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Ce cri au cœur de ma vie Juliette Gentelet

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Ce cri au cœur de ma vie

Juliette Gentelet

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----------------------------INFORMATION----------------------------Couverture : Classique

[Roman (134x204)] NB Pages : 424 pages

- Tranche : 2 mm + (nb pages x 0,07 mm) = 31.68 ----------------------------------------------------------------------------

Ce cri au cœur de ma vie

Juliette Gentelet

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A mon jeune frère parti si tôt

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Je sentais un cri infini Qui se passait à travers l’univers Et déchirait la Nature

(Edvard MÜNCH, à propos de son œuvre « le cri »)

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Avant-propos

« Nul ne guérit de son enfance » J’ai aimé et fredonné cette chanson de Jean Ferrat qui a la force d’une vérité universelle, sans tout comprendre. Je pensais que pour parler de guérison, il fallait avoir souffert, or, il évoque une enfance de rêve :

« … moi, le nez dans leurs dentelles Je respirais à contre-jour Dans le parfum des mirabelles L’odeur troublante de l’amour… »

Pour lui, c’est la fin de son enfance qui est douleur quand il se remémore « l’image d’un père évanouie qui disparut avec la guerre… ». Il avait onze ans quand son père déporté à Auschwitz y mourut.

Mon enfance fut bien différente de celle de Jean Ferrat. Les conditions n’étaient pas réunies pour que j’en garde un souvenir lyrique et ébloui ; mais nous sommes bien d’accord sur l’importance vitale, absolument déterminante des premiers temps de la vie sur l’évolution de la personne dans tous ses aspects. Jean Ferrat y est retourné, dans sa chanson, pour y retrouver de la force et

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moi pour me décrocher du mal-être qui y adhérait. « Nul ne guérit de son enfance » est une affirmation désespérante ou un défi. Si j’ai parfois flotté entre ces deux conceptions, c’est la deuxième qui s’est imposée et que j’ai mise en œuvre.

L’éducation que j’ai reçue : obéir sans comprendre aux injonctions de parents un peu dépassés par la réalité, ou par une religion inadaptée au monde réel, a fait de moi une enfant rebelle ou soumise, alternativement, « chialeuse » et dite capricieuse, trépignant de colère et de détresse dans son corps et dans son âme. Quand dans la vie, j’ai essayé de trouver une place, je me suis cognée à beaucoup de murs jusqu’au jour où, épuisée, risquant ma vie et de guerre lasse, j’ai baissé les armes et trouvé des voies qui me mettaient en cause en me permettant de libérer émotionnellement ce qui m’avait blessée, pour trouver MA place et qui j’étais. Je suis devenue cobaye de moi-même en assumant le pari que je guérirais de mon enfance.

J’ai décidé d’écrire mon témoignage quand, tard dans ma vie, après de nombreuses recherches et une évolution qui m’avaient apporté une certaine sérénité teintée d’ennui, j’ai été troublée par la rencontre d’un homme et fus, de ce fait, assaillie d’émotions surgies de la toute petite enfance, que j’ai reconnues et senties comme les plus mutilantes et handicapantes de ma vie. J’ai accepté ces remous émotionnels et les ai traversés en les exprimant aussi totalement que je les ressentais avec le constat que l’on peut retrouver ce que la mémoire cérébrale a occulté ou pas enregistré, le transformer en tremplin d’évolution et de guérison.

Ce chemin qui m’a conduite aux blessures invisibles m’a donné le goût de me sentir vivante. Un instinct de

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survie bien ancré et ma faculté de ressentir le passé m’ont aidé. Proust, dans ses correspondances écrit qu’« on peut guérir d’une souffrance qu’à condition de l’éprouver pleinement ». C’est ce que j’ai fait, et je voudrais transmettre que l’on peut transformer toute souffrance par le ressenti émotionnel jusqu’à notre dernier souffle, et que l’on en éviterait beaucoup en revisitant encore et toujours l’accueil fait aux nouveaux nés, pour écouter leurs émotions et répondre à leurs besoins.

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1 Tout commence par une chute

« Pour ceux qui ont une intuition de la vie toute chose a une signification »

Dorothy Mc Lean

C’est à mon tour d’être servi au rayon poissonnerie du supermarché Carrefour, le carrelage est très mouillé mais je n’y ai pas prêté attention. Je m’avance vers le serveur et pfit… je glisse brusquement sur mon talon droit et pars dans un vol plané arrière pour retomber lourdement sur la tête dans un bruit qui m’a paru énorme. Pendant la trajectoire qui a pu durer trois secondes, j’ai eu le temps de ressentir une panique qui disait sans les mots « je peux être handicapée ou mourir et comment prévenir mes filles ». Au-dessus de moi, j’entends des voix inquiètes et bien terrestres, quelqu’un me demande si j’ai perdu connaissance, je fais signe que non, mais j’ai du mal à retrouver ma respiration. Je prends ma tête dans mes mains, le crâne semble intact ; ce qu’il y a dedans, je ne sais pas, mais on m’aide à me relever et je tiens debout, à peine groggy.

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Un responsable du magasin m’emmène dans un local isolé pour prendre ma déposition, tout en me disant, pour me rassurer que quoi qu’il arrive, carrefour en assumera les frais. J’écris ce qui s’est passé sur une feuille à en-tête du lieu, signe et remets le double à l’agent. Je me rends compte, quelques jours plus tard qu’il n’a pas signé ma déposition ce qui l’a rend nulle. Un signe peut-être que je n’ai pas un instinct d’auto protection bien développé. Je n’aurai plus affaire au magasin par la suite.

Les jours qui ont suivi, j’ai eu mal aux points de réception sur le sol : le haut du crâne, l’épaule gauche et le bas du dos, rien de grave, pas d’hémorragie, un incident banal en somme. Ce qui est moins banal, c’est que trois semaines plus tôt, j’avais déjà fait une chute violente. Cette fois mon pied avait simplement buté sur le sol et je m’étais projetée en vol plané avant, cette fois, passant de justesse entre une grosse barrière métallique et une borne de pierre. Je m’étais réceptionnée de l’autre côté, m’écrasant lourdement sur la poitrine. Là aussi, j’avais eu du mal à retrouver mon souffle. Mais rien de grave non plus.

Qu’est-ce qui m’arrivait ? Je n’avais pas de problème de santé qui induise une perte d’équilibre. Alors ce pouvait être un signe. Où cela me menait-il ? Les années passant, j’ai tendance à penser que la vie a un sens, qu’on a des évènements à vivre qui orientent ou réorientent notre trajectoire, qu’on a un fil d’Ariane qui nous mène quelque part, pour peu qu’on veuille le suivre, là où il est bon d’aller pour réaliser ce que l’on est, ce pour quoi l’on est né. Ainsi, on rencontre des personnes qui nous poussent à plus d’ouverture d’esprit par exemple, mais ce peut être plus drastique, bouleversant et amener une remise en cause de tout notre équilibre psychique et mental. Heureusement,

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on ne peut prévoir ces coups du sort car souvent on les éviterait et on ne vivrait pas ce que Paulo Coelho appelle dans son best-seller L’Alchimiste, « notre légende personnelle » qui se nourrit de nos expériences et épreuves et qui serait guidée par l’âme du monde.

Cette question des signes ne m’est pas venue tout de suite. Après mes chutes, j’ai surtout cherché une solution à des douleurs de type sciatique qui s’étaient installées peu à peu. Un médecin acupunctrice ne m’avait pas guérie et un autre m’aurait proposé des analgésiques et anti-inflammatoires que je ne voulais pas. Je suis naturellement et par expérience méfiante vis-à-vis des médicaments dont le rapport bénéfices-risques n’est pas toujours celui attendu.

J’étais tombée en octobre 2008, et ce n’est qu’en février 2009 que j’ai demandé à ma fille qui avait accouché quatre fois si elle connaissait un bon ostéopathe. Les jeunes mères en ont souvent besoin. J’ai pris rendez-vous auprès de celui qu’elle m’a indiqué pour la semaine suivante. Une heure avant l’heure convenue, il m’appelle pour me dire qu’il doit aller chercher sa fille chez la nounou et reporter la première séance. Déçue, je trouve quand même l’information intéressante : il est père et s’occupe de son enfant.

Au premier contact, je le trouve simple, direct, à l’écoute, professionnel, avec une voix qui rassure, de mon côté, je ne me sens ni simple ni direct, dans un état très particulier, ce que les anglais appelle « self-consciousness » et qui ne se traduit pas par un mot en français. Il faut expliquer. C’est un état d’embarras extrême dû à une trop forte conscience de soi-même. On voudrait se montrer autrement, à son avantage, sans bien savoir ce que ce

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serait, ou alors se mettre dans un trou de souris. En même temps j’ai l’impression de le connaître sans l’avoir jamais vu. Son nom me dit qu’il est d’origine bretonne, ça me plaît, j’ai un préjugé favorable envers la Bretagne et les bretons. Après m’avoir demandé de préciser où j’avais mal, il me demande mon âge, bizarrement, j’hésite et je lui donne ma date de naissance. Un rapide calcul et il me donne un chiffre de dix ans de moins. Je rectifie. Il me dit son âge, la quarantaine. Il pourrait être mon fils. Je devine bien qu’un petit problème se profile. Je n’ai pas la structure de mon âge, me dit-il. C’est vrai que ni dans ma tête ni dans mon corps je ne vis mon âge civil, à pas mal d’années près. Cette gêne m’alerte.

Il me pose quelques questions pour me situer. A propos de mon parcourt professionnel, je lui explique combien tout a été compliqué, et que alors que j’étais professeur d’anglais, j’avais dû m’arrêter quelque temps et faire une assez longue psychothérapie de type émotionnel dans le but d’assumer un divorce difficile. J’avais alors enseigné au centre national d’enseignement par correspondance (CNEC) et en même temps préparé et obtenu un DESS (diplôme d’enseignement supérieur spécialisé) de psychologue clinicienne. Puis, après dix ans d’interruption, j’avais repris l’enseignement de l’anglais dans un lycée ordinaire. Il m’écoute avec attention, la psychologie l’intéresse. A sa question sur mes distractions, je lui parle de mes petits-enfants, de la peinture que je pratique dans l’atelier d’une association, d’un début de pianotage sur un clavier que je viens d’acheter.

j’avoue enfin, sans trop réfléchir que j’étudie l’astrologie depuis une dizaine d’années, marque de confiance spontanée, rarement accordée parce que je suis

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trop habituée aux réactions du genre : « c’est une croyance et je suis rationnel » ou bien c’est une superstition, une fausse science » et souvent on confond avec la voyance… Alors, s’il m’arrive d’être contestée dans l’intérêt que je lui porte je cite quelques scientifiques reconnus qui l’ont appréciée comme Einstein qui a dit : « L’astrologie est une science en soi, illuminatrice et je lui dois beaucoup. » et sur le rationalisme qui manquerait aux astrologues il confesse : « Je ne suis pas parvenu à une compréhension des lois fondamentales de l’univers grâce à mon esprit rationnel… ». Je peux aussi citer Edgar Morin (3) « Le ciel de naissance donne forme, formule et configuration à ce qui est le plus obscur, le plus mystérieux, le plus nébuleux au MOI : sa subjectivité, sa psyché, l’univers intérieur des pulsions. Le symbole zodiacal apporte à l’individu, non seulement son signe tutélaire mais aussi son signe sémantique, ADN astral, porteur de sa singularité, de son programme, de ses possibilités. ». Mais je n’ai pas eu à me justifier, Yann – c’est ainsi que je l’appellerai – a simplement noté l’information. J’ai apprécié.

Il examine à fond toutes les articulations concernées par mes maux, et je suis en confiance. Il va me réparer, recoller les morceaux. En dehors du facteur relationnel personnel, j’apprécie les soignants qui considèrent l’ensemble de la personne et pas seulement les symptômes par le petit bout de la lorgnette. Il va remettre en place ce qui déraille et le résultat va peut-être se ressentir ailleurs. J’aime ce principe dit « holistique » qu’appliquent les médecines traditionnelles qui savent que la ré-harmonisation du corps agit aussi sur l’équilibre mental, voire émotionnel.

Malgré le stress habituel quand je rencontre une

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nouvelle personne et une nouvelle expérience, je me sens à ma place d’être là, comme si j’avais longtemps cherché ce lieu, cette personne. Est-ce que finalement il y avait dans ma vie si pleine de crises, de mal-être, d’Annapurnas intérieurs plus ou moins bien escaladés, une main invisible qui m’avait amenée là, allongée pour y être réparée ? Je ne suis pas forcément objective, mais c’est ce que je ressens qui donne à ma vie sa couleur, et je crois être entre de bonnes mains. Les mains, c’est vraiment important pour moi, elles ont tant de pouvoir, créer, faire du bien ou faire mal. Il a de bonnes mains.

Je me mets à attendre chaque séance comme un rendez-vous très spécial qui rompt le ronron de ma vie si pleine d’activités pour éviter de la voir en face. Il n’y a pas que mes articulations osseuses qui craquent. Sa qualité de présence m’est aussi indispensable et bénéfique que ses manipulations dont j’apprécie l’efficace technicité. Je reconnais, par les mouvements pratiqués, qui peuvent faire mal, combien le corps humain est bien fait ; à nous de bien l’utiliser. Je crois que j’avais besoin d’être touchée, pliée, redressée par ces mains là ; c’est du vivant qui se recrée en moi, petit à petit.

J’aime bien parler avec lui. Il est curieux, écoute, entend. Il s’intéresse à la psychologie, à l’éducation. Il est passionné par le développement de sa fille de dix huit mois. Il se trouve que j’ai rarement entendu un homme parler de son enfant de cette manière là, intelligente et sensible. Ni mon père, ni le père de mes filles n’avaient cette fibre paternelle. Il me touche, je sens en lui une belle densité humaine, même sans parole. Cette phrase courte qui en dit long me vient à l’esprit : « ce que tu es parle si fort que je n’entends pas ce que tu dis ». Elle est du philosophe

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américain H.D. Thoreau, l’ancêtre de la pensée écologiste moderne qui décida de vivre dans une cabane en forêt « pour rejoindre l’être profond des choses et y accorder sa conscience ». Je voyais en Yann ce côté profond qui comprend les non dits. Il peut être aussi blagueur, imitateur et assez difficile à connaître en fait.

Tandis qu’il me remettait en forme, j’étais très intéressée par ses manipulations qui agissaient à plusieurs niveaux. Il a fallu plusieurs séances pour faire bouger une sciatique bien installée. J’avais très mal jusqu’au lendemain, puis les douleurs s’amenuisaient, mais, en même temps ma vie était de plus en plus bousculée par cette rencontre. Comme il faisait un travail sur lui-même, Je lui avais dit des choses intimes sur mon passé et Je ressentais une sorte de complicité. Au début, en dépit du fait que j’avais senti la rencontre singulière, je n’avais pas cherché à comprendre ce qui se passait. Je me retrouvais, comme dans un passé lointain, très intimidée, ce qui était inconfortable, mais j’essaierais de dissiper cette gêne. Je me sentais devenir vivante, excitée par ce que cela avait de nouveau mais inquiète. Devais-je me soucier de l’impact de sa présence sur ma vie affective en léthargie ? Poser la question contient la réponse. Assumons, c’est l’énergie de la vie qui répondra. Je n’ai rien décidé, seulement accepté de sentir, et comme le dit Paulo CUELHO, lui encore, « Quand un homme marche vers son destin, il est bien souvent forcé de changer de direction ».

C’est bien ce qui se passait. Dans ma tête, mon corps, mon cœur, je décadenassais une porte fermée depuis plus de deux décennies, depuis un divorce qui avait mis fin à une union calamiteuse de onze années. J’avais ensuite évité de nouer toute relation très privée avec un homme dans le

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sentiment et peut-être l’illusion que j’avais gagné le droit à la liberté de vivre tout simplement, sans l’asservissement aux lois arbitraires d’un autre. Je me savais imprudente dans ce lâcher prise, mais en même temps j’étais incapable de réfléchir sur ce point et n’en avais pas envie. J’avais juste envie de profiter d’un échange léger, agréable, complice peut-être. Pourtant au fond de moi, une petite voix me glissait : attention, c’est juste « un ange qui passe », comme on le dit quand le silence se fait dans une conversation et qui signifie que c’est un moment d’une autre intensité. Je n’avais décidément pas envie de remettre au frigidaire mes neurones émotionnels.

Mais quand même pourquoi tant de perturbations à ce moment de ma vie ? Avoir un penchant amoureux pour son soignant n’a rien d’exceptionnel et c’est sans conséquence la plupart du temps. En ce qui me concerne, j’étais bien obligée de me rendre compte que je perdais cette fausse assurance qui voulait montrer que tout allait bien et qu’aucune question ne se posait sur mon choix de vie. Là, J’étais timide, figée, parfois presque tétanisée, ce que je détestais. J’avais évité jusque là ce comportement en ayant des relations avec des personnes qui ne me demandaient pas d’implications affectives profondes, et c’était plutôt les autres qui me choisissaient comme amie. Tout ce qui concerne la communication affective intime était, chez moi en coma artificiel. J’allais devoir prendre conscience de cet état.

J’avais pourtant fait sur moi un travail personnel considérable dans les années 70, en participant à des groupes d’une psychothérapie fondée sur le « cri primal », une méthode importée de Californie qui expliquait qu’on pouvait se défaire de ses blocages en exprimant

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émotionnellement et profondément les souffrances qui les avaient créés dans notre petite enfance. Mon but avait été d’avoir la force de divorcer tout en assumant nos deux filles de sept et quatre ans à l’époque, de vivre libre, ce qui voulait dire sans conjoint, et de refaire des études choisies. J’avais réalisé cela, tout en laissant de côté une partie de la question de mon ratage de vie à deux. Le divorce avait été une telle libération, vivre seule, un tel luxe, qu’envisager de vivre avec un homme n’était pas une priorité.

Une expérience en particulier m’avait ancrée dans cette attitude : un garçon de mon groupe de thérapie, ingénieur du son à la télévision m’avait proposé un scénario romantique, il s’imaginait bien, faisant du cheval avec moi sur la plage de Trouville et comme il avait une maison de campagne là-bas il m’y avait gentiment invitée. Il y serait avec sa fille et un couple ami. En fait, il s’y est montré angoissé par son divorce en cours, il n’a pas été question de cheval sur la plage et je m’y suis sentie mal à l’aise, pas à ma place. Quelques jours plus tard, on m’informait qu’il était à l’hôpital après une tentative de suicide.

Je n’étais moi-même pas tout à fait consciente que je n’étais pas équipée psychiquement pour créer une relation amoureuse à ce moment là. Quelque chose dans ce domaine était brisé, trop douloureux à mettre au jour, ou même, n’avait jamais pu s’élaborer dans l’enfance, à cause des lacunes de mon environnement. Cela s’exprimait par un évasif « on verra plus tard » et se vivait comme la Belle au bois dormant qui attend le baiser du Prince Charmant à défaut d’avoir eu celui de sa maman.

Peut-on porter toute une vie les stigmates de son enfance ? C’est Le philosophe André Comte Sponville qui a

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dit qu’on ne guérissait jamais de son enfance, sujet repris par Jean Ferrat dans sa chanson bien connue. J’ai voulu me prouver le contraire, et toute ma vie, j’ai cherché des solutions dans des thérapies innovantes, des expériences spirituelles qui m’ont fait voyager autant dans le vaste monde qu’à l’intérieur de moi-même. Pourtant voilà que je me trouvais déstabilisée par cette brèche que je laissais advenir dans mes défenses affectives. Dans son célèbre journal de quinze mille pages Anaïs Nin écrit : « Vient un temps où le risque de rester à l’étroit dans un bourgeon est plus douloureux que le risque d’éclore ».