chapitre 7 le second principe de la thermodynamique : la

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Cours rédigé par Christian Jallut, Professeur de Génie des Procédés à l’Université Lyon I Chapitre 7 Le second principe de la Thermodynamique: la fonction entropie et ses propriétés. Bilan d’entropie des systèmes fermés Introduction Nous avons vu au cours des chapitres précédents qu’un bilan des différentes formes d’énergie échangées par un système thermodynamique peut être établi : il y a équivalence de ce point de vue entre l’énergie thermique (chaleur) et les autres formes d’énergie non thermiques. Au-delà du constat de la conservation de l’énergie, ce bilan exprime aussi le fait que différentes formes d’énergie se manifestent lorsqu’on analyse un système donné et qu’elles se transforment les unes dans les autres. Cette équivalence est-elle totale ou l’énergie thermique possède-t-elle une propriété particulière ? L’objet de ce chapitre consacré au second principe est justement de mettre en évidence une telle particularité de l’énergie thermique. 1. Cas des énergies non thermiques 1.1. Exemple du travail associé à un changement de volume Considérons un système fermé fluide soumis de la part du milieu extérieur à une pression uniforme P ext et supposons que la pression intérieure au système soit uniforme et égale à P (figure 7.1). On peut en fait envisager le problème de deux façons et considérer : d’une part l’énergie échangée avec le milieu extérieur : cette énergie est donnée par la relation dW e = -P ext dV ext pour un variation élémentaire de volume dV ext du milieu extérieur; d’autre part l’énergie échangée par le système lui-même, c’est à dire en se plaçant à l’intérieur de celui-ci, donnée cette fois par la relation dW = -PdV . Figure 7.1 : Echange d’énergie par changement de volume. Précisons quelques propriétés des variables pression et volume vis à vis de ce processus d’échange. Les volumes échangés au sens de l’espace sont égaux en valeur absolue: par exemple, dans le cas de la compression du système, le volume perdu par ce dernier dV est gagné par le milieu P ext P

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Cours rédigé par Christian Jallut, Professeur de Génie des Procédés à l’Université Lyon I

Chapitre 7

Le second principe de la Thermodynamique!: la fonctionentropie et ses propriétés.

Bilan d’entropie des systèmes fermés

Introduction

Nous avons vu au cours des chapitres précédents qu’un bilan des différentes formesd’énergie échangées par un système thermodynamique peut être établi : il y a équivalence dece point de vue entre l’énergie thermique (chaleur) et les autres formes d’énergie nonthermiques. Au-delà du constat de la conservation de l’énergie, ce bilan exprime aussi le faitque différentes formes d’énergie se manifestent lorsqu’on analyse un système donné etqu’elles se transforment les unes dans les autres. Cette équivalence est-elle totale ou l’énergiethermique possède-t-elle une propriété particulière ? L’objet de ce chapitre consacré ausecond principe est justement de mettre en évidence une telle particularité de l’énergiethermique.

1. Cas des énergies non thermiques

1.1. Exemple du travail associé à un changement de volume

Considérons un système fermé fluide soumis de la part du milieu extérieur à unepression uniforme Pext et supposons que la pression intérieure au système soit uniforme etégale à P (figure 7.1). On peut en fait envisager le problème de deux façons et considérer :

• d’une part l’énergie échangée avec le milieu extérieur : cette énergie estdonnée par la relation

dWe = -PextdVext pour un variation élémentaire de volumedVext!du milieu extérieur!;

• d’autre part l’énergie échangée par le système lui-même, c’est à dire en seplaçant à l’intérieur de celui-ci, donnée cette fois par la relation

dW = -PdV .

Figure 7.1 : Echange d’énergie par changement de volume.

Précisons quelques propriétés des variables pression et volume vis à vis de ce processusd’échange.

Les volumes échangés au sens de l’espace sont égaux en valeur absolue!: par exemple, dans lecas de la compression du système, le volume perdu par ce dernier dV est gagné par le milieu

PextP

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extérieur. Le volume au sens de l’espace occupé par le système et le milieu extérieur est doncune grandeur conservative.

On constate que le sens de ce processus d’échange d’énergie par changement de volumedépend du signe de la différence de pression : cette énergie transite de la haute vers la bassepression. Si

Pext > P , le système est comprimé, si

Pext < P , il se détend. Il s’ensuit que lesquantités d’énergie échangées

dWe et dW ne sont égales que si P = Pext et ceci tout au long duprocessus d’échange!: c’est la définition d’un processus réversible, c’est à dire d’un processuspour lequel chaque étape correspond à un état d’équilibre. De façon générale, cette hypothèsen’est pas vraie, la nature de la différence entre

dWe et dW devra être précisée.

1.2. Généralisation

L’analyse des processus d’échange d’autres formes d’énergie non thermique montrequ’on peut toujours mettre en évidence une relation de la forme suivante!:

dW = AdA (7.1)

Une quantité infinitésimale d’énergie non thermique

dW = AdA est échangée par un systèmethermodynamique dont l’état interne est caractérisé par le couple (

A ,A) chaque fois qu’estéchangée une quantité infinitésimale dA de la grandeur A.

La grandeur

A est une grandeur intensive!: c’est le cas de la pression par exemple. C’est savaleur dans le système

A relativement à sa valeur à l’extérieur du système

Aext , qui règle lesens des échanges. C’est une grandeur dont on ne peut établir une comptabilité sous la formed’un bilan!: toutes choses étant fixées, sa valeur ne dépend pas de l’étendu du système.

La grandeur A est une grandeur extensive!: c’est le cas du volume par exemple. On peut laconsidérer selon deux points de vue!:

• elle est d’une part caractéristique de l’état interne du système!: c’est unefonction d’état dont la valeur est proportionnelle l’étendue du système car on peutdéfinir une grandeur spécifique associée à A (pour le volume, le volume molaireou massique par exemple). Elle est aussi additive en ce sens que pour un systèmeconstitué de plusieurs sous-systèmes disjoints, sa valeur est la somme des valeursrelatives à chaque sous-système ;• elle est d’autre part susceptible d’être échangée avec le milieu extérieur. Dansle cas des énergies non thermiques, elle est conservative en ce sens que la quantitéde A échangée par le milieu extérieur est égale en valeur absolue à la quantité deA échangée par le système.

La question est de savoir ce que devient l’énergie thermique du point de vue de laclassification des variables en intensités et extensités.

2. Intensité et extensité associées à l’énergie thermique

Par analogie avec les autres formes d’énergie, cherchons la grandeur susceptible dejouer le rôle d’intensité de l’énergie thermique. Pour cela, mettons en parallèle les deux

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processus d’échange d’énergie thermique et d’énergie par changement de volume dans le casd’un système fermé (figure 7.2).

On constate l’analogie entre les rôles joués par la pression et par la température : l’échange dechaleur entre deux corps se fait dans le sens des températures décroissantes de même quel’échange d’énergie par changement de volume se fait dans le sens des pressionsdécroissantes. Dans les deux cas, le processus s’arrête lorsque ces variables sont égales, c’està dire qu’un équilibre est atteint.

Figure 7.2 : Comparaison des processus d’échange d’énergie thermique et par changement devolume pour un système fermé.

On peut alors admettre que l’intensité associée à un échange d’énergie thermique est latempérature. Il doit s’agir d’une grandeur fondamentale et non d’une température exprimée àl’aide d’une échelle arbitraire. La température absolue T, exprimée en Kelvin, est cettegrandeur : elle est liée au mouvement des particules élémentaires constituant tout systèmethermodynamique et vaut 0 K lorsque aucun mouvement moléculaire n’existe.

On postule à partir de ce moment l’existence de l’extensité associée de façon à ce que toutéchange d’une quantité d’énergie thermique dQe par un système à la température uniforme Ts’accompagne de l’échange par le système d’une quantité d’entropie dSe telle que!:

dQe = TdSe (7.2)

La variable S a reçue le nom d’entropie. Dans le système international, son unité est le J.K-1.A partir du moment où on admet son existence comme grandeur extensive associée àl’énergie thermique, on doit tenter de préciser ses propriétés. Il faut pour cela considérer lesdeux point de vue développés précédemment :

• S est d'une part supposée être une fonction caractéristique de l’état interne dusystème ou fonction d’état. On peut en définir la grandeur spécifique s, entropiemolaire ou massique comme propriété de la matière ;• l’entropie est d'autre part supposée pouvoir s’échanger. La question est desavoir si elle hérite de la propriété principale des extensités associées aux autresformes d’énergie à savoir leur caractère conservatif ? Dans l’équation (7.2), nousn’avons pas préjugé de la réponse!: la quantité

dSe est l’entropie échangée àl’occasion de l’échange de chaleur

dQe = TdSe mais il n’est pas écrit que

dSe correspond à la variation de l’entropie contenue par le système

dS . Cettepropriété est bien vraie pour le volume par exemple!: la variation du volume dusystème dV correspond au volume échangé par ce dernier.

Pext

Text

PT

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Nous allons montrer à partir d’observations expérimentales que la propriété fondamentale del’entropie, si on admet son existence, est de ne pas être conservative.

3. Mise en évidence des propriétés de l’entropie!: analyse de l’expérience deJoule

Nous avons constaté qu’un bilan d’énergie est finalement l’expression de latransformation de formes d’énergie en d’autres formes. Par exemple, lorsqu’un corps chutedans le champ de pesanteur, son énergie potentielle de gravitation se transforme en énergiecinétique et, à cause des frottements, pour partie en énergie interne. Ce type de transformationest finalement à la base des phénomènes naturels mettant en jeu des échanges d’énergie et dessystèmes technologiques construits pour réaliser de telles transformations. Considérons un telprocessus de transformation tel qu’il se manifeste dans l’expérience de Joule que nous avonsdéjà évoquée au cours du chapitre 1. Au cours d’une étape 1 (cf. figure 7.3), une masse Mpasse d’une hauteur z2 à une hauteur z1 en actionnant un agitateur plongé dans une cuveremplie de liquide. Le liquide de la cuve est maintenu à température constante T grâce à unedouble - enveloppe remplie de glace fondante. L’ensemble constitue le systèmeconsidéré!(frontière en trait pointillé sur la figure 7.3) : il est supposé parfaitement isoléthermiquement de l’extérieur.

Figure 7.3 : Expérience originale de Joule!: étape 1.

L’énergie non thermique apportée au système est de l’énergie potentielle de gravitation.L’énergie interne du système U varie uniquement du fait de cet apport selon le bilan :

U f - Ui = Mg z2 - z1( )

On observe qu’une partie de la glace fond au cours de l’expérience. La variation d’énergieinterne du système se traduit donc par une variation des quantités respectives d’eau et deglace dans la double-enveloppe dans la mesure où les autres variables restent constantes.

Si on souhaite solidifier la glace qui a fondu, on doit mettre en contact le système avec unmilieu extérieur à

Text < T de façon à faire naître un échange de chaleur (cf. figure 7.4)!: c’estl’étape 2.

z

M

z2

z1

T

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Figure 7.4!: Solidification de la glace qui avait fondue!: étape 2.

Supposons qu’on solidifie exactement la quantité de glace qui avait fondu au cours de l'étape1 : le système se retrouve dans son état initial car sa température T est toujours maintenueconstante grâce à la présence du mélange eau – glace dans la double enveloppe.

Analysons l’ensemble du processus du point de vue des échanges d’entropie. Au cours del’étape 1, le système est isolé thermiquement de l’extérieur donc aucun échange d’entropie nese produit. Au cours de l’étape 2, il y a un transfert d'une quantité de chaleur Q, donc, sil’hypothèse de l’existence de l’entropie est recevable, un échange d’entropie associé DSe telleque!

Q = TDSe puisque T est maintenue constante. Cet échange a lieu depuis le système vers lemilieu extérieur puisque

Text < T .

Considérons maintenant la variation d’entropie du système S entre le début de l’étape 1 et lafin de l’étape 2. On suppose que S est une fonction d’état du système!: les états initial et finalétant les mêmes (on a solidifié exactement la quantité de glace qui avait fondue et latempérature est restée constante), la variation d’entropie est réputée nulle. La question qui sepose est alors très simple!: d’où vient l’entropie qui a été échangée au cours de l’étape 2 dansla mesure où la variation d’entropie du système est nulle et où à aucun moment, on en aamené de l’extérieur!? La seule réponse est qu’elle a été créée au cours du processus.

Nous constatons que pour accepter l’idée que l’entropie (extensité associée à l’énergiethermique) existe, il faut admettre qu’elle n’a pas tout à fait les mêmes propriétés que lesextensités associées aux énergies non thermiques. On doit admettre qu’elle est créable.L’exemple ci-dessus le montre très bien!: l’introduction d’un terme de création est la seulepossibilité pour rendre le bilan d’entropie cohérent.

L’énoncé du second principe de la thermodynamique est alors le suivant.

4. Le second principe de la thermodynamique

4.1. Enoncé du second principe

On postule que l’on peut associer à l’énergie thermique un couple intensité – extensitécomme c’est le cas pour les énergies non thermiques. L’intensité T est la température absolueexprimée en Kelvin et l’extensité a reçu le nom d’entropie S. Toute échange d’énergiethermique dQe par un système thermodynamique à la température uniforme T s’accompagned’un échange d’entropie dSe tel que :

dQe = TdSe (7.3)

TextT

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L’entropie, variable d’état extensive, est donc susceptible, comme toute extensité, de fairel’objet d’un bilan pour un système donné. Cependant, l’entropie possède une propriétéparticulière qui la distingue des extensités associées aux autres formes d’énergie et donc quidistingue l’énergie thermique des autres formes d’énergie!: elle n’est pas conservative. Plusprécisément, elle est créable et indestructible. Ceci est un principe basé sur des constatationsexpérimentales. Ces mêmes constations conduisent à penser que la création d'entropie estassociée à l'existence des irréversibilités des transformations réelles et que, pour destransformations réversibles, cette création ou production d'entropie devient nulle.

L’entropie est aussi une fonction d’état et à ce titre peut être considérée comme une propriétéde la matière. Si on reprend l’analogie avec le volume V d’une masse M de matière, on aura :

S = MsV = Mv

Ï Ì Ó

(7.4)

où s est l’entropie massique de la matière considérée et v son volume massique. On aurait puraisonner en mole et définir l'entropie molaire de la même façon.

4.2. Bilan d’entropie d’un système fermé en relation avec plusieurs sources thermiques

4.2.1. Cas général

Dès l’instant où l’on accepte l’existence de l’entropie et de ses propriétés, on peut enétablir le bilan selon la démarche générale de l’établissement des bilans décrite au début duchapitre 4. Nous nous plaçons ici dans le cas particulier d’un système fermé en relation avecun certain nombre de sources thermiques tel que schématisé figure 7.5. Par définition, unesource thermique est un lieu à température constante et uniforme!: l’air ambiant est un bonexemple de source thermique. Son étendue est telle que les échanges qu’il subit l’affecte peu,à court terme au moins.

Figure 7.5!: Bilan d’entropie d’un système fermé.

Nous allons exprimer la variation d’entropie du système entre un état initial où elle vaut Si etun état final où elle vaut Sf!comme le résultat des échanges d’entropie avec les sources et de laproduction d’une certaine quantité d’entropie associée au irréversibilités (cf. équation 4.1b duchapitre 4).

S!: entropie dusystème

Source2 à T2

Source1 à T1

Source3 à T3

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Le système est donc en relation avec K sources (on en a représenté 3 sur la figure 7.5). Selon

la relation (7.3), l’entropie échangée par une source k à la température Tk est égale à

Qe,k

Tk

Qe,k est l’énergie thermique échangée au cours du processus par cette même source. Si onnote

DSc l’entropie créée au cours du processus irréversible, le bilan d’entropie devient!:

Sf -Si =Qe,1

T1

+Qe,2

T2

+ ...+ Qe,K

TK

+ DSc

DSc ≥ 0

Ï

Ì Ô

Ó Ô (J.K-1) (7.5)

Si les états initial et final sont infiniment proches, le bilan devient simplement!:

dS =dQe,1

T1

+dQe,2

T2

+ ...+ dQe,K

TK

+ dSc

dSc ≥ 0

Ï

Ì Ô

Ó Ô (J.K-1) (7.6)

dSc ≥ 0 est l’entropie créée au cours de l’étape élémentaire du processus irréversible.

4.2.2. Cas particulier des systèmes isolés

Les quantités de chaleur échangées deviennent nulles et le bilan d'entropie devient :

dS = dSc

dSc ≥ 0Ï Ì Ó

(J.K-1) (7.7)

L'entropie d'un système isolé ne peut que croître au cours d'une transformation réelleirréversible. Si en revanche, la transformation est réversible, l'entropie du système isolé estconstante.

Un système isolé étant en particulier adiabatique, c'est à dire sans échange de chaleur avecl'extérieur, s'il subit une transformation réversible, elle devient isentropique. Unetransformation adiabatique et réversible est donc isentropique. Une transformationsimplement adiabatique ne l'est pas car elle n'est pas réputée réversible. Il ne faut pas faire laconfusion entre adiabatique et isentropique comme on le fait trop souvent.

4.3. Origine de la production d’entropie : les phénomènes irréversibles

L’exemple de l’expérience de Joule qui a permis de mettre en évidence la propriété denon conservation de l’entropie est toujours utile. L’énergie mécanique issue de la chute de lamasse M (cf. figure 7.3) s’est transformée en énergie interne au cours de l’étape 1 puis en unprocessus d’échange de chaleur avec le milieu extérieur au cours de l’étape 2. Le phénomèneà l’origine de cette transformation est le frottement de l’agitateur dans le bain de liquide. Ceprocessus conduit à une forme de dégradation de l’énergie mécanique en ce sens quel’altitude perdue par la masse M l’est irrémédiablement!: solidifier la glace ne fait pasremonter cette masse!!

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Prenons un autre exemple d’un tel processus conduisant à de la production d’entropie. Ils’agit du processus schématisé figure 7.2!: on comprime ou on détend une fluide et on ménageun échange de chaleur en même temps. Le système est aux températures et pressionsuniformes T et P différentes des température et pression extérieur Text et Pext.

Exprimons dans un premier temps les bilans d'entropie et d'énergie au cours d'unetransformation infinitésimale réelle. Le bilan d'énergie du système est relatif à la frontière entrait plein de la figure (7.2) :

dU = -PextdV + dQe (7.8)

Dans ce bilan, on utilise la convention algébrique et

dQe est l'énergie thermique échangée parle système au travers de la frontière en trait plein. Le bilan d'entropie (relation 7.6) est relatif àl'ensemble système et milieu extérieur. On suppose que cet ensemble est isolé (frontière entrait pointillé sur la figure 7.2) :

dS =dQe

Text

+ dSc (7.9)

En reportant l'expression de dS tirée du bilan d'entropie (7.9) dans le bilan d'énergie (7.8), ontrouve :

dU = -PextdV + TextdS - TextdSc (7.10)

Dans un second temps, on peut évaluer la variation d'énergie interne du systèmeindépendamment de la transformation réelle qu'il subit. Nous avons vu au cours du chapitre 5,paragraphe 3 qu'il suffit d'envisager une transformation réversible qui conduit le système aumême état final à partir du même état initial. Appliquons ce principe au fluide enfermé dans lecylindre : si ce dernier subit une transformation réversible, nous avons vu au cours du chapitre5, paragraphe 1 que cela correspond à une transformation infiniment lente telle que T=Text etP=Pext. Exprimons les bilans correspondants :

• bilan d'énergie du système pour la transformation réversible :

dU = -PdV + dQRév ;

• bilan d'entropie du système pour la transformation réversible :

dS =dQRév

T soit

dQRév = TdS .

La variation d'énergie interne du système s'exprime alors comme suit :

dU = TdS - PdV (J) (7.11)

L'entropie étant aussi une fonction d'état, on suppose de la même façon que sa variation aucours de la transformation réversible est la même que sa variation au cours de latransformation réelle. En reportant dans la relation (7.11) l'expression de dS tirée du biland'entropie (7.9), on trouve :

dU = TdS - PdV = T dSc +dQe

Text

Ê

Ë Á

ˆ

¯ ˜ - PdV (7.12)

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Finalement, en reportant l'expression (7.12) dans le bilan d'énergie (7.8), on trouve l'expressionde la quantité d'entropie créée au cours du processus :

dSc =P - Pext

Ë Á

ˆ

¯ ˜ dV + dQe

1T

-1

Text

Ê

Ë Á

ˆ

¯ ˜ (J.K-1) (7.13)

On constate a posteriori que si la transformation est réversible, c'est à dire que P=Pext etT=Text, la production d'entropie est bien nulle. On constate aussi que la production d'entropieest la somme de deux termes, chacun étant positifs. Chacun de ces termes correspond à unprocessus irréversible ou hors d'équilibre.

Le premier est associé au frottement dû au mouvement du piston qui fait naître une différenceentre la force exercée par le milieu extérieur et la force exercée par le fluide enfermé par lepiston. La différence P - Pext( )dV est le travail perdu par frottement.Le second est la production d'entropie associée au processus irréversible de transfertthermique.

5. Calcul de l'entropie comme propriété thermodynamique de la matière

5.1. Cas des corps homogènes de composition fixe

La résolution de bilans d'entropie nécessite la connaissance de l'entropie comme unepropriété de la matière caractéristique de l’état interne d’un système. Il s'agit du mêmeproblème que celui que nous avons rencontré lors de l'exploitation du bilan d'énergie pourlequel des propriétés comme l'énergie interne ou l'enthalpie doivent être connues. Nous avonsdonné les expressions de calcul de l'énergie interne et de l'enthalpie dans des cas simples aucours du chapitre 5, paragraphe 3. Nous allons compléter ici cet ensemble de relations pources mêmes cas simples et pour l'entropie. Le point de départ de ce calcul est la relation (7.11)ci-dessus qui peut être réexprimée comme suit :

dS =dU + PdV

T(7.14)

dS peut aussi être exprimée comme fonction de l'enthalpie H = U + PV . Compte tenu du faitque dH = dU + d PV( ) = dU + PdV + VdP , on trouve :

dS =dH - VdP

T(7.15)

5.1.1. Entropie du gaz parfait

Compte tenu des relations (5.11) du chapitre 5, il est très simple de donner la variationde l'entropie du gaz parfait à partir de la relation (7.14) pour la transformation infinimentcourte d’une mole, c'est à dire l'entropie spécifique molaire :

dsGP =cv

GP T( )T

dT +PT

dvGP =cv

GP T( )T

dT + R dvGP

vGP (J.K-1.mol-1) (7.16)

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La relation (7.16) permet de calculer l'entropie totale en considérant cette propriété commeune fonction de T et V à partir d'une origine arbitraire :

sGP T,vGP( ) = sGP T0,v0( ) +cv

GP T'( )T'

dT'T0

TÚ + RLn vGP

v0

Ê

Ë Á

ˆ

¯ ˜ (J.K-1.mol-1)

SGP T,VGP( ) = NsGP T,vGP( ) (J.K-1)

Ï

Ì Ô

Ó Ô

(7.17)

Pour calculer l'entropie molaire comme fonction de P et T, on utilise la relation (7.15) qui faitintervenir l'enthalpie. Dans le cas du gaz parfait on trouve alors, compte tenu de la relation(5.12) du chapitre 5 :

dsGP =cp

GP T( )T

dT -vT

dP =cp

GP T( )T

dT - R dPP

(J.K-1.mol-1) (7.18)

soit pour l'entropie totale vue comme une fonction de P et T :

sGP T,P( ) = sGP T0,P0( ) +cp

GP T'( )T'

dT'T0

TÚ - RLn P

P0

Ê

Ë Á

ˆ

¯ ˜ (J.K-1.mol-1)

SGP T,P( ) = NsGP T,P( ) (J.K-1)

Ï

Ì Ô

Ó Ô

(7.19)

On utilisera les relations (7.16) et (7.17) ou (7.18) et (7.19) suivant la nature des donnéesfournies pour résoudre un problème donné. Si la masse est utilisée en lieu et place de la molepour la comptabilisation de la matière, on calcule l’entropie massique au lieu de l’entropiemolaire bien sûr.

5.1.2. Entropie des liquides et des solides

Ces corps sont très peu compressibles : il en résulte que leur entropie, tout comme leurénergie interne et leur enthalpie, est essentiellement une fonction de la température. Lesrelations de calcul de l'entropie sont donc les suivantes :

ds ª c T( ) dTT

(J.K-1.mol-1)

cp ª cv = c (J.K-1.mol-1)

Ï

Ì Ô

Ó Ô (7.20)

soit

s T( ) @ s T0( ) + c T'( ) dT'T'

(J.K-1.mol-1)T0

S T( ) = Ns T( ) (J.K-1)

Ï

Ì Ô

Ó Ô

De la même façon, si on utilise la masse pour comptabiliser la matière, on passera parl’entropie massique.

5.2. Cas des systèmes hétérogènes à l’équilibre

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On se reportera à la figure 5.3 du chapitre 5. Dans le plan P - v, la position d’un point Mreprésentatif d'un système constitué de deux phases homogène a et b à l'équilibre reflète lesquantités respectives de ces phases. Raisonnons en utilisant la masse. Si s est l’entropiemassique globale du mélange hétérogène et Ma et Mb les masses des phases homogènes a et bdont les entropies massiques sont sa et sb, l’entropie totale du système hétérogène est bien sûrla somme des entropies de chacune des phases puisque celles-ci sont des sous-systèmesdisjoints :

S =Sa +Sb soit

Ma + Mb( )s = Masa + M bsb (7.21)

L’entropie massique globale ou apparente du mélange hétérogène est alors donnée par :

s = xamsa + xb

msb = xamsa + 1- xa

m( )sb (7.22a)

xam est la fraction massique de phase a. Si

xa est la fraction molaire de phase a, on utiliseles entropies molaire et on établit la relation suivante!:

s = xasa + xbsb = xasa + 1- xa( )sb (7.22b)

La différence

Dsab = sb - sa est la variation d’entropie spécifique associée au changementd’état a -> b . On démontre que, les phases a et b étant supposées à l’équilibre, cettequantité!est donnée par!:

Dsab = sb - sa =hb - ha( )

Tab=

L ab

Tab(7.23)

L ab = hb -ha est la chaleur latente ou enthalpie de changement d'état a -> b et Tab latempérature de l’équilibre correspondant.

Conclusion

Les concepts principaux de la thermodynamique sont maintenant posés, à savoir :• les deux principes conduisant aux bilans d'énergie et d'entropie ;• les propriétés thermodynamiques de la matière associées que sont U, H et S.

Dans le chapitre suivant, nous allons mettre en œuvre ces concepts pour l'analyse de quelquesmachines thermiques.