collectivités.

Sélène AGAPÉ

La flambée du franc suisse n’a pas épargné les hôpitaux dont le CHU de Saint-Etienne, l’un des hôpitaux les plus endettés de France. ©DR

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La paupérisation rapide de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris a conduit à la fermeture des urgences de l’Hôtel-Dieu, à une mobilisation des étudiants infirmiers et à des grèves de médecins. La tension croît depuis plusieurs mois dans les établissements de l’AP-HP, où certains secteurs atteignent les limites de la tension. Si les établissements parisiens ont toujours bonne réputation, les économies de fonctionnement deviennent trop contraignantes pour assurer un service de soins satisfaisant. Entretien avec le professeur Bernard Granger, directeur du service de psychiatrie de l’hôpital Tarnier et membre actif du mouvement de défense de l’hôpital public (MDHP).

« L’AP-HP n’est pas une entreprise »

Le 10 juin 2014, l’AP-HP a présenté son plan de « stratégie globale d’amélioration des Urgences », pensez-vous qu’il pourra améliorer la gestion de ce service souvent décrié ?

Je ne suis pas un spécialiste des Urgences mais on a beaucoup insisté sur le délai d’attente. C’est facile à mesurer. Mais les gens ne vont pas aux Urgences pour attendre, ils s’y rendent pour être bien soignés. Or, on ne mesure pas bien cet aspect. Je pense qu’il faut

Le 5 mars dernier, l’AP-HP a annoncé une légère aggravation de son déficit autour de 10 millions d’euros pour un budget de près de 7 milliards d’euros.   © DR

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surtout insister sur la qualité des soins qui sont donnés aux Urgences. Le problème des Urgences est très complexe : il y a ce qui se passe en amont et ce qui passe en aval. En amont, c’est le fait que beaucoup de passages aux Urgences pourraient être évités si la médecine de ville était organisée différemment. En aval, il y a toute la problématique de la suppression de lits, pour des raisons économiques principalement. Dans ma discipline – la psychiatrie – plus de la moitié des lits a été supprimée depuis les années 80. Dans certains services, notamment dans les hôpitaux de secteur, les médecins ont des difficultés à hospitaliser leurs patients. Ils les font sortir trop vite pour faire de la place. La baisse du nombre de lits parfois se justifie, il y a par exemple des bilans qui sont faits en hôpital de semaine qui pourraient être faits en ambulatoire. Inversement, il faudrait qu’il y ait un parc de lits modulables pour faire face au pic. Regardez l’exemple récent avec la grippe, on a du décommander des opérations au profit d’hospitalisations.

Parmi les problèmes de l’AP-HP, on cite souvent le rattrapage des réductions du temps de travail (RTT), qu’en est-il ?

Les 35h appliquées à l’hôpital ont été un facteur de désorganisation considérable parce qu’elles ont été mises en œuvre de façon très rapide sans prévoir toutes les conséquences et dans un domaine où l’on travaille 24h/24. La compensation qui a été donnée en RTT provoque des complications extrêmes car soit les RTT ne sont pas pris et sont mis dans un compte épargne temps dans le but d’être payés, ce qui coûte cher, soit ils sont pris et il faut jongler avec les effectifs présents. C’est pour le personnel une source de souffrance au travail car pour combler un trou on doit changer quelqu’un de service. On parle sans arrêt de polyvalence et de flexibilité mais elles ne sont pas réelles dans les faits. D’autant plus que les soins sont de plus en plus techniques. Un infirmier de diabétologie ne va pas être aussi performant dans un service de chirurgie où les soins n’ont rien à voir. Or pour des raisons d’économie, on a quand même beaucoup supprimé de postes en jouant sur cette polyvalence.

La réduction du déficit de l’AP-HP serait de 20 millions d’euros en 2013.

Comment et à quel prix ?

Il y a eu énormément de sup-pression de personnels. Il y a une dette assez importante à l’AP-HP. Heureusement, il n’y a pas d’emprunts toxiques. C’est vrai qu’il faut que les finances soient tenues mais en regard, il faut en-visager les conséquences. On ne peut pas vouloir supprimer un certain nombre de personnels soignants et vouloir soigner plus de personnes. La contradiction principale, c’est que ce n’est pas l’AP-HP qui fixe ses tarifs, ils sont fixés à l’échelle nationale, selon une enveloppe globale. Cette année, il va y avoir une réduction des tarifs pour que l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) soit respecté, et donc envisager les déficits sans essayer de com-prendre les mécanismes budgé-taires, c’est un peu trop rapide. L’AP-HP n’est pas une entreprise. On ne peut pas mettre les hôpitaux en concurrence. Il y a une large dif-férence entre les hôpitaux et les en-treprises. Les hôpitaux dépendent de l’ARS. Ils ont une autonomie très faible et ne fixent pas leurs prix. Demain, ils ne seront jamais mis en faillite, ils seront toujours secourus par l’Etat s’ils ont de trop gros problèmes financiers, ils ont des missions de service public. Appliquer la mentalité d’une entreprise privée à l’hôpital public c’est une absurdité. On se focalise sur les déficits mais ils sont surtout provoqués par les enveloppes globales, la politique nationale. Certes il y a aussi des gaspillages et probable-ment une bureaucratie trop envahissante au niveau de l’AP-HP, mais justement rien n’a été fait dans ce domaine.

Comment se portent les hôpitaux parisiens aujourd’hui ?

L’image de l’AP-HP auprès du public reste plutôt bonne. Je pense que les conditions de travail y sont de plus en plus difficiles. D’ailleurs, il y a beaucoup de gens qui quittent l’Assistance Publique. Je pense que la qualité des soins n’est pas toujours au rendez-vous malgré l’immense dévouement des personnels soignants, en particulier les aides-soignants, les infirmiers. Tout cet

aspect est d’ailleurs insuffisamment valorisé. Il y a tout un aspect humain qui est capital pour ce que vivent les patients qui nous font confiance tous les jours. On a le nez fixé sur des chiffres alors que le caractère humain ne se mesure pas. À mes yeux c’est tout aussi important. La visibilité à terme est tout aussi réduite parce qu’il faudrait moderniser les hôpitaux qui sont vétustes. Il y a également d’immenses besoins en terme d’équipements qui ne sont pas satisfaits à cause des contraintes budgétaires, liées au manque d’investissement criant. Ceux qui sont attachés à une médecine de pointe trouvent que dans certains domaines, l’AP-HP n’est plus au niveau. Les radiologues, par exemple, se plaignent beaucoup de ne pas avoir les équipements les plus performants. Etant donné que globalement les besoins augmentent en raison des progrès de la médecine et du vieillissement de la population et qu’en face le pays n’a plus les moyens de mettre autant d’argent, il y a un décalage qui se produit inévitablement. Même si en France nous n’avons pas un mauvais système de santé.

Sélène AGAPÉ

Le  13  mars  prochain,  le  Mouvement  de  défense  de  l’hôpital  public (MDHP) dont fait Bernard Granger, célèbre ses 6 ans. ©DR

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Un congrès PS aux airs de congrès UNEF

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Un congrès PS aux airs de congrès UNEF

Un congrès du PS durant une présidence socialiste est toujours un exercice périlleux. En 2008, celui de Reims s’était achevé dans les larmes de Ségolène Royal. Sept ans plus tard, les socialistes redoutent « un nouveau congrès de Rennes » (1990) au cours duquel Laurent Fabius et Lionel Jospin s’étaient affrontés sans vainqueur. Le congrès de mi-mandat doit définir la ligne politique à tenir pour espérer se faire réélire à la prochaine échéance présidentielle. Or, lorsque toute une aile du parti fronde déjà à l’Assemblée, au point de forcer le Gouvernement à engager sa confiance pour faire voter une loi, rien ne va plus.

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De son long passage à l’Union Na-tional des Etudiants de France (UNEF), Jean-Christophe Cam-

badélis a laissé à certains le souvenir d’un homme de consensus. Robi Morder, ancien membre du Bureau national de l’UNEF le décrit comme un homme « voulant maintenir tout  le monde  ensemble  », quitte à utiliser des « manœuvres ». François Sabado, ancien dirigeant de la LCR, chargé au Bureau Po-litique des questions de jeunesse parle plu-tôt de «  certaines  méthodes  ». Et elles n’ont pas manqué: « fausses cartes, menaces physiques, résultats  trafiqués  » avec des ajouts de vote d’étudiants africains ou la pratique du « vote polonais » (vote bloqué). Des pratiques qui ne sont pas sans rappeler celles de certaines fédérations du PS, notamment dans les Bouches-du-Rhône. Au congrès du PS de Poitiers, « Camba » retrouvera d’autres anciens de l’UNEF aux caractères « plus clivant ». D’autant que l’UNEF est actuellement représentée au

cœur du pouvoir en la personne de Bruno Le Roux et Jean-Marie Le Guen. C’est aus-si le cas de Manuel Valls, Premier ministre et ancien chef de fil des jeunes rocardiens qui a rejoint avec Alain Bauer et Stéphane Fouks (qui deviendront respectivement pa-tron d’Euro-RSCG et dirigeant du Grand Orient de France). L’UNEF-ID (Indé-pendante et Démocratique) se réunifie en 1980. Benoît Hamon est également arrivé après les grandes batailles de 1986. Mais ces hommes, selon Robi Morder, n’ont jamais eu « qu’une carte de l’UNEF ». Pour lui, « cela fait  partie  de  l’ordinaire  d’adhérer  à  des  organi-sations  syndicales  ou  politiques,  dans  certains mi-lieux ». Pour le sociologue, Valls et Hamon avaient d’abord « un engagement politique avant d’avoir  un  engagement  syndical.  Ce  qui  les  inté-ressait était d’avoir  les mains dans  le  cambouis. » Il poursuit : « Pour être recruté dans un cabinet ministériel  ou  pour  monter  dans    l’organigramme du PS, il y a deux solutions : sortir d’une grande école ou venir d’un mouvement jeune, comme le MJS 

(Mouvement des Jeunes Socialistes), SOS Racisme, et l’UNEF. ».En juin prochain, deux visions vont s’af-fronter en Juin au congrès de Poitiers: d’une part, celle du premier secrétaire qui tente actuellement de rassembler autour une mo-tion large. De là, lui vient aussi son surnom de « président Wilson », à l’image du pré-sident américain qui essaya de réconcilier l’Europe de l’après-première Guerre mon-diale. D’autre part, il faudra compter sur l’aile gauche, divisée, dont les leaders sont souvent issus de la jeune garde du PS, exfil-trés des mouvements jeunes et notamment de l’UNEF d’abord par Henri Emmanuel-li puis par Benoît Hamon. Ces « rebelles » qui forment aujourd’hui l’aile gauche du PS sont bien décidés à se faire entendre. Une attitude qui n’est pas sans rappeler le congrès de Dijon (2003) à la fin duquel les dissidents étaient rentrés dans le rang à la promesse d’une meilleure représentation dans le parti.

Le 77è congrès du Parti socialiste (PS) se tiendra à Poitiers du 5 au 7 juin 2015, sous la présidence de Jean-Christophe Cambadélis. Face à lui, le premier secrétaire retrouvera plusieurs anciens cadres de l’UNEF-ID, qui ont fait carrière au PS. Les mêmes qui militaient dans le premier syndicat étudiant lorsque « Camba » en était président de 1980 à 1984.

Le Congrès de la réunification de l’UNEF en 1980

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La méthode Cambadélis

Robi Morder raconte qu’en 1980 : «Cambadé-lis arrive, et il prend au coin d’une table un papier de carré de sucre sur lequel il écrit la formule magique : 4 mitterrandistes, 3 rocardiens et 2 CCA  (comi-tés communistes pour l’autogestion). Avec cela, il y avait 5 autogestionnaires contre les 4 autres. Mais encore ces 5 personnes devaient-elles réussir à s’en-tendre. » Selon Robi Morder, l’Histoire et les mémoires retiennent une autre histoire de la réunification de l’UNEF, qui se serait dé-roulée sans problèmes. Pourtant, « ce n’était pas gagné et cela aurait pu échouer. Camba savait aussi élever la voix quand cela devenait nécessaire. » Mais la force de Jean-Christophe Camba-délis est surtout d’avoir réussi à fédérer au sein de l’UNEF-ID en 1980, l’UNEF-US (trotskystes-lambertistes) et sa tendance reconstruction syndicale, et le MAS (LCR) et sa tendance syndicaliste autogestionnaire. C’est lui encore qui réussit à faire évoluer les relations entre le PS et les CCA (Comités communistes autogestionnaires).Outre les différences de positionnement par rapport à la Quatrième Internationale, l’opposition des lambertistes et des révo-lutionnaires est alors très nette. François Sabado, qui fréquentait les responsables d’aujourd’hui, parle d’ailleurs d’une «  pro-fonde méfiance » de la LCR vis-à-vis de l’OCI (Organisation Communiste internationa-liste) qui voudrait la détruire et l’absorber. Robi Morder résume ainsi : « Si on se disait trotskyste,  tout allait bien mais  si  on  se  réclamait de la Quatrième internationale, on croyait que vous étiez anti-lambertiste. »Pour Cambadélis, la parole donnée ne vaut pas un engagement écrit. Combien de fois n’a-t-il pas sorti de sa poche des documents signés sur le coin d’une nappe en papier, ex-plique Robi Morder. C’est aussi cela qui lui permet d’éteindre des conflits avant qu’ils ne s’embrasent trop. Comme dans l’affaire du règlement intérieur du Bureau National que certains commençaient à vouloir re-mettre en cause après sa signature. Dans le même temps, Cambadélis, comme nombre d’autres futurs socialistes, ne semble pas vraiment s’intéresser au fond des textes. La priorité, c’est l’instauration d’un accord. L’ancien cadre étudiant va même plus loin dans ses propos. « Les futurs socialistes se foutaient des textes ». Ainsi, la tendance au-togestionnaire avait émis des avis de modifi-cations sur certains textes, que « Camba » a pris en compte sans aucune discussion.C’est donc à un difficile numéro d’équili-briste que s’est livré Jean-Christophe Cam-badélis pendant six ans, d’abord à la prési-dence de l’UNEF-US de 1978 à 1980 puis à la présidence de l’UNEF-ID de 1980 à

1984. Un spectacle qui s’est également fait au détriment des trotskystes de l’OCI qui « représentaient 80 % des militants mais n’étaient représentés qu’à 60 % », qui perdront la ma-jorité voire ne survivront pas au départ de leur chef Jean-Christophe Cambadélis pour le PS début 1986.

L’UNEF, lieu d’affrontement des gauches

Avant 1972 et le programme commun d’union de la gauche, les socialistes (divi-sés en rocardiens et mitterrandiens) sont largement minoritaires et dépassés en nombre par les trotskystes et les commu-nistes staliniens. En 1971, les rocardiens sont majoritaires au Bureau national grâce

à l’appui des maoïstes mais ils perdent le pouvoir à la suite de l’alliance des mit-terrandistes, des trotskystes et des commu-nistes. À partir de là, l’UNEF se divise car les communistes quittent le syndicat pour fonder l’UNEF-Renouveau. Tandis que les autres courants se réorganisent au sein de l’UNEF-US à majorité lambertiste. Mitterrand tente alors de s’imposer en

1975 au sein de l’UNEF-US grâce au CO-SEF (Comité pour l’organisation d’un syn-dicat étudiant de France) dirigé par Édith Cresson puis par Jean-Marie Le Guen, président du MJS – Mouvement des jeunes socialistes. A l’époque, Michel Rocard en-voyait ses pions tant à l’UNEF-US qu’au MAS (Mouvement d’action syndicale) où la LCR devint majoritaire. Ce fut finale-ment un échec pour les deux hommes en 1979, deux ans avant la nomination du candidat PS à l’élection présidentielle. Mais tous deux avaient compris, qu’avec l’abais-sement du droit de vote en 1974, ils gagne-raient l’élection.Vainqueur du 10 mai, Mitterrand a ensuite besoin de soutien chez les jeunes, au dé-triment du Parti communiste. Le président

entreprend alors des rapprochements de plus en plus prégnants avec l’UNEF par l’entremise et la négociation de Jean-Louis Bianco, de Pierre Bérégovoy, de Jacques Attali, de Lionel Jospin mais aussi de Pierre Lambert. Mais à partir de 1984, c’est Cambadélis et Stora eux-mêmes qui se rendent au palais présidentiel pour né-gocier, en passant par l’intermédiaire du

 Jean-Christophe Cambadélis, président de l’UNEF-ID de 1980 à 1984 

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« Ce n’était pas gagné et cela aurait pu échouer. Camba savait aussi élever la voix quand cela devenait nécessaire. »

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secrétaire général de l’Élysée, Jean-Louis Bianco. De fait, le futur ralliement des cadres de l’UNEF au PS ne semble plus faire de doute. «Cela se dessinait naturelle-

ment» confie Philippe Darriulat, président de l’UNEF-ID de 1986 à 1988. Les enjeux étaient déjà connus. Robi Morder se sou-vient : « Tout était déjà sur le tableau. Un jour, je suis arrivé dans une salle pour une réunion syn-dicale et tout était déjà écrit. Il suffisait de lire. »

1986, les cadreslambertistes passent au PS

Au long de l’année 1986, une décision va donc faire grand bruit. Plus de 400 cadres de l’UNEF jusque là trotskystes-lamber-tistes (OCI devenue le PCI - Parti commu-niste internationaliste) passent avec armes et bagages au Parti socialiste. Le mouvement est initié par Jean-Christophe Cambadélis et Marc Rozenblat qui les premiers quittent l’organisation. À l’époque, chacun donne des prétextes idéologiques basés sur des

références trotskystes différentes pour se justifier : « trouver le chemin des masses », « faire de l’entrisme dans la social-démocratie », « créer une aile gauche au sein du PS qui ferait sécession le mo-

ment venu pour former un grand parti trotskyste ». Mais le mal est fait, les lambertistes perdent quasiment tous leurs militants syndicaux et ils ne parviendront plus à peser sur aucune autre décision. Pire, le système de renouvel-lement des jeunes lambertistes se fissure et le courant perd une forte partie de son im-plantation dans la jeunesse française.La gauche est alors défaite aux élections législatives de mars 1986, ce qui accélère le passage des cadres favorable à l’idée d’union des gauches au sein du PS, nécessaire pour remporter les élections. La droite revient en force et propose la réforme Devaquet pour une plus grande autonomie financière des universités françaises. C’est un échec, la loi ne passera pas. Une aubaine pour François Mitterrand qui espère beaucoup des étu-diants pour discréditer le gouvernement de droite. Ce projet, présenté en novembre de

la même année par le ministre de l’Ensei-gnement supérieur Alain Devaquet, est for-tement similaire à celui de Valérie Pécresse, adopté en 2010. Philippe Darriulat a succé-dé à Marc Rozenblat quelques mois plus tôt et est alors président de l’UNEF-ID.

Les syndicats étudiants réagissent à la ré-forme avec pour slogan «Pas de fac d’élite, pas de  fac  poubelle». Mais la mobilisation ne se créée pas les trois premières semaines. Puis à Caen, un militant de l’UNEF, Daniel Ca-bieu lance « l’appel de Caen » qui fait démar-rer le mouvement en province. Suite à cela, la France entière se met en action. En région parisienne, il s’organise notamment avec ceux qui ont quitté le PCI quelques mois avant pour rejoindre le PS. Sous l’égide de Philippe Darriulat, accompagné d’ Isabelle Thomas, David Assouline, Christophe Ramaux, se créent les « AG du Mouv’ » (assemblées générales du mouvement étu-diant) qui se traduisent par l’occupation des facs et le blocage des cours. Les lycéens se joignent au mouvement qui se radicalise jusqu’à ce qu’un jeune étudiant, Malik Oussekine, décède après une mani-festation, sur fonds de violences policières. Alain Devaquet démissionne. René Monory, ministre de l’Éducation nationale récupère son portefeuille avec l’ambition de pour-suivre la réforme. Le samedi 4 décembre 1986, plus d’un million de personnes dé-

Les jeunes Rocardiens en 1986, à l’UNEF : Stéphane Fouks, Manuel Valls, Alain Bauer

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Une aubaine pour François Mitterrand qui espère beaucoup des étudiants pour discréditer le gouvernement de droite.

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filent dans les rues parisiennes, ce qui fait prêter ce bon mot à Jacques Chirac, alors Premier ministre «les lycéens, c’est comme le dentifrice, quand ils sont sortis du tube, on ne peut plus les faire rentrer.» Cette mo-bilisation assiéra définitivement la stature des futurs personnalités issues de l’UNEF : Jean-Christophe Cambadélis, Philippe Darriulat, Manuel Valls, Christophe Borgel, Christophe Ramaux, Désormais, Jospin ne sert plus d’intermédiaire puisque tout est directement traité entre Mitterrand, Dray, Bianco et Cambadélis.

Du milieu syndical au milieu politique

Si l’engagement syndical découle bien sou-vent d’un engagement politique, les deux sont interdépendants et possèdent la capacité al-truiste de l’engagement pour les autres. « Der-rière  toutes  relations  syndicales,  il  y  a  des  relations politiques avec  l’intervention des différents partis qui essaient de détourner les mouvements de jeunes en leur faveur » assure François Sabado. À ce jeu, c’est François Mitterrand qui se révèle le plus fort, notamment lorsqu’il affirme en 1986 « Les étu-diants savent bien de quel côté vont mes sympathies. »Tout cela n’est que l’aboutissement du travail initié en 1968 et dans les comités d’action lycéens (par exemple celui présidé en 1973 par Michel Field contre la loi Debré). Mais il avait fallu attendre 1976-1977 et la fin des effets différés de mai 1968 pour effectuer un travail de masse dans l’université. Pour ceux de tendance autogestionnaire, l’engagement au MAS était la voie royale. Mais les relations de la LCR étaient aussi tendues avec les ro-cardiens notamment à cause du COSEF. L’in-tention de Mitterrand était claire : rassembler des jeunes de gauche et les convertir au PS. En cela, SOS Racisme, l’UNEF et le MJS permettait de priver le Parti communiste du renouvellement de ses futurs cadres en se les appropriant.En 1980, le milieu syndical étudiant désire réaliser l’union de la gauche pour permettre le changement de majorité présidentielle et l’unité au pouvoir. Pour François Sabado, «  réellement,  la  société  semblait  tendre  dans  le  sens des engagements trotskystes.» La perspective uni-taire alors très forte l’emporte donc, non sans arrières pensées de part et d’autre. François Sabado explique : « L’OCI  a  toujours  regardé la Ligue d’un mauvais œil. Lors de la réunification, il voulait détruire la Ligue. Les deux n’avaient pas réussi à se mettre d’accord sur un texte commun ni à s’entendre sur un candidat commun pour les présiden-tielles de 1981. »

Les courants politiques dans les mouvements

étudiants

En mai 1968, l’UNEF est désorganisée, tiraillé par ses divisions entre socialistes (SFIO, CERES, PSU), communistes (staliniens du PCF), maoïstes et trotskystes (pablistes et lambertistes). Alors que les rocardiens du PSU tiennent le bureau national grâce à une alliance avec les maoïstes, l’ensemble des autres mouvements se liguent contre eux et le syndicat historique se scinde en 1971 en deux syndicats étudiants. D’un côté, il y a l’UNEF-Renouveau, émanation de l’UEC (Union des étudiants communistes), le mouvement jeune du Parti communiste. Ils sont alors soutenus par les chevènementistes du CERES et les maoïstes. De l’autre, on retrouve l’UNEF-US (Unité syndicale) à majorité trotskyste-lambertiste qui regroupe les socialistes (du PS et du PSU) et les lambertistes de l’OCI (Organisation communiste internationale) à tendance favorable à la refondation syndicale (TRS). En 1976, les trotskystes de la Ligue communiste révolutionnaire fondent un syndicat étudiant indépendant : le MAS (Mouvement d’action syndicale) à tendance syndicale autogestionnaire (TSA). En 1980, l’UNEF-US et le MAS fusionnent pour former l’UNEF-ID (Indépendance et démocratie) lors du congrès de Nanterre. Les lambertistes de l’OCI sont alors majoritaires à 55 %. Le MAS (LCR) représente alors 35 % des adhérents. Enfin, les socialistes du PS sont environ 10 %. Le rapport de forces se modifiera en 1986 lorsque plus de 400 trotsksytes quittent l’OCI devenue PCI (Parti communiste internationaliste) pour rejoindre le PS. A partir de là, les socialistes sont et restent majoritaires. En 2001, l’UNEF-ID et l’UNEF- RE se réunifient.

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Les révolutionnaires sont unis par le contenu de leur programme : contre la droite, contre les institutions de la Ve République et contre le capitalisme. À la Ligue, la stratégie est claire : celle d’une indépendance nette pour « féconder le front unique d’un contenu anticapitaliste et révolutionnaire ». L’organisation de jeunesse prône toujours le retour à l’usine. À l’OCI, assumer les comportements des années 1980 est plus difficile. Robi Morder précise « Dans l’éducation lambertiste, on se méfie des appareils. Là encore, c’était une contradiction. On a beau être idéa-liste,  on  n’est  pas  cons.  » Car d’un côté, l’OCI affirme ne pas pouvoir traiter avec les gou-vernants. Tandis que de l’autre, Cambadélis et Rozenblat négocient avec Alain Savary, ministre de l’Éducation nationale.Mais la Ligue résiste par son pragmatisme et surtout grâce à l’activisme de ses militants. Dans les luttes et dans les grèves des années 1980, ils sont toujours présents. François Sa-bado se rappelle avec nostalgie le temps où ils arrivaient à faire descendre « plusieurs centaines de milliers de personnes dans les rues ». En 1986, les têtes de la contestation sont issues de la

LCR: Isabelle Thomas à Paris XIII, Daniel Cabieu qui lance le mouvement à la suite de son « Appel de Caen », Julien Dray qui même s’il l’a quitté en 1982 y reste toujours très atta-ché, notamment à la minorité de la ligue par Gérard Filoche.Julien Dray, ancien de la Ligue, puis président du MAS arrivait avec plusieurs milliers de cartes. Mais le désavantage du MAS est qu’il n’est soutenu par aucun syndicat « adulte ». Alors que l’UNEF-US bénéficie de l’aide de FO et du soutien officieux de François Mit-terrand. Si en surface l’unité de l’UNEF ID semble acquise, les relations internes sont dures. La pression qu’exerce le pouvoir socialiste sur le syndicat est d’autant plus forte. Mitterrand tient à ce que le PS, «  là où se passent les choses sérieuses » soit représen-té dans la jeunesse, selon le sentiment de l’époque. Il encourage même ce qui repré-sente une aile gauche au sein du PS. Il les incite même à être plus radicaux que le parti pour pouvoir rallier à eux une large partie de l’extrême-gauche française. L’attrait des res-ponsabilités intéresse également les jeunes

ambitieux comme Cambadélis. Mais l’eu-phorie est de courte durée. Philippe Darriu-lat souligne : « Deux ans après le ralliement, il ne restait plus qu’une trentaine de personnes sur les quatre cents qui étaient partis. Restaient ceux qui voulaient faire carrière dans l’appareil du PS ».

Après 1986, l’échec de l’entrisme dans la social-démocratie.

Pour Robi Morder, « toutes  les  tentatives d’en-trisme  dans  un  parti  social-démocrate  se  sont  sol-dés par  la dispersion ou la  fusion de ceux qui en-traient ». Plus grave pour le syndicat étudiant, la proximité entre les deux structures qui a profondément bouleversé le fonctionne-ment de l’UNEF. Le sociologue précise « Ce n’est  pas  le PS qui  est  devenue  une  succursale  de l’UNEF mais  c’est plutôt  l’inverse. L’UNEF a adopté  le système de fonctionnement du PS avec  le jeu des tendances. »Dans les années 1970, les différents mou-vements d’extrême-gauche appelle leurs militants à faire de « l’entrisme dans la social-dé-mocratie  » pour aller au devant des masses. Plusieurs agents avaient alors été envoyés en « sous-marins » pour infiltrer le Parti socialiste, comme Lionel Jospin. Toute-fois, pour Robi Morder, l’histoire de l’an-cien Premier ministre est plus compliquée car Jospin n’a jamais milité à la base. Les jeunes de la LCR rejoignent alors le MAS dirigé par Julien Dray à partir de 1979, tan-dis que les lambertistes se rassemblaient à l’UNEF-US derrière la figure charismatique de Jean-Christophe Cambadélis, choisi par Pierre Lambert en personne, dissident de la IVème Internationale, pour lui succéder un jour. Ainsi, une grande partie de ceux qui militent dans un des deux grands partis trotskystes ou une de leurs associations de jeunesse parallèles rejoignaient ensuite le syndica-lisme étudiant. Philippe Darriulat parle alors de «  suite  logique  et  naturelle  ».  « Les  jeunes  de l’OCI allait à l’UNEF-US, c’était ainsi. » Mais au-delà de l’aspect d’engagement, rejoindre l’UNEF permet aussi de se mettre en valeur et d’obtenir une reconnaissance. Franchir le pas peut aussi révéler des querelles d’ego notamment entre les anciens dirigeants du MAS et ceux de l’UNEF-US qui nourris-saient des arrières pensées concernant leur traitement et leur représentation au Bureau national.Philippe Darriulat parle de son passage au PS à la fin 1986 comme d’une satisfaction de faire de la politique sans être marginali-sé. Certes, il est bien conscient que l’UNEF

Philippe Campricini, président de l’UNEFID de 1988 à  © Actuel

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qu’il dirige fait le jeu de tous les anti-com-munistes trop contents de voir le PC s’affai-blir. Car la jeunesse communiste des années 1980, très faible numériquement, se re-trouve mal à l’aise avec le militantisme, une force de l’UNEF-ID. Pour Robi Morder, ce recul de l’action des jeunes communistes est aussi à regarder en lien avec ce qui se passe dans les pays de l’Est. Mais Darriulat in-dique aussi avoir le « sentiment d’être de gauche et  d’avoir  une  prise  directe  et  concrète  sur  la  poli-tique.  Nous avions la volonté d’être la gauche du PS» « L’UNEF empêchait aussi l’épanouissement de la carrière. Elle apparaissait à certains moments comme une secte », affirme Philippe Darriulat.C’est donc la fin d’une histoire collective, d’autant que les militants n’ont pas toujours réussi à se fondre aux enjeux d’appareils. Les jeunes prennent d’autres dispositions d’esprit, souhaitaient une autre réforme de la société. François Sabado poursuit : « très vite, les anciens de l’UNEF sont devenus des objets de Mitterrand qui avait besoin dans  son parti de jeunes qui défendent des positions plus à gauche. » C’est à partir des années 1990 que l’UNEF devient un point de passage vers le PS, une véritable école de cadres du parti. C’est d’abord Henri Emmanuelli qui, rêvant de réaliser de nouveau l’exploit de François Mitterrand en 1981, essaie de rallier les jeunes syndicalistes. Il dirige alors un cou-rant jeune qui exfiltre doucement les per-

sonnalités charismatiques engagées dans le syndicat. Libre ensuite à ceux pris plus ou moins volontairement dans la toile de se tisser une carrière dans l’organigramme du parti.Il est soutenu par les jeunes « poperenistes » réunis autour de Jean Poperen et les jeunes « chevènementistes » réunis autour de Jean-Pierre Chevènement, qui ne soutiennent plus la politique du Gouvernement depuis l’intervention en Irak pendant la première guerre du Golfe. Malgré ses nouvelles re-crues qui sont aujourd’hui pour la plupart frondeurs du PS (Borgel, Galut, Hamon, Cherki...), Emmanuelli est battu par Jospin à l’investiture PS pour l’élection présidentielle de 1995. Pour peser alors au sein du parti par le biais de sa tendance et de ses motions, l’homme doit malgré tout continuer à recru-ter et il est rejoint en 2005 par un homme qu’il a lui-même appelé en 1993 : Benoît Hamon. Ensemble, ces hommes consti-tuent l’aile gauche actuelle du PS.

La vie après l’UNEF

Trente ans plus tard, les anciens cadres de l’UNEF ont plutôt bien réussi, à commen-cer par la génération du bureau National de 1980. Pour ceux qui ont choisi de pour-suivre leur engagement en politique, la plupart ont trouvé des places dans l’appareil socialiste confortable. Paradoxalement, Robi Morder analyse que « ce ne sont pas les couches les plus  favorisées qui  sont  restées au PS. » Ils ont donc monté les échelons du parti à l’instar de Jean-Christophe Cambadélis qui a rem-placé au pied levé l’ancien président de SOS Racisme et ancien membre de l’UNEF, Harlem Désir devenu ministre. Julien Dray dit « Juju » est quant à lui Conseiller régional d’Île-de-France et ancien député de 1988 à 2012. David Assouline est devenu séna-teur de Paris. Isabelle Thomas, arrivée à l’UNEF en 1983 et figure de la contestation anti-Devaquet est députée européenne et conseillère régionale de Bretagne. Laurence

Benoit Hamon et Henri Emmanuelli ©MaxPPP

Philippe Darriulat parle de son passage au PS à la fin 1986 comme d’une

satisfaction de faire de la politique sans être marginalisé.

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Pour François Sabado, c’était une période où la France possédait une jeunesse « inventive, imaginative, super-radicale, gonflée au possible ».

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Rossignol est secrétaire d’État à la Famille. Philippe Darriulat est adjoint au maire dans le XVIIIe arrondissement de Paris.Mais si beaucoup de transfuges de l’UNEF au PS ne sont pas restés (une trentaine sur les 400 qui avaient pris la tangente en 1986 : certains se sont lancés dans les affaires comme Marc Rozenblat et Bernard Rayard encore Stéphane Fouks, patron l’agence de publicité EuroRSCG. D’autres ont choisi la voie du journalisme à l’image de Denis Sief-fert, rédacteur en chef de Politis ou de Syl-via Zappi, journaliste au Monde. D’autres encore ont pris le chemin de l’université comme Benjamin Stora, professeur d’His-toire à Paris I, Christophe Ramaux devenu professeur d’économie à Paris I et membre des économistes atterrés ou encore et enfin Jean-Loup Salzmann devenu président de l’université Paris XIII où la contestation de 1986 avait commencée, et président de la Conférence des présidents d’université.Le syndicalisme est aussi un engagement que certains n’ont pas arrêté à l’image de Robi Morder, juriste et sociologue devenu syndicaliste enseignant ou encore Laurent Zappi. Pourtant, beaucoup des acteurs de cette époque n’ont plus envie de parler de cela. Comme s’ils étaient désabusés de l’évolution des événements. Pour beau-

coup, la période reste éminemment posi-tive. Pour François Sabado, c’était une pé-riode où la France possédait une jeunesse « inventive,  imaginative, super-radicale, gonflée au possible  ». Pour autant, l’homme garde un regard lucide sur cette époque : « On s’est ra-conté des histoires. Comme des illusions d’optiques sur  les  rapports  de  force  dans  l’université  et  dans le  pays.  » Pour Benjamin Stora, le combat doit se poursuivre de manière intellectuelle et ses travaux historiques vont dans ce sens.Pour François Sabado, c’est aussi l’union de la gauche qui a fait « perdre la main au profit des  grands  appareils.  Il  y  a  eu  des  compromis  et aussi  des  compromissions.  Les  jeunes  ont  été  ga-gnés par le PS. C’est notamment ce qui est arrivé à  Jospin  qui  a  été  transformé.» Oubliée donc l’idée de l’entrisme originel pour former un courant de gauche au sein du PS, qui aurait représenté 1/3 du parti. « C’est aussi  la force d’intégration de l’appareil social-démocrate qui s’est révélée plus forte sur le plan idéologique, organisa-tionnel  et matériel.  » L’ancien dirigeant de la LCR porte un regard lucide sur les chan-gements intervenus depuis, au sein de la société française : « C’est la fin du mouvement ouvrier et il y a quelque chose d’autre à construire. Nous  sommes  dans  le  ‘déjà  plus’  et  le  ‘pas  en-core’  du  XIXe  siècle  et  dans  la  contestation  du XXIe siècle. Nous sommes dans l’entre-deux, que 

Gramsci appelle les monstres. Si notre idéal est in-tact, nous avons moins de certitudes. » Pour Sylvia Zappi, c’est plutôt la « réalité sociale n’a plus rien à voir ». Benjamin Stora avoue même « Je ne saurais même pas dire qui est l’actuel président de l’UNEF ».Le Bureau national de 1980 témoigne de la fierté d’avoir participé à la conquête du pouvoir et à la réunification du syndi-cat. L’UNEF fut une grande famille : de l’époque de combat, beaucoup ont gardé ce goût et cette appétence pour la « négocia-tion systématique », qui pour certains était naturel et précédait leur engagement. Mais «  la  pratique  a  saboté  le  reste  »  affirme Robi Morder. « On a appris beaucoup : la gauche révo-lutionnaire était proposition de forces et de diversi-tés. Enfin, la jeunesse avait une représentation po-litique » poursuit Sabado. « C’était une période très positive. J’ai développé beaucoup d’affections. Je ne regrette rien. »

Olivier Vagneux

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Les failles du plan numérique

2015-2016Depuis le mois de juillet 2014, François Hollande annonce régulièrement le lancement d’un plan numérique. Inscrit dans le cadre de la refonte des programmes de 2016, ce projet a pour ambition d’enseigner ‘le numérique‘ de l’élémentaire à la terminale. Les décisions à ce sujet seront prises en mai 2015 après la synthèse de la consultation numérique prévue pour mi-mars. Le chef de l’Etat a promis « une grande école du numérique ». Mais à quel prix ?

Les élèves savent se servir des nouvelles technologies de plus en plus jeunes © wikimedia commons

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Le « numérique » à l’école est un vieux serpent de mer. Du Thomson TO7 des années 80, ( le pré crétacé su-

périeur de l’ordinateur) aux tablettes ac-tuelles, l’Education Nationale n’en finit pas d’avoir les yeux de Chimène pour les technologies soi disant avant-gardistes. L’éternel marronnier du poids du cartable informe les lectrices de Marie-Claire et leur apprend que les 13 kg que porte quoti-diennement leur cher bambin tiendrait sur une clé USB. Mais de quoi parle t’on ? Les manuels scolaires en PDF, l’utilisation des smartphones, tablettes et PC à visée péda-gogique, l’apprentissage ludo éducatif au collège, ces idées éclosent régulièrement chez les experts en psycho-pédagogie qui encombrent le ministère de l’Education Nationale, mais sont elles seulement utiles et pertinentes. De l‘obsolescence du ma-tériel à la formation des enseignants, les écueils sont considérables et dans une pé-riode crise ou les budgets s’amincissent, le coût faramineux du « Plan numérique » est tout simplement prohibitif, et l’ambition purement démagogique, en ce sens ou il ne s’agit pas d’améliorer l’enseignement, mais de communiquer sur cette intention.

C’est l’une des promesses de campagne de François Hollande. Cet e-plan a comme principal objectif de fournir 70% des col-légiens et écoliers en tablette PC d’ici 2020 avec, pour se faire, 60% des crédits pour les ressources pédagogiques alloués au numé-rique. « L’éducation doit garder les mêmes valeurs mais  s’ouvrir  aux  nouvelles  technologies.  C’est  la raison pour laquelle  le numérique va être générali-sé. Le plan numérique sera mis en œuvre dès 2016 dans  les  collèges. » expliquait François Hol-lande lors de son discours du 18 septembre 2014. Selon le président français, ce plan « est une chance pour les enfants et pour les ensei-gnants d’utiliser ces moyens. Une chance pour avoir un  contenu.  Une  chance  pour  l’économie  d’avoir ces  emplois  préparés  dès  l’école. » Mais surtout, une chance pour lui de se faire bien voir. Il faut bien l’avouer, la modernisation, l’idée d’une « grande école numérique » c’est vendeur. Et c’est du plus bel effet dans le cadre d’un mandat. Pourtant, ce 12ème grand plan nu-mérique semble lui, avoir une réelle crédi-bilité. En effet, il a l’avantage de se situer dans un programme gouvernemental global appelé : « les 34 plans de la nouvelle France industrielle ». Cela permet, entre autre, la ventilation des budgets. Il bénéficie d’une enveloppe nationale pilotée et dotée par le Ministère de l’économie, et non par l’Edu-cation Nationale. Une bonne nouvelle en soit puisque cela lui permet de ne pas puiser dans son budget.

Le plan numérique ou l’obsolescence programmée

Depuis des décennies, l’Education Na-tionale s’embourbe dans différents plans numériques. A tel point que les col-lectivités territoriales cherchent à tout prix à moderniser leurs établissements. Dans les années 80, déjà, l’arrivée du premier plan numérique et, de ce fait, du Thomson TO7 avaient fait du bruit dans les salles de classe. Et du TO7, à la tablette il n’y a qu’un pas. La preuve en est qu’aujourd’hui, plus personne n’utilise cet ancêtre de l’ordina-teur et les plus jeunes ne savent même pas à

quoi cela ressemble. « Le problème avec ce genre de plan numérique, c’est que les machines sont très rapidement  obsolètes. On  ne  sait  pas  vérifier  s’ils sont  véritablement bénéfiques à  l’enseignement. Et ce constat vaut également pour la tablette. Personne ne  sait  comment  elle  aura  évolué  d’ici  cinq  ans  et 

si  on  l’utilisera  toujours. » explique Jean-Rémi Girard, secrétaire national à la pédagogie du SNALC-FGAF.

S’en tenir aux besoins des professeurs

Dans cette envie entêtée de modernisation de l’école, les professeurs ne s’y retrouvent pas toujours. Certains bénéficient de nou-veaux outils de travail sans les avoir de-mandés, mais avec l’obligation de l’utiliser en classe, sans autre forme de discussion. « Il ne suffit pas d’organiser des grands plans sans réfléchir  aux  besoins  des  professeurs  et  des  élèves. Il faut partir des besoins et des demandes des profes-

seurs. Il y en a qui demandent à avoir ces outils nu-mériques mais d’autres y voit moins d’intérêt. Mal-heureusement on a plutôt tendance à fonctionner dans l’autre sens : c’est-à-dire que les collectivités rentrent dans ces plans numériques et c’est les équipes sur le terrain qui doivent se dépatouiller avec ce qu’elles ont 

« Tous les enseignants sont concernés par l’usage des outils propres aux

technologies de l’information et de la communication (TIC) »

Le Thomson TO7 © Wikipedia

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CODEXreçu. Aucun intérêt. » déplore Jean-Rémi Girard Pourtant, l’Education Nationale a pré-vu de former des professeurs. Oui, mais uniquement les jeunes diplômés. « Tous  les  enseignants  sont  concernés  par  l’usage des  outils  propres  aux  technologies  de  l’infor-mation  et  de  la  communication  (TIC)  et  leur intégration  dans  les  pratiques  pédagogiques. Au sortir de sa formation universitaire, tout nouvel enseignant doit avoir acquis les compétences d’usage et  de  maîtrise  raisonnée  de  l’information  et  de  la communication dans  sa pratique professionnelle. » précise le Ministère sur son site. Le profes-seur d’histoire-géographie avec simplement quatre ou cinq ans de métier peut donc complétement oublier sa belle formation. Le mot d’ordre ici n’est pas la réussite sco-laire, mais bel bien la modernité et surtout, l’espoir d’une réélection à la clé. Un nouveau mandat, ça se travaille en amont après tout. Et puis c’est également un effet d’annonce « L’idée de créer une école numérique, ça passe bien dans  les médias. Cette  volonté  de  toujours  vouloir se moderniser. Et on ne m’enlèvera pas de  la  tête qu’il  existe  des  liens  entre  l’Education Nationale et  certains  concepteurs  de  logiciel.  Il  y  a  donc  très certainement des intérêts financiers derrière ces plans numériques. » continue Jean-Rémi Girard

Un désavantage pour les élèves

Cette vision illusoire de l’école moderne que tente d’instaurer l’Etat est loin de coller à la réalité. Une réalité douloureuse. Certains di-recteurs interdisent tout bonnement à leurs élèves d’apporter leur précieux ordinateur, pour éviter la casse et/ou le racket. Il arrive même que les objets qui leur sont généreu-sement ‘prêtés’, se retrouvent sur la toile, sur des sites de vente en ligne. « Dans l’ensemble, je trouve cela très bien d’avoir du matériel numérique mais pour que cela fonctionne, il faut que les élèves respectent la matériel. Par exemple, un établissement du Sud de la France avait offert à certains de ses élèves des ordi-nateurs portables. La semaine suivante, ils en ont retrouvé plus de la moitié sur E-bay. Dans ces conditions, cela ne peut pas fonctionner. » constate tristement Baptiste Cornabs, pro-fesseur d’histoire géographie et Youtubeur. De plus, l’utilisation des tablettes pose d’autres genres de problèmes. Par exemple, elles ne peuvent être utilisées qu’à court terme durant les cours car elles n’ont pas une autonomie suffisante. « Elles sont cen-sées remplacer les manuels scolaires, mais les élèves ne peuvent lire qu’une page à la fois. » poursuit Jean-Rémi Girard. « Et elles ne sont pas verrouillées. Les élèves peuvent donc s’en servir pour échanger  entre  eux  et  jouer. Le  professeur  est  alors impuissant puisqu’il ne peut pas tous  les surveiller. Mais limiter l’accès internet serait contre productif. 

L’utilisation de l’engin serait donc nulle. » Autant d’inconvénients constatés et évidents alors même que le bénéfice pédagogique est en-core loin d’être révélé.

Le retard numérique français

Si l’Education Nationale met autant d’ardeur dans ce projet, c’est que la situation numé-rique de l’Ecole française est en berne. Selon l’étude Profetic publiée en 2014, plus de 90% des enseignants jugent le numérique profi-table à leur enseignement. Mais seulement 5% d’entre eux avouent ne pas l’utiliser quo-tidiennement en classe.

Comme c’était déjà le cas en 2012, l’enquête souligne que les professeurs les utilisent très peu ou pour leur utilisation personnelle: les notes, le cahier de textes, la réalisation de pré-parations de cours, la diversification des pra-tiques pédagogiques, l’attractivité des cours, la conduite d’une séquence, l’intervention en classe, le travail et le partage avec des collè-gues, l’aide à la progression de l’élève dans ses apprentissages. L’utilisation des technolo-gies de l’information et de la communication (TIC) pour faire travailler les élèves en auto-nomie est en baisse. Pour expliquer cela voici quelques raisons logiques comme l’augmen-tation de la taille des groupes classes, l’équi-pement informatique insuffisant, obsolète,

défectueux, ou inadapté. Et nouveaux facteur introduit dans ce bilan : l’accès au réseau ou à Internet qui pénalise incontestablement les activités TIC lorsque les débits sont insuffi-sants. En dépit de tout cela, le Ministère veut équiper à tout prix les établissements (un prix très souvent élevé).

La stratégie numérique éducative de l’État est donc absurde. Le gouvernement propose des solutions à des problèmes qui n’existent pas ou qui ne sont pas réclamés partout. Bien que ce plan s’inscrive dans un programme jugé crédible, l’Etat dépense des sommes phara-mineuses pour du matériel bientôt obsolète et des logiciels dont certain n’ont pas besoin, voire dont les professeurs et les élèves ne savent absolument pas se servir. Pire : l’Etat met à disposition « une formation massive des enseignants » de seulement trois jours. Dans le même temps, l’Etat est parfaitement inca-pable d’assurer la maintenance du matériel déjà utilisé dans les établissements scolaires. Dans cette affaire, la solution la plus logique serait donc de demander l’avis des ensei-gnants et non des collectivités locales. Ces dernières foncent et s’enfoncent dans ses plans tête baissée, pensant bien faire. Il faut donc voir ici un coup marketing de la part de l’Etat en dépit du bon sens

Audrey Bouts

Pour ou contre la tablette numérique à l’école ? © wikipedia

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Le 21 janvier dernier, François Hollande évoquait, à l’occasion de ses vœux à l’Education nationale, la « mobilisation générale » en faveur des valeurs républicaines à l’école. Deux semaines après les attentats de Charlie Hebdo, le chef de l’Etat souhaite qu’ « une attention particulière » soit portée à l’enseignement du fait religieux. Dès la rentrée 2016, sa place devrait se voir renforcer dans les futurs programmes scolaires du primaire et du secondaire.

« La laïcité est l’essence de la société française »

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Le 21 janvier dernier, François Hollande évoquait, à l’occasion de ses vœux à l’Education nationale, la « mobilisation générale » en faveur des valeurs républicaines à l’école. Deux semaines après les attentats de Charlie Hebdo, le chef de l’Etat souhaite qu’ « une attention particulière » soit portée à l’enseignement du fait religieux. Dès la rentrée 2016, sa place devrait se voir renforcer dans les futurs programmes scolaires du primaire et du secondaire.

« La laïcité est l’essence de la société française »

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Onze mesures pour remettre sous les feux des projecteurs l’enseignement du fait reli-

gieux. L’heure est à l’ « après-Charlie » pour Najat Vallaud-Belkacem. Le 22 janvier dernier, la ministre de l’Edu-cation nationale et l’Enseignement supérieur a présenté ses premières dispositions issues de la grande mo-bilisation de l’Ecole. Au lendemain des vœux du président de la Répu-blique à Rue de Grenelle, l’urgence d’instaurer un enseignement spéci-fique et systématique du fait religieux est palpable. Ce dernier contribue à la formation de l’esprit critique, ini-tie à une lecture distanciée des textes, aux modalités des cultes, aux réalisa-tions philosophiques, littéraires, ar-tistiques, des différentes traditions

religieuses et inclut une formation sérieuse à l’histoire de l’athéisme et des laïcités.

La prise de conscience sur la néces-sité d’un tel enseignement ne date pas d’aujourd’hui. En 1989, le rap-port de l’historien Philippe Joutard évoquait déjà l’absence de l’histoire des religions dans les programmes scolaires. En 2002, Jack Lang, mi-nistre de l’Éducation nationale de l’époque, commandait à l’universi-taire Régis Debray un rapport inti-tulé : « L’enseignement  du  fait  religieux dans l’école laïque ». Un compte-rendu qui livre des questions essentielles telles que : comment retracer l’aven-ture irréversible des civilisations sans prendre en compte le sillage laissé par les grandes religions ? Comment comprendre le 11 septembre 2001 sans remonter au wahhabisme, aux diverses filiations coraniques et aux avatars du monothéisme ? Comment comprendre le jazz et le pasteur Mar-tin Luther King sans parler du pro-testantisme et de la Bible ?

L’histoire des religions n’est pas le recueil des souvenirs d’enfance de l’humanité ; ni un catalogue d’ai-mables ou funestes bizarreries. « Le maillon  manquant  de  l’information  reli-gieuse  rend  strictement  incompréhensible, voire sans intérêt, les tympans de Chartes, la  Crucifixion  du  Tintoret,  le  Don  Juan de  Molière,  le  Booz  endormi  de  Victor Hugo.  », expliquait l’écrivain Regis Debray. « L’intérêt  pour  l’enseignement des faits religieux n’est pas uniquement ré-actionnel et émotionnel mais s’inscrit dans une perspective à plus long terme à laquelle 

l’IESR (Institut Européen en sciences des religions)  travaille  depuis  plusieurs  an-nées  », rapporte Isabelle Saint Mar-tin, directrice de l’IESR et directrice d’études à l’EPHE (Ecole pratique des hautes études).  « D’autre  part,  la problématique  du  vivre  ensemble  et  de  la connaissance  et du respect de  l’autre,  sans prosélytisme, s’inscrit dans une perspective bien  plus  large  que  le  contexte  français car  la  Commission  européenne  ne  finance pas  ce projet pour  stimuler  l’érudition  sur les  religions mais  bien dans  la  perspective de  favoriser  l’insertion et  la  citoyenneté  en Europe. »

Un vécu collectif et individuel

Dès 2005, les faits religieux, évoqués dans le cadre de plusieurs disciplines, ont été introduits dans le socle com-mun des connaissances et compé-tences à développer dans le primaire et au collège. Pour Lola Petit, cher-cheur au CNRS (groupe sociétés, re-ligions, laïcités) : «  C’est  important  de commencer dès la primaire. On se rend bien compte  lorsqu’on  travaille  avec  des  adoles-cents qu’il y a des connaissances de base qui ne  sont  pas  intégrées. Ce manque  d’acquis rend  plus  compliqué  la  compréhension  des événements  historiques.  Puis,  si  on  laisse un vide autour de ces questions, on se rend compte qu’il peut y avoir des dérives. Il faut qu’il  y  ait  un  enseignement  historique  et philosophique des religions, dans  la mesure où l’un va avec l’autre »

Camille Descouzis qui prépare le CAPES de lettres, insiste sur ce fait et pense « que l’instruction à l’histoire des religions,  de  toutes  les  religions  serait  un Régis Debray © Wikipedia

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bon moyen de  régler pas mal de  conflits au sein  de  l’école  publique.  Je  reste  persuadée qu’il  y  a  conflit  lorsqu’il  y  a  incompréhen-sion. Les jeunes collégiens et lycéens doivent connaître  les  tenants  et  les  aboutissants.  » Toutefois, l’étudiante nuance : « Même s’il  est  important  de  ne  pas  faire  de  pro-sélytisme  !  » En primaire,  «    je  pense  que l’enseignement  des  religions  et  de  la  laïcité doit  se  faire  à  travers  des  jeux  ludiques. De plus, il faut appuyer la notion de laïcité qui est l’essence de notre société. Un concept qui est enseigné de façon trop abstraite aux enfants.  » Isabelle Saint-Martin for-mule les deux objectifs de cet ensei-gnement. Le premier est intellectuel : «  On  ne  peut  pas  comprendre  le  passé,  le présent et le patrimoine artistique sans une connaissance  des  faits  religieux.  » Le se-cond est politique : «  pour  faire  société dans  un  monde  marqué  par  une  nouvelle pluralité religieuse, il faut une culture com-mune.  D’où  l’expression  laïcité  d’intelli-gence de Régis Debray. »

En novembre dernier, Esther Ben-bassa a présenté un rapport au Sénat intitulé «  La  lutte  contre  les  discrimina-tions  ». Dès lors, les débats se sont focalisés sur la 11e recommandation : l’enseignement laïc du fait religieux à l’école. La sénatrice EELV se justifie dans un entretien accordé à l’Huma-nité : « Un  tel  enseignement,  outre  l’inté-rêt  de  combattre  l’ignorance,  aurait  celui de  favoriser  une  meilleure  compréhension entre  les  enfants  issus  de  milieux  variés. La  République  abrite  des  croyants  et  des incroyants de toutes sortes. Il est de son de-voir  d’introduire  chacun  à  la  connaissance de cette diversité. »  « Enseigner les faits re-ligieux c’est considérer que les religions sont un  phénomène  historique  et  culturel. Elles 

englobent  un  vécu  individuel  et  collectif   », ajoute la chercheuse Lola Petit. Les jours fériés et les vacances scolaires en France ne sont pas le fruit du ha-sard du calendrier.

Un manque de pédagogie

Les professeurs évitent de parler de religions à l’école.   «  C’est  compliqué, notamment  parce  que  certains  enfants  ou adolescents  peuvent  vouloir  faire  part  de leurs convictions personnelles, voire contes-ter  la  légitimité  de  l’enseignant  à  parler de  leur  religion.  », explique Jean-Ma-rie Bourguignon, professeur agrégé de lettres et langues anciennes au collège Georges Courteline (Paris 12e) et formateur ESPE.  «  Sans  ex-plications  préalables,  la  minute  de  silence en  mémoire  aux  victimes  des  attentats  de Charlie  Hebdo  n’a  pas  toujours  été  un exercice  facile  à  faire  dans  les  écoles,  col-lèges et  lycées. » Le Figaro relevait que dans une école élémentaire de Seine-Saint-Denis, pas moins de 80 % des élèves d’une classe ont refusé cette minute de silence. Et certaines ont même parfois dérapé. «Je  te  bute  à  la kalach», a lancé à Lille un élève de 4e à son enseignante, pendant cette minute de silence.

«  Étudiant  la  naissance  de  l’Islam  avec une  classe  de  5e,  j’avais  apporté  un  Co-ran  », se souvient Frédéric Houam, enseignant d’histoire à Nice. « Entre indignation  et  provocation,  un  élève  m’a alors  demandé  de  lâcher  ce  livre  car  selon lui j’étais impur. » Sur le moment, l’en-seignant, désarçonné, a reposé l’ou-vrage. « Aujourd’hui,  je  répondrais  à  ce garçon qu’en  classe,  le Coran  est  un  objet 

d’étude  historique  et  scientifique  », af-firme-t-il. « Les professeurs trop souvent désarmés,  ne  savent  plus  comment  réagir face aux réactions des élèves. », explique le professeur. Beaucoup d’ensei-gnants avouent surtout manquer de culture religieuse et s’estiment mal outillés pour transmettre un savoir sur ces questions. Si certains« ne s’intéressent pas encore à ce sujet. », d’autres ne sont pas encore convain-cus de l’enseignement des faits reli-gieux et de la laïcité à l’école répu-blicaine. Madame Gilot, proviseur au collège à Tours confiait à Télérama : « La laïcité, est-ce que ça s’apprend ? Pour moi, un peu de bon  sens  et des  valeurs,  et on doit s’en sortir, non ? Nous sommes des fonctionnaires de l’Etat, ce sont des mots 

Najat Vallaud-Belckacem © Wikipedia

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qui ont un sens : si on est là, ça n’est pas par  hasard.  Nous  sommes  au  service  des élèves,  de  tous  les  élèves,  et  donc  évidem-ment de la laïcité. Je ne me pose pas quinze mille  questions  là-dessus,  je  fais  mon  tra-vail, c’est tout. »

« Repenser la formation des professeurs »

«  Pour  l’instant  cet  apprentissage  n’est pas  obligatoire,  et  il  est  enseigné  dans  le cadre de  la classe d’histoire et histoire des arts.  Avec  des  chapitres  comme  :  le  rôle de  l’église  catholique  au  Moyen-Âge,  la naissance  de  l’Islam,  les  croisades…  », observe Lola Petit. « C’est pourtant né-cessaire. Et,  il  faut qu’il  soit bien mis  en place. Malheureusement,  le  déficit  de  for-mation  des  enseignants  sur  la  thématique de  la  laïcité  est  un  premier  obstacle.  » Pour la chercheuse, «  il  faut  repenser la formation initiale et continue des profes-seurs, avec comme double objectif   : appor-ter une formation théorique (connaissances sur  les  traditions religieuses,  sur  l’histoire de  la  laïcité)  et  donner  des  outils  pédago-giques (comment on fait concrètement pour en parler en classe ?). Mais plus profondé-ment,  il  faudrait  revaloriser  le  métier  des enseignants  qui  sont  jetés  dans  la  classe trop rapidement. » Les problèmes dans la formation des professeurs sont multiples : «  Les  réformes  successives, notamment  la  suppression  des  IUFM, n’ont  pas  aidé. Pendant  plusieurs  années, les professeurs n’avaient plus de formation initiale.  Pour moi,  tous  les  jeunes  profes-seurs  devraient  recevoir  une  triple  forma-tion : à la laïcité, à l’enseignement moral et civique qui sera mis en place à  la rentrée, et enfin aux faits religieux », commente Jean-Marie Bourguignon. Si cer-tains professeurs du secondaire s’in-quiètent d’un « possible » saupoudrage de connaissances dans plusieurs ma-tières, pour lui : « C’est  un  tronc  com-mun de  connaissance  qui me  semble  facile à mettre en place au collège. Comme l’a été l’histoire  de  l’art. D’ici  la  rentrée  2016, il est  tout à fait possible que tous  les pro-fesseurs  soient  formés  sur  la  question  des faits religieux. Surtout que si l’on regarde la plupart des programmes, ils contiennent déjà de nombreux textes. »

Conscient du problème, le gouverne-ment a annoncé qu’un module spé-cifique serait intégré à la formation initiale dans les écoles supérieures du professorat et de l’éducation (Espé). « L’idée, cette fois-ci est de créer un effet de domino  de  grande  ampleur  :  instruire  des 

formateurs qui formeront des professeurs et éduqueront les élèves. Pas si facile à mettre en  application.  Sur  les  1.000  formateurs annoncés,  nous  allons  d’ores  et  déjà nous appuyer sur  les «référents  laïcité» des aca-démies  créées  en  2014,  en  général  compo-sés  d’inspecteurs  ou  de  professeurs  d’Es-pé.  Eux-mêmes,  devront  trouver  d’autres formateurs  et  toucher  ainsi  le  plus  grand nombre de professeurs possible. Ce proces-sus commence à peine, la tâche sera rude », souligne Isabelle Saint-Martin. Pion-nière, l’université de Toulouse 1 Ca-pitole vient de révéler qu’elle propo-sera, dès la rentrée prochaine, une formation supérieure à la laïcité. Une idée que le Conseil économique, social et environnemental régional (CESER) du Midi-Pyrénées, espère voir se généraliser à l’échelle natio-

nale.

Développer un enseignement laïc des faits religieux à l’école dans les programmes scolaires de plusieurs disciplines (histoire, philosophie, art) du primaire au lycée, participe à une dynamique de laïcité d’intelli-gence. L’émergence d’une nouvelle voie : celle de la connaissance de l’autre, de sa meilleure appréhension, celle de l’école républicaine dans son idéal d’universalité. Ce chantier in-tellectuel mais surtout pédagogique ne sera pas facile à mettre en place et ne pourra aboutir qu’avec intérêt et investissement des instituteurs et professeurs.

Romane Ganneval

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Charles-de-Gaulle navigant en mer, emportant un escadron de chasseurs Rafale Marine et de Super Etendard Modernisés.

La France engage le Charles de Gaulle

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La France engage le Charles de Gaulle

En engageant le bâtiment amiral de sa flotte dans le conflit en Irak qui l’oppose au groupe terroriste Etat Islamique, l’armée française frappe fort. Si cela ne vient pas bouleverser le rapport de force dans ce conflit, la France franchit une nouvelle étape dans la lutte contre le terrorisme. Paris s’impose sur la scène géopolitique internationale, et conforte son autorité en question de coopération internationale auprès de Washington. Toutefois, aucune issue politique n’est pour l’instant avancée, ce qui risque de voir le conflit s’enliser sans réelle solution à long terme.

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Le porte-avions Charles de Gaulle entre en guerre. « L’intégration du  Charles  de  Gaulle  dans  l’opé-

ration  française  Chammal  en  Irak  débute ce  matin » a annoncé lundi 23 février un membre de l’entourage de Jean-Yves Le Drian. « Six  mois  d’engagement nous  ont  permis  d’endiguer  la  dynamique  de conquête territoriale de Daech et de stabiliser les  lignes de  front », a déclaré le ministre

de la Défense. Toutefois, a-t-il ajouté, « la menace persiste et la raison de notre action demeure. L’engagement du Charles de Gaulle marque une nouvelle  étape » dans les opé-rations anti-terroristes françaises. Le bâtiment amiral de la marine française entre pour la première fois en guerre depuis le conflit en Libye en 2011. Le groupe aéronaval envoyé dans le golfe persique est composé du porte-avions

et de son escorte, comprenant une fré-gate de défense anti-aérienne, le Che-valier Paul, un pétrolier ravitailleur, La Meuse, une frégate britannique de lutte anti sous-marine, le HMS Kent, et un sous-marin nucléaire d’attaque. Le Charles de Gaulle emporte avec lui 12 chasseurs Rafale Marine et 9 Super Etendard Modernisés, qui lui offrent une très grande capacité de projection, ainsi qu’un avion de guet Hawkeye et quatre hélicoptères de secours Dau-phin Pedro et d’attaque Puma. Il agira conjointement avec les forces améri-caines, autour du porte-avions USS Carl Vinson. « Le Groupe aéronaval que je com-mande participe à une opération qui est dirigée par  les  américains  qui  ont  eux  aussi  engagé dans la zone un de leurs porte-avions, l’USS Carl  Vinson » explique le contre-ami-ral Éric Chaperon, commandant de la flotte, dans une interview au Figaro. « Nous allons nous intégrer au dispositif  amé-ricain tout en conservant la pleine souveraineté dans nos décisions et le choix de nos missions. » En engageant le Charles de Gaulle en Irak, la France franchit un nouveau pa-lier dans la lutte contre le terrorisme, et se place au premier plan géopolitique. « Le groupe aéronaval  constitue une  capacité 

Charles de GaulleLa France s’impose !

La France a engagé lundi 23 février son porte-avions amiral Charles-de-Gaulle face au groupe terroriste Etat Islamique en Irak. Un signal fort, dans un conflit qui ne trouve pour l’instant que peu de solutions.

Rafale prêt à être catapulté du pont du Charles-de-Gaulle

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rare dans le monde et, indéniablement, une vi-trine technologique autant qu’un outil de puis-sance » a souligné M. Le Drian. Après avoir assisté à des catapultages sur le porte-avions, le ministre devait ensuite rejoindre l’Inde pour y promouvoir le Rafale. Le bâtiment devrait rester huit semaines dans le Golfe, entre l’Arabie Saoudite et l’Iran, avant de mettre lui aussi le cap sur l’Inde, où se déroule-ront des exercices conjoints avec la ma-rine du sous-continent.

Besoins tactiques ou enjeux politiques ?

Pourtant, l’envoi d’un porte-avions dans la zone était-il si nécessaire ? La France disposait jusqu’alors de deux bases aériennes dans la région ; l’une aux Emirats-Arabes-Unis, où se trouvent 9 Rafales, l’autre en Jordanie, qui abrite 6 Mirage 2000D, et qui se trouve à la même distance de la frontière irakienne que le groupe aéronaval. « Tactiquement, ça  ne  sert  à  rien  ! » tranche Jean-Domi-nique Merchet, expert en géostratégie. « Que  les  avions  français  décollent  du  porte-avions,  comme  ils  le  font  depuis  lundi,  ou 

qu’ils décollent des bases françaises aux Emi-rats-Arabes-Unis ou en Jordanie, comme c’est le cas depuis 5 mois, honnêtement ce n’est pas du  tout un  tournant militaire de  cette  opéra-tion. » Il faut savoir que le nombre de frappes aériennes françaises n’a pas augmenté depuis l’arrivée du Charles de Gaulle. Il a toutefois permis doubler le nombre de chasseurs français pré-sents dans la zone. Comme l’explique Jean-Dominique Merchet, « il  y  a  peu d’objectifs  militaires  à  traiter.  On  n’est  pas face  à une armée mais  bien  face  à une  orga-nisation  terroriste,  l’Etat  Islamique,  qui  vit et agit au milieu des populations, qui a appris à  se  camoufler. » La principale difficulté est donc « d’identifier les objectifs à traiter. » Autre facteur à prendre en considéra-tion, la France n’est qu’une très petite partie du gros dispositif américain. « La  contribution  française  est  modeste  au sein de  cette  coalition,  c’est  de  l’ordre  de 5% des cibles traitées. » Néanmoins, « la France est  le pays  européen  le plus  engagé dans  cette opération. » Toutefois, le journaliste spé-cialisé dans les questions de Défense et de géopolitique Philippe Chapleau tempère : « Il  y  a  un  intérêt  stratégique tout de même. Tactiquement,  l’engagement de la marine  permet  à  l’armée  de  l’air  de  lever 

le  pied,  de  faire  de  la maintenance  sur  leurs avions... Mais  c’est  vrai  que  ce  sont  surtout les enjeux diplomatiques qui sont très forts. » La participation de plus en plus mar-quée de la France répond surtout, c’est vrai, à des enjeux politiques. « Depuis quelques années,  la France veut jouer un rôle de  plus  en  plus  important  sur  le  plan  inter-national,  nous  sommes  quand  même  le  seul pays avec les Etats-Unis à avoir engagé notre armée  de  l’air,  notre  armée  de  terre  et  notre marine, poursuit Philippe Chapleau. De-puis  la  guerre  d’Irak  en 2003,  elle  a  parti-cipé à  toutes  les  coalitions armées. » Malgré tout, « La  France  estime  aujourd’hui  qu’il y  a  une  vraie menace  en  Irak  et  en Syrie », et prend la situation très au sérieux, avec notamment l’envoi de formateurs et de coordinateurs au sol pour appuyer les troupes Irakiennes.

Le dessous des cartes

Quel intérêt la France trouve-t-elle à s’imposer ainsi sur la scène internatio-nale ? C’est avant tout « un signal » poli-tique très fort, comme l’affirmait Jean-Yves Le Drian. « La France veut montrer qu’elle est capable de déployer des moyens mi-litaires importants. Elle veut également éviter 

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Charles-de-Gaulle croisant au large de l’Arabie Saoudite, s’apprêtant à faire décoller deux avions de reconnaissance de type Hawkeye.

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seur, quelque part. » Et l’enjeu de coo-pération internationale est très fort, comme le rappelle Jean-Dominique Merchet. « Les appareils américains, dont le  pays  emmène  la  coalition  contre  l’EI, pourront se poser et décoller  sur  le Charles de Gaulle. Une façon, aussi, de renforcer la coopération  militaire  entre  les  deux  alliés.  C’est important ! »

Aucune issue politique

La coalition est déterminée à « li-bérer » l’Irak et la Syrie de l’emprise du groupe terroriste EI. Pourtant, lorsqu’on regarde en arrière, l’His-toire montre qu’une victoire militaire ne suffit pas, loin de là. « Si  on  avait abandonné le Mali, on savait très bien que les  djihadistes  seraient  revenus  en  force  au bout  de  quelques  mois. » affirme Phi-lippe Chapleau. Une opération de guerre s’ensuit toujours d’une longue période de maintien de la paix, pour assurer par exemple une transition au pouvoir ou permettre à des élections de se dérouler suivant des principes démocratiques. Seulement, en Irak, la guerre a déjà été menée. « On  a déjà  gagné  la  bataille  de  Falloujah, ex-plique Jean-Dominique Merchet. Seulement,  s’il  n’y  a  aucune  solution  poli-tique  derrière,  il  n’y  a  aucune  chance  que la  situation  s’arrange. On n’a aujourd’hui aucune  idée  de  la  porte  de  sortie,  il  n’y  a pas  plus  d’issue  politique » que lors de la dernière guerre en Irak. « Nous ris-quons  d’être  condamnés  à  poursuivre  nos efforts  et  à  devoir  déployer  des  forces  pour maintenir  un  semblant  de  paix  pendant plusieurs  années  si  nous  ne  voulons  pas que  la  situation  se dégrade à nouveau… » En serions-nous seulement capable ? Il n’est pas nécessaire de rappeler que le monde subit une crise économique sans précédent et que la tendance des budgets alloués à la défense est plutôt à la baisse, mis à part aux Etats-Unis et en Chine. « Nous faisons également face à des réalités budgétaires, les Etats-Unis ne 

que  sur  un  seul  théâtre » explique Phi-lippe Chapleau. Au sol, les frappes aériennes de la coalition ont bien sûr eu un effet radical sur le conflit. « Les  combattants  de  Daech  ont  eu  le dessus  sur  le  terrain mais  ils  sont  en  train de  le  perdre.  La  prise  d’ascendant  mi-litaire  est  en  train  de  changer  de  camp  » affirme le cabinet du contre-ami-ral Philippe Hello, commandant de l’école navale. « L’engagement du Charles de Gaulle ne va pas changer la donne à lui tout  seul. Mais  sa  réserve  de  puissance  est importante  dans  ce  conflit  qui  va  durer.  » Autre point essentiel : la France est la seule marine européenne, avec le Royaume-Uni, à posséder un porte-avions. Paris s’affirme sur le plan géopolitique en mettant en avant le fleuron de sa marine, et s’impose comme partenaire privilégié des Etats-Unis, en réalisant là un véri-table pied-de-nez au Royaume-Uni, partenaire historique des Américains. « La  mobilisation  du  groupe  aéronaval contre  Daech  conforte  notre  autorité  de premier  partenaire  des  Américains  dans la  coalition  et  souligne  auprès  des  pays  de la  région notre  appui  face  au  terrorisme. » Dans le contexte international actuel, et après les attentats de Paris début janvier, il est probable que la France veuille montrer qu’elle reste présente et active contre l’Etat Islamique. Il s’agit de la 5ème puissance militaire au monde, et elle tient à le rappeler. Il faut également rappeler que notre pays « entretient  une  relation  d’interdé-pendance  avec  les  Etats-Unis,  notamment en  moyens  logistiques  et  pour  le  ravitail-lement,  pour  nos  opérations  dans  le  Sahel principalement, même si c’est moins marqué qu’il  y a un ou deux ans. Notre action  en Afrique  n’est  plus  aussi  intense  », ex-plique Philippe Chapleau. « Là où nous avons  surtout  besoin  d’eux,  c’est  sur  leur capacité ISR, c’est-à-dire l’Intelligence Sur-veillance  and  Reconnaissance,  notamment au  niveau  du  renseignement  aéroporté. On peut donc estimer qu’on leur renvoie l’ascen-

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ler un « coup d’épée dans l’eau ». Olivier Roy, politologue spécialisé dans le monde arabe, auteur de L’échec de l’islam politique, analyse : « Il n’y aura pas  de  paix  au Moyen-Orient  sans  accord entre Saoudiens et Iraniens, aujourd’hui les deux  grandes  puissances  de  la  région.  Ce n’est  pas  aux  Occidentaux  de  faire  pour le  Moyen-Orient  un  nouveau  Dayton [les accords qui ont mis fin aux combats de l’ex-Yougoslavie, ndrl]. C’est  aux acteurs  locaux  de  jouer  ! » Un autre ac-teur majeur, qu’on a tendance à ou-blier, se positionne progressivement face au conflit. « Les  Chinois  sont  de plus  en  plus  inquiets  par  rapport  à  la  si-tuation  également,  parce  qu’ils  connaissent chez  eux des mouvements  extrémistes  iden-tiques. » Voilà un élément qui, s’il ve-nait à se concrétiser, bouleverserait complètement les rapports de force dans ce conflit. Jean-Dominique Mer-chet pose enfin cette question es-sentielle, qui est au cœur des enjeux actuels et, probablement, futurs. « Pourquoi  l’Etat  Islamique  fait-il  absolu-ment  tout pour nous attirer dans  la  guerre ? » D’après lui, « ils  croient  sincèrement qu’ils  peuvent  gagner.  Ont-ils  raison  ? » Cela parait peu probable, mais ne pré-sage rien de bon…

Nicolas Raulin

jours des surcoûts. » Il est donc légitime de redouter ce qu’on pourrait appe-

sont pas  épargnés non plus. Une opération extérieure,  ça  coûte  très  cher,  et  il  y a  tou-

Cartographie représentant les pays participant à l’opération Chammal © Le Monde

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L’observatoire transmédia de l’INA est un outil informatique qui permet l’acquisition de milliers de sources d’information. Pourquoi transmédia ? Parce qu’il est capable de synthétiser tous les supports médiatiques: des textes, des images, des vidéos et des sons. Une fois ces données récoltées, il peut alors les classifier en fonction de critères très précis et de les stocker. L’OTMedia scrute donc tout le paysage médiatique francophone et en extrait les informations essentielles : qui parle et pour qui ? Utilisé par les chercheurs en sciences humaines, cet outil permet de tracer les lignes pas toujours évidentes qui régissent le comportement des médias et de leurs acteurs. Investi pour un journalisme transparent, Codex a voulu en savoir plus.

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Cent chaînes de télévision, vingt stations de radio, un millier de flux RSS, des centaines de numérisations de titres de presse, dix mille (comptant) sites d’informations ; tous analysés puis stockés pour plus d’un million d’heures de documents audiovisuels par an et des pétaoctets (voire zetta et bientôt yotta) de données numériques, c’est le projet transmédia de l’INA qui cherche son financement depuis un an et demi.

«    Plus  de  8  millions  de  sources  sont  encore scannées  et  la  base  de  données  s’agrandit    », explique Marie-Luce Viaud, analyste de l’Institut National de l’Audiovisuel. «      Nous  n’avons  pas  eu  le  courage  de  tout arrêter  lorsque  le  financement  de  l’Agence Nationale  pour  la  Recherche  a  pris  fin    », précise t-elle. Depuis maintenant un an et demi, la responsable du projet multi-plie les demandes de financement pour l’Observatoire Transmédia qu’elle a mis sur pied. Financé durant 3 ans par l’ANR, le pro-jet a été lancé en 2010 par le pôle exper-tise de l’INA (INA EXPERT) en par-tenariat avec Syllabs, l’AFP, le LATTS (Laboratoire Techniques, Territoires et Sociétés), le CIM (Laboratoire « Com-munication, Informations et Médias » de l’Université Paris 3) et l’INRIA (Ins-titut National de la Recherche en Infor-matique et Automatique). L’observa-

toire Transmédia est un outil qui tente de «  reconstituer le cheminement de l’informa-tion,  de  sa  création  à  son  relai  » expliquait l’experte et coordinatrice du projet, lors de la présentation de l’OTMedia le 27 février 2014 au Divan du monde. Le plus intéressant : la multitude d’infor-mations annexes que peut fournir l’ou-til. En effet, par l’analyse minutieuse et méthodique de critères très spécifiques, l’OTMedia est capable «  d’inscrire les don-nées  du web  dans  le  temps  long  de  l’Histoire (…)  et  de  permettre  à  l’usager  de  retrouver l’aiguille perdue dans la «  meule du Web   », vulgarisait-elle, alors.

Un outil presque performant

L’OTMedia est loin d’être totalement opti-misé et a encore besoin d’une bonne dose de codage pour prétendre à une utilisation simple et accessible. «    Il  est  pour  l’instant très  compliqué  de  lancer  de  nouveaux  projets  en se basant sur l’observatoire. Même si nous conti-nuons  l’acquisition des données,  la base a besoin d’une maintenance permanente pour ne pas devenir obsolète   », explique Marie-Luce Viaud. En effet, certaines sources sont apparues alors que d’autres disparaissaient depuis que le financement de l’OTMedia par l’ANR a été coupé. Ce phénomène est notamment pro-

Observatoire transmédia

un financement en attente

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blématique pour les fils twitter volatiles et les sites webs dont les URL peuvent chan-ger ou simplement disparaitre. Marie-Luce Viaud rappelle donc «  qu’il faut utiliser l’outil avec  beaucoup  de  prudence  pour  ne  pas  lui  faire dire ce qui est faux ou partiellement inexact  : on parle  de  biais  lors  de  l’acquisition  ». La phase prospective, qui consiste en la visualisa-tion et l’agencement des données, pose elle aussi quelques problèmes. Il est donc fortement conseillé de travailler en compa-gnie d’un technicien qui pourra vérifier les contenus et leurs interprétations. Pour l’ex-perte, cette nécessité crée quelques malen-tendus : «  On m’a souvent reprochée d’être trop proche  des  équipes  de  recherches  qui  s’intéressent à  l’observatoire. Pourtant,  je ne suis qu’une aide ou un garde-fou à ce que l’outil pourrait produire de biaisé. C’est un rôle  indispensable puisque  les équipes qui ont pu travailler ici n’avaient pas les compétences requises pour l’appréhension du fonc-tionnement de l’OTMedia  ».Cet observatoire est donc un «  vrai moteur de recherche qui se respecte  »  : il faut produire une association réfléchie de termes clés pour obtenir une recherche pertinente. Par exemple, en entrant le terme « climat », toutes les occurrences de ce mot sont re-cherchées sans hiérarchisation particulière autre que leur apparition dans le temps. La recherche de ce simple mot a fait appa-raître plusieurs champs de réference : poli-

tiques où l’on parle de « climat anxiogène » pour un parti spécifique, ou industriel et social où il est question d’un « climat so-cial problématique » lors de la fermeture d’une entreprise, par exemple. En entrant directement « changement climatique », les résultats s’affinent et la recherche de-vient pertinente.

Un observatoire plus qu’intéressant

«   L’outil  est  très vaste  et  touche  énormément de domaines  de  compétences    », affirme son ar-chitecte. En effet, les différentes phases qui permettent son utilisation finale de-mandent l’intervention d’une douzaine de personnes. D’abord, la phase extractive fait appel aux compétences techniques in-formatiques d’architectes réseaux qui ont construit la base de données et en gèrent les flux, de statisticiens dédiés aux critères

de classement et à l’agencement des stoc-kages dans la base et d’ingénieurs informa-ticiens qui assurent la maintenance de l’ou-til. Lors de la phase analytique, ce sont les « spécialistes des datas » qui sont sollici-tés : les professionnels de l’information et de la communication comme les directeurs des systèmes d’information des différentes rédactions et les chercheurs en sciences de la communication (dans sa définition stricte, la communication est l’étude des flux d’informations, ici informatiques). Ils tracent alors les lignes de ce que l’on pour-rait appeler le « chemin » des flux et leurs destinations. Enfin, la phase prospective est réservée aux sociologues et autres cher-cheurs en sciences humaines qui, à partir des lignes tracées, en produisent des inter-prétations. Aujourd’hui, Marie-Luce Viaud est presque la seule à tenter d’entretenir cette chaîne. Elle invite régulièrement des analystes à la rejoindre pour travailler sans que ces partenariats soient réellement offi-ciels. Pourtant, même lorsque les équipes étaient financées, l’entente de tous n’était pas évidente.«  Faire marcher tout le monde ensemble était un vrai casse-tête, notamment lors de la phase prospec-tive. Le partenariat avec  l’université Paris  III  et le  laboratoire du CIM n’a pas réellement abouti et les équipes de sociologues ont peu à peu délaissé l’outil. Nous nous sommes donc concentrés sur la facilitation de l’usage pour pouvoir le proposer li-brement en 2014  ». Initialement prévue pour le mois de septembre dernier, cette mise à disposition du public n’a jamais eu lieu.

Un modèle économique en écriture

Une raison à l’absence de financement de la part de l’INA pourrait être la difficulté à proposer un modèle économique viable pour cet observatoire. Rappelons que si ces formes existent, comme l’outil Trends de Google, elles n’appartiennent qu’à des grands groupes industriels ou technolo-giques. Or, Marie-Luce Viaud n’hésite pas à les critiquer : «  Aujourd’hui, les médias ont un pouvoir énorme mais le monde se trouve dans une phase démocratique vacillante. La communi-

Les observatoires existants, comme Trends de Google, appartiennent tous

à de grands groupes industriels ou technologiques

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cation  joue  un  rôle  prépondérant  dans  le  main-tien  des  gouvernements  alors  que  l’information d’intérêt  général  est  confrontée  à  des  difficultés immenses.  L’observatoire,  tel  qu’il  est  pensé  et développé, répond à une volonté d’ouverture et de culture scientifique. Son accès doit donc être  libre et  le  rester    ». Depuis que l’ANR a mis un terme au financement, l’analyste de l’INA tente de produire un modèle économique viable. Son objectif : proposer l’OTMedia dans les bibliothèques, les universités et les écoles. «  Le développement des partenariats avec les milieux éducatifs est très intéressant. Il permet-trait de financer le projet sans en augmenter le prix à l’utilisation  ». Elle réfléchit actuellement à un partenariat avec la Bibliothèque Natio-nale de France et le centre Georges-Pom-pidou. Autre intérêt : la revalorisation des archives de l’institut alors que ses finan-cements s’amenuisent. Sur les ressources issues de l’ex-redevance télévisuelle (125 euros), l’INA n’en touche plus que 3,5 par foyer. Aussi, la monétisation de ses docu-ments vidéos est en berne avec, pourtant, une audience de 31 millions de visiteurs uniques sur son site internet. L’institut veut donc miser sur ses outils numériques pour revaloriser ses ressources propres : ses ar-chives, évaluées à 41 millions d’euros. C’est grâce à l’expertise, qu’il veut proposer à l’international, que l’INA compte redresser la barre. L’OTMedia, qui semble répondre à ces problématiques serait donc une bonne solution au problème. Pourtant, le

financement n’arrive pas. Directement res-ponsable de ces questions, Richard Parisot, directeur des services d’informations pour l’institut, n’a pas répondu à nos demandes d’interviews.

Les ficelles de l’info

L’équipe des chercheurs du pôle infor-matique de l’Université de Chicago a dé-montré que la durée de vie d’un lien sur le web ne dépassait que rarement les 56 heures. C’est dans ce contexte de volati-lité et d’abondance de l’information que la mission de l’OTMedia prend son sens. En effet, si les médias et les supports se multiplient, les réseaux internes du chemi-nement d’un contenu sont techniquement très opaques. L’OTMedia et les chercheurs qui s’y rattachent tentent donc de tisser des liens en comparant les contenus entre eux. Chaque document est analysé puis décomposé dans sa forme la plus simple : une ligne de code. L’outil est capable de re-tracer le contexte et l’utilisation de chaque document et d’ainsi proposer un panora-ma temporel et « spatial » de la création d’information. Lors d’une présentation en 2014, l’équipe montrait comment l’affaire des abattoirs religieux clandestins avait été relayée. «  Au début, seuls quelques blogs d’ex-trême  droite  avaient  diffusé  l’information.  Vite reprise par  les grands groupes d’opinion,  l’affaire a  pris  de  l’ampleur  lors  des  interventions  poli-

tiques, commentées par tous les médias nationaux  ». L’OTMedia est donc capable de com-prendre et d’analyser l’itinéraire de l’in-formation pour répondre aux questions : qui la crée ? Quel est son cheminement ? Comment se positionnent les médias tradi-tionnels et les médias du net ?

Les équipes rédactionnelles doivent se réinventer

Selon les propos de Christine Leteinturier, chercheuse à l’Université Paris II, lors des assises du journalisme en novembre 2013  «  nous sommes, depuis 2008, dans  la phase où les journalistes intègrent l’ensemble des innovations dans  leur  quotidien    ». L’OTMedia va donc révolutionner le monde journalistique et éditorial en mettant à nu les vecteurs prin-cipaux de la médiatisation. Ainsi, les straté-gies de diffusions seront plus transparentes et permettront à des petites rédactions de pouvoir se placer sur le marché, largement détenu par les groupes médias interna-tionaux. On peut donc imaginer qu’avec l’apparition de cette analyse constante, les rédactions vont se responsabiliser vis-à-vis de leurs activités sur internet en pri-vilégiant un contenu de qualité et en leur donnant une identité propre. Bien sûr, tout cela reste de la projection. Nicolas Hervé, collaborateur à l’INA, rappelle que «  l’OT-Media sera avant tout un outil pour les chercheurs en sciences sociales, une source précieuse d’analyse 

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en sciences sociales, une source précieuse d’analyse pour les disciplines qui ont trait aux médias et à l’information   ». Le risque est donc de voir les médias se désintéresser totalement de l’outil, de crainte de voir leurs stratégies de diffusion mises à mal. Marie-Luce Viaud confirme amèrement ce risque : «   Libé-ration avait publié un article  très  intéressant  sur l’observatoire en affirmant qu’il pourrait remettre à plat l’industrie médiatique. Lorsque le prototype avait atteint un stade presque présentable, je les ai recontactés. Leur réaction a été très différente : ils ont  estimé  que  l’outil  n’avait  aucun  intérêt  pour les médias  ».

Enjeux démocratiques et économiques

La multiplication des supports ne signi-fie pas nécessairement une diversification de l’information. En effet, l’information et son accès sont détenus par un groupe très restreint de médias dont les moyens financiers leur permettent de pérenniser leur monopole. Les médias plus modestes sont donc contraints - s’ils tentent de rivaliser avec la grande distribution - de relayer l’information, souvent sans valeur

ajoutée, en un temps record. L’OTMedia représente alors un enjeu démocratique dans le sens où il permettra de mieux comprendre l’information et sa produc-tion en mettant en lumière les « clus-

ters » médiatiques : les constellations des grands groupes.Economiquement, un tel outil permettra aussi d’observer l’évolution de la globa-lisation des médias, dans un contexte de forte concurrence de ses différents ac-teurs. Comme le proposait Pierre Rim-bert dans son « Projet pour une presse libre » (Monde diplomatique, décembre 2014) : la sauvegarde de la presse passera par la distinction entre les médias d’inté-rêt général et les médias réactionnaires. L’OTMedia, indépendant puisqu’apposé

Les médias plus modestes sont aujourd’hui contraints de relayer

l’information sans valeur ajoutée pour rivaliser avec la grande distribution

à l’INA, permettrait donc d’effectuer ce tri sans se préoccuper des conflits d’inté-rêts qui pourraient émerger d’une sélec-tion d’un groupe d’experts.

En crise depuis 2012, l’INA pourrait reva-loriser ses archives et sa mission publique grâce à cet outil. Il s’inscrit dans une double préoccupation : celle du passage au numérique du centre d’archives qui ac-cumule les retards, et celle de l’étude des médias, rendue très difficile pour l’insti-tut avec l’apparition des réseaux. L’INA a donc toutes les cartes en mains pour proposer, demain, un outil pour les géné-rations futures...

Nicolas Merli

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Flux RSS : « Really Simple Syndication ». Ressource dont le contenu est produit auto-matiquement en fonction des mises à jour d’un site web.

Octets : unité de mesure en informatique pour indiquer la capacité de mémorisation des mémoires informatiques. Les multiples d’un octet sont exprimés par des préfixes, ici classés par ordre croissant : Giga (Go), péta (Po), zetta (Zo), yotta (Yo).

Data, méta-data, data-analyst : dans les tech-nologies de l’information, une donnée est une description élémentaire d’une réalité (chose, transaction, évenement, etc…). Une mé-tadonnée (du grec « meta », autoréférence) est une donnée à propos de données. Elle sert à définir ou à décrire une autre donnée. Un data-analyst est un professionnel des don-nées. Il peut-être statisticien, informaticien. C’est un nouveau domaine de compétences apparu avec les réseaux et Internet.

Visiteurs uniques : Internautes identifiés comme uniques visitant un site web. Ils sont identifiés par une adresse IP unique. « 100 000 visiteurs uniques » signifie 100 000 visiteurs

(ou ordinateurs) différents.

Phase extractive : les sources les plus importantes sont sélec-tionnées puis ajoutées au répertoire. Chaque activité est ensuite enregistrée et classée une première fois selon des critères ba-siques : la date, l’origine, le type de média et le sujet. C’est la phase qui demande le plus de travail en amont : il faut sélec-tionner les titres les plus lus, les plus relayés et les plus pertinents du paysage médiatique. Par exemple, les blogs, qui peuvent re-présenter une source d’information importante, ont volontai-rement été exclus. On a estimé qu’ils n’étaient pas aussi fiables que l’information des médias nationaux et régionaux classiques, beaucoup plus lus et donc plus significatifs des usages.

Phase analytique : toutes les données récoltées sont analysées. Grâce à des algorithmes, l’OTMedia est capable de les classer selon des critères plus restreints : le nombre de lectures d’un article grâce aux méta-données de référencement, par exemple. Plus poussée, la transcription des textes, images et vidéos per-met une première organisation automatisée des contenus. Par

exemple, « chaque image est scrutée par un algorithme qui en dégage des points d’intérêts. Grace à eux, on peut reconnaître des formes récurrentes », explique Alexis Joly, data-analyste qui a travaillé sur le projet. L’observatoire est capable de reconnaître le logo de l’ONU dans chaque image où il apparait.

Phase prospective : c’est durant celle-ci que les données sont mises en relation avec les phénomènes observés par les cher-cheurs. Par exemple, en retraçant l’évolution des publications qui suivent une dépêche AFP, ils sont capables de comprendre quels médias les reprennent et quels autres s’en inspirent. Plus poussée, l’étude des corps de textes permet de montrer à quel degré ces dépêches sont reprises : directement copiées ou, au contraire, augmentées avec de nouveaux éléments. Ce travail est plutôt réalisé en aval, lorsque les théories développées par les chercheurs peuvent être vérifiées, ou non, par la réalité du « terrain »

Comment fonctionne l’Observatoire Transmédia ?

Son fonctionnement est décomposé en trois phases. D’abord les données sont extraites des sources. Puis, elles sont classées et transcrites directement dans la base de données. Enfin, elles sont agencées et étudiées.

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Les expositions universelles ont vu le jour pour la première fois à Londres en 1851. À l’époque, ces

dernières témoignaient des progrès effec-tués pour les nations lors de la Révolution Industrielle. Toutes les grandes inventions du monde entier se donnaient rendez-vous en un même lieu, de manière à créer une vi-trine géante de l’innovation internationale. L’avenir s’imagine lors de ces expositions universelles.

Ces manifestations sont régies par les lois du Bureau international des expo-sitions (BIE), crée en 1928. Ce dernier permet de bien distinguer les expositions universelles des expositions plus spécia-lisées (coloniales, nationales, etc.). Selon l’article 1.1 de la Convention de 1928 du BIE, l’objectif premier de ces grands événements est de diffuser dans « un but principal  d’enseignement  pour  le  public,  faisant l’inventaire  des  moyens  dont  dispose  l’homme 

pour  satisfaire  les  besoins  d’une  civilisation  et faisant ressortir dans une ou plusieurs branches de  l’activité  humaine  les  progrès  réalisés  ou  les perspectives d’avenir. » Les participants à ces expositions sont les États, les groupes de la société civile et les entreprises.Plus de vingt expositions universelles ont été organisées entre 1851 et 1935. La Seconde Guerre mondiale passant par là, elles furent arrêtées entre 1939 et 1957. Depuis 1995, ces grands ren-

Exposition Universelle Voir le futur avec précision

Apparues pour la première fois en 1851, les expositions universelles faisaient office de véritables foires aux inventions. Depuis quelques décennies, ces dernières ont considérablement évolué

et se dévouent principalement à la recherche de solutions pour le monde de demain.

Le pavillon chinois lors de l’exposition universelle de 2010 à Shanghai. © DR

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dez-vous se déroulent tous les cinq ans sur une durée maximale de six mois.A l’origine, les exposants étaient tous en-treposés dans un seul et même immense pavillon central. Les pays participants aux expositions universelles disposent désor-mais de « pavillons nationaux » typiques, construits selon l’architecture tradition-

nelle de chaque nation. La compétition est omniprésente et des concours per-mettent aux plus méritants d’obtenir des médailles, synonymes d’un certain prestige.

Au-delà de la démonstration des avan-cées industrielles et technologiques, les expositions universelles ont souvent été accompagnées de travaux d’urbanisme bénéfiques pour la ville hôte, comme la construction du métro de Paris en 1900, celui de Montréal en 1967 ou l’extension de celui de Lisbonne en 1998. Mieux encore,

des réalisations architecturales construites à l’occasion de ces expositions sont dé-sormais devenues le symbole des villes qui les ont accueillies. L’un des plus embléma-

tiques de Paris : la tour Eiffel. Egalement, on peut citer l’Atomium à Bruxelles, le Space Needle à Seattle ou la Biosphère à Montréal. Plus récemment, l’exposition universelle de Shanghai en 2010 a trans-formé un secteur industriel du centre-ville en un quartier commercial et culturel.

Un thème pour chaque exposition

Chaque exposition universelle est orien-tée autour d’une thématique précise. «  Les  thèmes  sont  choisis  en  premier  lieu  par les  candidats,  indique  Ivan  Prostakov,  membre du BIE. Nous  décidons  ensuite  par  un  vote  si celui-ci  est  valide  ou  pas.  »  Cette année, la ville de Milan accueille la manifestation autour de la thématique « Nourrir la Pla-nète, Énergie pour la Vie ». Les exposants chercheront à apporter des réponses à la question : Comment assurer à toute l’humanité une alimentation suffisante, de qualité, saine et durable ? 147 pays y participeront dès le 1er mai prochain et ce jusqu’au 31 octobre. Plus de 20 mil-lions de visiteurs sont attendus. Les Na-tions Unies, l’Union Européenne et le CERN feront également partie des ex-posants puisque cette problématique fait partie intégrante de leurs préoccupations.

Pour 2020, l’exposition universelle, qui se déroulera pour la première fois au Moyen-Orient à Dubaï du 20 octobre au 10 avril, sera organisée sur le thème « Organiser les esprits, construire le fu-tur. » A travers cette manifestation, les exposants de Dubaï devront réfléchir sur la connexion entre les esprits du monde entier à partir des sous-thèmes choisis : Mobilité, Durabilité et Opportunités.Dans dix ans, Paris sera peut être dési-gné pour devenir la vitrine industrielle et technologique de la planète. Le dépôt officiel de la candidature s’effectuera en 2016, et le verdict sera rendu en 2018 par le BIE. Pour le moment, seule la ville de Rotterdam a montré son intérêt pour ac-cueillir l’exposition universelle de 2025 et faire concurrence à Paris. Aucun thème n’a pour l’instant été défini pour cette édi-tion. Jean-Christophe Fromantin, maire de Neuilly-sur-Seine et président d’Ex-poFrance2025, a pourtant déjà réfléchi au projet français. « L’idée pour 2025, c’est de re-trouver l’esprit de la première exposition universelle organisée en France en 1867, expliquait-il dans sa présentation en avril dernier. Nous  vou-drions rebâtir ce même modèle au XIXe siècle. » A

La ville de Milan accueillera 147 pays pour l’exposition universelle de mai à octobre prochain. © DR

Entre la photocopieuse et l’aspirateur se sont perdues des « innovations » plus ou

moins loufoques et inutiles.

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noter que la dernière exposition universelle installée sur le sol français remonte à 1937.

Une vision précise de l’avenir

Beaucoup d’objets de notre quotidien sont issus des expositions universelles. La machine à laver, le linge et la tondeuse à gazon étaient déjà exposés lors de la pre-mière exposition de Paris en 1855. En 1900, les Français se sont émerveillés de-vant des innovations tels que les escalators, les moteurs diesel, les grandes roues et les films parlants. Les voitures électriques ont été dévoilées lors de celle de 1937. En 1964, lors de l’exposition universelle de New York, au pavillon de la société Bell, se trouvait le « visiophone », un concept que l’on utilise aujourd’hui fréquemment avec des applications comme Skype ou Facetime (chez Apple). Lors de cette même manifestation, ont été présentés les premiers ordinateurs à usage domestique. Les appareils photos, les ondes élec-triques et le guide Michelin ont également vu le jour sur les étals des expositions. L’alimentation a, elle aussi, toujours fait partie intégrante de ces grands ren-dez-vous. En 1876, le Ketchup Heinz apparaissait pour la première fois dans les rayons américains. Le cor-net de glace est, quant à lui, apparut en 1904 à Saint-Louis. Avant son in-vention, les sorbets étaient servis dans des récipients en métal ou en papier.

Mais tout n’est pas bon à prendre. Entre l’inventeur de la photocopieuse et de l’aspirateur se sont perdues des « innova-tions » plus ou moins loufoques et inutiles. C’est le cas de la bicyclette à musique, présentée à Paris en 1900, qui fournit à son conducteur de douces mélodies lors-qu’il pédale ou encore du canapé-lit-bai-gnoire conçu pour les villes où les loge-ments devenaient de plus en plus petits.

Des expositions qui évoluent

Depuis plusieurs décennies, les exposi-tions universelles ont changé de visage. Avec les moyens de communication ac-tuels, elles ne présentent plus, a propre-ment parlé, d’inventions mais plutôt de solutions au sens large du terme. « Il s’agit désormais d’un ensemble de technologies qui cor-respond au thème de l’exposition et plus particu-lièrement de solutions écologiques, économiques et sociales », prévient Ivan Prostakov. Désor-mais, les nouvelles inventions qui voient le jour sont d’abord dévoilées dans des sa-lons spécialisés et laissent aux expositions universelles des projets plus ambitieux et multi-facettes. Le côté « foire aux inven-tions » a disparu. « Pour l’exposition de Mi-lan en mai prochain, la France a prévu de travailler autour d’un sous-thème intitulé « Produire et nourrir autrement », précise Ivan Prostakov. Les Français proposeront donc des solutions concrètes pour amé-liorer la situation à l’échelle mondiale »

Lors de ces manifestations, dans certains cas, il s’agit également de donner un autre visage à une innovation qui ne fait pas encore l’unanimité. « En 2005, lors de l’exposition à Aichi, Toyota a dévoilé des bus à hydrogène à partir de la thématique « Sagesse Nature » et a ainsi démontré que cette ressource pouvait être utile », explique le membre du BIE. Dix ans plus tard, la marque japonaise développe des voitures à hydrogène pour les particuliersLes expositions évoluent et les inno-vations exposées aussi, entrainant avec elles de nouvelles technologies. En 1967, lors de l’exposition de Montréal, la société Imax (abréviation de Image Maximum Corporation) crée un sys-tème permettant de diffuser un film sur un très large écran avec une très grande résolution. « Les Japonais, séduits par le projet ont invité les Canadiens à faire évoluer leur projet pour la prochaine ex-position de 1970 à Osaka. Grâce à l’in-vention de leur voisin, les Américains ont pu construire pour la première fois une salle de cinéma capable d’intégrer la tech-nologie Imax », raconte Ivan Prostakov.Il y a un siècle, les visiteurs des expositions universelles s’extasiaient devant les mo-teurs diesel, la voiture électrique et le ket-chup Heinz. Désormais, leurs descendants innovent pour préserver la planète, amé-liorer le quotidien et construire le futur.

Candice Cheuret

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