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 La publication au Journal officiel  1 de l’ordonnance n° 2006-46 0 du 21 avril 20 06 relative à la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques (par commodité CG3P), prise en vertu de l’habilitation prévue par l’ar- tic le 48 d e la loi n° 200 5-842 du 26 jui llet 2005 pour la confiance et la modernisa- tion de l’économie, marque l’aboutisse- ment de la réflexion conduite depuis plu- sieurs années afin d’adapter aux exigences du temps présent les règles relatives à l’acquisition, à la gestion et à la cession des biens appartenant aux per- sonnes publiques. Le code est entré en vigueur le 1 er juillet 2006. La nécessité d’une remise en ordre cohérente, actualisée et structurée de l’or- donnancement juridique domanial était ressentie depuis le rapport du Conseil d’État sur l’avenir du droit des propriétés publiques en 1986. Le droit domanial était en effet devenu à maints égards trop rigide, eu égard aux opportunités liées à la valorisation économique du domaine public, et se traduisait, sans vision d’en- semble, par une sédimentation de textes successifs et une stratification des procé- dures et des modes de gestion des biens des différentes personnes publiques. Ins- tit ué par le décre t n° 57-1336 du 28 décembre 1957, le code du domaine de l’État n’avait pas fait l’objet d’une révision d’ensemble depuis 1970 et s’était diversi- fié et complexifié au gré des modifications de l’environnement juridique et écono- mique. Les règles applicables aux collecti- vités territoriales lui étaient par définition étrangères, sans que le code général des collectivités territoriales, institué à droit constant, n’ait du reste totalement pris en charge l’ensemble du droit domanial des propriétés publiques locales. Le droit domanial applicable aux établissements publics était fragmentaire et souvent empirique, décalquant les règles appli- cables à l’État moyennant des aménage- ments plus ou moins explicites. Les codes spécialisés avaient enfin contribué à la parcellisation du droit des propriétés publiques. C’est à cette préoccupation que le CG3P a entendu répondre. Code élaboré à droit non constant, il vise à réaliser une réforme d’ensemble du droit des proprié- tés publiques. Dans son principe même, le CG3P constitue donc une innovation radi- cale pour les collectivités territoriales. En dotant toutes les personnes publiques d’un ensemble de règles unifiées, il marque l’unité fondamentale qui caracté- rise la gestion du patrimoine des per- sonnes publiques (I). Le code a pourtant maintenu un certain nombre de règles spécifiques aux collectivités territoriales, spécificités qui s’expliquent à la fois par l’affirmation du rôle incontournable de l’État, par des degrés de maturation diffé- rents des règles et par le rôle particulier de certaines collectivités territoriales (II). I. Les collectivités territoriales bénéficient de la plupart des innovations du nouveau code Le code, applicable à l’État, aux collecti- vités territoriales et leurs groupements (EPCI), ainsi qu’à tous les établissements publics, qu’ils dépendent de l’État ou des collectivités territoriales, contient de nom- breuses dispositions nouvelles qui ne peuvent être ici toutes présentées. Certaines de ces innovations, tout en étant en pratique importantes, ont en effet un objet très spécifique. Ainsi en est-il, par exemple, de la défi- nition du domaine public mobilier donnée à l’article L. 2112-1. La juri spr udence reconnaît depuis longtemps l’existence d’un domaine public mobilier, que ce soit le juge judiciaire  2 ou le juge administra- tif  3 , mais elle n’avait jamais donné de définition générale des biens relevant de ce domaine en dehors des cas de qualifi- cation légale. Ainsi, dans la décision Aéro- ports de Paris  4 , le Conseil d’État s’est borné à préciser que des matériels infor- matiques et des logiciels ne relevaient pas de ce domaine public. La définition du CG3P est centrée sur les biens mobiliers à vocation culturelle. On remarquera que la définition retenue ne repose pas sur la notion d’affectation au service public de l’objet mobilier ou de sa présentation au public. Elle s’inspire directement des dis- positions relatives aux objets mobiliers mentionnés à l’ancien article 14 de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques  5 : il s’agit des objets qui pré- sentent un intérêt public du point de vue de l’histoire, de l’art, de l’archéologie, de la science ou de la technique. À ce titre, le code énumère diverses catégories d’ob- jets mobiliers qui relèvent du domaine public mobilier par détermination de la loi. Parmi ces biens culturels, on peut mentionner les collections des musées, ce qui vaut notamment pour les musées rele- vant des collectivités territoriales, ou les collections de documents anciens, rares ou précieux des bibliothèques. De même, l ’article L . 3212-3 du CG3P offre aux collectivités territoriales des possibilités de cessions gratuites de leurs biens meubles qui restent toutefois sensi- blement plus restreintes que pour l’État puisqu’elles ne concernent que les maté- riels informatiques dont elles n’ont plus l’emploi et dont la valeur unitaire n’ex- cède pas un certain seuil. Le bénéficiaire de cette cession gratuite doit être une association de parents d’élèves ou une association de soutien scolaire ou une association d’étudiants et il doit s’engager par écrit à n’utiliser les matériels cédés que pour l’objet prévu par leurs statuts à l’exclusion de tout autre. Par ailleurs, il ne peut procéder à la cession à titre onéreux des biens ainsi alloués. Le commentaire sera ici volontairement limité aux innovations les plus mar- 546 Bulletin Juridique des C ollectivités Loca les n° 8/06 Chroniques 1  JO 22 avr il 20 06. 2 Cass. civ .2 av ril 1963,  Montagne c/ Réunio n des  Musées de Franc e. 3 CE 29 nov embr e 1996, Syndicat général des affaires culturelles CFDT à propos d’instruments de musique anciens : Rec.,p.886. 4 CE 28 mai 2004:Rec.,p.238. 5 Article L. 111-1 du code du p atrimoine. Christine Maugüé Le code général de la propriété des personnes publiques et les collectivités territoriales Gilles Bachelier

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La publication au Journal officiel 1 del’ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006relative à la partie législative du codegénéral de la propriété des personnespubliques (par commodité CG3P), prise

en vertu de l’habilitation prévue par l’ar-ticle 48 de la loi n° 2005-842 du 26 juillet2005 pour la confiance et la modernisa-tion de l’économie, marque l’aboutisse-ment de la réflexion conduite depuis plu-sieurs années afin d’adapter auxexigences du temps présent les règlesrelatives à l’acquisition, à la gestion et à lacession des biens appartenant aux per-sonnes publiques. Le code est entré envigueur le 1er juillet 2006.

La nécessité d’une remise en ordrecohérente, actualisée et structurée de l’or-

donnancement juridique domanial étaitressentie depuis le rapport du Conseild’État sur l’avenir du droit des propriétéspubliques en 1986. Le droit domanial étaiten effet devenu à maints égards troprigide, eu égard aux opportunités liées àla valorisation économique du domainepublic, et se traduisait, sans vision d’en-semble, par une sédimentation de textessuccessifs et une stratification des procé-dures et des modes de gestion des biensdes différentes personnes publiques. Ins-titué par le décret n° 57-1336 du28 décembre 1957, le code du domaine de

l’État n’avait pas fait l’objet d’une révisiond’ensemble depuis 1970 et s’était diversi-fié et complexifié au gré des modificationsde l’environnement juridique et écono-mique. Les règles applicables aux collecti-vités territoriales lui étaient par définitionétrangères, sans que le code général descollectivités territoriales, institué à droitconstant, n’ait du reste totalement pris encharge l’ensemble du droit domanial des

propriétés publiques locales. Le droitdomanial applicable aux établissementspublics était fragmentaire et souventempirique, décalquant les règles appli-cables à l’État moyennant des aménage-

ments plus ou moins explicites. Les codesspécialisés avaient enfin contribué à laparcellisation du droit des propriétéspubliques.

C’est à cette préoccupation que le CG3Pa entendu répondre. Code élaboré à droitnon constant, il vise à réaliser uneréforme d’ensemble du droit des proprié-tés publiques. Dans son principe même, leCG3P constitue donc une innovation radi-cale pour les collectivités territoriales. Endotant toutes les personnes publiquesd’un ensemble de règles unifiées, il

marque l’unité fondamentale qui caracté-rise la gestion du patrimoine des per-sonnes publiques (I). Le code a pourtantmaintenu un certain nombre de règlesspécifiques aux collectivités territoriales,spécificités qui s’expliquent à la fois parl’affirmation du rôle incontournable del’État, par des degrés de maturation diffé-rents des règles et par le rôle particulierde certaines collectivités territoriales (II).

I. Les collectivités territorialesbénéficient de la plupart

des innovationsdu nouveau code

Le code, applicable à l’État, aux collecti-vités territoriales et leurs groupements(EPCI), ainsi qu’à tous les établissementspublics, qu’ils dépendent de l’État ou descollectivités territoriales, contient de nom-breuses dispositions nouvelles qui nepeuvent être ici toutes présentées.

Certaines de ces innovations, tout enétant en pratique importantes, ont en effet

un objet très spécifique.Ainsi en est-il, par exemple, de la défi-nition du domaine public mobilier donnéeà l’article L. 2112-1. La jurisprudencereconnaît depuis longtemps l’existenced’un domaine public mobilier, que ce soit

le juge judiciaire 2 ou le juge administra-tif 3, mais elle n’avait jamais donné dedéfinition générale des biens relevant dece domaine en dehors des cas de qualifi-cation légale. Ainsi, dans la décision Aéro- 

ports de Paris  4, le Conseil d’État s’estborné à préciser que des matériels infor-matiques et des logiciels ne relevaient pasde ce domaine public. La définition duCG3P est centrée sur les biens mobiliers àvocation culturelle. On remarquera que ladéfinition retenue ne repose pas sur lanotion d’affectation au service public del’objet mobilier ou de sa présentation aupublic. Elle s’inspire directement des dis-positions relatives aux objets mobiliersmentionnés à l’ancien article 14 de la loidu 31 décembre 1913 sur les monuments

historiques5

: il s’agit des objets qui pré-sentent un intérêt public du point de vuede l’histoire, de l’art, de l’archéologie, dela science ou de la technique. À ce titre, lecode énumère diverses catégories d’ob-jets mobiliers qui relèvent du domainepublic mobilier par détermination de laloi. Parmi ces biens culturels, on peutmentionner les collections des musées, cequi vaut notamment pour les musées rele-vant des collectivités territoriales, ou lescollections de documents anciens, raresou précieux des bibliothèques.

De même, l’article L. 3212-3 du CG3P

offre aux collectivités territoriales despossibilités de cessions gratuites de leursbiens meubles qui restent toutefois sensi-blement plus restreintes que pour l’Étatpuisqu’elles ne concernent que les maté-riels informatiques dont elles n’ont plusl’emploi et dont la valeur unitaire n’ex-cède pas un certain seuil. Le bénéficiairede cette cession gratuite doit être uneassociation de parents d’élèves ou uneassociation de soutien scolaire ou uneassociation d’étudiants et il doit s’engagerpar écrit à n’utiliser les matériels cédés

que pour l’objet prévu par leurs statuts àl’exclusion de tout autre. Par ailleurs, il nepeut procéder à la cession à titre onéreuxdes biens ainsi alloués.

Le commentaire sera ici volontairementlimité aux innovations les plus mar-

546 Bulletin Juridique des Collectivités Locales n° 8/06

Chroniques

1 JO 22 avril 2006.2 Cass. civ. 2 avril 1963, Montagne c/ Réunion des Musées de France.3 CE 29 novembre 1996, Syndicat général desaffaires culturelles CFDT à propos d’instruments demusique anciens : Rec.,p. 886.4 CE 28 mai 2004: Rec.,p. 238.5 Article L. 111-1 du code du patrimoine.

Christine Maugüé

Le code général dela propriété des personnes

publiques et les collectivitésterritoriales Gilles Bachelier

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quantes ainsi qu’à celles les plus impor-tantes pour l’ensemble des collectivitésterritoriales.

Au préalable, il importe de relever quele plan du code traduit l’abandon de l’ap-proche traditionnelle, familière au prati-cien et à la doctrine, fondée sur la distinc-tion entre le domaine public et le domaineprivé des personnes publiques. Cetteapproche fondée sur la domanialité ren-dait compte de manière impropre durégime des biens des personnespubliques. Ainsi que le rapport de l’Insti-tut de la gestion déléguée relatif à laréforme du droit des propriétéspubliques 6 l’avait mis en évidence, l’en-semble des biens appartenant à une per-sonne publique constitue des bienspublics au seul motif qu’une personnepublique se les est appropriés. Les diffé-rents régimes de la domanialité, dont évi-

demment la domanialité publique est leplus important, sont des régimes d’affec-tation: affectation à l’utilité publique ounon. La remarquable thèse du professeurYolka consacrée à la propriété publique 7

avait montré de manière lumineuse que lerégime de la domanialité publique avait lanature d’une réglementation supplémen-taire venant s’ajouter aux droits et auxobligations que la personne publique tientde sa qualité de propriétaire du bien.

C’est donc une approche par la propriétéque consacre le CG3P en traitant dans les

trois premières parties successivement del’acquisition, de la gestion et de la cessiondes biens appartenant aux personnespubliques. Ce plan est à la vérité calqué surcelui du code civil définissant le régime desbiens appartenant aux personnes privées.Pour autant, la propriété des personnespubliques est soumise, parce qu’il s’agit depersonnes publiques, à des principes spé-cifiques tenant à l’incessibilité à vil prix dela propriété publique 8 et à l’insaisissabilitédes biens des personnes publiques dontles fondements résident respectivementdans l’interdiction pour les personnes

publiques de consentir des libéralités etdans l’immunité d’exécution dont ellesbénéficient.

A. Un domaine public immobilierresserré

L’article L. 2111-1 du CG3P prévoit que,sous réserve de dispositions législativesspéciales, le domaine public d’une per-sonne publique est constitué des biens luiappartenant qui sont soit affectés àl’usage direct du public, soit affectés à un

service public, pourvu qu’en ce cas ils fas-sent l’objet d’un aménagement indispen-sable à l’exécution des missions de ce ser-vice public. Cette définition appelleplusieurs observations d’inégale impor-tance.

En premier lieu, c’est désormais la loi etnon la jurisprudence qui fixe les critèresqui devront être mis en œuvre pour définirle domaine public immobilier. Il est vraique les articles 538, 540 et 541 du code civilmentionnent certains biens comme étantdes dépendances du domaine public, maisà l’origine était visé le domaine national,notion qui ne recouvre pas celle dudomaine public, et la distinction entredomaine public et domaine privé étaitalors ignorée. De même, les articles L. 1 etL. 2 du code du domaine de l’État, désor-mais abrogés, avaient donné une défini-tion du domaine public applicable à cettepersonne publique renvoyant à une notion(biens non susceptibles de propriété pri-vée) qui se référait en fait à une domania-lité naturelle 9 pour caractériser les biens àl’usage de tous et dont la jurisprudence netirait aucune conséquence.

En deuxième lieu, le critère de l’aména-gement indispensable retenu pour l’affec-tation des biens au service public conduità un resserrement du périmètre de ladomanialité publique et à un réexamen dela jurisprudence antérieure.

Le juge administratif s’était inspiré destravaux de la commission de réforme ducode civil qui, dans sa séance du6 novembre 1947, avait proposé une défi-nition du domaine public et avait retenu lecritère de l’aménagement spécial afin decerner au plus près la réalité de l’affecta-

tion d’une dépendance domaniale à unservice public ou à l’usage du public. Ils’agissait à l’origine d’un critère réduc-teur, mais son utilisation a, en pratique,abouti à un résultat opposé. Dès lors quele juge identifiait le moindre aménage-ment, il en résultait de façon quasi méca-nique l’application du régime de la doma-nialité publique.

Ce critère de l’aménagement spécial estd’abord apparu spécifiquement à proposdes dépendances affectées aux servicespublics 10. L’application de ce critère avaitconduit la jurisprudence à admettre l’af-

fectation au service public du garage del’hôtel Terminus de la gare Lyon-Perracheen raison de sa proximité immédiate de lagare 11. Le critère de l’aménagement spé-cial a aussi été utilisé pour les biens affec-tés à l’usage du public 12 en retenant par-fois une conception très souple de cetaménagement 13.

La définition retenue par le code main-tient la condition d’appartenance du bienà la personne publique. Il doit s’agir d’unepropriété pleine et entière et non d’unepropriété démembrée. La jurisprudence 14

excluant l’application du régime de ladomanialité publique en cas de copro-priété n’est nullement remise en cause.

Cette définition reste centrée sur lanotion déterminante d’affectation. Mais lechangement de terminologie n’est pas

anodin. Pour les biens qui sont affectés àl’usage direct du public, toute référenceexplicite à l’aménagement disparaît 15.Pour autant, il n’en résulte pas de modifi-cation fondamentale de l’état du droitantérieur. L’affectation des biens à l’usagedirect du public peut impliquer, lorsquecela le justifie, la réalisation d’aménage-ments rendant possible cet usage. Enoutre, le seul fait d’ouvrir une plage aupublic ne signifie pas par lui-même que ladépendance domaniale soit affectée àl’usage direct du public. Il est vrai que,pour les forêts, la jurisprudence s’étaitfondée sur l’absence d’aménagementsspéciaux suffisants pour en déduire ladomanialité privée alors même que l’Of-fice national des forêts avait pris desmesures pour ouvrir la forêt au public parla réalisation de certains aménage-ments 16. Mais la suppression de toute

référence à un critère d’aménagementn’implique nullement que les forêts sou-mises au régime forestier relèverontdemain du domaine public. En effet, le cri-tère posé dans le code est celui d’uneaffectation à l’usage direct du public etune ouverture ne saurait se confondreavec une affectation. En toute hypothèse,une disposition a été insérée au code etprévoit que, par détermination de la loi,ces forêts relèveront du domaine privé 17.

La domanialité publique des biensaffectés au service public dépendra du

caractère indispensable des aménage-ments en cause à l’exécution des mis-sions de ce service. À titre d’exemples, on

Bulletin Juridique des Collectivités Locales n° 8/06 547

Chroniques

6 LPA 23 juillet 2004,n° 147.7 LGDJ 1997.8 Conseil constitutionnel 25-26 juin 1986,n° 86-207 DC, loi autorisant le gouvernement àprendre diverses mesures d’ordre économiqueet social: Rec., p. 61.9 Par exemple, les fleuves.10 CE Ass. 19 octobre 1956, Société Le Béton :Rec., p. 375, concl. pdt Long, GAJA n° 80, pourcertains terrains situés dans l’enceinte d’unport; CE Ass. 11 mai 1959, Dauphin : Rec., p.294,à propos de l’allée des Alyscamps à Arles.11 CE S.5 février 1965, Société lyonnaise destransports : Rec., p. 76.12 Cf., en matière de promenades publiques,CE Ass. 22 avril 1960,Berthier : Rec., p. 264,etpour le bois de Vincennes: CE 14 juin 1972,Eidel : AJDA 1973, p. 495 ou le bois de Boulogne:CE 23 février 1979, Gourdain : Rec., p. 78.13 Une plage publique ne faisant pas partie dudomaine public maritime et appartenant à unecommune est regardée comme faisant partie dudomaine communal au motif que cette plage« est affectée à l’usage du public et fait l’objet d’unentretien dans des conditions telles qu’elle doit êtreregardée comme bénéficiant d’un aménagementspécial » : CE S. 30 mai 1975, Dame Gozzoli : Rec.,p.325.

14 CE S. 11 février 1994, Compagnie d’assurancesPréservatrice foncière : Rec., p. 65.15 CE 28 juin 1935, Marécar : Rec.,p. 734.16 CE 28 novembre 1975, ONF/Abamonte : Rec.,p. 602.17 Article L. 2212-1.

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peut citer l’aménagement impliqué par lanécessité de disposer de salles d’audiencedans une juridiction ou celui que requiertla célébration du mariage dans une mai-rie. En revanche, un immeuble de bureauxpossédé par une commune pour y logerses services en face du bâtiment de l’hôtelde ville ne caractérise pas un aménage-ment qui serait indispensable à l’exécu-tion des missions du service public com-munal.

Cette nouvelle définition réductrice nemodifie pas en tant que tel le champd’application de la théorie de la doma-nialité publique globale qui conduit àranger sous le même régime de doma-nialité publique l’ensemble des biensinclus dans une emprise foncière déter-minée où le service public s’exerce. Demême, cette définition est sans effet surl’application du régime d’indivisibilité

des immeubles domaniaux. Tel sera lecas pour les bureaux des administra-tions formant un ensemble indivisibleavec des biens immobiliers appartenantau domaine public. Cette règle étaiténoncée pour les immeubles de bureauxde l’État par l’ordonnance n° 2004-825du 19 août 2004. Elle est reprise à l’ar-ticle L. 2211-1 du CG3P qui tire toutes lesconséquences de cette définition en pré-voyant qu’en dehors de cette hypothèse,tous les immeubles de bureaux, quelleque soit la personne publique proprié-

taire, relèvent du domaine privé de cettepersonne. Le bénéfice de l’ordonnancedu 19 août 2004 a, ce faisant, été étenduaux collectivités territoriales 18.

En troisième et dernier lieu, en exi-geant que les biens fassent l’objet d’unaménagement indispensable, le législa-teur a entendu donner une sécurité juri-dique aux personnes publiques et auxtiers. Cette définition substitue en effetune appréciation objective, fondée sur lefait que l’affectation au service est cer-taine, à l’appréciation subjective résul-tant de l’application de la théorie de la

domanialité publique virtuelle. Ce fai-sant, elle implique aussi une remontéedans le temps du moment où le bienentre dans le domaine public.

On rappellera que la théorie de ladomanialité publique virtuelle, dégagéepar la doctrine à la lecture de la décisionAssociation Eurolat Crédit foncier de France  19, soulevait dans son applicationde grandes difficultés en raison du degréd’incertitude qui affectait sa mise enœuvre. Elle avait, certes, été consacréepar deux avis des formations administra-tives du Conseil d’État 20, selon lesquels lefait de prévoir de façon certaine une affec-tation à l’usage direct du public ou à unservice public moyennant des aménage-ments spéciaux impliquait que le terrainétait soumis dès ce moment aux principesde la domanialité publique. Il semblaitainsi exister un régime intermédiaire oùétaient applicables les principes de ladomanialité publique (notamment l’inalié-nabilité et l’imprescriptibilité), alors que lebien ne relevait pas encore du domaine

public. Mais cette distinction entre lemoment de l’incorporation au domainepublic et l’application des principes de ladomanialité publique était incompréhen-sible pour les praticiens et source decontentieux 21.

La nouvelle définition du domainepublic implique le retour à une règlesimple fondée sur un régime binaire: unbien est ou n’est pas dans le domainepublic. Il n’en fait pas partie tant que l’af-fectation ne peut objectivement êtreconstatée 22. La rédaction retenue ne

rend pas nécessaire un achèvement desaménagements. Il suffit qu’ils soient encours 23.

B. Une délimitation clarifiéedu domaine privé

L’article L. 2211-1 du CG3P a moderniséla définition du domaine privé contenuedans l’article 2 du code du domaine del’État: le domaine privé est constitué partous les biens appartenant aux diversescollectivités publiques et pour lesquels netrouvent pas application les critères du

domaine public. Cet article renvoie à justetitre à l’ensemble du titre 1er du livre 1er

pour englober non seulement la définitiongénérale du domaine public mais égale-ment les dispositions spéciales qui pla-cent certaines catégories de dépendancesdans le domaine public par déterminationde la loi (maritime, fluvial, routier, ferro-viaire, aéronautique, hertzien, mobilier).Le domaine privé apparaît ainsi commeune catégorie résiduelle, mais quiregroupe cependant une part très impor-tante des propriétés publiques.

L’article L. 2211-1 explicite deux casd’appartenance au domaine privé envertu de cette définition: les réserves fon-cières et les immeubles à usage debureaux, à l’exclusion de ceux formant unensemble indivisible avec des biens

immobiliers appartenant au domainepublic.

S’agissant des réserves foncières, pourlesquelles aucune disposition législativen’existait auparavant, le code a cherché àrépondre à une inquiétude de l’adminis-tration face à une requalification éven-tuelle du statut de ces réserves au nom dela théorie de la domanialité publique vir-tuelle qui semblait en plein essor dans lesannées 1990. Mais, d’une part, la nouvelledéfinition du domaine public retenue parle code devrait conduire à l’abandon de lathéorie de la domanialité publique vir-tuelle et, d’autre part, on voit mal com-ment pourraient être regardés comme fai-sant partie du domaine public des terrainspour lesquels aucune décision d’affecta-tion n’a encore été prise. Le propre desréserves foncières est, en effet, de consti-tuer des réserves stratégiques dont on ne

connaît pas encore l’utilisation, même sion la pressent plus ou moins, et qu’onpourra, le moment venu, soit affecter à unservice public ou à l’usage du public, soitcéder à une personne privée.

S’agissant des immeubles de bureauxde l’État, la disposition figurait à l’articleL. 2 du code du domaine de l’État, issu del’ordonnance n° 2004-825 du 19 août 2004modifiant le code du domaine de l’État.Là encore, cette disposition était devenueinutile, étant donné la nouvelle définition,plus restreinte, donnée au domaine

public. En toute hypothèse, il existait déjàune interrogation sur le régime domanialdes bureaux avant l’ordonnance de 2004:hors l’hypothèse d’une application de lathéorie de la domanialité publique glo-bale, il n’est pas évident d’affirmer queles bureaux relevaient du domainepublic, auquel cas l’ordonnance n’étaitdéjà en 2004 qu’un acte purement reco-gnitif qui ne modifiait en rien l’état dudroit antérieur. Le code a néanmoinsrepris cette disposition, au titre d’uneexplicitation de ce qui résulte de la défini-tion générale de la domanialité privée et

non d’un nouveau cas d’appartenance audomaine privé par détermination de laloi, tout en en étendant le bénéfice auxcollectivités territoriales. On ajoutera quesi le code ne leur a pas parallèlementétendu la faculté reconnue à l’État et à sesétablissements publics par l’ordonnancedu 19 août 2004 de procéder à des opéra-tions de cession ou d’échange d’im-meubles à usage de bureaux, quand bienmême les immeubles en cause conti-nuent à être utilisés par un service public,ce qui peut notamment permettre leur

reprise en location auprès d’un investis-seur à la condition que la continuité du oudes services publics qui y sont installéssoit préservée par des clauses contrac-tuelles ad hoc 24, rien ne semble faire obs-tacle à ce que les collectivités territoriales

Chroniques

18 Cf. point B ci-dessous.19 CE 6 mai 1985: Rec.,p.141,concl.pdt Genevois.20 CE Avis des Sections de l’intérieur et destravaux publics, 31 janvier 1995, et Avis de laSection de l’intérieur relatif aux locaux destinésà abriter la cinémathèque, 18 mai 2004: BJDCP 

n° 40, mai 2005, p. 213.21 Pour une application récente, CE 1er juin2005, Gayant, req. n° 277902.22 TC 15 janvier 1979, Payan : Rec.,T., p. 665.23 CE 1er octobre 1958, Hild : Rec.,p. 463.24 Articles L. 3211-2 et L. 3211-13 du CG3P.

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disposent même sans texte d’une tellefaculté, qui ressort de leur libre gestionde leur domaine privé.

L’article L. 2212-1 classe quant à luidans le domaine privé par déterminationde la loi deux catégories de biens: les che-mins ruraux et les bois et forêts des per-sonnes publiques relevant du régimeforestier. Il s’agit d’hypothèses où, à la dif-férence des deux cas précédents, l’appli-cation de la définition du domaine publicet du domaine privé pourrait conduire àretenir la domanialité publique de cesdépendances. C’est la raison pour laquellela loi a procédé directement à la qualifica-tion de ces biens comme appartenant audomaine privé.

Pour les chemins ruraux, leur qualifica-tion comme biens du domaine privé estancienne puisqu’elle résulte de l’ordon-nance n° 59-115 du 7 janvier 1959 relative

à la voirie des collectivités locales, quidistingue deux catégories de voies rou-tières appartenant aux communes : les« voies communales », qui font partie dudomaine public communal 25, et les « che- mins ruraux », que l’article L. 161-1 ducode rural définit comme « des chemins appartenant aux communes, affectés à l’usage du public, qui n’ont pas été clas- sés comme voies communales et qui font partie du domaine privé de la com- mune », solution reprise aujourd’hui parl’article L. 161-1 du code de la voirie rou-

tière. Le code ne fait que reprendre unequalification existante.Le classement, par une disposition

expresse du code, dans le domaine privédes personnes publiques des bois etforêts relevant du régime forestierrépond à une préoccupation de l’adminis-tration résultant du fait que, depuis la loid’orientation agricole du 9 juillet 2001,l’article L. 380-1 inséré dans le code fores-tier faisait courir un risque de qualifica-tion des forêts comme dépendances dudomaine public. Cet article dispose que:« Dans les forêts relevant du régime 

forestier, et en particulier dans celles appartenant au domaine privé de l’État et gérées par l’ONF en application de l’ar- ticle L. 121-2, l’ouverture des forêts au public doit être recherchée le plus large- ment possible ». Ce faisant, la loi a prisacte du fort développement de la fonctionsociale des forêts ces cinquante dernièresannées, qui a amené à équiper les forêtspubliques pour l’accueil du public (airesde stationnement, aires de pique-nique,etc.). Ces équipements sont plus oumoins importants selon les zones fores-

tières. Sans doute ces craintes n’étaient-elles pas fondées dans la mesure où il nefaut pas confondre ouverture au publicavec affectation à l’usage direct du public.La disposition en cause du code forestierne change pas la destination première

des forêts: ce n’est que de façon acces-soire ou latérale que les forêts sontouvertes au public. La loi ne fixed’ailleurs en ce domaine qu’un objectifassez flou : l’ouverture des forêts aupublic « doit être recherchée le plus lar- gement possible ». Si le bois de Boulogneet le bois de Vincennes ont été regardéspar la jurisprudence comme appartenantau domaine public, c’est parce qu’ils sontregardés par le juge comme « des pro- menades publiques affectées à l’usage public et aménagées à cette fin » 26. Ils nesont d’ailleurs pas soumis au régimeforestier. On ajoutera que l’article L. 380-1du code forestier évoque lui-même l’ap-partenance des forêts relevant du régimeforestier au domaine privé. En outre, lajurisprudence est fermement fixée depuislongtemps sur ce point : les forêts doma-niales, qu’il s’agisse des forêts apparte-

nant à l’État (gérées aujourd’hui par l’Of-fice national des forêts) ou auxcollectivités locales, font partie dudomaine privé 27. Néanmoins, et à titre declarification, le code comporte désormaisune disposition spécifique pour inclureles bois et forêts relevant du régimeforestier dans le domaine privé.

C. Une gestion moderniséedu patrimoine des personnespubliques

Trois exemples permettent d’illustrercette préoccupation du gouvernement.En premier lieu et d’une part, le code

reconnaît et encadre la possibilité de pro-céder à des transferts de gestion lié à unchangement d’affectation, étendant par làà toutes les personnes publiques lafaculté reconnue à l’État par l’article L. 35du code du domaine de l’État.

L’article L. 2123-3 reconnaît ainsi àtoute personne publique la faculté, touten conservant la propriété d’une dépen-dance domaniale immobilière, de lamettre à la disposition d’une autre per-

sonne publique pour la gérer en fonctionde son affectation. C’est donc la per-sonne publique propriétaire quiconserve la maîtrise de l’affectation dubien. La durée du transfert de gestiondoit être déterminée dans l’acte qui pré-voit ce transfert. Dès que le bien n’estplus utilisé conformément à l’affecta-tion, il fait retour gratuitement à la per-sonne publique propriétaire. La per-sonne publique propriétaire peut mettrefin de façon prématurée au transfert, àl’exception du cas où le transfert découle

d’un arrêté de cessibilité pris au profit dubénéficiaire d’un acte déclaratif d’utilitépublique, sous réserve alors d’uneindemnisation de la personne publiquebénéficiaire, en tenant compte del’amortissement effectué et, le cas

échéant, des frais de remise en étatacquittés par le propriétaire. D’unemanière plus générale, l’article L. 2123-6consacre le principe d’une indemnisa-tion de la personne publique dessaisie àraison des dépenses ou de la privationde revenus qui peuvent résulter pourelle du transfert de gestion.

D’autre part, le code clarifie les rapportsjuridiques souvent complexes qui senouent dans l’hypothèse où une mêmedépendance domaniale donne lieu à unesuperposition d’affectations 28. L’articleL. 2123-7 renvoie à la passation obliga-toire d’une convention destinée à préciserles modalités techniques et financières dela gestion du bien en fonction de cesaffectations. L’élaboration de conventionstypes, par type d’ouvrages, devrait per-mettre de surmonter les obstacles actuel-lement rencontrés et qui retardent la

bonne fin dans les meilleurs délais pos-sible des opérations envisagées par unepersonne publique.

En deuxième lieu, l’article L. 2122-4 ducode consacre la possibilité de constituerdes servitudes conventionnelles sur ledomaine public et en détermine lesmodalités.

L’interdiction des servitudes sur ledomaine public concerne non seulementles servitudes légales (telles que la servi-tude de vue ou la servitude de passageen cas d’enclave), mais également les

servitudes réelles du fait de l’homme,qui seraient établies par voie de conven-tion, ou encore celles qui résulteraientd’une prescription acquisitive 29. Unetelle incompatibilité, posée en principepar la jurisprudence tant du Conseild’État que du Tribunal des conflits, estaffirmée comme une conséquencenécessaire de la domanialité publique:« aucune servitude ne peut être valable- ment instituée sur le domaine public » 30.L’institution de telles servitudes est tota-

Bulletin Juridique des Collectivités Locales n° 8/06 549

Chroniques

25 Code de la voirie routière, article L. 141-1.26 CE 14 juin 1972, Eidel : AJDA 1973, p.495, àpropos du bois de Vincennes, et CE 23 février1979, Gourdain : Rec., p. 78; AJDA octobre 1979,p. 40, à propos du bois de Boulogne.27 En ce sens: CE 28 novembre 1975, ONF c/ Abamonte: Rec., p. 602 (les mesures prises enl’espèce par l’ONF « pour la réalisationd’aménagements spéciaux […] n’étaient pas denature à faire regarder ladite forêt comme faisantpartie du domaine public »); CE 9 novembre1979, Ministre de l’Agriculture et Sociétéd’aménagement de la Côte-de-Monts : Rec., p. 406; AJDA 1980,p. 362, concl. D. Labetoulle.28 À propos du sol d’un passage à niveau,domaine public ferroviaire et domaine public

routier: CE S. 8 décembre 1950, Compagnie générale des eaux : Rec.,p. 616.29 V., par exemple, R. Chapus, Droit administratif  général , tome II,n° 512.30 CE 10 décembre 1954, Commune deChampigny-sur-Marne: Rec.,p. 658; TC 28 avril1980, SCIF Résidence des Perriers : Rec.,p. 506.

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lement exclue postérieurement à l’incor-poration d’un bien dans le domainepublic. En revanche, l’existence de servi-tudes préconstituées est admise par lajurisprudence si elles sont compatiblesavec l’affectation du domaine 31 ; et sil’affectation implique leur suppression,celle-ci ouvre droit à indemnité 32.

En prévoyant la possibilité de consti-tuer des servitudes postérieurement àl’appartenance du bien au domainepublic (ce que marque l’emploi du terme« existence »), le code répond à une forteattente et cette disposition devrait susci-ter un grand intérêt. En effet, elle devraitpermettre de sécuriser toute une séried’opérations, en particulier de division envolumes, et à assurer une meilleurecoexistence des propriétés publiques etprivées. Des servitudes conventionnellespourront désormais être créées sur le

domaine public, quelles que soient lespersonnes publiques propriétaires, et ceau profit tant de personnes publiques quede personnes privées, sous réserve queces servitudes soient compatibles avecl’affectation du domaine. Cela permettrad’organiser la coexistence des volumesprivés aliénés avec le domaine publicconservé, les premiers et le second étantétroitement imbriqués, et d’établir desrapports réels sûrs et stables des voisinsdu domaine avec le domaine publicconservé. L’existence d’un réseau de ser-

vitudes réciproques, négociées et éta-blies conventionnellement, est la condi-tion de la bonne viabilité juridique desimmeubles complexes.

En troisième lieu, la règle de l’inaliéna-bilité du domaine public connaît désor-mais des exceptions. Par dérogation àcette règle, les articles L. 3112-1 et L. 3112-2 autorisent les transferts de propriétéentre personnes publiques lorsques’opère un changement de service publicqui maintient le bien cédé sous un régimede domanialité publique. À cette fin, encas de cessions à l’amiable entre per-

sonnes publiques, la personne publique

propriétaire peut s’affranchir expressé-ment de la contrainte du déclassementpréalable du domaine public 33. La mêmesimplification est réalisée pour leséchanges d’immeubles, ce qui est denature à faciliter de nombreuses opéra-tions foncières entre l’État et les collectivi-tés territoriales, notamment en présenced’un domaine public relevant d’une per-sonne publique autre que celle quiconduit l’opération 34. Ces transferts sontsubordonnés à la condition que la conti-nuité du ou des services publics qui y sontinstallés soit préservée par des clausescontractuelles ad hoc . Les mécanismesainsi proposés sont destinés à permettre,lorsque cela s’impose, une redistributiondes propriétés publiques. Ces dérogationsne se heurtent à aucun obstacle constitu-tionnel dès lors que le Conseil constitu-tionnel semble estimer que le principe

d’inaliénabilité du domaine public n’a pasen tant que tel une valeur constitution-nelle bien que la règle n’ait pas été expri-mée aussi explicitement 35. Enfin, onsignalera que l’article L. 3112-3 permetdes échanges avec des biens appartenantà des personnes privées ou bien relevantdu domaine privé de personnespubliques, dans le but d’améliorer lesconditions d’exercice d’une mission deservice public. Ce dernier article vise àpermettre de réaliser des modificationsou extensions de l’assise territoriale des

services publics. À la différence des deuxcas précédents, ces échanges ont lieuaprès déclassement, ce qui s’explique parle fait que le bien échangé n’est plus des-tiné à rester affecté à l’exercice de la mis-sion de service public.

II. Les collectivités territorialessont ou restent soumises

à certaines règles particulièresUn certain nombre de ces règles résulte

de choix délibérés du gouvernement. Le

code général de la propriété des per-sonnes publiques a ainsi inscrit dans la loila théorie des mutations domaniales, qui,par définition, ne s’exerce qu’au profit del’État sur le domaine public des collectivi-tés territoriales, de leurs groupements ouétablissements publics. Le code maintientpar ailleurs, ou édicte, certaines règlesspécifiques aux collectivités territoriales,qui concernent pour l’essentiel la valorisa-tion économique du domaine public et lesassouplissements apportés pour la sortiedu domaine public.

Par ailleurs, d’autres règles, qui neconcernent qu’une catégorie particulièrede collectivités territoriales, tiennent auxspécificités de ces dernières. Certaines deces spécificités, par construction exté-rieure à toute volonté du gouvernement,

constituent en effet une limite à l’unifica-tion recherchée.

A. Un changement d’affectationdu domaine public pouvant êtreimposé par l’État

L’article L. 2123-4 du code inscrit dans laloi la théorie des mutations domaniales,jusqu’alors purement jurisprudentielle.Cette procédure ancienne, née en 1909avec l’arrêt Ville de Paris 36 et qui n’a faitl’objet que de décisions peu nom-breuses 37, consiste dans la faculté, réser-vée à l’État, de prononcer des transfertsde gestion autoritaires vis-à-vis de dépen-dances du domaine public des collectivi-tés territoriales, de leurs groupements etde leurs établissements publics. Cestransferts, qui ne peuvent intervenir quepour un motif d’intérêt général, consistent

dans un changement d’affectation laissantà la collectivité qui en fait l’objet le droitde propriété, dont elle recouvrera la pléni-tude en cas de déclassement. Cette facultéest réservée à l’État, considéré comme legarant de l’unité du domaine et de l’inté-rêt général par-delà les intérêts « publics particuliers ». Comme l’indiquait MarcelWaline, ce sont les principes d’indivisibi-lité de la République et d’unité de ladomanialité publique qui justifient quel’État conserve un pouvoir de maîtrise del’affectation du domaine public au service

de l’intérêt collectif.La théorie des mutations domaniales seheurte-t-elle aujourd’hui à des contraintesconstitutionnelles tenant à la protectionreconnue à la propriété publique et auprincipe de libre administration des col-lectivités territoriales, comme le soutientune partie de la doctrine 38?

La question peut en effet légitimementêtre posée de savoir si la protection de lapropriété des personnes publiquesgarantie par la Déclaration des droits de1789 s’accommode d’un dispositif quiaboutit à dissocier la détention du droit

de propriété et la maîtrise de l’affecta-tion, en privant une personne publiquepropriétaire de la possibilité de déciderlibrement de l’affectation de son bien. Cechangement autoritaire d’affectation apour effet de priver le propriétaire dulibre usage de son bien. Or, le Conseilconstitutionnel protège le droit de pro-priété, y compris celui des personnespubliques, contre les limitations exces-sives dont il pourrait faire l’objet sansjuste et préalable indemnité. Le point desavoir si s’applique également aux per-

sonnes publiques la protection prévue àl’article 1er du premier protocole addi-tionnel de la Convention européenne desdroits de l’homme relatif au droit au res-pect des biens reste controversé et n’estquant à lui pas très clair 39.

Chroniques

31 CE 29 novembre 1967, Gué : Rec.,p. 453.32 CE 11 mai 1959,Dauphin : Rec., p. 294;v.aussi Gué.33 Article L. 3112-1.34 Article L. 3112-2.35 CC 23 juillet 1996, n° 96-380 DC, loi relativeà l’entreprise nationale France Telecom: Rec.,p. 107, cons. 5.36 CE Ass. 16 juillet 1909: Rec., p. 707.37 Par exemple, CE S. 20 février 1981, Associationpour la protection du site du Vieux-Pornichet: Rec.,

p.93,ou CE Ass. 13 janvier 1984, Commune deThiais : Rec., p. 6.38V., par exemple,Yves Gaudemet, Droitadministratif des biens, n° 212 et s.; ou R. Chapus,Droit administratif général , t.II, n° 493 et s.39 Cf. concl. L.Vallée sur CE S.29 janvier 2003,Commune d’Annecy : Rec., p. 4.

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De même, on peut se demander si lathéorie des mutations domaniales neporte pas une atteinte excessive à l’auto-nomie de gestion des collectivités territo-riales, en donnant à l’État la possibilité,hors de tout fondement textuel, de dispo-ser des biens des collectivités territorialesà son profit ou à celui d’une autre collec-tivité publique, sans que les collectivitéspropriétaires puissent prétendre à uneindemnité de dépossession. La jurispru-dence ne reconnaît en effet pas le droitdes collectivités territoriales à une indem-nité de dépossession en cas de mise enœuvre par l’État de son pouvoir de déci-der d’un changement d’affectation deleur domaine public : le propriétaire nepeut prétendre à une autre indemnisationque celle qui pourrait venir réparerd’éventuels dommages de travauxpublics 40.

Les détracteurs de la théorie des muta-tions domaniales préféreraient que luisoit substituée la reconnaissance de lapossibilité d’exproprier le domainepublic. Ces deux mécanismes sont eneffet liés : la théorie des mutations doma-niales a été élaborée pour contourner l’in-aliénabilité, et donc l’interdiction d’expro-priation du domaine public. Il s’agit dansles deux cas de reconnaître à l’État unrôle de régulation des affectations dudomaine public, au service de l’intérêtcollectif. Mais à la différence de la théorie

des mutations domaniales, l’expropria-tion d’immeubles faisant partie dudomaine public d’une autre personnemorale de droit public donnerait lieu, sielle était admise, à une véritable indem-nisation du transfert de propriété. Plu-sieurs voix éminentes dans la doctrineappellent un tel mécanisme de leursvœux 41.

Mais la persistance et la validité de lathéorie des mutations domaniales ont étérécemment confirmées par le Conseild’État 42. Cette décision rappelle que lafaculté reconnue à l’État par la loi du

27 février 2002, dans l’hypothèse d’unedéclaration d’utilité publique (DUP), deprononcer, avec l’arrêté de cessibilité letransfert de gestion des dépendances dudomaine public de la personne concer-née, n’a eu « ni pour objet ni pour effet de priver le Premier ministre ou les ministres intéressés du pouvoir qu’ils tiennent des principes généraux qui régissent le domaine public de décider pour un motif d’intérêt général de procéder à un chan- gement d’affectation d’une dépendance du domaine public d’une collectivité terri- 

toriale ». La théorie des mutations doma-niales est explicitement fondée, pour leConseil d’État, sur « les principes géné- raux qui régissent le domaine public ».Cette théorie a de solides justifications,en ce qu’elle fait de l’État, pour reprendre

la formule du professeur Chapus, « le régulateur de l’utilisation et donc de l’af- fectation, au mieux des exigences de l’in- térêt général, des dépendances du domaine public dans son ensemble » 43.La finalité que poursuit cette théorie est lapréservation de l’intérêt collectif et del’unité et de l’indivisibilité de l’État. Or, leprincipe constitutionnel de libre adminis-tration des collectivités territoriales estloin d’être absolu et un intérêt généralsuffisant peut tempérer l’exercice de lalibre administration. Par ailleurs, c’estessentiellement en tant qu’il est affectéque le domaine public est protégé et lajurisprudence constitutionnelle s’ap-plique aux deux motifs d’appartenanced’un bien au domaine public, l’affectationà un service public ou à l’usage du public.Or, la mutation domaniale vise à préser-ver cette affectation.

Compte tenu des garanties dont ellessont assorties, en particulier du fait qu’estdorénavant affirmé le droit à indemnisa-tion des collectivités qui font l’objet d’unetelle mutation autoritaire de l’affectationde leurs biens 44, on doit considérer queles dispositions de l’article L. 2123-4 res-pectent bien les exigences constitution-nelles relatives au droit de propriété et àla libre administration des collectivitésterritoriales.

B. Une valorisation économiquedu domaine public soumiseà des règles différentes

Plusieurs dispositions du nouveau codevisent à permettre une meilleure valorisa-tion du domaine public des personnespubliques en clarifiant et en modernisantle régime d’occupation du domainepublic. Elles n’ont pas réalisé une unifica-tion complète des règles applicables àl’État et aux collectivités territoriales, pourdes raisons sur lesquelles on reviendra.On ne peut prendre la mesure de ces dif-férences sans évoquer au préalable l’en-

semble des dispositions relatives à lavalorisation du domaine public et la ques-tion de l’institution de règles générales deprocédure pour la délivrance d’autorisa-tions d’occupation temporaire dudomaine public (AOT).

1. Le cadre général

a. Un régime des droits réels d’oc-

cupation du domaine public clarifié

Le code procède à une clarificationbienvenue du régime des droits réels

d’occupation sur le domaine public.L’appropriation privative des installa-tions édifiées sur le domaine public del’État dans les conditions fixées par letitre d’occupation est reconnue depuislongtemps par la jurisprudence adminis-

trative. Celle-ci emploie même expressé-ment le terme de « propriétaire » pourcaractériser les droits de l’occupant surles installations qu’il réalise 45. La juris-prudence judiciaire s’inscrit dans lamême logique: l’expression de « proprié- taire » est ainsi utilisée dans un arrêt de latroisième chambre civile de la cour decassation 46, à propos d’un édifice réalisésur le domaine public maritime sous-concédé lui-même à un établissementpublic local. La chambre criminelle de laCour de cassation du 19 novembre 2004s’est fondée sur un raisonnement iden-tique dans l’arrêt qu’elle a rendu sur l’af-faire dite des « paillotes » 47. La Cour a, eneffet, approuvé la chambre d’accusationde la cour d’appel de Bastia d’avoir jugéque « du seul fait qu’il est propriétaire du domaine public maritime auquel elles étaient attachées à défaut d’autorisation

d’occupation temporaire, l’État a acquis la propriété des paillotes “Chez Francis” et “Aria Marina” par accession, et ce dès la construction de celles-ci au fur et à mesure de leur édification ». On voit que,pour la Cour de cassation, la solutions’explique d’abord par le défaut d’autori-sation d’occupation temporaire.

La lisibilité de cet état du droit a étéaffectée par les textes qui, à partir de 1988pour les collectivités territoriales 48 et de1994 pour l’État 49, ont expressémentreconnu l’existence de droits réels de l’oc-

cupant dans des hypothèses déterminéeset limitées et au bénéfice d’un régimed’autorisation spécifique. Il en est résultéle sentiment que, en dehors de ces textes

Bulletin Juridique des Collectivités Locales n° 8/06 551

Chroniques

40 V., par exemple,CE 13 mars 1925, Ville deParis c/ Compagnie du chemin de fer d’Orléans :Rec., p. 271.41 Par exemple,Y.Gaudemet, Droit administratif des biens, nos 212 et s.; et proposition del’Institut de la gestion déléguée, in LPA 23 juillet2004, n° 147, p.15 et 16.42 CE 23 juin 2004, Commune de Proville : Rec.,p. 259; AJDA 2004, p. 2148, chron. C. Landais etF. Lenica, concl. M. Guyomar; RJEP 2005, p. 75.43 Droit administratif général , 15e éd.,t. II, n° 493.44 Article L. 2123-6.45 V., par exemple, CE S. 3 juillet 1959, Ministredes Travaux public et SNCF : Rec., p. 423,etCE 1er juillet 1960, Établissements Soula : Rec.,p. 442; CE 4 mars 1991, Mme Palanque, req.n° 79528: Rec.,T., p.976, D. 1992, somm. p.379,obs. P. Bon; CE 27 février 1995, Secrétaire d’Étatà la mer c/ Torré : Rec., p. 109; RFDA 1996,p. 1127; CE 21 avril 1997, Ministre du Budgetc/ Société Sagifa, req. n° 147602; RFDA 1997,p. 935,note Ph.Terneyre et E. Fatôme.46 Cass. civ. (3e ch.) 24 janvier 1996, Geroudet.47 RFDA 2005, p. 109, note Ch.Lavialle.48 Loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 relative àl’amélioration de la décentralisation, codifiée aux

articles L. 1311-1 à L. 1311-4-1 du code généraldes collectivités territoriales,définissant le régimedes baux emphytéotiques administratifs (BEA).49 Loi n° 94-631 du 25 juillet 1994 relative à laconstitution de droits réels sur le domainepublic, codifiée aux articles L. 34-1 et suivantsdu code du domaine de l’État.

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et de ces procédures, l’occupation doma-niale ne conférait pas de droits réels, cequi était erroné.

Le régime des occupations constitutivesde droits réels sur le domaine public estrepris dans l’ensemble à droit constantpour l’État et ses établissements publics,mais après une double clarification.

En premier lieu, le code met un termeau débat doctrinal portant sur une dis-tinction possible entre les droits réels surle domaine et les droits réels sur les ins-tallations réalisées sur celui-ci. La rédac-tion retenue 50 fait ressortir clairementque le titulaire a un droit d’occupation– ou encore un droit de superficie – ainsiqu’un droit sur les ouvrages. Le droitd’occupation, ou droit de superficie, peutêtre valorisé indépendamment de la réa-lisation d’ouvrages. Mais lorsque desouvrages sont ou ont été réalisés, le droit

de superficie ne peut plus être valoriséde façon autonome: la dissociation de lacession du droit d’occuper et de la pro-priété des ouvrages n’aurait aucun sens,il n’y a pas de dissociation possible entrele droit de superficie et les ouvrages.L’occupant n’a donc aucun droit sur lefond lui-même, il n’a qu’un droit superfi-ciel et c’est ce droit conféré par le titrequi a une valeur économique pendant ladurée du titre et qui constitue une garan-tie à offrir.

En second lieu, la présentation retenue

fait également ressortir que le régimeissu de la loi de 1994 est un régime parti-culier non exclusif d’autres types d’occu-pations du domaine public constitutivesde droits réels. Ainsi, si la loi de 1994 aexclu le domaine public naturel de sonchamp d’application, exclusion qui estreprise à l’article L. 2122-5, il résulte de lajurisprudence rappelée ci-dessus qu’ilpeut y avoir appropriation privative d’ins-tallations édifiées sur ce domaine 51 si letitre d’occupation le prévoit 52.

L’ordonnance a, par ailleurs, mis fin àl’anomalie que constituait l’inscription,

dans le code général des collectivités ter-

ritoriales 53 et dans le code de la santépublique 54, de la règle selon laquelle l’oc-cupation ou l’utilisation par des per-sonnes privées des dépendances immobi-lières du domaine public des collectivitésterritoriales ou des établissements publicsde santé ne confère pas à ces personnesde droit réel, sous réserve du dispositifspécifique prévu par la loi de 1988. Cettedisposition témoigne une nouvelle fois ducontresens initial sur lequel a reposé l’ins-titution du bail emphytéotique administra-tif (BEA) par la loi de 1988. Les principesqui fondent la jurisprudence rappelée ci-dessus ont vocation à s’appliquer égale-ment aux collectivités territoriales ou auxétablissements publics de santé.

b. La question de l’institution d’une

règle générale de procédure pour la

délivrance des autorisations d’occu-

pation du domaine publicOn ne peut passer sous silence la

question qui se pose de savoir s’il n’au-rait pas été pas nécessaire d’insérer unedisposition instituant des règles de pro-cédure pour la délivrance des AOTlorsque celles-ci permettent à leur déten-teur l’exercice d’une activité écono-mique. Certains éléments pouvaientplaider pour une telle insertion. D’unepart, il est constant que lorsque l’activitéqui est autorisée sur le domaine publicconduit à fournir à la personne publique

propriétaire ou gestionnaire du domaineune prestation de service ou à réaliserun ouvrage qui lui est destiné, les autori-sations d’occupation du domaine publicdoivent être précédées des règles demise en concurrence prévues par lesdirectives communautaires sur les mar-chés publics de services ou de travaux.D’autre part, au-delà des directives com-munautaires sur les marchés publics, leConseil de la concurrence a rappelé,dans un avis du 21 octobre 2004 relatif àl’occupation du domaine public pour ladistribution de journaux gratuits, que les

règles de la concurrence s’appliquent àtoute personne exerçant une activité deproduction, de distribution ou de servicesur le domaine public. Il en a déduit quela personne propriétaire ou gestionnairedu domaine public doit, d’une part, faireprécéder la délivrance d’autorisationsdomaniales à des opérateurs écono-miques d’une publicité préalable afind’informer les opérateurs susceptiblesd’être intéressés et, d’autre part, écartera priori toute clause conférant une exclu-sivité d’installation et fixer une durée

brève pour les autorisations.Le code ne comprend finalement pasde disposition générale de cette nature etce choix se justifie pour deux séries deraisons. En premier lieu, s’il est certaine-ment conforme à l’intérêt d’une bonne

gestion du domaine de prévoir, dans cer-taines hypothèses, une publicité préala-blement à la délivrance de ces autorisa-tions, il n’appartient pour autant pas auCG3P de rappeler que des règles éma-nant d’autres législations 55 sont éven-tuellement applicables. Si le code avaitdû à chaque fois signaler ou rappelerl’existence d’autres législations, son péri-mètre aurait en effet été illimité. Ce n’estdonc que si avait été instituée une règlede procédure nouvelle et déconnectéedes règles découlant déjà d’autres légis-lations que cette règle aurait dû figurerdans le CG3P. En second lieu, il n’y a paslieu d’édicter une règle générale qui nerépond pas aujourd’hui à une nécessitéjuridique et qui au surplus, compte tenude la diversité des occupations doma-niales, risquerait de conduire à des inco-hérences. De fait, la jurisprudence com-

munautaire n’impose pas, au jourd’aujourd’hui, de mettre de façon géné-rale en concurrence les autorisationsd’occupation du domaine public : la juris-prudence Telaustria dont le Conseil de laconcurrence a déduit cette obligation n’aencore jamais été appliquée par la Courde justice des Communautés euro-péennes à d’autres contrats que des mar-chés publics et des concessions ni, a for- tiori , à des actes unilatéraux 56. Si unedisposition disant en substance que :« Lorsque le titre d’occupation du 

domaine public permet à son détenteur d’y exercer une activité économique, sa délivrance est précédée d’une publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans les conditions et limites définies par décret en Conseil d’État », cette obligation serait énoncéeen des termes beaucoup trop générauxet aboutirait à des incohérences difficile-ment gérables. Une telle disposition netient en effet pas compte de la diversitédes occupations domaniales : faudrait-ilainsi, par exemple, faire précéder d’unemise en concurrence l’autorisation déli-

vrée à un cafetier pour installer quelqueschaises sur le trottoir devant son café?

2. Le maintien d’un régime différencié

a. Un élargissement des possibili-

tés offertes aux collectivités territo-

riales

Une innovation importante est appor-tée en matière de gestion du domainepublic des collectivités territoriales afinde permettre à celles-ci de disposer, àcôté du régime des baux emphytéo-

tiques, d’un dispositif adapté d’autorisa-tions d’occupation constitutives dedroits réels sur leur propre domaine, ins-piré du mécanisme d’autorisations d’oc-cupation prévu pour l’État par la loi du25 juillet 1994 57. La procédure nouvelle

Chroniques

50 Notamment aux articles L. 2122-6 à L. 2122-8.51 Par exemple, sur le domaine public maritimenaturel.52 Et non sauf dans l’hypothèse où le titrel’écarterait expressément.53 Second alinéa de l’article L. 1311-1.54 Second alinéa de l’article L. 6148-1.55 Le droit des marchés publics ou les règles dela concurrence, en l’occurrence.56 V., dans le même sens, CE 3 mai 2004,Fondation Assistance aux animaux : Rec.,T., p. 565,concl. Emmanuel Glaser, BJDCP n° 37, novembre

2004,p. 464.57 Article L. 2122-20 du CG3P et modificationsapportées par l’ordonnance au chapitre uniquedu titre Ier du Livre III de la première partie duCGCT, consacré au régime général des biensdes collectivités territoriales, en particulierarticles L. 1311-5 à L. 1311-8.

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ainsi offerte aux collectivités territorialesrépond à la fois à un besoin et à unenécessité. Les collectivités territorialesviennent de recevoir de nouveaux trans-ferts de compétences avec la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertéset responsabilités locales. Or, sur cer-taines des dépendances transférées, enparticulier le domaine routier national, lerecours au BEA n’est pas possible puis-qu’il s’agit d’un domaine qui est soumisau régime des contraventions de voirie.L’État pouvait pourtant, de son côté,consentir des AOT constitutives de droitréel sur ces dépendances. Il aurait étéparadoxal qu’à la suite du transfert dudomaine routier national, le régime desoccupations compatibles et les droitsdes occupants du domaine soient boule-versés.

Ce faisant, il est indéniable que le code

contribue à une certaine complexifica-tion du droit. D’une part, au lieu de réali-ser l’unification du régime des droitsréels de l’État et des collectivités territo-riales pourtant justifiée à maints égardspour des raisons tenant notamment à lasécurité juridique des opérations etd’ailleurs réclamée à juste titre par denombreux praticiens, il procède au main-tien de l’existant avec ouverture aux col-lectivités territoriales de la faculté derecourir au mécanisme prévu pour l’État.D’autre part, il existe un certain nombre

de différences entre le régime des AOTexistant pour l’État et celui défini pour lescollectivités territoriales, touchant enparticulier à leur champ d’application(limité, pour les collectivités territoriales,à l’accomplissement d’une mission deservice public ou d’une opération d’inté-rêt général relevant de leur compétencealors que pour l’État il n’y a pas de limi-tation de l’objet des AOT) et aux possibi-lités de financement ouvertes aux occu-pants (le recours au financement parcrédit-bail, possible sans limitation pourles collectivités territoriales, n’est pos-

sible que sous certaines conditions pourles installations édifiées sur le domainepublic de l’État). Qui plus est, le méca-nisme applicable à l’État n’a pas ététransposé tel quel mais adapté aux col-lectivités territoriales. Ainsi, la délivrancede droits réels ne constitue, pour celles-ci, qu’une simple faculté alors que pourl’État la délivrance de droits réels est sys-tématique, sauf prescription contraire dutitre. Il en résulte une différence substan-tielle : c’est aux titres d’occupation deprévoir explicitement, pour le domaine

public des collectivités territoriales, quel’occupant dispose de droits réels sur lesouvrages réalisés alors que c’est en prin-cipe le cas pour les autorisations déli-vrées sur le domaine public de l’État

(hors domaine public naturel), sauf si letitre l’écarte expressément.

b. Un régime financier de l’occupa-

tion du domaine public modernisé

mais non uniformisé

Le code modernise le régime financierde l’occupation du domaine public. Leprincipe de la redevance domaniale estconsacré et le régime applicable précisé.Mais il est resté, au moins sur le méca-nisme du financement par crédit-bail, endeçà de ce qui pouvait être espéré en cequ’il ne réalise pas l’uniformisation atten-due du régime applicable quelle que soitla personne publique.

Pour procéder à cette modernisation,le code s’est inspiré notamment desréflexions contenues dans l’étude duConseil d’État du 24 octobre 2002 rela-tive aux redevances pour service rendu

et redevances pour occupation dudomaine public. Ainsi, la loi consacre leprincipe selon lequel toute occupationou utilisation du domaine public, quelqu’en soit le propriétaire et qu’elle aitfait ou non l’objet d’une autorisation,donne lieu au paiement d’une redevancedont le montant tient compte des avan-tages de toute nature qui sont procurés àl’occupant. Cette définition, qui reprenddes dispositions réglementaires qui nes’imposaient qu’à l’État 58, a été remon-tée au niveau législatif et elle s’imposera

donc aux collectivités territoriales et àleurs groupements. Une telle définitionn’exclut pas la possibilité reconnue parla jurisprudence de prendre en considé-ration les conditions d’exploitation et derentabilité de la concession d’occupa-tion 59.

Corrélativement, les situations où unintérêt public justifie la gratuité de l’occu-pation sont clarifiées 60. Faisant suite auxrecommandations de l’étude précitée duConseil d’État 61, le code admet la gratuitédans deux cas: lorsque l’occupation est lacondition naturelle et forcée de l’exécu-

tion de travaux intéressant un servicepublic bénéficiant gratuitement à tous,notamment ceux qui ont pour objet lasécurité et la salubrité publique (parexemple, un poste de secours sur uneplage) ou lorsque l’occupation contribue àassurer la conservation du domainepublic lui-même (canalisation d’égout oud’eaux pluviales sous la chaussée desvoies de communication) ou la sécurité deses usagers (piste d’accès dégageant lachaussée au droit d’un distributeur de car-burant). Le code reprend et encadre les

cas où la gratuité d’une occupation estadmise.Par ailleurs, le régime de la redevance

est précisé à trois égards. En premierlieu, la redevance est payable d’avanceet annuellement, mais le bénéficiaire

peut, en raison du montant et du modede détermination de la redevance, soitêtre admis à procéder à son paiementpar voie d’acomptes de celle-ci, soit êtretenu de verser la redevance due pourtoute la durée de l’autorisation si cettedurée n’excède pas cinq ans ou dans lecas contraire par période quinquen-nale 62. En deuxième lieu, les modalitésde perception et de recouvrement desredevances domaniales sont clarifiées etmodernisées. Ainsi, l’article L. 2321-3 duCG3P renvoie aux règles du code géné-ral des collectivités territoriales pour lerecouvrement des produits domaniaux,et à l’article L. 252-A du livre des procé-dures fiscales. Par ailleurs, l’articleL. 2321-4 prévoit l’application pour lerecouvrement des produits domaniauxde la prescription quinquennale de l’ar-ticle 2277 du code civil. Cette disposition

a pour effet de réduire le délai de pres-cription dont bénéficiaient jusqu’à cejour les collectivités territoriales et qui,selon la jurisprudence judiciaire, était ledélai de droit commun de trente ans. Lepoint de départ de cette prescription decinq ans est fixé à la date à laquelle laredevance est devenue exigible. Enfin,les règles de paiement de la redevanceet de l’action en recouvrement sonténoncées de manière précise 63.

Cependant, cette modernisation durégime financier ne s’est pas accompa-

gnée d’une uniformisation des règlesapplicables. L’opportunité n’a pas été sai-sie de redonner une cohérence d’en-semble au mécanisme du financementpar crédit-bail des installations édifiéessur le domaine public. Un régime diffé-rencié est maintenu entre les collectivitésterritoriales, d’une part, et l’État, d’autrepart, au détriment de celui-ci. Le codes’en est en effet tenu sur ce point à lareprise du droit constant. Dans le méca-nisme issu de la loi de 1994, le recours aucrédit-bail est possible dans le cadre desAOT constitutives de droits réels sauf si

les ouvrages ont certaines destinations:s’ils sont affectés à un service public ouaffectés directement à l’usage du publicou encore s’il s’agit de travaux exécutéspour une personne publique dans un butd’intérêt général. Le code s’est contentéde mettre en concordance l’interdictionde recourir au financement par crédit-bail avec la nouvelle définition généraledu domaine public instituée par l’article

Bulletin Juridique des Collectivités Locales n° 8/06 553

Chroniques

58 Article R. 56 du code du domaine de l’État.59 CE 7 mai 1980,SA Les Marines de Cogolin :

Rec., p. 215.60 Articles L. 2125-1 et L. 2125-3.61 P. 55.62 Article L. 2125-4.63 Articles L. 2322-4, L. 2323-3, L. 2323-5,L. 2323-10 et L. 2323-14.

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554 Bulletin Juridique des Collectivités Locales n° 8/06

L. 2111-1 64, ce qui conduit à un – léger –élargissement des possibilités de recoursau crédit-bail pour financer les installa-tions édifiées dans le cadre d’AOT consti-tutives de droits réels.

Le maintien de ce régime conduit pour-tant à une incohérence pratique. La loi de1994 a posé un principe (le financementpar crédit-bail des installations édifiéessur le domaine public est possible), enl’assortissant immédiatement d’uneexception (pas si les installations ont cer-taines destinations). Quelques annéesplus tard, plusieurs lois sont venuesapporter des exceptions à cette excep-tion, en autorisant le recours au crédit-bail pour des installations directementaffectées à un service public et aména-gées à cet effet 65. Le dispositif d’en-semble a perdu toute cohérence, le prin-cipe général énoncé à l’article L. 2122-13

étant assorti d’une exception elle-mêmeassortie d’exceptions si larges, énoncéesà l’article L. 2122-16 – sont concernés lesimmeubles construits pour les besoins dela justice, de la police nationale, de lagendarmerie nationale, des armées oules services du ministère de la Défenseainsi que dans le cadre d’un contrat departenariat –, qu’elles conduisent quasi-ment à renverser le principe. Le rappro-chement avec les règles applicables auxcollectivités territoriales ajoute encore àce sentiment d’incohérence, puisque

celles-ci disposent d’ores et déjà de lapossibilité, qu’elles mettent en œuvre, derecourir au crédit-bail pour le finance-ment des opérations réalisées dans lecadre des baux emphytéotiques adminis-tratifs et que par ailleurs, l’extension audomaine public des collectivités territo-riales d’un dispositif d’autorisationsconstitutives de droits réels sur ledomaine public inspiré de celui de l’Étatautorise, pour ces personnes publiques,le recours au crédit-bail pour financertoutes les installations réalisées 66. Pourdes autorisations d’occupation dont le

principe et le régime sont les mêmes, ilsera dans un cas possible de recourir aufinancement par crédit-bail et non dansl’autre, le cas échéant, pour des installa-tions exactement semblables.

Cette incohérence n’a par ailleurs plusaucune justification théorique. L’évolu-tion de l’état du droit depuis le vote de laloi du 25 juillet 1994 ne justifie en effetplus l’exclusion du recours à ce mode definancement qu’il prévoit pour lesouvrages affectés à un service public etfaisant l’objet d’un aménagement indis-pensable à l’exécution des missions dece service ou affectés à l’usage direct dupublic ainsi que pour les travaux exécu-tés pour une personne publique dans unbut d’intérêt général. Les obstacles liésau droit budgétaire et au risque d’endet-tement occulte des collectivitéspubliques qui ont justifié en 1994 la limi-

tation du recours au financement parcrédit-bail ont perdu de leur force depuisl’adoption de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois definances (LOLF).

Pour redonner à la législation toute sacohérence, et eu égard au surplus aurégime dont bénéficient les collectivitésterritoriales, cette évolution aurait justi-fié de retenir le principe suivant lequel lerecours au crédit-bail est autorisé pourfinancer toutes les installations, sansexception, réalisées sur le domaine

public de l’État dans le cadre d’une auto-risation d’occupation constitutive dedroits réels.

C. Une exclusion des assouplisse-ments apportés à la sortiedu domaine public

L’article L. 2141-2 du CG3P permet dedéroger au principe fondamental selonlequel une mesure de déclassement estillégale si elle ne sanctionne pas unedésaffectation de fait, si l’affectation àl’utilité publique de l’immeuble n’a pas

cessé. Il introduit ainsi un facteur de sou-plesse en autorisant, dans des conditionsbien précises, le déclassement par antici-pation d’immeubles encore affectés à unservice public. Une cession ne pourra plusêtre empêchée au prétexte que la désaf-fectation matérielle de l’immeuble n’estpas encore réalisée, alors pourtant quecelle-ci a été décidée et est certaine, voireest en cours.

Une telle mesure présente un grandintérêt pratique en ce qu’elle vise à facili-ter la vente immédiate d’immeubles

avant même l’achèvement de l’opérationde transfert d’un service public. Elle per-met donc de ne pas retarder une opéra-tion lorsque la désaffectation se pro-longe dans le temps en raison de lacomplexité de l’opération. En outre, elle

autorise un règlement anticipé du prix,qui pourra servir à financer les investis-sements à la charge de la collectivitépublique, notamment pour réinstaller leservice public dans un autre site. Enfin,elle permet la délivrance immédiate desautorisations de construire éventuelle-ment demandées par l’acquéreur tout enconstituant une incitation forte pour lespersonnes publiques propriétaires àaccélérer la désaffectation de fait, sauf àdevoir rembourser le prix de la vente.

Toutefois, ce régime est strictementencadré par cet article : la désaffectationdu bien doit avoir été décidée préalable-ment; le déclassement par anticipationn’est possible que si les nécessités duservice public justifient que la désaffecta-tion ne prenne effet que dans un certaindélai fixé par l’acte de déclassement, cedélai ne pouvant être supérieur à une

durée fixée par décret et qui ne peutexcéder trois ans; une condition résolu-toire doit figurer dans l’acte de vente etelle jouera de plein droit si la désaffecta-tion n’est pas intervenue dans le délaiprévu. Ces règles sont compatibles avecles exigences constitutionnelles quirésultent de l’existence et de la conti-nuité des services publics auquel un bienreste affecté. Le Conseil constitutionneladmet le déclassement de ces biens dèslors que celui-ci s’accompagne de garan-ties suffisantes 67.

Pour autant, le bénéfice d’une tellemesure a été limité à l’État et à ses éta-blissements publics et les collectivitésterritoriales ou leurs établissementspublics ne peuvent s’en prévaloir. Cettedifférence de traitement ne se comprendguère et elle n’est pas sans effet perverslorsque la personne publique a changéde statut et est devenue un établisse-ment public territorial. Ainsi, le Syndicatdes transports d’Ile-de-France qui,depuis la loi n° 2004-809 du 13 août 2004relative aux libertés et responsabilitéslocales, est devenu établissement public

territorial, ne peut aujourd’hui bénéficierde ces mesures dont le bien-fondé sauteaux yeux.

D. Les spécificités des collectivitésterritoriales, limites àl’unification

Sans même évoquer ici le régimeapplicable aux collectivités territorialesd’Outre-mer 68, force est de constater quecertaines dispositions du code, de portéepratique importante, intéressent en

vérité une seule catégorie de collectivitéterritoriale. Les communes sont principa-lement concernées par ces mesures spé-cifiques qui tiennent à l’exercice de leursattributions ou à l’octroi par la loi de pré-rogatives particulières.

Chroniques

64 Alors qu’étaient exclus les ouvrages,constructions et installations « affectés à unservice public et aménagés à cet effet », le textedit désormais, par cohérence avec la nouvelledéfinition du domaine public, les ouvrages…« affectés à un service public et faisant l’objet d’unaménagement indispensable à l’exécution desmissions de ce service ».65 Lois LOPSI et LOPJI de 2002, codifiées surce point aux articles L. 2122-15 et L. 2122-16;loi sur la programmation militaire du 27 janvier2003; puis ordonnance sur les contrats departenariat du 17 juin 2004, également visée àl’article L. 2122-16.66

Article L. 1311-8 introduit dans le codegénéral des collectivités territoriales parl’article 3 VII de l’ordonnance.67 En dernier lieu: CC 14 avril 2005,n° 2005-513 DC, loi relative aux aéroports.68 La cinquième partie du CG3P est entièrementconsacrée à l’outremer.

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Ainsi en est-il, par exemple desarticles du code qui précisent et clari-fient le régime des biens sans maître 69.Ces biens sont constitués de deux caté-gories : d’une part, les biens relevantd’une succession ouverte depuis plus de30 ans et pour laquelle aucun succes-sible ne s’est présenté et, d’autre part,les immeubles sans propriétaire connuet pour lesquels depuis plus de trois ansla taxe foncière n’a pas été payée ou aété acquittée par un tiers. L’introductiond’une définition de ces biens était néces-saire depuis l’entrée en vigueur de la loin° 2004-809 du 13 août 2004 relative auxlibertés et responsabilités locales attri-buant en principe de tels biens à la com-mune sur le territoire de laquelle ils sontsitués 70 tout en maintenant l’attributionà l’État des successions en déshérenceou abandonnées 71. La définition retenue

veille à la fois à éviter toute confusionentre les biens susceptibles d’être appré-hendés par l’État, au titre des succes-sions en déshérence, et ceux pouvantl’être par les communes, au titre desbiens sans maître, et à ne pas modifierles règles de droit civil relatives à la pro-priété, notamment les dispositions rela-tives à la prescription.

De même, l’article L. 2124-31 préciseles règles relatives à l’utilisation, pourdes motifs autres que cultuels, des édi-fices du culte relevant du domaine

public. Cette disposition fait écho auxrecommandations du Conseil d’Étatdans son rapport public de 2004 relatif àla laïcité. Les maires disposent désor-mais d’une disposition claire permettantde sécuriser les relations juridiquesentre la personne publique propriétairede l’édifice et le culte bénéficiaire de l’af-fectation. Cet article prévoit le caractèreonéreux du droit d’accès pour la visitede certaines parties de ces édifices,notamment de celles où sont exposésdes objets mobiliers classés ou inscrits,

et l’organisation de manifestations com-patibles avec l’affectation cultuelle. Lesmodalités de mise en œuvre de ce dis-positif seront déterminées par accordentre le propriétaire public de l’édificedu culte et le bénéficiaire de l’affecta-tion, sans toutefois affecter les règlesposées par la loi du 9 décembre 1905relatives à la séparation des Églises et del’État. Le produit de la redevance doma-niale qui sera versé à cette occasionpourra être partagé entre la personnepublique propriétaire et le culte bénéfi-ciaire de l’affectation.

On peut mentionner enfin les disposi-tions de l’article L. 2125-2 qui reprend etétend le champ d’application de l’articleL. 34 du code du domaine de l’État envisant aussi le service d’assainissement etprévoit pour les communes une exonéra-tion de la redevance due à raison de l’oc-

cupation du domaine public de l’État pardes canalisations ou des réservoirs en casde gestion par cette collectivité territorialede son service d’eau potable ou son ser-vice d’assainissement. La même mesureest aussi instituée en faveur des établisse-ments publics de coopération intercom-munale.

Conclusion

Le CG3P a procédé à un profond

réagencement du droit domanial. Lamodification du droit des propriétéspubliques ainsi réalisée a doté les per-sonnes publiques d’un ensemble cohé-rent, actualisé et structuré de règles. Lesmesures de simplification et de moderni-sation de la législation domaniale appor-tées étaient attendues depuis long-temps.

L’entrée en vigueur du nouveau code,le 1er juillet 2006, a d’ores et déjà conduitles décideurs locaux à se familiariseravec les nouvelles règles. Mais le droit

domanial n’a pas vocation à demeurerun droit figé. Il est appelé sans doute àévoluer encore et le cas échéant à brèveéchéance, d’abord pour paracheverl’unification quelle que soit la personnepublique des règles applicables dont lapratique révélera la nécessité, ensuitepour moderniser l’état du droit quin’avait pu être retranscrit dans le codequ’à droit constant 72 et enfin pourrépondre aux évolutions qui apparaî-traient encore souhaitables compte tenudes évolutions des comportements desdécideurs publics et de leur approchedes questions patrimoniales. ■

Christine MAUGÜÉet Gilles BACHELIER,

Conseillers d’État

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Chroniques

69 Articles L. 1123-1 à L. 1123-3.70 Article 713 du code civil.71 Article 539 du même code.72 Tel devrait être le cas du régime descontraventions de grande voirie qui devrait êtreréformé par ordonnance ainsi que le prévoit leprojet de loi de simplification du droit adoptépar le conseil des ministres du 12 juillet 2006.