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MARS 2009 DITO 3 Engrenages S ans surprise, la crise sociale mondiale touche en premier lieu les pays qui étaient à l’avant- garde de l’exploitation (Madagascar, p. 18). Beaucoup plus étonnant, la colère et la révolte tou- chent aussi des régions qui n’étaient pas connues pour leur effervescence sociale (Islande, p. 25); signe que cette fois les capitalistes ont poussé le bouchon encore plus loin que d’habitude. Les engrenages de plus en plus complexes du merveilleux monde de l’entreprise, conçus pour gri- gnoter et optimiser la moindre parcelle de profit pourraient donner l’impression que la machine se transforme en sorte de monstre incontrôlable (Renault, p. 13, Un monde bien compliqué, p. 15). Cela ne doit pourtant pas nous faire oublier que l’économie n’est pas une activité surnaturelle, dont les règles seraient inchangeables ; alors qu’en réa- lité, il ne tient qu’à l’humanité de les mettre à bas et de réfléchir à d’autres modes d’échanges et de relations. Nul besoin d’aller chercher bien loin les exemples de ce monde qui marche la tête à l’en- vers. La Guadeloupe comme tous les départements d’outre-mer possède une économie coloniale fon- dée sur la satisfaction prioritaire des besoins en matière première ou agricole de la métropole. Pri- vés de ressources vivrières locale, les habitants sont alors soigneusement maintenus dans un système de dépendance, dans lequel la satisfaction de leurs besoins ne peut que transiter par quelques impor- tateurs-distributeurs qui en profitent pour se gar- nir généreusement les poches. Coloniale également la considération portée par le pouvoir politique sur la lutte des antillais. Il aura fallu près d’un mois de grève générale et de blo- cages, impliquant l’essentiel de la population, pour que le gouvernement daigne envoyer un sous-secré- taire d’état sans aucune capacité d’initiative. Yves Jego étant lui-même sous la tutelle de Michele Alliot-Marie, elle-même sous la tutelle de Fillon, etc., il n’a guère plus de pouvoir que le concierge de l’Elysée… Colonial enfin le traitement médiatique – à retardement – de cette crise qui cherche à présen- ter la situation comme un problème d’identité antillaise alors qu’il s’agit d’un problème social, comparable à la métropole, en plus exacerbé. Nous aurons cependant l’occasion d’aborder plus en profondeur les tenants et aboutissants de cette lutte dans le prochain numéro de Courant Alternatif à paraître début avril. En métropole aussi les « partenaires sociaux » méritent de plus en plus d’être requalifiés en « adversaires sociaux » ; dans les universités (voir p6), dans le commerce (Marché Saint Pierre, p. 4) ; d’autant plus que le pouvoir n’a pas oublié de manier le bâton pour refroidir les manifestants un peu trop exubérants (Saint Nazaire, p. 8). La matraque c’est toujours efficace, mais c’est un tan- tinet désuet par rapport à ce que les savants fous de l’informatique et de la micro technologie déve- loppent comme instruments de contrôle social (Big Brother, p. 10 ; Une vie sans contact, p. 12). Heureusement pour nous, les véritables parte- naires sociaux, dirigeants des centrales syndicales sérieuses et responsables, organisent pour nous une prochaine journée d’action le 19 mars. Sans trop se tromper on peut prédire que ce sera de nou- veau un succès numérique, mais que le gouverne- ment ne sera pas plus intimidé que par les sou- bresauts dans les confettis de l’empire. Mais cette fois, promis, juré, craché, les syndicats vont mon- trer de quel bois ils se chauffent ! Des rumeurs circulent déjà sur l’organisation d’une journée de grève générale le premier jour du mois de mai… CJ Paris, 26 février 2009

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Page 1: CA février 08 - Freeoclibertaire.free.fr/upl/188_CA08.pdf · 2009. 4. 6. · MARS 2009 DITO 3 Engrenages Sans surprise, la crise sociale mondiale touche en premier lieu les pays

MARS 2009

DITO

3

Engrenages

Sans surprise, la crise sociale mondiale toucheen premier lieu les pays qui étaient à l’avant-garde de l’exploitation (Madagascar, p. 18).

Beaucoup plus étonnant, la colère et la révolte tou-chent aussi des régions qui n’étaient pas connuespour leur effervescence sociale (Islande, p. 25) ;signe que cette fois les capitalistes ont poussé lebouchon encore plus loin que d’habitude.

Les engrenages de plus en plus complexes dumerveilleux monde de l’entreprise, conçus pour gri-gnoter et optimiser la moindre parcelle de profitpourraient donner l’impression que la machine se

transforme en sorte de monstre incontrôlable(Renault, p. 13, Un monde bien compliqué, p. 15).Cela ne doit pourtant pas nous faire oublier quel’économie n’est pas une activité surnaturelle, dontles règles seraient inchangeables ; alors qu’en réa-lité, il ne tient qu’à l’humanité de les mettre à baset de réfléchir à d’autres modes d’échanges et derelations.

Nul besoin d’aller chercher bien loin lesexemples de ce monde qui marche la tête à l’en-vers. La Guadeloupe comme tous les départementsd’outre-mer possède une économie coloniale fon-

dée sur la satisfaction prioritaire des besoins enmatière première ou agricole de la métropole. Pri-vés de ressources vivrières locale, les habitants sontalors soigneusement maintenus dans un systèmede dépendance, dans lequel la satisfaction de leursbesoins ne peut que transiter par quelques impor-tateurs-distributeurs qui en profitent pour se gar-nir généreusement les poches.

Coloniale également la considération portée parle pouvoir politique sur la lutte des antillais. Il aurafallu près d’un mois de grève générale et de blo-cages, impliquant l’essentiel de la population, pourque le gouvernement daigne envoyer un sous-secré-taire d’état sans aucune capacité d’initiative. YvesJego étant lui-même sous la tutelle de MicheleAlliot-Marie, elle-même sous la tutelle de Fillon,etc., il n’a guère plus de pouvoir que le concierge del’Elysée…

Colonial enfin le traitement médiatique – àretardement – de cette crise qui cherche à présen-ter la situation comme un problème d’identitéantillaise alors qu’il s’agit d’un problème social,comparable à la métropole, en plus exacerbé.

Nous aurons cependant l’occasion d’aborderplus en profondeur les tenants et aboutissants decette lutte dans le prochain numéro de CourantAlternatif à paraître début avril.

En métropole aussi les « partenaires sociaux »méritent de plus en plus d’être requalifiés en« adversaires sociaux » ; dans les universités (voirp6), dans le commerce (Marché Saint Pierre, p. 4) ;d’autant plus que le pouvoir n’a pas oublié demanier le bâton pour refroidir les manifestants unpeu trop exubérants (Saint Nazaire, p. 8). Lamatraque c’est toujours efficace, mais c’est un tan-tinet désuet par rapport à ce que les savants fousde l’informatique et de la micro technologie déve-loppent comme instruments de contrôle social (BigBrother, p. 10 ; Une vie sans contact, p. 12).

Heureusement pour nous, les véritables parte-naires sociaux, dirigeants des centrales syndicalessérieuses et responsables, organisent pour nousune prochaine journée d’action le 19 mars. Sanstrop se tromper on peut prédire que ce sera de nou-veau un succès numérique, mais que le gouverne-ment ne sera pas plus intimidé que par les sou-bresauts dans les confettis de l’empire. Mais cettefois, promis, juré, craché, les syndicats vont mon-trer de quel bois ils se chauffent ! Des rumeurscirculent déjà sur l’organisation d’une journée degrève générale le premier jour du mois de mai…

CJ Paris, 26 février 2009

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COURANT ALTERNATIF

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Les licenciements au compte-gouttes– sans plan social, sans risque deconflit collectif – qui condamnent le

licencié à l’impuissance et au désespoir,c’est une méthode à la mode dans lesPME. Et c’est notamment celle choisiepour faire gonfler les profits par la nou-velle direction de Dreyfus Déballage dumarché Saint-Pierre (1), le fameux maga-sin de tissus du quartier de Montmartre,mise en place en 2004 : un tiers des sala-riés – les plus anciens, donc les mieuxpayés – ont été poussés vers la porte ouvirés un par un, sans résistance, et sansque les syndicalistes de la maison, épar-gnés, lèvent le petit doigt.

Mais un jour le gérant licencieur esttombé sur un os : Hélène et Philippe Mag-delonnette, employés tous deux dans lamaison depuis vingt-huit et trente-quatreans, plutôt que de « plonger » en appre-nant leur licenciement à 50 ans passés,décident de résister. En faisant appel auxprud’hommes, bien sûr : par deux fois,leur licenciement a été reconnu « sanscause réelle et sérieuse » et la direction dumagasin a été condamnée à payer desindemnités quadruplées en appel. Maissurtout : depuis mai 2006, tous les jours,ils viennent devant le magasin protestersilencieusement au moyen d’une bande-role.

Mais pour faire quoi,puisqu’ils sont licenciés ?

Pour dire NON. Pour demander leurréintégration. Pour dénoncer publique-ment le sale boulot fait par la direction.Pour résister, tout simplement. Pour nepas se dire que, face à la violence patro-nale, il n’y a rien à faire.

Et les faits leur donnent raison. Leurprésence a stoppé radicalement le flux

des licenciements dans le magasin. Maissurtout, tout au long de ces presque troisans d’action prolongée, ils ont obtenu desmilliers de marques de soutien(11 000 signatures sur leur pétition à cejour !) et sont devenus un point de résis-tance : ils ont discuté avec des centainesde personnes, parfois étonnées, souventsolidaires, toujours admiratives ; ils ontamené des dizaines de gens à repenser defaçon critique leur absence de réactionface à leur propre licenciement, vécu dansla solitude et la honte. Leur lutte est paci-fique, mais elle est efficace : tous lesjours, leur présence fait reculer un peuplus la résignation.

Une lutte de longue haleinequi mérite notre soutien

Le magasin de tissus Déballage dumarché Saint-Pierre, créé en 1912 etcélèbre pour son style « à l’ancienne »,est la propriété d’une vieille famille bour-geoise richissime, qui possède en outre demultiples immeubles à Montmartre, deshôtels et de vastes propriétés dans toutela France.

Ces capitalistes de bonne traditionpaternaliste ont pourtant su se mettre augoût du jour en matière de méthode capi-taliste de management. En 2004, alors quel’entreprise reste prospère, ils mettent enplace un nouveau PDG, issu du milieu duSentier, lequel, dès son arrivée, entreprendde licencier, par des moyens et sous desprétextes divers, le tiers des salariés dumagasin.

Rien que de très banal ? Peut-être.Mais ce qui l’est moins, c’est que deux dessalariés licenciés ont refusé de se résoudreà accepter l’inacceptable. Depuis mai 2006,Hélène et Philippe Magdelonnette, virés à

un âge où l’on est trop vieux pour retrou-ver un travail et trop jeune pour avoir droità la retraite, viennent exiger leur réinté-gration.

Ils ne lâchent pas prise. La ténacité estleur seule arme. Une arme inhabituellepour les patrons, dont les basses œuvresne suscitent en général que défaitisme etsentiment d’impuissance.

Hélène et Philippe, en demandant leurréintégration, ne se sont pas, comme c’estle cas trop souvent, résignés à subir la vio-lence patronale, autorisée de fait par la loi.La législation en vigueur(sauf de très raresexceptions), en effet, ne prévoit pas que les pru-d’hommes ordonnent la réintégration dans lecas d'un licenciement reconnu abusif ; or,Hélène et Philippe n’ont cessé de lademander, allant jusqu’au recours en Cas-sation.

Mais ils ont su aussi exploiter l’espaceque la reconnaissance constitutionnellede la liberté d’expression et de la libertésyndicale laisse à l’action sur le terrain. Aforce de ténacité, en utilisant de petitsmoyens, légaux et non violents, ils ontmontré que, même avec de toutes petitesforces, il est possible de se battre et demodifier sur le terrain les rapports deforces entre patrons et salariés ; que, sansattendre que les gouvernants se décidentà interdire les licenciements par la loi (etsans lutte sur ce terrain on pourraattendre la Saint-Glinglin), on peut fairecomprendre aux patrons que licencierpeut leur coûter cher (en termes d’argent,d’image, de réputation…).

Autrement dit, ils ont montré que leslicenciements ne sont pas une fatalité,même dans un contexte très défavorablecomme celui d’aujourd’hui.

La liberté du commercecontre la liberté d’expression

Pour la direction du marché Saint-Pierre, ils sont devenus un abcès de fixa-tion. « Il faut que ça cesse ! » hurlaitl’avocate lors du troisième référé engagépar la direction pour leur interdire de res-ter sur le trottoir, au nom d’un prétendutrouble à l’ordre public. Par deux fois, lajustice lui a donné tort, mais le troisièmeverdict (du 19 décembre 2008) prend faitet cause pour les patrons du magasin,

Une lutte exemplaire face aux licenciements :

Le marché Saint-Pierre à Paris« Rien à faire » : c’est ce que trop de licenciés se sont dit et sedisent encore, lorsque, après des années, voire des décennies debons et loyaux services, on leur fait soudain savoir qu’ils sontdevenus trop vieux, trop chers, trop… trop… Exclus du jour aulendemain de l’entreprise qui a façonné leur vie, ils se retrouventtout d’un coup sans salaire et inutiles au monde. Vivant celacomme un drame personnel, ils s’enfoncent dans l'autodévalori-sation et la dépression.

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considérant que les époux Magdelonnettene pouvaient, au nom de la liberté d’ex-pression « qu’ils sont en droit de revendi-quer », « entraver le libre exercice du com-merce de leur employeur et même porteratteinte à son image ».

Ce jugement bâillonne de fait touteexpression publique, reprenant mot pourmot la requête patronale, à savoir « inter-dire aux époux Magdelonnette de :

- imprimer ou faire imprimer des ban-deroles,- déployer ou faire déployer des ban-deroles devant et aux alentours dumagasin,- imprimer ou faire imprimer destracts,- distribuer ou faire distribuer destracts de quelque nature que ce soit,- éditer ou faire éditer, diffuser ou fairediffuser des affiches la mettant encause,- coller et faire placarder des affichesla mettant en cause,- faire signer des pétitions à toute per-sonne notamment dans la rue,- s’adresser au public aux alentours età l’entrée du magasin pour l’inciter àse rendre chez un concurrent ».

Après un jugement de ce type, quereste-t-il en France de la liberté d’expres-sion ? Si ce type de jugement devait segénéraliser, les patrons de tout poil pour-raient impunément licencier sans mêmecraindre de voir circuler un tract, une péti-tion ou une banderole se planter devantleur porte.

Hélène et Philippe ne peuvent qu’ob-tempérer face à la décision du tribunal(assortie d’une astreinte de 100 euros parjour à chaque infraction), même s’ils réflé-chissent à la possibilité d’un recoursdevant la cour de Cassation ou la Coureuropéenne des Droits de l’Homme (mini-mum quatre ans au total pour les deuxrecours... et quelques milliers d'euros defrais à engager).

Tous ceux qui ont à cœur la défense deliberté d’expression comprennent qu’onne peut pas simplement se soumettre àcette interdiction sans tenter d’y résister.

Il faut que le combat d'Hélène et Phi-lippe, devenu une référence du combat detous les travailleurs qui résistent face auxpatrons, continue :

Pour qu’ils gagnent enfin leur réintégra-tion et dans un second temps celle des autressalariés.

Pour qu’il soit clair dans les têtes des sala-riés du magasin, des clients, des habitants duquartier, etc., que, oui, on peut résister auxlicenciements.

Pour qu’on finisse tous par comprendre

que les patrons ne sont forts que parce que l’onse soumet avant même d’avoir résisté.

C’est cette dimension de leur combatqui avait poussé un collectif d'individusvenant d'horizons divers à leur apporterun soutien fidèle. C’est la portée généralede l’interdiction de s’exprimer qui leur estfaite qui les motive aujourd’hui à chercherles moyens d’élargir le soutien.

A l’automne 2007, un petit collectif (2)s’est créé pour les soutenir en populari-sant leur lutte : il a organisé deux ras-semblements et une manifestation dansle quartier, et deux fois par semaine, il dis-tribue des tracts aux clients, les invitant àmanifester eux-mêmes leur désapproba-tion. Il s’efforce aussi d’organiser un sou-tien financier (3).

Le combat des Magdelonnettepour leur réintégration se mue également en combatpour la liberté d’expression

Le combat d’Hélène et Philippe quiportait jusque-là sur l’arbitraire patronalprend désormais un sens plus large pourla défense concrète de la liberté d’expres-sion, dont dépend encore chez nous l’exis-tence des luttes.

A l'heure où est écrit cet article, un col-lectif de soutien s'élargit avec l'apportd'un certain nombre d'organisations poli-tiques et associatives, principalement du18e arrondissement de Paris .

Nous sommes en effet, de plus enplus nombreux, dans un contexte deremise en cause des libertés, à considérerqu’il est indispensable aujourd’hui deréagir à ce genre de jugements sans relâ-cher la pression sur les responsables dumagasin, ainsi que sur la nécessité d’ef-fectuer un recours en Cassation, afin quel’arrêt du tribunal ne devienne pas unejurisprudence.

Dans un premier temps, le collectif vainformer le plus rapidement possible lesclients et les salariés du marché Saint-Pierre en distribuant des tracts signés parun maximum d'organisations politiqueset syndicales ou d’associations, afin quela riposte soit la plus large possible (4).

Cette action a pour but d'expliquer auxclients pourquoi Hélène et Philippe nesont plus devant le marché Saint-Pierre etpourquoi des militants d’organisations duquartier ont pris leur place.

Une contribution des organisationsqui considèrent le recours en Cassationcomme important est envisagée, ainsi quela poursuite des collectes devant le maga-sin, qui ont permis au collectif d’imprimer

des tracts, des affiches et des cartes pos-tales, et de payer quelques frais liés à l’ac-tivité commune.

Christian OCL Pariset membre du collectif

(1) Situé 2, rue Charles-Nodier à Paris 18e.

(2) Le collectif de solidarité avec Hélèneet Philippe ([email protected]) est composé d’individus qui pourune partie d’entre eux ont déjà participéà d’autres initiatives de soutien à dessalariés en lutte, comme à McDo, chezQuick, Pizza Hut, Frog, Arcade, Astor, etc.Sur l'expérience des comités, on pourrase reporter aux trois numéros de la revueLa Question sociale, adresse du site :http://www.laquestionsociale.org/

(3) Vous pouvez vous aussi apporter unecontribution à votre mesure à la lutted’Hélène et Philippe en alimentant lacaisse de soutien (chèques à l’ordre deADC, mention « Soutien à Hélène et Phi-lippe », à adresser à : ADC, Maison desassociations, 35-37 avenue de la Résis-tance, 93100 Montreuil.Egalement en écrivant aux propriétaireset actionnaires majoritaires du magasin,Mmes Florette Sély et Margaret Mony,aux adresses suivantes : · Dreyfus Immo-bilier Moulin Rouge, 86 boulevard de Clichy,75018 Paris ; Paris Vacation, 86 boulevard deClichy, 75018 Paris, e-mail : [email protected] ·Dreyfus Déballage du marché Saint-Pierre,26 place Vendôme, 75001 Paris

(4 ) Premiers signataires,début février : Alter-native libertaire, LCR 18e, NPA 18e, OCL, PCF,Stop-Précarité, Les Verts du 18e.

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La crise et les réformes sont passées par là…

Ala vue de la situation économique etsociale en Europe, une grandeconfrontation avec le pouvoir semble

se rapprocher. Partout et dans tous les sec-teurs de la société la colère monte, et cela apour effet d’exacerber la lutte des classes.

Ainsi, la nouvelle université pilote deStrasbourg – loin d’être hors du monde – esttouchée de plein fouet par la rage d’une jeu-nesse (issue des classes moyennes et popu-laires) de plus en plus pauvre et sans espoird’avenir. A l’UdS (l’Université de Strasbourg),le mouvement étudiant, endormi depuisl’année dernière, s’est réveillé à la suite dela mobilisation des enseignants contre lacasse de leur statut par l’Etat. La nouvelleréforme prévoit la fin de la faible indépen-dance du corps des enseignants-chercheursvis-à-vis des présidents d’université.

A cela s’ajoutent la disparition de l’IUFMet la « mastérisation » des concours, qui ontpour objectif de créer un vivier d’ensei-gnants prêts à se vendre. Ces divers « amé-

nagements » sont les conséquences (directeet indirecte) de la LRU passée en force en2007. Ils s’inscrivent dans un processus deprivatisation généralisée et d’extension dusalariat à l’ensemble des travailleurs dupublic. A ces multiples réformes s'ajoute laquestion de la fusion des trois pôles univer-sitaires de Strasbourg (ULP, URS et UMB) enune seule entité, l’UdS. Cette fusion vientjeter de l’huile sur le feu, du fait de ses mul-tiples conséquences : restriction budgétaire,contractualisation, suppression de filières,réduction d’effectifs, privatisation rampante,hausse des frais d’inscription, etc. Ainsi, lechangement de statut de l’université estl’occasion pour le pouvoir de revoir l’en-semble des statuts et des avantages du per-sonnel.

Le mouvement étudiant à Strasbourg

Face à ce rouleau compresseur étatiqueet patronal, le mouvement étudiant ne s’estjamais réellement arrêté. Celui-ci connaîtune pause avec les vacances scolaires, puisil tente de renaître faiblement dès le moisd’octobre 2008. Le brasier se rallume réelle-ment avec la décision des enseignants-cher-cheurs grévistes de pratiquer la rétentiondes notes et de sensibiliser les étudiants surla réforme Pécresse. Mais il faut préciserqu’un des déclics les plus importants dumouvement reste la journée unitaire du 29janvier. Durant cette journée, les forces com-posant le mouvement social manifestentensemble : précaire, privé, public, chômeurs,étudiants, salariés, RMIstes, profs, ouvriers,etc. Cette vague-surprise fait prendreconscience à tous de la colère qui monte ausein de la population et de la jeunesse. Ainsi,dès les premières assemblées générales dumois de février, le nombre d’étudiants estimportant et s’accroît très vite. L’amphi 1 del’ex-UMB (université Marc-Bloch) situé dans

le Patio (nom du bâtiment central de l’ex-

UMB) est bondé à chaque AG. Le 5 février,l’arrivée de Pécresse est marquée par desheurs devant le palais universitaire de Stras-bourg (les CRS gazent les 2 000 manifes-tants) ; loin de casser la lutte, cette répres-sion a eu pour conséquence de redynamiserles étudiants. Beaucoup dénoncent l’Etat-policier, et dans les têtes la peur panique dugendarme s’estompe. Dans un esprit bonenfant, les étudiants ont tenté de pénétrerdans le palais U pour en déloger Pécressecachée derrière son armée. Durant cettejournée du 5 février, 200 étudiants organi-sent le sabotage d’une table ronde à la salledes conseils de l’Institut Le Bel, où se tientune réunion entre le président de l’UdS, lesmembres de la Fondation de l’UdS, ainsi queses donateurs potentiels. Il s’ensuit un dia-logue de sourds entre étudiants et membresde la Fondation concernant les modalités defonctionnement ainsi que les finalités decette dernière. Dès lors, à Strasbourg, lamobilisation prend un tournant politiqueplus critique. Le 12 février, les étudiants fontune incursion dans la chambre de com-merce. Le 18 février, le mouvement s’ampli-fie, et sont décidés l’occupation du Patio lanuit ainsi qu’un blocage du bâtiment. Il fautajouter que plusieurs étages du bâtiment duPortique (bâtiment proche du Patio) sontaussi occupés et plusieurs UFR (philo, art duspectacle, etc.) sont en grève totale. Pour lecomité de grève du Patio, l’avantage du blo-cage physique est d’empêcher la tenue detous les cours afin d’obliger les étudiants àprendre position pour ou contre la grève.L’occupation de nuit se met très vite en place

COURANT ALTERNATIF6

social - luttes étudiantessocial - luttes étudiantes

En 2009, la colère monteaussi des universitésL’article suivant est à la fois une présentation rapide et une tentativede réflexion sur le mouvement qui touche l’université unique de Stras-bourg. Du fait d’une crise économique majeure, cette lutte a lieu dansun climat de tension extrême entre le pouvoir et les travailleurs. Enfin,la pauvreté généralisée et les réformes qui cassent le service publiccréent un climat propice à l’embrasement d’une révolte de la jeunesse.Il faut ajouter que cette lutte s’inscrit également dans un mouvementde contestation qui concerne l’ensemble du monde universitaire : étu-diants, BIATOS, enseignants-chercheurs…

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Socialsocial - luttes étudianteset s’organise. Les étudiants créent une cui-sine collective, s’occupent de la gestion deslieux. La vie quotidienne dans l’occupationdu Patio se structure : entre la mise en placede commissions tournantes (cuisine, net-toyage, sécurité), les multiples débats, pro-jections, actions, cette réappropriation deslieux est un moyen d’instaurer une dyna-mique de politisation et d’autonomisation.Le Patio reste donc un lieu d’échanges etd’apprentissage actif. De plus le comité degrève est ouvert (sauf aux flics, à l’armée etaux matons) et des AG d’occupation sontconvoquées pour gérer la vie en commun.Du fait de sa rapide radicalisation, ce mou-vement porte en lui des potentialités offen-sives encore plus fortes qu’au moment duCPE. Un certain nombre d’« anciens » sontdépassés, tout comme les boutiques poli-tiques. Parmi ces boutiques, on peut citer :l’UNEF qui est en pleine guerre des chefs(lutte interne stérile) ; la Confédération étu-diante (les pantins de la CFDT) qui fait riretout le monde ; l’AFGS (organisation cache-misère des forces de droite) qui ne sert plusque de défouloir ; le NPA et les trotskistesqui ne contrôlent plus rien du tout ; enfin lesanarchistes culturels qui tentent vainementd’avoir une posture de curé moralisateur…Mais rien n’y fait et les étudiants, loin d’êtreà la remorque des enseignants, imposentleurs propres revendications et leurs propresmodes d’action. Ainsi, dès le début de lalutte, les manifs sont sauvages ; et lors del’une des dernières manifestations, 300 per-sonnes se sont opposées physiquement à lapolice. Les étudiants étendent le mouve-ment en direction des lycées et du mondedu travail (tractage et appel à la convergencedes luttes). De plus, ils ont décidé la créationd’une commission convergence des luttesau sein du comité de grève. Cette volontéd’en découdre avec le pouvoir se traduit auniveau national par 63 facs « perturbées »et l’accomplissement d’actions durant lapériode des vacances scolaires. C’est danscette optique qu’une partie des étudiantsstrasbourgeois souhaite occuper le Patiopendant les vacances et ne veut pas voir lafin du mouvement. Il faut préciser que lesrevendications des étudiants se sont consi-dérablement élargies au-delà du simpleretrait du décret sur le statut des ensei-gnants-chercheurs. Il s’agit également de

dénoncer la précarisation généralisée (entreautre étudiante), la casse du service publicde l’enseignement (loi LRU qui découle duprocessus de Bologne, réforme Darcos…) etl’Etat-policier (criminalisation des luttessociales, chasse aux sans-papiers, répressionen Guadeloupe…).

No futur à Strasbourg et ailleurs ?

Pour l’instant, les étudiants n’ont pasencore d’objectif très clair. Le gros problèmedu mouvement reste son manque de pers-pectives à long terme. Ainsi, beaucoup d’étu-diants se raccrochent au soutien des profs.Ils représentent encore, pour certains, uneautorité indépassable. De leur côté, les ensei-gnants-chercheurs sont coincés entre desétudiants qui se radicalisent de jour en jouret l’obstination de l’Etat. Ils soutiennent offi-ciellement les positions des étudiants maistentent toujours de prendre la tête du mou-vement a travers des AG pseudo-unitaires.Beaucoup de profs ont peur des actes et desprises de position des étudiants, mais ils res-tent bloqués par le refus du ministère denégocier une sortie de crise honorable. Ducôté des étudiants strasbourgeois, il manqueune prise de conscience sur le fait que cettelutte fait partie du mouvement social. L’am-bition de vouloir changer sa propre condi-tion, de vivre autrement ou de répandre réel-lement la révolte ne s’est pas encoreimposée chez tous les protagonistes de cemouvement. Mais, à la différence du CPE,l’auto-organisation s’est très vite dévelop-pée et la rage n’est plus l’apanage des mili-tants radicaux. A la vue des discussions etdes débats, ce qui saute aux yeux, c’est à lafois le volontarisme des étudiants et le faitqu’ils se « cherchent ». D’ailleurs, le déve-loppement des idées et des pratiques anar-chistes chez les étudiants strasbourgeois enest une illustration parfaite. Un autre signepositif est le peu de crédit que les étudiantsaccordent à la bureaucratie de la Coordina-tion nationale des étudiants, qui est entiè-rement noyautée par l’UNEF.

Il faut ajouter que cette lutte est loind’être terminée et que son cadre dépasse lar-gement celui des sciences humaines. Enplus, rien n’indique qu’elle soit éphémère,car un très grand nombre de salariés pour-raient, à un moment ou à un autre, être de la

partie. En effet, depuis le CPE et la révoltedes banlieues, les luttes sociales à Stras-bourg et en France n’ont fait que se radica-liser et s’amplifier. Le contexte national(lutte dans les DOM-TOM…) et international(effondrement du capitalisme et faillited’une partie des pays industrialisés) vacontinuer à peser sur le pouvoir et lespatrons, et faciliter l’extension du mouve-ment. Enfin, l’échéance du sommet de l’Otanrisque de redonner du courage à ceux etcelles qui luttent au sein de ce mouvement,voire d’allumer un véritable incendie. Eneffet, la conjugaison de ce mouvement et ducontre-sommet de l’Otan peut être porteusede nombreuses potentialités de lutte etd’embrasement généralisé.

Vincent

Les photos qui illustrent cette page ont été prises le 26 février à Nantes (sur Indyme-dia Nantes) lors d'une parodie de manif de droite organisée par les étudiants grévistes.Dans une ambiance joviale le cortège est parti de la place Graslin pour défiler dans lesrues bourgeoises du quartier Guist'hau avant de rejoindre la place Royale.On a pu entendre les désormais classiques slogans des manifs de droite, plus si origi-nale que ça, mais qui font toujours sourire et interloque les passants : des "ça c'est dela caisse" au vu de grosse voiture, "pas d'allocs pour les dreadlocks", "les garçons devantles filles derrière",...Arrivé place Royale, une altercation qui semblait organisé par le comité d'action s'estdéroulé devant la Société Générale. Une bataille rangé entre gauchiste et bourgeois,avec les 2 blocs qui se rentrent dedans bien joyeusement.

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COURANT ALTERNATIF8

social

Une manifestation agressée, des mani-festants blessés, inculpés, condamnés.La mobilisation du 29 janvier à Saint-Nazaire n'est pas passée inaperçue. Laréponse contre la répression se met enplace, et renoue des liens entre lessphères militantes et la population,bien décidées à passer à l'offensivecontre l'ordre sécuritaire qui se durcitici comme ailleurs.

Petit retour sur les événements

La manifestation du 29 janvier fut mas-sive. En arrivant à la sous-préfecture, latête du cortège a trouvé porte close, le

sous-préfet dédaignant de recevoir une délé-gation impromptue. Des altercations avec lesflics à propos de l'accrochage de banderolessur les grilles du bâtiment ont échauffé lesesprits, et les pandores ont été sauvagementagressés par des jets de pots de yaourt, depétards ,et outragés par quelques noms d'oi-seaux de circonstancese.

Les CRS, habituellement discrets et plan-qués dans les jardins du sous-préfet, étaientvisiblement déployés cette fois. Une sections'est donc retrouvée coincée dans une ruevoisine où refluait le cortège, pour laisserarriver la suite de la manifestation. Paniqueou agression délibérée, toujours est-il qu'à16 h 24 ils se sont mis à arroser le cortège delacrymos pour se dégager, et regagner leurbase de la sous-préfecture, obligeant le défiléfamilial et bon enfant à refluer vers la mai-rie. Pour donner une idée de l'ampleur del'agression, à 16 h 39, la CRS 32 avait épuiséson stock de munitions, ce qui l'a obligée àun réapprovisionnement au commissariatcentral (1).

Devant cette agression, et profitant del'arrêt des tirs le temps du réapprovisionne-ment, plusieurs centaines de manifestantsont chargé les CRS, les obligeant à se réfu-gier dans la sous-préfecture, dont le portaila été défoncé. Ce n'est qu'après 20 h 30 queles CRS sont parvenus à calmer la colèrepopulaire, grâce au renfort des BAC locales,puis de gendarmes mobiles rapatriés deNantes.

Nous avons alors assisté à de véritablesratonnades dans le centre-ville, des groupesde policiers tirant aux flashballs sur les pas-sants ou matraquant allégrement lesbadauds. Un manifestant a été grièvementblessé(2), atteint aux jambes par une bombe

sonore à déflagration. 15 personnes ont étéinterpellées.

Une justice aux ordres

Le lundi 2 février, 4 manifestants triéssur le volet et placés en détention à l'issuede leur garde à vue se sont retrouvés au tri-bunal en comparution immédiate.

Quelques militantEs politiques, associa-tifs, syndicaux étaient présents, mais sansmobilisation à la hauteur de l'enjeu de lapart des organisateurs de la journée du 29.On a donc assisté à un morceau d'antholo-gie de justice de classe.

Quatre travailleurs précaires, Tony,Yohan, Fabrice et Friedrich de nationalitéallemande, avec des antécédents judiciairestels que conduite en état d'ivresse pour les3 premiers, furent livrés en pâture pourl'exemple. Les accusations portaient sur par-ticipation à rassemblement dissous, violencecontre les forces de l'ordre, rébellions,outrage à agent…, avec pour l'un des cir-constances aggravantes telles que portd'arme, en l'occurrence un couteau Laguioledans une pochette à la ceinture.

Sur les flics prétendument blessés,aucun n'était en mesure de présenter uneITT, et un seul pouvait se prévaloir d'un cer-tificat médical attestant qu'il avait une cou-pure au lobe de l'oreille, suite à un jet decanette reçu sur le casque !

Mais, comme d'habitude dans ce genrede procès, seule la parole des flics compte.Une projection de vidéo pendant l'audiencemontrait clairement qu'il était impossibled'identifier aucun des prévenus. Trois avaitcependant fait l'erreur de reconnaître desjets de projectiles pendant leur garde à vue.Friedrich pour sa part expliquait n'avoir étéprésent que pour prendre des photos desévénements, que son avocat se proposait deproduire à l'audience. Maîtrisant mal le fran-çais, Friedrich n'était même pas assisté d'untraducteur, et le tribunal n'a pas estiménécessaire de s'assurer que l'on pouvait dif-ficilement photographier une manifestationtout en jetant des cailloux. Puisque des fonc-tionnaires attestaient l'avoir identifié avantde procéder à son arrestation, accompagnéed'un tabassage en règle confirmé par unrelevé médical du nombre d'hématomes surl'ensemble du corps. Peu importe, c'est luiqui endossait également l'inculpation derébellion, tout comme Yohan, pourtantatteint de lésion aux tympans avec une perteauditive de 60%.

Le procureur a joué son numéro de

garant des intérêts du capital et de l'ordre.Stigmatisant « des marginaux qui n'avaientpas à manifester, puisque ni syndiqués, nien situation de travail, ni concernés par lesrevendications du 29 janvier », il a dénoncé« les casseurs de flics », venus pour précipi-ter la ville dans l'émeute, avec « des scènesdignes d'une guerre civile ».

Le ridicule ne tue pas. Si les manifestantsont effectivement répliqué à l'attaque de lapolice, ils ne s'en sont pris qu'aux forces del'ordre : pas une vitrine, pas une voiture n'aété dégradée (si ce n'est une vitre victimed'un tir tendu !). Et le lendemain matin il nerestait que les traces de quelques feux depoubelle, barricades symboliquementenflammées, alors que les culots de grenadejonchaient la voie publique, malgré leséquipes de nettoyage sur le qui-vive. Drôlede vision de la guerre civile (3) !

Les avocats, commis d'office, ontdénoncé le caractère inique de ce procès,avec une plaidoirie politique pour l'une : unprocès d'exception, pour l'exemple, rappe-lant les sanctions collectives des lois anti-casseurs ; conforté par une dimension plusjuridique pour l'autre : le rassemblement nepouvait être considéré comme dissous, lesprocédures de sommation n'ayant pas étérespectées, et le vide des dossiers montraitqu'il n'y avait aucun fondement matérielprobant pour les inculpés présents…

Le tribunal à cependant rempli sa mis-sion répressive, en condamnant Tony etYohan à quatre mois de prison ferme avecmaintien en détention, et infligeant troismois ferme sans mandat de dépôt à Frie-drich et Fabrice. Stupeur et révolte dans lasalle, les choses ne pouvaient décidémenten rester là.

Une répression récurrente en Loire-Atlantique

Le département fait partie des endroitscombatifs, avec des luttes nombreuses etdéterminées ces derniers temps. Dans lessecteurs de l'éducation (mouvement étu-diant, lutte anti-Darcos), du salariat indus-triel (luttes sur les salaires, sur l'indemnisa-tion totale du chômage partiel, contrel'exploitation de la sous-traitance), de l'en-vironnement ou de l'agriculture (l'aéroportde Notre-Dame des Lande, luttes anti-OGM),de la solidarité avec les sans-papiers (Gas-prom à Nantes, UCIJ à Saint-Nazaire), de laculture bretonne (réunification de la Bre-tagne, école Diwan). Autant de combats quis'accompagnent d'une cohorte de procèsvisant à la criminalisation des militantEs,quand ce n'est pas d'une répression brutaleet violente des actions.

Sans pouvoir être exhaustif, citons :- Pierre, lycéen atteint à l'œil dans les jar-

dins du rectorat par un tir de flashball ennovembre 2007, enquête en cours ;

- Sami, instit poursuivi pour avoir casséle petit doigt d'un des policiers lors d'uneévacuation manu militari de l'Inspection

Saint-Nazaire :Attaque policière,Riposte populaire !

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MARS 2009

Social

9

socialacadémique en juin 2008, jugement en déli-béré ;.

- Sylvain, militant UDB poursuivi pourmenaces de mort contre Sarkozy lors dudéplacement de celui-ci en juillet 2007 à Batz-sur-Mer – relaxé pour dossier vide après sixmois de tracasserie et la perte de son emploi.Ou l'anonyme déjà condamné pour avoir euun couteau lors de la manifestation organiséeà l'occasion ;

- Mikaël, le lycéen condamné à deux moisde prison avec sursis et 300 euros d'amendepour avoir refusé une prise d'ADN après unemanifestation lycéenne en décembre, maisqui fait appel ;

- des entarteurs de Notre-Dame desLandes, actuellement poursuivis ;

- Rodolphe et Christian, paysan accusé devols de terre pour avoir empêché des prélè-vements sur le site du futur aéroport, et pour-suivi pour refus d'ADN à l'occasion ;

- les barbouilleurs bretons, en procès pourquelques graffitis sur le siège du conseil régio-nal ou des bus, en faveur de la réunificationde la Bretagne.

Et, bien sûr, les quatre manifestants nazai-riens – un lycéen, un marin, deux portuaires– qui seront jugés le 10 mars toujours pour lamanifestation du 29 janvier.

Tout cela sur fond d'arrestations arbi-traires de sans-papiers, de persécutions quo-tidiennes des jeunes dans les quartiers, depressions hiérarchiques sur les lieux de tra-vail, ou de sanctions financières ou discipli-naires pour les désobéisseurEs de l'éducation,les syndicalistes d'entreprise ou les militantEsrepérés.

Toutes ces attaques, malgré la diversitédes situations, vont dans le même sens : celuide la multiplication des poursuites, du déve-loppement de la brutalité policière, de l'arbi-traire répressif. La violence et le fichage per-mettent d'intimider, de faire mal et de fairepeur. La systématisation des procéduresépuise les militantEs et les soutiens. La cri-minalisation de l'action militante pousse à lapeur et à la résignation.

C'est la même logique qui est à l'œuvrepartout sur le territoire, à Tarnac, devant lescentres de rétention, sur les chantiers deconstruction des EPM, sur les marchés contrece vendeur de L'Huma-Dimanche, ou devant leslieux de travail comme au marché Saint-Pierreà Paris, où l'on bâillonne Philippe et Hélènequi refusent leur licenciement abusif !

A Saint-Nazaire,la création du CODELIB

Fort de la solidarité qui s'était mise enplace lors du procès de Mikaël pour refusd'ADN, des militantEs nazairiens ont donclancé un « appel après les procès de Saint-Nazaire », pour mettre en place un « Collectifpour la défense des libertés fondamentalescontre les dérives sécuritaires ».

Ce fut chose faite le 18 février, où plus de70 personnes se sont retrouvées.

Cette réunion a regroupé des proches ou

des victimes de la répressiondu 29 janvier 2009, blessés,condamnés, ou inculpés, desmembres du comité de sou-tien à Mikaël, des membres oureprésentantEs d'associations(4), ainsi que des personnesvoulant agir à titre individuel.

Le CODELIB s'est fixé pourtâche immédiate la solidaritémorale et financière avec lescondamnés et les blessés, et lesoutien aux inculpés des dif-férents procès à venir, notam-ment le 10 mars à Saint-Nazaire, mais aussi pourd'autres procès tels les refusde prélèvement ADN.

Différents groupes de tra-vail ont été constitués pour :

o Une campagne de col-lecte de témoignages, quiaideront à la défense desinculpés, et permettront unesaisine de la Commissionnationale de déontologie de lasécurité.

o Une campagne de mobi-lisation pour les procès du10 mars (voir le tract d'appel).

o Une campagne de sous-cription pour l'aide matérielleaux victimes (5).

À moyen terme, le collectif se fixe égale-ment pour tâche de mener des campagnesd'information sur les atteintes aux libertésd'expression et de manifestation, contre lacriminalisation des luttes sociales et des mili-tantEs.

Cartel opportuniste ou réveil combatif ?

Le mélange des genres et des sensibilitésdans la composition de ce comité peut sur-prendre, mais il correspond à une réalitélocale dans laquelle aucune structure mili-tante ne peut rester indifférente, sauf à se dis-créditer. Dans l'immédiat, la journée du 7mars s'annonce comme une échéance impor-tante, dont le succès transformera ou non l'es-sai sur le long terme.

Une chose est peut-être également entrain de se jouer dans le paysage politiquenazairien. Alors que la ville est marquée parun mouvement social fortement encadré parles structures traditionnelles du mouvementouvrier, syndicats réformistes et partis degauche parlementaires, depuis quelquesannées d'autres formes de militance émer-gent. Depuis la grève de la faim des tra-vailleurs grecs, en passant par le soutien auxsans-papiers, aux Palestiniens, des luttes desolidarité se mettent en place en dehors desstructures partidaires et syndicales qui traî-nent ou renâclent à prendre des initiatives,engoncées dans leurs contradictions et leurmanque d'analyse et de perspectives poli-tiques. Ainsi, l'émergence d'un noyau militant

qui apprend à se connaître et à se respecterdans les luttes consacre peut-être l'émer-gence d'une mouvance, sinon révolutionnaire,au moins suffisamment radicalisée pourprendre des initiatives qui vont dans le sensd'une politisation et d'une autonomisationdes luttes. C'est p'têt' pas la révolution, maisc'est foutrement intéressant et ça impliqueplein de gens. A suivre, donc !

Le 27 février 2009, OCL Saint-Nazaire

(1) D'après le Rapport du commissaire principalBosset, lu à l'audience du 2 février.(2) Pascal est toujours hospitalisé à cette heure ; ila été amputé de 2 orteils et opéré à de multiplesreprises. Isolé plus de quinze jours pour raison d'en-quête, il connaît des difficultés pour faire aboutirsa plainte.(3) S'il y a bien une culture de luttes dures et parfoisviolentes à Saint-Nazaire, c'est toujours dans lecadre de longs conflits ouvriers, quand le patronatet la police jouent le pourrissement ou la répres-sion et que « les gars » (désolé, c'est une réalitésexuée, pas du sexisme) y tiennent plus. Hors cescontextes exceptionnels, les manifestations y sontplutôt tristounettes et traîne-savates, même lors-qu'elles sont massives et déterminées comme en2003, ou pendant le CPE. Néanmoins, tirer sur unemanif désarmée, ça ne se fait pas, et c'est ce qu'esten train d'apprendre le sous-préfet !(4) De : ATTAC, FCPE, MRAP, LDH, collectifs contre larépression de Nantes et de Rennes, 44=Breizh,opposants à l'aéroport de NDDL) ; de syndicats :FSU, UL-CFDT, SDEN-CGT, Solidaires, USM-CGT) oud'organisations politiques (Alternatif 44, LabelGauche, LO, No pasaran, NPA, PCF, PG, PS, UDB, LesVerts…)(5) Un premier concert de soutien organisé très rapi-dement par des étudiantEs dans l'université deNantes occupée a permis de récolter 400 eurosenvoyés aux prisonniers.

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COURANT ALTERNATIF10

RÉSISTANCES À BASE ÉLÈVES

Actuellement, 175 directeurs d’école sesont déclarés opposés au fichier « baseélèves » (voir CA de décembre). Après desmenaces et des retenues sur le salaire pourservice non fait, pour la première fois une Ins-pection académique a décidé de démettre deses fonctions de directeur, à la rentrée de sep-tembre 2009, un instituteur d’une école pri-maire du département de l’Isère. Cette sanc-tion a été prise le 3 février à l’occasion d’uneCommission Administrative Paritaire Dépar-tementale où il a bien failli être démis de safonction d’instit. Mais, devant la non-trahi-son des organisations syndicales siégeant à laCAPD de l’Isère, cela n’a pu se faire. Néan-moins l’Inspection Académique de l’Isèrerecrute sur son site Internet un directeurd’école avec commission d’entretien pourremplacer le dirlo déchu de ses fonctions. Dujamais vu dans cette profession ! L’I.A.demande un dirlo pour reprendre en main uneéquipe d’enseignants qui a « une approchemilitante de l’école qui la conduit à prendredes positions de refus par rapport à certainesdemandes institutionnelles (base élèves, éva-luations nationales) » Il aura pour mission de« rétablir une loyauté institutionnelle danscette école tant dans les rapports avec l’ad-ministration qu’avec l’équipe pédagogique ».Pour en savoir plus : http://retraitbasee-leves.wordpress.

A Livernon, petit village de 600 habitantsdu Lot, les parents d’élèves ont occupé lesbureaux de l’école du 8 au 13 janvier. Le 14janvier, plus d’une centaine de personnes ontmanifesté leur refus de « base élèves ». Lamarche de protestation était ouverte par 15brebis et leur berger. On pouvait lire sur lesaffiches : « Nos enfants ne sont pas des mou-tons » , « Non au fichage ». Un musiciendonnait l’ambiance. Mais devant les menacesde répression la directrice a dû remplir lesfiches et les parents d’élèves réfléchissent àd’autres actions.

En Aveyron, Malgré un changement delieu à la dernière minute, des membres descollectifs contre Base élèves du Lot, deRodez, de Millau et de Saint Affrique, enca-drés par les forces de la gendarmerie, se sontretrouvés, le 6 février 2009, devant les grillesdu collège Public de Séverac. Après des prisesde parole de membres des collectifs à pro-pos de Base Elève, outil de fichage, et aussides sanctions encourues par les directeurs, cesderniers se sont réunis afin de prendre une

décision commune quant à l’opportunité dese rendre ou non à la formation. Alors qu’ilsétaient en pleine discussion, le principal ducollège leur a annoncé le départ des forma-teurs, et donc, de fait, la formation a été annu-lée… C’est la quatrième en Aveyron. Lemême jour, à 13 H 15 à Rebourguil, puis à 16H 30 à Montlaur, les parents d’élèves ontpénétré dans les bureaux des directeurs, ont“déménagé” les ordinateurs, puis les ont ren-dus aux maires respectifs….

EVALUATION SOUSSURVEILLANCE MILITAIREEN COURS MOYEN 2E ANNÉE

Pendant une semaine, entre le 19 et le 23janvier, l’éducation nationale a procédé auxévaluations des classes de Cours Moyen 2èmeannée (enfants de 10-11 ans). Cette évalua-tion doit remplacer celles qui existaient auxrentrées scolaires en Cours Elémentaire 2(deux ans avant) et en entrée en 6ème dansles collèges. Cette évaluation a été très contes-tée par les instits. En effet, comment peut-onévaluer au mois de janvier les enfants en CM26 mois avant la fin de l’année scolaire ? Deplus, les instits devaient rentrer dans un logi-ciel les résultats de ces évaluations. L’Educa-tion nationale a donc créé un fichier nationalet l’a déclaré ensuite à la CNIL qui doitd’ailleurs donner un de ces quatre matins sonavis consultatif (donc sans conséquenceréelle).

Devant cette résistance, l’Etat n’y est pasallé par quatre chemins. Dans une dizained’écoles de l’Hérault (30) les gendarmes onttéléphoné aux directeurs d’école pour s’assu-rer du bon déroulement des évaluations. Ilsont demandé aux directeurs des écoles de leurfournir le nom des parents qui occupaientéventuellement l’Ecole et l’identité des éven-tuels enseignants qui refusaient de faire pas-ser ces évaluations. Par ailleurs ces mêmesgendarmes étaient présents lors des réunionsd’information et de concertation lors desassemblées générales et des réunions entreune inspectrice et les enseignants. Une écolea même reçu leur visite directe ! Cette pré-sence militaire est justifiée par l’administra-tion par le fait que les enseignants et lesparents s’exposent à des sanctions adminis-tratives et/ou judiciaires en cas de refus decette évaluation.

UNE CAISSE DE SOLIDARITÉAVEC LES ENSEIGNANTS

« DÉSOBÉISSEURS »

Devant les résistances multiples et reven-diquées des instits (voir plus haut mais aussi

les refus de se déclarer individuellement gré-viste avant une grève, les refus de collaborersous au démantèlement du service public, …)les inspections académiques prononcent deplus en plus des sanctions financières.

Pour soutenir les enseignants désobéis-seurs, une caisse de solidarité nationale a étécréée.

Vous pouvez envoyer vos chèques à :Véronique Decker, Ecole Marie Curie,Impasse Emile Zola, 93000 BOBIGNY ;chèques à l’ordre de « Sud Education Cré-teil » (avec la mention au dos : « Soutien auxdésobéisseurs »).

Contact : http://resistancepedago-gique.blog4ever.com

LA DÉLATION À LA SÉCU FONCTIONNE BIEN !

Le 20 janvier 2009, un sans papier estarrivé au Centre de Rétention Administrativede Palaiseau (91). Il avait été arrêté suite àune dénonciation de la Sécurité Sociale d’Ar-pajon (91).

Le 6 février, un autre sans papier est arrivéau CRA de Palaiseau. Il s’était fait arrêterdans les locaux de la Sécu d’Auxerre (89). Ilvenait, suite à une convocation, renouvelerson Aide Médicale d’Etat. Il était accompa-gné d’un responsable d’Emmaüs. La fille auguichet leur a demandé d’attendre un peu letemps qu’elle crée soi-disant le dossier. Ellea alors quitté le guichet et 30 minutes plus tardles flics sont arrivés. La fille de la Sécu leura donné l’original du passeport périmé et lacopie du passeport valide….

CE N’EST PAS DE LA DÉLATIONMAIS DE LA VIGILANCE

CITOYENNE !

Dans une lettre à entête du ministère dela défense, la compagnie de gendarmerie deSarlat (24-Dordogne) a demandé à la popula-tion de la commune de la soutenir. Com-ment ? « En protégeant mieux votre habita-tion » et « en informant rapidement votregendarmerie de tout ce qui vous semble anor-mal ». « Personne ne vous demande de fairede la délation, mais prévenir la gendarmerieest un vrai réflexe de vigilance citoyenne »….« Les gendarmes sont intéressés par les per-sonnes vivant repliées sur elles-mêmes demanière quasi clandestine, les campementsisolés, le passage anormal de véhicules dansdes zones isolées, etc. »…. « Vous pouvezrenseigner la gendarmerie en toute confiance: institution républicaine agissant suivant laloi et respectueuse des droits de tous les

Big Brother

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MARS 2009 11

citoyens, elle sait distinguer les honnêtes gensdes malfaiteurs ».

LES CAF VONT ENCOREMIEUX NOUS FICHER

Les administrateur-trice-s CGT de laCaisse Nationale des Allocations Familialesdénoncent le nouveau logiciel décidé le 3févier par son Conseil d’Administration. «Cet acte intègre de nouvelles données dans lesystème informatique de la CNAF appeléCristal. A sa lecture, on ne peut être qu’inquietde voir l’ensemble des lois et décrets se tra-duire concrètement par plus de 12 pages énu-mérant les données à caractère personnel desallocataires de la branche Famille de la Sécu-rité sociale qui vont désormais y figurer ».

La lutte contre la fraude sert de prétexte àla création de nouvelles bases de donnéess’appuyant sur de nouveaux répertoires natio-naux. En effet les fraudes constatées ne repré-sentent que 0,1% du total des prestations don-nées par la branche famille de la CNAF…

Deux nouveaux répertoires sont en coursde réalisation : le Répertoire National desBénéficiaires (RNB) de prestations verséespar les caisses d’allocations familiales et leRépertoire National Commun de la Protec-tion Sociale (RNCPS). Le RNB est un registreinformatique commun aux 123 CAF deFrance, qui va répertorier l’ensemble des per-sonnes bénéficiant des prestations versées parles caisses. La construction de ce répertoirenécessite une double opération : Attribuer àchaque bénéficiaire un numéro propre et ali-menter un fichier national commun aux 123CAF. C’est, bien évidemment, le numéro deSécurité Sociale (Numéro d’inscription auregistre – NIR) qui a été choisi commenuméro unique d’identifiant. Au 1er janvier2009, le RNB répertoriait déjà 33 millions depersonnes et devrait être parfaitement opéra-tionnel dans le courant de l’année 2010.Quant au RNCPS, il devrait ficher l’ensembledes bénéficiaires des prestations et avantagesde toute nature. Il s’agira d’un fichier uniquedes assurés, commun aux organismes chargésd’un régime obligatoire de la sécurité sociale(famille, maladie, vieillesse, accidents du tra-vail et maladies professionnelles), aux orga-nismes de recouvrement, à Pôle emploi et auxcaisses assurant le service des congés payés… soit une soixantaine d’organismes impli-qués.

C’est ainsi qu’il est prévu d’étendre lecontenu des échanges entre la CAF et les ser-vices fiscaux. Jusqu’à maintenant la CAFrecevait les données personnelles des revenusde ses allocataires et, pour 2009, la CAF aura

aussi accès aux informations sur le foyer fis-cal, les personnes à charge et sur le logement.Il est prévu aussi de mettre en place unéchange avec Pôle emploi afin de contrôlerles déclarations de revenus faites par les futursbénéficiaires du Revenu Social d’Activité(RSA). D’autre part, les CAF portent uneattention particulière aux courriers dits «NPAI » (N’habites pas à l’adresse indiquée).Pour cela, elles procèdent à des vérificationsauprès d’EDF et de la Poste. Il faut savoir quela Poste peut leur fournir un fichier des NPAImis à jour régulièrement ainsi qu’un fichierdes personnes ayant demandé une réexpédi-tion temporaire ou définitive de leur courrier.

Pour plus amples informations :http://www.ldhtoulon.net

UN FICHAGE DES PAUVRES

Chaque département utilise une base dedonnées IODAS ou l’équivalent. Pour l’ins-tant, chaque Conseil Général l’utilise commeil l’entend et n’active pas forcément lesmêmes champs. Mais à terme, il existe bienévidemment un risque d’uniformisation pou-vant simplifier l’interconnexion des fichierspermettant ainsi de suivre les usagers s’ilschangent de département.

Dans l’Isère, le Collectif Unitaire Anti-Délation (CUAD 38) continue de se battre enautres contre le fichage informatique de l’ac-tion sociale du Conseil Général. En effet, dansce département, comme dans très certaine-ment beaucoup d’autres, les éléments per-sonnels (problèmes financiers, familiaux, desanté…) de toutes les personnes demandantune aide financière ou subissant une enquêtesociale sont entrées dans la base IODASconsultable par des centaines de personnes !Si un usager refuse l’informatisation de sademande, elle ne sera même pas instruite…

A noter que dans ce département les A.S.ont obtenu la suspension des entrées danscette base de données de tous les usagers pas-sant la porte d’un centre social pour n’importequelle demande. Mais il ne s’agit que d’unesuspension…

TRAÇAGE DES USAGERSEN RÉGION PARISIENNE

Depuis le 1er février, la carte Orange adisparu au profit d’un passe Navigo qui donneaccès à l’ensemble des transports publics enIle de France (métro, RER, bus, tramways).Ce passe permet grâce à une puce RFID de «tracer » les usagers. C’est ainsi que les dates,heures et lieux de passage de chaque abonnésont connus et conservés 48 heures. Il est pos-sible d’éviter ce traçage , à condition de le

savoir et de payer plus son passe.Dans l’édition du 29 janvier du quotidien

gratuit « Direct Matin », une pleine page depublicité a remplacé un article qui exposaitcomment la RATP exploite les données dupasse Navigo à des fins commerciales. Cettecensure s’explique tout naturellement par lefait que l’éditeur de ce gratuit n’est autre quele groupe Bolloré qui a signé avec la RATPun partenariat lui permettant de distribuer sesgratuits à l’intérieur du réseau RATP...

UNE CAMÉRADE VIDÉOSURVEILLANCE

POUR 12 HABITANTS !

A Baudinard (haut-Var- 83), 146 habi-tants, il y a des caméras placées dans la rueprincipale, devant l’église, au cimetière, aubelvédère, sur les courts de tennis et bientôtdans la future déchèterie. Cela représente uninvestissement de 60 000 euros qui inclusaussi les alarmes installées en mairie, à la salledes associations, la salle polyvalente, aux ate-liers communaux et à l’église. Tout ça pourattraper… un chien qui fait ses besoins sur letrottoir, un enfant qui joue au tennis sanspayer et un client du bistrot du pays qui étaitparti sans payer… Quelle tristesse !

MÊME EMMAÜS…

Le 17 février, les locaux de la commu-nauté Emmaüs de Marseille ont été perquisi-tionnés par la police. Elle venait y prendre les« dossiers des compagnons ayant des nomsà consonance étrangère »…

PETITE MISE AU POINTCONCERNANT LE 31 JANVIER…

Le bouclage de CA du mois de févrierayant eu lieu le soir même, le compte rendudes événements qui se sont déroulés ce jour-là s’en est trouvé incomplet. Si la manif pourles gens de Tarnac et contre la politique sécu-ritaire s’est bien déroulée sans incidentnotable, il n’en est pas du tout allé de mêmeensuite, car non seulement les personnes quise sont attardées sur la place de Denfert en finde manif étaient attendues par les flics dèsleur descente dans le métro-RER, mais encorele chemin jusqu’au rassemblement prévu aucentre de rétention de Vincennes a été balisépar les képis et lacrymos, et au total une quin-zaine d’interpellations ont été opérées par lapolice dans la nuit.

V

Brother

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COURANT ALTERNATIF12

Depuis quelques années, touteune série de luttes contre les tech-nologies se sont développées sansforcément se nommer commetelles. On pense d'abord au combatcontre les organismes génétique-ment modifiés (OGM). Descraintes, des peurs parfois, ame-nées par des innovations qu'onnous présente toujours comme unprogrès, pour nous bien sûr. Unerupture historique dans lacroyance en ce progrès inéluctableet toujours positif s'est donc opé-rée.

On avait déjà connu des résistancescontre le nucléaire, mais celui-ciavait surtout le désavantage -

contrairement aux OGM - d'être associé àl'armée en pleine Guerre Froide qui s'équi-pait de la bombe A. Plus récemment, et plusmodestement, le démontage d'uneantenne-relais sur demande de riverainsdans la région de Lyon est l'iceberg émergéde multiples luttes contre ces antennes pré-vues essentiellement pour qu'on puissetéléphoner à toutes heures et en tous lieux.Ce sont aussi dans des lycées le refus debornes de contrôle biométrique - parempreinte de la main - pour aller mangerà la cantine. Mais ce sont aussi les profes-seurs, élèves et parents qui se sont oppo-sés au fichier informatique « base élève »qui permettait de renseigner 59 champsd'informations sur chaque enfant ! On aaussi en tête les luttes contre la vidéosur-veillance, luttes contre le wi-fi dans lesbibliothèques, le refus du puçage des mou-tons de la part de certains éleveurs, bref, demultiples résistances partielles qui témoi-gnent d'inquiétudes face à une idéologie duprogrès qui rime avec mieux-être… du pro-fit surtout. Le boom de l'agriculture bio à lafin des années 1990 est bien un refus de laproductivité grâce aux engrais et autrestrouvailles chimiques censées nous nour-rir plus facilement. L'enjeu de ces pro-chaines années est bien de réussir à asso-cier à la question écologique la questiontechnologique, pour refuser toutes lesprouesses innovantes - moteur à eau, éner-gie non polluante - qu'on voudra nousimposer pour soi-disant sortir de l'impasseenvironnementale dans laquelle noussommes. Le forum ICTF est bien le symboled'une industrie qui cherche à imposer plusque sa technologie, un mode de vie.

Mi-juin, à Marseille se tiendra le pre-mier forum ICTF ce qui signifie en anglais

International Contactless TechnologiesForum, et plus clairement en français,forum des technologies du « sans contact».

Depuis quelques années, la région Pro-vence Alpes Côte d'Azur s'est dotée en 2005d'un « pôle de compétitivité » (réseau d'en-treprise et de laboratoires de recherche sou-tenus par les pouvoirs publics) dans ledomaine des Technologies de l'informationet de la communication (TIC). D'ambitionmondiale, il s'appuie sur les implantationsdes usines de géants mondiaux de la micro-électronique en pays d'Aix (Atmel, STMi-croelectronics) et de nombreuses startupdans le domaine, sur les industries du logi-ciel et du multimédia à Marseille, et surl'histoire longue du technopole de SophiaAntipolis dans les Alpes maritimes, four-millant de boîtes expertes en télécommu-nications. Derrière les activités portuaires,les TIC représentent le secteur d'activitéindustriel le plus important en Paca.

Son orientation stratégique est tournéevers la convergence de ces quatre techno-logies : le travail du silicium avec la micro-électronique, le logiciel et les télécommu-nications qui rendent les puces / objetscommunicants, enfin le développement decontenu, avec le multimédia.

Dénommé «Solutions communicantessécurisées » (SCS), ce pôle de compétitivitéa vocation à booster l'innovation technolo-gique et un de ses domaines d'excellencesont les technologies dites « sans contact »,notamment la RFID. Les technologies sanscontact sont la phase « aval », proche dumarché, de la convergence des 4 métiers deSCS.

À ce titre, le pôle SCS héberge le Centre

national de référence RFID dans la ville deRousset, dispose d'entreprises sur l'en-semble de la chaîne de construction despuces communicantes (« du silicium auxusages » selon leur slogan) et va organiseren juin 2009 le salon ICTF à Marseille, salonmondial de référence dans le domaine, quiva mêler expertises scientifiques et indus-trielles, avec stands d'entreprises et forums.

S'appuyant sur les thématiques de laconnectivité, de l'identité, de la traçabilitéet la mobilité, le marketing de SCS adresseprincipalement les marchés du sécuritaire,de la fraude, du contrôle des déplacements,voire de la spéculation foncière, mais aussiaujourd'hui de la technosanté (créationd'un centre d'innovation d'usage au CHUde Nice - des chambres d'hôpital expéri-mentales, avec de vrais malades « volon-taires », bourrées de matériel communi-cant). Sur ce dernier point, l'automatisationde l'hospitalisation à domicile est un desaxes porteurs de la technosanté, face aumanque de place dans les structures hos-pitalières et la non-disponibilité desproches.

Un monde « sans contact » qui s'appuiesur l'absence de lien social... drôle depirouette qui en dit long sur « le futur plussûr ».

À Grenoble, un collectif comme Pièce etmain d'œuvre (PMO - www.piecesetmain-doeuvre.com) est connu pour alimenter lacritique et la résistance à la tyrannie tech-nologique, en luttant notamment contre ledéveloppement du pôle Minatec à Grenoble(micro et nanotechnologies), lui-même unélément d'un plus vaste pôle, Minalogic.

PMO est l'auteur d'un ouvrage RFID : lapolice totale Puces intelligentes et mou-chardage électronique (éd. L'échappée) : «Hors des laboratoires, des services vétéri-naires et de logistique, peu de gensconnaissent les RFID (Radio FrequencyIdentification), aussi nommées “étiquettesélectroniques”, “intelligentes”, “smart tags”,“transpondeurs”, “puces à radiofré-quences”. Ces mouchards, nés durant laSeconde Guerre mondiale, vont bientôtsupplanter les codesbarres dans les objetsde consommation, puis envahir les ani-maux, les titres de transport et d'identité,les livres des bibliothèques, les arbres desvilles et finalement les êtres humains àl'aide de puces souscutanées : voici venu letemps du marquage électronique universelet obligatoire. Bientôt il sera criminel d'ex-traire de son corps sa puce d'identité. -Avezvous quelque chose à vous repro-cher? »

Richard Lupec (OLS)

Technologie

Une vie « sans contact »

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MARS 2009 13

Externalisation,sous-traitance

& prestation sont lesmamelles de la

tranquillité… des patrons

Il fut un temps où toutes les acti-vités au sein d'une sociétéétaient occupées par des

employé(e)s de cette même entre-prise. Maintenant dans la majoritédes corps de métiers, BTP, indus-trie, énergie, éducation etc., unemultitude d'entreprises se répar-tissent le boulot par spécialités. Lesraisons de ce saucissonnage sontmultiples. Une des principalesétant bien-entendu de diviser lessalarié(e)s. Refiler les tâches lesplus dangereuses à des petitesboîtes qui se démerderont en casd'accident, leur laisser le soin degérer l'utilisation de sans-papier(e)s est également très sédui-sant. D'un point de vue flexibilité,la sous-traitance des services a unavantage incontestable. Avoirrecours à des sociétés de presta-tions est beaucoup moins contrai-gnant pour un patron qu'embau-cher un CDD ou un CDI. De plus,une entreprise sous-traitante peutêtre régulièrement remise enconcurrence ce qui permet de rené-gocier les contrats à la baisse. Enfinles velléités de revendications,débrayages ou grèves sontmoindres quand on se retrouve à10 prestataires (prestas) sur un sitede 4000 personnes…

Ainsi, au fil des ans, un grandnombre de sociétés se sont déles-tées des activités jugées non-essentielles ou non-productives.C'est l'externalisation. Pour cer-taines entreprises, cette dislocationne s'est pas cantonnée aux activi-tés non-stratégiques, contre toutelogique elle en a également touchéle cœur de métier.

Savoir-faire contre savoir-faire-faire.

Quand EDF préserve ce qu'elleconsidère comme son savoir-faireet sous-traite les taches mortifèresdans les centrales nucléaires, on aenvie de gerber ; Mais dans lalogique cynique et obscène de l'in-dustrie de l'atome, cela reste cohé-rent. D'un point de vue profession-nel, ce qui est plus troublant c'estle démantèlement de l'outil indus-triel tel qu'il a pu être opéré par lesconstructeurs automobiles fran-çais. Particulièrement chez Renaultqui est passé en moins d'un demi-siècle d'une entreprise capable decréer des produits quasiment de Aà Z à un statut de donneur d'ordres.Pour bien comprendre ce quereprésente la sous-traitance pour lasociété Renault, il suffirait de dres-ser une liste des secteurs dont elles'est en partie ou complètementdéfaussée : Concessionnaires etgarages, design, Conception, fabri-cation, gestion des bâtiments,magasins internes, la liste seraittrop longue, la construction et lacommercialisation d'une bagnolefaisant appel à moult corps demétiers. Passons rapidement surles emplois de structures regrou-pant les pontes et décideurs entous genres, les nombreux servicesfinanciers, les ressourceshumaines, les achats de toutessortes (foncier, machines-outils,matériels, pièces, prestations) etc.Soyons clairs, ces services repré-sentent maintenant LE secteurstratégique de Renault ; Ici, peu desous-traitance, si besoin on faitappel à l'intérim. Passées ausecond plan, la conception et lafabrication de véhicules. Dès le pre-mier trait de crayon on à recours àla sous-traitance. Pour concevoir unmoteur il faut faire appel à desexperts en combustion, en méca-

niques des fluides, en étanchéité ettouts autres types de spécialitésexotiques… Mais cela fait long-temps que la politique Renault estde se débarrasser des spécialistes.Alors hop, on fait venir les pres-tas… J'en connais qui bossent chezRenault à plein temps depuis desannées. Une fois que ces cadors ontdéterminé les caractéristiques dumoteur, les concepteurs (dessina-teurs) entrent dans la danse… Maismon brave monsieur, des dessina-teurs estampillés du losange, il n'yen a plus guère. Et l'on a égalementpris soin de faire en sorte que cespersonnes ne se spécialisent pas.Alors presta.

Bon, à ce stade du projet, seulela matière grise a été mise enbranle. C'est alors qu'on « lance lesconsultations ». La société Renaultqui a externalisé quasiment toutesses activités - Emboutissage, fon-derie (2), forge, plasturgie, optiques(phares), sellerie (sièges) etc.- n'estcapable de réaliser qu'une infimepartie des pièces constituant lesvéhicules qu'elle produit. Onconsulte donc les fournisseurs quidevront réaliser ces pièces auxcahiers des charges draconiens aumeilleur prix et dans les meilleursdélais.

L'intervention des cost killers

Avec l'externalisation et ledémantèlement des grandsgroupes industriels, une catégoriede personnels s'est beaucoup déve-loppée : Celle des acheteurs etacheteuses. Ces cost killers sont lebras armé d'une machine impi-toyable. Leur but est d'acheter àmoindre coût, leur moyen est lamise en concurrence avec dessociétés basées dans les pays« émergents », les conséquences deleur action sont les délocalisations.

Chez Renault on achète detout, on retrouve donc ces costkillers dans tous les domaines, dupapier hygiénique aux usines clé enmain. Pour illustrer la façon de tra-vailler de ces gens, je prendrai 2pièces simples comme exemples :

L'enjoliveur moteur ou cache destyle. Si vous ouvrez un capot, vousne pourrez louper cette pièce enplastique censée cacher la misèreen couvrant le moteur. Renault ne

produisant aucune pièce en plas-tique, il faut trouver un sous-trai-tant plasturgiste pour fabriquer etlivrer ces enjoliveurs dans lesquantités annuelles demandées.

• Etape 1 : Consultation d'unpanel de fournisseurs constitué desous-traitants dits HCC (3), basésen France, Espagne, Allemagne ouautre pays d'Europe de l'Ouest.Sont ajoutés à ce panel des four-nisseurs dits LCC (4), basés dans lespays à bas coûts comme le Portu-gal, la Turquie, l'Inde, la Chine, laCorée etc.

• Etape 2 : Les fournisseursconsultés remettent leurs copies.Les offres de prix remises par lesfournisseurs LCC servent de lièvresaux fournisseurs HCC.

• Schématiquement, Pour obte-nir le marché, un fournisseur doitproposer l'enjoliveur à un prix cor-respondant à ce que Renault consi-dère juste de payer (!). Les fournis-seurs HCC sont déjà mal barrés carle prix de pièce estimé par leconstructeur l'est toujours sur desbases LCC (5). Autre handicap, lesprimes annuelles des cost killers etde leurs chefs sont proportion-nelles au pourcentage de fournis-seurs exotiques affectés (6).

•Etape 3 : La négociation (négo).Même pour Renault, choisir d'em-blée un fournisseur LCC c'est unpeu l'aventure, qu'à cela ne tienne,autant faire en sorte que ce soit lefournisseur qui s'y colle. Les four-nisseurs HCC dont la technicité, laqualité des produits et la réactivitésont quand même reconnus n'ontqu'à ouvrir des sites de productiondans des pays à bas coûts (pas for-cément en Azerbaïdjan). Soyonshonnêtes, nombre de ces fournis-seurs qui se sont installés dans despays lointains n'ont pas attenduque les constructeurs automobilesle leur demande. Les patrons desfirmes automobiles n'ont pas lemonopole de la course au profitmaxi. Maintenant, ceux qui secroyaient plus malins que lesautres en vendant au prix fort despièces manufacturées à moindrecout en LCC deviennent les din-dons de la farce car les construc-teurs demandent leur part dugâteau. Illustration : C'est commesi, alors que la firme fabriquant vosjeans préférés vient de délocaliser,vous demandiez à votre revendeurde déduire de la valeur dudit pan-

business

Délocalisations : Renault & PSAresponsables et coupablesAu fur et a mesure des années, Renault et Peugeot Citroën(PSA) ont outrageusement externalisé, délocalisé, fermédes sites et licencié. Aujourd'hui, alors que pour les sala-rié(e)s rescapé(e)s de ces entreprises cela sent franchementle roussi, chez les fournisseurs c'est l'hécatombe (1). Lafaute à qui ? Une fois de plus LEUR crise a bon dos. Si tousles sous-traitants de la filière automobile se cassent lafigure les uns après les autres c'est surtout à cause d'unepolitique agressive des constructeurs à l'encontre de ceuxqu'il est devenu inadéquat d'appeler leurs partenaires.

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talon l'écart entre le produit initia-lement manufacturé en France etcelui fabriqué au Maroc…Vousvous feriez rire au nez non ? Et bienpas Renault ni PSA. Bref, dans le casqui nous intéresse, le mieux seraitque notre enjoliveur soit fabriquépar un fournisseur occidental(bureau d'études en Europe, pas deproblèmes de langue, de normes,de transmission des données infor-matiques etc.) qui possède un sitede production en LCC. Si notrefournisseur occidental est peuenclin à l'exotisme, on le pousse unpeu du coude pour qu'il envisageau plus tôt une délocalisation (7). Simalgré la force de conviction descost killers, pour une raison (mau-vaise évidemment) ou pour uneautre, le(s) fournisseur(s) pres-senti(s) ne propose(nt) pas de scé-nario LCC, on peut se rattraper surles investissements.

• Etape 4 : Dans le monde del'automobile, les investissementsspécifiques nécessaires à la réali-sation des pièces achetées sont lapropriété du constructeur. Dans lecas présent, il s'agit en particulierdu moule. Les fabricants de cesoutillages sont appelés rang 2 (four-nisseur du fournisseur de rang 1,l'interlocuteur du constructeur)Ainsi, la négo est menée sur 2tableaux : Le prix de pièce et le prixdes outillages. Le constructeur estgagnant en tous points s'il obtientde son fournisseur de rang 1 qu'ilproduise en LCC et qu'il fasse faireses outillages idem. Mais toutes lescombinaisons sont possibles, l'es-sentiel étant pour les cost killersqu'apparaisse dans l'offre du four-nisseur retenu le graal LCC. Ainsi ilexiste chez Renault des équipes decost killers dits vendor tooling (8) dontle but premier est de négocier lesoutillages. Il est de leur attributiond'inciter (le mot est faible) les four-nisseurs de rang 1 à acheter leursoutillages à des rangs 2 basés enLCC.

• Nota : Il ne vous a paséchappé que les fournisseurs LCCont disparu en chemin… Ce n'estque partie remise. Une fois qu'onles a bien fait marner sur leursoffres (on négocie naturellement àla baisse aussi avec ces fournis-seurs) sans réelle intention de lesaffecter, qu'ils ont bien servi delièvres, on les met de coté. Etquand notre enjoliveur aura étéproduit quelques années par lefournisseur dit développeur (9) etqu'il n'y aura plus de problèmes demise au point, le constructeur déci-dera de ressourcer, c'est-à-dire qu'ilremettra en concurrence les four-nisseurs comme on l'a vu plus haut

avec les prestataires mais cettefois-ci avec une pièce complète-ment définie, sans aucune surpriseet sur laquelle plus aucun dévelop-pement n'est nécessaire. C'est làque nos fournisseurs LCC dits decopy part (pièces copiées) sont sus-ceptibles d'être affectés au granddam du fournisseur initial qui s'esttapé (au rabais) les études, le déve-loppement, les essais, les mises aupoint, les investissements et leséventuelles acquisitions de sites enLCC. Ça valait le coup. On ne va ver-ser de larmes sur les pôvrespatrons de ces sociétés mais il fautreconnaître que le procédé estquelque peu cavalier.

• Etape 5 : Le fournisseur estenfin choisi. Oh joie…de courtedurée. Durant les trois ans enmoyenne qui séparent la consulta-tion de la livraison de la premièrepièce série, notre enjoliveur enplastoc quelconque et de formebasique et devenu une pièce toutebiscornue en matériau super noble,résistant aux chocs frontaux avecrhinocéros et aux explosionsnucléaires. Ajoutons à cela qu'il adoublé de volume et qu'avec unpeu de chance on lui a rajoutéquelques fonctions supplémen-taires. Le fournisseur qui a déjàtoutes les peines à se faire payer entemps et en heure, doit souvents'assoir sur les frais supplémen-taires dus à ces évolutions. Une foisde plus, le constructeur gagne surtous les tableaux.

• Etape 6 : Le renouvellementdes outillages. Quand le moule denotre enjoliveur est usé, il faut enfaire fabriquer un nouveau. C'est làque la stratégie LCC se fait pluspressante encore. Ci-après desextraits d'un courrier adressé le 07janvier 2009 aux sous-traitantsémanant des cost killers en chef deRenault : « Lors de notre conventionVendor Tooling du 1er octobre 2008,nous vous avons exposé nos besoins etnotre volonté de réduire les investisse-ments, en utilisant entre autres, unestratégie LCC plus offensive. Le renou-vellement des outils existants est unedes meilleures opportunités à initier ouà renforcer dans la stratégie LCC. Eneffet, il présente un risque limité entermes de délai et de qualité. Par consé-quent, nous vous demandons de bienvouloir piloter la réduction des inves-tissements de ces outillages à renou-veler via votre stratégie LCC offensive» (10). Renault n'y va pas par quatrechemins, plus loin sont mention-nés la Corée, la Chine et l'Inde.Dont acte.

La pompe à huile. Pour ce secondexemple, le processus est rigoureu-

sement le même que ci-dessus. Ladifférence étant que l'on fait iciappel à des équipementiers.Qu'est-ce donc que cette espèce-là? Les équipementiers sont des four-nisseurs (rang 1) qui développentcomplètement le produit. Les pro-duits pour lesquels on fait appel àces multinationales - turbos, potscatalytiques, pompes à huile ou àeau, etc. - sont tellement spéci-fiques et demandent un tel savoir-faire que les constructeurs ne met-tent pas le nez dedans. Parmi lesplus connus, on trouve BOSCH,VALEO, FAURECIA, DELPHI ouCONTINENTAL. Ces firmes sonttrès solides techniquement et res-pectées à ce titre. Economique-ment, elles s'en sortent mieux queles autres. C'est pourquoi elles nes'en laissent pas trop conter par lesconstructeurs automobiles. Cesmultinationales ont des sites à peuprès partout dans le monde et choi-sissent elles-mêmes l'usine oùelles comptent produire ou assem-bler la pièce pour laquelle elles sontconsultées. Evidemment le LCC n'apas de secret pour elles. Leur corpsde métier étant la conception de Aà Z et éventuellement l'assem-blage, les équipementiers - four-nisseurs de rangs 1- se fournissenteux-mêmes chez des fondeurs,emboutisseurs, plasturgistes etautres transformateurs qui, pour lecoup, deviennent des rangs 2 pourle constructeur automobile.Comme on l'a vu plus haut, cesrangs 2 ont eux-mêmes des four-nisseurs, les rangs 3 qui pourrontfaire faire les parties non nobles deleurs outillages chez des rangs 4. Etainsi de suite… Vous suivez ? Quelque soit le nombre de maillons quecompte cette chaine, les cost killers& vendor tooling n'auront de cessed'inciter les équipementiers à trou-ver leurs fournisseurs en LCC.

Mais ne vous y trompez pas,aux yeux de Renault ou PSA, il nes'agit pas ici de délocalisation.

Le LCC est mort,vive le LCC.

On vous l'a dit à la radio et à latélé : La délocalisation, c'est mal.Alors les journaleux, relayés par lespolitichiens n'arrêtent pas de ques-tionner, de sermonner, voir demenacer le pôvre Carlos Ghosn surce sujet. Il est vrai qu'en ce quiconcerne la firme au losange, celatourne à la monomanie…Les diri-geants de Renault se plaignentd'être systématiquement dans l'œildu cyclone mais l'état possédantentre 15 et 18 % des actions de cette

société, n'est-il pas un peu légitimeque cette dernière rende descomptes. D'autant que la délocali-sation a été élevée par Renault aurang de discipline olympique. Der-nier épisode et non des moindres,le gouvernement français a signéavec les constructeurs automobilesun "pacte" qui leur accorde six mil-liards d'euros de prêts à 6% surcinq ans en contrepartie d'engage-ments sur l'emploi. Les deuxconstructeurs français, Renault etPSA se partageront à part égalecette aide conditionnelle, assortied'un « code de performance et debonnes pratiques ». Ce pacte remeten cause plusieurs pratiques délé-tères en vigueur dans l'industrieautomobile française. Ainsi sontabordés entre-autre les délais depaiement, la rétribution des fraisd'études et les objectifs LCC. Sur cepoint, voici ce qui est écrit : « Leclient s'interdit d'exiger qu'unepart minimale des productions dufournisseur ou sous-traitant, ou deses achats soit réalisée dans despays à bas coût sans justificationéconomique objective fondée sur leprix rendu. En particulier, le clients'interdit d'utiliser un critère relatifà une telle part minimale dans sesprocessus internes d'évaluation etde définition des rémunérationsfixes et variables de ses collabora-teurs. » Ce programme, s'il était res-pecté, serait une mini-révolutionchez Renault. Madame Lagarde,Monsieur Chatel (11), au 27 février2009, je peux vous garantir que surce point, la seule chose qui aitchangé chez Renault c'est l'utilisa-tion du terme MCM (MeilleureCompétitivité Mondiale) à la placede LCC devenu non grata. On n'ar-rête pas le progrès.

C'est promis, Renault ne délo-calisera pas.

Les dirigeants de Renault etPSA peuvent bien affirmer la mainsur le cœur et des trémolos dans lavoix qu'ils ne délocaliseront pas,comme on l'a vu ils font fi des pro-messes et des pactes. La descrip-tion ci-dessus du processus achatsn'a pas pour but de vous familiari-ser avec le monde merveilleux ducommerce. Elle démontre que sices deux constructeurs n'envisa-gent pas officiellement de ferme-tures d'usines en France, par leurattitude agressive voire guerrière àl'encontre de leurs sous-traitants(n'est-il pas question de stratégie,d'offensive) ils sont grandementresponsables des délocalisations,des dépôts de bilans en cascadesdans l'industrie automobile hexa-gonale et, par contrecoup, de la

businessbusiness

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Entreprise, où es-tu?

Déjà, savoir ce qu’est uneentreprise n’est en réalitépas si simple. Restons dans

l’automobile par exemple. A votreavis, combien de salariés tra-vaillent à P.S.A. (Peugeot SociétéAnonyme)? Vous ne savez pastrès bien, mais vous pensez enmilliers? Vous avez tout faux.P.S.A. compte environ 400 sala-riés... C’est que P.S.A. n’est que lasociété mère de Peugeot. Toutesles usines Peugeot et Citroën nesont que des filiales, c’est-à-diredes sociétés juridiquement dis-tinctes. Peugeot, comme toutesles grandes entreprises, est ungroupe, c’est-à-dire qu’il y a unesociété mère qui contrôle unensemble de filiales. A chaquefiliale son Comité d’Entreprise (sielle est assez grande), éventuelle-ment son accord d’entreprise,

voire sa Convention Collective...De bagarres en bagarres, les syn-dicats ont fini par obtenir desC.C.E. (comités centraux d’entre-prises), mais les représentantsaux C.C.E. sont forcément éloi-gnés de la base, de plus en plusbureaucratiques au fur et àmesure que la taille du groupeaugmente.

Donc, a priori, un groupe estreconnu et ses salariés doiventavoir à peu près des avantagessociaux comparables. Il devientdonc important de connaître lesfrontières de l’entreprise, c’est-à-dire du groupe. Il faut donc regar-der les participations financières.Si on prend les sociétés dont100% du capital est détenu parP.S.A. (Peugot Citroën Automo-biles, Automobiles Citroën, Auto-mobiles Peugeot, Société Ano-nyme de RéassuranceLuxembourgeoise, ...), pas de

souci, elles font bien partie dugroupe. Pourquoi avoir des socié-tés distinctes dont on possède100% du capital, me direz-vous?Pas seulement pour diviser pourmieux régner, mais aussi parceque chaque société est une entitéofficiellement autonome. Si Peu-geot Motocycles dépose son bilan,c’est Peugeot Motocycles qui estresponsable des dettes, pas P.S.A.,c’est Peugeot Motocycles quiassumera le plan social, etc... SiP.S.A. est majoritaire dans le capi-tal, c’est-à-dire ne possède pastout et a trouvé des hommes d’af-faires, banques ou fonds de pen-sion que ça intéressait de deveniractionnaires et donc de mettre del’argent sur la table (Faurecia ouP.S.A. Finances par exemple), onconsidère encore que ces sociétésfont partie du groupe.

Mais si P.S.A. a une participa-tion minoritaire (possède moinsde 50% du capital)? Rien n’obligeà faire paraître dans les comptesofficiels ces sociétés commeappartenant au groupe. En réalité,tout dépend de la structure ducapital. Si on a convaincu plein depetits épargnants d’investir, siaucun actionnaire ne possèdeplus de 5% du capital et que P.S.A.en possède 20%, il est clair quec’est P.S.A. qui dirige, qui nommele P.D.G., etc... Mais officiellement,la société est indépendante, etP.S.A. n’est pas engagé.

Imaginons maintenant uneentreprise moyenne, familialepour faire bien traditionnel, dontle gérant n’est autre que le petitfils du fondateur. Rien à voir avecP.S.A. Sauf que plus de 50% de sonchiffre d’affaires vient de P.S.A. De

fait, cette entreprise est dépen-dante de P.S.A., on peut en réalitéla considérer comme une filiale,mais totalement à ses risques etpérils cette fois-ci. Il faut savoirque dans l’industrie une propor-tion très importante de P.M.E. estdans cette situation. Surtout si onconsidère qu’avec même seule-ment 30 ou 40% de son chiffred’affaires avec un seul client, unepetite entreprise est virtuelle-ment en faillite si le groupe enquestion interrompt brutalementses commandes.

De fait donc, les entreprisessont des galaxies de société, avecdes contrôles en cascade, lasociété mère contrôle des filialesqui contrôlent elles-mêmesd’autres filiales, etc. Ce contrôlepeut-être total, partiel, ou sim-plement un rapport de forces enfaveur des grandes entreprises audétriment des petites. En réalité,un salarié ne sait pas toujours quiest son employeur, ou plusexactement qui dirige sonemployeur.

Or nous vivons dans un« monde libre », c’est-à-dire plusexactement dans un monde où lecapital a la liberté de circuler. Rienn’oblige la société mère à êtresituée dans le même pays que sesfiliales. Rien ne l’oblige non plus às’approvisionner à l’intérieur deses frontières nationales. Vousreprenez depuis le début, vous yrajoutez que des frontièresphysiques traversent ces galaxies,et vous essayez ensuite de m’ex-pliquer ce qui est une délocalisa-tion et ce qui n’en est pas....

Mais dans ce « monde libre »,les frontières n’ont pas été abolies

Un monde bien compliqué

businessmise à la rue de milliers de sala-rié(e)s.

O Cangaceiro

(1) Pour constater l'ampleur des dégâts,je vous engage, si vous avez le moral, àtaper sur votre moteur de rechercheinternet : Mediapart : la carte de la crisesociale.(2) Il reste encore en France l'usine deFlins où certaines pièces de carrosseriesont embouties. Pour la fonderie, outrela fonderie Dacia en Roumanie etl'usine du Mans, le groupe Renault aréintégré la fonderie de Cléon en avril2008 par le biais de la SOFIMIN, unefiliale détenue à 100 % par Renault SAS.Ça sent le montage financier à pleinnez… Pour rappel, la fonderie de Cléonavait été externalisée en 1999.(3) HCC : High Cost Country.

(4) LCC (vous avez lu les CA n°178 & 187ou pas ?) : Low Cost Country. Répartisen soft LCC (Portugal, Turquie, Rouma-nie…) et hard LCC (Inde, Chine, Coréedu sud). On verra plus loin que ce termeest en passe de devenir caduc.(5) Grosso-modo, dans le prix de votrepièce vous avez :=> la valeur matière (ici du plastique)sensiblement identique quel que soit lelieu de production. Là tout le monde està égalité.=> Les consommations : Parc machine,énergie, composants divers. Ces Coutsne sont pas forcément moindres enLCC.=> La valeur ajoutée : Principalementcomposée de la main d'œuvre. Inutilede dire que c'est sur ce poste que lesfournisseurs LCC sont inégalables.(6) Conséquence des états généraux del'automobile, ce critère ne doit plus êtreutilisé dans le processus d'évaluation

des salarié(e)s... Mais cela reste trèsthéorique.(7) Entre le moment de la consultationdes fournisseurs et la livraison de lapremière pièce série, il s'écouleapproximativement 3 ans, ce qui laisseà une entreprise le temps de travaillerconjointement au développement duproduit sur son site de production ini-tial ainsi qu'à l'acquisition et l'organi-sation d'un site en LCC, perspectiveséduisante pour le client. Quand cenouveau site sera prêt, allez hop ondélocalise et tout le monde estcontent… Sauf les salarié(e)s.(8) Traduction impossible. Disons Ache-teur d'outillages.(9) Schématiquement un fournisseurest développeur s'il a la possibilité defaire l'étude de la pièce puisque,comme expliqué plus haut, lesconstructeurs automobiles n'ont plusles concepteurs capables de le faire.

Pour accéder à ce titre, il faut avoir lebureau d'études adéquat (bonneconnaissance du produit, concepteursparlant une langue connue et capableséventuellement de venir travailler « sursite »), des moyens d'essais et decontrôles maousse etc. Bref, ça ne faitpas plaisir à tout le monde mais lesdéveloppeurs sont majoritairement desfournisseurs occidentaux… Donc chers.D'aucuns diront que la qualité doit sepayer mais ceux-là ne comprennentrien au riant monde de l'automobile.(10) On remarquera la syntaxe approxi-mative… Probablement LCC.(11) Secrétaire d'État chargé de l'indus-trie et de la consommation. Cosigna-taire avec C. Lagarde du « Code de per-formance et de bonnes pratiques relatifà la relation client-fournisseur au seinde la filière et de la construction auto-mobile ».

Donc, promis, juré, les industriels qui vont être aidés nedélocaliseront plus... Ils l’ont juré la main sur le coeur. Et ilsvont certainement tenir leur promesse. Car ça veut dire quoi,délocaliser, et surtout ne pas délocaliser ??? Quand Renaultrachète Dacia, une entreprise roumaine, ce n’est pas de la délo-calisation, c’est un investissement à l’étranger. Et s’il rachètecette usine, ce n’est pas pour la fermer, ni pour y envoyer sespropres salariés avec des salaires d’expatriés évidemment.Mais si Renault possède des usines en Roumanie qui emploientdes ouvriers roumains, il est normal qu’il y produise desbagnoles. Renault ne rachète pas Dacia seulement pour pro-duire des Dacia, il rachète Dacia aussi pour produire desRenault en Roumanie. Donc, des ouvriers roumains en Rou-manie produisent des Renault qui seront achetés par ceux quine sont pas encore licenciés en France, mais ce n’est pas de ladélocalisation. Vous me suivez?

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COURANT ALTERNATIF16

pour autant. Les législationsrestent nationales, les sourcesstatistiques aussi. Chaque Etatcompte sa richesse à l’intérieurde ses frontières, nombre d’en-treprises, valeur ajoutée, et nom-bre de salariés. Chaque Etats’enorgueillit de ses exportationset tâche de limiter ses importa-tions. Aucun ne précise dans sesexportations la part qui corre-spond à du commerce entre fil-iales d’un même groupe. D’aprèscertains, mais les chiffres restenttrès opaques, ce type de com-merce représenterait plus de lamoitié du commerce mondial.Engénéral, les entreprises les plusexportatrices sont aussi les plusimportatrices. Naturellement,lorsqu’il s’agit de commerce entrefiliales, les prix ne veulent plusrien dire, ou plus exactement ilssont le résultat de savants calculspour savoir dans quel pays il estintéressant de faire apparaître lavaleur ajoutée....

Bref, tout ça est un maquisdans lequel il est très difficile(impossible?) de se retrouver.

« La vie, la santé,l’amour sont précaires,

pourquoile travail échapperait-il

à cette loi ? »Citation de Laurence Parisot,

présidente du MEDEF

Ce n’est pas l’amour de lacomplexité qui a mené à tout cebazar, mais le rejet de l’incerti-tude par les entreprises, la pré-carité et les aleas, c’est très bien,mais pour les salariés seule-ment...

Pendant les « 30 Glorieuses »,la période de croissance qui s'é-tend de la fin de la reconstructionà la fin des années 60, le niveaude vie s'élevait, du moins dans lespays développés, et la consom-mation de masse avec. C'est lagrande époque de la premièrevoiture, de la première télé, de lapremière chaîne hi-fi, etc. Saufqu'aujourd'hui, ces éléments fontpartie de l'équipement de base, etle marché est saturé. Il ne s'agitplus de proposer un frigo, mais unfrigo "plus mieux", ou en tous lescas légèrement différent de celuidu voisin. La demande est dev-enue incertaine. Or, la productionà grande échelle était basée sur lastandardisation des produits et laprévision de la demande. Depuisle début des années 80, lesgrandes entreprises se sont

lancées dans une course à la flex-ibilité. Autrement dit, elles ontcherché des moyens d'avoir uneproduction plus souple, plus var-iée, sans pour autant diminuerleurs profits. Cette recherche estpassée par une modification del'organisation du travail à grandeéchelle, mais aussi par le rejet desrisques sur les salariés et sur l'ex-térieur.

Le rejet des risques sur lessalariés porte un nom, c'est laprécarisation: multiplication del'interim, des C.D.D. Cette pré-carisation concerne aussi lessalaires par le biais des horairesvariables, flexibles, décalés, ducalcul annuel du temps de travail,tous éléments qui rendent lessalaires de plus en plus variables,et pas vraiment vers la hausse.Cette précarisation a pris aussiune forme plus insidieuse: l'ex-ternalisation. Les groupes se sontmis à faire sous-traiter une partiede leur activité, et d'abord lesactivités connexes. Par exemple,plus aucune entreprise n'emploiede personnel de ménage, ellesfont toutes appel à des sociétésde nettoyage. L'informatique estsouvent sous-traitée à dessociétés spécialisées. En quoi ceciinduit-il une précarisation dessalariés? De trois façons. D'unepart, aujourd'hui, sur un lieu detravail, il est devenu fréquent queles salariés qui se cotoient nedépendent pas du mêmeemployeur, de la même conven-tion collective, du même syndi-cat... Ceci contribue à diviser lessalariés. Ensuite, les salariés dessociétés sous-traitantes sont làpour des « missions », ils sontdonc en quelque sorte en C.D.D.dans l'entreprise où ils travaillentmême lorsqu'ils sont en C.D.I., etils ont d'ailleurs couramment desC.D.D. de leur employeur pour ladurée de chaque mission. Enfin,ceci permet de faire pression surl'entreprise (sous-traitante) et sessalariés. Les missions ne sont pasrenouvelées automatiquement,les sous-traitants doivent obéir àun cahier des charges précis, sontremis en concurrence avecd'autres entreprises à chaquerenégociation de contrat etdoivent accepter des délais depaiement importants. Cette pres-sion sur les sociétés prestatairesse reporte naturellement surleurs salariés, rendus respons-ables de la poursuite des relationsentre le donneur d'ordres et lesprestataires, poursuite du contratdont leur avenir dépend.

La flexibilité est passée aussipar ce que d'aucuns qualifient

d'entreprises-réseaux. Le P.D.G.d'Alcatel l'avait très bien résuméd'une phrase devenue célèbre: «Nous souhaitons être très bientôtune entreprise sans usine. » Il fautprendre cette boutade au pied dela lettre. Lorsqu'on parle délocal-isation, on pense installationd'une usine dans un paysétranger, où la main d'oeuvre estbon marché, pour assurer uneproduction jusque là assurée enmétropole. Ca existe encore, etcouramment, mais ce sont là lesmultinationales de grand-papa.En effet, quel que soit le lieu oùon implante une usine, il s'agitd'un capital bloqué sur place: ilfaut payer les machines, elles nese déménagent pas comme ça,acquérir des locaux, etc. sanscompter qu'au bout d'un temps lamain d'oeuvre peut faire grève(pensez à Dacia...). C'est tellementplus simple et rapide de prendreune participation financière dansune société qui existe déjà locale-ment. Si ça ne marche pascomme on veut, hop!, on revendses participations pour partirailleurs. Ce sont les fusions-acquisitions dont le nombre et lesmontants ont explosé cesdernières décennies à l'échellemondiale. En plus, faire partie ducapital local peut faire échapperà certaines barrières mises enplace par des pays qui souhait-eraient trouver une certaineindépendance. Evidemment, pourfaire ça, il faut qu'il existe déjàdes sociétés et des usines. C'estpourquoi l'essentiel desinvestissements se concentrentdans les pays développés et lespays dits émergents, et donc pasforcément là où la main d'oeuvreest la moins chère. Mais on n'ar-rête pas le progrès et on a trouvéencore mieux. En effet, pourquoiinvestir dans des sociétés à larentabilité incertaine? On peutchercher un fournisseur avec quion passera un contrat pour despièces ou des outillages précis, àcharge pour lui de trouver com-ment les produire, quitte à sous-traiter lui-même. Ne vous laissezpas abuser par les images d'en-fants travaillant à la main pourdes tapis ou de femmes se tuantla vue sur des fines coutures. Der-rière ce qui peut ressembler à uneforme archaïque de production secache une production entière-ment organisée par informatique:calcul des coupes, des pièces, cal-cul des temps. S'il revient moinscher d'employer une main d'oeu-vre très bon marché à travailler àla main, on la fera travailler à lamain tant qu'elle coûtera moins

cher que les machines, ça n'em-pêche pas les consignes et le tra-vail de passer par les réseauxinternet et autres clés USB.

On se trouve ainsi avec unsystème de sous-traitance en cas-cade, qui jongle par dessus lesfrontières,où les grands groupesse réduisent de plus en plus à desconcepteurs, des stratèges com-merciaux, et des organisateurs, laproduction elle étant organiséepar le biais de sous-traitance encascade et sous des formesdiverses: filiales ou fournisseursindépendants. Il est donc desentreprises dominantes et desentreprises dominées, comme ilest des économies dominantes etdes économies dominées. Cettedomination se superpose à l'ex-ploitation. Les salariés des grandsgroupes sont exploités bien sûr,mais au fur et à mesure qu'ons'éloigne du centre, qu'ondescend d'un niveau dans lasous-traitance, les salariés sontsoumis à une précarité et unepression de plus en plus grandes,qu'ils soient en C.D.I. ou en C.D.D.,qualifiés ou non. A leur exploita-tion en tant que salariés serajoute les aléas de leursemployeurs eux-mêmes soumis àleurs donneurs d'ordre.

En ce qui concerne les délo-calisations, elles ne sont que lapartie émergée de l'iceberg. Lechoix des lieux de production estcomplexe, et tient compte del'ensemble des coûts: salaires,mais aussi productivité de lamain d'oeuvre, coûts de trans-ports, normes de qualité, taxes....Il dépend donc autant des fluctu-ations des cours du pétrole, desdonnées politiques locales quedes salaires. Mais par contre, cequi est général, c'est une mise enconcurrence internationale desfournisseurs entre eux et dessalariés entre eux. Ce qui est con-stant, c'est le chantage à la délo-calisation chaque fois que desrevendications s'expriment, lechantage au changement de four-nisseur chaque fois qu'il y a unlitige. Ce chantage est réel: dansla mesure où les maisons mèressont de moins en moins les pro-priétaires directs des usines, ilspeuvent d'autant plus facilementdéménager à moindre frais. Ceque le patronat a réussi, c'est lamise en concurrence généraliséedes salariés, des territoires, desEtats... En atteint-on aujourd'huila limite???

Sylvie

business

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MARS 2009 17

LES LUTTES QUE L’ON NEGAGNE PAS SONT CELLES QUE

L’ON N’A PAS ENGAGÉES

Depuis mars 2007, Goodyearessayait de faire passer la pro-duction de ses 2 sites d’Amiens(Goodyear et Dunlop, 2 700employés, intérimaires compris)en 4x8. Les consultations du per-sonnel organisées à plusieursreprises par la direction sont reje-tées par le personnel. Le 11 juillet2008, la direction annonce 460suppressions d’emplois, dont 402à l’usine Goodyear et 58 à Dun-lop (ceux qui ont refusé les 4x8).Il faut savoir que les syndicatsminoritaires auxquels s’est jointla CGT Dunlop ont signé le pas-sage aux 4x8, avec une baisse desalaire de 10 %. La CGT Dunlopest exclu le 9 juillet 2008 par safédération et les principaux res-ponsables passent à l’UNSA. LaCGT et SUD de l’usine Goodyears’opposent à cet accord. Une grèveva durer jusque courant sep-tembre.

Fin octobre, début novembre2008, les lettres de licenciementssont envoyées par la direction. LaCGT saisit le tribunal de grandeinstance de Nanterre qui annulele plan social. Aujourd’hui, les500 licenciés travaillent toujours.9 intérimaires ont été embauchésen CDI. Mais la direction a faitappel et cela sera jugé le 18 février2009 et a mis en place le chômagetechnique. Au site Dunlop où lepassage en 4x8 était censé aug-menter la productivité, celle-ciaurait baissé de 10 %. Goodyearcherche un repreneur pour cesite. Aux élections prud’homales,la CGT a obtenu, sur les 2 sites,près de 80 % des voix, toutescatégories confondues. Si la courd’appel de Versailles a donné rai-son récemment au groupe Goo-dyear-Dunlop sur la forme, unnouveau jugement en référé parle tribunal de Nanterre doit encorevalider ou non les 500 suppres-sions d’emplois. Son arrêt donneen effet raison au groupe Goo-dyear-Dunlop, qui estime que lestrois syndicats à l’origine durecours contre le plan social (CGT,SUD et CFTC) n’ont pas respectéles délais légaux en ne saisissantpas le juge des référés dans les 15jours ayant suivi le comité d’en-treprise. Mais la société estcondamnée à verser 6 200 € àchacun des trois syndicats... pour

manœuvre destinée à gagner dutemps.

« ON COMMENCE VRAIMENT ÀEN AVOIR MARRE DE CETTEGAUCHE CAVIAR, CE N'EST

RIEN D'AUTRE QUE LA DROITEVERSION LIGHT »

Début février, un mouvementde grève a secoué la mairie deReims, passée à gauche lors desdernières municipales. Une inter-syndicale CGT-SUD s’est consti-tuée (FO est sortie majoritaire auxdernières élections paritaires). «Leconflit qui nous oppose à la mairieconcerne l'augmentation dessalaires de nos camarades de lacatégorie C, mais aussi la résorp-tion de la précarité et la dégrada-tion du climat social en raison dela réorganisation» (une réorgani-sation des services est cours, pas-sant de 32 à 27, des directeurs deservices passant à la trappe ou auplacard, 350 agents vont passerde la Ville à Reims Métropole).Plus de 800 personnes ont parti-cipé au mouvement.

La grève est suspendue, suiteaux propositions de Madame laMaire. Voici les principaux pointsde l’accord :

- le régime indemnitaire va êtreamélioré en 2009 avec une enve-loppe de 850.000 euros pour tousles agents de catégorie C y com-pris ceux du CCAS et de la Caissedes écoles (pour atteindre 1 300000 euros en 2013).

- la mise en place d’une «garan-tie prévoyance» qui assurera lemaintien du salaire en cas d’arrêtmaladie prolongé au-delà de troismois (150 000 euros cette annéepour atteindre 300 000 euros en2013)

- un groupe de travail seréunira rapidement afin que desavancées significatives soient réa-lisées pour réduire la précaritédes emplois.

- la démarche de réorganisationdes services fera l’objet d’uneattention redoublée afin d’en-tendre les inquiétudes et d’yrépondre.

Les élus communistes se sontfaits rappeler à l’ordre par lamaire lors de ce conflit.

Un autre conflit opposant lessalariés des Transports urbainsrémois (TUR) à Transdev qui lesdirige (membre du consortiumMARS comprenant Reims Métro-

pole et les principaux acteurs dela construction du tramway)secoue depuis plusieurs mois laville et son agglomération.

VIVRE L'ANARCHIE.EXPÉRIENCES

COMMUNAUTAIRES ETRÉALISATIONS ALTERNATIVES

ANTI-AUTORITAIRES (XIXe

ET XXe SIÈCLES)

Le Centre International deRecherches sur l'Anarchisme(CIRA) Limousin est une associa-tion loi 1901. Il a été créé en mai2008. Tout comme ses prédéces-seurs, les CIRA de Lausanne(Suisse) et de Marseille, sont butest de :

- Recueillir, conserver et mettreà la disposition du public lespublications relatives au mouve-ment anarchiste, anarcho-syndi-caliste et le mouvement social engénéral.

- Susciter et encourager lesrecherches historiques, sociolo-giques, littéraires et bibliogra-phiques sur l'anarchisme, l'anar-cho-syndicalisme et lemouvement social en général.

- De renseigner toute personneintéressée par ces questions.

Le CIRA est une associationindépendante de toute organisa-tion politique ou syndicale.

Afin de promouvoir lesrecherches sur les mouvementssociaux et libertaires, le CIRAorganise du 1er au 3 mai 2009un colloque au Château deLigoure, près de Limoges. Lethème retenu est : Vivre l'anar-chie. Expériences communautaireset réalisations alternatives anti-autoritaires (XIXe et XXe siècles).

Pour financer ce colloque, leCIRA met en vente une cuvéespéciale de vin de Bordeaux : lacuvée Elisée 2005 (AppellationGraves de Vayres), vin élaboré pardes descendants d'Elisée Reclus.

Prix de soutient : 50 euros lacaisse de six bouteilles, 9 euros labouteille. Chèques à l'ordre de"CIRA limousin"

Comment nous contacter :Courriel : [email protected] postale : Cira Limou-

sin, Marsaleix 19700 Lagraulière

UN NOUVEAU DIRECTEURPOUR LA RECHERCHE

Le président du comité dedirection de l’Agence d'Evaluationde la Recherche et de l'Enseigne-ment Supérieur dont tous lesenseignants-chercheurs relèventdésormais, Jean-François DHAI-NAUT s’est fait récemment remar-quer par ses propos: s'il y a si peude femmes à l'AERES, c'est parceque selon lui, " les femmes, enplus de leur métier, doivent s'oc-

cuper de la maison, des enfants :elles n'ont donc pas de tempspour l'AERES." M. Dhainaut a lesens de la famille. Diplômée d'unDESS d'économie de la santé, safille Stéphanie est directriceadjointe de Paris Biotech, un ins-titut semi-public qui aide au lan-cement de start-up liées à la santéhumaine, et dont les bureauxsont situés dans l'université deson père. On a donc quelques rai-sons de soupçonner le présidentde l'agence d'évaluation de larecherche française de népotisme.Avant de devenir président del'Université Paris 5 (fonctions quiont pris fin en 2008,) Jean-Fran-çois Dhainaut a été doyen de laFaculté Cochin - Port-Royal de1999 à 2004. Dans le cadre de cesfonctions, il a été "initiateur" en2000 du "Bio-incubateur BiotechParis-5", qui fournit un bonexemple de la conception nouvellede la recherche que les réformesactuelles tentent d'imposer. Cettestructure d'économie mixte asso-ciant Paris 5 /Cochin à l'INSERM,l'Ecole Centrale de Paris et l'ES-SEC est une "pépinière d'entre-prises" spécialisées dans le sec-teur de la santé, en particulierdans l'industrie pharmacologiqueet les biotechnologies. Concrète-ment, Biotech met à la dispositionde start-ups un certain nombred'infrastructures et de moyenslogistiques. Le site de Biotech, quin'a pas été mis à jour depuisoctobre 2007 précise que le fonc-tionnement est assuré avec "l'as-sistance de l'équipe de la Prési-dence de l'Université Paris 5 etdes doyens des facultés de méde-cine et de pharmacie". On voitbien de quoi il s'agit: utiliser desinfrastructures financées surfonds publics pour développer desentreprises privées, mettre larecherche publique au service dusecteur privé. Ce dont Jean-Fran-çois Dhainaut a été l' "incubateur"dans l'Université qu'il dirigeait,c'est tout simplement la privati-sation de la recherche et de l'en-seignement supérieur que la com-munauté scientifique dénonceactuellement dans les réformes encours.

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COURANT ALTERNATIF18

Pendant la Seconde Guerremondiale, le Royaume-Unia pris possession de Mada-

gascar, qui appartenait à laFrance depuis 1896, pour laremettre – vu les circonstanceset les alliances – à la France libreen 1943. Après l’insurrectiondéclenchée par le Mouvementdémocratique de la rénovationmalgache (MDRM) en 1947 et sa

répression aussi féroce qu’arbi-traire par les autorités françaises(celles-ci reconnaissent officiel-lement 89 000 morts), l’île estdevenue un territoire d’outre-mer jusqu’au 26 juin 1960, jouroù elle a enfin obtenu son indé-pendance. Mais l’enseignant Tsi-ranana, qui a été le premier Pré-sident de la Républiqueautonome, a maintenu une

dépendance si évidente par rap-port à l’ancienne métropole(entre autres par la présence detechniciens français dans tousles rouages de l’administrationet de l’économie) que le mécon-tentement contre son régime agrandi avec la misère, provo-quant des explosions sociales(sévèrement matées) en 1971 et1972. Ses successeurs ont veilléà ce que la situation néocolo-niale du pays saute moins auxyeux sans que les intérêts de laFrance s’en trouvent pour autantaffectés ; et ils ne se sont guèredistingués entre eux, entre 1972et 2002, que par la couleur deleur uniforme (général Rama-natsoa, colonel de gendarmerieRatsimandrava, capitaine de fré-gate Ratsiraka…).

A Madagascar comme dansbien d’autres ex-colonies, la pra-tique du pouvoir consiste eneffet à s’enrichir par l’entretiende la corruption dans l’adminis-tration, la restriction des « liber-tés démocratiques » et l’usage dela force publique contre lacontestation sociale. De quoidétruire le moindre espoir dechangement social, alors quel’horizon est déjà complètementbouché par les méfaits de l’orga-nisation mondiale capitaliste :dans cette île pourtant vantéecomme unique pour la richessede ses ressources naturelles, quiautorise toutes les culturesvivrières, et où la population, auxtrois quarts rurale, offre unemain-d’œuvre jeune et abon-dante, il règne une extrême pau-vreté… et l’« insécurité alimen-taire » ne cesse de grandir.

Même l’épisode Ratsiraka,chef d’Etat et de gouvernementà partir de 1975, avec sa Chartede la Révolution socialiste et sonparti Avant-garde de la Révolu-tion malgache (Arema), n’est passorti du terrain balisé corrup-tion-répression. Après un débutde mandat où il a mis fin à laprésence militaire française etcontrôlé les échanges vers l’ex-térieur, il a dérivé vers un ultra-libéralisme dont les effets ontune fois de plus entraîné des

soulèvements contre le pouvoir ;et il y a répondu comme d’habi-tude, en lâchant les militairescontre les manifestant-e-s, avecpour conséquence de nom-breuses victimes. Enfin, quand ila perdu aux élections de 2002contre le richissime hommed’affaires Marc Ravalomanana, ila quitté l’île pour la France avecsemble-t-il des comptes enbanque bien garnis.

Ces élections de 2002 qui ontdonc amené au pouvoir l’actuelPrésident se sont elles aussidéroulées selon les méthodescourantes de la classe politiqueinsulaire. Ravalomanana, maired’Antananarivo, a affirmé avoirgagné la présidentielle dès lepremier tour… sur la base deprocès-verbaux que deshommes à lui étaient allés cher-cher avec ses hélicoptères per-sonnels partout dans l’île. Etcomme Ratsiraka s’ingéniait àimposer un second tour et décré-tait une modification à 80 % dela haute cour constitutionnellechargée de valider le résultat desélections, Ravalomanana s’estautoproclamé président de laRépublique. Son adversaire ariposté en érigeant des barragesroutiers pour asphyxier la capi-tale, ce qui a paralysé le pays – etpermis déjà aux médias d’attri-buer l’extrême pauvreté de sapopulation à ces péripéties élec-torales. La période de tension n’apris fin que quand l’anciennehaute cour a déclaré Ravaloma-nana vainqueur dès le premiertour avec 51 % des voix contre44 %.

BREF RAPPELDES ÉVÉNEMENTS RÉCENTS

Devenu au fil des ans trèsimpopulaire, Ravalomananan’est sans doute resté au pouvoirque parce qu’il ne tolère aucuneopposition – Ratsiraka et sesproches menant campagnecontre lui depuis la France. Enmême temps qu’il s’employaitactivement à accaparer lesrichesses de l’île, le Président y a

MADAGASCAR

Bienvenue chez Tiko :corruption et misère assurées…Depuis deux mois, Madagascar connaît une ten-

sion sociale qui s’est déjà traduite par des centainesde morts et de blessés civils de tous âges et sexes, etque les médias expliquent souvent par la concurrencecarriériste sinon l’incompatibilité d’humeur entre leprésident de la République Ravalomanana et le mairedestitué d’Antananarivo Rajoelina. Une façon com-mode mais pour le moins grossière de masquer descauses autrement importantes, comme le lourd passécolonial de l’île et les règles du jeu imposées par lecapitalisme dans les échanges économiques interna-tionaux.

international

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MARS 2009 19

en effet supprimé toutes les liber-tés publiques, allant jusqu’à l’em-prisonnement ou à l’éliminationphysique de ses ennemis (voirencadré ci-dessous).

C’est pourquoi l’arrivée sur lascène politique du jeune mais luiaussi très riche maire d’Antana-narivo, Andry Rajoelina – sur-nommé TGV pour son caractèrefonceur –, lui déplaît autant. Auxmunicipales de décembre 2007,Rajoelina l’ayant emporté avec63 % des voix contre le candidatdu parti présidentiel, Ravaloma-nana confisque en représaillesles recettes prévues pour l’assai-nissement de la ville, et le nou-veau maire se trouve confronté àdes dettes colossales. Les orduresne sont ainsi pas ramassées pen-dant des semaines du fait dunon-paiement du carburant descamions-bennes…

Les relations dégénèrent vrai-ment entre les deux hommesavec la décision présidentielle defermer la chaîne de radiotélé Vivaappartenant à Rajoelina, le13 décembre 2008 (sous le pré-texte qu’elle a diffusé des proposde Ratsiraka « susceptibles de

troubler l’ordre et la sécuritépubliques »). Le même jour,Rajoelina demande la réouver-ture de sa radio, et rassembleautour d’une « plate-forme pourla démocratie » partis, syndicats

et associations. Il attaque féroce-ment le chef de l’Etat, procédantà un grand déballage des affairespubliques, et se fait l’écho de lamisère sociale, ce qui le rendpopulaire. Le journal La Vérité etMadagate.com deviennent lesporte-parole d’une « révolutionorange » à la malgache servant àaccréditer, notamment aux yeuxde l’étranger, la légitimité de l’ac-tion menée par Rajoelina. Celui-ci invite alors la population àl’inauguration d’une place de laDémocratie à Antananarivo le17 janvier 2009. 40 000 personnesy participeront.

Le bras de fer des deux poli-ticiens se durcit le 26 janvier : desmilliers de personnes se rassem-blent au nouvel appel de Rajoe-lina (qui s’est déclaré deux joursauparavant prêt à assurer ungouvernement de transition). Sondiscours enflammé contre lerégime (« Le pouvoir appartientau peuple, il peut se l’accapa-rer… ») va trouver une immédiatetraduction concrète dans l’incen-die de magasins Tiko et d’autressociétés appartenant au Prési-dent après que leurs stocks deriz, cahiers et bouteilles d’huileont été emportés par la popula-tion. Mais les locaux des inves-tisseurs étrangers ne sont pasdavantage épargnés : un certainnombre partent en fumée unefois dévalisés – et il en va demême pour le siège de la radionationale. Puis des affrontementsont lieu devant MBS, la télé pri-vée de Ravalomanana, où lesmercenaires qui en défendentl’accès tuent par balles un ado-

lescent (les forces de l’ordre sont,elles, invisibles). Le Présidentrentre vite d’Afrique du Sud où ils’était rendu à un sommet ;accueilli à l’aéroport par des mil-liers de gens et la majorité de sesministres, il accuse Rajoelinad’avoir lancé un « appel à larévolte et la désobéissancecivile » relevant du coup d’Etat.

Les jours suivants, émeuteset pillages continuent (avec68 morts dans le pays en unesemaine, selon la gendarmerie),et la contestation que cherche àcadrer Rajoelina prend une sou-daine ampleur. « Les émeutiersne sont pas des partisans [dumaire, mais] des bandes organi-sées, une armée de crève-la-faim,explique le rédacteur en chef deL’Express de Madagascar surAfrik.com le 28 janvier. […] C’estune explosion sociale. […] Lesconditions sociales se sont dégra-dées : les revenus sont très bas,les soins médicaux et les frais descolarité coûtent très cher. [Enface,] Rajoelina souhaite larevente de l’avion présidentielForce One, qui a coûté 68 milliardsde dollars, pour acheter desvivres à la population. Il veut éga-lement que le contrat entre l’Etatet la compagnie sud-coréenneDaewoo Logistics (voir encadrépage suivante), sur l’octroi de1,3 million de terres arables pourun bail de quatre-vingt-dix-neufans, soit rompu. Il considère queces terres doivent revenir à lapopulation malgache. »

Le 31, Rajoelina s’autopro-clame « en charge » de la Répu-blique malgache et décrète que

Les très « bonnes affaires » du Président

Si, en l’espace de sept ans, Ravalomanana a raflé beaucoup de cequi pouvait l’être dans la société malgache, il avait posé les jalons pource faire au cours des années précédentes. Entre 1996 et 2001, parexemple, le groupe Tiko dont il est propriétaire bénéficiait déjà d’une exo-nération douanière offerte par le Premier ministre d’alors – un cadeaudont il a continué de jouir (Tiko Oil a également été exempté, en 2005,de la taxe qui frappait ses concurrents à hauteur de 20 % sur l’huilebrute importée – et cette « aide » lui a permis de tripler son chiffre d’af-faires en un an). Tiko ne payait pas davantage d’impôts, selon le sited’opposition Madagate.com – et un incendie dans les locaux de sa comp-tabilité a fort opportunément détruit en 2001 les dossiers qui auraientpu s’avérer compromettants. Une fois élu, Ravalomanana passe à lavitesse grand V : sa société Travaux routiers malgaches se voit attribuertous les travaux de bitumage à Antananarivo sans qu’aucun appel d’offressoit jamais engagé. En 2002, une association avec le géant sud-africainShoprite Holding Ltd permet au Président de racheter le Prisunic de lacapitale, et d’en ouvrir ensuite d’autres un peu partout dans l’île. En2007, l’hôtel Hilton est acquis par Tiko, déjà actionnaire à hauteur de40 % dans l’hôtel Colbert. Dans l’intervalle, bien des sociétés d’Etat sonttombées sous son contrôle, certains des cadres de Tiko étant devenusdirecteurs financiers de ministères ; des nominations qui aident aussibeaucoup à l’achat des fournitures ministérielles chez Malagasy Grossiste(groupe Tiko), etc. Mais les moyens de s’enrichir ne s’arrêtent pas là pourle Président : toujours selon Madagate.com, des centaines de milliardsde francs malgaches en billets usagés destinés à être brûlés ont été « récu-pérés » pour remplir ses caisses et celles de son parti, et les aides inter-nationales comme les bourses d’études sont détournées à son profitcomme à celui de ses proches ; d’après une source d’Afrik.com, les entre-preneurs désireux de percer les marchés de Ravalomanana doivent deplus lui céder une part ou un pourcentage de leur affaire – sous peined’être interdits de séjour sur le territoire malgache ou mis en prison pourle non-paiement de la taxe exorbitante qu’il leur impose. Tiko est aujour-d’hui un empire économique tout-puissant dans l’agro-alimentaire, lesmédias, la grande distribution, l’imprimerie, les spectacles, le BTP, l’avia-tion… Dernière acquisition, au nom de la République malgache et sansqu’on sache d’où provient l’argent : le fameux Boeing Force One.

Emeutes et pillages, 26 janvier 2009

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COURANT ALTERNATIF20

ministères, écoles, commerces etentreprises doivent être fermés le2 février. En fait, il n’est pas telle-ment suivi ce jour-là, car mêmeles écoles, désertées depuis unesemaine, rouvrent, et quelquesmilliers de personnes seulementviennent au rendez-vous qu’il afixé. Il n’en annonce pas moinsqu’il va déposer auprès de lahaute cour une demande de des-titution concernant Ravaloma-nana, et que si celle-ci n’aboutitpas, il attend de ses partisansqu’ils marchent avec lui sur lepalais présidentiel pour yprendre le pouvoir.

Le lendemain, le ministre del’Intérieur le démet de ses fonc-tions municipales (pour « man-quement dans la conduite de samission […] par exemple en cequi concerne la gestion desordures » [!])… au profit d’unadministrateur provisoire recrutéparmi les propres conseillers deRajoelina (!!).

Celui-ci riposte en déclarantà la foule très nombreuse venuele soutenir sur la place du 13-Mai,le 7 février, qu’il prend la têted’une « haute autorité de transi-tion » ; puis il passe la parole àson « Premier ministre » Roin-defo. Ce dernier termine son allo-cution sur la nécessité pour exer-cer ses nouvelles fonctionsd’avoir un bureau, en interro-geant son auditoire sur l’endroitoù celui-ci pourrait se trouver.Réponse : le palais d’Etat. Et lesgens de se diriger vers ce palais,les mains nues et l’esprit enfête… pour s’y faire massacrer.Car si les cordons de police etmilitaires les laissent passer, desmembres du régiment des forces

d’intervention (paraît-il) plan-qués dans le palais et l’hôtel voi-sin leur tirent dessus sans som-mation. Bilan : au moins28 mort-e-s et 212 blessé-e-s,parmi lesquels beaucoup d’en-fants. Ensuite, tandis que leshôpitaux et morgues débordent,Ravalomanana menace à laradio : « Il est temps de faire desefforts pour restaurer la paix.Réfléchissez, vous aurez aussides descendants… » ; quant àRajoelina, après un hommageaux victimes, il tombe en pleursen affirmant que c’est là l’œuvrede satan !

Depuis, la tension est pal-pable, même si la population estencore sous le choc de ces assas-sinats – avec une inquiétudecroissante devant la hausseincessante des prix dans l’ali-mentation (y compris au marchénoir) et en toile de fond le couvre-feu instauré il y a trois semaines.Rajoelina a affirmé : « La luttecontinue », et il exige toujours ledépart de Ravalomanana – quirefuse, bien sûr. Le 14, leurs par-tisans respectifs se sont rassem-blés à Antananarivo dans deuxlieux distincts mais à peine dis-tants d’un kilomètre (plus de30 000 en faveur du Président,selon l’AFP). Après quoi, despourparlers ont été entamésentre leurs représentants, sousl’égide du Conseil des égliseschrétiennes de Madagascar etavec l’appui d’émissaires desNations unies, de l’Organisationde l’unité africaine et de la Com-mission de l’océan Indien. Ilssont restés dans l’impasse.

Rajoelina avait résolu de mar-cher sur les ministères le lundi 16– comme son adversaire lors des

élections de 2002 –, mais desavertissements émis par les auto-rités via les médias l’y ont faitrenoncer (les bureaux adminis-tratifs se trouvent dans une« zone rouge » où aucune som-mation n’est requise, a ainsi pré-cisé le préfet). 10 000 personnesse sont néanmoins rassembléessur la place du 13-Mai ce jour-làet ont affronté les forces del’ordre en leur lançant despierres, tandis que celles-ci répli-quaient par des tirs de somma-

tion (toujours selon l’AFP).A l’heure où ce texte est écrit,

on en est là.

LE POIDSDES CLASSES SOCIALES

ET DES RELATIONSINTERNATIONALES

Un ami français qui se rendsouvent dans une petite ville duSud-Est « ancien fleuron du colo-nialisme » remarque que les gensy « regrettent cette époque quiassurait l’école, la santé, du tra-vail… Quel paradoxe ! » ; l’asso-ciation pour laquelle il travailleaccueille, soutient et accom-pagne des femmes abandonnéesou prostituées, ou encore desmères célibataires (la situation de« 60 % des gamines malgaches de16 ans », précise-t-il). Et si Rajoe-lina s’est fait le porte-parole detoute l’opposition au régime (Rat-siraka le suivant dans l’ombre,mais sans doute bien davantagepour revenir à la tête de l’Etatmalgache que pour l’y placer),mieux vaut ne pas se fier trop àla belle auréole que lui tissent lesmédias en général, ajoute cetami, car à la vérité il ressemblefort à Ravalomanana : « C’est lemême profil, le même moule…C’est à désespérer. »

Grande braderie de la terre pour Daewoo

Fondée en 1967 par Kim Woo-chong, l’entreprise sud-coréenne Dae-woo a œuvré dans de nombreux domaines dont la construction navale, lesarmes, l’électroménager, les appareils électroniques et l’automobile. A lasuite d’une faillite frauduleuse, elle a malgré ses appuis politiques étédémantelée en 1999 par le gouvernement sud-coréen. Son ancien patrona été condamné en 2006 pour fraude et détournement de fonds… etamnistié l’an dernier. Daewoo Logistics Corporation, apparu dès 1999, seconsacre d’abord au transport maritime et à la logistique de ports et d’aé-roports ; après 2006, elle développe de grands projets concernant les res-sources naturelles en Indonésie (plantation de maïs, huile de palme, caout-chouc et mines de charbon). Et depuis un an elle s’occupe d’agro-businessà Madagascar, à travers sa filiale Madagascar Future Entreprise. Enoctobre 2008 éclate l’« affaire Daewoo », qui va révolter profondément unepopulation très attachée aux terres ancestrales : The Financial Time révèleque la société coréenne vient de signer un contrat de location avec la Répu-blique malgache concernant 1,3 million d’hectares – soit la moitié de sesterres cultivables ! – afin d’y cultiver des produits de première nécessité,en premier lieu le maïs, et il précise qu’elle va le faire « gratuitement ». Ilapparaît vite que non seulement cet accord ne repose sur aucune contre-partie financière, mais encore que toutes les ressources alimentaires endécoulant seront exportées en Corée ! Quel intérêt peut donc tirer Mada-gascar d’une telle opération ? A cette question qui vient aussitôt à l’es-prit, il est répondu via la presse qu’elle créera des milliers d’emplois pourses paysans ainsi que des infrastructures routières, réseaux d’irrigationet équipement pour le stockage des grains. Aujourd’hui, devant le scan-dale déclenché par la révélation d’un tel accord, les gouvernements mal-gache et coréen démentent l’exportation future de la production obtenue,mais nul n’ignore que les pays asiatiques se tournent de plus en plus versl’Afrique pour assurer leur approvisionnement.

Manifestation du 7 février 2009

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MARS 2009 21

Les points communs entreles deux adversaires sont, eneffet, assez nombreux : d’abordils sont tous deux membres del’ethnie mérina des hauts pla-teaux, qui incarne depuis le XIXe

siècle l’aristocratie malgache etdont les familles composent lar-gement l’élite bourgeoise (com-merciale, administrative, reli-gieuse et des professionslibérales) habitant à présent lesquartiers chics de la capitale. Sion aurait tort de réduire les évé-nements en cours à une guerreentre les ethnies (il en existe dix-huit à Madagascar), on peut y voiren revanche sans difficulté unconflit entre cette bourgeoisie etla masse de gens démunis detout – deux classes entre les-quelles existe un énorme fossé,tant culturel que matériel ; et ilfaut de plus prendre en compte,pour comprendre la situation, lesantagonismes hérités de la déco-lonisation, cette période encoretrès proche où nationalistes ettenants du pouvoir colonial sesont affrontés. Par ailleurs, Rajoe-lina comme Ravalomanana sontpartis de rien pour monter desfortunes et connaissent assez lepoids des médias pour en avoirvite acquis (Rajoelina ayant éga-lement créé la première sociétéd’impression numérique et depanneaux publicitaires Injet).Enfin, tous deux ont fait de lamairie d’Antananarivo le trem-plin pour accéder aux plushautes fonctions – et cherchent àl’heure actuelle une légitimitédans la rue.

Le mécontentement généralsur lequel surfe Rajoelina a étéengendré par une dégradationdes conditions de vie et de santéà laquelle la mainmise présiden-tielle sur le pays a, certes, pas malcontribué ; sa pratique du pro-

tectionnisme pour éviter qu’onlui fasse concurrence maintientpar exemple les produits de pre-mière nécessité à un prix élevé.Mais la crise économique mon-diale a joué bien davantage danscette paupérisation, en entraî-nant notamment, avec la baisseconsidérable des exportations etdu cours des matières premièresou la fermeture des chantiersminiers, le développement duchômage…

Résultat de toutes ces opéra-tions capitalistico-politiciennes :selon l’agence de l’ONU encharge de l’aide alimentaire d’ur-gence, au moins 70 % des Mal-gaches vivent présentement endessous du seuil de pauvreté (leFonds alimentaire mondial enassiste 3,5 %), et « plus de la moi-tié des enfants de moins de 3 anssouffre d’un retard de croissancedû à un régime alimentaire chro-niquement inadapté ». L’espé-rance de vie tourne dans l’îleautour de 50 ans, et le salairemensuel moyen y est inférieur à30 euros.

Madagascar est très dépen-dante des investisseurs étran-gers. Au cours de 2007, le Canadaa remplacé la France en tête desEtats y intervenant, grâce à l’ac-croissement de 800 % des inves-tissements directs qu’y a effec-tués son secteur privé ; la Coréedu Sud et la Chine y sont aussi deplus en plus présentes dans larecherche pétrolière, l’agricultureet les travaux publics. Depuisquelques années, l’île suscitevraiment la convoitise des grandsgroupes internationaux, en par-ticulier pour son sous-sol trèsriche en nickel et en uraniumainsi que pour sa main-d’œuvretrès bon marché…

… mais ces groupes appré-cient fort peu les tensions

sociales, on le sait. C’est pourquoiles organismes internationauxmontrent autant de réticence àun changement de régimeimposé par la rue – mieux vaut lastabilité d’une dictature qu’unetelle anarchie, pour commercer àl’aise, pas vrai ? Dès le début dela guerre des chefs en cours, lesecrétaire général des Nationsunies Bank-moon comme le Pré-sident tanzanien de l’OUA Tik-wete ont déclaré qu’il fallait sur-monter les conflits par desmoyens pacifiques et par le biaisdes mécanismes constitutionnelsen place ; puis le sous-secrétaireaux affaires politiques de l’ONUest passé voir dans l’île « ce queles Nations unies pourraient fairepour aider à prévenir les vio-lences et contribuer au retour dela paix et de la stabilité ».

L’étalage sur la placepublique des « bons plans » pré-sidentiels, en décembre dernier,a certes (d’après RFI) forcé laBanque mondiale et le Fondsmonétaire international à adres-ser une lettre au Président – pourlui demander des explicationstant sur le financement de sonBoeing que sur la loi exonérant sasociété Tiko de la TVA et destaxes à l’importation sur l’huilevégétale ; mais ces institutionsont pris ensuite, pour sanction-ner une réponse jugée insatisfai-sante, la décision de geler l’aidede 35 millions de dollars accor-dée à… Madagascar. Voilà quidevrait améliorer le quotidien desa population. Néanmoins, larépression sanglante du 7 févriera incité la « communauté inter-nationale » à marquer davantageses distances par rapport à Rava-lomanana – l’ONU demandant augouvernement malgache de tra-duire en justice les responsablesde cette répression. Ça ne mangepas de pain, à défaut d’en donner.

Le directeur financier Dae-woo Logistics reconnaissaitrécemment, d’aprèsallAfrica.com : « Nous avons degraves difficultés à Madagascar.Le projet se déroulait correcte-ment, mais il a été brutalementstoppé à cause des comptes ren-dus des médias [qui] ont mis encolère les Malgaches car il lesrend honteux de faire partie dece qu’ils appellent un systèmenéocolonial. » Malheureusement,il n’est pas du tout certain quel’« affaire Daewoo » s’arrête là s’iln’apparaît pas une réelle mobili-sation contre ce projet. Et il n’estpas plus certain que les événe-ments actuels débouchent surune issue bénéfique pour lapopulation, car celle-ci n’a guèreplus à espérer de Rajoelina quede Ravalomanana (elle en estd’ailleurs pour une bonne partconsciente : les manifestant-e-sne sont pas tant pour le premier– qui s’est entouré d’une équipede politiciens peu aimés – quecontre le second).

A la vérité, fort de son acces-sion à la présidence par les urneset maître de l’armée, Ravaloma-nana pourrait rester au pouvoirmême en ayant perdu toute cré-dibilité – il ne serait ni le premierni sans doute le dernier. L’aura deson adversaire ne dépasse guèreles limites de la capitale ; et si larépression menée le 7 février aaccru la rancœur ou la hainecontre le Président, Rajoelinas’est pas mal déconsidéré enenvoyant au casse-pipe des tasde pauvres gens.

Ce qui est sûr, en tout cas,c’est que la population malgachen’échappera pas à la situationépouvantable dans laquelle elles’enfonce en s’en remettant àquelque « homme providentiel ».

Vanina,le 25 février 2009

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COURANT ALTERNATIF22

humeur

Guerre sur roues en Espagneautour de la religion, en ce débutd’année. Tandis que deux autobusporteurs du message : « Dieun’existe probablement pas. Main-tenant, cesse de t’en faire et profitede la vie » circulent à Barcelone àl’initiative d’associations d’athées,d’agnostiques et de libres-pen-seurs, une ligne de bus louée parune Eglise évangélique dans labanlieue madrilène proclame surdes panneaux : « Si, Dieu existe.Profite de la vie en Jésus-Christ ».

L’idée de cette propagande motoriséeest née en Angleterre à la fin de l’andernier (et a depuis été également

reprise en Italie, au Canada et en Australie).La réaction agacée d’une journaliste devantles pubs religieuses dans les transports lon-doniens a suscité sur le site du Guardian unemobilisation des athées : 150 000 euros dedons ont été recueillis très vite, qui ont per-mis le placardage de slogans anti-Dieu sur800 bus et dans le métro pendant plusieurssemaines. En Espagne, le succès de lamême opération incite les associations denon-croyants à l’étendre à Madrid, Sévilleet Bilbao, tandis que la polémique enfleavec les croyants à travers médias et blogs.Mais l’Eglise catholique espagnole se pré-occupe davantage, quant à elle, de com-battre une autre campagne, menée par legouvernement socialiste de Zapatero, enfaveur du préservatif. L’archevêque de Val-ladolid a notamment accusé en janvier leministère de la Santé d’« endoctriner lesadolescents sur des sujets qui relèvent dela compétence des parents ». Ben voyons !

Bonne nouvelle, la traditionnelle messede Noël a attiré en 2008 à Madrid moitiémoins de fidèles que l’année précédente –mais encore beaucoup trop, puisque prèsd’un million de personnes s’étaient alorsdéplacées pour un véritable meeting élec-toral de l’épiscopat contre Zapatero. Celui-ci se montre pour sa part assez soucieux detrouver un arrangement avec l’institutioncatholique concernant les lois sur l’avorte-ment et sur la liberté religieuse qu’il désireretoucher – et son attitude conciliantehérisse le poil de nombreux non-croyants.

D’après une enquête réalisée endécembre dernier, l’Espagne ne compteraitque 3,5 millions d’athées et 4,1 millionsd’agnostiques pour une population dépas-sant les 45 millions ; mais il y a là une réellesous-estimation, due entre autres à la peurde se déclarer athée, dans un pays oùpareille option entraînait récemment

encore le bannissement. Dans les jeunesgénérations, la moitié des 15-24 ans sediraient pourtant aujourd’hui non-croyants,contre 22 % il y a quinze ans, signe que lesmentalités évoluent. Le Vatican n’en main-tient pas moins sa position intransigeantesur la liberté sexuelle – de l’homosexualitéà l’avortement, interdiction point final – aurisque de sombrer dans un ridicule absoluavec son argumentation.

Ainsi, au début de janvier, la pilulecontraceptive a été accusée par Sa Saintetéd’avoir « des effets dévastateurs sur l’envi-ronnement »… du fait des hormones relâ-chées dans la nature via les urines de sesutilisatrices ! Comme si les innombrablespesticides, détergents, solvants, hydrocar-bures et métaux ne comptaient pour riendans lesdits effets.

A la vérité, la contamination des eaux

par les résidus médicamenteux en généralexiste, et au niveau planétaire – en prove-nance, d’un côté, des selles et urines deshumains et de leurs animaux de compagnie(évacuées dans les eaux domestiques,comme une partie des médicaments nonutilisés), et, de l’autre, des rejets de l’indus-trie chimique et pharmaceutique, des éle-vages industriels d’animaux, des piscicul-tures et des hôpitaux. Pour des questionsde coût bien plus que de technique, les sta-tions d’épuration ne sont en effet pas d’unegrande efficacité contre les substancespharmaceutiques présentes dans les eauxpolluées, mais cela n’empêche pas leur ren-voi dans les ruisseaux, rivières et eaux sou-terraines, puis leur arrivée dans les réseauxd’eau potable jusqu’à leur sortie par lesrobinets – les traitements de potabilisationne prenant, eux, pas du tout en compte cessubstances pharmaceutiques.

Et l’bon Dieu dans la merde !

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Dans ce petit ouvragedont la lecture est aussiaisée que son contenu estlourd de vérités propices à laréflexion, l’auteur s’attacheà faire ressortir le rapportexistant entre les OGM etune société qui vise lecontrôle des êtres humainscomme de leur nourriture etde leur environnement, l’en-jeu pour les tenants du pou-voir étant à la fois cecontrôle social et un enri-chissement financierénorme. Mais il s’en prendégalement aux discours sou-vent très pessimistes desanti-OGM, parce qu’il privi-légie une perspective écolo-gique, anti-étatique et anti-économique, en un motémancipatrice, sur les atti-tudes défaitistes.

De même que lenucléaire répond à desnécessités économiques,industrielles et militaires, etnon à des nécessitéssociales ou humainescomme on voudrait nous enconvaincre, les OGM sontl’élément et la conséquenced’un type de politique tota-litaire ainsi que de la sociétéde consommation. C’estpourquoi il importe de luttercontre le lobby qui les pro-page, ce « complexe géné-tico-industriel » tout-puis-sant composé de politiciens,d’industriels et de scienti-fiques. Il s’agit de dénoncerle prétendu humanisme del’atome (censé être au ser-vice de la paix) et des OGM(soi-disant nécessaires pourlutter contre la faim dans lemonde), ainsi que le dis-cours affirmant la supério-rité de l’artificiel sur le natu-rel. Il s’agit de lutter contreune cohésion sociale fondéesur des « valeurs » tellesque le progrès, l’argent ou laconsommation, ainsi quecontre la cohésion écono-mique imposée par le sys-tème capitaliste pour asser-vir la planète. Et il y aurgence : la question écolo-gique est devenue première,

estime l’auteur, parce qu’onne sait pas encore combiende temps on sera en vie, entout cas sous notre formeactuelle d’êtres « naturels ».

La faim est la cause demortalité évitable la plusforte dans le monde : c’estune arme politique quemanient avec doigté lesEtats, les organismes supra-nationaux et certaines ONG,et dont l’ordre mondial exis-tant est largement respon-sable. Loin de pouvoir yremédier, les OGM entraî-nent notamment une baissedes rendements, par rapportaux variétés non modifiées,et une dégradation de l’envi-ronnement – à travers unesurconsommation de pro-duits chimiques proposéspar les firmes mêmes quivendent les semences ! Deplus, ils produisent leurpropre insecticide et en pro-duisent trop, et ils s’atta-quent à tous les insectes (ycompris les non-nuisibles)tandis que ceux-ci acquiè-rent une résistance supé-rieure. Cette accumulationde pesticides dans la natureconstitue une des causesfondamentales de la dégra-dation générale de la santé.

Les OGM sont en faitune arme de l’impérialismepostindustriel : ils contri-buent tant à la destructionde la nature qu’à l’accepta-tion de la technologiecomme unique façon de pro-gresser vers un avenirradieux. La nouveauté, c’estqu’ils ne cherchent pas àmodifier l’environnement

des plantes mais intervien-nent à l’intérieur de cesplantes – ouvrant la voie auxHGM, des êtres humainsstéréotypés et machiniques,sur l’idée (pas seulementrépandue à l’extrême droite)qu’il serait souhaitable etpossible d’améliorer la racehumaine grâce à la science.C’est pourquoi il faut com-battre la croyance dans lesscientifiques et autresexperts en économie, indus-trie ou armement, qui mar-chent avec les décideurs offi-ciels – et la croyance dans lascience, qui contribue à lapropagation de machinesaliénantes pour les êtreshumains comme à l’installa-tion douce d’un « fascismetechnocratique ». Lesactuels opposants aux OGMsont par ce biais critiquableseux aussi, en ce que souventils ne remettent pas encause le pouvoir des experts,mais uniquement la façondont ces derniers ont été for-més. En se contentant deréclamer des « expertsdémocratiques », sans faireni la critique du progrès nicelle du pouvoir lui-même,ils participent du consensusqui sert le système profon-dément inégalitaire en place.

Vanina

livreshumeur

MARS 2009 23

On pourrait, certes, trouver qu’il y a dansleur action polluante une certaine justice,dans la mesure où la consommation desmédicaments concerne en priorité les paysindustrialisés (les Etats-Unis représentant51 % du marché en 2006, devant l’Europe à25 % et le Japon à 15 %). Mais, bien sûr, cer-tains pays du Sud voient également leur envi-ronnement subir une contamination du faitqu’ils produisent des composés pharmaceu-tiques pour les pays du Nord (en particulierl’Inde, dont les labos fabriquent 22 % desgénériques dans le monde, et où les nappesphréatiques sont très fortement dégradéespar leurs résidus).

Toujours est-il que si les effets sur l’espècehumaine du cocktail de prescriptions médi-cales généreusement servi aux populationsterriennes sont encore inconnus sur le longterme, ils ne seront à coup sûr pas anodins.Et que la Très Sainte Eglise elle-même devraity trouver matière à quelque inquiétude, elle sisoucieuse de procréation : ne sait-on pas déjàque, chez certains poissons, diverses sub-stances médicamenteuses, en particulier hor-monales, sont susceptibles de provoquer unealtération des caractères sexuels, voire… unchangement de sexe ?

Pourtant, cette Eglise a des préoccupa-tions bien plus boutiquières, comme celle dela concurrence islamiste. Ainsi, la manifesta-tion propalestinienne organisée le 4 janvier àMilan et qui s’est achevée par la prosterna-tion en direction de La Mecque de plusieurscentaines de personnes sur le parvis de lacathédrale l’a outrée. A tel point que, en dépitdes excuses présentées par les représentantsde la communauté musulmane milanaise àl’archevêque de la capitale lombarde, leministre de l’Intérieur Maroni (qui appartientà la Ligue du Nord) envisage pour lui plaired’interdire dans toute l’Italie les rassemble-ments devant les lieux de culte – en y ajou-tant les ambassades, casernes, centres com-merciaux et quartiers très peuplés, pour fairebon poids. Si donc la directive maronienne estappliquée, il va devenir assez difficile demanifester dans la péninsule ailleurs qu’au-tour des cimetières – et peut-être ces lieuxaussi seront-ils jugés encore trop vivants ?

Une suggestion : toutes les mobilisationscontre tous les pouvoirs devraient désormaisn’être autorisées que dans une cour entouréede murs très hauts et couronnés de barbelés ;ainsi, elles ne gêneraient plus la vue desclasses dirigeantes, et celles-ci n’auraient plusbesoin de faire procéder à l’interpellation deleurs participant-e-s avant dispersion… D’unepierre deux coups.

Quoi qu’il en soit, et pour revenir à laclique du Benoît n° 16, un seul message : Vachier, et dans ton eau potable si possible !

Vanina

OGM semences politiques – Vers un contrôle total du vivant,Philippe Godard,Homnisphères, 2008, 110 p., 10 euros.

Encore disponible :

Courant AlternatifHors-Série N°14

14-18 : Le creuset

destotalitarismes

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Sarkozy vire un préfet et un chefdépartemental de la police parcequ'à l'occasion d'un déplacementà Saint-Lô, il avait dû subir l'af-front d'entendre les slogans demanifestants, plus nombreux queprévus et pas assez éloignés de savue !!!

Au-delà d'une lecture psychologisantequi révèle une fois de plus caractèreparanoïaque évident du personnage

mais que l'on laissera volontiers à d'autrescommentateurs plus avisés, il faut bienessayer d'en retirer une vision plus poli-tique Eh bien ça veut dire d'abord qu'on va s'a-muser, enfin !!!

Il ne fait aucun doute, que vu le climatsocial actuel, chaque déplacement de notregrand chef de l'Etat sera l'occasion demobiliser du monde et de faire du bruit.

Car il y a là un vrai enjeu politique.L'Etat de Sarkozy ne veut pas que l'on

« voie » les grèves. Il ne veut pas que l'onentende la colère des gens. Il veut rendrevains les mouvements collectifs de luttedont la grève en est l'expression la plustranchante (service minimum,encadrement encore plus restrictif...). Et sipar intelligence tactique une grève parvientà déjouer les restrictions légales et à gag-ner sur ses revendications (Saint-Lazare), ildécide de changer encore la loi, afin quecela ne puisse plus se reproduire, ici ouailleurs, qu'une anomalie trop voyantedans la paix sociale soit effacée.

Il empêche les manifestants d'occuperla rue, le centre des villes quand lui s'y rendavec tout le faste et l'accompagnementmédiatique qu'il sait si bien mettre enscène.

Il fait encadrer les manifestations pardes dispositifs policiers invraisemblables,où les forces de l'ordre font écran, où l'onvoit plus une police armée, suréquipée, mil-itarisée, massivement déployée que lesmanifestants et leurs banderoles.

Il empêche les lycéens de faire grève(sanctions disciplinaires, plaintes au pénalet poursuites judiciaires contre les« meneurs ») et de manifester dans les cen-tre-villes.

Il fait interpeller sytématiquement desmanifestants par dizaines, par centaines,avec fichage, et poursuites judiciaires pour« rébellion » et « outrage à chef d'Etat » !!!

Il fait charger violemment les rassem-blements par ses différents corps policiers

(forces anti-émeutes, du maintien de l'or-dre, BAC, civils…).

Il fait contrôler sa population à traversla multiplication des fichiers, des outils desurveillance (vidéo surveillance, contrôlesde l'Internet, intensification du travail desRG/DST), le déploiement de moyens mili-taires aériens d'observation (hélicoptères,drones…) sur les quartiers populaires dits« sensibles » et « à risques ».

Le but est bien de faire disparaître lamanifestation, la grève, le mouvement.

Et avec l'aide des médias, le but est dedisqualifier les manifestants, de les traitersur le mode policier de l'anormalité, de ladangerosité qu'il convient de contrôler etréprimer. Voir à ce propos comment a étéassocié la thématique du "risque d'affron-tements communautaires" et les manifes-tants solidaires de Gaza afin de justifierl'hyper présence policière, le bras armé del'Etat, dans la rue, partout, en encadrant lesmanifestations comme si celles-cimenaçaient de renverser l'ordre social,comme si c'était la guerre ici, comme si les« propalestiniens » devenaient des « Pales-tiniens » à contrôler, à occuper, à réprimer !

Et en créant une équivalence entre "lesmanifestants" et "le désordre" ou "le dan-ger", on parle de l'ordre public à défendreet pas de ce que disent les manifestants.Comme quoi la vision policière du social etde l'ordre des choses reste toujours aussiet surtout une vision politique.

La politique « antiterroriste » qui fab-rique un ennemi intérieur dangereux vientparachever le dispositif.

Car la politique, c'est une affaire de vis-ibilité et de parole. Et la visibilité, le bruitde la rue font partie du champ de bataille.

Sarkozy veut l'invisibilité des luttes etla censure des mots qui le conteste. Surtout

quand ces mots et ces luttes sont collec-tives, échappent au cadre formaté de l'es-pace politique officiel, celui des partis insti-tutionnels et des grands médias.

Dans ce contexte d'état d'exceptionpermanent, il y a une double bataille àmener :

1) occuper les rues, occuper les places,occuper l'espace public puisque cesespaces, ces lieux sont à nous, le peuple. Cen'est pas à l'Etat à les confisquer, à les pri-vatiser, à occuper l'espace comme uneforce d'occupation précisément et de nous« autoriser » ou non à aller où bon noussemble ;

2) se rendre visible, faire du bruit : lesmoyens ne manquent pas. Etre nombreuxmais aussi le plus bruyant possible àchaque déplacement de notre petit bona-parte : grosses sonos, pétards, gamelles etbidons, instruments de musique et autremoyens : vive l'imagination...

Le silence tue. On ne se taira pas.Et au-delà du bruit et du visible, l'enjeu

est bien de prendre la parole, de ne pas laperdre, de ne pas la déléguer, de pensermoins à sa mise en scène par les médiasqu'à sa mise en œuvre pour elle-même,pour créer du mouvement, du collectif, dela solidarité, pour produire de la politique làoù nous sommes et dans les lieux que noussommes prêts à occuper..

Notre grand chef de l'Etat n'a pas finide nous entendre, car ce n'est qu'un début!

Et comme disent les Jolie Môme : « C'estdans la rue que ça se passe ! »

Ici, en Grèce, partout et toujours…

J.F.

point de vue international

24 COURANT ALTERNATIF

La bataille de la visibilité

Page 23: CA février 08 - Freeoclibertaire.free.fr/upl/188_CA08.pdf · 2009. 4. 6. · MARS 2009 DITO 3 Engrenages Sans surprise, la crise sociale mondiale touche en premier lieu les pays

L’Islande connaît une pros-périté très récente auregard de son histoire

émaillée de famines et de colo-nisations. Depuis l’installationdes premiers vikings et de leursesclaves celtes au IXe siècle lasurvie a toujours été difficilesur cette île en bordure del’océan glacial arctique et enproie à une activité volcaniqueparmi les plus importantes dela planète.

LES SIRÈNESDU LIBÉRALISME

Lorsque le pays, qui pos-sède sa propre culture et sapropre langue, s’est enfindébarrassé de la tutelle danoiseen 1944, il s’est essentiellementdéveloppé grâce au secteur dela pêche qui a pu rapidementlui assurer des revenus confor-tables grâce à des eaux territo-riales très riches. L’Etat islan-dais s’est quant à lui construiten s’inspirant des modèlessociaux-démocrates des grandsfrères scandinaves. Il semble-rait qu’au cours des années1980-90 la bourgeoisie du paysait commencé à se sentir unpeu à l’étroit dans ce carcan età lorgner avec appétit sur lesréformes libérales que connais-saient déjà la plupart des paysdits « développés ». A cettevolonté de réformes coïncidaitégalement la prise deconscience que la pêche étaitun secteur fragile soumis àl’état des stocks des fondsmarins, mais surtout auxhasards des cours mondiaux.

Dans les années 80, le gou-vernement a élaboré un sys-tème de quotas, officiellementpour protéger les eaux de lasurpêche. Cela semblait unebonne idée, les ressourcesétaient au bord de l’épuise-ment, mais, sous l'influence dela mode libérale, ces quotas,attribués aux propriétaires desbateaux, avaient aussi la possi-bilité d’être vendus et compo-sés en lots. Le résultat est queles grands chalutiers apparte-nant à de grosses entreprisesont fini par racheter progressi-vement tous les droits de pêcheau détriment des petitsbateaux. Le poisson, l'Islande etson riche patrimoine d'actifspendant des siècles sont deve-

nus propriété privée et les nom-breux petits villages côtiers sesont désertifiés.

Dans les années 90 arriveau pouvoir le parti de l’indé-pendance (droite conserva-trice), très lié aux milieux éco-nomiques, qu’il ne quittera pasjusqu’aux événements de cemois de janvier 2009. Avec sonappui se met en place tout unsystème de collusion mêlantpouvoir politique, économiqueet financier. Dans ce pays de300 000 habitants, les déten-teurs du premier sont souventles cousins du deuxième et lesbeaux-frères du troisième. Aucœur de cette élite, on retrouveun personnage sulfureux, sym-bole de la crise actuelle, DaviôOddsson, plusieurs fois Premierministre et dirigeant actuel dela banque centrale. Farouchepartisan du capitalisme libéralet du rapprochement avec lesEtats-Unis, l’Islande connaîtsous son mandat des vagues deprivatisation intenses.

L’INDUSTRIE COMME REMÈDE

À LA DÉSERTIFICATION ?

A cette époque émerge unepolitique d’industrialisation

pour diversifier les ressourcesdu pays face aux aléas de lapêche. Les mêmes politiciensqui ont privatisé les quotas depêche, entraînant la désertifi-cation des villages de pêcheurs,préconisent aujourd’hui l’in-dustrialisation pour repeuplerces régions rurales. Après avoirprivatisé les ressourcesmarines, pourquoi ne pasvendre également l’énormepotentiel hydroélectrique quepossède le pays avec ces nom-breuses et puissantes rivièresglaciaires , Les industriels del’aluminium, très gros consom-mateur d’électricité, lorgnentavec intérêt sur la vente d’uneélectricité bon marché. Des pro-jets de barrages sont alors éla-borés, dont le très controversécomplexe de Kárahnjúkar. Lestravaux titanesques débutenten 2002 au cœur des hauts pla-teaux sauvages du centre-estde l’Islande. Le barrage princi-pal est mis en eau en sep-tembre 2006 devenant le plusimportant d’Europe. Il alimentedésormais une fonderie d’alu-minium sur la côte Est de l’île,appartenant au géant améri-cain ALCOA et s’intégrant auschéma classique du marchémondial où les distances ne

comptent pas : la matière pre-mière (la bauxite) est extraiteessentiellement dans l’hémi-sphère sud, transformée enIslande, puis réexpédiée auquatre coins de la planète…

Pour lancer ces travauxmégalomanes de 2,2 milliard dedollars, équivalant à environ20% du PIB, l’Etat est contraintd’engager un prêt gigantesque.Il signe en même temps uncontrat avec ALCOA lui garan-tissant une rente pour l’exploi-tation de l’électricité, indexéesur le cours mondial de l’alu-minium et devant lui permettrede rembourser ses dettes. Unpari hautement risqué puisquedepuis le mois d’août 2008 leprix de l’aluminium est enchute libre, cet incident ayantcontribué à accentuer la criseactuelle.

En 2001, le gouvernement aprivatisé les trois banques dupays, Kaupthing, Landsbanki,Glitnir, qui ont aussitôt étérachetées par les quelquesriches familles islandaises.Sous l’égide de ces banques, lesentrepreneurs se lancent à l’as-saut des marchés mondiaux eninvestissant et rachetant toutazimut entreprises – y comprisles bons foies gras fran-chouillards de la marqueLabeyrie –, banques, assu-rances, fonds de pension et pro-bablement quantité de produitsfinanciers aux origines dou-teuses. Il est dit que ces inves-tissements financiers exté-rieurs représentèrent jusqu’à9 fois le produit intérieur brut.Certains expliquent cette poli-tique économique agressive parla résurgence de l’esprit vi-king (!).

LE CHÂTEAU DE CARTESS’EFFONDRE

Au cours des années 2000,l’Islande connaît alors unepériode faste, avec un taux decroissance entre 4 et 7%, unniveau de chômage à moins de2 %. Les capitalistes islandaisentraînent dans leur danse folleune bonne partie de la popula-tion, incitée à consommer sansmodération, à contracter descrédits à des taux avantageuxen devises étrangères (yens ou

international

MARS 2009 25

Islande : de la crise à la révolteLa fameuse crise des subprimes a touché de pleinfouet l’Islande au début du mois d’octobre (voirCA 184, novembre 2008). En quelques jours lestrois banques islandaises ont fait faillite, entraî-nant dans leur chute le système économique d’unpays entier. Au delà de cet aspect spectaculaire, lesraisons de cet effondrement sont probablement àchercher plus en profondeur dans les choix poli-tiques opérés depuis une quinzaine d’années.

Page 24: CA février 08 - Freeoclibertaire.free.fr/upl/188_CA08.pdf · 2009. 4. 6. · MARS 2009 DITO 3 Engrenages Sans surprise, la crise sociale mondiale touche en premier lieu les pays

francs suisses) et à travaillertoujours plus pour les rem-bourser. Au début de l’année2008, quelques économistesessaient de faire entendre leurvoix en tirant le signal d’alarmesur la surchauffe de l’écono-mie. Le taux d’inflation sur uneannée approche les 8 %. Cettemême inflation oblige les Islan-dais, même les plus modestes,à s’endetter toujours plus, neserait-ce que pour payer la mai-son. Rien n'y fait.

A la fin du mois de sep-tembre débute la crise finan-cière mondiale que l’onconnaît, avec le dégonflementbrutal des bulles spéculativespartout sur la planète et la« découverte » de ces créancespourries qui ont miné l’en-semble du marché interban-caire. Début octobre, en moinsd’une semaine, les troisbanques islandaises font failliteet sont nationalisées en catas-trophe par le gouvernementislandais. L’Etat hérite ainsid’une dette colossale, qui,aujourd’hui, n’est pas encoretotalement évaluée, maisreprésenterait 200 000 eurospar habitant, enfants compris.Dans les semaines qui suivent,les appels au secours de l’Is-lande rencontrent un silenceassourdissant : aucune réac-tion des Etats-Unis ; pas plusde réaction de l’Union euro-péenne, dont il est vrai le paysn’est pas membre. Finalement,c’est du côté du FMI qu’un prêtde 2,1 milliards de dollars estaccordé. La Norvège met aussila main à la poche. La dérouteest telle que même les petitesîles Féroé versent une contri-bution.

Rapidement, la stupeur faitplace à la fureur. Les Islandaiscomprennent que les quelquesilluminés qui détiennent lesrennes du pouvoir politique etéconomique viennent deconduire le pays à la ruineaprès s’être copieusement ser-vis. Cette bourgeoisie qui pos-sède et gère toutes les richessesest composée d’à peine14 familles ; des dynasties avecdes noms de famille. Il fautsavoir que l'Islandais moyenn'est pas autorisé par la loi àporter un nom de famille.Seules 14 familles de la vieillearistocratie danoise ont unnom, les autres portent le pré-nom de leur père selon l’an-

cienne tradition païenne : Hall-dor Einarson (Halldor, fils deEinar), Björk Gumundsdóttir(Björk, fille de Gumund), etc.Sous ses allures de paisiblecontrée nordique, l’Islande n’enest pas moins une société declasse et d’inégalités.

L’implosion du secteur ban-caire ne touche pas seulementles secteurs financiers. Trèsrapidement, la couronne islan-daise, déjà très fragile, plongeet perd la moitié de sa valeur.Par effet mécanique, l’inflationgrimpe en flèche à 18 % surl’année 2008, d’autant plus quele pays dépend en très grosseproportion des exportations deproduits de consommationcourante : nourriture, habille-ment, essence, etc. Les salairesislandais ne peuvent plussuivre le rythme. A cela s’ajouteégalement l’explosion de lavaleur des créances étrangèresque de nombreuses personneset entreprises ont contractées.A ce jour, des milliers de famillene sont plus en mesure de rem-bourser les mensualités de leuremprunt immobilier. Le précé-dent gouvernement a dûannoncer qu’il suspendait lesexpulsions de logement, pourle moment, mais après ? Lesretraites, financées majoritai-rement par des fonds de pen-sion, vont être considérable-ment amputées.

En quatre mois, le chômagea bondi de 2 à 8 %, soit16 000 sans-emploi, et attein-dra probablement les 10 % à la

fin 2009. Les nombreux chan-tiers de Reykjavik sont suspen-dus faute de financements, etles immigrés polonais rentrentchez eux. En sens inverse, lesétudiants islandais à l’étrangerne peuvent plus payer leursétudes et sont contraints derevenir au pays. Des coupesclaires dans le budget de lasanté se profilent déjà. Soupespopulaires et Restos du cœuront commencé à faire leurapparition au cours de l’au-tomne. Malgré cette situationcatastrophique, les respon-sables politiques et écono-miques de cette faillite conti-nuent à tenir les rênes du payset à prétendre sans vergognepouvoir continuer à le dirigerselon leurs recettes mortifères.

LA MOUTARDE MONTE AU NEZ DES ISLANDAIS

Au début du mois d’octobre,quelques jours après la ban-queroute financière, les pre-miers rassemblements sponta-nés se déroulent dans les ruesde la capitale. Puis une pre-mière manifestation est orga-nisée le samedi 18 octobre dansl'après-midi sur la place joux-tant l’Althingi (le parlementnational). Ces manifestationsdu samedi deviendront le pointde rendez-vous principal desmobilisations, en rassemblantquelques centaines de per-sonnes pour les premières jus-qu'à près de 10 000 au sommetdu mouvement, ce qui est loin

d’être ridicule pour une popu-lation totale de 300 000 habi-tants. Elles ne concernent passeulement Reykjavik (1),d’ailleurs ; des rassemble-ments de plusieurs centainesde personne se déroulent éga-lement à Akureyri (18 000 habi-tants) dans le Nord, et mêmedans des petits villages isolésdans l’hiver arctique.

La faible taille de la popula-tion crée avec le pouvoir unerelation étrange à laquelle nousne sommes pas habitués ici. EnIslande, tout le monde seconnaît ; il est possible de croi-ser des ministres dans la rue etde les apostropher ; leuradresse figure dans l’annuaire.Un jour, un banquier en fitd’ailleurs les frais en se faisantcourser dans les rues de Reyk-javik à coups de boules deneige. Cette relation de proxi-mité induit des formes demobilisations et d’actionsdirectes inédites. Un matin dumois de décembre, des mani-festants décidèrent parexemple de former une chaînehumaine autour d’un bâtimentofficiel où devait se réunir unConseil des ministres dans l’ob-jectif de les empêcher d’yentrer. A la même période, desdizaines de protestataires s’in-troduisaient régulièrement enjournée dans les sièges des dif-férentes banques pour pertur-ber leur fonctionnement pen-dant plusieurs heures avant dese faire déloger par la police. Le31 décembre, 300 personnes sesont rassemblées devant un

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