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A. Aoulmi – Lycée Pierre Corneille Sciences économiques & sociales Première ES Chapitre 7 – Contrôle social et déviance II. Quels sont les processus qui conduisent à la déviance ? A l’issue de cette séquence de travail, vous devrez être capable de : Définir et expliquer les termes de déviance primaire, déviance secondaire, anomie Expliquer le processus d’étiquetage et montrer que la déviance peut être analysée comme le produit d’une suite d’interactions sociales Montrer que les comportements déviants peuvent s’expliquer par des situations d’anomie ou qu’ils Sensibilisation Donnez des exemples de comportements qui ne sont pas admis par la société (ou en société), « des choses qui ne se font pas. A. Quelles formes peut prendre la déviance ? Document 1 – Comment définir la déviance ? Selon l’édition en cours du célèbre dictionnaire usuel Petit Robert, " Déviance " est un mot d’usage très récent (les années 1960) qui, dans son sens psychologique, signifie " Comportement qui échappe aux règles admises par la société ". Plus précisément, " Déviant(e) " est l’adjectif qui désigne la " personne dont le comportement s’écarte de la norme sociale admise ". De fait, pour qu’une situation de déviance existe, il faut que soient réunis trois éléments : - l’existence d’une norme - un comportement de transgression de cette norme - un processus de stigmatisation de cette transgression La catégorie " la déviance " est-elle suffisamment homogène pour signifier quelque chose en elle-même ? On peut en douter. Certes, chacun peut immédiatement citer une liste de comportements déviants. Pourtant il n'y a pas de rapport direct entre le vol, l’homicide, le manquement à la politesse ou aux convenances, la conduite dangereuse, l'habillement excentrique et la consommation de drogue. De plus, ce qui est aujourd’hui regardé comme déviant a pu, à un autre moment de l’histoire, ne pas l’être (encadré 1). En réalité, le point commun de tous ces comportements est indirect : c’est le fait qu’ils sont tous condamnés par différentes normes sociales, reconnues ou pas par le droit, partagées à des degrés divers dans les différents groupes sociaux qui composent une société à un moment donné de son histoire Cette définition de la déviance par son rapport aux normes donne au sujet sa véritable ampleur. En effet, pratiquement toute notre vie sociale est organisée par des normes. Nous apercevons aisément celles qui sont le plus contraignantes, celles dont l’infraction entraîne une sanction juridique. Mais la définition du Bien et du Mal n’est pas le monopole du droit. Il existe une foultitude de normes sociales non moins impératives quoique non juridiques. Les normes familiales peuvent s’imposer par exemple aux enfants sans même avoir jamais été énoncées. Et leur non respect peut entraîner des sanctions physiques mais aussi psychiques : la plus banale est sans doute le sentiment de culpabilité. De même, dans la vie sociale de tous les jours et dans la vie professionnelle, il existe des choses qui " se font " et d’autres qui " ne se font pas " dont la sanction peut être autant voire plus dissuasive encore. La crainte de perdre sa réputation (donc la confiance de ses clients, de ses collègues ou de ses électeurs) peut par exemple être une menace beaucoup plus efficace que la sanction juridique. Enfin, il existe une infinité de normes sociales moins contraignantes mais qui nous conditionnent autant sinon davantage. En effet, selon la situation dans laquelle nous nous trouvons, nous adaptons consciemment ou inconsciemment notre façon de parler et de nous vêtir, nous contrôlons différemment nos gestes, nous exprimons ou nous n’exprimons pas tel ou tel sentiment (la joie, la colère, la surprise, le désir). Selon que nous sommes à une réception officielle ou à un déjeuner en famille, ou encore avec des camarades d’enfance, nous n’avons pas exactement le même comportement parce que les normes de ces groupes et de ces situations sont différentes. Dans les années 1950, Edwin Lemert a donné à l’étude de la déviance un programme comportant d’une part l’étude de la déviance primaire (la transgression de la norme), d’autre part l’étude de la déviance secondaire (la reconnaissance et la qualification de cette déviance par une instance de contrôle social). Source : http://laurent.mucchielli.free.fr/deviance.htm Questions : 1. Qu’est-ce que la déviance ? Quelle est la différence entre délinquance et déviance ? 2. Pourquoi cette notion de déviance est-elle problématique ? 3. Pourquoi la déviance n’est-elle pas une notion universelle ? Donnez des exemples illustrant votre réponse. 4. Explicitez ce qui différencie déviance primaire et déviance secondaire. B. La déviance peut résulter de l’affaiblissement du contrôle social ou d’un conflit de normes Document 2 – La thèse de l’anomie 1

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A. Aoulmi – Lycée Pierre Corneille Sciences économiques & sociales Première ES

Chapitre 7 – Contrôle social et dévianceII. Quels sont les processus qui conduisent à la déviance ?

A l’issue de cette séquence de travail, vous devrez être capable de : Définir et expliquer les termes de déviance primaire, déviance secondaire, anomie Expliquer le processus d’étiquetage et montrer que la déviance peut être analysée comme le produit d’une suite d’interactions sociales Montrer que les comportements déviants peuvent s’expliquer par des situations d’anomie ou qu’ils

SensibilisationDonnez des exemples de comportements qui ne sont pas admis par la société (ou en société), « des choses qui ne se font pas.

A. Quelles formes peut prendre la déviance ?

Document 1 – Comment définir la déviance ?Selon l’édition en cours du célèbre dictionnaire usuel Petit Robert, " Déviance " est un mot d’usage très récent (les années 1960) qui, dans son sens psychologique, signifie " Comportement qui échappe aux règles admises par la société ". Plus précisément, " Déviant(e) " est l’adjectif qui désigne la " personne dont le comportement s’écarte de la norme sociale admise ". De fait, pour qu’une situation de déviance existe, il faut que soient réunis trois éléments :- l’existence d’une norme- un comportement de transgression de cette norme- un processus de stigmatisation de cette transgressionLa catégorie " la déviance " est-elle suffisamment homogène pour signifier quelque chose en elle-même ? On peut en douter. Certes, chacun peut immédiatement citer une liste de comportements déviants. Pourtant il n'y a pas de rapport direct entre le vol, l’homicide, le manquement à la politesse ou aux convenances, la conduite dangereuse, l'habillement excentrique et la consommation de drogue. De plus, ce qui est aujourd’hui regardé comme déviant a pu, à un autre moment de l’histoire, ne pas l’être (encadré 1). En réalité, le point commun de tous ces comportements est indirect : c’est le fait qu’ils sont tous condamnés par différentes normes sociales, reconnues ou pas par le droit, partagées à des degrés divers dans les différents groupes sociaux qui composent une société à un moment donné de son histoireCette définition de la déviance par son rapport aux normes donne au sujet sa véritable ampleur. En effet, pratiquement toute notre vie sociale est organisée par des normes. Nous apercevons aisément celles qui sont le plus contraignantes, celles dont l’infraction entraîne une sanction juridique. Mais la définition du Bien et du Mal n’est pas le monopole du droit. Il existe une foultitude de normes sociales non moins impératives quoique non juridiques. Les normes familiales peuvent s’imposer par exemple aux enfants sans même avoir jamais été énoncées. Et leur non respect peut entraîner des sanctions physiques mais aussi psychiques : la plus banale est sans doute le sentiment de culpabilité. De même, dans la vie sociale de tous les jours et dans la vie professionnelle, il existe des choses qui " se font " et d’autres qui " ne se font pas " dont la sanction peut être autant voire plus dissuasive encore. La crainte de perdre sa réputation (donc la confiance de ses clients, de ses collègues ou de ses électeurs) peut par exemple être une menace beaucoup plus efficace que la sanction juridique. Enfin, il existe une infinité de normes sociales moins contraignantes mais qui nous conditionnent autant sinon davantage. En effet, selon la situation dans laquelle nous nous trouvons, nous adaptons consciemment ou inconsciemment notre façon de parler et de nous vêtir, nous contrôlons différemment nos gestes, nous exprimons ou nous n’exprimons pas tel ou tel sentiment (la joie, la colère, la surprise, le désir). Selon que nous sommes à une réception officielle ou à un déjeuner en famille, ou encore avec des camarades d’enfance, nous n’avons pas exactement le même comportement parce que les normes de ces groupes et de ces situations sont différentes.Dans les années 1950, Edwin Lemert a donné à l’étude de la déviance un programme comportant d’une part l’étude de la déviance primaire (la transgression de la norme), d’autre part l’étude de la déviance secondaire (la reconnaissance et la qualification de cette déviance par une instance de contrôle social).

Source : http://laurent.mucchielli.free.fr/deviance.htmQuestions :

1. Qu’est-ce que la déviance ? Quelle est la différence entre délinquance et déviance ?2. Pourquoi cette notion de déviance est-elle problématique ?3. Pourquoi la déviance n’est-elle pas une notion universelle ? Donnez des exemples illustrant votre réponse.4. Explicitez ce qui différencie déviance primaire et déviance secondaire.

B. La déviance peut résulter de l’affaiblissement du contrôle social ou d’un conflit de normesDocument 2 – La thèse de l’anomie

L’insertion dans un groupe de délinquant suppose que les liens établis avec la société ordinaire (famille, école, milieu professionnel …) soient distendus ou rompus (…) Ce lien social, dont la rupture peut conduire à la délinquance est d’abord familial. « contrôle familial » est à la fois « direct » et « virtuel ». Le contrôle virtuel renvoie à l’intériorisation du contrôle familial, c’est à dire l’identification aux personnages paternel et maternel. Le lien social est également scolaire, mais l’échec conduit à rejeter l’autorité scolaire. Lien familial et lien scolaire ne sont pas indépendants. (…)[Cette approche] permet de comprendre pourquoi les femmes sont moins délinquantes que les hommes : le contrôle familial qui s’exerce sur les femmes est plus prégnant et leur investissement dans les pratiques familiales est plus grand. (…) Mais elle permet également de comprendre que les jeunes issus des classes populaires soient surreprésentés parmi les délinquants : le contrôle familial qui s’exerce sur eux est, en effet, souvent défaillant et l’échec scolaire probable les conduit à se soustraire au contrôle social scolaire. Elle permet enfin de rendre compte, au moins pour partie, de la courbe des âges de la délinquance : le contrôle social qu’exercent famille d’origine et école (caractéristique de l’enfance) relayé par celui qu’exercent le travail et la famille conjugale (caractéristique de l’âge adulte) permet de comprendre que la jeunesse (entre enfance et âge adulte) soit aussi l’âge le plus propice aux pratique délinquante.

Sources : Données pénales Ministère de la justice, 2010 ; Données démographiques Insee, estimations de population

Gérard Mauger, La sociologie de la délinquance juvénile, Coll. Repères, La Découverte, 2009

Questions : 1. A quel type de contrôle social le graphique renvoie-t-il ? 2. Donnez la signification de la donnée entourée. 3. Quel est le profil type du condamné ? 4. Comment l’auteur du texte explique-t-il la sous-représentation des femmes ?5. Comment l’auteur du texte explique-t-il la surreprésentation des jeunes ?

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A. Aoulmi – Lycée Pierre Corneille Sciences économiques & sociales Première ES

Document 3 – Conflits de normesQuand on décrit la violence comme un produit de l'anomie et de la désorganisation sociale, il ne faut pas croire que celles-ci n'engendrent que de la solitude et du flottement normatif. En effet, si les individus se détachent des normes et des identités collectives de la " grande sociét " comme aurait dit Émile Durkheim,é c'est pour mieux se reconnaître dans les appartenances limitées du quartier, de la bande et du groupe. Ces identifications sur la base de territoires, d'" ethnies ", de cultures diverses, appellent souvent le recours à la violence dans la mesure ou l'identit est d'autant plus forte qu'elle repose sur un conflit, une sorte de "é guerre larvée " contre d'autres groupes. On entre alors dans le jeu continu de la défense de l'" honneur " et des vengeances, de l'insulte et de l'appel à la dignité. On retrouve parfois la même logique dans les oppositions de groupes de supporters des équipes de football qui choisissent des " noms de guerre " et qui défient leurs adversaires à travers des injures plus ou moins ritualisées entraînant parfois des " passages à l'acte ". Autrement dit, l'affaiblissement du contrôle social dans une sociét qui ne propose plus des régulations collectives fortes, peut engendrer à la fois plus d'individualisme et plus de " tribalisation " des relationsé sociales. Quand je ne peux plus me reconnaître dans ma classe sociale, dans mon Église ou dans mon pays, j'adhère à la sous-culture de ma bande et de mon groupe qui n'existent que dans leur opposition à d'autres ».

F. Dubet, « Violences urbaines », in La sociét française contemporaineé , les Cahiers Français, n°291, juin 1999.Question : En vous aidant de la phrase soulignée, répondez à la question suivante : les « déviants » n’ont-ils aucun cadre normatif ?

C. Le rôle des inégalités sociales dans l’explication de la dévianceDocument 4 – L’éducation déviante Manuel Hatier - Doc 1 - page 288 – Questions 1, 2 et 3

Document 5 – L’inadéquation entre les buts et les moyens Manuel Hatier - Doc 4 - page 289 – Questions ci-dessousQuestions

1. Comment Merton définit-il la déviance ?2. Comment pourrait-on qualifier un individu qui accepte les buts fixés par la société et les moyens proposés par celles-ci pour les atteindre ?3. Classez les exemples suivant dans les deux tableaux ci-dessous : un résistant dans la France occupée, un bureaucrate scrupuleux, la mafia, un SDF, un

militaire obéissant, un militant écologiste, un habitué des casinos et des jeux de course, un ermite, un cadre dynamique et aisé membre du parti au pouvoir

L’individu accepte les moyens proposés par la sociétéOui Non

L’individu accepte les buts proposés par la société

Oui Conformiste Innovateur

Non / Indifférent

Ritualiste Evasion

L’individu souhaite imposer de nouveaux buts et de nouveaux moyensRébellion

D. La déviance comme résultat d’une interactionDocument 6 – L’étiquetageTous les groupes sociaux instituent des normes et s’efforcent de les faire appliquer, au moins à certains moments et dans certaines circonstances. Les normes sociales définissent des situations et les modes de comportement appropriés à celles-ci : certaines actions sont prescrites (ce qui est “ bien ”), d’autres sont interdites (ce qui est “ mal ”). Quand un individu est supposé avoir transgressé une norme en vigueur, il peut se faire qu’il soit perçu comme un type particulier d’individu, auquel on ne peut faire confiance pour vivre selon les normes sur lesquelles s’accorde le groupe. Cet individu est considér comme étranger au égroupe [outsider].(...) Les groupes sociaux créent la déviance en instituant des normes dont la transgression constitue la déviance, en appliquant ces normes à certains individus et en les étiquetant comme des déviants. De ce point de vue, la déviance n’est pas une qualit de l’acte commis par une personne, mais plutôt une conséquence éde l’application, par les autres, de normes et de sanctions à un “ transgresseur ”. Le déviant est celui auquel cette étiquette a été appliquée avec succès et le comportement déviant est celui auquel la collectivit attache cette étiquette. (...) je considèrerai la déviance comme le produit d’une transaction effectuée entreé un groupe social et un individu qui, aux yeux du groupe, a transgressé une norme »

H. Becker : Outsiders (1963), Editions A.M. Métailié, 1985 Questions :

1. Qu’est-ce qu’un « outsider » dans ce texte ? 2. Expliquez la phrase soulignée.

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