chapitre iv : fluctuations et crises

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2009-2010 CHAPITRE IV : FLUCTUATIONS ET CRISES XIXème XXème siècles Christelle ZENG ANALYSE ECONOMIQUE ET HISTORIQUE DES SOCIETES CONTEMPORAINES CPGE ECE 1

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2009-2010

CHAPITRE IV :

FLUCTUATIONS ET

CRISES XIXème – XXème siècles

Christelle ZENG

ANALYSE ECONOMIQUE

ET HISTORIQUE DES SOCIETES

CONTEMPORAINES

C P G E E C E 1

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INTRODUCTION

Fluctuation : irrégularité des évolutions des grandeurs économiques au cours du temps ( Cycle car

les cycles sont des fluctuations régulières.)

Cycle : mouvements alternés ascendants et descendants des grandeurs économiques respectant une

certaines périodicité.

Crise : période de dépression (i.e. lorsque le taux de croissance est négatif) ou de stagnation durable

de l'activité économique. C’est également le point de retournement d’un cycle.

On peut parler de dépression des années 30 car le taux de croissance est négatif pendant 3 années.

Chez les historiens, on parle de dépression pour désigner une période longue de stagnation comme

la dépression des années 1870, qualifiée de Grande Dépression allant de 1873 à 1896. On n'a pas une

approche quantitative, on veut designer le fait que la croissance ne repart pas durant une longue

période.

Récession : taux de croissance négatif sur au moins 2 trimestres consécutifs ou ralentissement de

l'activité économique.

Expansion : taux de croissance positif pendant au moins 2 trimestres ou période de croissance soute-

nue de l’activité économique.

Dans un Kondratieff qui dure environ 50/60 ans, il y a 6/7 Juglar qui contient lui même 3 cycle Kitchin

I) LES CYCLES LONGS DEPUIS LE DEBUT DU XIXEME SIÈCLE

1) Les analyses des cycles longs

Les analyses des cycles longs s'appuient surtout sur des données empiriques. Dans ces analyses la

cause du cycle (i.e. de la récession, dépression, expansion) est une cause endogène, cela est vrai pour

la plupart des analyses. Les enjeux sont importants puisque on a en tête la nécessité de l'intervention

de l'État face aux cycles. Si la cause est endogène, son intervention va être difficile car c'est le sys-

tème économique lui-même qui les produit, il y a un caractère inéluctable des cycles donc il y a aussi

une inefficience totale de l'État.

a) Le progrès technique : l’analyse schumpétérienne

On se pose également la question de savoir si les fluctuations, à défaut de pouvoir parler de cycles,

sont quelque chose de souhaitable ou néfaste. Si c'est souhaitable, alors l’intervention de l’Etat n’est

pas justifiée. Mais comme l'État intervient, cela supposerait qu'elles sont considérées comme né-

fastes.

Les « Business Cycles » expliqués par l’innovation : Pourtant certains analystes considèrent les

fluctuations comme plutôt souhaitables, ceci est explicite chez Schumpeter. Les causes des cycles

longs sont endogènes, le caractère cyclique de l'économie est une caractéristique inéluctable du

capitalisme. L'État ne peut pas intervenir et il n'est pas souhaitable qu'il le fasse. En effet Schumpeter

postule que sans cycle, il n’y a pas de croissance. Il affirme que le progrès technique est à la fois la

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cause de la croissance et du cycle : ces sont deux phénomènes concomitants. Schumpeter est pessi-

miste quant à l'avenir de ce mode de production, il pense à regret que le capitalisme est condamné à

disparaitre car le caractère cyclique risque un jour de disparaitre, donc à ce moment là il y aurait

épuisement de la croissance dû à l'épuisement du progrès technique. La fin du progrès technique

serait due à une concentration des entreprises qui entraîne des phénomènes de bureaucratie, qui

tuent l’innovation, et au développement excessif des institutions qui poussent vers le socialisme dans

sa pire forme.

Les trois ouvrages majeurs de Schumpeter sont :

« Business cycle » 1939

« Théorie de l'évolution économique » 1912

« Capitalisme, socialisme et démocratie » 1942

La dynamique est expliquée par de nouvelles combinaisons des moyens de production i.e. plus ou

moins le progrès technique. Dans ce concept développé dans Théorie de l'évolution économique,

Schumpeter englobe :

La fabrication d'un bien nouveau c'est à dire non familier au cercle du consommateur

L’introduction d'une méthode de production nouvelle

L’ouverture d'un nouveau débouche

La conquête d'une source nouvelle i.e. de matière première ou semi-ouvré

La réalisation d'une nouvelle organisation, non pas au sens du travail, mais du marché qui

connait une nouvelle structure (monopole, oligopole…)

Cette cause du cycle est endogène, c'est un processus à priori continu et infini. A un moment du

cycle, l'innovation est mise en place par l'entrepreneur-innovateur et dispose alors d'un pouvoir de

monopole. Se produit alors le phénomène de grappe d'innovation i.e. que de nouvelles innovations

mineures vont venir accompagner la première innovation. Cependant pour Schumpeter, seules les

innovations majeures permettent d'expliquer les cycles longs même si elles s'accompagnent d'inno-

vations mineures qui découlent de celles-ci et qui sont à l’origine de cycles plus courts.

Les innovations se diffusent dans l'ensemble de l'économie par un processus d'imitation (expliqué

par la concurrence) et au fur et à mesure les autres entreprises effritent la rente de monopole de la

première. Les gains tirés des innovations sont partagés par les entreprises.

Les innovations créent des effets d'entrainement notamment parce qu'elles nécessitent des équi-

pements nouveaux donc de l'investissement, source de croissance. Cela suppose une épargne suffi-

sante qui aurait eu tendance à s'accumuler au cours de la phase B du cycle précédent. Il n'y aurait

donc pas de contrainte financière qui ralentirait l'exploitation des innovations.

La variation des prix connaît une périodicité puisqu'ils varient en même temps que la structure de

marché évolue. En phase d’expansion, les revenus de la consommation augmentent, les prix aug-

mentent (cela s’explique par la loi de l’offre et de la demande) on tend vers la phase A. L’épuisement

de ce processus entraine le passage vers la phase B (essoufflement), le progrès technique va avoir

tendance à ralentir car il n’y a pas d’incitation. De plus lorsque l’on est dans une phase d'expansion,

on ne cherche pas à innover mais à imiter ce qui marché déjà.

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Parallèlement à cela, il y a la destruction créatrice car l'innovation est source d’obsolescence d'an-

ciens produits, anciennes techniques et ainsi, elle est source de chômage, mais dans la phase A les

effets positifs de l'innovation l'emportent sur ses effets négatifs, puis dans la phase B c'est le con-

traire, on rentre dans une crise structurelle assez longue puisqu'elle dure environ (25 ans phase A, 25

ans phase B). Mais c'est en même temps la phase durant laquelle va se former toute l’épargne néces-

saire a l'expansion suivante cela est possible grâce au taux d’intérêt bas ; mais aussi durant laquelle

vont entrer en gestation toutes les nouvelles innovations car il y a une incitation à innover pour re-

trouver du profit. L'innovation ne tombe pas du ciel, la dynamique économique explique pourquoi les

entrepreneurs sont incités à innover à un moment donnée du cycle.

Les néo schumpetériens : L'approche schumpetérienne des cycles a été éclipsée pendant les

Trente Glorieuses, car on était dans l'illusion d'une croissance continue, régulière et ininterrompue.

L'idée qu'il pouvait y avoir une nouvelle rupture n'était pas dominante à l'époque.

Quand la rupture a lieu dans le milieu des années 70, les idées de Schumpeter retrouvent un public

et une certaine cohérence. L'idée que les Trente Glorieuses soient une phase A retrouve une perti-

nence. Il y a un renouveau de l'analyse schumpetérienne avec des auteurs comme Mensch (alle-

mand), Freeman (britannique). Ils vont cependant abandonner la figure des entrepreneurs innova-

teurs qui était une figure clé pour Schumpeter : la grande taille des entreprises apparaît comme un

atout à l’innovation (car l’innovation nécessite des capitaux relativement abondants) mais au-delà

d'un certains point il y a un phénomène de bureaucratie qui tue l'innovation.

Aujourd’hui, les innovations sont produites dans un ensemble complexe d'institutions. En effet, elles

sont produites par des instituts de recherche gérés par l'État, dans le secteur R et D des entreprises.

Le rôle de l'État est variable d'un pays à l'autre, parfois il ne fait que le financer et d'autre fois, il l'or-

ganise.

Les néo-schumpetériens reprennent une idée de Freeman, le paradigme techno-économique, qui

désigne l'ensemble des mutations structurelles qui accompagne la diffusion de l'innovation (organi-

sationnelle, institutionnelle…).

Les cycles Kondratieff expliqués par les innovations

Date des cycles/point de retournement

Secteurs moteurs Innovations majeures Nations domi-nantes

K1 (1790-1850) 1815 Textile, sidérurgie, énergie…

Spinning Jenny, Water-frame, Mule des Crompton, Puddlage, machine à va-peur…

Angleterre

K2 (1850-1890) 1873 Sidérurgie, transport…

Convertisseur de Bessmer, locomotive…

Angleterre

K3 (1890-1940) 1913 Électricité, pétrole, chimie, automobile

Découverte du pétrole, génératrice à courant conti-nue, ampoule a filament, celluloïd, bakélite, moteur a explosion, moteur diesel…

États-Unis, Alle-magne

K4 (1940-1990) 1973 Automobile, électroména-ger, aéronautique

Télévision, réfrigérateur, avion…

États-Unis

K5 (1990-????) ???? NTIC, biotechnologie, nano-technologie…

microprocesseur, arpanet, OGM…

États-Unis, Japon

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b) Les autres analyses des cycles longs

L'analyse de Schumpeter domine mais il ya beaucoup d'autres auteurs qui ont proposé leur analyses

qui mettent en exergue d'autre cause que l’innovation pour expliquer les cycles.

L’intensité de l’épargne et l’accumulation du capital comme source des « grandes vagues de la

conjoncture » : Les marxistes, intéressés par la mort du système capitaliste, ont voulu essayer de

prévoir sa mort en cherchant à repérer la baisse tendancielle du taux de profit. En réalisant la re-

quête de Lénine, Kondratieff (1892-1938) a mit en avant des cycles longs, et non pas une baisse du

taux de profit sur le LT, ce qui ne correspondait pas aux espoirs de ses clients.

Il étudie le cas de la France, l’Angleterre, les Etats-Unis et l’Allemagne et propose une analyse qui

repose sur l'épargne et l'investissement. Les cycles dépendraient de ces variables. Il a la même ap-

proche que Schumpeter sur l'investissement et ses variations, on investit dans la structure. Le fon-

dement matériel des grands cycles est l'usure, le remplacement et l'extension des biens capitaux

essentiels dont la production exige beaucoup de temps et d’énormes investissements et le rempla-

cement et l'extension du fond de ces biens ne sont pas progressifs et réguliers, ils se font par à coup

qu’expriment les grandes vagues de la conjoncture.

L’or et la monnaie : Les évolutions du stock de la monnaie pourraient être à l’origine des cycles

longs. Cela repose sur des constatations empiriques réalisées par Cassel, et concerne d’abord le

XIXème siècle, période où l’or joue un rôle important dans les transactions car c’est un système

d’étalon d’or. On est dans une économie où la croissance est assez contrainte par le stock d'or. Selon

l’auteur, la concentration du stock d'or varie au cours du temps et coïncide avec les cycles mis en

avant par Kondratieff. Ainsi par exemple en 1848 on a découvert des mines d'or en Australie et en

Californie, début du K2, au Canada et en Afrique du Sud au début des années 1890, début du K3.

La phase A est permise par l’abondance monétaire et s'accompagne d’une hausse des prix. Au fur et

à mesure que les prix augmentent, le pouvoir d’achat de l’or est de plus en plus faible. Par consé-

quent, l'activité qui consiste à rechercher de l’or est de moins en moins rentable donc régresse. On

passe dans la phase B où il y a un processus déflationniste lié au ralentissement de la croissance,

donc le pouvoir de l’or ré-augmente, il y a de nouveau un regain d'intérêt pour l’or.

Certains vont tenter de renouveler cette analyse pour prendre en compte le lien qui existe entre la

masse monétaire et le stock d’or, il va avoir tendance à devenir progressivement plus lâche au

XXème siècle. Cette analyse est difficile à tenir à la fin de Bretton Woods. Marjolin va continuer

d’interpréter les cycles longs comme des périodes liées aux évolutions de la masse monétaire.

Les guerres : L'intensité des guerres est en phase avec l'intensité de l'activité économique. Plu-

sieurs auteurs viennent soutenir cette thèse comme Goldstein ou Wagemann. Cela revient à expli-

quer la croissance par le biais de la guerre.

- Les guerres napoléoniennes précèdent la phase B de K1

- La 1ère Guerre Mondiale est un moment de rupture de K3

- La guerre du Vietnam et de Kippour sont des moments de rupture de K4

Les guerres constituent un coût qui s’accompagne forcement de poussées inflationnistes et consti-

tuent parallèlement un gaspillage de ressources et entraînent un déficit budgétaire important, car on

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finance souvent la guerre grâce a la création monétaire. Il y aurait un besoin d’assainissement de

l'économie une fois la guerre terminée, ce qui explique la dépression qui la suit.

La phase A s’accompagne d’une intensification de la concurrence. Au fur et à mesure que la crois-

sance s’épuise, les débouchés sont moins importants. Au début de la phase d'expansion, la demande

suit l’offre, puis progressivement la demande augmente moins vite et les contraintes de débouché

apparaissent, ce qui accentue la concurrence à l'échelle nationale ou internationale, il y a une lutte

entre des régions ou pays (analyse qui se rapproche de l’analyse marxiste)

Il existe d'autres explications toujours basées sur la guerre, notamment Wright qui en 1942 affirmait

« L’homme guerrier ne veut pas se battre de nouveau et il conditionne son fils dans la même veine

d’opposition aux guerres ; mais les petits-fils apprennent à voir la guerre comme romantique». Cela

expliquerait l’écart d'une génération en chaque guerre/cycle.

Goldstein perpétue cette analyse et affirme en 1988 que les cycles sont un phénomène encore plus

ancien qui aurait débuté au XVème siècle. Il remarque également que c’est l’intensité des guerres qui

augmente au cours de la phase A (il n’y en a pas plus souvent). Chaque fois qu'une guerre majeure

éclate, il en surgit une nation qui va dominer le monde pour un siècle et demi. Par ailleurs, il re-

marque également que l'inflation succède la guerre beaucoup plus vigoureusement qu’elle ne la

précède. C'est pour cela qu'il affirme que la cause monétaire ne peut pas être à l’origine du cycle.

c) L'analyse en termes de cycles longs est elle pertinente ?

Critique d’ordre méthodologique : Lorsqu’on regarde l’évolution des grandeurs économiques, ces

évolutions n’ont pas la régularité des cycles longs tels qu’on peut les représenter de manière sché-

matique. On s’aperçoit qu’il n’y a pas de synchronisation parfaite entre les pays, non cycliques parti-

culièrement pour K3 : le point haut est situé au moment de la 1ère Guerre Mondiale, la crise de 29

s'insère mal dans l'analyse des cycles car elle serait considérée comme une crise mineure alors que

tout le monde s'accorde à lui reconnaitre une grande importance.

La critique de Niveau et de Saul

La critique de Niveau porte sur le cas de la France entre 1815 et 1850 : il souligne l’existence d’une

expansion industrielle importante, qui coïncide avec la phase B de K1, elle n'est donc pas en adéqua-

tion avec la réalité car on est dans une phase d’expansion et non de récession et surtout pas en dé-

pression.

La critique de Saul porte sur le cas de l’Angleterre et la phase B de K2 : l’idée que l’Angleterre con-

naisse une dépression entre 1873 et 1890 convient assez peu au cas de l’Angleterre, elle constituerait

plutôt un plateau après une très forte expansion après les années 1850.

Si on prend le cas des Etats-Unis, la phase de récession est entamée bien avant 1873, elle début avec

la guerre de Sécession.

Evolution et mutation du système capitaliste contre cycles longs : l’analyse des cycles longs nie le

changement structurel. Pour eux les causes des cycles sont toujours les mêmes. Les partisans de

l'Ecole de la Régulation mettent au contraire en avant l'accent sur ces changements : chaque période

a ses spécificités à cause de ses formes institutionnelles. Vouloir enfermer l'analyse de la croissance,

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c'est vouloir toujours trouver la même cause à la croissance. Or des auteurs comme Maddison ont

montré que les sources sont diverses, tantôt c'est l’augmentation du facteur travail, capital ou le

PGF.

C'est la périodicité qui gêne les auteurs qui sont contre les cycles, ils reconnaissent qu'il y a eu des

fluctuations mais ne pensent pas qu'il y ait une périodicité dans ces fluctuations. De plus la multitude

des chronologies des mouvements et l’incohérence des dates retenues d'un auteur pro-cyclique à

l'autre montre le manque de cohésion et d’homogénéité de cette analyse. Ainsi pour le K3 le point de

retournement ou la crise varie de 1911 à 1929.

En outre la crise actuelle s'inscrit mal dans la théorie des cycles puisqu’elle semble être le point de

retournement qui n'aurait pas du arriver avant une dizaine d'année. Cependant, nous n’avons pas

encore assez de recul pour pouvoir juger ce phénomène.

2) Les cycles longs depuis le début du XIXème siècle

Premier Kondratieff 1790-1850 Point haut 1815

Phase A : elle est facile à expliquer car elle marque le début de la Révolution Industrielle, pé-

riode où il y a beaucoup d'innovations.

Phase B : l’analyse de Wagemann ou encore de Schumpeter a une certaine pertinence, elle

peut s'expliquer par le ralentissement des effets entraînement ou encore par certaines résis-

tances sociales dues à l'aggravation de la condition ouvrière. Apparaissent alors certaines ré-

sistances sociales face à cette aggravation : se développe les mouvements luddistes. Le lud-

disme est, selon l'expression de l'historien Edward P. Thompson, un « conflit industriel vio-

lent » qui a opposé dans les années 1811-1812 des artisans (tondeurs et tricoteurs sur mé-

tiers à bras anglais) aux employeurs et manufacturiers qui favorisaient l'emploi de machines

(métiers à tisser notamment) dans le travail de la laine et du coton. La lutte des membres de

ce mouvement clandestin, appelés luddistes ou luddites, s'est caractérisée par le « bris de

machines ».

Deuxième Kondratieff 1850-1890 Point haut 1873

Ce deuxième cycle est plus complexe à expliquer. Même l'analyse schumpetérienne est difficilement

tenable puisque contrairement aux K1 et K3, il n'y a pas de réelles grappes d'innovations qui explique-

raient une expansion.

Phase A : Malgré tout il est possible de trouver certaines innovations qui vont être à l’origine

des secteurs moteurs de ce Kondratieff : la construction des chemins de fer et la mise en

place du convertisseur de Bessmer (qui transforme la fonte en fer). On semble repérer une

augmentation assez nette de la productivité du travail qu'on estime entre 2 et 3 % par an

pour la France en moyenne. Ceci s'accompagne d'une augmentation du salaire réel dans les

mêmes proportions. Cette hausse est plus marquée au Royaume-Uni qu'en France.

On peut souligner également des transformations institutionnelles importantes. Pour les ré-

gulationnistes, c'est à partir de cette période que la régulation concurrentielle se met en

place. Pour Boyer, « la régulation à l'ancienne » disparait peu a peu, l'artisanat décline et les

prix du travail s’uniformisent. Le traité de libre-échange signé entre la France et le Royaume-

Uni met en exergue une volonté de mise en concurrence des deux pays.

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La phase A est également marquée par l'accélération du développement des secteurs ban-

caires et des marchés des capitaux lié dans le cadre d’une politique économique particulière

de Napoléon III, politique structurelle volontariste en France(au Royaume-Uni ils sont déjà

développés). Cela correspond à une volonté de libéraliser l'économie et reste lié au dévelop-

pement des chemins de fer.

Phase B : Le retournement de ce K2 coïncide avec une crise économique à CT relativement

marquée, et la Grande Dépression à la fin du XIX siècle, crise structurelle plus longue. On

prend un phénomène de CT pour marquer un phénomène de LT. Cette crise ne touche pas

de façon homogène tous les pays puisqu’elle touche avant tout les pays les plus jeunes i.e.

les plus fragiles. La pertinence de Schumpeter à expliquer la phase B est limitée puisque son

explication pour la phase A est insuffisante. Cette période va de paire avec la fin de l'hégé-

monie du Royaume-Uni et la montée en puissance de l’Allemagne et des États-Unis. En effet

le Royaume-Uni ne représente plus que 13% de la production industrielle en 1914 contre

32% en 1870.

Cette période voit aussi s’instaurer des mesures protectionnistes dans le commerce interna-

tional. Ceci ne s'inscrit pas dans l'analyse des cycles longs, ce phénomène qui se prolonge

dans l’entre-deux-guerres et arrive à son paroxysme après la crise de 29 est ignoré par l'ana-

lyse des cycles. L’École de la Régulation souligne que la fin du XIXème est une période où la

régulation concurrentielle et l’accumulation extensive vont laisser place à une accumulation

intensive puis une régulation monopolistique. La grande dépression s’explique dans le cadre

d’une accumulation extensive à intensive.

Troisième Kondratieff 1890-1940 Point haut 1913

Phase A : correspond à une période de reprise puisqu'elle succède a la fin de la Grande Dé-

pression. On assiste à des modifications institutionnelles et économiques qui sont les consé-

quences de cette dépression, notamment par rapport au protectionnisme. Les facteurs expli-

catifs de cette phase A sont l’électricité, le pétrole, la chimie, l’automobile, l’OST (Taylor) et

la chaine de travail (Ford), ainsi que quelques découvertes d’or. On peut parler de 2ème Révo-

lution Industrielle.

C'est aussi le début de la première mondialisation, qui marque l’essor du commerce interna-

tional et qui contribue au développement du protectionnisme, notamment lorsque les con-

traintes de débouchés se font sentir et se manifestent de plus en plus.

Phase B : elle est contestable, peut vraiment parler d’essoufflement des secteurs moteurs

comme l'automobile ou l’électricité ? Ces secteurs n'arrivent pas à maturité durant la phase

B mais bien plus tard. Malgré tout on peut considérer que les investissements importants ont

déjà été faits d’où l’essoufflement de l'investissement qui explique le cycle mais pas des sec-

teurs en soi, ce qui expliquerait leur dynamisme.

Pour cette période, l'analyse en terme de guerre s'impose assez naturellement et de manière

évidente compte tenu de la présence de la 1ère Guerre Mondiale, compte tenu du coût de la

guerre et une partie non négligeable de l’entre deux guerres. Une parité des difficultés de

l'entre-deux-guerres est due aux modifications nécessaires de l’appareil productif qui font

suite à la 1ère Guerre Mondiale mais également à une inflation omniprésente. Cette période

d’assainissement monétaire et de rigueur monétaire doit s’achever au cours de la phase B

pour permettre une nouvelle phase A, sauf que la 1ère Guerre Mondiale qui arrive à la fin de

la phase B du K3 ne s'inscrit pas du tout dans le cadre de l'analyse de Wagemann. De plus, les

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bouleversements économiques que vont entrainer la 2nde Guerre Mondiale, i.e. l'économie

de guerre qui voit le PIB chuter au profit de du soutiens de la guerre, ne s’inscrit dans aucune

logique de l'analyse des cycles longs.

L'approche monétariste ne nous éclaire pas plus bien qu'il nous permet d'appréhender la fin

de la phase B comme un dérèglement du SMI, cependant la fin de l'étalon-or vient remettre

en cause leur analyse. Les difficultés monétaires qui sont liées à des problèmes institution-

nels perdurent jusqu'à la fin de la 2nde Guerre Mondiale.

Quatrième Kondratieff 1940-1990 Point haut 1973

Phase A : d’emblée, ce cycle ne s'inscrit pas dans l'analyse des cycles longs puisque la phase

A qui est sensée être une période d’expansion correspond à la Seconde Guerre Mondiale.

Cette guerre est suffisamment importante pour être considéré comme une période de dé-

pression.

Malgré tout, elle constitue aussi le facteur prépondérant qui va expliquer la période d'expan-

sion qui la suit : les Trente Glorieuses. Le progrès technique qui a permis les Trente Glo-

rieuses ne s'explique pas par des grappes d'innovations (par exemple le système tayloro-

fordiste est bien antérieur). C'est plus l'utilisation d’ancien progrès technique qui explique les

Trente Glorieuses, bien que cette période soit marquée par l'émergence de nouveaux biens

de consommation notamment en matière d’électroménager, aéronautique…

Il faut aussi souligner l’importance des relations économiques internationales : les pays eu-

ropéens bénéficient de l’expérience des Etats-Unis, ils peuvent mettre en œuvre immédia-

tement la régulation fordiste, les avancées technologiques de tous les secteurs moteurs de la

phase A du K4.

Phase B : Cette période est appelée période de croissance molle. Dans le contexte du renou-

veau des analyses schumpétériennes dans les années 80, il y a une relecture des Trente Glo-

rieuses et de la rupture, liée à l’essoufflement des effets d’entraînement des secteurs mo-

teurs des Trente Glorieuses. Il y a une idée de saturation de la demande en bien durable tel

que l’électroménager (taux d’équipement des ménages de 90%). Par ailleurs, il y a une rup-

ture des gains de productivité à partir de 1973, perte de plusieurs points (2% aux EU dans les

gains de productivité du travail, montre que ce n’est pas qu’une rupture due au rattrapage).

Expliquer cette phase c'est expliquer les causes de la crise de 1973.

Cinquième Kondratieff 1990- ????

Nouvelles technologies : le cycle retrouve une pertinence grâce à un foisonnement d'innova-

tions telles que la nanotechnologie, les biotechnologies, les NTIC… On a des arguments qui

vont dans le sens de la grappe d'innovation. Ces innovations semblent constituer une cause

importante des mutations sociales, des institutions, de l'économie de la société… et ont joué

un rôle dans la globalisation financière (le télégraphe a servi à relier deux opérateurs entre

Paris et Londres). Ainsi les NTIC vont jouer un rôle dans l'organisation du travail et modifier

la nature du travail mais elles changent aussi la nature des relations sociales.

Il y a également un développement de l’externalisation dû au développement des nouvelles

technologies, ainsi qu’une tendance à une plus grande atomicité du marché dû au NTIC (In-

ternet & Start-up). Le progrès technique a tendance à toucher tous les domaines/aspects

d'une société et est donc une condition nécessaire et suffisante pour tous les changements.

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Le Paradoxe de Solow (1987) : « Les ordinateurs sont partout, sauf dans les statistiques ».

On devrait observer une croissance forte de la phase A. Or, dans les années 80, on assiste à

une période de croissance molle et les gains de productivité sont très faibles.

L'analyse des gains de productivité de Gordon, publiée en 2004, montre que la productivité

du travail a augmenté de 3% par an en moyenne au États-Unis pendant les Trente Glorieuses,

puis on observe une chute des gains de productivité sur la période 1973-1995, seulement

1,42% soit divisé par 2. Les NTIC ne semblent avoir aucun effet notable sur la croissance éco-

nomique de LT. Cependant en 1995 la productivité du travail repart à la hausse avec un

rythme de croissance plus soutenue de 2,2% par an en moyenne entre 1995-2001. La lon-

gueur des cycles Kondratieff est floue, donc pas de paradoxe, c’est seulement une question

de datation de la phase A à la phase B qui est floue. Il y a une remise en cause des dates choi-

sies pour le cycle : les gains de productivité sont plus fort pendant la phase B du K4 que pen-

dant la phase A du K5.

En outre, en 2000, Solow face à la constatation du retour de la productivité déclare que : « la

vérité est qu'on en sait rien. Il est naturel de suspecter que cette accélération de la crois-

sance de la productivité en 1996 soit la conséquence tant espérée et attendue des technolo-

gies de l'information. Il est tout à fait possible que ce soit la fin du paradoxe des ordinateurs,

mais je ne suis pas sur ». Le progrès technique est un phénomène de MT voire de LT.

La croissance des gains de productivité aux États-Unis de l’Union Européenne

Période 1990-1995 1995-2001 Industrie productrice de NTIC 8,1% 10% Industrie utilisatrice de NTIC 1,2% 4,7% Ensemble de l'économie 1,1% 2,2% Industrie productrice de NTIC 5,9% 7,5% Industrie utilisatrice de NTIC 2% 1,9% Ensemble de l'économie 2,3% 1,7%

C'est quand la conjoncture est favorable que l'on observe les gains de productivité les plus impor-

tants i.e. entre 1990-1995.

Globalement, les gains de productivité sont plus faibles qu’aux Etats-Unis car :

- Les gains de productivité sont du à d’autres facteurs que les NTC aux EU (politique moné-

taire). La croissance expliquerait la productivité et non l’inverse, phénomènes plutôt con-

joncturelles que structurels.

- C’est aux EU qu’ont lieu les innovations, c’est donc eux qui bénéficient le plus des gains pro-

ductivité. Cela est renforcé par le fait que c’est aux EU que les gains de productivité sont plus

élevés pour les industries productrices de TIC.

Le problème posé par la crise de 2007 : pour une analyse en termes de cycle long, elle va

avoir du mal à s’intégrer dans le K5. Elle apparaîtra comme une petite crise (comme la crise

de 29 au K4).

Entre pluies et grappes : Côté pluie, afin de résoudre le paradoxe de Solow, on peut postuler

qu'il faut du temps avant que le progrès technique ne délivre ses effets. En effet, toute nou-

velle technologie demande une période d’adaptation de la part des travailleurs, il faut qu'ils

se familiarisent avec ce nouveau procédé pour en tirer de réels gains de productivité. Il s'ex-

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plique par le décalage dans le temps entre l'investissement en connaissances et son impact,

dû au temps de formation et aux effets d'obsolescence.

II) CYCLES COURTS ET FLUCTUATIONS

1) Les analyses des cycles classiques

a) Confiance exagérée et abus de crédit comme sources de la crise (C. Juglar)

L'analyse de C. Juglar des cycles repose sur une étude empirique des cas de la France, du Royaume-

Uni et des États-Unis entre 1800 et 1862. Ses conclusions nous amène à penser que les cycles sont dû

aux banques dans la mesure où Juglar s'est appuyé sur les bilans bancaires en matière d’octroiement

de crédit pour en déduire son interprétation. Juglar montre que la cause des cycles se situe dans la

sphère monétaire.

Il compare l’évolution relative des créances monétaires des banques (càd les liquidités) et les crédits

qu’elle octroie. En observant les évolutions du rapport, Juglar mesure la propension des banques à

octroyer facilement des crédits, c’est le signe de degré de confiance des banques dans l’évolution

économique.

L'explication du cycle s'effectue au travers de l'évolution du degré d'optimisme. Pendant la phase A il

y a de la confiance et un certains optimisme pour l'avenir. Ceci conduit a des crédits importants et

généreux, autrement dit le taux d'intérêt est faible et l'emprunt facile à obtenir. Il y a un climat de

confiance dans l'avenir qui est général d’où la demande de crédit importante. Le crédit va finan-

cer l’expansion, au prix d'une tendance inflationniste qui conduit à une hausse des prix et des sa-

laires. La confiance s'accompagne aussi d'une tendance à la spéculation dans tous les domaines de

l'activité économique, il y a une course au profit.

La crise apparait lorsque la confiance fait place à la défiance. Les banques sont à l’origine à la fois de

l’expansion, mais aussi la cause de la récession. Une économie financée par crédit finit par financer

des activités non rentables. La rentabilité de l’octroiement de crédit rencontre une limite. Les phé-

nomènes inflationnistes l’emportent, les banques observent un déséquilibre entre le rapport liquidi-

té/crédit, elles resserrent leurs crédits, donc à hausser le taux d’intérêt car leur liquidités diminuent.

Les crédits deviennent plus chers, donc il y a une baisse de l’investissement qui déclenche une réces-

sion voire une dépression. La demande s’effondre, les prix chutent, l’économie connaît une phase

d’assainissement, les banques regagnent confiance où les entreprises les moins compétitives font

faillites jusqu’au retour de la confiance qui engendrera un nouveau cycle.

Juglar (1962), Des Crises commerciales et leur retour périodique en France, en Angleterre et aux États-

Unis : « Les symptômes qui précèdent les crises sont les signes d’une grande prospérité ; nous signa-

lerons les entreprises et les spéculations de tous genres ; la hausse des prix de tous les produits, des

terres, des maisons ; la demande des ouvriers, la hausse des salaires, la baisse de l’intérêt, la créduli-

té du public, qui, à la vue d’un premier succès, ne met plus rien en doute ; le goût du jeu en présence

d’une hausse continue s’empare des imaginations avec le désir de devenir riche en peu de temps,

comme dans une loterie. Un luxe croissant entraîne des dépenses excessives, basées non sur les re-

venus, mais sur l’estimation du capital d’après les cours cotés. ».

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Les cycles Juglar durent environ 8 à 10 ans et expliquent les cycles de manière endogène : «Le déve-

loppement régulier de la richesse des nations n’a pas lieu sans douleur et sans résistance. Dans les

crises, tout s’arrête pour un temps, le corps social paraît paralysé ; mais ce n’est qu’une torpeur pas-

sagère, prélude des plus belles destinées, en un mot c'est une liquidation générale(…). Les crises pa-

raissent une des conditions de l’existence des sociétés où le commerce et l’industrie dominent. On

peut les prévoir, les adoucir, s’en préserver jusqu’à un certain point ; mais les supprimer, c’est ce que

jusqu’ici il n’a été donné à personne ».

b) L'explication du cycle dans la dynamique des prix de vente et des coûts (Lescure)

Les causes des cycles se trouvent dans la sphère monétaire chez Juglar, elles vont se trouver dans la

sphère réelle pour J. Lescure. Le profit détermine l’activité économique, s'il y a une rentabilité impor-

tante il y aura des investissements donc une croissance forte.

Le profit unitaire (prix – coût moyen). L'explication du cycle va être liée à l'idée selon laquelle le prix

et le coût moyen de production n'évoluent pas en même temps et au même rythme.

- Lorsque les prix augmentent plus vite que le coût de production, le profit augmente, donc

l’investissement augmente.

- Lorsque les prix baissent plus vite que le coût de production, le profit baisse, il y a une pé-

riode de dépression.

La divergence des évolutions peuvent s'expliquer. En effet il n'y a pas une flexibilité parfaite des prix

et des coûts, Lescure part d’une étude empirique à partir de laquelle il découvre que les prix aug-

mentent ou diminuent plus vite car les prix de vente des biens sont très flexibles alors que les coûts

de production sont plutôt rigides. On se situe un peu dans le même cadre de l'analyse keynésienne

qui postule une certaines rigidités des prix d’où l'ajustement par les quantités.

Les causes de cette rigidité : les salaires ne fluctuent pas (car contrat), le coût des bâtiments (càd les

loyers) restent inchangés, le coût du capital au sens du taux d’intérêt (les prêts contractés par les

entreprises ont des taux d’intérêt fixes). Le coût de production augmente durant la seconde phase de

l'expansion.

*

Ct

Yt

* Esprit d’entreprise paralysée par la chute du profit

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2) Les fluctuations dans l’optique keynésienne

Il y a deux analyses, et dans les deux cas on postule une rigidité des prix. Dans l'un la dynamique éco-

nomique est expliquée avec les variations quantitatives et l'interaction de l'offre et la demande avec

des prix assez fixes. Dans l'autre, la loi de l'offre et la demande n'est pas parfaite et les prix connais-

sent une évolution.

a) Multiplicateur et accélérateur : l'oscillateur de Samuelson

On postule une rigidité des prix, effets quantités, dynamiques expliquée par les évolutions de l’offre

et la demande, contraintes de débouchés.

Samuelson (1939) « Interaction entre le multiplicateur et l’accélérateur ».

Supposons que la consommation dépende du revenu, et que l’investissement dépende des variations

de la demande -> on introduit un effet accélérateur.

On suppose également une inertie de comportement de consommation et d’investissement

Yt = Ct + Yt

La consommation à un temps t dépend du revenu en t-1 :

Ct = a.Yt-1 avec o < a < 1

It = b (Yt-1 – Yt-2) + Ia

C’est la variation de la demande constatée à la période précédente qui explique l’effet

d’accélérateur.

Ici, l’économie reste au même niveau de production. La solution stationnaire est :

Samuelson montre qu’il y a 4 manières de l’évolution de l’activité économique en dehors de l’état

stationnaire, selon l’importance relative des effets multiplicateur et accélérateur.

2

3

4

-

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- Soit l’évolution est convergente et monotone ○1

- Soit l’évolution est divergente et monotone ○2

- Soit l’évolution connaît des oscillations amorties ○3

- Soit l’évolution connaît des oscillations explosives ○4

Lorsque l’effet d’accélérateur va être faible comparé à l’effet multiplicateur, la dynamique assure une

convergence vers l’équilibre, sans qu’on puisse préciser simplement, cette convergence va se faire

soit de manière monotone, soit en oscillant. Lorsque les entreprises investissent, crée un effet

d’expansion, qui est lui-même un facteur d’investissement des entreprises. Selon la manière dont ces

effets s’inscrivent dans le temps, l’ampleur des conséquences de l’investissement sur l’activité éco-

nomique va être variable.

Question de l’intervention de l’Etat : les keynésiens considèrent que les fluctuations ne sont pas sou-

haitables car elles s’accompagnent de dépression et de chômage involontaire. Il y a une justification

de l’intervention de l’Etat pour contrer les oscillations et ramener l’économie à l’équilibre.

On introduit les dépenses publiques :

Solution stationnaire :

Certains auteurs reprennent ce modèle en éliminant ces cas extrêmes de divergences en introduisant

un accélérateur moins brutal : on passe d’un accélérateur simple à flexible (=mécanisme qui suppose

que l’investissement dépend des anticipations adaptatives de la demande, on corrige les anticipa-

tions).

Hicks (1950) introduit dans le modèle de Samuelson des butoirs : se justifie par l’idée de contrainte

sur les capacités de production lors d’un plein emploi.

b) Les rigidités de prix sur les différents marchés

On s’intéresse ici aux différentes rigidités possibles sur les différents marchés. Les différents

exemples de modèles correspondent aux différents marchés : de biens et services, de travail, et fi-

nancier et monétaire.

Modèle de Cobweb : concerne les rigidités sur le marché des biens et services.

Idée selon laquelle la demande est très flexible en fonction du prix tandis que l’offre est beaucoup

plus rigide. Lorsque des fluctuations de prix sont constatées par les offreurs, l’offre en t dépend du

prix en t-1, alors que la demande en t dépend du prix en t. S’explique par e fait qu’il y a des délais de

mise en œuvre pour la production. Modèle néo-keynésien développé durant les Trente Glorieuses.

Pas de prise en compte des anticipations et pas de fondement micro à ces modèles macro.

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Modèle de Goodwin (1967) : concerne les rigidités sur le marché du travail.

Elle introduit l’influence de la rigidité des salaires sur le chômage, le PIB et le partage de la VA. Pas de

situation qui correspond à l’équilibre sur le marché du travail.

En phase d’expansion, la baisse du chômage a pour conséquence que les salaires augmentent plus

vite que la productivité (mécanisme du type courbe de Philips). Le partage de la VA devient plus favo-

rable aux salariés, le taux de chômage diminue, donc le profit diminue, donc l’investissement dimi-

nue, donc baisse de la production, ce qui entraîne une hausse du chômage, une baisse des salaires…

Modèles IS-LM dynamiques : concerne les rigidités sur le marché financier et monétaire.

En phase d’expansion, s’accompagne nécessairement d’une hausse de la demande de monnaie pour

motif de transaction, cela se traduit par une hausse des taux d’intérêts, donc une baisse de

l’investissement, qui entraîne une récession, donc une baisse de la demande de monnaie, donc une

baisse des taux d’intérêts, qui entraîne une reprise des investissements. L’Etat peut intervenir pour

aplatir les fluctuations.

Les cycles chez les nouveaux keynésiens : ils n’apportent pas des choses radicalement différentes,

partent des analyses en les affinant. Ils ajoutent les anticipations et un fondement micro des modèles

macro.

3) Les fluctuations chez les nouveaux classiques : cycles d’équilibre et chocs exogènes

On est dans un contexte où les marchés sont parfaits. Les causes des fluctuations sont ici exogènes,

elles vont influencer les agents économiques. L’économie est en permanence à l’équilibre.

a) Les chocs monétaires dans la théorie des anticipations rationnelles

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Correspond au 1er modèle chez les nouveaux classiques : Muth parle d’anticipation rationnelle pour

la première fois en 1961, le modèle est ensuite développé par Lucas (1972). Ici, les cycles sont équili-

brés et les chocs exogènes. On est dans un contexte où les marchés sont parfaits, il y a des anticipa-

tions rationnelles, et pas de rigidités des prix. Les causes des fluctuations vont être exogènes sous la

forme de chocs monétaires, i.e. une variation brusque de la quantité de monnaie dans l’économie

(injection ou retrait brusque de la quantité de monnaie). La conséquence est l’inflation.

Dépend de la façon dont l’anticipation de l’inflation par les agents économiques et de l’asymétrie de

l’information entre les agents économiques et les autorités monétaires. Comment cela se traduit par

des fluctuations ?

L’inflation ne va pas être perçue comme telle par tous les agents économiques. Idée se-

lon laquelle l’offreur d’un bien ou service a une information plus exacte des évolutions

de prix concernant le bien ou service qu’il offre que les prix des biens et services offerts

par d’autres. Les entreprises connaissent le prix qu’elle pratique mais pas celui des

autres, ou du moins de manière imparfaite.

Pour les offreurs de travail, ils n’ont pas d’information parfaite sur le niveau général des

prix, ont une mauvaise information qui les conduit à sous ou sur estimer leur salaire réel.

Face à une augmentation du niveau général des prix, les salariés vont voir augmenter un

salaire nominal, mais pas leur salaire réel. Ils vont offrir plus aujourd’hui et moins de-

main.

Le choc monétaire a donc crée des fluctuations, et explique l’expansion puis la récession. C’est

l’équilibre qui se déplace. Le choc monétaire est lié à une politique monétaire expansionniste, la

politique est donc la cause de ces fluctuations, cause du cycle, elle a un effet pro-cyclique.

b) Les chocs réels dans la Théorie des cycles réels

C’est sur la sphère réelle que les chocs apparaissent. Elles modifient la rentabilité de l’offre (ex : in-

novations qui surviennent de manière aléatoire qui modifie la productivité, modifie dans le temps

l’offre de travail pour chaque individu, Kydland & Prescott 82)

Les chocs budgétaires et fiscaux peuvent influencer la sphère réelle : il y a des effets d’éviction et une

diminution de l’offre.

Il y a également les chocs pétroliers, climatiques, les mouvements sociaux qui impliquent une hausse

des salaires.

4) Les « cycles » depuis 1945

On est dans un contexte où l’Etat n’intervient pas de manière volontaire conjoncturellement, sauf

lorsque la Banque Centrale modifie les taux d’escompte.

Le caractère récurrent et régulier peut-être lié au fait de la non-intervention de l’Etat qui cherche à

mettre en place des politiques contre-cycliques avant 1945. Au XIXème siècle, les cycles étaient

courts (de 8 à 11 ans)

Conséquence : les cycles au XIXème siècle seraient dus à une succession de chocs exogènes qui revien-

draient périodiquement, soit à des causes endogènes.

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Pour la période de l’entre deux guerres, l’approche de cycles convient assez mal à cette période,

d’autant plus que dans la période qui précède et qui va suivre la crise de 29, il n’y a pas une forte

homogénéité, selon les pays, concernant les évolutions. Certes, il y a une expansion après les années

20, mais elle concerne surtout les Etats-Unis, et non les pays comme l’Angleterre. La période qui va

suivre la crise de 29, c'est-à-dire la fameuse dépression (au sens strict de chute de la croissance) ne

dure qu’entre 1929 et 1932. 1932 1933 : creux de la dépression. Puis la croissance connaît une cer-

taine reprise, la dépression s’achève, mais connait à nouveau une récession très marqué à partir de

1937.

Pour la période des Trente Glorieuses, on a un assez grand nombre de cycles, mais ce sont des

cycles de faible amplitude, ce qui correspond bien à l’image de cette période, i.e. une croissance rela-

tivement régulière et forte. On a quelques récessions plus marquées : 1952 et 1957, qui souvent sont

liées à des phénomènes exogènes (ex : guerre de Corée, les troubles qui accompagnent la décoloni-

sation). Les interprétations sont plutôt du type choc exogène, qui s’accompagne de poussées infla-

tionniste et de plans de stabilisation tel que le plan Pinay en France en 1953.

Plan de stabilisation : réduction des dépenses publiques pour réduire les déficits publiques pendant

les TG, politique de blocage des prix. Au niveau de la politique monétaire : augmentation des taux

d’intérêt (pour les TG, augmentation du taux d’escompte). La politique de stabilisation passe aussi

par une action sur le SMIC, les revalorisations sont un peu moins généreuses. Le plan Pinay coïncide

également avec l’emprunt Pinay, il ne fait pas parti du plan de stabilisation mais rentre dans

l’objectif d’augmentation de consommation des ménages. Il y a deux interprétations possible à ce

plan de relance : si on est keynésien, il limite les fluctuations (politique contra cyclique). Du point de

vue des monétaristes, il y a un effet de déstabilisation et d’inflation, et au contraire un effet pro-

cyclique.

Le marché génère des fluctuations économiques, la politique est là pour contrer le cycle. Si on a une

interprétation plutôt néo-classique, on assimile les politiques économiques à des chocs exogènes qui

sont susceptibles de créer des instabilités, et donc être des causes du cycle, et non pas la réponse. Il

est difficile d’affirmer rapidement que la cause du cycle est telle ou telle cause, et que l’action de la

politique va dans tel ou tel sens. Pour les TG, ce qui semble le plus cohérent est l’analyse keyné-

sienne lorsqu’on observe les fluctuations à CT (qui explique qu’il y a des causes endogènes et la poli-

tique parvient, grâce a une régulation fine de la conjoncture, à limiter l’amplitude des cycles).

1957-1958 : Point de retournement du cycle, marqué dans le cas de la France. Les facteurs exogènes

semblent jouer un rôle important. On pense essentiellement aux conséquences économiques de la

guerre d’Algérie, étant à peu près la même nature que la guerre de Corée (pressions inflationnistes,

déficit publique). Elle s’accompagne également d’une augmentation du déficit de la balance com-

merciale et amène à une politique de stabilisation, correspond au 2nd plan Pinay aussi appelé Pinay-

Rueff ( on passe de la 4ème à la 5ème République). Rueff, très opposé aux politiques keynésiennes,

était conseiller du gouvernement à cette époque, il va inciter à mener des politiques beaucoup plus

restrictives sur le plan monétaire et budgétaire et qui vont inciter à une plus grande libéralisation de

l’économie. Cette incitation est renforcée par la construction européenne qui s’annonce (traité de

Rome 1957) qui oblige nécessairement à introduire plus de concurrence au sein de l’Europe.

Ces 2 exemples soulignent le fait qu’on ne peut pas traiter de manière totalement homogène

l’ensemble des Trente Glorieuses relativement à notre sujet car on s’aperçoit que la période qui suit

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la 2nde GM est une période qui reste encore marquée par l’instabilité économique. Cette instabilité,

relayée par les chocs exogènes, va perdurer un certain temps pendant les années 50. Ce n’est que

dans les années 60 qu’on va connaître une période de plus grande stabilité économique et donc de

cycles très peu marqués. C’est aussi dans les années 60 qu’on voit une période qui va être plus en

conformité avec des interprétations keynésiennes des fluctuations économiques comme aux EU et la

période Stop&Go (ère Kennedy-Johnson) où la politique conjoncturelle est menée en s’appuyant sur

la théorie keynésienne. On rentre dans une période où les fluctuations sont très peu marquées (car

moins de chocs exogène que dans les 50) et où les périodes contra-cycliques/ stop&go semblent

contribuer à cette plus grande stabilité de la conjoncture. Néanmoins, cela ne signifie pas que les

cycles disparaissent totalement.

Depuis 1945, il y a toujours un décalage entre le cycle américain et le cycle des autres pays de

l’OCDE. Le retournement intervient la plupart du temps d’abord aux EU et s’observe quelques tri-

mestres plus tard en Europe notamment. L’influence des fluctuations des EU sur les autres pays est

d’autant plus forte qu’on est dans une économie ouverte. Cette influence est de plus en plus mar-

quée depuis 1945, au fur et a mesure que le commerce international se développe, le libre échange

s’étend, le phénomène s’amplifie après les TG.

L’après Trente Glorieuses : (milieu des années 70 à aujourd'hui) période qui n’apparaît pas très

homogène.

On a une période 70-80 qui est caractérisée par un retour du cycle : le premier cycle est marqué par

la crise de 73-74 pour laquelle, si on raisonne à CT, le choc pétrolier a joué sans doute un rôle non

négligeable, on est du côté en termes d’analyse de chocs d’offre exogènes. Le 2ème choc pétrolier va

coïncider également avec une récession un peu plus courte de 79 à 82, mais il y a également la mise

en œuvre de politiques monétaires très restrictives, notamment aux EU. C’est le prix à payer à CT

pour casser l’inflation, et retrouver une croissance stable et équilibrée sur le plus LT. On a ensuite la

reprise conjoncturelle vers les années 80 qui va s’achever en 1990 avec la guerre du Golfe, et dans le

cas de l’Europe, les conséquences récessionnistes de la réunification allemande (ce n’est pas cette

réunification qui va directement entrainer la récession, mais c’est plutôt le durcissement de la poli-

tique monétaire qui va accompagner cette réunification).

Les années 90 apparaissent plutôt comme une période de fluctuations très peu marquée car elle

correspond plutôt à une période de croissance régulière/expansion. Avec le recul, on penche plutôt

sur l’idée qu’il s’agit de l’expansion d’un cycle qui va s’achever en 2000. A la fin des années 90, beau-

coup d’interprétations allaient dans le sens de l’idée de fin de cycle. C’est la période au cours de la-

quelle on a cru retrouver une période de croissance régulière et longue à cause de 2 phénomènes :

du retour d’une croissance soutenue permise par les NTIC (on parlait d’une nouvelle économie c'est

à dire le fait qu’on change radicalement de structures économique car les NTIC redonnent des gains

de productivité et changent en profondeur la façon dont fonctionne l’économie). Le 2ème élément qui

est aussi attachée à cette idée de croissance régulière et longue est qu’on croyait que la politique

monétaire pouvait réguler la conjoncture (A. Greenspan, il était à la fois reconnu par les keynésiens

dans la mesure où il menait des politique monétaires assez souples, relâchait la politique monétaire

lorsque les manifestations récessionnistes apparaissaient, et c’est en même temps quelqu’un qualifié

de très libéral, notamment à l’égard du système financier, c’était un partisan du laisser-faire). Ces

années 90 s’achèvent avec le retournement du début des années 2000, on retrouve des fluctuations

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très marquées : récession 2001-2003, reprise conjoncturelle assez marquée entre 2003-2007 puis

fameuse crise à partir de 2007-2008. Pour la question de l’amplitude des cycles après les Trente Glo-

rieuses, à priori si on doit choisir une réponse, c’est plutôt en faveur de l’idée qu’il y a plutôt une

résurgence des cycles, mais propos à nuancer à cause de cette période particulière des années 90. En

Europe, il y a une croissance atone, pas de fluctuations dans les 90 comme aux EU (sauf que crois-

sance longue aux EU).

La question de la synchronisation des cycles : on remarque souvent que c’est l’apparition d’un

cycle européen à partir des années 90, au point même d’évoquer un cycle économique qui concerne-

rait de manière homogène l’ensemble des pays appartenant à l’UE. Pour les pays appartenant à la

zone euro, la synchronisation est particulièrement marquée compte tenue de l’existence d’une seule

politique monétaire (phénomène dont on ne peut parler véritablement qu’a partir de 99), ainsi que

l’unification du marché européen qui va lui aussi contribuer (ex : l’acte unique) à homogénéiser les

fluctuations éco à l’intérieur de l’Europe. Il faut aussi évoquer le traité d’Amsterdam : c’est le pacte

de stabilité et de croissance (1997 réformée en 2005). C’est le prolongement du traité de Maas-

tricht : la mise en œuvre de règles budgétaires qui sont en fait similaires à celles qui existaient dans

le traité de Maastricht, en particulier en ce qui concerne le déficit public (3% du PIB), c’est donc le

prolongement du traité de Maastricht qui concernait la convergence vers la monnaie pays aux pays

qui vont avoir pour monnaie unique l’euro. Le traité d’Amsterdam fixe des critères de stabilité pour

les pays qui appartiennent à la zone euro. Depuis, tous les pays qui aspirent à appartenir à la zone

euro (donc depuis le début des 90) ne voient pas seulement le politique monétaire mais aussi leur

politique budgétaire encadrée par les contraintes européennes, cela favorise une synchronisation du

cycle puisqu’il n’y a plus de divergences de politique monétaire et de moins en moins de divergences

de politique budgétaire.

La question des mutations structurelles et institutionnelles qui peuvent contribuer à expliquer la

nature des cycles et leur amplitude : on assiste à la plus grande ouverture internationale dans le

cadre de la mondialisation, on a le pendant financier (libéralisation bancaire et financière) associée à

la globalisation financière. L’ouverture internationale se traduit par : l’entrée dans le commerce

mondiale des pays ex-socialistes (ex : la Chine, pays de l’Europe de l’est et la Russie), la tendance à

voir s’imposer des politiques libérales sur le plan structurel (monétaristes sur le plan conjoncturel)

qui engendrent une flexibilité accrue des économies donc un changement d’orientation des poli-

tiques, les évolutions des structures économiques dans le sens de changement des secteurs moteurs

avec un transfert de l’industrie vers les services, et donc la marche vers une société d’information.

Quelle est la conséquence éventuelle sur les cycles ? Est-ce un facteur d’amplification des cycles ?

Une économie plus ouverte est une économie où les déséquilibres vont se résorber plus rapidement,

mais les chocs localisés vont se répercuter plus rapidement à l’ensemble des pays : la récession aux

EU se traduit par une diminution de leurs importations, elle a des effets négatifs sur les économies

des pays qui exportent vers les EU. Le même phénomène s’observe pour les aspects monétaires et

financiers (un mini krach aux EU peut devenir un krach boursier international).

Avec la crise de 2007, dans quelle mesure certains pays peuvent être à l’abri des fluctuations écono-

miques dans d’autres pays ? Dans quelle mesure le cycle économique dans certains pays peut être

découplé, indépendant des cycles dans d’autres économies ? On pense essentiellement aux EU

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puisque c’est l’économie qui a le plus d’influence sur l’économie des autres pays. Cette question sou-

levée à propos des pays émergents : dans quelle mesure vont-ils être à l’abri de la crise financière et

économique ?

Le découplage : Certains ont avancé l’idée qu’il y avait un découplage entre les conjonctures des

pays émergents et les conjonctures des pays développés, ce qui apparait au début comme surpre-

nant, car ils sont dépendants des exportations vers les pays développés. Pourtant, les études écono-

métriques ont montré qu’entre le début des 90 et début des 2000, le degré de dépendance des pays

émergents (surtout la Chine) à l’égard de la conjoncture dans les pays dits développés, a diminué.

C’est une évolution normale de pays qui sont en rattrapage, pays souvent très dépendants des ex-

portations dans un premier temps puis progressivement, l’investissement et la consommation prend

le relai de la demande externe comme facteur explicatif de la conjoncture. La diminution du degré de

dépendance est également aussi liée au fait qu’on a des économies qui échangent de plus en plus

entre eux (la part des échanges dans la zone intra-asiatique augmente). Cependant, cette thèse du

découplage a été rapidement remise en cause : ce qui semble s’observer économétriquement est

que ce découplage ne s’observe plus lors de grandes récessions. Lorsqu’il y a des fluctuations finan-

cières peu marquées, les marchés de capitaux asiatiques connaissent des évolutions découplés par

rapport aux marchés occidentaux, mais lors de cracks majeurs, il n’y a plus de découplage.

La question des politiques : débat monétariste keynésien. L’interprétation des politiques sur ces

cycles reste partagée : le fait que s’impose des politiques monétaristes est un facteur de synchronisa-

tion des cycles, mais si c’est un facteur de synchronisation, est-ce un facteur d’amplification ou de

limitation des cycles ? Si on est keynésien, les politiques amplifient plutôt le cycle, si on est monéta-

riste, la politique atténue le cycle car on ne déstabilise plus la conjoncture avec des politiques à répé-

tition tantôt expansionnistes, tantôt récessionnistes. Pour des raisons structurelles, l’économie amé-

ricaine est plus instable que l’économie européenne, on ne peut alors rejeter certaines réponses.

Le fait que les NTIC prennent de plus en plus de place est-il un facteur d’amplification du cycle et

de synchronisation ? Pour la synchronisation, on a plutôt tendance à répondre oui car on est dans

des économies où l’information circule plus vite, donc les sociétés d’informations sont des sociétés

où les NTIC sont acteurs d’amplification de ces déséquilibres mais aussi d’absorbation de ces désé-

quilibres.

Texte « Les cycles courts dans la période récente et leurs effets sur la croissance » : historiquement, le

cycle est plus marqué aux EU qu’en Europe, et à l’intérieur de l’Europe, le cycle est moins marqué en

France. Y-a t-il un rapprochement des structures économiques, qui feraient que les fluctuations des

conjonctures s’observent de la même façon dans tous les pays ? Aujourd'hui, on a tendance à retrou-

ver une spécificité française dans le contexte de la crise : une France moins marquée par la crise, dû

au rôle joué par certains stabilisateurs automatiques (ex : Protection sociale, comme les allocations

chômage). Le fait que les cycles soit moins marqué en France qu’ailleurs est un phénomène qui

s’observe historiquement depuis plus longtemps, avant même la protection sociale. Il est sans doute

lié à d’autres aspects structurels et institutionnels de la France (ex : la nature des comportements).

Dans le texte, cette spécificité française n’existe plus, et il y a 2 interprétations : soit ce sont les chocs

exogènes importants qui expliquent l’importance du cycle, soit cela est lié au fait que l’économie

française connait des mutations structurelles qui font que la France est soumise à des fluctuations

importantes comme les autres pays.

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Si on considère que des politiques budgétaires sont passives, on comprend pourquoi le cycle euro-

péen est plus marqué, il ne cherche pas à lutter contre le cycle. C’est lié au fait qu’on a affaire à des

économies de plus en plus en libéralisées, donc soumises à une plus grande instabilité, et de plus,

face à cette instabilité accrue, les politiques ne réagissent pas.

III) LES CRISES ECONOMIQUES

1) Les analyses théoriques des crises économiques

a) Les crises chez les classiques et chez Marx : impossibilité, possibilité ou nécessité ?

La loi des débouchés de J-B. SAY : l’impossibilité

Chez les classiques, il peut simplement y avoir des crises qui sont liées au fait que les ajustements

ne peuvent pas se faire car il y a des rigidités sur le marché, imposées de manière exogène au

marché. Ils considèrent que l’économie n’est jamais en déséquilibre, il n’y pas de crises conjonc-

turelles, et même lorsqu’il y a des mutations structurelles, ce ne sont pas des crises.

Chez J.B. Say, il n’y a pas de crises de surproductions généralisées mais il peut y avoir des crises

symétriques et localisées, à cause des évolutions structurelles. On voit ici que l’analyse des crises

de JB Say est une analyse des crises plutôt structurelles. Cette analyse est compatible avec la

thèse de déversement de Sauvy, sauf que JB Say ajoute une condition : il faut que l’économie soit

suffisamment flexible. Chez les classiques, les crises sont évitables à condition qu’on laisse faire

totalement le marché. Toute crise de surproduction généralisée est impossible, sous condition

que le marché soit totalement flexible. S’il n’est pas totalement flexible, il n’y aura pas de crise

de surproduction mais symétriques et localisées, qui entraine du chômage et pénurie de travail

dans les secteurs en expansion. Ce chômage sera localisé. Certains secteurs se trouvent en sura-

bondance de travail tandis que d’autres en pénurie. Une économie en mouvement est une éco

qui détruit et crée des emplois en permanence, mais si elle est suffisamment flexible, le chômage

qui va résulter de cette éco en perpétuelle mouvement est simplement un petit chômage fric-

tionnel. S’il y a des rigidités, risque d’apparaitre un chômage structurel. La différence ici entre

Schumpeter et une analyse classique est que pour Schumpeter, il est normal qu’il y ait du chô-

mage structurel, on ne peut atteindre l’idéal d’une économie néo-classique. Pour Schumpeter, il

est normal que pendant 25 ans (phase B) il y ait un certain taux de chômage.

La réponse ici est qu’il n’y a pas de crise de surproduction généralisée sous condition qu’il n’y ait

pas thésaurisation. Il peut y avoir des crises de type structurel mais qui disparaissent rapidement

si on laisse faire le marché

Excès d’épargne chez Malthus : la possibilité

Chez Malthus, il peut y avoir des crises de surproduction généralisées à cause de la thésaurisation.

Certains riches profitent de leur argent pour consommer des biens de luxe alors qu’ils devraient plu-

tôt être dans une logique d’épargne (tels que des placements). Leur comportement de consomma-

tion relève plutôt du domaine de la passion et non de la raison, il est probable que cette passion

s’affaiblisse à un moment. Il n’y a plus égalité entre l’offre et la demande. Chez Malthus, il y a l’idée

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qu’il y a en fait une différence entre une demande potentielle qui correspond à la production maxi-

male, et la demande effective ; la différence entre les deux est la thésaurisation.

Chez Sismondi, le raisonnement est très proche du raisonnement marxiste pour expliquer pourquoi

l’offre parfois ne crée pas sa propre demande, cela est lié à la sous-consommation des pauvres. Alors

que chez Malthus, le PA des riches excédait largement leur besoin primaires, pour Sismondi la con-

trainte de débouché risque de venir du bas de l’échelle social, du fait que pour les ouvriers, les be-

soins excèdent généralement le PA. On considère Sismondi comme le précurseur de la protection

sociale. S’il y a contrainte de débouché, c’est lié à un problème de répartition des revenus qui con-

duit à une sous-consommation des ouvriers, sachant que les capitalistes sont plutôt dans la situation

décrite par Malthus pour les riches, leur PA d’achat excède leurs besoins, et donc même si on sait

que ces capitalistes sont poussés à investir, donc à dépenser, ca n’empêche qu’eux aussi peuvent

être amenés à thésauriser. La solution passerait sans doute par une meilleure répartition des reve-

nus, Une politique redistributrice favorise la demande, puisqu’on serait sûr que les ouvriers dépense-

raient l’essentiel de leurs revenus, alors que pour les capitalistes, cela est moins sûr. Sismondi reste

un libéral sur le plan éco, même si c’est un précurseur de Marx. Il prend un mécanisme de marché,

respecte la propriété privée. C’est un auteur qui fait parti des réformistes sur le plan social.

Les contradictions de l’accumulation dans le mode de production capitaliste selon Marx : la néces-

sité

Pour Marx, les crises sont nécessaires dans les 2 sens du terme :

au sens inévitable

au sens où la crise remplit une fonction dans la dynamique de production, qui considère la

crise comme un moment normal dans l’évolution à CT du mode de production capitaliste, et

donc c’est à la fois le comportement de demande et la logique de l’offre qui explique de ma-

nière complémentaire cette nécessité des crises. Côté demande, tendance à la sous con-

sommation qui vient des prolétaires et qui est lié au fait que le salaire est fixé au minimum

des subsistances. Situation où le salaire ne permet pas de couvrir tous les besoins des prolé-

taires, mais seulement les besoins les plus primaires. Dans ce que Marx appelle le secteur 2

(biens de consommation), principalement acheté par ces prolétaires, situation de contrainte

de débouchés permanente. La consommation des capitalistes est elle-même nécessairement

limitée puisque les capitalistes sont contraints, par la compétition sauvage qui existe entre

eux, de consacrer une partie essentielle de leur profits tiré de la plus-value non pas à l’achat

de bien de consommation mais à l’achat de biens de production. Cela explique ce qu’il se

passe dans le secteur 1 (biens de production), tendance à une surproduction des biens de

production, on produit beaucoup trop de machines, explique la tendance des pays à vouloir

s’étendre et donc à entrer en compétition les uns avec les autres au niveau international. Le

système capitaliste pousse les individus à agir tels qu’ils agissent, c'est à dire fanatiques de

l’accumulation. La logique de la compétition entre les capitalistes qui poussent ceux ci à tou-

jours augmenter la taille de l’entreprise et donc faire croitre le capital, donc produire plus,

donc offrir plus sans se préoccuper de la question des débouchés. Or, on est dans un système

où la contrainte de débouchés est inhérente au système lui-même. L’écart entre l’offre qui

ne cesse de croitre et la demande qui croit de manière limitée débouche sur la crise.

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Marx : « la raison ultime de toutes les crises réelles, c’est toujours la pauvreté et la consomma-

tion restreinte des masses, face à la tendance de l’économie capitaliste à développer les forces

productives comme si elles n’avaient pour limite que le pouvoir absolu de la société. »

Donc la crise éclate nécessairement, elle est inévitable, mais elle est nécessaire car ces contradic-

tions vont se résoudre au sein de la crise elle-même.

Au sein de la crise, le capital a tendance à se déprécier, ce qui mécaniquement redonne une plus

forte rentabilité à ce capital (le taux de profit du fait de la dépréciation du capital a tendance à

augmenter). De plus, la crise est un moment où l’exploitation des prolétaires par les capitalistes

peut-être renforcée car l’armée industrielle de réserve (= chômeurs) augmente, donc tendance à

la baisse des salaires.

Plus-value = valeur crée par le travail – valeur de la force de travail

Taux de profit = Plus-value / C + V

Si la valeur de la force de travail diminue, la plus value augmente, donc le taux de profit augmente.

Le capital se déprécie, l’exploitation se renforce, donc la plus value augmente, mais c’est aussi un

moment où, comme chez Schumpeter, on cherche des moyens de gagner en productivité dans la

crise, car on est poussé à essayer de restaurer la rentabilité du capital.

Lorsque la chute du taux de profit va s’achever, les capitales vont pouvoir reprendre leurs activités

normales, donc reprendre l’investissement, phase d’expansion qui va se heurter à la contrainte de

débouchés, la compétition va devenir encore plus sauvage entre les capitalises, et la rentabilité du

capital va devenir de plus en plus faible ect…

Marx : « Les crises ne sont jamais que des solutions momentanées et violentes des contradictions

existantes, des éruptions violentes qui rétablissent pour un moment l’équilibre troublé. »

Au fur et à mesure que la loi de la baisse tendancielle du taux de profit se manifeste au fil des crises,

parallèlement, la conscience de classe devient de plus en plus forte, le mouvement ouvrier se déve-

loppe, les crises sociales deviennent de plus en plus violentes jusqu'au jour où éclatera la grande

crise.

b) La « Révolution keynésienne »

J.M. Keynes « Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie » (1936)

Keynes se distingue de l’analyse classique et néo-classique, son analyse se construit contre les leurs.

Les crises sont-elles inévitables ? Pour Keynes, elles le sont, comme chez les classiques et néo-

classiques, mais sous des conditions différentes. Les crises de surproductions généralisées sont im-

possibles dans le monde idéal de Keynes, c'est à dire un monde où l’état joue parfaitement son rôle.

Pour Keynes, c’est dans une situation de laisser faire totale que la crise a le plus de chance

d’apparaître, cela entre en opposition avec les classiques et néo-classiques qui pensent qu’il faut

laisser faire totalement le marché.

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La cause fondamentale est l’incertitude : l’incertitude explique pourquoi les entreprises mettent en

œuvre des investissements qui correspondent au climat des affaires, et explique également pourquoi

il y a une préférence pour la liquidité (la monnaie est demandée pour elle-même). La préférence

pour la liquidité entraine la thésaurisation et les taux d’intérêts sont élevés. De plus, si les prix sont

rigides, la contrainte de débouché devient une contrainte permanente à l’horizon de CT.

Le modèle IS-LM et la courbe de Phillips sont des instruments économiques qui ne servent pas tout à

fait dans le contexte de crise dans lequel se situe Keynes. Le contexte historique ici est plutôt les

Trente Glorieuses.

Le modèle de Keynes ne décrit pas le fait que cette situation de crise ait de fortes chances d’être de

plus en plus dramatique, c'est à dire que l’économie s’enfonce de plus en plus dans la crise. On est

plutôt dans une analyse statique que dynamique chez Keynes. Keynes explique bien la crise de 29,

mais n’explique pas pourquoi l’économie s’enfonce dans la dépression. L’inflation et la déflation

n’est pas expliquée. Keynes explique pourquoi l’économie tend vers un équilibre de sous emploi, il

nous manque la dynamique. Dans une logique keynésienne, on explique la déflation par le fait que la

demande diminue toujours plus vite que les prix

P1

P2

c) L’école de la Régulation

L’Ecole de la Régulation est une analyse qui laisse une place importante à l’histoire, elle est relative-

ment facile à mobiliser dans la perspective économique et historique. On ne parle pas des mêmes

crises ici : les classiques et néo classiques, abordent plutôt la question des crises conjoncturelles,

chez Keynes on ne traite que des crises conjoncturelles à CT, alors que dans l’Ecole de la Régulation,

on parle des grandes crises, c'est à dire des crises structurelles.

Les crises en général et la crise du fordisme en particulier :

Les petites crises (conjoncturelles) sont opposées aux grandes crises (structurelles). Ce sont des

grandes crises pour eux car ce sont des crises dont on ne sort pas sans un changement institutionnel.

Les petites crises sont liées au fonctionnement du mode de régulation qui prévaut à un moment

donné, elles sont nécessaires dans les deux sens du terme, c’est une approche des crises qui est à

peu près la même que chez Marx, sauf que chez eux, il n’y a pas un mode de production capitaliste

qui tend nécessairement vers un échec, il y a une succession de mode de régulation et de régime

d’accumulation.

Les grandes crises, qui sont des crises institutionnelles, surviennent lorsqu’à un moment donné, les

institutions qui avaient permit la phase de croissance précédente (i.e. qui avaient fait que le mode de

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régulation et le régime d’accumulation était rentré en cohérence pour soutenir l’accumulation du

capital sur un assez LT) ne parviennent plus à assurer la poursuite de la croissance. La cohérence tend

à disparaitre car ces institutions évoluent elles mêmes. On retrouve la différence importante qu’il y a

dans l’approche des institutions qu’on a ici et l’approche des institutions chez North (chez North, la

place des institutions dans la dynamique est moins importante.)

Aglietta distingue deux types de grandes crises :

Les crises du mode de régulation : c’est lorsque ce mode de régulation ne parvient plus à

assurer l’accumulation. C’est un problème de coordination : les décisions entre les agents

économiques ne se fait plus de manière efficace (crise de 1929).

Les crises du régime d’accumulation : les mécanismes qui assuraient l’accumulation du

capital et la croissance sur le LT ne fonctionnent plus de manière efficace (crise de 1974).

Dans les deux cas, ce sont de « grandes crises » dont on ne peut sortir qu’à la suite de mutations

institutionnelles, donc la transformation des formes institutionnelles dominantes à l’époque considé-

rée (forme de l’Etat, de la concurrence, de la monnaie, de l’adhésion à l’ouverture internationale, du

partage du surplus…)

Comment les régulationnistes lisent l’histoire sur le LT ?

Selon les travaux de Boyer, au XIXème siècle, on débute avec le passage d’une régulation que l’on

appelle la régulation à l’ancienne (dont un des éléments caractéristiques est sans doute les corpora-

tions en France) à la régulation concurrentielle au cours de la Révolution Industrielle. Parallèlement à

cela au cours de la RI, domine un régime d’accumulation extensif (la croissance passe par la mobilisa-

tion du capital et du travail, elle repose sur une augmentation des quantités de facteurs de produc-

tion utilisés).

La première grande crise étudiée par les régulationnistes est la Grande Dépression de la fin du XIXème

siècle qui débouché sur une crise du régime d’accumulation. En effet, cette accumulation extensive

ne parvient plus à assurer une croissance économique durable, elle va laisser place à une accumula-

tion intensive. Les régulationnistes vont montrer que ce n’est en fait qu’une étape dans le dévelop-

pement du capitalisme car une accumulation intensive se met en place. Elle repose sur les gains de

productivité, ici tirés des nouvelles formes d’organisation du travail ou des nouvelles technologies. Or

ces innovations ne peuvent soutenir la croissance que si elle repose elle-même sur des rapports so-

ciaux qui assurent la cohésion sociale, ce n’est pas la fin. Il y a également une crise du mode de régu-

lation : c’est une crise des ressorts de la croissance, et une crise de la coordination. A la fin du XIXème

siècle, on ne voit pas apparaitre une nouvelle forme de régulation, même si la régulation à la fin du

XIXème ne ressemble plus à celle du XVIIIème siècle, la régulation concurrentielle va rester dominante.

La régulation monopolistique ne dominera qu’après la 2nde Guerre Mondiale. Certains disent qu’on a

affaire à une régulation hybride dans l’entre deux guerres, mais si on veut comprendre la crise de 29,

c’est la régulation concurrentielle qui domine à ce moment là.

La crise de 1929 : c’est une crise du mode de régulation, qui repose sur l’incompatibilité entre le

régime d’accumulation intensive qui pousse aux gains de productivité et donc qui permet de pro-

duire plus, et donc cela débouche sur la production de masse. Cette dynamique devient incompatible

avec la régulation concurrentielle et qui a pour conséquence principale une pression à la baisse sur

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les salaires (production de masse sans consommation de masse). Il n’y a pas de baisse des salaires,

mais pas d’augmentation. Il domine alors un marché du travail de type concurrentiel, donc un rap-

port salarial concurrentiel. On ne peut sortir de cette crise que dans la mesure où de nouvelles

formes institutionnelles apparaissent. Ainsi, toutes les formes institutionnelles vont connaître des

mutations : forme de la concurrence, forme de l’Etat (le passage par Roosevelt puis la mise en place

d’un Etat plus interventionniste sur le plan économique, conjoncturel, structurel, et sur le plan so-

cial). On ne sort par des grandes crises par des politiques économiques pour les régulationnistes. La

politique doit évoluer, mais il n’y a pas de politique de lutte contre la crise. Ce sont les rapports so-

ciaux qui doivent évoluer. Ce n’est pas l’Etat qui impose le rapport salarial fordiste (compromis social

entre les employeurs et employés concernant les règles du partage du surplus et l’organisation de

l’entreprise), c’est les rapports sociaux qui évoluent.

Dans le cas de Ford, on est dans un secteur dans lequel on met en place l’organisation taylorienne et

fordiste du travail, donc l’augmentation des salaires se traduit par des gains de productivité, il n’y a

pas d’obligation d’augmenter le prix de vente des voitures produites. C’est une circonstance un peu

particulière qui permet à Ford d’augmenter les salaires contrairement aux autres entreprises. Il faut

que ce soit un phénomène collectif qui émerge, ce qui demande du temps.

La crise de 1974 : c’est une crise de régime d’accumulation. Elle réside dans l’épuisement des res-

sorts de l’accumulation. Les aspects de cet épuisement sont :

Du coté des normes de production : l’épuisement de l’organisation du travail tayloro-

fordiste, épuisement des effets d’entraînement de Schumpeter. Il y a un développement du

turn-over, les salariés rejettent ce qu’ils avaient accepté auparavant, c'est à dire des condi-

tions de travail délicates au sein de ce type d’organisation du travail.

Du côté des normes de consommation : il y a un phénomène social, car c’est le rejet de cette

consommation de masse de produits standardisés, présenté comme un phénomène socio-

culturel (Ex : mai 1968, crise sociale généralisée).

Il y a également le caractère totalement contradictoire de l’organisation économique inter-

national, puisqu’on a à la fois des économies que les régulationnistes appellent parfois auto-

centrées, i.e. qu’on a des économies qui peuvent être régulées au niveau national par les po-

litiques keynésiennes, à l’abri de l’instabilité économique international et des contraintes ex-

térieures. On a également un fordisme autocentré qui fait que les politiques économiques

nationales et keynésiennes sont efficaces. Mais en même temps, il y a une volonté de bénéfi-

cier des économies d’échelles permise par l’ouverture sur l’extérieur. Or, c’est là qu’il y a

contradiction : le système est à l’abri des contraintes extérieures, mais en même temps, c’est

un système qui ne cesse de s’ouvrir car sa croissance en dépend. La sortie de crise ne va pou-

voir se faire que lorsque les institutions des Trente Glorieuses vont céder la place à d’autres

institutions, au sens où les rapports sociaux qui constituent les différentes formes institu-

tionnelles vont devoir évoluer. On va aussi devoir trouver un autre mode de régulation

puisque si on suit Aglietta, la crise de 1974 est d’abord une crise du régime d’accumulation

qui se répercute sur le mode de régulation.

Pour les régulationnistes, il faut se méfier de la croyance à des solutions simples à la crise, cela veut

dire qu’à la fois dans l’analyse des causes et des solutions, les régulationnistes vont rejeter toutes les

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causes et solutions simples à cette crise (elle n’est pas seulement due au choc pétrolier). Il va falloir

modifier les 5 formes institutionnelles, voire en inventer :

La remise en cause du rapport salarial fordiste : Il faut réinventer des règles de partage du

surplus qui assure la cohésion social et l’équilibre du système, donc un nouveau rapport sala-

rial.

La nouvelle forme de l’Etat : le passage des politiques plutôt interventionnistes à des poli-

tiques monétaristes et libérales va peut être faire partie de la mutation institutionnelle né-

cessaire mais par la totalité. Il va sans doute falloir réinventer les rapports de l’Etat avec

l’économie.

Il en va de même pour le régime d’adhésion au niveau international, même si on s’aperçoit

que ce qui s’impose est la mondialisation et globalisation financière, il va y avoir une domina-

tion de la régulation de type concurrentiel. Cela laisse penser que la régulation qui va succé-

der à la régulation monopolistique des Trente Glorieuses pourrait simplement être un retour

à la régulation marchande. En réalité, le mode de régulation qui va dominer va plutôt être

progressivement une régulation de type concurrentiel.

En ce qui concerne le régime d’accumulation, celui qui semble apparaitre progressivement ne res-

semble pas fortement à ceux connu précédemment. Le régime est trop complexe pour qu’on puisse

l’inscrire dans cette dichotomie simple entre croissance intensive et croissance extensive. Il y a tout

de même un point commun entre le mode de régulation qui s’impose après 1974 et le mode de régu-

lation au XIXème siècle : parmi les formes institutionnelles qui vont jouer un rôle clé, il y a le mode

d’insertion dans l’économie mondiale, et en particulier les aspects monétaires et financiers à ce ni-

veau mondial, comme c’était déjà le cas au XIXème siècle, c'est à dire que le principal changement qui

a lieu est le développement d’un capitalisme financier de plus en plus internationalisé (Krach bour-

sier 1973, 1ère mondialisation). Il y a donc des points communs importants entre l’économie de la

2ème moitié du XIXème siècle et l’économie qui tend à succéder à la croissance fordiste.

Dans les années 90, il semble qu’on retrouve une croissance soutenue et longue comme si on était

sorti de la crise du fordisme des années 70. La croissance au niveau mondial est soutenue par les

pays émergents. Ce n’est pas uniquement grâce aux EU que la croissance va bien dans les années 90.

Texte « Du régime fordiste au régime patrimonial », Aglietta : le salaire détermine le prix, et on est

dans une économie autocentrée.

2) Les crises depuis le début du XIXème siècle

a) Les crises classiques

Ce sont les crises du XIXème siècle, elles semblent se résorber d’elles-mêmes c'est-à-dire sans qu’il y

ait la nécessité d’une intervention de l’Etat (politique conjoncturelle).

Crises frumentaires d’ancien régime, crises mixtes et crises industrielles modernes

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C’est une distinction de Labrousse. C’est l’idée de passage progressif d’une économie dominée par

l’agriculture à une économie industrielle, et par voie de conséquence, la nature, l’explication et les

causes des crises vont évoluer du fait de cette industrialisation.

Les crises d’ancien régime sont dites frumentaires, car on manque de blé, elles sont caractéris-

tiques de la période préindustrielle. Ces crises frumentaires sont des crises de subsistance, c'est à

dire des crises de sous production agricole. Explication : il y a un choc exogène (comme un aléa clima-

tique) qui entraine de mauvaises récoltes, ce qui fait chuter la production agricole et qui entraine une

flambée des prix des produits agricoles (les grains), la misère s’installe surtout chez les plus pauvres,

la mortalité augmente chez les enfants, vieillards, les épidémies se développent. Progressivement,

les déséquilibres se résorbent. Ici, l’analyse classique permet assez bien d’expliquer ce genre de crise.

Les crises mixtes : elles fonctionnent selon un mécanisme proche des crises frumentaires puisque

l’origine de la crise se situe toujours dans le secteur agricole, mais elle implique également le secteur

industriel. Ce sont des crises qui combinent la sous-production agricole à la surproduction indus-

trielle. Cette surproduction industrielle est souvent liée à la spéculation dans les secteurs en expan-

sion, secteurs dans lesquels se produit une suraccumulation du capital. Le phénomène déclencheur

de la crise est le plus souvent un choc exogène dans le secteur agricole. Les difficultés du monde

rural constituent la cause principale de la chute des débouchés pour l’industrie. On a bien les deux

secteurs qui sont impliqués : lorsque le secteur agricole n’alimente plus le secteur industriel en dé-

bouchés et demande, on entre dans la crise. La crise est par ailleurs souvent renforcée par le com-

portement des banques qui accentue la crise du fait de leur comportement de restriction d’octroi de

crédit. Ce sont ces crises mixtes qui vont dominer dans les deux premiers tiers du XIXème siècle.

Exemples de crises mixtes : 1815, 1846 sont des crises marquées, 1825, 1836 un peu moins mar-

quées même si elles s’inscrivent dans un contexte social relativement agitées (naissance du mouve-

ment chartiste, les canuts). D’après Bouvier, une des raisons de la disparition des crises mixtes (c'est

à dire des crises qui trouvent leur origine dans le secteur agricole et se répercutent sur le secteur

industriel) vient de l’ouverture sur l’extérieur, qui va permettre d'importer les denrées nécessaires

pour éviter la crise. Ceci est plus facile pour les pays qui ont des colonies comme le Royaume-Uni.

Evolution des secteurs industriels au centre des crises

Avant le secteur des chemins de fer, le secteur qui constitue le foyer principal des crises est le sec-

teur du textile.

La crise de 1836 est industrielle. Le départ de celle-ci est une surproduction de coton aux EU, lié au

développement d’industries cotonnières (idem pour la crise de chemin de fer). Lorsqu’on a affaire à

des secteurs en expansion, le problème est que l’offre croit plus vite que la demande, il y a un déca-

lage entre les deux. L’industrie cotonnière demande de plus en plus de coton, la demande se ralen-

tit. Cela se traduit par une surproduction, soit directement de l’industrie concernée, soit des

branches qui alimentent en bien intermédiaires les secteurs concernés. Cette crise s’accompagne

d’une crise boursière importante puisque le développement du coton aux EU a d’un part été financé

à crédit, et d’autre part c’est un secteur qui a attiré des capitaux importants sur les marchés

d’actions. Ce secteur alors connaît une bulle spéculative. Le déroulement de la crise boursière va

s’effectuer de la manière suivante : la crise boursière se déclenche à la chute des cours des titres lié à

ce secteur, elle s’accentue avec la décision prise par Biddle (directeur de la banque des EU), qui est

de racheter l’ensemble de la production de coton aux EU (avril 1937) ainsi que l’ensemble des actions

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des banques ayant financé les investissements dans l’industrie cotonnière, et donc mises en difficulté

directement par cette crise. Cela a été interprété comme le signe de la manifestation de la crise et a

alimenté la panique au lieu de la sauver. On est au début du XIXème siècle, c’est un des premiers

exemples de crise industrielle. Néanmoins, on voit tous les mécanismes habituels des crises, qui im-

pliquent le secteur réel et le secteur monétaire et financier.

On retrouve ensuite le secteur des chemins de fer au centre des crises assez tôt : en 1846 (crise

mixte) puis en 1857 le secteur industriel se trouve au centre de la crise.

Le mécanisme général est le suivant : il y a un problème de synchronisation, une suraccumulation

d’un côté et une progression trop lente de la demande. S’accompagne ensuite des phénomènes mo-

nétaires et financier (question du comportement des banques selon Juglar et question de la spécula-

tion sur les marchés financiers). Ces phénomènes là vont prendre une ampleur très importante, sur-

tout en ce qui concerne le facteur monétaire et financier : la désynchronisation est d’autant plus

rapide et brutale que les flux de capitaux émanant de la sphère monétaire et financière contribuent à

l’excès d’offre (d’investissement).

On retrouve ce schéma dans toutes les crises :

Crise de 1857 : faillite de l’Ohio. On a affaire à des sociétés financières qui vont consacrer

l’essentiel de leur activité au financement du secteur des chemins de fer. Ces sociétés financières

financent essentiellement via l’acquisition de titres, elles sont à la fois actionnaires et achètent des

obligations émises par des sociétés de chemin de fer, et elles sont éventuellement des sociétés qui

jouent un rôle de banque (c'est à dire qui octroient des crédits aux compagnies des chemins de fer).

Au moment où la baisse de rentabilité de la baisse des capitaux se retrouve en difficulté financière

importante, cela les conduit à réduire brutalement les apports de capitaux.

Ainsi, il y avait une période d’essor importante du secteur entre 1850 et 1857, qui coïncide aussi avec

les découvertes d’or du K2. On est dans une phase où les crédits octroyés vont être plus généreux

qu’à l’habitude, on a donc ici tous les ingrédients d’une augmentation rapide de l’offre, qui va

s’avérer excessive par rapport à l’augmentation de la demande. Le développement du secteur en

question s’accompagne de tensions inflationnistes, liées à l’inflation par les coûts (les salaires ont

tendance à augmenter rapidement, et le coût des biens intermédiaires également, essentiellement la

demande de fer). Progressivement, cela débouche sur la crise.

Crise de 1866 : Elle touche tous les pays avancés à cette époque. De nouveau, on assiste à la fail-

lite d’institutions financières.

En Angleterre, faillite de la société financière Overend Gurnay, liée directement aux difficultés des

secteurs de chemin de fer

En France, faillite du Crédit Mobilier liée aux difficultés des secteurs de chemin de fer dans d’autres

pays d’Europe (en particulier en Espagne et en Russie, financé en grande partie par le secteur mobi-

lier).

Crise de 1873 : C’est le début de la Grande Dépression de la fin du XIXème siècle. C’est également

une crise différente, dans la mesure où les aspects financiers ont une place encore plus importante

que dans les 2 crises précédentes, et donc pour certains cette crise est plus une crise économique qui

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découle d’une crise boursière, qu’une crise qui découle spécifiquement des difficultés du secteur de

chemin de fer. Elle débute avec le krach boursier de Vienne (mai 1873), qui n’est pas aussi directe-

ment liée qu’auparavant au secteur des chemins de fer. Ce krach entraîne des krachs dans toutes les

autres bourses importantes : la Bourse de Berlin, puis la bourse de New-York quelques mois plus

tard, qui sera fermé pendant 10 jours (en septembre 73). Néanmoins, les titres qui dominent sur ces

marchés financiers sont liés assez directement au secteur des chemins de fer. Par ailleurs, cette crise

aux EU coïncide également avec la faillite de la plus grande compagnie de chemin de fer (Northern

Pacific, Jay Cooke), qui entraîne la faillite d’une société financière. Aux EU, le lien avec la crise des

chemins de fer reste donc assez important.

Schumpeter « L’histoire du processus cyclique aux EU pourrait être retracé presque exclusivement,

pour la période du second Kondratieff, en fonction du développement ferroviaire. Toutes les autres

activités gravitaient autour des chemins de fer, qui constituaient le principal objet de financement à

grande échelle. »

Les secteurs au centre de ces crises vont devenir les nouveaux secteurs moteurs qui émergent dans

le contexte de la 2ème révolution industrielle, et en particulier l’industrie électrique. Exemple : crise de

1900 en Allemagne où les causes apparaissent dans le secteur de l’électricité. On a un secteur qui

commence à se développer mais pour lequel on est assez rapidement confronté à des problèmes de

surinvestissements. Dès le début des années 1900, les 2 grandes entreprises principales du secteur

électrique (Siemens et AEG) vont contrôler en contrôler l’essentiel.

Le rôle des événements monétaires et financiers

Pour les facteurs financiers : on a affaire à un phénomène de bulle spéculative classique : il y a un

afflux de capitaux sur les secteurs nouveaux en expansion rapide. Cet afflux passe par l’intermédiaire

des banques, qui ne sont pas toutes des banques spécialisées (qui sont à la fois des banques de dé-

pôt et des banques d’affaires). Les banques d’affaires agissent à la fois pour le compte de leurs

clients et pour leur propre compte.

Pour les aspects monétaires : le premier facteur monétaire des crises est le crédit bancaire (expli-

cation selon Juglar). Des banques octroient des crédits en quantité importante et des taux très faibles

dans des phases d’expansion, vont à l’opposé pratiquer un rationnement du crédit dans les phases

de crises. Le comportement des banques apparaît comme cause de la crise. Le deuxième facteur est

l’action des banques d’Etat : elles contrôlent la réserve d’or, et sont amenés à réguler (car on est

dans un système d’étalon-or). Ces banques d’Etat doivent contrôler le taux de change de la monnaie

en or, pour respecter la parité. C’est la raison principale pour laquelle elles vont être amenées à faire

varier leur taux d’escompte, c'est à dire le taux d’intérêt qu’elles font payer aux banques lorsque

celles-ci veulent escompter des effets de commerce (= les traites). La banque qui a besoin de liquidi-

tés se tourne vers les banques d’Etat pour obtenir des billets et pièces. Elle va réescompter les effets

de commerce qu’elles ont escompté auprès de leurs clients. Le taux d’intérêt que la banque d’Etat

fait supporter aux banques commerciales est le taux d’escompte. La banque d’Etat va être obligée,

pour reconstituer ses réserves d’or, d’augmenter son taux d’escompte.

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Exemple : la crise de 1882. C’est une crise pour laquelle les facteurs monétaires (et en particulier

l’action de la banque d’Etat) semblent avoir joué un rôle important, même si c’est encore une crise

qui répond à peu près au même mécanisme que les crises précédentes : le rôle du secteur de chemin

de fer est important, en particulier en France, où c’est une période qui suit le plan Charles Freycinet.

Ce plan s’inscrit dans une politique structurelle d’accélération du développement de chemin de fer,

mais qui est aussi interprété comme un plan qui préfigure les politiques de relance keynésienne car

c’est un plan qui est mis en œuvre dans le contexte de la crise précédente de 1873. Ce plan dé-

bouche sur des surinvestissements, et comme ce plan est financé par l’Etat, cela s’accompagne de

déficits budgétaires importants. Cette phase s’accompagne également d’un déficit important de la

balance commerciale, et donc se traduit par une augmentation des taux d’intérêt pratiqué par la

banque de France et un resserrement d’octroi de crédit de la banque commerciale. Cette crise se

déclenche aussi avec des krachs boursiers (Bourse de Lyon, de Paris), et des faillites de banques

d’affaires (l’Union Générale).

La crise de 1920 : la dernière des crises classiques ?

Non. C’est une crise qui, dans son déroulement et dans son facteur déclenchant, peut apparaître

comme une crise telle que celle qu’on a observé au XIXème siècle : elle combine tous les aspects mo-

nétaires, financiers et de la sphère réelle. Elle se déclenche essentiellement à la suite d’un resserre-

ment du crédit, lui-même lié à une augmentation brutale des taux d’escompte aux EU puis en GB.

Cette crise s’accompagne également d’une panique boursière, et qui, concernant la sphère réelle,

fait suite à une expansion très rapide (boom immédiat d’après-guerre) et une reprise très rapide de

la production. Cette expansion bute sur les surcapacités temporaires, ce qui déclenche la crise.

Néanmoins, cette crise apparaît dans un contexte qui n’est plus le contexte du XIXème siècle (contexte

de l’entre deux guerres). Par ailleurs, sur CT, on est au lendemain de la 1ère GM, cette crise apparaît

comme une crise d’assainissement de la situation issue de la guerre, dans la mesure où on est dans la

phase de reconstruction, et la guerre puis la reconstruction s’accompagne de phénomènes inflation-

nistes et déficits budgétaires importants, et en général cela débouche sur des politiques monétaires

et budgétaires restrictives pour rétablir l’équilibre. Cette volonté de résorber les déséquilibres ne va

pas être générale dans tous les pays, car il n’y a plus le système d’étalon-or mais au début d’une ins-

tabilité monétaire et internationale. Cette crise est courte puisque on retrouve l’expansion des an-

nées 20 ensuite qui précède la crise de 1929, mais on voit bien que cette crise, dans une manifesta-

tion première ressemble à une crise classique, apparaît complètement différente.

b) La crise de 1929

Un contexte particulier dans les années 20 :

Les années 20 sont confrontés à 2 problèmes : la situation monétaire internationale et les répara-

tions allemandes (qui vont être un des facteurs explicatifs des déséquilibres à la fois interne et ex-

terne au pays).

On a affaire, dans la sphère réelle, à des économies caractérisées par une croissance déséquilibrée.

La situation monétaire internationale : l’étalon-or n’existe plus depuis 1913-1914, et on va avoir

une divergence d’attitude des différents pays. Certains cherchent à retourner à une parité or de leur

monnaie (une fixité du taux de change de monnaie en or) et d’autres pays ont plutôt tendance à lais-

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ser filer leur monnaie (c'est à dire ne pas chercher à stabiliser la valeur de leur monnaie par rapport à

l’or ou monnaies centrales à cette époque, la livre et le dollar). Ces deux attitudes opposés sont liées

à la fois à des phénomènes externes mais aussi internes : bien souvent, les pays qui vont laisser filer

leur monnaie sont des pays qui connaissent des tensions inflationnistes fortes sur le plan interne et

ne cherchent pas non plus à lutter contre cette inflation.

Dès 1922 est mis en place un nouveau SMI qui est un système de change-or, c'est à dire où il y a 2

monnaies pivots : la livre et le dollar, les monnaies pivots étant convertibles en or. Les autres mon-

naies appartenant au système sont convertibles en livre ou en dollar. Les difficultés à pouvoir main-

tenir les parités (GES) du système vont d’abord être liées aux difficultés de la livre, qui n’a plus tout à

fait le statut qu’elle avait au XIXème siècle. On est dans une phase longue de transformation du lea-

dership au niveau mondial, la GB reste une économie centrale au niveau monétaire et financier, mais

ce n’est plus l’économie dominante, et les EU ne sont pas encore le pays qui domine incontestable-

ment le commerce et le système monétaire mondial, on est donc dans une phase transitoire. Si les

EU ont assez peu de difficultés à faire en sorte que le taux de change du dollar en or respecte la pari-

té, en Angleterre cela se fait au prix d’une politique monétaire interne très restrictive. Le rétablisse-

ment de la convertibilité de la livre est officialisée en 1925, elle est obtenue dans le contexte poli-

tique particulier (arrivé de Churchill chancelier, ministre des finances). Ce contexte politique est im-

portant car il va créer un climat de confiance, mais assez éphémère, qui va avoir tendance à favoriser

l’afflux de capitaux en GB, et donc avoir tendance à pousser à la hausse la livre sur les marchés des

changes. Par ailleurs le Gold Stander Act fixe comme parité pour la livre, la parité-or qu’elle avait

dans l’étalon or au XIXème siècle, c'est à dire que cela fait d’elle une monnaie forte. Pour maintenir

cette parité relativement élevée de la livre en or, il va falloir mener, sur le plan interne, une politique

particulièrement restrictive.

Si on prend l’exemple de pays qui, au contraire, ne vont pas mener la même politique que

l’Angleterre, on peut prendre le cas de la France. Sur le plan monétaire international, le franc va être

l’objet d’attaques spéculatives nombreuses. Cela tourne essentiellement autour de la question du

déficit budgétaire. Le déficit budgétaire ne sera résorbé qu’en 1926, ce déficit et la politique moné-

taire relativement laxiste contribuent à une inflation forte, ce qui renforce la faiblesse du franc sur le

plan externe. Entre la fin de la 1ère GM et 1926, on va avoir en permanence une tendance à la dépré-

ciation du franc sur le marché des changes, et donc une incapacité de la France à respecter la parité

du franc définit au sein du système de Gênes en 1922. La stabilisation du franc va intervenir dans un

contexte particulier : l’arrivée de Raymond Poincarré, qui va permettre de stopper la tendance à la

dépréciation du franc (1926), qui sera officialisé avec le retour de la convertibilité du franc en 1928

(c’est ce qu’on appelle le franc poincarré). Le 25 juin, la loi monétaire entérine la stabilité du franc, le

franc retrouve une parité en or. Néanmoins, cette stabilisation s’effectue de manière différente

qu’en Angleterre. Par rapport à la valeur du franc en or dans le système de l’étalon or du XIXème

siècle, le franc poincarré va avoir une valeur divisée par 5 (le franc poincarré vaudra en or 65 mg d’or

alors que dans le cadre de l’étalon-or, le franc valait 322mg d’or). Pour certains, cette parité corres-

pond à une relative sous évaluation du franc, donc plutôt une parité du franc qui va correspondre à

une politique commerciale plutôt agressive. Volontairement, on fait baisser le taux de change de sa

monnaie en vue d’augmenter les exportations.

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Les réparations : critiqué par Keynes ; les réparations imposées à l’Allemagne sont cause de la

difficulté de l’Allemagne à se reconstruire, mais aussi la cause de difficultés en France, et une cause

du déséquilibre international qui caractérise la période de l’entre deux guerres.

Pour l’Allemagne :

Soit elle met en œuvre une politique qui lui permet de satisfaire les exigences imposées par

le traité de Versailles, c'est à dire soit elle met en place une politique restrictive, donc une

politique d’excédent budgétaire, ce qui suppose d’avoir une politique de compression des

dépenses, et dans ce cas là, cela signifie pour elle une croissance ralentie, du chômage et

donc des conséquences négatives sur le plan interne à la fois d’un point de vu économique

mais également social et politique.

Soit au contraire elle choisit de laisser, pour un temps, filer le déficit budgétaire et par la

même occasion laisser filer la monnaie, de façon à pouvoir financer la reconstruction et re-

trouver à terme une croissance soutenue, mais cela suppose qu’elle ne respecte pas ses en-

gagements. Sur le plan strictement économique, c’est également un traité qui contribue for-

tement au déséquilibre de l’entre deux guerres.

Pour la France : il y a des conséquences négatives car la France, qui va être pendant longtemps dans

l’attente des réparations, va avoir tendance à financer sa reconstruction par des crédits à CT, ce qui

va contribuer à une forte inflation en France, et donc à une dépréciation du franc sur le plan externe.

Certes, ces conséquences ne seront pas les mêmes qu’en Allemagne (hyperinflation allemande). Sur

le plan monétaire et financier, la France a un profil similaire à celui de l’Allemagne et est opposée à

celui de l’Angleterre.

L’hyperinflation allemande : en 1914, 1$ = 4 marks. En 1919 : 1$ = 14 marks. En janvier 1923 : 1$ =

17K marks, 15 novembre 1923 : 1$ = 4200 milliards de marks. La fin de l’hyperinflation en Allemagne

en 1923 va passer par un échange de monnaie. Le mark ne va plus avoir cours en Allemagne, on

change de monnaie (c’est la politique du Dr Schacht). C’est une politique qui se traduit par une dé-

préciation brutale de la valeur de la monnaie, synonyme d’un appauvrissement brutal des allemands.

La stabilisation monétaire ne sera obtenue qu’en 1924, date à laquelle le mark retrouve une parité-

or, mais au prix d’une politique de déflation brutale, et donc au prix d’une politique sur le plan in-

terne et dans les aspects économiques et sociaux, qui va avoir de lourdes conséquences. La question

des réparations va être renégociée sans cesse, jusqu'à leur abandon. 1931 : Moratoire Hoover.

Les déséquilibres relevant des facteurs spécifiquement économiques : Se pose la question de la

production de masse par rapport à la consommation de masse. Les déséquilibres économiques vont

avoir pour conséquence que cette période, malgré la phase d’expansion, voit une contrainte de dé-

bouché latente, qui va peser sur la croissance économique. On a une expansion essentiellement

nourrie par la rentabilité du capital. Ex : la production américaine automobile entre 1927 et 1929

augmente de 55%, pour atteindre 5,6 millions de voitures produites aux EU. C’est une expansion qui

repose surtout sur la rentabilité du capital, elle est alimentée par cet afflux de capitaux sur le marché

de capitaux, mais aussi par le crédit qui se développe au cours de cette phase d’expansion. (Ex : dé-

veloppement du crédit à la consommation dans les années 20). On a donc une offre qui repose assez

peu sur une progression du pouvoir d’achat et donc une capacité durable de la demande à pouvoir

satisfaire cette offre. Du côté de la demande, il y a un phénomène qui favorise l’expansion mais qui

est facteur de déséquilibre : c’est la demande forte qui émane des pays européens dans le prolon-

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gement de la phase de reconstruction, mais elle se tarit au fil des années 20, c'est à dire au fur et à

mesure que les pays européens achèvent leur reconstruction, tout en retrouvant des capacités de

production importantes, et donc dépendent de moins en moins des importations, donc des produc-

tions étrangères (en particulier américaines).

On a donc dans les années 20 une expansion soutenue mais dans un contexte de déséquilibre macro-

économiques importants entre l’offre et la demande. Les aspects monétaires extérieurs renforcent le

caractère déséquilibré de la croissance. Cela explique le fait que certains pays comme l’Angleterre

vont connaître, à l’opposé des EU, une période de croissance relativement ralentie pendant les an-

nées 20, lié à la politique restrictive sur le plan monétaire et budgétaire, qui s’accentue dans la 2ème

moitié des années 20. En Angleterre, le chômage va rester relativement important dans la période

qui précède la crise de 29, on estime à 1M de chômeurs en Angleterre dans toute la période de

l’entre deux guerres. Même si pour certains, cela est lié aux caractéristiques du marché du travail en

Angleterre, pour d’autres et Keynes notamment, cela est lié à la politique déflationniste menée par

l’Angleterre à partir des années 20 et qu’on peut voir comme une conséquence du caractère structu-

rellement déséquilibré de la croissance au cours de cette période. Pour Rueff, la tendance à

l’incitation au travail est bloquée par la mise en place d’allocation chômage. Il y a déjà dans les an-

nées 20 des auteurs qui expliquent les déséquilibres économiques à partir des mécanismes clas-

siques, néo-classiques habituels.

Le déroulement de la crise et la Grande Dépression

C’est une crise boursière qui constitue l’élément déclencheur et marquant de cette crise, puisqu’on

va voir un effondrement des bourses mondiales. Aux Etats-Unis et Royaume-Uni, l’effondrement est

le plus marqué.

Aux EU, le cours des actions est divisé par 4 entre 1929 et 1932. La chute est moins marquée dans les

autres pays : en France, le cours des actions est divisé par 2. Apparaît comme un effondrement brutal

car le déclenchement du jeudi noir (24 octobre 1929) est la chute en un jour des titres. L’ampleur du

krach vient du fait qu’il se prolonge, c’est une dépression qui touche la sphère financière et qui ne

s’achèvera véritablement qu’en 1929. Depuis, on a eu des krachs boursiers plus brutaux mais qui ne

se prolongent pas sur plusieurs années comme en 1929.

On donne certaines explications, certains signes avant-coureurs dans les mois qui ont précédé le

krach pour le fait que ce retournement apparaisse le 24 octobre 1929. Parmi ces signes, il y a 4 évé-

nements : le rapatriement de capitaux britanniques suite au relèvement du taux d’escompte de la

banque d’Angleterre (septembre 1929), ainsi que la faillite à Londres de l’empire financier Hatry. On

observe une baisse assez inhabituelle des profits (en particulier l’industrie automobile), ainsi qu’une

certaine tension sur le crédit. Parmi ces 4 événements particuliers, on a affaire à 3 événements qui

ne sont pas exceptionnels (relèvement du taux d’escompte, les fluctuations des taux de profits, évo-

lution des conditions du taux de crédit fréquents. Le plus inhabituel est qu’une de ces sociétés puisse

faire faillite). Néanmoins, on voit bien que tous ces événements n’apparaissent à postériori comme

des événements qui auraient pu jouer un rôle catalyseur dans le débouchement du krach dans les

aspects purement boursiers.

Entre 1927 et 1929, l’émission d’actions aux EU passe d’un montant inférieur à 1500 milliards de

dollars à plus de 6000 milliards de dollars. Cela donne une idée de l’ampleur d’afflux de capitaux vers

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la fin de la bulle spéculative sur les marchés d’actions aux EU. Ce sont des émissions d’actions qui

apportent directement du capital aux entreprises.

La Grande Dépression, dans la sphère réelle, se traduit par :

La chute des prix : selon l’ouvrage de Maddison, aux EU, la croissance forte dans la période

avant 1929 est une croissance peu inflationniste, contrairement au cas de la France. Pour les

EU, il y a une chute des prix à la consommation de 25% au cours de la dépression des années

30.

La chute de la production : la production industrielle est la plus touchée par cette crise. Pour

les EU, l’indice de la production industrielle est divisé par 2 au cours de la dépression des an-

nées 30. Dans les autres pays, la chute est moins importante. Le Royaume-Uni semble con-

naître la dépression la moins marquée, il en va de même pour la France, le recul est moins

marqué mais il est aussi plus long (la croissance reste ralentie jusqu’en 1936).

Le chômage : aux Etats-Unis, on passe d’un taux de chômage de 3% en 1929 à 22% en 1932.

Le point haut est en 1932. En 1937 aux EU, le taux de chômage reste encore à 10%.

La contraction du commerce mondial : lié à l’accentuation du protectionnisme.

L’accentuation de l’instabilité monétaire internationale : il y a une multiplication des poli-

tiques de dépréciation compétitive. Le SMI de Gênes va définitivement éclater au cours de la

crise de 1929. L’événement qui marque la fin de ce système se passe en septembre 1931,

lorsque l’Angleterre déclare l’inconvertibilité or de la livre sterling. L’Angleterre va avoir ten-

dance à s’enferme au sein de la zone économique constituée par ses dominions. Sur le plan

monétaire, il y a une constitution de la zone sterling, c'est à dire des pays qui sont des colo-

nies ou ex-colonies qui vont rattacher leur monnaie à la livre. Mais la livre va se dévaluer puis

se déprécier par rapport à dollar. Assez paradoxalement, les pays qui avaient une tendance à

laisser se déprécier leur monnaie (tel que la France, Belgique, Pays-Bas) sont des pays qui

vont chercher à retrouver une stabilité monétaire au travers d’un rattachement à l’or, c’est

ce qu’on va appeler le bloc or, qui arrive assez tardivement dans la dépression. Officielle-

ment, le bloc or est formé en 1933. C’est un système qui va très mal fonctionner puisque

entre 1933 et 1937 (date où le franc sort du bloc), on a eu de multiples suspensions de con-

vertibilité de la part des monnaies appartenant au système, des dévaluations. Dès 1935, il y a

suspension de la convertibilité or par la Belgique et ce pays sera suivi par la France en 1936

avec l’arrivée du Front Populaire. On s’aperçoit qu’on a des entrées et sorties successives

d’or des EU et du RU. Cette instabilité monétaire s’inscrit dans le cadre des politiques de dé-

préciation ou de dévaluation compétitive, effondrement de la coordination monétaire inter-

nationale, l’instabilité monétaire internationale est un phénomène qui accompagne le pro-

tectionnisme, qui va se renforcer pendant cette dépression. Le tarif Hawley-Smoot, qui est

un droit de douane (1930) imposé par les EU en juin 1930 (assez tôt après le déclenchement

du krach boursier) est l’événement qui marque le déclenchement des hostilités par les EU,

c'est à dire l’attitude protectionniste des EU qui va donner lieu a des multiples représailles.

Les pays partenaires des EU vont également l’appliquer (Australie, Inde, Espagne, Amérique

Latine). La contraction du commerce mondiale s’explique donc aussi par la politique de fer-

meture que les EU vont déclencher, et à laquelle les autres pays vont répondre de la même

manière.

Les explications de la crise de 1929 :

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Le rôle du krach boursier et des faillites bancaires aux Etats-Unis : C’est un rôle uniquement finan-

cier comme cause de la crise, auquel on ajoute le rôle des phénomènes monétaires. Cette crise mo-

nétaire et financière aux EU se serait répercutée ensuite sur la sphère réelle et se serait propagée à

l’ensemble de l’économie mondiale. Comment un krak boursier ou bancaire se répercute sur la

sphère réelle ?

Les effets immédiats du krak boursier :

Le canal de financement : l’essentiel de la production reposait sur le fait que l’accès aux capi-

taux était permit par la bulle spéculative. Lorsque la bulle éclate, il a y a une disparition d’une

des sources de financement pour les entreprises auquel elles avaient largement recours.

Le canal de la confiance : l’éclatement de la bulle spéculative marque le passage brutal d’une

période d’optimisme sans limite (même si elle concerne surtout les opérateurs financiers,

elle a également des effets sur les ménages et les banques) à un pessimisme extrême. Les

composantes de la demande concernées sont la consommation et l’investissement.

L’épargne de précaution prend de plus en plus de place, les entreprises investissent moins et

remboursent leurs dettes.

Le canal de l’effet de richesse : la valeur du patrimoine des ménages s’effondre. Les ménages

réagissent en épargnant plus pour reconstituer leur patrimoine. Ce canal est limité néan-

moins car assez peu de ménages détiennent des valeurs mobilières dans les années 20.

Le canal du crédit de Crunch : cela renvoie au rationnement du crédit (le fait que les banques

ne prêtent plus) qui peut être la conséquence des pertes subies par les banques sur les mar-

chés de capitaux. Selon Bernandi (président de la FED), les banques se retrouvent en difficul-

té financière car elles ont subies des pertes sur le marché de capitaux. Ces pertes sont suffi-

samment importantes dans le cas de la crise de 29 pour qu’un très grand nombre de banques

aux EU fassent faillite (on estime à plusieurs milliers de faillites de banques). Dans le cas de la

crise de 29, le rationnement du crédit est important, brutal et inéluctable. Normalement, le

rationnement octroie un peu plus difficilement des crédits (comme en France aujourd'hui).

L’explication de Friedman est une explication différente, qui fait de la dépression des années

30 la conséquence des erreurs de politiques monétaires. Ce n’est plus une défaillance des

marchés, le facteur n’est plus endogène mais exogène, c’est une explication néo-classique.

Le rôle des autorités monétaires est de fournir la quantité de monnaie dont a besoin

l’économie. Pas trop car sinon cela engendre de l’inflation, ni moins sinon il y a déflation

(tend à générer des spirales déflationnistes). Il y a une tendance des ménages à reporter

leurs achats dans le temps (en particulier les achats de biens durables). Les entreprises se

trouvent confronté à une baisse de leur vente, donc de leur profit. Elles réduisent leurs inves-

tissements, licencient… Il y a une nécessité d’injecter de la monnaie, pour les Keynésiens,

c’est parce que la politique monétaire peut soutenir l’activité économique, alors que pour les

monétaristes, c’est parce que la politique monétaire peut éviter la spirale déflationniste. La

différence entre les 2 est subtile ici. Avec l’aggravation de la dépression (selon Friedman), la

crise a conduit à des faillites bancaires, or ces faillites bancaires réduisent la quantité de

monnaie en circulation, et l’erreur principale de la FED tient à leur mauvaise appréciation des

conséquences des faillites bancaires sur la masse monétaire. La FED n'injecte pas suffisam-

ment de liquidité, les banques font alors faillites. On retrouve une interprétation classique

des crises en générale, des chocs exogène d’une part et parmi ces chocs exogène, des erreurs

politiques monétaires. Il y a un jugement différent sur la cause de la crise : d’un côté, c’est

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une erreur de politique monétaire, le marché lui est efficace, d’un autre côté c’est le marché

lui-même qui n’aurait pas permis de retourner à l’équilibre si on l’avait laissé faire.

L’analyse de Fisher : c’est une autre analyse très proche de celle de Friedman. C’est une ex-

plication de la crise qu’il propose dès 1933. Il met l’accent sur l’importance de la déflation, et

donc des erreurs de politique monétaire. C’est dans les enchainements qui font que la défla-

tion ne cesse de s’aggraver, il y a des différences avec Friedman : Fisher fait remonter les er-

reurs de politique monétaire avant la crise. D’une certaine manière, c’est une critique encore

plus radicale de la politique monétaire menée par la FED à cette époque la : l’idée est que

sans les erreurs de politique monétaire, la crise de 29 aurait été une petite crise. Le fait

qu’elle se soit transformée en dépression est lié à la politique monétaire. Fisher fait de la po-

litique monétaire la cause du déclenchement de la crise. Avant 1929 aux EU, la politique mo-

nétaire était trop laxiste, ce qui va pousser les banques à accorder des crédits et les entre-

prises à s’endetter. En particulier, le moment important est en 1925 en Angleterre, lors du

retour à la convertibilité or de la livre, qui va amener les EU à baisser fortement leur taux

d’intérêt pour soutenir la livre. Comme la livre était surévaluée sur les marchés des changes,

elle passait en dessous du taux de parité et les EU redonnent un peu de vigueur sur les mar-

chés des changes la livre. Les taux d’intérêt par la FED sont alors très bas, les entreprises

s’endettent. Quand la crise se déclenche, c'est à dire en situation de déflation, cela dégrade

la situation des emprunteurs : le coût réel de la dette ne cesse d’augmenter au fur et a me-

sure que le niveau général des prix chute. L’augmentation du coût de la dette va pousser ces

entreprises à investir moins, voire pousser ces entreprises à la faillite. L’essentiel de

l’explication de la crise se trouve au niveau des investissements des entreprises, mais la con-

séquence est la même pour les ménages endettés (eux aussi le coût de la dette augmente).

Pour les entreprises, cette augmentation du cout réel de la dette les pousse à se désendetter

lorsqu’elles le peuvent.

Le rôle des relations économiques, monétaires, financières et politiques internationales : Le point

commun est qu’on analyse la crise au niveau international et pas seulement au niveau des EU. Au

sein de cet ensemble, on a des analyses très différentes. Il y a ceux qui mettent l’accent sur les

causes dans la sphère réelle, et ceux qui mettent les causes dans la sphère monétaire et financière.

Les déséquilibres au niveau international provenant de la sphère réelle sont apparus essen-

tiellement à cause du fait que les pays producteurs de produits primaires s’étaient fortement

endettés pour construire des capacités de production, afin satisfaire les besoins pensés infi-

niment croissants de l’Europe dans le contexte de reconstruction de la 1ère GM. Simplement,

au fur et à mesure que l’Europe se reconstruit, elle devient moins dépendante de l’extérieur,

ces pays là ont vu leurs exportations se ralentir dans la 2ème moitié des années 20. Il y a alors

un déséquilibre de la balance des paiements, qui s’accompagne d’une dépréciation moné-

taire ainsi que d’une baisse de leur taux de change, incompatible avec le système de Gênes.

Les déséquilibres sont renforcés par le fait que les politiques économiques internes ont été

des politiques assez hétérogènes (certaines plutôt expansionnistes, certaines plutôt restric-

tives), facteur qui va renforcer les déséquilibres de la balance des paiements. Les pays qui

avaient fourni l’Europe pendant la reconstruction vont se lancer dans des politiques de ri-

gueur. Ce sont des pays qui très tôt vont se trouver dans une situation récessionniste

puisque les exportations chutent, la demande interne également du fait de la politique de ri-

gueur mise en place. On se retrouve avec des déséquilibres croissants qui vont devenir in-

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compatibles avec le système de change fixe. On ajoute également le fait que parmi les pays

qui vont se reconstruire au sein de l’Europe comme l’Allemagne(à la différence de la France)

qui va mener des politiques discontinues, très laxistes au tout début de la période, puis une

politique très restrictive pour casser l’hyperinflation, et après avoir mis fin à l’hyperinflation

(1924), l’Allemagne a voulu rétablir la convertibilité or du mark, respecter les engagements

liés au SMI, ce qui s’est traduit par une croissance ralentie (même si on est tout de même

dans une période d’expansion, elle connaît une croissance relativement faible comparée à

d’autre pays comme les EU).Dès 1927, l’Allemagne va connaître une crise conjoncturelle peu

importante mais qui va là encore peser encore un peu plus négativement sur le commerce

mondiale, elle réduit ses importations (de matières premières notamment). Cela renforce la

contrainte de débouchés au niveau international. L’Allemagne est handicapée au cours de

cette période par la bulle financière américaine, qui commence à gonfler, donc pas mal de

capitaux américains se retirent d’Allemagne pour pouvoir profiter de cette bulle, ce qui ren-

force les difficultés de l’économie allemande, qui pousse celle-ci a mener des politiques en-

core plus restrictives. De plus, même si les différents plans sont des plans qui ont été plutôt

conciliants, il n’empêche que les réparations restent au moins politiquement d’actualité,

l’Allemagne doit également mener une politique crédible à l’égard des EU et donc mener une

politique qui soit suffisamment vigoureuse pour que l’Allemagne puisse prétendre à satis-

faire les remboursements d’emprunts. Le plan Young ayant lieu en 1929, on est dans la pré-

paration de ces négociations.

Lorsqu’on parle des déséquilibres de l’entre deux guerres et de la contrainte de débouchés

latente, cela est lié à la contraction du commerce international. Néanmoins, une partie des

politiques restrictives est liée au SMI.

Pour certains, le facteur explicatif majeur réside dans le SMI qui n’a jamais réussi à assurer

pendant l’entre deux guerres une croissance équilibrée au niveau mondiale, dans la mesure

où (interprétation politique) un système international ne parvient pas à assurer ses objectifs

du fait de l’absence de véritable coopération internationale. Cela signifie que ceux qui au-

raient du participer à la résorption des déficits des autres n’ont pas participé autant qu’ils au-

raient du le faire. C’est de même avec Bretton Woods, lorsqu’il y a des pays déficitaires alors

il y a des pays excédentaires, le système ne peut fonctionner que s’il y a une coopération

entre les pays. Le problème vient surtout des pays excédentaires. Eichengreen met l’accent

sur l’instabilité du SMI comme cause de la crise, la crise vient du fait de l’absence de solidari-

té sur le plan monétaire.

L’analyse de Kindleberger : le problème majeur est un problème de leadership financier au

niveau international. Cela signifie l’absence d’un pays suffisamment puissant financièrement

pour pouvoir jouer le rôle de prêteur en dernier ressort au niveau mondial. On est dans une

période de transition entre la puissance financière britannique au XIXème siècle et la puis-

sance financière (réserve d’or) américaine de l’après 2nde GM. Les EU ne sont pas encore suf-

fisamment « puissants » (problème de crédibilité, de confiance dans leur capacité à pouvoir

jouer ce rôle). Le fait que les EU ne puissent pas encore jouer ce rôle de leader au niveau in-

ternational fait que dès qu’ils tentent de jouer ce rôle (en défendant la livre en 1925), cela a

été mis à mal par les fuites de capitaux, qui fragilisent le dollar et nécessitent de mener des

politiques plus restrictives pour mettre fin à cette dépression. C’est peut être aussi une diffé-

rence avec aujourd'hui : la suprématie du dollar reste assez peu contestée, alors que c’était

beaucoup moins le cas dans l’entre deux guerres. Cela permet aussi de comprendre pourquoi

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quand on associe les taux d’intérêt à la crise, la baisse des taux d’intérêt aurait entrainé une

chute brutale du dollar et une fuite de capitaux.

Le rôle du partage des revenus et l’absence de consommation de masse :

Galbraith, dans l’ouvrage « La crise de 1929 », s’attache à bâtir une explication de la crise à

partir de grands traits du capitalisme américain et de la conjoncture dans les années 20.

Parmi ces traits, il met l’accent sur l’écart qui s’est creusé aux EU entre l’élévation de la pro-

ductivité du travail dans l’industrie et l’évolution des salaires (qui eux restent relativement

stagnants au cours de cette époque tandis que les profits augmentent). Ces profits vont ali-

menter les dépenses des classes aisées dans des produits de luxe, mais va en même temps

alimenter la spéculation boursière. Cette spéculation boursière alimente les investissements,

et débouche à terme sur une suraccumulation du capital puisque parallèlement, la consom-

mation de masse des classes populaires augmente à un rythme beaucoup plus lent. Finale-

ment, la croissance ne peut se poursuivre dans la mesure où la demande de produits de luxe

augmente et où les afflux de capitaux rendent le coût du capital très faible. Aux EU : 5% de la

population percevait environ 1/3 du revenu total dans les années 20.

L’Ecole de la Régulation : Présenté dans un cadre plus sociologique, plus institutionnaliste. Le

problème est de nature institutionnelle : le fait que les politiques salariales soient ce qu’elles

sont est lié à la nature des rapports sociaux à cette époque là. Contrairement à la présenta-

tion de Galbraith, la politique économique et sociale ne permet jamais de résoudre à elle

seule les déséquilibres éco et sociaux qui naissent de l’évolution institutionnelle. Le parallèle

avec la période actuelle est assez évident : la montée des inégalités aux EU est patente, cer-

tains voient cela comme amenant une politique de redistribution plus généreuse, alors que

les régulationnistes vont voir ça de manière pessimiste. Pour eux c’est le système qui fait que

la répartition des revenus est inégalitaire, et les inégalités ne peuvent aller que de manière

croissante.

Les « sorties de crise »

Dans la plupart des pays, il n’y a pas qu’une politique face à la crise, certaines politiques vont être

menées, d’autres totalement opposés un peu plus tard dans un même pays.

La politique du New Deal : elle se met en place après l’élection de Roosevelt (1933). Toute la

phase de dépression entre 1929 et 1932 est une phase où c’est une politique opposée. La politique

de Hoover a été une politique plutôt traditionnelle, dans le sens où c’est une politique à la fois sur le

plan monétaire et budgétaire assez restrictives, pour résorber les déséquilibres. Il y a une opposition

entre les politiques de déflation et les politiques de reflation. On trouve dans la plupart des pays une

alternance des politiques de déflation puis de reflation, qui sont des politiques de relance. Cela

s’observe aux EU (Hoover : déflation, Roosevelt : reflation). Le New Deal touche la sphère réelle et le

volet social. Par les dépenses publiques qu’elle engendre et les déficits qu’elle occasionne, les effets

peuvent être interprétés par les mécanismes keynésiens. La seule limite à cela est le débat qui con-

siste à savoir si la politique monétaire est volontairement keynésienne ou non. Les historiens répon-

dent plutôt oui (car d’après certains travaux, des conseillers de Roosevelt auraient rencontré Keynes

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ou des disciples de Keynes), les économistes non (car dans la mesure où on regarde la manière dont

le New Deal a été financé, le déficit budgétaire semble avoir été plutôt subit que voulu).

Le volet économique : la politique du New Deal veut certes relancer la demande, mais certains de

ses aspects renvoient plutôt à la volonté de contracter l’offre excédentaire. C’est en particulier le cas

dans l’agriculture, où une loi vise à inciter les agriculteurs à mettre une partie de leur terre en ja-

chère, par subventions ou indemnité. L’objectif est plutôt de résorber les excédents dans

l’agriculture. En revanche, dans l’industrie, on retrouve des mesures qui visent à relancer la demande

et à contrôler l’offre, notamment par la mise en place de cartels. Ici, l’objectif est d’essayer d’enrayer

la chute des prix dans les principaux secteurs industriels, la chute des prix étant alimentée par la con-

currence exacerbée entre les entreprises. La cartellisation permet un contrôle de l’offre. La TVA :

l’Etat doit prendre en charge la production d’électricité. Une particularité de ces grands travaux est

d’embaucher les chômeurs pour réaliser ces grands travaux.

Le volet monétaire : l’amendement Thomas de 1933 va renforcer le pouvoir du gouvernement sur

la politique monétaire. La FED reste largement indépendante, néanmoins cette indépendance est

affaiblit par cet amendement. D’inspiration keynésienne, il facilite le financement des dépenses pu-

bliques par le recours à la création monétaire. Cela assure au gouvernement que la FED va désormais

mener une politique de taux d’intérêt faible, ce qui signifie donc que le coût de l’emprunt va être

modéré. Parallèlement à cela, l’amendement signe la fin de la parité-or du dollar, qui sera officialisé

en 1934 avec le Gold Reserve Act. Le Gold Reserve Act va mener une politique de dépréciation du

dollar, même si il existe toujours une parité-or du dollar (35$ l’once d’or fin).

Le volet social : il y a une partie du volet social qui n’est pas directement lié à la relance, c’est une

partie importante du New Deal qui apparait dans ce volet social. Les mesures tranchent assez radica-

lement avec les habitudes, la culture américaine. On a un renforcement très net du pouvoir des syn-

dicats (il y aura une scission entre une partie qui va se rattacher a Roosevelt, et une autre partie qui

va rester dans une tradition indépendante à l’égard de la politique économique), la mise en place

d’un système de protection sociale, qui touche notamment les retraites (système fédéral de retraite),

au chômage (mise en place des allocations chômage), mise en place d’un salaire minimum. Une par-

tie importante du New Deal sera annulé par la cour suprême en 1935, en particulier la totalité du

NIRA (industrie) et du AAA (agriculture) dans la mesure où se sont des mesures politiques qui sont

contraires à la liberté individuelle, et en particulier à la liberté d’entreprise inscrite dans la constitu-

tion américaine.

Les effets du New Deal : la dépression touche son point bas en 1932. Il y a une reprise économique

assez nette entre 1934 et 1935 et en 1936, l’industrie retrouve son niveau de 1925. Le taux de chô-

mage lui reste à un niveau plus élevé que celui qui existait avant la crise de 29 (10% aux EU en 1937).

Cette reprise reste donc relativement limitée, et parallèlement à cela, il y a un retour de certaines

tensions inflationnistes. Le point bas de la chute des prix est en 1932, ensuite avec la reprise,

l’inflation se manifeste à nouveau, et surtout le déficit budgétaire devient relativement important. En

1937, la FED durcit sa politique monétaire, et du côté de la politique budgétaire le gouvernement

décide de mener une politique budgétaire plus restrictive. Immédiatement, le pays subit une nou-

velle récession dès 1937.

Aux EU : cette récession va amener Roosevelt à lancer un 2ème New Deal en 1938. Il aug-

mente le déficit budgétaire (1 milliard de dollars). Les dépenses américaines vont ensuite

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augmenter avec la perspective très proche de la 2nde GM. C’est l’armement qui va jouer un

rôle essentiel dans la reprise économique aux EU.

En France : il y a un rythme différent puisque la dépression est moins marquée mais se pro-

longe après 1933. Cela associé à des politiques globalement plutôt déflationnistes, lié au fait

que la France appartient au bloc or, et ont l’ambition de retrouver une convertibilité-or de

leur monnaie, jusqu’au Front Populaire en 1936.

En Allemagne, coupure en 1933. On a également cette alternance de politiques. On trouve

souvent dans la catégorie politique de reflation l’exemple de la politique économique des na-

zis à partir de 1933, elle présente toutes les caractéristiques d’une politique de relance. (Con-

texte institutionnel particulier : autarcie, sur le plan interne économie totalement dirigée). Il

y a une baisse du chômage : il passe de 17% en 1932 à 1,3% en 1938. Cette baisse du chô-

mage est obtenue assez largement à partir d’un traitement démographique, où il y a le poids

du travail obligatoire, la politique familiale, le service militaire.

En Angleterre, on constate une exception puisque la reprise est relativement spontanée. La

politique de relative fermeture commerciale et monétaire au sein de son empire a permit

une reprise qu’on ne peut pas associer à une politique interne, mais qu’on qualifie de reprise

spontanée à l’égard des autres pays développés.

c) La rupture de 1974 et la crise économique de 2008

L’évolution du PIB : C’est la première manifestation d’une crise.

Dans la crise de la Grande Dépression de la fin XIXème siècle et de 1974, il n’y a pas de chute

de la croissance. On a plutôt un ralentissement prolongé de la croissance. Pour 1974, la con-

traction du PIB est très courte, elle ne dure que quelques trimestres, et s’élève pour

l’ensemble des pays développés à -0.6% (entrée dans une ère de croissance molle à 2% en

moyenne pour les pays de l’OCDE jusque dans la 2ème moitié des années 80 où on assiste à

une reprise conjoncturelle). La dépression du 19ème siècle est également un ralentissement

de la croissance après la période de croissance longue.

Au contraire, dans la crise de 1929, il y a une diminution du PIB de 1929 à 1932. La crise de

2008 apparaît plus semblable à la crise de 29. Pour les EU : le PIB a commencé à diminuer fin

2007 début 2008. La diminution du PIB s’achève jusqu'à maintenant au 2ème trimestre 2009.

On a une diminution du PIB qui dure 1 an. Néanmoins, il n’y a pas de rapport avec la crise de

29, puisque si on prend l’indice du PIB en volume base 100 en 2000, on est à peu près à 119

fin 2007 début 2008 (au point de retournement) et au point bas au 2ème trimestre 2009,

l’indice est à 114. Il y a entre 4 et 5% de baisse du PIB. C’est néanmoins la crise la plus impor-

tante depuis 1929, mais néanmoins c’est une crise d’une ampleur qu’on ne peut comparer

avec la crise de 29, elle est d’une ampleur plus faible. Elle est de ce point de vue là une crise

plus proche de la crise de 1929 que des deux autres crises.

Les prix

La crise de 1974 se distingue des autres, puisque cette crise s’accompagne d’une inflation

forte. Asselain « Depuis le début de la Révolution Industrielle jusqu’à la crise de 29 comprise,

la crise capitaliste s’identifiait à la surproduction et à la chute des prix ; et réciproquement le

redressement des prix était considéré comme la condition et le critère de la reprise. En 1974,

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l’inflation devient le synonyme de crise. » C’est la stagflation (stagnation économique + infla-

tion), dans un contexte de choc pétrolier. (le taux d’inflation en GB s’élève à 24,2% en 1974).

La crise de 1929 est marquée par une déflation importante. Toutes les économies mondiales

sont touchées par la contrainte de débouchés et connaissaient des tendances à la récession.

La crise de la fin du XIXème siècle est marquée par une tendance à la diminution très lente des

prix.

La crise de 2008 est marquée par des évolutions habituelles des prix : de nouveau se mani-

feste des tendances déflationnistes. Le prix à la consommation en glissement annuel : aux

EU, on observe la baisse des prix vers 2009, -1,2% au 2ème trimestre 2009, -1 ,6% au 3ème tri-

mestre. On retrouve ces mêmes tendances déflationnistes en Europe, moins marquées (sauf

Royaume-Uni qui ne connaît une désinflation mais pas de déflation). Les pays profondément

touché par la crise financière connaissent une déflation importante (ex : Irlande -6%). Il faut

plutôt parler de tendances déflationniste mais pas de déflation : dans le cas de la France, on

a 2 trimestres de baisse des prix, pour l’Allemagne 1 trimestre, ce n’est pas assez durable.

Parmi les exceptions, l’Irlande qui connaît un effondrement de l’économie, donc connaissent

une déflation, mais également le Japon qui lui connaît une tendance à la déflation depuis les

années 90. Pour la crise de 2008, il n’y a aucun rapport avec la crise de 1974, elle connaît des

tendances déflationnistes et à ce jour, les tendances sont trop peu marquées pour qu’on

puisse faire le parallèle avec la crise de 1929. Nous ne sommes pas le même contexte inter-

national et de politiques économiques. Aujourd'hui, on a parmi les économies émergentes,

des pays comme l’Inde et la Chine qui connaissent des taux de croissance très importants, et

vont simplement connaitre un ralentissement de leur croissance avec la crise de 2008 (supé-

rieur à 5% en moyenne). On n’est pas non plus dans le même contexte concernant la poli-

tique économique : on a des politiques sur le plan budgétaire et monétaire qui ont réagit ra-

pidement et assez fortement pour tenter de relancer l’économie. Les points communs entre

la crise de 29 et la crise de 2008 semblent assez évidents, néanmoins l’ampleur de la crise

n’est pas du tout comparable.

Le chômage

On a un rapprochement entre la crise de 74 et la Grande Dépression du XIXème, opposées à celles de

1929 et 2008.

Dans le premier cas, on n’a pas de montée brutale du chômage, mais plutôt une dégradation

durable de l’emploi, avec des taux de chômage qui augmentent progressivement sur un

temps relativement long. A la fin du XIXème siècle dans les pays européens, c’est le moment

où le chômage commence à exister en tant que catégorie statistique (Reynaud et Salais,

« L’invention du chômage »), on commence à essayer de définir précisément le chômage

pour le mesurer. On estime néanmoins que dans les pays européens, on se dirige vers un

taux de chômage de 10% de la population active. On a une évolution du chômage qui res-

semble à l’évolution constatée après la crise de 1974, et qui se distingue de l’évolution de la

crise de 1929. On dépasse rarement dans la crise de 1974 les 10% dans les différents pays.

Dans le deuxième cas, en 1929 le taux de chômage s’élève à 20% aux EU. Pour 2008, de nou-

veau la crise semble ressembler plus à celle de 29, avec néanmoins des niveaux de chômage

beaucoup plus faibles. Ici, l’augmentation du taux de chômage apparait comme brutale. Aux

EU, avant la crise, le taux de chômage était aux alentours de 5%, aujourd'hui le taux de chô-

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mage a été multiplié par 2, on atteint 10%. Pour l’Europe continentale, l’augmentation est

brutale. (Espagne : taux de chômage 8% avant la crise, 18% aujourd'hui).

Les causes

On rapproche la crise de 1929 et celle de 2008 :

La politique monétaire : les aspects monétaires et financiers semblent avoir joué un rôle im-

portant. La politique monétaire avant les deux crises aux EU était relativement souple (voire

laxiste), inondant les marchés de capitaux qui va alimenter la spéculation. Les taux d’intérêts

de la FED atteignent des taux très bas en 1929, pour 2007, la politique monétaire est relati-

vement active depuis la fin des années 80, il y a une succession d’injection de liquidités qui a

incité à l’endettement des entreprises et des ménages, comme pour la période 1925-1929.

Cette politique monétaire favorise la spéculation et l’endettement, c’est la conséquence

d’erreurs de politiques monétaires. Un autre point commun est le contexte institutionnel

dans lequel la spéculation va se développer : c’est un contexte très libéral dans le domaine

financier. La réglementation bancaire et financière dans la période qui précède la crise de

1929 est très peu présente. Or, dans la période qui précède la crise de 2008, on a également

une libéralisation très forte, chaque jour la sphère financière est davantage libéralisée. De-

puis le moment où les autorités monétaires et financières ont cherché, tout en favorisant la

libéralisation financière, à limiter cette libéralisation et à re-régulariser, les banques ont

cherché à contourner (c’est la dialectique réglementaire). Cette dialectique a assez large-

ment tourné en faveur du réglementé, c'est à dire que les acteurs de la sphère financière ont

été plus prompt à la contourner. C’est la manifestation d’une sphère financière échappant à

toute régulation.

Un système financier libéralisé : Le Glass Steagall Act (1933) est une des lois qui va contribuer

à la spécialisation bancaire (banque de dépôt et banque d’affaire, banque commerciale et

banque d’investissement). On a considéré qu’une des causes importantes de la crise de 1929

était le fait que les spéculateurs puissent user de l’effet de levier parce qu’ils pouvaient accé-

der facilement aux crédits. Les banques elles-mêmes peuvent utiliser leur pouvoir de créa-

tion monétaire pour acquérir des titres, elles mélangent leur fonction de banque de dépôt

avec leur fonction de banque d’investissement. Ce Glass Steagall Act, dans le contexte de la

libéralisation des années 80, est une règle de plus en plus contournée par les banques aux EU

(car lorsqu’une banque de dépôt n’a pas le droit d’opérer dans le marché financier, elle crée

une banque dans un autre pays qui pourra opérer pour son compte dans les marchés de ca-

pitaux), finalement cette loi va être abrogée en 1999. On est dans un contexte d’un système

financier libéralisé qui génère des bulles spéculatives. La fin de la spécialisation n’est pas seu-

lement un phénomène qui est susceptible de favoriser la spéculation, mais aussi susceptible

de rendre beaucoup plus importantes les conséquences d’une bulle spéculative, car c’est

lorsqu’il n’y a plus de frontières entre les activités bancaires et financières que les phéno-

mènes de crédit de Crunch sont les plus importants. C’est là que les banques

d’investissements qui subissent des pertes sur les marchés de capitaux sont également les

mêmes banques qui se retrouvent en difficulté financière et qui ne peuvent plus jouer leur

rôle de prêteur. Ainsi, on voit comment la fin de la spécialisation bancaire se répercute sur la

sphère réelle.

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Les inégalités : dans la période qui précède la crise de 2008, depuis le début des années 80

aux EU, les inégalités ont tendance à augmenter. La répartition des revenus devient de plus

en plus inégalitaire. C’est non seulement un phénomène qui alimente la spéculation (car les

plus riches sont ceux qui épargnent le plus, donc apportent les capitaux sur les marchés de

capitaux) et donc favorise périodiquement des phénomènes de suraccumulation (cf. la bulle

internet). L’augmentation des inégalités entraîne que l’équilibre entre l’offre et la demande

ne peut exister soit que lorsque la consommation en produit de luxe augmente suffisam-

ment, soit il faut que la consommation des ménages augmente, ce qui dans le contexte des

années 80 est contraint par le fait que la mondialisation (la concurrence internationale) pèse

négativement sur les salaires. (Rapport de force défavorable aux salariés). Le pouvoir d’achat

ne peut augmenter que si la concurrence amène à une modération suffisante de l’inflation,

soit par l’endettement. L’endettement ne peut être entretenu sans que cela s’accompagne à

une tendance à la spéculation. A terme, l’endettement signifie l’éclatement de la bulle : les

EU constituent le pays idéal typique d’illustration de ce phénomène là, c’est là que le taux

d’endettement des ménages a le plus progressé, en particulier dans les années 90 (les taux

d’épargne sont inférieurs à 5% depuis le début des années 90). On a donc affaire à des mé-

nages qui ont tendance à consommer plus que ce qu’ils peuvent consommer compte tenu de

leur revenu. Ici, l’explication est la même que la crise de 1929 que Galbraith nous signale,

c’est un problème de déconnexion entre l’offre et la demande.

Les phénomènes internationaux : La raison pour laquelle cet endettement aux EU a pu at-

teindre de telles proportions n’est pas seulement à cause de la politique monétaire, mais

aussi parce que des capitaux ont afflués de l’étranger. On reste aujourd'hui dans une situa-

tion d’hégémonie du dollar, et donc l’instabilité du SMI est un phénomène moins présent au-

jourd'hui bien qu’on ne cherche plus comme dans les années 20 à reconstruire un système

de change fixe (système de Gênes). On est dans un phénomène de change potentiellement

instable, mais qui malgré tout s’avère être un système assez bien assis sur la suprématie du

dollar. Au niveau financier, on est dans une situation de déséquilibre important, dans des

pays qui sont endettés comme aux EU et des pays qui sont excédentaires comme la Chine. Le

problème soulevé par Kindleberger dans les années 20 de transition de leadership (GB vers

EU), on serait tenté de produire le même schéma aujourd'hui pour évoquer le passage d’une

domination américaine à une domination chinoise. Il y a également des déséquilibres de la

balance commerciale qui est excédentaire en Inde et déficitaire aux EU.