cahier g coopÉration un plan stratÉgique commun

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LE DEVOIR, LES SAMEDI 10 ET DIMANCHE 11 SEPTEMBRE 2011 FRANCOPHONIE Jean-Marc Léger voit se concrétiser en 1961 son projet d’une planète universitaire et francophone Page 2 « La solidarité, une des valeurs fondamentales de la Franco- phonie » Page 5 L’Université de Montréal est l’hôte d’une « Francophonie des savoirs » Page 7 CAHIER G COOPÉRATION UN PLAN STRATÉGIQUE COMMUN AGENCE UNIVERSITAIRE Montréal est le siège d’un des grands réseaux planétaires universitaires. Et en ce mois de septembre, cette Agence universitaire de la Francophonie, cette AUF, y tient d’ailleurs ses assises pour souligner un cinquantième anniversaire de fondation. NORMAND THÉRIAULT Q ue la Francophonie soit un or- ganisme vivant? Le monde universitaire en fait la preuve. Et pour cause quand les grandes célébrations commé- moratives du 50e anniversaire de l’AUF se tiendront dans quatre villes: Montréal, Bruxelles, Paris et Brazzaville. Du 6 au 7 juillet 2011, plus de 400 personnes, recteurs, en- seignants et étudiants des uni- versités francophones d’Afrique et de l’océan Indien se rencon- traient ainsi à Brazzaville pour célébrer les 50 ans de l’Agence universitaire de la Francopho- nie. L’événement était alors pla- cé sous le haut patronage du président de la République du Congo, Denis Sassou-Nguesso, et du secrétaire général de la Francopho- nie, Abdou Diouf. Les 23 et 24 septembre, les fêtes de Montréal seront le point d’orgue des activi- tés conduites dans les autres régions. Y se- ront réunis les représentants de toutes les universités francophones et de tous les par- tenaires de la Francophonie autour notam- ment d’un colloque international qui re- groupera plus de 500 participants. Un autre colloque international d’une journée se tiendra le 9 novembre 2011 au Palais des académies de Bruxelles sous le thème «Science et société». Ce sera alors l’occasion de partager les meilleures pra- tiques des universités du Nord et du Sud en ce qui a trait au transfert de l’innova- tion grâce aux partenariats universités-en- treprises. Une cérémonie protocolaire et poli- tique clôturera le 1er décembre 2011 à Pa- ris les célébrations de ce 50e anniversaire. Un précurseur Que Montréal soit le lieu choisi pour fai- re le point sur cette aventure planétaire, cela s’explique aussi sans difficulté: l’idée même d’une planète universitaire franco- phone n’avait-elle point germé dans la tête d’un journaliste d’ici? Jean-Marc Léger, qui fut aussi un temps rédacteur en chef du présent journal, avait entrepris au cours des années 50 une ronde de consul- tations diplomatiques qui allait faire appa- raître en 1961 dans le paysage politique et institutionnel cette AUPELF, cette Asso- ciation des universités partiellement ou entièrement francophones. Et Montréal fut retenu comme tête d’antenne de ce ré- seau qui tisse maintenant ses fils en un tour de Terre complet. «Jean-Marc Léger et les autres promoteurs du projet avaient compris qu’il n’y avait pas de structure politique commune aux franco- phones, comme le Commonwealth chez les anglophones, capable de servir de base à la création d’une organisation francophone in- ternationale, nous rappelle d’ailleurs Yvon Fontaine, actuel président de l’AUF et recteur de l’Université de Moncton. Ils se sont alors tournés vers le réseau universitaire, qu’ils jugeaient plus approprié. De plus, dans un effort de solidarité, ils ont tenu à inclure les pays africains afin de soutenir les jeunes universités africaines naissantes. D’ailleurs, la référence dans le nom à “partiellement ou entièrement francophone” revient à Mohammed el-Fasi, alors recteur des uni- versités du Maroc. Une définition trop étroi- te, avait-il fait remarquer, excluait sa propre université puisque plusieurs cours se don- naient en arabe.» Une planète De là à prévoir le succès d’une telle initia- tive, nul ne pouvait s’en douter. Ainsi, en mars dernier, la liste des institutions ins- crites auprès de l’Agence universitaire de la Francophonie comptait 774 inscriptions, et, quelques mois plus tard, début sep- tembre, elles sont maintenant 780. Quant aux lieux géographiques de ces diverses académies, collèges, instituts, écoles et autres universités, regroupés par pays, le chiffre atteint s’avère aussi impressionnant: le savoir francophone prend d’ailleurs an- crage dans 91 États. La Russie de Moscou et de Saint-Pétersbourg s’y retrouve, com- me le Vietnam de Hô Chi Minh-Ville ou le Canada de Toronto ou de Vancouver. Et ainsi de suite, car qui fréquentera le bottin de l’AUF devra constater qu’y figurent, par exemple, toutes les universités ma- jeures du Brésil et que l’Afrique, ce conti- nent sur lequel la Francophonie s’appuie pour établir son futur poids démogra- phique, que cette Afrique est un partenai- re majeur de ce réseau. Et le Québec profite de l’aventure. Clau- de Corbo, le recteur de l’UQAM, en té- moigne: «Chez nous, l’AUF permet à des professeurs de participer à des activités de recherche et d’enseignement dans des pays, par exemple, de l’Afrique du Nord. Nous payons les salaires, mais l’AUF paye les déplacements. Ça nous permet aussi de travailler avec des pays très pro- metteurs pour le Québec, comme le Bré- sil, où des universités ont un département d’études françaises.» Il en va de même pour l’Université de Montréal: «Nous avons par exemple, signale Guy Breton, son recteur, signé une entente avec l’Uni- versité de Provence en France et celle de Ouagadougou au Burkina Faso. Ce trio a permis d’installer un télescope très puissant au Burkina. Cette collaboration en science astrophysique est particulièrement intéres- sante car il y a là-bas un environnement propice à ce genre d’analyses.» Des services L’AUF n’est pas qu’un simple «prétex- te» pour des échanges de haut vol. C’est aussi une entreprise de services. On par- lera ainsi des campus numériques franco- phones, nombreux en Afrique, du soutien accordé aux pôles d’excellence régio- naux, des projets méditerranéens de co- opération scientifique interuniversitaire tout comme il faut savoir que chaque an- née 2000 étudiants de par le monde profi- tent d’une bourse de mobilité. Et comme le rapporte un ancien récipiendaire de l’une d’elles, Mamoudou Gazibo, originai- re du Niger, une bourse d’excellence re- çue explique ce qu’il est devenu: «Si je ne l’avais pas eue, je ne serais pas venu à Mont- réal et je n’aurais pas le poste et la carrière que j’ai maintenant. J’ai fait une année à Montréal et ç’a ouvert la voie au poste que j’ai depuis 10 ans.» Avec l’AUF, la Francophonie est vivante. Elle est aussi utile. Et surtout elle établit qu’il est possible de concevoir un monde «mondialisée» dont la raison d’être ne se- rait pas la seule recherche du profit, mais d’un partage du savoir qui, en retour, «profite» au plus grand nombre. Et ce qui fut une simple intuition chez un Jean-Marc Léger il y a plus d’un demi- siècle est ainsi devenu une institution majeure. Le Devoir Il y a 50 ans à Montréal... Heureuse cette francophonie que les universités ont construite et construisent encore Avec l’AUF, il est possible de concevoir un monde « mondialisée » NEWSCOM

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Page 1: CAHIER G COOPÉRATION UN PLAN STRATÉGIQUE COMMUN

L E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 0 E T D I M A N C H E 1 1 S E P T E M B R E 2 0 1 1

FRANCOPHONIEJean-Marc Légervoit se concrétiser en1961 son projet d’uneplanète universitaire et francophone Page 2

«La solidarité,une des valeursfondamentalesde la Franco-phonie»Page 5

L’Université de Montréal est l’hôte d’une«Francophoniedes savoirs»Page 7

CAHIER G C O O P É R AT I O N U N P L A N S T R AT É G I Q U E C O M M U N

AGENCE UNIVERSITAIRE

Montréal est le siège d’un des grandsréseaux planétaires universitaires. Eten ce mois de septembre, cette Agenceuniversitaire de la Francophonie, cetteAUF, y tient d’ailleurs ses assises poursouligner un cinquantième anniversairede fondation.

N O R M A N D T H É R I A U L T

Q ue la Francophonie soit un or-ganisme vivant? Le mondeuniversitaire en fait la preuve.Et pour cause quand lesgrandes célébrations commé-

moratives du 50e anniversaire de l’AUF setiendront dans quatre villes: Montréal,Bruxelles, Paris et Brazzaville.

! Du 6 au 7 juillet 2011, plusde 400 personnes, recteurs, en-seignants et étudiants des uni-versités francophones d’Afriqueet de l’océan Indien se rencon-traient ainsi à Brazzaville pourcélébrer les 50 ans de l’Agenceuniversitaire de la Francopho-nie. L’événement était alors pla-cé sous le haut patronage duprésident de la République duCongo, Denis Sassou-Nguesso,et du secrétaire général de la Francopho-nie, Abdou Diouf.

! Les 23 et 24 septembre, les fêtes deMontréal seront le point d’orgue des activi-tés conduites dans les autres régions. Y se-ront réunis les représentants de toutes lesuniversités francophones et de tous les par-tenaires de la Francophonie autour notam-ment d’un colloque international qui re-groupera plus de 500 participants.

! Un autre colloque international d’unejournée se tiendra le 9 novembre 2011 auPalais des académies de Bruxelles sous lethème «Science et société». Ce sera alorsl’occasion de partager les meilleures pra-tiques des universités du Nord et du Suden ce qui a trait au transfert de l’innova-tion grâce aux partenariats universités-en-treprises.

! Une cérémonie protocolaire et poli-tique clôturera le 1er décembre 2011 à Pa-ris les célébrations de ce 50e anniversaire.

Un précurseurQue Montréal soit le lieu choisi pour fai-

re le point sur cette aventure planétaire,cela s’explique aussi sans difficulté: l’idéemême d’une planète universitaire franco-

phone n’avait-elle point germé dans la têted’un journaliste d’ici? Jean-Marc Léger,qui fut aussi un temps rédacteur en chefdu présent journal, avait entrepris aucours des années 50 une ronde de consul-tations diplomatiques qui allait faire appa-raître en 1961 dans le paysage politique etinstitutionnel cette AUPELF, cette Asso-ciation des universités partiellement ouentièrement francophones. Et Montréalfut retenu comme tête d’antenne de ce ré-seau qui tisse maintenant ses fils en untour de Terre complet.

«Jean-Marc Léger et les autres promoteursdu projet avaient compris qu’il n’y avait pasde structure politique commune aux franco-phones, comme le Commonwealth chez lesanglophones, capable de servir de base à lacréation d’une organisation francophone in-

ternationale, nous rappelled’ailleurs Yvon Fontaine, actuelprésident de l’AUF et recteur del’Université de Moncton. Ils sesont alors tournés vers le réseauuniversitaire, qu’ils jugeaient plusapproprié. De plus, dans un effortde solidarité, ils ont tenu à inclureles pays africains afin de soutenirles jeunes universités africainesnaissantes. D’ailleurs, la référencedans le nom à “partiellement ouentièrement francophone” revient

à Mohammed el-Fasi, alors recteur des uni-versités du Maroc. Une définition trop étroi-te, avait-il fait remarquer, excluait sa propreuniversité puisque plusieurs cours se don-naient en arabe.»

Une planèteDe là à prévoir le succès d’une telle initia-

tive, nul ne pouvait s’en douter. Ainsi, enmars dernier, la liste des institutions ins-crites auprès de l’Agence universitaire dela Francophonie comptait 774 inscriptions,et, quelques mois plus tard, début sep-tembre, elles sont maintenant 780. Quantaux lieux géographiques de ces diversesacadémies, collèges, instituts, écoles etautres universités, regroupés par pays, lechiffre atteint s’avère aussi impressionnant:le savoir francophone prend d’ailleurs an-crage dans 91 États. La Russie de Moscouet de Saint-Pétersbourg s’y retrouve, com-me le Vietnam de Hô Chi Minh-Ville ou leCanada de Toronto ou de Vancouver. Etainsi de suite, car qui fréquentera le bottinde l’AUF devra constater qu’y figurent,par exemple, toutes les universités ma-jeures du Brésil et que l’Afrique, ce conti-nent sur lequel la Francophonie s’appuie

pour établir son futur poids démogra-phique, que cette Afrique est un partenai-re majeur de ce réseau.

Et le Québec profite de l’aventure. Clau-de Corbo, le recteur de l’UQAM, en té-moigne: «Chez nous, l’AUF permet à desprofesseurs de participer à des activités derecherche et d’enseignement dans despays, par exemple, de l’Afrique du Nord.Nous payons les salaires, mais l ’AUFpaye les déplacements. Ça nous permetaussi de travailler avec des pays très pro-metteurs pour le Québec, comme le Bré-sil, où des universités ont un départementd’études françaises.» Il en va de mêmepour l’Université de Montréal: «Nousavons par exemple, signale Guy Breton,son recteur, signé une entente avec l’Uni-versité de Provence en France et celle deOuagadougou au Burkina Faso. Ce trio apermis d’installer un télescope très puissantau Burkina. Cette collaboration en scienceastrophysique est particulièrement intéres-sante car il y a là-bas un environnementpropice à ce genre d’analyses.»

Des servicesL’AUF n’est pas qu’un simple «prétex-

te» pour des échanges de haut vol. C’estaussi une entreprise de services. On par-lera ainsi des campus numériques franco-phones, nombreux en Afrique, du soutienaccordé aux pôles d’excellence régio-naux, des projets méditerranéens de co-opération scientifique interuniversitairetout comme il faut savoir que chaque an-née 2000 étudiants de par le monde profi-tent d’une bourse de mobilité. Et commele rapporte un ancien récipiendaire del’une d’elles, Mamoudou Gazibo, originai-re du Niger, une bourse d’excellence re-çue explique ce qu’il est devenu: «Si je nel’avais pas eue, je ne serais pas venu à Mont-réal et je n’aurais pas le poste et la carrièreque j’ai maintenant. J’ai fait une année àMontréal et ç’a ouvert la voie au poste quej’ai depuis 10 ans.»

Avec l’AUF, la Francophonie est vivante.Elle est aussi utile. Et surtout elle établitqu’il est possible de concevoir un monde«mondialisée» dont la raison d’être ne se-rait pas la seule recherche du profit, maisd’un par tage du savoir qui, en retour,«profite» au plus grand nombre.

Et ce qui fut une simple intuition chezun Jean-Marc Léger il y a plus d’un demi-siècle est ainsi devenu une institutionmajeure.

Le Devoir

Il y a 50 ans à Montréal...Heureuse cette

francophonie que

les universités ont

construite et

construisent encore

Avec l’AUF,

il est possible

de concevoir

un monde

«mondialisée»

NEWSCOM

Page 2: CAHIER G COOPÉRATION UN PLAN STRATÉGIQUE COMMUN

P I E R R E V A L L É E

L a création de l ’AUF estnée du désir de Jean-Marc

Léger qui, en 1953, alors qu’ilest journaliste à La Presse, serend à Paris pour rencontrerle ministre français des Af-faires étrangères afin de luiproposer la mise en placed’un organisme internationalregroupant les pays franco-phones de la planète.

Si cette première démarchene donne pas de résultat immé-diat — il faudra attendre 1970 etla création de l’Agence de co-opération culturelle et tech-nique, devenue aujourd’hui l’Or-ganisation internationale de laFrancophonie — elle a le méritede semer le germe. En 1959,Jean-Marc Léger, désormaisjournaliste au quotidien LeDevoir, et André Bachand, direc-teur des relations internatio-nales de l’Université de Mont-réal, lancent l’idée d’une organi-sation regroupant les universi-tés de langue française. Ils ob-tiennent l’appui de Mgr IrénéeLussier, alors recteur de l’Uni-versité de Montréal. Ce dernier,grâce à ses nombreux contactsdans le monde universitaire

francophone, dont notammentavec Mohammed el-Fasi, rec-teur des universités du Maroc,fait avancer l’idée auprès de sespairs. Le 13 septembre 1961,l’Association des universités par-tiellement ou entièrement fran-cophones (AUPELF) voit le jour.Jean-Marc Léger en devient lesecrétaire général.

«Jean-Marc Léger et les autrespromoteurs du projet avaientcompris qu’il n’y avait pas destructure politique communeaux francophones, comme leCommonwealth chez les anglo-phones, capable de servir de baseà la création d’une organisationfrancophone internationale, ra-conte Yvon Fontaine, actuelprésident de l’AUF et recteurde l’Université de Moncton. Ilsse sont alors tournés vers le ré-seau universitaire, qu’ils ju-geaient plus approprié. De plus,dans un ef fort de solidarité, ilsont tenu à inclure les pays afri-cains afin de soutenir les jeunesuniversités africaines naissantes.D’ailleurs, la référence dans lenom à “partiellement ou entière-ment francophone” revient à Mo-hammed el-Fasi. Une définitiontrop étroite, avait-il fait remar-quer, excluait sa propre universi-té puisque plusieurs cours se don-naient en arabe.»

Consolidation et expansion

Entre le moment de sa créa-tion et le début des années 80,l’AUPELF vit essentiellementune période de consolidation.On met en place le Fonds inter-national de coopération univer-sitaire, dont l’objectif est d’atti-rer le financement, public com-me privé, nécessaire aux pro-jets de coopération entre lesuniversités francophones.

«C’est aussi à cette époque que l’AUPELF met en place ses ré-seaux institutionnels interuniver-sités. Ces réseaux regroupent sousun même chapeau différentes dis-ciplines, et ce sont les doyens de fa-culté qui les mettent en place.Nous avons ainsi une quinzainede réseaux, en médecine, en droit,par exemple, qui permettent deséchanges entre les chercheurs dansune même discipline.»

Du milieu des années 80 à lafin des années 90, l’AUPELFconnaît une forte période d’ex-pansion. D’une part, le nombrede membres augmente consi-dérablement. «Le fait de ne pasêtre tenu aux seules universitésfrancophones nous a permis decréer des liens avec les universi-tés de langues étrangères quisont francophiles ou qui of frentun cer tain enseignement enfrançais, ne serait-ce qu’unsimple département de français.Cela nous a permis non seulement

d’élargir notre réseau, mais aus-si de stimuler l’intérêt pour lefrançais et d’en favoriser l’usage,en particulier dans le domainedes sciences. Par exemple, au-jourd’hui, toutes les grandes uni-versités brésiliennes sontmembres de l’AUF.»

L’AUPELF ouvre aussi sespremiers bureaux régionaux.On en compte maintenantneuf dans le monde. «Ils agis-sent comme des plaques tour-nantes régionales et assurent lamise en partage des projets etdes idées. Ils assurent aussi lesuivi des projets.»

Les réseaux institutionnelspar discipline donnent naissan-ce au projet d’universitéd’échange que l’on nommeraUREF. Son importance est tel-le que l’AUPELF prend le nomd’AUPELF-UREF. Elle devientaussi un opérateur officiel del’Organisation internationalede la Francophonie. En 1998,l’AUPELF-UREF change denom et devient l’Agence uni-versitaire de la Francophonie.

Pour la suite des chosesAu XXIe siècle, l’AUF s’est

dotée d’un plan de développe-ment quadriennal qui s’insèredans le plan stratégique de dixans de l’Organisation interna-tionale de la Francophonie.L’AUF a aussi déployé son ré-seau de campus numériquesfrancophones (CNF). «Nous enavons une cinquantaine dansde multiples pays. Logé habi-tuellement dans des locaux uni-versitaires, un CNF met d’abordà la disposition des étudiantsdes ordinateurs et un lien Inter-net. Mais un CNF propose aussides programmes de formationen ligne. Nous comptons envi-ron 75 programmes. Ce sont desprogrammes élaborés par nosuniversités membres qui sontainsi mis en ligne.»

Pour les années à venir,l’AUF n’entend pas faire del’augmentation du nombre deses membres une priorité.«Nous n’avons pas de cam-pagne de recrutement en vue,mais nous accepterons les éta-blissements qui désirent sejoindre à nous.»

Le prochain défi, selon YvonFontaine, se situe ailleurs.«Quel est le rôle économique desuniversités dans le développe-ment de l’économie des pays enémergence, par exemple, les paysafricains? L’économie de cespays ne peut pas croître s’ilsn’ont pas les ressources pour for-mer les cadres et les entrepre-neurs dont ils ont besoin. Il fautaussi des universités fortes pourassurer, comme c’est le cas dansles pays arabes, la transition versla démocratie. Le défi de l’AUFest d’assurer le développement deces universités et l’enjeu est deconvaincre la Francophonie po-litique d’investir les sommes né-cessaires dans les universités làoù il y a amorce de développe-ment économique.»

Collaborateur du Devoir

L E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 0 E T D I M A N C H E 1 1 S E P T E M B R E 2 0 1 1G 2

U N I V E R S I T ÉL’Agence universitaire de la Francophonie a 50 ans

Toutes les grandes universités brésiliennes sont aujourd’hui membres de l’AUFLe 13 septembre 1961, l’Association des universités partiellement ou entièrement francophonesvoyait le jour

La longévité de l’Agence universitaire de la Francophonie(AUF) témoigne à elle seule de sa pertinence. Ce qu’elle estdevenue au fil des ans — l’AUF fédère un réseau de 780 éta-blissements dans 90 pays, dont 55 sont membres de l’Orga-nisation internationale de la Francophonie — est la preuve deson dynamisme.

ARCHIVES LE DEVOIR

Jean-Marc Léger devient en 1961 le premier secrétaire général de l’Association des universitéspartiellement ou entièrement francophones (AUPELF).

SOURCE AUF

Yvon Fontaine, président de l’AUF et recteur de l’Université deMoncton

Page 3: CAHIER G COOPÉRATION UN PLAN STRATÉGIQUE COMMUN

R É G I N A L D H A R V E Y

C lément Duhaime se tournevers le passé, se penche

sur le vaste aspect de la coopé-ration internationale et situel’action présente et future decette AUF, ce regroupementélargi du savoir francophone.

Comment situer l’AUF etl ’OIF dans l ’histoire et le développement de laFrancophonie?

Dès les années 20, les écri-vains francophones se sont re-groupés pour donner naissan-ce à l’Association des écrivainsde langue française (ADELF),suivis par les journalistes en1950 puis par les universitaires,avec la création de l’Associa-tion des universités partielle-ment ou entièrement de languefrançaise (AUPELF) en 1961,ici à Montréal, qui deviendra,en 1999, l’Agence universitairede la Francophonie. Jean-MarcLéger, brillant journaliste et ancien rédacteur en chef devotre prestigieux quotidien LeDevoir, en a été le secrétairegénéral durant 17 années. Vi-sionnaire quant à la nécessitéd’une langue française forte,pour favoriser le dialogue descultures et la solidarité entreles peuples, qui sont les valeursque nous portons et qui étaientdès le départ d’une incroyablemodernité, Jean-Marc Léger abeaucoup œuvré, aux côtés despères fondateurs, Léopold Se-dar Senghor (Sénégal), HabibBourguiba (Tunisie), HamaniDiori (Niger), ainsi que le prin-ce Norodom Sihanouk (Cam-bodge), pour la création en1970, à Niamey, de l’Agence decoopération culturelle et tech-nique (ACCT), devenue Orga-nisation internationale de la Francophonie.

De fait, l’histoire de la Fran-cophonie s’est construite parl’agrégation de plusieurs initia-tives complémentaires. Les or-ganismes et établissements quisont nés au fil de cette histoireont toujours entretenu des rela-tions étroites à travers leshommes et les femmes qui lesaniment et qui par tagent lemême engagement, mais aussià travers des actions complé-mentaires et, de plus en plus,communes.

Qu’il s’agisse de l’Organisa-tion internationale de la Fran-cophonie ou des quatre opéra-teurs spécialisés de la Franco-

phonie que sont l’Agence uni-versitaire de la Francophonieet l’Université Senghor, TV5Monde, l’Association interna-tionale des maires franco-phones, ou encore de l’Assem-blée parlementaire de la Fran-cophonie, la coopération multi-latérale francophone est miseen œuvre selon un cadre stra-tégique commun et elle estconduite sous l’impulsion duSecrétaire général de la Fran-cophonie, le président AbdouDiouf, clef de voûte de ce sys-tème, la voix et le visage de laFrancophonie institutionnelle.

Comment s’ar ticule lacoopération internationaleet comment mesurer sonimportance?

À partir du premier noyau de21 pays membres en 1970,l’OIF comprend aujourd’hui 75 États et gouvernementsmem-bres et observateurs, soitplus d’un tiers des membresdes Nations Unies. Son mandats’est également approfondi, à lalumière du renforcement, parle secrétaire général, AbdouDiouf, du rôle politique del’OIF, en exerçant une magis-trature d’influence lors desgrandes concer tations mon-diales. Et cela, tout en se fon-dant sur la coopération interna-tionale, au cœur de nos activi-tés, pour ainsi donner corps à lasolidarité francophone.

De manière complémentaire,les opérateurs spécialisés agis-sent dans des domaines spéci-fiques considérés comme es-sentiels pour atteindre les ob-jectifs stratégiques de la Fran-cophonie, en l’occurrence l’en-seignement supérieur et la re-cherche scientifique pour cequi concerne l’AUF.

La tâche est grande et le bud-get, modeste: moins de 100 mil-lions de dollars canadiens pourl’OIF, par exemple. L’OIF n’a pasvocation à tout faire, et nous fon-dons l’efficacité de notre actionsur ce qui constitue notre valeurajoutée: je veux parler de la soli-darité agissante, un impératifqui anime l’ensemble de nos ac-tions. Un impératif qui se traduitnotamment par le partage enfrançais d’expériences et debonnes pratiques, la mobilisa-tion d’une expertise riche et di-versifiée, toujours dans le butd’améliorer le niveau de vie deses populations en les aidant àdevenir les acteurs de leurpropre développement.

Notre action s’insère évidem-ment dans le champ de la coopé-ration internationale, en parte-nariat avec de nombreux autresacteurs. Sur ce point, nousavons la grande satisfactiond’être devenus des interlocu-teurs et des acteurs de premierplan pour les grandes organisa-tions internationales commel’ONU, l’UNESCO et l’Union eu-ropéenne, mais aussi les organi-sations régionales commel’Union africaine, l’ISESCO, lescoopérations bilatérales, notam-ment l’ACDI, ainsi que d’autrespartenaires de la société civile etdu monde privé.

Nos défis restent majeurs: ce-lui de la démocratie avec des si-tuations d’instabilité, mais aussides changements prometteurscomme ceux qu’on a vécus en2011 en Côte d’Ivoire, en Gui-née, au Niger, en Tunisie ou enÉgypte; celui de la jeunesse quenous devons aider à s’épanouir;le défi de maintenir la languefrançaise comme grande langueinternationale, un défi qui feral’objet l’année prochaine du pre-mier Forum mondial de lalangue française, que nous orga-niserons à Québec en 2012, enétroite collaboration avec le gou-vernement du Québec, et quipromet d’être une réussite.

Quelles sont les réalisa-tions en cours et à prévoirdans le cadre des activitésde l’AUF et de l’OIF?

L’OIF cherche toujours à per-fectionner l’efficacité de l’aide,en introduisant notamment laculture du résultat dans sesprogrammes et en les rendant«concrets, visibles et utiles».Comme avec l’ensemble desopérateurs de la Francophonie,nous agissons en synergie avecl’AUF, et cela, en par ticulierdans les deux domaines priori-taires que le secrétaire généralde la Francophonie aime à rap-peler: l’éducation et la jeunesse.

L’éducation, parce qu’en 2015les besoins en enseignants at-teindront 1,9 million dans lemonde entier, dont 1,2 millionen Afrique subsaharienne. Et lajeunesse, parce qu’elle consti-tue 60 % de la population denotre espace francophone etqu’elle incarne notre avenir.

Notre action se traduit parplusieurs projets-phares. Ainsi,l’Initiative francophone de for-mation à distance des maîtresque nous menons avec l’AUF,avec l’appui de TV5 Monde, estun projet original et ambitieuxqui se fonde sur un dispositif,totalement novateur, conju-guant technologies numériqueset savoir-faire traditionnels lo-caux. Il participe, sans conteste,à l’accomplissement de l’un desObjectifs du millénaire pour ledéveloppement.

La concrétisation des objec-tifs d’éducation pour tous passeégalement par l’adoption de po-litiques nationales éducativesplus efficaces, de systèmes édu-catifs et de stratégies d’appren-tissage qui tiennent comptenon seulement de la langue par-tagée qu’est le français, maisaussi de la langue maternelle.Fidèles à cet esprit, nos pro-grammes actuels donnent uneincarnation mieux ciblée etplus efficace grâce à notre dé-marche innovante de «pédago-gie convergente», qui allie har-monieusement la langue fran-çaise et les langues nationales.

Plus directement pour lesjeunes francophones, nousavons mis en place le Volonta-riat international, qui leur offrela possibilité de s’engager du-rant 12 mois pour mettre leurs

compétences au service d’unprojet et de vivre une expérien-ce de mobilité internationale ausein de l’espace francophone.De 2010 à 2013, cela concerne150 postes déployés avec lesopérateurs de la Francophonie.

Par ailleurs, nous devons ci-ter les Maisons des savoirs, unprojet-pilote qui a été lancé surproposition du Secrétaire géné-

ral de la Francophonie au Som-met de Bucarest en 2006 (Rou-manie) afin de favoriser le déve-loppement de l’utilisation desnouvelles technologies par leplus grand nombre et la promo-tion de la langue française.Nous organisons leur implanta-tion et leur fonctionnement ensynergie avec l’AUF, l’AIMF etTV5 Monde ainsi que les autori-

tés locales bénéficiaires.Ce n’est pas pur hasard si,

dans tous ces domaines, laFrancophonie est incontesta-blement avant-gardiste. La par-ticularité du mouvement fran-cophone a permis d’identifieravant d’autres les enjeux ma-jeurs d’aujourd’hui.

Collaborateur du Devoir

L E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 0 E T D I M A N C H E 1 1 S E P T E M B R E 2 0 1 1 G 3

U N I V E R S I T ÉInternational

L’Agence vit en étroite symbiose avec l’Organisation internationale de la Francophonie « La coopération multilatérale francophone est mise en œuvre selon un cadre stratégique commun »

À l’occasion du cinquantième anniversaire de l’Agence uni-versitaire de la Francophonie (AUF), l’administrateur de l’Or-ganisation internationale de la Francophonie, Clément Duhai-me, répond aux questions du Devoir.

JACQUES GRENIER LE DEVOIR

Clément Duhaime, administrateur de l’Organisation internationale de la Francophonie

F R A N C O P H O N I EA G E N C E U N I V E R S I T A I R E

C E C A H I E R S P É C I A L

E S T P U B L I É P A R L E D E V O I R

R e s p o n s a b l e N O R M A N D T H É R I A U L T

n t h e r i a u l t @ l e d evo i r. c a

2 0 5 0 , r u e d e B l e u r y, 9 e é t a g e , M o n t r é a l ( Q u é b e c ) H 3 A 3 M 9 .

T é l . : ( 51 4 ) 9 8 5 - 3 3 3 3 r e d a c t i o n @ l e d evo i r. c o m

F A I S C E Q U E D O I S

Les opérateurs de la Francophonie

Il y a l’AUF, mais il y a plus: la Francophonie est aussi un en-semble d’organismes. ! L’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) fédère 779établissements d’enseignement supérieur et de recherche ré-partis dans 94 pays.! L’Université Senghor forme et perfectionne des cadres et des formateurs de haut niveau dans les domaines du développement.! Première chaîne généraliste mondiale en langue française,TV5 Monde est le deuxième réseau international de télévisiondiffusé auprès de 220 millions de foyers dans près de 200 payset territoires, au sein duquel TV5 Québec-Canada offre une pro-grammation diversifiée.! L’Association internationale des maires francophones(AIMF) rassemble 184 villes et 19 associations de villes issuesde 37 pays.! L’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) estune assemblée consultative qui rassemble 77 parlements ou or-ganisations interparlementaires.

R. H.

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R É G I N A L D H A R V E Y

D irecteur du renforcementdes capacités scientifi-

ques à l’AUF, Georges Mala-moud dégage cer tains élé-ments de l’aide financière ap-portée. «Ces bourses possèdentun caractère distinctif par rap-por t à d’autres systèmes dumême ordre car la plupart deceux qui existent sont latéraux:il est question d’un gouverne-

ment avec un autre ou d’ungouvernement qui exporte sesboursiers ou qui en impor tevers son pays; il s’agit aussi desystèmes de très grande excellen-ce versés à des établissementstrès reconnus, mais, quoi qu'ilen soit, on est finalement tou-jours dans une logique se si-tuant autour d’un lieu ou d’unétablissement.»

Il en va autrement de la pra-tique retenue par l’Agence:

«On se distingue par notre côtémultilatéral avec des établisse-ments qui sont répandus dansbeaucoup de pays. Il y a cette lo-gique dans toutes nos instancesen vertu de laquelle il y a tou-jours des décisions qui sontprises selon des critères qui mé-langent évidemment l’excellen-ce universitaire, mais aussi uneforme de solidarité qui s’avèrenotamment multilatérale.» Ilen dégage la signification: «Onest plus indépendant des pres-sions latérales que dansd’autres systèmes, ce qui veutdire qu’il y a un plus grandbrassage entre les établisse-ments, ce qui rejoint notre ca-ractère associatif.»

Il fait ressortir un deuxièmeparamètre impor tant: «La

bourse pour nous n’est jamaisune finalité en soi et l’objectifn’est pas d’avoir un grand cata-logue de celles-ci en tant qu’or-ganisme très puissant qui endélivre un grand nombre. Lebut c’est plutôt de les mettre auservice d’un cer tain nombred’actions stratégiques aux-quelles on croit; par exemple,cela veut dire qu’on est là pouraider au renforcement des éta-blissements.»

Le portrait de l’appuifinancier apporté

À chaque année, l’AUF dis-tribue plus de 2000 bourses

dans le cadre de son program-me de mobilités. M. Mala-moud laisse voir les formesd’aide qui ont cours: «Soit onles décrit par la personne quiva recevoir la bourse, soit parl’objectif qui est en cause. Dansle cas des personnes, il y a deuxgrandes catégories qui sont celledes étudiants et celle compre-nant des gens qui sont déjà enposte dans des universités; onest donc dans une logique deformation initiale ou de perfec-tionnement.»

Il se penche sur le deuxiè-me volet: «De plus en plus, oncherche à mettre en place des

mobilités qui vont servir desprojets ou des établissementseux-mêmes qui réclament dusuppor t pour répondre, parexemple, à des besoins de for-mation dans un programme in-terinstitutionnel s’échelonnantsur plusieurs années et portantsur de nombreux individus.C’est très dif férent d’un appeld’of fre public uniquement indi-viduel à l’aide duquel on sélec-tionne les 20 ou 50 meilleurssur des critères purement aca-démiques; dans ce cas d’indivi-dus en cause, on se retrouve avec

VOIR PAGE G 5: BOURSES

L E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 0 E T D I M A N C H E 1 1 S E P T E M B R E 2 0 1 1G 4

U N I V E R S I T É

A S S I A K E T T A N I

I l y a des étapes qui peuventchanger le cours d’une vie à

tout jamais: pour MamoudouGazibo, l’obtention de la boursede l’AUF a été l’un de ces mo-ments-là. Jeune diplômé de l’É-cole nationale d’administrationde Niamey, au Niger, Mamou-dou Gazibo a fait son doctoraten France, à l’Université Bor-deaux-IV, avant d’obtenir en1999 une bourse de l’AUF pourfaire un postdoctorat à l’Univer-sité de Montréal.

«Montréal a été un lieu d’ac-cueil: j’ai eu un bureau, un ac-cès aux ressources bibliothé-caires. Pendant les 10 moisqu’a duré le stage, mon mandatétait de poursuivre mes re-cherches et d’approfondir les as-pects théoriques développésdans mon doctorat.»

OuverturePourquoi Montréal? Pour ob-

tenir la bourse de l’AUF, il fallaittout d’abord que l’universitédans laquelle le postdoctorat al-lait être complété soit franco-phone. Il fallait aussi être res-sortissant d’un pays francopho-ne et faire son postdoctoratdans un pays qui n’est ni le paysd’origine, ni le pays dans lequelon a fait des études.

Mais Montréal offrait égale-ment l’avantage d’être une pla-teforme intellectuelle franco-phone ouver te sur la re-cherche des universités anglo-saxonnes. «Pour poursuivremes recherches de doctorat sur

la démocratisation, la base théo-rique et conceptuelle est très dé-veloppée dans le système nord-américain. Montréal est franco-phone et est baigné dans le mon-de anglophone, en matière delittérature scientifique et d’au-teurs. Les aspects théoriques étu-diés dans mon doctorat sont trèsapprofondis ici, et je voulaisaussi faire des publications.»

Dix ans plus tard, Mamou-dou Gazibo reconnaît à quelpoint la bourse a changé sa vie:«Cette bourse d’excellence a étédéterminante. Si je ne l’avaispas eue, je ne serais pas venu àMontréal et je n’aurais pas leposte et la carrière que j’ai main-tenant. J’ai fait une année àMontréal et ç’a ouvert la voie auposte que j’ai depuis 10 ans.»

Pourtant, il n’y avait rien dejoué d’avance dans cette carriè-re qui s’est déroulée sans en-combre. «Mon installation àMontréal n’était pas quelquechose de planifié. J’avais fait mesétudes en France, et mon idéeétait de travailler au Niger.Après mon stage de 10 mois, jesuis retourné au Niger. Je vou-lais rester dans le monde univer-sitaire. Mais il n’y avait ni tra-vail ni poste à l’université. ÀMontréal, j’ai été professeur invi-té durant une session dans le dé-partement qui m’avait accueilli,et, lorsque de nouveaux postes sesont ouverts, au début de l’année2001, j’ai été recruté.»

Mais, même s’il vit ici loindes siens, son expertise et sesrecherches sont axées surl’amélioration de la situation

politique en Afrique, et lesponts avec son pays d’originen’ont jamais été coupés. «On atoujours le mal du pays, desgens. Quand on a toutes ses ra-cines ailleurs, il reste un lien. Jesuis en contact très étroit avecmon pays d’origine.»

Du Canada vers l’AfriqueSon domaine d’exper tise

touche en effet au plus profonddes enjeux politiques africains:la démocratisation, notammentle rôle des institutions dans laconsolidation ou l’échec de ladémocratisation. «Mes recherches

couvrent les questions de l’aideinternationale, de la gouvernan-ce, de la démocratie, des conflits,de l’intégration africaine et de lastabilité des pays. Pourquoi cer-tains pays africains réussissentla transition démocratique,alors que d’autres échouent?»,s’interroge-t-il.

Aujourd’hui, son parcours,qui l’a mené du Niger jusqu’àl’Université de Montréal, luipermet d’offrir son expertise etd’être un acteur de poids dansl’avenir politique de son pays.Président du comité des textesfondamentaux, il a ainsi tra-

vaillé au projet de Constitutionpour le Niger, lors de la transi-tion démocratique du pays en2010, avec l’objectif de doterson pays de textes destinés àassurer sa stabilité politique etinstitutionnelle. «Je suis engagédans la vie là-bas, tout en étantloin. Je suis présent dans le débatpublic, dans les médias au Niger,autour des enjeux africains.»L’une des questions centralesde son travail concerne parexemple les relations del’Afrique avec la Chine. «Je mepenche sur la montée en puissan-ce de la Chine, et ce que cela

implique pour les pays afri-cains. Je cherche à savoir si onpeut isoler les facteurs pour queces pays puissent mieux profiterde leur rapport avec la Chine.Plusieurs facteurs entrent enligne de compte, comme la na-ture institutionnelle du pays. Sielle est instable, ceux qui sontau pouvoir auront tendance àlutter pour leur survie au pou-voir et n’iront pas dans le sensde l’intérêt du pays.»

Mais, pour que ce type desuccès se renouvelle, un élé-ment est indispensable: inves-tir dans l’éducation. «Pouravoir accès aux bourses d’excel-lence, il faut un bon systèmeéducatif, faute de quoi les res-sor tissants des pays membresn’auront jamais la chance d’ac-céder à ce type de programme.Le Niger a un bon systèmed’éducation: j’ai étudié jusqu’auniveau bac dans le système uni-versitaire nigérien, et quand j’aifait mes études en France, jen’ai remarqué aucun écart par-ticulier. Il faut s’assurer quetout le monde ait sa chance etsoit bien formé, et il faut encou-rager le soutien aux universités,que ce soit sous forme financiè-re, par l’accès aux bibliothèques,aux ressources électroniques, oupar un appui aux plans decours et aux programmes.»

Cette préoccupation est doncau cœur de l’avenir du Niger.«Entre la crise économique, l’in-stabilité politique et le systèmeéconomique endommagé, il y aactuellement des efforts à faire etdes dif ficultés à surmonter. Ré-cemment, trois universités ontété créées au Niger. C’est unsigne que ça revit, après 15 ansde descente aux enfers. On réin-vestit dans le système éducatif,pour que ça reparte.»

Collaboratrice du Devoir

Un ancien boursier de l’AUF témoigne

« Cette bourse d’excellence a été déterminante »Mamoudou Gazibo a œuvré au projet d’une constitution pour le Niger

Bourses de l’AUF

Et 2000 fois l’an, d’heureux récipiendaires« On est là pour aider au renforcement des établissements »

Originaire du Niger, Mamoudou Gazibo a reçu en 1999 unebourse d’excellence de l’AUF pour mener un travail de re-cherche postdoctoral à l’Université de Montréal. Il y est au-jourd’hui professeur agrégé au Département de science poli-tique et poursuit ses recherches sur les processus de démo-cratisation des pays africains. Voici son témoignage.

SOURCE AUF

Le domaine d’expertise de Mamoudou Gazibo touche en ef fet au plus profond des enjeux politiquesafricains: la démocratisation, notamment le rôle des institutions dans la consolidation ou l’échecde la démocratisation.

L’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) distribue desbourses de mobilité et d’excellence dont les objectifs sous-ten-dent les valeurs qu’elle prône. Elle favorise la coopérationscientifique, forme les acteurs de l’avenir du développement,soutient la recherche et l’excellence, de même qu’elle s’inscritdans un partage de l’expertise des uns et des autres.

Europe de l'Ouest et Maghreb 25 %

Moyen-Orient 6 %

Océan Indien 5 %

Afrique Centrale et des Grands Lacs 9 %

Afrique de l'Ouest 19 %

Amériques 2 %

Asie-Paci!que 14 %

Caraïbe 2 %

Europe Centrale et Orientale 19 %

25 %

6 %5 % 9 %

19 %

2 %

14 %

2 %19 %

Mobilités 2010-2011 par Bureau d'origine

Page 5: CAHIER G COOPÉRATION UN PLAN STRATÉGIQUE COMMUN

L E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 0 E T D I M A N C H E 1 1 S E P T E M B R E 2 0 1 1 G 5

U N I V E R S I T É

M I C H E L B É L A I R

O n veut bien que le françaissoit langue du savoir: bra-

vo! À la seule exception du nou-veau chef de cabinet du pre-mier ministre Harper, personnene penserait s’y opposer vrai-ment. Mais avouons que cen’est pas tout à fait la percep-tion de la majorité des gens.

Même que l’on a plutôt l’im-pression que les grandes per-cées dans le monde du savoirsont d’abord publiées dans desrevues anglaises ou améri-caines, comme Nature, Scienceet toutes les autres, non?

En françaisBernard Cerquiglini n’est pas

d’accord. Rejoint par téléphone àParis, le recteur de l’AUF tientd’abord à faire le point là des-sus… ce qui colorera toute notrediscussion. «Le savoir ne parlepas une langue unique, dit-il, c’estlà une perception un peu réductri-ce qui date des années 60! Lascience, la recherche, la poursuitedu savoir, tout cela se fait aujour-d’hui dans toutes les langues, par-tout, tous les jours.» Et l’existencemême de l’Agence universitairede la Francophonie illustre bienle fait que le français joue, à ce ni-veau, un rôle majeur...

Pour M. Cerquiglini, ce qu’ilfaut d’abord reconnaître, c’estle fait bien concret que près de800 universités à travers lemonde font partie de l’AUF etcontribuent de diverses façonsà faire du français la langue del’enseignement et de la re-

cherche. Tous les membres del’Agence offrent un minimumde deux diplômes d’études su-périeures en français.

«Le colloque qui s’ouvre àMontréal dans quelques jours,explique le recteur, célébreranotre 50e anniversaire en ren-dant hommage à Jean-Marc Lé-

ger et au rôle qu’il a joué pourl’ensemble de la Francophonie.Mais le colloque se pencheraaussi sur un thème bien précis: lefrançais, langue des sciences auservice du développement. Onpourra y prendre conscience dela diversité et de la richesse dessavoirs francophones d’un peupartout à travers le monde.»

Appauvrir la scienceM. Cerquiglini poursuit en

soulignant que ce serait favoriserl’or thodoxie et appauvrir lascience et tous les types de sa-voir que de les soumettre à l’hé-gémonie d’une seule langue.«Plusieurs facteurs sont en causedans ce dossier “délicat”. Mais ilfaut d’abord prendre en considéra-tion le fait que la publication n’estqu’une des ultimes étapes de la re-cherche: la vie d’un savant ne seborne pas à la seule publication. Ily a tout le reste, tout ce qui précè-de: la recherche, les débats, les

échanges, les hypothèses de travail,la discussion avec les collèguespuis la transmission dans la col-lectivité. Même s’il arrive que cechercheur publie en anglais, toutce qui précède et accompagne sadémarche se fait dans sa langue,chez lui la plupart du temps. Quece soit en hindi, en portugais, endanois ou en chinois. À l’AUF,nous défendons spécifiquement laliberté des scientifiques et des cher-cheurs francophones de travaillerdans leur langue.»

Le recteur explique que, pourdiverses raisons — dont le faitque les principales bases de don-nées sont mises à jour par desAméricains qui font peu de cas dela recherche en d’autres langues

que l’anglais— les publica-tions scienti-fiques se fontsouvent en an-glais… parceque publierdans un maga-zine presti-

gieux est une façon bien concrètede trouver du financement pourpoursuivre ses recherches. Cequi, paradoxalement, peut s’avé-rer plutôt inquiétant, avouons-leencore…

SolidaritéDans le cadre de ses moyens

et de ses mandats, l’AUF main-tient la pression dans ce dossier,mais il faut lutter sur tous lesfronts pour que les revues fran-cophones du savoir soient ellesaussi réper toriées dans lesgrandes banques de données. Ilest inadmissible, «discriminatoi-re», reprend M.Cerquiglini, quela revue Sécheresse, parexemple, qui est la grande réfé-rence sur ce sujet précis, ne fas-se pas partie des grands réper-toires de recherches et de publi-cations. «L’AUF ne fait pas dansla politique, ce n’est pas son man-dat; mais disons que le sujet n’estpas neutre…»

On estime donc à l’Agencequ’il est primordial, pour la vita-lité de la science en général, depouvoir faire des recherchesdans sa propre langue et on tra-vaille pour que la chose devien-ne partout possible, quel quesoit le contexte.

D’ailleurs, même s’il déploreque les grandes banques dedonnées scientifiques ne soientpas encore plurilingues, le rec-teur de l’AUF souligne à quelpoint les choses évoluent rapi-dement. Avec l’arrivée d’Inter-net et des communications entemps réel, par exemple, il de-vient de plus en plus possiblede travailler et de publier danssa langue puis de rendre dispo-nible ensuite la traduction dans

toutes les langues que l’on vou-dra. Cette accélération desmodes de transmission des sa-voirs explique pour beaucoupla progression fulgurante del’Agence.

Tout se passe maintenant defaçon immensément plus rapi-de qu’en 1961. Avec les an-nées, et surtout avec l’explo-sion des modes de communi-cation, l’AUF a pu étendreconsidérablement son réseauen augmentant son nombre departenaires sur tous les conti-nents et en étoffant graduelle-ment ses propres banques dedonnées: une visite au site In-ternet www.auf.org vous enconvaincra rapidement.

L’AUF investit depuis long-

temps dans des programmes dedoctorat et dans l’enseignementsupérieur au moyen d’un géné-reux régime de bourses etd’échanges d’étudiants. «Toutcela se fait en lien avec le dévelop-pement et a un effet direct un peupartout sur la planète. La solida-rité est une des valeurs fondamen-tales de la Francophonie», con-clut le recteur Cerquiglini.

On pourra encore une fois leconstater concrètement àcompter du 23 septembre alorsque s’amorcera, au pavillon Ro-ger-Gaudry de l’Université deMontréal, le colloque du 50e an-niversaire de l’Agence universi-taire de la Francophonie.

Le Devoir

Cahier AUF

Lutter en français pour le savoir !« La solidarité est une des valeurs fondamentales de la Francophonie »

JACQUES GRENIER LE DEVOIR

Bernard Cerquiglini, recteur de l’Agence universitaire de la Francophonie

Il y a 50 ans, 50 recteurs d’université se sont rencontrés àMontréal pour jeter les bases de ce qui allait devenir l’Agenceuniversitaire de la Francophonie (AUF); l’AUF regroupe au-jourd’hui près de 800 universités partiellement ou entière-ment de langue française à travers le monde. À quelquesjours du colloque marquant le jubilé de l’Agence, le recteurde l’AUF, Bernard Cerquiglini, insiste sur le fait que le fran-çais est de plus en plus langue du savoir.

Il faut lutter sur tous les fronts pour queles revues francophones du savoir soientelles aussi répertoriées dans les grandesbanques de données

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des projets qui ne sont pas né-cessairement cohérents dansune politique d’ensemble.»

Il résume: «Ces programmesde mobilités mélangent le ca-ractère d’excellence de chaqueboursier avec des soutiens à cer-tains grands projets des établis-sements: pour leur déroulement,ils font connaître leurs besoinsd’avoir un cer tain nombre deboursiers dans telle ou telle disci-pline; on essaie de fonctionnerde la sorte tout en évitant la fui-te des cerveaux.»

L’offre et la demandeGeorges Malamoud dresse

le bilan des programmes of-ferts sur le plan de la partici-pation des individus et desétablissements. «Il y a beau-coup plus d’appelés que d’éluset les ratios sont dif férents sui-vant les types de bourses; je di-rais tout de même qu’on netombe jamais en bas d’un ratiode trois candidats pour unebourse. Le fait est donc que lademande est for te et qu’on es-saie de la satisfaire tout en semontrant très sévère et trans-parent sur les critères sur les-quels portent nos choix; on neveut pas que ces demandes par-tent dans toutes les directions.»

Existe-t-il des pays en prove-nance desquels les sollicitationssont plus fortes? «Il y a en toutcas des zones qui comptent beau-coup plus de boursiers, donc decandidats; cela tient au fait del’existence en ces lieux d’un ni-veau de développement un peu

plus élevé de formation franco-phone, ce qui est le cas del’Afrique au sens large: on estimplanté là depuis longtemps, lesétablissements connaissent biennos programmes de bourses, onfigure dans leurs stratégies et,donc, il y a beaucoup d’informa-tions qui circulent, ce qui se tra-duit par un grand nombre decandidatures même si de nom-breuses autres bourses sont déli-vrées en Afrique par la coopéra-tion internationale.»

Il cite encore l’Europe centra-le et occidentale, l’Asie et unepar tie du Maghreb commeétant autant de régions du mon-de qui font le plus appel auxprogrammes de l’AUF, tout enindiquant que l’origine desbourses ne se situe pas unique-ment dans un axe Nord/Sud.

À ce chapitre, il tient à sou-ligner une initiative plutôtexemplaire: «Il s’agit de celledes Roumains qui est issue duSommet de Bucarest: ils finan-cent l ’Agence pour un pro-gramme de bourses qui s’appel-le “Eugen Ionescu” et qui viseà accueillir des étudiants prin-cipalement africains dans lesuniversités roumaines. Toutcela est financé par le gouver-nement roumain dans le cadrede son rayonnement interna-tional, mais ils ont versé l’ar-gent à l’AUF de façon multila-térale. C’est un exemple inté-ressant parce que nous nesommes pas là, d’une certainemanière, dans une logiqued’un pays très développé.»

Collaborateur du Devoir

BOURSES

Page 6: CAHIER G COOPÉRATION UN PLAN STRATÉGIQUE COMMUN

M A R T I N E L E T A R T E

D ans un monde universitai-re anglophone, l’AUF dé-

fend la Francophonie. Elle pro-pose dif férents programmesde coopération pour soutenirla recherche et l’enseignementen français. Est-elle toujourspertinente en 2011? Commentdevrait-elle évoluer? Le Devoiren a discuté avec des gensdans quatre universités cana-diennes qui en sont membres.

« Capital »«L’AUF a été d’un apport ca-

pital pour nous», affirme BenoitBourque, directeur du bureaudes relations internationales àl’Université de Moncton.

«Nous ne sommes pas dans legiron universitaire québécois,ajoute-t-il. Nous sommes entiè-rement de langue française,contrairement à l’Universitéd’Ottawa, par exemple, qui sejoint également à des réseauxanglophones. L’AUF est pournous une association internatio-nale très importante. Elle nouspermet d’être en lien avecd’autres universités cana-diennes et d’ailleurs dans le monde.»

Concrètement, cela se traduitpar le fait que plusieurs profes-seurs et étudiants bénéficientde bourses et de subventionspour réaliser des projets. «Cesont toujours des projets qui doi-vent en quelque sorte faire avan-

cer la Francophonie. Ces expé-riences sont très bénéfiques pourles professeurs et les étudiants»,croit Benoit Bourque.

L’Université Laval utiliseaussi énormément les pro-grammes de l ’AUF. «Parexemple, dernièrement, nousavons mis sur pied une maîtri-se en didactique délocalisée àLibreville, au Gabon, et àYaoundé, au Cameroun. L’AUFne finance pas tout dans unprojet comme cela, mais elledonne une contribution. Celarend la chose possible», affirmeRichard Poulin, directeur dubureau international de l’Uni-versité Laval.

Le recteur de l ’UQAM,Claude Corbo, est du mêmeavis. «Chez nous, l’AUF permetà des professeurs de participerà des activités de recherche etd’enseignement dans des pays,par exemple, de l’Afrique duNord. Nous payons les salaires,mais l’AUF paye les déplace-ments. Ça nous permet ausside travailler avec des pays trèsprometteurs pour le Québec,comme le Brésil, où des univer-sités ont un dépar tementd’études françaises», expliqueM. Corbo.

La pertinence de l’AUFaujourd’hui

Le monde de 2011 est toute-fois bien différent de celui de1961. Aujourd’hui, créer desréseaux est plus facile que ja-

mais avec Internet. «Oui, maisencore faut-il avoir l’équipe-ment pour le faire, indique Ri-chard Poulin. Il faut avoir In-ternet qui fonctionne de façonstable. Par exemple, quandl’AUF met sur pied des centresd’information numérique en

Haïti, cela fait en sorte que lesétudiants haïtiens peuventavoir accès de façon structuréeà des ordinateurs et à Internet.»

Il souligne également que peud’organismes permettent à desuniversités du tiers-monde departiciper à des activités. «Desuniversités comme la nôtre ontdes moyens, des réseaux anglo-phones et internationaux avec dif-férents programmes, explique M.Poulin. Mais, pour l’Afrique, il ya peu de solutions de rechange. Etles pays en développement n’ontpas les moyens de faire de la re-cherche comme nous. Ils ont tou-tefois des idées et des données inté-ressantes. On peut travailler en-semble pour les mettre en œuvre.L’AUF sert de catalyseur.»

Claude Corbo souligne égale-ment à quel point l’AUF joue unrôle important alors que les uni-versités sont à des stades de dé-

veloppement très inégaux.«L’AUF permet aux universitésfrancophones de se faire une vie enfrançais. Si les pays du Nord sontappelés à contribuer davantage,toutes les universités apprennentles unes des autres», affirme-t-il.

Un avenir africainComme toute grande organi-

sation, Richard Poulin croitque l’AUF doit constammentréévaluer ses programmes etsurveiller sa bureaucratie. «Ilfaut éviter que cela deviennetrop lourd», précise-t-il.

Pour Gilles Breton, ancienvice-recteur et professeur à l’É-cole supérieure d’affaires pu-bliques et internationales del’Université d’Ottawa, l’AUFdevrait devenir un acteur enco-re plus important dans le déve-loppement des universités despays en développement.

«S’il y a un continent qui estmal barré, af firme-t-il, c’estbien l’Afrique. Les pays afri-cains sont appelés à connaîtreune croissance économiquedans les 20 à 30 prochainesannées et cela ne peut se fairesans un système universitaireef ficace et pertinent. C’est unchamp de travail pour l’AUF.Elle doit favoriser le par taged’expertises et accompagner ledéveloppement des universités.J’arrive de la République dé-mocratique du Congo. On y re-trouve 1300 universités! Biensouvent, c’est presque seule-ment une plaque sur la porte.»

Il croit que l’AUF pourraitjouer un rôle plus importantdans les pays africains franco-phones pour tenter de susci-ter un dynamisme semblableà celui qu’on retrouve dansles pays anglo-saxons, commel’Afrique du Sud.

Tous s’entendent égale-ment pour dire que l’Afriqueest en quelque sorte l’avenirde la Francophonie. «S’il y aautant de francophones dans lemonde, c’est beaucoup en rai-son de l’Afrique. Et les prévi-sions démographiques indi-quent que la population afri-caine aura triplé en 2100. Dé-velopper davantage de liensavec les universités franco-phones de l’Afrique est un en-jeu très impor tant», af firmeBenoit Bourque.

«Il faut penser à long terme, in-dique Claude Corbo. Si le fran-çais connaît une croissance démo-graphique, c’est en raison del’Afrique. Il faut consolider lefrançais dans ces pays, soutenir ledéveloppement de ces pays franco-phones et de leurs universités.Cela contribue au renforcementde la Francophonie mondiale.»

L’importance de l’Afrique nedevrait pas toutefois éclipserles autres pays où le françaisdemeure une langue importan-te, aux yeux de Benoit Bour-que. «Je pense par exemple àl’Asie. C’est impor tant qu’onmaintienne des liens avec leVietnam, le Cambodge et leLaos. Même chose pour la Rou-manie. L’Afrique est très impor-tante, mais il faut avoir une dé-marche à plusieurs volets.»

Collaboratrice du Devoir

L E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 0 E T D I M A N C H E 1 1 S E P T E M B R E 2 0 1 1G 6

U N I V E R S I T ÉDe Moncton à Montréal

Les universités d’ici s’ouvrent à l’Afrique...... sans oublier pour autant l’Asie du Sud-Est ou l’Europe de l’Est

T H I E R R Y H A R O U N

«À nous le monde!». Tel estle slogan qui pourrait coif-

fer le volet international de l’Uni-versité du Québec à Trois-Ri-vières, qui collabore avec des éta-blissements implantés dans unetrentaine de pays par l’entremised’une soixantaine d’ententes.

Le Bureau des relations in-ternationales (BRI) a pour man-dat d’agir comme interlocuteurunique auprès des partenairesinternationaux de l’UQTR, d’as-sumer le démarchage, l’enca-drement et la gestion financièredes ententes de par tenariat.Développer des projets élargis-sant le bassin de formation del’université, favoriser l’accès àde nouvelles clientèles et êtreproactif au sein des divers ré-seaux de coopération interna-tionale font également partie deson cahier des charges.

À propos de mobilité«Préparer nos étudiants à un

monde “internationalisé” est unautre de nos volets, rappelle ledirecteur du BRI, Sylvain Be-noît. Je ne vous apprends rien envous disant que la mondialisa-tion est incontournable et quec’est dans ce contexte que nousdevons préparer nos élèves. Celase traduit par des études et des

stages à l’étranger, ce qu’on ap-pelle la mobilité étudiante.»

Ainsi, sur une base annuel-le, et ce, depuis plusieurs an-nées, environ 150 étudiants del’UQTR «vont dans une trentai-ne de pays, soit pour faire desstages, soit pour ef fectuer unepartie de leurs études, qu’on vapar la suite reconnaître dansleur cursus», précise-t-il.

Il suffit de consulter la docu-mentation qui décline l’en-semble des ententes signées àl’échelle internationale pour

comprendre à quel point ce voletest inscrit au cœur des prioritésde l’UQTR. Des exemples: en Al-gérie (Université de Bechard),en génie électrique et génie in-formatique, en Autriche (FHKufsteinTirol University of Ap-plied Sciences), en sciences dela gestion, en Belgique (Institutsupérieur de pédagogie Galilée),en sciences de l’éducation, auBrésil (Universidade Federal DoRio Grande), en psychologie, en

VOIR PAGE G 7: UQTR

De l’Algérie à la Corée

L’UQTR embrasse l’international

L’Agence universitaire de la Francophonie (AUF), avec ses779 établissements d’enseignement supérieur et de re-cherche dans le monde, célèbre son 50e anniversaire. Pourles universités, qu’elles soient de Moncton, Québec ou Mont-réal, cette agence est encore plus aujourd’hui une nécessité.

JACQUES NADEAU LE DEVOIR

Claude Corbo, recteur de l’UQAM: «Si le français connaît une croissance démographique, c’est enraison de l’Afrique. Il faut consolider le français dans ces pays, soutenir le développement de cespays francophones et de leurs universités.»

SOURCE UQTR

Sylvain Benoît, directeur du Bureau des relations internationalesde l’UQTR

L’Universi té du Québec àTrois-Rivières est devenueinternationale. Telle est laconséquence d’une inscrip-tion dans un monde «mon-dialisé», là où l’AUF of fredes occasions uniques. Por-trait du Bureau des relationsinternationales de l’UQTR,qui coordonne le tout.

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P R O P O S R E C U E I L L I SP A R H É L È N E R O U L O T - G A N Z M A N N

Q uel avenir, selon vous,pour les u niversités

francophones dans lemonde?

Pour parler de l’avenir, il fautd’abord regarder d’où l’onvient. Il y a cinquante ans, l’Uni-versité de Montréal a été trèsactive dans la création del’Agence universitaire de lafrancophonie. On se trouvaitenclavé, il n’y avait pas de re-groupement, de lieu communpour ces établissements quifont de la science en français.On a jugé important de le faire,d’autant qu’il y a une dyna-mique Nord/Sud importantequ’on ne perçoit pas forcémentdans d’autres rapprochementsuniversitaires.

Cinquante ans plus tard, onse retrouve avec près de 800universités et avec des collabo-rations multilatérales Europe,Amérique et Sud. Je crois quel’avenir de notre organisationpasse beaucoup par ce type decoopération Est-Ouest, maisaussi entre le Nord et le Sud,par l’étude de problématiquesqui existent soit au Sud, soit auNord, par des expériences quel’on peut offrir à nos étudiants,qui ont l’oppor tunité d’allerdans d’autres universités parte-naires pour poursuivre ou ter-miner un cursus, par deséchanges professoraux sur lesdifférents continents, etc.

Vous insistez sur le rap-port Nord/Sud. Est-ce parti-culier aux universités fran-cophones?

Il existe des liens et il y abien une association du Com-monwealth des universités,mais ce souci de tendre la mainet d’avoir des collaborations

multilatérales Nord/Sud, jepense pouvoir affirmer qu’il estplus important au niveau de lafrancophonie que dans d’autresregroupements. C’est une denos forces. Nous sommes dansun contexte de mondialisation,il faut outiller nos étudiantsavec le meilleur passeport-sa-voir. Ça passe par l’ouverture,la confrontation à d’autres réali-tés que la nôtre. Le fait d’êtredans un vaste réseau nous per-met de le leur offrir.

«Tendre la main», est-ceune forme de solidarité duNord vers le Sud?

Ce n’est pas juste le Nord quiaide le Sud. Prenons l’exempled’Haïti. L’Université de Mont-réal était présente là-bas avantle séisme par le biais de sonunité de santé internationale,qui servait à former du person-nel de santé haïtien. Au mo-ment du séisme, nous avonspoursuivi notre action et nousavons accueilli des étudiantshaïtiens qui sont venus suivreleur cursus ici pendant que là-bas, le système se reconstrui-sait. Mais on a aussi saisi l’op-portunité pour envoyer certainsde nos étudiants afin qu’ils vi-vent les réalités post-séismes.C’est bilatéral en ce sens que cesont des occasions de forma-tion et de recherche sur desréalités, un environnement quenous n’aurions pas pu appro-cher en restant dans nos murs.

Même chose concernant leréseau francophone sur les opé-rations de paix (ROP), basé àMontréal. Dans le monde fran-cophone, cet organisme est de-venu incontournable sur lesopérations de paix déployéesdans le monde entier. Nosétudes sur le terrain sont facili-tées par le fait que nous avonsdes contacts privilégiés avecdes universitaires locaux par lebiais de l’AUF. Ça nous permet

de mieux former nos gens surdes dossiers complexes, inter-nationaux, sous l’angle de lafrancophonie.

Outre la langue, les uni-versités de la francophoniesont-el les spéci f iques, originales?

Le français occupe une placeplus importante dans le domai-ne des lettres et sciences hu-maines. Au niveau linguistique,terminologie, nous sommestrès présents. Alors que lessciences naturelles, chimie etautre, ça se passe plus dans lalangue de Shakespeare. L’inté-rêt pour les sciences humainesest historiquement plus déve-loppé du côté de la francopho-nie. C’est une question de tradi-tion. Tout ce qui se fait entermes de diplomatie, les va-leurs sociales, a toujours occu-pé beaucoup de place dans lemonde de la francophonie. L’ex-cellence s’y est alors bien déve-loppée. Ce qui ne signifie pasque nous soyons absents dansles autres domaines.

Nous avons par exemple si-gné une entente avec l’Univer-sité de Provence en France etcelle de Ouagadougou au Bur-kina Faso. Ce trio a permisd’installer un télescope très

puissant au Burkina. Cette col-laboration en science astrophy-

sique est particulièrement inté-ressante car il y a là-bas un en-vironnement propice à ce gen-re d’analyses. Nous allons voirdes choses que nous n’aurionspas vu si nous étions tous res-tés dans notre coin. Grâce auréseau de l’AUF, nos champsde recherche et de compé-tences s’élargissent.

Si l’on se met maintenantà la place d’un étudiant quia le choix entre une univer-sité anglophone ou franco-phone… pourquoi irait-il àl’Université de Montréal,plus qu’à McGill?

Ça dépend du niveau de raffi-nement de l’étudiant… s’il veutfaire des études comme tout lemonde, il peut le faire en an-glais. S’il veut aller chercherune dimension qui n’est pasdonnée à tout le monde, il a ici,à l’Université de Montréal, laseule université francophoned’Amérique qui fasse partie des150 meilleures universités aumonde… La solution de facilité,c’est d’aller en anglais. Mais

l’homogénéisation dans uneculture et une langue planétai-re, je ne crois pas que ce soit àl’avantage de tout le monde.

Que les établissements mem-bres de l’AUF se distinguent enutilisant une langue scienti-fique, différente de celle qui estutilisée partout, c’est un pluspour l’ensemble de la planète etpour nos étudiants, qui se diffé-rencient par rapport à la masse,qui ne parle qu’une seule lan-gue: l’anglais.

Selon vous, l’avenir estdonc radieux?

Il sera tout du moins intéres-sant dans la mesure où les uni-versités francophones vont sedonner la main pour fairequelque chose de différent etoffrir à l’humanité des chosesque les autres ne peuvent pasoffrir, notamment par la forcede notre axe Nord/Sud. Lefrançais n’est pas un handicapmais bien un atout, si on l’utili-se bien.

Collaboratrice du Devoir

L E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 0 E T D I M A N C H E 1 1 S E P T E M B R E 2 0 1 1 G 7

U N I V E R S I T É

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Corée du Sud (Université natio-nale de Gyeongsang), en lettreset communication sociale, et enEspagne (Université de Sala-manca), en langues modernes ettraduction.

À propos de stages«Vous savez, des stages, pour-

suit M. Benoît, il y en a de toutesles sor tes. Par exemple, nousavons au Mali, concernant lessages-femmes, une entente dansun centre de santé à Bamako, oùles étudiantes y passeront troismois dans un milieu pratique etdans un contexte différent. On aaussi un organisme étudiant quis’appelle Éclosion, dont le rôle estde permettre à des élèves qui étu-dient dans dif férents domainesde faire des stages à l’étrangerqui sont assortis d’un volet hu-manitaire, donc auprès d’ONG.»

Cela étant dit, la majorité desstages se font dans des pays dela Francophonie (France, Mali,Sénégal, Cameroun, les pays duMaghreb, etc.). Par contre, M. Benoît tient à préciser«qu’on développe de plus en plusd’ententes avec le Brésil, la Chine,

le Vietnam, où l’aspect linguis-tique doit être vu comme une ri-chesse. En cela, on doit donc pré-parer nos élèves à un contextemultilinguiste.»

Étudiants venus de loinMaintenant, si l’UQTR a des

étudiants qui voyagent à l’étran-ger, elle accueille égalementdes étudiants venus ailleurs.Des 12 500 étudiants que comp-te l’UQTR, 1080 d’entre eux pro-viennent de 62 pays, dont le Li-ban, Djibouti, le Luxembourg etla Pologne. Aussi, le corps pro-fessoral de l’UQTR comptait, en 2010, 371 professeurs et 573 chargés de cours. Environ18 % d’entre eux proviennent del’étranger.

«Les gens sont attirés cheznous en raison de la qualité devie qu’on offre. L’UQTR est uneuniversité à dimension humai-ne. Il y a ici une proximité entreles étudiants et les professeurs.Nous avons aussi des champsd’expertise et de recherche parmiles meilleurs au monde. Nousavons l’Institut de recherche surl’hydrogène, qui attire des étu-diants de la Chine, de l’Inde etdu Japon. Je pense aussi à notre

Institut de recherche sur lesPME, qui a des partenaires ca-merounais. Il y a en ce momentmême des gens du Sénégal quisont ici afin de bénéficier denotre expertise».

Est-il plus difficile pour uneuniversité de petite taille de fairesa place à l’échelle mondiale?«Écoutez, la concurrence est par-tout. Prendre notre place n’est pasà ce point dif ficile. Ce n’est pasune question de taille. On réussità se démarquer dans certains sec-teurs. Par ailleurs, le transfertd’expertise à l’échelle internatio-nale est un volet important cheznous. On note de plus en plus dedemandes sur le plan du transfertde notre expertise à l’étranger, quece soit auprès de pays en voie dedéveloppement ou en Europe dansdes secteurs-clés. On travaille ac-tuellement sur un important pro-jet en biocarburant au Mali, ontravaille sur un projet de transfertd’expertise sur les PME au Came-roun et on table sur un importantprojet en santé au Gabon. Il y adonc une demande importantepour notre savoir-faire», conclutSylvain Benoît.

Collaborateur du Devoir

UQTR

50 ans, et après ?

La force de l’axe Nord/Sud« Il faut outiller nos étudiants avec le meilleur passeport-savoir »

En cinquante ans, l’Agence universitaire de la francophonie(AUF) n’a fait que prospérer: près de 800 établissements supé-rieurs membres dans 94 pays, sur les cinq continents, 2000étudiants boursiers chaque année, qui ont tous une langue enpartage: le français. Entretien avec Guy Breton, recteur del’Université de Montréal, siège québécois de l’AUF et hôte les23 et 24 septembre prochains d’un colloque international inti-tulé «La francophonie des savoirs, moteur de développement».

SOURCE UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL

Guy Breton, recteur de l’Université de Montréal

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É M I L I E C O R R I V E A U

D evenue un moteur indis-pensable au développe-

ment et à la création de ri-chesses, la production scienti-fique se concentre aujourd’huiessentiellement en Amériquedu Nord, en Europe et en Asie.Accusant un retard importantpar rapport à leurs consœursdu Nord, les universités du Sudsont confrontées à d’innom-brables défis en matière de re-cherche universitaire.

«Il existe toujours une énor-me fracture entre les continentsen matière de recherche et deproduction scientifiques. Au-jourd’hui, environ 95 % deschercheurs universitaires mè-nent leurs travaux en Asie, enEurope ou en Amérique duNord. Il y en a à peine 1,2 % enAfrique. Si on s’intéresse aupourcentage du PIB qui estvoué à la recherche sur chaquecontinent, on s’aperçoit qu’il y alà encore un grand écar t. EnAmérique du Nord, près de 3 % du PIB est destiné à la re-cherche. Dans les pays afri-cains, c’est environ 0,3 %», re-lève Christine Colin, profes-seure de santé publique et an-cienne vice-doyenne à la Fa-culté de médecine de l’Uni-versité de Montréal, et prési-dente du conseil scientifiquede l’AUF.

Les conséquences d’une tel-le fracture sont multiples.Elles se concrétisent notam-ment par l’exode des cerveauxvers le Nord et, malgré leurscompétences, par la faiblecontribution des universitairesdu Sud dans les choix straté-giques nécessaires pour ré-pondre aux grands enjeux pla-nétaires d’ordre écologique,économique, sanitaire, sécuri-taire ou démographique.

À la recherche d’un nouvel équilibre

Menée par le désir de rédui-re cette fracture scientifique etmue par la conviction que celapasse par un développementsolidaire et durable prenantappui sur un enseignement su-périeur structuré de niveau in-ternational, l’AUF s’est fixétrois objectifs clairs, encadréspar une politique quadriennaleet reposant sur la consolida-tion de solides partenariats.

Soutenir les stratégies dedéveloppement des établisse-ments membres, faire de lacommunauté scientifique fran-cophone une référence sur lascène internationale et faireémerger une génération d’en-seignants, de chercheurs,d’experts et de professionnels,acteurs du développement,sont aujourd’hui les trois ob-jectifs qui dirigent son action.

«La formulation de nos objec-tifs reflète notre désir de créerdes partenariats solides entreles établissements et les univer-sitaires du Nord et du Sud. Ceque l’on vise, c’est le développe-ment durable et la coopérationsolidaire pour atteindre l’excel-lence universitaire. On pro-meut le sens du partage, le res-pect des diversités, la recherchede l’excellence et le sens de laresponsabilité envers les jeu-nes», soutient Mme Colin.

Du concretAu quotidien, la politique

quadriennale de l’AUF seconcrétise par une foule d’ac-tions enrichissantes à la foispour les universités des paysen développement et pour lesétablissements où la recher-che est plus ancrée.

Par exemple, l’AUF conti-nue de miser sur une offre deformation diversifiée, issue decollaborations entre plusieurs

universités et disponible, se-lon les programmes, dans desuniversités du Sud, dans sixinstituts répar tis dans plu-sieurs pays ou encore en en-seignement à distance.

L’AUF remet également2000 bourses de mobilitéchaque année. Celles-ci per-mettent de faciliter la circula-tion des personnes et, par lefait même, de renforcer lescompétences scientifiques etuniversitaires des établisse-ments du Sud, d’amplifier leséchanges scientifiques et decontribuer au développementet à la pluralité de l’espaceuniversitaire.

«Actuellement, nous réfléchis-sons beaucoup à l’exode desscientifiques vers le Nord. Il nousparaît essentiel que les gens quidécident d’étudier à l’étranger re-viennent dans leur pays d’origineafin de ne pas appauvrir celui-cien matière de recherche et d’en-seignement pour l’avenir»,confie Mme Colin.

Ainsi, lorsqu’elle attribue sesbourses, l’AUF tente de porterune attention toute particulièreaux conditions institutionnellesqui pourraient pousser les étu-diants à rentrer au bercail unefois leurs études terminées, plu-tôt que de rester dans leur paysd’accueil.

«Lorsqu’un étudiant vient icien doctorat ou en postdoctorat,il voit évidemment des condi-tions de pratique qu’il n’auraprobablement pas dans sonpays. Je pense aux laboratoiresde recherche, à la densité deschercheurs, aux moyens finan-ciers, etc. En travaillant con-jointement avec l’université dedépart de l’étudiant et en s’as-surant que celle-ci ait un planpour lui à son retour, que cesoit un emploi comme ensei-gnant ou encore de meilleures

conditions de recherche, onpeut avoir un impact et limiterl’exode des scientifiques», préci-se Mme Colin.

Pôles d’excellenceDans le même ordre d’i-

dées, l’AUF a mis sur pied unprogramme de soutien auxpôles d’excellence régionaux

(PER). Celui-ci a pour objectifde renforcer les centres uni-versitaires de haute valeurscientifique du Sud et de lesaider à mobiliser un réseau ré-gional de compétences colla-borant autour de la même thé-matique en mutualisant lesmoyens disponibles.

Elle a aussi mis en branleles Projets méditerranéens decoopération scientifique inter-universitaire (MeRSI), dontl’objectif est de renforcer la recherche et la coopérationscientifiques des régions rive-raines de la Méditerranée, afinde contribuer au développe-ment d’un espace méditerra-néen de la science.

Ses campus numériques,implantés dans les universitéspartenaires, s’inscrivent dansle même schème d’actions.«Actuellement, l’un des facteurslimitatifs pour les universitésdes pays en développement, c’estle faible accès à Internet.L’AUF a développé un nombreimpor tant de campus numé-riques francophones où on trou-ve, d’une part, des ordinateurs,mais où on a aussi accès à desbibliothèques vir tuelles. Ces

campus facilitent beaucoup lesétudes des étudiants du Sud»,note Mme Colin.

Des initiatives du genre,l’AUF en a concrétisé des di-zaines. Si elle ne dispose pasde moyens aussi impression-nants que ceux des grandesorganisations internationales,à l’échelle de ses capacités,elle réussit à stimuler le déve-loppement des universitésfrancophones du Sud. For tede ses succès, qui reposentnotamment sur l’engagementd’universitaires issus de tousles continents, l’AUF entendbien poursuivre sur cette voie.

«Nous sommes persuadés quenous gagnons bien plus à nousmettre ensemble qu’à nousmettre en compétition, conclutla présidente du conseil scien-tifique de l’AUF. Nos moyens nesont peut-être pas énormes,mais nous croyons fermementen la solidarité universitaire etnous sommes convaincus quec’est en travaillant en partena-riat que les universités franco-phones du monde entier se dé-velopperont le plus et le mieux!»

Collaboratrice du Devoir

L E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 0 E T D I M A N C H E 1 1 S E P T E M B R E 2 0 1 1G 8

U N I V E R S I T ÉTravailler ensemble

L’AUF mise sur les partenariats pour réduire la fracture scientifique Nord-Sud« Nous gagnons bien plus à nous mettre ensemble qu’à nous mettre en compétition »

Accélérée par l’harmonisation du système d’éducation supé-rieure européen, l’internationalisation des universités a en-gendré une certaine refonte des rapports entre les établisse-ments du Nord et du Sud. Préoccupée par les écarts toujoursprésents entre ces deux pôles et convaincue que la commu-nauté scientifique francophone a tout à gagner de la mise encommun des compétences universitaires, l’Agence universi-taire de la francophonie (AUF) continue de faire de la coopé-ration interuniversitaire et multilatérale l’une de ses priori-tés, en misant davantage sur le partage et les échanges pourdépasser la démarche traditionnelle Nord-Sud.

SOURCE UDM

Christine Colin, professeure desanté publique et présidente duconseil scientifique de l’AUF