bulletins de la société d'études historiques et géographiques d'athis-mons - n°1...

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Bulletins de la Société d'Études Historiques et Géographiques d'Athis-Mons et de la Plaine de Longboyau - n°1 - Octobre 1947

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Page 1: Bulletins de la Société d'Études Historiques et Géographiques d'Athis-Mons - n°1 - Octobre 1947

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RESEAU MEDIATHEQUE BIBLIOTHEQUE

ATHIS-MONS (91)

lUI �lm

Page 2: Bulletins de la Société d'Études Historiques et Géographiques d'Athis-Mons - n°1 - Octobre 1947

N'OTRE PROGRAM�E

Il est souvent pénibte de constater que le passé de nos lpcalités du sud de la Région Parisienne, si riche pourtant en sonvenirs historiques, est presque tQtalement ignoré de leurs habitants actuels. Ce fait ne doit pas tellement surprendre si l'on songe que, depuis le milieu du XIX· siècle, les transports ferroviaires ont cl'éé et étendu petit à petit autour de Paris une zone satellite qui s'est trouvée par la suite incluse dans la Banlieue même de la - Capitale. _

.

A côté des vieux -villages aux communautés lentement orga­nisées sont venus s'accoler les lotissements dont les nombreux :pavillons échelonnés le long' des voies rectilignes contrastent etrangement ,avec la masse rabougrie et serrée des vieilles habi­tations posées de guingois au �ord des étroites rues tortueuses des anciens pays, faisant en c;ruelque sorte figure d'intrus sur ce sol dont ils ont bouleverse le cycle des traditions immé-

1 moriales. - Seules quelques plaques de rues rappellent parfois un vieux

coin du - terroir ou évoquent le souvenir de quelque person­na�e dont la notQriété, grande à son ép?que, est bien oubliée aUJourd'hui. '

1 Cette constatation nous a déterminés à envisager la création d'une Sociéié d'études locales et régionales qui s'adresse non seulement-aux membres de l'enseignement, mais encore et d'une manière générale à tous ceux qui portent quelque intérêt à l'histOIre du milieu local dans lequel ils vivent .

Clairement défini à l'article 3 des Statuts. le but de notre Société ,est précisément de les grouper pour leur faire mieux connaître la lente évolution au ·cours des siècles passés des insti,tutions politiques et administratives, 'pour faire revivre devant eux les personnage.s célèbres qui ont vécu sur le même sol, pour étudier les transformations successives de la vie économique et sociale dans notre ré�ion1 et enfin pour aider

. ceux que l'amour de notre terroir inCIterait à entreprendre des recherches sur son passé.

La cheville de notre Sbciété sera le Bulletin qu'elle publiera tous les trimestres ,et auquel nous apporterons tous nos soins.

, Il contiendra de courtes monographies Idcales et régionales sur les suJets les plus divers, des conseils aux chercheurs, des renseignements bibliographiques ainsi que des communications d'ordre pédagogique.

Déjà de nombreux concours nous sont parvenus qui nous permettent d'entx:evoir l'ayenir avec, confiance. Nous espéronsl que Ce premier Bulletin, image de notre activité et de notre: ambition,' répond bien à la devise que nous nqus proposons:

DISTRAIRE et INSTRillRE.

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LA PLAINE DE LONGBOYAU

Çc c... Au sud de Paris, l'horizon est barré vers l'Occident p ar un "" talus bien marqué et boisé de 80 à 100 mètres de comman­

d!)me nt, au-dessus duquel se dressent les plateaux du HURE­POIX, troués d'étangs , tachetés de bois et découpés par les petites vallées affluentes et sous-affluentes de la Seine, Bièvre, Yvette, Orge et Juine.

Entre le rebord de ces plateaux et la rive gauche de la Seine, s'allonge sur une trentaine de kilomètres, de part et d'autre de la vallée de l'Orge , une plaine vaste et monotone, douce­ment inclinée vers le sud.

La partie septentrionale de cette plaine s'étend, sous la forme d'un grand quadrilatère jalonné par les communes de Villejuif, Palaiseau, Savigny-sur-Orge et Ablon, entre les coteaux du Hurepoix et les vallées de la Seine, de l'Orge et de l'Yvette: nettement délimitée aux portes de la Capitale, cette p etite région constitue une véritable unité historique et géographique, que les chroniqueurs ont de tout temps désignée sous le nom de Plaine de Longboyau. .

Les s euls accidents de cettt' plaine sont, en bordure, les basses vallées de l'Yvette et de l 'Orge: largement évasées et marécageuses, bornées de chaque côté par des pentes douces, elles ne ressemblent en rien aux raides vallées du Hurepoix.

En les suivant, on aboutit ù la confluence de la Seine et de l'Orge : les coteaux s'écarte nt de part et d'autre en forme de croissant, dont l'une des deux pointes .finit à Ris-Orangis et l 'autre à Ablon, dessinant un large bassin rempli p ar les allu­vi ons de ces deux rivières (1).

Du haut des coteaux de Viry-Châtillon, on découvre la vallée de la Seine qui , après avoir fai t un large coude, se dirige ,vers le Sud-Est sur Corbei l ; droit devant soi, la vue s'étend le long des coteaux de Juvis�' et cl' Athis-Mons, au pied desquels coule nonchalamment la petite rivière d'Orge (2) qui s'épanouit dans la plaine alluviale en de nombreux ruisselets , dont le principal est le Mort-Rû et qui vient se jeter dans le fleuve à Athis, après l 'avoir longé pendant quatre kilomètres.

Un secon d bras, moins important , aboutit directement au hameau du Petit-Châtillon, sur la commune de Viry-Châ-, tillon (3).

La Plaine de Longboyau, dont la plus gra n de largeur de Massv à Ablon est de 10 kilomètres et la plus grande longueur de Villejuif à Savigny de 15 kilomètres environ , est située à 80-90 mètres d'altitude absol ue et domine d e près de 50 mètres l e niveau de base de la région, la ,Seine.

(1) Consulter les cartes d'Etat-Major à 1/80.00.0 de l'aris (feuille N° (8) et de ;\fel un (feuille N° 6'5),

(2) L'Orge prend sa sourcc' à Brétencourt, au Sud-Ouest de Dourdan. (3) De nombreuses controverses ont eu lieu dan s le pays pour

prouver que cc bras était la véritable rivière d'Orge, en s'appuyant sur le fait qUe le bras princ ipa1 a été canalisé à une é'Poque fo,rt aneienne. Or, les documents sont formels sur ce point: si l'Orge a été effectivement canalisée dan s le courant du XVII" siècle, et ce sur une très faibJ.e' longueur sNJ l ement, pour contribuer à l'embeUissement !lu Par,c de Juvisy, il n'en reste pas moins qu'elie a touj ours existé à son emplac'c'lllent a ct,u'Cl , Et nos ancêtres confirment bien cette idée, quand ils désignent c(' bras s(' condaire du nom de « fausse rivière :t.

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Elle constitue une remarquable surface plane qui n'est détruite que par de petites buttes ou de petits vallons; elle est carac­térisée, en outre, par son absence totale de riviè'res, c'est-à-dire qu'elle n 'est p oint drainée.

Elle correspond à la surface du calcaire de Brie, en voie d'être dégagé des sables de Fontainebleau qui ne form ent plus que .quelques placages ou quelques bosses (Butte du Tartre à Wissous, 101 m. - Butte Chaumont à Champlan, 136 m.) : nous avons là un bel exemple de « plate-forme structurale » (1).

Cette grande plate-forme est recouverte par un manteau limoneux dont l'épaisseur varie de 80 cm. à 1 m. 50 suivant les lieux (à la Ferme de Champagne, sur la commune de Savi­gny, ce limon a u n e épaisseur de 1 mètre au moins). D'un ton jaunâtre ou fauve tirant sur le rouge ou le brun, ce l imon, constitué de poussières provenant des boues glaciaires et apportées par les vents du Nord-Est au Quaternaire, est d'une très grande valeur p our l'agriculture, car cette terre chaude, profonde et franche a fait de la Plaine de Longboyau un palJs fertile comme petite Beausse (2) où a toujours prédominé la grande culture des céréales.

,'Les p aysans connaissent bien lâ richesse de ces terres de la Plaine de Longboyau, qu'ils appelaient autrefois « terres soriè­res » en raison de leur couleur, les meilleures de toute la région, parce que leur fertilité dépend justement du sous-sol. Ici, la présence du calcaire de Brie au-dessous du limon a le double avantage d'être très p erméable, donc de le drainer et ensuite de fournir sur place de quoi l 'amender par le marnage.

Les meulières imperméables maintiennent, au contraire, l'humidité près du sol ; c'est ainsi que sur les plaines de Brie ou bien au delà de l'Orge, sur la plaine de Fleury-Mérogis, il a été nécessaire de faire de vastes drainages qui ont beaucoup contribué à changer l'aspect de la contrée et à augmenter la fertilité du limon.

ETYMOLOGIE DES NOMS DE « LONGBOYAU» ET DE « PLAINE DE LONGBOYAU ».

On a d'abord fort longuement épilogué sur l'origine de ce mot. L'éminent abbé Leb euf, dans son article sur Villejuif, village situé sur le hallt de la colUIre où commence la longue plain e de LongbolJau (3), pense que ce nom p eut avoir la même origine ane celle que Dom Duplessis marque dans sa descrip­tion du Vexin, nages 240 et 245, où on lit qu'une forêt de ce nav� est appelée Longllm nothel dans des titres de Sainte­Catherine de Rouen, et au 'on la nomm e encore Long-boel. Il ajoute qu'en langage teuton, Botie signifie maison; en la paroisse de la Brosfe-en-Brie , i l existe un lieu ou prairie surnommé LOllgllm Boellum, dans un titre (1'1' 1220.

{1) En Géo!!raphie Phvsique Génoc\rale, une « surface structurale ,. est une surface <j'ui coïndrle exactement avec le plan stratigraphique &uTJPripllr d'une couche résistante.

(2) Chllrlps ESTTRN'iE. T,a Guide des Chemins de France, 1 vol, in-32. Paris. 15113, chez Estienne.

(3) Abbé Jean LEBEUF, Histoire de la Ville et de tout- le Diocè�e de Paris, 7 vol. in-8°. Paris. 1754. chc'z Féchoz et Letouzey (page 26 du tome IV de l'édition de 1883-1893),

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D'autres chroniqueurs veulent que cette plaine soit ainsi appelée à cause de la route de Fontainebleau, qui file absolu­ment droite jusqu'à Juvisy, comme un long boyau. Telle est, semble-t-il. l'opinion de Trévoux, dans son Dictionnaire, qui écrit au mot Long : « On dit d'une chose longue et étroite, c'est le chemin de Ville-Juive, long boyau. C'est que le chemin de Juvisy à Ville-Juive s'appelle le longboyau. »

Une autre solution nous est fournie par le simple examen de vieilles cartes , en particulier celle des environs de Paris, dressée en 1690 par De Fer, qui suffit pour nous montrer l a présence, en bordure d e la « route de Fontainebleau qui est celle de Lyon », d'une ferm e, dite la Poste de Longb oyau, le seul écart à l'époque de la paroisse d'Orly (1). Il se peut que cette ferme ait donné son nom, par sa position centrale, à toute la plaine; le Dictionnaire de Trévoux se range également à cet autre avis en nous d i sant, au mot Cheminf' que le lieu où cette ferme est bâti e s'appelle Longboyau et que c'est ce qui a donné le nom à toute cette plaine.

LA PLAINE DE LONGBOYAU EST-ELLE DANS LE HURE­

POIX OU EN BRIE?

On range généralement ce pays dans le Hurepoix et cepen­dant, tout l e distingue de cet ensemble de plateaux m orcelés par la Bièvre, l'Yvette et l'Orge, dits Plateaux du Hurrpoix, dan s . l'acception moderne et purement géographique du mot. Le vieux nom de Hurepoix, dunt la racine Hure signifie arb re taillé en tétard et suppose Que ce pavs a été une région de culture ou de forêt dégradée, fut attribué depuis le Haut Moyen-Age à des pays très divers. .

Sur les cartes anciennes, on voit errer ce pa"s entre la Seine et la Loire, selon la fantaisi e des auteurs. Au XVII" siècle, il désignait e ncore une rëgion mal définie au sud d u Gâtinai� ; plus tard, l e Hurepoix fut rapproché de Paris , bien que restant toujours à l'ouest du Loing. Enfin, au XVIII" siècle , il finit par émigrer entre la Sei n e et le Gâtinais, au nord-est de l a Beauce, et l 'on y place l es villes de Montfort-l'Amaury, Houdan, Man­tes. Dourdan et Epern on.

En fait, la local isation du Hurepoix est très incertaine (2) et ce mot n'a iamais répondu à une l'édité vivante, à un nom de pavs enraciné dans l'usage populaire : la langue du droit et celle des documents admi nistratifs ont toujours ignoré le Hurepoix.

La plaine de Longhoyau fait non moins partie de la Rrie, dont elle n'est qu'un avant-pays: l e véritable paysage briard, coupé de grandes for(\ts, fait seulement son apparition sur l a rive droite de la Seine avec la forêt de Sénart.

Aussi. Pourquoi n'essaverions-nous pas de faire revivre un terme, à présent connu des seul s érudits, et dont l'emploi étaIt

(1) Carte « Les En"iron.� de Paris Dressés et Dédiés à Monseigneur le Dauphin Par Son très-humhle Serviteur DE FER Sou Géogravhe -Dressés par De Fer et gravés par Liébaux ». - A Paris. chez l'Auteur dans l'Isle du Palais .... 1690, 1 fcuil.le 0750x0520 (Bibliothèq,ue Natio­nale : CC 1275, planche 26).

(2) SUI: le. incertitudes de la localisation du Hurepoix, lire surtout (.. GALLOIS, Régions naturelles et noms de pays, Paris, 1908.

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pourtant si généralisé dans l'ah ciE n temps. Il n 'est point d'actes juridiques (pièces de greffe des prévôtés et bailliages de la région, baux de fermage, etc ... ), ni de chroniques ancien­nes qui ne mentionnent avec exactitude la petite région n aturelle qu'est la plaine de Longboyau.

Par exemp'e, un bail de terres labourables sises sur les terroirs d'Athis , ,Uons et èz environs, fait le 30 novembre 1752 à Jea n Angot, marchand boucher, demeurant à Athis-sur-Orge, par Nicolas Huet, docteur en théologie, prieur, curé de Saint­Denis d'Athis-sur-Orge, mention ne un Etat des terres dé pen­dantes du Prieuré d'Athis, seituées dans la plaine du Longb oyau ...

Nous p ourrions présenter une multitude de documents qui nous pErmettraient d'abouti r aux mêmes conclusions et n ous sommes p ersuadés que ce vieux terme reprendra dans l 'histoire locale la place qu'il avait autrefois, excluant à jamais les appel­lations fictives de Plaine de Wissous ou Plaine de Villejuif .

. \ C'est à Athis-Mons et Juvisy que se termine la plaine de

Longboyau vers le sud, dans u ne molle i nflexion vers l a vallée d e la Seine ; et c'est dans ce décor que s'inscrivent les villages j umeaux d'Athis et de Mons, où notre Société d'Etudes Locales a VII récemment le jour.

La di gestion par la Capit'lle de ces vieux terroirs ruraux, conséqu ence directe de la création du grand organ isme qu'est la gare d e triage de Juvisy, a modifié profondément ce coin de la banlieue de Paris et a fini par oblitérer tous les vestiges du p assé, de quelque nature qu'ils soient. Le but de notre Société est de faire revivre l'histoire locale, en déroulant ses différents épisodes dans l e vieux cadre d'autrefois ; et n ous espérons y p arvenir avec l 'aide et le concours de tous nos membres.

Le Secrétaire Général : Louis BRUNEL.

L'ACTUALITE LOCALE

LA NOUVELLE LIGNE D'AUTOBUS PARIS-SAVIGNY

Depuis le lundi 7 .i uill et 1947, les Cars Phocéen s (Cars Renault) ont cédé la place aux m agnifiques voitures blanches et vertes de la Compagnie du Métropolitain de P aris.

L'inauguration de ce nouveau service a été accueillie très favorablement par tous les habitants du Plateau, dont les moyens de communication avec Paris sont parfois restreint�. Cette ligne, qui porte l 'i n dice SA, a le gran d avantage de péné­trer plus profonclément à l'intérieur des lotissements (terminus: plac!' des Marguerites. à Savigny) et (Foffrir aux travailleurs des f�il ités par l'établissement d'une carte heb d omadaire.

D. L.

Dans notpe prochain numéro : LA CULTURE DE LA VIGNE ET SES COUTUMES

à Athis-Mons et Juvisy.

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UN AVENTURIER ... DE ROBE ET D'EPEE L'ABBE JEAN DE WATTEVILLE,

SEIGNEUR DE CHAIGES

C'est une bien curieuse figure que celle de cet abbé qui vint, dan s le dernier quart du XVII" siècle, prendre possession du château de Chaigcs (1), dont il venait d'hériter. Cadet d'une vieille famille noble de Fr.anche-Comté, province alors sous la dominatio n espagnole, Jean de Watteville était né à Besançon en 1613 . . Comme son frère aîné Charles, il embrassa de bonne heure la carrière des armes et servit dans les troupes espagnoles qui combattaie nt alors en Italie Son caractère impétueux ,)t intran­sigeant ne tarda pas à lui attirer de nombreuses affaires; et, à la suite d'u n duel mortel avec u n gentilhomme espagnol, il dut s'enfuir de l'armée pour éviter les suites fâcheuses qui devaient en résulter pour lui. Afin de se faire quelque peu oublier, Jean de Watteville revint e n Franche-Comté, où il entra dans u n couvent de Chartreux et fut ordonné prêtre.

Malheureusement, son esprit libre et indépendant ne put se plier longtemps à la fois à la rigidité et à l'indolence de la vie monacale ; durant quelques anüées, il rongea son frein, tout en songeant néanmoins à préparer les moyens de s'affranchir d'une !Utelle aussi intolérable. Ayant réussi, à la longue, ' à se procurer vêtements, pistolets, argent, et certain de pouvoir disposer aussi d'une monture à proximité du couvent, il s'ap­prêtait à fausser compagnie aux Chartreux, lorsqu'il fut surpris, en habit séculier, sur un e échelle, prêt à sauter les murs, par le prieur du monastère qui avait eu quelque soupçon de son projet. Aux cris d'alarme du prieur qui voulait s'opposer par la force au départ clandestin du Chartreux, celui-ci, sans hési­tation, riposta par un coup de pistolet qui supprima le gêneur . . . et il s'enfuit .

Saint-Simon, dans ses Mém oires, nous raconte une autre aventure survenue, à quelques jours' de là, au fugitif et qui se termina, elle aussi, RaI' mort d'homme:

« A deux ou trois journées de là, il s'arrête pour diner à un « méchant cabaret seul dans la campagn e, parce qu'il évitait « tant qu'il pouvait de s'arrêter dans des lieux habités, m et « pied à terre, demande ce qu'il y a au logis. L'hôte lui « répond : « Un gigot et un chapon. - Bon, répond mon défro­« qué, mettez-les à la broche. » L'hôte lui veut remontrer que « c'est trop des deux pour lui seul, et qu'il n'a que cela pour « tout chez lui. Le moine se fâche et lui dit qu'en payant dest « bien le moins d'avoir ce qu'on veut, et qu'il a assez bon « ap.pétit pour tout manger. L'hôte n'ose répliquer et enibro-

(1) Chaig.e ou Chaiges, dans la vallée de la Seine, sur le terroir d'Athis, entr� le fleuve et J'Ory".e, était un ancien fief royal dépendant du Comté de Montlhéry. En 839, à la veille de la construction du chemin de fer d'Orléans, la propriété de Ohaiges était rattachée à ('elle du Comte de Monttessuy, châtelain de Juvisy. Acheté en 1926 par la ComPlIgnie d'Orléans, le châ{eruu de Ohaiges vient d'être abattu pour permettre l'extension de la nouvelle gare de triage de Juvisy.

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« che. Comme ce rôti s'en allait cuit, arrive un autre homme « à cheval, seul aussi, pour dîner dans ce cabaret. 11 en « demande, il trouve qU'li n'y a quoi que ce iOit que ce qu'il « voit prêt à être tiré de la broche. 11 demande combien ils « sont là-dessus, et se trouve bien étonné que ce soit pour « un seul homme. Il propose, en payant, d'en manger sa part, « et est encore plus surpris de la réponse de l'hôte qui l'assure « qu'il, en doute à l'air de celUi qui a commandé le dîner. « Là-dessus, le voyageur monte, parle civilement à VattevIlle, « et le prie de trouver bon que, pUIsqu'il n'y a rien dans le « logis que ce qu'il a retenu, il puisse, en payant, dîner avec « lUI; dIspute, elle s'échauffe; bref, le moine en use comme « avec son prieur, et tue son homme d'un coup de pistOLet. « Il descend après tranqUIllement et, au milieu de l'etfroi de « l'hôte et de l'hôtellerie, se fait servir le gigot et le chapon, « les mange l'un et l'autre jusqu'aux os, paye, remonte à cheval « et tire pays. �

Ce double meurtre obligea notre Chartreux défroqué, au tempérament si quereileur et aux gestes si prompts, à s'éloigner le plus rapidement et le plus lOin possible du lieu de ses trIS les exploits. Il. alla donc jusqu'en Espagne. MalS là encore, nouvel avatar 1 Après le meurtre du fils d un Grand d'Espagne à Madrid même, il ne dut son salut qu'en se réfugiant dans un couvent de femmes, où il savait être en sûreté parfaite, l'abbesse étant une de ses parentes. Son séjour y fut abrégé cette fois par une aventure... amuureuse. Il séduisit, en effet, une des reâgieuses du couvent et, ne sachant plus que devenir, s'enfuit avec eUe à Smyrne, en Turquie, où elle ne tarda pas à mourir.

C'est alors que l'ancien Chartreux passa à Constantinople, où il abjura le catholicisme, embrassa l'islamisme et s'engagea dans les troupes du sultan. Son esprit d'aventure, sa valeur miâtaire et sa bravoure naturelle purent se manifester et le firent bientôt distinguer. Le sultan lui confia alors le comman­dement de l'armée tur<J.ue qui opérait en Morée contre les Véni­tiens; mais les succes remportés par le nouveau pacha, « l'homme de confiance en Morée », suscitèrent la jalousie des aUtres vizirs. D'autre part, l'autorité que lui conféraient ses succès militaires, dont les Turcs seuls tiraient profit, sa renom­mée personnelle grandissante, mais néanmoins assujettie au bon plaisir du sultan, !'incitèrent-elles à .envisager la possibilité de renouer avec le monde chrétien des relations aventureusement rompues depuis son évasion du couvent des Chartreux. Il semble bien qu'il ait profité de ces circonstances pour faire un retour sur lui-même et obtenir, par l'entremise de ses adver­saires eux-mêmes, la remise, par le chef de la chrétienté, de ses nombreUx méfait" passés.

Saint-Simon dit à ce sujet dans ses Mémoires,' « Il se crut « en état de tirer parti de sa situation, dansi laquelle il ne « pouvait se trouver à son aise. Il eu� des moyens de faire « parler au Gouvernement de là République (c'est-à-dire au « Gouvernement Vénitien) et de faire son marché avec lui. « Il promit verbalement de livrer plusieurs places et force « secrets des Turcs, moyennant qu'on lui rapportât, en toutes « les meilleures formes, l'absolution du Pape de tous les méfaits � de sa vie, de ses meurtres, de son apostasie, sûreté entière « contre les Chartrèux, et de ne pouvoir être remis dans aucun « autre ordre, restitué plénièrement au siècle ave c les droits « de ceuX: qui n'en sont jamais sortis, et plein ement à l'exer-

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« cice de son droit de prêtrise, et pouvoir de posséder tOUi « bénéfices quelconques. Les Vénitiens y trouvèrent trop bien « leur compte pour s'y, épargner, et le Pape crut l'intérêt de « l'Eglise SI grand à favoriser les chrétiens contre ies Turcs, « qu'i! accorda de bonne grâce toutes les demandes du pacha. « Quand il fut bien assuré que toutes les expéditions en étaient « arrivées au gouvernement en la meilleure forme, il prit si « bien ses mesures qu'il exécuta parfaItement tout ce. à quoi « il s'était engagé envers les Vénitiens. Aussitôt après, il se « jeta dans leur armée, puis sur un de leurs vaisseaux qui le « porta en Italie. Il fut à Rome, le Pape le reçut bien; et plei­« nement assure, il s'en revmt en Franche-Comté llans sa « famille, et se plaisait à morguer les Chartreux. »

En 1659, le voilà donc rentrant au pays natal, au sein de sa famille, et, grâce à l'intervention efficace de l'empereur d'Allemagne auprès du Saint-Siège, pourvu par le Pape de l'abbay.e de Baume-les-Messieurs (sise à quelques kilomètres de Lons-le-Saulnier, la deuxième en importance de la Franche­Comté, oà vivaient des Bénédictins de la Congrégation de Cluny) et de quelques autres avantàges intéressants, sans oublier la rémission de tous s·es méfaits passés.

Pendant le quart de siècle qui venait de s'écouler, et durent lequel le cadet des WaUeville avait mené une vie toute de désordres, d'aventure's et d'intrigues, i'aîné de la famille, Char­les, avait fait son chemin d'une façon beaucoup plus honorable. II avait accédé dans le service du roi d 'Espagne aux plus hautes charges militaires. Maréchal de camp en 1647, il avait été placé à la tête de J'armée navale espagnole qui, pour soute­nir Condé et la Fronde, était venue en 1650 mettre le blocus devant l'embouchure de la Garon ne . Il avait ensuite pris part, aux côtés du premier ministre de Philipp e IV d'Espagne, don Luis de Haro, aux vingt-quatre conférences préparatoires au traité des Pyrénées, en 1659. La faveur royale l 'avait appelé en 1660 au gouvernement de la province ·de Guipozcoa, et envoyé comme ambassadeur à Londres.

Il est curieux de constater que les deux frères se signalèrent à l 'attention de Louis XIV et de ses ministres, m ais pour des raisons diamétralement opposées. En effet, la s ingularité de la vie tant agitée e t si fertile e n intrigues du cadet permettait de le considérer (au cas où des négociations seraient entamées avec l'Espagne et n'aboutiraient pas) comme u n auxiliaire précieux s'il fallait recourir à u pe solution de force. C'est p en­dant la première conquête de la Franche-Comté (1668) que l'abbé de WaUeville - devenu en 1664 haut doyen du chapi­tre de Besançon, et, en 1665, premier m aître des requêtes au Parlement de DÔle. -- ven dit ses services à la cause de Louis XIV en trahissant ses compatriot�s qui l 'avaient chargé de négoeier avec le roi de France. La paix d'Aix-Ia-Chapelle (1668), en conservant l a Franche-Comté à l'Espagne, l'obligea à quitter son pays et à se réfugier en France.

Au contraire, fidèle à son monarque, son frère .avait failli, en 1661, amener une rupture entre la Françe et l 'Espagne, en récl amànt à Londres , où il était ambassadeur, la préséan ce sur le comte d'Estrades, ambassadeur de France, et en la prenant même de force dam une cérémonie publique 00 octobre 1661). De'vant cet outrage fait à son représentant. Loui s XIV chassa l'ambassadeur d'Espagne et rappela incontin ent son ministre à Madrid. Il exige a en outre et reçut devant une nombreuse

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assistance de diplomqtes étrangers, à Fontainebleau, les excu­ses publiques de l'Espagne, présentées par un envoyé spécial. Charles de Watteville, après cet esclandre, avait été rappelé à Madrid; il fut chargé alors du gouvern�ment de Biscaye, comme vice-roi, et en 1669 ambassadeur à Lisbonne, où il mourut en 1670.

Quant à Jean de Watteville, il ne put rentrer en Franche­Comté qu'après la deuxième conquête de cette province, pen­dant laquelle, déclare Saint-Simon, « il y servit fort utilement, « mais ce ne fut pas pour rien. Il avait stipulé l'archevêché « de Besançon, et, en effet, après la deuxième conquête, il y « fut nommé. Le Pape ne put se résoudre à lui donner des « bulles : il se récria au meurtre, à l'apostasie, à la circonci­« sion. Le roi entra dans les raisons du Pape, et il capitula « avec l'abbé de WaUeville, qui se contenta de l'abbaye de « Baume, 111. deuxième de Franche-Comté, d'une autre bonne « en Picardie et de divers autres avantages. Il vécut dans ses « terres, quelquefois à Besançon, rarement à Paris et à la cour, « où il était toujours reçu avec distinction » .

I l mourut à l'âge de quatre-vingt-dix ans, e n 1702, et fut enterré dans l'église de Baume où on lui éleva un magnifique tombeau sur lequel on grava cette épitaphe latine :

/talus et Burgondus in armis, Gallus in .4Ibis, In Curia reclus proes byter, Abbas adest.

Ce qui peut se traduire ainsi : « Guerrier en Haiie et en Bour­« gogne, diplomate en France; dans son Chapitre, prêtre « correct, tel fut l'Abbé qui repose en ces lieux. »

A cette épitaphe un peu trop louangeuse qui donne néan­moins un raccourci assez exact de la vie de ce seigneur de Chaiges, il paraît opportun de joindre les réflexions de Saint­Simon qui fait de lui le portrait suivant :

« Il avait partout beaucoup d'équipage, bonne chère, une « belle meute, grande table et bonne compagnie. Il ne se « contraignait point sur les demoiselles, et vivait non seule: « ment en grand seigneur et fort craint et respecté, mais à « l'ancienne. mode, tyrannisant fort ses terres, celles de ses « abbayes, et quelquefois ses voisins, surtout chez lui très « absolu . Les intendants pliaient les épaules, et par ordre « exprès de la cour, tant qu'il vécut, le laissaient faire et « n'osaient le cl:oquer en rien, ni sur les impositions, qu'il « réglait à peu près comme bon lui semblait dans toutes ses « dépendances, ni sur ses entreprises, assez souvent violentes. « Avec ces mœurs et ce maintien qui se faisait craindre et « respecter, il se plaisait à aller quelquefois voir les Chartreux, « pour se gaudir d'avoir quitté leur froc. Il jouait fort bien à « l'hombre et y gagnait si souvent codille que le nom d'Abbé « Codille lui en resta. Il vécut de la sorte, et toujours dans « la même licence et dans la même consi dération... »

M. LEROY,

Diredeur honoraire d'éroie p ublique.

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A

LE CHATEAU DE JUVISY

11 y a près de neuf siéc,es que des moines bâtisseurs constrUi­saIent à JUVISy un monastère qUI allaH <levelllr le cœur du vIllage, à l'enuroit même où s'elevait l'ancIen Hôtel <le V Il.e, détrUIt par les bombes dans la nuit du 1l) au 1 Il aVrIl l !l44.

En eitet, c'est à la fin du XI' sIècle que les mOIlles <le .vlar­moutiers-les-Tours viennent s'établIr sU1' le sol de notre COIll­mune actuelle. Au pied de la « montagne » (1), à proximite Ul'S marais bordant la SeIlle et l'Orge, ils élèvent leur monastere, une petIte chapelle, et commencent l'assaullssement de la vallee. Peu à peu, les hommes se groupent autour de la communauté religieuse, les maIsons se constrlllsent: le vlJJage est créé.

Ces moines de Marmoutiers restent longlemps les véritatJH�s seigneurs de Juvisy; et ce n'est que sous le règne de Charles VI qu'Ils cèdent le temporel de leurs droits aux seigneurs laïques. Dès lors, une parllC du vaste domaine ecclésiastIque devlCnt le bien du seigneur laïque, qui établit Sa demeure seIgneuriale à l'emplacement du monastère primitif.

Cependant, le véritable château de Juvisy n'apparaît que sous ROSSIgnol des Hoches, premier seigneur haut justicier du vil­lage . .En 1610, Messire Antoine Rossignol des Roches; président de la Chambre des Co�ptes, conseiller du roi, achète à la famille de l'Hospital la terre de Juvisy et fait agrandir et res­taurer le château dans le style Louis XIII.

Ce château, formé d'un corp� de bâtiment central flanqué de deux ailes, était surtout remarquable par les tableaux qui ornaient deux plafonds. Celui de l'oratoire de la châtelaine, attribué à Lesueur, représentait la Vierge guidée vers le ciel par la Sainte Trinité. L'n, autre appartement, situé dans le bâti­ment central, possédait également un magnifique plafond où l'on reconnaissait :\11"" Rossignol des Roches, la « divine Châte­laine », personnifiant la Providence ct entourée du .Temps et des Parques. Plusieurs chroniqueurs attribuent également cette peinture à Lesueur; c'est une erreur, car c'est à Coypel que nous devions cette merveille, détruite malheureusement lors du terrible bombardement de 1944.

La cour d'honneur s'étendait jusqu'au canal d'Orge, qui s'élargissait en face du château, formant des bassins sur lesquels pouvaient évoluer des barques. Au delà de l'Orge, une allée seigneuriale, bordée de tilleuls, permettait de gagner le « Che­min de Lyon ».

Courtisan accompli, favori de Richelieu, le seigneur Rossi­gnol des Roches reçoit plusieurs fois, en son château, le roi Louis XIII. En effet, le monarque vient à Juvisy le 12 août 1632, le 19 juin 1634, le 19 juin 1635 et le 12 juillet 1636. Si ce seigneur sut plaire à Louis XIII, il gagne également la faveur' de Louis XIV et cherche à attirer le Grand Roi à Juvisy. Espère-t-i! que Louis XIV fera de Juvisy son « Versailles »? Peut-être. Mais ce n'est tOtit au plus qu'un rêve de courtisan, car aucun document historique ne nous autorise à affirmer que Louis XIV voulut établir sa résidence royale à Juvisy.

(1) C'était ainsi que l'on désignâit I,e coteau autrefois.

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Cependant, un jour, le carrOSie du roi débouche de la magni­fique allée de tilleuls et pénètre dans la cour du château: le « Hoi Soleil» est l'hôte de son conselller. Il passe la nUlt dans un beau pavillon que Hossignol des Roches vient de faire constrUll'e à l'extrémité de l'aIle méridionale du château. L'ar­chitecture 1 de ce « Pavillon Louis XIV » contraste avec celle, un peu sévère, du château. La façade, ornée de bustes antiques, porte de nombreux motifs encadrés de coquillages et de petItes pierres blanches. UJlIoescalier, copié sur celui de Fontainebleau, conduit à un grand salon somptueusement décoré de fresques à l'italienne représentant des scènes de la Mythologie. Le roi ne couche qu'une nuit dans ce pavillon construIt, dIt-on, à son intention.

En 1 (jt;3, Rossignol des Roches meurt, et son épouse gardera le domaine jusqu'en 1690. Un an après la mort du premier seigneur haut justicier de Juvisy, « Mademoiselle », nièce de Louis XIV, épouse le duc de Savoie. Après la cérémonie, « Monsieur », son père, l'accompagne en carrosse jusqu'à Juvisy, où ils passent la nuit au château; le lendemain, la princesse poursuit sa route vers la Savoie.

En 1706, Antoine Portail, président au Parlement, achète le domaine de Juvisy qui, en 1717, devient la propriété de Louis de Brancas, Grand d'Espagne, chevalier de la Toison d'Or, lieutenant général du roi et au gouvernement de Provence. Puis, jusqu'en 1791, se succèdent les seigneur Coupart de la BloUerie, François Pajot, et me.;sire Claude-.Tean-Baptiste Bro­chant de Villiers, dernier seigneur et maître incontesté de Juvisy; dépossédé par la révolution.

Après le départ de messire Brochant, le château est acheté par M. Poujaud; puis, en l'an VII, par M. Sevennes. Enfin, sous le Premier Empire, en 1807, le domaine comprenant le château, le parc et, les terres, 'devient la propriété du comte Gustave de Monttessuy, ancien secrétaire du roi, munitionnaire général aux Invalides. Le comte reçoit à Juvisy une nombreuse société, nouvelle noblesse impériale, artistes; et, dans les salons du château, M. Louis de Monttessuy, frère du comte, brille par son esprit. De nombreuses fêtes sont données à l' « Orangerie », construite près du château et touchant le mur de l'église. Isabey, le peintre du cabinet de Napoléon, est souvent l'hôte des maîtres du château.

Après. la mort du comte de MonUessuy, le domaine revient à son fils, Rodolphe-Auguste-Gustave, dont l'épouse, Pauline­Madeleine-Ximénès de Helfenstein, comtesse de Monttessuy, sera la de'rnière propriétaire.

De 1857 à 18,59. ce vieux château historique est une fois de plus restauré. La comtesse de Monttessuy, après la mort de son mari, habite le château durant de lon�ues années et, à la fin du XIX· siècle , la propriété est morcelee et vendue.

La municipalité de Juvisy achète le château en 1900. Depuis la création de l'école laïque , la question des bâtiments scolaires était une des plus ardues à résoudre. Le nombre des enfants augmentant sans cesse, les bâtiments de la rue d es Ecoles (rue Vinot) devaient constamment être agrandis. De plus, en 1897, la vieille mairie ne répondait plus ltux besoins nouveaux,

Mais, avant d'entreprendre des négociations, le Conseil muni­cipal veut connaître l'avis des habitants et, en 1898, « soumet à référendum le proiet relatif à l'acquisition du château ». Le texte de ce référendum est adressé à tous les citoyens: «, Le

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Conseil municipal a décidé l'acquisition du château et de 8.000 rn't de terrain y attenant, moyennant le prix. de -70.000 fr. La mairie sera installée dans le bâtiment central; l'école des filles dans l'aile droite; le presbytère, le logement du secrétaire, le bureau du percepteur, salle de justice de paix, garde-cham­pêtre dans l'aile gauche. Une place de 8.00U m" de surface, une rue percée au coin de la Grande-Rue et de la rue de la Mairie; une autre ouverte en face de la mairie actuelle (rue des Ecoles ou rue Vinot) et descendant jusqu'à l'Orge complé­'ter ont l'ensemble des travaux d'utilité communale dont le plan général a été arrêté par le Conseil. Tel est l'ensemble du projet sur lequel nous vous appelons à émettre votre vote. » Le vote a lieu le JO juillet 1898; les Juvisiens acceptent la réalisation du projet et, en 1900, le château devient propr.iété communale. . Les aménagements sont rapidement exécutés et, en 1901, l'éCOle des flUes et �a nouvelle mairie sont inaugurées solennel­lement.

Pendant quarante-trois ans, les appartements des anciens seigneurs de Juvisy abriteront les services municipaux de notre vieille cité; mais, dans la nuit du 18 au 19 avril 1944, le « château de Juvisy » devait s'écrouler en grande partie sous les bombes alliées.

Louis LAMARQUE, Directeur 'de l'école Jean-Jaures, Juvi'Sy.

(26, avenue Frédéric-Merlet.)

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LES CHASSES ROYALES ';'H1S'410.v{" ET SEIGNEURIALES ET LES PA YSAN?cm.�

DANS LE SU D DE PARIS

Avant l'abolition du régime féodal, proclamée pendant la révolution par ]' Assemblée Nationale en 1789, les paysans avaient de nombreux motifs de se plaindre non seulement des impôts particulièrement durs qui les accablaient, mais encore et surtout des multiples inh ibitions et deffences qui les empê­chaient de cultiver leurs terres en toute liberté et sécurité.

L'une des charges qui pesa, sans aucun doute, le plus lourde­ment sur les communautés rurales des environs de Paris, était le droit de chasse qu'avaient le roi, la famille royale et les seigneurs sur les terres leur appartenant ou sur lesquelles s'étendait leur juridiction.

LES CAPITAINERIES

Depuis une époque fort reculée, la chasse, considérée comme une occupation noble et réservée aux seuls gens de qualité, avait donné -peu à peu naissance à toute une organisation admi­nistrative qui, pour les plaisirs du roi et de's seigneu rs, détour-

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naît les terres de culture de leur véritable destination et les transformait plus ou moins en terrains de chasse: c'étaient les Capitaineries qui avaient pour objet de « protéger » le gibier et de luvoriser su' reproduction.

Les Lapllallleries, englobant généralement une grande forêt (tiénart, Hougeau, Fontainebleau, Séquigny ... ), constituaient à la fois une cIrconscription territoriale, un organisme admmis­tratif et judiciaire, et un service destiné à assurer le fonction­nement des chasses royales et seigneuriales. Leur origine remonte à François 1"r qui les créa par un édit du mois de mars 1515; mais elles ne furent véritablement organisées qu'une vingtaine d'années plus tard, car la plus ancienne passe pour être celle dl' Fontainebleau, établie par une ordonnance de 1534.

Au cours des années, le nombre des Capitaineries de chasse s'était beaucoup accru, soit par suite de diverses autorisations royales, soit simplement parce qu'un çertain nombre de seigneurs s'étaient arrogé ce droit. l'our mettre fin à ces· abus, Louis XIV ordonna à tous les officiers de chasse, dans sa Grande Ordonnance du mois d'aoùt 1669 sur les Eaux et Forêts, de justifier des titres d'érection de leuq, Capitaineries. Seules furent exceptées de cette mesure les huit Capitaineries royales de tiaint-Germain-en-Laye, Fontainebleau, Chambord, du Bois de Boulogne, de la Varenne-du-Louvre, Livry, Vincennes et Compiègne. Un arrêt du Conseil d'Etat du Roi, en date du 13 janvier 1698, rangea la Capitainerie de Corbeil parmi les Capi­taineries réservées, en même temps que celles de Monceaux, Blois et Halatte. Une déclaration royale du 12 octobre 1699 y ajouta la Capitainerie de Limours et en supprima environ doixante-dix; parmi ces dernières, on peut citer les e:apitaine­ries de Longjumeau et Longboyan, de Séquigny, de Montlhéry et de Dourdan (1).

En dehors des forêts, quelques grands domaines étaient spé­cialisés dans l'élevage du gibier de choix. L'un des plus' renom­més dans notre région était la « Faisanderie » du Parc de Vil­leneuve-le-Roi qui faisait partie de la Capitainerie royale de la Varenne-du-Louvre; c'est là que sc pratiquaient les élèves de faisans, de perdrix grises et de perdrix rouges sur une superficie de 320 arpents.

Mais, ce qui coùtait le plus au paysan, c'était la plantation de remis es tant vates que seches au milie u mêm e de ses héritages. En efret, pour assurer la protection du gibier ailleurs que dans les forêts et les Faisanderies, les Officiers des chasses enle· vaient aux cultivakurs des portion,> de leurs terres pour les transformer en remises de chasse,. sans aucun égard au droit de propriété (2) . Ces remises, qui servaient de refuge à une quan­tité innombrable de gibier et causaient la ruine des terres voisines, étaient dites seches lorsqu'elles étaient exemptes de toute végétation; le plus souyent, elles étaient vates, c'est-n-dire qu'on y plantait des joncs, des troènes, des genêts et autres

(1) Robert de COURCE.L, La Forêt de Sénart, Etude historique, 1 vol., Paris, 1930, chez E. Champion. (Mémoires de la Société d'Histoire de Paris, tome L.)

(2) On peut se rendre compte de la multiplicité des Remise� en consultant les Plans de l'Intendance de chaque paroisse, étâblis de 1781 à 1785 (Arch. Dép. : Athis Ct N° 7; ,Mons CI! N° 75; Juvisy Cl! N° 215'; Savigny C3 N° 12; Viry et Châtillon ca N° 95) et Iii Carte de, Chasses de l'Ingénieur Berthier (A.D. : Salle de lecture).

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arbustes. De forme carrée oli re ctangulaire . elles pouva ient avoir une ét endue vari a n t de quelque� <I re s à plusi eurs hec­tares (1) et portaient le nom du lieu-dit o ù el·les étaient établi es : Remises de la Couture, de Vallière, du Monet , des Faisans (Vi i ­len euve-Ie-Roi) , de la Justice , d u Para dis, des Froides Bou i l l i es (Athis-Mons) , des Cent Arp ens, d e s 1 8, o e s 28 (Juvisy ) , de s Caill es, de l a Mari n ière (Savi gny ) .

Enfin, tous ,les Seigll e llr � avaient 1(> d ru J t exclus if d e chasser dans l'étenoue de leur j n s t i ce, même f, i l e t err ; loin' de i e u r Seigneurie n 'était pOl llt comp r i s d a n s u n e Capitainer i e . En conséquence, l 'Article X d'un Règl c m e n t d e p o l k e d e la l' I'évôté Moyenne et Basse Justice de Juvi sy-sur-Orge, in date du 22 décembre 1 730, faisait « inhibitions el deffen res il tOIlS lew habitans et particuliers n'ayan t (Il/C llll dro it " de ne pas s ' i m m is­cer d'aller à l a chasse s u r les tenes de c ette Seign eurie . de n'avoir a u c u n fus il et au tres ins truments c h e z e ux, à peine de confiscation d'yce ux et m ême d'(!Js tl'e P O I/I'S ll ÎVyS extmo rdinaέrem en t, s uivant ln l'ig u e lll' de l' ordonnanc e e t telle amen de q ll 'il appartiendra » , car Je fait d e chasser causait un tort préjudi­c iable et constituait un attentflt c ontre les autorités et droits tant du Seigneur Haut Justicier qU é' d u Sei gneur Bas el :\'10yen Justicier (2) ,

LES OFFICIERS DES CHASSES - LES GARDES-CHASSES

Chaque Capitainerie avait à sa tête un Capitaine dont dépen­daient plusieurs lieutenant s, u n greffier, un procureur et de n ombreux gardes ; ces derniers connaissaient des dé l i t s de chasse qu'il:> p ouvaient constater au cours d e leurs tournées e t étaient, de p ar leurs fonctions , en rapport quotidien avec l e s paysans qui l es craignai en t comm e l a peste en rai son d e leur morgue et de leur sans-gêne .

En outre, les seigneurs' nommaient eux-mêmes des gardes­

chasses pour la surveillance des terres de leur Seigneuri e . C'est ainsi que le 9 avril 1782, un habitant d'Athis, Louis-Juillien Noèl, se voit accorder les provisions de garde-chasse , bois et rivière de l a terre et Seign eurie d'A.this-sur-Orge, par Messire de Gourgues, Seigneur châtelain d e ce lieu (3) . Après avoir entendu plusieurs témoin s d o n t Mes!iire .Tea n-Robert Quil l et . prieur-curé d'Athis, .T ean-Baptiste Pap avojne, garde-chasse des Plaisirs du Roy à La Varenne-du-Louvre, demeurant à Mons, et Guillaume Gary dit Soulad, garde-chasse en fonction de la

( 1 ) A Villeneuve, le Roi 'possédait une Remise qui avait plus d'rune l ieue de long et traversait toute l a Plain e Basse, c'est-à-dire la partic du terroir s'ituée dans le fon d de ,l a vaHée d e la Seine.

(2) A cette époque, .Juvisy avait deux Seigneurs : d'unc part M on ­seigneur l e Marqui s de Branca s, Seigheur haut ju stici er, d e l'autre MM. les Directelu r et Supérieur du Gran d S é m i n aire d'Orléans, Sei­gneurs moyens, bas justiciers et fonciers de Juvisy. U n article du Bulletin donnera uItérfeurement une d é fi n ition de ces différent s de'grés de juridicti on.

ni) De 1778 jusqu'à l a R évolution, Messire Alexis-Fran çois-Joseph de Gourgne s, Comte de ,Castel Meyran , Seigneur de Ca stes Saint-Julien, fut le dernier Sei,gneur ch âtelain des « Terres, Seigneurie et Chatel­lenY'el d'Athis-srur-Orge, de Jean Dupuis ou Pied-de-Fer. d'Avaucourt. de Brétigny-sur-Mons et autres l i eux 'en ,it'�pen(lants » .

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Seigneurie d'Athis, qui déclarent tous connaître le dit N oèl « pour être de la Religion catholique, apostolique et romain e. et de b o nnes vies et m œ zl1's » , le Bailly Marc-Antoine Laget Bardelin le re çoit en l 'état et office de garde-chasse et lui fait prêter le serment « d'observer les ordonnances et règlemens des eaux et forêts et c e ux du Baillage, et de veiller â la garde de la chasse et pêche dépe ndants de cette Seigneurie, et des déli� qui s'y commettrons, d'en faire son raport en notre Greffe, et les affirmer f;inc ères et véritab les dans les vingt­quatre heures . . . �

A Juvisy-sur-Orge, en plus de s deux gard es-chasses qui veil­laient spécialem ent à la protection du gibier sur ce terroir, deux jeun es gens, Michel Rossignol et Pierre Carpentier, sont nom­més selon la même procé dure en 1780 « gardes de,:; chasses de M. Bro chant (1) dans. la Forêt de Sain te-Genev iève, dite de Sé­quigny, ès lie/lx où le dit Seigneur a le droit de chas.�e » .

LES ORDONNANCES DE C HASSE ET LES PAYSANS

Les Ordonnances de chasse étaient réglées de telle façon que l'activité agricole d épendait étroitement d e l a vie du gibier.

II était défendu· aux cultivateurs d'échardonne r, de nettoyer leurs grains, d 'ôter les mauvai ses herbes et de leur donner l es façons nécessaires (roulage, hel'sage . . . ) après l e 1 5 m a i , d e p eur d ' « effarouche r » l e gibier. Or, i l s e trouvait qu'à ce moment de l 'année le s m auvaises h erbe s n'étaient pas encore sorties ou ne faisaient à peine que germ e r ; et, elles arrivaient en pleine croi ssance lors qu'il n'était plu s possib l e d'entrer dans l es cham p s . E l l es étouffa i ent alors les grains, causaient la stérilité ct détruisai ent les esp éra n c es dù cultivateur qu i , par ce moy en, voyait « la subsistance des hommes ronsommée de pré­féren ce aux an imalIx ».

O n ne pouvait également fauch er les pré s , les l uzerne s et les s a i n fo i n s avant le temps prpscrit par les Ordonnances, mêm e l orsqu' i l s étaient arrivés à m aturité, sous le prétexte d'e n dom­mager l e s ni d s d 'oiseaux ; aussi , il arrivait souvent que, ne pou ­vant p rofite r d u b e au temps, l e s foins étaient perdus, quand ils n'é taient pas d é j à fortement entamés par l e gibi er. Les regains , provenant d e c es m l- m e s fourrage s , éprouvaient l e même SOl't, car les gardes l e s m a rquai ent pour les ch asses, c'est-à-dire que l 'entrée en était défe n du!" aux l égi tim es propriétaires . . :\fon seu­lement ces regains étai ent perdus pour le cultivateur p arce qu 'on oub liait presque toujours de l e s lui payer ; m ais encore. s'il était pri s à traverser son héritage, l e s gard e s lui faisaient verser des amendes énorm e s , « étant jU(lcs et parties, n'ayant d'autres supérieu�s qu'ellx-m êmes » . Lorsqu'après tant d e déboires, il obtena it la p erm ission de fauche r et de rentrer ses foins , il fallait, autant qu 'il y avait d e nids d e faisans, perdrix et autre s oiseaux , l aisser unr forte touffe de fourrage « de ln grandellr d'environ neuf pieds carrés. »

Po»r faciliter la circulation du gibier, il n'était permis il personne d e s 'enclore d ans son p ropre terrain sans des auto­risations particul ières e t très coÎlteuses . Enfi n , on obligeait l('s

(1) M. Claude-Jean-Baptiste Brochan Ecuyer, Conseiller Secrétaire du Roy, fnt de 1 777 à 1 789 Je dernier S,edgneur Haut justi ci er de Juvisy.

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Louvre auquel ils devaient payer une amen d e sans pouvoir s 'expliquer ; et, si l'on voulait faire voir clair et pro uver les raisons, on doublait l'amende Jusqu'au point de ruiner les p au­vres gens.

les paysans à épiner les terres à l eurs frais à différentes époques de l 'année ; et, faute d e le faire, on les assignait au

Mais , le tnal était plus gran d autour des forêts, par suite d e la présence de « bêtes fauves » (cerfs , b i ches, chevreuils, s an­gl iers) qui venaient ma nger l es jeunes p ousses ou se l ivraient à des galopades effrénées à travers l e s culture s .

Le 26 août 1 753, les l ocataires et prop riétaires d e vignes de Montgeron sont convoqués d'urgence dans la soiré e p ar lI" garde-messier François Heurtaux pour faire la garde des viqnes et empescher le dégât des bêtes fauves ; m algré ces précautions , l e garde-messier constate au petit jour que plusieurs biches et cerfls ont couru pendant la n uit dans les vign es du lieu de Bleignery q u'ils ont endommagé es.

II y avait bien des gardes-bi ches qui veillaient la nuit à écarter l� gibier des récoltes, ai dés d'un ou de p lusieurs chi e n s ; les gardes-chasses les gên a i ent dan s leur mission et tirai ent même sur les chiens lorsqu'ils s'éloignai ent p our déranger le gibier.

En sus de ces désagréments, les loca l ités riverain es des forêts s'étaient vues déposséd e r par les SeJgn eurs des d foits d'usa/le et de pâtura/le qu'ell es avaient dans les bois de temps immé­morial et qui tenaient u ne si grand e place dans l'exploitation agricole.

Avant le XIIIe sièc] e . la forêt était trè s étroitement associée à ] a vie rurale qui lui dem a n dait de satisfa ire à quel mles-uns de ses besoins les plus p ressants : ell e offrait , en effet, aux habitants des l ieux avoisinants une abo n dance de ressources, dont nous n e n ous faisons plus idée à ] 'heure a ctuelle et d ont il s pouvaient disposer, grâce à ces droits confirmés par des Edits royaux et par la Coutiim e.

La forêt fourniss:lit d'abord u n certain n ombre d e produits industri el s. où l e boi s iou:lit le rôl e essentiel : bois de chauffage , torches . boi" d e constru cti o n sous forme de poutres. de tra­verses (car ll's m a i son s en ni erre éta ient rares) . d e pl a n ch ettes (nour les tolturl'S ou le revêt l'm en t des m u rs) , f: uwts pou r con­soli d er 11" 5 ch emins . Tout u n m on d e de hof.�illeu rs p :l rcourait ] a forêt ou v biHi s s ait Sl'S huttes : ch :l rhon n i ers . ch ercheurs <'f e c i r e sauvage . faiseurs de cen ilre (fabrication du ' verre et d u savon ) . arr:l ch eurs iI 'pcorces (pour tan n er 1 1" 5 c u i r s , trpsser ] ps cord es) . La forêt fout'n i s sait en core u n e fonle ne proilnÏfs al i­m ent�Tres : des fain es nour en pxprimpr l 'h u ile . du m i el . du honhlon sauvage; il es fruits sauva!!es à l a s avpur I\ rre. m a i s très rech er('h�s il une ép o aue olÎ l A tech n i au e nn greffa ge ét:l lt pl'U rén :l n nne (nom m f's . noi rf's , a l i zf's. nrune11 ps . . . ) . A . ces <'fifférents prodni ts . H fInit a i outer la vi anne n e" a n i m �nl X tués à 1 :1 ch :l sse mIL de m ê m e nn 'n n e Itr:l n d e . qll :l n tité de pla ntes. entr:l i ent ] 11 1'­!!pm ent iI :l n s 1':1 l imen fati on il e s Sei!!n purs . m :l i " aussi il a n s c f'll e lies m :l THln ts sous form e dp soun es. nI" décocti ons et ne sirons ; S:lns Ollhl ier l e cuir iles bNes mli était envové d a n s les tan n p­rip", urbAines ol1 spi!!n euri alf's l't travaillé dan s les ' atel iers d l" reliurf' il p s bibli othè(Jues monasti ques.

La forêt servait avant tout de terrain de pâture et c'était là

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son principal r ôle économi que : par ses feuilles fraîehes, ses jeunes pousses, l'herbe de ses sous-bois, ses glands et ses faines, elle permettait d 'entretenir facilement un troupeau assez con� sidérable. Les villages y envoyaient leur bétail ; les grands Sei­gneurs y élevaient parfois à demeure de vastes troup eaux.

Petit à petit les Seigneurs, par la jalousie de leur gibier, pri­vèrent les Communautés rurales de leurs droits, afin de se livrer sans enfraves à leur amusement favori : la forêt finit par deve­nir uniquement un terrain de chasse royale ou seigneuriale.

Les habitants de Viry, Grigny, Saint-Michel-sur-Orge, Roziè­res, Sainte-Geneviève et Longpont avaient de tels droits d'usage et de pâturage dans la Forêt de Séquigny qui cOQ.sistaient à « faire pâturer le urs b êtes quelcon que.s dans la dite forêt et b u issons adjacents, en le ur donnant des clail'Ïns, y prendre le b ois-mort et le mort-bois, et enle ver les fru its qui y cro issent. » Ce droit, que les villageois possédaient depuis une haute anti­quité, était consigné dans un très grand nombre de titres. notamment dans un Arrêt fiu ParlE'm E'nt de 1518, dans plusieurs Jugements de Cours souveraines et de juridictions inférieures ; i l fut confirmé pal' Charles IX en 1561 E't par Henri IV en 1603. A Morsang-sur-Orge, IE'g h abitants étaient de m ême « en pos­session et joui'Ssance de couper l'herbe v erte et seche, de c o uper les b o is morts et secs, et de pâturer les b estiaux en toute sai­son, excepté depuis le 25 avril jusCJu'au 25 m ai » ; cette dona­tion fut confirm ée pOar le Roi Philippe-le-Long en août 1319. par Charl es IX et Henri IV, ainsi que par plusieurs sentences rendues par la Prévôté fie Paris et la Prévôté royale de Mon­tlh éry. Draveil, en bordure de la Forêt de Sénart, avait « l'avan­tdge inappréciable d'aller c o llp er de l'herbe dans les b o is pour la nourriture des bestiaux. »

Or, entre 1760 et 1770 . toutE'S ces Paroisses se virent dépouil­lées totalement du d roit dont leurs ancêtres avaient toujours J oùi, parce que les SE'igneurs les intimi daient par des procé­du res violentt's, des v o i e s dE' fai t ou des vE'xations de toutes sortes.

C'est pour cette rai son qUE' l es habitants de Saint-Michel, de Vi r�' Pl d l' D raveil ne pouvaient plus élever que le quart des best i a u x d ont ils avaient besoin ; à Morsang, le nombre des vaches q u i accusa i t 150 bêtf-'s cn 1769 était tombé à 50 en 1789. En 1772, les Morsanais essayèrent bien de réagir contre cet état d'esp ri t et l e 1 3 nove mbre p lusieurs habitants de la paroisse s 'en allèrent coupèr ( lu boi s sec et mort dans la forêt ; mal leur en p rit , car les gardes l es arrêtèrent sur-le-champ et tuèrent même un jeune hom me de 28 ans de deu x coups de fusil . Qua­tre person

ones furent envoyées en prison à Melun et y restèrent

<'< chaque quatre m o is , dont llll es t mort aussitôt apres être s orti de la dite pris o n , et llll autre dont la femme es t morte, tandis q u'il était en prison, ayant été tO Il'S b ien malades . . . , c e qui fait q u e depu is ( 1' temps-là, o n n'y lia [las sans crainle ! »

(A Suivre. )

Louis BRUNEL,

Ir tvl 5 lt L. -� ( S'6C

Diplômé d'Etudes Sllpérieures de Géographie

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