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Page 1: Carrefour Pathologie 2017 ACADEMIE · PDF fileCarrefour Pathologie 2017 - Histoséminaire de la Division Française de l’AIP : Anapath et Biomol sont dans un bateau 3 Cas n°2 Arnaud

Carrefour Pathologie 2017

ACADEMIE INTERNATIONALE DE PATHOLOGIE Division Française

Séminaire de lames

Anapath et Biomol sont dans un bateau …

Coordination : Frédérique Penault-Llorca (Clermont-Ferrand) & Philippe Camparo (Amiens)

Orateurs : Jérôme Cros (Clichy), Arnaud de la Fouchardière (Lyon),

Marie Karanian (Lyon), Laurence Lamant (Toulouse), François Le Loarer (Bordeaux), Janick Selves (Toulouse),

Résumés des 6 cas

NB : Les textes détaillés des divers exposés (avec iconographie et bibliographie) seront publiés dans le Bulletin de l'AIP n°66 (décembre 2017)

Paris, 23 novembre 2017

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Cas n°1

Laurence Lamant (IUC-Oncopôle - CHU Toulouse)

Renseignements cliniques Patiente de 48 ans. Antécédent d’adénocarcinome rectal en 2009 traité par radio-chimiothérapie avant d’être réséqué. En 2013, métastases pulmonaires de l’adénocarcinome, traitées par FOLFOX puis réséquées. 2016 : Nodule cutané du flanc droit adressé comme probable nodule de perméation (lame présentée).

Diagnostic proposé Lymphome anaplasique à grandes cellules (LAGC) ALK positif, devant en premier lieu faire rechercher un lymphome systémique secondairement localisé à la peau. Code ADICAP : OHOTJ9V1

Discussion Les LAGC primitivement cutanés sont très exceptionnellement ALK positifs. En revanche, les LAGC systémiques ALK positifs disséminent à la peau dans 20 à 30% des cas. Le bilan a effectivement révélé chez notre patiente un LAGC systémique ALK positif, avec sur le TEP scanner une hyperfixation de ganglions sus-diaphragmatiques et latéro-thoracique droite, qui a été biopsiée et a montré un LAGC ALK positif. Devant toute lymphoprolifération cutanée à grandes cellules, il faut impérativement réaliser un immunomarquage anti-ALK. En effet, la mise en évidence d’une expression de ALK dans ce contexte cutané doit orienter vers une localisation d’un LAGC ALK positif systémique, dont la prise en charge et le pronostic sont très différents de ceux d’un LAGC primitivement cutané. Les LAGC systémiques ALK positifs se caractérisent par une grande fréquence d’extension extraganglionnaire et particulièrement à la peau.

ALK est un récepteur tyrosine kinase qui n’est exprimé que très faiblement à l’âge adulte dans le système nerveux central. Son expression dans d’autres cellules est donc pathologique. Elle est due à diverses aberrations oncogéniques dont les plus fréquentes en cancérologie sont des translocations au cours desquelles l’expression du gène ALK est sous la dépendance d’un gène d’expression ubiquitaire dit "domestique". La translocation t(2;5)(p23;q35) entre les gènes NPM et ALK, découverte dans les LAGC systémiques, a permis de découvrir le gène ALK et a très largement contribué à mieux disséquer les mécanismes de l’oncogenèse liée à ALK. D’autres translocations et d’autres mécanismes d’expression et d’activation oncogénique de ALK, comme des mutations activatrices, une amplification génique, ont depuis été mis en évidence dans des tumeurs aussi diverses que des hémopathies, des carcinomes, des tumeurs mélanocytaires et des tumeurs conjonctives.

Les méthodes de détection de l’expression de ALK sont variées : immunohistochimie, FISH, RT-PCR et sont plus ou moins sensibles selon le type d’anomalie et la pathologie. Dans la littérature, le rôle central de la kinase ALK a été largement démontré dans certaines tumeurs ainsi qu'une véritable addiction à cet oncogène, ce qui ouvre des perspectives importantes pour le traitement de ces pathologies non seulement par l’utilisation d’inhibiteurs pharmacologiques de ALK.

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Cas n°2

Arnaud de la Fouchardière (Centre Léon Bérard, Lyon) Renseignements cliniques Femme de 49 ans. Lésion cutanée médio-lombaire de modification récente avec augmentation de volume.

Description du cas présenté • Histopathologie La lésion mélanocytaire est asymétrique avec une zone surélevée et de siège principalement dermique. Un clone dermique est visible dans la zone en relief. Il est formé de mélanocytes de cytologie nævocytoïde et épithélioïde, achromiques, de taille moyenne à grande. Il n’y a pas de maturation en profondeur avec au contraire, une densité qui augmente ainsi que des atypies cyto-nucléaires et une activité mitotique. Le contingent jonctionnel est minoritaire et d’architecture lentigineuse et minithécale, formé de mélanocytes de taille moyenne. Il n’y a pas d’ascension intra-épidermique. Latéralement, des amas nuageux de mélanocytes communs sont présents dans le derme. • Immunomarquages et CGH L’étude immunohistochimique montre une expression hétérogène du Melan A et de l'HMB45 avec une positivité focale de ce dernier. Pour p16, le marquage est hétérogène fort. Le Ki-67 est élevé dans la partie profonde dense. On observe une perte quasi totale de l’expression nucléaire de BAP1 ainsi qu’une positivité de l’anticorps dirigé contre BRAF avec mutation V600E. La technique de CGH a montré la présence d’un sous-clone avec des anomalies segmentaires supplémentaires. • Données cliniques complémentaires L’enquête clinique à la recherche d’une forme germinale a retrouvé la présence d’un très grand nombre de lésions dyschromiques atypiques du dos sans autre antécédent personnel ou familial de cancer.

Diagnostic proposé Nævus avec inactivation de BAP1 transformé dans le cadre d’un vraisemblable "BAP1 cancer syndrome". Code ADICAP : OHOTM7B8, OHOT0190

Discussion • Caractéristiques cliniques Les lésions mélanocytaires avec inactivation de BAP1 surviennent le plus souvent dans l’enfance ou l’adolescence et siègent en priorité dans des zones photoexposées, en particulier sur le cuir chevelu. Les patients décrivent une modification progressive d’un nævus connu. Ce nævus augmente de volume pour former un nodule et se dépigmente dans la zone en relief. L’aspect est souvent asymétrique, du moins au début. De rares signes fonctionnels à type de prurit ou de douleur avec érythème sont possibles. Il n’y a pas d’ulcération. Ces lésions sont les plus souvent isolées. Les transformations intra-lésionnelles comme celle observée chez cette patiente sont rares et le pronostic global de ces cas reste encore mal connu. Savoir reconnaître ces lésions a pour principal intérêt de permettre d'identifier une éventuelle forme associée à une mutation germinale du gène BAP1 qui s'accompagne d'un risque accru de développer certains cancers. Dans une étude pilote, nous avons estimé que cette atteinte familiale était retrouvée chez 15 à 18% des patients qui ont une lésion cutanée. A partir de deux lésions, l’atteinte familiale est quasi certaine. Cette mutation germinale doit être évaluée et confirmée dans le cadre strict d’une consultation d’oncogénétique. Sa détection entraîne un suivi clinique régulier à vie. Ces patients sont à risque de développer précocement certains cancers : Mésothéliomes pleural et péritonéal (formes peu agressives. Absence de screening du fait de l’absence de traitement curatif connu), mélanome uvéal (un fond d’œil régulier par un ophtalmologiste spécialisé

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est recommandé), carcinome rénal à cellules claires (une échographie abdominale régulière est conseillée), carcinomes basocellulaires (rares mais particulièrement récidivants quand ils sont présents), méningiomes (formes atypiques nécessitant une chirurgie), mélanome méningé (un seul cas rapporté). Ce spectre clinique encore incomplètement connu est en cours d’évaluation dans un programme coopératif mondial. • Caractéristiques histologiques La lésion est généralement composite avec un clone fait de petits nævocytes communs et un clone de grands mélanocytes épithélioïdes d'allure un peu spitzoïde comme dans le cas présenté. Certains nævus avec inactivation de BAP1 sont exclusivement constitués de mélanocytes de taille intermédiaire à grande au cytoplasme éosinophile et sont plus difficiles à identifier en coloration standard. • Diagnostic différentiel Il se pose avec un nævus composite banal avec un contingent spitzoïde au sein d’un contingent nævocytaire commun (d’aspect parfois congénital) ou avec un nodule de prolifération dans un nævus congénital. On pourrait discuter un nævus de Spitz dermique en raison de la cytologie épithélioïde, mais on ne retrouvera pas les critères habituels du nævus de Spitz (hyperplasie épidermique pseudo-épithéliomateuse, caractère symétrique, contingent fusiforme associé). La présence d’un contingent nævocytaire commun latéral éliminera aussi une forme habituelle de nævus de Spitz pur. Dans certaines lésions de grande taille, les atypies et l’activité mitotique seront telles que l’on conclura à un mélanome, en règle inclassable.

Conclusion La mise en évidence d’une lésion cutanée unique avec perte d’expression de BAP1 peut conduire à l’identification d’un syndrome de prédisposition au cancer pouvant toucher des enfants. Les transformation malignes de ces lésions sont rares et de pronostic mal connu." Références Wiesner T, Obenauf AC, Murali R, Fried I, Griewank KG, Ulz P, Windpassinger C, Wackernagel W, Loy S, Wolf I, Viale A, Lash AE, Pirun M, Socci ND, Rütten A, Palmedo G, Abramson D, Offit K, Ott A, Becker JC, Cerroni L, Kutzner H, Bastian BC, Speicher MR. Germline mutations in BAP1 predispose to melanocytic tumors. Nat Genet 2011;43(10):1018-21. Wiesner T, Murali R, Fried I, Cerroni L, Busam K, Kutzner H, Bastian BC. A distinct subset of atypical Spitz tumors is characterized by BRAF mutation and loss of BAP1 expression. Am J Surg Pathol 2012;36(6):818-30. Murali R, Wiesner T, Scolyer RA. Tumeurs associated with BAP1 mutation. Pathology 2013;45(2):116-26. Cabaret O, Perron E, Bressac-de Paillerets B, Soufir N, de la Fouchardière A. Occurrence of BAP1 germline mutations in cutaneous melanocytic tumors with loss of BAP1-expression: A pilot study. Genes Chromosomes Cancer 2017;56(9):691-4.

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Cas n°3 Janick Selves (IUC-Oncopôle - CHU Toulouse)

Renseignements cliniques Patient de 67 ans. Cancer gastrique métastatique. Demande de test MSI en vue d’une immunothérapie.

Description du cas présenté L’analyse MMR a été réalisée à partir d’un bloc de la pièce de gastrectomie réalisée 3 mois auparavant avec un diagnostic d’adénocarcinome gastrique peu différencié de stade pT4a, pN3 (9N+/20) avec un nodule métastatique dans la faux de l’artère hépatique. HER2 négatif.

Diagnostic proposé Adénocarcinome gastrique avec MMR anormal (dMMR) : Perte d’expression isolée de PMS2. Maintien d’expression de MSH2, MSH6 et MLH1. Instabilité microsatellitaire (MSI). Code ADICAP : OHDEA7A0 Ce résultat oriente vers un syndrome de Lynch. Une consultation d’oncogénétique doit être proposée à ce patient rechercher une mutation constitutionnelle. Commentaires : Patient éligible à une immunothérapie par blocage de l’axe PD1/PD-L1 (car la tumeur est dMMR). Par ailleurs, ce phénotype tumoral doit également déclencher une enquête génétique pour recherchr un syndrome de Lynch. Abréviations à connaître : MMR : MisMatch Repair ; pMMR : proficient MMR ; dMMR : deficient MMR ; MSI : Microsatellite Instability. MSS : Microsatellite stable.

Discussion Il n’existe pas de consensus sur la terminologie à appliquer concernant ce test somatique qui vise à analyser le caractère fonctionnel ou pas des protéines du système MMR dans la tumeur. Les termes MSI et MSS sont souvent utilisés par abus de langage pour les résultats de l’immunohistochimie des protéines MMR sans analyse de l’ADN tumoral : il est cependant préférable d’utiliser le terme "test MMR somatique" qui rend compte à la fois du statut immunohistochimique des protéines MMR dans la tumeur et du génotype des séquences microsatellitaires. Le statut MMR sera soit normal (maintien d’expression des 4 protéines MMR et/ou Microsatellite stable) ou pMMR pour les Anglo-Saxons, soit anormal (perte d’expression d’une ou deux protéines MMR et/ou instabilité microsatellitaire) ou dMMR pour les Anglo-Saxons. - Le test MMR somatique est un biomarqueur des immunothérapies par blocage de l’axe PD-1/PD-L1 des cancers métastatiques ou de stade avancé, quel que soit le type tumoral. Sont éligibles à ce type de traitement les tumeurs avec MMR anormal (dMMR). - Les cancers dMMR les plus fréquents sont les cancers colo-rectaux, de l’endomètre, de l’estomac, du grêle, des voies biliaires, de l’ovaire, des voies excrétrices urinaires et les carcinomes neuroendocrines intestinaux, mais leur fréquence au stade métastatique est globalement faible, de l’ordre de 5%. - Il n’existe pas de recommandations concernant la technique du test MMR dans l’indication d’une immunothérapie : immunohistochimie ou biologie moléculaire sont possibles. Du fait de sa facilité de réalisation, c’est l’immunohistochimie qui est le plus souvent réalisée. - L’immunohistochimie doit être réalisée avec les anticorps des 4 protéines MMR : MLH1, PMS2, MSH2 et MSH6. - La réalisation des tests MMR en immunohistochimie impose la participation à un processus d’assurance qualité avec un contrôle des phases pré-analytique et analytique, et un apprentissage de la lecture de ces immunomarquages. - L’interprétation des immunomarquages MMR dans les tumeurs autres que colo-rectales peut être difficile. Dans ce cas, une recherche d’instabilité microsatellitaire par biologie moléculaire doit être réalisée.

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Cas n°4

Jérôme Cros (CHU Paris-Beaujon, Clichy)

Renseignements cliniques Femme de 40 ans présentant une lésion de la queue du pancréas de 4 cm, découverte devant des douleurs abdominales non spécifiques. Absence d’altération de l’état général. Absence d’antécédent personnel ou familial. Résection de la lésion (lame HE à examiner) par spléno-pancréatectomie gauche. Récidive 3 ans plus tard sous forme de métastases hépatiques bilobaires non-résecables. Evaluation de l’expression de la MGMT par immunohistochimie en vue d’un traitement par temozolomide-capécitabine (lame MGMT).

Description du cas présenté Cette lésion est constituée de cellules organisées en massifs richement vascularisés, sans nécrose, séparés par des tractus fibreux. Les cellules, de morphologie homogène, sont de taille petite à moyenne avec un cytoplasme éosinophile plus ou moins abondant selon les secteurs et un noyau de petite taille, rond, à chromatine fine en micro-amas donnant un aspect "poivre et sel". L’étude immunohistochimique a montré une positivité diffuse de la chromogranine et de la synaptophysine. La bêta-caténine était de localisation membranaire et l’immunohistochimie avec l'anti-bcl-10 (clone 333.1) était négative. Le Ki-67 a été évalué à 10%. L’immunomarquage avec l'anti-MGMT n'a pas montré d’expression nucléaire dans les cellules tumorales alors que les contrôles internes (lymphocytes ou cellules endothéliales) étaient positifs.

Diagnostic proposé Tumeur neuroendocrine bien différenciée pancréatique de grade 2 (Ki-67 = 10%). Code ADICAP : OHFPS4Y0 ou OHFPS7Z0 (NB : aucun des codes ADICAP n’est en accord avec la terminologie actuelle).

Discussion Tumeurs neuroendocrines pancréatiques bien différenciées • Aspects histologiques classiques Les tumeurs neuroendocrines (TNE) pancréatiques bien différenciées sont classiquement homogènes dans leur architecture qui est typiquement en nids de tailles variées, en travées ou en structures pseudoglandulaires. Le stroma est classiquement peu abondant, très vascularisé. Il est plus rarement abondant et fibreux (dans les grosses lésions ou après traitement). L’aspect des cellules est également classiquement homogène dans une lésion mais comme pour l’architecture, différents morphotypes ("patterns") peuvent s’associer. Les cellules sont de petite taille à cytoplasme éosinophile et plus rarement à cytoplasme clair ou légèrement basophile (hormis les TNE oncocytaire). Les noyaux sont ronds, non ou peu nucléolés, à chromatine fine mais légèrement hétérogène (dite "poivre et sel"). La présence de nécrose est rare. L’expression (en général diffuse) de 2 marqueurs neuroendocrines est nécessaire au diagnostic (chromogranine A et synaptophysine recommandés par la classification OMS, CD56, NSE, …). L’évaluation de la prolifération par le compte des mitoses (10 champs à fort grandissement = objectif x40) ou le pourcentage de cellules Ki-67+ (> 500 cellules dans les "hot spots") est également nécessaire. Les diagnostics différentiels classiques sont les tumeurs solides et pseudopapillaires (localisation nucléaire de la bêta-caténine) et le carcinome à cellules acineuses (IHC : bcl-10+ clone 333.1). Ces 2 lésions peuvent exprimer focalement (> 30% des cellules) les marqueurs neuroendocrines.

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• Nouvelle classification OMS 2017 La classification OMS 2017 pour les TNE pancréatiques utilise les mêmes critères que la classification de 2010, à savoir : - la différenciation des tumeurs : bien ou peu différenciée (à grandes ou à petites cellules) - et le grade (1 à 3) qui évalue la prolifération : grade 1 (< 2 mitoses/10 CFG ou Ki-67 < 3%), grade 2 (2-20 mitoses/10 CFG ou Ki-67 : 3-20%), grade 3 (> 20 mitoses /10 CFG ou Ki-67 > 20%). La classification 2017 prend maintenant en compte l’existence de TNE bien différenciées de grade 3. Les TNE bien différenciées sont donc de grade 1, 2 ou 3. Les carcinomes neuroendocrines sont par définition peu différenciés à grandes ou à petites cellules. La terminologie de "carcinome neuroendocrine bien différencié" ne doit plus être utilisée, même sur des lésions métastatiques. - Les lésions mixtes incluant un contingent neuroendocrine et un contingent non-neuroendocrine (exocrine ou acineux) sont maintenant appelées MiNEN (pour "Mixed neuroendocrine-non-neuroendocrine neoplasm").

MGMT et traitement par temozolomide • Principes du mode d’action et méthode d’évaluation Le temozolomide est une chimiothérapie utilisée dans de multiples cancers, le gliobastome étant le plus emblématique. Les dommages induits sur l’ADN des cellules par le temozolomide sont partiellement réparés par une enzyme dont l’expression est normale et ubiquitaire, la MGMT (= O6-methylguanine-methyltranferase). Les tumeurs exprimant donc des niveaux élevés de cette enzyme sont donc théoriquement moins sensibles au temozolomide. L’expression de cette enzyme est en partie contrôlée par la méthylation de son promoteur (relation inverse : plus le promoteur est méthylé, moins l’enzyme est produite). L’évaluation de la MGMT dans les cellules tumorales a donc été proposée comme biomarqueur prédictif de la réponse au temozolomide 1er dans les glioblastomes. Dans ces tumeurs, c’est classiquement la méthylation du promoteur qui est évaluée. Il existe plusieurs méthodes (à haut débit ou "ciblée") pour évaluer la méthylation de l’ADN qui a principalement lieu dans des "îlots riches en séquence CpG". Au sein des techniques ciblées (MS-PCR ou pyroséquençage), la technique de pyroséquençage semble être la plus robuste et la plus facilement quantitative bien que son coût soit important (seuil classiquement à 7%). Il est maintenant possible d’évaluer le niveau de méthylation par séquençage de nouvelle génération et cette solution va probablement se développer rapidement. L’immunohistochimie est également un moyen d’apprécier le niveau d’expression (marquage nucléaire, parfois également cytoplasmique mais qui n’est classiquement par comptabilisé) mais son utilisation est plus débattue car la corrélation avec la méthylation du promoteur est imparfaite, en raison de l'intervention de nombreux autres modes de régulation. Plusieurs clones sont disponibles mais le clone clone MT3.1 (Thermoscientific®, MA, USA) est le plus utilisé dans les publications sur les tumeurs neuroendocrines. Plusieurs méthodes ont également été proposées pour l'interprétation : seuil unique de 1,5 ou 10% des cellules positives ou évaluation continue par un H-score : % de cellules positive x intensité du marquage (0 à 3) [0-300]. • Temozolomide, MGMT et tumeurs neuroendocrine pancréatiques Plusieurs études (même si la plupart sont rétrospectives et ont porté sur de petits effectifs) suggèrent l’efficacité du temozolomide dans les TNE pancréatiques. Les études évaluant la valeur prédictive de l'évaluation de la MGMT sont toutes rétrospectives et ont également porté sur de petits effectifs ou concerné des tumeurs neuroendocrines de différents organes. Deux études montrent une bonne corrélation inverse entre la méthylation du promoteur et l’expression en immunohistochimie et 2 ne montrent pas de concordance mais toute s’accordent sur la valeur prédictive (et pronostique dans certaines) du niveau de méthylation du promoteur de la MGMT. La majorité ont utilisé l’immunohistochimie mais rapportent des résultats contradictoires, 2/6 ne montrant pas de lien entre un bas niveau d’expression et une efficacité du temozolomide. Ces dernières utilisaient une valeur seuil très basse pour définir les tumeurs MGMT-déficientes (supposées sensibles) des tumeurs MGMT non-déficientes (supposées résistantes). Notre expérience suggère que l’expression de la MGMT est un bon marqueur de non-réponse au temozolomide (les patients avec une expression très élevée rechutent rapidement) mais manque

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de spécificité pour prédire les bons répondeurs. Effectivement, une expression très basse de la MGMT est une condition nécessaire mais non suffisante pour une bonne réponse objective radiologique et une survie sans récidive prolongée. Une partie des patients à MGMT basse ou nulle ne répondent pas au temozolomide, les cellules ayant probablement développé des mécanismes de résistance alternatifs. Nous proposons donc d’utiliser plutôt un score continu basé sur le H-score avec un seuil "stringent" inférieur à 50 dans une optique "néoadjuvante" dans laquelle une forte réponse est souhaitée et un seuil plus large (< 100) lorsque qu’un contrôle tumoral prolongé est recherché.

Figure - Exemple d’expression de la MGMT dans les TNE pancréatiques. a : Absence de marquage nucléaire dans les cellules tumorales (score 0). b : Marquage d’intensité faible (1) dans la totalité des cellules tumorales (score 1x100 = 100). c : Marquage d’intensité forte (3) dans la totalité des cellules tumorales (score 3x100 = 300).

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Cas n°5

François Le Loarer (Institut Bergonié, Bordeaux)

Renseignements cliniques Femme de 34 ans avec dysphagie depuis une semaine révélant une masse médiastinale postérieure de 50 mm avec coulée ganglionnaire médiastinale. Pas d’exposition environnementale ni de tabagisme actif. Bilan d’extension révélant une masse pelvienne de 60 mm englobant l’ovaire droit. Biopsie chirurgicale de la lésion thoracique par médiastinoscopie.

Description du cas présenté • Microscopie La biopsie intéresse une prolifération tumorale indifférenciée de haut grade de malignité. Dans les secteurs morphologiquement intègres, les cellules tumorales s’agencent en plages solides. Elles comportent des noyaux vésiculeux à chromatine claire, dotés de nucléoles distincts et un cytoplasme éosinophile d’abondance variable. Il existe une anisocaryose modérée, toutefois sans réel pléomorphisme. L’activité mitotique est élevée. On note la présence de plages de nécrose tumorale. Les secteurs biopsiques nécrotiques sont volontiers le siège d’artéfacts d’écrasement. L’immunophénotype des cellules tumorales est le suivant : CK+(AE1/E3) focale, CD34+ multifocal, SALL4+ hétérogène, perte d’expression nucléaire de SMARCA4/BRG1, perte d’expression nucléaire de SMARCA2/BRM, positivité nucléaire de SOX2, ETV4 négatif et WT1cter négatif.

• Pathologie moléculaire L’étude par hybridation génomique comparative (a-CGH) a mis en évidence un profil diploïde comportant des délétions/gains dans plusieurs locus ainsi qu’une perte d’hétérozygotie en 19p au niveau du locus de SMARCA4. Le séquençage a mis en évidence une mutation inactivatrice non-sens de SMARCA4.

• Données cliniques complémentaires Une chimiothérapie avec des anthracyclines a été débutée en urgence sans réponse. Evolution vers une détresse respiratoire et syndrome cave supérieur entraînant le décès 2 mois après les premiers symptômes.

Diagnostic proposé Sarcome thoracique SMARCA4-déficient. Code ADICAP : PHXMX7R8

Discussion Les aspects morphologiques pouvaient en premier lieu faire discuter une tumeur rhabdoïde ou un sarcome à cellules rondes de haut grade, en particulier un sarcome avec réarrangement de CIC, anciennement appelé sarcome "Ewing-like". • Sarcomes CIC Les sarcomes CIC présentent un phénotype à cellules rondes mais à la différence des sarcomes d’Ewing, ils comportent des noyaux plus vésiculeux et nucléolés, un cytoplasme plus abondant pouvant donner un aspect focalement épithélioïde ou étiré, responsable de foyers fusocellulaires. Ces tumeurs comportent fréquemment des plages nécrotico-hémorragiques. • Tumeurs rhabdoïdes ou assimilées Les tumeurs rhabdoïdes ou assimilées sont associées à des pertes d’expression des gènes suppresseurs de tumeurs SMARCB1/INI1 ou SMARCA4/BRG1. Dans ce contexte, la perte d’expression de SMARCA4 pouvait faire discuter 3 diagnostics différentiels : 1) Sarcome thoracique SMARCA4-déficient Ces tumeurs se présentent sous forme de volumineuses masses médiastinales ou médiastino-pulmonaires, volontiers compressives. Elles présentent un phénotype indifférencié mêlant des aspects de cellules rondes et de cellules épithélioïdes. Ces tumeurs ont un immunophénotype superposable à celui des tumeurs rhabdoïdes : positivité

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ponctuelle/focale des cytokératines, expression du CD34, de marqueurs embryonnaires (SALL4) et "souche" (SOX2). En revanche, elles comportent une génomique plus complexe avec une diploïdie variable et des altérations non restreintes au locus du gène SMARCA4. 2) Carcinome à petites cellules avec hypercalcémie de l’ovaire (SCCOHT) Ces tumeurs sont désormais appelées tumeurs rhabdoïdes malignes de l’ovaire. Ici, cette hypothèse était licite puisqu’il existait une masse pelvienne concomitante. Ces tumeurs ont un phénotype indifférencié rhabdoïde mais comportent typiquement des foyers pseudofolliculaires qui peuvent manquer sur un prélèvement biopsique. Leur phénotype immunohistochimique est superposable à celui des tumeurs rhabdoïdes et des sarcomes thoraciques SMARCA4-déficients, bien que les marqueurs SALL4 et SOX2 soient exprimés de façon plus hétérogène. La distinction formelle est moléculaire : ces tumeurs ont des profils génomiques diploïdes avec une altération restreinte au locus de SMARCA4. 3) Carcinome dédifférencié avec inactivation secondaire de SMARCA4 Ces tumeurs surviennent plus volontiers chez des sujets âgés et comportent typiquement des foyers carcinomateux bien différenciés qui peuvent manquer sur les biopsies. Ces tumeurs ne présentent pas de phénotype "souche" ou "embryonnaire" en immunohistochimie (négativité de SOX2 et SALL4) et il n'y a pas de co-inactivation de SMARCA2 en biologie moléculaire.

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Cas n°6

Marie Karanian (Centre Léon Bérard, Lyon)

Renseignements cliniques Garçon de 15 ans. Lésion cutanée du dos de 1 cm évoluant depuis 2 ans.

Description du cas présenté Il s’agit d’une lésion cutanée infiltrant le derme et l’hypoderme. Elle est constituée d’une nappe diffuse de cellules rondes et fusiformes montrant des atypies nucléaires évidentes avec de nombreuses mitoses. Les noyaux sont monomorphes. L’étude immunohistochimique a montré que les cellules exprimaient la pancytokératine et la p63, la PS100, SOX10 et le CD99. Une analyse FISH a mis en évidence un réarrangement du gène EWSR1. Une RT-PCR a mis en évidence un transcrit EWSR1-FLI1.

Diagnostic proposé Sarcome d’Ewing extra-squelettique. Code ADICAP : OHOTX7L4

Discussion Avant la connaissance du résultat de la RT-PCR, plusieurs diagnostics devaient être discutés sur les données morphologiques, immunohistochimiques et la présence d’un réarrangement de EWSR1 en FISH : une tumeur myoépithéliale maligne, un sarcome d’Ewing, un sarcome "Ewing-like" ou indifférencié à cellules rondes. Deux autres diagnostics semblent peu probables sur le plan morphologique mais peuvent être néanmoins discutés devant les données immunohistochimiques et moléculaires : un sarcome à cellules claires et un chondrosarcome myxoïde extrasquelettique. Ce cas souligne la diversité des pathologies dans lesquels le gène EWSR1 est réarrangé. Ce gène est impliqué dans des translocations avec des partenaires différents, au moins une vingtaine rapportée actuellement en pathologie des tissus mous. Les transcrits peuvent être spécifiques de certaines pathologies mais un même transcrit peut aussi être partagé par des pathologies différentes.

EWSR1 est fréquemment réarrangé avec les gènes de la famille ETS (E26) : Fli1 (le plus souvent), ERG, FEV, ETV1, ETV4. Ces transcrits sont ceux rencontrés dans le sarcome d’Ewing.

EWSR1 peut aussi former des transcrits avec les gènes de la famille des facteurs de transcription Homeobox : POU5F1 et PBX1 dans les tumeurs myoépithéliales.

On rapporte également des fusions entre EWSR1 et les gènes de la famille "Zinc finger protein" : WT1 dans les tumeurs desmoplastiques à cellules rondes, PATZ1 dans certains sarcomes indifférenciés à cellules rondes, ZNF444 dans les tumeurs myoépithéliales, NR4A3 dans les chondrosarcomes myxoïdes extrasquelettiques.

Les facteurs de transcription de la famille "leucine zipper" peuvent aussi être impliqués dans des transcrits de fusion avec EWSR1 : DDIT3 dans les liposarcomes myxoïdes/à cellules rondes, ATF1 et CREB1 dans les sarcomes à cellules claires, les histiocytomes fibreux angiomatoïdes et les sarcomes myxoïdes pulmonaires primitifs, CREB3L1 CREB3L2 et CREB3L3 dans les sarcomes fibro-myxoïdes de bas grade et les fibrosarcomes épithélioïdes sclérosants.

D’autres gènes ont été également rapportés : NFATC2, SMARCA5 et SP3 dans certains sarcomes à cellules rondes indifférenciés. Ainsi, la connaissance du transcrit (mis en évidence par RT-PCR, DD PCR ou RNAsequencing) est indispensable pour poser un diagnostic précis.