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Chapitre I : Le discours sanitaire entre analyse du discours et linguistique des représentations discursives Introduction Le discours sanitaire, dans ce premier chapitre, est examiné sous le microscope de deux théories linguistiques récentes : - L’analyse du discours que nous dénommons « classique » et qui remonte aux années 50 puis 60 du XX° siècle, sous la houlette des linguistes incontournables tels que Harris (maître de Chomsky), Greimas, Benveniste, Dubois, Tournier, Pêcheux, Ducrot et plus récemment encore Adam, Maingueneau et Charaudeau, qui ont tous les deux dirigé en 2002 la rédaction du premier dictionnaire d’analyse du discours. Notons que si l’analyse du discours AD est née aux Etats Unis d’Amérique, elle s’est développée par la suite en France, prenant des courants différents pour créer de nouvelles écoles d’AD, dans un contexte 1 intellectuel et sociopolitique (révolution de mai 1968) propice, donnant corps à ce que Maingueneau appelle « les tendances françaises en AD » 2 . L’apport de la philosophie est indéniable puisque les philosophes Althusser et Foucault « ont en France contribué au développement de l’analyse du discours ». 3 1 Paveau , M. et Sarfati, G. (2003), Les grandes théories de la linguistique, de la grammaire comparée à la pragmatique , Paris, Armand Colin, pp. 194- 195-196. 2 Compte rendu de la conférence intitulée « Les tendances françaises en AD » et donnée à l’université d’Osaka en 1998 par Maingueneau. Site http://www.lang.osaka-u.ac.jp/~benoit/fle/conferences/maingueneau. html 3 De Nuchèze, V. et Colletta, JM. (2002), Guide terminologique pour l’analyse des discours, Bern, Peter Lang, p. 49. 14

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Chapitre I : Le discours sanitaire entre analyse du discours et linguistique des représentations discursives

Introduction

Le discours sanitaire, dans ce premier chapitre, est examiné sous le microscope de deux théories linguistiques récentes :

- L’analyse du discours que nous dénommons « classique » et qui remonte aux années 50 puis 60 du XX° siècle, sous la houlette des linguistes incontournables tels que Harris (maître de Chomsky), Greimas, Benveniste, Dubois, Tournier, Pêcheux, Ducrot et plus récemment encore Adam, Maingueneau et Charaudeau, qui ont tous les deux dirigé en 2002 la rédaction du premier dictionnaire d’analyse du discours.Notons que si l’analyse du discours AD est née aux Etats Unis d’Amérique, elle s’est développée par la suite en France, prenant des courants différents pour créer de nouvelles écoles d’AD, dans un contexte1 intellectuel et sociopolitique (révolution de mai 1968) propice, donnant corps à ce que Maingueneau appelle « les tendances françaises en AD »2. L’apport de la philosophie est indéniable puisque les philosophes Althusser et Foucault « ont en France contribué au développement de l’analyse du discours ».3 Pour lui, l’AD est désormais « extrêmement diversifiée »4, compte tenu des nouvelles conditions d’exercice de la recherche dues à la cybercommunication.Il est nécessaire de distinguer analyse du discours et analyse de discours pour éviter une trop facile méprise car pour Reboul et Moeschler la première est une « alternative »5 à la seconde ; les deux linguistes ayant cherché dans le sujet, considèrent en effet l’analyse de discours comme une « sous-discipline »6 dont l’objet d’étude serait un discours dépassant l’acception linguistique établie.

- L’analyse du discours basée sur la linguistique des représentations discursives née à la fin des années 90, des travaux du linguiste français Haillet ; études de plusieurs cadres théoriques (polyphonie, dialogisme, argumentation dans la langue) permettant d’appréhender autrement le concept-clé de l’AD ; la stratégie discursive en se basant particulièrement sur l’attitude du locuteur à l’égard de tel ou tel point de vue représenté par son discours.

1 Paveau , M. et Sarfati, G. (2003), Les grandes théories de la linguistique, de la grammaire comparée à la pragmatique, Paris, Armand Colin, pp. 194-195-196.2 Compte rendu de la conférence intitulée « Les tendances françaises en AD » et donnée à l’université d’Osaka en 1998 par Maingueneau. Site http://www.lang.osaka-u.ac.jp/~benoit/fle/conferences/maingueneau.html3 De Nuchèze, V. et Colletta, JM. (2002), Guide terminologique pour l’analyse des discours, Bern, Peter Lang, p. 49.4 Maingueneau, D. (2005), « L’analyse du discours et ses frontières », Marges linguistiques, n° 9, Saint-Chamas, M.L.M.S. éditeur, p. 65. 5 Reboul, A. et Moeschler, J. (1998), Pragmatique du discours, de l’interprétation de l’énoncé à l’interprétation du discours, Paris, Armand Colin, p. 8.6 Reboul, A. et Moeschler, J. (1998), Pragmatique du discours, de l’interprétation de l’énoncé à l’interprétation du discours, Paris, Armand Colin, p. 7.

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Chapitre I : Le discours sanitaire entre analyse du discours et linguistique des représentations discursives

Nous abordons donc dans une première partie L’émetteur ou instance énonciative le discours sanitaire avec quelques concepts opératoires de l’analyse du discours « classique » tels que : l’émetteur, le récepteur, le référent, le message, le canal, le code, le thème, la thèse, l’intention de l’auteur, la stratégie, le lexique, les valeurs éthiques et déontologiques, les rapports logiques, les figures de style, le genre de texte et enfin l’implicite. Il s’agit de déterminer ainsi quelles stratégies discursives sont utilisées ; persuasion, manipulation, séduction, dramatisation, compassion, prospection, rétrospection, négation, confusion, culpabilisation…Ceci permet également de préciser que le discours sanitaire est orienté.

Dans la seconde partie du chapitre Questions véritables, rhétoriques, orientées ou l’art de poser les questions, nous étudions l’emploi des questions dans notre corpus en linguistique des représentations discursives, pour déterminer la nature -neutre ou orientée- du discours sanitaire, en utilisant ses concepts, en particulier : questions véritables, questions rhétoriques, questions orientées, locuteur, attitude du locuteur, assertion sous-jacente, point de vue, commutation, enchaînement et enfin stratégie discursive.

En conclusion, nous commenterons l’appréciation de chacune des deux linguistiques de notre objet d’étude, à savoir le discours sanitaire et dirons s’il est orienté ou non.

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Chapitre I : Le discours sanitaire entre analyse du discours et linguistique des représentations discursives

Partie A : L’émetteur ou instance énonciative

Introduction

Nous avons opté pour une très brève analyse du discours « classique » pour parler de l’instance énonciative et situer le contexte du corpus choisi. De ce fait, nous disposerons également d’une approche différente de l’argumentation dont la théorie selon Anscombre et Ducrot vise à  « établir des relations argumentatives entre un argument et une conclusion ».1

Ainsi pour le chercheur Barry qui étudie les textes de méthodologie, plusieurs approches en analyse du discours constituent les bases théoriques qui servent d’outils de travail aux réflexions « sur le discours politique »2 et par extension sur tout type de discours.Nous entamons par conséquent notre étude par cette première approche d’analyse.Pour faciliter l’appréhension de l’analyse linguistique, nous définissons certains concepts servant cette dernière, en particulier le genre et type du discours.

A la fin de ce premier volet, nous disons comment le discours sanitaire est perçu dans cette première théorie linguistique d’analyse du discours ; orienté ou neutre.

1 De Nuchèze, V. et Colletta, JM. (2002), Guide terminologique pour l’analyse des discours, Bern, Peter Lang, p.18.2 Barry, A.O, (2002), Les bases théoriques en analyse du discours, p. 35. Disponible sur internet : Site http://www.er.uqam.ca/nobel/ieim//IMG/pdf/metho-2002-01- barry.pdf (consulté été 2012).

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Chapitre I : Le discours sanitaire entre analyse du discours et linguistique des représentations discursives

1. Communication et analyse du discours

L’analyse du discours est une pratique du spécialiste (le linguiste) et du profane car tout un chacun en fait très souvent inconsciemment une « activité quotidienne inséparable de l’exercice du langage »1.Pour Baylon, c’est une pratique banale2 puisque le message en communication est rarement neutre, par conséquent tout est sujet à analyse quels qu’en soient le code, le canal ou le référent : journal, JT, note de service, émail, émission radio, etc.La distinction3 entre les deux analystes réside dans le fait que les résultats d’analyse du professionnel sont inaccessibles au profane.

L’analyse procède donc à l’étude de quelques uns des nombreux paramètres relevant :

1. du schéma global de la communication4 ; émetteur, récepteur, référent, message, canal, code. La communication linguistique est envisagée d’une manière linéaire5 depuis le schéma de Jakobson6.

2. du thème, de la thèse, des arguments, des exemples.3. de l’argumentation proprement dite : intention de l’auteur et stratégie

argumentative ; par l’étude du lexique, de ses valeurs éthiques, déontologiques, des rapports logiques et des figures de style.

4. du genre de texte (ou genre de discours pour tout énoncé de nature situationnelle7 telle qu’une consultation médicale) et du type du discours (pour certains selon Maingueneau8, le genre appartient au type). Citons l’exemple du type de discours sanitaire avec ses différents genres ; conférence, dépliant, affiche, poster, émission de radio, spot de télévision, forum de discussion et site sur le net...

5. de l’implicite par l’étude du présupposé, du sous-entendu, des figures de style, de l’humour éventuellement.

6. des connecteurs qui introduisent des rapports logiques. 7. des fonctions du langage, appelées aussi fonctions de la

communication orale ou écrite9, établies par le linguiste Jakobson. Chacune d’entre elles (expressive, conative, phatique, poétique, référentielle, métalinguistique) correspond à l’un des six éléments de la communication.

1Baylon, C. et Mignot, X. (2002), Initiation à la sémantique du langage, Paris, Armand Colin, p. 195.2 Baylon, C. (2002), Sociolinguistique. Société, langue et discours, Paris, Nathan, p. 235.3 Baylon, C. et Mignot, X. (2002), Initiation à la sémantique du langage, Paris, Armand Colin, p. 195.4 La communication est définie (à la page 113 du dictionnaire du littéraire) «  minimalement comme l’action d’établir une relation entre un destinateur (ou émetteur) et un destinataire (ou récepteur) dans le but de transmettre un objet ou une information. ». La communication langagière s’opère via un langage, la langue pour l’écrit et l’oral. 5 Lalaoui, F.Z. (2008), Guide de sémiotique appliquée, Oran, OPU, p. 41.6 Vanoye, F. (1990), Expression Communication, Paris, Armand Colin, p. 9.7 Maingueneau, D. (2009), Les termes clés de l’analyse du discours, Paris, Seuil, p. 68.8 Maingueneau, D. (2009), Les termes clés de l’analyse du discours, Paris, Seuil, p.129.9 Peyroutet, C. et Ponzalgues-Damon, E. (1990), Les techniques du français, Paris, Nathan, p. 6.

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conative

Référent ou Contexte

Message

Canal

Code

RécepteurEmetteur

référentielle

phatique

métalinguistique

expressive

poétique

Chapitre I : Le discours sanitaire entre analyse du discours et linguistique des représentations discursives

En revanche, elles ne coexistent pas toujours dans un discours10, dépendant de la nature de ce dernier et de la volonté de son auteur.

2. Analyser le discours sanitaire

10 Peyroutet, C. (1991), La pratique de l’expression écrite, Paris, Nathan, p. 136.

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Chapitre I : Le discours sanitaire entre analyse du discours et linguistique des représentations discursives

L’étude du corpus sous forme de tableaux réunissant quelques uns des paramètres sus cités ou plus globalement1 (émetteur, récepteur, thème, thèse, arguments, exemples, intention de l’émetteur, cadre spatiotemporel, connecteurs ou mots de liaison, stratégie argumentative) permet en autres d’identifier le type de discours et de « cerner » l’auteur. Dans un souci de lisibilité, nous optons pour des tableaux en deux colonnes :

2.1. Le discours sanitaire dans le schéma global de la communication 

C’est l’étude du discours sanitaire selon le schéma global de la communication en décryptant : émetteur, récepteur, référent, message, canal, code, thème et thèse.

Emetteur Récepteur

Dr Ahmed AROUA2 (1926-1992), médecin et penseur algérien, a occupé de nombreux postes de responsabilités dans le secteur de la santé (au ministère de la santé, à l’institut national de santé publique...).

Cité par Dejeux3, il a publié aussi bien en français qu’en arabe, plusieurs livres  relatifs à la médecine, à la littérature, des manuels, des romans4.

1. En particulier, les instances sanitaires.

2. En général, l’opinion publique, implicitement.

Référent Message

La santé, la politique, la philosophie, les hommes.

La culture sanitaire individuelle et publique.

Canal Code

1 Sari, F. (2008), Méthodologie de l’écrit, le texte argumentatif, volume 1, Oran, OPU, p. 39.2 Dans un article paru le 04/1/2012 sur El Watan à la page 18, sous le titre «  Le docteur Ahmed Aroua, 20 ans après », Hayet Aroua commémore « cette grande figure de l’Algérie contemporaine » en parlant brièvement de « quelques-unes de ses réflexions qui distinguent sa pensée et son œuvre (…) non seulement considérable mais d’une brûlante actualité, ( …) » avec « une approche analytique globale et pluridisciplinaire (…) intellectuelle, scientifique, morale et spirituelle (…) ». 3 Dejeux, J. (1979), Bibliographie méthodique et critique de la littérature algérienne de langue française 1945-1977, Alger, SNED, pp. 96-158-167-176-212-220.4 Nous citerons à titre d’exemples :

-Quand le soleil se lèvera (roman).-Comme des fleurs de cactus… (pensées).-L’homme et son milieu.-Hygiène et prévention chez Ibn Sina.

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Chapitre I : Le discours sanitaire entre analyse du discours et linguistique des représentations discursives

Le livre est intitulé : Santé et environnement, pour une approche systémique de l’hygiène du milieu.C’est un manuel de prévention sanitaire relatif à l’Algérie.  Le livre est édité par l’ENAL à Alger en 1985. C’est un ouvrage comptant 141 pages.

Nous avons fait le choix de travailler sur trois chapitres successifs, intitulés :

-L’hygiène du milieu et les services de santé : de la page 69 à la page 82.-Approche systémique de l’hygiène du milieu : de la page 83 à la page 116.

-Pour un programme national d’hygiène du milieu : de la page 117 à la page 128.

Le français écrit avec un niveau de langue soutenu.

Thème Thèse

1. Médical : Quels sont les programmes sanitaires ?La prévention sanitaire, la culture et l’éducation sanitaire, leurs enjeux, leurs limites.

2. Politique :Comment se gère la santé dans un jeune pays ?Quels sont les défis socioéconomiques et sanitaires pour les pouvoirs publics ? Quelle est l’actualité sanitaire des dernières décennies ?Quelles sont les stratégies de prévention et de traitement ?

3. Philosophique : Concepts généraux de l’humanité et autres de la métaphysique :Qu’est-ce que la santé, le bonheur, le bien être, le développement, la civilisation, le modernisme, l’homme, sa vie, son rôle sur terre, le devenir de l’humanité, les courants idéologiques, la technologie, la relative puissance de l’homme ?Qu’est-ce que la sagesse ?Quel est le rôle des programmes sanitaires ?Quelles sont les nouvelles menaces?

L’épineux problème de la relativité des concepts-clés de l'humanité à savoir son progrès, sa culture mais aussi son devenir.

Modifier l’opinion publique :

1. vis-à-vis de la culture sanitaire

et

2. vis-à-vis de la prévention sanitaire

2.2. L’argumentation dans le discours sanitaire

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Chapitre I : Le discours sanitaire entre analyse du discours et linguistique des représentations discursives

C’est l’étude de l’argumentation proprement dite : intention de l’auteur et stratégie argumentative ; par l’étude du lexique, de ses valeurs éthiques, déontologiques, des rapports logiques et des figures de style.

Intention de l’émetteur Stratégie argumentative

Défense d’une position philosophique, réaliste de la prévention sanitaire : le droit à la santé, à un programme sanitaire global pour garantir la pérennité de l’espèce humaine sur terre.

1. Lexique scientifique relatif aux concepts et domaines clés du corpus (médecine, politique, philosophie). 2. Valeurs éthiques et déontologiques relatives à la santé, à l’humanité, au développement, au droit de savoir, d’informer.3. Rapports logiques :cause, conséquence, but, comparaison, etc. (étudiés dans les connecteurs).4. Figures de style : étudiées dans les chapitres suivants.

2.3. Le discours sanitaire entre genre et type

L’étude du genre de texte et du type de discours permet de dire que le corpus appartient au genre littéraire dit prose : c’est un discours écrit, qui n'est soumis à aucune des règles de la versification ; selon Molière « tout ce qui n'est point prose est vers; et tout ce qui n'est point vers est prose »1.

C’est un texte principalement argumentatif car l’auteur défend un point de vue, une thèse : le droit à la santé, à un programme sanitaire global pour garantir la pérennité de l’espèce humaine sur terre.Précisons toutefois que donner un type à un discours revient à choisir entre la typologie de Jakobson fondée sur les six fonctions du langage, celle de Benveniste basée sur l’énonciation, celle de Fiques liée à des processus cognitifs et distinguant cinq types structuraux, ou encore celle de Werlich identifiant cinq types beaucoup plus pratiques et didactiques (descriptif, narratif, expositif, instructif, argumentatif) et qui font dire à Adam que tout discours est fondamentalement complexe, constituant «  un entrelacs hétérogène de séquences textuelles »2. Par ailleurs, Maingueneau3 signale la difficile mission de dresser une typologie imparable et réfute toute classification définitive en raison des perpétuels changements des besoins de la communication humaine.4

1Le grand Robert.2Baghli Mami, F. (2009), Le langage soufi dans Les terrasses d’Orsol de Mohammed Dib, mémoire en sciences du langage, université de Sidi Bel Abbès, pp. 40-41.3Maingueneau, D. (2009), Les termes clés de l’analyse du discours, Paris, Seuil, p. 130.4Maingueneau, D. (2009), Les termes clés de l’analyse du discours, Paris, Seuil, p. 132.

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Chapitre I : Le discours sanitaire entre analyse du discours et linguistique des représentations discursives

Ainsi pour Maingueneau,1 « tout texte relève d’une catégorie de discours, d’un genre de discours et il en conclut qu’il existe donc des typologies de diverses sortes ». C’est pour cela, rajoute-t-il, qu’il vaut mieux recourir « à des typologies fonctionnelles (discours juridique, religieux, etc.) ou formelles (discours narratif, expositif, argumentatif etc.) ».2

A priori, le discours sanitaire est évidemment médical, totalement scientifique, fondé sur un lexique médical (qui compte en langue française entre 20 000 et 30 000 mots) composé de lexèmes du français courant, enrichi au fil du temps grâce aux 10 000 autres termes ; néologismes médicaux construits à partir de 500 racines latines et surtout grecques,  « qui à l’aide d’une sémantique rigoureuse »,3 décrit le corps humain, sa physiologie, la pathologie, l’étiologie et la pathogénie, la physiopathologie, le diagnostic et le pronostic (incluant la clinique et la paraclinique) et enfin le traitement et la prévention.

Par ailleurs, ce discours s’inscrit dans un registre réaliste à travers les multiples détails « empruntés à la réalité et l’usage d’une langue proche et familière ».4

Cependant, en réalité et pour un légitime intérêt de prévention publique, ce discours sanitaire est politique et par conséquent administratif, avec des aspects de discours instructif, argumentatif et surtout injonctif. Néanmoins, nous pouvons penser que c’est un discours à postériori philosophique dicté par l’intention tacite des Hommes à se préserver.

Développons encore en citant un médecin5 responsable de l’assurance maladie et comme tout médecin, en définitive responsable de « l’assurance santé » :

Je pense que le discours sanitaire est une sagesse qui doit suivre une ligne harmonieuse avec la nature et en parfaite connaissance et mise à jour des dangers prouvés par la science, appliqué à une population, la conduite deviendra politique accompagnée de l'argument religieux qui facilite la conviction et l'adhésion pour ceux qui ont déjà la foi.

Je pense aussi que c'est un discours qui ne peut être tenu que par des philanthropes déchargés des vices du profit.

D’un autre côté, une petite rétrospective dans un article signé par le linguiste et chercheur algérien Ghriss, retraçant le parcours de la littérature algérienne depuis l’indépendance, il est intéressant de comprendre – à cette époque – « la prééminence de la tendance idéologique des thématiques politisées et conceptualismes didactiques, à peine voilés »6, marginalisant quelque peu l’art mais n’excluant pas totalement la créativité.

1 Maingueneau, D. (2002), Analyser les textes de communication, Paris, Nathan, p. 45. 2 Maingueneau, D. (1993), Analyse du discours et archive, Collection « Annales Littéraires de l’Université de Franche-Comté », Besançon, Presses Universitaires de Franche-Comté, p. 100.3 Mornex, R. (1993), Initiation à la médecine, Paris, Expansion Scientifique Française, p. 169.4 Zaboot, T. (2010), Comment élaborer une thèse de doctorat ?, Tizi Ouzou, Carrefour culturel, p. 285 Benazzeddine, O. (2012), Le discours sanitaire. Site internet http://www.lyceepasteuroran.com/discours_sanitaire.htm. (consulté le 2/9/12).

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Chapitre I : Le discours sanitaire entre analyse du discours et linguistique des représentations discursives

L’auteur Aroua devait vraisemblablement s’inscrire dans cette lignée, puisque pour Ghriss, les auteurs et écrivains algériens de divers horizons ont su, d’une manière générale, dans des périodes d’écriture différentes, travailler le texte littéraire en lui apportant des  « fonctionnalités langagières signifiantes modernes »1 pour accéder à l’universalité, quelles qu’eussent été leurs publications ; littérature proprement dite, presse, etc.

2.4. Le discours sanitaire entre espace et tempsL’étude de l’espace et du temps de communication permet de déduire qu’il

s’agit d’un « bilan de santé » de l’Algérie des années 80 depuis son indépendance avec toutefois un historique colonial, incluant néanmoins une vision à long terme et des perspectives2 à l’échelle planétaire et pour toute l’espèce humaine.

Un travail comparable a été fait dans le cadre d’une thèse de doctorat en médecine3 présentée et soutenue au lendemain de l’indépendance par le Dr Amir en 1963 ; avec un avant et un après 1830, plus détaillé notamment pour la période de la guerre de révolution. Pour le futur du pays, l’ancien responsable compare l’actualité « sanitaire » de divers pays, dresse les stratégies de prévention sanitaire pour publier en 1986 sa thèse ainsi développée et enrichie, et pour qui « Contribuer à l’étude de l’Histoire, en 1963, ne pouvait être envisagé qu’avec une perspective d’avenir. ».4

Signalons quand-même au passage, que des publications médicales, de prévention sanitaire existent5 en Algérie, déjà au XIX° siècle, dont celle du Cheikh Ibn Mostafa Khodja (1865-1915), d’El Hafnaoui Ibn Echeikh (1850-1927) et de Mohammed Ben Mostefa Kamal auteur d’un livre sur les quarantaines paru en 1896.

2.5. L’implicite dans le discours sanitaireLa recherche de l’implicite par l’étude du présupposé, du sous-entendu,

des figures de style est faite dans le deuxième chapitre, essentiellement avec l’approche de la linguistique des représentations discursives (LRD). 2.6. Les connecteurs dans le discours sanitaire

6 Ghriss, M. (2009), « De la littérature algérienne pluraliste moderne », Le Quotidien d’Oran, p. 26 du 10/01/2009. 1 Ghriss, M. (2009), « De la littérature algérienne pluraliste moderne », Le Quotidien d’Oran, p. 26 du 11/01/2009.2 Selon également l’article du quotidien algérien El Watan, le Dr Aroua défendait «  un concept fondamental et avant-gardiste qui rétablit l’homme dans l’unité indivisible de l’ensemble de ses dimensions, puis dans ses rapports avec le milieu qui l’entoure et enfin dans sa finalité existentielle.(…) » La vision optimiste de l’auteur disparu  « et puissamment civilisatrice, s’ouvre sur une réflexion essentiellement évolutive qui doit tenir compte du contexte global dans lequel elle se place ».A nos yeux, seuls deux problèmes sanitaires n’ont pas été abordés par l’auteur dans le livre dont est tiré notre corpus, car non encore apparus : les conséquences de la culture des OGM et celles de l’élevage des vaches avec les farines animales ; deux crises majeures qui ont marqué l’agriculture, la santé animale et humaine à partir de la fin du XXème siècle.3 Amir, M. (1986), Contribution à l’étude de l’histoire de la santé en Algérie, Alger, OPU, p 3.4 Amir, M. (1986), Contribution à l’étude de l’histoire de la santé en Algérie, Alger, OPU, p 24.5 Khiati, M. (2000), Histoire de la médecine en Algérie. De l’Antiquité à nos jours, Rouiba, ANEP, p. 167.

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Chapitre I : Le discours sanitaire entre analyse du discours et linguistique des représentations discursives

Les connecteurs qui introduisent des rapports logiques sont étudiés et traités avec la même approche LRD pour ceux qui sont pertinents, dans le deuxième chapitre également.

En guise de récapitulation à ce premier volet (partie A), nous pouvons dire que l’auteur défend la santé dans son jeune pays tout en traçant une feuille de route sanitaire pour son avenir. Il n’exclut pas le monde dans cette prévention quasi philosophique, pour garantir la pérennité de l’espèce humaine sur terre.Pour cela, il fait appel à un discours essentiellement argumentatif avec un lexique scientifique relatif aux concepts et domaines clés du corpus, médecine, politique, philosophie, avec une prédominance de cette dernière.

Son message, la culture sanitaire individuelle et publique, tente avec beaucoup d’optimisme et d’impulsion civilisatrice de modifier l’opinion publique à son égard, visant, en définitive avec une stratégie discursive de persuasion, à amener tout lecteur à prendre conscience de l’importance de la santé tant individuelle que publique ; concept et système. Le discours sanitaire y est orienté.

Partie B : Questions véritables, rhétoriques, orientées ou l’art de poser les questions

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Chapitre I : Le discours sanitaire entre analyse du discours et linguistique des représentations discursives

Introduction

Dans une approche linguistique des représentations discursives LRD, il est impératif d’étudier comment sont-elles posées les questions à travers le corpus.Nous verrons justement que ces « énoncés interrogatifs sont un lieu potentiel de manifestations des positionnements adoptés par le locuteur à l’égard des points de vue construits par son discours »1 convoquant par conséquent une approche polyphonique de ce dernier.

Schématiquement, ce sous-chapitre est composé de deux parties : -la partie théorique, expliquant qu’est-ce qu’une question en LRD, est intitulée : L’emploi des questions en linguistique des représentations discursives.-la partie pratique, mettant en application les notions théoriques précédemment vues par une analyse linguistique du corpus, en l’occurrence des énoncés interrogatifs, est intitulée : L’interrogation dans le discours sanitaire.

Nous procédons avec la classification globale suivante aussi bien en théorie et qu’en analyse :

1. Les questions directes 2. Les questions indirectes

A la fin de chaque partie traitant des questions directes et des questions indirectes, une récapitulation est faite pour élaborer une synthèse également en fin de ce deuxième volet du premier chapitre pour déterminer la nature orientée-neutre du discours sanitaire.

I. L’emploi des questions en linguistique des représentations discursives

1 Haillet, P.P. (2007), Pour une linguistique des représentations discursives, Bruxelles, De Boeck, p. 159.

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Chapitre I : Le discours sanitaire entre analyse du discours et linguistique des représentations discursives

Les énoncés interrogatifs se présentent sous les formes suivantes (avec des organisations variées) et seront présentées en deux grandes classes ; interrogatives directes puis indirectes : 1. Interrogatives directes avec ou sans la marque de ponctuation ; le point d’interrogation : 1.1. Questions directes totales : Ce sont des interrogatives « qui s’accommodent des réponses oui ou non « tout court » ».1

On en distingue deux types :1.1.1. Questions totales indépendantes syntaxiquement  (avec un point d’interrogation) admettant une seule réponse oui ou non « tout court ». Notons les syntaxes suivantes : -les interropositives inversées ; exemple : Faisait-il beau pendant votre séjour ?-les interropositives marquées par est-ce que ; ex : Est-ce qu’il faisait beau… ?-les interropositives intonatives ; ex : Il faisait beau …?-les interronégatives inversées ; ex : Ne faisait-il pas beau… ?-les interronégatives marquées par est-ce que ; ex : Est-ce qu’il ne faisait pas beau… ?-les interronégatives intonatives ; ex : Il ne faisait pas beau …?

1.1.2. Questions totales enchâssées (sans point d’interrogation). Elles sont intégrées dans une phrase complexe le plus souvent, une déclarative ou une impérative.Rappelons qu’une phrase déclarative2 constitue avec les phrases interrogatives, exclamatives ou impératives une modalité de la phrase portant la même dénomination.Ces questions admettent des réponses oui  et  non  qui ne sont pas les seules d’ailleurs.Elles sont schématisées par la séquence si + syntagme nominal + syntagme verbal.Les deux syntagmes commutant avec le quelle que soit la polarité de la question :-les enchâssées interropositives ; ex : On se demandait s’il faisait beau pendant votre séjour ; On se le demandait.- les enchâssées interronégatives ; ex : On se demandait s’il ne faisait pas beau pendant votre séjour ; On se le demandait.

Précisons dès maintenant que dans les questions totales (indépendamment de la forme), le locuteur demande au destinataire du discours de prendre position à l’égard du point de vue PDV formulé grâce à l’assertion sous-jacente ASJ à l’interrogation.3

Notons que par convention, l’assertion sous-jacente ASJ (concept forgé par Haillet) est le plus souvent une déclarative élaborée par la soustraction des marques de l’interrogation à la question elle-même.4

1 Haillet, P.P. (2007), Pour une linguistique des représentations discursives, Bruxelles, De Boeck, p. 121. 2 Bentolila, A. (1995), Grammaire, Paris, Le Robert et Nathan, p. 132.3 Haillet, P.P. (2007), Pour une linguistique des représentations discursives, Bruxelles, De Boeck, p. 122.

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Chapitre I : Le discours sanitaire entre analyse du discours et linguistique des représentations discursives

En grammaire, la phrase déclarative  « permet d’indiquer l’attitude que l’on adopte à l’égard du fait que l’on énonce ».1 Elle peut être affirmative ou négative.2 Quant à la phrase, Ducrot la définit en 1980, comme étant «  une entité linguistique abstraite, purement théorique, en l’occurrence un ensemble de mots combinés selon les règles de la syntaxe ».3 On doit considérer cet ensemble en dehors de toute situation de discours ; « ce que produit un locuteur, ce qu’entend un auditeur, ce n’est donc pas une phrase, mais un énoncé particulier d’une phrase ».4

Pour Maingueneau,5 le PDV a de multiples valeurs en sciences du langage, notamment en AD selon que l’on travaille en narratologie ou en polyphonie.

Par ailleurs, pour Haillet « une question totale indépendante syntaxiquement constitue une représentation particulière d’un point de vue déterminé par rapport à l’assertion sous-jacente »6 dont la polarité est identique à la question totale, exceptionnellement opposée7 ; dans deux cas de figure8 (utilisation de un peu, passablement, jamais, quoi que ce soit…). Autrement dit, la polarité est identique à la question totale, mais opposée dans deux cas de figure :1er cas : certaines interronégatives comportant des éléments incompatibles avec une ASJ polarité négative tels que : un peu, passablement.Il en résulte une ASJ de polarité opposée donc positive. 2ème cas : certaines interropositives comportant des éléments incompatibles avec une ASJ polarité positive tels que : jamais, quoi que ce soit. Nous aurons ici encore une ASJ de polarité opposée donc négative.

Présentons une autre spécificité LRD et qui classe les énoncés interrogatifs selon le critère purement linguistique (non morphosyntaxique), relatif à l’attitude du locuteur. .Les questions totales peuvent être classées dans l’une des catégories suivantes :

-véritable : la question est une simple demande d’information du locuteur qui reste neutre, « innocent » dans son questionnement, ne connait pas la réponse qui

4 Haillet, P.P. (2007), Pour une linguistique des représentations discursives, Bruxelles, De Boeck, p. 122.1 Bentolila, A. (1995), Grammaire, Paris, Le Robert et Nathan, p. 132.2 Bentolila, A. (1995), Grammaire, Paris, Le Robert et Nathan, p. 132.3 Haillet, P.P. (2011), polycopié du séminaire d’analyse du discours basée sur la linguistique des représentations discursives, p. 1.4 Haillet, P.P. (2011), polycopié du séminaire d’analyse du discours basée sur la linguistique des représentations discursives, p. 1.5 Maingueneau, D. (2009), Les termes clés de l’analyse du discours, Paris, Seuil, p. 98.6 Haillet, P.P. (2007), Pour une linguistique des représentations discursives, Bruxelles, De Boeck, p. 122.7 Haillet, P.P. (2007), Pour une linguistique des représentations discursives, Bruxelles, De Boeck, p. 123.8 Ce n’est pas limité à ces 4 éléments, d’autres existent avec par exemple : N’a-t-elle pas beaucoup travaillé ? (Elle a beaucoup travaillé)  et Ont-ils fait quelque chose pour l’aider ? (Ils n’ont rien fait pour l’aider). Des ASJ de polarité opposée aux questions totales.

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Chapitre I : Le discours sanitaire entre analyse du discours et linguistique des représentations discursives

peut être l’ASJ A, non A, ni A, ni non A, peut être A, etc. Il n’a pas d’attitude particulière vis-à-vis de A1 car aucun PDV ne lui est attribué. Autrement dit, on ne peut attribuer au locuteur de l’interrogative aucun positionnement à l’égard de l’ASJT.Exemple : Le train de 10h, est-il arrivé ? Le locuteur n’a pas de PDV, s’informe de l’arrivée du train. Les réponses qu’il peut recevoir sont : oui, non, peut être, on ne sait pas. -rhétorique : représentant comme évidente la réponse correspondant au point de vue paraphrasable par l’ASJ ou à son opposé. Autrement dit, on attribue au locuteur le PDV correspondant à l’ASJ ou au contraire de l’ASJ. Le locuteur ne cherche pas de réponse au près de son interlocuteur, il lui « impose »2 une réponse « allant de soi ».3 Par conséquent, ce n’est pas une vraie question.Exemple : Le train de 10h, est-il encore en retard ? ASJ : Le train de 10h est encore en retard.Le PDV correspond ici à l’ASJ et représente une réponse « allant de soi ». L’attitude du locuteur est de faire admettre son PDV au destinataire ; le train de 10h n’est jamais à l’heure.

-orientée : ou dirigée car interprétée comme une demande de confirmation quand, pour Haillet, le locuteur exprime, plus ou moins clairement, « sa prédisposition à admettre tel ou tel point de vue susceptible de constituer une réponse à sa question ».4 Autrement dit, on attribue au locuteur une prédisposition à admettre plutôt le PDV correspondant à l’ASJ que celui qui correspond à son contraire ou inversement. On ne va pas alors jusqu’à lui attribuer un PDV bien tranché. Son interlocuteur devra choisir l’un ou l’autre, mais pas les deux en même temps.Là aussi, le locuteur feint chercher une réponse auprès du destinataire de son discours mais en fait il la soupçonne et tente de l’affirmer de manière plus « diplomatique ».5 Exemple : Vous devez être encore choqués. Vous êtes venus en voiture cette fois-ci. Vous n’aimez plus le train ?Le locuteur demande une confirmation, il est prédisposé à admettre le PDV Vous n’aimez plus le train  et non son contraire Vous aimez le train. Le destinataire choisira une seule proposition de réponse sur les deux, en fait celle à laquelle s’attend le locuteur.

Les questions totales sont donc situées sur un continuum dont les deux extrêmes sont véritables et rhétoriques, entre elles le locuteur n’a pas de position tranchée clairement car il peut admettre l’un ou l’autre des points de vue. C’est le domaine des questions orientées où le locuteur exprime une demande de prise de position 1 Haillet, P.P. (2007), Pour une linguistique des représentations discursives, Bruxelles, De Boeck, p. 124.2 Le récepteur garde toute sa liberté (ce point est traité dans une autre note de bas de page).3 Haillet, P.P. (2007), Pour une linguistique des représentations discursives, Bruxelles, De Boeck, p. 125.4 Haillet, P.P. (2007), Pour une linguistique des représentations discursives, Bruxelles, De Boeck, p. 125.5 Haillet, P.P. (2009), séminaire d’analyse du discours basée sur la linguistique des représentations discursives, notes personnelles.

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Chapitre I : Le discours sanitaire entre analyse du discours et linguistique des représentations discursives

quant à l’ASJ tout en invitant son interlocuteur à prendre en charge l’ASJ correspondant « à la réponse représentée comme prévisible ou espérée ».1

---------------------------------------------------------------------------QT. Véritables QT. Orientées QT. Rhétoriques

1.2. Questions directes partielles : Elles « n‘admettent ni oui ni non comme réponses »2 et l’attitude du locuteur vis-à-vis du destinataire est de l’inviter à se positionner par rapport à l’ASJP. Le locuteur ayant adopté le PDV correspondant soit l’ASJP A soit à son opposée non A.3 A l’instar des interrogatives totales, elles peuvent être soit véritables, soit rhétoriques ou encore orientées avec certaines distinctions dans les définitions.

D’un autre point de vue (forme ; présence ou non du point d’interrogation), les questions directes partielles peuvent être classées en deux catégories :

1.2.1. Questions partielles indépendantes syntaxiquement (avec point d’interrogation) et caractérisées par un segment interrogatif tel qu’un pronom (qui, quoi…), ou un adverbe (où, comment…), ou un syntagme où un nom se combine avec quel (ou quelle, ou quels, ou quelles) ou avec combien de. Notons les syntaxes suivantes :-les interropositives intonatives ; exemple : Pourquoi il a fait ce choix ?-les interropositives en est-ce que ; ex : Pourquoi est-ce qu’il a fait ce choix ?-les interropositives inversées ; ex : Pourquoi a-t-il fait ce choix ?-les interronégatives intonatives ; ex : Pourquoi il n’a pas fait ce choix ?-les interronégatives en est-ce que ; ex : Pourquoi est-ce qu’il n’a pas fait ce choix ?- les interronégatives inversées ; ex : Pourquoi n’a-t-il pas fait ce choix ?1.2.2. Questions partielles enchâssées (sans point d’interrogation) : Elles n’admettent pas oui  et  non comme réponses et sont schématisées par la séquence syntagme interrogatif + syntagme nominal + syntagme verbal.

La commutation se fait avec le quelle que soit la polarité de la question :- les enchâssées interropositives ; ex : On se demandait pourquoi il a fait ce choix ; On se le demandait.- les enchâssées interronégatives ; ex : On se demandait pourquoi il n’a pas fait ce choix ; On se le demandait.Notons que le syntagme interrogatif varie avec toutes les possibilités des compléments circonstanciels, nous aurons ainsi : demander + pourquoi, demander + quand, demander + où, demander + comment, etc. 1 Haillet, P.P. (2007), Pour une linguistique des représentations discursives, Bruxelles, De Boeck, p. 124.2 Haillet, P.P. (2007), Pour une linguistique des représentations discursives, Bruxelles, De Boeck, p. 121.3 Haillet, P.P. (2007), Pour une linguistique des représentations discursives, Bruxelles, De Boeck, p. 147.

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Chapitre I : Le discours sanitaire entre analyse du discours et linguistique des représentations discursives

Elles sont de véritables1 questions quand le locuteur adopte le PDV correspondant à l’ASJP et non par ailleurs un PDV susceptible de constituer une réponse spécifique à la question posée (cas des formulaires et autres questionnaires).Exemple : Combien de sachets d’aspirine prenez-vous par jour ?PDV correspondant à l’ASJP : Vous prenez un certain nombre de sachets d’aspirine par jour.PDV susceptible de constituer une réponse spécifique à la question posée : Vous prenez plus d’un sachet d’aspirine par jour.Le locuteur n’a aucune préférence pour quelque PDV pouvant incarner la réponse. Il adopte le cadre discursif correspondant à l’ASJP, en l’occurrence (ici : vous prenez un certain nombre de sachets d’aspirine par jour).Dans ce cas, le locuteur de la question adopte le cadre discursif correspondant à l’ASJP (Vous prenez un certain nombre de sachets d’aspirine par jour).

Elles peuvent être également des questions orientées.Exemple :Combien de sachets d’aspirine prenez-vous par jour ?PDV correspondant à l’ASJP : Vous prenez un certain nombre de sachets d’aspirine par jour.PDV susceptible de constituer une réponse spécifique à la question posée : Vous prenez plus de trois sachets d’aspirine par jour, votre boite est presque vide.Le cadre discursif correspondant à ce PDV nous fait penser que le locuteur « refuse » la réponse bien tranchée (au moins trois) puisqu’il soupçonne un chiffre au-delà de trois. Il demande une confirmation.

Elles peuvent aussi constituer des questions rhétoriques2 avec un PDV évident « allant de soi » attribué au locuteur avec deux cas de figure et donc deux possibilités de réponse :

-le point de vue correspondant au contraire de l’ASJP, c'est-à-dire opposé à l’ASJP comme dans la question rhétorique totale. Exemple : A quoi servent certains sites et forums « autoproclamés » sanitaires, angoissants et non guidés par des médecins ? PDV : Certains sites et forums « autoproclamés » sanitaires, angoissants et non guidés par des médecins ne servent pas à grand-chose. Il est vrai qu’on peut considérer que l’ASJP peut être formulée ainsi : Certains sites et forums « autoproclamés » sanitaires, angoissants et non guidés par des médecins servent à quelque chose. Or, le cadre discursif (autoproclamés,

1 Haillet, P.P. (2007), Pour une linguistique des représentations discursives, Bruxelles, De Boeck, p. 148.2 Haillet, P.P. (2007), Pour une linguistique des représentations discursives, Bruxelles, De Boeck, p. 148.

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Chapitre I : Le discours sanitaire entre analyse du discours et linguistique des représentations discursives

angoissants et non guidés par des médecins) penche vers un locuteur qui adopte plutôt en toute logique un PDV opposé, le contraire de l’ASJP. -le point de vue correspondant à l’ASJP en plus d’un PDV correspondant à une réponse spécifique ; une sorte de détails supplémentaires.Exemple : Avec les scandales successifs des laboratoires pharmaceutiques et la puissance croissante de leurs lobbies internationaux, à qui ferais- je confiance ? ASJP : Avec les scandales successifs des laboratoires pharmaceutiques et la puissance croissante de leurs lobbies internationaux, je ferais confiance à quelqu'un.PDV1 ; contraire de l’ASJP : Je ne ferais confiance à personne.PDV2 : Je ne ferais confiance à aucun des laboratoires pharmaceutiques impliqués dans des scandales sanitaires.

Exemple :Votre boite est intacte, combien de sachets d’aspirine prenez-vous par jour ?PDV correspondant à l’ASJP : Vous ne prenez aucun sachet d’aspirine.Le PDV correspond ici à la réponse (zéro) représente une réponse « allant de soi », puisque la boite est intacte. Ce n’est pas une vraie question, le locuteur exige une meilleure observance quant au traitement quotidien.La question peut être interprétée comme rhétorique.

Signalons quand même l’existence d’un autre1 cas de figure où l’on hésite entre un PDV opposé à l’ASJ et un PDV moins négatif, atténué, une sorte d’euphémisme. Exemple : Où va la déontologie médicale, quand on fait passer les nouvelles thérapies en phase d'essai pour de véritables soins médicaux chèrement payés par les malades ou quand on peut acheter des médicaments (vrais ou faux) sur internet ?PDV 1 : La déontologie médicale ne va nulle part. PDV opposé à ASJ.PDV 2 : La déontologie médicale prend une mauvaise direction. PDV atténué par rapport à ASJ.

1.3. Questions alternatives : ce sont des interrogatives particulières2 dans le sens où elles ne s’accommodent pas des réponses oui ou non « tout court » (caractéristiques des questions partielles) et leur enchâssement se fait en « si », sous forme de séquences + si + syntagme nominal + syntagme verbal et qui comme dans les questions totales commute avec « le ».Nous commentons par conséquent l’énonciation dans ces interrogations par la paraphrase suivante : le locuteur demande si +SN+SV1 ou si + SN+SV2.

En définitive, une question alternative est une double question avec un choix proposé au destinataire du discours, par laquelle le locuteur lui demande de

1 Haillet, P.P. (2007), Pour une linguistique des représentations discursives, Bruxelles, De Boeck, p. 149. 2 Haillet, P.P. (2007), Pour une linguistique des représentations discursives, Bruxelles, De Boeck, p. 142.

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Chapitre I : Le discours sanitaire entre analyse du discours et linguistique des représentations discursives

prendre position par rapport aux deux assertions sous-jacentes contenues chacune dans un énoncé interrogatif et schématisées par ASJ1 et ASJ2.Exemple : Vous prenez un dessert ou vous préférez un café ?La réponse n’est pas oui ou non mais va dans le sens d’un des deux points de vue correspondants à ASJ1 (Vous prenez un dessert) ou à ASJ2 (vous préférez un café). Nous pouvons commenter l’énonciation par la paraphrase suivante : On vous demande si vous prenez un dessert ou si vous prenez un café. La commutation avec le de cette question sera : On vous le demande.

2. Interrogatives indirectes Précisons tout d’abord deux éléments primordiaux pour toutes les

interrogatives :- l’opposition « directes/indirectes » ne renvoie pas1, en LRD, à la dichotomie « indépendantes syntaxiquement / enchâssées ».- le critère (de définition d’une question directe ou non) est la coïncidence – ou non – de l’origine de la question avec l’origine du discours dont elle fait partie.

Par conséquent, le contexte est une condition importante dans cette interprétation et c’est donc l’environnement discursif qui permet d’interpréter certaines questions indépendantes syntaxiquement comme attribuées à une instance distincte du locuteur.

2.1. Interrogatives totales interprétées comme indirectes Dans cette forme, c’est une autre instance autre que le locuteur en tant que

tel qui demande au destinataire du discours de prendre position à l’égard de l’assertion sous-jacente à l’interrogation. Cette émanation distincte fait toute la différence et opère une mise en scène ; le dire sans le dire, en le faisant dire par un bruit, une rumeur, un murmure ; une autre origine.Exemples :

(1) Est-ce que l’inauguration du nouvel hôpital aura lieu le mois prochain?(2) Nous nous demandons si l’inauguration du nouvel hôpital aura lieu le mois

prochain?(3) Tout le personnel impatient s’interroge : Est-ce que l’inauguration du

nouvel hôpital aura lieu le mois prochain?(4) Pour une meilleure préparation, il va falloir nous informer si

l’inauguration du nouvel hôpital aura lieu le mois prochain. (5) Vu le suspense, certains journalistes essaient de savoir si l’inauguration du

nouvel hôpital aura lieu le mois prochain.(6) On ne va tout de même pas demander aux riverains si l’inauguration du

nouvel hôpital aura lieu le mois prochain.

Dans les questions (1) et (2), respectivement question directe totale indépendante syntaxiquement et question directe totale enchâssée, le locuteur en tant que tel et qui est à l’origine du discours demande au destinataire de ce dernier de prendre position à l’égard de l’ASJ à l’interrogative.Or dans (3), (4), (5) et (6) qui représentent en fait la question Est-ce que l’inauguration du nouvel hôpital aura lieu le mois prochain?, il y a autre instance

1 Haillet, P.P. (2007), Pour une linguistique des représentations discursives, Bruxelles, De Boeck, p. 128.

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Chapitre I : Le discours sanitaire entre analyse du discours et linguistique des représentations discursives

autre que le locuteur en tant que tel qui demande au destinataire d’avoir une attitude par rapport à l’ASJ l’inauguration du nouvel hôpital aura lieu le mois prochain.C’est une « mise en scène » de l’auteur pour poser la question sans la poser, se mettant tour à tour « derrière » tout le personnel, nous, certains journalistes et on.

.(7) Les malades à l’étroit dans l’ancien hôpital ne vont-ils pas devoir

supporter encore un mois ?(8) Les engagements pris l’an dernier avec les fournisseurs du matériel

allaient-ils être respectés ?(9) Avec cette nouvelle acquisition, la santé se porterait-elle mieux ?

Une autre « mise en scène » de l’auteur est perceptible dans cet environnement discursif, c’est une instance distincte de l’auteur avec une interrogative au futur périphrastique1 ne vont-ils pas dans (7), avec une interrogative représentée comme ancrée à un moment passé2 allaient-ils dans (8) et enfin avec une interrogative au conditionnel temporel3 se porterait-elle dans (9).

Précisons qu’une interrogative totale au conditionnel temporel (indépendante syntaxiquement ou enchâssée) est automatiquement indirecte.4

2.2. Interrogatives partielles interprétées comme indirectes  Nous restons dans le même principe (opposition directe/indirecte) et leur

approche est similaire à celle des interrogatives totales5 avec la particularité des réponses « larges » des questions partielles.Autrement dit, toute question partielle est dite directe quand elle est interprétée comme attribuée au locuteur en tant que tel et sera dite indirecte lorsqu’elle est interprétée comme émanant d’une instance distincte de l’origine de l’énoncé6.

Exemple : Avec tout ce chantier et les travaux qui n’ont pas fini, à la direction de la santé, on envisage difficilement la suite. Comment va se passer l’inauguration du nouvel hôpital le mois prochain ? Le directeur malade, son adjoint en mission. Qui va recevoir le ministre de la santé ? Dans quelles conditions sera hébergée la délégation ministérielle ? Combien de journalistes au total y aura-t-il ?

1 Haillet, P.P. (2007), Pour une linguistique des représentations discursives, Bruxelles, De Boeck, p. 128.2 Haillet, P.P. (2007), Pour une linguistique des représentations discursives, Bruxelles, De Boeck, p. 129.3 Haillet, P.P. (2007), Pour une linguistique des représentations discursives, Bruxelles, De Boeck, p. 130.4 Haillet, P.P. (2007), Pour une linguistique des représentations discursives, Bruxelles, De Boeck, p. 131.5 Haillet, P.P. (2007), Pour une linguistique des représentations discursives, Bruxelles, De Boeck, p. 142.6 Haillet, P.P. (2007), Pour une linguistique des représentations discursives, Bruxelles, De Boeck, p. 149.

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Chapitre I : Le discours sanitaire entre analyse du discours et linguistique des représentations discursives

Nous sommes face à des questions partielles indépendantes syntaxiquement caractérisées des segments interrogatifs variés (comment, qui, dans quelles, combien) et interprétées toutes comme émanant d’une autre instance. Une véritable « mise en scène » pour décrire sans l’assumer la situation chaotique du futur hôpital.Le petit paragraphe de l’exemple pourrait être clôturé par l’énoncé On ne va tout de même pas demander aux malades et au personnel quand viendra la fin de leur attente, qui est donc une question partielle enchâssée où une autre instance est également perceptible. Il s’agit d’une interrogative partielle enchâssée interprétée comme indirecte.

Note : Précisons qu’il existe des questions totales et partielles au conditionnel temporel, au conditionnel d’hypothèse, au conditionnel d’altérité énonciative et que nous n’avons pas étudiées dans cette approche des questions en LRD. Nous le ferons par contre pour la seule question partielle au conditionnel temporel.

Explicitons maintenant discours neutre versus discours orienté.Pour déterminer la neutralité ou l’orientation d’un discours et pour savoir comment ce dernier est orienté c'est-à-dire vers quel type de conclusions, la LRD fait appel à des enchaînements « naturels » et compatibles par opposition aux enchaînements incongrus car incompatibles, dans le traitement des énoncés.Le discours est dit neutre quand un énoncé E admet à la fois un type X d’enchaînements et un type opposé Y d’enchaînements ; il n’est orienté ni vers X, ni vers Y. Exemple : Le train de 10h est arrivé. Enchaînement X : Je monte, j’arriverai à midi.Enchaînement Y (opposé à X) : Je ne monte pas, je préfère le rapide.Les deux enchaînements sont compatibles.Si un énoncé E admet un type X d’enchaînements mais non le type opposé Y, alors il est orienté vers X avec un type de conclusions. Il s’agit dans ce cas d’un discours orienté.Exemple : Le train de 10h est encore en retard. Enchaînement X : Je prends le car.Enchaînement Y (opposé à X) : Je ne prends pas le car.Seul l’enchaînement X est compatible et admet la conclusion je serai à l’heure.

II. L’interrogation dans le discours sanitaire

Nous avons repéré d’abord toutes les phrases interrogatives comprenant un point d’interrogation avec leurs contextes. Elles sont donc toutes des questions syntaxiquement indépendantes.

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Chapitre I : Le discours sanitaire entre analyse du discours et linguistique des représentations discursives

Au nombre de onze, elles sont étudiées, après leur classification morphosyntaxique. Nous étudierons donc la question elle-même à travers le locuteur, nous déterminerons car exprimerons le point de vue PDV attribué au locuteur grâce à une déclarative assez proche de l’énoncé lui-même. Cette opération a recours au verbe « paraphraser » pour le dire. Le point de vue PDV une fois précisé, nous chercherons à quelle ASJ il correspond ; soit « A », « non A », « ni A, ni non A », « peut être A », etc.

Elucidons davantage avec cet extrait d’un article1 du théoricien de la LRD :

[…] Produire un énoncé revient nécessairement à mettre en place au moins un point de vue – un angle de vue – sur l’objet correspondant. J’adopterai également le principe consistant à considérer qu’un point de vue est exprimé – ou paraphrasable – par un énoncé.[…]

Pour expliquer paraphrase, le linguiste ajoute :

Par souci de rigueur, les paraphrases forgées pour rendre compte de tel ou tel point de vue diffèrent le moins possible de l’énoncé qui le « met en scène ». Ainsi, par exemple, le point de vue représenté comme attribué à Max dans Max me dit que c’est le cas  sera paraphrasé par « C’est le cas », et le point de vue représenté comme attribué à Max dans Max me dit que vous êtes fatigués  sera paraphrasé par « Ils sont fatigués ».

Nous analyserons ainsi l’énoncé et dirons s’il s’agit d’une question véritable, rhétorique ou orientée. Nous dirons également si le discours est neutre ou orienté. Nous les citerons bien entendu dans leurs contextes, la page sur le corpus numérisé mentionnée au début. Nous parlerons par la suite des autres formes d’interrogations. Nous avons numéroté les questions selon leur ordre d’apparition chronologique dans le corpus pour permettre leur identification et par conséquent faciliter l’analyse par le tableau-récapitulation.

1. Les questions directes 

1.1. Les questions syntaxiquement indépendantes

1 ère question (page 15) 1 Haillet, P.P. (2009), « Repérages temporels construits par le discours et approche polyphonique des énoncés », Revue de Sémantique et Pragmatique, n° 25-26, Orléans, p. 197.

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Chapitre I : Le discours sanitaire entre analyse du discours et linguistique des représentations discursives

Si d'un côté, le développement nous donne les moyens de connaissance et de technique pour promouvoir les facteurs de santé et de bien être, ces mêmes moyens, s'ils ne sont pas raisonnablement conçus et utilisés, peuvent altérer le milieu naturel et affecter la santé de l'homme. Celui-ci aura-t-il la sagesse et la capacité de contrôler l'action en profondeur qu'il exerce sur la nature et sur lui-même, ou bien est-il engagé dans un processus irréversible de catastrophe ? Telle est la question angoissante que l'on est en droit de se poser.

Observons la forme1, il s’agit de la seule question alternative du corpus ; avec un enchâssement en « si » et une commutation avec « le » tout à fait possibles et correctes. Les réponses avec polarité positive oui ou négative non « tout court » sont inadéquates. Nous sommes en face du schéma de deux assertions sous-jacentes séparées par la conjonction « ou » ASJ1 ou ASJ2, ici en l’occurrence « ou bien ».ASJ1 : Celui-ci (l’homme) aura la sagesse et la capacité de contrôler l'action en profondeur qu'il exerce sur la nature et sur lui-même.ASJ2 : Il (l’homme) est engagé dans un processus irréversible de catastrophe.

L’enchâssement avec On se demande si nous permet de paraphraser ainsi : On se demande si celui-ci (l’homme) aura la sagesse et la capacité de contrôler l'action en profondeur qu'il exerce sur la nature et sur lui-même, ou bien s’il est engagé dans un processus irréversible de catastrophe.La commutation se fait avec l’énoncé suivant : On se le demande.

En observant la forme puis la syntaxe, nous pouvons dire qu’il s’agit d’une question alternative avec deux interrogatives  totales indépendantes syntaxiquement, deux interropositives inversées « Celui-ci aura-t-il...? » et « est-il engagé...? » avec l’idée de choix exprimée par ou 2, un choix – nous le verrons - pas si libre que cela; à faire entre les deux propositions exprimées par les assertions sous-jacentes.

Etudions les interrogatives en commençant par l’assertion sous jacente  l’ASJ, une déclarative qui ne diffère pas de la question puisqu’il s’agit de retrancher « syntaxiquement » les marques de l’interrogation.Détaillons : l’ASJ1 « A » de « Celui-ci aura-t-il...? » est une proposition de polarité positive : Celui-ci aura la sagesse et la capacité de contrôler l'action en profondeur qu'il exerce sur la nature et sur lui-même. L’ASJ2 « A » de la question « est-il engagé dans un processus irréversible de catastrophe ? » est une proposition positive : Il est engagé dans un processus irréversible de catastrophe.

1 En LRD, l’analyse débute par l’étude de la forme, suivie par celle de la syntaxe et enfin l’analyse linguistique proprement dite.

2 ou : Conjonction disjonctive, qui unit des termes, membres de phrases ou propositions ayant même rôle ou même fonction, mais sépare les idées (définition du Grand Robert, version numérisée).

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Chapitre I : Le discours sanitaire entre analyse du discours et linguistique des représentations discursives

Le locuteur demande au destinataire du discours de prendre position quant à « A » dans chacune des deux interrogatives : « A » : soit « A », « non A », « ni A, ni non A », « peut être A », etc.Dans ce contexte, il va vers l’ASJ1 « A » elle même ; c’est le premier point de vue PDV1 attribué au locuteur et vers l’ASJ2 « non A » qui correspond au deuxième point de vue PDV2.Remarquons qu’une ASJ2 « A » , de polarité positive « il est engagé dans un processus irréversible de catastrophe » est incompatible avec la question “est-il engagé dans ...?” dans un esprit positif, optimiste, mais si nous nous référons à la suite de l’énoncé « Telle est la question angoissante que l'on est en droit de se poser », nous pouvons penser que l’orientation va plutôt vers le PDV2 ; l’ASJ2 « non A ».

L’étude du locuteur des deux interrogatives « Celui-ci aura-t-il...? » et « est-il engagé dans...? » permet de le définir ; il est évident que c’est l’auteur du livre, du corpus lui même, qui met en scène deux points de vue :-PDV1 qui correspond à l’ASJ1 « A », sous-entendant l’homme qui a une position : une attitude sage et responsable, en harmonie avec la nature. -PDV2 correspondant à ASJ2 « non A », insinuant que l’homme a une autre position : une attitude contraire, définitivement destructrice de la nature. La question est angoissante, le locuteur penche plus nettement vers le PDV2 ; l’ASJ2 « non A ».

Interprétons les deux interrogatives : elles expriment une demande de prise de position quant aux ASJ, une attente du locuteur œuvrant à faire adopter au destinataire de la question les réponses contenues dans l’ASJ1 et l’ASJ2, autrement dit l’évidente sagesse et l’inéluctable capacité de l’homme à agir dans le bon sens pour l’intérêt de tous, l’évident engagement de l’homme dans le sens de la sauvegarde de la vie sur terre puisque le contraire évident c’est aller vers son extermination et la disparition de la vie sur la planète bleue.Ce sont deux interrogatives interprétées comme rhétoriques, le locuteur « imposant » une réponse évidente « allant de soi » pour chacune d’elles et où un PDV précis en lien avec l’ASJ est attribué à son locuteur (PDV1 correspondant à l’ASJ1 et PDV2 correspondant à l’ASJ2 opposée).

De ce fait, nous pouvons avancer que l’analyse en LRD de cette question alternative dans son contexte nous conduit à dire que son locuteur est prédisposé à admettre PDV2 plutôt que PDV1 et par là même il invite son interlocuteur à prendre en charge l’ASJ qui correspond à la réponse prévisible. Il s’agit au final d’une question orientée.

Le discours est orienté puisqu’un seul enchaînement est correct.Celui-ci aura-t-il la sagesse et la capacité de contrôler l'action en profondeur

qu'il exerce sur la nature et sur lui-même, ou bien est-il engagé dans un processus irréversible de catastrophe ? Telle est la question angoissante que l'on est en droit de se poser.

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Chapitre I : Le discours sanitaire entre analyse du discours et linguistique des représentations discursives

La question admet l’enchaînement X  Nous avons tous intérêt à agir pour sauver la terre et appelle le type de conclusion Il y a urgence. Son opposé le type Y d’enchaînement Nous n’avons pas tous intérêt à agir pour sauver la terre est incompatible.

2ème question (page 19) :La santé de l'homme dépend étroitement des conditions générales de son milieu et

de la qualité de ses rapports avec ce milieu. Mais n’est-il pas prématuré de parler de santé lorsque nous n'avons pas défini ce mot ?

Examinons la forme puis la syntaxe: il s’agit d’une une question totale indépendante syntaxiquement introduite par mais1. C’est une interronégative inversée « n'est-il pas…? ».Nous la considérons comme particulière par cet emploi justement de mais.Son assertion sous-jacente ASJ « A » est : Il n’est pas prématuré de parler de santé lorsque nous n'avons pas défini ce mot. C’est une proposition négative.

Il y a une demande faite au destinataire du discours de prendre position quant à « A » : soit « A », « non A », « ni A, ni non A », « peut être A », etc.Ici c’est l’ASJ « non A » c’est à dire : Il est prématuré de parler de santé lorsque nous n'avons pas défini ce mot. C’est une proposition positive, de polarité opposée à l’ASJ et qui va dans le même sens que l’orientation argumentative de la question.

Testons la combinaison de la question avec mais :-La santé de l'homme dépend étroitement des conditions générales de son

milieu et de la qualité de ses rapports avec ce milieu. Mais n’est-il pas prématuré de parler de santé lorsque nous n'avons pas défini ce mot ? -La santé de l'homme dépend étroitement des conditions générales de son milieu et de la qualité de ses rapports avec ce milieu. Mais il est prématuré de parler de santé lorsque nous n'avons pas défini ce mot.

Nous constatons aisément que l’interrogative Mais n’est-il pas prématuré de parler… commute avec l’ASJ opposée Mais il est prématuré de parler… et non avec l’ASJ « A » Il n’est pas prématuré de parler de… qui donne un enchaînement incongru :

-La santé de l'homme dépend étroitement des conditions générales de son milieu et de la qualité de ses rapports avec ce milieu. Mais il n’est pas prématuré de parler de santé lorsque nous n'avons pas défini ce mot.

Etudions le locuteur de l’interrogative : Par défaut, on attribue cette question à l’auteur du livre.

1 Haillet, P.P. (2007), Pour une linguistique des représentations discursives, Bruxelles, De Boeck, p. 126.

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Chapitre I : Le discours sanitaire entre analyse du discours et linguistique des représentations discursives

Son attitude à l’égard de l’ASJ « non A » (correspondant au PDV) est de chercher à faire admettre cette ASJ comme une réponse évidente. C’est le propos de l’interrogation rhétorique.

L’interprétation de cette question permet de dire qu’elle exprime une demande de prise de position quant au PDV, une attente du locuteur œuvrant à intégrer au destinataire de l’interrogation la réponse « allant de soi » et contenue dans l’ASJ « non A », autrement dit l’évidente nécessité de définir la santé avant d’en parler.En définitive, il s’agit d’une question interprétée comme rhétorique.

Le discours est orienté puisqu’un seul enchaînement est compatible.Mais n’est-il pas prématuré de parler de santé

lorsque nous n'avons pas défini ce mot ?La question admet l’enchaînement X  Nous ferions mieux de procéder par étapes et appelle le type de conclusion Les définitions d’abord. Son opposé Nous ne ferions pas mieux de procéder par étapes est incompatible.

3ème question (page 19) :

Qu'est-ce que la santé ?«C'est l'absence de maladie», serions-nous tentés de répondre a priori. Après mûre

concertation, l'OMS a estimé que «la santé n'est pas seulement l'absence de maladie, mais c'est aussi un complet bien être physique, mental et social».

Observons la forme puis la syntaxe: il s’agit d’une question indépendante syntaxiquement (avec point d’interrogation), partielle car caractérisée par un segment interrogatif identifié par un pronom que. Qu'est-ce que la santé ? est une interropositive, marquée par « Qu'est-ce que ». Son ASJP est « La santé est quelque chose. » de polarité positive.Partielle, elle n‘admet ni  oui  ni  non  comme réponses et peut être interprétée comme une demande de confirmation par rapport à la réponse donnée immédiatement après dans la suite du corpus « «C'est l'absence de maladie», serions-nous tentés de répondre a priori … ».

Ici, avec ce conditionnel et ce verbe tenter, serions-nous tentés,  le locuteur se situe dans le cadre discursif correspondant à l’ASJP et « sature » la place qui correspond au segment interrogatif, puisqu’il va au-delà de l’ASJP « La santé est quelque chose. ».Dans un premier temps, une simple définition, logique, de base : « la santé c’est l’absence de maladie ». Dans un second temps, une définition litotique, plus précise : «la santé n’est pas seulement l’absence de maladie » qui sous-entend un « mais bien plus » et donc une définition « surenchère » pour marquer l’importance de cette définition : « la santé n'est pas seulement l'absence de maladie, mais c'est aussi un complet bien être physique, mental et social ».

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Chapitre I : Le discours sanitaire entre analyse du discours et linguistique des représentations discursives

Le locuteur se place dans le cadre discursif correspondant à l’ASJP et est compatible avec 2 PDV susceptibles (une définition fondamentale et une autre, complémentaire) de constituer une réponse à sa question.

Dans ce cas précis, nous voyons clairement que la réponse à cette question est présente dans la suite de l’énoncé Après mûre concertation, l'OMS a estimé que «la santé n'est pas seulement l'absence de maladie, mais c'est aussi un complet bien être …Avec ce PDV (différent de l’ASJP), le locuteur complète ainsi ses explications pour exprimer en fait la réponse adéquate à son interrogation, car onusienne et élaborée après mûre concertation.Il y a donc une demande de confirmation par rapport à deux PDV relatifs à la définition de la santé : Définition 1 (PDV1) : la santé est l’absence de maladie.Définition 2 (PDV2) : la santé n’est pas seulement l’absence de maladie, mais c'est aussi un complet bien être physique, mental et social.

En définitive, le locuteur exprime sa prédisposition à admettre le 1er et le 2ème PDV mais penche quand-même vers le deuxième. C’est une demande tacite de prise en charge du 2ème PDV, dirigeant ainsi le destinataire du discours à privilégier le PDV retenu (ici le 2ème).C’est en fait une question orientée.

Le discours est orienté puisqu’un seul enchaînement est compatible.Qu'est-ce que la santé ?

La question admet l’enchaînement X  Définissons-la et appelle le type de conclusion C’est tout cela. Son opposé Ne la définissons pas est incompatible.

4ème question (page 19) : Ne peut-on pas aller plus loin ? Nous avons essayé de définir la santé en nous

situant sur trois niveaux.

1° niveau somatique : c'est l'intégrité anatomique et physiologique de l'ensemble des organes.

2° niveau cérébral (psychologique).C'est le fonctionnement harmonieux du cerveau, dans ses rapports avec les organes

qu'il gouverne et avec le monde extérieur, et dans sa propre conscience de ces rapports.

3° niveau environnemental.

C'est l'harmonie dans les rapports physiques et mentaux entre l'homme et l'ensemble de son environnement extérieur (nature, société, culture...).

D’un point vue forme, c’est une question totale indépendante syntaxiquement  admettant les réponses oui ou non.

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Chapitre I : Le discours sanitaire entre analyse du discours et linguistique des représentations discursives

D’un point de vue morphosyntaxique, « Ne peut-on pas… » est une interronégative inversée. Son assertion sous-jacente, une proposition négative, ASJ « A » : On ne peut pas aller plus loin. Il y a une demande faite au destinataire du discours de prendre position quant à « A » : soit « A », « non A », « ni A, ni non A », « peut être A », etc. et qui va vers l’ASJ « non A » : On peut aller plus loin. De ce fait, on attribue au locuteur le PDV « On peut aller plus loin. », correspondant au contraire de l’ASJ. Il est évident que le locuteur ne cherche pas de réponse au près de son interlocuteur, puisque la suite immédiate de l’énoncé offre une réponse « allant de soi » : Nous avons essayé de définir la santé en nous situant sur trois niveaux.

L’étude du locuteur de l’interrogative révèle une instance indéterminée (en fait l’auteur du livre). Son attitude à l’égard du destinataire est de chercher à faire admettre le PDV comme réponse évidente « allant de soi ». De plus, le fait de lui d’attribuer un PDV précis en lien avec l’ASJ (ici correspondant à son contraire), nous pouvons parler de question interprétée comme rhétorique.

Interprétons cette question : elle exprime une demande de prise de position quant au PDV (contraire de l’ASJ), une attente du locuteur œuvrant à faire adopter au destinataire de l’interrogation la réponse contenue dans la question autrement dit la possibilité d’aller plus loin.

En définitive, c’est une question interprétée comme rhétorique et le discours est orienté puisqu’un seul enchaînement est correct.

Ne peut-on pas aller plus loin ?La question admet l’enchaînement X  Nous pouvons détailler et appelle le type de conclusion C’est plus clair. Son opposé Nous ne pouvons pas détailler est incompatible.

5ème question (page 19) :

La santé ainsi définie existe-t-elle ?Il est évident que le parfait bien être dans ce monde ne peut être qu'une utopie, car

alors la santé se confondrait avec le parfait bonheur. Le bonheur hélas, est non seulement illusoire, mais son illusion même n'est qu'une polarisation conjoncturelle et passagère sur un objet ou une idée, par exemple une création artistique, une passion sentimentale, une promotion. Encore faut-il que cette impression de bonheur ne puisse s'affirmer qu'au prix d'un processus subconscient de censure, qui escamote les autres soucis de la veille, du moment ou du lendemain ?

Dans une conception de la santé forcément plus modeste, celle-ci ne peut être qu'un équilibre relatif dans et entre le corps, l'esprit et l'environnement. Et comme cet équilibre n'est jamais parfait, nous l'apprécions dans les limites tolérées d'un processus permanent d'adaptation et d'échanges entre les différentes parties de cet ensemble.

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Chapitre I : Le discours sanitaire entre analyse du discours et linguistique des représentations discursives

Observons la forme : c’est une autre question totale indépendante syntaxiquement  admettant la réponse oui ou non. Observons également la syntaxe « la santé ainsi définie existe-t-elle? » : il s’agit d’une interropositive inversée.Son assertion sous-jacente, une proposition positive, ASJ « A » : la santé ainsi définie existe.  On attribue au locuteur un PDV « la santé ainsi définie n’existe pas. », contraire donc à l’ASJ.Il y a une demande faite au destinataire du discours de prendre position quant à l’ opposé de l’ASJ.Remarquons qu’une ASJ positive « La santé ainsi définie existe » est incompatible avec la question et le locuteur serait en contradiction avec la suite de l’énoncé, puisqu’il y est question d’utopie, d’illusion, de conception plus modeste, d’équilibre précaire, d’adaptation ; bref une acception de la santé en éternelle mutation.

L’étude du locuteur de l’interrogative révèle une attitude à l’égard du PDV : faire admettre le contraire de l’ASJ comme réponse évidente pour le récepteur ; autrement dit l’évidente complexité à définir la santé, son indéniable subtilité. C’est encore le propos de l’interrogation rhétorique ; faire adopter au destinataire de l’interrogation une idée bien définie, « allant de soi », à prendre sans contester la réponse contenue dans l’ASJ « non A ».En définitive, c’est une question interprétée comme rhétorique.

Le discours est orienté car un seul enchaînement est compatible.

La santé ainsi définie existe-t-elle ?La question admet l’enchaînement X La santé est un concept multidimensionnel  et appelle le type de conclusion Précisons davantage. Son opposé La santé n’est pas un concept multidimensionnel  est incompatible.

6ème question (page 44) :

1° Quels sont d'abord les objectifs de l'intervention ?

Si la santé, le bien être et l'accomplissement de l'homme dans ses dimensions biologique, sociale et spirituelle sont notre objectif fondamental, notre stratégie pour l'hygiène du milieu va se situer :

— au niveau de l'organisme humain et de sa rationalité,— au niveau des rapports entre l'homme et son milieu,— au niveau de l'environnement en tant que système.

Notons sa forme ; c’est une question partielle indépendante syntaxiquement schématisée par quel + nom (segment interrogatif). Sa syntaxe Quels sont d'abord les objectifs de l'intervention ?  montre qu’il s’agit d’une interropositive introduite avec « quels ».

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Chapitre I : Le discours sanitaire entre analyse du discours et linguistique des représentations discursives

Tenter de déterminer son assertion sous-jacente nous ramène au cas particulier des questions partielles dont l’ASJ « ne peut être formulée que moyennant le recours à des paraphrases dont le lien avec la question est plus indirect »1 voire impossible à formuler par un énoncé acceptable en discours.Pour ces questions partielles, il est impossible de trouver des paraphrases « naturelles » énoncées juste par suppression des marques de l’interrogation à la question. Voici deux exemples :-Comment s’appelle ce cheval ? ASJ « naturelle » incorrecte : Ce cheval s’appelle. ASJ envisageables et liées indirectement à la question : Ce cheval porte un nom ou encore Ce cheval a un nom.-Quelle heure est-il ? ASJ « naturelle » impossible car incorrecte : Il est heure.Aucune ASJ n’est envisageable ni liée indirectement à la question.

Dans notre cas, l’énoncé « Les objectifs de l'intervention sont d'abord. » est inacceptable en discours, mais nous pouvons envisager une ASJ liée indirectement à la question : Les objectifs de l'intervention sont définis.On peut attribuer au locuteur un PDV proche de l’énoncé lui-même, la déclarative suivante : Les objectifs de l'intervention sont précis, qui constitue ainsi un réel angle de vue. Nous pouvons avancer que ce PDV correspond à l’ASJ déterminée plus haut et que le locuteur cherche à faire admettre cette ASJ comme une réponse « allant de soi ». Son intention est d’ailleurs étayée dans la suite immédiate à la question : La santé, le bien être et l'accomplissement de l'homme dans ses dimensions biologique, sociale et spirituelle sont notre objectif fondamental.

Interprétons cette question : elle exprime une attente du locuteur œuvrant à faire adopter au destinataire de l’interrogation l’évidente et préalable nécessité de définir et de préciser les objectifs de l’intervention. Par conséquent, c’est une question interprétée comme rhétorique.

Le discours est orienté puisqu’un seul enchaînement est compatible.Quels sont d'abord les objectifs de l'intervention ?

La question admet l’enchaînement X  Nous devons le savoir et appelle le type de conclusion Informons-nous donc. Son opposé Nous ne devons pas le savoir est incompatible.

7ème question (page 50) : Mais l'essentiel n'est pas dans le conventionnel. L'eau est présente comme problème

primordial au niveau du consommateur, des collectivités locales, régionales et

1 Haillet, P.P. (2007), Pour une linguistique des représentations discursives, Bruxelles, De Boeck, p. 146.

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Chapitre I : Le discours sanitaire entre analyse du discours et linguistique des représentations discursives

nationales, de l'Agriculture, de l'Industrie, de la Santé Publique, du Tourisme, de l'Habitat, du législateur et du policier, et même au niveau de la politique internationale, car l'eau est à la fois facteur de solidarité et de discorde.

Nous pourrions en dire autant pour tous les autres problèmes, depuis la boite de conserve jusqu'aux centrales nucléaires.

Que se passe-t-il dans la pratique ? Malgré le centralisme planificateur des programmes de développement et de la répartition des ressources, les liens entre les différents secteurs restent vagues, souvent inexistants, parfois même contradictoire : autonomie de gestion et de contrôle, chevauchement des prérogatives, spécialisation fermée sur elle même, autorité abusive, ignorance des facteurs sociaux. Nous assistons alors à des anomalies de comportement et parfois à des fautes irréparables. Par exemple, et cela sur l'incitation des collectivités elles mêmes, l'implantation d'un complexe industriel dans une vallée fertile à vocation agricole, la construction de cités et d'habitations qui ne répondent ni aux critères de confort moderne, ni aux traditions socioculturelles de la société.

C’est une question partielle indépendante syntaxiquement débutant par un segment interrogatif que.Remarquons la syntaxe Que se passe-t-il dans la pratique ? : Il s’agit d’une interropositive introduite par « que », pronom interrogatif neutre, désignant une chose, implicitant un sujet impersonnel.1

Son assertion sous-jacente, une proposition positive, l’ASJ : Il se passe quelque chose dans la pratique.

Dans une question partielle indépendante syntaxiquement, le locuteur adopte soit le PDV correspondant à l’ASJP, soit à son opposé et demande au destinataire du discours de prendre position quant à l’ASJP.2

Ici, nous pouvons penser que c’est l’ASJP elle-même : Il se passe quelque chose dans la pratique.Nous pourrions dire :

Il se passe quelque chose dans la pratique malgré le centralisme planificateur des programmes de développement et de la répartition des ressources, les liens entre les différents secteurs restent vagues, souvent inexistants…

Voilà un bilan bien maigre, du degré de quelque chose, du non indentifiable, non mesurable car probablement insignifiant. L’acception positive, optimiste de quelque chose dans le sens d’une petite lueur d’espoir n’est pas envisageable  vu le contexte.Remarquons par contre qu’une ASJP opposée Il ne se passe rien dans la pratique est tout à fait compatible avec la question « Que se passe-t-il dans la pratique ? ».Nous dirions alors :

1 Le Grand Robert.2 Haillet, P.P. (2007), Pour une linguistique des représentations discursives, Bruxelles, De Boeck, p. 147.

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Chapitre I : Le discours sanitaire entre analyse du discours et linguistique des représentations discursives

Il ne se passe rien dans la pratique malgré le centralisme planificateur des programmes de développement et de la répartition des ressources, les liens entre les différents secteurs restent vagues, souvent inexistants…

Voilà un bilan nul, de l’ordre de rien et parfois même contradictoire.Par conséquent, nous retiendrons la dernière analyse « Il ne se passe rien dans la pratique. » ; c’est le PDV le plus vraisemblable1 et qui correspond donc au contraire de l’ASJP. L’étude du locuteur de l’interrogative révèle une instance inconnue dont l’attitude à l’égard du PDV est de faire admettre l’ASJP opposée comme réponse évidente pour le locuteur. C’est le propos de l’interrogation rhétorique.

Interprétons cette question : elle exprime une attente du locuteur œuvrant à faire adopter au destinataire de l’interrogation l’évidente nécessité d’exposer le véritable fonctionnement du système sanitaire et qui doit être connu de tous, responsables et simples citoyens. C’est donc une question interprétée comme rhétorique.

Le discours est orienté puisqu’un seul enchaînement est compatible.Que se passe-t-il dans la pratique ?

La question admet l’enchaînement X  Une évaluation de la situation est indispensable et appelle le type de conclusion Rectifions les choses. Son opposé Une évaluation de la situation n’est pas indispensable est incompatible.

8ème question (page 51) : POUR UN PROGRAMME NATIONAL D'HYGIENE DU MILIEU

Les problèmes d'hygiène du milieu étant ce qu'ils sont, dans leur nature, leur ampleur, leurs mouvements, leurs connexions internes et externes et leurs implica-tions, quelle stratégie conviendrait pour les dominer et les résoudre?

I. L'approche des stratégies...

Les alternatives d'action se situent à trois niveaux :

Voyons la forme : c’est une autre question partielle syntaxiquement indépendante, schématisée ici par quel + nom.Pour sa syntaxe, nous pouvons dire qu’il s’agit d’une interropositive introduite par « quelle » avec un conditionnel « conviendrait » quelle stratégie conviendrait pour les dominer et les résoudre?. Son assertion sous-jacente ASJP « A » : Une certaine stratégie conviendrait pour les dominer et les résoudre. C’est une proposition positive, dont le verbe correspond à un conditionnel.

1 Le meilleur angle de vue de cet énoncé.

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Chapitre I : Le discours sanitaire entre analyse du discours et linguistique des représentations discursives

Son opposée sera l’ASJP « non A » : Aucune stratégie ne conviendrait pour les dominer et les résoudre. C’est une proposition négative, dont le verbe correspond à un conditionnel.Le destinataire de cette interrogative a le choix entre un PDV opposé à l’ASJP « non A » (une vision pessimiste des choses) et un autre PDV correspondant à l’ASJP « A » moins négatif, plus optimiste, pour atténuer et dédramatiser la situation. Cette hésitation du locuteur à adopter tel PDV ou tel PDV1 permet d’étiqueter cette interrogative partielle comme rhétorique.

Commutons : Les problèmes d'hygiène du milieu étant ce qu'ils sont, dans leur nature, leur ampleur, leurs mouvements, leurs connexions internes et externes et leurs implications, quelle stratégie convient pour les dominer et les résoudre?Cette commutation permet la représentation de la question avec un PDV plus atténué (avec ce conditionnel) et de penser que l’on peut l’attribuer à un locuteur en tant que tel. Une instance distincte du locuteur est mise en scène pour décrire la difficulté des problèmes d’hygiène. Il y a une mise en relation d’un PDV x correspondant à l’opposé de l’ASJP et d’un autre PDV y atténué, correspondant à l’ASJP en « version bémolisée » et où x commute avec y.2

Le locuteur ne va pas jusqu’à énoncer y ; c’est la stratégie de l’atténuation.3

De ce fait (stratégie de l’atténuation), la question est interprétée comme indirecte.

Interprétons cette question : elle exprime une demande de prise de position quant à l’ASJP (PDV plus atténué que son opposé) et à son opposée, autrement dit il y a hésitation pour annoncer qu’une certaine stratégie existe pour venir à bout des problèmes d’hygiène, tant est difficile la situation.En définitive, c’est encore une question rhétorique, mais sous une forme indirecte4 et dans le cadre de la stratégie de l’atténuation.

Le discours est orienté puisqu’un seul enchaînement est compatible.Les problèmes d'hygiène du milieu étant ce qu'ils sont, dans leur nature, leur

ampleur, leurs mouvements, leurs connexions internes et externes et leurs implications, quelle stratégie conviendrait pour les dominer et les résoudre?

L’énoncé interrogatif admet l’enchaînement X Nous aurons besoin des meilleures compétences et appelle le type de conclusion Nous sommes face à de grands défis. Son opposé Nous n’aurons pas besoin des meilleures compétences est incorrect.

1 Haillet, P.P. (2007), Pour une linguistique des représentations discursives, Bruxelles, De Boeck, p. 149.2 Haillet, P.P. (2007), Pour une linguistique des représentations discursives, Bruxelles, De Boeck, p. 169.3 Haillet, P.P. (2007), Pour une linguistique des représentations discursives, Bruxelles, De Boeck, p. 168.4 Cette question est également traitée dans la partie relative aux questions indirectes.

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Chapitre I : Le discours sanitaire entre analyse du discours et linguistique des représentations discursives

9ème question (page 53) :Un grand auxiliaire de la Santé, ce sont donc les services de l'Hydraulique qui sont

chargés de donner l'eau potable aux citoyens. Des investissements énormes et des projets ambitieux ont tenté et tenteront au cours de la Décennie Internationale de l'Eau, de satisfaire au maximum les besoins du pays, ce qui ne manquera pas de relever notablement le niveau de santé et de bien être. Mais l'Hydraulique doit affronter des contraintes difficiles à réduire : disponibilité inégale des ressources, coût des investissements et délais de réalisation, urbanisation et mouvements démographiques, besoins concurrentiels des différents secteurs socio -économiques : Agriculture, Industrie, Tourisme, populations. Sur le plan qualitatif, elle aura affaire aux risques multiples de pollution des ressources par les effluents industriels, agricoles et urbains. Mais est-ce de son seul ressort de contrôler les pollutions et de faire respecter les règles du bon usage de l'eau ?

Examinons la forme : il s’agit d’une question totale syntaxiquement indépendante, puis sa syntaxe Mais est-ce de son seul ressort de…; c’est une interropositive introduite par mais. Son assertion sous-jacente ASJ « A » : C’est de son seul ressort de contrôler les pollutions et de faire respecter les règles du bon usage de l'eau.Il y a une demande faite au destinataire du discours de prendre position quant à « A » : soit « A », « non A », « ni A, ni non A », « peut être A », etc.Ici c’est l’ASJ « non A » Ce n’est pas de son seul ressort de contrôler les pollutions et de faire respecter les règles du bon usage de l'eau. Le PDV attribué au locuteur est par conséquent le contraire de l’ASJ.C’est une proposition négative, de polarité opposée à l’ASJ et qui va dans le même sens que l’orientation argumentative de la question.

Testons la combinaison de la question avec mais :- Sur le plan qualitatif, elle aura affaire aux risques multiples de pollution

des ressources par les effluents industriels, agricoles et urbains. Mais est-ce de son seul ressort de contrôler les pollutions et de faire respecter les règles du bon usage de l'eau ?

- Sur le plan qualitatif, elle aura affaire aux risques multiples de pollution des ressources par les effluents industriels, agricoles et urbains. Mais ce n’est pas de son seul ressort de contrôler les pollutions et de faire respecter les règles du bon usage de l'eau.

Nous constatons que l’interrogative Mais est-ce de son seul ressort de … commute avec l’ASJ opposée Mais ce n’est pas de son seul ressort de … et non avec l’ASJ A C’est de son seul ressort de contrôler les pollutions et de faire respecter les règles du bon usage de l'eau.

Interprétons cette question : elle exprime une attente du locuteur œuvrant à faire adopter au destinataire de l’interrogation (le PDV correspondant au contraire de l’ASJ) l’évidente nécessité de définir les prérogatives des services de l’hydraulique.

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Chapitre I : Le discours sanitaire entre analyse du discours et linguistique des représentations discursives

En fait, il s’agit encore d’une question rhétorique.

Le discours est orienté puisqu’un seul enchaînement est correct.Mais est-ce de son seul ressort de contrôler les pollutions

et de faire respecter les règles du bon usage de l'eau ?La question admet l’enchaînement X  Une collaboration est nécessaire et appelle le type de conclusion Travaillons ensemble. L’enchaînement opposé Une collaboration n’est pas nécessaire est incompatible.

10ème question (page 53) :

3° Les solutions peuvent-elles être globales ?

Il serait utopique d'imaginer un organisme à l'échelle nationale qui prendrait en charge et coordonnerait réellement l'activité de toutes les parties concernées. L'immensité de la tâche impose une décentralisation administrative accrue, et l'équilibre désiré entre ces deux exigences que sont, le centralisme et la déconcentration, est toujours à sa propre recherche. Le seul mouvement perpétuel est celui de la machine vivante, qui non seulement se refait toujours, mais aussi se transforme et se multiplie. Il n'y aura donc jamais de solution définitive et totale aux problèmes de la vie, surtout au niveau complexe de la société humaine.

Examinons la forme puis la syntaxe : C’est une question totale syntaxiquement indépendante, une interropositive inversée « les solutions peuvent-elles…? ».Son assertion sous-jacente, une proposition positive, ASJ « A » : Les solutions peuvent être globales.Le locuteur demande au destinataire du discours de prendre position quant à « A » : soit « A », « non A », « ni A, ni non A », « peut être A », etc.Nous constatons ici que c’est l’ASJ « non A » : Les solutions ne peuvent pas être globales qui paraphrase donc le PDV attribué au locuteur de la question. Dans ce cas, il correspond donc au contraire de l’ASJ.Remarquons qu’une ASJ positive  Les solutions peuvent être globales est incompatible avec la question, la suite de l’énoncé, la réalité du terrain. Nous retrouvons encore une fois les concepts d’utopie, de tâche immense, d’équilibre difficile, de désir, de complexité de la vie ; en définitive les solutions « miracles » qui n’existent pas.

L’étude du locuteur de l’interrogative montre une instance non définie dont l’attitude est de faire admettre ce PDV (correspondant au contraire de l’ASJ) comme réponse évidente pour le récepteur. Là encore, c’est le propos de l’interrogation rhétorique.

Interprétons cette question : elle exprime une attente du locuteur œuvrant à faire adopter au destinataire de l’interrogation l’évidente mais utopique globalisation des solutions. Néanmoins, la suite dans la page suivante (54) montre

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Chapitre I : Le discours sanitaire entre analyse du discours et linguistique des représentations discursives

que le programme national d’hygiène du milieu apporte la véritable solution parce qu’il prend en considération le problème dans son ensemble.

Par conséquent, c’est une question interprétée comme rhétorique et le discours est orienté puisqu’un seul enchaînement est correct.

Les solutions peuvent-elles être globales ?L’énoncé admet l’enchaînement X  Nous devrons nous adapter aux problèmes en permanence et appelle le type de conclusion Vigilance continue. L’enchaînement opposé Nous ne devrons pas nous adapter aux problèmes en permanence est incompatible.

11ème question (page 54) :

II . Pourquoi et comment un programme national d'hygiène du milieu ? La programmation en hygiène du milieu a été décidée parce que :

a. en toute logique, la solution des problèmes d'hygiène du milieu ne peut être envisagée qu'à travers une vision systématique et une stratégie pertinente qui se situe dans le cadre du processus global du développement socio-économique du pays.

b. la programmation de l'hygiène du milieu est un prolongement obligatoire de la stratégie définie dans le Programme Sanitaire pour le Pays (PSP) élaboré et adopté auparavant par les instances du pays.

Il n'en reste pas moins vrai que si la Programmation Sanitaire en hygiène du Milieu concerne d'abord les services de santé dans les limites de leurs compétences et de leurs prérogatives, elle se base fondamentalement sur l'indispensable coordination avec l'ensemble des organismes concernés directement ou indirectement par les problèmes de la santé humaine et de la salubrité de l'environnement. Car les rapports entre l'homme et son environnement et entre les différents constituants de cet environnement sont si complexes et si étroitement liés, que pratiquement tous les secteurs économiques et sociaux y sont impliqués. L'action sur les facteurs environnementaux n'étant pas du seul ressort de la Santé, elle suppose à la fois le rôle promoteur de celle-ci et l'intervention coordonnée avec et de tous les autres secteurs. Il revenait donc plus particulièrement à la Santé :

-de prendre l'initiative de l'élaboration d'une politique sanitaire globale en matière d'hygiène du milieu

-de consulter les organismes qualifiés et les personnes compétentes en matière de santé publique, de gestion administrative et économique et de problèmes d'environnement.

-de développer sa propre stratégie d'une part en fonction de sa vocation et de ses prérogatives officielles, et d'autre part en coordination avec les autres secteurs concernés.

Cette question a une forme et une syntaxe particulières puisqu’il s’agit d’une question partielle indépendante syntaxiquement, une interropositive introduite par « pourquoi » et « comment » et annonçant un titre, en l’occurrence, les raisons et la stratégie du programme.C’est en fait une double interrogation sur les motivations et la stratégie du programme national d'hygiène du milieu, en revanche le verbe y est absent.C’est une forme de question partielle syntaxiquement indépendante sans verbe dont il est impossible d’obtenir une ASJ et d’en faire l’analyse.

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Chapitre I : Le discours sanitaire entre analyse du discours et linguistique des représentations discursives

Le discours est orienté ici car un seul enchaînement est compatible. Pourquoi et comment un programme national d'hygiène du milieu ?

La question admet l’enchaînement X  Nous avons un programme national bien étudié et appelle le type de conclusion appliquons-le. Son opposé Nous n’avons pas un programme national bien étudié est incorrect.Nous gardons cette question du coup pour citer le cas particulier, elle ne sera pas classée dans le tableau final.

En guise de récapitulation :Au terme de ces analyses et à travers le tableau qui suit, nous pouvons voir quelles questions ont été privilégiées et quel discours a été utilisé.

Question Forme

Syntaxe Interprétation de la question

Discours

1 2 QTIS en 1 Q Alternative

2 interropositives inversées

Orientée Orienté

2 QTIS interronégative inversée

Rhétorique Orienté

3 QPIS interropositive Orientée Orienté4 QTIS interronégative

inverséeRhétorique Orienté

5 QTIS interropositive inversée

Rhétorique Orienté

6 QPIS interropositive Rhétorique Orienté7 QPIS interropositive Rhétorique Orienté8 QPIS au

conditionnelinterropositive Rhétorique

(et indirecte)Orienté

9 QTIS interropositive Rhétorique Orienté10 QTIS interropositive

inverséeRhétorique Orienté

Pour commenter, nous devons comptabiliser :- Sur le plan de la forme, six questions totales indépendantes syntaxiquement QTIS, dont une question alternative (faite de deux QTIS) et quatre questions partielles indépendantes syntaxiquement QPIS. - Sur le plan de la morphosyntaxe, cinq interropositives, quatre interropositives inversées et deux interronégatives inversées. - Sur le plan linguistique en LRD, huit questions rhétoriques et deux questions orientées.

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Chapitre I : Le discours sanitaire entre analyse du discours et linguistique des représentations discursives

Nous ne déduisons rien de singulier de l’analyse de la forme et de la syntaxe des interrogatives.

L’auteur a fait appel à seulement deux questions orientées interprétées comme une demande de confirmation, il y est prédisposé à admettre plutôt le PDV correspondant à l’ASJ que celui qui correspond à son contraire ou inversement.

En fait, la quasi totalité des questions est rhétorique amenant le récepteur1 du corpus à adopter la proposition faite au préalable dans l’interrogation, la réponse « allant de soi » correspondant au point de vue paraphrasable par l’ASJ ou à son opposé. C’est la réponse-évidence qui s’impose à l’esprit, qui saute aux yeux, qui s’inspire de la logique et qui n’a pas besoin de fastidieuses démonstrations.Aucune des questions n’est véritable. L’auteur ne cherchait pas de réponses.

En tant qu’écrivain-poète, médecin et haut responsable de la Santé publique, il a accordé manifestement la priorité aux questions rhétoriques, dont les réponses vont de soi, une excellente stratégie discursive de persuasion, d’itération. Par l’intermédiaire d’une question partielle rhétorique, il a exprimé l’atténuation et a donné place à une instance distincte du locuteur.

Le discours n’était pas neutre mais en définitive orienté tout au long de ces apparentes interrogations, amenant à un type de conclusions prévisibles.

1.2. Les questions enchâssées1 Le destinataire est libre et peut toujours contester le PDV par déni de réalité, mauvaise foi, ignorance du sujet, incompétence dans le domaine etc. ou dans le cas contraire, averti il n’adhère pas au discours idéologique, politique subversif ou encore sectaire d’un locuteur dangereux et manipulateur. Bref, on peut tout aussi suivre la sédition et tourner le dos à la sagesse. Selon les psychologues, nous décidons en fonction de nos émotions dans 90% des cas et faisons appel à la logique ultérieurement. C’est ce qui fait probablement le succès du discours publicitaire et commercial ! 

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Chapitre I : Le discours sanitaire entre analyse du discours et linguistique des représentations discursives

La recherche des questions totales enchâssées a été faite en nous basant sur l’identification des séquences avec « si » et « s’ » à travers le corpus.Nous avons recensé vingt cinq (25) séquences introduites par « si » et huit (8) autres par « s’ », après une lexicométrie lancée par la fonction « rechercher » de l’onglet « édition » du traitement de texte word. Une vérification minutieuse visuelle et manuelle devait au préalable éliminer tous les « si » et les « s’ » n’ayant aucun lien avec notre objectif de recherche ; l’ordinateur faisant l’amalgame incluait tout énoncé contenant un « si » ou un « s’ ».

L’utilité des questions totales enchâssées c’est à dire syntaxiquement non indépendantes car enchâssées dans l’énoncé sans point d’interrogation est :- de poser une question sans la poser directement, le lecteur s’interrogera indirectement en fonction de son environnement discursif. - de proposer une réponse contenue dans la structure de l’énoncé, admettant une seule réponse oui ou non (l’idée de totale).- de dissocier locuteur et origine du discours ; de créer une dichotomie entre les deux comme si le locuteur n’était pas concerné par l’assertion sous-jacente puisqu’il ne prend pas de position franche à son égard, il l’attribue sans le dire à une instance inconnue, anonyme.Ces trois éléments composent une stratégie discursive que l’on désignera de fausse indépendance de l’émetteur, amenant le récepteur à être responsabilisé sans qu’il le demande.

Formulées sans point d’interrogation, ces interrogatives directes sont introduites par « si », conjonction dans ce cadre non hypothétique, « pour marquer la validité simultanée de deux faits »1. La conjonction étant suivie des verbes exprimant l’idée d’interrogation, de doute, de questionnement, de réflexion, d’ignorance, de tâtonnement, d’hésitation ; des verbes comme : demander si, savoir si, hésiter si, dire si, interroger si, s’informer si. En fait, nous allons trouver dans deux cas de figure :-si la question enchâssée est négative, le locuteur « s’attend » à une réponse positive « fournie » par le récepteur.- si elle est positive, le récepteur aura le choix entre une réponse négative ou son contraire.

Pour notre corpus, signalons l’inexistence des questions totales enchâssées, car tous les « si » et « s’ » utilisés dans ces séquences introduisent les rapports logiques suivants : condition, opposition, intensité, hypothèse, supposition. Nous ne citerons pas les séquences étudiées (du corpus) car inutiles et préférons garder cette partie théorique dans un simple but pédagogique.

Quant aux questions partielles enchâssées (sans point d’interrogation), elles n’admettant pas les réponses oui ou non et sont schématisées par la séquence syntagme interrogatif + syntagme nominal + syntagme verbal.

1 Le Grand Robert.

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Chapitre I : Le discours sanitaire entre analyse du discours et linguistique des représentations discursives

Nous avons fait la recherche des syntagmes interrogatifs et leurs variantes (« comment », « pourquoi », « où »…) en nous basant sur le verbe demander sur plusieurs déclinaisons, à travers tout le corpus.Nous n’avons trouvé que le terme la demande deux fois cité aux pages 6 et 10.

En guise de récapitulation de cette partie relative aux questions enchâssées, nous pouvons penser que cette forme d’interrogation enchâssée (qu’elle soit totale ou partielle) n’a pas été utilisée, probablement en raison de la préférence qu’accordait l’auteur aux questions évidentes syntaxiquement, une manière très directe, l’effet « impact » de la ponctuation.

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2. Les questions indirectes

Quelle soit totale ou partielle, c’est une autre instance autre que le locuteur en tant que tel qui demande au destinataire du discours de prendre position à l’égard de l’assertion sous-jacente à l’interrogation. Cette mise en scène ; le dire sans le dire, en le faisant dire par un bruit, une rumeur, un murmure n’a été retrouvée qu’une seule fois dans notre corpus (à la page 51) et a été traitée en détails à la 8ème question.

POUR UN PROGRAMME NATIONAL D'HYGIENE DU MILIEU

Les problèmes d'hygiène du milieu étant ce qu'ils sont, dans leur nature, leur ampleur, leurs mouvements, leurs connexions internes et externes et leurs implica-tions, quelle stratégie conviendrait pour les dominer et les résoudre ?

Nous sommes face à une question partielle indépendante syntaxiquement, introduite par le segment interrogatif « quelle » et caractérisée par la présence d’un verbe au conditionnel « conviendrait ».La commutation s’opère ainsi :

Les problèmes d'hygiène du milieu étant ce qu'ils sont, dans leur nature, leur ampleur, leurs mouvements, leurs connexions internes et externes et leurs implications, quelle stratégie convient pour les dominer et les résoudre ?

Elle peut être interprétée comme émanant d’une autre instance. Le locuteur opère « mise en scène » pour décrire sans l’assumer la difficulté de la situation du milieu. Il ne veut pas s’ériger d’emblée en détenteur de La solution ; il serait trop direct en disant « ma stratégie convient ». Il fait ses propositions tout en douceur, sans se les attribuer, en atténuant le contexte des problèmes et celui des solutions. Cette instance autre que le locuteur en tant que tel demande au destinataire du discours de prendre position à l’égard de l’assertion sous-jacente à l’interrogation et à son opposée1. Elle permet d’opérer une « mise en scène » ; le dire sans le dire, en le faisant dire justement par la suite du corpus.

Examinons-la :

[...] I. L'approche des stratégies...Les alternatives d'action se situent à trois niveaux :1° Les solutions peuvent être ponctuelles ou conjoncturelles. [...][...]2° Les solutions peuvent être sectorielles. [...] [...]3° Les solutions peuvent-elles être globales ? [...][...] II. Pourquoi et comment un programme national d'hygiène du milieu ? [...]

[...]Toute stratégie suppose donc :des objectifs précis, une procédure appropriée, une gestion efficace. [...]

1 Cette question a été largement traitée dans les interrogatives syntaxiquement indépendantes.

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Chapitre I : Le discours sanitaire entre analyse du discours et linguistique des représentations discursives

Le locuteur pose une question qu’il attribue à une autre instance et y répond tout de suite après, avec tous les détails ; une « spectacularisation »2 pour dire sans le dire.

Pour récapituler cette partie relative aux questions indirectes, nous pouvons penser que l’auteur n’a utilisé qu’une seule fois cette forme indirecte d’interrogation, dans une stratégie d’atténuation. Il implique le récepteur dans le sens où c’est également une question rhétorique et enfin il assume pleinement son discours dans une stratégie de persuasion.

En guise de récapitulation pour cette partie relative à la partie B, nous pouvons penser que c’est une stratégie en soi, d’être direct, pour l’auteur quand il le faut et très souvent il l’est, dans un tel discours à la fois scientifique, administratif et politique, même s’il a tendance à nous amener à certaines réflexions philosophiques, dans une fonction métalinguistique qu’il semble privilégier dans tout le corpus.

Nous constatons la présence seulement de deux questions orientées et une quasi domination des questions rhétoriques, une stratégie visant à faire adopter au récepteur la réponse « proposée/imposée » par le locuteur, « allant de soi » dans une excellente stratégie discursive de persuasion, d’itération. Pour cela, de nouveaux concepts linguistiques ont été sollicités, à savoir ; l’énonciateur, le locuteur, l’attitude du locuteur, le point de vue, la paraphrase, la stratégie discursive, la combinaison, l’enchaînement, la commutation, le discours neutre vs orienté.

L’auteur n’a pas fait appel aux questions véritables, ni encore aux enchâssées, préférant manifestement les questions indépendantes syntaxiquement, l’effet « impact » du point d’interrogation.

Il a néanmoins utilisé une seule fois la forme indirecte d’interrogation, dans une stratégie d’atténuation, préférant apparemment la représentation de ses questions comme attribuées à un locuteur en tant que tel.

Son discours orienté tout au long de ces interrogatives vise à amener ses lecteurs, pouvoir public et simples citoyens à œuvrer en faveur d’une meilleure gestion de la santé, publique et individuelle.

2 Haillet, P.P. (2007), Pour une linguistique des représentations discursives, Bruxelles, De Boeck, p. 118.

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Conclusion

C’est un discours à la fois scientifique, administratif et politique, avec une certaine tendance philosophique, dans la mesure où la fonction métalinguistique est largement privilégiée dans tout le corpus et où le message de culture sanitaire particulièrement préventive, individuelle et publique, vise l’opinion publique nationale et mondiale, défendant par conséquent une position philosophique et réaliste de la prévention sanitaire : le droit à la santé, à un programme sanitaire global pour garantir la pérennité de l’espèce humaine sur terre.

Nous sommes face à un discours essentiellement argumentatif avec un lexique scientifique relatif au cadrage général englobant médecine, politique et surtout philosophie, avec les concepts correspondants, ainsi que de nouveaux concepts linguistiques spécifiques à la LRD, notamment  l’énonciateur, le locuteur, l’attitude du locuteur, le point de vue, la paraphrase, la stratégie discursive, la combinaison, l’enchaînement, la commutation, le discours neutre versus orienté.

L’auteur a eu une préférence manifeste pour les questions directes, quasiment dominées par les questions rhétoriques, une stratégie visant à faire adopter au récepteur la réponse « allant de soi » dans une excellente stratégie discursive de persuasion, d’itération.Dans un élan optimiste et « civilisationnel », avec encore une stratégie discursive de persuasion, en termes d’analyse du discours « classique », il fait prendre conscience au lecteur de l’importance de la santé tant individuelle que publique ; concept et système. En revanche, le Dr Aroua a fait appel une seule fois à la stratégie d’atténuation, sous la forme indirecte d’interrogation, pour proposer avec finesse et modestie toute une stratégie sanitaire.

En conclusion, le discours sanitaire analysé dans ce corpus selon les deux approches d’AD (classique et basée sur la LRD,) orienté dans son intégralité, vise en définitive, à amener les lecteurs, pouvoir public et simples citoyens à œuvrer en faveur d’une meilleure gestion de la santé, publique et individuelle, nationale et mondiale.

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