boulangisme du peuple - copin-albancelli

7/24/2019 Boulangisme Du Peuple - Copin-Albancelli

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Copin-Albancelli, Paul (1851-1939). Paul Copin-Albancelli. Le Boulangisme du peuple. 1891.

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PAUL COPIN-ALBANCELLI

LE BOULANGISME

DU PEUPLE

L. SAUVAITRE, EDITEUR LIBRAIRE GNRALE

72, BOULEVARDHAUSSMANN,72


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LE BOULANGISME

DU PEUPLE


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EMILE COLINIMPRIMERIE DE LAGNY


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PAUL COPIN-ALANCELLI

LE BOULANGISME

DU PEUPLE

PARIS

L. SAUVAITRE, DITEUR

LIBRAIRIE GNRALE

72, BOULEVARD HAUSSMANN,72

1891


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LE BOULANGISME

DU PEUPLE

L'HONNTET DU MOUVEMENT BOULANGISTE

Et moi, je n'tais donc pas honnte!... C'est ainsi que s'exclamait un paysan s'indignant

la lecture de quelques-unes des horreurs sous

lesquelles on a essay d'accabler, pendant ces der-niers mois, tout ce qui, de prs ou de loin, atouchau boulangisme.

Combien de millions de citoyens qui

ont combattuavec le grand parti anti-opportuniste actuellementvaincu et qui, s'ils taient moins intimids parleur dfaite, pourraient, eux aussi, dire bien hautet avec une formidable unanimit :

Et moi, je n'tais donc pas honnte !

C'est faire une bonne oeuvre que de dfendre et de

venger l'honneur de tous ces braves gens.Depuis un an, on n'a t occup qu' salir autant


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qu'on a pu, par des rvlations, les unes moitivraies, les autres tout fait calomnieuses, tous ceux

qui ont dirig le grand mouvement national quia failli submerger le parti opportuniste tout entier.On a essay de les reprsenter comme autant de

fourbes, d'ambitieux, de tratres, de vendus. Surce sujet, vainqueurs et vaincus, certains de

ceux-ci, du moins, ont l'air de s'tre donn le

mot. Il semblerait que les uns et les autres ont pristche de sedshonorer, les premiers en se vautrantdans une orgie d'insultes, les seconds en se refusant supporter clignement leur mauvaise fortune.

Quant l'essentiel, au fondamental, C'est--dire ce soulvement populaire qui, par sa rapidit, parsa spontanit et par sa gnralit, tmoigne assez

des causes profondes qui l'ont provoqu; tout lemonde cherche l'oublier. Par le fait mme de cet

oubli, l'indignit de quelques-uns de ceux qui ont

jou un rle actif et prpondrant dans le drame

boulangiste rejaillit injustement sur la grande massedes lecteurs. Pour un peu, la nation passerait, elle

aussi, pour s'tre vendue ! Comment s'en dfendrait-

elle? Maintenant qu'ayant donn ses suffrages elleest dsarme pour trois ans, qui donc songerait

parler pour elle et quel droit lui est-il laiss, sinoncelui de se taire ! Aussi, c'est peine si, coeure desaccusations dont elle a vu salir la plupart de ceux

qu'elle avait encourags ou acclams, elle ose se

murmurer tout bas elle-mme lorsqu'elle croitqu'on ne l'entend pas :


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Et moi, je n'tais donc pas honnte!... Eh

bien !"

Parlons tout haut de son

honntet !

Parlons de sa loyaut et du droit des lecteurs qui,eux, n'ont jamais su ce qui se passait dans les cou-lisses et qui ont march carrment pour le comptede leurs convictions, pousss par un ardent dsir de

lgitime vengeance contre l'esprit d'gosme et la

politique intolrante de ceux que le hasard leur avait

donns comme gouvernants et qu'il a maintenus,hlas !dans leurs fondions.

Oui ! Parlons de droit et d'honntet !

Quand ce ne serait, aprs toutes les rcentes publi-cations, que pour nous reposer un peu.


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LA COALITION

Lacaractristique de cequ'on aappel leparti bou-

langiste, 'a t la diversit, l'opposition mme deslments qui l'ont constitu. Il s'est recrut droiteaussi bien qu' gauche, parmi les bonapartistes, les

royalistes et les catholiques militants, tout autantque parmi les rpublicains modrs et les dmo-crates les plus avancs.

Les opportunistes et les radicaux ont dnoncl'immoralit de tels rapprochements. Ils s'en sontmontrs scandaliss au dernier point. Mais leurs indi-

gnations ce sujet n'ont aucune espce de valeur ;elles sont ou feintes ou absurdes.

Rien de plus simple en effet que l'alliance deslecteurs rpublicains avec les lecteurs royalistesou catholiques. Rien qui soit plus dans l'ordre

logique des choses. Et j'ajoute : rien qui soit plusncessaire, si nous voulons enrayer l'affaiblissement

moral qui se manifeste dans notre pays.Certains rpublicains le sentent bien, puisqu'ils


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applaudissaient rcemment la profession de foid'un cur rpublicain.

Examinons d'ailleurs quelle tait la situation despartis au commencement de l'anne 89, et nous ver-rons que la coalition de tous les opposants tait dans

l'ordre logique des choses et absolument lgitime.Commenons par les partis de droite.

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LGITIMIT DE LA COALITION POUR

LES PARTIS DE DROITE

Celui d entre eux qui. avait le moins d'efforts faire pour adhrer au boulangisme tait sans con-tredit le parti bonapartiste plbiscitaire. Celui-l

devait accepter sans hsitation un programme entte duquel tait inscrite larevision de laconstitution

par l'appel au peuple.Donc aucune difficult pour les bonapartistes,

aucune immoralit pour eux entrer dans la coali-

tion, puisqu'ils pouvaient le faire sans rien aban-donner de leurs ides.

Les royalistes sont spars des bonapartistes pardes diffrences essentielles. Comment donc se fait-il qu'ils votrent en grand nombre pour les candi-dats du gnral Boulanger?

C'est que depuis plusieurs annes un travail do

dsagrgation s'tait effectu au sein de leur parti.Les chefs continuaient

bien, et c'tait leur

droitabsolu, la guerre sans trve qu'ils considraient


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comme un devoir de mener contre les institutions

rpublicaines. Lis par des souvenirs de famille et

par des traditions de fidlit absolument honorables,ils regardaient toujours comme impossible l'adh-sion une forme de gouvernement autre que lamonarchie.

Mais peu peu, la masse des lecteurs royalistesavait t amene concevoir la situation politiqued'autre manire. Tous les jours aux prises avec lesdifficults de la lutte pour la vie, habitus triom-

pher de ces difficults courantes non en leur oppo-sant une thorie platonique, mais une action effec-

tive, ils se lassaient d'attendre une restauration dontla strile esprance leur avait dj caus de si

longues dsillusions.

Et puis, ils sentaient leurs anciennes convictionsbranles par la logique mme des faits. Car quelleespce de restauration attendaient-ils ?tait-ce cellede la royaut de droit divin la lgitimit et lancessit de laquelle bon nombre d'entre eux avaient

cru.comme un dogme? Mais, du vivant mme ducomte de Chambord, le

dogme du droit divin n'tait

dj plus qu'un spectre, qu'une apparition d'unautre ge qui avait tonn le scepticisme de notre

gnration sans pouvoir l'entamer. Maintenant, ce

spectre s'tait vanoui pour toujours. La ralit desfaits leur apparaissant tous les jours plus nette-

ment, ils concevaient que la souverainet royale ne

pouvait puiser son droit que dans le droit du peuple.C'est ainsi d'ailleurs que le prtendant lui-mme


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leur paraissait envisager la situation puisqu'il rcla-mait, avant de monter sur le trne, la conscration

de l'acclamation populaire. Mais alors, le peupletait donc le vrai matre? La majorit de ses suffragespouvait donc constituer un droit? Sa volont poli-tique n'tait donc pas une volont essentiellementrvolutionnaire et satanique comme l'avait pr-tendu l'ancienne cole lgitimiste? En ce cas, la

consquence tait claire :

Ds lors que lepeuple tait lasource de l'autorit,sa volont devait tre considre comme aussi sacre

que l'tait celle du Roi clans la doctrine du Droitdivin.

Or le peuple refusait de restaurer la royaut ; tort ou raison, il prtendait vivre en rpublique.

Pourquoi donc se rvolter inutilement contre cettevolont laquelle on ne pouvait rien changer et quiavait d'ailleurs force lgale ?

Mais ce n'tait pas tout. D'autres considrations,plus graves encore, assigeaient lapense des roya-listes.

La plupart d'entre eux taient catholiques. Or,tandis qu'ils s'taient laisss bercer si longtempsdans le dangereux sommeil d'une politique d'expec-tative, leurs adversaires, opportunistes et radicaux,matres de la France, y assassinaient tranquillementles croyances religieuses. Fallait-il se maintenir horsde la politique nationale et les laisser achever leur

oeuvre de dmoralisation? La fidlit au Roi, grandeet belle chose! Mais la fidlit la Religion, est-ce


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que cela ne comptait pas? Est-ce qu'un pays peutvivre sans une religion? Par consquent, est-ce que

lutter pour la religion ce n'tait pas lutter pour laFrance? Et mme, est-ce que cette lutte ne primaitpas tous les autres devoirs?

De sorte qu'avec la logique, c'tait la conscience

qui conseillait aux lecteurs catholiques royalistesde ne pas pas se montrer plus royalistes que le Roiet de laisser

de ct leur rve de la restaurationmonarchique pour rentrer clans la vie active, en setenant purement et simplement sur le terrain de larestauration sociale, c'est--dire de la libert reli-

gieuse et de la moralit publique.Dans ces conditions, est-il tonnant qu'au mo-

ment o s'affirma cette grande popularit du gn-

ral Boulanger, qui tait d'ailleurs l'ouvrage desrpublicains, les lecteurs royalistes catholiquesfussent disposs soutenir le programme dve-

lopp par le discours de Tours?Il est visible que la pense d'une autre politique

ne pouvait se prsenter leur esprit.

Aussi, rien n'est-il plus puril que les reprochesadresss par les doctrinaires du parti au comit desDouze propos de la marche parallle laquelle ilse rallia au cours de la dernire campagne. Bon

gr, mal gr, il fallait bien qu'il marcht dans cette

voie, par cette raison toute simple que les chefs ytaient pousss par la masse compacte des soldats

et qu'ils seraient demeurs sans troupes s'ils avaientrefus d'avancer.


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Assurment les raisonnements qui prcdent nese prsentrent pas avec une nettet complte la

pense des masses royalistes. Il n'en est pas moinsvrai qu'elles aboutissaient aux conclusions que cesraisonnements contenaient avec une force d'autant

plus irrsistible qu'elle tait celle de l'instinct.Et c'est prcisment parce que le comit des

Douze comprenait cette situation qu'il fut amen soutenir le

parti national.

Une telle politique tait-elle dshonorante commel'affirment aujourd'hui les opportunistes?

Belle plaisanterie, vraiment, que cette question !Est-ce que les lecteurs catholiques n'taient pas

pousss vers le parti national par les raisons deconscience les plus hautes, celles que leur avaient

fournies les opportuno-radicaux eux-mmes parleur politique antireligieuse ?

Est-ce que d'autre part le parti national, tout ense maintenant sur le terrain rpublicain, ne procla-mait pas la tolrance religieuse comme un des pre-miers articles de son credo?

C'est ce qui explique

tout le reste.

Supprimez la politique antireligieuse des dix

dernires annes, vous n'avez pas de boulangisme,parce que vous n'avez pas cr entre les lecteurs

catholiques et les gouvernants opportunistes etradicaux un abme infranchissable.

Mais au contraire, ds lors que cette politique

antireligieuse existait et pesait dans la balance desfaits accomplis, rien ne pouvait dcider des lec-


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teurs catholiques tendre la main ceux quiavaient perscut leurs croyances. Tout le reste

tait possible ; cela seul ne l'tait pas. Alors mmequ'ils en arrivaient accepter la forme rpubli-caine, il y a une Rpublique dans laquelle ils ne

pouvaient entrer, c'tait celle dont les jacobinsavaient fuit leur chose, leur proprit. A celle-lils devaient ncessairement prfrer n'importe

quelle autre.

Et le jour o une situation se prsentait, leurmontrant enfin les opportuno-radicaux aux prisesavec d'autres rpublicains en rvolte contre l'espritd'intolrance, ceux-ci fussent-ils conduits par unchef suspect d'ambitions dictatoriales avec les-

quelles il faudrait compter au lendemain de la

victoire, il tait fatal, il tait logique, il tait lgi-time qu'ils prissent parti pour les seconds contreles premiers.

Et, ce faisant, une fois la lutte engage, ils pou-vaient tre vaincus; dshonors, jamais!


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LGITIMIT DE LA COALITION POUR LES PARTIS

DE GAUCHE

Ilyavait deux catgories de rpublicains boulan-

gistes : des libraux et des dmocrates tous crins.Parlons d'abord des libraux.

Tandis que se faisait dans le parti royaliste letravail qui amenait lentement les lecteurs de ce

parti admettre la forme rpublicaine, un travaild'une autre nature, s'effectuant dans l'esprit d'uncertain nombre de rpublicains, les loignait de la

politique intolrante etjacobine qui avait t suivie

pendant plusieurs annes.

Cette politique a t la grande faute du partirpublicain. C'est elle qui l'a condamn demeurerun parti, et un parti de plus en plus ferm,

au lieu de devenir la nation tout entire. Elle a '

pour point de dpart une conception absolumentfausse de l'ordre social.

Les opportunistes et les radicaux partent de cetteide que le catholicisme et l'esprit moderne tant


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de nature inconciliable, il faut ncessairement tuerl'un ou l'autre.

C'est une grosse erreur.D'abord le catholicisme et l'esprit moderne sont-

ils de nature si inconciliable que cela ? Ce n'est

pas encore absolument prouv.Mais admettons l'incompatibilit entre les deux

doctrines, il n'en est pas moins vrai que, pour tous

ceux qui se placent au point de vue de la philoso-phie contemporaine, par cela seul qu'elles existentet qu'elles satisfont l'une et l'autre un nombreconsidrable d'intelligences, toutes deux ont droit la vie.

Le fait seul qu'il y a encore en France une quin-zaine de millions de catholiques convaincus, n'y

en aurait-il qu'un seul que l'argument vaudraittout autant, suffit lgitimer l'existence ducatholicisme. Les croyances de ces quinze millionsde citoyens, fussent-elles absurdes, leur appar-tiennent. Et si vous pouvez essayer de les discuteret de les modifier, vous n'avez pas le droit de les

violenter.On combat l'Ide en lui opposant l'Ide; on ne latorture pas, on ne l'assassine pas.

D'ailleurs, ce n'est pas assez de dire que l'exis-tence du catholicisme soit lgitime. Elle est nces-saire.

Pourquoi ?

Parce que jusqu'ici la philosophie moderne n'apas su riger un systme de morale pouvant servir


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de base aux vertus sans lesquelles une socit, etsurtout une socit rpublicaine, ne peut vivre.

Au nom de Jsus, dit la loi catholique sesadeptes, tu ne ravi ras point lebien de ton prochain ;tu ne lui voleras point sa femme; et si tu es toi-mme mari, tu ne prendras aucune mesure pr-ventive contre la naissance ou la conception de tesenfants..

Et cette parole suffit pour que quinze millions deFranais soient sinon prservs, du moins gardsde la tentation du meurtre, du vol, de l'adultre etde l'infanticide avant ou aprs la lettre, par la con-

viction motive ou non, mais imprieuse, que Dieuleur dfend ces crimes dont la sociologie considrela frquence actuelle, comme constituant un vri-

table danger social.La philosophie moderne a bien trouv qu'il tait

surann de croire la divinit de Jsus, mais ellen'a pas su dcouvrir au nom de quelle autre idesuffisamment respectable, suffisamment haute, suf-fisamment imprieuse, et en mme temps suffi-

samment accessible l'esprit du peuple, le meurtre,le vol et autres crimes pourraient tre interdits.J'avoue que je suis, pour ma part, imbu des prin-

cipes de la philosophie moderne. Je ne crois pasau dogme catholique ; mais je trouve qu'il n'y a pas reculer devant l'aveu de l'impuissance philoso-

phique au point de vue moral, puisque cette impuis-

sance existe et puisque l'enttement sur ce point nepeut qu'tre fatal notre patrie.


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Amon sens, la conclusion qui dcoule de cet tat

de choses est bien simple et la voici :

Mme en en se plaant au point de vue rationa-liste et en admettant que la philosophie moderne

ait contribu au progrs de l'humanit par ce fait

qu'elle a arrach un grand nombre d'intelligencesaux croyances superstitieuses, il n'y a pas contes-ter que cette philosophie soit actuellement inca-

pable de remplir la tche de moralisation desmasses qui choit jusqu'ici tout entire l'ensei-

gnement religieux. Par consquent, l'opportunismeradical fait preuve d'une vritable troitesse d'es-

prit en ne professant pas un respect absolu et mmeen ne favorisant pas clans une certaine mesureune rligion qui, telle qu'elle est, correspondau premier des besoins sociaux puisque, danssa sphre d'action, elle oppose aux passions et l'gosme humains cette loi morale indispen-sable pour entretenir la vitalit des nations et quele progrs des sciences n'est pas prs de pouvoirremplacer.

C'est ce qu'ont fini par comprendre un certainnombre de rpublicains qui, ayant commenc parpartager l'erreur des opportunistes et des radicaux,sont arrivs cet tat suprieur de l'intelligencequi s'appelle, non pas l'indiffrence, mais la tol-rance.

Ils ont eu le sentiment trs net que les jacobinsn'taient en somme que des esprits insuffisammentcultivs, placs, il est vrai, par les circonstances,


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hors du cercle d'attraction des superstitions, mais

dont l'volution intellectuelle n'en tait pas moins

frappe de ce que Darwin et appel un arrt dedveloppement.

Aprs avoir tout mis en oeuvre pour faire prva-loir dans les milieux rpublicains les ides de bien-veillance et de fraternit intellectuelles auxquellesils taient eux-mmes parvenus, ces rpublicainslibraux furent

obligs de constater

que tous leurs

efforts demeuraient vains.Ds lors, il tait impossible qu'un certain nombre

d'entre eux, prenant position contre les jacobins,ne se jett pas rsolument du ct des perscutsdont ils ne partageaient pas les croyances, maisdont ils considraient comme urgent de dfendre

l'existence et la libert.C'est ce qu'ils ont fait, dirigs par une concep-

tion des choses assez leve pour leur inspirer unentier ddain des accusations de malhonntet, detrahison et de flonie, qui, naturellement, nedevaient pas leur tre pargnes.

Il n'est pas ncessaire, pour expliquer l'volu-tion des dmocrates boulangistes, de pntrer si

profondment dans le domaine de la psychologiesociale.

Pour eux, la situation revtait une forme beau-

coup moins abstraite.

Ils considraient que la Rpublique n'tait pas lebut dfinitif d'une vritable dmocratie, mais


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qu'elle n'tait au contraire qu'un moyen pour arri-ver mettre le plus de justice possible dans l'orga-nisation sociale. Aussi ne se tenaient-ils pas poursatisfaits par l'existence d'une Rpublique nomi-nale. Ils se demandaient avec colre ce qu'avaientfait pour les dshrits ces jouisseurs opportunistesqui, leur semblait-il, avaient recherch le pouvoir,

non pas en vue des services rendre, mais des

bnfices garder Ils cherchaient en vain lesrsultats acquis par le fait des politiciens du radi-calisme qui, aprs avoir rclam tant de rformesalors qu'il taient dans l'opposition, n'avaient, unefois parvenus dans les sphres gouvernementales,rform que les ministres dans lesquels ils n'en-traient pas.

Les uns et les autres avaient-ils assez trahi lesesprances du peuple !Le peuple ! qu'tait-ce quecela pour eux? Ils s'en souciaient bien, sinon dansla mesure o il le fallait pour obtenir ses suffrages.Ils parlaient sans cesse de leur dvouement la

Rpublique, c'est vrai !Mais la Rpublique au main-

tien de laquelle ils travaillaient, ce n'tait pas larpublique de la justice; ce n'tait pas la rpu-blique de la piti, de la fraternit, de la tolranceet de l'amour ; ce n'tait pas la rpublique du

peuple, mais leur rpublique eux, une rpubliquehaineuse, goste et intolrante, dans laquelle ilsvivaient barricads et montrant les dents tous

ceux qui n'taient pas de la famille ; unerpublique dans laquelle tous les Franais comp-


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taient lorsqu'il s'agissait de payer l'impt, maiso eux seuls le percevaient et s'allouaient des

traitements, les uns comme dputs et sna-teurs, les autres comme conseillers municipaux,sans compter la foule innombrable de ceux quis'abattaient sur les sincures administrativescomme des troupes de sauterelles sur les champsde mas.

Quel fonds pouvait faire le peuple sur le dvoue-

ment et l'esprit de sacrifice de tels hommes?Aucun. Ds lors, il n'y avait qu' les renverser et

pour cela, s'allier avec ceux qui, pour d'autres

motifs, leur avaient dclar une guerre sansmerci.

L encore, o tait la malhonntet, o tait

l'illgitimit de

l'alliance?C'est ainsi que royalistes catholiques, bona-

partistes, rpublicains libraux et dmocrates s'-taient rencontrs pour former ce parti qu'on appelafort improprement le boulangisme et dont levrai nom eut t : le parti du mcontentementnational. Chacun des allis venait d'un point diff-

rent de l'horizon politique, c'est vrai ; mais tous sesentaient unis par une mme haine, vivante en leur

coeur, celle des perscuteurs et des exploiteurs quioccupaient le pouvoir en le dshonorant par desscandales tals jusque clans le palais mme du chef

de l'tat.

Eh bien! je le demande tous les journalistes,tonnemment pudiques, qui se sont voil la face


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aux prtendues rvlations contenues dans les

Coulisses du Boulangisme :

Si, au lieu de s'occuper de quelques-unes despersonnalits mises en scne par l'auteur de cette

publication, on porte le regard sur l'immensearme des lecteurs venus de toutes les opinions etde toutes les socits pour former le parti dumcontentement national, je demande qu'on medise o tait la honte pour ces coaliss ?

Je demande au nom de quels principes suprieurson condamne l'usage qu'ils ont fait d'une libertlectorale qui leur tait garantie par les lois mmesdu pays?

Je demande en quoi ils taient coupables d'avoirt lasss, eux et tout le pays, par les fautes des

opportunistes et des radicaux?En quoi, tant lasss, ils taient rprhensiblesde s'tre poss en adversaires de ceux dont leurconscience rprouvait la politique ?

Je demande enfin qu'on m'explique comment iltait illgitime qu'ils se fussent tous entendus pourlivrer, sur le terrain lectoral, un assaut dont aucune

constitution vraiment rpublicaine ne sauraitgarantir un gouvernement convaincu d'inintelli-

gence et d'indignit ?

Jusqu' ce qu'on ait fait cette dmonstration, lesanciens lecteurs boulangistes, quelque partiqu'ils appartiennent, pourront regarder leurs vain-

queurs en face ; ils auront le droit de se considrercomme infiniment suprieurs eux au point de


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vue moral; car tandis que ceux-ci persistaient courber le dos sous le despotisme d'une stupide

intolrance, eux, du moins, ont senti dans leurcoeur assez d'audace et de fiert pour se dterminer une rvolte qu'ils considraient comme le pre-mier de leurs devoirs.


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BOULANGER, CHEF DU PARTI NATIONAL

Eh bien! Soit! Vous aviez des griefs, peuventrpondre les opportunistes et les radicaux, tout ense renvoyant rciproquement la responsabilit deces griefs ; par consquent vous aviez le droit devous coaliser. Mais ce que nous n'admettons pas,ce qui vous dshonore, monarchistes et rpubli-cains, c'est d'avoir accept Boulanger pour chef.

Si les opportuno-radicaux se contentaient de sou-tenir que la situation faite Boulanger par les v-nements constituait un pril pour l'avenir et qu'elletait par consquent leur excuse dans la guerresauvage qu'ils lui ont dclare, je serais de leur

avis. Mais puisqu'ils vont plus loin, puisque c'esttoujours l'honneur de leurs adversaires qu'ils en

ont, il faut bien discuter.Tout d'abord quel tait le fait saillant de la situa-

tion politique pendant les mois qui ont prcd la

priode lectorale? C'tait la popularit du gnral

Boulanger, popularit que l'tat-major radical livra

toute faite la nation.

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Que cette popularit constitut un danger, sur-tout en raison du caractre de celui qui en jouissait,c'est incontestable. Mais

pourquoi les chefs radi-

caux l'avaient-ils cre? Ils approchaient tous les

jours le gnral, ils le connaissaient; pourquoi l'a-vaient-ils pouss?

C'est inconcevable! Mais ce qui ne l'est pasmoins, c'est l'inconscience avec laquelle ils con-damnent aujourd'hui ceux qui n'ont fait que subir

les suites de leur propre imprvoyance.Donc, la fin de l'anne quatre-vingt-huit, nous

nous trouvons en prsence de cette situation ini-tiale et grosse de consquences : la popularit de

Boulanger cre par l'tat-major radical. Cette po-pularit est dj devenue une force active et rien ne

peut plus faire

qu'elle n'existe

pas. C'est comme un

boulet de canon qui traverse le champ politique enle ravageant.

Ds lors, les opportunistes et les radicaux ont

beau se prcipiter comme des affols derrire ce

boulet, il n'en va pas moins, suivant sa trajectoire,trouant tout, culbutant tout.

Ds lors aussi, la politique peut-elle faire abstrac-tion de cette force populaire, norme et dchane,qu'emporte une vitesse toujours croissante?

Evidemment non !Pas plus qu'on ne saurait, dansle dsert, faire abstraction du simoun qui souffle.

Boulanger poursuivant la ruine des opportunisteset des

radicaux tandis que les opportunistes et lesradicaux poursuivaient au contraire la ruine de


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Boulanger, il tait vident que tous ceux qu'avaitlasss la politique gouvernementale des dix der-

nires annes devaient souhaiter le succs du gn-ral, qu'ils y aideraient autant qu'ils le pourraient et

qu'ils s'y acharneraient d'autant plus que les op-portunistes s'acharneraient dans le sens contraire.Ainsi le voulait l'inflexible logique des faits, logique _ laquelle il n'est pas donn aux forces humaines

d rsister.

Auprs de Boulanger devaient accourir tous lesadversaires de l'opportunisme et du radicalisme.Autour de cette masse attractive sans cesse grossis-sante devaient se prcipiter toutes les molculeslectorales que repoussait le caractre particulierde la politique opportuno-radicale. Tous ces l-

ments, chappant aux anciennes formules, rom-pant les obstacles cres par les mots, s'lanaient,les uns du royalisme, les autres du rpublicanisme,rouls par le torrent de la force ds choses. Toutesces volonts se ruaient, irrvocablement tenduesvers la pense qu'une lutte tait engage, dans la-

quelle l'opportunisme avait enfin chance d'tre d-

truit; et cela suffisait pour que l'oeuvre leur partbonne, lgitim et sainte. Devant cet espoir hypno-tisant s'effaaient en partie les dfiances, les aver-sions qui avaient spar les conjurs dans le pass.Le pass ! Qu'tait-ce que cela? Un mauvais rvedont on se rveillait pour aller vers un avenir d'o

les anciennes haines seraient chasses, o l'on neserait plus oblig de s'acharner les uns contre les'


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autres, o l'on saurait bien se faire rciproque-ment les sacrifices commands par l'amour de laPatrie.

Pourtant, on n'tait pas sans songer au dangerd'une dictature impose par celui qui menait l'as-saut.

Mais les uns se disaient que le gnral aurait

compter avec ses allis, et les autres...Il faut bien le dire, les autres redoutaient moins

la dictature de Boulanger que le maintien des op-portunistes au pouvoir.

La dictature? Pourquoi donc l'auraient-ils re-

pousse? Les peuples qui se refusent aux dictaturessont les peuples en qui palpite l'hroque amourdes grandes vertus. Mais l'amour des vertus ne vitdans un

peuple qu' condition

qu'on l'yentretienne

par l'ducation, et c'est pourquoi le premier devoirdes gouvernements est le souci de l'ducation quitend l'esprit des peuples vers le culte de l'Ide.

Or, depuis douze ans, quelle ducation avait tdonne la nation? Quels principes avaient t d-

ploys comme des drapeaux sous lesquels on avait

appel les citoyens se ranger? Un seul! C'taitcelui qu'exprimait une phrase prononce jadis parGambetta dans une heure de lutte et qui, momen-tanment explicable peut-tre, ne pouvait tre in-

voque comme principe de gouvernement et d'du-cation nationale que par des hommes d'une relle

infriorit d'esprit. Le clricalisme, voil l'ennemi ! C'est avec


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cette parole qu'on a lev la nation depuis treizeans. C'est elle qui a inspir la politique ; elle qui a

rgn dans l'cole. En dehors d'elle, pas une pen-se, pas un idal, rien sur quoi puissent s'appuyerl'intelligence et le coeur pour s'lever jusqu' la

conception et la pratique des vertus de dvoue-ment et d'abngation qui rendraient, infinimentmieux que les justes lois , toute dictature impos-sible dans un pays.

La lutte pour la vie, pour le triomphe, pour lajouissance, voil ce qu'ont prch les opportunistes.Comment, aprs cela, peuvent-ils reprocher ceux

qu'ils ont ainsi levs leur oubli des principes dansla lutte politique?

Il n'y a pas de justice en politique ! disait l'un

d'eux en pleine chambre des dputs. En dehors dela justice et des principes, que peut-il donc rester?Rien que des hommes. Et c'est pourquoi un tropgrand nombre peut-tre parmi les mcontents las-

ss, faisant ainsi preuve des profondes dchancescauses par l'ducation opportuniste, se sont aban-donns l'homme que les circonstances leur

offraient.Il est vrai que Boulanger a bien tromp leurs

esprances !Deux choses taient ncessaires pour que le parti

national triompht : une organisation et un chef qui ne recult pas.

Or, Boulanger n'a su ni organiser son parti, niappliquer jusqu'au bout la tactique offensive que

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lui-mme avait jadis recommande l'arme.

Rien, absolument rien n'autorise croire qu'il aitfui par lchet; mais tout prouve qu'il a manqudes vues suprieures et du caractre particulire-ment hroque que rclamait la situation qui luitait faite par les circonstances.

A sa place, un homme dou des qualits de coeuret d'intelligence qui font les hros lgendaires seserait dit :

En mon me et conscience, je crois que la lutteque j'ai entreprise est commande par l'intrt su-

prieur du pays. Ds lors, le devoir est d'avancer.Advienne que pourra ! On m'emprisonnera, on metuera !... Qu'importe ?Mon cadavre servira srementde point d'appui ceux qui marchent avec mol,

pour hisser jusqu'au triomphe le programme queje considre comme le salut de la Patrie!

Et comme Dcius, il se ft perdument jet au

plus fort des lgions ennemies.

Boulanger n'a pas su tre un Dcius ;voil tout.Mais quoi d'tonnant cela? Qu'on me dise donc

o sont, dans le parti opportuniste, les hommes

qui seraient prts jouer les martyrs? Dans cettegnration d'intelligences scrofuleuses engendres"

par la culture opportuniste, qu'on me montre doncles gnreux, les dvous, ceux qui sont prts sesacrifier tout entiers un programme et qui iraientau devant de la mort par amour pour l'ide?

Vraiment, lorsque j'entends les Reinach, les Vac-

querie, les Maret et d'autres pontifes de la faction


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jacobine semoquer de ce qu'ils appellent le manquede courage civil de Boulanger, je hausse les paules.

Je voudrais, en effet, voir la figure que feraient ceshros, si le destin leur offrait la perspective d'ache-

ter par le sacrifice de leur vie le succs de leurs co-

religionnaires et le triomphe de leurs ides.

Boulanger a compris la situation comme l'auraient

comprise ses adversaires, ni plus ni moins. Il taitde leur taille, tant du mme temps, de la mme

cole, de la mme gnration et atteint par cons-quent de la mme anmie, du mme ramollisse-ment moral dont nous souffrons tous plus oumoins.

D'ailleurs, n'avait-il pas Constans comme vis--vis? Voil ce qu'il ne faut pas oublier. Si les

coaliss du parti national obissaient Boulanger,les coaliss opportunistes et radicaux ont, de leur

ct, carrment embot le pas Constans. Cons-

tans, que ses propres partisans ont accus d'tre leroi des fripons il y a deux ans peine et qui est au-

jourd'hui le roi des Franais !

Entre Constans et Boulanger, il fallait choisir.Quoi d'tonnant ce que tant de braves gens, pardgot du premier, n'aient pas hsit se rangerderrire le second ?


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CONCLUSION

Depuis l'entre en scne de la coalition boulan-

giste, l'opportunisme, conduit par Constans, n'a euqu'un but qu'il a poursuivi passionnment et quitait d'accumuler tous les documents, vrais oufaux,authentiques ou fabriqus, qui pouvaient dshono-rer quelqu'un des coaliss ou la coalition tout en-tire.

C'tait habile, car, si l'on s'en souvient, une des

causes de l'impopularit dans laquelle sombraitl'opportunisme tait prcisment la malhonntetde plusieurs de ses membres.

Nous sommes sauvs, ont pens les chefs de

l'tat-major opportuniste, si nous parvenons per-suader au pays que nos adversaires ne sont pas

plus immaculs que nous. Sur une pareille d-monstration, la colre du peuple tournera l'hsi-tation. Or, l'hsitation, c'est le maintien du statu

quo, c'est--dire notre victoire, nous qui occu-

pons le pouvoir et qui yresterons. On a vu comment les opportunistes ont t,

depuis quelques mois, aids dans cette tche par

certains boulangistes, qui, en supportant la dfaite


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avec un manque de dignit si complet, ont, par l

mme, donn mauvaise ide de la faon dont ils

auraient us de la victoire.Depuis le procs de la Haute-Cour, qui demeurera

l'oeuvre la plus hypocrite des temps modernes et

qui a constitu pour les courriristes un magni-fique encouragement au commrage, nous n'avonsassist en France qu' des dnonciations, desrvlations

presque toujours dnues d'authenticit,

mais en revanche toujours absolument coeurantes.On s'est livr dans les journaux une dbaucheinoue de communications dshonorantes, les unes

pour leurs auteurs, les autres pour ceux qu'ellesfrappaient injustement. L'air en a t empoisonn ;et la conscience publique aussi. Car il ne faut pas

croire qu'un journalisme aussi mphitique puissese rpandre dans le pays sans que la moralit gn-rale en soit atteinte. Mais est-ce que les politicienssongent cela !...

Il tait plus que temps de parler un peu de

loyaut, aprs qu'on avait tant parl de trahisons, etde rappeler qu'au dessous de toutes ces cumessouleves par les peurs des uns, par les colres etles rancunes desautres, il y a eu dans le mouvement

qui, une certaine heure, a emport les trois

quarts de la nation, un souffle d'honntet, une

tempte d'indignations lgitimes qui sont tout l'honneur des millions d'humbles citoyens qui, d'un

bout de la France l'autre, se sont donn la main.Que ces humbles conservent une noble, fiert


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d'eux-mmes ; qu'ils se rappellent la grandeur descauses qui ont entran leur rvolte ; qu'ils nelaissent

pas diminuer dans leur coeur la certitude

de leur bon droit; qu'ils gardent intacte surtout laconscience de leur honneur, car leur honneur, c'estcelui du pays.

Et puis, qu'ils sachent attendre, non pas avec

indiffrence, mais avec recueillement. Qu'ils soientassurs que si le Droit est avec eux, le Droit, un

jour ou l'autre, les fera triompher.En ce qui concerne le pass, qu'ils ne regret-

tent rien. Si le boulangisme a t vaincu, ce n'estcertes pas par le bon droit de ses adversaires,mais, entre autres causes, parce que ce parti tait

compos d'lments insuffisamment unis ; parceque les bonnes volonts

qui s'y rencontraient,

venues des points extrmes des partis les plusopposs, ne s'inspiraient pas une assez grandeconfiance ;parce qu'enfin entre ces molcules ht-

rognes, la cohsion ne s'tait pas faite complte-ment. Comment, du reste, en et-il pu tre autre-ment? Le boulangisme at la premire tentative

de rconciliation des masses conservatrices avecles masses rpublicaines. Des oeuvres comme celle-l ne s'accomplissent que lentement. C'et tune chance inoue que la soudure se fit du premiercoup. Qui sait? peut-tre se ft-elle mal faite,peut-tre vaut-il mieux qu'elle soit ds maintenant recommencer. En tous cas, le boulangisme n'aura

pas t absolument inutile en ce sens qu'il a


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rapproch des catgories de citoyens qui, se regar-dant de loin et travers certains prjugs, se has-

saient sans raison. Tt ou tard les germes d'unionqu'il a mis en terre porteront leurs fruits.

Et maintenant, est-il possible de tirer un ensei-

gnement des faits que nous avons vu se drouler?

Certainement, car si le pass ne devait pas servir l'ducation de l'avenir, la raison n'aurait quefaire en ce monde.

Comme nous l'avons constat, les deux princi-pales causes de l'closion du boulangisme sont l'in-tolrance jacobine et Pgosme politique du partiopportuniste ;la premire de ces deux causes agis-sant sur les conservateurs, mme sur ceux du partirpublicain ; la seconde entranant les masses labo-

rieuses. En triomphant du boulangisme, les oppor-tunistes n'ont fait que dtruire un effet produit. Ceteffet disparu, les causes qui l'avaient engendr n'enrestent pas moins ce qu'elles taient ; elles conti-nuent se comporter comme la loi de la vie veut

que se comportent toutes les causes, c'est--dire que,ds maintenant, leur invisible action prpare les

lointaines closions de nouvelles consquences. Et

il en sera ainsi tant qu'elles n'auront pas disparu.Or, voici que dj les opportunistes semblent ne

plus s'en occuper. Ils s'imaginent remplir tout leurrle de gouvernants en se faisant les concierges deleur rpublique, dont ils s'appliquent fermer her-

mtiquement les portes.Les devoirs rsultant de leur situation sont tout


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autres et la question qui leur est pose par la lo

gique des faits est fort simple :

Sont-ils dcids renoncer l'esprit d'intolrance? Comprennent-ils que la Raison philoso

phique, leur ancienne allie, se tourne maintenantcontre eux ? Qu'elle leur refuse le droit de ridicu-liser et de torturer les convictions d'un nombreconsidrable de citoyens qui sont, comme eux, deslments constitutifs de la Patrie et qui, en outre,

reprsentent la doctrine de morale sociale quecherche en vain la science moderne ?

D'autre part, ont-ils pris la rsolution de s'oublierun peu, eux, leurs cratures et leur parti ? Sentent-ils le besoin de retremper leur politique en s'ins-

pirant des ides de dvouement, de gnrosit, defraternit

qui leur ont

manqu jusqu'ici et

qui de-

viennent de plus en plus la ncessit des gouver-nements ?

Telles sont les obligations dont les opportunistesauront fatalement rpondre, non seulement de-vant leurs adversaires, mais devant cette puissance

mystrieuse laquelle Gambetta lui-mme rendait

hommage le jour o il parlait de la Justice imma-nente des choses , puissance sans cesse agissanteet sous l'action de laquelle les fautes commises parles partis politiques finissent toujours par devenir

les matriaux de leurs tombeau.

EMILECOLIN. IMPRIMERIE DE LAGNY


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boulangisme du peuple - copin-albancelli

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