exultet · cet économiste qui a mis en place une formation à la doctrine sociale de l’Église,...

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expressionquicommenceàêtrerépandue:les«P-DGactivistes».

C’est ainsi qu’ont pu fleurir récemment des affaires ou despolémiques fascinantes mettant les entreprises face à leursresponsabilités non plus seulement économiques, maislargementsociales,politiques,voiremorales.À plusieurs reprises aux États-Unis, l’écosystème

entrepreneurial a combattu les institutions politiques etjudiciairesdansundébatsurlalibertéreligieuseetaproposésaproprevisionmoraledumonde.Alors que certains États conservateurs avaient modifié la

législationpermettantàuneentreprised’invoqueruneentraveàsalibertéreligieuse,lamobilisationfortedesgroupespharesdelaSiliconValley,notammentdeSalesforce,quiyontvudesloisdiscriminatoires et ont appelé au boycott de ces États (parmilesquels l’Indiana, la Caroline du Nord ou la Géorgie), a parexemple conduit quelques gouverneurs velléitaires à fairemachinearrière.Unetrèscélèbrecontroverseaégalementdonnélieuàunarrêt

de la Cour suprême, extrêmement critiqué dans le pays, quiconcernaitcettemêmelibertéreligieuse:l’affaireHobbyLobby.La chaîne de magasins ne souhaitait pas couvrir pour sesemployés certains soins médicaux imposés par l’Obamacare(dont la pilule abortive), qu’elle estimait contraires auxconvictionsreligieusesdesonactionnariatfamilial.Et je pourrais citer beaucoup d’autres litiges tout aussi

retentissants.

Cette affirmation morale de la part d’entreprises, devenuesleaders d’opinion et références quasi prophétiques, a étéaccentuéepar lephénomène technologiquequi s’estdéveloppé

en parallèle, notamment ce qu’HenriVerdier etNicolasColin,personnalitésinfluentesdel’économienumériquefrançaise,ontappelé assez justement l’« âge de la multitude11 ». Il désignecetteépoquefondéesuruneéconomienumériqueprésentant ladouble caractéristique de pouvoir mettre très rapidement unproduitsurlemarchéetdetransformerlafouleenunacteurdeceproduit, cequienpermet ledéploiementexponentiel.Nousavons ainsi vu naître un Airbnb proposant un nombre dechambresqu’aucungroupehôtelierneseraitcapabledefournir,unUber déployant ses similitaxis à travers lemonde… ou unFacebook se révélant l’agora dont aurait rêvé la démocratiegrecque.Plusrécemment,NicolasColinacomplétésaréflexionetdéfiniunesociététechnologiquepartroiscaractéristiques:lacapacitédedéploiement(scalability), l’expérienceutilisateuretla récolte de données. Ces spécificités conduisent de fait lesentreprises technologiques, parfois même involontairement, àdevenir les réelsarbitresde lamoralepublique,pour lasimpleraisonqu’ellesbénéficientdelaconfiancedupublic(expérienceutilisateur), de la connaissance (base de données) et de lalégitimité(multitude)pourrépondreauxenjeuxmorauxdenotretemps…qu’ellesontquelquefoisprovoqués!

Il est à ce titre intéressant de lire Eric Schmidt, ancienprésident exécutif d’Alphabet Inc., le holding qui chapeauteGoogle, pour reconnaître que lui et ses camarades concurrents(notammentFacebooketTwitter)ontétédépassésparlamontéed’unfondamentalismeislamiquequis’estappuyétrèslargementsur les réseaux sociaux et qu’il est donc impératif qu’ils yréagissentavecvigilance,enpensantcequiestjuste,cequidoitêtre censuré ou réorienté, ou encore ce qui définit la liberté.Mais on s’aperçoit actuellement que toutes ces plates-formeséprouventdesdifficultésàdistinguercequiestdel’ordredela

vérité de leur propre opinion. Il est également passionnant devoir Airbnb, qui a percé sans contrainte réglementaire sur unmarché hôtelier historiquement réglementé jusqu’à en devenirl’acteurprincipal,prendredesengagementsauprèsdeHandicapInternational, notamment sous la direction de son empathiquenuméro deux Belinda Johnson, pour offrir plus de logementsaccessiblesauxhandicapésetainsise«réguler»àlaplacedupolitique. Il est enfin ébouriffant d’assister à la création, auDanemark,d’unposted’ambassadeurdes technologiesetde ladigitalisation (tech ambassador) ou encore, dans les Émiratsarabesunis,d’unministèredel’Intelligenceartificielle.

Àcelasesurajoutelephénomènedelablockchain.Apparueen 2008 avec lamonnaie numérique bitcoin12, développée parunepersonne(ouungroupedepersonnes,celaresteencoreàcejour un grand mystère) se présentant sous le pseudonyme deSatoshiNakamoto,cette technologiepermetde transmettredesinformationsdemanièretransparente,sécuriséeetdécentralisée,c’est-à-dire fonctionnant sans organe central de contrôle. Lablockchain dématérialise ainsi le système ancestral du tiers deconfiance, faisant fi du besoin d’institutions vigies, dans dessecteursvariésqui,delamonnaieaujourd’hui,s’étendrontà lamusique, à l’immobilier, au casino, à l’énergie ou à la supplychain(chaînelogistique)demain.

Nous voyons ainsi émerger partout des organisations «privées » qui deviennent actrices de la vie et de la moralepubliques.Dorénavant,ledesignthinkingetlatechobligentlesentreprisesàfairepreuvededavantagedeconsciencemorale,carellesontunimpactsurla«multitude».«Quiestmonprochain,quiestleplusfragile,quiestl’homme,qu’est-cequelaliberté,qu’est-ce que la justice, qu’est-ce que le bonheur ? », sont

fabriquer des objets. Le travail naît de l’amour, manifeste l’amour ets’ordonne à l’amour.Nous reconnaissonsDieunon seulementdans lespectaclequenousoffrelanature,maisaussidansl’expériencedenotretravail et de notre effort. Le travail est ainsi prière, action de grâces,parcequenoussavonsquec’estDieuquinousaplacéssurterre,noussavons qu’Il nous aime et que nous sommes les héritiers de sespromesses15.

Plus récemment,Pierre-YvesGomezadéveloppéunepenséetrès pertinente sur ce thème. Dans Le Travail invisible 16, ilpropose de réfléchir aux trois dimensions complémentaires dutravail avancées par Jean-Paul II, notamment à travers sonencyclique Laborem exercens (1981) : ses aspects subjectif,objectifetcollectif(SOC).

S(subjectif) O(objectif) C(collectif)

Cequimefaitressentirmadignitéd’homme.

L’utilitédemontravailpourles

autres.

Montravailaveclesautres,parcequel’hommeestunêtrederelation.

SelonPierre-YvesGomez,lacrisesurvientlorsquel’équilibreentre ces trois dimensions est rompu et que l’économie sedéconnecte de la réalité humaine, qu’elle ne s’ancre plus dansune indispensable anthropologie. L’entreprise est unecommunautéappeléeàfairerayonnerlapersonnehumainedanssa dignité créative (je crée par mon travail), dans sa dignitégénéreuse(jedonneparleservicequejerendsàmonclient)etdanssadignitécollective(j’aimeparl’accueilquejeréserveauxtalentsdemescollègues).

LesPèresde l’Égliseneconsidèrent jamais le travailcomme«opusservile»–commeleconsidéraitenrevanchelaculturedeleurépoque–,maistoujourscomme«opushumanum»etilstendentàenhonorertoutes les expressions. Grâce au travail, l’homme gouverne le monde

avecDieu;avecluiilenestseigneur,etilaccomplitdebonneschosespourlui-mêmeetpourlesautres17.

Nous verrons, notamment lorsque nous évoquerons leprincipedesubsidiarité,quel’èrenumériquetentepartiellementde remettre l’hommeaucœurde l’entreprise,nonseulement leclient (design thinking), mais également l’employé. Elle s’yattache essentiellement parce qu’une entreprise numériquedépenddecesingénieurscréatifsquetoutlemondes’arracheetqu’elle doit donc chouchouter. Ainsi, l’un des tout premiersélémentsqu’analysent les investisseursencapital-risqueàcôtédu produit, du marché potentiel ou de la technologie, est lacapacité de l’équipe dirigeante d’instaurer une cultured’entreprise et de constituer une communauté engagée etperformante.Mais alors que cette humanité numérique semble parfois se

concentrer sur le succès ou la performance, on perçoit quel’apport de la sagesse chrétienne à ce monde serait uneanthropologie qui se soucierait du sort des plus fragiles, desmoins créatifs, voire de tous ceux que certains souhaiteraientremplacerpardesrobotsoudesalgorithmesintelligents.Carlesentreprises technologiques ont également leurs « ouvriers »,souvent beaucoupmoins bien traités. La sagesse chrétienne sesoucie de tout l’homme et de tous les hommes. Dès qu’onévoque la fragilitéhumaine, laquestiondu travail rejoint cellede la vie.MauriceRavel avait-ilmoins de valeur les dernièresannées de son existence terrestre, quand il souffrait d’unemaladieneurodégénérative?LorsqueledocteurLaurentAlexandre,entrepreneuràsuccès,

fondateurdu siteDoctissimoet auteurdupassionnantouvrageLa Guerre des intelligences18, appelle à l’émergence des «éthiciens de l’intelligence », c’est peut-être vers les chrétiens

qu’ilsetourneetqu’ilcrie:«Réveillez-vous!»Notremonde,qui verra demain l’intelligence humaine côtoyer l’artificielle, aurgemmentbesoindepersonnescapablesdediscernerlebiendumal.JacquesMaritainévoquaitavecadmirationla«saintetédel’intelligence » de saint Thomas d’Aquin quimit la raison auservice de la découverte de la grâce surnaturelle. Sainteté del’intelligence qui doit nous nourrir, mais qui s’efface aussidevantlasplendeurdelacharité.Quelleseralaplacedel’hommefragileautravailen2030?

Nousvoyonsdonc,quecesoitencequiconcernelerespectdel’intégritédelapersonnehumaineouladignitédel’hommedans son travail, que le monde économique est une terred’évangélisation majeure dans la situation historique où nousnous trouvons.LapetiteBernadetteSoubirousnousdonne lesclefsd’unejusteattitude:

Jenesuispaschargéedevouslefairecroire,jesuischargéedevousledire.

Notre environnement professionnel est en cheminement etattend que nous l’aidions (et par là même que nousnous aidions) à comprendre les principes anthropologiquesfondateurs qui balisent sa route vers quelque chose de plusgrand.

Face à toutes ces questions, à l’urgence de prendre soin del’homme, le philosophe juif Hans Jonas, qui s’est beaucoupintéresséauxtechnologies,offreundébutderéponsedanssonouvragelePrinciperesponsabilité19:

Agisdefaçonqueleseffetsdetonactionsoientcompatiblesaveclapermanenced’unevieauthentiquementhumainesurterre.

J’écoutais la radio en conduisant quand j’entendis un jour lepère Cantalamessa, prédicateur de la maison pontificale, direqu’unedespreuvesdel’existencedeDieuétaitàsesyeuxquel’homme pose consciemment et volontairement des actes quivont contre ce qui semble être son intérêt personnel, qui vontnettementau-delàduraisonnablepourplongerdans l’imitationdu Christ. Magnifique ! L’homme reconnaît que son bienspirituel ne réside pas toujours dans son intérêt temporel.L’hommeestunêtredecharité.

Enclair,nousindiquePierre-YvesGomez:

Il nous faut agir et aussi organiser la société demanière que toutepersonne puisse se développer en dignité et en sainteté. Tout ce quiempêchecedéveloppementdoitêtrereconsidéré.Larecherchedubiencommun crée l’espace vital nécessaire à l’humanisation de chacund’entrenoustoutaulongdenotrevie35.

Cetéconomistequiamisenplaceuneformationàladoctrinesociale de l’Église, le Parcours Zachée36, résume dans unschématrèssimplelatensionquipeutexisterentrel’individuelet le collectif, à la base de nos difficultés à atteindre le biencommun37.

Indifférenceàlapersonne Biendelapersonne

Indifférenceàlasociété Cynisme Individualisme

Biendelasociété IntérêtgénéralTotalitarisme

BIENCOMMUN

La doctrine sociale nous rappelle que l’objet de l’économieest la formationde la richesseet sonaccroissementprogressif,entermesnonseulementquantitatifs,maisqualitatifs:toutcelaestmoralementcorrectsil’objectifestledéveloppementglobal

etsolidairedel’hommeetdelasociétéauseindelaquelleilvitettravaille.L’entreprise est constituée d’hommes et de femmes qui en

forment la richesse première par leur travail ; il existefondamentalement une « anthropologie de l’entreprise » quis’appuie sur l’être humain comme cœur et visée de sondéveloppement. Ainsi que l’édictait saint Basile à ses moinesorientaux:

Quiconque travaille, sachons-le,doit le fairenonpour subvenirparson labeur à ses propres besoins, mais pour accomplir lecommandement du Seigneur qui a dit : « Car j’avais faim, et vousm’avezdonnéàmanger38.»

Nousysommesarrivés…Ilnousincombedoncdefairenotre«métier»,quenousdiscernonsmoralement,enrendantserviceàchacunetàtous.Auprofitdubien–etnondel’intérêt–detous,enrespectant ladignitéanthropologiquedechacun.Maiscomment?Passisimple…

La destination universelle des biens ou l’open sourcechrétienne

DieuadestinélaTerreettoutcequ’ellecontientàl’usagedetousleshommes et de tous les peuples, en sorte que les biens de la créationdoiventéquitablementaffluerentrelesmainsdetous,selonlarègledelajustice,inséparabledelacharité(PaulVI,GaudiumetSpes,69,1).

Ladestination universelle des biens évoquée par la doctrinesociale est cette idée que les biens de la création sont donnésuniversellementparDieupourlebiendetousetdechacun,pourle bien commun. Chaque homme n’est que le régisseur de cequ’il possède. Ce principe est intrinsèquement lié à celui de

propriété et vient, en quelque sorte, le contrebalancer.La propriété privée n’est pas remise en cause par l’Église ;Rerum novarum consacre même une place importante à ce «droit à la propriété privée » nécessaire au développementpersonnel et à celui de la famille. Mais les papes nousrappellent,à travers lesdifférentesencycliquessociales,que lacréationestdestinéeàtousleshommes.DanslasérietéléviséeàsuccèsDowntonAbbey,lordGranthamexpliqueparfaitementceprincipe de destination universelle des biens : « Je suis unrégisseur,machère,pasunpropriétaire»,rejoignantainsisaintThomas d’Aquin qui pouvait voir dans les propriétaires desintendantsdeDieu.

Ce qui était compris par l’aristocratie terrienne s’appliqueégalementdenos jours,àuneépoquecapitaliste faitedestart-up, de levées de fonds, de (sur)valorisations et de fortunesentrepreneuriales. La propriété est une responsabilité. Lavocationdurégisseurestd’œuvreraubiencommunaveccequiluiaétéconfié.Seprofilederrièrecelauneidéedelagratuité:cequejepossèdedoitbénéficieràautrui.La notion d’open source est sans doute un bon moyen de

comprendrececonceptde«destinationuniverselle»d’unbien(un logiciel)offertauplusgrandnombre librement,permettantainsiàchacunàtraverslemondedebénéficierdugéniecréatifdesautres.

L’open source est une pierre d’angle essentielle etrévolutionnaire de l’économie numérique. Cette méthoded’ingénierielogicielleestaujourd’huiàl’origined’applicationsutilisées tant par l’administration et les entreprises que par legrandpublic.Initialement,elleveutrépondreàunanciendébatsurl’utilité

l’amour du Père, qui a une place dans le plan deDieu et quinousmanque tant sinousne luioctroyonspasuneplacedansnotrepropreplan.

Qui estmon prochain ?Qui estmon frère ?Cette questionfaitréférenceàlaparaboledubonSamaritain51,quinousoffredeux grilles de lecture. Tout d’abord, bien évidemment, monprochain est le pauvre, comme nous l’avons exploré jusqu’àmaintenant.Mais il existe également une grille de lecture quiouvresurlesprincipesdesubsidiaritéetdefraternité.«Lequelde ces trois, à ton avis, s’est montré le prochain de l’hommetombéauxmainsdesbrigands?»,demandeJésusaudocteurdela Loi. Si nous lisons bien, le Christ ne signifie pas à soninterlocuteurquesonprochainestlepauvre;illemetàlaplacedecethommeàdemimortetluiindiquequesonprochainestleSamaritain, effectuant une réponse inversée. Cela nous donnedeuxclefs : lapremièreest laclefd’humilitéquinousditquenous devons nous reconnaître pauvres, quels que soient nossuccès,pourressentirlebesoindel’amourdeDieu,seulsauveur;lasecondeestlaclefdelacommunautéquinousrévèlequelecharismedontnousavonsbesoinsetrouveenl’autre,celuiquenouscôtoyons rarement.Nous tous,pauvres,avonsbesoinquechacunpuisseexprimerlibrementsacapacitéd’amour.

Libérerlasubsidiaritécréative

Demêmequ’onnepeutenleverauxparticuliers,pourlestransféreràlacommunauté, lesattributionsdont ilssontcapablesdes’acquitterdeleurseuleinitiativeetparleurspropresmoyens,ainsiceseraitcommettreuneinjustice, enmême tempsque troubler d’unemanière très dommageablel’ordresocial,quede retirerauxgroupementsd’ordre inférieur,pour lesconfieràunecollectivitéplusvasteetd’unrangplusélevé,lesfonctionsqu’ils sont en mesure de remplir eux-mêmes (Pie XI, Quadragesimo

anno,79).

Dans son encyclique Centesimus annus, Jean-Paul IIrappelaitquela«propriétédelaconnaissance,delatechniqueet du savoir » est un des fondements de la richesse des paysindustrialisés et, par là même, une richesse fondamentale etintrinsèquedel’homme52.

Ainsi, nous comprenons que le travail, richesse créative, estunemiseenpratiqueextraordinairedestalentsdel’homme.Leprincipe de subsidiarité vient de cette compréhensionparticulièredenotreanthropologiechrétienne.MichaelNovak,unphilosopheaméricainquijouaunrôleimportantauseindelarevuecatholiqueFirstThingsetquiinfluençalapenséedeJean-Paul II, affirmait ainsi que « l’économie de marché estdynamiqueetcréative,carelleestouverteaudynamismeetàlacréativité intrinsèques de notre humanité53 ». Nous verronsnéanmoins, lorsquenousévoqueronsla traditionmonastiqueetle silence, que l’humanité n’a pas seulement besoin dedynamisme,mais égalementdepermanence.Toutprogrèsn’estpasbonensoi.

Intelligence, créativité, initiative, fragilité même, chaqueemployé possède un actif qu’il sous-estime parfois ou qui estignoré par sa direction, alors même qu’il est le cœur de lavocation de l’entreprise. Steve Jobs ne dit pas autre choselorsque,dansunecampagnepublicitaireculte,ilenappelleaux«crazyones»(insensés)quiveulentchangerlemonde.Commetoute entreprise, Apple a besoin des talents humains pour sedévelopper.Chaque personne qui compose nos entreprises (ounosorganisationsausenspluslarge)auntalentàfairefructifieret à partager, etmême le plus petit d’entre tous, surtout lui, a

uneplacedansleplandeDieu.

Très concrètement, depuis l’avènement des nouvellestechnologies, nous avons vu fleurir des méthodes demanagement originales, fondées sur l’initiative personnelle. Letalent humain devenant la clef de la réussite de la révolutionimmatérielle et numérique, il a fallu, pour toutes ces start-up,repenserlerapportautravail,lamotivation,l’affectiosocietatiset la cultured’entreprise.Les journaux économiques regorgentsuffisammentdeces fuitesdecerveauxentreAmazon,Google,Facebook, Twitter et autres start-up de toutes tailles pour quenouscomprenionsquel’êtrehumainestrevenuaucentredujeu.Aumoinsentantquecompétencecréative.Est ainsi apparu au sein de Google le dorénavant fameux

principedu«20percent time» :20%du tempsde travaildechaque ingénieur est consacré à un projet personnel, qui doitêtre open source s’il est indépendant de l’entreprise(subsidiarité et destination universelle des biens se relientencore, même chez Google). De là seraient nées certaines desplus grandes innovations de l’entreprise, commeGoogleMapsouGmail.D’autresentreprisesontparexemplemisenplacedesjournées « silence » sans téléphone, sans réunion, sansperturbations, afin d’offrir aux employés la tranquilliténécessaireàlaréalisationdeleurtravailindividuel.Unesociétéd’assurance britannique a même créé un département dédié àl’étudedespropositionsdeproduits,d’initiativesoudeservicesémanantdesemployés.Vineet Nayar, le P-DG d’HCL Technologies Ltd., l’une des

multinationales indiennes de services TIC (technologies del’informationetdelacommunication)quiconnaîtlacroissancela plus rapide et la plus forte, se rendit célèbre en expliquantdans un livre à succès54 sa méthode non conventionnelle de

L’écologie étudie les relations entre les organismes vivants etl’environnement où ceux-ci se développent.Cela demande de s’asseoirpour penser et pour discuter avec honnêteté des conditions de vie et desurvie d’une société, pour remettre en question les modèles dedéveloppement,deproductionetdeconsommation. Iln’estpassuperflud’insistersurlefaitquetoutestlié(François,Laudatosi’,138).

Déjà dans Caritas in veritate, Benoît XVI affirmait laresponsabilité de l’Église envers la création, qui est d’ailleursresponsabilité des hommes envers ce cadeau que Dieu leur aconfié.SiDieuacréélecieletlaterre,lesanimaux,lesfruitsetles arbres, le jour et la nuit, ce n’était certainement pas pours’occuper en testant d’absurdes pouvoirs magiques, mais bienplutôt pour que l’homme en jouisse et qu’il s’émerveille.L’EspritdeDieu,causepremière,estprésentnaturellementdansSacréationquiestunacted’amour.«Magnificat,lePuissantfitpourmoidesmerveilles!»,s’écrialaViergeMarie.

Latraditionmonastiqueappelle«contemplationnaturelle»lefait de chercher Dieu dans la nature. Saint Maxime leConfesseur, moine byzantin du VIIe siècle, dit ainsi que « lacréation devient comme un immense buisson ardent où lespirituelperçoitquelquechosedeDieu66 ».Cen’estpaspourrien,commelesoulignaBenoîtXVIdansunedesesaudiences,que les communautés religieuses se sont établies « dans deslieux particulièrement beaux, dans les campagnes, sur lescollines,dans lesvalléesentre lesmontagnes,auborddes lacsoudelamer,voiresurdepetitesîles67».Ceux qui vivent au plus proche de la nature ou ceux qui

voyagent pour la parcourir et découvrir sa splendeur doiventdonc avant tout s’émerveiller et contempler. « Soyez toujoursjoyeuxetpriezsanscesse,entoutechoserendezgrâceàDieu,

c’est sa volonté sur vous dans le Christ », recommande saintPaul68.Unvoyageréussiestunvoyagequinourritl’âme.C’estd’ailleurs une première indication pour tous ceux qui sedéplacent régulièrement dans le cadre de leur travail. Y a-t-ildanscesitinérairesuneplacepourlacontemplation?Bernard de Clairvaux explique ainsi à son cher Henry

Murdach, maître en théologie anglais, que Dieu parlemagnifiquementdanslanature.

On apprend beaucoup plus de choses dans les bois que dans leslivres;lesarbresetlesrochersvousenseignerontdeschosesquevousne sauriez entendre ailleurs, vous verrez par vous-même qu’on peuttirer du miel des pierres et de l’huile des rochers les plus durs. Nesavez-vous pas que la joie distille de nosmontagnes, que le lait et lemielcoulentdenoscollines,etquenosvallonsregorgentdefroment69?

L’écrivainpaysanWendellBerryaimaitàdirequelesoinquel’on a pour la Terre est notre responsabilité la plus ancienne,celle qui a le plus de valeur et, après tout, la plus agréable.Pourtant,forceestdeconstaterquel’étatdenotrecréations’estfortementdétérioré, tantetsibienquelepapeFrançoischargeavecvigueurnotre«culturedudéchet».Nousvivonsunecriseclimatique sans précédent, une crise alimentaire, une crise desressources. La biodiversité s’est dégradée70, de nombreusesespècessesontéteintesencinquanteans,avecunediminutionde l’IPV71 (qui mesure l’évolution de milliers de populationsd’espècesvertébrées)de58%entre1970et2012.L’eausefaitrare (notamment pour les plus pauvres) et celle dont nousdisposonsdevientsale;lapollutionauxpesticidestouche92%des cours d’eau français. Des nuages de pollution flottent au-dessusdenosvilles ;92%de lapopulationurbainemondiale

respirent un air toxique. Et deux cents millions de personnesrésident dans des zones à risque. Il devient difficile des’émerveillerfaceàtoutcela.LepapeFrançoisvise justequandilditque« toutest lié».

L’écologieestaffairedebiencommun;elleestcontemplation,amour de la création, amour des hommes. Pendant longtemps,cette question ne suscita pas l’intérêt. Pas même l’« intérêtgénéral ». Nos économies ne s’en sont en réalité pas tropsouciées… jusqu’àceque la crise écologiquevienneperturbernotrebonheur.Depuisquelquesannées,nouspercevonsainsiunchangementdementalité,quel’onretrouvemêmedansl’universdelafinanceinternationaleavecl’apparitionen2007de«greenbonds»(obligationsenvironnementales).Cetoutilfinancier,quiconnaît un essor considérable depuis 201372, permet parexemple de financer la transition écologique à l’aide d’unempruntobligataireengageant l’émetteursur l’usageprécisdesfondsetportantnécessairementsurdesprojetsayantunimpactfavorablesurl’environnement.SansdoutelafinduXXesièclea-t-elle eu besoin d’avoir peur des conséquences du changementclimatiquepour sepréoccuperde la création.Aussi, quand lesprévisionscatastrophiquessontvenuesbousculernosrêvesnaïfsde bonheur, avons-nous été contraints de revenir à nosfondamentaux.Maisvoilà,soyonsheureuxaujourd’huique leschoseschangent,bienque la raisonàcelanesoitpas toujoursorientéeverslebiencommun.Soyons heureux, car dorénavant la plupart des entreprises,

grandes ou petites, prennent des engagements écologiques,réduisant leur consommation d’énergie ou se tournant vers lesénergies renouvelables, devenant plus vigilantes quant à ladurabilité de l’ensemble de leur supply chain, recréant unurbanisme respirable et se tournant au quotidien vers les

Communautédel’Emmanuel,etpluslargementcetteidéequ’unfrères’appuiesurunautrefrère,estuneréalitéconcrète,àpetiteéchelle,d’unecoopérationcommunautairebénéfique:

L’accompagnementestlelieud’uneréflexionsurlamanièredontestvécuecettetensionentreunevievraimentengagéedanslemondeetenmêmetempsdonnéeàDieu5.

Laréalisationd’uneœuvreestaffairedecoopération,etnécessitel’entraided’unécosystèmedynamiqueetsoudé.

Enfin, il reste le facteur indicible. Un amour du risque, unesprit entrepreneurial et pionnier, une joie créative, unenthousiasme collectif, une volonté de participer à quelquechosedeplusgrandque soi.Aucœurdu succèsde laSiliconValley, on trouve une démarche missionnaire. Certes, legouvernement en a poussé le développement historique parintérêt économique et politique,mais lamissionde changer lemonde était bel et bien présente. Lamission est une aventure.Une aventure que vécurent les premiers disciples partisévangéliser le Proche-Orient ; une épopée fondatrice quevécurent les moines évangélisateurs de l’Europe, tant à l’est(saint Basile) qu’à l’ouest (saint Benoît) ; une entrepriseimmensément risquée que vécurent avec pugnacité lesmissionnairesdunouveaumonde(AmériqueetAsie),commelesJésuites,maispasuniquement;undéfiqueviventtousceuxquiœuvrent à visage découvert dans notre situation historiqueactuelle.Lefacteurindicibleestlavolontémissionnairequitrouve sa réponse au « pour quoi ? » ou au « pour qui ? ». «C’estpar lavolontéquenousméritons etquenousmenons lavie louable et heureuse », nous dit saint Augustin dans sonTraitédulibrearbitre6.

La SiliconValley n’a rien inventé,mais elle a tout illustré.Elle a illustré une transmission missionnaire méthodologique,mise en œuvre par une communauté d’hommes et de femmes,que les hérauts duWeb ont actualisée à leurmanière… et eninstaurantunautresystèmedevaleurs.

ThinkbigouquaerereDeum

Malgré tout, comme jadis où derrière les nombreuses représentationsdesdieuxétaitcachéeetprésentelaquestionduDieuinconnu,demême,aujourd’hui, l’actuelleabsencedeDieuest aussi tacitementhantéepar laquestion qui Le concerne. Quaerere Deum (Benoît XVI, discours auCollègedesBernardins,2008).

Lors de cette allocution, Benoît XVI est revenu sur leformidable développement monastique. Monastères etcathédralesduMoyenÂgefurentbouillonnants.Desmilliersdepersonnes travaillaientdans leschamps,sur leschantiers,danslesmoulins,danslesateliers.Chacunavaitsonrôle,saplace;chacun s’appuyait sur les autres ; chacun partageait la mêmefinalité.«Leurvolontén’étaitpasdecréeruneculturenouvelle,nousditencorelepapeémérite,nideconserveruneculturedupassé.Leurmotivationétaitbeaucoupplussimple.LeurobjectifétaitdechercherDieu,quaerereDeum.»Ils’agissaitfinalementd’élever l’homme, de développer les savoirs et d’étendre àtravers le monde un modèle considéré comme juste, enrespectantunechartequiplaçaitlaconfianceenl’hommeetenDieuaucœurde sonenseignement.LesCisterciensappelèrentainsi leur charte la Carta caritatis (Charte de charité). Lavitalité culturelle de la renaissance médiévale était guidée paruneaspirationspirituelle.

En cette période de renaissance technologique, la cultured’entreprise (corporate culture) des start-up ayant connu lesuccès ces vingt dernières années est un élémentmarquant deleur réussite. Leurs missions, leurs valeurs, les élémentsconstitutifs de leur culture d’entreprise sont régulièrementrappelés et partagés auprès de l’ensemble des employés. Demultiples outils sont mis en place pour permettre cetteappropriation et créer une company (cum-panis), cettecommunauté d’hommes et de femmes dont la mission estcommune:visioconférences,périodiques,accueildesnouveauxemployés, journées d’inspiration et de partage, formations,invitationsd’intervenantsemblématiques…

Lacultured’entreprisedel’èrenumériqueestfun,créativeetseveutéthique.Maiselleserésumesurtoutparcetteinjonction: think big (vois grand). Jeff Bezos, fondateur d’Amazon, ditainsi que « voir petit est une prophétie autoréalisatrice ».LesnouveauxprophètesduWebne s’inquiètentpasdenepasêtre compris tout de suite ; ils veulent être visionnaires etregardentau-delàd’unesimplestratégiemarketingoufinancièred’augmentation de leurs parts de marché. S’ils sontmissionnaires, leur mission est universelle et doit répondre àquelque chose de plus profond. Pour Zappos, entreprise devente en ligne de chaussures reconnue pour son service clientexceptionnel,cesera«Beadventurous»(osez);sonfondateur,TonyHsieh,enafaitunlivre7devenuuneréférence,quiracontecommentilamisaucœurdesespréoccupationslebonheurdesesemployésetde sesclients.PourWeWork,quiadéveloppépartout sur la planète le concept decoworking avec succès, lamission des employés est de créer un monde où l’on peutprofiterde lavie touten travaillant–«Makea life,not justaliving».PourTesla, ilnes’agitpasdeconstruiredesvoitures,

pourrait-ilmettrelapersonnehumaineaucœurdesonactions’ilne nourrit pas son cheminement et ne vit pas lui-mêmepleinementsonhumanité?

J’enprendsaujourd’huià témoincontrevous lecielet la terre : j’aimisdevanttoilavieetlamort,labénédictionetlamalédiction.Choisisdonclavie,afinquetuvives,toiettapostérité20.

Laforcedel’expérimentation

Lemotdeforcepeutseprendreendeuxsens.D’abordselonqu’elleimpliqueenelle-mêmeunecertainefermetéd’âme.Encesens,c’estunevertugénérale,ouplutôtuneconditiondetoutevertu,parceque,d’aprèsle philosophe, il est requis pour la vertu « d’agir de façon ferme etinébranlable ».Mais aussi, on peut parler de « fortitudo » selon qu’elleimplique fermeté d’âme pour supporter et repousser les difficultésparticulièrement impressionnantes, comme les dangers graves (saintThomasd’Aquin,SummaTheologiae,IIa-IIae,question123,article2).

Dans le développement des start-up de l’ère numérique, onretrouve quelque chose qui ressemble à cette vertu cardinalequ’estlafortitude,ouforcemorale,quel’onpeutaussiqualifierpluscommunémentd’audaceoudecourage.Del’audace,ilenfautcertainementpourcréeruneentreprise

àlasortiedel’université,voireplustôtencore,quandonsaitletauxd’échecmoyend’unetelleaventure.Du courage, il en faut assurément pour inventer un produit,

fairenaîtreunmarché et surtoutprendre le risquededéployerunnouveaubusinessmodel.Les entreprises phares du Web ont mis parfois plusieurs

annéesavantdedémontrerqu’ellesétaientcapables,sicen’estd’être rentables, ne serait-ce que d’avoir une ligne de revenu.Oui,ilenafalludelaforceàcesentrepreneurspourconvaincre

tout un écosystèmede financerde lourdespertes le tempsquelesproduitsoulesservicess’installentsurleursmarchés;pourconvaincre un régulateur de ne pas leurmettre de bâtons dansles roues avant qu’ils puissent avoir un retour d’expériencesuffisant;pournouerundialogueavecdesutilisateursexigeantsjusqu’à pouvoir leur proposer quelque chose qui soit fiable etqui réponde à leurs attentes.Google, Facebook,Airbnb, eBay,BlaBlaCar sont autant de modèles innovants qui ont étélongtempsdespuits sans fond.Personnene sait siUber finirapartrouverlaformulegagnante.Avantdecomptercentmillionsd’utilisateurs,Netflixaeudessueursfroides.

L’ère numérique met en évidence ces propos que l’on asouventattribuésàsaintFrançoisd’Assise,fondateurdel’ordredesFrèresmineurs:

Commence par faire le nécessaire, puis fais ce qu’il est possible defaireetturéaliserasl’impossiblesanst’enapercevoir.

Écouteunbesoin,puistentequelquechose;aveclagrâcedeDieu, tu réussiras. L’histoire des congrégations est remplied’expérimentationsetdefortitude.C’esten540,soittrenteansaprès son premier abbatiat et ses premières expérimentations,que saint Benoît rédige sa règle ; de même, les Exercicesspirituels sont bien un retour d’expérience de saint Ignace deLoyola et les communautés nouvelles sont dans uneexpérimentationperpétuelle,dontellestémoignentpourensuitedéployerleconcept.

Plus spécifiquement, et peut-être de manière légèrementprovocante, nous pourrions dire que le Christ lui-même nousrecommande cet outil méthodologique de l’expérimentation.Jésusn’apasprocédéàdesventes forcées,n’apaspropagéde

fake news ni même fait une publicité miraculeuse démontrantque«Dieu,çamarche».Quandilguéritdesaveugles(Matthieu9, 29-30), il leur demande de se taire. Lemiracle n’est pas lemoyen de transmission ; il est un acte de bonté gratuite. Latransmission se fera d’elle-même, avec le temps, parce que, aumilieudenous,Jésusest.Nousexpérimentonscombien«Dieu,çamarche».Suivantcetexemple,bienqu’ilyaiteuégalementun lot de contre-exemples et d’évangélisations « forcées », denombreux missionnaires ont évangélisé sans miracle, sanspublicité, simplement en étant des puits d’amour parmi lespopulations,quitteàsouffriravecellescommeJésusasouffertpourleshommes,leuroffrantdanslapauvretédeleursituationd’expérimenter l’amour infini de Dieu. Cette expérimentationdans l’évangélisation,BenoîtXVInousy invite, à l’imagedessaintsquimontrent labeautéde l’Évangile«par l’exempledeleurvie,attentiveàlacréativitédel’EspritSaint21».Àl’èrenumérique,àl’èredesréseauxsociauxetduboucheà

oreille,àl’èredel’expérience,iln’estpasneutredeseplongerdans cette recommandation évangélique : le bien communs’expérimente.Sinousdevonsassénerunmessagepourvendre,si nous cherchons à éblouir par un miracle, sommes-nouscertainsquenotrepropositionestlabonne?

Créer des produits ou des services,mais également tester etexpérimenterunenouvellemanièrederépondreàunbesoineninnovantouenbousculant l’ordreétabli, telleest lamarquedefabriquedecetteépoquedefourmillementcréatif.Cettedernièreaudace qui consiste à expérimenter des business models estparticulièrement passionnante, car on peut dire comme SeanBlanda,quifutdirecteurdelaconférenceannuelle99U,que«lebusiness model est le message22 », par référence à la célèbre

etauvéritablebiendel’homme32.

Unpeuplusloin,ilconfirmera:

Unteldiscernementdevrasefondersurlecritèredelacharitéetdelavérité33.

Nos actions doivent être précédées d’un questionnementapprofondietd’untravailderechercheméticuleuxvisantànousfaire passer du phénomène au fondement, et à répondrepleinementàcettevocationd’amourquisous-tendnosactivités.ElonMuskcroitprofondémentquenousnoustromponslorsquenouspensonsquelatechnologies’amélioreautomatiquement:«Elleneprogressequesibeaucoupdemondetravailledurementpour la rendre meilleure. » Comme les moines copistes auMoyenÂge.Ilfautsuerpourtransformerlemonde.

Ce quaerere Deum qui épuisait les yeux à la lueur de labougie ne sera pas renié par cette autre méthode dequestionnement et d’approfondissement, qui n’est ni designthinking ni first principles : la lectio divina. Résumée parGuiguesleChartreux,ellenousinciteànouslaissernourrirparlaparoledeDieuenquatredegrés.

Un jour, pendant le travail manuel, je commençai à penser àl’exercicespiritueldel’homme,et toutàcoups’offrirentà laréflexionde mon esprit quatre degrés spirituels : lecture, méditation, prière,contemplation. S’il est permis de s’exprimer ainsi, la lecture apporteunenourrituresubstantielleàlabouche,laméditationmâcheettriturecetaliment,laprièreobtientdegoûter,lacontemplationestladouceurmême qui réjouit et refait. La lecture est dans l’écorce, la méditationdans la moelle, la prière dans l’expression du désir, la contemplationdanslajouissancedeladouceurobtenue34…

Il est étonnant que Guigues ait eu cette intuition entravaillant. Étonnant et peut-être révélateur. En reprenant lesméthodologiesd’innovation,onyretrouve(paranalogie…ElonMusk serait terrifié !) des clefs d’application. Lire, c’estcomprendre la réalité, écouter le besoin ;méditer, c’est laisservaguer sonesprit, définir leproblème, être créatif ; prier, c’estfaire appel au discernement et à la volonté de Dieu, poser lequestionnement moral de notre activité ; et contempler, c’ests’émerveiller devant l’amour que nous avons réussi à donner,l’échangequenousavonsnoué,l’œuvrequeDieunousapermisderéaliser.

Petit à petit, nous comprenons que la doctrine sociale del’Église n’est pas un recueil de principes théologiquesinapplicables dans notre vie professionnelle ; éclairée à lalumière de la tradition et de l’histoire, mise au défi par desingénieurs en T-shirt, elle devient un cheminement qui nousproposedediscernernosactions,enayantlecouraged’agir.

Ilyapresquetout,maispasl’essentiel

La doctrine sociale « a par elle-même la valeur d’un instrumentd’évangélisation»etsedéveloppedans la rencontre toujoursrenouveléeentrelemessageévangéliqueetl’histoirehumaine(compendium,67).

Ledernierprécepte(73)delarègledesaintBenoîtporteunintituléintrigant:

Touteslesprescriptionsqu’ilestbond’observernesontpasinscritesdanscetterègle.

SaintBenoît rappelle à sesmoines qu’aucune règle ne peutcontenirtoutcequ’ilfautrespecterpourmeneruneviesainte.Il

dit en substance : vivez conformément à ce que vous êtes etgrandissez.Illesenvoie.

Si une règle de vie est insuffisante ou inachevée, combienplus l’est un corpus tel que la doctrine sociale, qui s’inscritdynamiquementdans l’histoirede l’Église.Ouplutôt,combienil est difficile d’en tirer une grille de critères, comme cela estsouventdemandéparceuxquisouhaiteraients’yconformer.Ladoctrine sociale se développe dans une « rencontre toujoursrenouvelée»,c’est-à-direquenousparticiponsaujourd’huiàsarédactionouàsonaugmentation. Ilaainsi falluque lasociétéallemandesoitbousculéeparlesidéologieslibéraleetmarxistepour que l’évêque de Mayence, Wilhelm von Ketteler,redécouvreàlafinduXIXesièclelaprofondeurduprincipedesubsidiaritéetalerteBismarcksurlaconditionouvrière.

Au-delà des principes inspirés que la doctrine sociale nouspropose, la tradition nous invite, comme nous l’avonsentraperçu,àréalisernotrevocationdanslemonde.L’histoiredel’Église nous donne des clefs pour nous aider à cheminer, quiont souvent été reprises sans le savoir par le mondetechnologiqueprofane:êtreunecommunautéouverte,avoirunehumbleambition,penseretsecultiver,chercherDieu,prierdansle silence, oser et expérimenter, écouter l’humain, s’interroger,discerner et consulter l’autre avant d’agir.Mais les enjeux dumondesontimmenses.

Face à cette urgence, nous reprendrons la tripletransformation de LinkedIn : transformation de soi,transformation de l’entreprise et transformation dumonde. Enl’ajustantcependant,cariln’yapastoutdanscesrèglesetcesméthodes; ilmanquel’essentiel,quenouslivresaintMatthieu

L’historienducompagnonnageÉtienneMartinSaint-Léonnousenseigne qu’une « foi pressante porte le plus souvent lesbâtisseurs ». Cet enthousiasme les conduisit à travers lescampagnesdurantdixans,vingtans,touteleurvie,pourtrouverdu travail bien sûr, mais aussi parce que les voyagesenrichissaientleurconnaissancedestechniquesetdesméthodes,encomplémentdestraitésetdesmanuels.

Les siècles qui suivirent virent l’explosion des sciencesmodernes. L’Église s’est-elle opposée au développement del’astronomie,delagéologie,delagénétique,delachimieoudelamédecine?C’estellequi institua lesprincipalesuniversitésde médecine. L’Église catholique a parfois le syndromeCopernic-Galilée, deux personnages qui ont donné lieu à degrandesdiscussionsetàdeserreursqu’elleareconnues.Certes,les scientifiques eurent parfois des débats vigoureux avecl’institution ecclésiale ;mais l’Église est justement un lieu oùl’intelligencecreuseauplusprofondpourchercherDieu ;celaporte quelquefois à ébullition. Nous pourrions pourtant citerBlaise Pascal, fameux polymathe qui approfondit tant lesscienceshumaineset théologiquesque lesmathématiqueset laphysique, Gregor Mendel qui fut moine augustinien et pèrefondateur de la génétique ou encoreGeorges Lemaître qui futprêtre,professeurdephysique,connupourêtreàl’originedelathéorie du big bang qu’accueillit avec une grande joiescientifique le pape Pie XII. Georges Lemaître fut d’ailleursnomméprésidentdel’Académiepontificaledessciences.

Car l’Église compte uneAcadémie des sciences qui s’ouvremêmeàdesmembresnepartageantpas lafoidans lekérygme.Ce Vatican qu’on dit opposé à tout progrès possède unobservatoire astronomiquede réputationmondiale ; il organise

des conférences sur la médecine régénérative, l’intelligenceartificielleetlatransformationdigitaleouencorelablockchain;lesDominicains,trèsprésentsdanslaSiliconValley,ontcrééunréseaude rechercheOptic sur leprogrès technologique ;et leslaïcs,aucœurdumonde,nesontpasenreste:c’estengrandepartieàeux(ànous)ques’adressecelivre.

La question que pose l’Église est différente. Elle se méfied’une idéologie technocratique identifiée par Paul VI. Sujetcomplexe, mais qui peut se simplifier par cette remarque deBenoîtXVIdansCaritasinveritate:

Ilfautnéanmoinssoulignerqu’iln’estpassuffisantdeprogresserduseulpointdevueéconomiqueettechnologique.Ilfautavanttoutqueledéveloppementsoitvraietintégral3.

Ou encore cette sublime analyse, à l’article 70 de la mêmeencyclique:

Le développement technologique peut amener à penser que latechnique se suffit à elle-même, quand l’homme, en s’interrogeantuniquementsur lecomment,ometdeconsidérer tous lespourquoiquile poussent à agir. C’est pour cela que la technique prend des traitsambigus.Néede la créativité humaine comme instrument de la libertéde la personne, elle peut être comprise comme un élément de libertéabsolue, libertéquiveuts’affranchirdes limitesqueleschosesportentenelles-mêmes.

C’est ce discernement qui a conduit l’Église à relever quecertaines«techniques»allaientàl’encontredudéveloppementintégral.Devant chaque innovation, l’Église discerne. Elle interroge.

Laneutralité technologiquen’existepas ; toute technologieestissued’unsystèmedevaleursetadesconséquences.Or,notre

èreesttémoind’unecroissancetechnologiqueinéditequilaissepeude tempsaudiscernement et qui risquede conduire àunesociététechnocratiquequioublieraitsonhumanité.

Forts de tout cela, de nos principes inaliénables, de notreméthodologiequimêlelesilencedelaréflexion,l’humanitédel’expérimentation, l’indispensablediscernement et l’inspirationdel’esprit,nouspouvonsessayerd’apporterquelqueséclairagessur des évolutions récentes ou à venir, et ainsi apporter notrepierreàcettedoctrinesocialequis’écritquotidiennementenseconfrontantaumonde.

L’explosiondutravailindépendant

L’homme qui travaille désire non seulement recevoir la rémunérationquiluiestduepoursontravail,maisaussiqu’onprenneenconsidération,dans le processus même de production, la possibilité pour lui d’avoirconscience que, même s’il travaille dans une propriété collective, iltravaille en même temps « à son compte » (Jean-Paul II, Laboremexercens,15).

Le travail tel que l’ont connu nos pères est aujourd’hui enplein bouleversement, et avec lui la notionmême d’entreprise.Leschiffressontlà:53millionsdefreelancersauxÉtats-Unis,2,8millionsenFrance,uneaugmentationde25%enmoyenne.C’estunphénomènedesociétémajeur.Selonl’étudedeDeloitteGlobal Human Capital Trends, réalisée en 2017, 51 % desdirigeants estiment que leur organisation envisage d’accroîtrel’utilisationd’employésindépendantsetflexiblesdanslestroisàcinqprochainesannées.Desorganisationsquiétaientautrefoisdes communautés de salariés deviennent ainsi desregroupements de freelancers et des structures ouvertes. Nousassistonsdefaitàune«ubérisation»dutravail–l’expression

supervisée par des êtres humains responsables. Nous voyonsbien que les programmes d’intelligence artificielle ne peuventdoncpas,pareux-mêmes,nousorienterverslebiencommun.Lebiencommunétantlechemindenotretravail,denotreéconomieetdenotremonde,CQFD.

Le développement exponentiel de l’intelligence artificiellesuscite une seconde réflexion liée au principe de subsidiarité,qui ne doit pas être une crainte, mais peut-être plutôt uneexigence, voireune espérance.Celle-ci découledirectementdecettecapacitéd’amourdelapersonnehumaine.Leporte-paroled’unegrandebanqueaméricainequiamisen

place des agences sans êtres humains nous dit ainsi que « lesrobots sont capables de tenir une conversation à propos d’unemprunt immobilier, d’un investissement pour la retraite ouencore d’un crédit automobile16 ». À la première lecture, celapeut choquer. Puis nous nous souvenons de notre propreexpérienceentantqueclientetessayonsdenousremémoreruneexpérience ancienne ou vécue par nos parents, en nous posantquelquesquestions:quelleest/étaitlamargedemanœuvre,la«subsidiarité » appliquée dans le monde bancaire ? Quelledécisionunconseillerpeut/pouvait-ilprendre?Quelleréponsehumaine, compréhensive, audacieuse peut/pouvait-il apporterface à la problématique d’un client ? Chacun a été confronté,personnellementouprofessionnellement,auprocessusdecrédit,parexemple.Leconseillerest-ildécideur?Non.Ledirecteurdel’agence est-il même décideur ? Bien souvent, non. Nosinterlocuteurs, en trenteans,ontperduunpouvoirdedécisionconsidérable (pour des myriades de raisons, notammentréglementaires et de contrôle des risques). La réponse setransforme alors en question : pourquoi donc fréquenter uneagencesilarobotisationestdéjààl’œuvreaucœurmêmedela

relation humaine, si l’humain est lui-même dépouillé (par desprocess, du contrôle, etc.) de sa liberté créative, de sa naturebienveillante,desacapacitéd’amour,desabonté?Sortons du monde bancaire et élargissons. Je livre un

témoignagepersonnel,concret.AéroportdeBirmingham,jevaischercherlavoiturequej’avaislouée.J’avaisprécisésurInternetque ma femme conduirait (je n’aime pas la conduite àgauche…). Au kiosque, l’employé me donne les clefs et medemande mon permis. Je lui indique avoir mentionné monépouse comme conductrice. Il refuse. Un quart d’heure denégociation. Impossible. Pourquoi ? La carte bleue qui avaitservi à réserver un véhicule chez ce prestataire lors d’uneoccasionantérieureétaitliéeàunconducteurnominatifetilnepouvaitpas«modifierlesystème».Beaucoupd’employésaujourd’huinepeuventpas«modifier

le système ». Beaucoup le vivent difficilement. L’intelligenceartificielleimposeauxentreprisesundéfinouveau,passionnantetsalvateur.Ils’agitpourellesderepenserlaplacedel’hommedans leur organisation. Non seulement face à cette innovationintelligenteetartificielle,maiségalementfaceàunpasséquiatrop souvent manqué d’intelligence en mettant en place desartifices.Parceque les hommesont intrinsèquement besoinderelations et parce que leur donner un espace de libertédécisionnelle est un principe de dignité. Un homme devenurobot est certes moins compétitif qu’un robot, mais s’il se «dérobotise», il recouvrealors son intelligencecréativeunique,son inclination pour l’amour et participe à l’édification d’unmonde intéressant. Un jour où Kasparov avait réussi à battreDeep Blue lors d’une partie d’échecs, il avait expliqué avoirjoué demanière irrationnelle. L’être humain a cette capacité àsortirdescases,àcréer.Ilcommettrabiensûrdeserreurs,maisnedoit-ilpasacceptersafragilité?

Nous en venons donc au troisième principe de la doctrinesociale que soulève l’intelligence artificielle : l’optionpréférentielle pour les pauvres. Notre monde agit comme s’iln’acceptait plus la fragilité de l’homme. Il veut tout résoudre.Nousavonsvuque l’èrenumériqueétait solutionniste,c’est-à-dire qu’elle considérait que la technologie était capable derésoudrel’essentieldesproblèmesquenousrencontrons.Ainsi,lavoituresanschauffeurviendrarésorberlesaccidents

automobiles. La personne humaine n’est pas un conducteurfiable ; lamachine, en plus de nous offrir le luxe de ne plusavoirbesoindeconduire,noussauverade lamortaccidentelle.Mais elle nous empêchera aussi de discerner par nous-mêmes,de décider de nous arrêter au feu rouge et d’actionner notreclignotant,desuivrevolontairementlechemindebienquiestlàoù se situenotrevéritable liberté, denous tromper aussi et derecommencer.Lafragilitéhumaineestaucœurdenotreliberté,denotrebesoindel’autreetdoncdenotrebesoind’amour,decechoixvolontairedubienquenousdevonsfaire.Danscecas,laquestiondecetteintelligenceartificiellen’estpastantd’intégrerde l’éthiquedans l’algorithme(lavoituredoit-elle renverserunenfant ou une vieille dame ?), mais plus celle del’asservissement consentant d’une population humaine fragilequiverrait se réduire leszonesoùellepeutexercersonproprediscernementetsaliberté.Àcetitre,ilestpertinentdenotericiqu’aucundesseptprincipesdedesigndel’IAannoncésenjuin2018parSundarPichainefaitréférenceàlalibertédel’homme.L’intelligence artificielle veut nous faire oublier que nous

sommes pauvres et fragiles, tant et si bien que parfois elleméprise notre pauvreté. C’est ainsi qu’elle se nourrit de nosdonnées,récoltéesgratuitementsurlesréseaux.Nousracontonsnotrevie sur les réseauxsociaux,nous sommes les travailleurs

compagnonsetlesmoinesautrefois;ellesbâtissentavecledésirdepermettreàtousetàchacund’avoiruneviemeilleure.Cetterévolutionurbaineestpossiblegrâceàl’avènementdes

technologies, aux processus d’expérimentation et de design,ainsi qu’à la volonté d’une génération qui veut voir grandetmieux.Elleestégalementpossiblegrâceàl’immenseterreaudedata

évoqué précédemment, qui vient enrichir la connaissance,faciliter la détection des problèmes et des besoins, et doncpermettred’yrépondre.D’environhuitmilliardsaujourd’hui,lesobjets connectés devraient se multiplier et atteindre vingtmilliardsen2020,selonlecabinetGartner.

Récemment,plusieursgroupestechnologiquessesont lancésdans la smart city d’une manière plus globale. Microsoft, ouplutôt la société d’investissement de Bill Gates, a acheté 10000 hectares dans le désert de l’Arizona pour construire uneville appelée Belmont, afin de répondre à la surpopulationurbaine. Selon le communiqué, la ville « va créer unecommunautéavant-gardiste,fondéesurlacommunicationetlesinfrastructures technologiques de pointe, conçue autour desréseaux à haut débit, des centres de données, de nouveauxmodèles technologiques de distribution et de fabrication, devoitures et de centres logistiques autonomes ». En parallèle,Alphabet (maison mère de Google), via sa filiale Sidewalk, aannoncéunpartenariatpublic-privéaveclavilledeTorontopourconstruire sur le port une « Internet city » qui serait un «laboratoire » en vue d’expérimenter et peut-être ensuite dedéployer ce qui pourrait être la ville du futur : voituresautonomes, feux rouges et éclairage urbain intelligents,Wi-Fipublic. Grâce à des capteurs et à des caméras associées à del’intelligence artificielle placés un peu partout, Sidewalk

souhaite améliorer la qualité de l’air, la consommationd’énergie,lacirculationetéventuellementlasécurité.Uncranplusloin,commetoujours,PeterThielestpartenaire

d’uneinitiativetrèsoriginale,leSeasteadingInstitute,dirigéparle petit-fils de Milton Friedman, dont la philosophielibertarienne s’inspire des charter cities, ces villesindépendantes, voire cesmicronations,possédant leurspropresrègles,leurspropreslois,leurpropredroitetleurproprecharte(charter), à l’image deHong-Kong à ses débuts.Dans l’espritdes penseurs de ce concept, notamment du professeur PaulRomerdel’universitédeNewYork,ils’agitdecréerdeszonesde développement économique libres dans un esprit pionnier(dotéesd’aéroports,d’infrastructures,d’unsystèmed’éducation,etc.). Le Seasteading Institute promeut plus spécifiquement ledéveloppement de l’humanité sur les océans, c’est-à-dire deschartercitiesflottantes.En2017,unaccordaétésignéaveclaPolynésiefrançaisepourlanceruntestgrandeurnature,dontlastructureévoluerajusqu’en2040.L’Institutprécise:

Le projet consiste à construire des plates-formes flottantesécologiquesdansunlagondelaPolynésiefrançaise,quipourraitoffrirune réponse aux défis liés à lamontée des eaux et au développementdurable. Ces plates-formes constitueraient aussi une base pour deshabitations, des bureaux et des infrastructures diverses, afind’encourager la formation de communautés dynamiques et d’explorerdenouvellesmanièresdevivreensemble.

Auparavant,JoeQuirk,leprésidentdel’Institut,avaitprécisésa pensée, promettant que ces « nations flottantes restaurerontl’environnement, enrichiront les pauvres, soigneront lesmaladiesetlibérerontl’humanitédespoliticiens».

GoogleetMicrosoftnesontpasliéesauSeasteadingInsitute

etnousn’ensommespaslà.Maisilestintéressantdevoir,àlalumièredeladoctrinesociale,lesenjeuxquecetravailquel’onsouhaite orienter vers le bien commun peut soulever. Les datanécessairesàlaréussited’unevilleconnectéeposentlaquestionde la liberté et de la vie privée ; la démocratie directe, querendentpossible les applicationsnumériques, peuvent êtreuneporteverslasubsidiaritésilessciencescognitivesn’influentpassur les choix personnels ; les plates-formes Internet decovoiturage, de réservation de voitures avec chauffeur ou delogement développent une nouvelle forme de solidarité quandelles n’oublient pas les plus fragiles, que les réglementationsanciennes protégeaient ; la mise en place de Wi-Fi public,l’accès à l’énergie, la replantation écologique sont autant debiens auxquels les smart cities redonnent un usage universel,lorsque cette gratuité et cette « logique du don » (selonl’expressiondeBenoîtXVI)nenécessitentpasquenoussoyonsnous-mêmes lamonnaied’échangeparnosdonnées.Et le rôlede l’État, des institutions politiques légitimes, d’une autoritésupérieure que notre époque à tendance libertarienne chercheparfoisàminimiser,doitêtreaffirméàsajusteplace.

Devantcetavenirnumériquepalpitantetcetravailénormequiestfournienvuederedonnervieànotrecadreurbainetdenousengager à devenir une communauté fraternelle universelle, lestextesbibliquesnousdonnenttroisindicateurs.Lepremier,c’estBabel qui a voulu créer une unité sans Dieu ; il estindispensabledelaisseraucœurdenosviesurbainesuneplacepour Dieu qui seul fait l’unité. Le deuxième indicateur, c’estSodome et Gomorrhe qui ne furent pas punies pour la seuledébauche,mais bien plus parce qu’elles ne respectaient pas leprincipe d’hospitalité ; soyons vigilants à ouvrir nos portes àtout le monde, y compris au plus fragile. Le troisième signe,

explorons:

Peuàpeu,j’aidécouvertquelalignedepartageentrelebienetlemalneséparenilesÉtats,nilesclasses,nilespartis,maisqu’elletraverselecœurdechaquehommeetdetoutel’humanité.Etquisouhaitedétruireunmorceaudesonproprecœur?

J’aivouluparcelivreesquisserquelquespistes.J’airappeléles principes fondamentaux de ce corpusmagistériel qu’est ladoctrinesocialedel’Église,bienpluscompletetcomplexequele résumé que j’en ai fait. Il nous enseigne l’amour, qui estorientation vers le bien commun, qui est chemin libre etsubsidiaire,quiestrencontredel’autreetrefletdupluspauvre,qui est beauté de la création, de l’homme et de Dieu. J’aiégalementvouluproposerquelqueséclairagesquenousoffrelatradition, les communautés chrétiennes des temps passés etprésents, car nous sommes tous appelés à actualiser cettedoctrineennousconfrontantaumonde.Cequejeperçoisdansla tradition, c’est que l’Esprit Saint a insufflé à de multiplesreprises aux chrétiens ses dons ; il a unifié un véritableécosystèmedechercheursdeDieuetainspirénombred’outils,de méthodes et de structures. Il nous encourage également àréaliserlebutdenotrevie,expriméparsaintAugustin:reposerdans leSeigneur. Il est égalementprésentdansnos sacrementsdemission que sont le baptêmemais aussi le mariage, lequelnous lie à cet autrequi se sentparfois abandonnéquandnousoublionsde laisserau repos laplacequi luiestdue,alorsquecette oasis familiale de vie chrétienne est un terrain tellementfertileetinspirant.

Rava,unmaître talmudiquedu IVe siècle, enseignequ’aprèslamortleshommesserontappelésàrépondreàsixquestions:•As-tuconduittesaffairesavechonnêteté?

•As-tufixéuntempspourl’étudedelaTorah?•As-tupeuplélemonde?•As-tuattendulesalut,emplid’espérance?•As-tudeviséavecsagesse?•As-tudéduitunechosed’uneautre?Cesdemandes,tiréesdelatraditionjuive,sontmerveilleuses.

Modestement,àleurécoute,leprésentlivreatentéd’évoquerceque la doctrine sociale peut nous enseigner pour nousaccompagnerdansnotredésird’accomplirnotretravailavecfoi;lalecturedecespagesencourageàétudierlemagistère;jen’yévoque pas suffisamment le rôle central de la famille commesocle de notre communauté humaine, y compris dans nosactivités professionnelles. Bien que certains développementstechnologiques effraient de nombreux lecteurs, le chrétien estempli d’espérance et j’ai voulu aussi mettre en lumière lesbeautés de l’ère numérique ; cet ouvrage a ainsi été construitcommeun échangedialectique entre la foi et les technologies.Enfin, à partir d’exemples issus tant de la tradition que del’actualité, je me suis efforcé de tirer des enseignements detoutes ces expérimentations et d’en déduire des orientationspossibles.

Si l’Esprit Saint s’est manifesté pendant la rédaction de celivre, son souffle était un encouragement à ne pas laisser lemondesebâtirsansluietàréalisernotrevocation.Parcequelesenjeux,àtouteépoque,sontmajeursetquelesfruitsportésparlesdonsdel’Espritsontlesréponsesqu’attendlemonde.

Répondre à la question de savoir comment être chrétien àl’ère du numérique, c’est définitivement permettre à tous et àchacund’êtreconnectésàl’amour.

_________________________1.Article73.2.BrianPatrickGreen,«Thecatholicchurchandtechnologicalprogress:past,present,andfuture»,inReligions,2017,8,106.3.Article23.4.12,4-8.5.Granderègle7.6.Compendiumdeladoctrinesocialedel’Église,315.7.ConférenceàDartmouthen1956.8.http://voxeu.org/article/new-spring-artificial-intelligence-few-early-economics.9.Cesinvestissementsontétémultipliésparsixdepuis2000(selonAIIndex,novembre2017).10.Op.cit.11.Isaïe11,1-3.12.Desacramentis,III,8.13.Adversushaereses,III,22,1.14.ÉpîtreauxGalates5,22-23.15.Kai-FuLee,«Ablueprintforcoexistencewithartificialintelligence»,inWired,12juillet2017.16.AnnePace,porte-paroledelaBankofAmerica,citéeparleWashingtonPost,8février2017.17. Algorithme d’analyse des liens concourant au système de classement des pages Web, utilisé par le moteur derechercheGoogle.18.Article105.19.www.cato-unbound.org/2009/04/13/peter-thiel/education-libertarian.20.GaudiumetSpes,op.cit.21.TristanHarris, «How technology ishijackingyourmind– fromamagicianandGoogledesignethicist», inThriveGlobal, 2016 (https://journal.thriveglobal.com/how-technology-hijacks-peoples-minds-from-a-magician-and-google-s-design-ethicist-56d62ef5edf3).22.InPaulLewis,«“Ourmindscanbehijacked”:thetechinsiderswhofearasmartphonedystopia»,TheGuardian,6octobre2017.23.«WhatifeveryonewastextingwhilewalkingatShibuyacrossing?»,vidéopubliéele28mars2014surYouTube.24.Article6.25.Article63.26.Audiencegénérale,16mai2012.27. Sa singularité est une croyance en une intelligence artificielle qui deviendrait largement supérieure à l’intelligencehumaine.28.Ceserafinalement6milliardsdedollars.29.Desmœurs,chapitreXV.30.CathyO’Neil,Weapons ofMathDestruction,HowBigData Increases Inequality andThreatensDemocracy,CrownPenguinRandomHouse,2016.31.Article46.32.Ibid.,article2.33.Article187.34.MessagedeSatoshiNakamotodu11février2009,surleforumdelaP2PFoundation.35.Summatheologiae,IIa,IIae,question66,article2,op.cit.36.Matthieu22,37-39.37.Entrepreneurcélèbre,fondateurdugroupeO’ReillyMediadédiéauxtechnologies.TimO’Reilly,WTF?,What’stheFutureandWhyIt’sUptoUs,HarperBusiness,2017.

38.PokémonGO.39.19,11-12.

exultet · cet économiste qui a mis en place une formation à la doctrine sociale de l’Église,...

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