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1 BIOMECANIQUE DE L’APPAREIL LOCOMOTEUR (L. Rakotomanana) 1. Forces et bras de leviers dans l’appareil moteur L’appareil locomoteur se compose de deux structures : le squelette et le système musculaire. Le squelette comprend les os, les articulations (cartilages, ménisques, etc…) et les ligaments. Le système musculaire comprend les muscles et leurs annexes comme les tendons, les gaines tendineuses et les bourses séreuses. Le système musculaire constitue la composante active de l’appareil locomoteur. Le mouvement est généré par les muscles qui agit sur les os en se raccourcissant. Les os forment une charpente qui soutient les parties molles et forment les systèmes de leviers sur lesquels la force du muscle est exercée. Exemples de bras de leviers dans l’appareil locomoteur A titre d’exemples de bras de leviers, nous pouvons voir sur les 4 figures de cette page l’épaule, le rachis, la hanche (balance de Pauwels) et la cheville. Chacun de ces exemples reposent sur les lois fondamentales de l’équilibre mécanique de corps solides : a) l’équilibre des forces (la somme des forces totales s’appliquant sur le corps est nulle) et b) l’équilibre des moments (la somme des moments des forces sur le corps est nulle).

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  • 1BIOMECANIQUE DE LAPPAREIL LOCOMOTEUR

    (L. Rakotomanana)

    1. Forces et bras de leviers dans lappareil moteurLappareil locomoteur se compose de deux structures: le squelette et le systme musculaire. Le squelettecomprend les os, les articulations (cartilages, mnisques, etc) et les ligaments. Le systme musculairecomprend les muscles et leurs annexes comme les tendons, les gaines tendineuses et les bourses sreuses. Lesystme musculaire constitue la composante active de lappareil locomoteur. Le mouvement est gnr par lesmuscles qui agit sur les os en se raccourcissant. Les os forment une charpente qui soutient les parties molles etforment les systmes de leviers sur lesquels la force du muscle est exerce.

    Exemples de bras de leviers dans lappareil locomoteur

    A titre dexemples de bras de leviers, nous pouvons voir sur les 4 figures de cette page lpaule, le rachis, lahanche (balance de Pauwels) et la cheville.

    Chacun de ces exemples reposent sur les lois fondamentales de lquilibre mcanique de corps solides: a)lquilibre des forces (la somme des forces totales sappliquant sur le corps est nulle) et b) lquilibre desmoments (la somme des moments des forces sur le corps est nulle).

  • 2Lappareil locomoteur comporte des systmes bras de leviers et par consquent favorise la dmultiplicationdes efforts internes articulaires. Les forces articulaires peuvent atteindre des valeurs de plusieurs fois le poids ducorps. Cette dmultiplication de forces est indispensable pour la locomotion (vaincre la force pondrale parune sollicitation musculaire) mais peut prsenter un danger car induit des dsquilibres de sollicitationsmcaniques dans les tissus, notamment los.

    2. Adaptation osseuseDune manire gnrale, lossification, la croissance de los et sa conservation sont commandes par les forcesmcaniques mises en jeu et galement sous le contrle des hormones et dautres facteurs biologiques. Ledsquilibre des forces internes (pouvant tre la consquence dune rpartition non harmonieuse des forcesexternes) induit long terme un remaniement de la rpartition de la densit osseuse (remodelling osseux) chezles adultes. Deux exemples sont donns ci-dessous pour illustrer ladaptation mcanique osseuse dans lesarticulations prothses ou non.

    Adaptation osseuse du genu valgum

    Dans le cas dun genu valgum, laxe mcanique de la jambe infrieur est dport latralement et la rsultantedes forces pondrales et musculaires (hauban externe) passe par le compartiment externe du tibia. Ceci engendreune hyper-pression externe et favorise la densification osseuse du compartiment externe (figure droite).

  • 3Adaptation osseuse autour dimplants orthopdiques (stress-shielding)

    La figure de gauche montre la radio dun modle animal (chien) avec une rpartition normale de la densitosseuse immdiatement aprs implantation dune prothse orthopdique. La figure de droite montre le mmefmur quelques mois plus tard o lon observe une perte osseuse significative dans la partie proximale. Cetteperte osseuse proximale est due au phnomne de stress shielding o la contrainte mcanique osseuse estdiminue suite lintroduction dun implant mtallique massif, qui supporte en grande partie leffort devant tresupport par le fmur.

    Contraintes osseuses

    Ltude de ladaptation osseuse peut tre mene diffrentes chelles (macroscopique, cellulaire). Ltude lchelle macroscopique ncessite la prise en compte des dformations et contraintes du tissu osseux. Pourdterminer les proprits intrinsques du tissu osseux, il est ncessaire dliminer les effets de la gomtrie.Voil pourquoi il faut introduire la notion de contrainte (force par unit de surface) et de dformation (variationde longueur % unit de longueur). Deux types de contraintes apparaissent dans un tissu biologique comme los:la contrainte de compression (ou de traction) et la contrainte de cisaillement. La contrainte est de compression(ou traction) lorsque les forces sont orthogonales la surface considre et de cisaillement lorsque toutes lesforces sont situes dans le plan de la surface (cf. Figure).

    Pour un solide comme los compact, les contraintes et dformations sont lies par le loi linaire de HOOKEdans le domaine lastique du matriau. Les coefficients lastiques (modules dYOUNG) dpendent trsfortement de la porosit (ou de la densit apparente) et de la forme de ces pores (anisotropie).

  • 4Remodeling osseux (macroscopique) et Bone Multicellular Unit (Unit cellulaire)

    Los est un organe extrmement vivant, en perptuel mouvement, se dtruisant sans cesse pour mieux sereconstruire. Le rle essentiel du remodelling osseux est de maintenir lintgrit mcanique du squelette. Lecycle de remodelling osseux comprend quatre phases majeures dont lactivation des cellules pr-ostoclastiques,la rsorption par les ostoclastes (auto-limitative), la formation osseuse par les ostoblastes, suivi duneminralisation et la quiescence. Dans une situation normale, le nombre dunits fonctionnelles et la vitesse derenouvellement de los cortical et trabculaire sont dcrits dans le tableau ci-dessous (Los cortical constitue les90% du squelette).

    Os cortical Os trabculaire

    Nb de BMU % mm3 0.2 4.0

    Nb de BMU total 0.3 million 1.40 million

    BMU actives/heure 100 760

    Renouvt. global 3-4% par an 25% par an

    Lorsquun processus (biomcanique) induit un dsquilibre dans la squence de remodelling osseux, lesrpercussions sur la quantit osseuse seront plus importantes dans los spongieux que dans los cortical.

  • 5A lchelle macroscopique, le remodelling osseux est caractris par la variation de la taille des pores (figuregauche). En pratique, les facteurs qui perturbent la balance osseuse peuvent tre schmatiquement classifis endeux grandes catgories: a) les facteurs biomcaniques (surcharge & dcharge) et b) les facteurs susceptibles demodifier le mtabolisme des cellules osseuses (endocriniens, mtaboliques, inflammatoires, ou ischmiques,). Nous nous limitons dans ce cours aux facteurs biomcaniques.

    Les sollicitations mcaniques ne modifient pas seulement la structure interne (densit apparente) mais aussi sonaspect externe. Les tubrosits, les crtes et les tubercules au niveau desquels sinsrent les muscles et lesligaments deviennent plus saillants. A lextrme, los peut ragir par une atrophie et une dminralisation dessollicitations dmesures, ce qui peut entraner une fracture de fatigue. Cette fracture de fatigue intervientlorsque le tissu osseux narrive plus rparer les micro-fractures qui apparaissent naturellement dans le tissuosseux au cours des activits physiques journalires. Pour comprendre ladaptation osseuse, il est essentiel dedescendre au niveau cellulaire.

    Cycle de remodelling osseux

    Les perturbations du cycle de remodeling osseux peuvent entraner: a) soit un excs de rsorption, dbouchantsur une atrophie osseuse; b) soit un excs de formation osseuse, aboutissant une hypertose. Schmatiquementil y a une hypertose due une surcharge et une atrophie due une dcharge. Le tissu osseux sadapte auxcontraintes mcaniques en dveloppant:

    1. Soit une hypertose, en prsence de contraintes mcaniques leves. Lactivation du remodelling osseux estfait active par lapparition de micro-fissures gnres par ces contraintes leves. Lhypertose desurcharge reprsente une raction de compensation et dadaptation quilibrant une croissance descontraintes mcaniques. Nanmoins, si lacroissement des contraintes est trop rapide pour que les ractionsdadaptation aient le temps de se produire, il y a rupture de lquilibre entre lapparition des micro-fractures(micro-lsions naturelles) et la rparation cellulaire.

    2. Soit une atrophie en prsence dune diminution des contraintes biomcaniques normales. Le stimulusmcanique est indispensable la fonction ostoblastique. Sa diminution alors que la rsorptionostoclastique se poursuit normalement cre le dsquilibre et favorise latrophie osseuse.

  • 6Le cycle de remodelling osseux (figure ci-dessus) est rompu dans un sens ou dans lautre (surcharge oudcharge). Dans le stress-shielding o les contraintes mcaniques sont droutes de leur situation normale,les contraintes sont redistribues et par consquent les rpartitions de densit osseuse (existence de surchargelocalise: partie distale et dcharge locvalise: proximale).

    Lois physiques du remodelling osseux

    Sur le plan biomcanique (rle de support pour le tissu osseux), deux variables macroscopiques dfinissentllasticit osseuse et sa rsistance mcanique: la densit apparente et son anisotropie. Parmi les deux, la densitjoue un rle primordial:

    Le module dlasticit de los est proportionnel au carr de la densit apparente

    La rsistance mcanique (contrainte limite) de los est proportionnelle au carr de la densit apparente.

    La loi du remodelling osseux est dfinie par la loi dvolution de la densit en fonction du niveau de contrainteinterne dans los. La variation de la densit apparente (ordonne) est relie au niveau stimulus mcanique(abcisse) du remodelling par une fonction tri-linaire comportant une zone centrale dquilibre homostatique(limite par une contrainte minimale en dessous de la quelle il y a rsorption, une contrainte maximale au-del delaquelle il y a densification osseuse). Le stimulus est une mesure pondre de la contrainte decompression/traction et de la contrainte de cisaillement. Il est reli la densit de micro-fissures dans le tissuosseux.

    3. LigamentsLes ligaments constituent un des stabilisateurs des articulations de lappareil locomoteur. Les exemples deligaments les plus connus sont les ligaments croiss antrieur, postrieur, latraux du genou. Larticulation dugenou est essentiellement une articulation de flexion/extension mais qui possde galement un certain degr derotations externe/interne et de rotation en varus/valgus. Larticulation est trs complexe et trs prcise. Maistoute lsion ligamentaire (figure gauche) perturbera lensemble de larticulation tant sur le plan mouvement(changement du centre de rotation, laxit antro-postrieure, ) que sur le plan des contraintes internes pouvantabouir une altration des surfaces articulaires. La mconnaissance de la biomcanique ligamentaire sembleexpliquer le succs mitig de la reconstruction ligamentaire. Le rle de la biomcanique dans les lsionstraumatiques ligamentaires mrite dtre clairci.

  • 7Rupture de ligaments

    Le ligament crois antrieur est sujet de ruptures frquentes suite aux activits sportives. Les ligaments fontparties des stabilisateurs statiques des articulations ( loppos des muscles qui sont des stabilisateursdynamiques et gnrateurs de mouvements). Ces ruptures peuvent tre expliques sur le plan biomcanique parles efforts internes appliqus et les proprits intrinsques des ligaments: la non linarit de la rponsecontrainte dformation, linfluence de la vitesse de dformation (viscosit) et la relaxation des contraintes longterme.

    Non linarit

    Sur le graphe ci-dessous, la contrainte ligamentaire (force/unit de surface) est donne en fonction de ladformation (allongement % unit de longueur).

    On observe exprimentalement que le ligament ne se comporte pas de manire linaire (la contrainte nest pasproportionnelle lallongement subi). Trois comportements distincts sont nots: la premire zone (toeregion) exprime la laxit ligamentaire o la dformation est grande de trs faible force; la seconde zonecorrespond une proportionnalit du taux de contrainte et du taux de dallongement et enfin la troisimecorrespond la zone de rupture ligamentaire. Les ligaments interviennent peu en force aux mouvement depetites amplitudes mais interviennent surtout aux amplitudes leves.

    Influence de la vitesse de dformation

    Sur la figure ci-dessous, la contrainte ligamentaire (force/surface) est mesure en fonction de lallongement.Quatre vitesses dapplications des forces sont considres pour cette exprimentation (ACL humain). Cetensemble de courbes est typique pour les ligaments et tendons (ACL, PCL, tendon rotulien, )

  • 8En augmentant la vitesse dapplication des forces ligamentaires, on peut mesurer une augmentation significativede la contrainte ligamentaire (phnomne de viscosit). Ainsi, pour une mme amplitude du mouvementarticulaire, la contrainte ligamentaire peut doubler si la vitesse du mouvement seffectue plus rapidement.

    Phnomne de relaxation des contraintes

    Sur la figure ci-dessous, la contrainte ligamentaire (force/surface) est mesure en fonction du temps. Aprs unetraction initiale contrle, on mesure au cours du temps la force ncessaire pour maintenir constante la longueurdu ligament. Ce comportement est galement typique pour les ligaments et tendons humains (ACL, PCL, tendonrotulien, )

    En un allongement constant sur un spcimen ligamentaire, on peut constater une diminution de la contrainteinterne au cours du temps. Aprs une trentaine de minutes, la contrainte diminue dune manire gnrale de 30 40%. Ce comportement est bien explique par la constitution bi-phasique du ligament en tenant compte du fluxde liquides dans le tissu.

    La prsence simultane de ces trois phnomnes dans le comportement mcanique des ligaments permet de direque la contrainte ligamentaire est la somme dune contrainte lastique (non linaire), dune contrainte visqueuse(vitesse) et dune contrainte de relaxation (ngative). Chacun de ces phnomnes peuvent avoir des implicationscliniques spcifiques.

  • 9 Lutilisation dun matriau synthtique linaire ayant un module dlasticit gale la tangente de la partielinarise rigidifie un genou aprs une reconstruction ligamentaire.

    Laugmentation de la contrainte avec la vitesse du mouvement articulaire peut tre source de ruptureligamentaire.

    La pr-tension initiale impose au cours dune reconstruction ligamentaire (greffe autologue telle le tendonrotulien) diminue significativement aprs lopration. On obtient ainsi involontairement un genou avec plusde laxit.