bulletin parcours décembre 2013

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Mot de la coordonnatrice Communiquer sa passion pour le sport de groupe, un ingrédient de la persévérance à l’école! Ce dernier bulletin de PARcours pour l’année 2013 présente une pratique novatrice d’accompagnement des jeunes à risque de décrochage scolaire qui a d’abord été exposée dans un atelier de la Grande Rencontre 2013 de PARcours à la fin d’octobre. Nous pensons cette pratique de groupe : « Bien dans mes baskets », ainsi baptisée par son initiateur, bien nommée et tout aussi porteuse de persévérance dans le processus de raccrochage scolaire. Soulignons quelquesuns des points d’intérêt de cette pratique d’accompagnement éducatif. Le sport d’équipe, une passion, un rêve Parmi l’ensemble des connaissances partagées par les praticienNEs du milieu éducatif, l’une fait consensus partout : l’école est moins bien adaptée pour les garçons. C’est entre autres ce que l’on déduit de leur plus fort taux de décrochage scolaire. Bien que ce constat mérite d’être consolidé par plusieurs pistes d’analyse –ce qui n’est pas le propos ici , retenons tout de même la nécessité de repenser l’école pour qu’elle fasse sens et soit attractive autant pour les garçons que pour les filles. La pratique novatrice dont il est question dans ces pages constituera déjà à ce titre un intérêt pour les praticienNEs de tous les milieux, tant institutionnel que communautaire. À l’origine du programme parascolaire « Bien dans mes baskets », une passion, celle d’un travailleur social pour ce sport d’équipe ! Pour les jeunes de l’école secondaire Jeanne Mance –tant les filles que les garçons, d’ailleurs , faire partie de l’équipe de basket constitue depuis plusieurs années maintenant un rêve qui peut devenir réalité. Bien audelà de désirs de consommation qui sont plutôt des besoins créés de toutes pièces par les lieutenants de l’économie actuelle , l’objectif d’appartenir à l’équipe de basket génère des motifs de fréquentation scolaire. L’atteinte de cet objectif s’appuie de plus sur le développement de liens interpersonnels significatifs entre les jeunes et avec les entraîneurs et autres adultes accompagnateurs. Ces liens génèrent notamment de l’appartenance et de la reconnaissance, autant d’éléments essentiels au développement des jeunes à l’entrée dans l’âge adulte. De plus, installés dans un temps long (une année scolaire au minimum), ces liens nourrissent la persévérance scolaire par les pratiques hebdomadaires, les 1 BULLETINPARCOURS décembre 2013 Thomas Corriveau Longtemps l'errance, 2011 sérigraphie et pochoir sur papier,15 éléments

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Bulletin de décembre duRréseau PARcours, le deuxième d'une serie qui portera sur les divers thèmes de la Grande Rencontre 2013 du Réseau PARcours. En décembre, nous abordons le sport de groupe comme moyen d'intervention.

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Mot de la coordonnatrice

Communiquer sa passion pour le sport de groupe,un ingrédient de la persévérance à l’école!

Ce dernier bulletin de PARcours pour l’année 2013 présente une pratique novatrice d’accompagnement desjeunes à risque de décrochage scolaire qui a d’abord été exposée dans un atelier de la Grande Rencontre2013 de PARcours à la fin d’octobre. Nous pensons cette pratique de groupe : « Bien dans mes baskets »,ainsi baptisée par son initiateur, bien nommée et tout aussi porteuse de persévérance dans le processus deraccrochage scolaire. Soulignons quelques­uns des points d’intérêt de cette pratique d’accompagnementéducatif.

Le sport d’équipe, unepassion, un rêve

Parmi l’ensemble desconnaissances partagées par lespraticienNEs du milieuéducatif, l’une fait consensuspartout : l’école est moins bienadaptée pour les garçons. C’estentre autres ce que l’on déduitde leur plus fort taux dedécrochage scolaire. Bien que ceconstat mérite d’être consolidépar plusieurs pistes d’analyse–ce qui n’est pas le propos ici ­,retenons tout de même lanécessité de re­penser l’écolepour qu’elle fasse sens et soitattractive autant pour lesgarçons que pour les filles. Lapratique novatrice dont il estquestion dans ces pages

constituera déjà à ce titre unintérêt pour les praticienNEs detous les milieux, tantinstitutionnel quecommunautaire.

À l’origine du programmeparascolaire « Bien dans mesbaskets », une passion, celled’un travailleur social pour cesport d’équipe ! Pour les jeunesde l’école secondaire Jeanne­Mance –tant les filles que lesgarçons, d’ailleurs ­, faire partiede l’équipe de basket constituedepuis plusieurs annéesmaintenant un rêve qui peutdevenir réalité. Bien au­delà dedésirs de consommation ­ quisont plutôt des besoins créés detoutes pièces par les lieutenantsde l’économie actuelle ­,

l’objectif d’appartenir à l’équipede basket génère des motifs defréquentation scolaire.L’atteinte de cet objectifs’appuie de plus sur ledéveloppement de liensinterpersonnels significatifsentre les jeunes et avec lesentraîneurs et autres adultesaccompagnateurs. Ces liensgénèrent notamment del’appartenance et de lareconnaissance, autantd’éléments essentiels audéveloppement des jeunes àl’entrée dans l’âge adulte. Deplus, installés dans un tempslong (une année scolaire auminimum), ces liensnourrissent la persévérancescolaire par les pratiqueshebdomadaires, les ►

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BULLETINPARCOURS

décembre 2013Thomas Corriveau, Longtemps l'errance, 2011 (extraits)sérigraphie et pochoir sur papier,15 éléments

Bibliographie

­ Desmarais, D. 2011. « L’accompagnement éducatif au croisement d’une dynamique relationnelle et d’une herméneutique collective

». In Yelle, C., Mercier, L., Gingras, J.­M. et S. Beghdadi (dir.). Histoires de vie : un carrefour de pratiques. Québec, PUQ.

­ Hautecoeur, J.­P. (2006). « Construction, ruptures, errances. Une biographie d’ALPHA (1978­2000) » dans R. Bélisle, et S.

Bourdon (dir.), Pratiques et apprentissage de l’écrit dans les sociétés éducatives, Saint­Nicolas, PUL, p. 84­111.

compétitions et lesdéplacements (qui lesaccompagnementinévitablement), leschampionnats, etc. qui fontpartie intégrante de l’expérienced’une équipe sportive.

Une approche cliniqueglobale

L’accompagnement éducatifprôné ­ et pratiqué ­ par lesadultes impliqués dans « Biendans mes baskets » ne relèvepas du conditionnement(récompense/punition), maisd’une approche clinique globalepartagée par l’équipe PARcours.Cette approche conçoitl’accompagnement comme unerencontre entre sujets qui sereconnaissent mutuellement àpartir de la création d’une ou deplusieurs alliances symboliques(Desmarais, 2011). Cettepratique d’accompagnement,nous la concevons comme uneaction d’amélioration du vivreindividuel et collectif, voirecomme une pratiqued’émancipation (Hautecoeur,2006), en l’occurrence, ici, pourle jeune, mais aussi pourl’adulte accompagnateur!

Une approche de groupe

L’accompagnement de groupeest porteur de nombreuxapprentissages et habiletéspouvant être développées parles jeunes pour qui cetteexpérience fait sens,particulièrement àl’adolescence, alors qu’ils sont àla recherche d’espaces deréférence signifiants àl’extérieur de la famille. À cetégard, les nombreux avantagesde l’accompagnement de groupepour les jeunes ont étélonguement explicités parMartine Dupont et MartinCamiré, lors de la GrandeRencontre 2013 du réseauPARcours1.

Bref, un accrochagescolaire, gage de réussiteéducative

Communiquer sa passion à desjeunes, et l’inscrire commeélément signifiant de leurcheminement scolaire, voilà uneformule gagnante! Un sport degroupe qui incite à l’effortrépété, inscrit dans la durée, quiaugmente l’estime de soi etdéveloppe les habiletéscommunicationnelles par la viede groupe intense quicaractérise la pratique de cesport, voilà des élémentsadditionnels qui consolidentune formule gagnante pour lapersévérance scolaire ! Lesjeunes eux­mêmes nous ledisent! Du coup, lesresponsables de l’équipe, les

entraîneurs, tous ces adultesdeviennent des modèles qui fontsouvent défaut dans la vie desjeunes en difficulté scolaire.

À titre de chercheure engagéedepuis de nombreuses annéesdans le renouvellement despratiques d’intervention sociale,je ne peux omettre, enconclusion du présent mot, desouligner l’apport de larecherche à la modélisation decette pratique novatriced’accompagnement éducatif desjeunes et à sa diffusion. Larecherche, menée en partenariatavec la pratique de « Bien dansmes baskets », a contribué àl’explicitation de ses conditionsde réussite et à l’évaluation deses retombées.

La passion et le rêve, soutenuspar la recherche, à mettre àl’agenda de l’accompagnementéducatif en 2014 ! ■

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1. On pourra visionner sous peu des vidéos des moments forts de la Grande Rencontre 2013 du réseauPARcours sur le site : www.PARcours.uqam.ca

Danielle Desmarais,

professeure à l’École de travail social

de l’UQAM et coordonnatrice de

PARcours.

Thomas Corriveau, Longtemps l'errance, 2011(extrait)

Thomas Corriveau, Longtemps l'errance, 2011(extrait)

«Bien dans mes Baskets»Créer un milieu de vie!par Martin Dusseault et Suzanne Laberge

Le décrochage scolaire est un phénomène d’actualité. Il a des impacts négatifs et majeurs tant sur l’individuque sur notre société. Comme collectivité, il nous faut s’y attarder, s’y attaquer et trouver des solutionsinnovantes qui permettraient de faire de nos milieux scolaires, des milieux de vie favorables à lapersévérance, où chacun aura la possibilité de réussir. Des institutions où les jeunes se rendront nonseulement par obligation mais surtout parce que cela fera du sens avec la poursuite de leurs rêves. C’est lamission que s’est donné Bien dans mes baskets (BdmB).

Bien dans mes Baskets :une réponse aux besoinsdu milieu

Le programme BdmB est issude l’initiative d’un travailleursocial du Centre de santé etservices sociaux Jeanne­Mance(au centre­ville de Montréal).Il utilise la pratique dubasketball parascolaire commeoutil d’interventionpsychosociale au sein del’École secondaire Jeanne­Mance (ÉSJM). Bien qu’il soitoffert à tous les élèves del’école, le programme cibledavantage des adolescents,filles et garçons, présentant demultiples facteurs de risque dedécrochage scolaire, dedélinquance ou d’exclusionsociale. Ces jeunes d’originesethniques diversesproviennent généralement demilieux socioéconomiquesdéfavorisés, marqués par lesruptures ainsi que par lemanque d’accompagnement etde modèles positifs.

BdmB a connu ses premierspas en 1999 alors que MartinDusseault, travailleur social au

CLSC Plateau Mont­Royal,arrive à l’ÉSJM. Étonné par lemanque d’activitésparascolaires et passionné debasketball, il est alorsconvaincu de la nécessité dedévelopper l’école comme unespace accueillant etmobilisant. Un milieu de vie oùles adolescents s’yengageraient, tant dansl’académique que dansl’après scolaire.

Au fil des années, lesliens de confiance tissésentre Martin Dusseault,son équiped’entraîneurs­intervenants bénévoles,les jeunes et ladirection de l’école ontouvert de nombreusespossibilités decommunication,d’interventions et departenariats, entreautre avec la clientèlemultiethnique qui fréquentel’école. Aujourd’hui, à l’ÉSJMseulement, BdmB accueille 112athlètes­étudiants dans 8groupes différents. S’ajoutent àceux­ci, les 150 jeunes qui

participent au projet depassage primaire­secondaire.Ces adolescents peuventcompter sur le soutienindéfectible d’une vingtained’intervenants­entraîneurspassionnés et dévoués dont lebut premier est l’éducation etle développement par le sport.

La « philosophie » de Biendans mes Baskets

La grande force de BDMB estd’exploiter l’intérêt «naturel»des élèves pour le basketball etde les impliquer dans leur ►

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Thomas Corriveau, Longtemps l'errance, 2011 (extraits)

développement sportif, socialet scolaire. L’affirmation deleur place à l’école par lapratique sportive devient peu àpeu un élément déterminantde leur motivation à resterdans un milieu où ils ontsurtout connu des échecs et oùle gymnase est généralementleur seule possibilité dereconnaissance. BdmB sedonne également commemission de construire unmilieu de soutien social pourses athlètes­étudiants.L’équipe est leur «familydream», comme ils lasurnomment eux­mêmes.BdmB donne d’ailleurs au rêveune place centrale. Lebasketball permetpremièrement à ces jeunesd’avoir un rêve et peut­être même de pouvoir yaccéder. Pour lesintervenants duprogramme, cette notionest le point de départd’une belle aventure, unpremier levier dechangement social.

BdmB se distingue par unefaçon de voir, unephilosophie particulière.Chacune des actions réalisées àl’intérieur du programme doitd’abord avoir une visée dechangement social. Les actionsdes intervenants se situent à 3niveaux : l’individu et safamille, le groupe et lacommunauté. Quelquesprincipes le distinguent aussides autres programmesparascolaires. Par exemple, laperformance sportive ne primepas sur le développementpositif du jeune. Enconséquence, les critères pourfaire partie des équipes ne selimitent pas aux habiletéssportives. Le groupe devientun moyen de répondre auxbesoins spécifiques de chaquejeune. Un deuxième principeest que, en accord avec lesautorités scolaires, on ne punit

pas un élève en lui retirant saparticipation sportive : le sportest utilisé comme outil pourmaintenir le jeune à l’école etpour intervenir sur sesdifficultés (40 % des jeunes deBdmB sont en grandesdifficultés scolaires). Un autreprincipe consiste à exploitertoutes les activités entourant lapratique sportive pourdévelopper des habiletés de vie: fixation d’objectifs,développement de lapersévérance et d’une éthiquede travail, gestion des émotionset du stress, résolution deproblèmes, développement del’autonomie face au parcoursscolaire, etc.

BdmB se donne comme défi defaire l’intégration desdimensions sociales, sportiveset scolaires des jeunes et utilisedes expériences de viecommunes pour y arriver.Adhérant au principe de l’écoleouverte sur son milieu, leprogramme agit constammenten partenariat de proximitéavec la communauté.

Dans BDMB, le basketball sertainsi à créer des liens avec cesjeunes, à maintenir unecommunication avec eux, à leurfaire vivre des réussites et àleur permettre de développerdes habiletés transférables auxautres sphères de leur vie.

Un programme évolutif enpartenariat avec larecherche

Depuis 2009, le programmefait l'objet d'une évaluationformative et sommative menéepar l’équipe de recherche deSuzanne Laberge, professeureau Département dekinésiologie de l'Université deMontréal et chercheureassociée au CREMIS du CSSSJeanne­Mance. Les différentesétudes réalisées ont mis aujour des mécanismes etprocessus par lesquels leprogramme BdmB favorise lapersévérance scolaire etpermet de contrer les

influences négativesprovenant de l'extérieur.Les résultats ont en effetmontré que lesexpériences significatives,sportives et extra­sportives, vécues etpartagées par les jeunesde BdmB par l’entraîneur­intervenant et par lesmembres des équipesainsi que le climat deconfiance instauré entreles intervenants et les

jeunes constituent autantd’éléments majeurscontribuant à la réussite desjeunes du programme.

Des conditions de réussited’un tel programme…

Plusieurs souhaitent qu’un telprogramme soit implanté dansd’autres milieux. Toutefois, ilfaut reconnaître, d’une part,que chaque contexte estunique et qu’un programmedoit nécessairement s’yadapter, et d’autre part, quecertaines conditions doiventêtre satisfaites pourmaximiser l'efficacité duprogramme . ►

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Martin Dusseault esttravailleur social au CSSSJeanne-Mance et responsablede « Bien dans mes baskets ».

Suzanne Laberge estprofesseure au départementde kinésiologie de l’universitéde Montréal.

Ces conditions visent entreautres :

1) les responsablesinstitutionnels,2) les intervenants­entraîneurs,3) l’adhésion à la philosophie

du programme, et4) les expériences de vieoffertes aux jeunes.

Nous nous limiterons ici àmentionner les principalesconditions relatives aux deuxpremières cibles. Pour ce quiest des responsables, il fautbien sûr un solide appui de lapart de la direction scolaire etdu CSSS, une collaborationréelle et efficace entre lesintervenants scolaires et lesintervenants du programme etun leadership solide etdémocratique de la part du

responsable du programme.Pour ce qui est desintervenants­entraîneurs, ilsdoivent recevoir une formationadéquate et continue pourmettre en application lesprincipes de BdmB et posséderles qualités requises pour être

des modèles positifs pour lesjeunes. Ces conditionsdeviennent parfois des défis àrelever, mais elles incitent parailleurs à la créativité et à uneauthentique adaptation à lacommunauté où vit leprogramme. ■

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Pour de plus d'informationssur le programme Bien dansmes Baskets et pour suivreles saisons de tous ces jeunesdragons, visitez leur siteInternet au:

http://jeanne­mance.csdm.ca/activites/sport­etudiant

Bons matchs!

Morgan, Basketball Hoop (Flickr Creative Communes)

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Ce mois-ci, l'équipe PARcours a décidé de mettre en lumière les oeuvres del'artiste québécois Thomas Corriveau, représenté par la galerie Graff (Montréal).

www.thomascorriveau.com

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L 'équipe PARcours vous offre ses meilleurs voeuxpour la période des fêtes et pour l 'année 2014!

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Thomas Corriveau, Chemin de Gaspé, 2011image extraite d'une vidéo