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Charisme Marianiste et Mission éducative Joseph Lackner, SM L’ DUCATION ARIANISTE TRADITION ET PROJET

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Charisme Marianiste et Mission éducative

Joseph Lackner, SM

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L’ DUCATION ARIANISTETRADITION ET PROJET

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AuteursJoseph Lackner, sm

Conception graphique de la collectionDirección de arte corporativa SM

Supervision et correctionEssodomna Maximin Magnan, sm

Toute forme de reproduction, distribution, communication publique ou transformation de cet ouvrage est formellement interdite sans l'autorisation préalable de ses titulaires, sauf exceptions prévues par la loi. Veuillez vous adresser à CEDRO (Centre Espagnol de Droits Reprographiques, www.cedro.org) au cas où vous souhaiteriez photocopier ou scanner un quelconque passage de cet ouvrage.

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Charisme Marianiste et Mission Éducative

Joseph Lackner, SM

Traduit de l’Anglais par François Rossier, SM

Volume 1

L’ DUCATION ARIANISTETRADITION ET PROJET

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TABLE DES MATIÈRES

PRÉFACE

INTRODUCTION

1. L’INTENTION APOSTOLIQUE DE CHAMINADE DANS LA FONDATION D’ÉCOLES

UN COMPTE-RENDU HISTORIQUE

INTRODUCTION

LE CLIMAT RELIGIEUX EN FRANCE

LES CONGRÉGATIONS, PREMIER EFFORT APOSTOLIQUE DE CHAMINADE

LE TERRAIN DE BATAILLE DES ÉCOLESLa fondation des Filles de Marie et de la Société de MarieLes lois scolaires et la Société de MarieLes écoles normales, une œuvre spécialement inspirée

par Dieu

LA VISION QU’AVAIT CHAMINADE DES ÉCOLES, DES ENSEIGNANTS ET DE L’ÉDUCATION

La distinction cruciale entre instruction et éducationPas simplement un autre institut d’enseignementNo simplemente otra Congregación de ProfesoresAtteindre les massesLa vocation de l’éducateurLes comportements et dispositions de l’éducateurImportance de l’instructionEsprit de Famille et collaborationUn équilibre entre innovation et conservationLe développement d’une pédagogie marianisteConvictions au sujet de la nature des élèves

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La vision chaminadienne de l’enseignant et l’École française de Spiritualité

2. LES ÉCOLES ET LE CHARISME MARIANISTELE CHARISMELE CHARISME MARIANISTE COMPRIS COMME CULTURE

Les éléments de la cultureLes éléments de la culture ou du charisme marianisteLe contexte écologiqueLe(s) fondateur(s)Collectivité, communautéLes contenus de la cultureAffirmation, expression et communicationComportements et pratiques caractéristiquesRecrutement, initiation et formation continue des nouveaux

adhérents

RÉSUMÉ

LES ÉCOLES MARIANISTES EN TANT QUE MANIFESTATION ET PERPÉTUATION DE LA CULTURE OU DU CHARISME MARIANISTE

IntroductionLa culture des écoles marianistes comme réalisation du charisme

marianisteLe contexte écologiqueLe(s) fondateur(s)Collectivité, communautéLes contenus de la culture et quelques façons dont celle-ci est

affirmée, exprimée et communiquéeAffirmation, expression et communicationRecrutement, initiation et formation continue des nouveaux

adhérents

RÉSUMÉ

CONCLUSION

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APPENDICE A

CONVICTIONS ET ACTIONS DES ENSEIGNANTS MARIANISTES TELS QUE PRÉSENTÉS DANS LES CARACTÉRISTIQUES DE L’ÉDUCATION MARIANISTE (1996)

APPENDICE B

QUESTIONS POUR LA RÉFLEXION PERSONNELLE, INDIVIDUELLE OU EN GROUPE

QUESTIONS TOURNÉES VERS L’ACTION

BIBLIOGRAPHIE

RECONNAISSANCES

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PRÉFACE

Le livre que vous tenez en mains porte le titre Charisme maria-niste et mission éducative. Il s’agit de la première publication de la collection “L’Éducation marianiste: Tradition et Pro-jet”, comprenant une série d’essais sur l’éducation maria-niste issus d’un projet qui a commencé à prendre forme, il y a quatre ans, sous la responsabilité de l’Assistant Général d’Instruction d’alors.

Nous, religieux marianistes, avons fondé des œuvres éducatives dès nos origines, il y a bientôt deux siècles. Nous continuons aujourd’hui à travers le monde, à consacrer le meilleur de nos ressources humaines et matérielles à l’éducation. La mise en œuvre est accompagnée, comme cela a toujours été notre cas, d’une réflexion sur la tâche accomplie, sur les moyens de répondre de façon créative aux situations inédites et imprévues, et sur les manières de transmettre notre expérience et notre sagesse aux nouvelles générations d’éducateurs.

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De la sorte, la tradition éducative marianiste s’est enrichie au fil des ans, nourrie de la réflexion, de la compétence et de la créa-tivité de ceux qui poursuivent l’engagement initial. Les éduca-teurs marianistes – au départ, c’étaient tous des religieux mais aujourd’hui, ce sont presque tous des laïcs – ont su maintenir un dialogue permanent avec leur milieu pour que leurs objectifs éducationnels puissent s’incarner dans chaque situation humaine.

Les circonstances actuelles continuent à requérir notre attention. La situation interne de la Société de Marie et celle de nos établis-sements demandent de notre part une planification renouvelée. Le développement croissant des œuvres marianistes dans de nouveaux pays et de nouvelles cultures ainsi que le besoin d’y offrir une pédagogie marianiste actualisée, à travers la présence de laïcs à presque tous les postes de responsabilité, sont des réalités qui jalonnent la voie de l’éducation marianiste.

Cela étant, l’idée est née d’entreprendre le projet de « L’Édu-cation marianiste: Tradition et Projet». Le désir d’approfondir et de développer le contenu du document Caractéristiques de l’Education Marianiste nous pousse à créer quelque chose de neuf. L’intérêt grandissant pour la connaissance de notre cha-risme et les contributions récentes des sciences de l’éducation ont inspiré et orienté nos efforts. Les circonstances nouvelles dans lesquelles vivent les jeunes et les familles dans les sociétés où nous nous trouvons nous pressent dans cette tâche.

Les livres qui constituent cette collection veulent répondre à ces besoins. Ils sont le fruit d’un processus d’étude, de ré-

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flexion et de dialogue, et sont destinés à fournir des indica-tions en vue d’une éducation marianiste capable d’inspirer les individus et de transformer la société.

L’objectif de ce premier livre est de montrer comment l’en-gagement de la Société de Marie dans l’éducation a un lien étroit avec sa propre identité. C’est pourquoi il traite de notre charisme, de notre mission et de notre spiritualité, comme fondements de l’éducation marianiste. Les caractéristiques de cette dernière résultent d’une tradition qui repose sur les éléments précités et les origines historiques de la Société de Marie. Le but de l’éducation marianiste, et de notre mission tout entière, est ainsi la formation à la foi ; à travers l’apostolat éducatif nous nous efforçons d’aider les personnes à grandir intégralement et de semer en elles l’esprit chrétien.

Dans l’ouvrage intitulé Les principes éducatifs, qui sera la deu-xième publication de la collection, nous souhaitons mesurer les profondeurs des fondations de l’éducation marianiste à l’aune des contributions de l’anthropologie, de la théologie ainsi que des principes sociaux et institutionnels. Le troisième sujet traité sera Le contexte vu que les institutions marianistes doivent prendre en compte, avec les principes généraux, les besoins, les attentes et les conditions particulières de chaque situation locale, de même que les progrès des sciences péda-gogiques et les nouvelles technologies. Le quatrième tome aborde la question de L’identité de l’éducation marianiste, héritière d’une riche tradition marquée par des traits dis-tinctifs répondant aux principes étudiés précédemment. Le

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cinquième ouvrage traite de L’activité éducative telle qu’elle se présente au sein de diverses institutions, et considère cer-tains de ses agents et bénéficiaires. Le sixième volume aborde L’animation et la direction des œuvres éducatives marianistes, car l’accomplissement de ces objectifs repose en grande partie sur ceux qui portent le fardeau des postes de responsabilité.

Sous le titre Nouveaux scénarios pour une nouvelle éducation, nous voulons réunir, dans un septième tome, les apports des pays ou continents qui sont culturellement éloignés du milieu occidental au sein duquel l’éducation marianiste est née, ou de lieux où elle ne présente encore que l’ébauche d’une tradition.

Le public visé se compose des divers groupes d’hommes et de femmes intéressés par l’éducation marianiste : les religieux marianistes actuellement engagés dans l’éducation, de ceux qui s’y préparent à ceux qui y ont consacré toute leur vie ; les laïcs qui dirigent ou animent une institution marianiste ou qui y enseignent, de sorte qu’ils puissent assumer un projet éducatif susceptible de les enthousiasmer et de donner un sens à leurs efforts ; les agents pastoraux et les autres éducateurs, afin qu’ils accomplissent leur tâche en ayant pris conscience des prin-cipes et motivations qui inspirent les œuvres marianistes ; ceux qui animent et régissent la vie marianiste à différents niveaux de responsabilité ; les parents d’élèves, qui, eux aussi, commencent un processus de formation quand leurs enfants entrent dans une institution éducative. Le projet s’adresse également aux anciens élèves, à la société dans laquelle nous nous trouvons et à tous ceux qui sont intéressés par l’éducation. Et, bien sûr,

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aux Églises locales, de sorte qu’elles arrivent à saisir ce que les œuvres éducatives marianistes entendent accomplir.

L’objectif ultime, évidemment, est de mieux servir les enfants et les jeunes qui viennent à nos institutions éducatives et qui sont les premiers destinataires de nos efforts.

L’ambition de tout ce projet est d’offrir un bon instrument pour promouvoir la formation, la réflexion et le dialogue dans les diffé-rents milieux marianistes. En même temps, il peut servir de point de référence et d’inspiration pour des projets éducatifs locaux. Pour cette raison, il comprend des réflexions théoriques de même que des propositions plus concrètes. Les Caractéristiques de l’éducation marianiste se trouvent ainsi situées au sein d’une étude globale qui entend être complète et rigoureuse, mais aussi accessible.

Pour mener à bien ce projet, nous avons pu compter sur la collaboration d’une équipe de valeur. Les auteurs sont des religieux et des laïcs, hommes et femmes, qui sont directe-ment engagés dans la mission éducative marianiste ou qui exercent diverses responsabilités dans ce domaine. Tous, ils connaissent bien la pratique éducative marianiste et son histoire. La majorité ont été enseignants, directeurs, chefs de départements, chercheurs en sciences pédagogiques ou coor-dinateurs de la mission marianiste dans leurs pays respectifs.

L’auteur du présent volume est Joseph Lackner, un religieux marianiste américain. Spécialiste en sciences de l’éducation et en Écriture sainte, il était titulaire de deux doctorats : un

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en histoire de la théologie et un en pédagogie. Il a enseigné à différentes écoles et universités marianistes aux États-Unis. Il connaissait bien l’éducation marianiste, un sujet auquel il a consacré plusieurs études. Il a occupé divers postes de responsabilités au sein du gouvernement de la Société de Marie dans son pays. Avant son décès1, en avril 2013, il était professeur à l’Université marianiste Chaminade de Honolulu et au Deepahalli Educational Centre, branche de l’Université de Dayton à Bangalore, en Inde. Nous lui savons sincèrement gré de la qualité et de la clarté du travail qu’il a accompli ainsi que du temps qu’il lui a consacré. Nous sommes également reconnaissants envers ceux qui ont contribué, par leurs sug-gestions et remarques, à la composition du texte.

L’éducation marianiste aura un avenir dans la mesure où sous sommes capables de répondre aux changements des temps et des lieux, tout en demeurant fidèles aux intuitions originelles. De nouvelles adaptations seront nécessaires, de nouveaux chemins seront explorés, mais d’une manière qui enrichira encore plus notre tradition ; et notre projet éducatif continuera de jouer un rôle de qualité et de pertinence. De la sorte, il poursuivra sa mission de donner la vie et la vie en abondance.

Essodomna Maximin Magnan, SMAssistant Général d’Instruction

Avril 2014

1 Note du traducteur: Le père Joseph Lackner, SM, est mort le 28 Avril 2013, à l’âge de 71 ans, lorsqu’il avait déjà achevé ce livre.

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INTRODUCTION

Le bienheureux Chaminade croyait que le meilleur moyen de rechristianiser la France de son époque (1800-1850) était la mise sur pied d’écoles qui incarneraient sa vision de l’éduca-tion. Aujourd’hui, l’Église et les Marianistes restent convaincus que les écoles caractérisées par le charisme marianiste consti-tuent le principal moyen pour former des apôtres remplis de foi, qui œuvrent à la transformation de la société et qui, par voie de conséquence, participent à la mission de Marie. Ce volume de la collection « Héritage et futur » détaille à la fois l’historique des efforts scolaires de Chaminade et passe en revue l’expression actuelle du charisme marianiste dans les écoles et autres institutions éducatives.

Le travail est divisé en deux parties principales intitulées, l’une, « L’intention apostolique de Chaminade dans la fon-dation d’écoles : un compte-rendu historique », et l’autre, « Les écoles et le charisme marianiste ». Une distinction entre enseignement et éducation sera constamment rappelée dans

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ce qui suit. Bien qu’il puisse parfois sembler bizarre d’établir une telle distinction, force est de reconnaître qu’il existe de nombreuses écoles qui n’éduquent pas. Comme le remarquait Chaminade, beaucoup d’écoles sont seulement des usines qui dispensent de l’instruction sans offrir aucune éducation. De plus, ce volume est marqué par la conviction que l’éducation est, selon Chaminade, synonyme de la mission de Marie, qui consiste à former et à faire grandir d’autres Christs et des communautés chrétiennes à travers les temps. Émile Neubert sm, un éminent mariologue et interprète de l’esprit maria-niste, écrivait : « L’éducation est une participation à l’œuvre de Marie, qui est la grande éducatrice de l’humanité. Sa mis-sion fut et demeure de donner naissance à Jésus Christ et de l’élever ». C’est pourquoi, et quel que soit l’apostolat dans lequel les membres de la Famille marianiste sont engagés, si leur « intention inébranlable » est de participer à la mission, ils ont à éduquer.

La première partie suivra le bienheureux Chaminade et son implication croissante dans la fondation d’écoles, dans le développement d’une pédagogie et dans l’élaboration d’une définition de la vraie nature de l’éducation. Cette partie com-mencera par une longue citation de la lettre de Chaminade au pape Grégoire XVI, dans laquelle il formule clairement l’objec-tif visé par la fondation de son institut religieux et présente le recours aux écoles comme un moyen privilégié de réaliser un changement en France. Il relève que, bien que la création des congrégations ait produit beaucoup de bien, elles n’ont pas été suffisantes. Quelque chose de plus englobant ou de

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plus efficace se révèle nécessaire. Dans ces lignes, il souligne clairement que les deux instituts religieux et les écoles s’avèrent cruciales pour réaliser ce qu’il croit être sa mission.

Une brève introduction à cette partie décrira le climat reli-gieux dans lequel Chaminade a exercé son apostolat. Puis, à l’aide de sa correspondance et d’autres écrits, on examinera son intention et ses stratégies apostoliques, sa définition de l’éducation, son portrait de l’éducateur apostolique, religieux ou laïc, ainsi que la spiritualité qui l’a motivé. Naturellement, son langage reflète le parler de la France du 19ème siècle, mais les attitudes, les sentiments, les comportements, les convic-tions et les orientations spirituelles qu’il exprime demeurent valables aujourd’hui comme ils le furent à son époque.

Dans la deuxième partie sera présentée une définition ecclé-siale du charisme. Il y sera suggéré qu’une façon de présenter un charisme est de le considérer comme un type de culture. Les éléments constitutifs d’une culture seront brièvement décrits et, ensuite, appliqués au charisme marianiste. Enfin, on soutiendra que les écoles marianistes sont une expression ou une interprétation du charisme et de la culture marianistes et un moyen de les perpétuer.

Le travail s’achèvera par une courte conclusion, suivie de ques-tions pour la réflexion et l’action, ainsi que d’une bibliographie.

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1.

L ’ I N T E N T I O N A P O S T O L I Q U E D E C H A M I N A D E D A N S L A F O N D A T I O N

D ’ É C O L E S

U n c o m p t e - r e n d u h i s t o r i q u e

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18 Charisme Marianiste et Mission Éducative Joseph Lackner

INTRODUCTION

« Pour opposer une digue puissante au torrent du mal, le Ciel m’ins-pira, au commencement de ce siècle, de solliciter du Saint-Siège les lettres patentes de Missionnaire apostolique, afin de raviver ou de rallumer partout le divin flambeau de la foi, en présentant de toute part au monde étonné des masses imposantes de chrétiens catholiques de tout âge, de tout de sexe et de toute condition, qui, réunis en associations spéciales, pratiquassent sans vanité comme sans respect humain notre sainte religion, dans toute la pureté de ses dogmes et de sa morale. Plein de cette pensées, et pressé d’ail-leurs par de dignes Prélats, je répandis dans une humble supplique mon âme tout entière aux pieds de Notre Saint Père le Pape Pie VII, qui, daignant écouter favorablement ma prière, m’accorda les plus amples pouvoirs, par Décret du 28 mars 1801. Dès lors, Très Saint Père, des Congrégations ferventes, les unes d’hommes et les autres de femmes, se formèrent dans plusieurs villes de la France ; la reli-gion eut le bonheur d’en compter en peu de temps un assez grand nombre, et beaucoup de bien se fit.

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Mais, Très Saint Père, ce moyen, tout excellent qu’il soit, lorsqu’il est exploité avec sagesse, ne suffisait pas. La philosophie et le pro-testantisme, favorisés en France par le pouvoir, se sont emparés de l’opinion public et de écoles, s’efforçant de répandre dans tous les esprits, surtout dans l’enfance et dans la jeunesse, ce libertinage de la pensée, plus funeste encore que celui du cœur qui en est insé-parable. Aussi, qui pourrait concevoir seulement tous les maux qui en résultent !

J’ai cru devant Dieu, Très Saint Père, qu’il fallait fonder deux Ordres nouveaux, l’un de vierges et l’autres de jeunes gens, qui, tout en prouvant au monde, par le fait de leurs bons exemples, que le chris-tianisme n’est pas une institution vieillie, et que l’Evangile est encore praticable aujourd’hui comme il y a 1800 ans, disputassent à la propagande, cachée sous ses mille et une couleurs, le terrain des écoles, en ouvrant des classes de tout degré et de tout objet, spéciale-ment à la classe du peuple, la plus nombreuse et la plus délaissée » (Chaminade au Pape Grégoire XVI, 16 septembre 1838).

Ce sont là les mots d’un vieil homme de 77 ans qui fait le bilan de l’œuvre de sa vie et en interprète la signification. En décri-vant l’historique de sa vision apostolique au pape, il indique qu’il en est venu à réaliser que, malgré tous les succès obtenus par les congrégations dans le renouvellement du christia-nisme en France après la Révolution, quelque chose de plus était devenu nécessaire. Pour cette raison et parce qu’il était convaincu que tel était le dessein de Dieu, il a fondé deux instituts religieux « qui investiraient le champ de bataille des écoles », l’arène qui offre les meilleures opportunités pour for-

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mer des têtes et des cœurs apostoliques imprégnés de l’esprit chrétien. Comme d’autres avant lui, y compris Napoléon, il était persuadé que l’école constituait le creuset dans lequel le caractère d’une personne pouvait être formé. Les propos qu’il adresse à Grégoire XVI sont le fruit d’une mûre réflexion. L’histoire sur laquelle ils se fondent est, bien entendu, plus complexe qu’ils ne le laissent penser.

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21Charisme Marianiste et Mission Éducative Joseph Lackner

LE CLIMAT RELIGIEUX EN FRANCE

Au cours de la seconde moitié du dix-huitième siècle, et peut-être déjà avant, une hostilité insidieuse envers l’Église a grandi. L’Encyclopédie, publiée de 1751 à 1772, a nourri un anticatholicisme « qui n’avait pas d’équivalent dans la pen-sée européenne », et sa popularité atteignit finalement le monde paysan. Cette œuvre en trente-cinq volumes, éditée par Denis Diderot et Jean le Rond d’Alembert, contenait des articles écrits par les meneurs du mouvement des Lumières, tels que Voltaire. Souvent appelés « philosophes », ces pen-seurs sceptiques étaient persuadés du caractère inéluctable du progrès humain qu’apporterait le recours à la seule rai-son, un point remis en question par le postmodernisme du vingtième siècle. Claironné par le fameux slogan de Voltaire, « écrasez l’infâme » (i.e. l’État et l’Église), le but des « phi-losophes » ou « encyclopédistes » était de se débarrasser de ce qu’ils considéraient comme les superstitions de l’État et de l’Église. Symboliquement, l’esprit des « philosophes » atteignit son apogée le 10 novembre 1793, lorsque la Raison,

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représentée par une femme nue, fut conduite dans l’allée de la cathédrale Notre-Dame de Paris et dressée sur le grand autel. À la même époque, des églises à travers tout le pays devinrent des « temples de la raison ».

La hiérarchie de l’Église contribua aussi à la distanciation croissante entre le peuple et le catholicisme. La plupart des évêques résidaient en dehors de leur diocèse et en étaient plu-tôt des administrateurs préoccupés des plaisirs de ce monde. Un exemple, peut-être, du travers dans lequel le haut clergé était tombé est celui du cardinal Étienne Charles de Loménie de Brienne. Quand il fut proposé pour le Siège de Paris, on rapporte que Louis XVI aurait dit : « À tout le moins… l’arche-vêque de Paris doit croire en Dieu ». Le même esprit infectait de nombreux membres du clergé, séculier et régulier. Alors qu’il était séminariste à Bordeaux, Chaminade fut démoralisé par le laxisme des monastères qu’il avait visités.

Ce qui s’appliquait à certains prêtres ou religieux valait aussi pour les laïcs. On a estimé que, juste avant la Révolution, deux tiers de la population de Bordeaux ne s’acquittaient pas des obligations pascales. A la paroisse Sainte Eulalie, par exemple, chère à Chaminade, on ne comptait que cinq mille commu-nions annuelles, alors qu’on y dénombrait quarante mille paroissiens. En repensant à cette époque, Chaminade écrivait : « Avant la Révolution, la fréquentation des sacrements par les hommes était tombée en désuétude, même à Pâques ». En dépit de ce sombre portrait de la vie spirituelle de l’Église, nul parmi ceux qui ont célébré la prise de la Bastille le 14 juillet

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1789 n’aurait imaginé que l’Église, privilégiée et dominatrice de l’Ancien Régime, serait mise à genoux dans les années suivantes.

C’est une Église de France bien différente de celle qui avait existé avant 1789, une Église désormais prudente et dévastée, dépouillée de ses biens, de son autorité et de son pouvoir, que Guillaume Joseph Chaminade retrouva lorsqu’il revint, en 1800, de son exil en Espagne. Ce que Chaminade découvrit, c’est que l’abandon de la foi et de la pratique religieuse, déjà ap-parent durant la seconde moitié du dix-huitième siècle, s’était étendu et renforcé avec la Révolution et ses conséquences. « Les masses populaires… pendant plus d’une décennie… ont grandi en dehors du catéchisme et des rites catholiques, leur vie n’étant plus rythmée par le calendrier de l’Église comme l’avait été celle de leurs parents ». Ces gens n’avaient plus rien à transmettre à leurs enfants. Ainsi qu’un prêtre le rapportait à son évêque en 1821, « beaucoup de parents élevés durant les jours malheureux de la Révolution ne connaissent plus de prières et ne peuvent plus les enseigner à leurs enfants ».

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LES CONGRÉGATIONS, PREMIER EFFORT APOSTOLIQUE DE CHAMINADE

Face à une telle situation et avec l’intention de rechristianiser la France, le premier effort apostolique de Chaminade fut la forma-tion de congrégations. Attentives aux signes des temps et inspirées par la première communauté de Jérusalem, ces congrégations étaient composées d’individus, hommes et femmes, de diverses classes sociales – artisans, marchands, hommes d’affaires, aristo-crates – et d’âges différents. Elles s’organisaient autour de groupes réunissant des personnes de mêmes conditions tels que ceux des Jeunes Hommes, des Jeunes Femmes, des Pères de Famille ou des Dames de la Retraite. Quoique laïques, elles comprenaient aussi un groupe de Séminaristes et Prêtres. Ces divers groupes se rassemblaient en réunions publiques pour s’encourager mutuel-lement, se détendre ensemble, recevoir une formation et discuter des actions pastorales à entreprendre.

Chaminade croyait que cette imitation du christianisme des origines répondait précisément à la situation dans laquelle

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se trouvait l’Église. Les congrégations représentaient, pour reprendre les mots de Benoît XVI, une « minorité créative » au sein d’une France irréligieuse. De même que ce fut à travers les circuits de clubs et autres associations que les Lumières et l’esprit égalitaire du temps se sont répandus, de même Chaminade employa-t-il un moyen semblable pour redonner vie à l’esprit du christianisme, avec un authentique sens de fraternité, d’égalité et de liberté.

Une des objections souvent soulevée contre ses congrégations était qu’elles paraissaient trop de leur époque, trop égalitaires. Un tel reproche se faisait l’écho de ce qu’on a appelé la « manie française du rang » qui a perduré après la Révolution. À ce sujet, Chaminade écrivit :

« On ne se dissimule pas qu’il n’y ait, dans la nature hu-maine, un amour comme inné des distinctions et des rangs, et par conséquent une certaine crainte d’être rabaissé au-dessous de ce qu’on est ou de ce qu’on croit être ; et que certai-nes personnes, d’ailleurs estimables, ne soient, sur ce point, d’une délicatesse qui s’alarme de tout. Mais, premièrement, on ne peut pas se dissimuler non plus que cette extrême déli-catesse, cette attention si raide à garder ce qu’on appelle son rang, ne soit pas entièrement conforme à l’esprit d’humilité et de charité du christianisme. La religion, dans ses tem-ples, dans la distribution des Sacrements, ne fut jamais d’une si étroite sévérité.

Ne peut-on pas faire entendre cela à des chrétiens ? Ne doit-on pas le leur faire entendre ? Et les ministres de la religion

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font-ils mieux d’entretenir les gens du monde dans ces pré-jugés du monde ? Il nous semble que nos Congrégations, en réunissant dans un même ensemble des groupes particu-liers, en distinguant les conditions sans les séparer, tien-nent un sage milieu et qu’elles ont bien rencontré ce que la religion peut accorder, sans déroger à elle-même, aux con-venances de la société et aux faiblesses humaines »

(Écrits et Paroles I-154, Vol. I, n°154, 656-657. «Ré-ponse aux difficultés qu’on fait ordinairement contre les congrégations établies sur le plan de celle de Bor-deaux, sur la forme nouvelle qu’on leur a donnée, et sur les rapports qu’elles ont avec les paroisses»).

Pour Chaminade, l’esprit des congrégations était modelé sur le « un seul cœur et un seul esprit » des Actes des Apôtres, une union commune et une égalité fondamentale en Jésus Christ, où les différences sont néanmoins respectées.

Chaminade a bâti sur le partage des caractéristiques person-nelles des congréganistes, contribuant de la sorte à l’émergence d’une conscience collective et d’une cohésion de groupe. En même temps, toutefois, il cherchait à élargir ces liens naturels par un plan détaillé de formation à la foi. Ce plan comprenait la participation aux réunions publiques générales, au cours desquelles les congréganistes présentaient des enseignements sur le développement humain et religieux, partageaient des dévotions communes, prenaient part ensemble à des récréa-tions, dans le soutien spirituel mutuel et dans la direction spirituelle. Chaminade déléguait aussi beaucoup de tâches aux

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congréganistes afin d’accroître leur sens des responsabilités vis-à-vis de la bonne marche des congrégations.

De fait, ce qu’il cherchait à promouvoir chez ces congréga-nistes était ce que les analystes culturels appellent un pro-cessus d’« interaction différentielle », où des associations entre un groupe donné de personnes dépassent largement le nombre d’associations avec d’autres personnes ou groupes de leur environnement. À travers ce processus, Chaminade entendait développer chez les congréganistes un « cadre de référence commun », une compréhension commune de la vie chrétienne et de la mission face à l’éloignement de la foi religieuse qui s’était fait jour durant la seconde moitié du dix-huitième siècle, et qui perdurait. Ces interactions promou-vaient des sentiments et des compréhensions similaires chez les congréganistes ; et leur dépendance les uns des autres en matière de soutien émotionnel amenait les gens à s’engager dans les congrégations.

À la différence de ceux qui appartenaient aux congrégations établies avant la Révolution et qui étaient déjà de fervents catholiques avant de devenir congréganistes, les congrégations de Bordeaux accueillaient des personnes aux degrés d’enga-gements divers. En acceptant de telles personnes, Chaminade entendait créer une organisation de masse et croyait que leur intégration à une communauté constituerait le moyen de régé-nérer l’esprit chrétien en elles. Ainsi, Chaminade encourageait une approche plus communautaire de la sainteté que celle qui existait dans les anciennes congrégations, laquelle se concen-

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trait plus spécifiquement sur les efforts faits par chacun pour croître en sainteté, d’une façon quelque peu élitiste.

L’incorporation à une activité partagée et l’encouragement mutuel bénéficiaient aux individus dans leur quête de sainteté et dans la formation réciproque soutenue par de fréquentes réunions de communauté. De la sorte, Chaminade cherchait à multiplier les chrétiens en multipliant les milieux chrétiens. Comme mentionné ci-dessus, il croyait que la création de ces subcultures chrétiennes de soutien était cruciale parce que l’air du temps, si opposé aux valeurs chrétiennes à bien des égards, rendait la poursuite d’une vie chrétienne engagée plus difficile que par le passé.

Une autre différence qui distinguait les congrégations de Cha-minade de celles qui avaient été fondées avant la Révolution fut une attention nouvelle portée à l’activité apostolique. La mission des congrégations de Chaminade s’accomplissait à travers la recherche de nouveaux membres et leur incorpora-tion dans des communautés. Dans le vocabulaire de l’analyse culturelle, une telle congrégation représentait une organisa-tion missionnaire ayant pour fin ce qu’on pourrait qualifier de « conversion ». La congrégation espérait « changer le monde indirectement, en y attirant des membres et en les changeant ». Mais ces mêmes membres s’engageaient aussi dans une variété d’autres œuvres visant à rechristianiser le pays.

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LE TERRAIN DE BATAILLE DES ÉCOLES

Fondations des Filles de Marie Immaculée et de la Société de Marie En se remémorant ses efforts missionnaires durant les pre-mières décennies du dix-neuvième siècle, Chaminade racon-tait à Grégoire XVI que, aussi excellente qu’ait pu être la for-mation des congrégations, elle ne s’était pas avérée suffisante. De « nouvelles guerres » devaient être engagées sur un autre terrain de bataille. Sans aucun doute, différents facteurs, poli-tiques et religieux le conduisirent finalement à cette conclu-sion. Mais avant tout, deux des congréganistes, Adèle de Batz de Trenquelléon et Jean-Baptiste Lalanne, l’avaient poussé à fonder des instituts religieux.

En 1804, Adèle, alors âgée de quinze ans, et qui résidait à Tren-quelléon, à plus de 110 kilomètres de Bordeaux, forma la Petite Association. Ce groupe de chrétiennes ferventes grandit peu à peu. Par l’intermédiaire de Jean-Baptiste-Hyacinthe Lafon, un congréganiste de Bordeaux, Adèle fit la connaissance de

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Chaminade. Leur relation se développa et les membres de la Petite Association furent accueillis au sein de la congrégation de Bordeaux. En 1813, Adèle et certaines de ses compagnes songèrent à former une communauté religieuse. Au même moment, le Père Chaminade envisageait la création d’une communauté religieuse vivant dans le monde. Après un abon-dant échange de correspondance entre eux deux, les Filles de Marie Immaculée furent fondée en 1816. Malgré quelques réserves initiales de la part de Chaminade, le premier apos-tolat assumé par les sœurs fut l’enseignement dispensé à des enfants pauvres d’Agen.

L’année suivante, le premier mai 1817, Jean-Baptiste Lalanne, congréganiste et séminariste, invita Chaminade à fonder un institut religieux masculin. Selon Lalanne, Chaminade lui répondit qu’il avait attendu cet instant depuis trente ans. Six autres hommes se joignirent à Lalanne pour constituer le noyau initial de la Société de Marie. Ces premiers membres repré-sentaient un échantillon du mélange des classes sociales qui existait au sein des congrégations ainsi que de la composition mixte (laïcs lettrés, ouvriers et prêtres) de la future Société de Marie. Pendant les deux années qui ont suivi, ces hommes se réunirent une fois par semaine pour décider des principes qui allaient caractériser la nouvelle fondation. Un résumé de ces réunions se trouve dans un rapport écrit par Lalanne le 2 septembre 1819. Parmi les tâches principales du nouvel ins-titut religieux figuraient « l’éducation des jeunes hommes des classes moyennes, les missions, les retraites et l’établissement de congrégations ». Trois des membres fondateurs (Auguste

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Brougnon-Pierrière, Jean-Baptiste Lalanne et Jean-Baptiste Collineau) étaient déjà des enseignants et ils ont continué à exercer leur profession.

En 1818, l’Institut de Marie, que Chaminade présenta pour approbation à l’archevêque de Bordeaux et qui fut appelé plus tard « un petit aperçu des futures Constitutions », rappelait que l’instruction des humanités, dans la mesure autorisée par les autorités civiles et ecclésiastiques, « quoique n’étant pas l’objet immédiat de l’Institut, avait été entreprise comme une bonne œuvre… ». L’année suivante, en 1819, quelques membres du nouvel institut dirigeaient un internat à Bordeaux et, en 1820, à la demande de certains congréganistes d’Agen, une école primaire fut prise en charge dans cette ville.

Comme mentionné ci-dessus, dix-huit ans plus tard, en 1838, lorsqu’il présenta les Constitutions de la Société de Marie au pape Grégoire XVI, Chaminade souligna qu’il avait fondé ses deux instituts religieux pour « investir le terrain des écoles, en s’ouvrant aux classes de tout degré et de tout objet, spécialement à la classe du peuple, la plus nombreuse et la plus délaissée ».

Les lois scolaires et la Société de Marie Quand Napoléon accéda au pouvoir, il entreprit une réorga-nisation de l’éducation, faisant de la France « le premier État européen à établir une organisation soigneusement intégrée, strictement hiérarchique, qui incorporait la profession d’en-seignant au sein des services de l’État ». Ce qu’il institua par

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la loi, en 1808, fut l’Université Impériale, « une corporation enseignante nationale qui suscita l’uniformité de l’enseignant dans tout l’Empire et qui avait l’exclusivité de la supervision de l’instruction publique ». Elle était dirigée par un Grand Maître, qui était assisté d’un conseil. Il nommait des Recteurs à la tête des vingt-huit académies définies selon les aires géo-graphiques qui divisaient le pays. « Aucune école ne pouvait être gérée sans l’autorisation de l’Université, ni employer des enseignants dépourvus de leurs diplômes. La direction de l’école devait être centralisée, c’est-à-dire étroitement contrôlée par l’administration à Paris ». Cette centralisation résultait de la conviction de Napoléon « que seul le monopole de l’État sur l’éducation pouvait garantir l’intégration [de l’Empire] qu’il recherchait ». D’après lui, l’éducation avait « la responsabilité de former les opinions morales et politiques des citoyens selon les lignes tracées par le Chef d’État ». Dans les faits, l’éducation primaire a reçu le moins d’attention.

À l’époque où les membres de la Société de Marie ont com-mencé à enseigner dans des écoles, Napoléon était tombé et les Bourbon, perçus comme contre-révolutionnaires et favorables à l’Église, avaient été réinstallés. Toutefois, le gouvernement royaliste laissa la structure de l’Université en place, mais cher-cha à y insuffler un esprit qui ferait avancer les objectifs de l’Église. Diverses ordonnances simplifièrent les procédures par lesquelles les membres d’instituts religieux furent auto-risés à enseigner dans les écoles primaires. Par exemple, en 1819, les Frères de Écoles Chrétiennes furent incorporés à l’Université et exemptés du brevet (certificat d’enseigne-

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ment) s’ils disposaient d’une lettre de nomination signée par leur Supérieur général. Bientôt, des dispositions semblables furent étendues à d’autres instituts religieux autorisés par le gouvernement.

Pour cette raison et pour profiter le de la loi du 10 mars 1818 qui dispensait du service militaire ceux qui s’engageaient à enseigner pendant dix ans dans des écoles primaires, Cha-minade entreprit de fastidieuses négociations – qui durèrent neuf mois – afin d’obtenir la reconnaissance légale de la Société de Marie. Au cours de cette procédure, les statuts civils de la Société de Marie soumis à Paris durent être révisés plusieurs fois. Les trente-neuf articles de la proposition initiale furent finalement réduits à dix-huit. Parmi les œuvres énumérées dans la première proposition, figuraient les écoles, les congré-gations, les collèges municipaux et les écoles d’arts et métiers. Mais dans le document final, approuvé par Charles X le 16 novembre 1825, ne sont mentionnées que l’éducation primaire et la possibilité d’écoles normales.

Or il n’était pas dans l’intention de Chaminade de restreindre de la sorte les moyens de mener à bien la mission de la Société de Marie. Peut-être qu’une petite idée de la tension qui existait entre le dessein authentique de Chaminade et ce qui figurait dans les statuts se perçoit dans la juxtaposition des phrases suivantes des Constitutions de la Société de Marie de 1839 :

C’est par un effet de cette prédilection pour la première jeu-nesse et ces petits enfants que Jésus comblait de ses divines

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caresses, que la Société de Marie a déclaré dans ses Constitu-tions civiles, qu’elle se vouait à l’enseignement primaire : ses œuvres principales, en effet, sont relatives à l’enseignement. Elle se charge des Ecoles primaires gratuites, des Ecoles pri-maires préparatoires, des Ecoles spéciales, des Ecoles nor-males et des Ecoles d’art et métiers (Article 254).

Les deux dernières phrases montrent clairement que l’inten-tion du projet apostolique marianiste sur les écoles dépassait de loin le domaine des seules écoles primaires, même si les statuts civils semblent présenter celles-ci comme son objectif majeur. Dans l’article 362 des Constitutions, Chaminade élargit encore plus le champ des écoles, en déclarant « La Société ouvre aussi des écoles d’enseignement supérieur, de littérature et des sciences... »

À côté de ces œuvres mentionnées spécifiquement dans les Constitutions, la Société de Marie en pilotait aussi d’autres, tels que les orphelinats ou les cours du soir. Chaminade soutenait qu’une telle diversité était nécessaire à cause de la situation dans laquelle il vivait. « L›esprit philosophique, écrivait-il au directeur du séminaire de Besançon, s’introduit jusque dans les hameaux, corrompt tous les âges, toutes les conditions et tous les sexes, en employant très adroitement toutes sortes de moyens. Voilà pourquoi nous entreprenons différentes sortes d’œuvres et que nous formons ou faisons former des sujets propres à s’en bien acquitter» (Lettre 296, 11 juin 1824, dans Lettres de M. Chaminade, vol. I, 580). Toutefois, c’est bien sur les écoles primaires et normales qu’il concentra ses efforts.

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Ceux-ci doivent être situés dans le contexte général des écoles élémentaires françaises de la première moitié du dix-neu-vième siècle. En même temps, il faut se rappeler que, vu les besoins énormes de la France d’alors, la contribution maté-rielle de la Société de Marie et des autres instituts religieux était minuscule. Par exemple, en 1835, le plus grand institut masculin d’enseignement, celui des Frères des Écoles Chré-tiennes, employait 1.660 de ses membres dans des écoles élé-mentaires. Pourtant, les écoles primaires, en France, étaient à cette date au nombre d’environ 45.000 ; et il y en aura 60.000 quinze ans plus tard, en 1850. En comparaison, en 1835, la Société de Marie ne pourvoyait en personnel que douze écoles élémentaires, leur nombre atteignant trente-deux en 1850, année de la mort de Chaminade.

Les écoles normales, une œuvre spécialement inspirée par Dieu Les résultats effectifs de Chaminade dans le domaine des écoles normales furent encore plus maigres. Tout avait débuté par l’achat que fit, en 1823, Jean-Étienne Bardenet, prêtre diocésain missionnaire de Besançon, d’une vaste propriété appelée Saint-Rémy. Lors de sa fondation, seules trois écoles normales étatiques existaient, celles de Strasbourg, d’Île de France et de Bar-le-Duc, malgré quelques autres tentatives antérieures de formation des enseignants, à commencer par l’établissement éphémère de Saint Jean-Baptiste de la Salle, en 1684.

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Chaminade était convaincu que son engagement en vue d’éta-blir des écoles normales était directement inspiré par Dieu. C’est ce qu’il écrivit au comte Alexis de Noailles :

Le premier moyen de remplir ma mission [en tant que Mis-sionnaire Apostolique] fut l’Institution ou l’établissement de Congrégations. Un des seconds moyens que Dieu a daigné m’inspirer est l’établissement des Ecoles normales. S’il y en avait une par Département, ou au moins dans chaque ressort des Académies de l’Université, tenue selon la plan que j’en ai tracé, nous pourrions renouveler toute la génération du peuple qui se forme, et qui bientôt remplacera la génération présente (Lettre 523, 14 mai 1830, dans Lettres de M. Chaminade, vol. II, 476).

Chaminade était résolu à en fonder en autant de départements français qu’il disposait de personnel à cet effet. La fondation de Saint-Remy fut suivie de celle d’une autre école normale à Courtefontaine, en 1829, et un accord fut conclu avec le comte Alexis de Noailles pour en ouvrir une troisième dans sa région. En même temps, « …des négociations étaient en cours pour la création d’autres écoles normales dans plusieurs diocèses, et un appel [concernant le parrainage des écoles normales de la Société de Marie] devait être… adressé aux évêques et archevêques d’une part, ainsi qu’aux préfets et aux recteurs [de l’Université] de l’autre... ». En tout, c’est pendant huit ans que Chaminade fut engagé dans des négociations fastidieuses avec les autorités gouvernementales et ecclésiastiques pour réaliser cet objectif.

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Mais tous ses projets immédiats d’écoles normales reçurent un coup d’arrêt brutal avec la Révolution de Juillet, en 1830, et l’accession au trône du roi « révolutionnaire » Louis-Philippe, Duc d’Orléans, à la place de son cousin Charles X. L’esprit anti-clérical du nouveau régime ne voulut pas admettre d’alliance avec l’Église dans la formation des enseignants de la nation. En dépit de sa grande déception, Chaminade ne cessa pas de considérer les écoles normales comme un moyen extraordi-naire pour régénérer l’esprit chrétien en France. Jusque dans les dernières années de son gouvernement, alors qu’aucune école normale n’était plus gérée par les marianistes, il continua de les appeler « l’œuvre préférée » de la Société de Marie. Par exemple, lorsqu’en 1843, pour tenter de l’intéresser à l’éta-blissement d’écoles normales dans son diocèse, il écrivit à Ferdinand Donnet, archevêque de Bordeaux :

Dès la fondation de la Société de Marie, il fut arrêté que si, pour la persévérance des sujets, il n’était pas possible d’isoler les Frères et de les envoyer à moins de trois par trois, on viendrait néanmoins en aide aux Communes, ou trop pauvres ou trop peu populeuses, en élevant à côté de nos No-viciats des Ecoles normales, où nous formerions à l’œuvre de l’enseignement les sujets qui n’ayant pas de vocation re-ligieuse, mais voulant vivre chrétiennement et se dévouer à l’instruction de la jeunesse, nous seraient envoyés par la Providence.

Les Ecoles normales étaient et sont encore notre œuvre la plus chère. A la Révolution de Juillet, nous avions traité avec

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un certain nombre de Départements: mais alors il y eut une réaction, et nous dûmes y renoncer provisoirement.

Aujourd’hui, Monseigneur, il serait peut-être temps de son-ger sérieusement pour le diocèse à la fondation d’une Ecole normale comme je viens de dire plus haut ("Note pour la gouverne de Monseigneur", Lettre 1274 du 4 septembre 1843, dans Lettres de M. Chaminade, vol. V, 357).

Même si rien ne résulta de cette proposition, le dernier acte administratif de Chaminade en tant que Supérieur général de la Société de Marie fut, en 1845, d’accepter la direction de l’école normale de Sion, en Suisse.

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LA VISION QU’AVAIT CHAMINADE DES ÉCOLES, DES ENSEIGNANTS ET DE L’ÉDUCATION

La différence essentielle entre instruction et éducationS’il n’apporta pas une contribution matérielle significative aux écoles, Chaminade offrit par contre la vision d’une culture éducative différente de celle qui prévalait généralement dans la France de son époque. Comme nombre de ses contemporains, il était persuadé que le type d’école qu’on créait déterminait le type d’éducation qui en résultait et que la fondation d’écoles ne servirait pas seulement l’instruction, mais l’éducation.

Cette distinction fondamentale entre instruction et éducation Chaminade n’était pas seul à la faire. Elle fut, par exemple, au centre des débats sur les écoles à l’Assemblée Nationale et, tout au long du dix-neuvième siècle, la plupart des orateurs proclamèrent que le but des écoles devait être l’éducation. Pour certains, cela signifiait promouvoir un caractère républicain chez les élèves. Pour d’autres, tel François-Pierre-Guillaume, le ministre orléaniste de l’Éducation publique, cela voulait

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dire créer une atmosphère générale religieuse dans les écoles, qui leur permettrait alors d’inculquer aux élèves le respect de l’ordre et de la stabilité. Pour d’autres encore, cela revenait à transformer les élèves en « producteurs capables de développer la prospérité du pays ».

Mais pour Chaminade, cela signifiait que les écoles existaient pour donner une éducation qui débouchât sur la multiplication des chrétiens, pénétrés d’un esprit apostolique. A un curé, il écrivit ceci:

Des Ecoles chrétiennes, dirigées selon le plan adopté par l’Institut de Marie et conduites par les religieux qu’il desti-ne à cette bonne œuvre, sont un puissant moyen de réfor-mer le peuple. Les enfants y font généralement des progrès si rapides et y deviennent si dociles et si chrétiens, qu’ils portent la bonne odeur de la vertu et de la religion dans leurs familles.

Les enfants deviennent comme les apôtres de leurs parents, et leur apostolat produit toujours quelque heureux fruit; c’est ce qui me fait appeler ces Ecoles un moyen de réformer le peuple (Lettre 203, du 18 juin 1822, dans Lettres de M. Chaminade, vol. I, 348).

Lettre après lettre, Chaminade ne se lassait pas de souligner que la raison pour laquelle il fondait des écoles était la rechris-tianisation de la France, la transformation de la société.

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Les écoles, alors, visaient à compléter ce qui manquait à la maison, en offrant aux enfants un milieu où ils pourraient être formés pour devenir des chrétiens à l’esprit pratique, susceptibles, à leur tour, de réformer leurs familles. Une fois l’école achevée, ces enfants seraient orientés vers diverses associations chrétiennes, comme les Congrégations, de sorte qu’ils soient soutenus par une ambiance chrétienne « du ber-ceau à la tombe ».

La distinction entre instruction et éducation et l’engagement des enseignants en faveur d’une formation chrétienne ont été consacrés par les Constitutions de la Société de Marie de 1839. « Sous ce titre [de l’Education chrétienne], écrivait Chaminade, « sont compris tous les moyens par lesquels on peut insinuer la religion dans l’esprit et le cœur des hommes, et les élever ainsi, depuis la tendre enfance jusqu’à l’âge le plus avancé, à la profession fervente et fidèle d’un vrai christia-nisme... » (Art. 251). « La société de Marie n’enseigne que pour élever chrétiennement; c’est pourquoi nous avons mis toutes les œuvres de l’enseignement sous le titre d’éducation chrétienne ; il faut se garder de jamais prendre le change» (Article 256).

L’année même de la publication des Constitutions, Chami-nade exprimait des sentiments similaires à ceux qui devaient prêcher les retraites annuelles de la Société de Marie, dont il espérait qu’elles seraient particulièrement aptes à raviver la ferveur des religieux marianistes :

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A vous [comme Prédicateurs de retraite] de faire sentir à ceux et à celles qui enseignent directement combien ils s’abuseraient, s’ils bornaient leurs efforts à instruire dans les lettres humaines; s’ils mettaient tous leurs soins et toute leur gloire à faire des savants et non des chrétiens, ou à con-quérir une réputation mondaine; oubliant alors qu’ils sont missionnaires de Marie, pour se ravaler au rang avili des in-dustriels de l’enseignement dans notre siècle, ils descendent de la hauteur de leur sublime apostolat (Lettre 1163, du 24 août 1839, dans Lettres de M. Chaminade, vol. V, 79).

Pas simplement un institut d’enseignement de plusL’implication de telles déclarations est que l’intention de Chaminade en fondant la Société de Marie n’était pas sim-plement de créer un autre institut d’enseignement comme les Frères de l’Instruction Chrétienne de Plöermel, de Jean-Marie Lamennais. Étant donné que Chaminade tenait les Frères des Écoles Chrétiennes de St. Jean-Baptiste de la Salle en si haute estime qu’il avait entrepris de les réinstaller à Bordeaux en 1806 et avait dirigé vers eux certains de ses plus dévoués congréganistes, il n’aurait pas eu besoin d’établir un nouvel institut religieux si son intention avait été de fonder une com-munauté d’enseignants. Au lieu de cela, Chaminade fonda la Société de Marie et les Filles de Marie parce qu’il croyait que ceux-ci devaient se servir d’une « faux différente » de celles qu’utilisaient déjà d’autres instituts religieux pour les mois-sons du Seigneur.

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Cette différence peut être appréhendée au moyen d’une brève comparaison entre les Frères des Écoles Chrétiennes et la Société de Marie. Les Frères des Écoles Chrétiennes furent fondés pour fournir « une instruction gratuite aux enfants des pauvres», pour procurer « l’instruction nécessaire» et une « éducation chrétienne adaptée… aux enfants des classes ouvrières et des pauvres…». Les Frères devaient constituer « une société de maîtres d’école», et ils ne devaient pas « s’éloi-gner de l’œuvre spécifique que lui [la Salle] avait commen-cée ni se laisser entraîner par des influences extérieures à s’engager dans d’autres domaines d’apostolat incompatibles avec l’objectif principal de leur  institut ». Ce fut en partie pour cette raison qu’il était interdit aux Frères des Écoles Chrétiennes d’étudier ou d’enseigner le latin, de peur qu’ils ne soient tentés d’abandonner l’éducation élémentaire au profit de l’enseignement secondaire classique ou d’abandonner leur vocation de religieux laïcs au profit de la prêtrise. La Règle des Frères des Écoles Chrétiennes déclarait que l’esprit de leur institut consistait en « un zèle ardent pour l’instruction des enfants et pour les élever dans la crainte de Dieu, les incitant à conserver leur innocence s’ils ne l’avaient pas perdue, et en leur inspirant une grande aversion et horreur du péché et de tout ce qui pouvait les conduire à perdre la pureté ».

En revanche, selon les Constitutions de la Société de Marie de 1839, c’était « le zèle du salut des âmes » qui constituait le « motif du second objet de la Société de Marie » (article 5), lequel était de « travailler dans le monde au salut des âmes, en soute-nant et en propageant, par des moyens adaptés aux besoins et

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à l’esprit du siècle, les enseignements de l’Evangile, les vertus du christianisme et les pratiques de l’Eglise Catholiques » (article 1). Selon Chaminade, ce zèle provenait du désir que Dieu avait inspiré aux religieux de « nous conformer, avec sa Grâce, à la ressemblance de Jésus-Christ, et de nous donner à Marie pour ses très humbles serviteurs et ministres » (article 252). En tant que serviteurs et apôtres, de fait ils enseignaient souvent dans des écoles primaires, mais en principe ils étaient toujours prêts à suivre l’injonction de Marie aux serviteurs de Cana « Faites tout ce qu’il vous dira ! » (Article 6). C’est pourquoi, à la différence des Frères des Écoles Chrétiennes, aucun type d’apostolat n’était exclu de la mission de la Société de Marie (Article 2). Ainsi, par exemple, certains frères ensei-gnaient-ils le latin dans les écoles secondaires qui proposaient le cursus classique, des prêtres prêchaient des retraites et des missions, et on accompagnait les Congréganistes.

En partie parce que sa mission était comprise comme uni-verselle, ouverte à tous, la composition de la Société de Marie se distingua de celle des Frères des Écoles chrétiennes. Il ne s’agissait pas d’une communauté d’enseignants religieux laïcs. La Société de Marie était composée à la fois de religieux laïcs, lettrés ou non lettrés, de toutes les classes sociales, ainsi que de religieux prêtres, et tous jouissaient d’un statut relative-ment égal au sein de la Société de Marie ; ils s’engageaient dans des œuvres diverses, toutes centrées sur la participation à la mission permanente de Marie, de faire pour toutes les géné-rations ce qu’elle avait fait à la plénitude des temps pour le Christ : accompagner sa croissance. Selon Chaminade, ce rôle

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définissait l’éducation selon une perspective large. De plus, à la différence des Frères des Écoles Chrétiennes, la Société de Marie avait pour compléments un institut religieux féminin et des associations laïques (les congrégations), tous unis par la mission commune qu’ils partageaient.

La différence entre les deux instituts religieux s’explique par-tiellement par les différents contextes sociologiques d’où ils ont émergé. Jean-Baptiste de la Salle travaillait au sein de la société aristocratique, très hiérarchisée, de la fin du dix-sep-tième siècle en France, qui négligeait l’éducation des enfants pauvres ; les parents de ces derniers, appartenant aux classes laborieuses ou pauvres, « étaient habituellement peu instruits et, toute la journée occupés à gagner de quoi vivre et faire vivre leurs familles, ne pouvaient pas offrir à leurs enfants l’ins-truction nécessaire, ni une éducation chrétienne appropriée».

En outre, les maîtres des écoles primaires existantes n’avaient ni la formation ni le caractère requis pour cette tâche. Ce qu’une telle situation exigeait, croyait de la Salle, était un corps d’individus compétents, dévoués et vertueux, suscep-tibles d’envisager l’enseignement dans des écoles primaires, de pauvres avant tout, à la fois comme une profession et une vocation religieuse. Chaminade, pour sa part, tout en recon-naissant l’immense contribution que ces hommes continuaient d’apporter à l’Église et à la société de la France postrévolu-tionnaire, était convaincu que le monde nouveau qui en était sorti requérait une organisation nouvelle, née de ces temps nouveaux.

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Atteindre les massesDe même que Chaminade avait tenté, à travers les Congré-gations d’abord, d’atteindre les masses de ce monde nou-veau, et pas simplement un noyau élitaire, il décida de faire de même au moyen des écoles primaires. Alors que la plupart des enfants de la génération naissante fréquenteraient les écoles élémentaires, seule une minorité privilégiée d’entre eux poursuivraient leur éducation dans des écoles intermédiaires ou secondaires. Ainsi, plutôt que de concentrer ses efforts sur ces deux derniers types d’écoles, qui ne permettraient d’atteindre qu’un petit nombre de personnes, Chaminade décida de concentrer le gros de ses ressources sur des œuvres qui toucheraient la majorité de la population. Il exprima cette intention en décrivant le rôle des Frères enseignants au sein de la Société de Marie :

La Société étant vouée à l’enseignement primaire, la clas-se des laïques lettrés est généralement très nombreuse; elle en est comme le corps principal. C’est elle qui est chargée de porter à plus des trois quarts de la population les principes de la foi avec les connaissances humaines. Oh ! Quel bien peut faire un instituteur religieux, vraiment animé du zèle de son état (Article 361, Constitutions de 1839).

Il croyait aussi qu’en s’occupant de jeunes enfants, il éviterait d’avoir à les réformer, la société postrévolutionnaire n’ayant pas eu le temps de marquer ces enfants de sa marque négative, qu’il aurait alors fallu effacer dans le cadre de l’éducation sco-laire. Une fois l’école achevée, ces enfants seraient orientés

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vers diverses associations chrétiennes, comme les Congréga-tions, de sorte qu’ils soient soutenus par un environnement apostolique chrétien durant toute leur vie.

La vocation de l’éducateurPour créer cette culture éducative que Chaminade envisa-geait, il était crucial d’offrir aux enseignants tant religieux que laïques une formation particulière qui ne peut être appréciée que dans le contexte de la situation commune aux enseignants et aux écoles de l’époque. Globalement, l’enseignement était en friche. La profession d’enseignant était un métier exercé « non seulement en attente de quelque chose de mieux, mais aussi en dernier recours ».

Il y avait deux raisons à cela. Tout d’abord, dans les cam-pagnes, la profession attirait ceux qui étaient trop faibles ou trop malades pour pouvoir exercer un métier manuel... Deuxièmement, après le passage de la loi2 Gouvion-Saint-Cyr (1818), opter pour la profession d’enseignant qualifiait la personne pour être exceptée du service militaire, pourvu que la personne ait contracté un engagement décennal ; cela signifiait faire disparaître la peur lancinante d’augmenter le « nombre des malchanceux » le jour du recrutement.

Dans ce métier mal payé, il y avait alors « …des vétérans de l’armée non formés, des artisans, des paysans, des tenan-ciers… Peu de communautés villageoises disposaient d’édifices

2 Note du traducteur: Loi de recrutement du 10 Mars 1818.

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scolaires. La plupart se contentaient d’utiliser la mairie, une taverne ou une partie de l’église».

Nombre de ceux qui se donnaient le titre de maîtres d’école déménageaient facilement de localité en localité de sorte que les écoles surgissaient ou disparaissaient souvent « selon les aléas du destin de leur personnel [enseignant] ». « Il y avait des écoles qui se déplaçaient au gré des maîtres qui les dirigeaient, des écoles improvisées…, des écoles privées, des écoles clan-destines et ainsi de suite ». En plus, même les enseignants compétents étaient généralement si mal payés qu’ils devaient trouver des sources de revenu complémentaires. Certains de ces emplois additionnels étaient traditionnellement liés au fait d’être un maître d’école, tels que ceux de sacristain ou d’officier d’état civil. Mais parmi ces secondes professions on trouvait souvent des métiers tels que: tisserand, fermier ou tonnelier.

L’ordonnance du 14 février 1830, puis celle du 23 juin 1833, plus connue sous le nom de Loi Guizot, cherchaient à remé-dier à cet état de fait. Entre autres dispositions, la Loi Guizot requérait ce qui suit :

… pour tous les maîtres d’école — congrégationalistes in-clus — obtenir un certificat de compétence délivré par une commission du ministère ; pour toutes les communes avec une population de plus de 500 habitants, maintenir une école primaire, de fournir au maître de quoi vivre — un sa-laire fixe de 200 F au moins — et un toit — un endroit pour

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vivre ; pour chaque département, maintenir une école de formation de maîtres primaires pour les hommes.

Dans une lettre à Lalanne au sujet de cette ordonnance, Chaminade soutenait que :

Cette Ordonnance est émise dans un bien bon esprit, [et] c›est bien ce bon esprit qui me parut régner dans une Cir-culaire à MM. les Recteurs des Académies sur le même su-jet, qui m›obligea à écrire de suite pour faire présenter à Son Excellence l›offre des services de la Société de Marie. Si vous ne connaissez pas cette Ordonnance, il faut vous la procurer ce qui n›est pas difficile.

Malgré la bonté de l'Ordonnance, je présume que son effet n'aura pas lieu, et qu'elle tombera comme tant d'autres: 1) parce qu'on a à craindre de grandes agitations; 2) parce que, en intéressant tout le monde, MM. les Préfets et MM. les Recteurs, faute d'unité, on ira peu en avant; 3) on prend bien des moyens pour que l'argent ne manque pas, et c'est déjà beaucoup : mais qui choisira les Maîtres à placer dans les campagnes? Quelle précaution prend-on pour la réformation des anciens Maîtres d'écoles? Qui dirigera ces Ecoles modèles ? (Lettre 503 du 22 Février 1830, dans Lettres de M. Chaminade, vol. II, 422).

Les observations de Chaminade se révélèrent justes. Ce n’est que peu à peu que les effets de la Loi Guizot devinrent tangibles dans la suite du dix-neuvième siècle.

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C’est donc dans ces circonstances que Chaminade concen-tra son énergie sur la formation d’enseignants laïcs, s’étant rendu compte que la régénération de la France par le moyen de l’école, qui était son objectif, ne pourrait jamais être atteinte par les membres de la Société de Marie tous seuls. À travers ces enseignants, confiait-il à son représentant à Paris (Georges Caillet), il contrecarrerait les philosophes en se servant de leur propre méthode: « S'il [Mr. d'Amecourt] veut y faire atten-tion, il verra que cette œuvre des Ecoles normales est directement en opposition à la marche tracée par d›Alembert, pour introduire par les Maîtres d'écoles le philosophisme jusque dans les campagnes les plus éloignées des villes » (Lettre 353, du 28 juin 1825, Lettres de M. Chaminade, vol. II, 69).

Dans une lettre à Jean-Baptiste Lalanne, il partageait le même genre d’espoir, de réformer la France par l’éducation des ensei-gnants :

Je vais encore émettre quelques réflexions pour faire sentir l’importance de l’institution des Ecoles normales dans la forme que nous les proposons. Il est certain que la France se perd, - sortît-elle victorieuse de la Révolution qui la menace de toutes parts, - si on ne sauve pas la génération du peuple qui vient. Or quel moyen de la sauver, la génération actuelle étant presque toute corrompue ? Les enfants ressembleront à leurs pères, [et] en prendront les principes et les mœurs : tel père, tel fils. Au défaut des pères, qui aura-t-on pour les suppléer? Les Curés, les Vicaires? Ils voient trop rarement les enfants, ont trop peu d’autorité sur eux, etc... Ces enfants

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sont perdus, s’ils n’ont pas de bons Maîtres d’école à leur proximité. De là, l’indispensable nécessité de former un as-sez grand nombre de Maîtres d’école pour pouvoir en mettre dans toutes les Communes. De là, la nécessité de multiplier les Ecoles normales dans tous les Départements. Mais le plus grand nombre des Maîtres d’école, actuellement exer-çant, ou sont ignorants, ou ne savent pas tenir les élèves, ou même n’y mettent aucun intérêt : je suppose même qu’ils ne soient pas scandaleux, ce qui n’est pas très rare. De là, la nécessité de nos longues et fréquentes retraites de Maîtres d’école. Et le moyen est doux et assuré, de les rendre bons, ou au moins passables ou de les remplacer par des candidats formés (Lettre 506, du 4 mars 1830, dans Lettres de M. Chaminade, vol. II, 440-441).

Le même mois, Chaminade écrivait de nouveau à Lalanne sur le type d’enseignants qu’il désirait éduquer :

En un mot, je voudrais former, dans ces Ecoles, des hom-mes et des chrétiens qui puissent régénérer leurs Com-munes, et pour cela, il faut qu’ils puissent y jouir d’une certaine considération, par les connaissances qu’ils ont à communiquer à leurs élèves et par le zèle qui peut les ren-dre utiles aux familles qui composent ces communes, etc. (Lettre 514 du 31 mars 1830, dans Lettres de M. Chami-nade, vol. II, 454).

Dans ces lettres, il fait allusion à la conviction qu’il avait en rentrant à Bordeaux à la fin de son exil: les paroisses n’étaient

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pas un moyen suffisant pour raviver la foi. Vu que les enfants ne rencontraient que rarement des curés ou des prêtres dans les paroisses et que leur vie à la maison n’était pas vecteur de formation religieuse, il fallait un autre environnement social ou institutionnel au sein duquel la formation à la foi pourrait se déployer au moyen de modèles de foi apostolique adultes et entraînants. Les écoles et les enseignants éduqués dans des écoles normales répondaient à cette exigence. Les élèves formés de cette façon, ayant terminé leur scolarité, permet-traient, année après année, de peu à peu rechristianiser et transformer les communes.

Cinq préoccupations générales sautent aux yeux dans les pro-pos de Chaminade. En premier lieu, conscient que tant de ceux qui avaient la charge des écoles étaient eux-mêmes mal formés, il insistait pour que les maîtres soient bien préparés dans les matières qu’ils auraient à enseigner.

Deuxièmement, il s’était rendu compte que la bonne connais-sance d’une matière ne garantissait pas à la capacité de l’ensei-gner. C’est pourquoi il soulignait l’importance de la pédagogie.

Troisièmement, il soutenait que, tant que les futurs ensei-gnants n’étaient pas complètement imprégnés de foi chré-tienne, l’objectif final qu’avait la Société de Marie en s’enga-geant dans les écoles, ne pourrait pas être atteint. « Que serait la fin de nos labeurs dans les écoles normales, observait-il, si réellement les enseignants n’étaient pas suffisamment ins-truits sur la religion et si, bien instruits, ils ne l’aimaient ni

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ne la pratiquaient ? Je veux dire s’ils ne la pratiquaient de tout leur cœur ?

Quatrièmement, il maintenait que pour avoir du succès, les enseignants devaient, d’une certaine façon, pouvoir captiver les personnes qu’ils éduquent. À cette fin, il recommanda un jour qu’ils devaient connaître les herbes, les plantes, les outils, les machines, etc. qu’on trouvait dans les communes où ils devaient enseigner afin de montrer aux habitants la valeur pratique de leur enseignement. À propos des élèves, il affirmait que « Aucun enseignant ne peut réussir avec un élève dont il n’a acquis l’estime et l’amitié de façon générale ».

Finalement, Chaminade visait à démultiplier ses efforts en éduquant un corps d’enseignants qui, à leur tour, éduqueraient des milliers d’enfants à travers la France. La (dé)multiplication était chez lui un principe d’action clair, et qui allait s’appliquer dans toutes ses entreprises. Il fallait s’engager dans des acti-vités susceptibles, par leur nature même, de démultiplier les efforts initiaux.

Chaminade pensait donc que la régénération des chrétiens ne dépendait pas seulement des membres de la Société de Marie ni des congrégations religieuses en général, mais de la création d’un vaste corps d’enseignants laïcs qui seraient à la fois hommes et chrétiens. Pour lui, l’enseignement n’était pas « un boulot transitoire ou de dernier recours ». Plus fon-damentalement, il suscitait chez les enseignants le sentiment que leur métier était une vocation, un destin, qui requérait

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le dévouement au service de l’Église, là où les religieux ne pouvaient aller.

Il fit part de ce point de vue à l’archevêque de Bordeaux. Tels qu’il les voyait, les enseignants qu’il souhaitait étaient des hommes « voulant vivre de manière chrétienne et se dévouer à l’éducation de la jeunesse », « de jeunes gens vertueux qui se dédieraient comme laïcs à l’enseignement », disposés à aller dans les communes « où l’on ne pourrait guère monter des Etablissements de Frères. Ces Instituteurs, formés par nous et animés de notre esprit, remplaceraient convenablement les Frères et seconderaient heureusement MM. les Curés dans leurs paroisses respectives» («Note …» de la Lettre 1274, du 4 septembre 1843). Ces mots rappellent la façon dont il décri-vait les congréganistes près de vingt plus tôt, en 1824: « Mais dans notre siècle, à l›époque de renouvellement où nous sommes, [l’Eglise] demande autre chose de ses enfants. Elle veut que tous, de concert, secondent le zèle de ses ministres, et, dirigés par leur prudence, travaillent à la relever» (Écrits et Paroles I.154-[9-10] «Réponse aux difficultés qu›on fait ordinairement contre les congrégations…»).

Les comportements et dispositions de l’éducateurBien que Chaminade n’ait jamais décrit les dispositions que ces enseignants devaient avoir, ni comment ils avaient à se comporter, sinon que dans des termes généraux comme « vertueux », « chrétiens » et « dévoués », il a précisé qu’ils devaient être « animés » de l’esprit de la Société de Marie. Il

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détailla cet esprit et sa manifestation dans les Constitutions de 1839, qui s’adressaient aux membres de la Société de Marie et, par extension, à ceux qui partageraient sa mission et devaient être animés de son esprit. Les enseignants imprégnés de l’es-prit de la Société de Marie avaient à cultiver certains principes et certaines attitudes fondamentales, desquelles découlaient des comportements spécifiques.

Avant toute chose, il y avait la conviction que le but visé par l’enseignement était l’éducation, c›est-à-dire, la culture d’un caractère chrétien dans les élèves (articles 251, 256). Quelque fût la matière enseignée, ils ne devaient pas oublier (article 257) qu’ils étaient engagés dans une activité qui visait à multiplier les chrétiens (article 22), qu’ils avaient « des enfants à instruire, pour leur inspirer la crainte et l’amour de Dieu, pour les préserver et les détourner du vice, pour les attirer à la vertu et en faire de bons et fidèles chrétiens » (article 257).

Cette conviction devait fournir l’axe fondamental (« une intention fixe », article 258) orientant leur démarche tout entière. Pour cette raison, il n’était pas nécessaire de consa-crer « la plus grande partie du temps à l’enseignement et aux pratiques de la religion» puisque l’esprit chrétien était pré-sent dans tout ce qu’ils enseignaient ou disaient. Ils devaient donner « une leçon chrétienne à chaque parole, à chaque geste, par tous ses regards » (article 258). De cette manière, le type d’éducation que Chaminade envisageait devait se réaliser à travers le type de présence que les enseignants créaient

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dans la salle de classe. Ainsi que l’exprime un des manuels pédagogique de Chaminade, l’enseignant était « l’âme de la salle de classe ».

Importance de l’instructionOn ne devait pas mettre l’accent sur l’éducation au détriment de l’instruction, mais plutôt, c’était là une autre conviction que Chaminade voulait inculquer aux enseignants, « ne donner l’éducation qu’à l’occasion de l’instruction… » (Article 266). La principale raison pour laquelle les parents envoyaient leurs enfants à l’école, c’était pour qu’ils soient instruits des connais-sances et qu’ils acquièrent les compétences qui les prépare-raient à l’exercice d’un métier. Sans une telle instruction, les enfants n’iraient pas à l’école et dans ce cas, on perdrait la possibilité de leur donner une éducation chrétienne.

Chaminade développa cet argument dans une lettre à Ignace Mertian, parce qu’il pensait que ce prêtre, fondateur d’une communauté laïque de religieux enseignants en Alsace, vou-lait envoyer des frères mal formés dans les classes, juste pour pouvoir ouvrir des écoles :

Jamais avec des institutions imparfaites, on ne réussira à attirer tous les enfants du pays où elles seront formées : de là, la médiocrité de leur influence pour corriger les mœurs du peuple : l’Institut de Marie n’atteint plus son objet dans une de ses principales œuvres [l’enseignement primaire]... O que de fâcheuses conséquences ! Je serais d’avis de ne pas

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d’abord porter ses soins à multiplier les Etablissements, mais à en former réellement de bons (Lettre 202, du 18 juin 1822, dans Lettres de M. Chaminade, I, 347).

C’est pourquoi il était essentiel que tous ceux qui étaient impli-qués dans les écoles soient convenablement préparés en ma-tière de bonne gestion et de perfectionnement des méthodes d’enseignement (article 256). En conséquence, les enseignants devaient être compétents pour exiger « l’étude, l’ordre, le silence et l’accomplissement de toutes les règles… » (Article 261). À cette fin, Chaminade se battit pour que son personnel obtienne les certificats, les diplômes et les autorisations civiles requises pour enseigner et administrer des écoles. À plusieurs reprises il encouragea des personnes à poursuivre leurs études en vue d’obtenir des certificats et des diplômes plus élevés.

Le programme général des écoles marianistes devait se confor-mer aux exigences de l’Université pour être accepté par les communes. En même temps, il comportait certaines innova-tions notables : techniques d’enseignement, éducation bilingue en Alsace, introduction de l’histoire et du dessin...

Dans la première école marianiste, un internat de Bordeaux (1819), Lalanne - décrit par un historien de la Société de Marie comme la personne qui « incarnait l’esprit éducatif marianiste » et « le premier à avoir saisi l’esprit innovateur du Père Chaminade » - révisa le programme secondaire afin de préparer les élèves à prendre part à l’essor commercial et technique de la France. Il favorisa les mathématiques, les

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langues modernes, l’histoire, la comptabilité et la géogra-phie. Il organisa aussi, pour les élèves, des visites d’usines et d’ateliers, leur offrant ainsi la possibilité de constater les applications pratiques des théories qu’on leur avait enseignées. Des enseignants marianistes suivirent ses traces et inclurent également dans la pédagogie mise en place au niveau primaire, des travaux pratiques, des visites et des divertissements lit-téraires. Quelques années plus tard, dans un autre internat, situé à Saint-Remy, Lalanne introduisit dans le programme l’éducation physique, la natation, l’équitation, la botanique, la géologie et l’astronomie.

Ce que Lalanne proposait était un plan d’instruction unifié qui englobait la littérature, les sciences, les arts et tout ce qui était utile et possible pour produire un homme bien fait. Il oppo-sait au spécialiste, perçu comme supérieur dans un domaine restreint, mais médiocre voire nul dans les autres, à celui qui a bénéficié d’une « instruction générale, étendue et variée». À cause de son éducation diversifiée, soutenait Lalanne, il serait capable d’assumer n’importe quelle responsabilité dans le cadre de sa famille, de son cercle d’amis ou dans la société civile. Plus tard, en d’autres termes, Lalanne se ferait l’avocat de l’éducation de la personne tout entière.

Même si Lalanne s’était clairement engagé dans la promo-tion d’un enseignement excellent et la formation d’élèves compétents dans les divers domaines de la connaissance, tout cela ne constituait pas, pour lui, l’objectif ultime de l’apostolat scolaire marianiste. Ses efforts étaient guidés par l’importante

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distinction, bien marianiste, entre instruction et éducation. Par exemple, en s’adressant aux parents d’élèves d’un col-lège, plusieurs années après la mort de Chaminade, Lalanne expliquait que l’objectif du collège n’était pas de produire des bacheliers dans les branches scientifique ou technique, mais des hommes. Or les hommes, précisait-il, sont caractérisés par trois qualités : la raison, la liberté et l’amour. L’éducation, poursuivait-il, visait au développement de l’ensemble de ces qualités, mais ce n’était que le développement de l’amour de Dieu qui faisait de l’être humain le chef d’œuvre de la création et qui donnait leur plénitude à la raison et à la liberté.

Esprit de famille et collaborationLalanne voyait aussi l’école comme une famille, où la discipline était fondée sur l’amour et une relation étroite entre maîtres et élèves, et non sur les châtiments corporels. L’esprit de famille qui régnait parmi les religieux devait servir de modèle aux rela-tions entre maîtres et élèves. Dans ce contexte, Chaminade et ses précurseurs dans le domaine pédagogique pensaient que l’édu-cation devait viser à la culture du cœur. Ils étaient convaincus que si souvent quelqu’un peut résister à la lumière de la raison, elle opposerait moins de résistance aux élans du cœur. L’éducation du cœur était donc au centre de leur méthode d’enseignement. Ils cherchaient à comprendre comment les émotions et les sensations fonctionnaient dans une personne et comment, en faisant appel à cette dimension affective, on pouvait amener l’élève à assimiler des connaissances, des valeurs et acquérir un bon comportement (Constitutions, articles 262, 32).

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La collaboration faisait partie intégrale de l’esprit de famille. Elle trouvait sa raison d’être la plus profonde dans l’image scriptu-raire du corps mystique du Christ, une image très importante pour Chaminade. La collaboration marquait aussi bien les composantes internes qu’externes de l’école. Plusieurs écoles fondées par Chaminade devaient leur existence aux efforts des congréganistes qui souhaitaient la présence de la Société de Marie ou des Filles de Marie dans leurs villes. Toutes les écoles marianistes furent établies en collaboration avec les autori-tés ecclésiastiques et civiles, tant locales que régionales. Cela signifiait généralement, pour Chaminade et ses délégués, de longues négociations. Les parents étaient invités à visiter les expositions mises sur pied par les élèves et, si besoin était, les enseignants rappelaient que tout cela avait été rendu possible grâce à la collaboration avec eux, les parents.

À l’interne, la structure administrative de l’école était basée sur un système de conseils caractéristique des deux instituts religieux ; ils étaient composés d’un directeur, d’un chef de zèle, d’un chef d’instruction et d’un chef du temporel. Dans les grandes institutions, d’autres personnes, représentant des secteurs particuliers, tels les responsables d’internats, étaient aussi membre des conseils. Il était du devoir de chaque membre des conseils d’aborder les thèmes traités en fonction de leurs compétences ou de leurs domaines de responsabilité propres, tout en ayant à l’esprit que, en fin de compte, les décisions seraient prises en fonction du bien de la mission commune. À l’occasion, Chaminade insistait aussi pour qu’en plus du conseil général de l’établissement

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un conseil d’enseignants soit appelé à discuter d’importantes affaires scolaires.

Bien que les personnes œuvrant dans les écoles maria-nistes aient généralement été des religieux, ces derniers collaboraient avec des maîtres laïcs dans quelques-unes des écoles d’arts et métiers attachées aux écoles primaires, ainsi que dans certaines écoles secondaires. On apprenait aussi aux élèves à collaborer, à s’entraider les uns avec les autres. Ceux qui maîtrisaient bien le travail scolaire étaient souvent choisis comme moniteurs pour leurs propres cama-rades de classe.

La gestion d’une école requiert évidemment la collabo-ration d’un certain nombre de personnes telles que, les administrateurs, les enseignants, le personnel d’entretien, les cuisiniers, les préfets, les surveillants de dortoirs, etc. Plus l’école est grande, plus nombreux en est le personnel, et plus la tâche d’assurer la collaboration est essentielle et complexe. Cela valait aussi pour les écoles marianistes. Chaminade écrivit plusieurs lettres aux directeurs pour les inciter à œuvrer en faveur de l’unité. Bien plus, il leur inculquait que toute personne, du cuisinier au directeur, était importante pour la mission et que chacun devait être considéré comme étant aussi important que les autres. Dans une lettre à Dominique Clouzet, à Saint-Remy, il exprimait ce point de vue à propos d’un frère mécontent d’avoir à travailler comme cuisinier. « Il paraît, écrivait Chaminade, qu›il ne sait pas que, dans la Société [de Marie], il n›y a point

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de condition vile, et que le sujet voué au service de ses Frères est autant à mes yeux, comme aux yeux de la foi, que celui qui est dans l'enseignement» (Lettre 1179, du 18 octobre 1839, Lettres de M. Chaminade, vol. V, 114).

Un équilibre entre innovation et conservationChaminade souhaitait voir ses enseignants adopter une sorte de juste milieu entre innovation et conservation dans la pra-tique effective de leur métier. Il tenait à ce que les principes de l’éducation, une fois bien saisis, ne varient pas (article 267) : « Les procédés par lesquels on les applique et les méthodes d’enseignement, doivent nécessairement suivre les progrès des sociétés humaines et s’accommoder à leurs besoins et à leurs vœux » (article 267). De fait, selon lui, c’est la nécessité de s’adapter qui l’avait poussé à établir les Congrégations et à fonder les deux instituts religieux. « Consacrer en principe l’immobilité des formes et des modes, ce serait limiter à un temps bien court, les services et l’existence [de la Société de Marie]… » (article 267). Alors même que les Marianistes et les personnes animées de leur esprit « travaillent dans le monde au salut des âmes, en soutenant et propageant les enseigne-ments de l’Evangile, les vertus du christianisme et les pratiques de l’Eglise Catholique», les moyens qu’ils utilisent doivent être « adaptés aux besoins et à l’esprit du siècle » (article 1).

D’un autre côté, aussi bonne que soit l’intention de l’enseignant, Chaminade exigeait qu’il prenne toujours « conseil de son chef, avant d’exécuter ce que son zèle lui inspire de particulier pour

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l’éducation chrétienne des enfants de sa classe ou même d’un seul enfant » (article 265). Et, en général, il maintenait que, même si la méthode fondamentale d’enseignement de la Société de Marie devait être révisée périodiquement, les changements devaient y être apportés avec réserve (article 268) et ne seraient introduits que s’ils étaient « presque unanimement reconnus » (article 268).

Le développement d’une pédagogie marianisteAu temps de Chaminade, trois méthodes pédagogiques fon-damentales étaient utilisées dans l’enseignement. La plus ancienne était la méthode individuelle. Le maître enseignait individuellement à un élève pendant que les autres ne fai-saient rien. Tout au long du dix-neuvième siècle, c’était la méthode de la plupart des enseignants. La seconde était la méthode simultanée. Les élèves étaient regroupés par tranches d’âge en autant de divisions et les membres de chacune de ces divisions étaient instruits ensemble. Cette méthode avait été introduite dans l’enseignement primaire par Jean-Baptiste de La Salle. La troisième était la méthode mutuelle, basée sur un système de monitorat, développée en Angleterre par Andrew Bell et Joseph Lancaster, puis introduite en France vers 1814. Les élèves avancés recevaient l’enseignement d’un maître, de manière à pouvoir, à leur tour, enseigner à des groupes d’élèves moins avancés.

C’est dans le contexte de ces différentes approches que Chami-nade et les religieux de la Société de Marie qui étaient reconnus comme maîtres d’enseignement développèrent peu à peu une

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pédagogie ou une méthodologie marianiste. Dès le début des années 1820, on organisa des rencontres pendant les vacances, où on discutait des théories pédagogiques en vigueur, de ce qui était effectivement pratiqué dans les écoles et où on élaborait des articles proposant de meilleures méthodes. Ces méthodes étaient ensuite testées dans les écoles, puis discutées aux ren-contres des vacances suivantes et finalement une version de la méthode révisée à partir de la discussion était publiée. Parmi les divers documents pédagogiques rédigés du temps de Chaminade figurent la Méthode améliorée pour l’Ensei-gnement Primaire (1830), la nouvelle Méthode (1831), et la Méthode Mixte (1841). Comme l’indique le titre du document de 1841, ce dernier fut une combinaison des trois méthodes qui en vint à caractériser la pédagogie marianiste. Cette pra-tique de la révision périodique de la méthodologie, initiée par Chaminade, se poursuivit après sa mort.

Au moyen du développement d’une méthodologie commune à utiliser dans les écoles marianistes, Chaminade cherchait à atteindre les objectifs initiaux de la Société de Marie dans l’œuvre des écoles. Pendant l’année scolaire, un système de suivi des enseignants laïcs était proposé à ces derniers en guise de formation continue, pour garantir que la méthodo-logie marianiste soit bien appliquée. Dans les écoles où les enseignants étaient des religieux, le directeur de l’école ou de la communauté marianiste veillait à organiser des conférences pédagogiques, assurait la supervision de l’enseignement ainsi que des études personnelles.

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Chaminade considérait aussi que l’enseignement de la religion, quoique n’affectant pas la masse horaire de l’enseignement n’en était pas moins déterminant par rapport au but de l’éducation. Il considérait que c’était particulièrement important dans la France postrévolutionnaire. « Surtout l’instruction dans la religion doit être pesée et évaluée [dans les écoles normales] », écrivait-il à Lalanne. « Il doit être adapté à l’esprit du siècle et à la position des maîtres ». Une semaine plus tard,  il précisa sa pensée, dans une autre lettre: « Nous sommes dans un siècle où l'on fait raisonner ou plutôt déraisonner jusqu'aux paysans des campagnes, et souvent mêmes jusqu'aux servantes des villes ». (Lettre 503, du 22 février 1830, dans Lettres de M. Chaminade, vol. II, 424).

Pour faire face à ce défi, il voulait que les futurs enseignants « deviennent de petits logiciens et même quelque peu métaphy-siciens. Ils doivent connaître toutes les sources de la certitude humaine ». Pour cette raison, il insistait auprès de Lalanne : «Vous aurez surtout à travailler une d'enseignement de la religion aux candidats des Ecoles normales. C'est l'article qui doit nous intéresser le plus. A quoi aboutiraient tous nos travaux, toutes nos sollicitudes pour établir des Ecoles normales, pour donner à toutes les Communes des Maîtres d'école, si réellement ces Maîtres d'école ne sont pas instruits suffisamment de la religion ? » (Ibid, vol. II, 423-424).

Mais il reconnaissait aussi que la connaissance théorique, quoique nécessaire, ne suffisait pas à communiquer la reli-gion aux enfants. Les enseignants devaient « l’aimer » et « la pratiquer de tout leur cœur ». Il relevait la même chose, neuf ans plus tard, dans les Constitutions :

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« … Le religieux qui suit exactement tout ce qui est établi à cet égard [la méthode et les dévotions prescrites] est bien convaincu que ce n’est pas une méthode plus ou moins ingénieuse, ni aucun exercice de piété qui inspirent la religion aux enfants ; que c’est surtout le cœur du maître, quand il est plein de Dieu et qu’il sympathise, par charité, avec le cœur de ses élèves » (article 260).

Convictions au sujet de la nature des élèvesChaminade voulait également que les enseignants fassent leurs certaines convictions au sujet des élèves qu’ils avaient à éduquer : qu’il n’était pas de la volonté du « Père céleste qu’aucun de ces enfants périsse » (article 259) ; qu’il suffisait « à chacun d’être tel que Dieu le veut » (article 262) ; que « nous ne recevons pas tous la même mesure de grâce et la même destination » (article 259). De ces convictions découlaient certains comportements. D’abord et très fondamentalement, l’enseignant devait être pénétré des « sentiments du Sauveur et de toute la tendresse de Marie » (article 259) envers les enfants. Quel que soit le nombre d’élèves qu’il avait en face de lui, l’enseignant devait « dilater son cœur pour les y faire entrer et les y porter sans cesse » (article 259).

Pour le bien de l’éducation des enfants et en considération de la façon dont Dieu les voit, l’enseignant devait faire preuve d’un « zèle infatigable » (article 258), d’une « charité tendre » (article 258) et conserver « dans le fond de son cœur un calme inaltérable et une sage propension à l’indulgence » (article 261). Comme Dieu, qui est patient même lorsqu’il est

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rejeté, qui jamais « ne se rebute des refus », conservant « avec la même bonté ceux qui l’offensent et ceux qui le servent » (article 261), l’enseignant devait démontrer la même patience. Il ne devait pas escompter la perfection évangélique chez les enfants dès le départ et il devait toujours se souvenir que son rôle était de semer et non de récolter (article 261). « Il se garde de rejeter comme mauvais ce qui n’est pas absolument bon … » (Article 262). Et « dans ses oraisons, dans ses communions, dans toutes ses bonnes œuvres, il supplée à ce que ne peuvent leur faiblesse et leur ignorance… » (Article 259).

Ces directives ont un impact concret sur la vie des enseignants marianistes. Le passage suivant de la Nouvelle Méthode (1831) en parle :

La Société n’a pas cru devoir fermer ses écoles aux enfants de la campagne, que leur éloignement empêche de se rendre assidûment aux heures où les classes s’ouvrent matin et soir, et plus encore de s’y rendre tous les jours. Elle ne repousse pas non plus les enfants des artisans de la ville, que les besoins de leur famille retiennent souvent à leur maison. Elle ne veut pas délaisser ceux à qui la nature a donné moins que l’intelligence commune, et qui, ne pouvant marcher du même pas que leurs jeunes camarades, gênent ou arrêtent les progrès de ceux-ci. Elle n’abandonne pas même les caractères intraitables, avant d’avoir épuisé les derniers moyens d’amendement. Elle s’est réservée la faculté d’entrer dans les vues de certains parents qui croient pouvoir se contenter pour leurs enfants d’une instruction plus ou moins bornée. Elle a voulu prévenir les inconvénients qui résultent de l’exclusion absolue des enfants, hors les cas où elle

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est indispensable sans néanmoins s’assujettir à laisser dans ces classes des élèves assez coupables pour en être momentanément séquestrés, et dont la conservation dans ces mêmes classes, aurait la pernicieuse apparence de l’impunité (Écrits et Paroles VII, Doc. 8, Doc. 8.36 [page 85] qui cite L’Esprit de nôtre fondation, vol III: Les oeuvres de la Société, p. 369, nota (I)).

L’esprit de l’éducation marianiste devait atteindre autant d’élèves que possible, tout en s’adaptant aux différences, comme Dieu le fait. Cela pouvait aller jusqu’à ouvrir les écoles aux enfants protestants. Même si Chaminade pensait que le protestantisme était en partie responsable du triste état de la France et suspectait que l’opposition dont il avait souffert de la part de fonctionnaires civils était en partie due au fait qu’ils étaient protestants, il écrivit néanmoins à un curé :

Demande-t-on si les enfants des protestants peuvent être admis dans cette école ? On répond : oui. Les maîtres font pour eux tout ce qu’ils font pour les catholiques : il n’y a aucun genre de distinction. …

Jamais, dans toutes les classes, les maîtres ne doivent faire de distinction de protestants ou de catholiques, puisque, par là même qu’ils viennent en classe, ils sont censés vouloir être catholiques ou même l’être en effet. Jamais, hors des classes, les enfants originairement catholiques ne doivent rien dire contre les enfants protestants et vice versa : ils ne doivent eux-mêmes pas s’apercevoir ni comprendre qu’il y ait distinction.

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Si l’Ecole est ainsi conduite, très certainement il n’y aura pas d’inconvénients, mais il y aura beaucoup d’avantages. Evi-tant tout ce qui ne ferait qu’indiquer ce qu’on appelle esprit de parti, soyons catholiques avec fermeté, mais soyons toujours modestes, modérés, c’est-à-dire vraiment charitables envers tous, et d’une douceur sans aucune racine d’amertume, selon l’expression de saint Paul. (Lettre 1014, du 29 novembre 1837, Lettres de M. Chaminade, vol IV, 258-259).

Un des moyens d’encourager et de maintenir chez l’ensei-gnant ces dispositions, ces sentiments et les comportements recommandés par les Constitutions, était l’exercice de l’ima-gination dans la prière. Il lui était conseillé de se représenter Jésus et Marie en train de lui parler, de lui dire que c’étaient leurs enfants qu’ils confiaient à ses soins (article 259). Et, en tant que modèle, il devait regarder le Bon Pasteur et se considérer comme remplissant un tel rôle à l’égard de ses élèves (article 259).

En même temps, Chaminade enjoignait aux enseignants de cultiver ces « âmes privilégiées qui ont, de bonne heure, senti les impressions de la grâce et qui y sont fidèles… » (article 263). Il leur rappelait que ces enfants étaient souvent capables d’être formés à l’oraison et qu’il était important de cultiver les grâces qu’ils avaient reçues. Les enseignants avaient à encou-rager ces élèves à une réception fréquente des sacrements et à les regrouper dans de petites sociétés qui, à l’image des Congrégations de Bordeaux, leur offriraient un soutien collectif à la pratique de la vie chrétienne (article 263). Certains de ces

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enfants pouvaient révéler des dispositions à la vie religieuse. Si elles se concrétisent et si l’enfant « s’en ouvre, il faut bien l’accueillir, dit l’article 264, lui faire envisager de son mieux les obligations de la vie qu’il veut embrasser et lui montrer aussi les avantages et les consolations ».

La vision chaminadienne de l’enseignant et l’École fran-çaise de Spiritualité Comme l’indiquent les éléments précités, Chaminade situe l’ensemble de la vocation d’enseignant et de la pratique de l’éducation en même temps que de l’enseignement à l’inté-rieur d’un contexte religieux. Bien que Chaminade ait été inspiré par plusieurs maîtres spirituels, ceux qui l’ont le plus influencé – et c’est manifeste dans les Constitutions de 1839 – ont été les initiateurs de ce qu’on appelle l’École Française de Spiritualité. Au moins trois de ses caractéristiques influencent le portrait que Chaminade fait de l’enseignant. Il y a. d’abord, l’importance accordée à la dimension affective de l’éducation chrétienne. Pour l’École française, on ne s’approche pas de Dieu par le simple assentiment intellectuel, mais à travers les motions et les affects de l’âme et du cœur. Cette École appelait ses disciples à une expérience de Dieu en Jésus Christ qui soit affective, totale, absorbante ; cela contrastait vivement avec une conception extrinsèque de la vie chrétienne, qui consi-dérait l’accomplissement d’un certain nombre de devoirs et des comportements spécifiques comme l’équivalent de la fidélité à Dieu.

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À cet égard, il faut se rappeler que Chaminade affirmait que, chez l’enseignant, c’était le cœur empli de Dieu – tel le cœur décrit par l’École française – qui allait amener les enfants à la religion. De plus, il soulignait que le cœur de l’enseignant devait être en sympathie avec le cœur des enfants et être rem-pli des sentiments de Jésus et de la tendresse de Marie envers eux. Ces dernières observations, au sujet de la relation de l’enseignant à Jésus et à Marie, sont le reflet de deux des autres caractéristiques de l’École française : l’accent mis sur Jésus, l’Incarnation de Dieu et puis, comme une conséquence de la contemplation de l’Incarnation, une dévotion spéciale à Marie.

Parce que le Verbe s’est incarné en vue de la mission, les pre-miers adhérents de l’École française se sentaient mus par la grâce apostolique de l’Esprit du Christ à devenir mission-naires en France et dans le monde entier. Selon les termes de Jean-Jacques Olier, les missionnaires étaient « comme des sacrements qui portent le Christ, de sorte qu’en eux et à travers eux Il puisse proclamer la Gloire du Père ». Ils aspirent « à la communion avec les attitudes intérieures de Jésus [les sentiments de Jésus]... [afin] d’avoir le regard qu’il a sur les autres, dans l’amour et le service… ».

Cette urgence de la mission trouve un écho dans l’appel que Chaminade répétait constamment aux congréganistes, aux enseignants et aux membres de ses deux instituts religieux : « vous êtes tous missionnaires !». Il ajoutait : vous êtes « dans un état de mission permanente ». Sa description de l’enseignant qui transmet une leçon chrétienne (christiforme)

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dans chacun de ses mots, de ses gestes et de ses regards reflète la conviction d’Olier que les missionnaires étaient des sacre-ments du Christ. Et l’affirmation de Chaminade, qu’au bout du compte la Société de Marie « n’a essentiellement qu’un seul but qui est l’imitation le plus fidèle de Jésus Christ » (article 5) synthétisait l’essence même de l’enseignement de l’École française.

« Le point le plus saillant de l’imitation de Jésus Christ » (article 5) était pour Chaminade, comme pour d’autres tenants de l’École française, la dévotion à Marie. Il soutenait que, « en se dévouant à l’imitation de ce divin modèle, sous le nom bien-aimé de Marie, la Société entend faire élever par elle chacun de ses membres, comme Jésus fut élevé par ses soins, après avoir été formé dans son sein virginal » (article 5). C’est à elle, écrivait Chaminade, que Jésus « confia spécialement… le soin d’assurer notre éducation chrétienne comme elle l’a fait pour lui à l’époque de son enfance et de nous élever à la hauteur de notre saint appel ». Ce que les éducateurs chrétiens faisaient alors, c’était d’imiter la vocation de Marie envers Jésus et toute l’humanité. Et à cette fin, ils devaient être emplis de sa tendresse.

Au moment où le Père Chaminade renonça à administrer la Société de Marie (1845), les religieux marianistes géraient quatre écoles secondaires, trente-deux écoles primaires, deux écoles professionnelles et une école normale. En outre, ils avaient six noviciats. D’autres écoles avaient été fondées, mais avaient été fermées, souvent à cause de l’ingérence gou-

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vernementale. Au fond, ces maisons dépendaient toutes du leadership de Chaminade. Comme l’indiquent ses lettres, la question des écoles, de la pédagogie, de la préparation des enseignants et d’une juste compréhension de l’éducation, était une de ses préoccupations majeures. C’est parce qu’il était convaincu que l’école constituait le moyen principal par lequel il pouvait coopérer à la mission de Marie et qu’elle aboutirait à la re-christianisation de la France, qu’il consacra autant d’énergie à cette question.

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2.

L E S É C O L E S E T L E C H A R I S M E M A R I A N I S T E

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LE CHARISME

Bien qu’il provienne de l’Écriture, ce n’est que depuis le Concile Vatican II que le mot « charisme » jouit d’un usage populaire étendu. Toutefois, dans les documents conciliaires, il n’apparaît que quatorze fois et jamais en référence parti-culière à la vie religieuse, pas même dans Perfectae Caritatis, le document traitant spécifiquement de la vie religieuse. En général, le mot « charisme » était utilisé par le Concile pour désigner une grâce particulière donnée à un individu ou à un groupe en vue de l’édification de l’Église.

Dans les années qui suivirent le Concile, les déclarations du Vatican commencèrent à employer le mot pour désigner l’inspiration qu’une (ou plusieurs) personne(s) reçoivent de l’Esprit en vue de fonder un institut religieux. Selon les « Directives de base sur les rapports entre les évêques et les religieux dans l’Église » (Mutuae relationes), un document publié par la Congrégation pour les Instituts de Vie Consacrée et les Sociétés de Vie Apostolique en 1978 :

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Le « charisme des Fondateurs » (Evangelii Nuntiandi 11) se révèle comme une « expérience de l’Esprit », transmise à leurs disciples, pour être vécue par ceux-ci, gardée, approfondie, développée constamment, en harmonie avec le Corps du Christ en croissance perpétuelle. « C’est pourquoi l’Église défend et soutient le caractère propre des divers Instituts Religieux » (Lumen Gentium 44 ; cf. Christus Dominus 33  ; 35,1 ; 35,2 ; etc.). Ce « caractère propre » comporte également un style particulier de sanctification et d’apostolat qui crée une tradi-tion déterminée, de telle sorte qu’il est possible d’en analyser convenablement les éléments objectifs.

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LE CHARISME MARIANISTE COMPRIS COMME CULTURE

Les phrases ci-dessus laissent entendre que le charisme d’un institut religieux est complexe, fait d’éléments divers. On pourrait se le représenter comme une pierre précieuse dont les facettes refléteraient les différentes dimensions de sa réalité. Thomas Giardino, sm, a récemment proposé que le charisme marianiste soit compris comme un symbole. Quant à nous, nous tenterons de cerner le charisme marianiste à travers le prisme de la culture. Ce que le Bienheureux Chaminade eut l’inspiration de faire, c’est de créer un type particulier de culture à l’intérieur de la culture plus large de l’Église catho-lique, laquelle, à son tour, existait au sein de la culture plus large encore de la société civile, en France et dans le reste du monde.

Les paragraphes suivants vont présenter une description sys-tématique des éléments de la culture, au sens général du terme, suivie d’une application de ces éléments à la culture marianiste.

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Les éléments une cultureLa culture a été décrite de bien des façons et il n’existe pas, aujourd’hui, de théorie unifiée de la culture qui recueille l’assentiment de tous ses théoriciens. Toutefois, on peut re-lever certaines caractéristiques ou un ensemble d’éléments définissant la culture sur lesquels il y a un consensus général parmi les spécialistes. Au nombre de ces éléments figurent les suivants :

1. Les cultures, qu’elles soient situées à l’échelon d’une ethnie, d’une nation, d’une entreprise ou d’une école, surgissent en un moment et en un lieu particuliers et perdurent, à travers l’histoire, aussi longtemps que de nouvelles générations continuent de les rejoindre ou d’y appartenir. Cet élément est souvent appelé le contexte écologique de la culture.

2. Le(s) fondateur(s) d’une culture joue(nt) un rôle capital dans le développement d’une culture. Même après sa mort, ses idées, ses intuitions et ses convictions conti-nuent d’avoir un impact des plus considérables sur la culture.

3. Les cultures sont des réalités collectives, caractéristiques des communautés ; elles ne sont pas simplement un agré-gat ou une somme d’individus.

4. L’interaction entre les adhérents d’une culture suscite des sentiments et des compréhensions partagées, de même qu’une dépendance réciproque pour le soutien affectif.

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5. L’inspiration du (ou des) fondateur(s) de la culture et l’interaction entre ses représentants créent un certain « réseau de sens » ou un « monde de significations ». Cela représente le contenu de la culture ou les compréhensions collectives qui sous-tendent les idées de ses adhérents. Ce contenu structure la façon dont ces représentants comprennent la réalité, interprètent de nouvelles expé-riences, se comportent, éprouvent des sentiments.

6. Ce contenu de la culture est régulièrement affirmé, ex-primé et communiqué. On peut l’affirmer, par exemple, en honorant ceux qui exemplifient l’esprit et les idéaux de cette culture. Il peut être exprimé dans des documents formels, tels qu’une constitution, un texte sacré ou un projet missionnaire. Et il peut être communiqué aux adhérents de la culture à travers les histoires qu’on ne cesse de raconter sur de grandes figures disparues, ou à travers des logos ou des bulletins d’information réguliers.

7. Toute culture est marquée par des pratiques ou des com-portements spécifiques. Ceux-ci représentent la façon dont les choses se font dans une culture donnée. Les pratiques peuvent s’observer dans la manière de faire la cour, la manière de gérer les conflits, ou la manière d’exercer une médiation.

8. Toute culture pour survivre, doit être communiquée à ses nouveaux adhérents. C’est pourquoi chaque culture élabore un processus d’initiation tel qu’un atelier pour nouveaux employés, un noviciat ou encore un rite de passage.

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Eléments de la culture et éléments du charisme marianisteCette section veut appliquer les généralités sur la culture pré-sentées ci-dessus au charisme ou à la culture marianiste.

Le contexte écologiqueComme cela a été vu, le charisme ou la culture marianiste est née au début du dix-neuvième siècle, en France, au milieu du déclin si non de la capitulation de l’Église catholique française. Affrontant des défis à la fois ecclésiaux et politiques, elle a peu à peu grandi en nombre d’adhérents en France puis s’est éten-due à travers l’Europe, l’Amérique du Nord, l’Afrique, l’Asie, l’Amérique du Sud et l’Australie. Présente aujourd’hui dans de nombreux pays, de nombreuses nations et de nombreux groupes ethniques, la culture marianiste est devenue une culture religieuse à dimension mondiale, au sein de l’Église catholique. En tant que cultures, les cultures catholiques et marianistes ont toutes deux comme intention fondamentale de proclamer l’évangile de Jésus et de participer à la restauration de toute chose dans le Christ.

Le(s) fondateur(s)Le fondateur du charisme ou de la culture marianiste est Guil-laume-Joseph Chaminade, un prêtre diocésain français, qui avait été influencé par l’École française de Spiritualité – en particulier au cours de son éducation de séminariste, sous les auspices des Sulpiciens – ainsi que par la spiritualité igna-cienne, que lui avait transmise son frère aîné. D’autres expé-

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riences importantes marquèrent sa vie. Parmi ces dernières, il y a ses vingt années au Collège royal Saint-Charles à Mussidan (1771-1791), d’abord comme élève, puis comme enseignant. Cette école était caractérisée par un esprit de famille ; c’est peut-être déjà là que Chaminade envisagea la fondation d’une Société de Marie.

Ensuite vint son ministère clandestin à Bordeaux, pendant la Révolution française. Il avait déjà eu quelques contacts avec des laïcs à Mussidan, quand il faisait office d’aumônier d’hôpital ou quand il célébrait la messe en paroisse. À Bordeaux toutefois, durant la Révolution, c’est le laïcat qui constituait l’Église, dont l’apostolat en dépendait, en particulier de l’apostolat des femmes.

Enfin, il y eut son exil à Saragosse, en Espagne. Au sanctuaire Notre-Dame du Pilier, où il priait régulièrement, il fut convain-cu d’avoir reçu la mission divine de retourner en France après la Révolution afin de participer à la rechristianisation du pays.

Des femmes aidèrent Chaminade à fonder la culture maria-niste, dont Marie-Thérèse-Charlotte de Lamourous, une laïque de Bordeaux, et Adèle de Batz de Trenquelléon, une jeune femme d’une famille aristocratique, qui vivait près d’Agen. Avec Chaminade, Adèle fonda les Filles de Marie Immaculée.

Durant les plus de deux cents ans d’existence du charisme ou de la culture marianiste, d’autres figures ont joué un rôle important en le réinterprétant et en lui redonnant forme. Tel

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fut, par exemple, Joseph Simler, souvent appelé le Second Fondateur. Toutefois, le Bienheureux Chaminade est resté la figure centrale du charisme marianiste. Ses écrits demeurent les documents de base de la culture marianiste. Son esprit est invoqué lorsqu’il s’agit d’élaborer des plans et des projets d’envergure ou de prendre des décisions importantes, que ce soit au niveau local, national ou mondial. Et ceux qui com-posent la culture marianiste se posent souvent la question : sommes-nous fidèles, dans ce que nous sommes et dans ce que nous faisons, à l’inspiration du fondateur, le Père Chaminade ?

Collectivité, communautéLes points suivants décrivent la nature de la collectivité qui incarne la culture marianiste :

1. La culture marianiste est en réalité une communauté de communautés, appelée communément la Famille maria-niste. Les branches principales de la Famille marianiste sont le Laïcat marianiste, l’Alliance mariale [un groupe de dames aspirant à devenir un institut séculier], les Filles de Marie Immaculée [religieuses] et la Société de Marie [religieux, laïcs et clercs].

2. Ce qui unit ces communautés, c’est leur allégeance au Bienheureux Chaminade et à ses collaboratrices, Marie-Thérèse-Charlotte de Lamourous et Adèle de Batz de Trenquelléon, de même que leur adhésion au contenu de la culture décrite ci-dessus.

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3. Comme déjà indiqué, ces branches, dans leurs diffé-rences, témoignent de ce que le charisme marianiste apprécie la diversité.

4. Au niveau international, ces branches sont formellement reliées les unes aux autres à travers le Conseil mondial de la Famille marianiste, auquel siègent des délégués de chaque branche. Ce Conseil favorise une compréhension globale de la culture marianiste, ainsi qu’une expres-sion formelle de l’unité qui existe dans la diversité des différentes branches et des diverses manifestations du charisme dans le monde entier. Parmi les objectifs du Conseil figurent la communication, le soutien mutuel dans la mission marianiste, l’élaboration et la mise en œuvre de projets communs visant à étendre la culture ou le charisme marianiste. Des conseils semblables existent aux niveaux nationaux et ont des objectifs similaires.

5. Chacune de ces branches est à son tour constituée de communautés plus petites. Les communautés des chaque branche sont unies par le type de vie qu’elles mènent (laïc ou religieux [hommes ou femmes]) et le genre d’enga-gement que les membres de chaque branche prennent comme signe de leur alliance avec Marie dans sa mission. Les communautés de ces branches sont plurinationales et ont des organes de gouvernement à la fois internatio-naux et nationaux.

6. Le point ci-dessus constitue un résumé de la descrip-tion des structures formelles qui fournissent une unité

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à la Famille marianiste ainsi que des branches qui la composent. Toutefois, à un niveau plus contraignant et plus profond que ne le sont les structures formelles, il y a une même foi (cf. contenus de la culture) et une vision du monde partagée, qui ont nourri les membres de ces communautés.

7. Se réunir régulièrement, au niveau à la fois local et natio-nal ; interagir avec les membres de sa propre branche et ceux des autres branches ; partager les responsabilités ; développer des liens d’amitié ; discuter en tête-à-tête ou en groupes de la croissance dans le charisme marianiste ou de son expérience de Dieu, du Christ, de Marie ; faire part de ses désirs, de ses espoirs et aussi de ses échecs ; partager la prière et prier les uns pour les autres ; tra-vailler avec autrui à des projets ou dans des apostolats spécifiques ; et célébrer les fêtes importantes de la culture marianiste : tout cela favorise, chez les adhérents, l’émer-gence de sentiments semblables, malgré leur diversité, de même que la dépendance les uns à l’égard des autres pour un soutien affectif. Ces activités fournissent une formation à travers laquelle les adhérents eux-mêmes promeuvent la connaissance et l’appréciation de la culture marianiste ainsi que leur engagement envers elle.

8. Quel que soit le milieu d’origine, les aptitudes, l’ethni-cité, le statut socio-économique d’une personne, cette dernière, pourvu qu’elle ait de la bonne volonté et le dé-sir de persévérer, est accueillie comme membre d’une communauté marianiste et cette communauté imprègne

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l’individu, par une saine contagion, des dispositions, des attitudes, des comportements et des convictions nécessaire pour participer à la mission de Marie.

Les contenus de la cultureEn réponse aux signes des temps, à partir de son expérience de Dieu, spécialement forte à Saragosse, en coopérant avec d’autres, comme Adèle de Batz de Trenquelléon et Jean-Baptiste Lalanne, et à partir de sa propre lecture des Écritures et de la Tradition catholique, le bienheureux Chaminade donna forme à une intui-tion, à un projet, à un « réseau de significations », à une vision du monde, qui, à son tour, façonne ceux qui embrassent le charisme marianiste ou deviennent adhérents de la culture marianiste, dans leur manière de comprendre la réalité et leur but dans la vie, d’interpréter de nouvelles expériences, d’agir et de ressentir.

Ce qui suit détaille les convictions qui charpentent la culture ou le charisme marianistes

1. Voici la plus importante de ces convictions: ceux qui em-brassent le charisme marianiste sont enracinés dans le mystère de l’Incarnation, dans lequel Dieu se fait l’un de nous en Jésus de Nazareth pour se donner, par amour, à un monde aliéné par le péché, afin de restaurer la création, conformément à son projet initial, de la transformer ou de la récapituler en Jésus Christ. Pour Chaminade, l’Incar-nation est le « principe universel de grâce » par lequel le don que fait Dieu de lui-même est rendu possible et

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présent partout et toujours. Cette conviction constitue la grille de lecture avec laquelle les marianistes appré-hendent la réalité.

2. Marie occupe une place essentielle parmi les attendus de la culture marianiste parce qu’elle joue un rôle essentiel dans l’Incarnation. Comme l’écrivait Chaminade, « ser-vir, non seulement comme un instrument utile, mais comme un moyen nécessaire pour l’Incarnation du Verbe, pour donner un corps à Jésus-Christ ainsi que tout ce qui constitue son humanité, c’est le privilège élevé et le destin de Marie ». Mère de Jésus, elle était l’être humain le plus important dans la vie de ce dernier. La mission de Marie, dans la foi, était de donner naissance à Jésus et de faire grandir l’humanité de celui qui nous montre, comme Dieu seul peut le faire, comment être humain. Dieu l’a choisie afin que ses affections, ses attitudes, ses choix, ses pensées, ses inclinations, ses passions et ses actions imprègnent, marquent, touchent – comme la peau d’une main sur une autre main – l’humanité de Jésus, les affections, les attitudes, les choix, les pensées, les inclinations, les passions et les actions de l’humanité de Jésus. Ainsi donc, Dieu a choisi Marie pour qu’elle soit maîtresse, éducatrice de Jésus, comme l’écrivait Neubert, pour qu’elle l’éduque.

3. Selon une lecture marianiste de l’évangile de Jean, Jésus révéla, sur la croix, que ce que Marie était pour lui elle le serait aussi pour d’autres. Sa vocation éternelle est de former les hommes pour qu’ils deviennent de vrais

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disciples du Christ, d’autres Christ ; sa vocation éternelle est de rendre le Christ présent en eux pour qu’ils soient en mesure de dire avec St. Paul : « Ce n’est pas moi qui vis, mais c’est le Christ qui vit en moi ».

4. Les marianistes sont convaincus d’avoir été appelés à faire alliance avec Marie dans sa mission de rendre le Christ présent dans ce monde et de le faire grandir. Là est la raison ultime de leur existence et la raison d’être du charisme ou de la culture marianiste. Les marianistes témoignent de cette conviction en prenant l’engagement public de participer à cette mission, souvent sous la forme d’une consécration à Marie ou d’un vœu.

5. Les marianistes soutiennent que, de même que la pre-mière venue du Christ dans ce monde a été transforma-trice, la présence de ceux qui ont été formé par Marie est, elle aussi, appelée à être transformatrice dans l’époque actuelle. La transformation de toute chose dans le Christ est une opération qui est menée au moyen de la présence de la culture marianiste par ceux que Marie a déjà formés, au moyen de l’intégration continue d’autres personnes à cette culture et par les divers apostolats exercés par les adhérents à ladite culture.

6. En alliance avec Marie dans la mission, les marianistes et les communautés marianistes se considèrent en mission permanente. Ils sont missionnaires. Cela ne veut pas dire qu’ils sont envoyés dans d’autres pays, mais que, dans tout ce qu’ils sont et font, ils existent en vue de former

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le Christ dans les autres et d’établir des communautés chrétiennes. Ou, pour reprendre le langage du dix-neu-vième siècle des Constitutions de 1839 : ils sont toujours, quoi qu’ils fassent, engagés en même temps dans l’édu-cation, utilisant « tous les moyens par lesquels on peut insinuer la religion dans l’esprit et le cœur des hommes, et les élever ainsi, depuis la tendre enfance jusqu’à l’âge le plus avancé, à la profession fervente et fidèle d’un vrai christianisme... » (Art. 251). C’est là l’« intention habituelle » qui dirige toutes leurs activités. Comme pour Marie, il s’agit d’une foi apostolique – c’est-à-dire, d’une foi en vue de la mission.

7. L’estime des marianistes pour leur baptême dans le Christ est à la base de cette conviction missionnaire. Influencé par l’École française de spiritualité, Chaminade ensei-gnait aux marianistes que leur vocation était enracinée dans le baptême, vu que c’était la manière par laquelle ils avaient été initiés au mystère de Jésus et investis de la capacité de vivre comme lui. Leur dévouement à la mission de Marie est perçu comme un renouvellement profond de leur engagement envers ce qui était voulu, sacramentellement, par leur expérience baptismale.

8. Afin de mener à bien leur mission, les Marianistes sont convaincus qu’ils doivent participer aux mystères de Jésus et de Marie (adopter les attitudes, les dispositions et les comportements de Jésus et de Marie) tels qu’ils sont révélés par les Écritures chrétiennes et la Tradition catho-lique. À cet effet, Chaminade donnait ce conseil:« C’est

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le propre du chrétien [et encore plus du Marianiste] de vêtir, en son intérieur, les inclinations, les habitudes et les vertus de Jésus Christ. ‘Revêtez-vous du Seigneur Jésus Christ’ (Rm 13,14). » A la manière de St Paul, il recommandait de se débarrasser du vieil homme « afin de revêtir l’homme nouveau, Jésus Christ».

Selon un document marianiste assez récent, partici-per aux mystères de Marie équivaut à vivre de l’esprit de Marie, qui est « caractérisé par la liberté évangélique, la disponibilité, l’amour miséricordieux attentif à chaque besoin et à toute sorte de personne, la créativité et l’ou-verture, l’humilité et la simplicité, la capacité à faire silence, méditant les choses dans son cœur, en se tenant debout au pied de la Croix de ceux qui souffrent et en découvrant le neuf que Dieu apporte dans l’histoire ».

9. Les marianistes ne conçoivent pas la mission comme une activité individuelle, ni même comme celle d’un groupe de personnes qui l’accompliraient individuellement. Si cela était le cas, on ne pourrait pas interpréter le charisme marianiste comme une culture.

Les marianistes sont convaincus que leur alliance avec Marie débouche sur la formation de communautés d’ac-tion apostolique – c’est une activité menée d’une manière communautaire. De plus, les marianistes sont convaincus que de telles communautés sont enrichies de la diversité de leurs membres et soudées par leur mission et leur union au Christ. Cette diversité est mise en évidence par

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le fait que le charisme est partagé par des laïcs, hommes et femmes, des religieuses, des religieux, frères ou prêtres, jouissant tous d’une égalité relative au sein de la culture marianiste.

Ces convictions trouvent leurs racines dans la façon de faire de Chaminade après son retour à Bordeaux, en 1800 (voir la partie historique ci-dessus) et sont fondées sur le mystère du Corps mystique du Christ, un enseignement qui imprègne la pensée de Chaminade. Selon cette doc-trine, une variété de personnes, aux qualités et aux capa-cités diverses, composent le Corps du Christ. Ce corps n’est pas seulement un assemblage de personnes, mais un tout intégré où chacun a besoin de l’autre pour répondre ensemble à l’appel à être le Christ dans ce monde. Une authentique empathie règne entre les membres de ce corps de sorte que, quand « l’un d’entre eux pleure, tous pleurent » et, quand « l’un d’entre eux rit, tous rient ». Ce qui permet de conjuguer intégration et diversité est l’union en Jésus Christ, réalisée d’abord dans le baptême.

Chaminade proposait aussi en modèle la communauté chrétienne idéale, telle que décrite dans les Actes des Apôtres, dont les membres n’avaient « qu’un cœur et qu’une âme » (Actes 4,32), et qui vivaient des relations qui devaient exister aussi parmi ceux qui étaient impré-gnés du charisme marianiste. Traditionnellement, les marianistes ont parlé d’« esprit de famille » pour dési-gner le caractère de ces communautés d’action aposto-lique en collaboration.

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Étant donné la nature pluri-religieuse de la société d’aujourd’hui, il vaudrait la peine de compléter l’enseignement sur le Corps mystique du Christ, sur les Actes des Apôtres et sur le Baptême par une référence à l’enseignement de la Genèse sur la dignité et la valeur de chaque individu, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, ainsi que par la conviction que toute l’humanité a été assumée en Jésus Christ, le Nouvel Adam, qui est mort pour tous. Au-delà de toute différence, nous partageons, en tant qu’êtres humains, une unité fondamentale dans la création, unité qui a été réaffirmée dans le Christ.

10. Les marianistes reconnaissent que, pour être fidèles à leur alliance avec Marie, ils ont besoin d’entretenir en eux-mêmes, en autrui et dans les communautés aux-quelles ils appartiennent, une foi riche. En contraste à une conception extrinsèque de la foi qui prétend consister dans le consentement notionnel à un certain nombre de dogmes et de doctrines, et qui est manifestée par une série de devoirs et de comportements spécifiques, les Maria-nistes, à la suite de Chaminade et de l’École française, comprennent que la foi doit façonner toutes les capacités cognitives et affectives de la personne. Sans négliger la dimension cognitive de la foi, qui implique la pensée, la réflexion, l’imagination et la compréhension, les Maria-nistes mettent volontiers l’accent sur la « foi du cœur », qui englobe les sentiments, une appréciation ressentie des mystères de la foi, et le don total de soi-même, symbolisé par le cœur, à Dieu, au Christ et à Marie, en qui l’on croit.

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11. Les Marianistes soutiennent qu’une des manières princi-pales d’accomplir leur mission est le recrutement d’autres personnes pour la culture et le charisme marianistes et pour toutes les communautés qui sont influencées par l’esprit marianiste. De plus, ils ont élaboré certains cri-tères pour le choix des œuvres ou des apostolats, une fois passée l’étape du recrutement.

Ces critères sont les suivants : a) l’apostolat offre la pos-sibilité de travailler ensemble, en équipe apostolique, manifestant ainsi la diversité qui existe au sein de la culture marianiste ; b) l’apostolat répond aux besoins de l’Église et de la société et fournit l’occasion d’inviter d’autres personnes à rejoindre la culture marianiste ; c) l’apostolat assure les conditions pour la formation des personnes et des communautés à la foi apostolique, en vue de promouvoir la solidarité et la justice dans le monde.

12. À l’exemple du Bienheureux Chaminade, les Marianistes ont reconnu que les écoles, ainsi que d’autres institu-tions d’éducation, formelle et non formelle, offrent un champ d’activité où tous les critères pour assumer une œuvre apostolique sont remplis.

13. Les marianistes laïcs, hommes et femmes, les religieux et les religieuses, ainsi que les prêtres qui œuvrent dans les écoles adhèrent à tous les attendus de la culture men-tionnés ci-dessus, ainsi qu’à d’autres, plus spécifiques

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à l’éducation marianiste dans les écoles. Parmi ces der-niers, mentionnons:

a. La distinction fondamentale entre instruction et édu-cation. Comme cela a été relevé plus haut, l’instruc-tion implique le développement de compétences et la transmission des différents domaines de la connais-sance. L’éducation, comme l’enseignait Chaminade, signifie l’utilisation de tous les moyens possibles pour développer un esprit chrétien chez les élèves. Ceux qui sont engagés dans les écoles marianistes reconnaissent que l’instruction fournit le cadre où cette éducation se réalise.

b. Le développement de la personne tout entière. Les pre-miers enseignants marianistes visaient à développer la personne tout entière, dans ses dimensions intellec-tuelles, physiques, morales, affectives et spirituelles. Par exemple, ils introduisirent dans leur programme des cours d’histoire, de sciences naturelles, d’écono-mie, de musique, de chant, bien avant que ces matières ne soient inscrites dans les programmes officiels en France. En même temps, ils parlaient d’éduquer les cœurs aussi bien que les esprits. Cette tradition a per-duré. Par exemple, dans le Manuel3 de pédagogie chré-tienne à l’usage des Frères de Marie (1899), il est observé

3 Note du traducteur: Le Manuel de pédagogie chrétienne fut écrit par le père Jean Bap-tiste Fontaine (Assistent General d’Instruction) et publié en deux tomes à Bor-deaux, en 1857, cf. P. Hoffer, Pédagogie Marianiste, 1960, pp. 53-53.

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que « l’éducation, dans un sens général, est l’art de cultiver, développer, renforcer et de perfectionner les facultés physiques, intellectuelles et morales qui, chez l’enfant, constituent la dignité humaine ». Aujourd’hui, les marianistes qui œuvrent dans les écoles, proposent « une éducation intégrale de qualité » qui atteint la personne tout entière. Attentifs à la définition chami-nadienne de l’éducation, les Marianistes tiennent pour acquis que l’éducation consiste à cultiver les habitudes de l’esprit et du cœur, à amener à maturation, de façon intégrée, les potentiels du corps et de l’âme – l’intellect, la volonté, les émotions, l’esprit – le tout étant informé et animé par l’esprit chrétien.

c. L’apostolat de la présence. Ceux qui œuvrent dans les écoles marianistes comprennent que c’est notamment à travers ce qu’ils sont, leur manière d’être, le type de présence qu’ils créent, que les enseignants, avec tous ceux qui travaillent dans les écoles, éduquent. Comme l’écrivait Chaminade, ils éduquent « par chaque parole, chaque regard et chaque geste ». Ils ont à être des modèles de prestige que les élèves sou-haitent imiter, des exemples de vie chrétienne. Avec St Paul, ils pourraient dire : « Imitez-moi comme j’imite le Christ ».

d. L’importance de l’éducation du cœur. Fidèles à la tradition de Chaminade, les Marianistes qui œuvrent dans les écoles sont persuadés qu’un développement d’une culture du cœur est important pour l’éduca-

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tion. Ils sont convaincus que, même si les personnes résistent souvent à la lumière de la raison, elles ré-sistent plus rarement aux impulsions du cœur. C’est pourquoi ils cherchent à comprendre comment les émotions, les sentiments et les passions fonctionnent chez les humains. Puis, en appelant à cette dimen-sion affective des élèves, ils veulent les amener à embrasser la foi, la doctrine et les valeurs chrétiennes pour pratiquer la vertu et adopter une bonne conduite.

e. Les convictions au sujet de l’identité de l’élève et de l’enseignant ont été présentées dans la section his-torique de ce document.

f. Les caractéristiques de l’éducation marianiste. La phi-losophie et la pédagogie de l’éducation marianiste ont été récemment articulées dans Les Caractéristiques de l’éducation marianiste et Les Caractéristiques des universités marianistes. Pour ceux qui œuvrent dans les écoles, les cinq caractéristiques énumérées dans ces documents offrent une façon de résumer la mission marianiste dans les écoles : a) éduquer à la formation de la foi ; b) fournir une éducation intégrale de qualité ; c) éduquer à l’esprit de famille ; d) éduquer pour le service, la justice et la paix ; et e) former à l’adaptation et au changement.

Il s’agit là des plus importants attendus de la culture ou du charisme marianiste. Ils constituent le « monde de signifi-cation » des marianistes, leur manière de comprendre leur but dans la vie.

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Affirmation, expression et communicationLes points suivants signalent quelques-unes des façons d’affir-mer, d’exprimer et de communiquer la culture marianiste.

Affirmation1. Les Marianistes affirment régulièrement la culture maria-

niste en célébrant, à des dates précises, leurs fondateurs par des cérémonies religieuses et des repas festifs, aussi bien en tant que branches individuelles de la Famille marianiste qu’en union avec d’autres ou en rassemblant toutes les branches de la Famille.

2. Des œuvres, des maisons, des communautés ou même des prix portent souvent le nom de marianistes défunts qui ont été d’illustres représentants de cette culture.

3. Les adhérents vivants qui incarnent le charisme d’une manière remarquable ou qui sont capable de l’articuler de manière claire et convaincante, sont souvent cités, de façon formelle ou informelle, pour leur contribution à la culture.

Expression1. Les projets missionnaires, les constitutions et règles de

vie, les documents officiels internationaux, nationaux ou locaux publiés par les diverses branches de la Famille marianiste ou au niveau de la Famille tout entière sont autant de façons d’exprimer le charisme marianiste.

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2. Des objets distinctifs, tels qu’un Calvaire, sculpture figu-rant Marie et le disciple bien-aimé au pied de la croix, commandé par les Marianistes, des statues, des pein-tures et des sérigraphies des fondateurs, de même que les prières caractéristiques de la culture marianiste, comme la Doxologie marianistes ou la Prière de Trois Heures, sont d’autres exemples de l’expression du charisme.

Communication1. Les bulletins internationaux ou nationaux et les sites web

de la Famille marianiste ou de ses diverses branches sont des moyens de communications destinés aux adhérents de la culture marianiste et même à ceux qui se situent au-delà de cette culture.

2. Raconter des histoires choisies sur les fondateurs ou ré-péter leurs paroles fait aussi circuler une communication informelle entre les adhérents de la culture marianistes.

Comportements et pratiques caractéristiquesLes points suivant mettent en exergue quelques-uns des com-portements et des pratiques caractéristiques de la culture marianiste :

1. En plus des prières régulières qui marquent la pratique catholique, il existe, comme cela a été observé ci-des-sus, certaines prières propres à la Famille marianiste

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telles que, par exemple, la Doxologie ou la Prière de Trois Heures. Méditer sur le Symbole des Apôres, comme moyen d’enrichir la foi – une foi du cœur – et de stimuler l’amour pour les mystères chrétiens, ainsi que faire des actes de foi tout au long de la journée sont des pratiques qui remontent au Bienheureux Chaminade.

2. Afin d’être fidèles à leur alliance avec Marie, les Maria-nistes reconnaissent qu’il leur faut développer certaines vertus qui leur permettent de mener à bien leur mission. Au cours du temps, Chaminade a identifié ces vertus et a invité les Marianistes à les développer d’une manière progressive, en trois étapes, par catégories : les vertus de préparation, les vertus de purification et les vertus de consommation. Ce déploiement est appelé Système ou Méthode des Vertus. Qu’il soit pratiqué individuelle-ment ou en groupe, l’objectif du Système est de favoriser des forces christotypiques qui rendent les Marianistes capables d’agir sur la base d’une foi, d’une espérance et d’une charité apostoliques.

3. L’injonction évangélique de « lire les signes des temps » était une devise reprise par Chaminade. À la suite du fon-dateur, les Marianistes demeurent attentifs aux transfor-mations culturelles (les changements spirituels, écono-miques, sociaux et intellectuels, par exemple). Ils tentent de les comprendre à la lumière à la fois du bien que Dieu désire voir atteint dans les circonstances actuelles et des changements qui s’avèrent nécessaires pour mieux

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accomplir la mission de rendre le Christ présent dans ces nouvelles situations et dans le futur. C’est pourquoi le comportement des adhérents de la culture marianiste est caractérisé par une disposition à s’adapter et à changer méthodes, stratégies et pratiques.

4. Chaque question ou décision est considérée d’un triple point de vue : religieux, éducatif et temporel ou matériel. La conviction qui fonde cette pratique est qu’aucun point de vue ne permet, à lui seul, d’embrasser toutes les di-mensions d’une entreprise. Cette pratique, qui remonte à Chaminade, est formalisée ou mise en œuvre par la désignation d’individus qui ont à représenter chacun de ces trois points de vue, de ces trois approches, dans chaque conseil qui existe, dans la Famille marianiste, aux niveaux international, national et local. Ces trois points de vue sont communément appelés les Trois Offices et les conseillers qui les représentent sont appelés Chef de Zèle, Chef d’Instruction ou d’Éduction et Chef du Temporel ou du Travail. Les Trois Offices sont la manifestation d’une conviction marianiste générale quant à l’exercice de l’autorité, de la gouvernance et de la prise de décision : le meilleur moyen d’accomplir la mission est de collaborer.

5. La Famille marianiste ne soutien et n’anime que des apos-tolats qui, par leur nature même, démultiplient les efforts de ceux qui y sont engagés. Par exemple, comme on l’a vu ci-dessus, Chaminade se concentrait sur les écoles normales parce que l’effort investi dans les enseignants

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ne bénéficiait pas aux seuls enseignants concernés, mais aussi à tous leurs élèves, dont la vie, par la suite, influen-cerait beaucoup d’autres personnes. Cela vaut aussi pour ceux qui enseignent dans les écoles marianistes. À tra-vers leurs élèves, les enseignants peuvent étendre leur influence positive sur les familles de leurs élèves et sur d’autres personnes.

Peut-être qu’un contre-exemple permet de mieux saisir cela. Les Marianistes ne choisiraient pas un apostolat médical ou hospitalier, même si soigner les malades est une œuvre de miséricorde, recommandée par Jésus. Généralement, l’apostolat auprès d’un malade, que ce soit en lui fournissant des soins médicaux, en lui apportant la Sainte Communion, en lui offrant conseil et soutien psychologiques, touche le malade seul. Par ailleurs, le temps passé auprès d’un malade n’est pas suffisant pour façonner le caractère de cette personne. En revanche, la quantité du temps passé par un élève à l’école offre une large opportunité d’exercer le travail d’éducation tel que Chaminade l’a défini. Comme indiqué ci-dessus, il a fait des remarques à ce propos dans une de ses lettres, où il oppose ce qui se passe dans les paroisses à ce qui se passe dans les écoles.

Voilà donc quelques exemples importants des compor-tements caractéristiques ou des pratiques que l’on voit dans la culture marianiste.

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Recrutement et initiationLes points suivants décrivent quelques-uns des moyens utilisés pour recruter et initier des adhérents à la culture marianiste.

1. Le Bienheureux Chaminade espérait que les communau-tés qui constituaient la Famille marianiste présentent au monde le spectacle d’un peuple de saints et que, de la sorte, elles puissent attirer d’autres personnes à les rejoindre. Cette façon d’attirer les gens demeure encore un facteur important pour gagner de nouveaux membres à la Famille marianiste et à son travail apostolique.

2. En plus, chaque branche de la Famille marianiste mène une politique active de recrutement en utilisant divers moyens pour enrôler de nouveaux membres.

3. Les personnes qui travaillent dans les œuvres de la Famille marianiste ou qui en bénéficient sans avoir, cependant, pris un engagement explicite par rapport à son charisme, consti-tuent un vivier important de nouveaux membres potentiels.

4. Chaque branche de la Famille marianiste a élaboré quelque processus d’initiation pour ses nouveaux membres. Le type et l’intensité de ces programmes varient selon les branches.

5. Des ateliers, les noviciats, des lectures choisies, des cours en salle de classe ou par Internet, des conférences, des sémi-naires… figurent parmi les moyens employés à cet effet.

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6. Le but de l’initiation est d’introduire les nouveaux membres aux éléments de la culture ou du charisme marianiste décrits ci-dessus et à leur mise en pratique. Il arrive que des nouveaux membres soient déjà un peu familiers de la culture marianiste. C’est le cas, par exemple, des anciens élèves d’institutions marianistes, de ceux qui ont été associés à des œuvres apostoliques ou qui ont connu des marianistes.

7. Un élément important de l’initiation est la formation réciproque qui a lieu à l’intérieur des communautés, comme on l’a mentionné ci-dessus.

8. En plus de la formation initiale ou initiation, tous les membres sont engagés dans quelque type de formation permanente, tout au long de leur vie.

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RÉSUMÉ

Au début du dix-neuvième siècle, en pleine débâcle du catho-licisme français, Guillaume-Joseph Chaminade, le fondateur marianiste – en partenariat avec Marie-Thérèse-Charlotte de Lamourous et Adèle de Batz de Trenquelléon – commença à former des communautés d’action apostolique qui débou-chèrent sur la formation de la culture marianiste. Au cours des deux cents ans d’existence de cette culture, la pensée, l’inspiration et l’action de Chaminade ont été les pierres de touche de sa croissance et de son développement.

Influencé par l’École française et par les implications spiri-tuelles de l’Incarnation, du baptême et du Corps Mystique, Chaminade a invité des personnes d’horizons très variés à se réunir dans ces communautés apostoliques pour faire alliance avec Marie dans sa mission de faire naître et grandir le Christ à toute époque. C’est cette alliance qui constitue l’attendu primordial ou la force qui meut la Famille maria-niste et les diverses communautés qui la composent, de

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même que le principe d’unité qui existe au milieu d’une grande diversité.

Chaminade soutenait qu’une des manières principales d’ac-complir cette mission était de former des communautés qui entretiendraient la présence du Christ parmi ses membres et qui inviteraient, activement, d’autres personnes à les rejoindre. Une de ses intuitions, c’est que la communauté elle-même est formatrice. L’interaction entre ses membres débouche sur une formation réciproque. Une partie de cette formation consiste en l’appropriation des attitudes, des dispositions et des comportements révélés par les mystères de Jésus et de Marie tels qu’ils apparaissent dans les Écritures et la Tradi-tion. Ces communautés encouragent aussi la croissance dans la foi qui informe les dimensions tant cognitives qu’affectives de la personne, une foi aussi bien de l’esprit que du cœur. Le Système des Vertus, élaboré par Chaminade, offrait aux adhé-rents et aux communautés une voie pour développer les forces nécessaire à l’accomplissement de leur mission. Finalement, le climat qui caractérise ces communautés, aux niveaux inter-national, national et local, est appelé « esprit de famille ».

Chaminade proposait aussi que certaines orientations apos-toliques devaient caractériser à la fois les communautés ma-rianistes et les œuvres apostoliques qu’elles animaient. La première était la lecture « des signes des temps », la prise de conscience des transformations de la société, en vue d’une adaptation des pratiques, des stratégies et des méthodes, de sorte que la mission soit mieux assurée au milieu de cir-

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constances changeantes. La deuxième était l’exercice de la collaboration aux niveaux de la gouvernance et de la prise de décision pour de meilleurs résultats. Les Trois Offices offrent un exemple abouti de cette collaboration. La troisième, enfin : lorsqu’il s’agit de choisir une œuvre apostolique, il faut prendre en compte le nombre de personnes qu’on pourra atteindre par cette œuvre, se demander si celle-ci ne bénéficierait qu’à ceux qu’elle touche directement, ou bien si ces derniers seraient en mesure d’en faire, à leur tour, bénéficier d’autres, de sorte que les efforts initiaux puissent entrainer une onde de choc apostoliques ?

Aujourd’hui, on trouve des communautés marianistes en Eu-rope, en Amérique du Nord et du Sud, en Afrique, en Asie et en Australie. Quoique la culture se soit développée au fil des ans et se soit quelque peu revêtue de la patine des nations ou des groupes ethniques où elle est enracinée, tous les marianistes, où qu’ils soient, se tournent vers Chaminade pour y puiser leur inspiration et comprendre que la raison fondamentale pour laquelle ils font partie de la culture ou vivent le charisme, est de rejoindre Marie dans sa mission.

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LES ÉCOLES MARIANISTES EN TANT QUE MANIFESTA-TION ET PERPÉTUATION DE LA CULTURE OU DU CHA-RISME MARIANISTES

Introduction1. Comme indiqué ci-dessus, la première chose que fit Chami-

nade à son retour d’exil à Bordeaux, en 1800, fut de constituer des communautés composées de divers groupes de laïcs, avec l’objectif de rechristianiser la France. Cependant, à partir de 1817, ses efforts se portèrent de plus en plus sur les commu-nautés scolaires. Il devint alors convaincu que les écoles, où les gens seraient formés et éduqués à l’image du Christ, se révéleraient un des moyens principaux de rechristianiser la France. Il apparaît clairement que s’il n’y avait pas eu une évidente conformité entre ce que Chaminade entendait des écoles et la compréhension fondamentale qu’il avait de sa mission religieuse, mûrie tout au long de sa vie depuis l’exil à Saragosse, et que nous appelons le charisme marianiste, il n’aurait pas investi autant d’énergie dans les écoles.

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2. Se fondant sur l’exemple même du fondateur, les Maria-nistes sont convaincus que les écoles demeurent une voie majeure de la réalisation du charisme ou de la culture ma-rianistes de par le monde. Comme déjà mentionné plus haut, les Marianistes ont reconnu que les écoles, ainsi que d’autres institutions éducatives, offrent un champ d’acti-vité qui remplit tous les critères que la culture marianiste a définis pour prendre en charge un apostolat. Le but de cette section est de démontrer comment les éléments de la culture ou du charisme marianiste spécifiés ci-dessus sont constitutifs d’une école marianiste. Cette section soutient que les écoles marianistes sont une réalisation du charisme marianiste et, à cause de leur nature, en assurent la perpétuation.

3. De même que certains n’auraient jamais imaginé in-terpréter le charisme marianiste en termes de culture, d’autres n’auraient jamais considéré les écoles comme constituant des cultures. Pourtant, depuis les années mille neuf cents trente au moins, le terme de culture a été employé en lien avec les écoles et, à partir des années soixante-dix, ce concept a gagné en popularité auprès des théoriciens et des praticiens de l’éducation. Aujourd’hui, il est devenu commun d’analyser les cultures scolaires et de soutenir que le type de culture qui est vécu dans une école contribue au caractère distinctif de l’école en question, ainsi qu’à ses résultats éducatifs. La thèse de ce document est que le caractère distinctif des écoles marianistes dépend des éléments du charisme ou de la

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culture marianiste qui le constitue. Ce qui différencie les écoles marianistes des écoles publiques ou des écoles d’autres congrégations religieuses, ce sont les éléments du charisme marianiste incarnés dans la culture des écoles marianistes.

4. Réciproquement, puisque l’école marianiste est une réalisation ou une manifestation de la culture maria-niste, l’école marianiste offre en permanence la pos-sibilité apostolique d’introduire, au-delà de la Famille marianiste, un grand nombre de personnes au charisme marianiste. Aucun autre apostolat marianiste n’atteint de manière habituelle autant de personnes d’horizons socio-économiques, ethniques, linguistiques ou professionnels différents. Ainsi, il y a d’abord les élèves eux-mêmes, leurs parents, les conseils de tutelle, les anciens élèves, les organisations non-gouvernementales, économiques ou politiques. Ce que ces milliers de gens ont en com-mun, c’est quelque relation avec une école marianiste et, à travers elle, une certaine prise de conscience du charisme ou de la culture marianistes.

La culture des écoles marianistes comme réalisation du charisme marianisteLe but de la section suivante est de relier divers aspects des écoles marianistes à quelques éléments de la culture ou du charisme marianiste, et de montrer ainsi comment les écoles réalisent, concrétisent, représentent ou manifestent cette

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culture, puis comment les écoles sont un moyen de perpétuer cette culture ou ce charisme.

Le contexte écologiqueComme cela a été raconté plus haut, une fois que les Filles de Marie Immaculée et la Société de Marie furent fondées, leur alliance avec Marie fut de plus en plus vécue à travers leur engagement sur « le champ de bataille des écoles ». En 1816, les Filles de Marie accep-tèrent la prise en charge d’une école pour enfants pauvres à Agen et, en 1819, quelques membres de la Société de Marie devinrent responsables d’un pensionnat à Bordeaux. À partir de ces villes, l’apostolat scolaire marianiste s’est déployé en France et au-delà, en Europe, en Amérique du Nord et du Sud, en Afrique, en Asie et en Australie. Le plus souvent, quand le charisme marianiste est entré dans une ville, un pays ou un continent, ce fut à travers l’apos-tolat scolaire. Aujourd’hui, comme au temps de Chaminade, cet apostolat éducatif revêt une variété de formes : jardins d’enfants, écoles primaires et secondaires, collèges, lycées, universités, écoles professionnelles, y compris des œuvres d’éducation non-formelles. Alors que des écoles marianistes ont été fondées et fermées au cours de l’histoire, on en trouve encore aujourd’hui sur tous les continents, sauf en Australie.

Le(s) fondateur(s)Les remarques suivantes indiquent comment le Bienheureux Chaminade et ceux qui ont collaboré avec lui pour développer le charisme marianiste sont liés à la culture scolaire marianiste.

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1. Toute école marianiste dispose d’un récit original de ses origines, de son histoire, de ses objectifs, des défis qu’elle a affrontés et de ses réussites ; elle raconte régulièrement cette histoire à ceux qui y travaillent et spécialement aux nouveaux-venus dans sa culture. Cependant, même si la saga de chaque école est unique, à l’origine de toutes, en fin de compte, on trouve Chaminade et ses collaboratrices, Marie-Thérèse-Charlotte de Lamourous et Adèle de Batz de Trenquelléon. Si Chaminade n’en avait pas reçu l’ins-piration à Saragosse et s’il ne l’avait développée ensuite avec la collaboration de ces deux femmes, il n’y aurait pas eu de charisme marianiste, ni de culture marianiste ni donc d’écoles marianistes. L’unique raison pour laquelle il existe des écoles marianistes est que Chaminade a existé.

2. Les projets missionnaires, les récits, les bulletins d’infor-mation, les documents d’accréditation de toutes les écoles marianistes font remonter les origines de ces dernières à l’intuition initiale du Bienheureux Chaminade et au charisme marianiste qui a animé sa mission dans les écoles. En dépit de leurs différences, toutes les écoles marianistes, comme les membres de la Famille marianiste, évaluent leurs résultats et prennent leurs décisions institutionnelles en fonction de leur fidélité à la tradition éducative de Chaminade, telle qu’elle a notamment été résumée tout récemment dans Les Caractéristiques de l’éducation marianiste.

3. Comme le relèvent des documents ecclésiaux, il est important que le charisme d’un fondateur « soit vécu,

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sauvegardé, approfondi et constamment développé… ». Les hautes écoles et universités marianistes offrent la possibilité aux étudiants et professeurs de participer, à partir d’une variété de perspectives et de disciplines, à la réflexion et au développement de la connaissance de Chaminade, du charisme ou de la culture marianiste et des écoles marianistes. Ce processus enrichit ceux qui étudient cela ainsi que les institutions au sein desquelles ils travaillent. Il est aussi susceptible de devenir une res-source utile pour la culture marianiste, que ce soit dans les écoles ou en dehors de la Famille marianiste.

Collectivité, communautéLes points suivants décrivent comment les caractéristiques de la collectivité ou communauté de la culture marianiste sont manifestées dans les écoles, en particulier sous l’angle de l’unité dans la diversité.

1. Comme la Famille marianiste, les écoles marianistes for-ment une communauté de communautés ou un réseau international d’institutions qui illustrent la diversité de la culture marianiste. Ce qui les unit à travers le monde, est le fait qu’elles sont animées par des branches de la Famille marianiste ainsi que leur appropriation des contenus de la culture ou du charisme marianiste, notamment ceux qui relèvent des attendus de la pédagogie marianiste. Des responsables désignés, les Chefs d’Instruction ou d’Éduca-tion aux conseils internationaux et nationaux des branches

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religieuses de la Famille marianiste, sont un signe d’unité, coordonnent des projets communs et facilitent la com-munication entre les écoles. Dans certains pays, il existe des consortiums nationaux des écoles marianistes qui conseillent et aident les Chefs d’Instruction dans l’exercice de leurs responsabilités. L’unité au sein de cette diversité nationale et internationale est aussi entretenue par des rencontres d’administrateurs, d’enseignants, d’aumôniers ; ou par l’échange de personnel ; par une communication officielle et non officielle entre les écoles, les administra-teurs, les enseignants et les aumôniers ; par des ateliers pour enseignants dans des disciplines spécifiques ; par des retraites sur la culture marianiste pour enseignants et autre personnel ; et ainsi de suite.

2. Dans la plupart des écoles marianistes, il y a des groupes d’élèves organisés en associations religieuses, telles les petites communautés chrétiennes. Ces élèves intera-gissent au niveau national au cours de rassemblements ou de retraites qui manifestent à la fois leur diversité et leur unité. Des événements tels que les Journées Mon-diales de la Jeunesse offrent la possibilité à la jeunesse marianiste de se rencontrer au niveau international et de manifester ainsi à la fois la diversité d’ethnies, de nations, de personnalités et d’expériences et l’unité qui existent dans la culture marianiste.

3. La collaboration, évidente aux niveaux internationaux et nationaux, est aussi présente au niveau local. Une des

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caractéristiques les plus typiques d’une école maria-niste est, selon le témoignage du personnel scolaire, des élèves, des anciens élèves, des parents, des conseillers de tutelle et d’autres qui ont des accointances avec ces écoles, ce que les Marianistes appellent l’« esprit de famille ». Divers conseils scolaires, la délégation d’autorité et de responsabilité, la formation de politique administrative, l’exercice de la discipline en vue de créer une commu-nauté, contribuent à entretenir un tel environnement. La communication qui s’adresse aux différentes caté-gories d’individus composant la communauté scolaire (par exemple, dans les bulletins d’information, dans les mémorandums scolaires, dans les discours) fait une référence constante à cet « esprit de famille ».

4. Un sentiment de famille est suscité au moyen des in-teractions informelles entre les divers membres de la communauté scolaire, telles que les relations entre les enseignants, les élèves et leurs parents. Comme le fon-dateur l’a souligné, il est particulièrement important que les enseignants méritent l’admiration de leurs élèves et cultivent un genre d’amitié avec eux. À la différence de l’ambiance des écoles-usines rejetées par Chaminade ou du style caserne, critiqué par le père Simler, les écoles marianistes, comme toute culture, veulent créer un sen-timent d’appartenance et des relations mutuelles chez ceux qui y travaillent, un contexte qui, en lui-même, est formateur d’une « culture du cœur ».

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5. Année après année, les nouveaux élèves, les ensei-gnants, le personnel administratif, les parents et les autres membres du personnel scolaire entrent dans la culture scolaire marianiste, où les anciens, à travers des interactions formelles et informelles, leur transmettent l’esprit qui donne vie à la communauté. En échange, les nouveaux-venus sont invités à apporter leur propre contribution à la culture, de sorte que l’interaction de tous ceux qui constituent la communauté scolaire soit marquée par la réciprocité.

6. De par la nature propre des écoles, l’apostolat y requiert, pour qu’il soit mené à bien, une diversité de professions, des cuisiniers aux directeurs, des concierges aux provi-seurs. Comme noté ci-dessus, l’esprit même de l’école marianiste promeut un sentiment de coopération entre toutes ces différentes personnes. Et même plus, il y a la conviction, maintes fois soulignée dans les lettres du P. Chaminade à des directeurs d’écoles, que chacun est essentiel au succès de l’école et jouit d’une égalité fonda-mentale au sein de la communauté. Quoique de manière différente, tous prennent part à la mission de l’école qui est de développer chez les élèves, des habitudes d’intel-ligence et de cœur imprégnées de l’esprit chrétien.

7. Lorsque quelqu’un adopte la culture scolaire marianiste, qu’il soit conseiller de tutelle, enseignant, secrétaire, parent ou élève, il fait alliance avec l’école et sa mission. C’est cette mission qui réunit tout le monde, d’un point de

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vue à la fois cognitif et affectif. Fondamentalement, il s’agit d’une alliance avec Marie dans sa mission de rendre le Christ présent au monde et de le faire grandir chez autrui. C’est ce qu’est l’éducation au sens, plein et riche, que lui donne la tradition marianiste, qui remonte à Chaminade.

8. Puisque la mission est ce qui unifie la diversité observée au sein du personnel scolaire, inviter des individus à devenir éducateurs (qu’ils soient enseignants ou secré-taires) équivaut – et c’est là un point essentiel – à les inviter à s’approprier la mission. Quand il s’agit d’engager un individu comme membre du personnel scolaire ou d’inviter quelqu’un à s’associer avec l’école (un conseiller de tutelle, par exemple), il faut s’assurer que l’individu en question soit disposé à soutenir la mission et à y contri-buer, à éduquer et pas seulement à instruire. Ce point n’est pas négociable.

9. De même que l’appartenance à la Famille marianiste est marquée par des différences en fonction des capacités et des talents naturels, des conditions socio-économiques, des cultures et des races (Africains et Indiens de diffé-rentes tribus ou régions, Espagnols, Français, Japonais, etc.), de même la diversité caractérise-t-elle le corps des élèves des écoles marianistes. Se rappelant le principe du Bienheureux Chaminade selon lequel il suffit que « chacun soit tel que Dieu veut qu’il soit», avec diffé-rentes grâces et projets de vie, les enseignants maria-nistes acceptent les élèves tels qu’ils sont dans toute leur

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individualité et les aident à développer leurs potentiels. À cette fin, les marianistes s’engagent dans une variété d’écoles, offrant une instruction formelle et non-for-melle, ainsi qu’une formation vocationnelle.

10. Le but des écoles marianistes est que, ayant été immergés dans cette culture de collaboration, où la diversité aussi bien que l’unité sont appréciées, ceux qui ont achevé leur scolarité (tout comme les autres membres de la communauté scolaire) aient une juste appréciation de leur propre individualité et de celle d’autrui, saisissant en même temps l’importance de l’exercice des respon-sabilités et de la prise de décisions effectués en col-laboration. Les élèves ont vu parents et enseignants, conseillers de tutelle et proviseurs, enseignants et élèves travailler ensemble pour accomplir la mission. Eux-mêmes ont participé à des travaux d’équipe en classe, à des apprentissages en commun avec d’autres élèves et à des activités tels que les conseils d’élèves. À travers cette expérience, les élèves ont appris à penser et à œuvrer en collaboration et à apprécier la contribution unique de chacun à tout projet ou toute prise de décision.

Les contenus de la culture et quelques façons dont elle est affirmée, exprimée et communiquéeLa section suivante veut montrer comment certains contenus de la culture marianiste sont présents dans les écoles maria-nistes. Dans plusieurs cas, le commentaire sur ces contenus

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sera enrichi d’une description de la façon dont ces contenus peuvent être affirmés, exprimés ou communiqués.

1. Tous les éducateurs marianistes, laïcs hommes et femmes, religieuses, religieux frères et prêtres, qui sont consacrés comme membres de la Famille marianistes, incarnent, dans leur cœur et leur esprit tous les contenus qui consti-tuent le charisme marianiste. Cette culture marque leur présence quand ils œuvrent dans des écoles marianistes.

2. Toutefois, tout comme il y a eu des membres des Congréga-tions de Bordeaux qui, au moins au début, se différenciaient par leur degré d’engagement, les membres de la commu-nauté scolaire marianiste se différencient également par leur degré d’engagement envers l’ensemble des contenus de la culture ou la pleine vision du monde que comporte le charisme marianiste. Comme noté plus haut, qu’ils soient élèves ou conseillers de tutelle, ils forment un vivier de personnes qui peuvent être invitées à un plus grand de-gré d’engagement. Inviter ces individus à approfondir leur engagement est un moyen de perpétuer le charisme marianiste et, puisque les écoles sont des institutions qui durent, ce vivier de personnes se renouvèle sans cesse avec de nouveaux élèves, de nouveaux membres du personnel scolaire, de nouveaux parents, et ainsi de suite.

Ce qui est essentiel, c’est qu’ils comprennent la mis-sion des écoles marianistes qui est d’éduquer au sens plein du terme, comme l’entendait Chaminade, et

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qu’ils aient la bonne volonté de soutenir cette mission selon leurs possibilités.

3. En tant qu’alliées de Marie dans sa mission, les écoles marianistes veulent rendre le Christ présent en ce monde. Elles le font de différentes manières :

a. L’école marianiste fait connaître à ceux qui y travaillent et à ceux qui sont en contact avec elle, quelle est la mis-sion de l’école : si l’école marianiste existe, c’est pour rendre le Christ présent aux hommes. En même temps, elle insiste : c’est à cause de son engagement envers Jésus et son dévouement à Marie qu’elle s’est lancée dans la noble tâche de l’instruction et de l’éducation.

b. L’école marianiste, dans son unité et sa diversité, est une manifestation du Corps, dont la Tête est le Christ, ainsi que du Christ, qui assume l’humanité de tous.

c. Ici ou là, s’il n’y avait pas une école marianiste il n’y aurait pas de manifestation tangible du Christ dans les milieux concernés, dans certaines régions d’Afrique ou d’Asie, par exemple. Ainsi, la présence de l’école en ces endroits est, sans aucun doute, une incarnation de cette dimension de la mission de Marie : apporter le Christ au monde.

4. En tant qu’alliées de Marie dans sa mission, les écoles marianistes veulent faire grandir le Christ en autrui et

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dans des communautés. En d’autres termes, elles visent la formation à la foi. Elles le font de diverses manières :

a. Les écoles marianistes ont un programme de cours de religion bien développé, fondé dans les mystères de la foi et adapté à l’âge et à la situation des élèves.

Le but de ce programme de religion est de dévelop-per non seulement les connaissances de base et les capacités cognitives des élèves, mais aussi de nourrir leurs dispositions affectives et comportementales. Le but, alors, de ce programme de religion est que, par cette instruction et éducation, l’élève acquière une « appréciation bien sentie » du Christ, un engage-ment envers lui, de même qu’un sens moral enraciné dans des valeurs et les attitudes christo-typiques, qui concernent aussi bien l’individu en lui-même que les aspects sociaux de sa vie.

b. Au long de l’enseignement de la religion, une sorte de formation réciproque se fait. Ce n’est pas seule-ment la foi et l’engagement des élèves qui en sortent renforcés, mais aussi ceux des enseignants lorsqu’ils préparent leurs cours. En outre, les questions des élèves, leurs observations et leurs remarques sont sou-vent instructives pour les enseignants et leur propre compréhension et leur pratique de la foi. Ce qui en résulte est une communauté d’apprentissage où tous sont enrichis dans leur foi.

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Dans les écoles supérieures et les universités, les pro-fesseurs et les étudiants ont la possibilité d’explorer les mystères du Christ et de Marie avec plus de profondeur et de réaliser les implications de leurs convictions sur leurs vies et leurs futures professions.

c. En complément des programmes de religion figurent les activités des équipes d’aumônerie. Entre autres choses, ces équipes, souvent composées à la fois d’élèves et d’adultes, offrent aux élèves la possibilité d’exprimer leur foi en Jésus Christ à travers des expé-riences telles que la célébration des sacrements au niveau de l’école, l’organisation de spectacles, de pèle-rinages, de retraites, de veillées de prière, ou encore la participation à de petites communautés chrétiennes. Comme c’est le cas pour les cours de religion, une for-mation mutuelle a lieu quand les équipes d’aumônerie travaillent et interagissent avec différents groupes d’élèves.

d. Les questions de foi, de paix, de service, de justice sont abordées dans tous les programmes et pas seulement dans les cours de religion. Par exemple, quand on discute de littérature, il est normal de comparer les points de vue de différents auteurs sur des thèmes précis, en expliquant leurs interprétations à partir de leurs perspectives phi-losophiques et religieuses. En littérature anglaise, par exemple, on peut comparer la Grandeur of God de Gerard Manley Hopkins avec le  The World Is Too Much With Us de

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William Wordsworth. Ce sont deux sonnets pétrarqui-sants, écrits au dix-neuvième siècle, qui déplorent les conséquences de la Révolution industrielle. Mais le poème de Hopkins se termine sur une claire note d’espoir alors que Wordsworth semble proche du désespoir. Les sujets sont similaires, mais abordés à partir de perspectives de foi différentes. La littérature, l’histoire et les autres disci-plines se prêtent facilement au traitement des questions de justice, de paix et de service.

L’enseignement des sciences et des technologies sou-lève également des questions de foi, de justice, de paix et de service. On peut discuter de la manière dont les individus, suite au développement de la connaissance scientifique, pratiquent nécessairement une foi (par-fois mal placée) dans le travail des autres en utilisant leurs résultats comme base de leurs propres recherches (voir Michael Polanyi). Bien que personne ne doive transformer l’enseignement de la biologie en un cours de religion, ce ne serait pas perdre du temps que de considérer (peut-être en collaboration avec l’ensei-gnant de religion) des questions telles que la foi et la théorie de Darwin ou les problèmes éthico-religieux liés à la manipulation des cellules. Des questions tou-chant à la paix et à la justice surgissent évidemment de l’étude des technologies, notamment lorsqu’il s’agit de déterminer qui a accès à ces technologies ou bien si ces dernières sont au service de la création et du bien de l’humanité ou, au contraire, servent à détruire.

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Dans tout cela, le souci est avant tout que les pro-grammes des écoles marianistes intègrent les ques-tions de foi, de paix, de service et de justice à tous les domaines de la connaissance et de l’apprentissage, et révèlent ainsi qu’il ne s’agit pas là de questions pure-ment accessoires qui peuvent être négligées ou aban-données aux seuls cours de religion.

e. À partir de la perspective ouverte par la phrase de St. Irénée, souvent citée, selon laquelle « la gloire de Dieu est l’homme debout (ou : vivant) », la conviction marianiste que l’école devrait développer la personne tout entière est vraiment une contribution à la for-mation des individus en Christ. Pour Irénée, Jésus est la gloire de Dieu, car il est l’homme debout dans toute sa plénitude. Dans son humanité, les habitus de l’esprit et du cœur sont totalement intégrés, tous deux pénétrés d’une confiance inébranlable dans le Père. Les évangiles le montrent tour à tour comme un sage, un prophète, un guérisseur, un ami, un serviteur, un maître, quelqu’un qui aime et qui pardonne. Il aime la compagnie, il est attentif aux beautés de la création, il a des moments d’extase, il fait l’expérience de la douleur tant morale que physique, il souffre et meurt, et il est transfiguré par la vie éternelle. Il est présent aux gens de toute extraction : petits enfants, femmes, collecteurs d’impôts, travailleurs journaliers, prostituées, ascètes, étudiants de la loi, administrateurs du pouvoir. Il sait écouter, apprendre, instruire, débattre, toucher et

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se laisser toucher, se mettre en colère contre le mal, unir, saisir la réalité par intuition, aller au-delà des apparences, être silencieux...

Sa vie a un caractère englobant. Sa façon de penser et de croire, sa façon de ressentir – ses désirs, ses émo-tions, ses passions et ses relations avec autrui et avec le Père – s’harmonisent bien ensemble. Rien de ce qui est humain ne lui est étranger. Il a fait l’expérience de toutes les dimensions de la vie humaine et, en tant que tel, il est celui qui est pleinement humain.

En développant authentiquement la personne tout entière – ses dimensions physiques, intellectuelles, affectives, morales et spirituelles – les éducateurs ma-rianistes visent à permettre aux élèves de devenir plei-nement vivants, comme le Christ. De même que rien d’humain n’était étranger à Jésus, l’éducation de la per-sonne tout entière favorise en fin de compte l’éclosion d’une telle humanité dans chaque élève. Et comme Jésus qui, dans son humanité, a grandi dans la perception de sa vocation, les Marianistes, en éduquant la personne tout entière, veulent aider les élèves à découvrir les « buts profonds qui donnent sens, émerveillement et épanouissement à leurs vie », lorsqu’ils commencent à comprendre la vocation, l’appel qui est le leur.

f. Une autre manière très importante à travers laquelle la communauté scolaire et les individus sont formés est le type de présence, d’atmosphère ou de climat que crée

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le personnel scolaire – les enseignants en particulier. Comme le formule l’un des premiers traités de pédagogie marianiste, les enseignants sont « l’âme » de la classe ou, selon Olier, des « sacrements ». En bref, ils forment le Christ en faisant de chacun de leurs gestes, de chacune de leurs paroles et de leur apparence autant d’exemples chré-tiens. Ils incarnent des modèles de prestige, des exemples de vie chrétienne que les élèves ont envie d’imiter. La diversité parmi eux témoigne du fait qu’il n’y a pas seule-ment une façon de ressembler au Christ, chaque personne étant appelée à manifester le Christ dans son originalité.

Pour être des modèles qui donnent envie, les ensei-gnants doivent être préparés comme il convient dans leur discipline, compétents en pédagogie, capables de s’adapter et de changer de méthodes en fonction des besoins des élèves et susceptibles de gagner leur estime et leur amitié. En d’autres termes, l’enseignant doit être un professionnel, un praticien réfléchi, parce que c’est ce que la justice envers les élèves et les parents exige, et aussi parce que c’est dans le cadre d’une bonne instruction que l’éducation se réalise.

Mais, au-delà de tout professionnalisme, les ensei-gnants marianistes doivent posséder certaines excel-lences et certaines qualités pour mener à bien leur apostolat. Nombre d’entre elles sont développées dans le système marianiste des vertus : les cinq silences, le recueillement, la persévérance, la patience, la confiance en Dieu, l’humilité, etc.

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Les enseignants doivent aussi être animés de certaines convic-tions :

leur profession est une vocation, un appel, un apostolat, pas simplement un job ;

leur mission est d’éduquer, au sens défini par Chaminade et les documents marianistes ;

la prise de conscience de cette mission oriente tout ce qu’ils font ;

pour remplir leur mission et faire croître le Christ dans les autres et dans la communauté, ils doivent être eux-mêmes des exemples de foi ;

leur mission les appelle à prier pour eux-mêmes, pour la communauté et pour leurs élèves.

Les enseignants doivent aussi entretenir certaines atti-tudes et convictions relatives aux élèves comme tels :

chaque élève est fait à l’image et à la ressemblance de Dieu ;

il suffit à chaque élève d’être ce que Dieu entend qu’il soit ;

aucun élève n’a exactement reçu les mêmes grâces que les autres ;

même si aucun élève n’est parfait, ce qui est imparfait ne doit pas être rejeté comme étant entièrement mauvais ;

un élève doit être aidé pour développer ses potentialités ;

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chaque élève est capable de refléter le Christ ;

chaque élève a la possibilité, avec d’autres, de transformer le monde, dans une certaine mesure…

(Pour une liste plus détaillée des convictions et activités défi-nissant un enseignant marianiste, voir l’appendice A « Convic-tions et actions des enseignants marianistes » des Caractéris-tiques de l’éducation marianiste.)

g. Une grande partie de ce qui vient d’être observé au su-jet de la mise en œuvre de la formation à la foi – faire grandir le Christ en autrui – ne concerne pas seulement les enseignants et les élèves, mais aussi tout le reste du personnel scolaire. Dans la mesure du possible, l’école marianiste s’efforce de fournir à tous les membres de sa communauté la possibilité de mûrir dans la foi, tant au niveau individuel que communautaire. Au moyen de bulletins d’information, de conférences, de participa-tion à des événements de foi – pèlerinages, spectacles ou célébration des sacrements –, d’une instruction aux mystères de la foi, d’expériences de prière, d’ateliers et d’une invitation à rejoindre les branches de la Famille marianiste, l’école marianiste s’efforce d’entretenir la foi chez toutes celles et ceux qui y sont associés. De même que les élèves des écoles de Chaminade devinrent des apôtres pour leurs parents, c’est très souvent aujourd’hui à travers leurs enfants que les parents saisissent l’esprit de l’école marianiste.

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h. Comme élément de la formation à la foi dans les écoles marianistes, la connaissance de Marie et la dévotion à Marie sont particulièrement cultivées parce que c’est sa mission qui fonde la raison d’être de ces écoles. Les statues de la Vierge et d’autres œuvres d’art sont autant de rappels tangibles de sa présence et de son rôle dans l’histoire du salut. Les écoles célèbrent plusieurs de ses fêtes. Les prières marianistes typiques sont intégrées dans la routine des écoles. Les mystères de la vie de Marie sont pris en compte dans les programmes de religion. Dans les écoles supérieures et dans les universités, les étudiants et les professeurs de diverses disciplines étu-dient l’influence que Marie a exercée au cours des siècles. On explore comment les femmes et même l’ensemble des disciples du Christ ont trouvé en Elle un modèle et se la sont appropriées.

i. Suite à une prise de conscience de l’inclusivité (une inter-prétation moderne de l’option marianiste fondamentale en faveur de la diversité), les écoles marianistes, comme noté plus haut, invitent des personnes de divers niveaux d’engagement à faire partie des différentes composantes du personnel scolaire. Cela représente un défi pour la mission, vu qu’il est difficile d’imaginer, par exemple, que des non-chrétiens soient suffisamment au fait des mystères du Christ et désireux de favoriser une foi chré-tienne explicite chez les élèves et d’autres personnes. Ce qu’on peut attendre de ces individus, c’est de soutenir, d’affirmer, d’apprécier la mission de l’école et d’y contri-

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buer dans la mesure de leurs possibilités. C’est l’intégrité qui permet d’exiger cela de leur part.

Il est clair, toutefois, que la mission des écoles maria-nistes requiert une masse critique d’enseignants et d’autres membres du personnel scolaire qui soient entiè-rement dévoué au Christ et à la formation chrétienne à la foi. D’autres groupes liés aux écoles, en particulier les organes de tutelle, requièrent aussi de telles personnes en leur sein.

Dans les écoles supérieures et les universités notam-ment, la présence d’enseignants et de membres du per-sonnel qui professent des croyances différentes de la foi catholique ou qui sont sans religion du tout, offrent l’occasion de discussions œcuméniques ou de conversa-tion avec ceux qui constituent ce que Benoît XVI a appelé le « parvis des gentils ». Comme cela a été souvent noté, lorsque de tels dialogues ou colloques sont authentiques, ce sont les convictions de chacun qui s’en trouvent enri-chies. Ainsi, ces conversations peuvent devenir l’occasion d’une formation à la foi.

j. Un défi semblable se pose à l’éducation marianiste en lien avec la formation à la foi, en l’occurrence de savoir comment articuler la façon dont cette mission centrale est remplie dans les écoles et dans d’autres institutions éducatives qui sont principalement au service d’une population non-chrétienne. Aujourd’hui, la préoccupation première des marianistes n’est pas

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de convertir ces gens même si les marianistes leur montrent l’attractivité du christianisme et leur offrent ce cadeau dans la mesure où les conditions socio-po-litiques le permettent.

Une des motivations majeures des marianistes dans leurs nouvelles missions, africaines ou asiatiques, envers les non-chrétiens est le service des pauvres et des margi-nalisés, ce qui permet d’obéir à l’injonction du Christ à prendre soin des plus petits, de rendre le Christ présent à travers l’agir, et de répondre à l’appel universel en faveur de l’éducation. Comme relevé ci-dessus, un tel apostolat permet d’accomplir la première dimension de la mission de Marie qui est de rendre le Christ présent, mais pas la deuxième dimension de cette mission qui est de faire grandir le Christ dans les individus et les communautés.

Dans ce contexte d’un apostolat auprès de populations non-chrétiennes, on pourrait imaginer que la forma-tion à la foi, qui fait grandir le Christ, est réalisée au cours du processus éducatif quand il s’agit de susciter, chez les élèves et autres membres du personnel sco-laire, des attitudes et dispositions christocentriques qui, comme on l’a souligné plus haut, expriment réel-lement ce que cela signifie que d’être vraiment humain et vraiment vivant. Une telle formation ne traite pas des questions liées à la foi explicite en Jésus Christ ou à la participation à ses mystères, mais elle vise néan-moins à imprégner de l’esprit chrétien les habitudes des élèves et des autres personnes.

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Les Marianistes doivent continuer à discuter pour savoir comment faire en sorte que les écoles maria-nistes au service de populations non-chrétiennes restent fidèles à l’alliance avec Marie et l’aident dans sa mission. Ce qui a été présenté ci-dessus offre une option parmi d’autres d’envisager le sujet.

5. Dans le cadre de cette alliance, les écoles marianistes forment des individus et des communautés aptes à trans-former le monde.

a. Savoir, c’est pouvoir. À travers l’instruction dispen-sée aux élèves, les écoles marianistes les préparent à recevoir une compréhension intégrée des diverses branches du savoir et à développer des compétences essentielles pour vivre et travailler dans le monde d’au-jourd’hui. Une telle instruction de qualité est capitale pour permettre aux élèves de devenir des agents du changement.

À travers l’éducation dispensée par l’instruction, les élèves sont formés à des attitudes et ouverts à des perspectives qui orienteront l’utilisation de leurs connaissances et compétences non seulement pour eux-mêmes, mais aussi pour le développement et la transformation chrétienne des diverses communautés auxquelles ils appartiendront : famille, cité, nation et monde.

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Par l’exposé de la doctrine sociale de l’Église, par l’étude et l’expérience de divers problèmes sociaux, et par l’exemple de leurs maîtres et autres membres du personnel scolaire, un sentiment de solidarité hu-maine est instillé dans l’esprit et le cœur des élèves. Cela les amène aussi à réaliser que, individuellement et collectivement, ils ont une responsabilité par rapport à l’amélioration de la société.

Les activités parascolaires, telles que le volontariat, la participation à des actions de justice et de paix, les programmes d’immersion dans des cultures diffé-rentes ou des milieux socio-économiques différents, donnent aux élèves une perception vécue de la réalité du monde et quelques pistes sur ce qui doit être changé.

Donner des cours de soutien scolaire aux enfants désa-vantagés, visiter les prisonniers, trouver de la nourri-ture pour les pauvres, organiser des communautés et ainsi de suite, tout cela offre aux élèves l’occasion de faire l’expérience pratique des possibilités de changer ou d’améliorer la situation d’autrui. Quand le service envers les autres est enseigné en lien avec l’instruction reçue dans une discipline telle que les études sociales ou l’histoire de l’art, cela procure aux élèves l’occa-sion de relier les connaissances ou les compétences apprises en classe avec la possibilité de les utiliser en vue d’aider les autres ou de transformer les conditions de leur environnement. La réflexion sur l’apprentis-sage du service, effectuée individuellement ou avec des

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camarades de classe, pousse les élèves à comprendre pourquoi le service et la transformation sont néces-saires, quels changements doivent être opérés, qui a besoin d’être servi, quelles motivations poussent les gens à servir, et comment les adaptations et les changements peuvent être réalisés dans la pratique.

Les écoles marianistes entretiennent, chez les élèves, une disposition à être attentifs aux signes des temps et à évaluer les présupposés culturels de leur société en cohérence avec la vision chrétienne du monde. De même que Chaminade réalisa qu’un « nouveau point d’appui » devait être trouvé pour faire bouger le monde, les élèves sont entraînés à faire usage de leur imagination pour se représenter les situations sous de nouvelles formes pour le bien de la mission. En fait, l’éducation aux cinq silences du Système des Vertus fournit des habitudes de l’esprit et du cœur qui nourrissent la réflexion, les comportements et les émotions, qui aident les élèves à être attentifs, à discerner, à prendre l’initiative lorsqu’ils collaborent au processus de transformation.

Comme notre monde est devenu global, les écoles marianistes préparent les élèves à devenir citoyens non seulement de leur propre cité et de leur nation, mais aussi du monde. Apprendre comment s’enga-ger dans des conversations courtoises et productives, comment évaluer les opinions d’autrui de manière objective, comment articuler sa propre opinion en

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comprenant quelle en a été la genèse, comment assi-miler ce qui est jugé valable dans l’opinion d’autrui et comment arriver à un consensus, est essentiel à une instruction de qualité qui prépare les élèves à vivre et travailler à un changement positif dans une situation interculturelle globale.

Parvenir à la compréhension d’une pluralité de cultures et être capable de reconnaître les similitudes et les dif-férences entre elles, notamment par rapport la sienne propre, élargit la vision des élèves. Développer un sens critique qui puisse distinguer entre ce qui est simple-ment différent de ses propres pratiques culturelles – avoir, par exemple, le riz comme nourriture de base plutôt que les pâtes ou les pommes de terre – mais sans être un mal, et ce qui est une pratique culturelle mauvaise et injuste, telle que l’excision, est capital pour discerner quels sont les éléments qui ont besoin d’être changés dans notre monde global.

Encore plus cruciale dans une vision globale chrétienne est la conviction absolue que chaque être humain est fait à l’image et à la ressemblance de Dieu et jouit, en conséquence, d’une dignité inaliénable, en dépit des différences ethniques, raciales, culturelles, nationales, socio-économiques ou de niveaux d’éducation. À cela s’ajoute la certitude inébranlable que la grâce du Christ atteint tout le monde, y compris ceux qui n’en ont pas conscience.

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Il s’agit là de quelques-uns des éléments d’une édu-cation pour un monde global que les écoles maria-nistes procurent dans leurs efforts de rendre les élèves capables d’être missionnaires, c’est-à-dire de faire bouger le monde comme le fit Chaminade.

b. Ayant été éduqués à une spiritualité de l’Incarnation, les élèves possèdent la certitude de la présence per-manente de l’amour de Dieu pour tous les gens et pour toute la création. Cet amour, pleinement manifesté dans la mission de Jésus de renouveler la création, les rend sensibles au coût induit par toute transformation. Pour Jésus, le coût fut la croix. Mais cela leur donne aussi l’assurance que, en fin de compte, le bien voulu par Dieu prévaudra, comme cela a été révélé dans la résurrection. C’est pourquoi une espérance fondée demeure en eux dans leurs efforts de contribuer à ce que Jean-Paul II et Benoît XVI ont appelé une « civi-lisation de l’amour ».

c. Vivant l’école dans la perspective du Bienheureux Cha-minade, les élèves, les anciens et les autres membres du personnel scolaire, observent une similitude entre son époque et la nôtre. De fait, ils reconnaissent que le sécu-larisme d’aujourd’hui représente un plus grand défi que ce que Chaminade appelait « indifférence religieuse » car, selon les termes de Benoît XVI, la situation actuelle est celle où la culture radicale des Lumières a atteint son plein épanouissement de sorte que « d’une façon inconnue

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jusqu’ici de l’humanité, [elle] exclut Dieu de la conscience publique, soit en le niant à fond, soit en jugeant que son existence n’est pas démontrable, est incertaine et appar-tient donc au domaine des choix subjectifs, à quelque chose qui, en tout cas, est sans pertinence pour la vie publique ».

Tout comme Chaminade proposait le spectacle d’un peuple de saints, qui montrerait que l’Évangile peut être mis en pratique et qui contrerait la propagande de philosophes comme Jean d’Alembert, les anciens élèves des écoles marianistes, éduqués selon ce qui a été dé-crit ci-dessus, les enseignants et les autres membres du personnel scolaire forment un ensemble d’hommes et de femmes engagés et éduqués, prêts à défier cette culture des Lumières et à travailler à la transformer à travers l’exemple de leurs vies et la présentation d’un argument convaincant en faveur d’une vision chrétienne de l’humanité et de la société.

d. Vu que l’avenir de la société dépend de chaque géné-ration successivement, les écoles marianistes four-nissent des ressources sans cesse renouvelées en personnes promptes à transformer le monde comme l’a fait le Christ.

Ce sont là quelques exemples de la façon dont les contenus de la culture marianiste sont vécus dans les écoles marianistes.

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Affirmation, expression et communicationLes points qui suivent signalent d’autres manières par les-quelles la culture marianiste est affirmée, exprimée et com-muniquée dans les écoles.

Affirmation1. Les écoles marianistes célèbrent le Bienheureux Chami-

nade et ses collaborateurs dans les activités de la journée des Fondateurs, reconnaissant de la sorte ceux qui se trouvent à la source de l’inspiration et de la tradition éducative qui animent les écoles.

2. Les écoles marianistes célèbrent régulièrement les mys-tères de Jésus et Marie au cours de prières communes, de spectacles, de pèlerinage, etc.

3. Les prix attribués aux élèves, enseignants et autres membres du personnel scolaire portent le nom de « Cha-minade » et d’autres éducateurs marianistes remar-quables.

4. Les prix destinés aux élèves, enseignants et autres membres du personnel scolaire sont attribués à ceux qui illustrent les caractéristiques du charisme marianiste en particulier dans le domaine de l’éducation.

5. Les écoles, les projets, les centres, les conférences, les programmes, les bourses d’étude etc. portent le nom des

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fondateurs de la culture marianiste et d’autres person-nages importants de l’histoire marianiste.

6. Le budget de l’école alloue des fonds au soutien des carac-téristiques marianistes de l’école.

7. En recrutant les élèves, en engageant les enseignants et les autres membres du personnel scolaire, en choisissant les conseillers de tutelle, les écoles marianistes s’efforcent de maintenir une certaine diversité.

Expression1. Des documents tels que les Caractéristiques de l’éducation

marianiste, expriment sur un plan international les traits marianistes distinctifs de la culture éducative marianiste.

2. Des statues et des portraits du Bienheureux Chaminade, de ses collaborateurs, d’autres éducateurs marianistes notables ainsi que des scènes mariales ornent les écoles comme autant de rappels de la tradition éducative marianiste.

3. Des essais, des monographies, des thèses, des ouvrages étudient et illustrent les aspects de la tradition éducative marianiste et les personnes qui l’ont suscitée ou développée.

4. Des projets missionnaires, des récits, des instruments d’évaluation et autres détaillent la culture scolaire maria-niste.

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5. Des prières typiquement marianistes expriment le cha-risme marianiste vécu dans la culture scolaire marianiste.

6. La description du projet missionnaire de l’école et les cinq caractéristiques de l’éducation marianiste affichées à des endroits bien en vue de l’école expriment la culture éducative marianiste.

7. Les emblèmes et slogans de l’école intègrent des expres-sions de la tradition éducative marianiste.

Communication1. Des bulletins d’information, des assemblées, des séances

d’orientation, des sites web scolaires, des annuaires et des expositions dans les médias sont autant de moyens par lesquels la culture éducative marianiste est commu-niquée à un public varié.

2. Raconter l’histoire de l’école et de quelques-unes des personnes remarquables qui y ont travaillé permet de communiquer les principes de la culture éducative maria-niste de façon concrète.

Recrutement, initiation et formation continue des nou-veaux adhérentsSi de nouveaux adhérents ne naissent pas à une culture ou ne sont pas recrutés par cette dernière, elle finira par s’éteindre.

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C’est pourquoi le recrutement, l’initiation et la formation continue de ses adhérents sont vitaux pour chaque culture, y compris la culture marianiste et celle des écoles marianistes. On trouvera ci-dessous quelques exemples dont ces activités sont menées à bien par les écoles marianistes.

1. Tout comme Chaminade pensait que les congrégations et les écoles devaient attirer de nouvelles personnes en laissant voir des communautés attractives, nombreux sont ceux qui sont attirés aujourd’hui par les écoles marianistes pour des raisons semblables. Dans certaines familles, les nouvelles générations vont à des écoles marianistes à cause de l’expérience positive qu’y ont faite les générations pré-cédentes. D’autres s’inscrivent dans une école marianiste parce qu’eux-mêmes ou leurs parents sont séduits par sa mission, par ses succès éducatifs ou ont été favorablement impressionnés par la visite qu’ils y ont effectuée. D’autres encore rejoignent une école sur la base de recommanda-tions faites par des amis qui y étaient allés.

Des motivations du même ordre animent les ensei-gnants ou les autres membres du personnel scolaire qui cherchent un emploi dans une école marianiste. Des anciens élèves sont aussi désireux de travailler dans une école marianiste à cause de l’expérience positive qu’ils ont faite, en tant qu’élèves, de l’éducation marianiste. De fait, cet attrait pour l’école marianiste pousse toujours encore fortement des gens à rejoindre une telle communauté scolaire.

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2. De même, de nombreuses écoles marianistes ont mis sur pied un programme de recrutement très actif en vue d’attirer de nouveaux élèves. À travers les activités du personnel scolaire et/ou divers médias, les écoles maria-nistes font de la publicité en tant qu’écoles marianistes catholiques et invitent de nouveaux élèves à rejoindre ces communautés scolaires et à s’engager en faveur des objectifs de l’éducation marianiste. Les proviseurs, les directeurs ou leurs représentants s’entretiennent avec les élèves et leurs parents pour leur expliquer les enga-gements de l’école marianiste afin de s’assurer que les élèves et leurs parents, en retour, comprennent claire-ment l’engagement qu’ils sont sur le point de prendre au service de la mission éducative.

Les écoles recrutent également des enseignants et du per-sonnel scolaire. Engager pour la mission est au cœur de ce processus de recrutement. La mission de l’éducation, telle que comprise par le Père Chaminade et exprimée à travers les cinq caractéristiques de l’éducation maria-niste, est clairement communiquée aux individus invités à faire partie de la communauté éducative marianiste. Seules des personnes disposées à soutenir la mission de leur mieux sont engagées en tant que membres de la communauté scolaire.

D’autres membres enfin sont recrutés en vue de faire partie des différentes entités liées à l’école, en particulier des conseils de tutelle. Si les personnes apportent leurs compétences aux conseils dont elles sont membres, il est

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essentiel qu’elles soient aussi formées afin de pleinement saisir et soutenir la mission éducative marianiste, car les conseillers de tutelle sont les gardiens de la mission.

3. Les écoles marianistes mettent sur pied des programmes d’orientation destinés aux élèves, à leurs parents, aux enseignants, au personnel administratif et conseillers de tutelle. Chaque programme est élaboré en fonction des besoins spécifiques des groupes auxquels il s’adresse, même si tous contiennent une présentation d’ensemble des éléments de la culture marianiste.

Ces programmes d’orientation fournissent aussi une pre-mière introduction au Père Chaminade et à ses associées, Marie-Thérèse-Charlotte de Lamourous et Adèle de Batz de Trenquelléon. Vu que le Bienheureux Chaminade, fondateur du charisme marianiste, est si essentiel à la permanente vitalité de la culture et des écoles maria-nistes, une compréhension de sa vie, de sa pensée et de ses activités aide les diverses parties prenantes des écoles à approfondir la culture marianiste qui découle de lui.

Cette introduction initiale est complétée par une forma-tion continue comprenant, par exemple, une présenta-tion plus détaillée de la vie de Chaminade dans des livres ou des conférences, des pèlerinages, des montages audio-visuels, des cours, des œuvres d’art ainsi qu’une référence permanente à sa personne dans les publications scolaires, les annonces et les échanges quotidiens. Inspirés par sa vie et convaincus de vivre de son héritage, les membres

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de la communauté scolaires se sentent motivés à prendre des formes plus poussées d’engagement en faveur de la culture marianiste et même, dans certains cas, à rejoindre une des branches de la Famille marianiste.

4. Parce que les professeurs sont les pivots de la mission de l’éducation, divers ateliers et retraites sur l’enseignement en tant qu’apostolat, sur l’importance du développement des convictions et des vertus propre à un enseignant marianiste ainsi qu’une introduction au Système des Vertus, sont offerts aux nouveaux enseignants – en plus des programmes d’orientation initiaux – dans le cadre de leur formation permanente.

Des ateliers périodiques, des cours, des lectures et des retraites sont proposés aux enseignants chevronnés. Le but en est de leur permettre d’approfondir leur réflexion sur l’esprit marianiste et de leur donner l’occasion de renouveler leur engagement en faveur de la mission de rendre le Christ présent dans les individus et les com-munautés et de l’y faire grandir.

Des rassemblements des personnels scolaires aux ni-veaux local, national et international contribuent aussi à la formation permanente à la culture scolaire marianiste.

5. Pareillement, des retraites pour conseils de tutelle et des réunions nationales et internationales de leurs membres leur offrent la possibilité d’approfondir leur connaissance de la mission et leur engagement en sa faveur.

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6. Au commencement des réunions scolaires ordinaires – telles que celles qui rassemblent les enseignants, les administrateurs ou les conseillers de tutelle – on consacre du temps à des éléments de formation à la foi ou à des prises de conscience de la mission marianiste.

7. Au long de l’année scolaire, des retraites et autres occasions semblables sont offerts aux étudiants comme des occasions d’approfondir leur foi et la connaissance d’eux-mêmes. Souvent, ceux qui animent ces retraites sont des groupes constitués d’élèves, d’enseignants et d’agents pastoraux qui, au cours de la préparation des retraites, enrichissent leur propre foi à travers une sorte de formation réciproque.

8. Comme les membres des autres composantes scolaires, les élèves sont invités à s’engager plus intensément en faveur du charisme marianiste en devenant membres de petites communautés chrétiennes ou de congrégations scolaires. Les nouveaux membres participent à un processus d’ini-tiation et, au cours de l’année, d’autres expériences variées de formation leur sont offertes. Les rencontres régulières de ces groupes permettent une formation mutuelle et, souvent, des délégués de ces groupes se réunissent, au niveau national, pour échanges et formations.

9. Enfin, comme ce fut vrai des Congrégations de Cha-minade, le simple fait d’appartenir à une communauté scolaire marianiste est déjà formateur. Cela affecte en effet les dispositions cognitives et affectives ainsi que les attitudes comportementales des individus.

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RÉSUMÉ

À partir de 1817, le Bienheureux Chaminade investit de plus en plus de son énergie dans la fondation et à la supervision d’écoles. Il avait acquis la conviction que, pour rechristianiser la France, pour être fidèle à son alliance avec Marie dans sa mission de faire naître et grandir le Christ dans le monde et dans les personnes, il était nécessaire de contrer la pensée violemment anticatholique de l’époque sur le « champ de bataille des écoles ». Le but de ces écoles n’était pas seulement d’instruire, mais d’éduquer, en imprégnant d’une foi aposto-lique les habitudes de l’esprit et du cœur des élèves.

Aujourd’hui, les Marianistes sont toujours convaincus, comme Chaminade, que les écoles constituent un moyen majeur pour vivre leur alliance avec Marie, dans sa mission de faire naître et grandir le Christ dans le monde et les dans les personnes. Ils voient les écoles comme la mise en œuvre ou la manifestation du charisme ou de la culture marianiste fondée par Chaminade.

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La mission première ou fondamentale de l’école marianiste est la participation à la mission de Marie, conviction centrale du charisme marianiste. Avant tout, elle accomplit cette mission à travers le type de communauté qu’on promeut au sein des composantes de l’école. Dans une perspective de la foi, elle reflète le Corps mystique du Christ, car elle est marquée par l’unité dans la diversité ; en effet, le rôle de chacun y est vu comme important pour le processus éducatif et une égalité fondamentale existe entre tous. L’« esprit de famille » carac-térise la communauté scolaire tout comme le charisme ou à la culture marianiste en général. Tous les aspects de l’école sont évalués en fonction de leur contribution à cette perception de la communauté.

Vu que la mission de Marie est la force unificatrice la plus pro-fonde entre les diverses composantes de l’école, cette dernière est essentiellement une communauté de foi apostolique. C’est pourquoi le recrutement de nouveaux membres est une façon, pour la communauté, d’accomplir sa mission de faire grandir le Christ, car par leur interaction au sein de la communauté, les nouveaux membres commencent à grandir dans la foi. La présence même des membres plus âgés de la communauté sco-laire, d’enseignants chevronnés et d’autres membres du per-sonnel scolaire, crée une atmosphère chrétienne par « chaque mot, chaque regard et chaque geste ». Comme par osmose, les nouveaux venus sont graduellement immergés dans l’esprit de la communauté. Puis, à mesure qu’ils mûrissent au sein de la communauté, ils sont invités à des engagements plus approfondis en faveur de la Famille marianiste.

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Ensuite, les écoles marianistes remplissent la mission de Marie, de formation à la foi, au moyen de la structure et des éléments de leurs programmes scolaires, ainsi que par la pos-sibilité de participer à des expériences religieuses dans le cadre des activités de l’aumônerie. Les programmes scolaires permettent aussi aux étudiants d’apprendre et de connaître les problématiques de « paix, justice et service ». Cette instruc-tion et cette éducation inculquent aux élèves une espérance fondée et les prépare à travailler, en tant qu’individus et en collaboration avec d’autres, à l’amélioration du monde.

La culture ou le charisme marianistes sont donc mis en pra-tique dans les écoles comme suit : par le fait que Chaminade y est reconnu comme fondateur et inspirateur ; par leur mission fondamentale ; par l’accent qui y est mis sur une compréhen-sion riche de l’éducation ; par le type de communauté qui les constitue ; par la formation à foi des diverses membres de la communauté scolaire; par l’appartenance à cette commu-nauté; par l’instruction formelle et l’éducation ; et par le fait de préparer les élèves et les autres membres de la communauté scolaire à devenir des agents de transformation ou, selon le langage de Chaminade, des missionnaires.

En plus de manifester le charisme dans un milieu scolaire, les écoles marianistes perpétuent également son existence. Aussi longtemps qu’il existe des écoles marianistes, elles feront en sorte que le charisme ou la culture marianiste soit présente là où elles se trouvent car, comme cela a été relevé ci-dessus, c’est cette culture qui rend compte de leur caractère distinctif,

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par rapport aux autres écoles. En outre, et vu que les écoles connaissent une entrée régulière de nouveaux individus – élèves, enseignants, parents, personnel scolaire, conseillers de tutelle –, elles constituent un réservoir permanent de nou-veaux adhérents à la culture marianiste.

Aujourd’hui, comme par le passé, les Marianistes et le cha-risme marianiste sont connus en Europe, en Amérique du Nord et du Sud, en Afrique et en Asie, principalement grâce aux écoles marianistes.

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CONCLUSION

En tant qu’éducateurs marianistes, nous sommes les héritiers du grand legs du Bienheureux Chaminade. C’est son inspi-ration qui a orienté notre tradition dans les écoles et c’est à sa mission que nous référons nos lignes de conduite. Nous nous joignons à lui dans sa vocation, divinement inspirée, d’alliance avec Marie, alors que nous l’adaptons aux situations de notre temps. Nous reconnaissons que ce sont les éléments de la culture ou du charisme marianiste qui constituent le caractère distinctif des écoles marianistes et qui façonnent leur impact éducatif.

Ayant toujours à l’esprit la distinction fondamentale entre instruction et éducation, nous cherchons à développer l’esprit et le cœur de nos élèves – les dimensions physiques, spiri-tuelles, psychologiques, intellectuelles, affectives et morales de leurs vies – et répandons sur eux l’esprit chrétien. Nous visons à développer des personnes qui soient authentique-ment vivantes, c’est-à-dire d’autres Christ, car Jésus est la

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« plénitude de ce qu’être humain signifie » et, en tant que tel, il est « le point de référence de tout travail éducatif ».

De même que la présence du Christ était transformatrice, nous nous efforçons aussi de promouvoir des communautés scolaires de foi, marquées par l’unité au sein de la diversité, créant une présence collective du Christ à l’intérieur de la société civile. Par leur côté attirant et leur capacité à incorporer autrui à leurs communautés, nos écoles deviennent agents de transformation. Ayant été formés au sein de ces communautés pour devenir d’autres Christ, leurs membres, par leur présence et par leurs interactions quotidiennes ou dans leur vocation, dans leurs occupations, dans le volontariat ou sur les places publiques, mènent eux aussi à bien la mission de rapprocher le monde de la vision du Règne de Dieu.

Comme les écoles sont des institutions qui durent et qui se renouvèlent constamment par l’incorporation de nouvelles personnes, nous les considérons comme autant de moyens de perpétuer le charisme marianiste et de le faire connaître, génération après génération. Bien qu’informés par le passé et fidèles à ce dernier, nous nous orientons vers l’avenir, car enseigner, c’est atteindre l’avenir à travers nos élèves. Ce que le monde deviendra leur est en grande partie confié.

Voyant en Marie celle qui a façonné l’humanité du Christ, lui a enseigné comment être humain comme seul Dieu pourrait le faire, nous cherchons à nous conformer à ses attitudes, à ses dispositions, à ses convictions et à ses comportements en

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vue d’accomplir notre vocation d’éducateurs. Ce faisant, nous offrons à l’Église des communautés éducatives enracinées dans un style marial. Celles-ci peuvent servir de modèle attractif à d’autres communautés ecclésiales et à l’Église elle-même. Comme Marie est la Mère de l’Église, il n’est que naturel que l’Église veuille se revêtir de son esprit et promouvoir des com-munautés qui s’engagent dans des pratiques mariales et qui affichent un caractère marial.

Ainsi que le proclamait le Bienheureux Chaminade, « notre œuvre est grande, magnifique… parce que nous sommes mis-sionnaires de Marie… »

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APPENDICE A

CONVICTIONS ET ACTIONS DES ENSEIGNANTS MARIA-NISTES TELS QUE DÉFINIS DANS LES CARACTÉRIS-TIQUES DE L’ÉDUCATION MARIANISTE (1996)(Le numéro du § renvoie à une section des Caractéristiques de l’éducation marianiste)

ENSIGNANTS MARIANISTES

Convictions avoir une conscience vivante des dimensions inéluctable-ment morales et spirituelles de l’éducation §15

savoir que les besoins les plus profonds sont ceux auxquels nous ne pouvons rien par nous-mêmes §18,

savoir que la connaissance la plus précieuse, vient de l’amour que nous portons aux autres §18

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réaliser qu’ils jettent des semences qui porteront des fruits pendant des générations §19

tenir cette pratique des responsabilités révèle au jeune ses talents personnels et le prépare à exercer plus tard des fonctions où il pourra faire preuve de maturité et de sens social §24

Actions apostoliques générales donner à ceux qui les entourent le témoignage de leur vie §8

voir dans leur travail plus qu’un gagne-pain, mais bien un apostolat d’amour et de service §15

conscience que «Nous sommes tous missionnaires et que nous nous considérons en état de mission permanente» §54

conscience d’être un élément au sein d’un réseau global d’éducateurs apostoliques §36

éduquer par « chaque mot, chaque geste, chaque regard » §45

Actions spécifiques de foi aimer et servir autrui à l’instar de Jésus §16

combiner connaissances et vertu §16

valoriser la vie humaine dans toute sa dignité §55

voir tous les hommes comme frères et sœurs §36

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être des modèles de prière et d’amour, portant le témoi-gnage de foi que proposent leurs écoles §21

s’engager dans une vie en accord avec les valeurs évan-géliques §23

par son exemple, provoquer l’élève à développer un véri-table esprit intérieur §25

s’efforcer de faire siennes les vertus et les dispositions de Marie §26

travailler pour faire de l’école un témoignage vivant de la nouvelle évangélisation §54

être en quête de la vérité §22

encourager le dialogue entre la foi et la culture §22

Avec foi, voir les signes de notre temps et être ouverts, dans la prière, aux nouvelles possibilités §65

s’engager en faveur de la dignité de l’homme et d’une société juste et pacifique §55

être au service du bien commun §55

mettre nos efforts en commun pour «l’évangélisation des cultures et la transformation de la société selon le message du salut » §76

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Actions en vue de promouvoir la foi chez les élèves apprendre à être intègres et attentifs aux autres §14

réaliser sa mission en aidant le jeune dans sa recherche du sens, en le rendant capable d’entrevoir et d’accueillir favorablement le monde du sacré, en le guidant vers la contemplation du bien, du vrai et du beau §21

prévoir dans le cadre scolaire et extra-scolaire des temps où puissent se prendre des habitudes de silence et de ré-flexion §35

aider les élèves dans la pratique de leur vie de foi §23

former les élèves à la sagesse issue de l’enseignement social de l’Eglise §23

avec des élèves, créer des communautés modèles de foi, centrées sur la charité §25

Actions en vue de fournir une éducation intégrale de qualité apprendre aux élèves à être compétents et capables §14

encourager les élèves à être porteurs du meilleur de notre tradition §65

travailler les uns avec les autres, ainsi qu’avec les admi-nistrateurs, à intégrer les disciplines universitaires et à renforcer la coopération entre les départements acadé-miques §67

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aider les étudiants à développer leur volonté et la disci-pline pour accepter des responsabilités à l’école et dans d’autres domaines de leur vie §24

appeler chaque étudiant à la responsabilité personnelle et communautaire §47

Actions en vue de promouvoir la communauté, la famille honorer la diversité des personnes de l’école et les encou-rager à utiliser leurs dons pour le bien commun §37

selon l’esprit de famille, travailler de concert les uns avec les autres, étudiants et autres constituants de l’école, à créer des relations durables d’amitié et de confiance, se soutenant et se stimulant mutuellement dans le dévelop-pement de leurs dons mutuels §15

partager la responsabilité de créer et de maintenir un environnement dans lequel peut s’épanouir la beauté, la simplicité, l’harmonie, la discipline et la créativité §44

être présents aux étudiants, non seulement pour leur enseigner, mais aussi pour les aimer et les respecter §14

communiquer avec respect, reconnaissant les autres comme des individus au sein de la communauté §45

louer, remercier et valoriser les membres de la commu-nauté scolaire §45

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les étudiants développent les compétences les uns des autres et renforcent l’estime mutuelle de soi §34

écouter attentivement et engager un dialogue avec confiance et empathie §45

les enseignants sont disponibles et ouverts aux autres §45

créer un climat d’acceptation, de discipline et d’amour §44

être enclin à avoir « une indulgence prudente » §47

encourager et proposer des défis aux élèves, en respectant leurs différences et en adaptant les styles d’enseignement à leurs besoins individuels et à leurs capacités §34

accueillir des étudiants de diverses origines ethniques et économiques et les éduquer en tenant compte de leurs différentes capacités et de leurs dons §37

adapter ce qu’on enseigne à la culture des élèves §22

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Actions en vue de promouvoir une conscience sociale et un sens de la globalité

encourager le travail des élèves avec et pour les pauvres, en développant à l’école des programmes civiques d’assistance physique, économique, éducative et sociale §56

encourager les étudiants à répondre activement aux chan-gements, avec discernement et réflexion §65

encourager l’étude des langues étrangères §68

encourager les programmes internationaux d’échanges d’étudiants et d’enseignants §68

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APPENDICE B

Questions pour la réflexion personnelle (individuellement ou en groupe)

1. Comment décririez-vous votre vocation d’éducateur dans une école marianiste ?

2. Comme éducateur dans une école marianiste, croyez-vous que vous avez fait alliance avec Marie dans sa mission ?

3. Quelles ressemblances et différences voyez-vous entre la culture actuelle au sein de laquelle vous vivez et celle de l’époque de Chaminade ?

4. Comment les membres de votre communauté scolaire et vous-même répondez-vous à la situation actuelle de votre culture, selon ce que fit Chaminade à son époque ?

5. Comment comprenez-vous le dessein de Dieu dans votre vie et dans la mission marianiste ?

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6. Comment contribuez-vous à l’éducation – et pas seule-ment à l’instruction – dispensée dans votre école ?

7. Comment décririez-vous le rôle des écoles en général dans votre société ? Comment décririez-vous le rôle des écoles marianistes dans votre société ?

8. Comment le leadership de l’Église contribue-t-il à éloi-gner les gens du christianisme, comme ce fut le cas du temps de Chaminade ? De quelles façons pensez-vous que vous-même, en tant qu’éducateur, ou votre école pouvez remédier à cette situation ?

9. Vous considérez-vous, vous-même et vos collègues, comme une « minorité créative » au sein de la société ?

10. Comment vous-même et vos collègues enrichissez-vous votre vie spirituelle, intellectuelle, morale et émotion-nelle en tant qu’individus et en tant que communauté ?

11. Chaminade paraissait avoir la capacité d’affronter les dé-ceptions avec sérénité, de ne pas renoncer et de remettre l’ouvrage sur le métier. Selon vous, qu’est-ce qui explique une telle capacité ? Comment affrontez-vous les décep-tions ou les échecs, sans renoncer ? De quelles ressources disposez-vous ou auriez-vous besoin en la matière ?

12. Comment définiriez-vous la différence entre instruction et éducation ? Que pensez-vous d’une telle distinction ?

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13. Pensez-vous que l’école où vous travaillez atteint les objectifs de l’éducation fixés par Chaminade ? Si oui, pourquoi ? Si non, pourquoi ?

14. Comment voyez-vous la relation entre votre école et les foyers de vos élèves ?

15. Vous considérez-vous comme un éducateur qui, du fait même, est un apôtre ?

16. Que savez-vous de la Famille marianiste et de ses ori-gines ? Quelle expérience avez-vous de la présence de la Famille marianiste dans votre école ?

17. Jean-Paul II appelait le Bienheureux Chaminade « l’apôtre du laïcat ». Êtes-vous d’accord ? Si oui, quelle preuve en fourniriez-vous ?

18. Comment articuleriez-vous les dispositions, convictions et comportements que Chaminade souhaitait voir chez les enseignants ? Comment les enseignants peuvent-ils développer ces dispositions, convictions et comporte-ments ?

19. Que signifie, d’après vous, l’expression « intention inal-térable »? Vous caractérise-t-elle en tant que membre du personnel scolaire ?

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20. Dans quelle mesure la conviction que l’enseignant ou l’éducateur doit « semer et non pas récolter » est-elle importante pour vous ?

21. Dans quelle mesure la dimension affective de l’école et de l’éducation est-elle importante pour vous en tant qu’enseignant ou éducateur ?

22. Vous êtes-vous jamais regardé comme un missionnaire ?

23. Voyez-vous en Marie un modèle du genre de personne qu’il faut devenir pour être un enseignant ou éducateur efficace ?

24. Comment décririez-vous le contexte écologique de votre école ? Dans quelle mesure influence-t-il l’accomplis-sement de la mission de l’école ?

25. Que connaissez-vous de Chaminade ? Jusqu’à quel point vous référez-vous à son inspiration quand vous prenez des décisions concernant votre école ?

26. Quelle importance accordez-vous au mystère de l’Incar-nation ? Comment décririez-vous l’Incarnation et ses implications ? Que faites-vous pour approfondir votre connaissance et votre expérience de ce mystère ?

27. Dans quelle mesure appréciez-vous Marie ? Comment la voyez-vous par rapport aux Écritures et à son influence au cours des siècles ? Occupe-t-elle une place dans votre vie ?

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28. Vous voyez-vous vous-même ainsi que le personnel scolaire, les élèves, les anciens élèves comme autant d’agents de changements positifs dans la société ?

29. Jusqu’à quel point vous offrez-vous à ne devenir qu’un avec Jésus et Marie ? Quelles pratiques vous aident-elles à disposer de vous-même pour cette transformation ? Comment décririez-vous cette transformation ?

30. Êtes-vous convaincu qu’il est important de collaborer et que la contribution de chaque individu a de la valeur ?

31. Comment décririez-vous le type de foi qui caractérise les marianistes ? Comment développez-vous la foi en vous-même et l’encouragez-vous chez les autres ?

32. Comment, en tant que membre de la communauté scolaire, travaillez-vous à l’éducation de la personne tout entière ?

33. Décrivez ce que la présence signifie. Quel type de pré-sence créez-vous à l’école ?

34. Comment en appelez-vous à la dimension affective, au cœur des élèves ?

35. Pouvez-vous énumérer les caractéristiques de l’éduca-tion marianiste et faire une brève description de chacune d’elle ? Comment influencent-elles votre présence et votre apostolat dans l’école ?

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36. Quelles sont quelques-unes des manifestations des caractéristiques de l’éducation marianiste dans votre école ? De quelle manière peuvent-elles être mieux mise en œuvre dans votre école ?

37. Quelle est votre expérience de la diversité dans votre école ? Dans quelle mesure l’avez-vous trouvée enri-chissante ? Dans quelle mesure a-t-elle été un défi ? Quel a été le principe d’unité au milieu de la diversité ? Est-ce que des convictions religieuses font office de facteurs unificateurs ?

38. Percevez-vous un sentiment commun, un esprit de famille parmi les composantes de l’école ? Quel effet cela a-t-il ?

39. Remarquez-vous une croissance dans votre rôle d’édu-cateur suite aux échanges avec des éducateurs d’autres écoles marianistes et grâce à des rencontres nationales et internationales ?

40. Avez-vous été instruit du Système des Vertus ? Si oui, quelle expérience en avez-vous retirée ?

41. Comment avez-vous fait connaissance du charisme marianiste ? Quelle impression en avez-vous eue alors ? Quelle impression en avez-vous maintenant ?

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42. Que savez-vous d’autres écoles marianistes dans le monde ? Avez-vous rencontré des personnes d’autres écoles marianistes ? Quelle a été votre expérience à cette occasion ? Avez-vous envisagé des façons de vous améliorer vous-même ou votre école au moyen d’in-teractions avec d’autres écoles marianistes au niveau national et international ?

43. Remarquez-vous un sens partagé de la mission ou de l’apostolat parmi le personnel de votre école ?

44. Avez-vous été invité à devenir membre de la Famille marianiste ? Si oui, quelle a été votre réponse et pour-quoi ?

45. Décrivez votre expérience d’interaction avec des per-sonnes d’autres confessions dans votre école.

46. Avez-vous participé à l’enseignement de l’apprentis-sage au service ? Si oui, comment décririez-vous votre expérience ?

47. De quelle manière aidez-vous vos élèves à devenir des citoyens du monde ?

48. Ressentez-vous de l’espérance chez les élèves ? Com-ment pouvez-vous la mettre en valeur ou la susciter chez eux ?

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QUESTIONS ORIENTÉES VERS L’ACTION

1. Est-ce que l’école se soumet à un audit culturel pério-dique pour assurer que les divers éléments du charisme marianiste soient adéquatement mis en pratique ?

2. Est-ce que l’école évalue périodiquement s’il est nécessaire d’adapter ou de changer la façon dont les caractéristiques du charisme marianiste sont exprimées dans l’école ?

3. Est-ce que l’école fait connaître sa mission marianiste à ses différentes composantes et au milieu qui l’entoure ?

4. De quelle manière les composantes de l’école sont-elles initiées à la culture marianiste ? Cela est-il fait avec efficacité ? Quelles sont les mesures de cette efficacité ?

5. Quelles sont les possibilités qui existent pour la forma-tion continue à la culture marianiste destinée aux parties prenantes de l’école ?

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6. Dans quelle mesure les objectifs des programmes sco-laires sont-ils liés aux cinq caractéristiques de l’éducation marianiste ?

7. Quelle est la contribution de l’aumônerie et des pro-grammes parascolaires à la culture marianiste ?

8. Quelles possibilités sont offertes aux parties prenantes de l’école de collaborer entre elles ?

9. Y a-t-il une évaluation périodique des caractéristiques de l’éducation marianiste faite par le personnel scolaire et les élèves ? Discute-t-on de ce qu’elles signifient et de la façon dont elles sont mises en œuvre dans l’école ? Discute-t-on des meilleurs moyens de les mettre en œuvre dans l’école ?

10. Quel type de diversité existe-t-il parmi le personnel scolaire et les élèves ? Quels efforts sont-ils faits pour développer la diversité dans les composantes de l’école ?

11. Des politiques sont-elles élaborées et mises en pratique en vue de favoriser le sens de la communauté, l’esprit de famille ?

12. Quels signes y a-t-il d’une collaboration entre les dif-férentes parties prenantes de l’école ? Voit-on d’autres opportunités de collaboration ?

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13. Comment les réseaux nationaux et internationaux d’écoles marianistes enrichissent-ils l’expérience et la manifestation de la culture marianiste au sein de l’école ?

14. De quelle manière la culture marianiste de l’école est-elle affirmée, exprimée et communiquée ? Voit-on d’autres occasions de l’affirmer, l’exprimer et la communiquer ?

15. De quelle manière les membres des composantes de l’école sont-ils invités à s’engager plus en profondeur en faveur de la culture marianiste ?

16. Quels symboles et pratiques religieuses sont-ils incor-porés dans la routine de l’école ?

17. Le recrutement de personnel se fait-il en fonction de la mission ?

18. Combien y a-t-il de laïcs et de religieux marianistes au sein du personnel scolaire ?

19. Combien y a-t-il de chrétiens engagés au sein du per-sonnel scolaire ?

20. Qu’est-ce qui indique que l’école éduque avec succès ses élèves à devenir agents de changements positifs dans la société, à travailler à la transformation de la société en Jésus Christ ?

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BIBLIOGRAPHIE

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175Charisme Marianiste et Mission Éducative Joseph Lackner

REMERCIEMENTS

Sans l’invitation de José María Alvira, Assistant général d’Édu-cation dans la Société de Marie, ni le comité ad hoc composé de José María Arnaiz sm, Charles-Henri Moulin sm et Tho-mas French je n’aurais jamais écrit ce livre. Je les remercie de m’avoir confié ce projet. Je veux remercier en particulier le frère Alvira de tout ce qu’il a fait pour guider cette œuvre afin qu’elle soit prête à l’impression ainsi que d’avoir suggéré que je retravaille la deuxième partie du livre. Cette révision, je le crois, a débouché sur un texte beaucoup plus fort et plus clair.

Plusieurs religieux marianistes – Raymond Fitz, David Fle-ming, Thomas Giardino, John Habjan, James Heft et Mark Ormond – et un laïc marianiste en Inde – Savio Franco – ont accepté, à ma demande, de lire des avant-projets de ce livre. Je leur suis redevable de leurs suggestions concernant le style, le contenu, la grammaire et l’organisation du texte. Dans la mesure où j’en étais capable, j’ai effectué les changements bienvenus proposés. Je veux remercier en particulier Tho-

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mas Giardino d’avoir bien voulu relire des sections de cette œuvre, ainsi que John Habjan pour avoir vérifié des détails bibliographiques aux archives marianistes à Dayton. Bien que ce fût un travail fastidieux, tous deux ont été très serviables et ont fait diligence.

Bien sûr, sans les nombreuses opportunités que la Société de Marie m’a offerte d’étudier, ni les nombreuses conversations que j’ai eues sur l’école et l’éducation marianistes, ni l’expé-rience que j’ai pu en faire, jamais je n’aurais été en mesure d’écrire ce livre. C’est pourquoi ma gratitude remonte à l’année 1954 où, pour la première fois, j’ai franchi la porte d’une école marianiste et rencontré les frères à la Purcell High School à Cincinnati, Ohio.

De tout cela, je suis extrêmement reconnaissant.Joseph H. Lackner sm

Mai 2012

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0 L’Éducation Marianiste Tradition et Projet

1 Charisme Marianiste et Mission Éducative

2 Principes de l’Action Éducative Marianiste

3 Éducation Marianiste et Contexte

4 Identité de l’Éducation Marianiste

5 Pratique de l’Éducation Marianiste: Institutions, Éducateurs et Éduqués

6 Leadership et Animation

7 Nouveaux Scénarios pour une Nouvelle Éducation

L’ DUCATION ARIANISTETRADITION ET PROJET

Nous, religieux marianistes, avons fondé des œuvres éducatives dès nos origines, il y a bientôt deux siècles. Nous continuons aujourd’hui à consa-crer le meilleur de nos ressources humaines et matérielles à l’éducation à travers tous les continents. Les mutations de notre monde et le dévelop-pement des œuvres marianistes dans de nouvelles cultures nous interro-gent sur la manière innovante de répondre à ces situations nouvelles et de transmettre notre expertise et nos traditions éducatives aux nouveaux ouvriers qui nous rejoignent dans cette tâche.

Enracinés dans notre histoire et bien ancrés dans le présent, nous serons capables d’affronter l’avenir avec confiance si nous savons unir fidélité et créativité dans notre agir. Héritée d’un passé, aujourd’hui plein de vie et ouvert aux promesses de l’avenir, notre œuvre d’éducation marianiste continue à être un héritage et un projet.

De ces convictions est née la collection L’Éducation Marianiste : Tradition et Projet. Sa finalité est d’offrir un instrument de formation et de réflexion pour toutes les personnes et les groupes qui sont engagés dans l’œuvre éducative marianiste ; une source également d’inspiration pour les projets éducatifs locaux. La collection comprend différents volumes qui cherchent à approfondir et développer ce qui se trouve déjà dans les documents exis-tants consacrés aux caractéristiques de l’éducation marianiste.