chronique_d´une_mort_annoncee_garcia_marquez_gabriel

8/12/2019 Chronique_dune_mort_annoncee_Garcia_Marquez_Gabriel

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GABRIEL GARCIA MARQUEZ

C h r o n im o r t a

ROMAN


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TRADUIT DE LESPAGNOL

PAR CLAUDE COUFFON

GRASSET


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dition originale de cet ouvrage a t publie en 1981,arcelone, par Editorial Bruguera, sous le titre :

Crnica de una muerte anunciada


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1981, Gabriel Garcia Marquez.

1981, ditions Grasset et Fasquelle, pour la traductionfranaise.


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L

Le jour o il allait tre abattu

e jour o il allait tre abattu, Santiago Nasar stalev cinq heures et demie du matin pour attendre

bateau sur lequel lvque arrivait. Il avait rv qutraversait un bois de figuiers gants sur lequtombait une pluie fine, il fut heureux un instant dan

e rve et, son rveil, il se sentit couvert de chiuroiseaux. Il rvait toujours darbres , me dit Plcidinero, sa mre, vingt-sept ans aprs en voquant l

menus dtails de ce lundi funeste. Une semaine avant,vait rv se trouver seul dans un avion de papier dtaui volait travers des amandiers sans jamais se cogneux branches , ajouta-t-elle. Plcida Linero jouissaune rputation bien mrite dinterprte infaillible d

ves dautrui, condition quon les lui racontt jeunourtant, elle navait dcel aucun mauvais augure danes deux rves de son fils, ni dans ceux quil lui avaaconts chaque matin, les jours qui avaient prcd s

mort, et dans lesquels des arbres apparaissaient.

Santiago Nasar non plus navait pas discern rsage. Il avait dormi peu et mal, sans se dshabiller, stait rveill, la tte lourde, avec un arrire-go

trier de cuivre dans le palais. Il expliqua cela par lavages naturels de la noce effrne quil avait faite eille, jusquau petit matin. Les gens quil rencontra

our-l, lorsquil sortit de sa maison six heures cin


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vant quil ne ft ventr comme un cochon une heulus tard, le trouvrent lgrement somnolent mais donne humeur ; il dit chacun, sans y attachimportance, que ctait une trs belle journe. Nul nouvait affirmer sil faisait alors allusion ltat du cie

Nombreux taient ceux qui se souvenaient dune journadieuse, rafrachie par une brise de mer qui traversaes bananiers, comme cela aurait d tre le cas pendann bon mois de fvrier, en dautres temps. Mais la plupaaccordaient pour affirmer quil faisait un temps lugubrvec un ciel bas et menaant sur un fort relent deautagnantes, et qu linstant o le malheur stait produitombait une petite pluie fine semblable celle quantiago Nasar avait vue dans la fort de son rversonnellement, je me remettais de la bacchanale dans iron apostolique de Maria-Alexandrina Cervantes,

est peine si jouvris un oeil en entendant le charivaes cloches qui sonnaient le tocsin, convaincu quellarillonnaient en lhonneur de lvque.

Santiago Nasar avait revtu un pantalon et unhemise de lin blanc non empess, identiques ceux qu

rborait la veille pour le mariage. Ctait sa tenue drands jours. Net t larrive de lvque, il auranfil son costume kaki et les bottes de cheval avesquels il se rendait tous les lundis El divino rostrhacienda hrite de son pre et quil administrait av

n grand bon sens dfaut dune grande russite. Poues randonnes, il portait la ceinture un. 357 Magnu


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ont les balles blindes, affirmait-il, pouvaient vouendre un cheval en deux. lpoque des perdrix, mmenait aussi ses faucons dresss. Dans son armoire angeait une Mannlicher Schoenauer en. 30-06, un. 30

Holland Magnum, une. 22 Hornet lunette

rossissement variable et une Winchester rptition. ormait comme son pre avait dormi, larme dissimulans la taie de loreiller, mais ce jour-l, avant de quitt

a maison, il avait retir les balles du chargeur et dpos istolet dans le tiroir de la table de nuit. Il ne le laissa

amais charg , me dit sa mre. Je le savais, et ignorais pas non plus quil rangeait ses armes dans undroit et cachait les munitions dans un autre, trs cart, afin que personne ne cdt, mme par hasard, entation de les charger dans la maison. Ctait une sagabitude impose par son pre depuis cette matine o

ne servante ayant secou loreiller pour en ter la taie, istolet tait parti tout seul en heurtant le sol ; la balvait dmantibul larmoire de la chambre, travers

mur du salon, franchi avec un tintamarre de branle-bae combat la salle manger de la maison voisine et rdun poussire de pltre un saint grandeur nature sur

matre-autel de lglise, lautre bout de la place. SantiagNasar, encore trs petit, navait jamais oubli la leo

onne par ce dsastre.

La dernire image que sa mre conservait de lui ta

elle de son bref passage dans sa chambre. Il lavaveille alors quil cherchait un cachet daspirine dans


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lacard de la salle de bain, elle alluma et le vit devant orte, un verre deau la main, image dont elle se souvinoujours. Santiago Nasar lui raconta alors son rve, malle naccorda pas dimportance aux arbres.

Rves doiseaux donnent la sant , dit-elle.Elle le vit de son hamac, dans la pose prostre o

ai rencontre claire par les dernires lueurs de ieillesse, lorsque je revins dans ce village oubli poussayer de refaire avec des clats pars le miroir cass d

a mmoire. Elle avait beaucoup de mal distinguer lormes dans la lumire crue du jour et portait plaquur les tempes les feuilles curatives avec lesquelles elombattait la migraine ternelle que son fils lui avaaisse la dernire fois quil tait entr dans sa chambrlle reposait sur le flanc et sagrippait aux cordes d

amac pour essayer de se redresser ; dans la pnombre,avait cette odeur de baptistre qui mavait surpris

matin du crime.

Ds mon apparition sur le seuil, elle me confondvec le souvenir de Santiago Nasar. Il tait l, me dille. Il portait son costume de lin blanc lav seulementeau claire, car il avait la peau si dlicate quil nupportait pas le bruit de lamidon. Elle resta un lon

moment assise dans son hamac, mchonner des graine cardamine, jusquau moment o se dissipa lillusion qu

on fils tait revenu. Alors elle soupira : Il tait lhomme ma vie.


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Je le vis dans son souvenir. Il avait eu vingt et un ana dernire semaine de janvier ; il tait svelte et ple, avees paupires arabes et les cheveux friss de son pre. tait le fils unique, issu dun mariage de raison, qui neucun moment de bonheur, mais il semblait heureux avon pre jusquau jour o celui-ci mourut subitemenrois ans plus tt, comme il continua de le paratre eompagnie de sa mre jusquau lundi de sa mort. Il avarit delle son instinct. De son pre, il avait appris ds sendre enfance le maniement des armes feu, lamou

es chevaux et la matrise des grands oiseaux de proiemais de son pre, il apprit aussi, comme des beaux-arte courage et la prudence. Ils parlaient entre eux erabe, mais jamais devant Plcida Linero, pour quelle ne sentt pas exclue. aucun moment on ne les avait vurms au village et ils ny vinrent quune fois avec leuiseaux dresss, loccasion dune dmonstration dauconnerie dans une fte de charit. La mort de son prvait contraint Santiago Nasar abandonner lcole apres tudes secondaires pour prendre en charge lhaciendamiliale. Par dons personnels, Santiago Nasar tait ga

acifique, et, de surcrot, il tait homme de coeur.Le jour o il allait tre abattu, sa mre pensa qu

tait tromp de date en le voyant vtu de blanc. Maest aujourdhui lundi , lui rappela-t-elle. Alors il lvait expliqu quil avait mis une tenue de circonstance a

as o il aurait loccasion de baiser lanneau de lvque ui navait as eu lair dintresser Plcida Linero.


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Il ne descendra mme pas du bateau, lui dit-elle. ous bnira la sauvette, comme dhabitude, et repartiomme il est venu. Il dteste ce village.

Santiago Nasar savait quelle avait raison, mais lastes de lglise exeraient sur lui une fascinatiorrsistible. On se croirait au cinma , mavait-il avoun jour. En revanche, la seule chose qui proccupait

mre dans cette visite de lvque, ctait que son fils nt pas tremp par la pluie, car elle lavait entend

ternuer durant son sommeil. Elle lui conseilla de prendn parapluie, mais il lui fit de la main un signe dadieu uitta la chambre. Ce fut la dernire fois quelle le vit.

Victoria Guzmn, la cuisinire, assurait quil navaas plu ce jour-l, ni mme une seule fois en fvrier. A

ontraire, me dit-elle quand je vins la voir peu avant mort, le soleil chauffait plus tt quen plein mois daot.

lle tait en train dtriper trois lapins pour le djeunearcele par les chiens aux aguets, lorsque Santiago Nasatait entr dans la cuisine. Il se levait toujours avec te de quelquun qui a mal dormi , rappelait-elle, sanendresse. Divina Flor, sa fille, dont le corps commenaiteine spanouir, avait servi Santiago Nasar un bol daf sans sucre arros dalcool de canne, comme tous leundis, pour laider surmonter la cuite de la nunorme cuisine, avec le chuchotement de ltre et l

oules endormies sur leurs perchoirs, avait unespiration mystrieuse. Santiago Nasar avait croqu un


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utre aspirine et il stait assis pour boire son caentement, petites gorges ; il pensait au ralenti et nuittait pas des yeux les deux femmes qui vidaient le

apins au-dessus du fourneau. Malgr son ge, VictorGuzmn gardait toute sa prestance. La petite, encore u

eu sauvage, semblait touffer sous le flot imptueux des glandes. Santiago Nasar lavait attrape par le poignu moment o elle venait le dbarrasser de son bol vide.

Il va tre temps de te dresser , lui dit-il.

Victoria Guzmn lui avait montr le couteau sanglan Bas les pattes, blanc ! lui intima-t-elle sans rire. M

ivante, tu ne boiras pas de cette eau-l.

Elle avait t sduite par Ibrahim Nasar dans lnitude de ladolescence. Il lavait aime en cachetlusieurs annes durant dans les tables de lhacienda avait intgre la domesticit une fois sa passion teint

Divina Flor, qui tait la fille dun mari plus rcent, savait destine aux bats furtifs de Santiago Nasar, ette ide langoissait lavance. Un homme comme

nen est jamais n dautre , me dit-elle, grasse et fanntoure par une progniture issue dautres amour

Ctait son pre tout crach, lui rpliqua VictorGuzmn. Une merde. Mais elle ne put carter une rafa

effroi en se remmorant lair pouvant de SantiagNasar quand elle avait arrach dun coup les entraill

un lapin et les avait jetes aux chiens, toutes fumantes


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Ne sois pas aussi barbare, lui avait-il dit. Imaginn peu, sil sagissait dun tre humain !

Il navait pas fallu moins de vingt ans VictorGuzmn pour comprendre quun homme accoutum

uer dinnocents animaux venait dexprimerusquement, une sainte horreur. Seigneur Jsuscria-t-elle effraye. Pour une rvlation, ce fut un

vlation ! Pourtant elle accumulait un tel arrir dages refoules que le matin du crime elle avait continue gaver les chiens avec la tripaille des autres lapins, pou

e seul plaisir de contrarier le petit djeuner de SantiagNasar. On en tait l quand le beuglement assourdissan

u bateau vapeur bord duquel arrivait lvque avaveill tout le village.

La maison tait un ancien entrept deux tages, fae grosses planches mal quarries, avec un toit de zinceux pentes, du haut duquel les charognards lorgnaien

es dchets du port. Elle avait t btie au temps o euve tait si complaisant que nombre de caboteurs

mme quelques navires de haute mer saventuraien

usque-l travers les marcages de lestuaire. Quanbrahim Nasar tait arriv avec les derniers Arabes, n des guerres civiles, les bateaux de mer ne remontaienlus cause des caprices du fleuve, et lentrept tabandonn. Ibrahim Nasar lavait rachet pour unouche de pain afin dy tablir une boutiquimportation qui ne vit jamais le jour, et ce nest qua


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moment de son mariage quil le transforma en maisohabitation. Au rez-de-chausse il amnagea une grandalle qui servait tout et fit construire au fond une curour quatre chevaux, les chambres des domestiques ne cuisine dhacienda avec des fentres donnant sur

ort et par lesquelles entrait toute heure la puanteues eaux. La seule chose quil conserva intacte dans rande salle fut lescalier en colimaon, rescap don nait quel naufrage. ltage principal, qui avait abrit lureaux de la douane, il installa deux vastes chambres inq alcves pour les nombreux enfants quil espravoir, et orna la faade dun balcon de bois dominant lmandiers de la place ; cest l que, les soirs de marlcida Linero se tenait, pour se consoler de sa solitude.

aissa telle quelle la porte principale mais la flanqua deux hautes fentres au cadre massif de bois contourn.

onserva galement la porte de derrire dont il rehause linteau pour pouvoir entrer cheval, et maintint eervice une partie de lancien quai. Cette porte fuoujours la plus utilise, non seulement parce quelonstituait laccs naturel aux crches et la cuisine, maussi parce quelle donnait sur la rue du nouveau porans quon et passer par la place. Une barre fermait orte principale, qui ne souvrait que pour les grandeccasions. Ce fut pourtant devant celle-ci et non derri

a petite porte que les hommes qui allaient le tuttendirent Santiago Nasar, et ce fut par l aussi que c

ernier sortit recevoir lvque, bien quil dt faire le touomplet de la maison pour gagner le port.


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Tant de concidences funestes demeuraient pour touncomprhensibles. Le juge dinstruction venu d

Riohacha stait content de les subodorer sans se risqules admettre tant son rapport montrait une volon

vidente de donner laffaire une explication rationnella porte de la place y tait baptise plusieurs fois duom rocambolesque : la porte fatale. En ralit, la seuxplication valable paraissait tre celle de Plcida Linerui avait rpondu la question avec son bon sens d

mre : Mon fils ne sortait jamais par la porte du fon

uand il tait bien habill. Cela semblait une vrit impliste que le magistrat lavait recueillie dans une non marge, mais ne lavait pas consigne dans le dossiinstruction.

Victoria Guzmn, de son ct, avait rpondu dun to

remptoire que ni elle ni sa fille ne savaient quottendait Santiago Nasar pour le tuer. Cependant, au es annes, elle admit que toutes deux nignoraient riee ce qui se prparait quand il tait entr dans la cuisinoire son caf. Elles lavaient appris dune femme venu

mendier un peu de lait aprs cinq heures, laquelle leuvait en outre rvl les raisons du meurtre et le lieu dembuscade. Je ne lai pas prvenu parce que je pensaue ctaient des rodomontades divrognes , me dit-ellt pourtant Divina Flor mavoua, au cours dune visiue je lui fis aprs la mort de sa mre, que celle-ci nava

ien dit Santiago Nasar parce que du fond du coeur el


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ouhaitait quon le tut. En revanche, elle, Divina Flor, navait pas averti car elle ntait alors quune filletpeure, incapable de prendre une dcision personnellt qui avait compltement perdu la tte quand il lavattrape par le poignet, dune main quelle avait sent

lace et ptrifie, comme la main dun mort.Santiago Nasar avait travers grandes enjambes

maison dans la pnombre, poursuivi par les hurlemenoyeux du bateau de lvque. Divina Flor le prcdaour lui ouvrir la porte, en essayant dchapper s

mains vagabondes au milieu des cages de la salle manger avec leurs oiseaux endormis, puis parmi lmeubles dosier et les pots de fougres suspendus a

lafond du salon, mais au moment de tirer la barre elavait pu viter une fois de plus les serres carnassir

e cet pervier. Il ma empoign tout le machin, me dDivina Flor. Cest ce qui se passait toujours quand il moinait seule dans la maison, mais ce jour-l je nai paessenti la peur que jprouvais chaque fois ; simplemenne horrible envie de pleurer. Elle stait carte pour

aisser sortir et travers la porte entrouverte ava

peru les amandiers de la place sous la neige clatante dour naissant, mais elle navait pas eu le courage den voavantage. Au mme moment, la sirne du bateau seue et les coqs se sont mis chanter, me dit-elle. Iaisaient un tel chahut quon ne pouvait croire que le

oqs taient aussi nombreux dans notre village, et jens quils arrivaient sur le bateau de lvque. Tou


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e quelle avait pu faire pour cet homme qui jamais nerait le sien avait consist oublier de repousser arre, dsobissant ainsi aux ordres de Plcida Linerfin quil puisse rentrer en cas durgence. Quelquun qe fut jamais identifi avait gliss sous la porte un papi

ans une enveloppe, avertissant Santiago Nasar quoattendait pour le tuer, et lui rvlant en outre lendroes raisons et certains dtails trs prcis du complot. L

message tait l, par terre, quand Santiago Nasar taorti de chez lui, mais il ne lavait pas vu, ni Divina Flor ersonne, jusque bien aprs le crime.

Il tait six heures du matin et lon navait pas teinclairage municipal. Les guirlandes barioles de la noendaient encore aux branches des amandiers et uelques balcons, et lon aurait pu croire quon venait d

es accrocher en lhonneur de lvque. Mais la place, qaissait courir ses dalles jusquau parvis de lglise o lovait dress lestrade des musiciens, ressemblait upotoir de bouteilles vides et autres reliefs de cet

mmense bacchanale publique. Quand Santiago Nastait sorti de chez lui, plusieurs personnes couraient ve

e port, presses par les beuglements du bateau.

Le seul tablissement ouvert sur la place tait ubit de lait, accot lglise, et o se tenaient les deuommes qui attendaient Santiago Nasar pour le tuelotilde Armenta, la patronne de ltablissement, avait

a premire le voir dans la lueur de laube et il lui ava


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aiss limpression dtre vtu daluminium. essemblait dj un fantme , me dit-elle. Les hommui allaient le tuer staient endormis sur leurs chaises eerrant contre leur coeur les couteaux envelopps danu papier journal et Clotilde Armenta avait retenu so

ouffle pour ne pas les rveiller.Pedro et Pablo Vicario taient jumeaux. Ils avaien

ingt-quatre ans et se ressemblaient tant quil taresque impossible de les distinguer. Lair born, maon caractre , disait linstruction. Je les connaissa

epuis lcole primaire et jaurais affirm la mme chose matin-l, ils portaient encore leurs costumes de dra

onc mis pour le mariage des vtements trop pais rop classiques pour nos terres carabes et ils avaient

mine ravage par toutes ces heures de bamboche

outefois, ils avaient sacrifi aux rites et staient rasls navaient pas cess de boire depuis la veille de la nocmais au bout de trois jours ils ntaient toujours pols ; tout au plus ressemblaient-ils des somnambulnsomniaques. Ils staient endormis aux premirueurs de laube, aprs avoir attendu presque trois heur

ans la boutique de Clotilde Armenta, et ctait leuremier sommeil depuis le vendredi. Ils avaient peinuvert loeil au premier hurlement du bateau mainstinct les avait compltement rveills quand Santiag

Nasar avait mis le pied dehors. Tous deux avaient alo

mpoign le paquet entour de papier journal, et PedVicario avait entrepris de se lever.


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Au nom du Ciel, avait murmur Clotilde ArmentRemettez cela plus tard, quand ce ne serait que pespect pour monseigneur lvque.

Une inspiration du Saint-Esprit , rptait-el

ouvent. Ctait, en effet, une ide providentielle mais qeut, hlas ! quune vertu momentane. En lentendanes frres Vicario rflchirent et celui qui stait lev finar se rasseoir. Les jumeaux avaient suivi des yeuantiago Nasar quand il avait commenc traverser lace. Ils le regardaient plutt avec piti , disalotilde Armenta. Au mme moment, les fillettes dcole des bonnes soeurs traversaient elles aussi la placn trottinant en dsordre, dans leurs uniformorphelines.

Plcida Linero avait raison : lvque ne descendit pu bateau. Outre les autorits et les enfants des colene masse de gens se pressait sur le port et lon voyait dous cts les cageots remplis de coqs bien gras quopportait comme cadeau lvque, son plat favori tana soupe de crtes. Sur le mle, le bois collect sentassa

i haut quil aurait fallu au bateau au moins deux heurour tout charger. Mais il ne sarrta pas. Il apparut atour du fleuve, en grognassant comme un dragon ;

anfare lana les premires notes de lhymne piscopal es coqs se mirent chanter dans les cageots, ameutanes autres coqs du village.

cette o ue les l endaires bateaux aub


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liments au bois vivaient leurs derniers jours et les rartiments encore en service navaient plus de pian

mcaniques ni de cabines pour jeunes maris, irrivaient peine remonter le courant du fleuve. Maelui-ci tait neuf, il avait deux chemines au lieu dun

eule, avec les couleurs nationales peintes comme urassard et, la poupe, une roue de bois aux robusteales lui donnait la puissance dun navire de mer. Tout eaut, sur la passerelle, prs de la cabine du capitaine, senait lvque, en soutane blanche, avec son escor

Espagnols. Il faisait un temps de Nol , a dit moeur Margot. Selon celle-ci, en passant devant le port, irne du bateau cracha un jet de vapeur et laissremps comme des soupes ceux qui se trouvaient le plurs du rivage. Brve illusion : lvque leva le bras ntama un signe de croix face la foule du port, puis

pta son geste, machinalement, sans malice nspiration, jusquau moment o le bateau disparut et oe resta plus que le tapage des coqs.

Santiago Nasar avait ses raisons de se sentir frustrl avait rpondu aux invites publiques du pre Amado

ar lenvoi de plusieurs livraisons de bois et avait choiui-mme les coqs aux crtes les plus apptissantes. Sontrarit, il est vrai, dura peu. Sur le quai, ma soeu

Margot lavait trouv de fort bonne humeur et biecid poursuivre la fte, bien que les aspirines ne l

ussent procur aucun soulagement. Il ne semblait pconfit et il ne pensait qu une chose : combien une tel


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oce avait pu coter , me dit-elle. Les chiffres rvlar Cristo Bedoya, qui les accompagnait, lavaien

mpressionn. Il avait fait la noce avec Santiago Nasar vec moi-mme jusqu prs de quatre heures du mati

mais au lieu daller dormir chez ses parents, il prf

avarder dans la maison de son grand-pre. Il avait ainbtenu de nombreux dtails qui manquaient pour calcul

e cot du festin. Bedoya rapporta quon avait sacrifuarante dindons et onze cochons pour les invits, uatre gnisses que le mari avait mises rtir sur lace pour les gens du village. Il ajouta quon avait beux cent cinq caisses deau-de-vie de contrebande ue presque deux mille bouteilles de rhum avaient istribues la foule. Personne, pauvre ou riche, navat oubli dans la bombance la plus tapageuse quon eamais vue au village. Santiago Nasar avait rv to

aut : Ce sera comme a mon mariage. Ils nauront, p

ssez dune vie pour le raconter.

Ma soeur avait senti passer un ange. Elle avait pen

ne fois de plus la chance de Flora Miguel, qui possdaj tant de choses dans la vie et qui allait y ajouter, Nol, un mari : Santiago Nasar. Jai compr

rusquement quon ne pouvait dnicher meilleur parme dit-elle. Imagine un peu : beau garon, srieux,

vec a une fortune personnelle, vingt et un ans. El

vait lhabitude de linviter venir prendre le pet


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jeuner la maison quand il y avait des beignets dmanioc. Ma mre, ce matin-l, tait en train de l

rparer. Santiago Nasar accepta avec enthousiasme :

Je me change et je te rejoins , dit-il, et il saperu

lors quil avait oubli sa montre sur la table de nuitQuelle heure est-il ?

Il tait six heures vingt-cinq. Santiago Nasar pason bras sous celui de Cristo Bedoya et lentrana vers lace.

Dans un quart dheure je suis chez toi , dit-il moeur.

Elle insista pour quil vienne immdiatement puisque petit djeuner tait servi. Son insistance tait trang

me dit Cristo Bedoya. Si trange quil mest arriv denser que Margot savait quon allait le tuer et queloulait le cacher chez elle. Santiago Nasar la persuade prendre les devants tandis quil revtait sa tenue dheval ; il dsirait gagner au plus tt El divino rostro pouastrer des veaux. Il prit cong delle du mme signe d

main quil avait adress sa mre et sloigna vers lace, bras dessus, bras dessous avec Cristo Bedoya. C

ut la dernire fois quelle le vit.

La plupart de ceux qui se trouvaient au port savaienuon allait tuer Santiago Nasar. Don Lazaro Apont

olonel de lacadmie militaire en retraite et maire dilla e de uis onze ans lavait salu dun si ne des doi t


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Javais toutes mes raisons de croire quil ne courait pluucun risque , me dit-il. Le pre Amador ne sen taas proccup davantage. Quand je lai vu sain et sauai pens que tout cela navait t quune turlupinade. ersonne ne stait demand si Santiago Nasar ta

rvenu, car le contraire paraissait tous impossible.

En ralit, ma soeur Margot tait une des rarersonnes ne rien savoir. Autrement, je laurammen chez moi, met-il fallu le ligoter , devait-elclarer au juge dinstruction. Son ignorance pouva

urprendre, et plus encore celle de ma mre, informe dout avant quiconque la maison, bien que depuis dennes elle ne sortt pas dans la rue, mme pour endre la messe.

Japprciais ce don depuis lpoque o javais dommencer me lever tt pour aller lcole. Je etrouvai comme alors, livide et rserve, en train dettoyer la cour avec un balai de brindilles dans la lumiendre du petit matin, puis me racontant entre chaquorge de caf ce qui tait arriv l-bas pendant que nou

ormions. Elle semblait avoir des fils secrets pouommuniquer avec les gens, surtout ceux de son ge, ous surprenait parfois en nous annonant des nouvelluelle naurait pu connatre sans lart de la divination. C

our-l, pourtant, aucune vibration ne lui avait laisrvoir la tragdie qui se prparait depuis trois heures d

matin. Elle avait fini de balayer la cour et ma soeu


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Margot, quand elle sortit accueillir lvque, lavarouve occupe moudre le manioc pour faire leignets. Les coqs chantaient , dit gnralement m

mre en voquant cette matine. Mais dans son espreur lointain tapage tait beaucoup plus li aux dernie

onflons de la noce qu larrive de lvque.Notre maison tait loigne de la grand-place et bt

n bordure du fleuve, dans un bois de manguiers. Moeur Margot stait rendue au port en longeant la rive, es gens taient trop excits par la visite de lvque pou

rter loreille dautres nouveauts. On avait expos lemalades sur le seuil des portes afin quils reoivent mdecine de Dieu, et les femmes sortaient en courant de

atios, les bras chargs de dindons, de cochons de lait e toutes sortes de victuailles, tandis que de la berg

ppose arrivaient des canots chamarrs de fleurs. Maprs que lvque eut pass sans avoir foul notre soautre nouvelle, jusqualors touffe, clata dans tout socandale. Ma soeur Margot lapprit alors, brutalement, ans ses moindres dtails : la belle Angela Vicario, qtait marie la veille, avait t restitue ses paren

ar son poux qui avait dcouvert quelle ntait pierge. Je crus que ctait moi qui allais mourir, avait d

Margot. Mais on avait beau tourner et retourner laffaians tous les sens, personne ne pouvait mexpliquomment ce malheureux Santiago Nasar avait fini par

etrouver compromis dans un tel imbroglio. Une seuhose tait certaine : les frres dAngela Vicar


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attendaient pour le tuer.

Ma soeur rentra la maison, serrant les dents poue pas pleurer. Ma mre se trouvait dans la salle

manger, vtue dune robe du dimanche fleurs bleu

uelle avait enfile au cas o lvque serait pass noualuer ; elle chantait le fado de lamour invisible emettant les couverts. Il y en avait un de plus qu

accoutume.

Cest pour Santiago Nasar, annona-t-elle. On m

it que tu lavais invit. Enlve-le , dit ma soeur.

Et elle lui rapporta laffaire. On aurait dit quelavait dj tout, me confia-t-elle plus tard. Ce fut commoujours, on commence lui raconter quelque chose et ost peine arriv la moiti de lhistoire quelle eonnat dj la fin. Cette mauvaise nouvelle avait, pou

ma mre, des implications particulires. Si on avait donnSantiago Nasar ce prnom, ctait cause delle, no

eulement elle tait sa marraine mais de plus elle avait u

en de parent avec Pura Vicario, la mre de lpousenvoye. Pourtant, elle navait pas fini dentendre ouvelle quelle avait dj mis ses souliers talons et

mantille qui lui servait autrefois pour se rendre lglist quelle ne portait plus que pour les visites dondolances. Mon pre qui, de son lit, avait tout entendpparut en pyjama dans la salle manger et lui demand


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larm, o elle allait.

Prvenir ma commre Plcida. Il nest pas juste quout le monde sache quon va lui tuer son fils et quelle soa seule lignorer.

Nous avons autant dattaches avec les Vicaruavec elle, dit mon pre.

Il faut toujours tre du ct du mort , rtorqua-lle.

Mes jeunes frres commencrent sortir des autrhambres. Les plus petits, atteints par le souffle de ragdie, se mirent pleurer. Ma mre, pour une foans sa vie, ne sen soucia pas, pas plus quelle naccordattention son mari.

Attends-moi. Je mhabille , lui dit celui-ci.

Elle tait dj dans la rue. Mon frre Jaime, qavait pas alors plus de sept ans, tait le seul se trouvert partir pour lcole.

Va avec elle, toi , ordonna mon pre.Jaime courut derrire ma mre sans savoir ce q

rrivait ni o ils allaient, et il saccrocha ses doigts. Elarlait toute seule , devait-il me dire. Hommes sans fi loi, marmonnait-elle. Animaux de merde qui ne sav

ien faire dautre que des malheurs. Elle ne se rendamme pas compte quelle tenait lenfant par la mai


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Les gens devaient penser que jtais devenue folle, mit-elle. La seule chose dont je me souviens cest quontendait au loin un grand charivari, comme si la novait repris de plus belle, et que tout le monde couraers la place. Elle avait press le pas, avec cet

termination dont elle tait capable quand une vie tan jeu, jusquau moment o quelquun qui courait danautre sens avait eu piti de son dsarroi.

Ne prenez pas tant de peine, Luisa Santiaga, lria-t-on. Ils lont dj tu.


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B

Bayardo San Roman,homme qui avait rpudison pouse

ayardo San Roman, lhomme qui avait rpudi sopouse, tait arriv pour la premire fois en aolanne prcdente, six mois avant la noce. dbarqua du bateau hebdomadaire, avec, su

lpaule, des sacoches aux garnitures dargenssorties aux boucles de sa ceinture et de ses bottines. risait la trentaine, mais cachait bien son ge avec sa tailne de novillero, les yeux dors et la peau cuite par alptre, comme petit feu. Il portait ce jour-l une vesourte et un pantalon trs troit en veau naturel, et deants de chevreau de la mme couleur. Magdalena Oliveui voyageait sur le bateau, navait pu le quitter des yeuurant toute la traverse. On aurait dit un pd

maffirma-t-elle. Et cest malheureux parce quon avanvie de le couvrir de beurre et de le manger tout vif.

lle ne fut pas la seule le penser ; ni la dernire non pluse rendre compte que Bayardo San Roman ntait pn homme se laisser dcouvrir au premier abord.

Aot finissait quand ma mre mcrivit au collgjoutant sa lettre un post-scriptum inattendu : Il e

rriv ici un homme bizarre. Dans la lettre suivante, elrcisait : Lhomme bizarre sappelle Bayardo Sa


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Roman et tout le monde dit quil est charmant, mais me ne lai pas vu. Personne ne sut jamais ce qui lavamen chez nous. quelquun qui navait pu rsister entation de linterroger, un peu avant la noce, il avapondu : Jallais de village en village, chercha

uelquun avec qui me marier. Ctait peut-tre vramais il aurait pu rpondre nimporte quoi dautre, tant saon de sexprimer lui servait beaucoup plus dissimuleu se confier.

Le soir de son arrive, au cinma, il laissa entend

uil tait ingnieur des chemins de fer et parla durgence quil y avait construire une voie ferr

usquau coeur du pays pour parer aux caprices du fleuve lendemain, il dut envoyer un tlgramme

manoeuvra lui-mme le manipulateur, indiquant d

urcrot au tlgraphiste un systme de son inventioour prenniser les piles usages. Il fit preuve dautant domptence en sentretenant des maladies des zonrontalires avec un mdecin militaire venu pour ecrutement. Il aimait les ftes bruyantes, interminable

mais il tait heureux buveur, briseur de bagarres

dversaire des jeux de main. Un dimanche aprs messe, il avait dfi les nageurs les plus habiles, q

taient nombreux, et avait laiss les meilleurs vinrasses derrire lui dans la traverse du fleuve, aller etour. Ma mre me le raconta dans une lettre qui s

erminait par un commentaire bien elle : On dit quage aussi dans lor. Ce qui correspondait la lgend


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un Bayardo San Roman non seulement capable de touaire, et la perfection, mais disposant en outre dessources inpuisables.

Ma mre lui donna la bndiction finale dans un

ettre quelle mcrivit en octobre : Les gens laimeneaucoup car il est honnte et a bon coeur, et puimanche dernier il a communi genoux et a rpondu

messe en latin. En ce temps-l, il ntait pas permis dommunier debout et lon nofficiait quen latin, mais m

mre donne gnralement ce genre de prcision

uperflues quand elle veut aller au fond des choses. uite de cette conscration sans appel, elle mcrivncore deux autres lettres, sans faire la moindre allusionayardo San Roman, mme quand il fut archiconnu quoulait pouser Angela Vicario. Cest longtemps apr

ette noce de malheur quelle mavoua lavoir rencontrlors quil tait trop tard pour corriger sa lettoctobre ; ses yeux dor lui avaient arrach un frissoeffroi.

Je crus voir le diable, commenta-t-elle. Mais

mavais expliqu que ces choses-l il ne faut pas les diar crit.

Je fis sa connaissance peu aprs, quand je revins poues vacances de Nol, et ne le trouvai pas aussi bizaruon laffirmait. Certes il me parut sduisant, mais tr

iffrent de la vision idyllique de Magdalena Oliver. Il membla plus srieux que ne le laissaient supposer s


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xtravagances, avec une tension intrieure que soharme excessif dissimulait peine. Et surtout, il me feffet dun homme trs triste. cette poque, il avait dfficialis ses fianailles avec Angela Vicario.

On ne sut jamais trs bien comment ils staienonnus. La propritaire de la pension pour hommes seu vivait Bayardo San Roman racontait que celui-ci tan train de faire la sieste dans un rocking-chair du salon,a fin septembre, quand Angela Vicario et sa mre avaienravers la place, avec au bras deux paniers de fleu

rtificielles. Les deux femmes vtues dun noir peu amnemblaient tre les seuls vivants dans la moiteur de deueures de laprs-midi. Bayardo San Roman avantrouvert les yeux et demand qui tait la plus jeunhtelire lui avait rpondu que ctait la dernire fille d

a femme qui laccompagnait et quelle sappelait AngeVicario. Bayardo San Roman les avait suivies du regarusqu lautre bout de la place.

Elle porte un nom qui lui va bien , avait-il dit.

Puis il avait renvers la tte contre le dossier docking-chair et referm les yeux.

Quand je me rveillerai, avait-il dclar, pensez me rappeler que je vais lpouser.

Angela Vicario me raconta que la propritaire de

ension lui avait rapport le propos bien avant qua ardo San Roman lui fasse la cour. Jeus les san


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etourns , me dit-elle. Trois pensionnaires confirmrea vracit du fait, mais quatre autres le mettaient eoute. Par contre, toutes les versions saccordaient pouffirmer quAngela Vicario et Bayardo San Romataient vus pour la premire fois aux ftes patriotique

octobre, au cours dune kermesse de charit o elle taharge de chanter les lots. Bayardo San Roman tarriv la kermesse et stait rendu tout droit au stanenu par la langoureuse jeune fille emprisonne jusquauoignets dans sa tenue de deuil, pour lui demand

ombien cotait le gramophone aux incrustations dacre, qui constituait le clou de la kermesse. Elle lui avapondu quil ntait pas vendre mais tirer au sort.

Tant mieux, avait-il dit. Ce sera donc plus facile moins cher.

Elle mavoua quil avait russi limpressionner, maour des raisons opposes celles du coeur. Je dtesta

es hommes hautains et je nen avais jamais vu un ayanutant de morgue, me dit-elle en voquant cette journt puis je pensais quil tait Polonais. Sa contrarit fu

ive quand elle avait annonc le tirage du gramophone amilieu de langoisse gnrale ; cest quen effet Bayardan Roman lavait gagn. Elle ne pouvait imaginer quans le seul but de lpater, il et achet tous les billets.

Ce soir-l, en rentrant chez elle, Angela Vicario ava

rouv le gramophone envelopp dans du papier cadeaous un noeud dorgansin. Je nai jamais pu imagin


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omment il avait su que ctait mon anniversaire , mit-elle. Elle avait eu beaucoup de mal convaincre searents : non, elle navait jamais rien fait qui permt ayardo San Roman de lui envoyer un cadeau de ce prit surtout dune manire si visible que tout le monde se

tait rendu compte. Finalement Pedro et Pablo, ses frrns, avaient rapport lappareil lhtel pour le rendreon propritaire, et cela avec un tel remue-mnage quous ceux qui lavaient vu arriver le virent galemenepartir. Ctait oublier le charme irrsistible de Bayardan Roman : les jumeaux disparurent jusquau lendema

laube, abrutis divrognerie, portant encore honographe, accompagns en outre par Bayardo Sa

Roman, ils continurent faire la noce la maison.

Angela Vicario tait la cadette dune famille des plu

modestes. Son pre, Poncio Vicario, qui tait orfvre poues petites bourses, stait us les yeux subvenignement aux besoins de sa maison en fabriquant milt mille merveilles en or. Purisima del Carmen, sa mrvait t matresse dcole jusquau jour o elle sta

marie pour la vie. Son air tranquille, lgrement afflig

issimulait fort bien la rigueur de son caractre. Ourait dit une bonne soeur , rappelle Mercds. Eltait consacre avec tant dabngation soccuper don poux et lever ses enfants quon oubliait parfouelle existait aussi. Les deux anes avaient pris ma

ur le tard. Outre les jumeaux, ils avaient eu une fillmorte de fivres crpusculaires ; deux ans apr


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enterrement, ils portaient encore un deuil allg maison, mais rigoureux dans la rue. Les frres avaient

levs pour tre des hommes. On les avait duquelles, en vue du mariage. Elles savaient broder sur u

mtier, coudre la machine, tisser de la dentelle au

useaux, laver et repasser, fabriquer des fleurs artificiellt des friandises de fantaisie, et rdiger des faire-part danailles. la diffrence des jeunes femmes de lpoquui avaient nglig le culte de la mort, elles taienxpertes dans lart sculaire de veiller les malades, dconforter les agonisants et densevelir les morts. M

mre ne leur reprochait quune chose : leur habitude de brosser les cheveux avant de dormi

Mesdemoiselles, leur disait-elle, on ne se coiffe pas uit, cela retarde le retour des marins. cette rservrs, elle pensait quil ny avait pas de filles mieu

ormes. Elles sont parfaites, me disait-elle souvenlles rendront heureux un homme quel quil soit, car ellnt t leves pour savoir souffrir. Pourtant, ceux qpousrent les deux anes eurent un mal fou romptau : elles taient toujours ensemble, o que ce frganisaient des soires dansantes entre femmes, herchaient toujours un double fond dans les propos dommes.

Angela Vicario tait la plus jolie des quatre, et mmre prtendait quelle tait ne comme les grand

eines de lhistoire, le cordon ombilical enroul autour dou. Pourtant, son air dsempar et sa pauvret despr


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aggravaient avec les annes. Je la revoyais anne aprnne, durant mes vacances de Nol, et elle me paraissahaque fois plus insignifiante, assise laprs-midi derria fentre, fabriquer des fleurs de chiffon et chantes valses de vieilles filles avec ses voisines. Elle e

maigre comme un hareng saur, ta conne de cousine , misait Santiago Nasar. Un beau jour, peu avant la mort da soeur, je la rencontrai pour la premire fois dans la ruabille comme une femme et les cheveux friss, et en crus pas mes yeux. Ma vision fut, hlas ! phmar son indigence intellectuelle saggrava avec les anne

tel point quen apprenant que Bayardo San Romaoulait lpouser, beaucoup pensrent quil sagissaune mauvaise farce de ltranger.

La famille ne se contenta pas de prendre laffaire a

rieux, elle mena grand tapage autour delle. exception de Pura Vicario qui mit une condition ayardo San Roman devrait dmontrer son identit. Pou

ous, ctait encore un inconnu. Son pass ne remontaas au-del de cet aprs-midi o il avait dbarqu dans senue dartiste, et sa discrtion sur ses origines laissait

hemin ouvert aux lucubrations les plus insenses. On eint affirmer qu la tte de ses troupes il avait ras dillages et sem la terreur Casanare, quil stait vade Cayenne, quon lavait vu Pernambouc essayant d

aire fortune avec un couple dours savants, ou enco

uil avait repch lpave dun galion espagnol chargor dans la passe des Vents. Bayardo San Roman mit f


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toutes ces conjectures par un moyen tout simple : il fenir sa famille au grand complet.

Ils taient quatre : le pre, la mre et deunquitantes soeurs. Ils arrivrent dans une Ford T mun

e plaques officielles et dont le klaxon ameuta les rues des coin-coin onze heures du matin. La mre, Alberimonds, une gigantesque multresse de Curaao qarlait un espagnol encore truff de papiamento, avait roclame dans sa jeunesse reine des belles parmi leux cents plus belles des Antilles. Les soeur

ouvencelles en fleur depuis peu, ressemblaient deuouliches piaffantes. Mais latout majeur tait le pre : nral Petronio San Roman, hros des guerres civiles dicle dernier, et lune des plus grandes gloires du rgimonservateur pour avoir mis en fuite le colonel Aurelian

uendia lors du dsastre de Tucurinca. Ma mre fut eule ne pas aller le saluer quand elle sut qui il tait. me paraissait excellent quils se marient, me dit-elle. Mae marier tait une chose et serrer la main dun hommui avait ordonn quon tire dans le dos de Gerineld

Marquez en tait une autre. Ds quil se montra

ortire de sa voiture, en saluant avec son chapeau blanhacun put le reconnatre grce la clbrit de sehotos. Il portait un costume de lin, de la mme couleuue le bl, des bottines de cuir de Cordoue, aux laceroiss, des lorgnons en or accrochs son gilet. Il porta

n outre la croix de guerre et une canne sculpte emblme du pays. Il fut le premier descendre d


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oiture, recouvert jusquaux oreilles de cette poussirlante de nos mauvais chemins ; il lui avait suapparatre sur son sige pour que tout le monde comprue Bayardo San Roman allait pouser qui il voulait.

Ctait Angela Vicario qui ne voulait pas. Il tarop homme pour moi , me dit-elle. Et puis, Bayardo SaRoman navait mme pas essay de la sduire bien qut ensorcel la famille par son charme. Angela Vicaroublia jamais lhorreur de cette soire o ses parentes soeurs anes et leurs maris, runis au salon, l

mposrent de se marier avec un homme quelle avaiteine vu. Les jumeaux se maintinrent lcart. Nouensions quil sagissait de foutaises de jupons , me dablo Vicario. Largument sans appel des parents fuuune famille dont la modestie constituait la digni

avait pas le droit de mpriser cette rcompense destin. Angela Vicario osa peine insinuer que labsenamour tait un inconvnient. Sa mre, dune seuhrase, pulvrisa largument :

Lamour aussi, a sapprend !

la diffrence des fianailles de lpoque, qui taieongues et surveilles, celles-ci ne durrent que quat

mois, tant Bayardo San Roman tait press. On les eans doute abrges encore si Pura Vicario navait exigattendre la fin du deuil familial. Pourtant, les jou

assrent sans angoisses car Bayardo San Roman avane manire irrsistible de rgler les problmes. Un so


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me demanda quelle maison me plaisait le plus, maconta Angela Vicario. Et je lui rpondis, sans trop savoourquoi, que la plus jolie du pays tait la villa du ve

Xious. Jaurais rpondu la mme chose. La villa taitue sur une colline balaye par les vents et, de

errasse, on dcouvrait le paradis sans fin des marcagouverts danmones violettes ; lt, par temps clair, orrivait voir lhorizon limpide de la mer des Antilles es paquebots de touristes qui vont Carthagne-dendes. Le soir mme, Bayardo San Roman se rendit aercle et alla sasseoir la table du veuf Xious pour faine partie de dominos.

Veuf, lui dit-il. Je vous achte votre maison.

Elle nest pas vendre, rpondit le veuf.

Je lachte avec tout ce quil y a dedans. Le veuf lui expliqua en homme lev lancienne,

vec des mots choisis, que les objets de son domicivaient t achets par sa dfunte pouse au cours dunie de sacrifices et quil les considrait comme une pa

elle-mme. Il parlait coeur ouvert, me dit le docteuDionisio Iguaran, leur compagnon de jeu. Jtais certa

uil aurait prfr mourir plutt que de se sparer dunmaison o il avait vcu heureux pendant plus de tren

ns. Bayardo San Roman lui aussi comprit ses raisons.

Daccord, dit-il. Dans ce cas, vendez-moi la maisoide.


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Mais le veuf sy refusa jusqu la fin de la partie. Trooirs plus tard, dj mieux prpar, Bayardo San Romaevint sasseoir la table de dominos :

Alors, veuf, recommena-t-il. Cette maison, ceombien ?

Elle na pas de prix.

Dites un chiffre. Nimporte lequel.

Je regrette, Bayardo, dit le veuf. Mais vous, leunes, vous ne comprenez pas les raisons du coeur.

Bayardo San Roman nhsita pas un seul instant :

Je vous en offre cinq mille pesos.

Ne trichez pas, rpondit le vieux dont la dignitait sur le qui-vive. Cette maison ne les vaut pas.

Dix mille pesos, dit alors Bayardo San Roman. Imme, tout de suite, et en liquide.

Le veuf le regarda, des larmes plein les yeux. leurait de rage, me dit le docteur Dionisio Iguaran, qjoutait la mdecine le got des belles-lettres. Imaginn peu : avoir une telle somme porte de la main evoir dire non cause dune simple faiblesse desprit. Le veuf Xious resta sans voix, mais il refuans hsiter, dun signe de tte.


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Dans ces conditions, accordez-moi au moins unaveur, dit Bayardo San Roman. Celle de mattendre iinq minutes.

Cinq minutes plus tard, en effet, il revenait avec s

acoches aux garnitures dargent et dposait sur la tabix liasses de billets de mille pesos encore cercles dandes dorigine de la Banque nationale. Le veuf Xiou

mourut un an plus tard. a la tu, disait le docteuDionisio Iguaran. Il se portait mieux que nous tous, ma

uand on lauscultait on entendait les larmes bouillonn

ans son coeur. Car il navait pas seulement vendu maison avec tout ce quil y avait dedans, il avait aus

emand Bayardo San Roman de le payer petit petarce quil ne lui restait mme plus une malle pour mettant dargent labri.

Nul naurait pens et personne navait jamais duAngela Vicario ntait pas vierge. On ne lui avait connucun fianc et elle avait grandi auprs de ses deuoeurs sous la frule dacier de sa mre. Moins de deu

mois avant son mariage, Pura Vicario ne lautorisait pas

ortir seule avec Bayardo San Roman pour visiter leuuture maison ; tranant son mari aveugle, elaccompagnait afin de protger sa vertu. Je nemandais quune chose au Bon Dieu, me dit Ange

Vicario, ctait de me donner le courage de me tuer. Mane ma pas coute. Dans son dsarroi, elle ava

cid de tout raconter sa mre pour se librer de c


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martyre, mais ses deux uniques confidentes, qui laidaienfabriquer des fleurs artificielles la fentre, lavaien

issuade de sa bonne intention. Et je leur obveuglment car elles mavaient fait croire quelles eavaient long sur les cochonneries des hommes. Elles l

ssurrent que presque toutes les femmes perdaient leuirginit dans des accidents durant leur enfance. Ell

nsistrent sur le fait que mme les maris les plumbrageux se rsignaient tout pourvu que personne n

e st. Elles la convainquirent enfin de ce que la plupaes hommes arrivaient si effrays leur nuit de nocuils se rvlaient incapables de faire quoi que ce ft

eur compagne ne les aidait pas et qu lheure de la vris ntaient plus en mesure de rpondre de leurs proprctes. Ils ne croient qu ce quils voient sur le drap ui dirent-elles. Et elles lui avaient enseign des filouteri

e bonne femme pour quelle feigne de perdre soucelage et quelle puisse dployer au soleil dans le pate sa maison, le matin de son premier jour de jeun

marie, le drap de fil avec la tache rouge de lhonneur.

Elle stait marie dans cette illusion. Bayardo Sa

Roman, lui, avait d se marier dans lillusion dacheter onheur grce sa fortune et son pouvoir exceptionnel

mesure que les prparatifs de la noce taient mis eeuvre, de nouvelles ides de plus en plus dlirantes lenaient lesprit pour en augmenter lampleur. Quan

n annona la visite de lvque, il essaya de retarder oce dune journe afin que celui-ci bnisse le mariag


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mais Angela Vicario sy opposa. Pour tre franche, mit-elle, je ne voulais pas recevoir la bndiction d

mains dun homme qui ne tuait les coqs que pour eouper les crtes pour sa soupe et jetait le reste aurdures. Pourtant, mme sans la bndiction d

vque, la fte prit une telle dimension quelle finit pachapper au contrle de Bayardo San Roman et ransforma en vritable affaire publique.

Le gnral Petronio San Roman et sa familrrivrent cette fois bord du bateau de crmonies d

ongrs, qui resta amarr au quai jusquau terme djouissances ; avec eux dbarqurent nombre de genlustres qui passrent pourtant inaperus dans cetohue de ttes nouvelles. Ils apportrent tant de cadeauuil fallut amnager le local dsaffect de lancienn

entrale lectrique, pour exposer les plus fabuleux ; este fut transport en une seule fois dans lanciennmaison du veuf Xious, maintenant prte recevoir leunes poux. On offrit au mari une auto dcapotable qortait son nom grav en caractres gothiques sous

marque du constructeur. La marie reut un crin d

ingt-quatre couverts en or massif. On fit venir en outrn groupe de danseurs, et deux orchestres de valses qtonnrent au milieu des fanfares locales et dombreux papayeras et autres groupes daccordonistuavaient attirs les chos de la fte.

La famille Vicario vivait dans une modeste maiso


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ux murs de brique et au toit de palmes surmont deux mansardes o en janvier venaient couver leirondelles. Devant la maison se trouvait une terrasnvahie de pots de fleurs et une cour peuple de poules ebert et plante darbres fruitiers. Au fond de la cour, l

umeaux avaient install une porcherie avec une pierour labattage et une table dquarrissage, initiative qe rvla tre une excellente source de revenus dinstant o Poncio Vicario perdit lusage de ses yeuaffaire avait t cre par Pedro Vicario, mais quanelui-ci partit faire son service militaire, son frre jumeapprit son tour le mtier de saigneur de cochons.

La demeure tait peine suffisante pour abriter amille. Quand les soeurs anes se rendirent compte droportions que prenait la fte, elles dcidrent de se fai

rter une maison. Imagine un peu, me dit AngeVicario, elles avaient song celle de Plcida Linero, maar bonheur mes parents senttrent dans une de leu

marottes : nos filles se marient dans notre bicoque ou ne marient pas. Bref, ils repeignirent la maison dans soaune dorigine, redressrent les portes et rparrent l

lanchers, rendant les lieux aussi dignes que possibaccueillir une noce de cette envergure. Les jumeaumnagrent les cochons et nettoyrent la porcherie haux vive ; malgr cela, on saperut quon alla

manquer despace. Finalement, sur les instances d

ayardo San Roman, on abattit la palissade de la cour, oe fit prter pour danser les maisons voisines et o


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isposa sous les tamariniers des tablis de menuisieour pouvoir y manger lombre.

Seule anicroche au programme : le matin de rmonie, le fianc vint chercher Angela Vicario av

eux heures de retard. Or celle-ci stait refuse passea robe de marie tant quil ne serait pas arrivImagine un peu, me dit-elle, je me serais presqu

jouie quil oublie de venir, mais je naurais pu supportuil me plante l tout habille. Ses craintes paraissaienaturelles car il nexiste pas daffront public plu

umiliant pour une femme que dtre abandonne eobe de marie. En revanche, le fait quAngela Vicario as porter, sans tre vierge, le voile blanc et les fleuoranger devait tre interprt ensuite comme unrofanation de ces symboles de puret. Ma mre fut

eule considrer comme un acte de courage cetmanire de jouer jusquau bout ses cartes biseautes. ette poque, le Bon Dieu comprenait bien ces choses-l

mexpliqua-t-elle. Par contre, nul na encore compris avuelles cartes Bayardo San Roman avait jou. Depuinstant o il stait prsent en redingote et haut-de

orme jusqu celui o il stait clips du bal avec rature de ses tourments, il avait offert limage parfaie lheureux mari.

On na jamais su non plus quelles cartes tenait emain Santiago Nasar. lglise comme la fte, Cris

edoya, mon frre Luis Enrique et moi ne lavions pa


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uitt. Aucun de nous navait entraperu le moindhangement dans son attitude. Cest une chose que je namais cess de rpter, car nous avions grandi tous luatre ensemble lcole, et fait partie de la mme bandendant les vacances, et il tait inconcevable quu

membre du groupe et un secret sans le partager, surtoun aussi grand secret.

Santiago Nasar aimait les ftes, et sa plus grande jolavait prouve la veille de sa mort, en calculant l

penses de la noce. lglise, il estima que le cot de

coration florale reprsentait celui de quatorznterrements de premire classe. Cette prcision deva

me tarabuster des annes durant car Santiago Nasmavait souvent affirm que le parfum des fleu

nfermes avait pour lui un rapport direct avec la mor

t ce jour-l il me le rpta en entrant dans le templJe ne veux pas de fleurs pour mon enterrement , mit-il, sans penser que, le lendemain, je devrais veiller cuil en ft ainsi. Durant le trajet qui nous conduisit dglise la maison des Vicario, il fit le compte duirlandes barioles qui gayaient les rues, valua le pr

e la musique et des fuses et mme celui de la grle diz cru avec laquelle on tait accueilli. Dans la chaleussoupissante de midi, les nouveaux maris firent le toues tables. Bayardo San Roman tait devenu notre amopain de bistrot comme on disait alors, il semblait tr

eureux en notre compagnie. Angela Vicario, qui avabandonn voile et couronne doranger, avait adop


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rusquement un air de femme marie et lassumait dana robe de satin trempe de sueur. Santiago Nasar estim

et lannona Bayardo San Roman que la nootait, au moment o il parlait, quelque neuf mille peso

Visiblement, lpouse reut le propos comme un

mpertinence. Ma mre mavait appris quon ne doamais parler dargent devant les autres , me dit-ellayardo San Roman, au contraire, le prit de fort bonnumeur et mme avec une certaine vanit.

Presque, dit-il, mais a ne fait que commencer.

n, on pourra parler du double ou peu prs.

Santiago Nasar se proposa de contrler la dpenusquau dernier centavo et la vie lui en laissa juste emps. En effet, grce aux ultimes renseignements quristo Bedoya lui fournit le lendemain sur le quai du por

uarante-cinq minutes avant sa mort, il constata que hiffre avanc par Bayardo San Roman tait exact.

Personnellement, je conservais un souvenir trague de la fte avant ma dcision de la reconstituer artir des bribes parpilles dans les souvenirs dautru

Durant des annes, on continua de commenter chez moi ait que, ce jour-l, mon pre avait ressorti de son tui iolon de sa jeunesse en lhonneur des nouveaux pouue ma soeur la nonne avait dans un merengu dans soabit de soeur tourire, et que le docteur Dionis

guaran, cousin germain de ma mre, avait russi rendre le large sur le bateau officiel pour ne pas tre i


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e lendemain, quand lvque arriverait. Alors que aisais des recherches pour cette chronique, jai retrouvuantit de menus dtails, lun des plus drles tant ouvenir laiss par les robes de velours des soeurs dayardo San Roman dont les grandes ailes de papillon

xes aux paules par des pinces en or attirrent plus legards des gens que le plumet et le corselet de mdaille guerre de leur papa. Je dcouvris que beaucouavaient que dans linsouciance des cuites javais propo

Mercds Barcha de lpouser, alors quelle sortait eine de lcole primaire, ce quelle me rappela quanous nous marimes quatorze ans plus tard. En ralitimage la plus vive que je conserve de ce dimanchndsirable est celle du vieux Poncio Vicario assis tout seur un tabouret au milieu de la cour. On lavait install n pensant peut-tre que ctait la place dhonneur, et l

nvits le bousculaient, le confondaient avec quelquuautre, le dplaaient, droite, gauche pour ne pas qune, et lui, remuait sa tte neigeuse de tous cts avette expression errante des aveugles de frache datpondant des questions qui ne lui taient pas destinu de brefs saluts quon ne lui adressait pas, heureuans son enclos doubli, avec sa chemise comme cartonnar lamidon et la canne de gaac quon lui avait achetour loccasion.

La crmonie officielle sacheva six heures du soi

uand les invits dhonneur se retirrent. Le bateaepartit tous feux allums, en laissant un sillage de vals


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oues au piano mcanique, et nous restmes durant unstant la drive au-dessus dun abme dincertitudvant de nous reconnatre nouveau les uns et les autret de nous enfoncer dans la mangrove de la beuverie. Leunes maris apparurent peu aprs dans leur automobi

couverte, se frayant non sans peine un passage dans ohu-bohu de la place. Bayardo San Roman alluma dtards, but de leau-de-vie au goulot des bouteilles qu

a foule lui tendait et descendit de voiture avec AngeVicario pour entrer dans la ronde de la cumbiamb

inalement, il nous ordonna de continuer danser serais jusqu plus soif et emmena son pouse terrorisers la maison de ses rves o le veuf Xious avait eureux.

La fte publique se dsagrgea sur le coup de minu

t seule demeura ouverte la boutique de ClotildArmenta, en bordure de la place. Santiago Nasar et moscorts de mon frre Luis Enrique et de Cristo Bedoyrmes la direction des misricordieux pnates de Mari

Alexandrina Cervantes. Nous y vmes dfiler, entrutres nombreux visiteurs, les frres Vicario, q

estrent boire avec nous et chanter avec SantiagNasar, cinq heures avant de lassassiner. Quelques peti

roupes isols durent poursuivre la fte car des airs dmusique et des bruits de disputes nous arrivaient eafales de tous cts, chaque fois un peu plus tristes ; tou

e cessa que peu avant le premier mugissement dateau de lvque.


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Pura Vicario raconta ma mre quelle staitouche onze heures du soir, aprs que ses filles aneseurent aide remettre un peu dordre dans lehambardement provoqu par la noce. Vers dix heuresnviron, alors quune poigne divrognes chantaient

ncore dans la cour, Angela Vicario avait envoyuelquun chercher une mallette dobjets personnels quie trouvait dans larmoire de sa chambre et sa mre avaioulu y joindre une valise de linge ordinaire, mais leommissionnaire tait press. Tout le monde dormait

oings ferms quand on avait frapp la porte. Troisoups trs distincts, expliqua-t-elle ma mre, mais quisonnaient comme un mauvais prsage. Elle avaituvert la porte sans allumer pour ne rveiller personne evait vu dans le halo de lumire du rverbre Bayardoan Roman avec sa chemise de soie dboutonne et son

antalon de fantaisie retenu par des bretelles. Il taitert, comme on est dans les rves , ajouta Pura Vicario

Angela Vicario se tenait dans lombre, si bien quelleavait aperue seulement quand Bayardo San Romanavait attrape par le bras et entrane en pleine clart.

a robe de satin tait en charpie et une serviette deoilette lenveloppait jusqu la taille. Pura Vicario crutuils avaient plong avec la voiture et quils taient

morts.

Jsus ! Marie ! Joseph ! dit-elle, atterre.

Rpondez, si vous tes encore de ce monde.


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Bayardo San Roman nentra pas ; sans dire un mot ioussa avec douceur son pouse vers lintrieur de la

maison. Aprs quoi il embrassa Pura Vicario sur la joue eui parla dune voix profondment dcourage mais avecne immense tendresse :

Merci pour tout, maman, lui dit-il. Vous tes uneainte.

Pura Vicario fut la seule savoir ce quelle avait faiturant les deux heures qui suivirent, mais elle a emport

on secret dans sa tombe. La seule chose dont je meouvienne, me raconta Angela Vicario, cest quelle meenait dune main par les cheveux et quelle me frappaite lautre avec une telle rage que je crus quelle allait meuer. Mais cela aussi elle le fit avec tant de discrtionue ni son mari ni ses filles anes, qui dormaient dans le

utres chambres, napprirent quoi que ce ft jusquauever du jour, alors que le dsastre tait dj consomm.

Les jumeaux revinrent la maison un peu avant troeures du matin, appels durgence par leur mre. Ilsrouvrent Angela Vicario effondre plat ventre sur unanap de la salle manger, le visage violac par lesoups ; mais elle ne pleurait plus. Je navais plus peur,

me confia-t-elle. Au contraire, javais limpression quonmavait enfin dbarrasse de la corve de mourir et je

oulais seulement que tout finisse au plus vite pour me

oucher et dormir. Pedro Vicario, le plus rsolu deseux frres, lavait souleve en lair par la taille et repos


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ssise sur la table de la salle manger.

Alors ? lui avait-il dit en tremblant de rage. Ctaitui ? Dis-nous !

Elle avait peine hsit prononcer le nom. Elle le

hercha dans les tnbres, elle le trouva du premier coupoeil, parmi tous ces noms quon peut confondre, aussiien dans ce monde que dans lautre, et elle le cloua au

mur, avec son adresse de chasseresse comme un papillonont le destin tait crit depuis toujours.

Santiago Nasar , avait-elle dit.


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L

Lavocat plaida la thse dehomicide

avocat plaida la thse de lhomicide en tat dlgitime dfense de lhonneur, point de vue qui faccept par les jurs, et les jumeaux dclarrent fin du procs quils recommenceraient mille fois sfallait le refaire, et pour les mmes raisons. I

ntrevirent eux-mmes largument de leur dfens

uand, quelques minutes aprs le crime, ils vinrent aresbytre se constituer prisonniers. Ils firent irruptioans la maison du cur, talonns par un groupe dAraburexcits, et posrent les couteaux aux lames proprur la table du pre Amador. Les deux se sentaien

puiss aprs le travail barbare de mort auquel itaient livrs. Ils avaient les bras tremps et le visagarbouill de sueur et de sang encore vivant. Pourtant ur voquait leur reddition comme un acte dune grandignit.

Nous lavons tu sciemment, dit Pedro Vicario. Maous sommes innocents.

Peut-tre devant Dieu, dit le pre Amador.

Devant Dieu et devant les hommes, prcisa PabVicario. Il sagissait dune affaire dhonneur.

Mieux : durant la reconstitution les deux frr


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imulrent un acharnement beaucoup plus froce encoue celui dont ils avaient fait preuve lors du crime, toint quil fallut recourir aux fonds publics pour rparer orte principale du domicile de Plcida Linerchiquete par les coups de couteau. la maison darr

e Riohacha, o les jumeaux passrent trois ans danattente du procs car ils navaient pas les moyens dayer la caution pour leur libert conditionnelle, les plunciens dtenus parlaient volontiers de leur bon caractt de leur esprit de camaraderie, mais ils ne

ouvenaient pas avoir jamais dcel en eux le moindigne de repentir. Pourtant, bien des lments semblaienrouver que les frres Vicario navaient rien fait de cuil aurait fallu faire pour tuer Santiago Nasar sur-lhamp et avec discrtion ; au contraire, ils taient all

mais en vain, au-del de limaginable pour que quelquu

es empche de tuer.

Des annes plus tard, les Vicario me confirent quitaient dabord alls le chercher dans ltablissement d

Maria-Alexandrina Cervantes, o ils taient rests en sompagnie jusqu deux heures du matin. Ce dta

omme beaucoup dautres, na pas t consign instruction. En ralit, Santiago Nasar ne sy trouvalus lheure o les jumeaux affirment tre venus secherche, car nous courions dj les rues pour unourne de srnades et, de toute faon, rien ne prouv

uils aient dit vrai. Ils ne seraient jamais ressortis dhez moi , maffirma Maria-Alexandrina Cervantes et,


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onnaissant comme je la connais, je nai jamais mis eoute sa parole. En revanche, ils allrent lattendre dan

a boutique de Clotilde Armenta, o ils taient srs de vofiler la moiti du village, sauf Santiago Nasar. Cta

e seul tablissement ouvert , dclarrent-ils au jug

instruction. Tt ou tard, il fallait quil passe par l ! me dirent-ils moi, aprs leur acquittement. Pourtanout le monde savait que la porte principale de Plcidinero demeurait barricade de lintrieur, mme duran

a journe, et que Santiago Nasar avait toujours sur lui llefs de la porte du fond. Il tait, en effet, rentr par lors que depuis plus dune heure les jumeaux Vicarattendaient de lautre ct, et sil tait ressorti par orte de la place pour aller accueillir lvque ce fut poune raison si imprvue que le juge dinstruction lui-mme parvint jamais llucider.

Jamais mort ne fut davantage annonce. Aprs queur soeur eut rvl le nom, les jumeaux Vicarassrent par la resserre de la porcherie o ils rangeaien

eurs couteaux de bouchers, et choisirent les deumeilleurs : un couteau dcouper, de dix pouces de lon

ur deux pouces et demi de large, et un couteau graisser de sept pouces de long sur un pouce et demi d

arge. Ils les envelopprent dans un torchon et allrent leiguiser au march la viande. Les premiers taenaient peine de lever leur rideau. Les clients taie

ares, mais vingt-deux personnes dclarrent quellvaient entendu tout ce quils avaient dit, et tout


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vaient eu le sentiment quils avaient parl dans le seut dtre entendus. trois heures vingt, Faustinantos, un boucher de leurs amis, qui venait douvrir sriperie, les vit entrer et ne comprit pas pourquoi irrivaient un lundi et de si bonne heure, encore vtus d

eurs costumes sombres de crmonie. Il tait habitu es voir le vendredi, mais un peu plus tard, et sangls daneurs tabliers de cuir, quils enfilaient pour gorger lorcs. Je pensai quils taient si ronds, me dit Faustinantos, que non seulement ils staient tromps dheu

mais aussi de jour. Il leur avait rappel que ctait lund

On sait, on sait, fleur-de-mes-deux, lui avapondu de fort belle manire Pablo Vicario. Nous venoneulement affter les couteaux.

Ils les repassrent sur la meule et selon leur bonn

abitude : Pedro tenait les deux couteaux quil faisalterner sur la pierre et Pablo tournait la manivelle. E

mme temps, ils parlaient du faste de la noce avec lutres bouchers. Certains se plaignirent de ne pas avoeu leur part du gteau traditionnel, eux, d

ompagnons de travail, et les deux frres leur promirene rparer loubli. Finalement, ils firent chanter louteaux sur la pierre et Pablo approcha le sien de ampe pour faire luire sa lame.

Nous allons tuer Santiago Nasar , dit-il.

Leur rputation de braves gens tait si solide qu


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ersonne ne les prit au srieux. Nous pensions qutaient des salades divrognes , dclarrent plusieuouchers et aussi Victoria Guzmn et beaucoup dautreui les rencontrrent plus tard. Le jour o je demandux bouchers si le mtier dquarrisseur ne rvlait p

ertaine prdisposition tuer un tre humain, irotestrent : Quand on sacrifie une bte, on nose p

a regarder dans les yeux. Lun deux me dit quil nouvait pas manger la viande dun animal quil avagorg. Un autre mavoua son incapacit sacrifier unache quil avait connue, surtout sil avait bu de son lae leur rappelai que les frres Vicario, eux, saignaient leorcs quils levaient et qui leur taient si familiers qui

es appelaient par leur nom. Cest vrai, me rpliquuelquun, mais remarquez quils ne leur donnaient pes noms dtres humains. Uniquement des noms d

eurs. Faustino Santos fut le seul entrevoir une lueue vrit dans la menace de Pablo Vicario et il lemanda en plaisantant pourquoi ils voulaient tuantiago Nasar alors que tant de gens riches mritaiene mourir avant lui.

Santiago Nasar sait pourquoi , lui rpondit PedVicario.

Faustino Santos me raconta quun doute lui avarott dans la cervelle et quil lavait confi un agent dolice venu plus tard acheter une livre de foie pour

etit djeuner du maire. Le policier, selon lenqut


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appelait Leandro Pornoy et mourut lanne suivante, aours des ftes patriotiques, dun coup de corne daureau dans la veine jugulaire. Il me fut donc impossibe linterroger, mais Clotilde Armenta me confirma quvait bien t son premier client, alors que les jumeau

Vicario taient dj assis chez elle, attendre leur victimClotilde Armenta venait de remplacer son mari a

omptoir. Ctait leur systme habituel. Ltablissemenendait du lait laube, des vivres dans la journe, et artir de six heures du soir se transformait en dbit d

oissons. Clotilde Armenta ouvrait son ngoce troeures et demie du matin. Son mari, le brave don Rogele la Flor, se chargeait du bistrot jusqu lheure de ermeture.

Mais cette nuit-l, la noce avait laiss tant de clien

n goguette quil tait all se coucher plus de troeures, sans fermer boutique, car Clotilde Armenta sta

eve plus tt que de coutume, dsireuse den finir avanarrive de lvque.

Les frres Vicario se prsentrent quatre heurix. On ne fournissait cette heure que du lait malotilde Armenta accepta de leur vendre une bouteille dhum, parce quelle les aimait bien, et aussi pour lemercier de la belle part de gteau de mariage quils lvaient fait parvenir. Ils vidrent la bouteille en deu

ongues lampes, mais ne bronchrent pas. Ils taienompltement teints, me dit Clotilde Armenta. Et mm


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vec de lalcool brler on naurait pu les secouer. Pus trent leur veste quils pendirent avec soin au dossie leur chaise et commandrent une autre bouteille. Lueur sche avait jauni leur chemise et une barbe de eille leur donnait une allure farouche. Ils burent

euxime bouteille plus lentement, assis, les yeux rivur le trottoir den face, ou plus exactement sur la maisoe Plcida Linero dont les fentres taient teintes. Llus grande, derrire le balcon, tait celle de la chambe Santiago Nasar. Pedro Vicario demanda Clotild

Armenta si elle avait vu de la lumire cette fentre ; elui rpondit que non, mais la question excita sa curiosit.

Il lui est arriv quelque chose ? demanda-t-elle.

Rien, rpondit Pedro Vicario. Simplement, nous herchons pour le tuer.

La rponse fut si spontane quelle crut dabord unlaisanterie. Mais elle remarqua que les jumeaurimbalaient deux couteaux de boucher envelopps danes torchons de cuisine.

Et peut-on savoir pourquoi vous voulez le tuaussi bonne heure ? demanda-t-elle.

Il sait pourquoi , lui rpondit Pedro Vicario.

Clotilde Armenta les dvisagea gravement : elle l

onnaissait si bien quelle pouvait les distinguer lun dautre, surtout depuis que Pedro Vicario tait revenu d


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arme. Ils avaient lair de deux enfants , me dit-ellUne rflexion qui leffraya, car elle avait toujours pens

ue seuls les enfants sont capables de tout. Bref, elle avapeine fini de prparer ses bidons de lait quelle al

veiller son mari pour lui raconter ce qui se passait dan

a boutique. Don Rogelio de la Flor lcouta demndormi.

Ne sois pas idiote, lui dit-il. Ces types-l ne tuenersonne, et surtout pas un homme plein de fric.

Quand Clotilde Armenta regagna sa boutique, elrouva les jumeaux en train de bavarder avec Leandornoy, le policier, venu chercher le lait du maire. Elentendit pas leurs propos mais supposa quils lui avaienonfi leur intention, sa faon de regarder les couteauuand il sortit.

Le colonel Lazaro Aponte stait lev un peu avanuatre heures. Il finissait de se raser lorsque lageneandro Pornoy lui rvla le projet des frres Vicario. vait apais tant de querelles entre compres le sorcdent que celle-ci pouvait bien attendre un peu. habilla avec calme, refit plusieurs fois son noeud papillo

usqu ce quil ft impeccable et suspendit son cou capulaire des Enfants de Marie pour aller accueillvque.

Tandis quil djeunait dune tranche de fogrmente de rondelles doignons, son pouse l


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aconta, trs excite, que Bayardo San Roman avaenvoy Angela Vicario ses parents, mais il ne prit paffaire au tragique.

Doux Jsus ! blagua-t-il. Quest-ce qu

Monseigneur va en penser ? Pourtant, avant dachever son repas, il se souvint d

aroles de son ordonnance, rapprocha les deux nouvellt dcouvrit tout de suite quelles se raccordaient commeux pices dun puzzle. Il se dirigea alors vers la pla

ar la rue du nouveau port dont les maisonommenaient sanimer pour la venue de lvque. Jme souviens avec certitude quil tait presque cinq heurt quil commenait pleuvoir , me dit le colonel Laza

Aponte. En cours de route, trois personnes lavaierrt pour lui confier loreille que les frres Vicar

ttendaient Santiago Nasar pour le tuer, mais une seuvait pu lui prciser lendroit.

Il les dcouvrit dans la boutique de Clotilde ArmentQuand je les ai vus, je me suis dit quils voulaien

implement faire les bravaches, mexpliqua-t-il avec ogique particulire, car ils taient moins sols que je ne ensais. Il ne les interrogea mme pas sur leu

ntentions : il leur confisqua leurs couteaux et les envoye coucher. Il les traitait avec cette mme suffisance qui avait servi esquiver les craintes de son pouse.

Rflchissez. Que va dire lvque sil vous trouv


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ans cet tat ?

Ils sortirent. Linsouciance du maire causa unouvelle dception Clotilde Armenta qui pensait quurait d coffrer les jumeaux jusqu ce que vrit so

aite. Le colonel Aponte lui montra les couteaux commn argument dfinitif.

Ils nont plus de quoi tuer personne, dit-il.

Il ne sagit pas de cela, dit Clotilde Armenta. audrait mieux dlivrer ces malheureux garons dhorrible obligation qui leur est tombe dessus.

Elle lavait pressenti. Elle avait la certitude que lerres Vicario taient moins soucieux dexcuter entence que de trouver quelquun qui leur rendt ervice de les en empcher. Mais le colonel Aponte tan paix avec sa conscience.

On narrte personne sur de simples soupons, di. Maintenant, ce quil faut faire, cest prvenir Santiag

Nasar, et aprs cela, bonne nuit et dormez bien !

Clotilde Armenta devait affirmer sa vie durant que rsence excessive du colonel Aponte lui apportait uertain genre de malheurs ; moi en revanche, je onsidrais comme un homme heureux, bien quun peerturb par la pratique du spiritisme quil avait appr

ar correspondance. Son comportement, ce lundi-l, fut reuve flagrante de sa lgret. En fait, il oubl


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ompltement Santiago Nasar jusquau moment o il it sur le port et se flicita davoir pris une aussi juscision.

Les frres Vicario avaient fait part de leur intention

lus de douze personnes venues acheter du lait et celles-avaient bruite aux quatre coins du village avant seures du matin. Il paraissait impossible Clotild

Armenta quon pt lignorer dans la maison den face. Elensait que Santiago Nasar ne sy trouvait pas car elavait pas vu sa chambre sallumer, aussi demanda-t-el

tous ceux quelle servit de le prvenir l o ils encontreraient. Elle avisa mme le pre Amador paintermdiaire de la novice de service qui venait achete lait des bonnes soeurs. Aprs quatre heurepercevant de la lumire dans la cuisine de Plcida Liner

lle avait envoy un dernier message urgent VictorGuzmn par la mendiante qui tous les jours passait l-bumander un peu de lait. Lorsque le bateau de lvque mit beugler, presque tout le monde tait sur pieour le recevoir et nous ntions que quelques-uns

gnorer encore que les frres Vicario attendaient Santiag

Nasar pour le tuer ; en outre, le motif tait connu dans semoindres dtails.

Clotilde Armenta navait pas fini de vendre son laue les frres Vicario revenaient avec deux autrouteaux envelopps dans des journaux. Lun tait u

outeau dcouper, avec une dure lame rouille de dou


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ouces de long sur trois pouces de large, que PedVicario avait fabrique avec le mtal dune scie hantourner, lpoque o les couteaux allemandarrivaient plus cause de la guerre. Lautre tait pluourt, mais large et recourb. Le juge dinstruction lava

essin dans son rapport, nayant pu le dcrire peut-trt se risquant tout juste indiquer quil ressemblait uimeterre en miniature. Cest avec ces deux couteaux-ludimentaires et trs usags, que le crime fut commis.

Faustino Santos ne put comprendre ce qui sta

ass. Ils revinrent affter les couteaux, me dit-il, et ie remirent gueuler, pour quon les entende, quillaient triper Santiago Nasar ; si bien que jai cru quie fichaient de ma figure, dautant plus que je navais paegard les couteaux et que je pensais que ctaient le

mmes. La deuxime fois, pourtant, Clotilde Armenvait remarqu ds leur entre quils paraissaient moincids.

En ralit, ils avaient eu leur premier dsaccord. Noeulement ils taient beaucoup plus diffrents quils ne

araissaient au physique, mais dans les situationlicates ils montraient des caractres franchemenpposs. Leurs amis lavaient constat ds lcorimaire. Pablo tait lan de six minutes et il se montlus dcid et plus imaginatif que son frre jusquadolescence. Pedro Vicario me sembla toujours plu

entimental et par l mme plus autoritaire. vingt an


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s staient prsents ensemble au conseil de rvision ablo Vicario avait t exempt comme soutien d

amille. Pedro Vicario servit durant onze mois dans curit du territoire. La discipline de larme, ajoute eur de la mort, fit mrir sa vocation de commandemen

t son habitude de dcider pour son frre. Il en rapporussi une blennorragie de caporal-chef qui rsista auraitements de choc de la mdecine militaire aussi bieuaux piqres darsenic et aux purgations dermanganate du docteur Dionisio Iguaran. On ne russle gurir quen prison. Nous reconnaissions, nous, s

mis, que Pablo Vicario stait brusquement repli danne trange soumission de petit dernier le jour o Ped

Vicario avait regagn le domicile familial avec unrrogance de chien de quartier et cette nouvelle maniuil avait prise de relever sa chemise pour montrer q

oulait la voir une cicatrice de balle en ston au cauche. Il en arriva mme prouver une sorte derveur devant la blennorragie de grand homme que sorre exhibait comme une dcoration pour faits de guerr

Ce fut Pedro Vicario qui, selon ses propres aveux, pr

a dcision de tuer Santiago Nasar, alors que son frrans un premier temps, se contenta de le suivre. Mais c

ut galement lui qui, lorsque le maire les eut dsarmonsidra la mission rparatrice accomplie, ce qui inciablo Vicario prendre la mission en main. Aucun d

eux ne mentionna cette divergence dans les dpositionaites sparment devant le juge dinstruction. Pourtan


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ablo Vicario me confirma plusieurs reprises ? quil eueaucoup de mal convaincre son frre de mener laffaison terme. Il ne faut peut-tre voir l quun bref acc

e panique, mais le fait est que Pablo Vicario entra seans la porcherie y chercher les deux nouveaux couteau

andis que son frre tait lagonie en essayant durinoutte goutte sous les tamariniers. Mon frre n

amais connu a, me dit Pedro Vicario. Ctait comme si issais du verre pil. Il treignait encore larbre quanablo Vicario tait rapparu avec les couteaux. Louleur lui donnait des sueurs froides, mexpliqua celui-ct il voulut me dire daller seul l-bas car il ntait pas etat de tuer qui que ce ft. Il stait assis sur un dtablis quon avait disposs sous les arbres pour le repae noce et avait baiss son pantalon jusquaux genouIl mit au moins une demi-heure changer la gaze qui l

nveloppait la ququette , me dit Pablo Vicario. Ealit, Pedro Vicario navait gure tard plus de dminutes, mais lopration avait paru si complique et

nigmatique son frre quil lavait interprte commne nouvelle ruse pour gagner du temps jusquau pet

our. Il lui avait donc gliss le couteau dans la main avait entran presque de force la recherche dhonneur perdu dAngela.

Impossible de faire autrement, lui avait-il dit. Ceomme si la chose avait dj eu lieu.

Ils sortirent par lpais vantail de la porcherie av


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ieux journaux pour ranimer le feu. Je savais ce quimijotaient, me dit-elle, et non seulement jtais daccormais jaurais refus dpouser Pablo sil stait drob on devoir dhomme. Avant dabandonner les lieuablo Vicario arracha plusieurs feuilles la liasse et e

endit une partie son frre pour envelopper louteaux. Prudencia Cotes resta l plante dans la cuisinttendant de les voir sortir comme ils taient entrs ; dors, sans un instant de dcouragement, elle allattendre pendant trois ans le jour o Pablo Vicarortirait de prison et deviendrait son poux pour

meilleur et pour le pire.

Soyez prudents , leur lana-t-elle.

Clotilde Armenta ne manquait donc pas de bon senuand elle crut dceler chez les jumeaux plus de tideu

t leur servit une bouteille de tord-boyaux dontrebande avec lespoir de les achever. Jai compris cour-l combien nous, les femmes, nous sommes seules a

monde ! me dit-elle. Pedro Vicario lui demanda de lrter, pour se raser, le ncessaire de son mari, et elle l

pporta le blaireau, le savon, la glace portative, le rasovec une lame neuve, mais il prfra utiliser son couteaucouper. Pour Clotilde Armenta, ctait le comble d

machisme. On aurait dit un dur comme dans les films ommenta-t-elle. Il mexpliqua plus tard, et ctait vrau la caserne on lui avait appris se raser avec un raso

e barbier et quil en avait pris lhabitude. Son frre, lu


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e rasa plus modestement avec le rasoir mcanique prar don Rogelio de la Flor. Aprs quoi, ils burent tr

entement la bouteille, en silence, contemplant, avec cir hbt des gens qui nont pas ferm loeil, la fentrteinte de la maison den face, tandis que de prtendu

lients entraient sous le prtexte fallacieux dacheter dait et demandaient des produits qui nexistaient pas, rieue pour constater que les jumeaux attendaient bieantiago Nasar pour le tuer.

Les frres Vicario ne devaient pas voir cette fent

clairer. Santiago Nasar rentra chez lui quatre heuringt mais il neut pas allumer pour gagner sa chambr

a lampe de lescalier brlant toute la nuit. Il se jeta suon lit dans lobscurit, tout habill, car il ne lui restauune heure pour dormir, et cest ainsi que Victor

Guzmn le dcouvrit quand elle monta le rveiller pouller recevoir lvque. Nous nous tions attards lui moi au doux asile de Maria-Alexandrina Cervantusqu plus de trois heures, cest--dire jusquau mome elle avait renvoy les musiciens et teint la piste danse du patio pour que ses multresses de joie puissen

ller seules au lit se reposer. Cela faisait trois jours et trouits quelles travaillaient sans fermer loeil, dabord eccueillant discrtement les htes dhonneur du mariagt ensuite en soulageant en vrac et sans manires ceuentre nous que la grande bacchanale avait laiss

nsatisfaits. Maria-Alexandrina Cervantes, dont nouisions quelle ne dormirait quune fois morte, tait

chronique_d´une_mort_annoncee_garcia_marquez_gabriel

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