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Chiens de lièvre En mars dernier, M. Paul Wilkens, au sujet d'un concours de meutes dont il était président du jury, m'écrivait : « Les épreuves ont été très réussies, mais la moitié des lots était composée de Briquets, et ils n'étaient pas les plus mauvais. Que faut-il faire pour amener les éleveurs de chiens courants à sélectionner sur un type de race reconnue ? » Il est facile d'expliquer pourquoi les coureurs de lièvres ne s'en tiennent pas uniquement aux races reconnues. Il est beaucoup plus malaisé d'indiquer un moyen de les encourager à n'élever et n'utiliser que des chiens d'un type pur bien fixé et officiellement reconnu. Pour bien comprendre la situation, il est nécessaire de comparer le présent au passé. Pour cela, il faut même remonter à cent ou cinquante ans, époque à laquelle le courre du lièvre était très pratiqué. À ce moment-là, les vrais et grands équipages spécialisés dans le courre du lièvre étaient fort nombreux. Ils chassaient, bien entendu, presque tous à cheval. Ce détail est particulièrement important à souligner et explique bien des choses. À la fin de son excellent Manuel de vénerie française — édition de 1902, — le comte Lecoulteux publie une statistique des équipages qui existaient alors. Soixante équipages, sur lesquels il avait obtenu des précisions, chassaient le lièvre à courre. Trente-six avaient de vingt à quarante chiens ; trente-neuf avaient de dix à vingt chiens. Sur quarante-trois autres meutes, comprenant de dix à vingt chiens, il n'avait aucun détail, ni sur le gibier chassé, ni sur la race employée. Il est très vraisemblable que sur cet ensemble de meutes à effectif relativement restreint bon nombre chassaient le lièvre. Il y avait donc une centaine de meutes spécialisées sur le lièvre — sans compter un grand nombre de petits lots qui n'étaient pas considérés comme des équipages. Il est très instructif de voir quelles étaient les races utilisées. Elles étaient fort nombreuses. Dans certains équipages côtoyaient parfois deux ou trois variétés : Français et Anglo- Français ; Anglo-Français et Anglais. Parfois même des Briquets y étaient adjoints. Voici les équipages cités : Saintongeois (2) ; Anglo-Vendéens (2) ; petits Griffons vendéens (5) ; Porcelaines avec grands Vendéens (1) ; Beagles-Harriers (4) ; Anglo-Vendéen ( 1 ) ; Anglo-Saintongeois ( 1 ) ; Griffons de Cosse (4) ; Beagles (3) ; Harriers (4) ; Ariégeois (4) ; Gascon-Poitevin (1) ; Briquets d'Artois (2) ; Gascons (2) ; Beagle-Harrier et Harrier ariégeois (2) ; Poitevins (6) ; Anglo-Poitevins (6) et enfin des Gascons-Saintongeois, qui battent le record avec quinze meutes. Parmi ces différentes variétés, certaines ont complètement disparu : Saintongeois, Griffon de Cosse, Anglo-Saintongeois, grands Vendéens.

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Chiens de lièvre

En mars dernier, M. Paul Wilkens, au sujet d'un concours de meutes dont il était président du jury, m'écrivait : « Les épreuves ont été très réussies, mais la moitié des lots était composée de Briquets, et ils n'étaient pas les plus mauvais. Que faut-il faire pour amener les éleveurs de chiens courants à sélectionner sur un type de race reconnue ? » Il est facile d'expliquer pourquoi les coureurs de lièvres ne s'en tiennent pas uniquement aux races reconnues. Il est beaucoup plus malaisé d'indiquer un moyen de les encourager à n'élever et n'utiliser que des chiens d'un type pur bien fixé et officiellement reconnu. Pour bien comprendre la situation, il est nécessaire de comparer le présent au passé. Pour cela, il faut même remonter à cent ou cinquante ans, époque à laquelle le courre du lièvre était très pratiqué. À ce moment-là, les vrais et grands équipages spécialisés dans le courre du lièvre étaient fort nombreux. Ils chassaient, bien entendu, presque tous à cheval. Ce détail est particulièrement important à souligner et explique bien des choses. À la fin de son excellent Manuel de vénerie française — édition de 1902, — le comte Lecoulteux publie une statistique des équipages qui existaient alors. Soixante équipages, sur lesquels il avait obtenu des précisions, chassaient le lièvre à courre. Trente-six avaient de vingt à quarante chiens ; trente-neuf avaient de dix à vingt chiens. Sur quarante-trois autres meutes, comprenant de dix à vingt chiens, il n'avait aucun détail, ni sur le gibier chassé, ni sur la race employée. Il est très vraisemblable que sur cet ensemble de meutes à effectif relativement restreint bon nombre chassaient le lièvre. Il y avait donc une centaine de meutes spécialisées sur le lièvre — sans compter un grand nombre de petits lots qui n'étaient pas considérés comme des équipages. Il est très instructif de voir quelles étaient les races utilisées. Elles étaient fort nombreuses. Dans certains équipages côtoyaient parfois deux ou trois variétés : Français et Anglo-Français ; Anglo-Français et Anglais. Parfois même des Briquets y étaient adjoints. Voici les équipages cités : Saintongeois (2) ; Anglo-Vendéens (2) ; petits Griffons vendéens (5) ; Porcelaines avec grands Vendéens (1) ; Beagles-Harriers (4) ; Anglo-Vendéen ( 1 ) ; Anglo-Saintongeois ( 1 ) ; Griffons de Cosse (4) ; Beagles (3) ; Harriers (4) ; Ariégeois (4) ; Gascon-Poitevin (1) ; Briquets d'Artois (2) ; Gascons (2) ; Beagle-Harrier et Harrier ariégeois (2) ; Poitevins (6) ; Anglo-Poitevins (6) et enfin des Gascons-Saintongeois, qui battent le record avec quinze meutes. Parmi ces différentes variétés, certaines ont complètement disparu : Saintongeois, Griffon de Cosse, Anglo-Saintongeois, grands Vendéens.

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Le Briquet d'Artois a été détruit par ceux qui en ont voulu faire un Artésien normand totalement inapte à la chasse à courre du lièvre. Le Porcelaine, encore assez peu répandu en dehors de la région de l'Est, fut croisé avec le Harrier gris et constitua d'excellentes meutes de lièvres, surtout dans l'Ouest. Le Gascon saintongeois, si prospère à cette époque, n'a plus, actuellement, qu'un effectif très réduit, de même que le Gascon lui-même. En réalité, nous ne trouvons plus en nombre

respectable que les Beagles-Harriers, les Beagles et les Ariégeois. Les vrais Harriers sont rares. Le Beagle-Harrier a été très éprouvé, en nombre et en qualité, par la disparition des deux meilleurs équipages de cette variété, aussi bien comme type que comme qualité : l'équipage Grandin de l'Épervier et l'équipage du baron Gérard. Il a souffert alors d'une conception erronée qui préconisait la prédominance du type Beagle. L'erreur est officiellement réparée. Mais il faut encore attendre pour que le vrai type et la qualité soient revenus. C'est donc le Beagle qui a toutes les faveurs parmi les chiens anglais. Encore faut-il, pour avoir avec le Beagle un vrai chien de chasse à courre, ne pas tomber dans le lourdaud, ou le chien de trop petite taille. Les premiers équipages de Beagles, en France, furent ceux du comte de Chabot et du comte de Beauregard. Ils prenaient d'ailleurs très allègrement et très couramment leur lièvre. Mais il ne faut pas oublier que le premier sélectionnait ses Beagles aux environs de 0m,43, et le second aux environs de 0m,45, c'est-à-dire sensiblement au-dessus de la taille maxima du standard. S'ils ont agi ainsi, ce n'est pas par pure fantaisie, mais parce qu'ils avaient reconnu l'utilité des grands Beagles pour prendre. La vitesse n'est pas exclusivement sous la dépendance de la taille, mais, au-dessous d'une certaine taille, on peut redouter que — si le train est suffisant avec ces petits Anglais, très énergiques et très résistants — la pointe de vitesse peut manquer au moment du relancer, lorsque l'animal est sur ses fins. À ce moment-là, il faut nécessairement des chiens qui soient capables de prendre le lièvre. Bien des chasseurs de lièvre, possédant des Beagles qui chassent admirablement, et qui forcent presque leur lièvre, ne manquent la prise que parce que leurs chiens n'ont pas cette pointe de vitesse nécessaire. J'ai eu une chienne de 0m,55, de sang harrier porcelaine, qui chassait d'une façon très ajustée et qui ne semblait pas très vite. Mais, sur le relancer final, elle avait un tel galop que c'est presque toujours elle qui happait l'animal. Du côté du chien anglais, il y a encore de la ressource. Mais tout le monde n'aime pas le chien anglais et sa façon de chasser. Alors ? ... En chien français, que reste-t-il ? Très peu de chose. Le Briquet Griffon vendéen, terriblement entreprenant, pouvait faire le bonheur de ceux qui aiment des chiens qui poussent vigoureusement. Il a été éclipsé par son frère, le Basset Griffon vendéen, parce que la plupart des Vendéens, passionnés du courre du lièvre voulaient un chien un peu moins vite que le Briquet. C'est pour cela d'ailleurs qu'ils ont sélectionné un grand Basset — du type Dezamy, comme on disait alors, — un Basset qui dépassait la taille maxima et qui se rapprochait un peu du type cob. Un tel chien pouvait forcer un lièvre. Mais, depuis la libération, j'ai jugé des Bassets Griffons vendéens, très beaux par rapport au standard, mais plus faits en cigares qu'en cobs. Ils ne seraient certainement pas de vrais preneurs de lièvres.

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Il existe encore quelques Harriers Porcelaines, notamment ceux de M. Mortier, qui sont très bien comme modèle, et que l'on dit excellents en chasse. Mais une famille ... c'est peu pour fournir un contingent important. La véritable source de sang français pour le lièvre est donc l'Ariégeois. Je ne m'explique pas pourquoi ce chien est aussi peu connu et employé. Cela tient peut-être à ce que l'on a eu ou vu comme Ariégeois ... les armoires à glace de type gascon ... qui sont évidemment trop importants et trop lents pour le courre du lièvre. J'ai eu cette impression défavorable lorsque, très jeune chasseur, j'ai voulu essayer de l'Ariégeois. J'ai reçu deux chiens qui n'étaient que des Gascons et qui traînaient derrière mes autres chiens. Mais le véritable Ariégeois — plus Saintongeois que Gascon, et avec une mentalité briquette — est un excellent chien de lièvre. Nous nous trouvons donc devant cette certitude : la plupart des races autrefois coureuses de lièvres ne sont plus. Mais, en supposant qu'elles existassent encore, elles ne représenteraient pas l'idéal de l'immense majorité des chasseurs de lièvre d'aujourd'hui. Autrefois, presque tous les équipages de lièvre chassaient à cheval. Aujourd'hui, ceux qui ont les moyens d'entretenir une meute nombreuse, avec piqueurs et chevaux, ne sont plus qu'une petite minorité. Ils sont d'ailleurs tentés de chasser chevreuils ou cerfs. Le courre du lièvre est plutôt pratiqué par des fanatiques aux moyens plus modestes, qui ne possèdent qu'une petite meute et qui suivent à pied. C'est là un point capital. Tels chiens qui pouvaient être très bons et prendre, conduits et secondés par les cavaliers, seraient beaucoup moins brillants et moins appréciés, suivis de loin par des hommes à pied. Ils le seraient encore bien moins qu'ils n'auraient pu l'être autrefois. La chasse au lièvre, déjà bien délicate, s'est considérablement compliquée, surtout en plaine, par la plus grande diversité des cultures, par les engrais chimiques et les acides, par les chemins empierrés de silex et par les routes goudronnées puantes des senteurs d'essence et d'huile. Dans un prochain article, je montrerai l'énorme différence qui existe, dans les cas particulièrement désavantageux, entre la meute servie par des cavaliers et celle qui n'est suivie que par des personnes à pied ; l'embarras extrême des coureurs de lièvre modernes pour le choix d'une race ; et l'unique palliatif contre la trop grande diversité de leurs chiens. Paul DAUBIGNÉ. Le Chasseur Français N°643 Septembre 1950 Page 531 Chiens de lièvre Lorsque l'animal de chasse (1) est passé sur des champs ou des routes nauséabondes, il ne laisse derrière lui aucune senteur perceptible. La voie a disparu. Les chiens les plus ajustés et les plus fins de nez sont incapables de relever le défaut sur place. Il faut nécessairement aller chercher la voie ailleurs, dans les endroits plus propices, où elle subsiste. Dans les équipages montés, il est bien rare qu'un cavalier ne soit pas tout près des chiens. Il arrive même souvent que l'un des cavaliers ayant pris les devants ait vu la ruse du lièvre. En y portant immédiatement, mais doucement, la meute, la difficulté est résolue sans retard. Si personne n'a été témoin de la ruse, les cavaliers sont tout de suite prêts à faire manœuvrer les chiens. Lorsqu'il n'y a que des suiveurs à pied, il en est tout autrement. Ils ne peuvent pas être régulièrement et tout de suite aux chiens au moment du défaut. Il faut donc que les chiens, de leur propre initiative, se débrouillent seuls. Les chiens très sages et très ajustés, chassant exclusivement en chiens d'ordre, n'ont généralement point assez d'initiative. Si la plupart des races qui constituaient la majorité des meutes de lièvre d'autrefois ont disparu, c'est surtout parce qu'elles ne répondaient plus aux besoins des nouveaux coureurs de lièvre à pied. Dès qu'une race manque de clientèle ; elle se raréfie et est menacée de s'éteindre.

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Aucune variété, parmi les races qui subsistaient ne s'imposait réellement au choix des petits veneurs. Les petits Poitevins, qui, sans conteste, étaient les meilleurs chiens de courre à utiliser, paraissent trop importants pour beaucoup, à une époque où l'on y regarde non seulement à l'encombrement, mais surtout aux dépenses d'entretien. Au surplus, lorsqu'on chasse en plaine, une meute de grands chiens évoluant au milieu des récoltes est plus mal vue des paysans qu'un lot de chiens de taille et de poids réduits. Les Harriers ? Exclusivement pour les équipages montés. Les purs Français ? Pas assez d'initiative livrés à eux-mêmes. Les Beagles et les Bassets vendéens ? Pour beaucoup, pas assez de taille pour pousser vigoureusement et rapidement l'animal. Je comprends d'autant mieux leurs inquiétudes et leurs hésitations que j'ai éprouvé la même grande perplexité, après la guerre 1914-1918. Je partais de zéro, avec l'idée bien arrêtée de chasser plus spécialement le lièvre à courre, avec des chiens relativement vite. Avant 1914, j'avais essayé pas mal de chiens de différentes races, sans être très emballé ni par les unes ni par les autres. Naturellement, pour l'immédiat, je me suis procuré des Briquets, mais, pour l'avenir, allais-je acquérir des chiots de race reconnue ? Allais-je tout simplement élever une chienne qui me restait, fille d'un Harrier-briquet et d'une Beagle-harrier, l'un et l'autre excellents meneurs et chiens de chemin ? Un de mes amis possédait curieuse idée ! comme chien de compagnie, car il ne chassait pas au chien courant, un superbe Harrier porcelaine d'excellente origine, de fin nez et très allant avec du train. J'ai donné ma chienne à ce Harrier-porcelaine — j'étais définitivement lancé dans le petit anglo-français, que j'ai sélectionné de mon mieux et qui m'a donné entière satisfaction. Bon nombre de coureurs de lièvre ont, eux aussi, adopté le petit Anglo-français et, devant sa popularité croissante, je me suis évertué de faire reconnaître officiellement cette variété. D'autres ont pris du Beagle, d'autres du Harrier ou Briquet-griffon, d'autres du Beagle-harrier. Les épreuves de meutes ne donnent pas une idée totale de l'ensemble des meutes, mais elles sont tout de même le reflet de l'orientation de chasseurs vers telle ou telle variété. Le premier concours de meutes sur lièvre qui fut organisé en France eut lieu à la Bastide-de-Sérou. En pleine Ariège, il n'y eut que des meutes composées d'Ariégeois ou de chiens de sang bleu. Plus tard, la première épreuve organisée en Vendée, il y a déjà 25 ans, réunit uniquement des Bassets et des Briquets griffons vendéens. Mais, rapidement, on constata une orientation toute nouvelle. Aux épreuves de Resteau d'avant-guerre, il y avait surtout des Beagles. Il y eut aussi des Ariégeois et des Bleus, des Porcelaines et (chose tout à fait invraisemblable) il y eut un lot de Bassets artésiens normands ! C'est comme si, dans une compétition sportive ou une démonstration gymnique, un facétieux ou un inconscient s'avisait d'exhiber une section de rachitiques, de bossus et de bancals. Il y eut aussi les Anglo-français de Dagorn, qui sont des chiens qui marchent terriblement. L'an dernier, aux épreuves de Vendée, il n'y avait plus un seul lot de Griffons, uniquement des Beagles et des Beagles-harriers, et les chiens de Dagorn, qui firent un hallali sensationnel dans les rues de La Roche-sur-Yon. Cette année, aux épreuves de Bretagne, sur les lots engagés, il y avait deux meutes de Beagles et Beagles-harriers et six d'Anglo-français plus ou moins typés, plus ou moins homogènes et où figuraient même parfois en majorité des Briquets d'aspect et de taille très divers. Dagorn, qui ne manque pas une manifestation de ce genre, y était avec ses chiens et ceux de deux de ses camarades de chasse ; aucune autre meute n'a forcé. Le temps n'était d'ailleurs pas favorable. Mais Dagorn a pris son lièvre en cinquante-cinq minutes ! Il est certain que l'on ne devrait pas sacrifier délibérément la question du modèle et du type. L'idéal est le beau et bon

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chien. Mais chasser vigoureusement et prendre est tout de même un plaisir plus vif et plus passionnant que d'admirer des chiens types et homogènes au chenil. À l'heure actuelle il n'est pas douteux que l'orientation se fasse vers l'Anglo-français de moyenne et de petite taille. Si, dès 1930, lorsque j'ai entrepris ma campagne, on avait bien voulu se rendre compte de la réalité et mettre de l'ordre officiel dans toutes ces variétés d'Anglofrançais, on serait peut-être parvenu à obtenir deux ou trois types homogènes et fixes. Maintenant, c'est chose faite, mais depuis 1949 seulement. Et j'ai très peur qu'il ne soit trop tard ! D'abord, il règne une ambiance qui n'est pas favorable aux oeuvres de patience et de longue haleine. Dans tous les domaines, la mode est de réussir très vite : honneurs, enrichissement, etc., etc. ... Pourquoi les chasseurs ne subiraient-ils pas cette ambiance ? Ils veulent avoir tout de suite des chiens qui chassent. Pourvu qu'ils chassent, peu importe la pureté et l'homogénéité ! Ensuite, les vieux, qui recommencent, n'ont pas le courage d'entreprendre une sélection nouvelle et longue. Enfin, parce que les jeunes, qui ont le temps et l'avenir devant eux, ne sont plus dans la situation des débutants d'il y a cent ou cent cinquante ans. Ces jeunes d'autrefois trouvaient souvent dans leurs familles même, ou chez des amis, une souche toute prête de chiens de lièvre. Ils avaient, au surplus, des loisirs que n'ont pas les jeunes d'aujourd'hui et pouvaient s'occuper de leur élevage minutieusement. Avec la dureté de la vie, les pauvres fanatiques de maintenant ont des situations et des obligations qui ne leur permettent plus de s'occuper constamment de leur élevage. Cet élevage se fait au hasard ; chacun sélectionne ... ou ne sélectionne pas, mais élève selon sa fantaisie et dans son type. D'où la grande diversité entre toutes ces familles de petits Anglo et même au sein d'une même famille. Le grand problème consiste à persuader ces amateurs d'Anglo-français qu'ils peuvent et doivent chercher quelque chose de typé et d'homogène. À l'heure actuelle, cette homogénéité me paraît difficile, parce que les souches les plus diverses ont été utilisées. Mais, dans l'avenir, il devrait être possible d'améliorer la situation, car, en réalité, il n'y a vraiment que deux sangs français auxquels on peut faire appel : le Porcelaine par le harrier-porcelaine et l'Ariégeois. Le gros écueil réside en ce qu'il n'y a ni suite dans les idées, ni directive dans cette production de l'Anglo-français, du fait que la plupart des amateurs d'Anglo-français disséminés dans diverses régions ne se connaissent pas. Je ne vois à cela qu'un seul remède, je n'ose pas dire efficace, mais possible : c'est, comme je l'ai déjà suggéré dans ces mêmes colonnes du Chasseur Français, qu'ils se groupent en un club. Ce sera pour eux le moyen de se connaître, de discuter, d'orienter l'élevage vers un ou deux types principaux, ce sera un moyen pour eux d'échanger des saillies et des chiots, pour le plus grand bien de leur élevage. Paul DAUBIGNÉ. Le Chasseur Français N°644 Octobre 1950 Page 595 Chiens de lièvre Parlons maintenant des vrais chiens de lièvre : les chiens courants. Dans quelques années, on ne songera peut-être au lièvre et à sa chasse que comme un lointain souvenir. Le lièvre, en effet, dans bien des régions, est en voie de disparition. Mais il y a encore des mordus inguérissables qui conservent toujours la foi. Il faut avoir vraiment la foi, devant la raréfaction du lièvre et les difficultés de plus en plus grandes de sa chasse, pour persister dans la poursuite de cet animal avec des chiens courants. Dernièrement, j'ai eu la grande satisfaction de recevoir la lettre d'un jeune débutant qui me demandait des conseils, en m'avouant qu'il était un mordu, et qu'il ne chassait pas pour le garde-manger, mais pour les grandes émotions de la chasse au chien courant. Que des vieux gardent l'espérance et le feu sacré, c'est déjà très consolant. Mais je trouve très beau et très

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réconfortant que des très jeunes se lancent avec espoir et confiance dans ce sport si captivant et qui ménage peut-être de plus en plus de déceptions. Eh bien ! c'est à ces jeunes mordus que je m'adresse pour les encourager et pour leur donner quelques conseils. Conseils pratiques puisés dans une longue expérience, et non des affirmations de théoricien en chambre. Lorsque mon excellent collègue et ami de Kermadec constate que le petit chien courant de train moyen et même de train ralenti, pourvu qu'il soit requérant et suffisamment allant, est de plus en plus en faveur et est le chien de l'avenir, il a certainement raison dans un certain sens. Pour beaucoup de petits chasseurs qui ne veulent pas (ou ne peuvent pas), par suite de leur territoire de chasse assez restreint, permettre à leur animal de chasse de s'éloigner trop rapidement du lancer, cela se conçoit très aisément. Ils espèrent tirer l'animal le plus rapidement possible. Mais les mordus, les vrais, ne sauraient se contenter de cette chasse au ralenti et trop vite écourtée par le coup de fusil qui tue le lièvre ... et toutes les joies et toutes les émotions. Qu'il chasse à courre ou simplement à tir, le mordu se moque bien de la prise ou de la mort du lièvre. Même lorsque le fusil doit jouer son rôle final, ce qu'il aime, ce qui le passionne, ce qui le ravit, c'est la menée de la meute, c'est la musique des chiens, c'est tout l'enchantement, toute la poésie, tout l'imprévu, c'est l'oubli total de tout ! Pour qu'il se passionne vraiment, il faut que cette lutte de vitesse et de finesse entre les chiens et l'animal soit ardente et vive. Avec des chiens lents et qui trament sur la voie, on n'a rien de tout cela. On écoute, on se poste, on attend. Le lièvre passe. Pan ! Il fait la culbute. C'est fini ! Pour eux, la vraie chasse au lièvre, ce n'est pas cela. C'est autre chose de plus mouvementé, de plus prolongé, de plus palpitant. Mais, pour palpiter, il faut avoir des chiens qui vont de l'avant, qui foncent, qui talonnent l'animal, il faut des chiens entreprenants et vites. Pour ma part — et les vrais mordus pensent certainement comme moi, — je n'ai jamais vibré avoir et à entendre des chiens ravaudant sur la voie, ou la suivant mollement et lentement. Quel plaisir peut-on éprouver à voir et à entendre un pauvre basset infirme et sans entreprise s'époumoner à crier pendant une demi-heure, sur une distance de deux ou trois cents mètres ? Et il y en a qui vont de ce train-là ! Ils mettent le nez en terre, ils s'arrêtent, poussent des hurlements, font deux mètres en avant, remettent le nez en terre, repoussant des hurlements, et, pendant ce temps-là, le lièvre est parti bien loin. Car, même devant des chiens lents, les lièvres ne les attendent pas toujours. On dit bien que tout animal devant les courants règle son train sur celui de ses poursuivants. En théorie, cela paraît normal et très logique. En fait, cela se produit assez souvent, mais pas invariablement et pas sur tous les terrains de chasse. Dans une chasse gardée et tranquille, où ils ne sont chassés que par des bassets extrêmement lents, comme les bassets artésiens normands, les lièvres ont pris conscience que leurs poursuivants sont parfaitement inoffensifs. Ils peuvent alors se promener et folâtrer devant eux. Mais, dans beaucoup de secteurs de chasse, banale ou communale, où ils sont assez, fréquemment bourlingués par des mâtins ou des corniauds, ils se sauvent le plus loin et le plus vite possible, quelle que soit l'allure de la meute. D'autre part, les spécialistes du courre du lièvre, possédant un véritable équipage, ne sont pas légion. La grande majorité des passionnés de la chasse du lièvre ne chassent qu'avec une meute réduite, et le plus souvent à tir, tout en s'offrant les joies de quelques bonnes randonnées, avant le meurtre. Ces petits chasseurs ont l'occasion, au hasard des rencontres, de lancer aussi bien un renard et même un sanglier. Ils n'ont pas la prétention de le forcer. Ils veulent le tuer. Mais, avec des chiens vites, on a bien plus de chances de tirer ces animaux qu'avec des chiens lents. Ils ne sont pas de ceux qui s'attardent à gambader près de la meute. Ils filent presque tout de suite et rapidement, sauf parfois lorsqu'ils se font battre dans une enceinte

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extrêmement fournie, où les chiens sont eux-mêmes bien empêtrés et sont incapables de pousser l'animal. Ils ne sont point non plus comme le lièvre et le chevreuil, qui ont la candeur de venir s'arrêter sur une allée, pour écouter et pour scruter l'horizon. C'est avant de sauter sur l'allée ou même de franchir l'allée d'un bond qu'ils prennent leurs précautions. Ils écoutent, ils flairent et, s'ils ont connaissance de quelque chose d'anormal, ils continuent leur route en bordure du layon, qu'ils ne franchiront que plus loin. Lorsqu'ils ont une grande avance devant les chiens, ils ont tout le temps et toutes les facilités d'être prudents. S'ils sont talonnés de près par des chiens vites, le danger immédiat de l'arrière les oblige souvent à négliger le danger possible à l'avant. Comme lieutenant de louveterie, j'ai fait pas mal de battues au sanglier et d'innombrables battues aux renards. J'ai toujours observé qu'on réussissait mieux avec des chiens rapides. C'est lorsque j'ai eu mes deux meilleurs et plus vites chiens de mon existence de chasseur que j'ai fait les chasses au renard les plus jolies, les plus captivantes et aussi les plus fructueuses. Une saison, dans un petit secteur boisé très restreint, où je ne convoquais à ces chasses que cinq ou six chasseurs de la commune, très épris de la chasse au chien courant et connaissant parfaitement les passages, nous avons fait douze sorties (où nous n'avons attaqué qu'un animal chaque fois, parce que la poursuite avait été longue). Nous avons tué onze renards à la randonnée devant les chiens et pris le douzième au terrier, après l'avoir vigoureusement chassé. Certains avaient même effectué de lointains débuchers. S'ils n'avaient pas été bousculés, ils ne seraient peut-être pas revenus, ou auraient peut-être trouvé un terrier ou un caniveau pour s'y cacher. J'ai souvent remarqué que, si un renard n'est pas lancé tout près de son terrier, ou s'il n'a pas l'idée de s'y mettre tout de suite, plus il est mené vite, moins il a de tendance à se terrer. Après un certain temps de chasse rapide, il hésite beaucoup à aller au terrier. Il est essoufflé et sait très bien qu'il y étoufferait. Un jour où mes chiens avaient chassé vivement un renard pendant trois heures, l'animal se terra. Mais, cinq minutes plus tard, il ressortait de lui-même de son trou où il ne pouvait plus respirer. Lorsqu'on le tua, il était raide comme un animal forcé. Et puis, dans le fond, chiens vites ou chiens lents, c'est surtout une affaire de goût. Mais je crois que tous les vrais mordus aiment que ça barde. Tenez, supposez que vous voyiez jouer la même pièce de théâtre par deux troupes différentes : l'une de mazettes qui hésitent, qui ne savent pas leur rôle ou le récitent bêtement : vous bâillerez, vous aurez envie de quitter la salle ; l'autre de grandes vedettes qui incarnent magistralement leurs personnages : vous êtes pris, vous êtes empoignés, vous vibrez, parce que vous vivez le drame ou la comédie. Eh bien ! les chiens lents et traînards sont pour moi ces déplorables acteurs qui ne savent pas leur rôle, qui gâchent la pièce à grand spectacle et vous gâtent le plaisir. Avec des chiens lents, j'ai l'impression que j'ai envie de bâiller ! Ça traîne, ça traîne, et cela n'aboutit à rien. Avec des chiens bien allants, requérants, débrouillards et vites, c'est de la chasse palpitante, ce sont des élans, ce sont des joies et des émotions incomparables pour tous ceux qui ont l'effroyable passion du chien courant. Paul DAUBIGNÉ. Le Chasseur Français N°663 Mai 1952 Page 274 Chiens de lièvre - Les spécialistes. Tous ceux qui ont pratiqué sérieusement la chasse du lièvre aux chiens courants savent qu'elle est si délicate et si difficile qu'il faut aux vrais bons chiens de lièvre des qualités nombreuses et différentes. Ils savent également qu'elles se trouvent très rarement réunies chez un même sujet. Elles sont, en effet, la conséquence et la manifestation de tempéraments très différents. Certains chiens ont des aptitudes très nettes et des goûts très marqués pour tel ou tel travail et pour telle ou telle façon de travailler. Ils sont ce que l'on peut appeler des spécialistes. Les principaux spécialistes sont, dans la préparation de la poursuite : les rapprocheurs et les lanceurs. Les spécialistes de la meute sont : les chiens très en avant, barreurs, les chiens de tête ; les chiens plus attachés à la voie que bien des veneurs classent en chiens de centre

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avancé et en chiens de centre pur ; les chiens qui ont tendance à relever les défauts de hourvari et enfin les chiens de chemin. Les rapprocheurs. Lorsque l'on chasse au bois, la première chose, et la chose indispensable, consiste à suivre la voie de la nuit pour arriver au gîte de l'animal. En longeant la lisière ou une allée, vos chiens découvrent la rentrée. Maintenant il s'agit de démêler tous les méandres de la piste parcourue par le lièvre avant de se gîter. Pour découvrir cette rentrée, il faut des chiens très requérants et très appliqués, car beaucoup de chiens trop vifs ou trop étourdis ne s'attachent à la voie que lorsqu'elle a été trouvée par un autre. Les chiens qui suivent bien cette voie de la nuit, scrupuleusement, mais avec assez d'allant, et en donnant franchement de la voix, sont dits excellents rapprocheurs. En général, on peut dire que le rapprocher est le triomphe des chiens français qui se distinguent tout particulièrement dans ce travail, grâce à leur très grande finesse de nez et à leur sagesse, mais à condition qu'ils ne soient pas musards ... Avec eux on perd un temps considérable. Les meilleurs rapprocheurs ne sont pas ceux qui lancent le mieux ... et lorsqu'on approche du gîte on voit alors des chiens d'un autre tempérament qui travaillent avec plus d'ardeur et plus d'efficacité : ce sont les lanceurs. Les lanceurs. Au moment psychologique, pourrait-on dire, il ne suffit pas de suivre la voie pied à pied, d'autant plus que beaucoup de lièvres ont soin d'entremêler leurs voies avant de se coucher. Pur pisteur jusque-là, le lanceur doit se révéler éventeur ... Il s'agit de contourner les cépées et les fourrés pour voir si cela ne sent pas bon par là. Vous voyez alors les lanceurs, qui ont l'intuition que l'animal est proche, abandonner la piste et flairer un peu partout aux abords des fourrés. Ils avancent considérablement le travail et empêchent l'animal de se dérober ... et de prendre trop d'avance avant que la meute n'ait eu connaissance de son départ. Un lièvre qui se dérobe ainsi se fait souvent chasser en forlonger, et quand la température est défavorable, cela ne va jamais très bien. Un lancer bien franc est toujours plus propice à une bonne menée. Lorsqu'on chasse uniquement en plaine et en plaine très découverte, on ne rapproche généralement pas. On lance au hasard, en se promenant avec les chiens sur les labours et les pâtis. Mais s'il s'agit d'une contrée où il existe beaucoup de haies, il faut des lanceurs d'un genre très spécial. Ils longent les haies à la façon d'un chien couchant, éventent l'animal et le lancent. Certains chiens affectionnent particulièrement ce travail. Pour chasser à courre, ils l'aiment même trop, car au moindre défaut ils n'ont qu'une idée, faire la haie et lancer. Ils provoquent ainsi des changes malencontreux. En principe, on peut dire que le chien très lanceur ne se recrute généralement pas parmi les chiens très ajustés, mais parmi les chiens très entreprenants et très débrouillards. Aussi les bons briquets sont-ils généralement des lanceurs remarquables. Les chiens barreurs. Voilà des spécialistes qui sont méprisés et redoutés par bien des chasseurs. Eh bien ! j’avoue que j'adore le chien barreur ... Mais, attention ! Il y a barreur et barreur ! Le chien fou, emporté, ambitieux et indiscipliné, qui ne songe qu’à cela : chasser seul, en avant ou sur les côtés de la meute, est détestable. Avec cela il est généralement emballeur et ne provoque le plus souvent que des défauts. Mais le vrai barreur que j'aime est celui qui, au moindre défaut, se porte résolument à la recherche de la voie, en avant ou sur les côtés du défaut. Ça c'est un chien précieux et c'est parmi ces barreurs qu'on trouve les chiens de tête. Le chien de tête. Tous les auteurs et tous les utilisateurs ne sont pas d'accord sur le chien de tête. Les uns (une minorité) estiment qu'on peut très bien se passer de chien de tête et qu'on chasse même mieux et plus agréablement sans chien de tête. Les autres (la majorité) déclarent le chien de tête la clef de la meute, c'est-à-dire l'élément essentiel et le meilleur. Cette diversité d'opinion vient surtout de ce qu'on se méprend souvent sur ce qu'est et doit être le chien de tête. Si l'on

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appelle ainsi un chien, parce qu'il est de pied très supérieur aux autres et les distance nettement sur la menée, il n'est pas douteux qu'il ne sert en rien le reste de la meute et qu'il lui est plutôt nuisible. En réalité il chasse seul, il essouffle les autres, qui ne peuvent faire aucun travail utile au moment opportun. Si l'on appelle chien de tête le chien ambitieux et emballeur, qui ne songe qu'à une chose : chasser seul et en avant des autres, ce chien-là est parfaitement nuisible. Mais le vrai chien de tête ne mérite pas cette appellation seulement parce qu'il a plus de train et chasse le premier sur la menée. Évidemment il faut qu'il ait assez de train pour conserver la tête sans pour cela surclasser de vitesse l'ensemble de la meute. Mais il est surtout chien de tête par sa grande finesse de nez qui lui permet de suivre sa voie en plein galop, sans hésitation ; par son esprit d'entreprise et son intelligence, qui lui permettent de relever les défauts avant ses compagnons, par sa sûreté dans sa menée (et non pas la fougue des emballeurs qui sont souvent en avant, mais qui ne font que suraller la voie et retarder la chasse plus qu'ils ne l'avancent), et enfin par son fond qui lui permet de tenir son rôle jusqu'à la fin. Naturellement le chien de tête est toujours un peu ambitieux ... et alors ce qui l'a fait souvent mal juger par certains chasseurs, c'est peut-être qu'ils ont fait chasser ensemble deux ou plusieurs chiens à mentalité de chiens de tête. Dans ces conditions, il vaut évidemment mieux n'en avoir pas du tout ! Ces chiens à mentalité de chiens de tête se jalousent, se gourmandent, s'emballent et ne font que des bêtises. J'en ai eu un comme cela. Lorsqu'on mettait un nouveau chien à la meute, il avait peur d'être détrôné de son poste avancé ; il devenait bricoleur et emballé. Mais, dès qu'il s'était aperçu que le nouveau n'était pas à craindre au point de vue du train, il reprenait son calme et redevenait un excellent chien de tête, sérieux et sûr. Pour ma part, je considère un vrai chien de tête comme un oiseau rare, mais combien précieux et combien merveilleux ! Lorsque vous entendez sa voix qui chante sans arrêt, vous vous dites : « Tout va bien ! » Lorsque surgit l'affreux silence d'un balancer ou d'un défaut, vous songez : « Il travaille en silence, mais il travaille. » Et lorsque sa voix chante de nouveau, vous êtes tranquille, vous êtes heureux, vous êtes repris par l'espérance. Mais oui, un vrai chien de tête, c'est ce qu'il y a de plus merveilleux dans une meute, lorsqu'il est bien secondé par les chiens de centre avancé. Paul DAUBIGNÉ. Le Chasseur Français N°664 Juin 1952 Page 337 Chiens de lièvre - Les spécialistes Les chiens de centre avancé (1). Quelques auteurs et quelques veneurs épris d'une très grande précision placent, entre le chien de tête et les chiens de centre avancé, ceux qu'ils dénomment les « chiens seconds », c'est-à-dire ceux dont la façon de chasser se rapproche beaucoup de celle des chiens de tête. Mais c'est là une distinction toute théorique, car elle dépend de la plus ou moins grande aptitude à chasser en avant. En réalité, c'est une question de plus ou moins d'entreprise, qu'il est bien difficile d'apprécier d'une façon absolue. Pour ne pas compliquer les choses par de simples suppositions ou par des appréciations plus ou moins exactes, on peut bien s'en tenir à une seule catégorie de ces chiens, moins entreprenants que les chiens de tête, mais plus entreprenants que les chiens de centre pur. En réalité, si l'on n'a pas un vrai bon chien de tête, ou si l'on n'admet pas la nécessité du chien de tête, les chiens de centre avancé sont ceux qui contribuent le plus à une menée sûre et de bon train. On chasserait certainement mieux avec des chiens de cette catégorie, sans chien de tête, qu'on ne chasserait avec un chien de tête, mais sans eux. Pour être vraiment bien monté, ce sont ces chiens-là qui doivent constituer le gros de la meute. Sur ce point, je crois que tout le monde est d'accord. Ce sont des chiens très ajustés et sages, qui mènent donc correctement, sans ambition, sans emballages, sans commettre d'imprudences. Pour être sages et bien ajustés, ils n'en sont pas moins débrouillards. Ils ne se décident pas aussi promptement à faire

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des cercles autour du défaut. Ils les entreprennent moins grands. Mais, au lieu; de faire du sur place absolument inopérant, dès qu'ils constatent que leurs recherches sûr les lieux mêmes de la difficulté restent vaines, ils se décident à aller de l'avant. Les Chiens de centre pur. Puisqu'on chasse fort bien avec un bon lot de chien de centre avancé, à quoi peuvent bien servir ceux de centre pur ? Oh ! évidemment, ils ne font pas d'étincelles ... Mais on s'aperçoit quelquefois, lorsque disparaît un chien de centre pur que l'on n'estime point à sa véritable valeur, que la chasse va moins bien que lorsqu'il jouait son rôle obscur. Ces chiens-là, qui ne se fient qu'à leur seul odorat sont généralement des chiens très fins de nez. D'autre, part, ils sont tenaces et s'acharnent sur les lieux mêmes du défaut. Eh bien ! ne serait-ce que pour le chasseur, ces chiens-là sont très utiles. Grâce à eux et grâce à leur ténacité, le chasseur, lorsqu'il rejoint sa meute dans le défaut, sait exactement où s'est produit la difficulté, il peut en déduire des impressions heureuses pour faire manoeuvrer les chiens, si ces derniers se montrent incapables de vaincre la difficulté par eux-mêmes. Sans ces chiens, qui souvent donnent de la voix longtemps sur place, le chasseur ne sait pas ou s'est produit le défaut. Et quelquefois, il y a intérêt à persévérer à l'endroit même du défaut et à ne pas trop se porter en avant, pour ne plus y revenir. Le lièvre peut s'être tapi tout près et ne pas se décider à partir. Il peut avoir fait sa double ... Si l'on n'a que des chiens très en avant, on peut perdre définitivement le contact avec l'endroit du défaut. Si, au contraire, vous en avez quelques-uns qui s'y maintiennent, vos autres chiens, au lieu de partir à l'aventure, reviennent les voir ! Tout le monde s'acharne à travailler plus prudemment ; et le succès vient parfois couronner le modeste travail des chiens de centre pur. Ainsi que je l'ai dit tout au début, un bon ensemble, agréable et efficace, est fait d'individualités aux qualités très distinctes et très dissemblables. Le marquis de Mauléon, dans son excellent petit opuscule intitulé : Du choix des chiens dans la formation d'un équipage, écrivait : « Douze chiens pour prendre un lièvre est un nombre plus que suffisant si les chiens vont bien ensemble et ont chacun leur spécialité. Un chien de tête, deux chiens seconds, trois chiens de chemin, ne pensant qu'aux chemins, et six autres chiens bien en meute pour rattraper les crochets, les indiquant bien jusqu'à ce que la tête ait repris sa place. » À propos de la chasse du chevreuil, il écrivait : « À mon avis, le chiffre de vingtquatre chiens est celui qui doit le mieux convenir, mais, pour être bien armé, tous les chiens ne doivent pas avoir la même manière ; je voudrais en avoir huit droits comme des chiens d'ordre, huit requérants comme des briquets et huit finissants comme des bâtards. » Il y a encore deux ou trois spécialistes dont la présence n'est pas indispensable, mais fort utile. Le chien qui a tendance à relever les défauts en arrière est très précieux en cas de hourvari. Mais il faut que ce soit un chien absolument sûr et dans lequel on puisse avoir une confiance absolue. Car, s'il n'est pas absolument sûr, cela pourrait bien être un chien qui a tendance à chasser le contre ... ce qui est une tare impardonnable. Le chien qui sur une voie double a conscience de cette double voie et coupe directement le crochet du retour, ça c'est un as. Il avance diablement les affaires. Quelquefois, sans avoir immédiatement la notion qu'il y a double voie, il va plus loin ... parfois jusqu'au bout, et il reprend la double en retour. On croit qu'il fait le contre. Il faut bien se garder de l'arrêter, si on a confiance en lui, car c'est lui qui est dans le vrai. J'ai eu une petite beagle harrier très intelligente, qui était parfaite en cas de double voie ... Enfin, en cas de chasse à courre, il y a des chiens qui sont presque toujours les premiers à happer l'animal sur ses fins. Le chien de chemin. Voilà au moins un spécialiste dont personne ne met en doute l'utilité essentielle dans une meute de lièvre. Sans lui, lorsqu'on arrive à un chemin ou à une route, tout le monde est désemparé ... L'animal a-t-il pris à droite ou à gauche ? Grande perplexité ! On cherche à l'aventure, souvent du mauvais côté. On perd ainsi un temps précieux. On n'ose pas revenir trop tôt vers le défaut pour chercher dans le sens opposé, car on songe : « Ce maudit, lièvre à

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peut-être suivi la route très longtemps. » Le chien de chemin, ne fût-il que médiocre et ne fît-il que marquer la direction prise par l'animal, c'est déjà une indication très intéressante. De nos jours, je crois qu'il est complètement impossibles de trouver un vrai chien de chemin, tout au moins sur des routes macadamisées, goudronnées et empuanties des odeurs d'essence et d'huile. Le meilleur chien de chemin y est tout à fait impuissant. Mais, heureusement, il n'y a pas que des routes dans ce genre, et, heureusement aussi, sur ces routes, la circulation est trop intense pour que le lièvre la suive très longtemps. Étant donné que sur les chemins la voie est tout particulièrement légère, on serait tenté de penser que ce sont les chiens les plus fins de nez qui sont les plus brillants sur le chemin. Il n'en est rien. Vous avez une très grande majorité de chien, très fins de nez qui n'ont pas l'idée de s'appliquer à chercher la voie sur un chemin. Au contraire, d'autres chiens notoirement moins fins de nez, comme poussés par un instinct particulier ou par une aptitude spéciale, se collent le nez sur la route, y découvrent la voie et la suivent, avec une apparente facilité. J'ai eu des chiens très fins de nez, très intelligents, excellents meneurs, qui ne s'intéressaient nullement aux chemins. J'ai essayé maintes et maintes fois de les faire sentir sur les chemins. Peine perdue. Ils refusaient des s'appliquer. Il y a vraiment quelque chose de très curieux dans cette spécialité ... que certaines circonstances peuvent contrarier sans qu'on s'explique pourquoi. J'ai eu une briquette à poils durs, excellente à tous points, de vue et meneuse incomparable, parfaite sur le chemin. Eh bien ! si elle n'était pas en tête au moment ou se produisait le défaut, elle se désintéressait complètement de la recherche de la voie sur le chemin. J'ai connu, avant la guerre de 1914, deux briquettes appartenant à un boucher de campagne, excellentes meneuses et très vites, et qui, abandonnées à elles-mêmes, ont forcé de nombreux lièvres pendant la guerre. Aucune d'elles ne faisait le chemin, mais elles avaient imaginé un truc pour retrouver la voie. Elles suivaient, chacune d'un côté, les champs en bordure de la route. Si cela ne réussissait pas dans un sens, elles recommençaient dans le sens opposé. Aujourd'hui, je le répète, sur les routes goudronnées, on ne peut guère relever les défauts qu'en adoptant le système des deux briquettes. Mais cela n'empêche pas que, si vous ayez un bon chien de chemin, vous devez vous estimer heureux, vous devez le garder précieusement, et, si vous en connaissez un vrai de vrai à vendre, achetez-le bien vite ! S'il est du même train que les vôtres ... et même si vous en possédez déjà un ! Paul DAUBIGNÉ. Le Chasseur Français N°665 Juillet 1952 Page 402 Chiens de lièvre - Les spécialistes Nous avons vu (1) de quels spécialistes devait se composer une meute de lièvre idéale. Mais la grosse difficulté consiste à trouver tous ces spécialistes, aux qualités et aux aptitudes si diverses, dans une même race. Or, théoriquement, une meute, est faite de chiens de même type et de même race. À part quelques individualités qui sont comme des exceptions dans la race chaque race a ses caractéristiques propres, non seulement au point de vue physique, mais encore au point de vue moral, au point de vue des tendances et des aptitudes à chasser de telle ou telle façon. Parmi les chiens d'une variété très fine de nez, très attachée à la voie et très tenace, vous trouverez les chiens de centre, rarement les chiens de centre avancé, et presque jamais les chiens de tête. La plupart seront d'excellents rapprocheurs, mais pas très lanceurs au sens strict du mot ; vous pouvez y rencontrer des chiens de chemin. Dans une variété vive, passionnée, ardente et même fougueuse, vous pourrez avoir plus de chiens de tête, ou très en avant, qu'il ne vous en faudrait, d'excellents lanceurs, mais bien peu de chiens de centre pur. J'ai un de mes amis, fanatique coureur de lièvre, qui me disait un jour avec désespoir : « Tous mes chiens sont beaucoup trop en avant ... Ils filent, ils filent et il y a des défauts qu'ils ne peuvent pas relever. »

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Cela tient évidemment surtout au tempérament propre de chaque variété, mais cela tient aussi à ce que certains éleveurs ont trop sélectionné d'une façon unique sur telle ou telle mentalité et telle façon de chasser. Lecoulteux de Canteleu le constate très judicieusement dans son chapitre relatif aux croisements. « Un bon chien étant la base de la chasse à courre et, pour un chien courant, tout étant dans la nature et presque rien dans l'éducation, il s'agit de toujours maintenir et même d'augmenter et de perfectionner les qualités qu'il a et qui tendent toujours à se perdre. » Le soin longtemps continué, de n'admettre pour la reproduction que les individus de la même race constitue la pureté de la race, mais le chasseur le plus expert apprend souvent par l'expérience qu'un certain degré de perfection ne peut souvent se conserver ou s'obtenir que par l'introduction passagère d'un sang étranger pour retremper et vivifier l'ancienne. » Les amateurs sans expérience commettent souvent la faute de ne cultiver qu'une famille spéciale isolée, ou une forme particulière, en perdant de vue l'intégrité générale ou l'amélioration future du tout. Aussi, un éleveur voulant de la vitesse à ses chiens et ne pensant qu'à cela dans son élevage et ses croisements pourra arriver à leur donner la vitesse du lièvre, mais ce sera aux dépens de leur odorat, de leur sagacité et surtout de leur voix. » Les éleveurs ne sauraient trop se souvenir, comme une loi établie de l'économie animale, qu'un degré supérieur et extraordinaire, naturel ou artificiel, de quelques parties est toujours produit aux dépens de quelques autres qualités. Ainsi, si l'on pousse le plus loin possible la finesse de nez et la beauté de la gorge dans une race, elle arrivera à une extrême lenteur, telle qu'elle pourra faire perdre l'avantage de la finesse de nez, et cette loi est surtout visible dans les animaux dont les races sont portées au plus haut degré de pureté. » Ces réflexions de l'un de nos plus célèbres veneurs du siècle dernier, qui a chassé tous les animaux du lièvre au loup, avec les chiens les plus divers, du Basset (du type créé par lui et devenant Basset Lecoulteux) aux chiens les plus rapides, grands Griffons et Poitevins, devraient être connues et méditées de tous ceux qui parlent de la chasse aux chiens courants. Ne sont-elles pas d'ailleurs la confirmation d'un proverbe qui s'applique dans tous les domaines : « L'excès en tout est un défaut » ? Certains maîtres d'équipage (et la plupart de ceux qui en tiennent exclusivement pour leur race), hypnotisés par la finesse de nez et la gorge, ont sélectionné tout spécialement et presque uniquement sur la finesse de nez et la beauté de la gorge : ils ont fini par obtenir des chiens d'une lenteur désespérante, des chiens souvent musards et inaptes à la chasse. D'autres, comme mon ami, après avoir constaté qu'ils réussissaient merveilleusement avec des chiens très allants, très en avant et très vite, ont sélectionné sur ces seules qualités. Ils ont obtenu des chiens qui pèchent par manque de sérieux et de persévérance dans les défauts. La grande difficulté, c'est de rester dans le juste milieu ... et même, avant d'y rester, c'est de réussir à produire ce juste milieu. La sélection est évidemment la loi élémentaire dans tout élevage. Mais, par la seule sélection, on ne parviendra pas à donner à la race des qualités qu'elle n'a pas. Comment, par exemple, donner de l'entreprise et de la vitesse aux races trop ajustées et trop lentes ? Comment, en revanche, assagir les variétés trop vites ou trop légères sur la voie ? En sélectionnant uniquement sur certains phénomènes dans la race et en possédant les qualités recherchées ! D'abord, il faut admettre que naissent de tels phénomènes. Ensuite, il faudrait des années et des années, et une science, et une persévérance remarquables pour arriver à des résultats intéressants. De nos jours, à supposer qu'ils pourraient y parvenir, les veneurs ont trop d'autres occupations et préoccupations pour une entreprise aussi aléatoire, et d'aussi longue haleine. Alors, lorsque la race commence à s'affaiblir ou à dégénérer, le seul moyen c'est de faire appel à un sang étranger. Pour les chiens courants, en dehors de quelques virtuoses qui tiennent à leur école, les chiens inutiles par manque de qualités, par manque de tempérament, de

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résistance et de train, sont vite abandonnés. Il y a longtemps que les veneurs ont résolu le problème qui consistait à obtenir des chiens de même type et de même famille possédant des qualités très différentes. C'est en produisant des anglo-français. Dans mon article sur le Harrier porcelaine, j'ai parlé de ce monsieur qui n'admettait pas qu'on puisse préconiser le petit chien de lièvre anglo-français. Il allait même jusqu'à qualifier cette idée d' « ânerie ». Mais ce puriste, qui ne voulait pas d'anglofrançais, constituait une meute anglo-française, avec des Artésiens normands, d'une part, pour faire de la musique, et des Harriers gris, d'autre part, pour faire le travail ! Mais pourquoi ce qui avait si bien réussi pour les chiens de grands veneurs, n'aurait-il pas été tout aussi indiqué en petite vénerie ? Évidemment, comme dans tous les croisements, on ne réussit pas à tout coup à produire un type parfait, intermédiaire entre les deux races mères et accumulant en lui toutes les qualités différentes de ces races ! Ce serait trop beau ... Mais, même en faisant des accouplements dans la race entre sujets de premier ordre, on ne produit pas que du beau et du bon. Il y a toujours beaucoup de déchets. Si la production du petit anglo-français n'est pas encore très homogène et très fixée (ce serait difficile avec les éléments les plus divers dont les différents éleveurs font usage), la qualité est en général très satisfaisante. La meilleure preuve qu'on en puisse fournir, c'est que, par les fanatiques de la chasse au lièvre, le petit anglofrançais est de plus en plus employé, c'est que, aux épreuves de meutes, où les petits anglo-français prennent part, ils se montrent toujours parmi les meilleurs et sont parfois les seuls à forcer leurs lièvres au cours des épreuves. Ils ont tout de même pris un peu des qualités des deux races, et, parce qu'ils en ont pris à des degrés divers, on trouve précisément des très en avant, des centres avancés et des chiens de centre pur. Ils ont plus de nez, plus de persévérance que les anglais. Ils ont plus d'entreprise et plus de vitesse que les purs français. Et, comme l'écrivait fort justement Lecoulteux à propos des chiens de lièvre : « Il faut qu'ils soient vites et pas musards. Il faut qu'ils poussent leur voie et ne restent pas à crier sur place dans un défaut. » Le rôle du vrai chien de lièvre ne consiste pas seulement à faire faire une petite promenade à l'animal avec accompagnement de lointaines mélodies, mais à le harceler vigoureusement avec des cris de plus en plus proches et de plus en plus menaçants ! Paul DAUBIGNÉ. Le Chasseur Français N°666 Août 1952 Page 466