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1 Chapitre 2 : Analyse dimensionnelle appliquée à la mécanique des fluides 1-Définition: L'analyse dimensionnelle est l'étude de la forme générale des équations régissant un phénomène physique. Elle s’intéresse aux dimensions des variables intervenant dans les équations scientifiques. La propriété d’homogénéité des équations, c’est-à-dire leur indépendance par rapport au système d’unité, permet, à partir des relations entre les variables dimensionnelles de former un système équivalent de variables sans dimensions qui sont des produits des précédentes. Cette opération permet de réduire le nombre de variables décrivant le problème physique en ne considérant que des paramètres adimensionnels. 2-Dimensions et unités 2-1 Les systèmes d'unités Une unité est une grandeur prise comme terme de comparaison avec des grandeurs de la même espèce. Les nombres qui résultent de ces comparaisons en donnent les mesures. Les systèmes d’unités les plus courants en mécanique sont (le système international SI) MKS et le système CGS : Les angles s’expriment toujours en radians les températures en °K (degré Kelvin : température absolue) soit Tc la température en °Celsius (solidification de l’eau à 0°c, vaporisation à 100°c) S.I MKS CGS autres longueur Mètre : m Centimètre : cm masse Kilogramme : kg Gramme : g temps Seconde : s Seconde : s force Newton : N Dyne : 1 dyne = 10 -5 N Travail, énergie, quantité de chaleur Joule : J Erg : 1 erg = 10 -7 J 1 calorie = 4184 J Puissance, flux énergétique Watt : W J/s Pression, contrainte Pascal : Pa 1 bar = 10 5 Pa 1 atm = 1.01295 bar Viscosité dynamique Pa.s Poise : 1 Po = 0.1 Pa.s Viscosité cinématique m 2 .s -1 Stokes : 1 St = 10 -4 m 2 .s -1

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Page 1: Chapitre II HU2

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Chapitre 2 : Analyse dimensionnelle appliquée à la mécanique des fluides

1-Définition:

L'analyse dimensionnelle est l'étude de la forme générale des équations régissant un phénomène physique. Elle s’intéresse aux dimensions des variables intervenant dans les équations scientifiques. La propriété d’homogénéité des équations, c’est-à-dire leur indépendance par rapport au système d’unité, permet, à partir des relations entre les variables dimensionnelles de former un système équivalent de variables sans dimensions qui sont des produits des précédentes. Cette opération permet de réduire le nombre de variables décrivant le problème physique en ne considérant que des paramètres adimensionnels. 2-Dimensions et unités 2-1 Les systèmes d'unités Une unité est une grandeur prise comme terme de comparaison avec des grandeurs de la même espèce. Les nombres qui résultent de ces comparaisons en donnent les mesures. Les systèmes d’unités les plus courants en mécanique sont (le système international SI) MKS et le système CGS :

– Les angles s’expriment toujours en radians – les températures en °K (degré Kelvin : température absolue) – soit Tc la température en °Celsius (solidification de l’eau à 0°c, vaporisation à 100°c)

S.I MKS

CGS autres

longueur Mètre : m Centimètre : cm

masse Kilogramme : kg Gramme : g

temps Seconde : s Seconde : s

force Newton : N Dyne : 1 dyne = 10-5 N

Travail, énergie, quantité de chaleur

Joule : J Erg : 1 erg = 10-7 J 1 calorie = 4184 J

Puissance, flux énergétique

Watt : W J/s

Pression, contrainte Pascal : Pa 1 bar = 105 Pa 1 atm = 1.01295 bar

Viscosité dynamique Pa.s Poise : 1 Po = 0.1 Pa.s

Viscosité cinématique m2.s-1 Stokes : 1 St = 10-4 m2.s-1

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– soit Tk la température en °Kelvin – Tk = Tc - 273.15

2-2 Les dimensions Si les unités varient, toute grandeur n'a qu'une seule dimension. Reprenons les grandeurs de définition des systèmes d'unités avec leur dimension : Longueur L (indépendante) Temps t (indépendante) Masse M (indépendante) Force F (dépendante) Température T (indépendante) En choisissant L, t, et M comme dimensions indépendantes, nous pouvons retrouver la vitesse, l'accélération, la force, le travail, l’énergie cinétique, la pression … V=x/t L t-1 a=V/t L t-2 F=m a ML t-2 W= F. x ML2 t-2 Ec =1/2 mV2 ML2 t-2 P=F/x2 ML-1 t-2 2-3 Vérification de l’homogénéité des formules : Homogénéité d’une formule :

exp1=exp2 Les deux expressions exp1 et exp2 doivent être de la même dimension. Exemple : période 0T d’un pendule simple :

g

lT π20 = , g est la pesanteur, l est longueur du pendule

[ ] tT =0

tLt

L

g

l =

=

2

1

22π

La dimension de la période est un temps (la durée) : la formule est donc homogène.

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3-Méthodes de l'analyse dimensionnelle Les buts principaux sont : - donner des indications sur les relations existant entre les grandeurs mesurables intervenant dans les phénomènes physiques étudiés - regrouper les grandeurs en produits sans dimension, l’idée étant d’exprimer les résultats expérimentaux par des relations entre ces produits 3-1-Méthode de Rayleigh (1899) 3-1-1 Étapes de la méthode a- dresser l’inventaire de toutes les variables indépendantes qui interviennent dans le phénomène étudié. Omettre toute quantité physique qui est une fonction directe d’une ou d’autres quantités physiques. Exemple: Si on a un écoulement dans un cylindre et qu’on a les paramètres Q, D et <V>, on doit omettre le débit volumique, Q, ou la vitesse moyenne, <V>, car Q = π<V>D2/4

b- écrire la loi (algébrique) reliant les variables sous forme de produit de puissances de ces

variables c- écrire les dimensions des variables par rapport au système des grandeurs fondamentales d- les combiner dans une relation homogène sur le plan dimensionnel 3-1-2 Exemple : Perte de charge dans une conduite cylindrique rugueuse

Géométriques : D, ε, L Physiques : ρ, µ Cinématiques et dynamiques : V, ∆p L’expérience montre que pour l’écoulement dans une conduite: ( )εµρ ,,,,,/ ><=∆ VouQDfLP

∆P/L : Perte de charge par unité de longueur

ε

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D : Diamètre de la conduite V : Vitesse moyenne (ou Q: Débit volumique) ρ et µ : Masse volumique et viscosité dynamique. ε : Rugosité moyenne de la conduite

Question: On vous demande de proposer une forme pour présenter les résultats expérimentaux en fonction de paramètres adimensionnels. a) Inventaire des variables et de leurs dimensions

Variable Symbole Dimensions (MLt) Perte de charge par unité de longueur ∆P/L (Pa/m) ML -2t-2 Vitesse moyenne de l’écoulement V (m/s) Lt -1 Diamètre de la conduite D (m) L Longueur L(m) L Rugosité absolue de la surface de la conduite ε(m) L Viscosité dynamique µ(kg/m/ s) ML-1t-1 Masse volumique du fluide ρ(kg/m3) ML -3

b) Loi algébrique

( ) βαεµρεµρ ZYXVkDVDfL

P ==∆,,,,

c) Relation dimensionnelle homogène :

( ) ( ) ( ) βαLtMLMLLtLtML

ZYX 113122 −−−−−− = ⇒ ααβα −−++−−+−− = YZZYX tMLtML 322

d) Egalité des exposants des grandeurs fondamentales

Pour L : -2 = x + y -3z – α + β x = -1 – α - β Pour M : 1 = z + α z = 1 – α Pour t : -2 = -y - α y = 2 – α 3 équations pour 5 inconnues 2 paramètres α et β

La relation devient :

( ) βαααβα εµρεµρ −−−−−==∆ 121,,,, VkDVDfL

P

Soit encore

( )βα

εµ

ρρεµρ+−

==∆D

VD

D

VkVDf

L

P 2

,,,,

On sait que :

D

LVhgP

2

2ρλρ =∆=∆ ⇒ g

V

D

Lh

2

2

λ=∆

Le coefficient de perte de charge est donné par :

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2

2

V

D

L

P

ρλ ∆=

et d’après la relation précédente :

=∆=D

VDf

V

D

L

P ενρ

λ ,2

2

On a une relation entre 3 nombres sans dimension (voir diagramme de Moody) :

- le nombre de Reynolds : ννρ //Re VDVD ==

- la rugosité relative : ε/D - le coefficient de perte de charge : λ

Commentaires : La Méthode de Rayleigh fournit la forme de la loi qui régit le phénomène physique (mais rien ne prouve que la loi physique correspondante existe, c’est l’expérience qui le confirmera). D’autres regroupements sans dimension sont possibles et cela peut donner d’autres produits sans dimension, les plus commodes/adéquats seront suggérés par l’expérience.

3-2-Théorème de Buckingham (Théorème π)

Selon le théorème de Buckingham (ou théorème π), dans un problème comprenant n grandeurs physiques où il y a m dimensions fondamentales, on peut réécrire ces grandeurs physiques en (n-m) paramètres adimensionnels indépendants. i = = = = n −−−−m i : Nombre de groupes adimensionnels nécessaires m : Nombre de dimensions fondamentales n : Nombre de grandeurs physiques Soient A1, A2, A3,..., An les différentes grandeurs physiques: comme la vitesse, la pression, la viscosité, etc.

Entre toutes ces quantités, il y a une relation de la forme:

Si π1, π2, π3, ..., représentent les quantités adimensionnelles parmi les quantités physiques A1, A2, A3,..., An, on peut alors écrire une équation de la forme:

ou

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3-2-1- Les étapes de l’analyse dimensionnelle Pour effectuer une analyse dimensionnelle, on doit considérer les neuf étapes suivantes: 1. Dresser la liste de toutes les quantités physiques A i et leur dimension correspondante. Omettre toute quantité physique qui est une fonction directe d’une ou d’autres quantités physiques. 2. Écrire la fonction

3. Choisir les variables répétitives. Ces variables doivent contenir toutes les m dimensions du problème. Souvent, on retient une variable parce qu’elle détermine l’échelle, une autre, parce qu’elle détermine les conditions cinématiques; il faut une variable liée avec la masse ou les forces du système. Exemple: on peut retenir D, V et ρ comme variables fondamentales.

4. Écrire les paramètres π en fonction des exposants inconnus:

S’assurer que toutes les quantités Ai sont incluses dans les groupes πi. 5. Écrire les équations des paramètres π pour les exposants; on doit obtenir une somme algébrique nulle pour chaque dimension. 6. Résoudre les équations simultanément. 7. Remplacer les exposants trouvés (x1, y1, z1,...) dans les expressions de π (étape 4) pour obtenir les paramètres π sans dimension. 8. Déterminer la fonction:

ou résoudre une valeur explicite de:

S’assurer que tous les paramètres πi sont indépendants les uns des autres. 9. Mettre les résultats sous la forme de nombres sans dimension connus (Re, Fr, Eu, etc.). 3-2-2- Exemple : écoulement dans une conduite cylindrique rugueuse En utilisant le théorème π, on vous demande de proposer une forme pour présenter les résultats expérimentaux en fonction de paramètres adimensionnels. L’expérience montre que pour l’écoulement dans une conduite: ( )εµρ ,,,,,/ ><=∆ VouQDfLP

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Inventaire des variables:

Variable Symbole Dimensions (MLt) Perte de charge ∆P ML -1t-2 Vitesse <V> Lt-1 Diamètre D L Longueur L L Rugosité ε L Viscosité µ ML -1t-1 Masse volumique ρ ML -3

On a 7 quantités avec trois dimensions (MLt). On trouve donc (7 – 3 = 4) paramètres π, soient:

π1, π2, π3 et π4 Si on prend <V>, D et ρ comme variables qui se répètent (car les trois contiennent les dimensions fondamentales MLt). Les nombres π qu’on peut former sont les suivants: Les nombres qu’on peut former sont les suivants:

ε

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Relation finale:

=∆⇒

Re

1,,

2 DD

Lf

V

P ερ

Fin de l’analyse dimensionnelle seule l’expérience peut permettre de formuler la loi. Pertes de charges linéaires

• L’expérience de Nikuradsé a pour but de déterminer l’influence de la rugosité des parois sur le coefficient de perte de charge linéaire.

• Les parois d’une conduite sont rendues artificiellement rugueuses en y collant des grains

de sable calibrés. En changeant la taille des grains on change la rugosité.

• On trace log λ en fonction de log Re. On appelle ε la taille moyenne des grains collés et D le diamètre de la conduite. ε / D est la rugosité relative.

On remarque: 1- la rugosité n’a pas d’influence en régime laminaire et le nombre de Reynolds critique Rc est indépendant de la rugosité.

ε

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2- quand R > Rc la perte de charge dépend fortement de ε /D ou du nombre de Reynolds. 3- quand R >>> Rc la perte de charge ne dépend pas du nombre de Reynolds, elle ne dépend que de ε / D. Le coefficient de perte de charge est donné par :

• Régime laminaire R < 2000 :

• Régime turbulent lisse R > 2000 et ε/D < 1/30:

• Régime turbulent Re >>> 2000 :

En pratique, on utilise des abaques appelées diagramme de Moody qui représentent le coefficient de perte de charge en fonction du nombre de Reynolds et de la rugosité relative.