calcination des sédiments de dragage contamines. etude des...
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Chapitre I : Synthèse bibliographique
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Chapitre I
Synthèse bibliographique
Chapitre I : Synthèse bibliographique
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Chapitre I : Synthèse bibliographique
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I . Synthèse bibliographique
I-1 Les sédiments de dragage
I-1.1 Origine et nature des sédiments
Les sédiments sont des dépôts (continentaux ou marins) qui proviennent de
l’altération et de la désagrégation de roches préexistantes. Ces dépôts sont ensuite
transportés par les cours d’eau et/ou par le vent, pour finalement se déposer dans des
bassins de sédimentation et former des roches sédimentaires.
Les sédiments ont principalement deux origines : endogène ou exogène.
- L'origine endogène de la sédimentation provient de la production autochtone
du milieu. Cette production primaire engendre des débris de macrophytes (plantes
aquatiques, cadavres de microphytes et d'animaux)
- L'origine exogène. Dans ce cas-ci, les sédiments sont issus du ruissellement
des fleuves, des effluents ou de l'atmosphère. Cet apport peut être d'origine naturelle
(érosion des sols, décomposition de la matière végétale), ou anthropique (apports de
matière en suspension, de matières organiques, de nutriments ou de micro-polluants en
raison des rejets agricoles, industriels et domestiques) [1].
La provenance des sédiments conditionne leur composition minérale :
- Les sédiments terrigènes (blocs, cailloux, graviers, sables, …), issus de
l’érosion des sols, traduisent fidèlement de par leur nature chimique la nature des terrains
érodés.
- Les particules les plus fines (limons, boues et vases) sont composées d’une
part des minéraux argileux d’origine terrigène et d’autre part de squelettes d’organismes
d’origine endogène [1].
Les sédiments peuvent être caractérisés par leur granulométrie :
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Taille Dénomination
Supérieur à 20 cm blocs
De 2cm à 20cm Galets et cailloux
De 2mm à 2cm Graviers
De 63µm à 2mm Sables (grossiers et fins)
De 2µm à 63µm Limons (ou silt)
Inférieur à 2µm Vases, bous argileuses
Tableau 1 : Classement granulométrique des sédiments
L’analyse granulométrique des vases étudiées par Boutil [2] conclut à une
dominante limoneuse (plus de 60%) et à une faible teneur en sable souvent inférieure à
20%. La fraction argileuse est d’environ 25%. La proportion d’ultra fins est estimée entre
30% et 60% de la fraction argileuse, selon les études de Vidalie [3] .
Le sédiment peut être classé en tenant compte de leur texture :
Figure 1 : Diagramme triangulaire pour classer le sédiment selon leur texture [4]
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I-1.2 La problématique des sédiments de dragage
I-1.2.1 Le dragage
Le dragage constitue une activité vitale pour l'exploitation des ports et des
canaux fluviaux. En moyenne 50 millions de m3 de sédiments sont dragués par an en
France. Les trois principaux ports d’estuaires (Rouen, Nantes-St Nazaire et Bordeaux)
font état d’un volume annuel d’environ 25 millions de m3 de sédiments dragués. Les cinq
grands ports maritimes, Dunkerque, Calais, Boulogne, le Havre et la Rochelle, draguent
un volume annuel de 6,2 millions de m3, auxquels s’ajoutent les dragages, moins
conséquents en volume, des multiples autres enclaves portuaires [5] .
Le volume des sédiments dragués (ports – canaux) pour différents pays est
donné dans ce tableau [6 , 7 , 8 ] .
Pays Sédiments dragués (m3/an)
France
Angleterre
Pays-Bas
Allemagne
Etats-Unis
50 000 000
40 000 000
45 000 000
50 000 000
250 000 000
Tableau 2 : Volume des sédiments dragués (ports-canaux) pour différents pays
On distingue trois types de dragage qui diffèrent selon la nature des sédiments à
draguer et le type de travaux à réaliser : entretien, approfondissement, aménagements de
nouvelles aires portuaires.
Les dragages d'entretien sont des opérations répétitives, visant à extraire les
sédiments déposés qui gênent la navigation : ils sont quasi permanents dans les ports
d'estuaires et périodiques dans les ports ouverts sur la mer.
Les dragages d'approfondissement sont entrepris lorsqu'il devient nécessaire
d'adapter le seuil de navigation à la taille des navires. Ces travaux nécessitent de déplacer
d'importants volumes de sédiments et demandent des moyens de dragages importants.
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Les sédiments non contaminés ne posent pas de problèmes particuliers quant à
leurs effets sur l'environnement et sont dans certains cas utilisés pour la création de zones
humides, l'engraissement de plages en cours d'érosion ou la construction de routes. En
revanche, le dragage et le rejet de matériaux contaminés posent un certain nombre de
questions concernant leurs effets sur la qualité physico-chimique des eaux et le devenir
des substances toxiques pour les organismes vivants.
En 1977, Clark [9] caractérisait le dragage comme la menace la plus sérieuse
pour les écosystèmes littoraux. Les opérations de dragages posent un problème
environnemental car elles favorisent la dispersion des contaminants. En effet, la solution
la plus communément employée pour se débarrasser des sédiments dragués était le
relargage en mer.
I-1.2.2 La réglementation relative à la gestion des sédiments de dragage
Les études sur la problématique des sédiments toxiques sont relativement
récentes. Le comportement des matériaux dans le temps, et notamment les phénomènes
de transfert de polluants sont donc mal connus. Les notions de pollution d’un cours d’eau
et de toxicité de ses sédiments sont difficiles à définir. Cela explique grandement le vide
réglementaire qui existe sur ce sujet, et par exemple, l’absence de normes de référence
pour les sédiments en France [10 , 11]. Le document de référence, lorsqu’on aborde le
problème de la gestion des sédiments contaminés, est connu sous le nom de Convention
de Londres ( Convention pour la prévention de la pollution des mers résultant de
l’immersion de déchets et autres matières : Gestion des sédiments contaminés).
Les opérations relatives au dragage des sédiments et à leur immersion ou dépôt à
terre sont soumises à des autorisations délivrées par les préfets. Elles sont basées sur des
dispositions réglementaires adoptées au niveau international dans le cadre de conventions
internationales et de la loi française.
On entend généralement par "immersion", le déversement délibéré dans la mer
de substances ou de matériaux, à partir de navires, aéronefs, engins flottants, plates-
formes fixes ou flottantes ou autres ouvrages placés en mer. Ne sont donc pas considérés
comme des immersions, les rejets de matériaux effectués directement par conduite sur le
littoral. De même, sont a priori exclues du champ des conventions, les opérations de
dragage par surverse ou par agitation.
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1-1.2.2.1 Réglementations internationales et européennes
L’importante disposition existant au plan mondial est la Convention de Londres
du 29 décembre 1972, réglementant la prévention de la pollution des mers par
l'immersion des déchets.
Au plan régional (Nord Europe), la prévention de la pollution des mers par les
opérations d'immersion est cadrée par la Convention d'Oslo du 15 février 1972, à laquelle
s'est substituée, depuis le 25 mars 1998 [12] , la Convention de Paris du 22 septembre
1992 pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est. Cette convention a
été ratifiée par l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, la Finlande, la France, l’Irlande,
l’Islande, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-bas, le Portugal, le Royaume-Uni,
l’Irlande du nord, la Suède, la Suisse et approuvée par l’Espagne et l’Union Européenne.
Dans une approche globale, la Convention de Paris de 1992 stipule que peuvent
être immergés les matériaux de dragages, pour autant que ceux-ci répondent aux critères,
lignes directrices et procédures adoptés par les parties contractantes.
Toute substance dont l'immersion est envisagée doit faire l'objet de la part des
autorités nationales compétentes soit d'un permis au titre de la Convention de Londres
1972 et du protocole "Immersion" de la Convention de Barcelone, soit d'une autorisation,
au titre de la Convention de Paris de 1992 ou d'une réglementation conforme aux critères,
lignes directrices et procédures adoptés par les parties à la dite convention. Quatre types
de permis peuvent être attribués : permis spécifique, permis spécifique dérogatoire au
principe d'interdiction, permis spécifique en cas d'urgence, permis général.
L’Union Européenne ne dispose pas à ce jour de réglementation spécifique
commune à tous les Etats membres sur les sédiments de dragage [13]. Elle considère ces
matériaux comme des déchets et ils doivent suivre les directives propres aux déchets
(directive 75/422/EEC du 1975, modifiée par la directive 91/156/EEC de 1991).
La directive 99/31/EEC du 1999 définit des valeurs seuils pour les essais de
lixiviation et de percolation qui permettent de classer les déchets en trois catégories :
inerte, non dangereux et dangereux.
En conséquence de ces directives, l’analyse de la gestion des sédiments après
enlèvement se heurte à la définition de la notion de déchet.
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La notion de déchet appliquée aux sédiments :
D’après le décret n° 2002-540 du 18 avril 2002 qui reprend la nomenclature des
déchets, les sédiments y apparaissent dans la catégorie des déchets industriels banals
(DIB) sous la rubrique 17 05 05* comme boues de dragage contenant des substances
dangereuses ou 17 05 06 comme boue de dragage autre que celles visées à la rubrique 17
05 05* dans la classification des déchets ( DMA, déchets des collectivités locales, DIB,
DIS) .
La difficulté est de définir les seuils qui permettent de classifier les sédiments de
dragage comme dangereux ou non. En l’absence de réglementation européenne
spécifique, les acteurs de la gestion des curages/dragages ont été amenés à développer
leurs propres valeurs guides [14].
Kribi [11] a repris un exemple de classification de la qualité des produits de
dragage continentaux pour le port autonome de Rouen. Les sédiments sont classés en 6
catégories selon les indices de qualité.
Dans certaines conditions, l’enlèvement des sédiments ne crée pas forcément de
déchet :
- Extraction de matériau de carrière : les matériaux extraits sont considérés
comme des matières brutes et non pas des déchets.
- Remise en suspension : les dispositions sur les déchets ne sont pas adaptées,
les sédiments ne sont pas dans ce cas considérés comme déchet.
- L’épandage et le relargage : abandon du sédiment de dragage, de ce fait la
dénomination déchet est adaptée.
- L’utilisation en travaux publics, remblais : les sédiments sont des déchets mais
cette qualification n’interdit pas leur utilisation dans les différentes opérations de travaux
publics.
- Dépôt ou stockage, hors décharge : les sédiments sont des déchets et
réglementés par le code de l’urbanisme.
- La mise en décharge : une décision du conseil de l’union européenne du 19
décembre 2002 établissait les critères et les procédures d’admission des déchets dans les
décharges. Trois types de décharges ont été définis pour les déchets inertes, non
dangereux et dangereux. Ces critères se basent essentiellement sur les tests de lixiviation.
Les valeurs limite sont regroupées dans le tableau 3.
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Valeurs limites pour mise en décharge
Composant (mg/kg ms) Déchet inerte Déchet non
dangereux Déchet dangereux
As 0,5 2 25 Ba 20 100 300 Cd 0,04 1 5 Cr 0,5 10 70 Cu 2 50 100 Hg 0,01 0,2 2 Mo 0,5 10 30 Ni 0,4 10 40 Pb 0,5 10 50 Sb 0,06 0,7 5 Se 0,1 0,5 7 Zn 4 50 200 Chlorures 800 15000 25000 Fluorures 10 150 500 Sulfates 1000 20000 50000 Indices phénols 1 - - COT 500 800 1000 Fraction soluble 400 60000 100000
Tableau 3 : Valeur limites de lixiviation pour les trois déchets (test de lixiviation sur la base d’un ratio liquide solide de 10 l/kg)
I-1.2.2.2 Réglementations nationales
Toute opération d'immersion effectuée à partir d'un port français relève de la loi
n° 76-599 du 7 juillet 1976 relative à la prévention et à la répression de la pollution
marine par les opérations d'immersion.
Le dossier de demande d'autorisation d'immersion est adressé au préfet du
département territorialement concerné par les opérations de dragage ou, si l'opération de
dragage doit être effectuée à l'intérieur de la circonscription d'un port autonome (D. n°
82-842 du 29 septembre 1982).
La réglementation française en matière de dragage et d’immersion s’appuie,
actuellement, sur le nouvel arrêté du 14 juin 2000, relatif aux niveaux de référence à
prendre en compte lors d’une analyse de sédiments marins ou estuariens présents en
milieu naturel ou portuaire, publié au J.O. le 10 août 2000 [15] . Ce texte en accord avec
les lignes directrices OSPAR, fixe des seuils de contamination à partir desquels doit être
appréciée l’incidence de l’opération sur le milieu [16] :
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Niveau 1 : valeur au-dessous de laquelle l'immersion peut être autorisée sans
étude particulière, mais au-dessus de laquelle des études plus approfondies que la simple
analyse physico-chimique doivent être entreprises. Dans ce dernier cas, une évaluation
écotoxicologique globale du sédiment par un ou plusieurs tests de laboratoire peut être
demandée par les services chargés d'instruire la demande du permis d'immersion,
Niveau 2 : valeur au-dessus de laquelle l'immersion est susceptible d'être
interdite s'il n'est pas apporté la preuve qu'elle constitue la solution la moins préjudiciable
pour l'environnement.
Ces niveaux de référence sont regroupés dans le tableau 4.
Métaux Niveau 1 Niveau 2 Polychlorobiphényles Niveau 1 Niveau 2 As 25 50 CB 28 0,025 0,05 Cd 1,2 2,4 CB 52 0,025 0,05 Cr 90 180 CB 101 0,05 0,1 Cu 45 90 CB 118 0,025 0,05 Hg 0,4 0,8 CB 138 0,05 0,1 Pb 100 200 CB 153 0,05 0,1 Ni 37 74 CB 180 0,025 0,05 Zn 276 552
PCB totaux 0,5 1
Tableau 4: Niveaux de référence (mg/kg sédiment sec) pour les métaux et Polychlorobiphényles selon l’arrêté du 14 juin 2000
I-1.2.3 Le devenir des sédiments dragués
Bien que très largement pratiquée, l'immersion n’est pas obligatoirement la
destination finale de tous les matériaux dragués. En effet, selon leurs caractéristiques
physico-chimiques et leur niveau de contamination, les déblais peuvent être valorisés,
déposés ou confinés à terre et en mer, ou être soumis à des traitements spécifiques de
dépollution[12].
I-1.2.3.1 Les mises en dépôts
Les sédiments peuvent techniquement être mis en dépôt à terre, sous l'eau ou sur
des îles. Toutefois, les dispositions liées à la protection de l'environnement marin contre
les risques écologiques potentiels des immersions tendent à privilégier les dépôts
terrestres.
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I-1.2.3.2 Le lagunage
Le lagunage consiste à déposer de manière temporaire sur un faible épaisseur
des sédiments en vue de leur utilisation ultérieure. Différents processus interviennent au
cours de l'opération qui débute par une perte irréversible d'eau.
I-1.2.3.3 Remblaiement et construction d'îles artificielles
Lorsque les sites le permettent, d'importants dépôts à terre peuvent être
construits par remblaiements côtiers ou création d'îles artificielles : dépôts de
Papegaaiebek et Slufter (Pays - Bas) dont la capacité est de 0,9 millions de m3 sur une
surface de 29 Ha, île artificielle de Bilho dans l'estuaire de la Loire.
I-1.2.3.4 Les dépôts sous-marins confinés
La technique la plus courante consiste à recouvrir les sédiments déposés au fond
de la mer par une importante couche de sable (1 m) destinée à les isoler de la colonne
d'eau sus-jacente. Connue sous le nom de "capping" cette pratique est peu courante en
Europe.
I-1.2.3.5 La valorisation des déblais de dragage
Elle est souvent recherchée pour réduire les coûts de dragage et répondre à un
besoin en matériaux. Trois types d'utilisation sont envisageables : amendements pour les
sols agricoles (épandage), emploi comme matériaux de construction primaires (sables) ou
élaborés (briques), remblaiement pour la réalisation d'infrastructures.
Cette figure montre les devenir des sédiments de dragages selon le taux de
contamination des polluants :
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Figure 2: Le devenir du sédiment de dragage selon le taux de contamination [12]
I-1.3 Caractéristiques géochimiques et minérales des sédiments
Les principaux minéraux constituant la matrice du sédiment sont le quartz,
le feldspath, les carbonates et les argiles (dont les trois principaux sont la kaolinite, l’illite
et la smectite).
La fraction organique se présente sous des formes très variées : débris végétaux,
micro-organismes, colloïdes humiques,…
I-1.3.1 Les argiles
Les argiles, en sédimentologie, regroupent l’ensemble des matériaux dont les
particules n’excédent pas 2µm de diamètre équivalent. Ces minéraux sont des silicates
d’aluminium hydratés qui représentent une structure cristalline en feuillets [17].
Dans les particules d’argile, on distingue deux corps minéraux : la silice
tétraédrique (SiO4) et l’hydroxyde d’aluminium (Al(OH)6), qui constituent les deux
structures de base à partir desquelles sont construites toutes les argiles.
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Propriétés physiques et chimiques :
- Une surface importante pour un volume faible : les argiles se présentent sous
forme de particules hexagonales, en plaques ou en fibres. Leur petite taille et leurs
formes particulières confèrent aux argiles une surface spécifique de 5 jusqu’à 800m²/g
[10]. Cette particularité conditionne pour partie bon nombre de propriétés à l'échelle
macroscopique telles que la capacité de sorption due à la présence de sites SiOH et AlOH
à la surface et en bordure des feuillets.
- La capacité de gonfler en présence d'eau : certains minéraux argileux
(smectites, vermiculites, saponites) ont la capacité d'incorporer dans leur structure des
molécules d'eau. Cette eau en position interfoliaire, modifie la dimension des feuillets en
provoquant leur gonflement. Cette capacité d'hydratation et de gonflement peut être
réversible ou non, selon les argiles, en fonction de la pression et de la température.
- La capacité d'échanger des éléments avec leur environnement : en fonction des
substitutions dans les feuillets d'argile, ceux-ci présentent une charge électrique négative.
Pour la compenser, les argiles (smectites, illites, vermiculites, saponites) fixent des
cations en position interfoliaire (Na, Ca, K). Ces cations, entourés d'un nombre variable
de molécules d'eau, ont la possibilité de s'échanger avec ceux contenus dans la solution
environnante, en fonction du degré d'affinité pour la surface de l'argile.
I-1.3.2 les carbonates
Les sédiments littoraux des basses latitudes sont à dominance carbonatée.
Les carbonates jouent un rôle important dans les sols et sédiments, leur équilibre
de dissolution contrôle partiellement le pH et une teneur élevée en carbonates rend le
sédiment alcalin et favorise ainsi l’ensemble des modes de fixation. De plus, la surface
des carbonates est le siège de phénomènes de sorption des ions métalliques :
précipitation et adsorption [18].
I-1.3.3 Les constituants organiques
Les composés organiques rencontrés dans les sédiments sont essentiellement
naturels [8]. Ils peuvent être à l’état libre ou en association avec les constituants
minéraux.
On distingue des constituants de nature bien définie, hérités des plantes et des
animaux.
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Les substances humiques
Les substances humiques constituent la majeure partie de la matière organique
dissoute dans les eaux naturelles [19] . Il s’agit de polymères naturelles qui jouent un rôle
important en tant que complexant. Leur décomposition est très lente (plusieurs centaines
d’années) et elles combinent de très fortes propriétés tensioactives et de fortes propriétés
complexantes. Leur rôle est de ce fait très important dans les interactions organo-
minérales qui existent dans les sols et les sédiments.
On peut diviser les substances humiques en deux grands groupes aux propriétés
relativement indépendantes de leur origine : les acides fulviques, qui représentent
souvent la fraction la plus importante des substances humiques et les acides humiques,
origine de la couleur noire des sédiments.
Le tableau suivant représente les compositions élémentaires des substances
humiques [20].
ELEMENT C O H N S Acides fulviques 40 - 50 44 - 50 4 - 6 < 1 - 3 0 - 2 Acides humiques 50 - 60 30 - 35 4 - 6 2 - 6 0 - 2
Tableau 5: Composition élémentaire des substances humiques (en %)
Les proportions relatives de ces groupements influent directement sur les
caractéristiques des fractions humiques et fluviques. Les caractéristiques des substances
humiques sont détaillées dans le tableau 6.
Acides fulviques Acides humiques Couleur jaune brun Degré de polymérisation faible élevé Poids moléculaire <1000 300000 Carbone 45% 62% Oxygène 48% 30% Acidité échangeable 1400 <500 Degré de solubilité élevé faible
Tableau 6 : Caractéristiques des substances humiques
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I-1.4 Caractérisation des polluants rencontrés dans les sédiments
Les cours d’eau, les canaux, les lacs, les ports et les estuaires sont très souvent
soumis à des rejets industriels, urbains ou agricoles, entraînant l’apport d’un grand
nombre de polluants. Ces polluants sont peu solubles dans l’eau dans les conditions
normales, et ils prédominent dans les matières en suspension et dans les sédiments qui
par la suite deviennent des réserves de composés toxiques. Le dragage suivi d’une mise
en régalage peut favoriser les relargages des polluants.
Darmendrail [21] rappelle les processus majeurs d’accumulation des polluants
dans les sédiments : adsorption sur les solides fins, précipitation des composés
métalliques, coprécipitation des métaux sur des oxydes métalliques, complexation avec
des composés organiques, diffusion dans les réseaux cristallins tels que les carbonates.
D’une manière générale, on distingue classiquement deux familles de
polluants accumulés dans les sédiments: les métaux lourds et les matières
organiques toxiques [22] .
I-1.4.1 Les métaux lourds
La notion de métaux lourds est actuellement une notion relativement floue, sans
définition scientifique, technique ou juridique qui soit unanimement reconnue. Certains
auteurs définissent les métaux lourds comme les éléments métalliques ayant une masse
volumique supérieure à une certaine valeur (cette valeur minimale variant entre 4000
kg/m3 et 5000 kg/m3 selon les auteurs). D’autres définissent comme métaux lourds les
éléments métalliques compris entre le cuivre et le plomb dans le tableau périodique des
éléments (excluant donc le fer et le chrome). Pour d’autres, il s’agit de tous les éléments
métalliques à partir de la quatrième période du tableau périodique des éléments. Par
confusion, compte tenu du caractère potentiellement toxique de composés de certains des
métaux lourds (mercure, plomb, cadmium en particulier), on inclut même parfois dans la
catégorie des métaux lourds certains éléments toxiques comme l’arsenic (métalloïde).
En dehors de ce contexte naturel, la présence de métaux lourds sous de fortes
concentrations est liée généralement à des rejets provenant de l’activité humaine [23 , 24]
Ces métaux peuvent changer de forme et devenir de ce fait plus ou moins
mobiles [25 , 26]. De plus, leur durée de vie est infinie. Les plus dangereux d'entre eux
sont le plomb, le cadmium et le mercure qui ne possèdent aucune activité biologique
favorable.
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Deux facteurs accentuent la gravité des polluants métalliques : d’une part, ils ne
sont pas biodégradables, et d’autre part, ils s’accumulent dans l’environnement et en
particulier dans les sédiments en s’associant avec les matières organiques et inorganiques
par le jeu des phénomènes d’adsorption, de complexation et de combinaisons chimiques
[10 , 27 , 28].
Les plus dangereux et les plus fréquemment rencontrés dans les sédiments sont
repris ici.
I-1.4.1.1 L'arsenic (As)
L'As est présent naturellement dans les sols à l'état de traces ; à l'état dissous,
l'arsenic inorganique se présente sous forme d'As(III) et d'As(V). L’As (III) prédomine
en milieu anoxique [29] . Dans les sédiments récents, l'anoxie progressive solubilise à
nouveau l'arsenic sous forme d'As(III) et contribue donc à sa remobilisation partielle. Par
contre, dans les horizons profonds, la présence de sulfures favorise la fixation définitive
de l'arsenic et de certains autres métaux. Les ions arsénites et arséniates sont les formes
les plus dangereuses pour les espèces marines et pour le consommateur de produits
marins [30].
I-1.4.1.2 Le cadmium (Cd)
Le Cd est principalement utilisé pour la fabrication des batteries, mais son
introduction dans le sédiment peut résulter de l'activité minière, des eaux de lavage des
routes et des déchets d’hydrocarbures [31]. Ses niveaux de présence dépendent non
seulement de la contamination, mais aussi de certains paramètres physico-chimiques
influant les équilibres et les distributions [32].
Les ions Cd2+ constituent la forme prédominante du cadmium dissous en eau
douce. Dans les rivières, 95% du cadmium serait sous forme particulaire ; cette
proportion s'inverse lorsque la salinité atteint 17 à 20. Dans les sédiments océaniques, la
teneur moyenne est voisine de 0,2 µg/g .
I-1.4.1.3 Le chrome (Cr)
Le Cr est essentiellement insoluble dans le sédiment. Alors que la forme oxydée
(VI) est très soluble, la forme réduite (III) possède une forte tendance à s'adsorber sur
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toutes les surfaces et est donc enlevée très rapidement de la colonne d'eau sous forme
particulaire [33].
Peu de données sont disponibles sur la toxicité sublétale des différentes formes
d'oxydation du chrome. Le seuil sans effet (Treshold Effect Level) dans les sédiments est
estimé à 52,3 µg/g.
I-1.4.1.4 Le mercure (Hg)
Le Hg présente un risque majeur pour l'écosystème et pour le consommateur
humain, en raison de sa toxicité et de ses capacités de biomagnification par la chaîne
alimentaire. Le mercure peut prendre les degrés d'oxydation zéro, 1 ou 2 et former des
liaisons covalentes stables en donnant ainsi des dérivés alkylés ou phénylés très toxiques
[34].
I-1.4.1.5 Le plomb (Pb)
Le Pb se trouve dans le sédiment principalement sous forme de carbonates
PbCO3 (40 à 80 %) ou de chlorures PbCl2 (1 à 40 %) et PbCl+ (2 à 19 %). Il présente une
forte affinité pour la matière particulaire. La fraction adsorbée sur les particules en
suspension augmente avec le pH et diminue lorsque la chlorinité augmente.
I-1.4.1.6 Le zinc (Zn)
A forte concentration, le Zn peut provoquer des sérieux problèmes
toxicologiques [35]. Il est introduit dans les zones portuaires à partir de la dissolution des
masses de zinc pur fixées sur les parties immergées des bateaux, pour en assurer leur
protection contre la corrosion. De plus, certaines peintures antisalissures renferment des
quantités importantes d'oxyde de zinc utilisé comme adjuvant anticorrosion.
Les sources de pollution des métaux lourds dans les sédiments de dragage sont
détaillées dans le tableau 7.
I-1.4.2 Les matières organiques
Ce sont essentiellement des composés de carbone, d’hydrogène, d’oxygène et
d’azote, qui sont pour la plupart des produits fabriqués par l’homme. Il en existe des
dizaines de milliers, dont 60 000 sont couramment utilisés.
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Les plus fréquemment rencontrés dans les sédiments sont groupés dans cette
liste.
Cadmium Engrais phosphatés ; industries de traitement de surface des métaux ; industrie de stabilisation des matières plastiques ; fabrication des accumulateurs et des radiateurs automobiles ; fabrication de caoutchouc ; colorants ; eaux de ruissellement des voies de circulation.
Cuivre Canalisation d'eau ; fils électriques ; radiateurs automobiles ; appareils de chauffage ; traitement de surface.
Zinc Produits pharmaceutiques ou domestiques ; conduites d'eau ; peintures ; piles ; galvanisation ; traitement de surface.
Nickel Fabrication d'aciers et d'alliages spéciaux ; recouvrement de surface par électrolyse ; hydrogénation des huiles et substances organiques ; fabrication de peintures ; de laque et de produits cosmétiques.
Mercure Produits pharmaceutiques ou domestiques ; production et utilisation d'antifongiques ; appareils électriques ; produits électrolytiques du chlore et de la soude ; peintures ; pâte à papier ; fabrication de chlorure de vinyle et d'uréthane.
Chrome Tannerie ; fabrication d'alliages spéciaux ; industries de traitement de surface.
Plomb Canalisations d'eau ; bacs de batteries ; peintures ; additifs pour l'essence ; eaux de ruissellement des voies de circulation ; industries pharmaceutiques et sidérurgiques ; ateliers photographiques ; télévisions
Sélénium Fabrication de peintures et colorants ; verre ; semi-conducteurs ; insecticides ; alliages
Arsenic Pesticides ; herbicides ; fungicides ; insecticides ; raticides ; défoliants ; conservateurs du bois ; cellules solaires ; semi-conducteurs ; électrographie ; catalyse ; pyrotechniques ; céramiques ; produits pharmaceutiques ; épilage des peaux en tannerie et mégisserie ; durcissement du cuivre et du plomb ; fabrication des batteries.
Tableau 7 : Les sources de pollution des métaux lourds dans les sédiments de dragage [36]
I-1.4.2.1 Les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP)
Les HAP sont des substances dont la structure chimique est constituée de
plusieurs noyaux aromatiques ayant en commun plus d'un atome de carbone. Les HAP
présents dans l'environnement résultent de différents processus dont la biosynthèse par
des organismes vivants, les pertes à partir du transport ou de l'utilisation des carburants
fossiles, la pyrolyse des matières organiques à haute température, la combustion des
charbons et pétroles [37].
En raison de leur caractère lipophile, les HAP sont concentrés dans les
sédiments et les organismes vivants ; les niveaux rencontrés dépendant de la nature et des
sources de contamination.
Les HAP peuvent interagir avec les mécanismes cellulaires, soit directement en
se fixant sur les sites lipophiles, soit indirectement par liaison de leurs métabolites
Chapitre I : Synthèse bibliographique
37
hydrophiles avec des structures cellulaires (protéines, ADN), provoquant ainsi des effets
à long terme.
I-1.4.2.2 Le polychlorobiphényls (PCB)
Le PCB désigne une famille de composés organochlorés de synthèse de haut
poids moléculaire et de formule chimique C10H(10-n)Cln. Produits industriellement depuis
1930, ces mélanges ont fait l'objet de multiples utilisations comme additifs dans les
peintures, les encres et les apprêts destinés aux revêtements muraux, puis ont été
progressivement interdits.
Le PCB est introduit dans l’environnement, et en particulier dans les sédiments
par différentes activités humaines : combustion incomplète des matériaux, déchets des
décharges des produits pétroliers, post-dépôt de la transformation des précurseurs
biogéniques [38].
I-1.4.2.3 Les tributylétains (TBT)
Les TBT sont des composés organiques qui ne sont considérés comme des
polluants du milieu marin que depuis le début des années 1980, en raison de leur
utilisation comme matière active des peintures antisalissures. Ces dernières, destinées à
protéger la carène des navires contre la fixation d'organismes vivants, agissent en
diffusant dans le milieu des quantités importantes de Tributylétains TBT (> 5 µg.cm-
2.jour-1). Dans l'eau de mer, le TBT se trouve à l'état dissous sous forme d'hydroxyde de
carbonates ou chlorures et est faiblement associé aux matières en suspension (5 %).
I-1.4.3 Les sulfures
Divers composés de soufre se constituent dans les sédiments. Ces composés
soufrés sont essentiellement insolubles. Les formes inorganiques du soufre fréquemment
rencontrées dans le sédiment sont les sulfates, les soufres élémentaires et les sulfures
métalliques tel que le FeS et la pyrite. L’essentiel du soufre dans le sédiment est sous
forme inorganique, dans les conditions anaérobies, où le milieu est réducteur, il se trouve
sous forme de sulfure et dans le sédiment aéré, où le milieu est oxydant, il est de forme
sulfatée (plus mobile).
Chapitre I : Synthèse bibliographique
38
Quant au soufre organique, il se trouve généralement sous deux formes : soit
dans le groupe des esters, soit lié au carbone.
I-1.5 Traitement des sédiments de dragage contaminés
Depuis les années 1980, les scientifiques de nombreux pays industrialisés
cherchent des solutions pratiques pour traiter les sédiments toxiques. Contrairement aux
études des sols pollués, où la nature et les caractéristiques des polluants sont connues, la
problématique des sédiments est beaucoup plus complexe. D’une part, la diversité de la
provenance des polluants est très difficile à reconstituer, et d’autre part, la transformation
et la dispersion en cours de route de ces polluants, rendent laborieux leur caractérisation.
A côté de ces verrous scientifiques, le vide juridique actuel sur les matériaux de
dragages freine aussi de réels développements dans cette filière.
Néanmoins, plusieurs techniques sont actuellement développés à travers le
monde pour traiter les sédiments de dragage toxiques. Ces traitements permettent, soit de
rendre acceptables les concentrations en polluants pour que les sédiments contaminés
puissent éventuellement être réutilisés, soit tout simplement de réduire la quantité de
matériau à mettre en décharge si aucune voie de valorisation n’a été trouvée.
I-1.5.1 Pré-traitements et traitements des sédiments de dragage pollués
D’une façon générale, le traitement des sédiments de dragage a pour objectif,
soit la décontamination des polluants, soit l’immobilisation des polluants.
Plusieurs techniques sont actuellement disponible pour faire face aux
problématiques des sédiments de dragage pollués. Dans ce manuscrit nous ne proposons
qu’une description très brève de ces techniques.
I-1.5.1.1 Pré traitements
Ces techniques ont pour objectif de conditionner le sédiment en vue de son
traitement ultérieur.
Le recours au pré-traitement est essentiellement nécessaire pour débarrasser ce
sédiment des gros débris (pneus, débris et bloc de carrosseries d’automobile, cailloux,…)
et surtout pour déshydrater le sédiment. Les techniques de déshydratation permettent de
réduire jusqu’à 50% l’eau interstitielle contenue dans les sédiments [39]. Plusieurs
Chapitre I : Synthèse bibliographique
39
techniques sont utilisées pour déshydrater les sédiments : la centrifugation, le filtre
presse, la consolidation sous vide, les bassins de décantation et les évaporateurs [40].
I-1.5.1.2 Traitements physiques et chimiques
Le procédé physique de séparation est employé pour se débarrasser des
particules fines du sédiment en sachant que la majorité des polluants sont souvent fixés
sur ces fractions [11]. Ces techniques incluent la centrifugation, le cyclonage, l’attrition,
le lit fluidisé, le criblage, la gravimétrie, la flottation, la séparation magnétique,
l’électromigration. Ces techniques biens connues dans la littérature ne sont pas décrites
dans ce manuscrit [10, 41, 42, 43 , 44].
I-1.5.1.3 Traitements chimiques
La plupart des techniques chimiques de décontamination reposent sur la
transformation chimique des polluants. Contrairement aux procédés de traitement
physique ou chimique, qui consistent à séparer de la matrice saine des éléments
polluants, les extractions chimiques nécessitent le changement d’état des contaminants
[45]. On peut citer :
- L’extraction par lixiviation
- L’extraction par complexation
- L’extraction par solvant
- Le procédé d’échange cationique
Les détails sur ces techniques sont disponibles dans la littérature [10 , 46 , 47].
I-1.5.1.4 Traitements biologiques
Les microorganismes peuvent jouer un rôle important pour le traitement des
polluants organiques des sédiments. Plusieurs techniques sont utilisées, parmi les plus
courantes, on peut citer :
- La biolixiviation [48 , 49]
- La bioaccumulation [50]
- La biodégradation [51]
Chapitre I : Synthèse bibliographique
40
I-1.5.1.5 Traitements thermiques
Hors mis le coût élevé dû à l’apport en énergie, le recours aux traitements
thermiques est depuis quelques décennies adapté aux décontaminations des sédiments de
dragage, en complément à d’autres types de traitements (physico-chimique, biologique et
mécanique).
Plusieurs méthodes de traitements thermiques sont actuellement disponibles et
fréquemment utilisés :
La désorption
La méthode de désorption permet d’extraire les contaminants organiques et/ou
métalliques par vaporisation ou désintégration. Le point d’ébullition du contaminant à
extraire est déterminant pour fixer les conditions de vaporisation.
L’agence américaine sur la protection de l’environnement propose plusieurs
procédés de désorption pour traiter les sédiments et les sols pollués en utilisant des
systèmes séchoirs et des vis chauffées comme le modèle X-TRAX , le modèle ATP , le
modèle « Low Temperature thermal Treatment » (LT3), le modèle « Low Temperature
thermal Aeration » (LTTA). Ces techniques permettent de récupérer les gaz organiques
(PCB, HAP,…) volatilisés par condensation des effluents gazeux [52].
La pyrolyse
La pyrolyse est un procédé thermique fréquemment utilisé pour traiter les
ordures ménagères (MSW) [53]. Ce procédé, en absence d’oxygène, est aussi utilisé pour
désintégrer les contaminants organiques lors du traitement du sédiment contaminé.
L’oxygène joue un rôle déterminant sur la présence, la forme et les caractéristiques des
dioxines dans le gaz évaporé : les PCBs [54], les PCDDs et PCDFs [55 , 56 , 57] et aussi
sur les métaux lourds volatils toxiques, comme le Cd et le Hg ainsi que le Cu, le Pb et le
Zn [58].
La propriété non-oxydante de ce processus est très avantageuse pour empêcher
toute autre formation d’espèces en métaux lourds toxiques, en particulier les ions Cr6+.
Rienks [59] a montré des résultats très concluants lors du traitement thermique
par pyrolyse entre 550°C et 600°C sur des sédiments de dragages contaminés.
Chapitre I : Synthèse bibliographique
41
L’incinération
Cette technique est utilisée depuis plusieurs années pour traiter les boues de
station d’épuration. L’incinération permet, d’une part, d’éliminer les constituants
organiques, et d’autre part, de transformer les métaux en oxydes métalliques qui se
concentrent dans les cendres volantes.
L’apport en énergie des boues contribue largement à faire diminuer le coût
d’exploitation de ce procédé. Si pour les boues de station d’épuration, où les teneurs en
matières organiques atteignent 80%, ce procédé est économiquement rentable ; ce n’est
pas le cas pour les sédiments, où ce taux est souvent inférieur à 10% [60] .
L’oxydation à l’air humide
Ce procédé est fréquemment utilisé dans le traitement des boues de station
d’épuration et aussi dans les traitements des eaux usées industrielles peu concentrées en
matières biodégradables. Son application pour le traitement des sédiments a été
expérimentée aux Pays-bas depuis la fin des années 1990.
L’oxydation à l’air humide est un procédé qui permet d’accélérer la cinétique
d’oxydation chimique des composés organiques. L’objectif de cette technique
d’extraction est de transformer le gaz carbonique évacué en eau [61]. Afin d’augmenter
la solubilité de l’oxygène dans l’eau, le maintien en pression et en température élevée est
nécessaire.
La vitrification
Le procédé de vitrification consiste à faire fondre les fractions argileuses des
sédiments contaminés, après séchage, à une température supérieure à 1250°C et à
refroidir rapidement. En effet, le refroidissement lent donne un solide cristallin non
lessivable. La vitrification permet la dégradation de la matière organique par
combustion et fixe les métaux lourds non volatils. Les métaux lourds volatilisés
nécessitent un traitement des effluents gazeux. Le maintien de conditions oxydantes,
permet toutefois de minimiser les risques de volatilisation de certains métaux lourds,
comme cela a été montré avec des essais sur des sédiments portuaires aux Pays-bas par
l’équipe de Versteeg [62].
Les nouvelles techniques de vitrification de sédiment utilisent des électrodes de
molybdènes alimentées par un courant à haute tension [29]. La température peut atteindre
Chapitre I : Synthèse bibliographique
42
3000°C. Le procédé développé par le NY/NJ HARBOUR en 1996 utilise des torches
plasma pour faire fondre le sédiment.
I-1.5.2 Traitements combinés : Le procédé NOVOSOL
Depuis quelques décennies, de nombreux travaux ont été menés et développés,
dans plusieurs pays, dans le but de mettre au point des traitements et des voies de
valorisation pour les sédiments contaminés. Les résultats restent néanmoins très faibles :
seulement 3% en masse des sédiments sont traités actuellement par an et la valorisation
semble insignifiante.
Pour cette raison, à la fin des années 90, la société SOLVAY S.A. a commencé à
développer un procédé pour trouver une solution de traitement. Une solution de
stabilisation en deux étapes indépendantes a été mise au point et adaptée pour une large
gamme de contamination des sédiments.
I-1.5.2.1 Le principe du procédé NOVOSOL
Le procédé NOVOSOL est actuellement en phase d’exploitation sur pilote semi-
industriel. Le premier traitement est chimique (la phosphatation) et le deuxième est
thermique (la calcination).
Le pilote de phosphatation NOVOSOL
La première étape vise à stabiliser et à réduire la solubilité des métaux
lourds. Après transport sur le site de traitement, les sédiments contaminés sont pompés
vers l’installation. Pour traiter les métaux lourds, on injecte de l’acide phosphorique.
Cette réaction forme du phosphate de calcium. Les structures qui stabilisent les métaux :
10 ME2+(aq) + 6H2PO4-(aq) + 2H2O → Me10(PO4)6(OH)2 + 14H+(aq) ( 1 )
Me : Ca, PB, Cd, Zn, As
L’efficacité de ce procédé est prouvée par de nombreuses études [63 , 64] .
Les matériaux phosphatés sont stockés pendant 24 heures sur un géotextile
drainant puis disposés en andains de séchage. Cette étape de maturation permet de
Chapitre I : Synthèse bibliographique
43
réduire la teneur en eau jusqu’à 40% et les métaux lourds sont désormais immobilisés. Le
gaz est épuré pendant le processus, d’abord, par des charbons actifs et ensuite, il est lavé
et dépoussiéré.
L’objectif de cette étape n’est pas d’éliminer les métaux lourds mais d’empêcher
la contamination de l’environnement. La phosphatation par le procédé NOVOSOL
permet de placer les sédiments traités dans des décharges pour déchets non dangereux ou
inertes.
Le pilote de calcination NOVOSOL
La deuxième étape permet de renforcer la stabilisation des métaux lourds suite
au premier traitement et surtout de produire des matériaux aux propriétés intéressantes
pour la valorisation. Au cours de cette étape, les composés organiques sont également
détruits.
Les matériaux issus de la première étape sont calcinés dans un four rotatif à une
température voisine à 650°C, les fumées sont épurées grâce au procédé NEUTREC,
également développé par SOLVAY.
Le schéma descriptif du pilote de phosphatation et de calcination est détaillé sur
le graphique 3.
Circuit matière
Le produit à traiter est sous-forme solide, de granulométrie n’excédant pas
30mm de diamètre.
Le produit est transporté par big bag de 500l et ensuite vidé dans une trémie de
650l.
A la demande d’un superviseur, le tunnel vibrant est activé et extrait, avec un
débit demandé, le produit de la trémie en direction du tapis transporteur. Le tapis
transporteur reprend le produit et le déverse dans une trémie pesée.
La trémie pesée déverse le produit dans le four en fonction du débit voulu.
Le produit est transformé à l’intérieur du four à haute température et sort entre 650° et
850°. A la sortie du four, le transport de la matière est assuré par une vis refroidie, ce qui
permet d’abaisser la température du produit jusqu’à 70°C. Le produit traité est stocké
dans un bac.
Chapitre I : Synthèse bibliographique
44
Figure 3: Le pilote de phosphatation et de calcination NOVOSOL
Chapitre I : Synthèse bibliographique
45
Le principe de fonctionnement du pilote est détaillé dans ce schéma simplifié du
procédé :
Figure 4: Schéma simplifié du procédé de calcination du procédé NOVOSOL
Circuit gaz
La production des gaz chauds est réalisée dans un générateur ; ceux-ci sortent
aux alentours de 1000°C. Ces gaz sont introduits dans le four et calcinent le produit par
contact direct. Les fumées récupérées en sortie passent dans un cyclone et relâchent les
poussières transportées aérauliquement. Ces poussières sont stockées dans un bac. Les
fumées ainsi épurées vont pouvoir passer dans une unité de post-combustion afin de
détruire les matières organiques qu’elles contiennent
Chapitre I : Synthèse bibliographique
46
Les fumées ainsi épurées et traitées doivent être refroisies. Pour cela, elles
passent d’abord dans un quench, où la pulvérisation d’eau permettra de diminuer la
température jusqu’aux environs de 220°C, ensuite, dans un caisson de mélange air/air
pour sortir à 100°C.
Les effluents gazeux passent ensuite dans une unité de traitement des fumées par
le procédé NEUTREC
I-1.5.2.2 Les filières de valorisations du sédiment traité par le procédé NOVOSOL
Pour éviter la mise en décharge et dans l’objectif de les valoriser, les sédiments
calcinés par le procédé NOVOSOL sont utilisés comme matériaux dans la construction
routière et dans la fabrication de briques. Une autre voie de valorisation des sédiments
traités par le procédé NOVOSOL a été détaillée dans la littérature. Il s’agit de la
possibilité d’utiliser les sédiments traités comme matériau de base dans la fabrication du
ciment.
La route
La construction routière nécessite beaucoup de matériau provenant des
gisements naturels. L’épuisement des matières premières naturelles et la nécessité de les
préserver au maximum ouvrent l’avenir sur le développement du recyclage et l’utilisation
des matières premières dites secondaires.
Des essais ont été menés dans le but d’utiliser le sédiment comme matière
première secondaire dans la construction routière. Ainsi, le sédiment calciné
NOVOSOL est utilisé, comme sous-couche d’assise de chaussée, immédiatement sous
l’asphalte. Il est mélangé avec du sable et du ciment dans une proportion de 30%.
Une route expérimentale a été conçue avec la société EUROVIA et les tests
effectués sont très satisfaisants, du point de vue de la qualité d’ouvrage et également des
performances environnementales.
Les résultats actuels des recherches en cours aux laboratoires de l’Ecole
Centrale de Lille et de l’INSA de Toulouse sont très encourageants.
Chapitre I : Synthèse bibliographique
47
La brique
La fabrication de brique demande une quantité considérable de matière première
naturelle et les fabricants cherchent actuellement des matériaux de remplacement vu la
difficulté d’exploitation de ces matières naturelles et surtout leur préservation.
Le sédiment traité NOVOSOL est actuellement testé comme substituant dans la
fabrication de brique chez LA BRIQUETTERIE DU NORD. Les briques obtenues
présentent une qualité comparable, voire meilleure, que les briques traditionnelles. Les
tests environnementaux et mécaniques effectués sont satisfaisants.
I-1.6 Conclusion
Les paragraphes développés dans cette partie ont permis de connaître les
problématiques des sédiments de dragages. Outre l’origine et la nature des sédiments de
dragages, la revue bibliographique met l’accent sur la contamination des sédiments par
des polluants organiques et métalliques. Plusieurs techniques de traitement sont décrites
mais il est évident qu’aucune des techniques de traitement précédemment décrites n’offre
la solution idéale à tous les types de situation. La nature du sédiment et des polluants, le
degré de contamination, l’objectif souhaité, son coût, le volume à traiter, sont autant de
paramètres à prendre en compte. Pour faire face à ce problème, la société SOLVAY S.A.
a combiné deux techniques dans le but de mieux traiter et de proposer des filières de
valorisation pour le sédiment de dragage contaminé : ce procédé consiste en un
traitement chimique par phosphatation afin de stabiliser les métaux lourds, et ensuite, un
traitement thermique (calcination) pour décomposer les matières organiques et générer
des matériaux à propriétés contrôlées en vue d’une valorisation. Ainsi, ce traitement
thermique est une étape majeure dans ce procédé. Dans la suite de cette revue
bibliographique, nous allons nous attarder sur les processus mis en ouvre lors de ce type
de traitement.
Chapitre I : Synthèse bibliographique
48
I-2 Comportement de la matière organique et de la matrice minérale du sédiment pendant le traitement thermique
I-2.1 Introduction
Les sédiments de dragage sont constitués généralement d’une fraction organique
et d’une fraction minérale (voir I-1.4.2).
Plusieurs techniques sont actuellement disponibles pour traiter thermiquement
les sédiments de dragage (voir I-1.5.1.5). Nous nous intéressons plus particulièrement à
la calcination dans la suite de cette étude.
La calcination en four tournant consiste à faire écouler le sédiment déjà séché
dans un cylindre rotatif légèrement incliné et chauffé directement par une flamme ou bien
indirectement par les parois.
La majeure partie des constituants organiques se décompose par la chaleur
pendant la calcination, tandis que les composés minéraux et ne se dégradent pas.
Cependant, plusieurs transformations physico-chimiques sont observées. Ce sont des
transformations bien connues dans le traitement à haute température des composés
minéraux. Une des transformations les plus connues est le frittage thermique que nous
abordons plus longuement dans ce manuscrit.
I-2.2 Comportement de la matière organique
I-2.2.1 Décomposition thermique de la matière organique
Du fait de leur hétérogénéité et de leur faible teneur en matières organiques
souvent inférieure à 10%, la partie combustible du sédiment est très faible [65].
L’analyse thermogravimétrique (ATG) couplée à la calorimétrie différentielle à
balayage (DSC) permettent de suivre la décomposition de la matière organique pendant
la calcination du sédiment. Ces techniques d’analyse se sont d’abord répandues pour les
études des sols à partir des années 1970-1980, [66 , 67 , 68], puis ont été étendues au
traitement des sédiments dans les années 1990 [69].
Les courbes d’ATG montrent la perte de masse du sédiment en fonction de la
température de calcination. De nombreuses études ont préconisé que la perte de masse
enregistrée lors de l’analyse thermique du sédiment était égale à environ 8% à 10% de la
masse initiale pour une calcination jusqu’à 800°C. La décomposition de la matière
Chapitre I : Synthèse bibliographique
49
organique du sédiment étant normalement achevée à ce niveau thermique [11 , 59 , 70 ,
71]. La quantité de matière organique peut être obtenue pour la différence entre la perte
de masse déterminée par l’analyse thermogravimétrique et la masse initiale du sédiment.
Dans la plupart des cas, la plus grande perte de masse pour les sédiments est
située entre 200°C et 600°C. Cet intervalle de température coïncide avec d’autres
résultats de décompositions thermiques obtenues pour d’autres composés
organominérales (sols, charbons, biomasse) [72 , 73 , 74] .
Les études de Hu et ses collègues sur la décomposition en matière organique du
sédiment provenant du Suzhou en Chine, présentent, par exemple, une perte de masse de
l’ordre de 7% pour une température de calcination de 800°C [70] . Les courbes ATG-
DSC du sédiment de Suzhou sont présentés dans le graphique suivant.
Figure 5: Courbe ATG-DTG du sédiment de Suzhou
Les carbonates se dégradent différemment pendant le traitement thermique.
Les températures de dégradation de quelques carbonates sont présentées dans le tableau
8.
Chapitre I : Synthèse bibliographique
50
Les carbonates Température de décomposition (°C)
Les impacts
Calcite (CaCO3)
675
90% se décomposent en 4h
Aragonite (CaCO3)
645
Dolomite (CaMg(CO2)2)
450
Seulement 20% se dégradent
en 16h
Magnésite (MgCO3)
425
80% se décomposent en 4h
Sidérite (FeCO3)
425
93% se dégradent en
seulement 15 min
Tableau 8 : Les températures de décomposition des carbonates [75]
I-2.2.2 Les émissions des polluants pendant le traitement thermique
Dans la plupart des cas, les traitements thermiques des sédiments entraînent une
émission de polluants organiques et des métaux lourds. La concentration et l’ampleur de
l’émission dépendront de la quantité initiale et de l’origine de ces polluants dans le
sédiment (voir I-1.4) .
Les composés les plus fréquents dans les émissions sont les Hcl, les Sox, les
Nox, les dioxines et furannes.
Le HCl provient, d’une part, de la combustion du chlore organique, des résidus
de PVC ou d’autres matières plastiques non dégradées, et d’autre part du chlore minérale
( NaCl, KCl, végétaux, bois,…) présent dans le sédiment.
Le SOx, regroupe le SO2 et le SO3, qui proviennent essentiellement de
l’industrie, comme les déchets de production d'acide sulfurique, des batteries, de poudre
à canon, des allumettes,... Il provient aussi des eaux de ruissellement contaminées par les
engrais, les fongicides et les insecticides. Le soufre se trouve naturellement dans
beaucoup de minéraux, comme les sulfures et les sulfates et même sous forme native,
particulièrement dans les régions volcaniques.
Chapitre I : Synthèse bibliographique
51
Les NOX se forment principalement au cours du processus de combustion par
oxydation de l’azote de l’air et de l’azote présent dans les sédiments. Cette famille
comprend le NO, le NO2 et le protoxyde d’azote N2O.
Les dioxines et furannes regroupent les PolyChloro-DibenzoDioxines (PCDD)
et les PolyChloro-DibenzoFuranes (PCDF), deux familles regroupant 210 congénères
faisant l’objet d’une attention particulière en raison de la grande toxicité de 17 d’entre
eux. Ces composés se forment, après la combustion, à des températures de l’ordre de
250°C à 400°C, par combinaison à partir des imbrûlés. Ils se décomposent rapidement
(1s) à des températures proches de 700°C.
Contrairement à la partie organique, les métaux lourds contenus dans les
sédiments ne sont pas détruits au cours du traitement thermique. Une partie reste dans le
résidu solide et les plus volatils se vaporisent en fonction de leur propriété et de leur
spéciation [76].
I-2.3 Comportement de la matrice minérale
Les principaux minéraux qui constituent la matrice du sédiment sont le quartz, le
feldspath, les carbonates et les argiles.
Une fois que la partie organique du sédiment est décomposée, la matrice
minérale ne se dégrade pas sous l’effet de la température mais plusieurs transformations
physico-chimiques sont observées. Ces transformations sont bien connues dans le
traitement à haute température des composés minéraux. Une des transformations les plus
connues est le frittage thermique que nous étudierons dans cette partie.
I-2.3.1 Généralité sur le frittage thermique
Le frittage est un phénomène physico-chimique et thermique bien connu dans
les céramiques [77 , 78 , 79 , 80 , 81 , 82] et en métallurgie [83 , 84 , 85].
Plus récemment, son application commence à se développer dans les
nanoparticules [86 , 87], les phosphates de calciums et les apatites [88 , 89 , 90 , 91],
ainsi que dans d’autres domaines, comme le traitement des déchets [92 , 93]. Sa
modélisation a largement progressé depuis une vingtaine d’années.
Le frittage est souvent défini comme la consolidation, sous l’effet de la chaleur,
d’un agglomérat ou d’un matériau dispersé, avec ou sans fusion, d’un ou plusieurs de ses
Chapitre I : Synthèse bibliographique
52
constituants. Il y a, en conséquence, une augmentation de la masse volumique du solide
poreux et une diminution de la surface spécifique qui résultent de la fermeture des pores
à des températures inférieures au point de fusion. Ce phénomène est négligeable pour des
températures inférieures à la température de TAMANN (0.4-0.5*T fusion) et au-delà de
celle-ci il conduit à une diminution de la porosité ainsi que la diffisuvité effective [94].
La figure suivante montre le mécanisme du frittage :
Figure 6: Mécanisme du frittage [94]
Les premières approches sur la théorie de frittage ont été développées par
Frenkel en 1945 [95]. Dans sa théorie, il a affirmé que le processus de frittage est dû à
une lente déformation des particules sous l’influence de la tension de surface.
Hausner, en 1979 [96], a proposé une définition du frittage comme une liaison
des particules par l'attraction moléculaire ou atomique due à la chaleur, causant le
renforcement de la masse de la poudre et probablement ayant pour résultat la
densification et la recristallisation par le transport des matières.
I-1.3.2 Les différentes étapes et les mécanismes du frittage thermique
D’une manière générale, les étapes du frittage peuvent être expliquées par
l’évolution du taux de la densification (densité relative) et la chute de la surface de
l’échantillon [94] :
- Au début, les grains se réorganisent par glissement, ensuite des liaisons
s’édifient par des joints. L’ensemble des grains, au départ séparés, forme alors un
squelette solide traversé par de pores ouverts sur l’extérieur.
- Ensuite, les pores ouverts sur l’extérieur diminuent peu à peu de volume, et ils
se scindent en de nombreux pores fermés, c’est l’étape de la porosité ouverte ;
Chapitre I : Synthèse bibliographique
53
- Enfin, les pores sont isolés dans la matrice qui devient de plus en plus
cohérente et la dernière étape consiste à éliminer cette porosité fermée.
Cette description idéale ne correspond pas rigoureusement à la réalité mais
chaque étape recouvre partiellement l’étape suivante.
Le début du frittage se manifeste donc par une densification. Ensuite,
l’échantillon se consolide et deux cas peuvent se produire : soit, la consolidation est
simple (coalescence), soit la consolidation se réalise avec retrait.
Ces étapes sont détaillées sur cette courbe de densification :
Figure 7: Evolution de la densité relative au cours des étapes de densification [94]
Les premières expériences classiques sur les mécanismes des différents
processus du frittage en phase solide sont représentées par Kuczynski en 1949 [97]. Il a
défini quatre mécanismes sur le transport de matière, basés sur le modèle de deux grains
en contact pendant le frittage : la diffusion superficielle, la diffusion en volume, le
transport gazeux et l’évaporation/condensation :
- La diffusion superficielle et la diffusion en volume sont les mécanismes
prédominants lors du frittage des particules métalliques et cristallines. La diffusion
superficielle est seulement importante pendant l'étape initiale du frittage. Elle est
provoquée par le contact initial entre les particules et ne favorise pas une densification
substantielle de la poudre.
Chapitre I : Synthèse bibliographique
54
- La diffusion en volume se produit pendant tout le processus de frittage et est
principalement responsable de la densification.
- Le transport gazeux est le phénomène prédominant lors du transport de matière
pour le frittage des matériaux polymères, vitreux et non métalliques.
- Le mécanisme de condensation/évaporation est impliqué lors du transport de
matière dans la phase gazeuse.
I-2.3.2.1 Elaboration des ponts
Au tout début du frittage, lors du chauffage de l’échantillon, deux possibilités
peuvent se présenter au niveau des interfaces des grains : les grains peuvent se souder, ce
qui conduit au frittage, ou les grains grossissent.
C’est sur la représentation du contact des deux grains sous forme de tore que
Kuczynski [98] puis Kingery [99] ont développé les premières théories du frittage en
phase solide. La présence de ces différents rayons de courbure induit des gradients de
contrainte dans le solide et des gradients de pression dans la phase gazeuse. Ces gradients
vont conduire à la diffusion de matière vers la surface extérieure du pont qui est en
tension et qui possède la plus faible tension de vapeur (loi de diffusion de Fick).
La matière peut provenir de deux sources : la surface des grains ou le centre du
joint de grains. Pour chacune des sources, différents chemins de diffusion sont
envisageables :
- Si la surface des grains est considérée comme source de matière : le flux peut
se produire par la phase gazeuse ou par la phase solide. Lorsque le flux se propage par la
phase gazeuse, on parle de transport gazeux (mécanisme 1). Dans la phase solide, deux
chemins de diffusion sont envisageables : le flux peut être concentré à la surface des
grains (diffusion superficielle : mécanisme 2) ou se propager par l’intérieur des grains
(diffusion en volume : mécanisme 3)
- Si le centre des joints de grains est considéré comme source de matière : deux
chemins de diffusion sont de nouveau envisageables : le volume des grains (diffusion en
volume : mécanisme 4) ou le joint de grains (diffusion aux joints de grains : mécanisme
5).
Chapitre I : Synthèse bibliographique
55
Ces mécanismes sont représentés sur le graphique et le tableau suivant:
Figure 8: Les différents déplacements de matière au cours de la première étape du frittage entre deux grains [94]
mécanisme Nature du déplacement Source de matière Puits de matière 1
Transport gazeux
Surface des grains
pont
2
Diffusion superficielle
Surface des grains
pont
3
Diffusion en volume
Surface des grains
pont
4
Diffusion en volume
Joints de grains
pont
5
Diffusion aux joints de grains
Joints de grains
pont
Tableau 9: Différents types de transport de matière lors de la première étape du frittage
Chapitre I : Synthèse bibliographique
56
L’évolution de la microstructure sera différente suivant que la matière provient
de la surface des grains ou du centre du joint de grains :
- Si les atomes proviennent de la surface des grains, le pont grandit sans
évolution de la distance entre les grains. Le développement du joint de grains conduit
alors à une consolidation de l’échantillon sans retrait important. La densité n’évolue pas
mais la taille des pores augmente, puisque la matière en provient. C’est qui a été observé
expérimentalement lors du frittage du SnO2 par Kimura et ses collègues [99] ou de
l’alumine par Prochazka et son équipe [100].
- Si les atomes proviennent du centre du joint de grains, le maintien de la
cohérence de l’échantillon nécessite un rapprochement des deux grains. Dans ce cas, la
densité augmente mais la dimension des pores diminue.
Il existe plusieurs modèles qui tentent de représenter la formation des ponts
entre particules lors du frittage. La plupart d’entre eux font intervenir des phénomènes de
diffusion dans les solides assurés par le déplacement des défauts de structure par rapport
aux atomes dans la matrice. Ces modèles dépendent alors de l’existence d’un gradient de
concentration.
Si ce gradient de concentration est le « moteur » apparent de la diffusion, alors
on peut écrire une relation phénoménologique entre le flux d’un constituant i et sa
concentration par la première loi de Fick :
iii gradCD−=Φ ( 2 )
Di étant considéré comme indépendant de Ci et donc des coordonnées spatiales
et du temps, la relation devient :
iii CD
t
C∆=
∂∂
( 3)
Où ∆ est l’opérateur de Laplace.
Chapitre I : Synthèse bibliographique
57
C’est la deuxième loi de Fick qui est utilisée pour représenter
mathématiquement les phénomènes de diffusion intervenant pendant la formation des
ponts lors du frittage.
Les expériences ont montré que la vitesse de l’élaboration des ponts est
influencée par la taille des grains (par la loi de similitude de Herring) et par la
température (par l’intermédiaire des coefficients de diffusion ) [101 , 102 , 103] .
Les faibles granulométries favorisent la diffusion superficielle et la diffusion
aux joints de grains, tandis que les faibles températures favorisent la diffusion
superficielle par rapport aux autres modes de transport.
D’autres propriétés comme l’homogénéité, la porosité initiale des particules,
peuvent influencer l’élaboration des ponts [109 , 104 , 105].
Lance et son équipe en 2004 [106] ont proposé une corrélation reliant la
densification et l’évolution microstructurale des aplha-alumines pendant le frittage.
I-2.3.2.2 Elimination de la porosité
Lorsque les ponts sont édifiés, le squelette constitué par les grains soudés
contient encore de la porosité.
Lors de l’élimination de la porosité ouverte, la matière qui provient du centre
des faces aboutit aux pores centrés sur les arêtes, le chemin de diffusion pouvant être le
joint de grains (diffusion aux joints de grains) ou le volume de l’un des deux grains
(diffusion en volume).
Pour l’élimination de la porosité fermée, en fin de frittage, deux difficultés
apparaissent :
- La présence de gaz qui doit s’éliminer par diffusion dans le solide. Si la
diffusion est impossible (solubilité nulle du gaz dans le solide), il apparaît une contre
pression qui agit comme une force opposée au frittage et peut conduire à son arrêt. La
phase gazeuse peut jouer un rôle important et de ce fait peut orienter l’évolution de cette
microstructure ; c’est le cas par exemple, du frittage du ZnO où le matériau ne subit
qu’une simple consolidation sans densification, démontré par Quadir et Readey en 1989
[107]. Ce cas est fréquent lors du frittage des oxydes où le H2O s’évapore : comme les
travaux de Pask en 1983 [108] sur les MgO ; et de Whittemore et Varela en 1984 [109]
sur les BaTiO3 ; ou encore sur les TiO2 de Hebrard en 1990 [110].
Chapitre I : Synthèse bibliographique
58
- Le grossissement de grains important peut inhiber fortement le frittage en
raison de l’influence significative de la dimension des grains sur la loi de densification.
I-2.3.2.3 Fin du frittage
En fin de frittage, soit l’échantillon est dense, soit il subsiste une porosité.
La microstructure la plus courante est formée par des grains reliés par des joints de grains
à l’intérieur desquels subsistent des pores de petite dimension par rapport aux grains.
Si l’échantillon initial est constitué de grains dont les dimensions présentent une
certaine répartition, un grossissement de grains peut se produire.
Le grossissement et déplacement des pores
Le grossissement des grains provoque souvent un grossissement des pores car
ceux-ci se déplacent et fusionnent par collision ; on obtient alors une microstructure
formée de gros grains délimitant entre eux des pores de grande dimension, par rapport à
la dimension initiale [111 , 112 , 113].
Un pore, lorsqu’il est localisé dans un joint de grains, exerce sur celui-ci une
force de freinage. Cette force représente une force motrice qui tend à déformer et
déplacer le pore. Sous l’influence de cette déformation, il apparaît deux rayons de
courbure à l’avant et à l’arrière du pore. La présence de ces deux rayons conduit à
l’existence de gradients de contrainte dans la phase solide et de pression dans la phase
gazeuse. Le gradient de contrainte dans la phase solide adjacente à la surface du pore
conduit à un flux de diffusion superficiel ou volumique depuis la surface de plus grand
rayon de courbure vers la surface arrière de plus petit rayon. Ces flux de matière se
traduisent par un déplacement simultané du pore en sens inverse, donc dans le sens du
déplacement du joint de grains.
La mobilité d’un pore dépend de la dimension du pore et du mode de diffusion
de la matière. Deux possibilités d’évolution peuvent alors être envisagées : soit les pores
et les joints de grains se déplacent à la même vitesse, soit les pores n’ont pas la mobilité
suffisante pour suivre les joints de grains, alors ils se séparent des joints de grains et
passent en position intraglanulaire.
L'interaction entre les frontières de grain et les pores avec l'évolution
microstructurale pendant le frittage a été longtemps identifié [114 , 115 , 116] .
Récemment, des modèles plus simples et plus réalistes de grossissement des pores ont été
Chapitre I : Synthèse bibliographique
59
établis par Liu et Petterson en 1993 [117], utilisant des descriptions plus générales sur la
porosité en contact avec des frontières des grains, indépendamment de la morphologie
des pores.
En fin de frittage, plusieurs auteurs, comme Cheng et Wang [118] ainsi que
Rahaman et son équipe [119] ont affirmé que le grossissement des grains est accompagné
d’une séparation accrue des pores et de la baisse de la densification.
Riedel et Svoboda [113] ont proposé des modèles numériques pour prédire
l’évolution de la densification pendant ce stade de frittage. Si les pores se localisent à
l’extérieur des extrémités alors, la relation de la variation de la porosité en fonction de la
température du frittage est :
4
110
LkTr
DC
dT
d
p
Ω−= γδε ( 4 )
I-2.3.2.4 Densification
La plupart des auteurs utilisent le modèle à deux grains en contact pour modéliser
la densification.
Le mécanisme de la densification pendant le frittage se réalise généralement en
trois étapes : l’étape initiale, l’étape intermédiaire et l’étape finale.
Etape initiale
Johnson et German [120] ont étudié la densification pendant l’étape initiale et
ont basé leur modèle sur la densification du frittage par le modèle à deux grains en
contact, illustré par le graphique 9.
Au stade initial du frittage, la densification dépend du gradient de courbure entre
la surface convexe et la frontière des grains.
Etant donné que la densité peut être obtenue à partir du retrait linéaire :
3
0
)1( S−=
ρρ ( 5 )
Chapitre I : Synthèse bibliographique
60
Figure 9: Géométrie à deux particules pour prédire l’étape initiale de la densification
Johnson & German [120] ont établi une relation permettant de suivre l’évolution
du retrait linéaire de l’échantillon en fonction de la température :
TLkT
DC
dT
dSL
&4
8²
Ω=∆ γδ ( 6 )
Avec : dtTdT &=
ρ0: densité initiale de l’échantillon
∆L : retrait linéaire de l’échantillon
D : diffusivité
C : concentration
γ : énergie de surface
Ω : volume atomique
k : constante de Boltzmann
L : diamètre du grain
Chapitre I : Synthèse bibliographique
61
Etape finale
A ce stade, pendant que la densification progresse, les pores commencent à
disparaître complètement. A cause de l’instabilité sur la surface des grains, les pores
ouverts s’effondrent et les pores fermés migrent vers les extrémités des côtés. A ce stade,
deux phénomènes se manifestent simultanément : l’ouverture des pores d’un côté, et la
fermeture d’autres pores, de l’autre.
I-2.3.2.5 Conséquence du frittage sur l’évolution de la surface spécifique
Au cours du traitement thermique, le frittage se traduit généralement par la
diminution de la surface spécifique de l’échantillon. Cette chute de surface peut avoir
plusieurs origines : une soudure entre les grains sans densification ou bien avec
densification, un grossissement des grains (mûrissement d’Ostwald).
Schaffler et son équipe [121] ont proposé une loi pour décrire la variation de
surface observée lors de la catalyse silice-alumine sous vapeur d’eau pour des
températures allant de 478°C jusqu’à 863°C :
bSTBt
S)(−=
∂∂
( 7 )
Le paramètre b qui représente l’ordre de la réaction de réduction de surface
dépend du mécanisme du frittage.
La constante de vitesse B(T) dépend non seulement de la température mais aussi
du mécanisme.
Cette constante peut être exprimée sous une autre forme :
bSTBTB −−= 10
' )()( ( 8 )
B’(T) a comme unité l’inverse d’un temps et suit la loi d’Arrhénius
S0 est la surface initiale de l’échantillon avant la calcination.
Chapitre I : Synthèse bibliographique
62
D’où l’équation finale est donnée par :
bbRT
E
SSeBdt
dS a−
−
−= 10
'0 ( 9 )
Nicholson [122] a relié la surface spécifique avec la température et la durée de
la calcination lors du frittage de l’oxyde de fer et de l’oxyde de magnésium. Il a établi
une relation pour décrire l’évolution de la surface spécifique en fonction du temps :
))(( eSSTkt
S −−=∂∂
( 10 )
La différence de potentiel (S-Se) est la force motrice responsable du transport de
la matière qui engendre la réduction de la surface.
Le terme k(T) a été exprimé selon la loi d’Arrhénius :
RT
Ea
ekTk−
= 0)( ( 11 )
German-Munir [123] a décrit le début du frittage par l’équation suivante :
tTKS
SS)()(
0
0 =− α ( 12 )
Le paramètre α est fonction du mécanisme du frittage et du nombre de
coordination du matériau fritté. Il dépend également de la température.
Chapitre I : Synthèse bibliographique
63
I-2.3.3 Les Moyens expérimentaux pour la caractérisation du frittage
Plusieurs techniques expérimentales sont disponibles pour détecter le frittage, il
s’agit de :
- La mesure de la surface spécifique.
- La dilatométrie
- La porosimétrie
Les étapes du frittage sont définies en fonction de l’évolution de ces
caractéristiques. Tous les phénomènes, que ce soit la baisse de la surface spécifique, ou
le retrait linéaire, ou encore la baisse des porosités (ouverte ou fermée), se traduisent
éventuellement par une chute de la surface spécifique de l’échantillon. Cette chute de
surface peut avoir plusieurs origines :
- Une soudure entre les grains sans densification : il y a alors une simple
consolidation par coalescence, on parle alors du frittage.
- Une soudure entre les grains sans densification, la porosité baisse et la densité
augmente : il y a consolidation et densification, donc frittage.
- Un grossissement des grains (mûrissement d’Ostwald) sans frittage.
Ces phénomènes sont représentés sur cette figure :
Figure 10: Evolution de la densité en fonction de la surface spécifique
Chapitre I : Synthèse bibliographique
64
I-2.4 Conclusion
Dans cette section, nous avons défini le comportement physico-chimique du
sédiment pendant le traitement thermique. Il s’agit notamment de la dégradation de la
matière organique pendant la calcination. Cette dégradation entraîne l’émission des
différents polluants organométalliques. Lors du traitement thermique, la matrice minérale
subit des transformations importantes. L’une d’elles est le frittage sur lequel nous sous
sommes attardés dans ce mémoire. La densification et la chute de la surface spécifique
ainsi que l’évolution de la porosité pendant le traitement thermique permettent de repérer
ce phénomène.
Après avoir situé le contexte général et la problématique des sédiments de
dragages, les techniques de traitement existantes, les problèmes inhérents à leur
traitement thermique ainsi que les phénomènes physico-chimiques présents, nous
consacrons le chapitre suivant à la description des protocoles expérimentaux et des
techniques utilisées pour caractériser le sédiment de dragage.