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Le 14 05 2019, Pierre Roubaud a écrit à Claude Morilhat. : Cher Monsieur Morilhat, Vous trouverez en pièce jointe, à la suite du texte de ma lettre du 31/03/2019, mes commentaires au fil des lignes à votre réponse argumentée du 20/04 dernier. En espérant que vous pourrez en prendre les arguments en considération, je vous remercie de votre attention. PR Claude Morilhat-Pierre Roubaud Correspondance à propos du concept de « force de travail » chez Marx (extraits) Sommaire Références ; conventions typographiques : .......................................................................... ................... p.1 De Pierre Roubaud à Claude Morilhat, lettre du 31 03 2019 : ………………………………………… p.2 De Claude Morilhat à Pierre Roubaud, lettre du 20 04 2019, lettre commentée au fil des lignes le 14/05/2019 par Pierre Roubaud : ....................................................... p.5 Références -Banque Mondiale : -« Service, etc., valeur ajoutée (% du PIB 1995-2014) » (noté BM1) : http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NV.SRV.TETC.ZS . -Alain Bihr : « La logique méconnue du « Capital », éd. « Page deux », 2010 (noté AB). -Alain Bihr, Loteur de Sélignes et al : « Une correspondance au sujet de la notion de travail productif, Karl Marx et sa doctrine », 2012 : in ...\Karl Marx\Marx materiau\Marx erreur correspondance\Marx erreurs correspondance 2011-2014.doc (noté AB-LdS et al). -Jacques Chaillou : « Travail simple, travail qualifié. Valeur et salaires. Approche mathématique », éd. « L’Harmattan », 2012 (noté JCh). -Michel Clouscard : « Lettre ouverte aux communistes », 2016, éd. « Delga » (noté MClo). -P. Combemale et M. Gueuder, « Postface », in B. Milanovic « Inégalités mondiales », éd. « La Découverte », 2019 (noté PC-MG). -V.I. Lénine : « L’impérialisme, stade suprême du capitalisme », Œuvres Choisie, I, « Editions en langues étrangères », Moscou, 1946 (noté V.I.L. I). -Claude Morilhat : Marx : la formation du concept de force de travail », 2017, « Annales Littéraires de l’Université de Franche-Comté » (noté CM1); -lettre du 20/04/2019 à Pierre Roubaud (noté CM2). -Karl Marx et Friedrich Engels : « Manifeste du Parti Communiste », « Editions Sociales », 1954 (noté KM-FE Manifeste). -Karl Marx : Le Chapitre VI », « Editions Sociales » GEME, 2010 (noté KM VI); 1

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Page 1: Claude Morilhat-Pierre Roubaud - tribune marxiste-léniniste€¦  · Web viewVous trouverez en pièce jointe, à la suite du texte de ma lettre du 31/03/2019, mes commentaires au

Le 14 05 2019, Pierre Roubaud a écrit à Claude Morilhat. :Cher Monsieur Morilhat,Vous trouverez en pièce jointe, à la suite du texte de ma lettre du 31/03/2019, mes commentaires au fil des lignes à votre réponse argumentée du 20/04 dernier.En espérant que vous pourrez en prendre les arguments en considération, je vous remercie de votre attention.PR

Claude Morilhat-Pierre RoubaudCorrespondance à propos du concept de « force de travail » chez Marx (extraits)

SommaireRéférences ; conventions typographiques : ............................................................................................. p.1De Pierre Roubaud à Claude Morilhat, lettre du 31 03 2019 : ………………………………………… p.2De Claude Morilhat à Pierre Roubaud, lettre du 20 04 2019,

lettre commentée au fil des lignes le 14/05/2019 par Pierre Roubaud : ....................................................... p.5

Références-Banque Mondiale : -« Service, etc., valeur ajoutée (% du PIB 1995-2014) » (noté BM1) :http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NV.SRV.TETC.ZS.-Alain Bihr : « La logique méconnue du « Capital », éd. « Page deux », 2010 (noté AB).-Alain Bihr, Loteur de Sélignes et al : « Une correspondance au sujet de la notion de travail productif, Karl Marx et sa doctrine », 2012 : in ...\Karl Marx\Marx materiau\Marx erreur correspondance\Marx erreurs correspondance 2011-2014.doc (noté AB-LdS et al).-Jacques Chaillou : « Travail simple, travail qualifié. Valeur et salaires. Approche mathématique », éd. « L’Harmattan », 2012 (noté JCh).-Michel Clouscard : « Lettre ouverte aux communistes », 2016, éd. « Delga » (noté MClo).-P. Combemale et M. Gueuder, « Postface », in B. Milanovic « Inégalités mondiales », éd. « La Découverte », 2019 (noté PC-MG).-V.I. Lénine : « L’impérialisme, stade suprême du capitalisme », Œuvres Choisie, I, « Editions en langues étrangères », Moscou, 1946 (noté V.I.L. I).-Claude Morilhat :

-« Marx : la formation du concept de force de travail », 2017, « Annales Littéraires de l’Université de Franche-Comté » (noté CM1) ;

-lettre du 20/04/2019 à Pierre Roubaud (noté CM2).-Karl Marx et Friedrich Engels : « Manifeste du Parti Communiste », « Editions Sociales », 1954 (noté KM-FE Manifeste).-Karl Marx :

-« Le Chapitre VI », « Editions Sociales » GEME, 2010 (noté KM VI) ;-« Le Capital », Tomes I, II, III. « Editions Sociales », 1976 (notés KM, I, II, III).

-Pierre Roubaud, -« Marx : limites d’une œuvre inachevée ; conséquences historiques », « Editions L’Harmattan », 2018, 253p.

(noté PR-H 2018) ;-Première lettre à Claude Morilhat, datée du 31/03/2019 (notée PR1) ;-Commentaire au fil des lignes (noté PR2) de la lettre de Claude Morilhat du 20/04/2019.

-Michel Vadée : « Marx penseur du possible », Chapitre 6, « Editions L’Harmattan », 1998 (noté MV).

Conventions typographiques-les citations de Marx et Engels : caractères italiques, police Times New Roman de corps 10 ;-les textes de Pierre Roubaud : caractères droits, police Times New Roman de corps 10 ;-les citations des autres auteurs : caractères droits, gras, police Times New Roman de corps 9.Les sous-lignages, sauf indications contraires, sont de PR.

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Pierre Roubaud à Claude Morilhat, lettre du 31 03 2019-PR1 : Cher M. Morilhat,

(…)…je viens juste de prendre connaissance de votre étude « Marx : la formation du concept de force de travail » et je me propose ci-dessous de vous faire part de quelques remarques à ce sujet.

Un échange d’équivalents   ? Un salaire égal à la valeur de la «   force de travail   »   ? En effet, il se trouve que j’ai récemment publié (cf. référence ci-dessus) un texte dans lequel je pense avoir démontré que Marx et sa postérité se sont trompés chaque fois qu’ils ont décrit la relation marchande Capitaliste-Salarié (relation Ca-Sa) sous la forme de la vente d’une « force de travail » contre un « salaire »…

-KM, I, V, p.128 : « …en prenant pour base les lois immanentes de la circulation des marchandises, de telle sorte que l’échange d’équivalents serve de point de départ »…

-PR1 : …c’est-à-dire en admettant que :

- KM, III, XXI, p.334 : « …l’offre et la demande s’équilibrent, leur action s’annule et le salaire est égal à la valeur de la force de travail ».

Or, Marx s’est clairement contredit à ce sujet à de nombreuses reprises   : -Par exemple (Cf. PR-H 18, p.54) : « Dans le « Manifeste du Parti Communiste » rédigé avec F. Engels, on

peut lire : -KM-FE, Manifeste, p.35 : « Le prix du travail, comme celui de toute marchandise, est égal à son coût de

production. ».-PR1 : Ici Marx n’a pas écrit « Le prix de la « force de travail » », mais « le prix du travail » ; 1

-KM-FE, Manifeste, p.43 : « Le prix moyen du travail salarié, c’est le minimum du salaire, c’est-à-dire la somme des moyens de subsistance nécessaires pour maintenir en vie l’ouvrier en tant qu’ouvrier. » :

-PR1 : Ici Marx n’a pas écrit « le prix moyen de la « force de travail » salariée », mais « le prix du travail salarié ».

-Par exemple encore (PR-H 18, p.9) : « … ce qui a échappé à (toute ?) la postérité de Marx (pourquoi ?), c’est que de nombreux passages du Capital contredisent directement ce schéma descriptif de l’échange capitaliste-salarié : en effet ces passages reviennent à admettre plus ou moins explicitement que ce qu’achète le capitaliste n’est pas une « force de travail », mais « l’usage » de cette « force », c’est à dire son « travail »… »

-KM, I, XVIII, p. 379-380 : « La formule [(Travail non payé) / (Travail payé)] n’est qu'une expression populaire de celle-ci : [(Surtravail) / (Travail nécessaire)].Après nos développements antérieurs, elle ne peut plus donner lieu à cette erreur populaire que ce que le capitaliste paye est le travail et non la force de travail. (…) …le surtravail, dont il (le capitaliste –PR) tire la plus-value, peut être nommé travail non payé. »

-PR1 : Ici, d’une part Marx maintient que ce que le capitaliste paye est la « force de travail » et non « le travail », et d’autre part accepte les expressions « travail payé » et « travail non payé », expressions auxquelles il a recours un grand nombre de fois dans la suite du Capital, et qui reviennent à admettre que le capitaliste achète bien du travail, mais en n’en payant qu’une partie.La possibilité de cette interprétation est explicitement confirmée par d’autres textes de Marx. Par exemple :

-KM VI, p.133 : « Le rapport originel dans lequel le capitaliste en puissance achète du travail (depuis le chapitre IV nous pouvons nous exprimer ainsi, au lieu de dire capacité de travail) au travailleur pour capitaliser une valeur monétaire, et le travailleur vend la disposition de sa capacité de travail, son travail pour gagner sa vie… ».

-KM, II, XI, p. 193 : « La substance réelle du capital déboursé en salaire, c’est le travail lui-même, la force de travail en action, créatrice de valeur ».

1 Se permettant de faire dire à Marx ce qu’il n’a pas dit, la rédaction des Editions Sociales écrit en note à propos de l’expression « prix du travail » :

-KM-FE Manifeste, p.35 : « Ou plus exactement, comme Marx le précisera ultérieurement, le prix de la force de travail. ».

-PR1 : Ainsi, la rédaction de la revue présente-t-elle comme une simple inexactitude rédactionnelle ce qui est en fait une contradiction, car le concept de « force de travail » introduit dans le Capital longtemps après le Manifeste du Parti Communiste présuppose que l’échange capitaliste-salarié (Ca-Sa) est un échange égal (« force de travail ») contre (salaire), ce qui n’est pas le cas de l’échange (travail) contre (salaire).

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-PR1 : Le fait que la postérité de Marx n’ait (à ma connaissance limitée) porté aucune attention à ces contradictions, explicites, voire les ait attribuées à des négligences rédactionnelles,2 3demanderait une explication.

Deux options à confronter à la réalitéToujours est-il que ces contradictions existent et nous imposent de déterminer laquelle des interprétations de la relation Ca-Sa qu’elles avancent résiste à une confrontation avec la réalité du développement historique du capitalisme jusqu’à nos jours.Le choix à effectuer est le suivant :

-Option I (option choisie par la postérité de Marx) :-Grâce à la réalisation d’un équilibre entre l’offre et la demande, l’échange Ca-Sa s’effectue, au-delà des

fluctuations contingentes, entre équivalents (cf. ci-dessus). Dans ces conditions, si l’échange est celui d’un travail contre un salaire, le salarié reçoit en valeur dans son salaire autant qu’il a fourni dans son travail, et disparaît toute part de la valeur susceptible de nourrir le capital.2

? Vous-même écrivez à propos des « Manuscrits de 1861-1863 » de Marx :-CM, p.106 : « Si l’on trouve encore ici et là dans ces pages manuscrites les expressions, prix, vente du travail, il

s’agit de facilités d’écriture qui, replacées dans l’ensemble du texte, ne prêtent à aucune équivoque. ».-PR1 : Ne peut-on, au contraire admettre que ces « facilités d’écriture » traduisent une hésitation persistante

de Marx à choisir, à propos des salaires, entre les expressions « prix, vente du travail » et « prix, vente de la force de travail » ? Ne trouve-t-on pas, par exemple jusque dans l’avant-avant dernier chapitre du Livre III du Capital ceci :

-KM, III, L, p.788 : « …les prix des marchandises sont déterminés par le salaire, l’intérêt et la rente, par le prix du travail, du capital et de la terre… »,

-PR1 : Marx n’aurait-il pas pû écrire ici pour être fidèle à sa propre théorie de la «  force de travail » (et sans notable « difficulté d’écriture ») pour éviter toute ambigüité : « …sont déterminées par le salaire, (…), le prix de la force de travail, du capital et de la terre… » ?3

? Cf, aussi, PR-H 18, p. 248-249 : « Discutant de la place de la concurrence dans l’établissement du prix des marchandises, Michel Vadée (MV, p. 190) reprend dans une traduction modifiée, un passage du Livre I du capital… :

-KM, I, XIX, p.382 : « Pour le travail, comme pour toute autre marchandise, le changement dans le rapport entre l’offre et de la demande n’explique rien que les oscillations du prix du marché en-dessous ou au-dessus d’une certaine grandeur. »…

-PR1 : …Un peu plus loin, Michel Vadée cite, « pour expliquer le salaire », un passage du Livre III du Capital :

-KM, III, L, p.778 : …il ne nous servirait à rien de faire intervenir la concurrence. (…) Supposons que l’offre et la demande de travail s’équilibrent. Par quoi serait alors déterminé le salaire ? Par la concurrence. Mais nous venons de supposer qu’elle cesse d’être déterminante et que l’équilibre de ses deux forces contraires (aufhebt) annule ses effets. Ce que nous proposons de trouver est précisément le prix naturel du salaire, c’est-à-dire le prix du travail qui n’est pas réglé par la concurrence, mais au contraire, la régularise. »

-PR1 : Un peu plus haut, dans la même page du Livre III du capital, Marx avait écrit :

-KM : « …dans la théorie que nous examinons, le point de départ est toujours le travail. Comment sera donc déterminé le prix régulateur du salaire, (…). On dira par l’offre et la demande de force de travail. Mais de quelle demande de force de travail s’agit-il ? De la demande faite par le capital. La demande de travail équivaut donc à l’offre de capital. »

-PR1 : Il n’a donc pas pu échapper à Michel Vadée qu’ici Marx se réfère indifféremment à l’achat de «  force de travail » et l’achat de « travail » tout court.

C’est d’ailleurs ce qu’avait montré (KM, I, XVIII, p.379-380) l’extrait cité plus haut dans notre étude par lequel Marx présentait comme acceptables les expressions « travail payé », « travail non payé ».

Or, il n’a pas échappé à Michel Vadée que, dans les deux passages qu’il vient de citer, l’un du Livre I du Capital, l’autre du Livre III, Marx reprend à son compte l’expression « prix du travail » qui fait explicitement du « travail » la marchandise vendue au capitaliste par le salarié.

C’est pourquoi Michel Vadée écrit à ce sujet en note :

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Donc, dans les conditions d’un échange entre équivalents, si on veut comprendre la genèse du capital, il faut s’en référer à l’invention par Marx du concept de «   force de travail   » , une marchandise très particulière qui serait capable par son usage de fournir plus de travail qu’elle n’en consommerait pour sa production-reproduction.Dans cette option, si le salarié revendique, c’est seulement pour faire respecter « la loi qui règle l’échange des marchandises » (KM, I, X, p.176) sous la forme d’un échange entre équivalents ; si conflit il y a entre travail et capital, c’est seulement à propos du partage de la valeur créée par le travail et non de la mise en cause de la légitimité de la part extorquée au salarié pour l’accumulation du capital.

-Option II (celle que je défends dans mon livre) : rien n’impose d’admettre qu’il y a, dans l’échange Ca-Sa réalisation systématique d’un équilibre entre l’offre et la demande des marchandises échangées, et, partant, rien n’impose d’admettre que cet échange s’effectuera, en moyenne, entre équivalents.La formation du capital peut donc s’expliquer par l’existence d’un rapport économico-politique imposant, dans un échange travail contre salaire, un échange inégal en valeur et favorable au capital : si le capitaliste dispose d’une situation économico-politique favorable, il peut acheter le travail du salarié pour un prix inférieur à sa valeur et, ainsi, disposer d’une plus-value qui lui ouvrira la possibilité d’accumuler du capital.Mais, au contraire, si c’est le salarié qui dispose d’une situation économico-politique favorable, la valeur de son salaire pourra dépasser le strict nécessaire à sa survie dans sa position de salarié, voire dépasser la valeur du travail qu’il a fourni : dans ce dernier cas, le capitaliste enregistrera une moins-value, tandis que le salarié profitera symétriquement d’une plus-value salariale. Dans les deux cas, le salarié bénéficiera d’un surplus par rapport au strict nécessaire, un surplus qui sera dès lors susceptible d’alimenter au-delà de la situation stricte du prolétaire, une consommation de confort ou de luxe, voire susceptible d’être transformé en titres de rentes ou en capitaux. Ainsi se formera (et effectivement, ainsi se forme), au sein du salariat tout un éventail de couches moyennes salariées, couches dont Marx n’a pas envisagé la formation, parce qu’il a voulu décrire l’échange Ca-Sa « de telle sorte que l’échange d’équivalents serve de point de départ ».

Reste à déterminer, dans le cadre des options I et II, ce qui fait la valeur de la marchandise vendue par le salarié, à savoir sa « force de travail » dans l’option I, ou son « travail » dans l’option II.

La «   Loi de la valeur   » Quelle que soit l’option choisie, la valeur de chaque espèce de marchandise « force de travail » ou « travail » est, ainsi que Marx l’a démontré, déterminée, selon « la loi de la valeur », par la quantité de travail actuelle socialement nécessaire en moyenne à sa production :

-Cf., par exemple, KM, I, XIX, p.382 : « …la valeur, dont la grandeur reste (…) toujours déterminée par le quantum de travail actuel et socialement nécessaire qu'exige la production d'une marchandise. »

Option I   : inconsistance du concept de «   force de travail marchandise   » Dans mon étude « Marx : limite d’une œuvre inachevée », j’ai présenté une liste non exhaustive des nombreux reproches que l’on est en droit et devoir d’adresser à la théorie de la « force de travail » de Marx :

PR H18, p.9-10 : « …il apparaît que la théorie de la « force de travail » contredit la « loi de la valeur » à laquelle se réfèrent pourtant Marx et sa postérité (que je noterai Marx-Pst), loi selon laquelle la mesure de la valeur d’une marchandise quelconque doit prendre en compte la totalité des travaux effectués pour la produire. En effet, (…) chez Marx la mesure de la valeur de la « force de travail » ne prend pas en compte les activités personnelles effectuées par le salarié au cours de sa vie (et à partir de quel âge ?) pour la production de sa « force de travail », notamment au cours de ses études (en commençant quand ? Dès avant l’école maternelle ?) ou de l’exercice d’un travail qualifiant4 5.

-MV, note 92, p. 203 : « Marx parle encore ici de « prix du travail », alors qu’il faut comprendre « prix de la force de travail » » !

-PR1 : Etonnant résultat d’une étude systématiquement apologétique des œuvres de Marx : faute d’admettre que Marx ait pu se contredire, Michel Vadée en vient à écrire à sa place ce qu’il était censé avoir voulu écrire !

4 Vous citez (CM, p.113) Hai Hac : « …la valeur d’échange de la force de travail n’est pas déterminée, comme celle de toute marchandise, par le travail nécessaire à sa production, mais par le seul travail nécessaire à la production des marchandises entrant dans (sa) reproduction. »5

? Vous citez vous-même (CM, p.115) un texte tiré des « Théories de la plus-value » de Marx explicitant ce privilège qu’il accorde à la « marchandise force de travail » quant au respect de « la loi de la valeur » :

-KM « On peut diviser en deux grands groupes le monde des « marchandises ». En premier lieu la puissance de travail – en second lieu les marchandises qui se distinguent de la puissance de travail ».

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D’autre-part, l’échange capitaliste-salarié n’est pas un échange égal :-le salarié ne possède pas les « subsistances » qui jouent le rôle de moyen de production de cette

marchandise « force de travail » que, selon Marx, il est censé vendre ;-ce qu’achète le capitaliste est l’usage de sa « force de travail », c’est-à-dire son travail, mais le salarié

ne possède pas les moyens de travail indispensables pour assurer cet « usage » ;-dans l’échange marchand capitaliste-salarié, il n’y a généralement pas équilibre entre l’offre et la

demande, car, d’une part, le système capitaliste tend à créer une réserve de main-d’œuvre excédentaire dans toutes les branches de l’activité sociale et, d’autre part, au contraire, les aspects non répétitifs de toutes les tâches confèrent aux travailleurs qui les exercent une position de monopole relatif spécifique qui peut les rendre difficilement remplaçables sur le marché du travail ;

-par ailleurs, le montant du salaire et la quantité de travail social à fournir en échange ne sont pas seulement déterminés par la valeur de la « force de travail », mais par une lutte de pouvoir économico-politique permanente entre capital et travail. »

Ainsi que vous pouvez le constater, j’ai, dans ces lignes, redécouvert indépendamment, puis réuni et mis en cohérence les principales critiques adressées au « concept de force de travail » par les divers auteurs (J. Bidet, J. M. Harribey et T. Hai Hac) que vous citez dans votre reconstitution des étapes de « la formation » de ce concept chez Marx (CM1, p.110-116).En particulier, de même que Hai Hac ou J.-M. Harribey que vous citez, j’ai mis en évidence la contradiction chez Marx entre un déterminisme purement économique de la valeur de la « force de travail » (la valeur objective des subsistances nécessaires à la production de cette force) et un déterminisme politique (le rapport de pouvoir imposant le contenu de « subsistances » du « salaire-panier » nécessaire à sa production).Or, l’application de ce deuxième type de déterminisme, non à la détermination du prix de la «  force de travail », mais bien, chez Marx, à la détermination de sa valeur objective, revient, par exemple à admettre que la différence constatée entre les salaires reçus dans la même fonction par un interne des hôpitaux français et un interne salarié immigré est fondée sur une disparité de leurs besoins.A admettre qu’un ingénieur, ou haut dirigeant d’entreprise recevant un salaire d’un montant égal à 5, 10, 50 fois le SMIC doit satisfaire, pour être capable d’exercer sa fonction, des besoins 5, 10 ou 50 fois plus dispendieux que ceux que doit satisfaire un salarié du bas de l’échelle (soit une hiérarchie des salaires fondée sur une hiérarchie des besoins !) 6.A admettre, contre toute réalité, que cet ingénieur ou dirigeant d’entreprise, ne peut pas disposer d’un surplus au-delà du strict nécessaire au renouvellement de sa « force de travail », un surplus pouvant éventuellement servir à l’achat de titres de rentes ou à l’accumulation d’un capital.Pourtant, s’agissant de ces critiques adressées à la théorie de la « force de travail », vous présentez…

-CM1, p.115 : « …le concept de force de travail et celui de survaleur (comme) étant indissociables ».-PR1 : Or, je prétends avoir démontré, qu’au contraire, l’abandon d’une description de l’échange Ca-Sa en

termes d’échange « force de travail » contre « salaire » est nécessaire pour développer une théorie conforme aux faits d’observation. En effet, si l’on doit reconnaître avec MarxPst que le surtravail à l’origine de l’accumulation du capital résulte d’une différence entre la valeur du travail fourni par le salarié et la valeur de son salaire, on doit reconnaître, mais cette fois contre MarxPst, que ce que le capitaliste achète au salarié est son travail, et non sa problématique « force de travail ».Et l’on doit reconnaître en outre que le prix payé pour ce travail ne coïncide pas en général avec sa valeur, car il est déterminé par un rapport de force économico-politique au déterminisme multifactoriel.

La valeur d’un travail est égale à une durée«   Le concept de la marchandise travail et celui de survaleur sont indissociables   »

Dans l’Option II, la valeur marchande du travail effectué pour produire une unité d’un type déterminé de marchandise est égale à sa durée. Selon cette définition, plus un travailleur est productif, plus a de la valeur son

6

? Cf. J Ch, p.44 : « Poser une valeur d’entretien (de la capacité de travail -PR) qui ne dépend pas de la qualification, c’est prendre à contre-pied les théories qui prétendent expliquer la hiérarchie des salaires par une hiérarchie des besoins. N’est-ce pas à juste titre ? Lorsqu’on examine les dépenses d’un cadre supérieur, nourriture, habillement et logements raffinés, voiture de luxe, vacances à l’hôtel, résidences secondaires, bijoux, sorties à l’opéra, au théâtre, au cabaret, etc., on ne voit rien là qui ne serait pas bon pour un manœuvre. »

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travail fourni par unité de temps, puisque, en une unité de temps, il produira une quantité d’autant plus grande de la sorte de marchandise considérée.Par exemple, si un travailleur X produit en une heure 10 articles là où chacun des autres travailleurs attachés à la production de cette sorte d’article n’en produit en moyenne qu’un seul, la valeur d’une heure de travail du travailleur X sera égale à dix fois la valeur d’une heure du travail social exécuté en moyenne pour cette sorte de production.Mais la productivité individuelle d’un travailleur ne dépend pas directement de la valeur de sa «  force de travail ». Si, par exemple, un travailleur hautement qualifié grâce à de longues études et bénéficiant donc d’une valeur élevée de sa « force de travail » ne dispose que de moyens de travail rudimentaires, sa productivité s’en ressentira, et la valeur de son travail en sera diminuée d’autant.De plus, il est possible de montrer que se produira un transfert d’une part de la valeur du travail le moins productif vers la valeur du travail le plus productif. Ainsi se manifestera au sein du salariat l’un des processus qui aboutissent à la formation de couches moyennes salariées. Contrairement à ce qu’affirme Marx dans le Manifeste (KM-FE Manifeste, p.29), « La société bourgeoise moderne » n’a pas complètement « simplifié les antagonismes de classes… (…) …la société entière » ne se divise pas « de plus en plus en deux vastes camps ennemis, en deux grandes classes qui s’affrontent directement ; la bourgeoisie et le prolétariat », surtout si l’on réduit ainsi que le fait Marx, le prolétariat à sa seule fraction ouvrière (c’est-à-dire sa fraction productrice des biens matériels en en excluant les producteurs des services).Il est évident que Marx s’est trompé lorsqu’il affirmait, toujours dans le Manifeste (KM-FE Manifeste, p.39) que « le mouvement prolétarien (réduit à sa fraction industrielle –PR) est le mouvement autonome (ou spontané) de l’immense majorité au profit de l’immense majorité », ce qui revenait à lire dans la logique du mode de production capitaliste une extension du prolétariat ouvrier telle qu’il devait en arriver à devenir à lui seul cette « immense majorité ».Par conséquent, le concept de « force de travail » est inopérant pour déterminer la valeur fournie par le travail, comme il est inopérant pour déterminer la valeur du salaire, c’est-à-dire la valeur dépensée par le travail ; il est donc inopérant pour déterminer la plus-value ou « survaleur » fournie par le travail, car la plus-value est égale à différence entre la valeur du travail fourni par le salarié et la valeur du travail social dépensé pour son salaire.Ainsi peut-on contredire votre affirmation du caractère « indissociable » du « concept de la marchandise force de travail » et du « concept de survaleur », en écrivant au contraire : « Le concept de la marchandise travail et celui de survaleur sont indissociables »

Marx et sa postérité se sont trompés chaque fois qu’ils ont refusétoute valeur au travail fourni en tant que service

Ainsi que le remarquent J. Delaunay et J. Gadrey :

-Det G, p.64 : « …tout travail, considéré abstraitement est, d’une certaine façon, un service ». -PR1 : Or, selon Marx…

KM, I, I, p.52-53 : « le travail humain, forme bien de la valeur, mais n’est pas la valeur. Il ne devient valeur qu’à l’état coagulé, sous la forme d’un objet. »

-PR1 : Ainsi, le refus de MarxPst de considérer le travail comme la marchandise échangée dans la relation Ca-Sa ne tient pas qu’à un postulat faisant de cette relation un échange entre équivalents. Ce refus tient aussi à l’attribution quasi-exclusive accordée par Marx (sans justification aucune) à la production des « objets », des « choses » quant à la capacité à produire de la valeur.C’est ainsi que pour MarxPst, c’est la seule plus-value produite par les travailleurs de la production matérielle (essentiellement la production industrielle) qui est censée rémunérer toutes les activités de service (commerce, banque, services publics, etc.). Or, ce schéma théorique, déjà problématique du temps de Marx, ne peut plus être aujourd’hui accepté sachant que les activités de service occupent désormais bien plus que la moitié de l’activité sociale mondiale : selon la Banque Mondiale (Cf. BM1), la part des services en pourcentage du PIB dans l’économie mondiale qui était déjà de 58% en 1995, atteignait 68% en 2014 !

Cher Monsieur Morilhat,Je m’aperçois que mon message qui, à l’origine devait se réduire à une demande de prise de contact, s’est allongé outre mesure, comme si j’avais cédé à l’ambition de le consacrer à une réécriture exhaustive du contenu de ce livre de 251 pages que je souhaite pouvoir vous faire parvenir.J’espère que vous pourrez me répondre rapidement…(…)En vous remerciant de votre attention,Pierre Roubaud

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Claude Morilhat : lettre du 20 04 2019 commentée au fil des lignes, le 14 05 2019, par Pierre Roubaud

-CM1 : « Cher M. Pierre Roubaud,Ci-joint quelques observations succinctes à propos de votre livre, si je suis partiellement en accord avec vous concernant la question des services, il n’en est évidemment pas de même pour vos autres thèses.Cordialement.           C. MorilhatPièce jointe

-PR2 : Cher M Claude Morilhat,Introduction

Je vous remercie d’avoir pris le temps et le soin de rédiger vos commentaires critiques du texte des premiers chapitres de mon étude publiée chez L’Harmattan et de celui rédigé en guise d’appel à réfutation de ma longue lettre du 31 mars dernier.Mais, je vous en prie, prenez connaissance en retour de ma critique au fil des lignes de votre réponse.Je vous en prie, ne la jetez pas à la corbeille sans la lire plus avant : je n’arrive pas à comprendre que vous puissiez traiter « d’énormité », mon affirmation « que Marx « réduit l’acception du concept de marchandise à la marchandise objet matériel autonome ». Je vous en prie ! Comment les lecteurs du Comité de Lecture de L’Harmattan auraient-ils pu laisser passer une telle « énormité » ?

Je vous en prie, dites-moi, par exemple, comment interpréter autrement que je le fais, le passage suivant du « Capital » :

-KM, I, XIX, p.381 : « Pour être vendu sur le marché à titre de marchandise, le travail devrait en tout cas exister auparavant. Mais si le travailleur pouvait lui donner une existence matérielle, séparée et indépendante de sa personne, il vendrait de la marchandise et non du travail… »

-PR2 : Comment Marx aurait-il pu mieux dire que, selon lui, une marchandise ne peut être que « matérielle », et que le travail ne peut pas être une marchandise ?

Je vous en prie, dites-moi, par exemple, comment interpréter autrement que je le fais, le passage suivant du « Capital » :

- KM, II, XI, p. 193 : « La substance réelle du capital déboursé en salaire, c’est le travail lui-même, la force de travail en action, créatrice de valeur » ?

-PR2 : Comment Marx aurait-il pu mieux dire, même s’il ne l’aurait fait qu’une fois dans «  Le Capital », que le capitaliste achète du « travail », et non de la « force de travail tout court ».N’est-ce pas pure vérité que, tout au long du « Capital », au terme de « force de travail » s’associe indissolublement, contradictoirement, celui de « travail » ? Une contradiction dans les termes que Marx n’a pas eu le temps de reprendre à sa racine et de surmonter. Mais nous, postérité de Marx qui en avons le temps, et le devoir, pourquoi refuserions-nous de le faire ?

Je vous en prie !

P.S. : Dans la mesure où le contenu de notre échange épistolaire pourrait intéresser autour de nous un public attentif au développement du marxisme en tant que théorie scientifique, je souhaite que vous m’autorisiez, ainsi que l’ont fait précédemment notamment Alain Bhir, Jean-Michel Goux et Denis Lemercier pour d’autres textes, à rendre public notre correspondance.

La réponse de Claude Morilhat – Commentaires de PR au fil des lignes-CM1 : « Réponse ouvrage Claude Morilhat

Cher M. Pierre Roubaud,

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Le livre (PR-H 2018) supposerait une analyse suivie presque page par page, ce que je ne suis pas en mesure de faire, je me limiterai donc à vous faire part de mon avis sur les grandes thèses de votre ouvrage, et à quelques remarques plus ponctuelles concernant l’argumentation qui me semblent parfois un peu incertaine.

------------------------------CM1 : « 1) Sur les 3 premiers chapitres :

Que les analyses de Marx soient dépendantes de la structure du capitalisme au XIXe et qu’elles demandent à être développées et rectifiées j’en suis comme vous convaincu. S’agissant du capital commercial, il me semble que ce que Marx dit de l’industrie des transports comme prolongement du procès de production…

-PR2 : Mais qu’entend Marx par « production » sinon la production de « choses », d’« objets », la production « matérielle » ? Production à laquelle est, selon lui, exclusivement attachée une production de valeur marchande7.Et, tout au long du « Capital », après l’avoir opposé au mot « valeur » dans son sens de « valeur d’usage », Marx utilise le mot « valeur » tout court (ainsi que je le ferai ci-dessous, sauf mention spéciale) dans le sens de valeur marchande.Les activités de services sont-elles pour Marx des activités de production si elles ne sont pas intégrées directement dans la production matérielle ? Le transport des personnes est-il par lui considéré comme une activité de production au même titre que le transport des marchandises matérielles ? A ma connaissance, nous devons répondre par la négative à cette dernière question.

-CM1 : « … (et donc activité productive) (il s’agit de l’activité des transports –PR) jusqu’à ce que les marchandises accèdent à la sphère de la consommation (productive ou individuelle) peut lui être étendu sans véritable difficulté, il y a dans cette perspective alors production de valeur et de survaleur dans la phase de distribution des marchandises (travail de magasinage, mise en rayons, caissières). Ce qui implique de corriger nombre d’affirmations de Marx mais ne met à mon sens aucunement en cause son analyse globale du système capitaliste, simplement l’espace de production de valeur nouvelle et de survaleur se voit fortement élargi ».

-PR2 : Mais alors, quels peuvent être les effets d’un pareil élargissement sur la théorie du mode de production capitaliste ? Et quelles sont les limites, s’il y en a, de cet élargissement dans la sphère des services ?

-CM1 : « S’agissant des services en général la notion est des plus floues…, -PR2 : -1. Je pense pourtant que vous admettrez avec moi que la définition suivante du service n’est pas

« floue » :« Un service en tant que produit d’un travail est consommé par l’acte même qui le produit ».Le service ainsi défini s’oppose clairement au produit matériel du travail qui, entre le moment de sa production et celui de sa consommation, est doué d’une existence autonome indépendante du travailleur qui l’a produit.8

-PR2 : -2. Je constate que vous admettez avec moi qu’il est nécessaire de « corriger » Marx en étendant la capacité à produire de la « valeur nouvelle » et de la « survaleur » au moins à certains services, de telle sorte que « l’espace de production de valeur nouvelle et de survaleur » s’en trouve « fortement élargi » (étant entendu qu’il s’agit ici de valeur d’échange, non de valeur d’usage).Et je constate que parmi les services ainsi inclus parmi les travaux productifs de « valeur » et « survaleur », vous citez le travail des « caissières », c’est-à-dire un service relevant exclusivement de la circulation de la valeur.Il s’agit donc bien ici de corriger, c’est-à-dire contredire Marx explicitement, puisque, selon Marx, les activités de commerce et plus généralement les travaux consacrés à la circulation de la valeur ne produisent pas de valeur (sinon d’usage) et sont donc rémunérés par un prélèvement sur la plus-value produite dans la seule production matérielle.Ainsi, vous admettez avec moi que Marx n’a aucun argument pour soutenir que le travail de circulation de la valeur ne produit aucune valeur marchande. 9

-PR2 : -3. Je pense que vous admettrez avec moi que, ainsi que l’écrivent J Delaunay et Jean Gadrey ( D et G, p.64) : « tout travail considéré abstraitement est, d’une certaine façon un service » : en effet, un travail fourni à autrui n’est en aucun cas doué d’une existence indépendante du travailleur qui l’a réalisé (produit) entre le moment de sa production et celui de sa consommation.

-CM1 : « …elle supposerait (il s’agit de la notion de service –PR) des élaborations poussées par-delà la simple mais fondamentale distinction entre services marchands et non marchands, par ailleurs le domaine des services s'avère le champ privilégié de fonctions purement parasitaires.

8 Si l’on réduit progressivement jusqu’à les annuler le temps écoulé et la distance franchie entre la production et la consommation, on passe sans discontinuité de la production d’un produit matériel à la production d’un service.

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- PR2 : Peut-on décider qu’une fonction est, indépendamment des circonstances historiques, « parasitaire ». A ma connaissance, Marx n’avait aucun argument pour qualifier ainsi le commerçant plus que l’industriel des transports :

-KM, I, V, p.127 : « …La circulation ou l’échange des marchandises ne crée aucune valeur. (…) …le commerçant (…) s’interpose (entre acheteur et vendeur) comme intermédiaire parasite »

-CM1 : « … (note au passage : que l’infirmière ou l’enseignant du secteur public produisent de la valeur d’usage pour ceux qui bénéficient de leur travail et transmettent une fraction de la valeur de leur force de travail en contribuant à la formation ou à l’entretien d’autres forces de travail ne signifie pas qu’ils produisent de la survaleur.) »

PR2 : Je m’excuse, mais je n’arrive pas à comprendre le sens de votre note. Que signifie, par exemple, à propos des enseignants qu’ils « transmettent une fraction de la valeur de leur force de travail », sachant que, selon Marx, la valeur de leur « force de travail » est celle de leur salaire ? Les enseignants ne transmettent pas une partie de leur salaire à leurs élèves. De plus, lorsque les enseignants transmettent des connaissances à leurs élèves, ils ne s’en dessaisissent pas. Les connaissances ne sont pas des objets matériels.Non, excusez-moi, mais je ne comprends pas le sens de votre note.

7 Dans mon étude publiée chez L’Harmattan, tenant compte notamment du fait que les services produisent de la valeur-travail, je me suis attaché à définir les différentes formes que peut prendre cette valeur travail :

-PR-H 2018, p.136-137 : « Les diverses formes de la valeur-travail

Remarquons que, le long de la chaîne des étapes qui mènent de la production à l’usage, on trouve successivement :

-le bien matériel dont la valeur-travail préexiste à son usage ;-le service dont la valeur-travail est produite en même temps que son usage ;-la qualification, la connaissance dont la valeur-travail est produite par son usage dans un travail-qualifiant.S’agissant de la production de valeur-travail, il convient de tenir compte, à propos des produits du travail, de

l’existence objective : -d’une valeur-travail brute qui est celle de tout produit individuel d’un travail, même si ce produit

n’est pas destiné à être consommé par autrui. La valeur brute d’un travail est égale à sa durée d’exécution. Cette notion s’applique à un objet unique en son genre ;

-d’une valeur sociale qui est celle de tout produit considéré comme pouvant être fourni à autrui, sans pourtant être nécessairement échangé contre d’autres produits. La valeur sociale d’un produit est égale, dans l’ensemble spatio-temporel social considéré, à la quantité moyenne de travail nécessaire à la production d’un objet de même type. En tant que valeur moyenne, cette notion ne s’applique pas à un objet unique en son genre ;

-d’une valeur d’échange qui est celle de tout produit considéré comme pouvant être échangé contre d’autres produits. La valeur d’échange d’un produit est égale, dans l’ensemble spatio-temporel social considéré, à la quantité moyenne de travail nécessaire à la production et à l’échange d’un objet de même type. En tant que valeur moyenne, cette notion ne s’applique pas à un objet unique en son genre. Certains produits échangeables ne coûtent aucun travail, sinon celui nécessaire à leur échange contre d’autres produits (par exemple, la terre vierge de tout amendement.) ;

-d’une valeur marchande monétaire qui est celle de tout produit considéré comme pouvant être vendu, c’est-à-dire échangé contre de l’argent. La valeur marchande monétaire d’un produit est égale, dans l’ensemble spatio-temporel social considéré, à la quantité moyenne de travail nécessaire à la production et à l’échange contre de l’argent d’un objet de même type. En tant que valeur moyenne, cette notion ne s’applique pas à un objet unique en son genre. Certains produits échangeables ne coûtent aucun travail, sinon celui nécessaire à leur échange contre d’autres produits (par exemple, la terre vierge de tout amendement).

9 Ce constat a été effectué par Alain Bhir lorsqu’il a écrit :-AB-LdS et al, 22, lettre du 15 mai 2011, p.20 : « Pour trouver trace des raisons pour lesquelles Marx soutient

que le «pur» travail de circulation est du travail improductif, il vaut mieux se reporter au début du Livre II, où l'on lit ceci : « Lorsque donc les possesseurs de marchandises sont non pas des capitalistes, mais des producteurs directs et autonomes, le temps employé à l'achat et à la vente est à déduire de leur temps de travail, et c'est pourquoi, dans l'Antiquité comme au Moyen Age, ils se sont toujours efforcés de remettre ces opérations à des jours de fête. » (KM, II, IV, p. 116). Et c'est tout ! Convenons que, pour une fois, Marx n'est pas des plus explicites ».

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Ou encore, en mettant ici en avant le concept de « valeur d’usage », votre note signifie-t-elle que, selon vous, les personnels du secteur public ne produisent aucune valeur sociale, valeur d’échange, valeur marchande, valeur monétaire, et que, en conséquence, ils ne sauraient produire « de la survaleur » ? C’est exactement ce que prétend Marx à propos de tous les services, publics ou privés lorsque, par exemple, il écrit :

-KM, I, I, p.52-53 « La force de travail à l’état fluide, ou le travail humain, forme bien de la valeur, mais n’est pas la valeur. Il ne devient valeur qu’à l’état coagulé, sous la forme d’un objet. »

-PR2 : Mais si les personnels des services publics ne produisent aucune survaleur, cette non-productivité se change-t-elle brusquement en productivité le jour où ces services sont privatisés ?De quels arguments dispose-t-on pour, avec Marx, refuser aux travailleurs des services, publics comme privés la capacité à produire de la valeur, si par ailleurs, contre Marx cette fois, on attribue cette capacité aux travailleurs du commerce (étant entendu, encore une fois que la « valeur » dont il est ici question n’est pas une « valeur d’usage ») ?

-CM1 : « …p.19, dernier alinéa… : - PR2 : Il s’agit du texte suivant : -PR-H 2018 « Ici Marx se contredit. En effet, il passe implicitement de l’échange « d’objets » « produits du

travail » à l’échange direct de « travaux » Or, comme le remarquent J. Delaunay et J. Gadrey :

-D et G, p.64 : « …tout travail, considéré abstraitement est, d’une certaine façon, un service » »,

-CM1 : « …je ne vois absolument pas la prétendue contradiction, il me semble que vous rabattez l’un sur l’autre deux niveaux d’analyse, d’abstraction, différents.

-PR2 : Pourtant, il y a bien une contradiction dans le fait de ne considérer d’abord l’échange de marchandises que sous l’aspect exclusif d’un échange de « choses », d’« objets », de marchandises « matérielles » et soudain élargir l’acception du terme de « marchandise » à des « travaux », c’est-à-dire à des services, qui sont tout, sauf des marchandises matérielles.Et pour bien me faire comprendre lorsque j’affirme que Marx exclut le travail réalisé en tant que service de la catégorie de « marchandise », je reproduis tout d’abord une citation du Livre I du « Capital » à laquelle j’avais fait appel en haut de cette page 19 dont vous mettez en cause le dernier alinéa 10 :

-KM, I, I, p. 69-70 : « C’est seulement dans leur échange que les produits du travail acquièrent comme valeurs une existence sociale identique et uniforme, distincte de leur existence matérielle… »

-PR2 : Il me semble clair, qu’ici, Marx ne considère que les « produits du travail » doués d’une « existence matérielle »…et j’ajouterai en guise de preuve supplémentaire, une citation encore plus explicite, parce que Marx, sans ambigüité possible, y refuse au travail réalisé, au travail en tant que service, la possibilité d’être une « marchandise » :

-KM, I, XIX, p.381 : « Pour être vendu sur le marché à titre de marchandise, le travail devrait en tout cas exister auparavant. Mais si le travailleur pouvait lui donner une existence matérielle, séparée et indépendante de sa personne, il vendrait de la marchandise et non du travail… »

-CM1 : « …p. 20, dire que Marx « réduit l’acception du concept de marchandise à la marchandise objet matériel autonome » me paraît une énormité alors que son point de départ développe le double caractère des marchandises, qu’il affirme dans son étude du fétichisme « c’est une chose très complexe, pleine de subtilité métaphysique et d’arguties théologiques ».

-PR2 : Mais, justement, puisque l’étude de la catégorie de « marchandise » est si « complexe », pourquoi ne prenez-vous pas au sérieux ma critique de l’exclusion par Marx du travail réalisé, du travail en cours d’exécution hors du champ d’application de cette catégorie ?Une chose est la distinction-opposition « valeur d’usage » - « valeur d’échange », distinction que mon étude ne met nulle part en question, une autre est le refus par Marx de considérer le travail réalisé comme étant en lui-même une possible marchandise, alors qu’elle est une marchandise d’une importance cruciale puisque son achat à un prix inférieur à sa valeur constitue le fondement même de l’extorsion de la plus-value à l’origine de la formation du capital.

10 Non, il ne s’agit pas là d’exégèses byzantines ! Exclure les travailleurs des services de la production de valeur, c’est mutiler le prolétariat de l’une de ses composantes, une composante devenue depuis Marx, qui plus est, largement majoritaire. C’est sombrer dans cet « ouvriérisme » qui a fait tant de mal, notamment dans l’histoire des Etats socialistes du 20ème siècle.

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-CM1 : « …p. 25, l’exemple meunier/céréalier me semble particulièrement mal choisi puisqu’il y a là une évidente transformation matérielle du produit.

-PR2 : Il s’agit du texte suivant :

-PR-H 2018, p.25 : « C’est comme si Marx ayant décrété que le meunier ne produit pas de valeur, expliquait que le céréalier est en fait un producteur de farine qui vend sa marchandise en dessous de sa valeur en prélevant sur sa plus-value pour se décharger sur le meunier du coût de la meunerie, seule la production des céréales créant de la valeur et de la richesse sociale. »

-PR2 : Votre remarque, donc, me fait mieux voir l’origine de notre différent : dans le commerce, vous ne considérez que le travail « de transformation matérielle du produit », alors que ce qui est l’objet de ma critique est le travail de pure circulation de la valeur, le travail commercial accompli par exemple lors de la vente-achat d’un titre de propriété sur une voiture, travail dans lequel, à l’évidence, ce n’est pas la voiture matérielle qui se trouve déplacée, et subirait ainsi une « transformation matérielle ». Non, avec l’exemple « meunier/céréalier », j’ai cherché,

-d’une part, à rendre palpable le caractère arbitraire du décret de Marx excluant le travail accompli dans la pure circulation de la valeur hors de la catégorie des travaux produisant de la valeur d’échange.

-et d’autre part, à rendre compte de la capacité que possède le travail à produire, quand les conditions sont favorables, plus de valeur sociale qu’il n’en consomme lui-même (le salaire), comme la semence produit, quand les conditions sont favorables, plus de grain qu’elle n’en représente elle-même.

-CM1 : « …-parler de « travail de l’échange des marchandises » me semble peu heureux… -PR2 : Je vous remercie d’utiliser ici, pour exprimer votre opposition, une expression moins brutale que celle

d’« énormité » à laquelle vous avez eu recours plus haut contre l’une de mes thèses.

-CM1 : « …si l’on considère que le moment de la distribution des marchandises met en œuvre un travail d’élaboration finale des valeurs d’usage qui prolonge le procès de production (comme le transport) pour les rendre aptes à la vente, ce n’est donc pas l’échange qui crée de la valeur mais le travail final sur le produit afin de le rendre propre à la vente.

-PR2 : Mais, le travail de « la caissière » que vous citez pourtant parmi les travaux produisant « valeur et survaleur », ne relève pas, pour l’essentiel d’une « élaboration finale de marchandises » vues sous leur seul aspect de « valeurs d’usage (…) pour les rendre aptes à la vente » : pour l’essentiel, ce travail relève de la vente elle-même, c’est-à-dire concerne, avec les « valeurs d’usage », les valeurs marchandes. Tant il est vrai que, dans une société marchande, il n’y a pas d’usage possible sans le passage à la caisse ! C’est ce qui justifie bien cette critique que l’on doit adresser à Marx : dans une société marchande, le travail de production ne s’arrête pas avant l’échange, mais inclut le travail consacré à l’échange.Pouvez-vous donc nier que, en dehors du « travail d’élaboration finale des valeurs d’usage qui prolonge le procès de production (comme le transport) pour les rendre aptes à la vente », il existe un autre travail, le travail purement commercial qui, dans une société marchande, non seulement rend ces valeurs d’usage « propres à la vente » sans les « élaborations » supplémentaires, mais aussi, leur permet, suivant vos propres termes, d’accéder au-delà, « jusqu’à (…) à la sphère de la consommation ?11 Est-il possible, dans la société capitaliste pour le client d’un commerce quel qu’il soit d’accéder à la consommation sans payer ? Que ce paiement soit effectué par le passage devant un ou une caissière, ou devant une machine, il demande un certain travail social.De quels arguments disposons-nous dès lors pour exclure ce travail relevant purement de la circulation, non des marchandises matérielles mais de leur valeur, hors de la catégorie de travail producteur de valeur, et, éventuellement de plus-value ? (Cf., en note, la remarque de Alain Bhir référencée ci-dessus).

-CM1 : « …p. 45, du point de vue de Marx la plus-value d’origine industrielle appropriée par le capitaliste marchand correspond au profit de ce dernier et non pas à l’ensemble de son capital (moyens de production et force de travail).

11 Cf. in PR-H 2018, p.125 : « Marx lui-même écrit :-KM, II, VI, p.131 : « …Cependant la valeur d’usage des objets ne se réalise que lors de leur

consommation, et celle-ci peut rendre nécessaire leur déplacement, donc le procès additionnel qui est celui de l’industrie des transports. Le capital productif engagé dans cette industrie ajoute ainsi de la valeur aux produits transportés,… »

-PR2 : Ne peut-on écrire de même que, dans une société marchande, « la valeur d’usage des objets ne se réalise que lors de leur consommation, et celle-ci peut rendre nécessaire leur échange marchand… » ?

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-PR2 : En effet, selon Marx, le capital marchand est rémunéré par un prélèvement sur la plus-value d’origine industrielle. Mais ce n’est pas seulement, selon lui, le capital marchand qui est ainsi rémunéré, mais toutes les activités de service : or, cette thèse sans justification déjà du temps de Marx est devenue insoutenable aujourd’hui alors que les activités de service occupent la grande majorité des activités sociales à l’échelle mondiale.

-----------------------CM1 : « …2) Affirmer p. 47 et passim, « les services produisent de la valeur », sans plus, me semble plus que

léger, si les valeurs d’usage susceptibles d’un échange marchand ne se réduisent pas aux choses au sens trivial…-PR2 : C’est, à tort pourtant que Marx se livre à cette réduction chaque fois qu’il ne considère

« marchandises » que les marchandises « choses ».

-CM1 : « … (un architecte ou un créateur de logiciel produisent de la valeur), en revanche je doute que le secteur bancaire et financier ou pour l’essentiel les activités publicitaires (ex. caricatural celui de l’industrie pharmaceutique) soient créateurs de valeur nouvelle.

-PR2 : Mais de quels critères disposez-vous pour faire ainsi le tri entre les activités sociales qui relèveraient du travail « créateur de valeur nouvelle » et les activités sociales qui n’en relèveraient point…, et ce, indépendamment de la situation histrorique des rapports de production dans lesquels ces activités s’accomplissent ? Ne doit-on pas, plutôt donner raison à Alain Bhir lorsqu’il écrit :

-AB, p.118 : « …c’est un des points sur lesquels la plupart des marxistes lui auront été infidèles, en tendant à fonder cette différence (entre travaux productifs et improductifs de valeur et plus-value -PR) sur le contenu des travaux là où Marx, très logiquement, montre que seuls importent les rapports sociaux dans le cadre desquels ces travaux sont effectués. »

-PR2 : Pas plus que Marx n’a d’argument pour déclarer improductif en valeur le travail de circulation de la valeur, il n’a d’argument pour déclarer sans valeur le travail lui-même tant qu’il n’est pas fixé, «  coagulé » dans une marchandise « matérielle ».Il ne dispose donc pas valablement de cet argument pour refuser que le travail en tant que tel, et non la problématique « force de travail », soit l’objet de l’échange marchand capitaliste-salarié.

-------------------------CM1 : « …-3) Force de travail :

Concernant ce que vous appelez «l’invention par M. du concept de f. de t. » vos développements ne me font pas changer d’avis sur le caractère fondamental du concept. Avant d’y venir je me permets de rappeler que parler de valeur du travail et se réclamer de la théorie de la valeur-travail constitue un parfait cercle vicieux comme Marx l’avait signalé dès Misère de la philosophie.

-PR2 : Excusez-moi, mais je ne comprends pas le sens de cette remarque. Dans « Misère de la philosophie », texte écrit en 1847, c’est-à-dire, à ma connaissance bien avant l’élaboration du concept de « force de travail », Marx en est encore resté à l’égalité « prix du travail = valeur du salaire », or, lorsque je me réclame de la théorie de la valeur-travail, je rejette directement cette égalité.

-Premièrement, je conteste que le prix offert pour une marchandise finisse nécessairement, sous l’effet du rapport entre l’offre et la demande, par être ramené à sa valeur, c’est-à-dire à sa valeur-travail. En particulier, dans la société capitaliste, l’échange marchand capitaliste-salarié (Ca-Sa) ne s’effectue généralement pas entre échangistes égaux devant l’échange. Le prix payé pour un travail salarié (le salaire) tend dès lors généralement (mais pas toujours), sous l’effet d’un rapport de force économico-politique relevant d’un déterminisme en permanence multifactoriel défavorable au salarié, à s’établir à un niveau inférieur à la valeur de ce travail.

-Deuxièmement, je conteste que la valeur du salaire soit celle de la problématique « force de travail » définie notamment par Marx comme la valeur des seules « subsistances » dont le salarié a besoin pour vivre avec sa famille, donc, en excluant le travail fourni par le travailleur lui-même pour produire sa propre force de travail…, une exclusion qui contredit la théorie même de la valeur-travail, puisque cette théorie inclut dans la valeur d’un produit du travail, tous les travaux exécutés pour le produire.

-CM1 : « Par commodité je partirai de la présentation synthétique de vos propositions dans le mail plutôt que dans l’ouvrage.--- Que Marx parle de prix du travail (reprenant une notion des économistes) avant d’avoir établi définitivement le concept de force de travail dans le fragment de la Version primitive (fin 1858) c’est une évidence, donc évoquer les textes antérieurs n’a aucune pertinence.

PR2 : Je pense, au contraire, qu’il est important de montrer, comment et en quoi, tout au long et jusqu’à la fin de ses travaux théoriques, Marx s’est contredit, a hésité entre la théorie de la « valeur du travail » et celle de la « valeur de la force de travail ». J’ai donné, de cette hésitation de très nombreux exemple dans mon étude publiée chez L’Harmattan.

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-CM1 : « Qu’ultérieurement il utilise encore l’expression c’est, comme il le précise lui-même à plusieurs reprises (signalées par vous), une facilité de plume (qui plus est, particulièrement dans les livres II et III qui n’ont pas fait l’objet d’une rédaction en vue de la publication).

-PR2 : Que ce soit une « facilité de plume », admettons-le. Mais alors, cette « facilité » n’est-elle pas révélatrice du peu de distance qu’il y a dans la pensée de Marx entre « l’achat de la marchandise force de travail , payée à sa valeur («   travail payé   »), elle-même valeur inférieure (travail non payé) à la valeur du travail fourni  », et « l’achat à un prix inférieur à sa valeur de la marchandise travail  » ?D’ailleurs, on ne voit pas quelle différence notable de « facilité » d’écriture se serait trouvée entre l’expression « prix du travail » et « prix de la force de travail », ou « valeur de la force de travail » et « valeur du salaire », surtout si l’on considère que l’on a affaire là à l’une des thèses centrales avancée par Marx pour rendre compte de la logique du capital !

-CM1 : «  Qu’il en soit bien ainsi, en témoignent à mon sens les Notes sur Wagner où il s’agit pour Marx de préciser rigoureusement les choses, il parle alors de force de travail.

-PR2 : En effet, dans de nombreux passages du Capital, Marx en vient avec la théorie de la « force de travail » à contredire certains de ses textes rédigés antérieurement. L’ennui est qu’il en vient aussi explicitement à se contredire dans le « Capital » lui-même. Par exemple :

- KM, II, XI, p. 193 : « La substance réelle du capital déboursé en salaire, c’est le travail lui-même, la force de travail en action, créatrice de valeur » ?

-PR2 : Pouvons-nous affirmer, à propos de cette citation, que Marx en l’écrivant s’est seulement laissé aller à une « facilité d’écriture » ? Ce que dit cette citation n’est-il pas partie intégrante, non dissociable de la contradictoire et problématique théorie de la « force de travail ». Marx, par exemple, n’insiste-t-il pas sur le fait que le salarié, lorsqu’il a vendu sa marchandise « force de travail » n’en est pas quitte pour autant puisqu’il doit encore en assurer l’usage. Le marchand d’une bouteille d’huile n’est pas obligé d’assurer la fabrication de la sauce de salade chez son client.Quoi qu’il en soit, et indépendamment de ce que Marx a pu écrire, ou ne pas écrire, par «  facilité de plume » ou sous l’effet d’une hésitation, l’essentiel est que le capitaliste pas plus que le salarié ne peut séparer la « force de travail » de son « usage » : le capitaliste n’achète donc pas la « force de travail », mais son usage, la « force de travail en action », autrement dit, « le travail lui-même ». Lorsque Marx l’écrit explicitement, ce ne peut pas être une simple facilité de plume, car il est impossible de dissocier la force de travail de son usage ! Pouvez-vous affirmer le contraire ?

-CM1 : « # concernant, par ex., K, I, p.380, le corps de l’ensemble de la citation (que vous ne donnez pas) est dépourvu de toute équivoque ; à parler rigoureusement au lieu de travail payé/travail non payé il devrait être question de : valeur- du produit- correspondant au travail nécessaire/ valeur - du produit -correspondant au surtravail, ce qui vous en conviendrez est un peu lourd…

-PR2 : Mais si, ainsi que Marx l’explique lui-même : « La substance réelle du capital déboursé en salaire, c’est le travail lui-même », pourquoi aurait-il dû écrire autre chose que « travail payé/travail non payé » ? Ou encore : « valeur du salaire/plus-value » ? Ce qui, vous en conviendrez, n’est pas si lourd. Non, ce n’est pas par « facilité de plume » que Marx a utilisé des expressions telles que « travail payé » ou « prix du travail », c’est sous l’effet d’une hésitation permanente à choisir entre « le capitaliste achète le travail à un prix inférieur à sa valeur » et « le capitaliste achète la force de travail à un prix égal à sa valeur ». Une hésitation permanente à considérer le rapport Ca-Sa comme relevant d’un déterminisme en permanence multifactoriel, ou à le considérer comme relevant en dernière instance d’un déterminisme purement économique (l’équilibre entre l’offre et la demande en position d’infrastructure).N’est-ce pas, par exemple, cette insistance unilatérale sur les déterminismes économiques (les autres facteurs déterminants étant relégués en position de « superstructure ») qui a conduit Marx, dans le « Capital » à passer complètement sous silence les guerres parmi les processus contrecarrant la « baisse tendancielle du taux de profit » ?

-CM1 : « …# « le capitaliste peut acheter le travail du salarié pour un prix inférieur à sa valeur  » : quelle valeur ?, dans votre approche le salaire ne saurait correspondre à une quelconque valeur économiquement fondée, le salaire n’est qu’un prix déterminé par un rapport de force…,

-PR2 : Au contraire, à mon avis, cher Claude Morilhat, rien n’interdit que des facteurs économiques puissent intervenir indissolublement liés à d’autres facteurs, politiques, idéologiques, voire militaires, etc., dans la détermination du rapport de force en question.A mon sens, et je n’en vois pas d’autre, le salaire versé pour l’achat d’un travail, même s’il résulte d’un déterminisme multifactoriel au sein duquel se manifestent les facteurs économiques, possède bien une valeur, de même que la somme versée pour l’achat de n’importe quelle autre marchandise.

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Ainsi, je ne confonds la valeur versée en échange d’un travail (la valeur du salaire) et la valeur de ce travail. Peut-on nier que, dans la réalité, la valeur du salaire peut se révéler supérieure, égale ou inférieure à la valeur de la marchandise travail qu’elle rémunère ; autrement dit que le salarié peut recevoir moins, autant ou plus que la valeur qu’il a fournie ?Peut-on nier que, dans la réalité, et suivant le rapport de force établi mais sans cesse remis en question entre les capitalistes et les salariés, les employeurs comme les employés peuvent bénéficier d’une plus-value ou d’une moins-value ?L’insistance des marxistes appartenant aux couches moyennes salariées à écrire l’équation :

« valeur du salaire = valeur de la force de travail »……n’est pas indépendante de leurs intérêts de classe.J’ai moi-même enseigné dans les « écoles élémentaires » du Parti Communiste Français que le salaire étant égal à la valeur du travail fourni, le salarié, quel que soit le niveau de ses revenus ( !) les doit à la valeur de sa « force de travail ».Marx a postulé sans preuve que la loi de l’offre et de la demande dans le cadre de la concurrence capitaliste, conduira nécessairement à la prolétarisation de l’immense majorité de la population, c’est-à-dire, à la réduction des membres de cette majorité à l’état de salariés ne disposant que du strict nécessaire pour survivre dans leur condition de salarié (aucun surplus !).Mais, au lieu de vérifier si, dans la réalité cette prolétarisation générale a bien lieu, la plus part des théoriciens « marxistes » ou « marxiens », reflétant les intérêts des couches moyennes salariées, ont renversé la proposition de Marx : ils ont déclaré que, quels que soient le niveau de leurs revenus, les salariés ne disposent d’aucun surplus par rapport au strict nécessaire pour vivre dans leur condition de salariés.Ainsi, pour eux, la hiérarchie des salaires doit-elle correspondre à une hiérarchie des « mérites », ces mérites étant d’autant plus élevés que, par exemple, en relation avec la longueur des études, la force de travail aurait possédé une valeur plus élevée.En même temps, cette valeur étant décrétée, après Marx, égale à celle des « subsistances » dont le travailleur a besoin pour assurer le renouvellement personnel et intergénérationnel de sa « force de travail », la hiérarchie des mérites devait être associée à une hiérarchie des besoins. C’est ainsi que, par exemple, un salaire égal à trois, cinq ou dix fois le salaire minimum vital correspondrait à des besoins trois, cinq ou dix fois plus élevés que ceux des travailleurs du bas de l’échelle. Toute possibilité se trouverait ainsi exclue que certains salariés disposent d’un surplus par rapport à ce qui serait pour eux le strict nécessaire pour subsister avec leur famille dans leur condition spécifique de salarié.Autrement dit, la théorie qui attribue au salaire, quel qu’il soit, la valeur de la « force de travail » du salarié, s’est retournée en excluant la possibilité à terme de toute formation de couches moyennes salariées : tous les salariés ne disposeraient que du strict nécessaire pour vivre dans leur condition de salarié !Ainsi, permettait-on aux salariés appartenant à ces couches de se présenter comme faisant partie intégrante du prolétariat, lui-même défini pourtant comme il se doit, par des revenus strictement égaux au strict nécessaire pour vivre.Il n’est pas besoin de démontrer, suite à ces considérations, que les couches moyennes salariées disposant d’un revenu plus que suffisant pour vivre ne peuvent que fournir une base aux idées et comportements de collaboration de classe. C’est à ces couches que faisaient référence Engels et Lénine après Marx lorsqu’ils écrivaient, à propos de l’exploitation coloniale, c’est-à-dire l’un des mécanismes qui permet la formation de ces couches :

-Friedrich Engels (KM-FE Col, p.357-358) : « Vous me demandez ce que les ouvriers anglais pensent de la politique coloniale. Ma foi, la même chose que ce que pensent les bourgeois. (…) Il n’y a pas ici de parti ouvrier, il n’y a que le parti conservateur, et les ouvriers profitent avec eux tranquillement du monopole colonial de l’Angleterre et de son monopole sur le marché mondial. »

-Lénine (V.I.L. I p. 863 : « …dans une lettre datée de 1858 Engels écrivait : « En réalité, le prolétariat anglais s’embourgeoise de plus en plus, et il semble bien que cette nation, bourgeoise entre toutes, veuille en arriver à avoir, à côté de sa bourgeoisie, une aristocratie bourgeoise et un prolétariat bourgeois. » »

PR2 : C’est aussi ce que Michel Clouscard faisait remarquer plus généralement :

-Michel Clouscard (MClo, p.151-152) : « C’est que ces nouvelles couches moyennes sont très embarrassantes pour les doctrinaires marxistes. Elles vont à l’encontre du Vieux schéma qui prévoit la radicalisation des extrêmes : concentration de la grande bourgeoisie et paupérisation (absolue ou relative ?) de la classe ouvrière.Or, dans les pays dits « post-industrialisés », c’est le contraire.Le capitalisme monopoliste d’État a procédé à cette géniale « invention » : les nouvelles couches moyennes. ».

-PR2 : Mais, non seulement, en égalant dans « Le Capital » la valeur du salaire à celle de la « force de travail » Marx donne prise aux tentatives d’incorporation des couches moyennes salariées au prolétariat, mais, de plus, il laisse entendre que le taux d’exploitation de ces couches est le même quelque soit la valeur de leur

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« force de travail », autrement dit la valeur des « subsistances » dont le salarié peut disposer ! En effet, sans aucune vérification de la validité de son affirmation, il laisse entendre que le travail « complexe » (le travail qualifié) produit systématiquement plus de valeur en un temps donné que le travail simple.

-KM, I, VII, p. 149 : « En examinant la production de la plus-value, nous avons supposé que le travail approprié par le capital est du travail simple moyen. La supposition contraire n’y changerait rien. Admettons, par exemple, que, comparé au travail du fileur, celui du bijoutier est du travail à une puissance supérieure, que l’un est du travail simple et l’autre du travail complexe où se manifeste une force plus difficile à former et qui rend dans le même temps plus de valeur. Mais, quel que soit le degré de différence entre ces deux travaux, la portion de travail où le bijoutier produit de la plus-value pour son maître ne diffère en rien qualitativement de la portion de travail où il ne fait que remplacer la valeur de son propre salaire. (…) …quand il s’agit de production de valeur, le travail supérieur doit être réduit à la moyenne du travail social, une journée de travail complexe, par exemple, à deux journées de travail simple. »Jacques Chaillou (JCh, p.47) cite Marx :

-KM, III, VIII, p.149 : « Si le travail d’un orfèvre, par exemple, est payé plus cher que le travail d’un journalier, il est certain que le surtravail de l’orfèvre représente aussi, dans le même rapport, une plus grande plus-value que celui du journalier ».12

-CM : « dans votre approche (…) avec la valeur de la force de travail disparaît la survaleur…-PR : Mais comment pouvez-vous affirmer une chose pareille ? Dans l’échange Ca-Sa, la survaleur ne

disparaît avec la valeur de la « force de travail » que si l’on postule arbitrairement, ainsi que le font Marx et sa postérité, que l’échange en question s’effectue entre équivalents, autrement dit, que la valeur payée pour le travail fourni (le salaire) n’est pas inférieure à la valeur de ce travail. Autrement dit encore, la théorie de la « force de travail » ne s’impose pour comprendre la genèse du capital, que si l’on suppose avec Marx et contre toute vérité, que l’échange Ca-Sa s’effectue entre échangistes égaux devant l’échange, un postulat que, contre tout principe scientifique, la postérité de Marx se refuse à mettre en question !

-CM : « …(ce qu’admet – la disparition de la survaleur – PR – T. Hai Hac que je cite p.115),13 ainsi l’échange entre capital et travail ne se distingue plus de la circulation simple ; la situation économico-politique peut être plus ou moins favorable au capitaliste ou à l’ouvrier, c’est tout, la pensée économique dominante ne dit rien d’autre…

-PR : Au contraire, si le capitaliste achète le travail pour un salaire de valeur inférieure à celle de ce travail (échange entre non-équivalents), je ne vois pas qu’il y ait là matière à faire disparaître la survaleur.

- CM : « # les deux pages du K. qui suivent votre citation K, I, p. 382, développent le point de vue inverse au vôtre puisque la notion de « valeur du travail » est incompatible avec la théorie de la valeur-travail comme ne manque pas de le rappeler alors Marx.

-PR : Ainsi, terminez-vous votre critique de mon étude, notamment mon affirmation de ce que j’appelle « la non pertinence de la théorie de la force de travail », par un renvoi à une lecture, ou relecture de deux pages 14

significatives du Chapitre XIX du Livre I du « Capital », chapitre intitulé « La transformation de la valeur ou du prix de la force de travail ».Or, avant de me reporter à la première de ces deux pages, j’ai pensé utile de repartir dans ma relecture du tout début du chapitre XIX en question (p.381). Et, aussitôt, j’ai rencontré les extraits mêmes de ce texte dont je croyais avoir réfuté les contenus de façon convaincante dans ma précédente lettre !Me suis-je si mal expliqué pour qu’aucun de mes arguments ne soit par vous pris en compte pour ce qu’ils sont ?C’est à désespérer : dans le procès que j’ai intenté à la théorie de la « force de travail » de Karl Marx, pourquoi ne prenez-vous en compte aucun des attendus de la plaidoirie de l’accusation ? Pourquoi vous contentez-vous d’un simple renvoi à ceux de la défense comme si la parole de Marx était parole d’évangile ?Je vais cependant, en faisant appel à votre volonté de rigueur scientifique, tenter à nouveau désespérément de me faire entendre en reprenant à nouveau, et tant pis s’il y a des redites, l’exposé présenté par Marx de sa théorie de la valeur dans la première page de ce chapitre XIX du Livre I du Capital :

-KM : « Mais qu’est-ce que la valeur ? La forme objective du travail social dépensé dans la production d’une marchandise.

-PR : Pourquoi « objective » ? S’agit-il parmi tous les produits du travail social, de ne considérer comme méritant l’appellation de « marchandise » que les « marchandises matérielles » ?

-KM : « Et comment mesurer la grandeur de valeur d’une marchandise ? Par la quantité de travail qu’elle contient. Comment dès lors déterminer, par exemple, la valeur d’une journée de travail de douze heures ? Par

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les douze heures de travail contenues dans la journée de travail de douze heures, ce qui est une tautologie absurde.

-PR : Comment déterminer, par exemple, la longueur d’un couloir de douze mètres ? Par les douze mètres étalons contenus dans la longueur de douze mètres. Est-ce là une tautologie absurde ? Lorsque Marx choisit comme étalon de la valeur une durée de travail social, ne s’agit-il là que d’une absurde tautologie ! Ce choix ne correspond-il pas à l’affirmation que la valeur n’est rien d’autre que du temps de travail social, ce que Marx précisera à la page suivante du chapitre en question (p.382) :

-KM : « …la valeur dont la grandeur reste (…) toujours déterminée par le quantum de travail actuel et socialement nécessaire qu’exige la production d’une marchandise. »

-PR : Cependant, Marx poursuit ainsi son exposé de la page 381 (excusez la redite) :

-KM, I, XIX, p.381 : « Pour être vendu sur le marché à titre de marchandise, le travail devrait en tout cas exister auparavant. Mais si le travailleur pouvait lui donner une existence matérielle, séparée et indépendante de sa personne, il vendrait de la marchandise et non du travail… »

-PR : Comment Marx aurait-il pu mieux dire que, selon lui, une marchandise ne peut être que « matérielle », et que le travail ne peut pas être une marchandise ?Mais Marx a-t-il un seul argument à présenter pour soutenir une pareille affirmation ? Et cette affirmation n’est-elle pas contredite par l’examen des faits, si l’on considère qu’un service n’est rien d’autre qu’un travail social réalisé ? Dès lors, si les marchandises ne peuvent prendre qu’une forme matérielle, les services qui, eux, ne peuvent pas prendre une pareille forme, peuvent-ils être rémunérés autrement que par un prélèvement sur la valeur créée dans la production matérielle ? Mais alors, ainsi que je l’ai démontré, un pareil prélèvement ne s’est-il pas révélé mathématiquement impossible le jour où les activités de services sont devenues largement majoritaires en quantité de travail fourni à l’échelle mondiale ?Je vous en prie, expliquez-moi sur le plan purement scientifique comment on pourrait répondre autrement que je le fais à ces questions.Cependant, Marx poursuit ainsi son exposé de la page 381 (excusez la redite) :

-KM : « …un échange direct d’argent, c’est-à-dire de travail réalisé, contre du travail vivant, ou bien supprimerait la loi de la valeur qui se développe précisément sur la base de la production capitaliste, ou bien supprimerait la production capitaliste elle-même qui est fondée précisément sur le travail salarié.

-PR : …et, pour étayer cette assertion, Marx développe l’exemple suivant :

-KM, I, XIX, p.381 : « La journée de travail de douze heures se réalise, par exemple, dans une valeur monétaire de six francs. Si l’échange se fait entre équivalents… »…

-PR : …et aussitôt, je me pose cette question : « Marx va-t-il, un peu plus loin dans son exposé, ainsi qu’il le devrait en toute rigueur scientifique, faire l’hypothèse contraire d’un échange entre non-équivalents pour mettre en évidence ce qu’en seraient les conséquences ? »Hélas ! Nulle part, dans la suite de son texte Marx ne se place dans l’hypothèse où « l’échange s’effectuerait entre non-équivalents » ! Or, la plus fondamentale des critiques que l’on peut adresser à la théorie de la « force de travail » découle de sa confrontation avec cette deuxième hypothèse. Ainsi, Karl Marx poursuit-il une démonstration dont tout indique qu’elle est fondée sur une prémisse fausse, les échanges marchands et en particulier l’échange entre capitaliste et salarié reposant en permanence sur un rapport de force inégal de déterminisme multifactoriel, et la plus part du temps, mais pas toujours, favorable au capitaliste 15 :

-KM : « Si l’échange se fait entre équivalent s , l’ouvrier obtiendra donc six francs de son produit. Dans ce cas, il ne produirait pas un brin de plus-value pour l’acheteur de son travail. »

-PR : En effet, si l’échange Ca-Sa s’effectue entre équivalents, autrement dit, si la valeur sociale payée en salaire est égale à la valeur sociale du travail fourni, alors la formation du capital ne peut pas s’expliquer.Mais la question que Marx ne se pose pas, pas plus que sa postérité (pourquoi ?) est : « Que se passe-t-il si l’échange Ca-Sa s’effectue entre non équivalents ? »Cette lacune dans le raisonnement de Marx n’est évidemment pas sans conséquences fondamentales.Par exemple, si l’échange Ca-Sa s’effectue entre équivalents et si l’on veut, ainsi qu’on le doit, expliquer la formation du capital, il faut admettre que ce que le salarié vend n’est pas son travail, mais précisément cette marchandise particulière capable de fournir par sa mise en action, par sa mise en œuvre, par son usage, autrement dit par le travail plus de valeur sociale qu’elle n’en représente elle-même, une marchandise que Marx a appelée « la force de travail ».

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Mais comment ne pas remarquer que le salarié qui, selon Marx et sa postérité a vendu sa « force de travail » n’en est pas quitte pour autant, car c’est encore à lui d’en assurer « l’usage ». Autrement dit, ainsi que Marx l’a lui-même contradictoirement constaté (excusez la répétition) :

- KM, II, XI, p. 193 : « La substance réelle du capital déboursé en salaire, c’est le travail lui-même, la force de travail en action, créatrice de valeur » ?

-PR : Je ne reprendrai pas ici les nombreux éléments de ma démonstration de la non-pertinence de la théorie de la « force de travail » développée par Marx et adoptée par sa postérité. Je souhaite seulement que, surmontant leurs habitudes de pensée, mes lecteurs, en bons scientifiques, tentent de les réfuter pour ce qu’ils sont, et non, uniquement pour ce qu’en première analyse ils leurs paraissent être.

En vous remerciant encore une fois de l’attention que vous avez bien voulu porter à mes recherches, et en espérant que vous accepterez de mener plus avant la confrontation de nos points de vue,13 En effet, le texte de Hai Hac que vous citez est un bel exemple de l’utilisation antiscientifique qui peut être faite de la faille que représente la théorie de la « force de travail » dans l’œuvre de Marx :

-CM1, p.114 : « …d’après Hai Hac, comme la terre, par exemple, la force de travail fait partie des choses qui peuvent avoir un prix sans avoir de valeur, il faut donc considérer qu’elle « n’est pas une marchandise dans la mesure où elle n’a que la forme marchandise »…

-PR2 : Mais, ce que Hai Hac ne dit pas, c’est que si un hectare à la surface de la terre n’a aucune valeur en soi, c’est seulement dans la mesure où il n’a demandé aucun travail pour devenir marchandise. Ce qui, dans la théorie de Marx, n’est assurément pas le cas de la « force de travail » !

Cependant, ainsi que vous le notez :

-CM1, p.115 : « C’est Marx lui-même qui évoque dans les Manuscrits de 1861-1863 « cette marchandise spécifiquement différente de toutes les autres marchandises ».

-PR2 : Et, en effet, il n’est pas possible d’ignorer les difficultés théoriques, voire les impossibilités que recèle le calcul de la valeur de la « force de travail » :

-non prise en compte des travaux effectués par le salarié lui-même pour la production de cette marchandise (études, travail à caractère qualifiant) : le salarié vend une marchandise qu’il n’a pas lui-même produite ;

-définition arbitraire, dans la vie des enfants, du moment à partir duquel le travail de production des « subsistances » nécessaires à leur développement peut cesser d’être pris en compte ;

-les travaux effectués dans les services non directement affectés à la production matérielle étant décrétés improductif de valeur-travail, ceux d’entre eux qui participent à la formation et l’entretien de la «  force de travail » ne sont pas pris en compte dans la mesure de sa valeur, seuls comptant les travaux affectés à la production des « subsistances » nécessaires à l’entretien des salariés avec leur famille ;

-caractère multifactoriel et non « à la base » du déterminisme de la valeur de la « force de travail », avec notamment l’intervention permanente des rapports de force économico-politiques individuels et collectifs établis et sans cesse remis en question entre capitalistes et salariés.

-CM1, p.115 : « …d’après Hai Hac (…) le prix de la force de travail ne se fonde pas sur une valeur prétendue mais dépend fondamentalement d’un rapport de classe. Entre les limites à la baisse et à la hausse du niveau des salaires au-delà desquelles d’un côté le travail et de l’autre le capital ne peuvent se reproduire, «  la lutte des classes décide de la partition de la valeur ajoutée ». Les luttes des travailleurs pouvant enfin conduire à ce que « la norme salariale, tout comme la journée normale de travail, dépende de déterminants institutionnels et étatiques », i.e. de l’intervention du pouvoir politique à travers la loi. Cette conception exclusivement politique s’oppose aux dizaines d’occurrences où Marx la définit en tant que marchandise…

-PR2 : Mais, que la valeur de la force de travail dépende « fondamentalement d’un rapport de classe », ne signifie pas que ce rapport soit «   exclusivement   » politique .

Au contraire, il s’agit d’un rapport à déterminisme en permanence multifactoriel dont les déterminants économiques, politiques, idéologiques, voire militaires,…se manifestent en permanence et se conditionnent réciproquement. A Hai Hac qui privilégie exclusivement les rapports politiques, s’oppose Marx qui privilégie non pas exclusivement mais unilatéralement les rapports économiques considérés comme relevant d’une infrastructure déterminante en dernière instance des autres rapports renvoyés en position de superstructure.

Or, au remplacement critique par Hai Hac de l’unilatéralisme économiciste de la théorie de Marx par l’unilatéralisme opposé d’une conception « exclusivement politique », Claude Mordilhat répond ainsi :

-CM1 : « Ceci étant, l’œuvre de Marx n’ayant rien à voir avec des textes sacrés mais relevant d’une visée scientifique, elle ne peut qu’être soumise à rectifications. Encore faut-il, si l’on maintient sa pertinence globale quant à la compréhension du mode de production capitaliste que les corrections ou développement envisagés ne ruinent pas

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Pierre Roubaud

tout simplement la cohérence de ses analyses essentielles…-PR2 : Mais est-il compatible avec une méthode « scientifique » de refuser une critique de la théorie de la

« force de travail », au seul prétexte que cette critique mettrait en cause « la cohérence des analyses essentielles » de « l’œuvre de Marx » ? N’est-ce pas là fixer a priori des limites arbitraires aux « rectifications » dont on vient d’écrire qu’elles sont légitimes du moment qu’il s’agit de « textes (…) relevant d’une visée scientifique » ?

Aurait-il été nécessaire de rejeter la théorie de la Relativité au prétexte de « maintenir la pertinence globale » de la physique newtonienne quant à la « compréhension » des phénomènes physiques de la Nature ? Cependant, il est vrai que, la Relativité ne « ruine » pas, mais au contraire précise « les analyses essentielles » de la physique newtonienne ». Par contre, vous écrivez qu’ aboutir à une telle « ruine » « semble bien être le cas » s’il s’agit des conséquences d’un abandon de la théorie de la « force de travail » quant à la « pertinence globale » des analyses de Marx ; En effet, selon vous… :

-CM1 : « …le concept de la marchandise force de travail et celui de survaleur sont indissociables. »-PR2 : Mais peut-on affirmer sans discussion qu’il en est bien ainsi ?

-CM1 : « …d’après Hai Hac (…) à partir du moment où la force de travail n’est plus marchandise, le concept de survaleur, définie comme valeur différentielle perd sa pertinence. Le concept de force de travail lui-même n’est plus nécessaire pour rendre compte du salariat. Devenu à son tour non significatif, le concept d’exploitation s’efface devant celui de rapport salarial, défini comme rapport de soumission de nature monétaire et, plus généralement étatique ».

-PR2 : Or, il est facile de montrer, au contraire, que le raisonnement de Hai Hac relève d’une supercherie car il revient à affirmer que si « la force de travail n’est plus marchandise », « le concept de survaleur, définie comme valeur différentielle perd sa pertinence ».

En effet, ainsi que je l’ai montré plus haut, contrairement à la théorie de Marx reprise par sa postérité, la survaleur (la plus-value) qui nourrit le capital ne se forme pas, dans un échange entre équivalents, comme valeur différentielle entre la « valeur fournie par l’usage d’une «   force de travail  » vendue par le salarié et « valeur de cette force de travail » assimilée à son salaire.

Au contraire, c’est dans un échange inégal que cette « survaleur » se forme comme « valeur différentielle » entre la valeur du travail fourni par le salarié et la valeur de son salaire.

Ainsi, loin de faire disparaître la « pertinence » du concept de survaleur, et, partant de celui d’exploitation, l’abandon de la théorie de la « force de travail » nous amène à donner une force accrue au « concept d’exploitation », dans la mesure où le rapport Ca-Sa cesse d’être d’apparaître comme un rapport économique entre échangistes égaux devant l’échange, mais apparaît comme, entre eux, un rapport de force inégal de déterminisme multifactoriel.

Ainsi, pas plus qu’avec Hai Hac le rapport d’exploitation ne disparaît avec l’abandon de la théorie de la «   force de travail   », pas plus qu’avec Claude Morilhat il doit être lié indissolublement au maintien de cette théorie.

14 Il s’agit des pages 383 et 384 dans l’Edition qui me sert de référence et que vous avez pris soin d’adopter, ce dont je vous remercie.

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Or, ainsi que l’indique J. Chaillou, par sa référence aux salaires comparés de « l’orfèvre » et du « journalier » Marx pose implicitement l’axiome suivant :

-JCh, p.27 : « …le taux moyen de valeur en plus est le même pour toutes les forces de travail, quelque soit leur temps de qualification »…

-PR2 : Le temps consacré à se qualifier déterminant selon J. Chaillou, le surplus de valeur de la force de travail du salarié qualifié (l’orfèvre) par rapport à celle du travailleur simple (le journalier), comment dire mieux que, selon Marx, le taux d’exploitation est le même quelque soit la valeur du salaire reçu, par exemple, dire qu’un ingénieur bénéficiant d’un salaire égal à 10 fois celui d’un ouvrier spécialisé est exploité tout autant que ce dernier !

Comment aussi mieux passer sous silence la participation des salariés des pays impérialistes à l’exploitation des travailleurs des pays dominés même s’ils ne veulent pas le reconnaître et si c’est à leur corps défendant  ? Comment mieux passer sous silence la formation des couches moyennes salariées, tant il est vrai qu’avec un salaire égal à 5, 10 ou 50 fois le minimum vital, un salarié peut sans trop de difficultés, et contrairement au prolétaire, considérer, (en paraphrasant le Manifeste de 1848 - KM-FE Manifeste, p.40) que « la bourgeoisie peut continuer à régner, parce qu’elle est capable d’assurer l’existence de son esclave dans le cadre de son esclavage » ?

Or, pour Marx la valeur W du travail fourni par le salarié est donnée par la relation :W = Ft + Pv

Relation que l’on peut écrire :W=[Ft/Ft + Taux] Ft, soit

W = [1 +Taux] Ft Autrement dit, Marx postulant que le taux d’exploitation ne dépend pas de la position dans la hiérarchie des

salaires (Taux = Constante), postule implicitement que la valeur W fournie par le salarié en un temps donné est proportionnelle à la valeur Ft de sa force de travail. Donc, puisque, selon lui, la valeur du salaire est celle de la « force de travail », Marx postule que la productivité du travail est proportionnelle à la valeur du salaire.

Or, rien n’impose qu’il en soit nécessairement ainsi.En effet, la productivité du travail dépend, par exemple, de l’efficacité des moyens de travail mis à la

disposition du salarié tout autant que de sa qualification : un salarié peu qualifié peut alors se montrer beaucoup plus productif qu’un salarié très qualifié ne bénéficiant pas des ces moyens de travail performants, ou ne bénéficiant pas d’une qualification adaptée à leur utilisation.

Quoi de plus satisfaisant pour un théoricien « marxiste » ou « marxien » membre des couches moyennes salariées (et j’en suis un) que de pouvoir se réclamer de Marx en niant ses erreurs ou masquant ses contradictions (ce que j’ai fait pendant de nombreuses années) pour se ranger soi-même parmi les exploités au même degré que l’ouvrier de la chaine de montage au Maroc d’une Dacia telle celle que je viens d’acheter si bon marché ou que l’employée d’un centre d’appel installé dans un pays dominé…, et nier du même mouvement toute participation à leur exploitation !

15 Peut-on admettre, par exemple que les échanges marchands s’effectuent, au-delà des fluctuations contingentes, entre équivalents, alors que, par exemple, selon P. Combemale et M. Gueuder (PC-MG, p.265) : « …entre les deux tiers et les trois quarts du revenu perçu sont déterminés par le pays dans lequel l’individu passe sa vie. » ?

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