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LE YOGA À TRAVERS LE PRINCIPE DE L’ANALYSE 1 La BHAGAVAD-GÉTÄ La religion éternelle de l’âme Premier tome contenant le premier, deuxième et troisième chapitre Avec texte sanskrit original Traduction littéraire et explication Swamé Bhakti Candan Yäti Édité par la Congrégation de l’Ordre Monastique Vaisnava

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LE YOGA À TRAVERS LE PRINCIPE DE L’ANALYSE 1

La BHAGAVAD-GÉTÄ La religion éternelle de l’âme

Premier tome contenant le

premier, deuxième et troisième chapitre

Avec texte sanskrit original Traduction littéraire

et explication

Swamé Bhakti Candan Yäti

Édité par la Congrégation de l’Ordre Monastique Vaisnava

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2 LA BHAGAVAD-GÉTÄ

Dessin de la pochette: Kåñëa enseignant Arjuna Copyright © Syämarani däsé / bhakti art utilisé avec autorisation Dessin intérieur : Copyright © Ordre Monastique Vaisnava / Räsa Lélä däsé Pour tout renseignement sur l’auteur et la Congrégation : www.omvaisnava.com [email protected] [email protected] Copyright © 2013 Congrégation de l’Ordre Monastique Vaisnava Édité et imprimé en 500 exemplaires par la Congrégation de l’Ordre Monastique Vaisnava ISBN 978-2-917771-02-0

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LE YOGA À TRAVERS LE PRINCIPE DE L’ANALYSE 3

A

Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura

pour son Bhävänuväda du Särärtha-Varñiné Öékä merveilleux commentaire sur la Bhagavad-gétä

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4 LA BHAGAVAD-GÉTÄ

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LE YOGA À TRAVERS LE PRINCIPE DE L’ANALYSE 5

AVANT PROPOS

De nombreuses personnes exprimèrent le désir de voir une version de la Bhagavad-gétä à la fois authentique et accessible à tous. Ceci afin de permettre aux personnes non initiées dans le langage sanskrit et dans l’étude des Védas d’en retirer rapi-dement un bénéfice et de leur permettre de comprendre le but ultime de l’existence. En réponse à leur désir, la Congrégation de l’Ordre Monastique Vaisnava, institution hindouiste vaiñëava reconnue par le Gou-vernement français, a le plaisir de vous offrir ce grand livre de connaissance commenté par Çréla Bhakti Cadan Yati Swami disciple de Çré Çrémad Bhakti Bibudha Bodhayan Goswämé, et fondateur de la Congrégation de l’Ordre Monastique Vaiñëava. Selon les Védas, il existe seulement quatre filiations spirituelles qui sont autorisées à transmettre le savoir concernant la science spirituelle dans cet âge :

vämanas vidih sesaù sanako viñëu väkyataù dharmärtha hetave caite bhaviñyanti dvijäù kalau

« Vämana, Brahmä, Ananta Çeña, et Sanaka Kumära apparaî-tront sous l’ordre du Seigneur Suprême Viñëu en tant que des brähmaëas au cours de l’âge de Kali, afin de préserver la reli-gion éternelle. »

viñëuswämé vämanängñastathä madhvästu brahmaëaù rämänujästu çeñängña nimbäditya sanakäsya ca

« Viñëuswami, Madhväcärya, Rämänujäcärya et Nimbäditya ap-paraîtront respectivement comme des émanations de Vämana, Brahmä, Ananta Çeña, et Sanaka Kumära. »

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6 LA BHAGAVAD-GÉTÄ

ete kalau yuge bhavyah sampradäya pravartakaù samvatsare vikrama catväraù kñiti- pävanaù

« Ces quatre sauveurs établiront les quatre filiations spirituelles autorisées et ayant reçu plein pouvoir, durant la période qui est calculée débuter avec le règne du Roi Vikrama en 54 av JC et se continuant ensuite à travers le cycle de 432 000 années de l’âge de Kali. »

sampradäya-vihénä ye manträs te niñphalä småtaù tasmacca gamanang hyasti sampradäya narairapi

« Ces quatre filiations spirituelles mises en pouvoir et autorisées doivent être pleinement acceptées par tous les êtres, étant don-né que tout mot, toute combinaison de mots ou formulation de fréquences sonores (mantra), invoqués, adressés, audibles ou inaudibles, secrets ou révélés, anciens ou contemporains, en dehors de leurs auspices se révèlent n’avoir absolument au-cune efficacité spirituelle. »

Garga saàhitä (10.61.23-26) La Congrégation de l’Ordre Monastique Vaisnava se rattache à l’une de ces quatre filiations spirituelles qui est connue sous l’une de ces branches par le nom de Brahmä-Madhva Gauòéya Särasvata sampradäya. Voici la liste des principaux précepteurs spirituels qui la constituent :

1) Kåñëa 2) Brahmä 3) Närada 4) Vyäsa 5) Madhva 6) Padmanäbha 7) Nåhari 8) Mädhava 9) Akñobhya 10) Jayatértha 11) Jïänasindhu 12) Dayänidhi 13) Vidyänidhi 14) Räjendra

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LE YOGA À TRAVERS LE PRINCIPE DE L’ANALYSE 7

15) Jayadharma 16) Puruñottama 17) Brahmaëyatértha 18) Vyäsatértha 19) Lakñmépati 20) Mädhavendra Puré 21) Éçvara Puré (Nityänanda, Advaita)22) Çré Caitanya 23) Rüpa (Svarüpa, Sanätana) 24) Raghunätha, Jéva 25) Kåñëa däsa 26) Narottama 27) Viçvanätha 28) (Baladeva) Jagannäth-29) Bhaktivinode 30) Gaurakiçora 31) Bhaktisiddhänta Sarasvaté 32) Bhakti Promoda Puré 33) Bhakti Bibudha Bodhayan (maître spirituel de Çréla Bhakti Caran Yati Swami) L’important pour nous était d’offrir une version authentique de la Bhagavad-gétä, car tout commentaire et traduction qui n’é-manent pas d’une filiation spirituelle authentique sont considé-rés comme des produits de l’imagination. Ils sont dépourvus de conclusions justes et précises, et détournent le véritable sens de la Bhagavad-gétä. Le plus souvent, ces commentaires non autorisés tentent de faire disparaître la divinité de Kåñëa. Pourtant chaque page de cet écrit affirme l’identité de Kåñëa. Le mot Bhagavän en est la preuve, car il est attribué dans sa plénitude à celui qui possède les six opulences, à savoir la beauté, la richesse, la connais-sance, le renoncement, la puissance et la renommée, d’une fa-çon illimitée. Or, seul Dieu les possède dans son intégralité puisqu’Il est la source de toute chose. Kåñëa Le confirme dans de nombreux passages de cet Ecrit sacré.

ahaà sarvasya prabhava mattaù sarvaà pravartate iti matvä bhajante mäà budhä bhäva-samanvitäù

« Je suis la source des mondes matériel et spirituel. Tout émane de Moi. Les sages qui ont conscience de cette vérité, s’enga-gent dans Mon adoration de tout leur cœur. »

Bhagavad-gétä (10.8) 13) Vidyänidhi 14) Räjendra

AVANT PROPOS

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8 LA BHAGAVAD-GÉTÄ

La Vérité Absolue ne saurait être dépourvue d’un seul aspect de Sa création. Bien que Dieu soit omniprésent, Il existe simul-tanément en tant que Personne Suprême, la source de toute chose. Aussi une relation unit-elle éternellement Kåñëa et tous les êtres vivants. Bien que le Seigneur n’intervienne pas dans leur libre arbitre et qu’Il soit impartial envers tous, Kåñëa est toujours manifesté aux yeux de Son pur serviteur.

samo ’haà sarva-bhüteñu na me dveñyo ’sti na priyaù ye bhajanti tu mäà bhaktyä mayi te teñu cäpy aham

« Je suis égal envers tous les êtres vivants. Je n’envie et ne favo-rise personne. Mais pour quiconque me sert avec dévotion et est attaché à Moi, je deviens lié d’affection pour eux. »

Bhagavad-gétä (9.29) Or, si le Seigneur a choisi Arjuna pour énoncer la Bhagavad-gétä, c’est parce que le prince est Son pur dévot. On ne saurait donc percer le mystère de cet Ecrit sans le devenir soi-même et sans développer l’amour pour Kåñëa. Ce qui prouve que la dé-votion sans tache est la seule voie pour réaliser notre lien éter-nel avec Dieu, et comprendre Ses paroles. Si nous désirons obtenir le plein bénéfice de la Bhagavad-gétä, nous devons premièrement accepter que Kåñëa est cette Per-sonne Originelle, que chacune de Ses paroles est la pure vérité éternelle. De plus, nous devons réaliser qu’à travers Arjuna, c’est à toute la Création que Dieu s’adresse, donc à nous. Sans cela, notre étude ne portera aucun fruit véritable. Si nous dési-rons atteindre la réalisation spirituelle, il est dans notre intérêt d’appliquer à la lettre les instructions du Seigneur sous la gui-dance d’une âme réalisée. Plus nous les suivrons, plus nous obtiendrons la liberté tant désirée.

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LE YOGA À TRAVERS LE PRINCIPE DE L’ANALYSE 9

SITUATION DE LA BHAGAVAD-GÉTÄ

La Bhagavad-gétä est une partie du Mahäbhärat, dont l’auteur est Çréla Vyäsadeva, l’avatära écrivain (manifestation de Dieu) venu en ce monde, il y a cinq mille années, comme le Seigneur Kåñëa. Elle compose les chapitres vingt-cinq à quarante-deux du Bhéñma-parva. La Bhagavad-gétä fut énoncée à une période difficile de l’hu-manité, car une guerre entre les Kauravas et les Päëòavas s’ap-prêtait à faire rage. Ces deux camps étaient issus de la presti-gieuse dynastie du roi Bharata et de ses descendants dont le roi Çantanu. Son épouse lui donna un fils nommé Bhéñma. Dû à certaines circonstances, elle disparut après la naissance de l’enfant. Plus tard, le roi s’éprit d’une princesse nommée Satya-vaté dont la beauté était incomparable. Elle était la fille adop-tive du roi des Niñädas. Le roi Çantanu demanda au roi des Niñädas la main de la prin-cesse. Il y consentit, à la seule condition que l’enfant qui naî-trait de leur union soit l’unique héritier du royaume. Mais le roi Çantanu refusa car il ne pouvait priver son premier fils Bhéñma de son droit. Lorsque celui-ci remarqua la morosité excessive de son père, il se renseigna sur ce qui lui causait cette douleur si intense. Il éprouva alors le désir de satisfaire son père. Pour cela, afin que son père puisse épouser la princesse, il renonça au trône en faisant le vœu solennel de rester toute sa vie céli-bataire, En retour, le roi donna la bénédiction à son fils qu’il pourrait mourir lorsqu’il le souhaiterait. Satyavaté donna à Ma-häräja Çantanu deux fils qui furent nommés Céträngada et Vici-travérya. Lorsque le roi Çantanu mourut, Bhéñma couronna Céträngada, mais celui-ci mourut prématurément et le trône revint à Vicitra-vérya. Celui-ci eut deux épouses Ambikä et Ambalikä. Mais il mourut également, n’ayant engendré aucun héritier. Sa mère Satyavaté plongea alors dans une grande détresse. Elle appela

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10 LA BHAGAVAD-GÉTÄ

son premier fils, le grand sage Vedavyäsa. Afin de protéger la dynastie, avec l’accord de Bhéñma, Vedavyäsa combla le désir de sa mère en engendrant trois fils dont Dhåtaräñöra et Päëòu. Bien que Dhåtaräñöra fût l’aîné, c’est Päëòu qui fut couronné roi parce que son frère était né aveugle. Päëòu eut deux fem-mes Mädré et Kunté qui lui donnèrent cinq enfants : Yudhiñöhi-ra, Bhéma, Arjuna, Nakula et Sahadeva. Ils sont appelés les Päëòavas. Dhåtaräñöra eut un grand nombre de fils dont l’aîné fut Duryodhana. Ils sont connus comme les Kauravas. Dhåtaräñöra n’avait jamais accepté en son cœur que son jeune frère Päëòu devienne l’héritier du trône. Il éleva ses fils avec l’ambition qu’ils régneraient à la place des fils de Päëòu. Sous l’effet d’une malédiction, Päëòu mourut. Tous ses fils encore jeunes furent placés sous la protection de Dhåtaräñöra que Bhéñma plaça sur le trône, en attendant que l’aîné des fils de Päëòu, Yudhiñöhira, soit en âge d’occuper le trône royal. Les fils de Dhåtaräñöra grandirent avec l’ambition de leur père. Aussi un grand conflit éclata-t-il à propos de la succession au trône royal entre les cinq fils de Päëòu et les fils de Dhåtaräñöra. Les Päëòavas, héritiers légaux, œuvraient toujours pour la paix et étaient prêts pour cela à diviser en deux le royaume et à en donner une moitié aux Kauravas. Ils allèrent même jusqu’à ne réclamer que cinq petits villages. Les Kauravas, cependant, étaient dépourvus de toute trace de vertu et avaient pour ambi-tion de régner sur tout le royaume. Habités par cette mentalité démoniaque, les Kauravas pensaient constamment à tuer les Päëòavas, et ils leur refusèrent même la moindre parcelle de terre pour s’établir. Dans cette situation dramatique, deux camps naquirent, l’un vertueux, protecteur du dharma (des principes de la religion éternelle), l’autre tricheur, voleur, exploiteur et envieux. Les habitants de la Terre prirent refuge dans l’un de ces deux camps, et s’assemblèrent, prêts à s’affronter sur le lieu saint de Kurukñetra.

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LE YOGA À TRAVERS LE PRINCIPE DE L’ANALYSE 11

COMPRENDRE LA SITUATION DE BHAGAVAD-GÉTÄ

Souvent cette question est posée : « Comment pouvons-nous dire que la Bhagavad-gétä est un livre de paix et de spiritualité puisqu’elle a été énoncée sur un champ de bataille, et com-ment comprendre que Dieu puisse pousser Arjuna à accomplir son devoir en tuant ses ennemis ? » Pour comprendre la situation de la Bhagavad-gétä, nous de-vons déjà comprendre que l’âme spirituelle qui s’incarne en ce monde est emplie de désirs et d’aversion.

icchä-dveña-samutthena dvandva-mohena bhärata sarva-bhütäni sammohaà sarge yänti parantapa

« O descendant de Bhärata, o toi qui conquis tes ennemis, au moment de la création toutes les âmes spirituelles sont com-plètement recouvertes d’illusion, égarées par les dualités du bonheur et de la souffrance, nées du désir et de l’aversion.

Bhagavad-géitä (7.27) C’est ce désir et cette aversion qui incitent l’âme conditionnée à vouloir s’identifier à Kåñëa et à envier Sa divinité. Avec cette conscience, l’âme conditionnée cherche la position et l’adora-tion. Elle désire non plus être celle qui apporte le plaisir à Dieu, comme le veut sa position originelle, mais elle désire au contraire devenir celle qui se réjouit, c’est-à-dire devenir le bé-néficiaire. Dans cette circonstance, elle cherche à exploiter la nature matérielle afin d’arriver à son but. Pour les âmes condi-tionnées qui ont acquis une tendance véritablement opposée à Dieu, elles doivent dans leur illusion écarter de leur chemin tous les éléments nuisibles qui font obstacle à leur accroisse-ment de pouvoir. Aussi créent-elles toutes sortes de philoso-phies, d’idéologies, à seule fin d’exercer sur les autres leur

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12 LA BHAGAVAD-GÉTÄ

pouvoir et ainsi assouvir leurs désirs de régner en maître et de devenir des petits dieux. La Bhagavad-gétä révèle qu’il existe en ce monde deux mentalités que peuvent revêtir les âmes conditionnées : divine ou démoniaque.

idam adya mayä labdham imaà präpsye manoratham

idam astédam api me bhaviñyati punar dhanam asau mayä hataù çatrur haniñye cäparän api

éçvaro ’ham ahaà bhogé siddho ’haà balavän sukhé äòhyo ’bhijanavän asmi ko ’nyo ’sti sadåço mayä yakñye däsyämi modiñya ity ajïäna-vimohitäù

« Aujourd’hui j’ai déjà obtenu tant de choses mais bientôt j’en acquerrai davantage et comblerai par là tous mes désirs les plus chers. Tant de fortune m’appartient désormais et dans le futur elle augmentera encore et encore. J’ai tué cet homme car il était mon ennemi et je tuerai tous ceux qui s’opposeront à moi. De tout je suis le seigneur et le bénéficiaire. Je suis parfait, puissant et heureux. Qui peut rivaliser avec ma fortune et ma noble naissance ? J’ac-complirai des sacrifices, je donnerai la charité et grâce à cela je me réjouirai. Illusionnés par l’ignorance, ainsi parlent les êtres démoniaques.»

Bhagavad-gétä (16.13-15) Nous venons de décrire partiellement la mentalité démonia-que. La mentalité divine, par contre, est acceptée par les âmes qui prennent refuge en Dieu, à travers les Ecritures saintes et par l’accomplissement de leurs devoirs dévotionnels. Voici les qualités que possèdent de tels êtres :

çré-bhagavän uväca abhayaà sattva-saàçuddhir jïäna-yoga-vyavasthitiù dänaà damaç ca yajïaç ca svädhyäyas tapa ärjavam ahiàsä satyam akrodhas tyägaù çäntir apaiçunam

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LE YOGA À TRAVERS LE PRINCIPE DE L’ANALYSE 13

dayä bhüteñv aloluptvaà märdavaà hrér acäpalam tejaù kñamä dhåtiù çaucam adroho näti-mänitä bhavanti sampadaà daivém abhijätasya bhärata

« Le Seigneur Suprême dit : L’absence de peur, l’allégresse res-sentie dans le cœur, l’acquisition de la connaissance, la charité, le contrôle des sens, l’accomplissement de sacrifices, l’étude des Védas, l’austérité, la simplicité, la non-violence, la véracité, l’absence de colère, le renoncement au sentiment de posses-sion, la tranquillité, l’aversion pour la critique, la bienveillance envers tous les êtres, la dépossession de l’avidité, la douceur, la modestie, l’absence d’inconstance, la vigueur, le pardon, la patience, la propreté interne et externe, l’absence totale de haine et de vanité, telles sont les qualités divines, ô Bharäta, qui se manifestent en une personne sainte lorsqu’il apparaît en ce monde. »

Bhagavad-géitä (16.1-3) Les êtres qui sont emplis de qualités divines ont une caractéris-tique naturelle commune, c’est qu’ils vivent en harmonie avec tous les êtres et la Création, puisqu’ils sont reliés à Dieu. En eux, le désir et l’aversion envers Dieu ont pris fin et pour cela ils trouvent pleine satisfaction dans le service du Seigneur. Ils ont développé le respect pour tous les êtres vivants mobiles et immobiles. Ils ne chérissent pas le désir d’obtenir du pouvoir, car ils savent au plus profond d’eux-mêmes qu’il est une source d’anxiété pour tous. S’ils acceptent une position c’est dans le seul but de rendre les êtres vivants heureux en les re-liant à Dieu. Les Päëòavas incarnaient de telles personnes, et le camp des Kurus les êtres démoniaques. Selon la Çré Gärga Sämhita : « duryodhanaù kaler aàço » Du-ryodhana, le fils aîné de Dhåtaräñöra, était une incarnation par-tielle de Kali, la manifestation de l’adharma, de l’irréligion en personne. Il était naturellement comme tous ses autres frères, opposés à Dieu. Il était un très puissant tyran qui nourrissait le

COMPRENDRE LA SITUATION DE LA BHAGAVAD-GÉTÄ

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14 LA BHAGAVAD-GÉTÄ

désir de conquérir le monde, de l’annexer par son pouvoir et d’anéantir tout ce qui était opposé à lui. Même des personnages comme Hitler ou Staline étaient de tous petits tyrans comparés à Duryodhana qui était l’incarna-tion de la mentalité démoniaque. De plus, il était extrêmement puissant et pouvait se battre tout seul contre une armée. De tels personnages dans cet âge n’ont plus d’existence, mais ils étaient présents dans des âges antérieurs. Or, les êtres à la mentalité démoniaque sont attirés naturellement par de tels personnages qui leur ressemblent, ils prennent refuge en eux et les élisent comme leur chef, car à travers eux, ils peuvent assouvir tous leurs désirs impurs. Le Çrémad-Bhägavatam dépeint la société dirigée par de telles personnes. Elle devient comme une feuille détachée de l’arbre qui s’assèche et se désagrège. Lorsque l’humanité se sépare de la vraie religion, elle dépérit et se dissout dans la violence et le chaos. Les gens deviennent incapables de développer l’amour de Dieu, et poursuivent follement le plaisir des sens. Leur cœur est alors ravagé par la concupiscence, la colère, l’avidité, l’en-vie, l’illusion et la folie. Mais un roi, au temps védique, ne pouvait être qu’un pur dévot de Dieu. Son rôle était d’empêcher qu’une société mauvaise voie le jour. Ainsi, Yudhiñöhira était le dauphin par excellence, car il n’était habité par aucun intérêt personnel. Son seul objec-tif était de s’accorder avec ceux du Seigneur : voir tous les êtres Lui obéir et ainsi trouver le parfait bonheur. Yudhiñöhira était la personnification du dharma, de toutes les bonnes qualités. Aussi tous les êtres de la Terre qui étaient nés avec une nature divine prirent-ils refuge en lui. Or, Duryodana voulait la guerre afin de les exterminer et de prendre par force le royaume. Yudhiñöhira Mahäräja par ces qualités avait, par tous les moyens, essayé d’arrêter le conflit, au point de renoncer au trône. Mais il ne pouvait laisser Duryodhana accéder à la posi-tion de roi. Sans cela, il se serait rendu coupable d’une grande faute. Il ne pouvait laisser dans le péril les gens qui avaient pris

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LE YOGA À TRAVERS LE PRINCIPE DE L’ANALYSE 15

refuge en lui. En tant que protecteur du dharma, son devoir était de combattre, afin que la Terre puisse être délivrée de tout danger. Bien qu’un dévot de Dieu soit par nature juste et non violent, la violence est parfois inévitable en ce monde. En effet, les saintes Ecritures déclarent que pour un guerrier, protéger le dharma et les êtres innocents contre les tyrans n’est pas consi-déré comme un acte répréhensible. Au contraire, si un guerrier a la possibilité de le faire mais ne le fait pas, cet acte de lâcheté est considéré comme un acte condamnable. Nous pouvons prendre un exemple historique pour illustrer ce point. Lorsque la seconde guerre mondiale a commencé et qu’Hitler avec son armée démoniaque ont perpétré des atroci-tés sur des peuples innocents, tuant, torturant, massacrant par milliers, enfants, femmes et vieillards, n’était-il pas juste de combattre pour arrêter ces êtres démoniaques, même si des membres de notre propre famille comme des fils ou un père avaient rejoint leurs rangs ? Et ceux qui ont délivré les peuples opprimés et qui, pour cela, ont tué des êtres démoniaques, voire des membres de leur pro-pre famille qui avaient rejoint leurs rangs, sont-ils considérés comme des gens coupables ou comme des justes aux yeux des hommes ? La vérité est que l’histoire les considère comme des justes, et que le fait d’avoir tué des êtres démoniaques, voire des membres de leur propre famille, n’a jamais été condamné par ceux qui considéraient ces personnes comme des êtres dé-moniaques, car ce geste était nécessaire pour préserver la paix sur Terre. Lorsque les êtres démoniaques sont en trop grand nombre, les conflits ne peuvent être arrêtés et la violence est parfois néces-saire pour rétablir la paix sur Terre. Les Päëòavas n’avaient donc pas d’autres choix que de livrer bataille. Aussi voyons-nous dans la scène historique de la bataille de Kurukñetra, un événement qui nous dépasse, la confrontation de deux tendances opposées, divine (daivéque) et démoniaque

COMPRENDRE LA SITUATION DE LA BHAGAVAD-GÉTÄ

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16 LA BHAGAVAD-GÉTÄ

(äsurique), dans la présence personnelle du Seigneur Suprême Kåñëa. Mais nous pouvons poser de nouveau une question : « Pourquoi Dieu est-il au milieu de ce conflit ? » Kåñëa, bien qu’Il soit le Contrôleur suprême et également le Renonçant suprême, laisse tous les êtres vivants libres d’agir en ce monde. Sans liberté, l’âme ne serait qu’une esclave. Ce qui implique que la liberté veut dire le pouvoir de se dégrader comme de s’élever. C’est pourquoi il existe en ce monde maté-riel ces deux mentalités, divine et démoniaque. Aussi, à cause du désir et de l’aversion qu’ont les âmes condi-tionnées, le monde est-il en conflit perpétuel. Partout, il y a des grands et des petits conflits, même à l’intérieur de l’être. Or, lorsque le Seigneur descend sur Terre, il est naturel que cela ait lieu. Mais Kåñëa est neutre. Il est impartial envers chacun. Alors, lorsqu’Il vient en ce monde, Il réciproque avec tous selon leur désir d’être unis à Lui. Parce que les êtres démoniaques ne veulent avoir aucune relation avec Dieu, Il leur reste voilé par Sa puissance interne. De cette manière, bien qu’Il contienne en Lui la Création tout entière, Kåñëa paraît, aux yeux des êtres démoniaques, un parmi les autres.

avyaktaà vyaktim äpannaà manyante mäm abuddhayaù paraà bhävam ajänanto mamävyayam anuttamam nähaà prakäçaù sarvasya yoga-mäyä-samävåtaù müòho ’yaà näbhijänäti loko mäm ajam avyayam

« Les êtres de moindre intelligence considèrent que Je prends naissance comme un être humain ordinaire, Moi qui suis non manifesté et au-delà de l’existence de ce monde. Leur igno-rance les empêche de comprendre Ma nature suprême, par-faite, immuable et transcendantale (Ma forme, Mon apparition, Mes activités et Mes qualités). « Je ne suis pas manifesté aux yeux de tous. Par Ma puissance interne (yoga-mäyä), je demeure voilé aux regards des insen-

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LE YOGA À TRAVERS LE PRINCIPE DE L’ANALYSE 17

sés. Aussi ne connaissent-ils rien au sujet de Ma personnalité, Moi qui suis non né et impérissable.

Bhagavad-gétä (7.24-25)

Seuls les êtres à la mentalité divine pouvaient comprendre que Kåñëa était la Personne Suprême. Il se dévoilait à eux, en pro-portion de leur pureté de cœur et de leurs sentiments d’amour envers Lui. A cette époque, le Seigneur tenait le rôle d’un monarque puis-sant. Aussi, avant que la guerre n’éclate, les deux camps allè-rent-ils Le voir, afin de savoir pour quel camp Il prendrait parti. Mais Il ne choisit aucun camp. Kåñëa laissa le choix aux deux camps de choisir entre Sa personne sans aucune implication dans la bataille, et Ses armées qui combattraient pour le camp qui les choisirait. Arjuna choisit Kåñëa car il savait qu’il était la Personne Suprême. Duryodhana lui choisit les armées de Kå-ñëa, car il était dépourvu de vision spirituelle. Bien sûr, Dieu connaît tout du passé, du présent et du futur, et lorsqu’Il vient sur Terre c’est pour remplir plusieurs desseins. Ceci est expliqué dans la Bhagavad-gétä :

yadä yadä hi dharmasya glänir bhavati bhärata abhyutthänam adharmasya tadätmänaà såjämy aham

pariträëäya sädhünäà vinäçäya ca duñkåtäm dharma-saàsthäpanärthäya sambhavämi yuge yuge

« O descendant de Bharata, chaque fois que la religion parfaite (dharma) voit un déclin, et que l’irréligion (adharma) monte, je viens en Personne. J’apparais d’âge en âge afin de protéger Mes dévots, d’anéantir les êtres démoniaques et de rétablir les principes de la reli-gion. »

Bhagavad-géta (4.7-8) Bien que Kåñëa laisse en ce monde matériel les êtres libres

COMPRENDRE LA SITUATION DE LA BHAGAVAD-GÉTÄ

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18 LA BHAGAVAD-GÉTÄ

d’accomplir leur destinée, le Seigneur demeure éternellement aimant Ses serviteurs perdus. Aussi, vient-il pour donner la connaissance spirituelle et le moyen d’éveiller l’amour pour Sa personne qui assure à l’être de quitter ce monde matériel tem-poraire, et de revenir à jamais dans Sa demeure éternelle, là où la naissance, la vieillesse et la mort brillent par leur absence.

bhaktyä mäm abhijänäti yävän yaç cäsmi tattvataù tato mäà tattvato jïätvä viçate tad-anantaram

« C’est seulement par la dévotion qu’une personne peut connaître les vérités de Mes gloires et de Ma forme transcen-dantale. Par la puissance de cette pure dévotion, elle entre en-suite à travers la réalisation de ces vérités dans Mes divertisse-ments éternels. »

Bhagavad-gétä (18.55) Mais nous apprenons également que Kåñëa vient en ce monde pour protéger Ses dévots et qu’il anéantit les êtres démonia-ques, comme Duryodhana, qui désirent les tuer. Comment tout cela est-il possible ? Qui peut accomplir en ce monde ces cho-ses complètement contradictoires ? De plus, Kåñëa a promis de ne pas combattre. Tellement de gens sont confus lorsqu’ils entrent en contact avec les activités du Seigneur, car tout ce que fait Dieu est ab-solu. En Lui, il n’y a aucune notion de mal et de bien. Quoi qu’Il fasse tout est parfait et bénéfique pour chacun. Aussi par l’intelligence matériel n’est-il pas possible de comprendre ce plan d’existence, car pour l’âme conditionnée, tout est forcé-ment imprégné de dualité, de bien, de mal, de gain, de perte, de passé, de présent et de futur, alors que Kåñëa n’a de rapport qu’avec l’éternité des êtres et non avec ce qui les lie avec ce monde temporaire. Seule la dévotion permet d’approcher Dieu et par Sa miséri-

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corde de saisir à un certain niveau ces vérités essentielles pour comprendre et s’engager sur une spiritualité authentique. A cette fin, Kåñëa devint le cocher de Son cher dévot Arjuna, et à travers lui et les autres Päëòavas, Il réalisa ces trois desseins : Il protégea tous les êtres vertueux de la Terre, Il anéantit les êtres démoniaques et Il donna la pure religion libre de toutes conta-minations matérielles afin que tous les êtres puissent retourner à Sa demeure éternelle. Comme Arjuna désirait contempler le camp adverse, Kåñëa amena son char entre les deux armées. A ce moment-là, Arjuna devint complètement confus. Dans le camp des êtres démonia-ques, étaient présents des membres de sa famille, ses profes-seurs et ses amis qui s’étaient assemblés dans le but de les tuer. Bien que les Päëòavas aient essayé d’arrêter cette horrible ba-taille, le camp adverse s’y était refusé. Aussi Arjuna voulait-il abandonner son devoir de protéger le dharma et les êtres ver-tueux innocents, et partir du champ de bataille afin de ne pas les tuer. Le Seigneur Suprême se servit alors d’Arjuna pour énoncer cette philosophie merveilleuse qui permet à une âme spiri-tuelle de sortir de l’illusion de ce monde. Elle commence par le fait de comprendre que l’âme est éternelle et qu’elle est diffé-rente des corps qui la recouvrent et de toute situation en ce monde. Puis elle donne une conception claire de la Personna-lité de Dieu et enfin, le moyen pour rétablir le lien avec Lui par le service de dévotion. Dès qu’Arjuna fut sorti de l’illusion par le biais de la connaissance transcendantale énoncée par Kåñëa, Celui-ci l’engagea dans cette bataille. Il fit en sorte qu’il puisse atteindre la réalisation spirituelle par l’accomplissement de son devoir, c’est-à-dire en tuant les êtres démoniaques qui dési-raient anéantir le dharma et les êtres vertueux. En réalité, le Seigneur, à travers Arjuna, s’adresse à nous tous, car nous sommes nous aussi en quelque sorte sur un champ de bataille, « la vie » où de nombreux ennemis intérieurs nous as-

COMPRENDRE LA SITUATION DE LA BHAGAVAD-GÉTÄ

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saillent et nous empêchent d’atteindre notre réalité spirituelle. Le monde matériel où vient séjourner l’âme spirituelle l’oblige à s’identifier avec le corps et avec ses nombreuses extensions, comme la famille, la patrie, les biens, la laissant complètement dans l’ignorance de sa vraie nature. Le voyage de l’âme en ce monde s’effectue à travers de nom-breuses naissances et morts, expérimentant des conditions de vies bien différentes. Or, lorsque par bonne fortune elle peut entrer en contact avec la religion éternelle et qu’elle éveille en elle le désir de retourner à Dieu, vient le moment de la confrontation. Tous ses attachements éphémères se dressent devant elle comme des guerriers ennemis qui désirent la gar-der en ce monde, prisonnière. De la même manière qu’Arjuna sortit victorieux de cette im-passe en suivant les directives du Seigneur, par ces instruc-tions, nous pourrons, nous aussi, devenir victorieux. Nous at-teindrons la réalisation spirituelle, en purifiant dans notre cœur nos attachements illusoires, par l’éveil de notre amour pour Dieu. Nous vivrons alors en ce monde d’une manière libérée, même au contact de personnes qui ont un lien avec notre corps, et nous agirons d’une manière parfaite, en aidant tous les êtres vivants en leur donnant les instructions de la Bhaga-vad-gétä. De cette manière, ils pourront se purifier de toutes les tendances démoniaques qui se trouvent en leur cœur et qui les poussent à exploiter la Terre et les êtres vivants. Cette planète redeviendra graduellement un endroit merveilleux où l’harmo-nie avec Dieu et avec tous les êtres vivants sera de nouveau possible. Seule cette connaissance peut régler tous les problè-mes liés à l’existence, qu’ils soient d’ordre spirituel, économi-que, écologique ou humanitaire. Le véritable problème est dans le cœur. La solution ne peut être que spirituelle. Ce qui implique que comme Arjuna, nous avons le devoir de nous qualifier spirituellement, afin de suivre les instructions du Seigneur et d’aider les êtres qui souffrent en ce monde à cause

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de l’ignorance qui les recouvre. De celui qui fait cela, Kåñëa dit :

ya idaà paramaà guhyaà mad-bhakteñv abhidhäsyati bhaktià mayi paräà kåtvä mäm evaiñyaty asaàçayaù na ca tasmän manuñyeñu kaçcin me priya-kåttamaù bhavitä na ca me tasmäd anyaù priyataro bhuvi

« Celui qui enseigne cette connaissance la plus confidentielle de la Gétä à Mes dévots atteindra la plus haute dévotion pour Ma personne et devenant libre de tous doutes, il M’atteindra finalement. Dans la société humaine, il n’est personne qui par un service ne puisse Me faire autant plaisir que celui qui explique ce mes-sage de la Gétä aux autres. Et il n’y aura aucun être dans le monde entier qui Me soit plus cher que lui. »

Bhagavad-gétä (18.68-69) Telle est, selon le Seigneur Suprême, l’œuvre humanitaire par excellence.

COMPRENDRE LA SITUATION DE LA BHAGAVAD-GÉTÄ

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LE YOGA À TRAVERS LE PRINCIPE DE L’ANALYSE 23

INVOCATION

J’offre mon humble hommage à mon maître spirituel Çré Çrémad Bhakti Bibudha Bodhayan Goswämé, ainsi qu’à Çré Çrémad Pa-räà Gati Mahäräja, et à Çré Çrémad Püjyapäda Bhakti Promoda Puré Goswämé Mahäräja. Ils sont mes trois guides éternels et sans leur miséricorde, je n’aurais pas le pouvoir de maintenir ma vie spirituelle. J’offre également mon humble hommage à Çré Çrémad Çréla Bhaktivedanta Näräyaëa Svämé qui m’autorisa à utiliser son édition de la Bhagavad-gétä (textes et commentaires), ainsi qu’à Çré Çrémad Abhay Caraëäravinda Bhaktivedanta Svämé qui m’amena à entrer en contact avec la dévotion pour Kåñëa, à travers ses œuvres merveilleuses, et à Çré Çrémad Bhaktisidd-hänta Sarasvaté Gosvämé Mahäräja Prabhupäda, l’éminent gé-néral de la grande armée de l’amour du Seigneur Gauranga. J’offre mon humble hommage à toute la Brahmä-Madhva-Gauòéya-Särasvatä Sampradäya qui forme la succession de maître à disciple remontant au Seigneur Kåñëa Lui-même, l’en-seignant suprême de la Bhagavad-gétä. Bien que je sois un être insignifiant, j’ai reçu l’instruction d’é-crire un commentaire sur la Bhagavad-gétä. Malgré ma non-qualification pour une telle tâche, je me dois en disciple d’ac-complir celle-ci avec à l’esprit d’être un serviteur dans les mains de mes maîtres, et avec la conscience de purifier mon existence par cette tâche et non d’atteindre quelque gloire ou quelque adoration personnelle. Je demande donc à tous mes maîtres spirituels, à tous les vaiñëavas et à tous mes lecteurs de m’accorder leurs bénédictions pour accomplir ce service. Le but de cette édition est de présenter une version compré-hensive du sens profond de la Bhagavad-gétä. En consé-quence, j’ai entrepris d’expliquer les sujets qui sont inclus dans ce livre, de la manière la plus simple possible, à partir des conclusions des äcäryas ou des précepteurs précédents, don-

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24 LA BHAGAVAD-GÉTÄ

nant ainsi une base merveilleuse à tout candidat désirant l’a-mour de Dieu. Aspirant à recevoir la miséricorde des purs dévots Swamé Bhakti Candan Yaté

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LE YOGA À TRAVERS LE PRINCIPE DE L’ANALYSE 25

CHAPITRE UN

ÇAINYA-DARÇANA

OBSERVANT LES ARMÉES VERSET 1 Da*Taraí\ ovac DaMaR+ae}ae ku-å+ae}ae SaMaveTaa YauYauTSav" ) MaaMak-a" Paa<@vaêEv ik-Maku-vRTa SaÅYa )) 1 )) dhåtaräñöra uväca dharma-kñetre kuru-kñetre samavetä yuyutsavaù mämakäù päëòaväç caiva kim akurvata saïjaya

Dhåtaräñöra dit : O Saïjaya, que firent mes fils et les fils de Päëòu, après s’être assemblés sur la terre sacrée de Kurukñetra avec le désir de combattre ?

OBSERVANT LES DEUX ARMÉES

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26 LA BHAGAVAD-GÉTÄ

COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, la Suprême Vérité Absolue, le Brahman Suprême dont les pieds pareils-au-lotus sont l’objectif ultime de toute dévotion et de toutes les Ecritu-res védiques, est connue sous le nom de Kåñëa. Il apparut en Sa forme originelle sur la Terre, sous Ses traits transcendantaux à l’apparence humaine en tant que Çré Vasudeva-nandana, le fils de Çré Vasudeva, à Çré Gopäla-puré. Bien que le Seigneur Suprême soit adhokñaja, suprêmement inconcevable, au-delà de la connaissance des sens matériels, Il devint visible aux yeux des hommes du commun par l’intermé-diaire de Sa puissance spirituelle, yoga-mäya. Néanmoins, par cette puissance, Sa divinité était cachée ou dé-voilée selon la qualification des êtres qui étaient présents. Cer-tains le voyaient comme la Beauté, la Puissance, la Mort per-sonnifiées, d’autres le voyaient comme Dieu l’Ame Suprême, ou encore comme Kåñëa leur seul objet d’amour et d’affection. Mais il ne saurait être question d’êtres ordinaires qui prennent part aux divertissements du Seigneur. Alors, quand Kåñëa vient en personne, des êtres exceptionnels, des grands sages, des demi-dieux et des associés du Seigneur viennent également sur Terre au même moment offrir leurs services à Dieu. Dans cet environnement, dans les divertissements du Seigneur, certains de ces personnages ont différents rôles parfois même ils sont antagonistes à Kåñëa. Ceci dans le but d’enseigner les êtres en ce monde. En effet, le monde matériel est un lieu créé par le Seigneur afin de permettre à ceux qui désirent expérimenter leur indépen-dance envers Lui, de venir y séjourner. Il y a donc dans tous les êtres qui peuplent la Terre une indépendance, une aversion, un désir de prendre la place de Dieu qui les recouvrent. Ce monde est comme un immense hôpital où les âmes rebelles viennent séjourner, afin de purifier leurs mauvais désirs et en-fin de retourner à Kåñëa.

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Mais Kåñëa sait combien l’être souffre d’être loin de Lui. Il vient donc avec un sentiment d’amour inconcevable envers Ses ser-viteurs perdus, et Il transmet les instructions de la Bhagavad-gétä, afin de délivrer les âmes conditionnées de ce monde qui sombrent dans le cycle de la naissance et de la mort. De cette manière, Il les submerge dans l’immense océan du pur amour de Dieu (prema), en leur accordant un goût pour la douceur de Sa beauté et de Ses autres qualités. Le Seigneur avait fait une promesse et Il apparut en ce monde lié par celle-ci. Kåñëa avait promis de protéger les personnes saintes et d’anéantir les êtres démoniaques appelés asuras. En effet, de nombreux tyrans étaient apparus sur la Terre et fai-saient souffrir les êtres vivants. Mais sous prétexte de soulager le fardeau de la Terre, Il accor-da en réalité la protection suprême, sous la forme de la libéra-tion du monde matériel. Celle-ci fut donnée, pas simplement à Ses dévots, mais également à tout ceux qui étaient opposés à Lui. En un mot, à toutes les âmes spirituelles rebelles qui som-brent dans ce vaste océan de l’existence matérielle, cet endroit qui est semblable à une planète où les êtres doivent subir d’im-menses souffrances. Le Seigneur Suprême, Bhagavän, Çré Kåñëa, est doté des six opulences dans toute leur plénitude, soit la connaissance, la puissance, la richesse, la renommée, la beauté et le renonce-ment. Il enseigna la Bhagavad-gétä au monde entier, par le biais de Son très cher dévot Arjuna, ceci afin que même après Son départ, les âmes spirituelles conditionnées puissent être délivrées. En effet, seuls les enseignements du Seigneur ont le pouvoir de sortir l’âme de l’ignorance qui la conditionne de-puis un temps immémorial, et qui la lie à des conditions maté-rielles telles que la lamentation et l’illusion. Un autre but était d’affirmer Ses gloires qui sont trouvées dans les Ecrits védiques et qui sont chantées par les sages. Cette Gétä a trois divisions : le karma-yoga (la voie de la réali-

OBSERVANT LES DEUX ARMÉES

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sation spirituelle dans laquelle le fruit du travail est offert au Seigneur), le jïana-yoga (la voie de la réalisation spirituelle par la recherche philosophique de la Vérité), et le bhakti-yoga (la voie de la réalisation spirituelle par le service de dévotion of-fert au Seigneur Kåñëa). Les dix-huit chapitres de la Bhagavad-géta sont bénis par le fait qu’ils renferment la teneur de tous les Védas qui se manifestent en tant que dix-huit sortes de connaissances. Ainsi, Çré Kåñëa révèle le parama-puruñärtha ou l’objectif suprême. Ce qui im-plique que la Bhagavad-gétä révèle la perfection de la science de Dieu, puisqu’elle émane directement de Ses lèvres. Elle est donc une connaissance supérieure. Les six premiers chapitres traitent du karma-yoga, ou la voie de l’action dépourvue de tous désirs matériels, qui incite l’être à agir pour le Seigneur Suprême d’une manière désintéressée, sans attachement aux fruits de ses devoirs prescrits. Les six der-niers chapitres décrivent le jïana-yoga ou la voie de l’union avec le Seigneur Suprême par la connaissance. Enfin, les six chapitres du milieu renferment la connaissance la plus confi-dentielle, puisqu’ils traitent du service de dévotion qui est la voie par laquelle toute chose de bon augure est atteinte. En effet, les deux autres voies, sans le support de la dévotion, ne portent aucun fruit véritable, car seule la dévotion touche le Seigneur. C’est pourquoi ces six chapitres du milieu forment le cœur de la Bhagavad-gétä. La pure dévotion constitue le seul moyen par lequel l’âme peut intégrer sa constitution éternelle qui est d’être reliée à Kåñëa à travers une relation d’amour pure. Les deux autres voies sont des supports pour atteindre cette dévotion exclusive, ils ne sont donc pas libres de conta-mination matérielle. Au début, le pratiquant emprunte la voie de l’action et offre avec dévotion les fruits de ses actes intéressés au Seigneur. Puis par ces actes, quand le cœur devient purifié, la voie de la connaissance s’ouvre à lui. Il renonce alors à l’action intéressée

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liée par une conception corporelle de l’existence offerte au Sei-gneur, et il accepte la position d’être une entité purement spiri-tuelle. Alors, sa méditation devient exclusivement portée sur la vérité spirituelle et par le biais de la dévotion, il accède à la ré-alisation de sa position en tant que serviteur de la Personne Suprême. Au fur et à mesure que l’être réalise sa relation avec Kåñëa et que la pure dévotion se manifeste en lui, en propor-tion ses aptitudes à suivre l’une des deux autres voies s’estom-pent pour enfin disparaître. Ce qui implique qu’au stade de la libération parfaite, seul l’amour pur existe. On ne peut connaî-tre la réalité sur Dieu que par la voie de la pure dévotion. Ce que confirme le Seigneur Kåñëa dans la Bhagavad-gétä (11.54) :

bhaktyä tv ananyayä çakya aham evaà-vidho ’rjuna jïätuà drañöuà ca tattvena praveñöuà ca parantapa

« O Arjuna vainqueur des ennemis, seul par la pure dévotion on peut véritablement Me connaître et voir Mon éternelle et merveilleuse forme aux traits humains, et atteindre Mon asso-ciation en Ma demeure. » Trois personnes ont eu la miséricorde de recevoir directement les enseignements du Seigneur Suprême : Arjuna, Vyäsadeva et Saïjaya. Saïjaya est le disciple de Vyäsadeva qui l’a doté du pouvoir mystique de voir et d’entendre à distance les événe-ments futurs. Il est également le serviteur du roi Dhåtaräñöra. Celui-ci, aveugle et par stratégie politique, ne peut être directe-ment présent aux côtés de ses fils sur le champ de bataille. Il reste donc avec Saïjaya dans son palais afin de suivre à dis-tance le déroulement du conflit. Aussi voyons-nous la Bhaga-vad-gétä commencer par un dialogue entre le roi Dhåtaräñöra et Saïjaya : « O Saïjaya, que firent mes fils et les fils de Päëòu, s’étant assemblés à Kurukñetra, et étant emplis du désir de combattre ? »

OBSERVANT LES DEUX ARMÉES

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Le roi Dhåtaräñöra dévoile, dès le début de cet ouvrage, ses pensées vis-à-vis de ses neveux, les Päëòavas. Bien que les fils du roi Päëòu et les siens soient issus d’une même famille, il considère que seuls ses fils sont des descendants des Kurus. Ce qui sous-entend qu’il ne désire pas donner ses droits à l’aîné des Päëòavas, Yudhiñöhira. Il désire au contraire placer son fils Duryodhana sur le trône. Aussi pose t-il des questions à Saï-jaya, afin de s’assurer que ses fils sont en bonne posture, mal-gré l’influence du lieu saint de Kurukñetra. Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura explique que ce lieu où va se dérouler la bataille, Kurukñetra, est un lieu de culte même pour les demi-dieux. Cette terre est donc fameuse comme étant celle qui nourrit le dharma (les principes religieux). Par l’influence de l’association avec cette terre, la colère de person-nes irréligieuses comme Duryodhana et d’autres peut être sub-juguée et ils peuvent devenir prédisposés à suivre et à accepter le dharma (les principes religieux). Les Päëòavas (les fils de Päëòu) sont déjà enclins à suivre les principes religieux par nature. Or, l’influence du lieu saint peut éveiller en eux la discrimination. Ils pourront peut être consi-dérer que l’anéantissement dans ce combat de leurs proches est une chose qui n’est pas convenable. Ainsi, les deux partis pourraient se mettre d’accord sur un arrangement pacifique. Extérieurement, Dhåtaräñöra prétend qu’il sera heureux avec un traité de paix, mais intérieurement, il ressent une très grande insatisfaction. Il considère que s’ils négocient une trêve, la pré-sence des Päëòavas (les fils de Päëòu) continuera à demeurer un obstacle pour ses fils. Dhåtaräñöra pense : « Les guerriers qui se trouvent dans mon camp comme Bhéñma, Droëa et d’autres ne peuvent être vaincus, même par Arjuna. Ainsi, étant donné que notre victoire est certaine, il sera certainement bénéfique de combattre. » Ces sentiments internes de Dhåtaräñöra, cepen-dant, ne peuvent être discernés par les autres. Le mot « dharma-kñetre » ou « la terre du dharma » est ici lourd

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de sens. Il indique que l’aîné des Päëòavas, Yudhiñöhira, qui est l’incarnation du dharma et ses associés sont comme des plants de riz, et le Seigneur Suprême Kåñëa comme un fermier. Les différentes aides du Seigneur envers les Päëòavas sont semblables à l’arrosage des pousses et à la construction d’une digue autour du champ. Les Kauravas (les fils de Dhåtaräñöra), menés par Duryodhana, eux sont semblables aux mauvaises herbes noirâtres qui pous-sent dans un champ de riz. Ce qui indique que tout comme des mauvaises herbes doivent être déracinées, similairement ils seront anéantis de cette terre du dharma, car ils sont tous par nature opposés au dharma. VERSET 2 SaÅYa ovac d*îa Tau Paa<@vaNaqk&- VYaU!& duYaaeRDaNaSTada ) AacaYaRMauPaSa®MYa raJaa vcNaMab]vqTa( )) 2 )) saïjaya uväca dåñövä tu päëòavänékaà vyüòhaà duryodhanas tadä äcäryam upasaìgamya räjä vacanam abravét

Saïjaya dit : O roi, après avoir contemplé l’armée des Päëòaväç déployée en formation militaire, Duryodhana approcha son maître Droëäcärya et lui dit les paroles suivantes : COMMENTAIRE Saïjaya, comprenant la crainte du roi Dhåtaräñöra concernant l’influence de la terre du dharma (de la religion) sur l’issue de la bataille, le rassura en lui disant qu’il y aura effectivement une guerre, en d’autres termes que ses fils n’accepteront aucun

OBSERVANT LES DEUX ARMÉES

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compromis de paix. Mais sachant que le résultat serait contraire aux attentes de Dhåtaräñöra, il dit : « Après avoir contemplé l’armée des Päëòaväç déployée en formation mili-taire. » Çréla Baladeva Vidyäbhüñaëa fait ressortir que Duryod-hana vient d’évaluer les troupes des Päëòavas et qu’il se dirige vers Droëäcärya afin de discuter avec diplomatie de la situa-tion. Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, les huit pro-chains versets sont énoncés par Duryodhana le fils de Dhåtarä-ñöra. Celui-ci ressent une peur intérieure qui est causée par le déploiement des troupes des Päëòavas. VERSET 3 PaXYaETaa& Paa<@uPau}aa<aaMaacaYaR MahTaq& cMaUMa( ) VYaU!a& d]uPadPau}ae<a Tav iXaZYae<a DaqMaTaa )) 3 )) paçyaitäà päëòu-puträëäm äcärya mahatéà camüm vyüòhäà drupada-putreëa tava çiñyeëa dhématä

O maître ! Contemple cette immense armée des Päëòa-väç, rangée en phalanges militaires par ton intelligent disciple Dhåñöadyumna, le fils de Drupada. COMMENTAIRE En employant ces mots, Duryodhana fait part de l’erreur com-mise par Droëäcärya. Indirectement, il lui rappelle sa querelle avec le roi Drupada, et le fait qu’il ait accompli un sacrifice dans le but d’obtenir un fils capable de le tuer. Bien qu’il fût conscient de cela, il accepta néanmoins Dhåñöadyumna comme son disciple et lui transmit tous les secrets de l’art militaire. Ce qui implique que Dhåñöadyumna a une très grande intelligence et une très grande capacité, car indirectement Droëäcärya lui a transmis la capacité de le tuer. Dans le simple but d’éveiller la

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colère de son maître, Duryodhana lui fait remarquer avec di-plomatie : « Contemple avec quelle intelligence ton disciple Dhåñöadyumna a organisé les troupes des Päëòavas. Le mo-ment est venu où il peut enfin mettre en oeuvre les fruits de ton enseignement. » VERSET 4-6 A}a éUra MaheZvaSaa >aqMaaJauRNaSaMaa YauiDa ) YauYauDaaNaae ivra$=ê d]uPadê MaharQa" )) 4 )) Da*íke-Tauêeik-TaaNa" k-aiXaraJaê vqYaRvaNa( ) PauåiJaTku-iNTa>aaeJaê XaEBYaê NarPau®v" )) 5 )) YauDaaMaNYauê iv§-aNTa otaMaaEJaaê vqYaRvaNa( ) SaaE>ad]ae d]aEPadeYaaê SavR Wv MaharQaa" )) 6 )) atra çürä maheñv-äsä bhémärjuna-samä yudhi yuyudhäno viräöaç ca drupadaç ca mahä-rathaù dhåñöaketuç cekitänaù käçiräjaç ca véryavän purujit kuntibhojaç ca çaibyaç ca nara-puìgavaù yudhämanyuç ca vikränta uttamaujäç ca véryavän saubhadro draupadeyäç ca sarva eva mahä-rathäù Dans cette armée sont présents de puissants archers, égaux au combat à Arjuna et Bhéma, comme Sätyaki, le Roi Viräöa, et le grand guerrier Drupada. Sont aussi pré-sents Dhåñöaketu et Cekitäna, le valeureux roi de Käçi, Purujit, Kuntibhoja, le plus vaillant Çaibya, et d’autres hommes nobles comme le victorieux Yudhämanyu, le puissant Uttamaujä, Abhimanyu, ainsi que Pratibindhya et les autres fils de Draupadé. Tous sont des mahärathés (grands guerriers).

OBSERVANT LES DEUX ARMÉES

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COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, le mot « maheñväsäù » signifie que tous ces grands guerriers portaient de puissants arcs qui ne pouvaient être brisés par l’ennemi. L’un de ces grands guerriers est Satyaké ici désigné par le mot « yuyudhäna ». Il était le commandant en chef de l’armée des Yädavas et un serviteur de Kåñëa. Il était considéré comme un atirathé car il pouvait combattre seul contre un nombre illimité de guerriers. D’autres comme Abhimanyu désigné par le mot « Saubhadrah », le fils d’Arjuna et les fils de Draupadé, menés par Pratibindhya désignés par le mot « draupadeyäh » étaient des mahäratés puisqu’ils pouvaient combattre seuls contre dix mille guerriers. VERSET 7 ASMaak&- Tau iviXaía Yae TaaiàbaeDa iÜJaaetaMa ) NaaYak-a MaMa SaENYaSYa Sa&jaQa| TaaNb]vqiMa Tae )) 7 )) asmäkaà tu viçiñöä ye tän nibodha dvijottama näyakä mama sainyasya saàjïärthaà tän bravémi te O meilleur des brähmaëas, pour ton information, je mentionne aussi les noms de ces guerriers imminents ainsi que des commandants qui forment mon armée. VERSET 8-9 >avaN>aqZMaê k-<aRê k*-Paê SaiMaiTa&JaYa" ) AìTQaaMaa ivk-<aRê SaaEMaditaSTaQaEv c )) 8 )) ANYae c bhv" éUra MadQaeR TYa¢-JaqivTaa" ) NaaNaaXañPa[hr<aa" SaveR YauÖivXaarda" )) 9 ))

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bhavän bhéñmaç ca karëaç ca kåpaç ca samitià-jayaù açvatthämä vikarëaç ca saumadattis tathaiva ca anye ca bahavaù çürä mad-arthe tyakta-jévitäù nänä-çastra-praharaëäù sarve yuddha-viçäradäù Il y a dans mon armée des héros comme toi-même (Dronacarya), l’aïeul Bhéñma, Karëa, Kåpa, Açvatthämä, Vikarëa, Bhüriçravä, le fils de Somadatta et Jayadratta, le Roi de Sindhu, qui tous sont toujours victorieux au com-bat. Il y a de nombreux autres héros qui sont prêts à abandonner leur vie pour moi. Tous sont équipés de dif-férentes armes et sont experts dans l’art de la guerre. COMMENTAIRE Dans ce verset, Duryodhana fait l’éloge de tous les plus grands héros de son armée qui sont sortis victorieux dans tous leurs combats. Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, les mots « tyakta-jévitäù » qui se traduit par « prêts à abandonner leur vie » signifie que tous ces grands guerriers sont déterminés à faire ce qu’on leur ordonnera, tout comme une personne qui réalise qu’elle va obtenir un très grand bénéfice dans cette vie ou la suivante si elle accomplit une action particulière. Ces mots inspirés par la Déesse de l’érudition indiquent également que toute l’armée de Duryodhana est condamnée d’avance par le Seigneur. Elle sera donc complètement anéantie dans ce conflit. VERSET 10 APaYaaRá& TadSMaak&- bl&/ >aqZMaai>ari+aTaMa( ) PaYaaRá& iTvdMaeTaeza& bl&/ >aqMaai>ari+aTaMa( )) 10 )) aparyäptaà tad asmäkaà balaà bhéñmäbhirakñitam paryäptaà tv idam eteñäà balaà bhémäbhirakñitam

OBSERVANT LES DEUX ARMÉES

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Nos forces, bien que protégées par Bhéñma, ne sont pas suffisantes. Mais en revanche, l’armée des Päëòavas, sous la soigneuse protection de Bhéma, est pleinement compétente. COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, le mot aparyäptaà signifie incompétent ou insuffisant, c’est-à-dire que les Kaura-vas (les fils de Dhåtaräñöra, menés par Duryodhana) ne sont pas compétents ou sont d’une force insuffisante pour combat-tre avec les Pandavas. Bhéñma-abhirakñitam signifie : « Bien que notre armée soit bien protégée par l’aïeul Bhéñma qui est pourvu d’une intelligence extraordinairement subtile et d’une expérience admirable dans le maniement des armes et dans la science de la guerre, la puissance de cette force est cependant insuffisante car Bhéñma est en faveur des deux camps. » Pa-ryäptaà bhémäbhirakñitam signifie : « Mais l’armée des Päëòa-vas, bien que protégée par Bhéñma, qui est moins experte dans le maniement des armes et la science de la guerre, est compé-tente pour combattre avec nous. » Il est indiqué par ces propos que Duryodhana se sent profondément inquiet sur le sort de la bataille VERSET 11 AYaNaezu c SaveRzu YaQaa>aaGaMaviSQaTaa" ) >aqZMaMaevai>ar+aNTau >avNTa" SavR Wv ih )) 11 )) ayaneñu ca sarveñu yathä-bhägam avasthitäù bhéñmam eväbhirakñantu bhavantaù sarva eva hi Ainsi vous devez tous demeurer dans les positions stra-tégiques qui vous ont été assignées aux points de péné-

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tration et offrir protection à l’aïeul Bhéñma à tous égards. COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, Duryodhana dit : « Ainsi vous tous (Dronacarya et les autres commandants) de-vez être extrêmement attentifs.» « Répartissez-vous aux entrées des différentes phalanges de notre armée et ne quittez pas les zones qui vous ont été assignées au cours du combat. De cette façon, Bhéñma ne sera pas tué par derrière en combattant l’en-nemi. Nous devons considérer la force de Bhéñma comme no-tre vie même. » Ce qui implique que Duryodhana pense que la victoire de l’armée des Kurus dépend de la présence de Bhéñ-ma dans ses rangs. VERSET 12 TaSYa SaÅNaYaNhz| ku-åv*Ö" iPaTaaMah" ) iSa&hNaad& ivNaÛaeÀE" Xa«& dDMaaE Pa[TaaPavaNa( )) 12 )) tasya saïjanayan harñaà kuru-våddhaù pitämahaù siàha-nädaà vinadyoccaiù çaìkhaà dadhmau pratäpavän Alors l’aïeul Bhéñma, le vaillant aîné de la dynastie Kuru, souffla fortement dans sa conque, produisant un son semblable au rugissement d’un lion, et réjouit ainsi le coeur de Duryodhana. COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, l’aïeul Bhéñma de-vint très satisfait d’entendre les glorifications que Duryodhana faisait de sa personne devant Droëäcärya. Produisant un son semblable au rugissement d’un lion, l’aîné des Kurus, Bhéñma,

OBSERVANT LES DEUX ARMÉES

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souffla dans sa conque afin de chasser la peur de Duryodhana et de le rendre joyeux. » VERSET 13 TaTa" Xa«aê >aeYaRê Pa<avaNak-GaaeMau%a" ) SahSaEva>YahNYaNTa Sa XaBdSTauMaul/ae_>avTa( )) 13 )) tataù çaìkhäç ca bheryaç ca paëavänaka-gomukhäù sahasaiväbhyahanyantasa çabdas tumulo ’bhavat Après quoi, conques, timbales, percussions, cors, trom-pettes et différents autres instruments retentirent sou-dainement, créant un son tumultueux et effrayant. COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, le but de ce verset commençant par le mot « tataù » est simplement d’exprimer que les deux camps manifestèrent leur enthousiasme pour le combat immédiatement après que Bhéñma ait soufflé dans sa conque. Ici, paëava, änaka, et gomukhäù se réfèrent de façon respective au petit tambour, au mådaìga, et à différents cors et trompettes qui retentirent à cet instant. VERSET 14 TaTa" ìeTaEhRYaEYauR¢e- MahiTa SYaNdNae iSQaTaaE ) MaaDav" Paa<@vêEv idVYaaE Xa«aE Pa[dDMaTau" )) 14 )) tataù çvetair hayair yukte mahati syandane sthitau mädhavaù päëòavaç caiva divyau çaìkhau pradadhmatuù

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Alors le Seigneur Kåñëa et Arjuna, debout sur un grand char tiré par des chevaux blancs, soufflèrent dans leur conque divine. COMMENTAIRE Ici le mot « divyau » exprime que les conques de Kåñëa et d’Ar-juna sont dites de nature divine, contrairement à celle de Bhéñ-ma, ce qui indique une victoire certaine pour les Päëòavas. De plus, le Seigneur est à leurs côtés. Or, là où le Seigneur est, la défaite ne saurait exister pour ceux qui ont pris refuge en Lui. Çréla Baladeva Vidyäbhüñaëa explique que le char qui sert de véhicule à Kåñëa et à Arjuna, a été donné à Arjuna par le demi-dieu du feu du nom de Agni. Ce char mystique a le pouvoir d’aller dans toutes les directions. VERSET 15 PaaÄJaNYa& ôzqke-Xaae devdta& DaNaÅYa" ) PaaE<@\& dDMaaE MahaXa«& >aqMak-MaaR v*k-aedr" )) 15 )) päïcajanyaà håñékeço devadattaà dhanaïjayaù pauëòraà dadhmau mahä-çaìkhaà bhéma-karmä våkodaraù Håñékeça (le Seigneur Kåñëa le Maître des sens) souffla dans Sa conque nommée Päïcajanya ; Dhanaïjaya (Arjuna, le conquérant des richesses) souffla dans sa conque nommée Devadatta, et Bhéma, l’auteur de tâches herculéennes, souffla dans sa grande conque nommée Pauëòra. COMMENTAIRE Selon Çréla Baladeva Vidyäbhüñaëa, le nom « Håñékeça » désigne Kåñëa comme le maître des sens de tous les êtres vivants. En

OBSERVANT LES DEUX ARMÉES

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effet, le Seigneur qui est présent dans le cœur de chacun dirige les sens des êtres selon leur abandon respectif. Ainsi, celui qui est complètement abandonné à Lui voit ses sens directement contrôlés par Dieu, alors que celui qui ne l’est pas, est livré à son destin. Ce nom de Kåñëa indique donc qu’Il vient en aide à Ses purs dévots, en contrôlant directement leurs sens transcen-dantaux sur le champ de bataille. Arjuna est ici appelé Dhanaïjaya qui indique qu’il a vaincu de nombreux opposants et qu’il a amassé de grandes richesses afin d’aider son frère Yudhiñöhira à accomplir le sacrifice räja-süya. Bhéma, lui, est nommé « bhéma-karmä » qui fait apparaître qu’il est l’auteur de tâches herculéennes comme la mise à mort du démon Hiòimba. Par ces descriptions, la nature exceptionnelle de l’armée des Päëòavas est mise en avant, ce qui implique que leurs opposants sont plus faibles. VERSET 16 ANaNTaivJaYa& raJaa ku-NTaqPau}aae YauiDaiïr" ) Naku-l/" Sahdevê SaugaaezMai<aPauZPak-aE )) 16 )) anantavijayaà räjä kunté-putro yudhiñöhiraù nakulaù sahadevaç ca sughoña-maëipuñpakau Le roi Yudhiñöhira, le fils de Kunté, souffla dans la conque nommée Anantavijaya ; Nakula souffla dans la conque Sughoña et Sahadeva souffla dans la conque nommée Maëipuñpaka. VERSETS 17-18 k-aXYaê ParMaeZvaSa" iXa%<@q c MaharQa" )

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Da*íÛuManae ivra$=ê SaaTYaik-êaParaiJaTa" )) 17 )) d]uPadae d]aEPadeYaaê SavRXa" Pa*iQavqPaTae ) SaaE>ad]ê Mahabahu" Xa«aNdDMau" Pa*QaKPa*Qak(- )) 18 )) käçyaç ca parameñv-äsaù çikhaëòé ca mahä-rathaù dhåñöadyumno viräöaç ca sätyakiç cäparäjitaù drupado draupadeyäç ca sarvaçaù påthivé-pate saubhadraç ca mahä-bähuù çaìkhän dadhmuù påthak påthak O Roi de la terre, Dhåtaräñöra ! Ce grand archer le Roi de Käçé, le grand guerrier Çikhaëòé, Dhåñöadyumna et le Roi de Viräöa, l’invincible Sätyaki, le Roi Drupada, les fils de Draupadé et Abhimanyu le fils de Subhadrä firent alors fortement résonner leur conque respective de toutes parts. COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, Päïcajanya et d’au-tres noms comme Devadatta sont les noms des conques appar-tenant à Çri Kåñëa et aux différents guerriers sur le champ de bataille. Aparäjitaù signifie quelqu’un qui ne peut être vaincu par aucune personne, ou celui qui est orné d’un arc. VERSET 19 Sa gaaezae DaaTaRraí\a<aa& ôdYaaiNa VYadarYaTa( ) Na>aê Pa*iQavq& cEv TauMaul/ae_>YaNauNaadYaNa( )) 19 )) sa ghoño dhärtaräñöräëäà hådayäni vyadärayat nabhaç ca påthivéà caiva tumulo ’bhyanunädayan Se réverbérant entre la terre et le ciel, le son tumultueux des conques brisa les cœurs des fils de Dhåtaräñöra.

OBSERVANT LES DEUX ARMÉES

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VERSET 20 AQa VYaviSQaTaaNd*îa DaaTaRraí\aNk-iPaßJa" ) Pa[v*tae XañSaMPaaTae DaNauåÛMYa Paa<@v" ) ôzqke-Xa& Tada vaKYaiMadMaah MahqPaTae )) 20 )) atha vyavasthitän dåñövä dhärtaräñörän kapi-dhvajaù pravåtte çastra-sampäte dhanur udyamya päëòavaù håñékeçaà tadä väkyam idam äha mahé-pate O Roi, après avoir vu tes fils déployés en rangs militai-res, Arjuna qui porte sur son drapeau l’effigie d’Hanu-män, leva son arc et se prépara à tirer ses flèches. Il dit ensuite les paroles suivantes à Håñékeça (Kåñëa, le Maître des sens).

COMMENTAIRE Bien que le combat fût sur le point de s’engager, des signes de peur étaient visibles chez les fils de Dhåtaräñöra, à cause du dé-ploiement si expert des armées des Päëòavas. En effet, le Sei-gneur Kåñëa bien que non agissant dans ce conflit, par le re-fuge qu’Il apporte à Ses dévots, chassait au contraire toute crainte de leur cœur. De plus, l’étendard qui décorait le char d’Arjuna annonçait sans aucun doute la victoire future des Päëòavas. En effet, l’emblème d’Hanumän le décorait, ce qui sous-entend qu’Arjuna comme Hanumän recevrait l’entière bé-nédiction du Seigneur afin de sortir victorieux du combat. VERSETS 21-22 AJauRNa ovac SaeNaYaaeå>aYaaeMaRDYae rQa& SQaaPaYa Mae_CYauTa )

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YaavdeTaaiàrq+ae_h& Yaaed(Dauk-aMaaNaviSQaTaaNa( )) 21 )) kE-MaRYaa Sah YaaeÖVYaMaiSMaNr<aSaMauÛMae )) 22 )) arjuna uväca senayor ubhayor madhye rathaà sthäpaya me ’cyuta yävad etän nirékñe ’haà yoddhu-kämän avasthitän kair mayä saha yoddhavyam asmin raëa-samudyame Arjuna dit : O Toi l’Infaillible ! S’il Te plaît, place mon chariot entre les deux armées afin que je puisse obser-ver tous ceux qui désirent combattre dans cette im-mense bataille. COMMENTAIRE Différents passages des Védas révèlent l’existence d’un monde spirituel manifesté par l’entremise de l’énergie spirituelle (cit-çakti) de Dieu. Il est décrit comme constitué des différentes demeures du Seigneur. C’est un lieu sans défauts où la nais-sance, la maladie, la vieillesse et la mort n’ont pas d’existence. Il est libre de toute anxiété. Toute chose y est manifestée dans sa pureté. La matière inerte n’a pas d’existence. Aussi, dans ce monde, tout est-il conscient et personnel. Là, Kåñëa y réside éternellement entouré de Ses associés. Le corps du Seigneur ainsi que celui de Ses serviteurs sont d’une toute autre nature que ceux que nous connaissons dans le monde matériel. Ils sont sac-cid-änanda : composés d’éterni-té, de connaissance et de félicité. Bien que personnel, Dieu reste illimité, car tout trouve sa source en Lui. Ce qui implique que Son corps transcendantal manifeste des énergies insonda-bles.

éçvaraù paramaù kåñëaù sac-cid-änanda-vigrahaù anädir ädir govindaù sarva-käraëa-käraëam

OBSERVANT LES DEUX ARMÉES

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« Kåñëa qu’on appelle également Govinda, est le Seigneur Ori-ginel. Il est le Maître Absolu, la cause de toutes les causes. Sa forme est toute d’éternité de connaissance et de félicité. »

Brahma-saàhitä (5.1) Etant sarva-käraëa-käraëam, la cause de toutes les causes, en Lui réside toutes les qualités ainsi que toutes les contradictions d’une façon parfaite et merveilleuse. Ainsi, même si Kåñëa est omniprésent, il est également localisé à un endroit, Bien qu’Il soit le Contrôleur absolu, Il désire être contrôlé. Ceci nous montre un aspect inconcevable de Dieu, lorsqu’il devient par exemple, dans le contexte de la Bhagavad-gétä, le cocher d’Ar-juna, il est contrôlé par l’amour de Son pur dévôt. Les descriptions que donne la littérature védique des relations qui existent dans le royaume de Dieu sont très développées. Elles présentent les êtres spirituels qui y vivent comme ayant un amour, une beauté et une douceur qui s’accroissent à cha-que instant au contact de Kåñëa. Nul besoin pour eux de chercher leur propre bonheur. Le contact avec Kåñëa fait que l’amour déborde naturellement de ces êtres, tout comme un océan grandissant dont les vagues procurent à l’être des émotions de plus en plus fortes et tou-jours nouvelles. Ils sont comme le réceptacle de Sa beauté, de Sa douceur et de Son amour. Leu seul désir toujours grandissant de ces êtres est d’apporter de la joie à Kåñëa, et le désir de Kåñëa est de donner satisfac-tion à Ses dévots. Dans ce monde, la recherche de la satisfac-tion personnelle n’a pas d’existence. Ils n’ont aucun manque en eux. Chacun se donne à l’autre et accroît, sans le chercher, son bonheur. Aussi ce monde est-il considéré comme infailli-ble.

dväv imau puruñau loke kñaraç cäkñara eva ca kñaraù sarväëi bhütäni küöa-stho ’kñara ucyate

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« Il y a deux sortes d’êtres, l’un faillible et l’autre infaillible. Dans le monde matériel, ils sont dits faillibles, alors que dans le monde spirituel, ils sont tous infaillibles. »

Bhagavad-gétä (15.16) Ce qui implique que dans le monde spirituel, il n’y a aucune trace d’envie, de convoitise, d’avidité, de colère, de folie et d’il-lusion matérielles. Ce monde est pur et sans tache. Seul prema, le pur amour règne sur toute chose. Tout est sous le contrôle de ce « prema » l’amour pur, et être contrôlé par lui est si agréable que même Dieu désire l’être. Alors que dans le monde matériel, aucune personne ne désire être contrôlée, car cela apporte beaucoup de souffrance. Nous rejetons le fait d’être sous une autorité et nous cherchons la liberté. Les êtres qui vivent dans le monde matériel sont donc d’une toute autre nature. Les Ecritures védiques les désignent sous le nom d’âmes conditionnées par la matière ou nitya-baddhas. Ces âmes proviennent d’une autre énergie du Seigneur qui s’appelle la jéva-çakti ou l’énergie marginale. Cette énergie mar-ginale trouve son origine à la frontière du monde matériel et spirituel, le monde spirituel constituant les trois quarts de la Création. Voici une description donnée par le Jaiva-dharma : « L’espace qui se trouve entre l’océan et la terre est appelé la rive. Mais le lieu qui touche l’océan n’est en réalité rien d’autre que la terre, donc où est la rive ? La rive marginale est la ligne de distinction séparant l’océan de la terre. Si nous comparons le royaume spirituel et le monde matériel, alors « taöa », la rive, est la ligne subtile qui divise les deux mondes. Et la jéva-çakti (l’énergie marginale composée par les âmes spirituelles) est située à l’endroit où les deux se rencontrent. » « L’âme a une forme éternelle qui est très subtile. Tout comme les différentes parties du corps grossier (les mains, les jambes,

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le nez, les yeux, ...) manifestent une belle forme, le corps spiri-tuel infinitésimal manifeste de la même façon une très belle forme spirituelle qui est composée de différentes parties.» Ces âmes spirituelles qui vivent sur ce plan sont sac-cid-änanda, constituées d’éternité, de connaissance et de félicité. Il n’y a pas une particule de matière en eux. « Etant situées dans ce lieu, ces âmes voient le monde spirituel d’un côté et l’uni-vers matériel créé par mäyä, l’énergie d’illusion, de l’autre. D’un côté, l’énergie spirituelle du Seigneur est illimitée, et de l’autre côté, l’énergie matérielle (mäyä-çakti) est aussi très puis-sante, et les innombrables âmes spirituelles sont situées entre elles deux.»

tasya vä etasya puruñasya dve eva sthäne bhävata idaà ca paraloka-sthänaà ca sandhyaà tåtéyaà

svapna-sthänam tasmin sandhye sthäne tiñöhan ete ubhe sthäne paçyati idaà ca paraloka-sthänaà ca

« L’âme spirituelle, la bénéficiaire, a la possibilité de résider en deux lieux – le monde matériel ou le royaume spirituel – qu’elle peut tous deux rechercher. Cependant, elle se trouve à la jonction de ces deux endroits, en un troisième royaume fait d’un état de rêve. De cette jonction, elle peut observer les mondes matériel et spirituel. » Båhad-äraëyaka Upaniñad (4.3.9)

« Les qualités de Kåñëa sont présentes en l’âme, mais seulement dans une quantité infime. Comme Dieu est suprêmement indé-pendant, le désir de l’être est éternellement présent en elle. » « Etant donné que ces âmes sont situées proche de l’énergie matérielle illusoire (mäyä-çakti), elles perçoivent son œuvre merveilleuse. » « Bien qu’elles aient ces qualités, elles sont très faibles à cause de leurs natures infime et marginale. Quelque-fois, elles deviennent enclines à regarder le monde spirituel, et

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quelquefois le monde matériel. » « Dans cette condition margi-nale, l’âme est affaiblie du fait qu’elle devient graduellement opposée à Kåñëa. » C’est cette opposition qui donne naissance dans le cœur de ces âmes, au désir de jouir de la matière.

naitad batädhéça padaà tavepsitaà yan mäyayä nas tanuñe bhüta-sükñmam

« O Seigneur, bien qu’en vérité tel ne soit pas Ton désir, Tu ma-nifestes par l’entremise de Ton énergie externe, cet univers matériel composé d’éléments grossiers et subtils pour combler le désir des entités vivantes. »

Çrémad-Bhägavatam (3.21.20) A partir de cet instant, l’âme tombe dans le monde matériel, et sa fonction éternelle devient pervertie par l’association avec l’énergie matérielle (mäyä). Elle devient alors recouverte par deux corps matériels. L’un d’eux est appelé le corps subtil et l’autre, le corps grossier. Le corps subtil est composé de men-tal, d’intelligence et de faux ego. Il forme une couche qui re-couvre les fonctions naturelles de l’âme qui est de penser, de choisir et d’être. En conséquence, un égoïsme différent émerge en l’âme par le biais du corps subtil. L’âme conditionnée se considère alors comme celle qui prend plaisir (le bénéficiaire), et non plus comme celle qui est manifestée afin de servir Dieu. Kåñëa est le Bénéficiaire Suprême. Or, dans cette nouvelle po-sition, l’âme désire s’approprier la position de Kåñëa. Quand celle-ci se combine avec l’identification de l’âme avec le corps grossier, une autre forme d’égoïsme est alors observée. Elle pense dans cette condition être un Français, un Américain, une femme, un homme, un dirigeant, ... A ce moment, cinq sortes de voile ou d’ignorance recouvrent la pure nature spirituelle infinitésimale de l’âme.

OBSERVANT LES DEUX ARMÉES

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1- tämisra : L’oubli de sa position constitutionnelle 2- andha-tämisra : Le fait de considérer la mort comme une fin ultime 3- tamas : Le fait de ne rien connaître à propos de la nature de l’âme 4- moha : L’identification illusoire avec le corps 5- mahä-moha : La folie pour le plaisir matériel A cause de cela, l’âme, pourtant de nature purement spiri-tuelle, se met à penser : « Je suis ce corps de matière » et « Tout cela est à moi ». L’âme conditionnée se prend alors pour le maî-tre de ce monde, et s’engage dans l’exploitation du monde ma-tériel. Elle devient contrôlée par l’envie, la convoitise, l’avidité, la colère, la folie et l’illusion matérielles.

yadätmänam avijïäya bhagavantaà paraà gurum puruñas tu viñajjeta guëeñu prakåteù sva-dåk

« L’être distinct possède un infime libre arbitre qui lui permet de choisir son bon ou son mauvais destin. Mais lorsqu’il tourne le dos au Maître Suprême, il se voit recouvert par les influences de l’énergie matérielle. »

Çrémad-Bhägavatam (4.29.27) Bien que ces âmes aient mal utilisé leur indépendance, celle-ci est un joyau précieux dans l’absence de laquelle les objets inertes sont insignifiants et sans valeur. Si l’âme n’avait pas re-çu cette indépendance, elle serait aussi sans valeur comme un objet matériel. Les âmes indépendantes sont des servantes bien aimées de Kå-ñëa, aussi est-Il bienveillant et compassionné à leur égard. Voyant leur infortune, leur condition actuelle et le mauvais em-ploi de leur indépendance, Kåñëa, le cœur fondant d’affection, apparaît dans le monde matériel pour leur enseigner comment

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revenir à Lui. La Bhagavad-gétä est cet enseignement plein d’a-mour et de compassion. Lorsque le Seigneur vient en ce monde pour enseigner la reli-gion éternelle de l’âme (sanätana-dharma), Il assume différents rôles. Parfois, Il manifeste Ses activités éternelles avec Ses asso-ciés, laissant leur amour Le dominer. D’autres fois, il prend la forme du Guru, du Maître spirituel suprême et choisit l’un de Ses associés pour instruire à travers lui, les âmes condition-nées, afin qu’elles puissent orienter leur libre arbitre d’une ma-nière à atteindre le royaume de Dieu. Arjuna est l’un des nombreux associés du Seigneur venus avec Lui. On les appelle techniquement « nitya-siddhas » ou « éternellement libérés », du fait qu’ils ne peuvent pas avoir de contact avec l’énergie matérielle, même quand ils viennent en ce monde. Ils ne sauraient connaître l’illusion de ce monde. Mais afin d’instruire les âmes conditionnées que nous sommes, Kåñëa voila intentionnellement Arjuna d’une illusion toute spi-rituelle (yoga-mäyä), afin qu’il puisse, pour un moment, rece-voir du Seigneur l’enseignement de la Bhagavad-gétä. C’est ce que nous allons voir par la suite. VERSETS 23 YaaeTSYaMaaNaaNave+ae_h& Ya WTae_}a SaMaaGaTaa" ) DaaTaRraí\SYa dubuRÖeYauRÖe iPa[Yaick-IzRv" )) 23 )) yotsyamänän avekñe ’haà ya ete ’tra samägatäù dhärtaräñörasya durbuddher yuddhe priya-cikérñavaù Je veux voir tous ces guerriers, les fils malveillants de Dhåtaräñöra, qui se sont assemblés en ces lieux.

OBSERVANT LES DEUX ARMÉES

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VERSETS 24-25 SaÅYa ovac WvMau¢-ae ôzqke-Xaae Gau@ake-XaeNa >aarTa ) SaeNaYaaeå>aYaaeMaRDYae SQaaPaiYaTva rQaaetaMaMa( )) 24 )) >aqZMad]ae<aPa[Mau%Ta" SaveRza& c Mahqi+aTaaMa( ) ovac PaaQaR PaXYaETaaNSaMaveTaaNku-æiNaiTa )) 25 )) saïjaya uväca evam ukto håñékeço guòäkeçena bhärata senayor ubhayor madhye sthäpayitvä rathottamam bhéñma-droëa-pramukhataù sarveñäà ca mahé-kñitäm uväca pärtha paçyaitän samavetän kurün iti Saïjaya dit : O descendant de Bharata, ayant ainsi été in-terpellé par Guòäkeça (Arjuna), le Seigneur Kåñëa (håñékeça), amena l’excellent char au milieu des deux armées en la présence de tous les rois et personnalités éminentes comme Bhéñma, Drona et les autres. Il dit alors : O fils de Påthä, contemple simplement cette as-semblée des Kurus. COMMENTAIRE Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura explique dans son com-mentaire sur la Bhagavad-gétä, que le nom « Guòäkeça » utilisé par Saïjaya pour appeler Arjuna signifie qu’il a vaincu le som-meil qui est synonyme d’ignorance. Or, l’ignorance se rapporte pour l’être vivant à l’oubli de sa position constitutionnelle en tant que serviteur de Kåñëa. En tant qu’âme éternellement libérée, Arjuna ne peut être tou-ché par les influences de l’énergie matérielle comme le som-meil, et oublier même pour un instant le Seigneur. Quoi qu’il fasse, il ne cesse d’avoir dans son esprit les noms, la forme, les

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attributs et les activités de Kåñëa. Les Ecritures védiques expliquent que Kåñëa est la Vérité Abso-lue, et qu’Il est connu en ce monde sous trois aspects :

vadanti tat tattva-vidas tattvaà yaj jïänam advayam brahmeti paramätmeti bhagavän iti çabdyate

« Les sages qui connaissent la Vérité qui est au-delà de toute dualité, La nomment Brahman, Paramätmä ou Bhagavän. »

Çrémad-Bhägavatam (1.2.11) Bhagavän est l’aspect personnel de Dieu, or bien qu’Unique, Kåñëa peut se manifester en d’innombrables formes. L’une de Ses formes est Mahä-Viñëu. Dans cet aspect, Il se manifeste comme le Créateur des univers matériels, puis Il entre en eux sous une autre forme appelée Garbhodakaçäyé Viñëu. Enfin, Il se manifeste en d’innombrables formes uniques en tant que Kñérodakaçäyé Viñëu appelé également Paramätmä ou l’Ame Suprême. Dans ces formes uniques, Kåñëa vient accompagner dans leur cœur, tous les êtres vivants en ce monde. Il est le Té-moin de toutes leurs activités. Il connaît les pensées de tous, dont celle d’Arjuna qui s’apprête à refuser le combat. Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura enseigne que le nom Håñé-keça qui est donné à Kåñëa indique qu’Il est le Contrôleur des sens. Mais dans ce contexte particulier, nous voyons Kåñëa être contrôlé par le pur amour qu’Arjuna a pour Lui et exécuter ses ordres. Les sentiments d’amour qu’échangent le Seigneur et Son dévot sont purement spirituels et pleins de douceur. Bien qu’un dé-vot essaie constamment de servir son Seigneur adorable, Celui-ci veut également toujours le servir. En fait, Kåñëa ressent plus de bonheur à servir Son dévot qu’à être servi. Aussi l’énergie spirituelle (yoga-mäyä) fait-elle en sorte qu’un dévot oublie parfois la position suprême de Dieu et pense être supérieur ou

OBSERVANT LES DEUX ARMÉES

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égal à Lui. Dans cette situation, l’amour de Dieu devient plus merveilleux, plus intime et nous voyons Arjuna donner des or-dres à Kåñëa, et Celui-ci les exécuter sans attendre. Une personne qui n’est pas un dévot du Seigneur peut avoir quelque mal à comprendre cette vérité. Mais celui qui l’est peut comprendre la puissance du pur service de dévotion of-fert à Kåñëa. Il est si puissant que le Seigneur Suprême peut être dominé par Son serviteur. Ceci ne signifie pas que Dieu est sous son emprise, mais qu’il est conquis par son service d’amour pur et inconditionnel. VERSET 26 Ta}aaPaXYaiTSQaTaaNPaaQaR" iPaTa›NaQa iPaTaaMahaNa( ) AacaYaaRNMaaTaul/aN>a]aTa›NPau}aaNPaaE}aaNSa%q„&STaQaa ) ìéuraNSauôdêEv SaeNaYaaeå>aYaaeriPa )) 26 )) taträpaçyat sthitän pärthaù pitèn atha pitämahän äcäryän mätulän bhrätèn puträn pauträn sakhéàs tathä çvaçurän suhådaç caiva senayor ubhayor api Là, au milieu des deux armées, Arjuna vit ses oncles pa-ternels, ses grands-pères, ses maîtres, ses oncles mater-nels, ses cousins, ses neveux, ses petits-fils, ses amis, ses beaux-pères et ses bienfaiteurs. COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, là, au milieu des deux armées, Arjuna vit ses oncles paternels, ses grand pères, ses maîtres, ses oncles maternels, ses cousins, ses neveux, ses petits fils, ses amis, ses beaux pères et ses bienfaiteurs.

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VERSET 27 TaaNSaMaq+Ya Sa k-aENTaeYa" SavaRNbNDaUNaviSQaTaaNa( ) k*-PaYaa ParYaaivíae ivzqdiàdMab]vqTa( )) 27 )) tän samékñya sa kaunteyaù sarvän bandhün avasthitän kåpayä parayäviñöo viñédann idam abravét Voyant tous ses amis et ses proches se tenant non loin de lui sur le champ de bataille, Arjuna, le fils de Kunté, se lamentant et submergé de compassion à leur égard, parla ainsi. COMMENTAIRE Généralement, lorsqu’une âme conditionnée par les corps ma-tériels emprunte la voie du service de dévotion en vue de re-tourner à Dieu, elle est stoppée dans cette entreprise, à cause des attachements liés aux corps, comme la famille, les biens matériels ... Ce qui la rend inapte à s’abandonner à Kåñëa. Comme nous avons vu antérieurement, Kåñëa vient en ce monde pour enseigner aux êtres vivants la voie pour revenir à Lui. Arjuna, Son très cher dévot, est dans Ses mains divines Son instrument en vue de les instruire. Aussi se retrouve-t-il par la volonté suprême dans cette situation. Face à ses proches et à leur souvenir, son attachement matériel pour eux s’éveille comme un nuage qui cache le soleil de la connaissance spiri-tuelle. Bien qu’il doive agir afin de satisfaire le Seigneur, il se retrouve incapable de le faire. L’illusion qui le recouvre lui fait perdre tout discernement spirituel. Aussi devient-il complète-ment confus, au point qu’il désire abandonner son service pour le Seigneur. Cette situation se retrouve à un stade plus ou moins similaire dans la vie d’un dévot du Seigneur. Tout être est un jour confronté à ces obstacles, car lorsque l’on s’engage dans le ser-

OBSERVANT LES DEUX ARMÉES

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vice du Seigneur, il y a une guerre qui se déclenche à l’inté-rieur de nous : d’un côté notre foi dans le service de dévotion et de l’autre nos attachements matériels. Dans le monde spirituel, il existe cinq sortes de relations entre Kåñëa et Ses dévots : çänta (neutralité), däsya (service), sakhya (amitié), vätsalya (parentale) et mädhurya (conjugale). Le monde matériel étant un reflet perverti de la réalité éternelle, l’âme conditionnée par la matière cherche à reproduire ces échanges, mais sans Dieu, à travers ses relations temporaires de ce monde. Or l’âme est faite pour être attachée et aimer Kå-ñëa. C’est inné en elle. Aussi reporte-t-elle naturellement à l’é-tat conditionné ces fonctions (d’aimer et d’être attachée) sur les êtres de ce monde, à travers cinq sortes d’échanges.

kathaà priyäyä anukampitäyäù saìgaà rahasyaà ruciräàç ca manträn

suhåtsu tat-sneha-sitaù çiçünäà kaläkñaräëäm anurakta-cittaù

puträn smaraàs tä duhitèr hådayyä bhrätèn svasèr vä pitarau ca dénau gåhän manojïoru-paricchadäàç ca våttéç ca kulyäù paçu-bhåtya-vargän

tyajeta koças-kåd ivehamänaù karmäëi lobhäd avitåpta-kämaù

aupasthya-jaihvaà bahu-manyamänaù kathaà virajyeta duranta-mohaù

« Comment un homme qui a une telle affection pour sa famille, revoyant constamment en son cœur l’image de ceux qu’il aime, pourrait-il y renoncer ? La femme, surtout, se montre bienveil-lante et toujours disposée envers son mari, en le satisfaisant intimement. Qui pourrait renoncer à une telle épouse si chère, toujours affectueuse et compatissante ? Les jeunes enfants eux s’expriment par des mots maladroits, très agréables à entendre,

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et plongent le père affectueux dans la pensée de ces doux ba-bils. Ses parents invalides, ainsi que ses fils et filles aînés lui sont également très chers, au point que lorsque l’une de ses filles va vivre chez son mari, il pense constamment à elle. De plus, le foyer est empli de nombreuses décorations et de biens tels que des meubles, il et y a aussi des animaux et des servi-teurs. Qui pourrait se détacher de tous ses liens et de tout ce confort ? Le chef de famille devient alors prisonnier de tous ces attachements, tout comme un ver à soie qui, en tissant un co-con, en devient prisonnier, sans possibilité de s’en échapper. Par la seule satisfaction de la langue et des organes génitaux, l’être est en proie à l’illusion. Comment pourrait-il s’en sortir ? »

Çrémad-Bhägavatam (7.6.11-13) L’être vivant empêtré dans les relations de ce monde devient plongé dans une telle illusion que l’influence de l’énergie ma-térielle lui fait croire que les liens temporaires de ce monde sont plus importants que le lien spirituel et éternel qui l’unit au Seigneur Suprême. Plus sa vie matérielle est fondée et plus il lui est difficile de s’en dépêtrer. Aussi, lorsque le moment est venu pour lui de s’abandonner à Dieu, afin de retourner à Sa demeure, refuse t-il, car il pense qu’en s’immergeant dans le service de dévotion, ses proches vont le rejeter et qu’il va manquer à son devoir moral et trahir les gens qu’il aime dans ce monde. Mais ces pensées ne sont dues qu’à l’ignorance qui le recouvre momentanément. Il ignore que toutes ces choses lui seront enlevées au moment de la mort.

yad yad dhäsyati loke ’smin samparetaà dhanädikam « Toutes les possessions et richesses matérielles sont enlevées à leur propriétaire au moment de la mort. »

Çrémad-Bhägavatam (8.20.6)

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Il semble qu’Arjuna soit plongé dans une telle conscience, par le désir de la Providence, en vue de nous apprendre à en sortir et de nous ramener à Sa demeure éternelle. VERSET 28 AJauRNa ovac d*îeMa& SvJaNa& k*-Z<a YauYauTSau& SaMauPaiSQaTaMa( ) SaqdiNTa MaMa Gaa}aai<a Mau%& c PairéuZYaiTa )) 28 )) arjuna uväca dåñövemaà sva-janaà kåñëa yuyutsuà samupasthitam sédanti mama gäträëi mukhaà ca pariçuñyati Arjuna dit : O Kåñëa, voyant tous mes parents ici assem-blés avec le désir de combattre, je sens les membres de mon corps s’affaiblir et ma bouche se dessécher. COMMENTAIRE Çréla Abhay Caraëäravinda Bhaktivedanta Svämé enseigne qu’une personne qui possède la pure dévotion pour Kåñëa possède naturellement toutes les qualités des saints. Aussi Ar-juna est-il saisi d’une grande compassion à l’égard des mem-bres de sa famille et de ses amis quand il les voit sur le champ de bataille, eux qui ont décidé de combattre les uns contre les autres. Des symptômes apparaissent alors sur son corps à cause de ses pensées et de sa tendresse de cœur. VERSET 29 vePaQauê Xarqre Mae raeMahzRê JaaYaTae ) Gaa<@qv& ó&SaTae hSTaatvKcEv PairdùTae )) 29 ))

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vepathuç ca çarére me roma-harñaç ca jäyate gäëòévaà sraàsate hastät tvak caiva paridahyate Mon corps tremble et mes poils se hérissent. Mon arc Gandiva glisse de ma main et ma peau me brûle. VERSET 30 Na c Xa¥-aeMYavSQaaTau& >a]MaTaqv c Mae MaNa" ) iNaiMataaiNa c PaXYaaiMa ivParqTaaiNa ke-Xav )) 30 )) na ca çaknomy avasthätuà bhramatéva ca me manaù nimittäni ca paçyämi viparétäni keçava O Kesava, je ne puis demeurer ici plus longtemps. Mon mental paraît chanceler et je n’aperçois que des signes funestes. VERSET 31 Na c é[eYaae_NauPaXYaaiMa hTva SvJaNaMaahve ) Na k-a¿e ivJaYa& k*-Z<a Na c raJYa& Sau%aiNa c )) 31 )) na ca çreyo ’nupaçyämi hatvä sva-janam ähave na käìkñe vijayaà kåñëa na ca räjyaà sukhäni ca O Kåñëa, je ne vois pas comment quelque chose de bon augure pourrait être engendré par le fait de tuer nos propres parents au cours du combat. Je ne désire pas non plus la victoire, ni le royaume, ni même le bonheur qui en découlent.

OBSERVANT LES DEUX ARMÉES

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VERSETS 32-34 ik&- Naae raJYaeNa GaaeivNd ik&- >aaeGaEJas„ivTaeNa va ) YaezaMaQaeR k-ax(i+aTa& Naae raJYa& >aaeGaa" Sau%aiNa c )) 32 )) Ta wMae_viSQaTaa YauÖe Pa[a<aa&STYa¤-a DaNaaiNa c ) AacaYaaR" iPaTar" Pau}aaSTaQaEv c iPaTaaMaha" )) 33 )) MaaTaul/a" ìéura" PaaE}aa" XYaal/a" SaMbiNDaNaSTaQaa ) WTaaà hNTauiMaC^aiMa ganTaae_iPa MaDauSaUdNa )) 34 )) kià no räjyena govinda kià bhogair jévitena vä yeñäm arthe käìkñitaà no räjyaà bhogäù sukhäni ca ta ime ’vasthitä yuddhe präëäàs tyaktvä dhanäni ca äcäryäù pitaraù puträs tathaiva ca pitämahäù mätuläù çvaçuräù pauträù çyäläù sambandhinas tathä etän na hantum icchämi ghnato ’pi madhusüdana O Govinda, de quelle utilité nous seraient un royaume, le plaisir ou la vie elle-même, quand ceux pour qui nous les désirons, maîtres, oncles, fils, grands-pères, oncles maternels, beaux-pères, petits-fils, beaux-frères et autres proches, se tiennent tous devant nous en rang de com-bat, prêts à abandonner leur vie et leurs richesses ? Ain-si, O Madhusudana, même s’ils me tuent, je ne désire pas les tuer. VERSET 35 AiPa }aEl/aeKYaraJYaSYa heTaae" ik&- Nau Mahqk*-Tae ) iNahTYa DaaTaRraí\aà" k-a Pa[qiTa" SYaaÂNaadRNa )) 35 )) api trailokya-räjyasya hetoù kià nu mahé-kåte nihatya dhärtaräñörän naù kä prétiù syäj janärdana

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O Janardana, Toi qui maintiens tous les êtres, si nous tuons les fils de Dhrtarastra, même en échange de la souveraineté sur les trois mondes, que dire de cette Terre, quelle satisfaction ceci nous apportera t-il ? VERSET 36 PaaPaMaevaé[YaedSMaaNhTvETaaNaaTaTaaiYaNa" ) TaSMaaàahaR vYa& hNTau& DaaTaRraí\aNSabaNDavaNa( ) SvJaNa& ih k-Qa& hTva Saui%Na" SYaaMa MaaDav )) 36 )) päpam eväçrayed asmän hatvaitän ätatäyinaù tasmän närhä vayaà hantuà dhärtaräñörän sa-bändhavän sva-janaà hi kathaà hatvä sukhinaù syäma mädhava O Madhava, Toi l’époux de la Déesse de la fortune, nous ne verrons que le péché s’abattre sur nous en tuant tous ces agresseurs. Il n’est donc pas convenable de tuer Du-ryodhana et nos autres proches. Comment pourrions-nous être heureux en tuant nos propres parents ? COMMENTAIRE Çréla Baladeva Vidyäbhüñaëa, dans son commentaire sur ce verset de la Bhagavad-gétä, cite le Vasiñöha-Småti (3.19) et le Manu Småti (8.350) :

Agnido garadaç caiva àsastra- päëir dhanäpahah Kñetra-däräpahäré ca ñaò ete hy ätatäyinaù

« Celui qui empoisonne une personne, qui incendie sa proprié-té, qui occupe sa terre, qui le dépouille de ses possessions, qui l’attaque avec des armes meurtrières et qui enlève sa femme,

OBSERVANT LES DEUX ARMÉES

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est considéré comme un agresseur »

ätatäyinam äyäntam hanyäd evävicärayan nätatäyi-vadhe doño hantur bhavati kaçcana

« Sans considération, on peut tuer un agresseur. Cet acte n’est pas considéré comme un péché. » Selon les lois védiques de l’artha-çästra (la science de l’écono-mie), tuer un agresseur n’est pas un péché. Bien que qu’il soit naturel qu’un homme ordinaire puisse se défendre, Arjuna re-fuse le combat. Etre de vertu, il préfère suivre les lois du dhar-ma-çästra (portions des Védas traitant des principes de la reli-gion), mä himsyät sarva-bhütäni, qui enjoignent de ne causer de peine à aucune entité vivante. Un saint homme doit égale-ment toujours accorder son pardon. Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura fait ressortir que si Arjuna emploie le mot péché afin de désigner le meurtre d’un tel agresseur, c’est parce que le dharma-çästra explique qu’en tuant des maîtres de la connaissance védique on s’implique dans une activité pécheresse. De plus, Arjuna pense qu’il ne retirera aucun plaisir matériel en faisant une telle action. C’est pourquoi il utilise les mots sva-janaà. Aussi semble-t-il préférable à Arjuna d’agir d’une manière paci-fique envers ses ennemis puisqu’il s’agit de sa propre famille et de ses amis. Quel avantage retirera-t-il de leur mort ? De plus, les plaisirs de la royauté ne sont que temporaires. Doit-il ris-quer sa vie pour un gain si petit ? Çréla Baladeva Vidyäbhüñaëa fait remarquer que si Arjuna ap-pelle ici Kåñëa par le nom de Mädhava ou l’Epoux de la Déesse de la fortune (la compagne éternelle de Dieu), c’est pour dire indirectement à Kåñëa qu’Il n’aurait pas dû l’enrôler dans cette guerre, puisqu’elle risque d’être la cause de son infortune. Toutes ces réflexions montrent qu’Arjuna rejette son devoir. Mais ce genre d’agissement ne convient pas dans ce type de

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situation, car il est du devoir d’Arjuna, en tant que protecteur du dharma et des êtres, de combattre et non d’agir en lâche. De plus, le Seigneur n’est jamais la cause d’infortune envers personne. Même si pour un instant nous ne comprenons pas la situation dans laquelle nous sommes, si nous acceptons les en-seignements de Kåñëa et si nous nous abandonnons à Sa vo-lonté, nous serons toujours victorieux. Une intelligence spé-ciale viendra en nous, et nous comprendrons alors que l’envi-ronnement qui nous a été attribué par Dieu est parfait pour no-tre développement spirituel. VERSETS 37-38 YaÛPYaeTae Na PaXYaiNTa l/ae>aaePahTaceTaSa" ) ku-l/+aYak*-Ta& daez& iMa}ad]aehe c PaaTak-Ma( )) 37 )) k-Qa& Na jeYaMaSMaai>a" PaaPaadSMaaiàviTaRTauMa( ) ku-l/+aYak*-Ta& daez& Pa[PaXYaiÙJaRNaadRNa )) 38 )) yady apy ete na paçyanti lobhopahata-cetasaù kula-kñaya-kåtaà doñaà mitra-drohe ca pätakam kathaà na jïeyam asmäbhiù päpäd asmän nivartitum kula-kñaya-kåtaà doñaà prapaçyadbhir janärdana O Janardana, Toi qui soutiens toutes les entités vivantes, l’intelligence de Duryodhana et des autres a été polluée par l’avidité d’obtenir le royaume. Ils sont ainsi incapa-bles de concevoir l’anarchie qui est engendrée par le fait de détruire la dynastie, ou le péché contracté par la tra-hison de leurs amis. Mais pourquoi nous, qui avons connaissance de cela, devrions-nous nous engager dans de tels actes malsains ?

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VERSET 39 ku-l/+aYae Pa[<aXYaiNTa ku-l/DaMaaR" SaNaaTaNaa" ) DaMaeR Naíe ku-l&/ k*-TòMaDaMaaeR_i>a>avTYauTa )) 39 )) kula-kñaye praëaçyanti kula-dharmäù sanätanäù dharme nañöe kulaà kåtsnam adharmo ’bhibhavaty uta Lorsqu’une dynastie est détruite, les anciennes tradi-tions religieuses de la famille, transmises de génération en génération par cette dynastie sont aussi détruites. Et lorsque sont détruits les principes de la religion (le dharma), la dynastie entière devient sous l’emprise de l’irréligion.

COMMENTAIRE A l’époque où fut énoncée la Bhagavad-gétä, la société était organisée selon le système du varëäçrama-dharma, c'est-à-dire divisée en quatre varëas (groupes sociaux) qui sont les bräh-maëas, les sages et les érudits, les kñatriyas, les administrateurs et les protecteurs, les vaiçyas, les agriculteurs et les commer-çants, et les çüdras, les ouvriers, les artisans et les artistes. Elle était également divisée en quatre äçramas qui forment quatre étapes dans la vie. Ces étapes sont le brahmacärya äçra-ma, les célibataires, le gåhastha äçrama, ceux qui sont engagés dans la vie de famille, le vänaprastha äçrama, ceux qui se déta-chent progressivement des liens familiaux, et le sannyäsé äçra-ma, les renonçants qui ont quitté la vie mondaine pour em-brasser totalement la vie spirituelle. En cet âge passé (Dväpara-yuga), contrairement à l’âge où nous vivons (le Kali-yuga), les êtres naissaient dans des famil-les d’un varëa (contexte social) particulier, avec des qualités bien précises qui sont déterminées dans le chapitre dix-huit. Tous avaient une possibilité égale tout au long de leur exis-

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tence de grandir en force et en sagesse. Ce système permettait à tous d’assimiler et de mettre en pratique des valeurs spirituel-les selon leurs tendances respectives. Ce qui rendait cette so-ciété unique, dans le sens où Dieu était le centre de toute chose. Chacun, avec ses propres dispositions, pouvaient déve-lopper l’amour pour Dieu et pour tous les êtres vivants. Aussi voyons-nous dans ce verset Arjuna faire remarquer à Kå-ñëa le risque de voir ce système s’arrêter si les anciens meurent dans cette guerre. En effet, c’est la responsabilité des anciens de transmettre les valeurs spirituelles et de veiller à ce qu’elles soient maintenues dans le futur afin que leur descendance et la société soient l’objet de la miséricorde du Seigneur. Leur mort risquerait d’engendrer l’interruption de ces pratiques et de faire basculer leurs descendants dans l’irréligion. VERSET 40 ADaMaaRi>a>avaTk*-Z<a Pa[duZYaiNTa ku-l/iñYa" ) ñqzu duíaSau vaZ<aeRYa JaaYaTae v<aRSaªr" )) 40 )) adharmäbhibhavät kåñëa praduñyanti kula-striyaù stréñu duñöäsu värñëeya jäyate varëa-saìkaraù O Kåñëa, lorsqu’une dynastie est sous l’emprise de l’irré-ligion, les femmes de cette dynastie deviennent dégra-dées ; O descendant de Våñëi, et lorsque les femmes de-viennent dégradées et perdent leur chasteté, naît une progéniture indésirable. COMMENTAIRE La concupiscence symbolise l’ignorance qui garde l’être pri-sonnier du monde matériel. Pour cela, les Védas appellent ce monde « maithunya-ägära » : les chaînes de la vie

OBSERVANT LES DEUX ARMÉES

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sexuelle. Tout comme un bandit dans la société est mis en pri-son, ceux qui enfreignent les lois divines doivent subir les chaînes de la vie sexuelle. Or, comme l’univers matériel est empli d’âmes qui rejettent l’autorité du Seigneur, ce monde se meut essentiellement par le désir qu’ont les âmes conditionnées de jouir de la vie sexuelle, cet attrait entre homme et femme. Ce qui implique que l’union charnelle rend prisonnière l’âme de la matière.

puàsaù striyä mithuné-bhävam etaà tayor mitho hådaya-granthim ähuù

ato gåha-kñetra-sutäpta-vittair janasya moho ’yam ahaà mameti

« L’existence matérielle est caractérisée par l’attrait entre mâle et femelle. Et c’est sur la base de cette fausse identification qui lie les cœurs de deux personnes que l’être développe une atti-rance pour son corps, son conjoint, ses enfants, son foyer, sa terre, sa famille et ses possessions et se trouve ainsi pris dans l’illusion, ne pensant plus qu’en terme de « je » et de « mien ».

Çrémad-Bhägavatam (5.5.8) Aussi la libération de cet asservissement était-elle la préoccu-pation première de la société védique. Pour cela, garçons et filles étaient instruits dans l’art de s’acquitter des devoirs spiri-tuels dès l’âge de cinq ans. Pendant ces années, l’étudiant rece-vait une formation qui lui permettait de comprendre la fatalité de la vie sexuelle et d’apprendre à contrôler les sens, en vue d’atteindre la réalisation spirituelle. La formation du garçon était le brahmacarya, et celle de la fille reposait sur la chasteté. Le garçon pouvait renoncer à la vie de famille. Toutefois, s’il ne pouvait contrôler ses pulsions sexuelles, il lui était alors permis de se marier avec une femme chaste. Le mariage védi-que est à l’origine une alliance sacrée qui a pour but d’unir

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deux âmes dans le sentier de la réalisation spirituelle. Epouse et mari formaient une combinaison parfaite pour atteindre ce but. Leur foyer avait pour centre le détachement de la vie sexuelle. Dans ce contexte, l’épouse représente la source de la libération pour son mari. En effet, aucun homme ordinaire ne peut échapper aux pulsions sexuelles. Or, celui qui a une bonne épouse se voit protéger par elle, et il devient sauvé des enne-mis que représentent les sens. Un homme qui a une bonne épouse ne trouble jamais l’ordre social en corrompant d’autres femmes, contrairement à celui qui est privé de ce refuge stable. Aussi les Védas enseignent-Ils que la pureté d’une population dépend de la chasteté des femmes. Si les femmes et les hommes s’écartent de ce principe fonda-mental, la paix, la prospérité et l’élévation spirituelle ne peu-vent plus être présents dans une société. Le Çrémad-Bhägavatam (7.12.9) enseigne que nanv agniù pramadä näma ghåta-kumbha-samaù pumän « La femme est comparée au feu, et l’homme à un pot empli de beurre. » Si l’on approche le pot de beurre du feu, le beurre fondra. Or, Si habile soit-il à contrôler ses sens, il est presque impossible pour un homme de maîtriser ses sens dans la compagnie d’une femme non chaste. De même, les Védas enseignent que la femme a cette faiblesse naturelle de pouvoir se laisser corrompre par les hommes. Le résultat de tels liens est qu’il fait perdre toutes les qualités de vertu à l’homme et à la femme qui s’y adonnent. satyaà çaucaà dayä maunaà buddhiù çrér hrér yaçaù kñamä

çamo damo bhagaç ceti yat-saìgäd yäti saìkñayam « Celui qui fréquente des femmes ou des hommes qui ont pour eux une passion excessive perd toutes les qualités comme la véracité, la propreté, la compassion, la gravité, l’intelligence spirituelle, la réserve, l’austérité, la renommée, la clémence, la

OBSERVANT LES DEUX ARMÉES

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maîtrise du mental et des sens, la bonne fortune et toutes cho-ses semblables. »

Çrémad-Bhägavatam (3.31.33) La particularité de l’être humain comparé aux animaux est qu’il est doté d’une conscience supérieure lui permettant de com-prendre sa relation avec Dieu. Or, lorsqu’il s’associe avec des hommes et des femmes dépourvus de conscience spirituelle, sa conscience graduellement devient complètement recouverte par la concupiscence, au point où il ne peut même plus com-prendre l’existence de Dieu. Ceci l’entraîne vers une cons-cience inférieure où, comme l’animal, il ne fait plus que man-ger, s’accoupler, se défendre et dormir. La Bhagavad-gétä (7.11) « dharmäviruddho bhüteñu kämo ’smi » précise que l’union charnelle qui n’enfreint pas les principes de la religion représente Kåñëa. Aussi, dans le cadre du ma-riage sacré, la vie sexuelle réglée est-elle permise afin d’engen-drer et d’éduquer de bons enfants capables d’atteindre la réali-sation spirituelle. Avant d’avoir des rapports sexuels, les Ecritures védiques pres-crivent que mari et femme doivent choisir une heure propice, avoir une bonne conscience, chanter un nombre précis de Saints Noms avant, être dans un endroit approprié, prier la mi-séricorde du Seigneur... C’est la conscience avec laquelle les enfants sont engendrés qui fera que de bons enfants vertueux naîtront. Si au contraire, mari et femme négligent les préceptes scriptu-raires, de cette union charnelle ne naîtront que des enfants dont la conscience est atrophiée. Ceci peut être à un point tel que la plus basse conscience humaine est très proche de la conscience animale. Elle ne permet pas de saisir la réalité de l’existence d’un Être Suprême et de suivre Ses commande-ments. Ce qui s’ensuit est l’effondrement d’une société cons-ciente de Dieu, par le fait qu’une population sans conscience

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voit graduellement le jour. Une telle population ne vit plus que pour le plaisir des sens, l’exploitation de l’environnement. La civilisation basée sur l’harmonie avec Dieu, les hommes, les animaux, tous les autres êtres vivants et notre mère la Terre est alors détruite. VERSET 41 Saªrae Nark-aYaEv ku-l/ganaNaa& ku-l/SYa c ) PaTaiNTa iPaTarae ùeza& lu/áiPa<@aedk-i§-Yaa" )) 41 )) saìkaro narakäyaiva kula-ghnänäà kulasya ca patanti pitaro hy eñäà lupta-piëòodaka-kriyäù Une telle progéniture indésirable assujettit certainement la famille et ceux qui détruisent la dynastie à des condi-tions de vie infernales. En vérité, leurs ancêtres, privés d’oblations de nourriture et d’eau sanctifiées, doivent aussi subir le même destin. VERSET 42 daezEreTaE" ku-l/ganaNaa& v<aRSaªrk-arkE-" ) oTSaaÛNTae JaaiTaDaMaaR" ku-l/DaMaaRê XaaìTaa" )) 42 )) doñair etaiù kula-ghnänäà varëa-saìkara-kärakaiù utsädyante jäti-dharmäù kula-dharmäç ca çäçvatäù Dû aux actes malsains de ces destructeurs de la dynastie qui donnent ainsi naissance à une descendance indési-rable, les principes religieux de l’enseignement suivant

OBSERVANT LES DEUX ARMÉES

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l’éternelle tradition familiale plonge dans l’oubli. VERSET 43 oTSaàku-l/DaMaaR<aa& MaNauZYaa<aa& JaNaadRNa ) Narke- iNaYaTa& vaSaae >avTaqTYaNauéué[uMa )) 43 )) utsanna-kula-dharmäëäà manuñyäëäà janärdana narake niyataà väso bhavatéty anuçuçruma O Janardana, toi qui soutiens tous les êtres, j’ai entendu dire que ceux qui abolissent les principes religieux de leur dynastie souffrent en enfer pour un temps ilimité. COMMENTAIRE Les Védas sont divisés en trois sections dont celle du karma-käëòa qui traite des bienfaits matériels. Ils prescrivent aux membres de la famille d’un défunt de lui offrir régulièrement des offrandes. En effet, après qu’une personne ait quitté son corps, si elle a accompli dans sa vie de mauvaises activités, il est possible qu’elle souffre de leurs conséquences, au point qu’elle n’ait obtenu aucun corps physique et qu’elle erre à l’é-tat d’esprit, ou encore qu’elle renaisse sur une planète infer-nale. En lui offrant de la nourriture d’abord offerte à Kåñëa, on lui permet d’échapper à cette condition et d’atteindre une bonne destination future. En effet, le Seigneur accompagne tous les êtres en tant que l’Ame Suprême présente en leur cœur. C’est Lui qui transmet et permet d’intervenir envers chacun. La nourriture qui Lui est offerte porte le nom de prasäda qui veut dire miséricorde. Elle est considérée, lorsqu’elle entre au contact de Kåñëa, ne plus être matérielle, mais spirituelle. Le fait d’en offrir revient à libé-rer une personne de ses activités passées et lui donne d’attein-

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dre dans sa prochaine existence un corps humain et de com-mencer à s’engager dans le service de dévotion. Notons qu’un pur dévot du Seigneur n’a pas à se plier à cette règle, par la seule puissance de ses activités dévotionnelles, il peut délivrer des milliers d’ancêtres. VERSET 44 Ahae bTa MahTPaaPa& k-Tau| VYaviSaTaa vYaMa( ) Yad]aJYaSau%l/ae>aeNa hNTau& SvJaNaMauÛTaa" )) 44 )) aho bata mahat päpaà kartuà vyavasitä vayam yad räjya-sukha-lobhena hantuà sva-janam udyatäù Hélas ! Combien il est étonnant que nous soyons déter-minés à nous engager dans cet immense péché. Conduits par l’avidité pour le bonheur royal, nous som-mes préparés à tuer nos propres parents. VERSET 45 Yaid MaaMaPa[Taqk-arMaXañ& XañPaa<aYa" ) DaaTaRraí\a r<ae hNYauSTaNMae +aeMaTar& >aveTa( )) 45 )) yadi mäm apratékäram açastraà çastra-päëayaù dhärtaräñörä raëe hanyus tan me kñemataraà bhavet Même si les fils de Dhrtarastra, pourvus de nombreuses armes, devaient me tuer, désarmé et n’opposant aucune résistance, cela serait de meilleur augure pour moi.

OBSERVANT LES DEUX ARMÉES

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VERSET 46 SaÅYa ovac WvMau¤-aJauRNa" Sa&:Yae rQaaePaSQa oPaaivXaTa( ) ivSa*JYa SaXar& caPa& Xaaek-Sa&ivGanMaaNaSa" )) 46 )) saïjaya uväca evam uktvärjunaù saìkhye rathopastha upäviçat visåjya sa-çaraà cäpaà çoka-saàvigna-mänasaù Sanjaya dit : Ayant ainsi prononcé ces paroles au milieu du champ de bataille, Arjuna, son mental distrait par la lamentation, s’assit sur le chariot et déposa son arc et ses flèches. Ainsi s’achève le premier chapitre de la Bhagavad-gétä.

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CHAPITRE DEUX

SÄNKHYA YOGA

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VERSET 1 SaÅYa ovac Ta& TaQaa k*-PaYaaivíMaé[uPaU<aaRku-le/+a<aMa( ) ivzqdNTaiMad& vaKYaMauvac MaDauSaUdNa" )) 1 )) saïjaya uväca taà tathä kåpayäviñöam açru-pürëäkulekñaëam viñédantam idaà väkyam uväca madhusüdanaù Saïjaya dit : Çré Madhusüdana, Kåñëa, s’adresse alors à Arjuna qui est plongé dans une profonde tristesse et une grande compassion, et dont les yeux sont emplis de larmes.

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COMMENTAIRE Çréla Baladeva Vidyäbhüñaëa nous enseigne que l’emploi du nom Madhusüdana, dans ce verset, signifie qu’Arjuna désire voir Kåñëa, qui jadis détruisit un démon du nom de Madhu, anéantir sa confusion qui est semblable à un démon. Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, dans ce chapitre, le Seigneur Kåñëa dépeint les symptômes des personnes libérées. Il dissipe les ténèbres causées par la lamentation et l’illusion, en donnant d’abord la sagesse qui permet de discriminer entre la matière et l’esprit. VERSET 2 é[q>aGavaNauvac ku-TaSTva k-XMal/iMad& ivzMae SaMauPaiSQaTaMa( ) ANaaYaRJauíMaSvGYaRMak-IiTaRk-rMaJauRNa )) 2 )) çré-bhagavän uväca çré-bhagavän uväca kutas tvä kaçmalam idaà viñame samupasthitam anärya-juñöam asvargyam akérti-karam arjuna Le Seigneur Suprême dit : O Arjuna, pourquoi as-tu suc-combé à une telle illusion, à un moment si crucial ? Ces lamentations sont tout à fait indignes d’un homme connaissant les valeurs de la vie. Par elles, tu ne pourras ni accroître ta réputation, ni atteindre les planètes supé-rieures. COMMENTAIRE Tout au long de la Bhagavad-gétä, Kåñëa sera appelé Bhaga-vän. D’après le Viñëu Puräëa (6.5.74), ce terme se réfère aux six caractéristiques infinies dont est dotée la Vérité Absolue.

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aiçvaryasya samagrasya véryasya yaçasaù çriyaù jïäna-vairägyayoç caiva ñaëëäà bhaga itéìganä

« L’Etre suprême est doté de six qualités inconcevables : la ri-chesse, la puissance, la renommée, la beauté, la connaissance et le renoncement. Pour cela, on lui donne le nom de Bhaga-vän ». Bien que le Seigneur possède des qualités en nombre illimité et aux puissances infinies, toutes peuvent se regrouper dans Ses six attributs principaux. L’âme infinitésimale, parce qu’elle est une particule spirituelle, possède, elle aussi, ces qualités en proportion infime, mais seul l’Etre qui possède toutes ces per-fections à la fois et de façon illimitée, peut être tenu pour Dieu, ou « Bhagavän ». Kåñëa, dans ce verset, commence à instruire Arjuna en lui expliquant qu’une personne véritable éclairée (äryan), qui place la réalisation spirituelle au coeur de sa vie et de la société, ne peut avoir un discours contaminé par des conceptions matérielles. La véritable compassion ne saurait se reporter au corps qui est semblable à un vêtement, mais à l’âme. VERSET 3 ©E-BYa& Maa SMa GaMa" PaaQaR NaETatvYYauPaPaÛTae ) +aud]& ôdYadaEbRLYa& TYa¤-aeitaï ParNTaPa )) 3 )) klaibyaà mä sma gamaù pärtha naitat tvayy upapadyate kñudraà hådaya-daurbalyaà tyaktvottiñöha parantapa O fils de Påthä, ne cède pas à une telle lâcheté, qui ne te sied guère. Rejette cette insignifiante faiblesse de cœur,

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et lève-toi pour combattre, O Parantapa, grand héros. COMMENTAIRE Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura fait ressortir que le mot « klaibyam » employé ici dans ce verset, signifie que l’attitude d’Arjuna va à l’encontre de sa nature. C’est un acte d’impuis-sance sous la forme de la lâcheté. Or, Kåñëa ne veut pas qu’Ar-juna se comporte comme un lâche. Bien qu’Arjuna puisse ar-gumenter par le fait que son acte relève de la compassion qu’il éprouve envers les fils de Dhåtaräñöra, sa prétendue non-violence et sa magnanimité ne sont approuvées par aucune autorité. Aussi Kåñëa dit-il « kñudraà ». Ce qui indique que ceci n’est pas de la discrimination, ni de la compassion, mais de la lamentation et de l’illusion. Toutes deux révèlent la faiblesse du mental d’Arjuna. Aussi Kåñëa lui dit-il : « O Parantapa, aban-donne cette faiblesse de cœur et lève-toi pour combattre. « Para » se réfère aux ennemis et « tapa » à l’acte de les châtier. VERSET 4 AJauRNa ovac k-Qa& >aqZMaMah& Sa&:Yae d]ae<a& c MaDauSaUdNa ) wzui>a" Pa[iTaYaaeTSYaaiMa PaUJaahaRvirSaUdNa )) 4 )) arjuna uväca kathaà bhéñmam ahaà saìkhye droëaà ca madhusüdana iñubhiù pratiyotsyämi püjärhäv arisüdana Arjuna dit : O Madhusüdana, vainqueur du démon Madhu ! O Arisüdana, vainqueur des ennemis ! Comment pourrais-je combattre avec des flèches mon aïeul Bhésma, et Droëäcärya, qui sont mes supérieurs et qui sont dignes de mon respect et de ma vénération ?

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VERSET 5 GauæNahTva ih MahaNau>aavaNa( é[eYaae >aae¢u-& >aE+YaMaPaqh l/aeke- ) hTvaQaRk-aMaa&STau GauæiNahEv >auÅqYa >aaeGaaNåiDarPa[idGDaaNa( )) 5 )) gurün ahatvä hi mahänubhävän çreyo bhoktuà bhaikñyam apéha loke hatvärtha-kämäàs tu gurün ihaiva bhuïjéya bhogän rudhira-pradigdhän Il serait préférable pour moi de maintenir ma vie en mendiant plutôt que de tuer ces grandes personnalités qui sont mes maîtres. Même s’ils sont motivés par l’ob-tention d’un gain matériel, ils demeurent mes supé-rieurs. Leur mort entacherait de leur sang tous les plai-sirs que je pourrais atteindre en ce monde. COMMENTAIRE Dans la société védique, un maître spirituel est toujours digne d’adoration. Même s’il se comporte avec nous de façon dure, on ne devrait jamais lui répondre ou lui manquer de respect. Aussi comment Arjuna pourrait-il lutter contre eux ? Est-ce que Kåñëa Lui-même s’opposerait à Sändépani Muni qui joua le rôle de Son maître spirituel ? Or, l’argument d’Arjuna n’est pas approprié dans cette situation. D’après les Ecritures, un maître spirituel doit être rejeté s’il se comporte d’une façon vile ou s’il perd tout discernement.

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VERSET 6 Na cETaiÜÚ" k-Taràae GarqYaae YaÜa JaYaeMa Yaid va Naae JaYaeYau" ) YaaNaev hTva Na iJaJaqivzaMa‚ STae_viSQaTaa" Pa[Mau%e DaaTaRraí\a" )) 6 )) na caitad vidmaù kataran no garéyo yad vä jayema yadi vä no jayeyuù yän eva hatvä na jijéviñämas te ’vasthitäù pramukhe dhärtaräñöräù Je reste incapable de décider ce qui est le mieux pour nous, les vaincre ou être par eux vaincu. Leur mort nous ôterait le désir de vivre. Cependant ils se sont ran-gés du côté de Dhåtaräñöra et se tiennent désormais de-vant nous sur le champ de bataille. VERSET 7 k-aPaR<YadaezaePahTaSv>aav" Pa*C^aiMa Tva& DaMaRSaMMaU!ceTaa" ) YaC^\eYa" SYaaiàiêTa& b]Uih TaNMae iXaZYaSTae_h& XaaiDa Maa& Tva& Pa[PaàMa( )) 7 )) kärpaëya-doñopahata-svabhävaù påcchämi tväà dharma-sammüòha-cetäù yac chreyaù syän niçcitaà brühi tan me çiñyas te ’haà çädhi mäà tväà prapannam Etant devenu accablé par la faiblesse de cœur, je suis de-venu confus en ce qui concerne la manière de détermi-

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ner mon devoir. Je T’implore donc de bien vouloir me dire ce qui est véritablement de bon augure pour moi. Je suis à présent Ton disciple et m’abandonne à Toi. Ins-truis-moi s’il te plaît. COMMENTAIRE Nous voyons ici Arjuna avouer à Kåñëa que l’affection pour les membres de sa famille et son désir de les protéger, sont à l’origine de sa confusion. Bien qu’il connaisse la vérité, cette faiblesse de coeur l’empêche d’agir en accord avec celle-ci. Aussi demande-t-il à Kåñëa de l’aider à dépasser cette illusion. A cette fin, il Lui demande de changer de relation. Il désire devenir Son disciple et mettre un terme à leur relation d’amitié. Kåñëa, en tant que Dieu, est le Maître spirituel originel. C’est Lui qui est à l’origine de la connaissance. Aussi est-Il, lorsqu’Il vient en ce monde à intervalles réguliers, le premier à énoncer la science de la Bhagavad-gétä, et Arjuna le premier disciple d’une filiation spirituelle authentique à le recevoir. Or, lorsque Kåñëa voit une personne qui sincèrement désire revenir en Sa demeure éternelle, Il lui envoie le représentant de la filiation spirituelle, le maître spirituel, afin de l’aider à ré- soudre ses problèmes. Seul un maître spirituel peut nous permettre de sortir de l’illusion. Comme pour Arjuna, le savoir, l’érudition, la position ne nous seront d’aucune aide pour ré- soudre le problème de l’existence. En conséquence, on ne doit jamais considérer le maître spirituel comme un être humain ordinaire, mais comme le représentant de Dieu. En tant que tel, un pur dévot ne donne jamais un savoir faux à son disciple mais l’instruit d’une connaissance parfaite, comme lui-même la reçut de son propre maître spirituel.

yasya säkñäd bhagavati jïäna-dépa-prade gurau martyäsad-dhéù çrutaà tasya sarvaà kuïjara-çaucavat

« Puisse qu’il nous éclaire grâce à la connaissance spirituelle,

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on doit considérer que le maître spirituel est directement le Seigneur. Tout est vain, pour celui qui persiste à le voir comme un être ordinaire. Sa connaissance et son illumination sont semblables au bain d’un éléphant. »

Çrémad-Bhägavatam (7.15.26) Ce qui implique qu’une relation entre maître et disciple est toujours fondée sur un échange de propos sérieux. Pour qui désire réussir dans la vie spirituelle, la clef du succès est de satisfaire un maître spirituel, afin d’obtenir ses bénédictions. Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura enseigne sur ce sujet :

yasya prasädäd bhagavat-prasädo yasyäprasädän na gatiù kuto ’pi

dhyäyan stuvaàs tasya yaças tri-sandhyaà vande guroù çré-caraëäravindam

« Seule par la miséricorde du maître spirituel on peut recevoir la miséricorde de Kåñëa, et sans sa grâce nul ne peut faire le moindre progrès. Aussi toujours je me souviens de lui, médite sur ses gloires au moins trois fois chaque jour et offre avec grand respect mon hommage à ses pieds pareils-au-lotus. »

Çré Gurv-añöaka (8) Lorsque le disciple a assez progressé, Kåñëa instruit Lui-même un tel pur dévot dans son cœur. De cette manière, Kåñëa l’aide de l’extérieur à travers Son représentant et de l’intérieur en lui donnant des instructions afin qu’il retourne au monde spiri-tuel. Sans avoir cette connexion avec un représentant du Sei-gneur et recevoir de lui des instructions spirituelles, on ne sau-rait faire les premiers pas dans une vie spirituelle authentique.

äcäryera mata yei, sei mata sära täìra äjïä laìghi’ cale, sei ta’ asära

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« L’instruction du maître spirituel représente dans la vie spiri-tuelle, le principe actif. Aussi celui qui ne la respecte pas perd-il immédiatement toute valeur. »

Çré Caitanya-caritämåta (1.12.10) Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, dans ce verset, nous voyons Arjuna ne plus vouloir réfuter avec fierté les argu-ments du Seigneur, ce qui empêchait Kåñëa de l’instruire. Il désire abandonner sa lâcheté et son mauvais comportement et admet qu’il est confus. Il désire maintenant être guidé sur ce qui est bon pour lui. Aussi a-t-il l’intention d’agir en disciple et de ne plus réfuter les enseignements du Seigneur par des pa-roles non appropriées. VERSET 8 Na ih Pa[PaXYaaiMa MaMaaPaNauÛa‚ ÛC^aek-MauC^aez<aiMaiNd]Yaa<aaMa( ) AvaPYa >aUMaavSaPaÒMa*Ö& raJYa& Saura<aaMaiPa caiDaPaTYaMa( )) 8 )) na hi prapaçyämi mamäpanudyäd yac chokam ucchoñaëam indriyäëäm aväpya bhümäv asapatnam åddhaà räjyaà suräëäm api cädhipatyam Ce qui pourrait chasser cette lamentation qui prive mes sens de toutes facultés, je ne le vois pas. Même si nous atteignons un royaume prospère et sans égal sur la Terre ainsi que la souveraineté sur les demi-dieux, je ne pourrais être apaisé.

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VERSET 9 SaÅYa ovac WvMau¤-a ôzqke-Xa& Gau@ake-Xa" ParNTaPa" ) Na YaaeTSYa wiTa GaaeivNdMau¤-a TaUZ<aq& b>aUv h )) 9 )) saïjaya uväca evam uktvä håñékeçaà guòäkeçaù parantapaù na yotsya iti govindam uktvä tüñëéà babhüva ha Saïjaya dit : Après avoir dit ces paroles, Guòäkeça (Arjuna le vainqueur des ennemis) dit à Kåñëa, « O Govinda, je ne combattrai pas. » Puis il resta silencieux. VERSET 10 TaMauvac ôzqke-Xa" Pa[hSaiàv >aarTa SaeNaYaaeå>aYaaeMaRDYae ivzqdNTaiMad& vc" )) 10 )) tam uväca håñékeçaù prahasann iva bhärata senayor ubhayor madhye viñédantam idaà vacaù O descendant de Bharata (Dhåtaräñöra), à ce moment, Håñékeça, Çré Kåñëa, souriant au milieu des deux armées, dit les paroles suivantes à Arjuna qui était accablé par la lamentation. COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, les mots « senayor ubhayor madhye » indiquent que la lamentation d’Arjuna, les instructions et les assurances que lui donna le Seigneur Suprême, furent également perceptibles aux deux armées. En

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d’autres mots, ce message de la Bhagavad-gétä fut manifesté devant tous ceux qui étaient présents. Il ne fut gardé secret pour personne. VERSET 11 é[q>aGavaNauvac AXaaeCYaaNaNvXaaecSTv& Pa[javada&ê >aazSae ) GaTaaSaUNaGaTaaSaU&ê NaaNauXaaeciNTa Pai<@Taa" )) 11 )) çré-bhagavän uväca açocyän anvaçocas tvaà prajïä-vädäàç ca bhäñase gatäsün agatäsüàç ca nänuçocanti paëòitäù Le Seigneur Suprême dit : Bien que tu prononces des pa-roles de sagesse, tu te lamentes pour des choses qui n’en valent pas la peine. Ceux qui sont sages ne se la-mentent ni pour les vivants ni pour les morts. COMMENTAIRE Lorsqu’Arjuna demanda à Kåñëa de devenir Son maître spiri-tuel, Celui-ci en assuma tout de suite le rôle. En conséquence, il commença par le réprimander. En effet, le rôle du maître spi-rituel est de corriger son disciple, afin que celui-ci puisse pro-gresser et dépasser les obstacles qu’il rencontre dans la voie qui mène au monde spirituel. Un véritable disciple ne voit ja-mais les réprimandes du maître spirituel comme mauvaises, mais comme un bien ultime. Aussi Kåñëa le traite t-il indirecte-ment d’ignorant, car bien qu’Arjuna parle comme un érudit, un véritable sage qui connaît la nature du corps et de l’âme ne se lamente pas sur l’enveloppe corporelle, qu’elle soit habitée ou abandonnée par l’âme.

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Dans ce verset, Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura explique que Kåñëa corrige les arguments d’Arjuna qui défendaient la supériorité des sections des Védas traitant du savoir spirituel sur les sections traitant du développement économique. Kåñëa enseigne que la plus haute connaissance traite de la connais-sance de la matière, de l’âme et du Seigneur Suprême. Aussi devrait-il délaisser un savoir inférieur pour accepter une connaissance supérieure afin de sortir de l’illusion. De la même manière, une personne intelligente qui entre en contact avec le savoir de la Bhagavad-gétä doit délaisser tout savoir inférieur qu’elle a acquis pour atteindre le pur savoir spirituel. VERSET 12 NaTvevah& JaaTau NaaSa& Na Tv& NaeMae JaNaaiDaPaa" ) Na cEv Na>aivZYaaMa" SaveR vYaMaTa" ParMa( )) 12 )) na tv evähaà jätu näsaà na tvaà neme janädhipäù na caiva na bhaviñyämaù sarve vayam ataù param Jamais ne fut le temps où Moi, toi et tous ces rois nous n’existions pas, et jamais dans le futur aucun de nous ne cessera d’exister. COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, Kåñëa qui est l’Ame Suprême enseigne dans ce verset qu’il est faux de croire qu’Il n’existait pas dans le passé, ni qu’Il n’existera pas dans le futur. Il en est de même pour Arjuna, l’associé éternel du Seigneur, et pour toutes les âmes qui ont revêtu des conditions tempo-raires en ce monde. Ainsi, il est prouvé ici, que Kåñëa, l’Ame Suprême, et les âmes sont indestructibles et éternelles. En expliquant ce point philosophique, Kåñëa réfute la philoso-phie mäyäväda qui prédomine actuellement dans la spiritualité

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indienne. Cette philosophie fut énoncée par Çrépäda Çaìkarä-cärya. Elle rejette le véritable sens des Védas lorsque Kåñëa dit «vedaiç ca sarvair aham eva vedyo » le but des Védas est de Me connaître, qui implique « aham » ou « Je », soit l’aspect person-nel de Dieu ou Kåñëa. Au lieu de cela, elle interprète le vérita-ble sens de la Bhagavad-gétä en disant que la Vérité Absolue est dénuée de forme, qu’Elle est dépourvue de personnalité. L’un des nombreux points de la philosophie mäyäväda est que, bien qu’elle reconnaisse que la Vérité Absolue, le Brah-man, soit l’origine de toute chose, elle n’admet pas que Celle-ci possède des énergies distinctes afin que s’accomplisse à tra-vers elle la Création. Pourtant la Çvetäçvatara Upaniñad (6.8) et la Éça Upaniñad (8) affirment tout le contraire :

na tasya käryaà karaëaà ca vidyate na tat-samaç cäbhyadhikaç ca dåçyate paräsya çaktir vividhaiva çrüyate sväbhäviké jïäna-bala-kriyä ca

« Le Seigneur est unique et sans second, Il n’est tenu d’accom-plir aucun acte par Lui-même, et Ses sens n’ont rien de maté-riel. Personne ne Lui est supérieur ou égal. Il possède des puissances infinies qui l’habitent comme autant d’attributs au-tonomes de Sa personne et dont procèdent Son savoir, Sa puissance et Ses divertissements parfaits. »

sa paryagäc chukram akäyam avraëam asnäviraà çuddham apäpa-viddham kavir manéñé paribhüù svayambhür yäthätathyato’rthän vyadadhäc chäçvatébhyaù samäbhyaù

« Le Seigneur Suprême est omniprésent et suprêmement pur. Il n’a pas de forme matérielle, mais possède une forme transcen-dantale, éternelle, pleine de connaissance et de félicité. Ce

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corps n’a pas de veines, ni de pores, et il est au-delà de toute désignation matérielle. Il est le sage et le poète originels. Il est omniscient et Il apparaît par Son propre désir. Il est situé sur la plus haute plateforme et contrôle toute chose par Sa puissance inconcevable. Il maintient toute chose pour l’éternité et en-gage tous les êtres vivants selon leurs qualités. » Selon cette philosophie, Dieu, le Brahman, devient fractionné en minuscules parcelles, ou âmes spirituelles, lorsqu’Il est re-couvert par mäyä, l’énergie matérielle. Mais comment mäyä qui est une énergie, pourrait-elle approcher Dieu, le Brahman Suprême, si l’énergie est supposée ne pas exister ? Si nous acceptons que Dieu, le Tout complet, possède des énergies, comment pourrait-Il être recouvert par mäyä (l’énergie matérielle) qui est elle-même Son énergie ? Si nous disons que l’Absolu est illusionné, nous disons dans un sens qu’Il n’est pas vraiment l’Absolu, que l’illusion est un élément indépendant de Lui et qu’Il est en conséquence insignifiant. Or, dans la Bhagavad-Gétä (9.10), Kåñëa réfute cet argument en expliquant que Son énergie est sous Son contrôle « mayädhyakñeëa prakåtiù » De plus, le Vedänta-sütra qui est la conclusion des Védas, nous enseigne que toute la manifestation cosmique résulte de la transformation de diverses énergies du Seigneur, que tout émane de Lui (janmädy asya yataù) et non que l’Absolu de-vient Lui-même cette transformation, car s’Il subissait une transformation, Il cesserait automatiquement d’être le Tout complet.

oà pürëam adaù pürëam idaà pürëät pürëam udacyate pürëasya pürëam ädäya pürëam evävaçiñyate

« Dieu est parfait et complet, et Sa perfection étant totale, tout ce qui émane de Sa Personne, comme le monde phénoménal, est aussi complet en lui-même. Et parce qu’Il est le Tout Com-

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plet, bien que d’innombrables unités complètes en elles-mêmes émanent de lui, Il demeure toujours et éternellement tout aussi complet ». Sré Éçopaniñad (invocation) Ceci dément de façon évidente la conception que l’Absolu ne possède pas d’énergies distinctes de Lui-même et que c’est Lui-même qui se transforme ou se fragmente et qui est recou-vert par l’énergie matérielle. Conception qui n’a en réalité pour but que de vouloir soutenir la fausse croyance que l’identité individuelle des êtres vivants et celle de l’univers matériel ne sont qu’illusoires, et que lorsque cette illusion est dispersée, l’être réalise qu’il est Dieu ou « Brahman ». Le Seigneur n’a pas besoin de se diviser pour accomplir la création matérielle ou spirituelle. Il n’est pas non plus possible que Sa création devienne indépendante de Lui, au point qu’elle puisse Le surpasser. Bien que tout émane de Lui, Il reste néanmoins éternellement le Tout Complet et ne diminue jamais. Tout demeure éternellement infime en comparaison à Lui, et est à jamais sous Son contrôle, comme le confirme Lui-même le Seigneur dans la Bhagavad-gétä (7.7) :

mattaù parataraà nänyat kiïcid asti dhanaïjaya mayi sarvam idaà protaà sütre maëi-gaëä iva

« [Le Seigneur Kåñëa dit :] O Arjuna, il n’y a rien qui Me soit su-périeur ou même égal, la totalité de cette création repose sur Moi, comme des joyaux enfilés sur un fil. » VERSET 13 deihNaae_iSMaNYaQaa dehe k-aEMaar& YaaEvNa& Jara ) TaQaa dehaNTarPa[aiáDasrSTa}a Na MauùiTa )) 13 ))

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dehino ’smin yathä dehe kaumäraà yauvanaà jarä tathä dehäntara-präptir dhéras tatra na muhyati Tout comme l’âme qui se trouve dans ce corps passe de l’enfance à la jeunesse puis à la vieillesse, à l’instant de la mort, l’âme obtient un nouveau corps. Une personne intelligente n’est pas déroutée par de telles transformations. COMMENTAIRE Dans ce verset, Kåñëa utilise le mot « dhéra» pour désigner une personne qui a une connaissance parfaite de la nature de l’âme infinitésimale et de l’Ame Suprême, ainsi que des énergies du Seigneur. Selon Çréla Bhaktivinoda Öhäkura, cette connaissance s’éveille en l’être lorsqu’il se tourne vers Kåñëa d’une façon favorable. En effet, l’énergie matérielle qui plonge les âmes dans l’illusion de se croire un produit de la matière, agit de deux façons. Tant que l’âme est opposée à Kåñëa, elle le recouvre d’ignorance, alors que quand l’âme devient favorable à Kåñëa, elle la libère de cette ignorance, en lui dévoilant graduellement la connais-sance spirituelle. Une telle personne ne saurait être illusionnée lorsqu’elle voit son corps changer à chaque instant, passant de l’enfance à la jeunesse, puis à la veillesse. Non plus, qu’elle ne saurait être illusionnée par les liens qui unissent les gens en ce monde (parent, frère, soeur, mari, femme, enfant, ...etc). Kåñëa fait remarquer à Arjuna qu’il devrait adopter une autre vision et voir les êtres avec une juste compréhension spirituelle. En d’autres termes, il devrait arrêter de s’apitoyer sur la mort de Bhéñma et de Droëa, car ces lamentations ne sont dirigées que vers leur corps temporaire et non vers leur être véritable qui est éternel.

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VERSET 14 Maa}aaSPaXaaRSTau k-aENTaeYa XaqTaaeZ<aSau%du"%da" ) AaGaMaaPaaiYaNaae_iNaTYaaSTaa&iSTaiTa+aSv >aarTa )) 14 )) mäträ-sparçäs tu kaunteya çétoñëa-sukha-duùkha-däù ägamäpäyino ’nityäs täàs titikñasva bhärata O fils de Kunté, quand les sens entrent en contact avec les objets des sens, les sensations de la fraîcheur, de la chaleur, du bonheur et du malheur sont expérimentées. Il te faut apprendre à les tolérer, car de telles expériences sont temporaires. Elles apparaissent puis disparaissent. VERSET 15 Ya& ih Na VYaQaYaNTYaeTae Pauåz& PauåzzR>a ) SaMadu"%Sau%& Daqr& Saae_Ma*TaTvaYa k-LPaTae )) 15 )) yaà hi na vyathayanty ete puruñaà puruñarñabha sama-duùkha-sukhaà dhéraà so ’måtatväya kalpate O meilleur des hommes, celui qui perçoit comme identique le bonheur comme le malheur, et qui reste impertubable en leur présence, est certainement qualifié pour atteindre la libération. COMMENTAIRE La Bhagavad-gétä (10.8) enseigne que tout émane de Kåñëa. Tout est Dieu manifesté sous la forme de ses diverses énergies.

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Comme l’enseigne la Chändogya Upaniñad (6.2.1) « ekam evädvitéyaà brahma», rien n’existe à part Lui. En toute chose, le Seigneur agit comme le consentant suprême. Il est omnipré-sent, omnipotent et omniscient. Il connaît tout de notre passé, de notre présent et de notre avenir. Il sanctionne les actes de chacun et donne les conséquences. En effet, tant que les âmes conditionnées désirent agir indé-pendamment de Dieu, leurs actes peuvent être de deux natu-res, soit pieux, soit impies. Ce sont les réactions de ces actes qui leur donnent de connaître les joies et les peines de ce monde. Lorsque la vie semble leur sourire, cela indique qu’el-les récoltent et diminuent les fruits de leurs actes de piété, et lorsqu’elles souffrent, elles récoltent et diminuent les fruits de leurs actes coupables. Mais les âmes conditionnées qui sont opposées à Kåñëa sont déroutées par ces revers de la vie. Pour les contrecarrer, elles effectuent différentes activités. Aussi peinent-elles ardemment pour gagner de l’argent, afin de se vêtir et d’échapper au froid, d’avoir un abri pour être en sécurité et de se procurer différen-tes nourritures pour assouvir la faim et la soif. Puis elles se ma-rient pour assouvir leurs désirs sexuels et travaillent davantage pour maintenir et combler les désirs de leur famille et de leurs enfants. Ceux qui sont opposées à leur famille deviennent leurs ennemis, ceux qui sont favorables, leurs amis... Or, tant que l’âme conditionnée désire minimiser ses souffran-ces et augmenter son bonheur, elle doit se rendre coupable d’activités répréhensibles, car pour cela elle doit se battre, tri-cher, voler, envier des êtres, mentir et accomplir encore d’au-tres écarts de conduite. Toutes ces activités ayant pour but de soulager sa souffrance et de combler ses désirs, que l’on ap-pelle la lutte pour l’existence, ne font en vérité que gâcher un précieux temps qu’elle aurait pu utiliser pour s’abandonner à Kåñëa, car personne n’a le pouvoir d’éviter, ni de diminuer les fruits de ses actes passés, à moins de s’abandonner à Lui. Celui qui doit être riche verra la richesse se présenter à lui sans ef-

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forts, et celui qui doit être pauvre, même s’il travaille comme un forcené, ne pourra que difficilement se maintenir. Seul Kå-ñëa peut enlever de tels fruits et libérer l’âme conditionnée de sa position précaire dans le monde matériel. Ceux qui s’abandonnent graduellement à Lui, par Sa grâce, peuvent comprendre ces lois divines et voir Dieu dans n’im-porte quelle circonstance, car l’origine du bon et du mauvais est Kåñëa. Ils voient les réactions de leurs actes diminuer en proportion de leur abandon, jusqu’à en devenir complètement libérés. Un être qui devient un véritable dévot de Dieu est toujours humble devant son Seigneur. S’il rencontre des situations défa-vorables, il accepte de les subir en comprenant que ces réac-tions viennent de ses fautes passées. Aussi jamais n’accuse-t-il le Seigneur d’être la cause de sa détresse, car il comprend qu’il est le seul responsable de celle-ci. Au contraire, il voit toujours Sa faveur. Il comprend qu’il aurait dû souffrir bien plus pour ses méfaits passés, qu’il ne reçoit qu’une infime réaction et que celle-ci a pour effet de lui faire prendre toujours plus refuge en Kåñëa. Pour celui en qui s’est développé cette attitude, le mal-heur n’est plus présent que par le nom, car elle lui permet d’é-chapper à l’existence matérielle. Dans ses moments de bon-heur, il voit la même miséricorde du Seigneur et se considère indigne de celle-ci. Aussi est-il toujours satisfait de la condition que Kåñëa lui donne et continue-t-il inlassablement à Le servir avec amour et dévotion. Celui qui agit avec cet état d’esprit à l’assurance d’atteindre la demeure du Seigneur.

tat te ’nukampäà susamékñamäëo bhuïjäna evätma-kåtaà vipäkam

håd-väg-vapurbhir vidadhan namas te jéveta yo mukti-pade sa däya-bhäk

« Une personne qui recherche la compassion du Seigneur en se consacrant constamment à Son service de dévotion (que

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cela soit en pensées, en paroles ou en actes), qui tolère, afin de l’obtenir, toutes les suites de ses actions passées, en Lui of-frant toujours ses respects, est digne d’atteindre la libération. »

Çrémad-Bhägavatam (10.14.8)

VERSET 16 NaaSaTaae ivÛTae >aavae Naa>aavae ivÛTae SaTa" ) o>aYaaeriPa d*íae_NTaSTvNaYaaeSTatvdiXaRi>a" )) 16 )) näsato vidyate bhävo näbhävo vidyate sataù ubhayor api dåñöo ’ntas tv anayos tattva-darçibhiù Ce qui est temporaire (comme le corps) n’a pas d’existence durable, et ce qui est éternel (comme l’âme) n’a pas de destruction. Ceux qui voient la vérité ont atteint cette conclusion, après avoir analysé ces sujets. COMMENTAIRE Une âme conditionnée par la matière ne peut par elle-même réaliser que le contact avec la chaleur, le froid et les sensations de douleur, de bonheur qu’elle expérimente à travers le corps grossier et subtil n’est pas lié à sa condition éternelle, mais à sa condition temporaire. Que dire qu’elle puisse imaginer la réali-té éternelle de l’immortalité de l’âme et de son lien avec Dieu. Le Seigneur Kåñëa indique que seules les âmes qui ont réalisé la Vérité absolue le peuvent. Pour ces âmes réalisées, l’âme spirituelle n’est pas sujette aux changements que subit le corps grossier et le corps subtil. La matière se manifeste, se trans-forme et disparaît (asat), le spirituel lui est immuable et éternel (sat). Telle est la différence entre la matière et le spirituel. Aussi, selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, le Seigneur énonce-t-il ces paroles pour ceux qui n’ont pas encore atteint

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cette discrimination. Selon les déclarations des Textes védiques, l’âme n’a pas véritablement une relation avec le corps subtil et le corps grossier, ni avec la lamentation et l’illusion qui sont manifestées simplement à cause de l’ignorance. Sachant que la lamentation et l’illusion liées à l’identification au corps n’existent pas avec l’âme qui est éternelle, comment Bhéñma et les autres pourraient-ils être tués, et pourquoi Arju-na devrait-il se lamenter sur ce qui n’est pas ? VERSET 17 AivNaaiXa Tau TaiÜiÖ YaeNa SavRiMad& TaTaMa( ) ivNaaXaMaVYaYaSYaaSYa Na k-iêTk-TauRMahRiTa )) 17 )) avinäçi tu tad viddhi yena sarvam idaà tatam vinäçam avyayasyäsya na kaçcit kartum arhati Sache que ce qui anime le corps tout entier est indestrutible. Personne ne peut détruire l’âme impérissable. VERSET 18 ANTavNTa wMae deha iNaTYaSYaae¢-a" Xarqir<a" ) ANaaiXaNaae_Pa[MaeYaSYa TaSMaaÛuDYaSv >aarTa )) 18 )) antavanta ime dehä nityasyoktäù çarériëaù anäçino ’prameyasya tasmäd yudhyasva bhärata L’âme est éternelle, indestructible et sans mesure. Seuls

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les corps matériels qui la recouvrent sont périssables. Cela étant, ô descendant de Bhärata, combats. COMMENTAIRE La Bhagavad-gétä (7.5) enseigne que l’ensemble des âmes spi-rituelles constitue une énergie du Seigneur appelée jéva-çakti ou l’énergie marginale.

apareyam itas tv anyäà prakåtià viddhi me paräm jéva-bhütäà mahä-bäho yayedaà dhäryate jagat

« O Arjuna puissant héros, sache que Mon énergie matérielle est inférieure. Il existe une autre de Mes puissances connue sous le nom jévä-çakti qui est supérieure. Les âmes spirituelles qui acceptent le monde matériel afin de jouir des fruits de l’ac-tion la constituent. » La perfection de Kåñëa est telle que toute Sa création est par-faite et complète. Ce que nous confirme l’invocation de la Sré Éçopaniñad :

oà pürëam adaù pürëam idaà pürëät pürëam udacyate pürëasya pürëam ädäya pürëam evävaçiñyate

« Dieu est parfait et complet, et Sa perfection étant totale, tout ce qui émane de Sa Personne, comme le monde phénoménal, est aussi complet en lui-même. Et parce qu’Il est le Tout Com-plet, bien que d’innombrables unités complètes en elles-mêmes émanent de lui, Il demeure toujours et éternellement tout aussi complet ». Aussi trouve t-on en l’âme les même perfections qu’en Dieu.

éçvaraù paramaù kåñëaù sac-cid-änanda-vigrahaù « Çré Kåñëa est le Seigneur Suprême originel. Son corps spirituel

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jouit d’une éternité, d’une connaissance et d’une félicité illimi-tées»

Brahma-saàhitä (5.1)

Les âmes sont donc d’une constitution purement spirituelle, soit sac-cit-änanda ou faites d’éternité, de connaissance et de félicité spirituelles. Sa nature est détaillée dans le Jaiva-dharma : « L’âme a une forme éternelle qui est très subtile. Tout comme les différentes parties du corps grossier (les mains, les jambes, le nez, les yeux...) manifestent une belle forme, le corps spiri-tuel infinitésimal manifeste de la même façon une très belle forme spirituelle qui est composée de différentes parties spiri-tuelles. » Il y a donc une évidence de non-différence (bheda) entre la nature purement spirituelle de l’âme et de la Personnalité Su-prême de Kåñëa. Cette vérité est expliquée comme ceci dans le Jaiva-dharma : « Dieu est l’incarnation de la connaissance, du connaissant et du bénéficiaire. Il est la source de toutes les autres manifesta-tions. Il possède Ses propres désirs, et Il est le connaissant de tous les champs d’action. L’âme est également de cette nature. Elle est dotée de la quali-té « aham » (elle ressent qu’elle est une personne) « je suis ». Elle est celle qui prend plaisir, celle qui pense et celle qui comprend, sauf qu’elle n’est que le connaissant de son propre champ d’action. » De ce point de vue, il n’y a pas de distinction. Cependant, Kå-ñëa est tout puissant. Il est la source illimitée de toute chose, alors que l’âme possède un tant soit peu les qualités du Sei-gneur à un degré infime. Kåñëa est le Contrôleur Suprême, l’âme est contrôlée par Lui. Kåñëa est indépendant, l’âme est

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dépendante de Lui. Kåñëa est tout puissant, l’âme est insigni-fiante. Kåñëa est le contrôleur de Ses énergies, et l’âme est sous le contrôle de Ses énergies. » Bien qu’il existe une unité (bheda) entre Kåñëa (l’Ame Su-prême) et l’âme, c’est la différenciation (abheda) qui prime en-tre eux. Cette vérité (tattva) est dite inconcevable (acintya). On l’appelle pour cela acintya-bhedäbheda-tattva ou l’inconceva-ble différence et non-différence. L’âme est par conséquent éternelle, indestructible et impérissa-ble. Seulement, lorsqu’elle se détourne de Dieu, l’âme infinité-simale devient conditionnée par l’énergie matérielle incom-mensurable du Seigneur. Sa forme spirituelle devient alors re-couverte par deux corps matériels. L’un deux est appelé le corps subtil, et l’autre le corps grossier. Les éléments matériels dont sont composés les corps matériels ont toujours une durée de vie limitée. Ils sont donc périssa-bles, comparés à l’âme qui est éternelle. Ils sont destructibles alors que l’âme ne l’est pas. L’influence de l’âme s’étend dans le corps tout entier. Elle est notre vrai soi. Sans conscience, le corps n’est simplement qu’un élément inerte, et aucun procédé matériel n’a le pouvoir de le ranimer. Par conséquence, la conscience vient de l’âme et non de la matière. Il est dit dans les Textes védiques que l’âme spirituelle est de taille infinitésimale, plus petite encore que les atomes matériels.

bälägra-çata-bhägasya çatadhä kalpitasya ca bhägo jévaù sa vijïeya iti cäha parä çrutiù

« Pour trouver la mesure de l’âme, il faut diviser en cent parties la pointe d’un cheveu, puis encore en cent parties l’une de ces parties. »

Çvetäçvatara Upaniñad (5.9)

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LE YOGA À TRAVERS LE PRINCIPE DE L’ANALYSE 95

L’âme est le principe vital du corps qui est perceptible sous la forme de la conscience. La Muëòaka Upaniñad (3.1.9) et la Ñaö-praçné-çruti la situe dans le cœur, nous aidant à comprendre pourquoi l’énergie nécessaire à faire fonctionner l’organisme provient du cœur :

hådi hy eña ätmeti

« L’âme est dans le cœur. »

eño ’ëur ätmä cetasä veditavyo yasmin präëaù païcadhä saàviveça präëaiç cittaà sarvam otaà prajänäà yasmin viçuddhe vibhavaty eña ätmä

« L’âme de taille infinitésimale, sise dans le cœur, dispense son énergie dans tout le corps. Elle est portée par les cinq airs (präëa, apäna, vyäna, samäna et udäna). Lorsqu’elle est puri-fiée des cinq sortes d’air qui la recouvrent, elle dévoile sa puis-sance spirituelle. Elle peut être perçue par celui qui a une in-telligence parfaite.» Dans son commentaire sur ce verset, Çréla Viçvanätha Cakra-varté Öhäkura déclare que l’âme, bien qu’infinitésimale et si-tuée dans un endroit du corps, est capable de pénétrer la tota-lité de celui-ci. Aussi, bien que nous ne puissions percevoir l’âme à l’état conditionnée, pouvons-nous comprendre son existence pas le biais de la conscience. Ce qui implique que ce qui manifeste la vie dans le corps est la présence de l’âme. Pa-ralèllement, tout ce qui est sans vie démontre la non-présence de l’âme. Or, l’influence de l’illusion matérielle est si subtile et si puis-sante qu’elle plonge l’âme dans l’identification avec le corps, au point qu’elle se prend à croire qu’elle est ce corps, et que

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c’est celui-ci qui lui permet d’être et de ressentir toutes les émotions. Mais en vérité, c’est à travers l’âme que nous pou-vons ressentir les plaisirs et les souffrances. Son champ d’action se limite à un corps. Un être est incapable de ressentir les joies et les souffrances expérimentées dans les autres corps. Ce qui implique que chaque corps est habité par une âme spirituelle (distincte des autres âmes) qui est percep-tible à travers la conscience. VERSET 19 Ya WNa& veita hNTaar& YaêENa& MaNYaTae hTaMa( ) o>aaE TaaE Na ivJaaNaqTaae NaaYa& hiNTa Na hNYaTae )) 19 )) ya enaà vetti hantäraà yaç cainaà manyate hatam ubhau tau na vijänéto näyaà hanti na hanyate Ignorant celui qui pense que l’âme peut devenir un meurtrier ou une victime. L’âme ne tue, ni n’est jamais tuée par quiconque. COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, le Seigneur Su-prême enseigne à Ajuna dans ce verset qu’il est une âme spiri-tuelle. Aussi, parce que l’âme transcende ce monde matériel, n'est-elle jamais l'auteur ni le bénéficiaire d’une action en ce monde. Une personne qui émet l’idée qu’il est possible de tuer l’âme a forcément des lacunes en connaissance sur la Vérité spirituelle. L'âme étant d'une nature éternelle ne peut jamais être détruite par quoi que ce soit. Elle ne peut non plus jamais détruire quoi que ce soit.

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LE YOGA À TRAVERS LE PRINCIPE DE L’ANALYSE 97

VERSET 20 Na JaaYaTae iMa]YaTae va k-daic‚ àaYa& >aUTva >aivTaa va Na >aUYa" ) AJaae iNaTYa" XaaìTaae_Ya& Paura<aae Na hNYaTae hNYaMaaNae Xarqre )) 20 )) na jäyate mriyate vä kadäcin näyaà bhütvä bhavitä vä na bhüyaù ajo nityaù çäçvato ’yaà puräëo na hanyate hanyamäne çarére L’âme ne naît ni ne meurt. Elle n’a jamais été créée et ne le sera jamais. Elle ne subit pas d’évolution. Elle est non née, éternelle, impérissable. Bien qu’originelle, elle demeure éternellement jeune. Quand le corps est détruit, l’âme ne l’est pas. COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, le Seigneur a énoncé ce verset pour établir l’éternité de l’âme. Par les mots « na jäyate mriyate » Il explique que jamais il n’y eut un temps où l’âme naquit. Tout comme jamais elle ne mourra. Et par les mots « näyaà bhütvä bhavitä » Il indique qu’il n’y a pas de naissance, ni de mort pour l’âme dans le passé et dans le futur. Par le mot « aja » Il établit que l’âme existait également dans le passé. Le mot « çäçvata » désigne ce qui a toujours existé, et ce qui existera toujours, ce qui n’est pas détruit dans le passé, dans le présent et dans le futur. C’est pourquoi on dit l’âme non née, immortelle, éternelle, et originelle. Elle n’est pas sujette au temps matériel, comme le passé, le présent et le futur, ce temps étant sujet à un début et

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à une fin. On ne peut donc retrouver dans le temps la création de l’âme. Si cependant, parce que l’âme existe depuis une longue pé-riode, on émettait le doute qu’elle pourrait être atteinte par la vieillesse, le Seigneur détruit cette idée par le mot « puräëa », bien qu’elle soit originelle, elle est éternellement jeune et libre des six sortes de tranformation (la naissance, la croissance, le maintien, la reproduction, le déclin et la mort). Si quelqu’un posait alors la question : Est-ce que l’âme ne meurt pas, même de façon figurée au moment de la mort ? » Le Seigneur à nouveau démonte cet argument en expliquant que l’âme n’a pas de relation éternelle avec le corps. Çréla Rämänujäcärya explique que pendant son existence le corps traverse des étapes naturelles comme la naissance, le vieillissement et la mort. Ceux-ci n’ont aucune influence sur l’âme. De même, l’âme n’étant pas sujette à une naissance, à un vieillissement et à une mort, l’expérience corporelle n'a au-cun effet sur elle. On peut prendre l’exemple d’un vieil homme : celui-ci se sent intérieurement identique à l’époque où il était un jeune homme ou un enfant, l’âme n’est pas su-jette à tous ces changements. VERSET 21 vedaivNaaiXaNa& iNaTYa& Ya WNaMaJaMaVYaYaMa( ) k-Qa& Sa Pauåz" PaaQaR k&- gaaTaYaiTa hiNTa k-Ma( )) 21 )) vedävinäçinaà nityaà ya enam ajam avyayam kathaà sa puruñaù pärtha kaà ghätayati hanti kam O Partha, comment une personne qui sait que l’âme est éternelle, non née, immuable et indestructible, pourrait-elle tuer ou être la cause de la mort de quiconque ?

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COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, en énonçant ce verset, le Seigneur enseigne à Arjuna que celui qui possède cette connaissance ne peut être jugé coupable de commettre un acte pécheur, même après avoir été engagé dans cette bataille. De même, le Seigneur ne saurait être jugé coupable d’avoir engagé Arjuna dans celle-ci. Les mots «avinäçinaà” indestructible, « nityam » éternelle, « ajam » non née, « avyayam » inmuable utilisés dans ce verset démontrent que l’âme ne peut être amoindrie par des actes de destruction. VERSET 22 vaSaa&iSa Jaq<aaRiNa YaQaa ivhaYa NavaiNa Ga*õaiTa Narae_Parai<a ) TaQaa Xarqrai<a ivhaYa Jaq<aaR‚ NYaNYaaiNa Sa&YaaiTa NavaiNa dehq )) 22 )) väsäàsi jérëäni yathä vihäya naväni gåhëäti naro ’paräëi tathä çaréräëi vihäya jérëäny anyäni saàyäti naväni dehé Tout comme une personne se défait d’un vieil habit usé pour en revêtir un neuf, l’âme abandonne l’ancien corps inutile pour en accepter un nouveau. COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, le Seigneur ensei-gne à Arjuna que lorsque l’âme doit abandonner un corps usé, elle en reçoit un autre selon ses activités passées. Ceci n’est seulement possible que par la grâce du Seigneur. En effet, les Védas nous expliquent qu’une distinction éternelle existe en-tre le monde spirituel et le monde matériel : c’est que le Sei-

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gneur Kåñëa n’est pas visuellement présent aux âmes rebelles habitant le monde matériel puisque celles-ci, au contraire, dé-sirent leur indépendance. Toutefois, dans Sa miséricorde, Il ne les délaisse pas pour autant. Il vient habiter le cœur même de chaque être vivant en tant que l’Ame Suprême ou Paramätmä, Son émanation plénière située dans le cœur de chaque être vivant. En effet, bien que les âmes infinitésimales possèdent des qua-lités semblables à Kåñëa, elles sont infimes et donc incapables d’agir sans Son aide. Kåñëa vient pour cette raison les accom-pagner, tout comme un ami, afin de leur permettre d’assouvir leur désir d’indépendance.

aëor aëéyän mahato mahéyän ätmäsya jantor nihito guhäyäm

tam akratuù paçyati véta-çoko dhätuù prasädän mahimänam ätmanaù

« L’Etre Suprême dans Sa forme de Paramätmä et l’âme dis-tincte se trouvent tous deux sur un même arbre, le corps maté-riel, et ils habitent ainsi ensemble dans le cœur de l’être vi-vant.»

Kaöha Upaniñad (1.2.20) La Çvetäçvatara Upaniñad compare ces deux âmes à deux oi-seaux perchés sur un même arbre (le corps). L’un deux, est l’Ame Suprême, alors que l’autre, l’âme infinitésimale. L’âme infinitésimale est celle qui est captivée par les fruits de l’arbre (les fruits de l’action) et qui les mange, alors que l’Ame Su-prême est celle qui observe Son amie en train de manger. Bien qu’ils habitent tous deux le même arbre, l’un est l’observateur et le Maître alors que l’autre est l’agissant et le serviteur. Selon Çréla Abhay Caraëäravinda Bhaktivedanta Svämé, c’est l’oubli de cette relation qui fait que l’âme infinitésimale doit

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voler d’arbre en arbre, et changer de corps afin de continuer à être indépendante de Dieu. Ce dur combat que connaît l’âme infinitésimale pour vivre, peut être arrêté en un instant si elle se tourne vers son Maître. Tout comme Arjuna l’a fait en se tournant vers le Seigneur Kåñëa.

samäne våkñe puruño nimagno ’néçayä çocati muhyamänaù

juñöaà yadä paçyaty anyam éçam asya mahimänam iti véta-çokaù

« Bien que vivant sur un même arbre, seul l’un des deux oi-seaux (l’âme spirituelle) goûte à ses fruits et sombre ainsi dans la détresse. Mais si l’âme spirituelle en vient à se tourner vers le Seigneur qui vit dans son cœur et à réaliser Ses gloires, tou-tes ses souffrances disparaissent alors automatiquement. »

Çvetäçvatara Upaniñad (4.7)

VERSET 23 NaENa& i^NdiNTa Xañai<a NaENa& dhiTa Paavk-" ) Na cENa& ©e-dYaNTYaaPaae Na XaaezYaiTa MaaåTa" )) 23 )) nainaà chindanti çasträëi nainaà dahati pävakaù na cainaà kledayanty äpo na çoñayati märutaù Aucune arme ne pourra jamais transpercer l’âme, ni le feu la brûler, ni l’eau la mouiller, ni le vent la dessécher. COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, le Seigneur enseigne à Arjuna qu’aucune arme qu’elle soit faite d’acier

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comme une épée, qu’elle soit une balle de fusil, ou une arme produisant du feu comme la bombe atomique, ou encore une arme produisant de l’eau ou du vent, ne peut détruire l’âme. Ce qui fait apparaître, selon Çréla Abhay Caraëäravinda Bhaktivedanta Svämé, qu’il existait à cette époque des armes à feu, mais encore d’autres à base de terre, d’eau, d’air et d’éther. Par exemple, contre une arme à feu, on utilisait une arme à eau. VERSET 24-25 AC^eÛae_YaMadaùae_YaMa©e-Ûae_XaaeZYa Wv c ) iNaTYa" SavRGaTa" SQaa<aurcl/ae_Ya& SaNaaTaNa" )) 24 )) AVYa¢-ae_YaMaicNTYaae_YaMaivk-aYaaeR_YaMauCYaTae ) TaSMaadev& ividTvENa& NaaNauXaaeicTauMahRiSa )) 25 )) acchedyo ’yam adähyo ’yam akledyo ’çoñya eva ca nityaù sarva-gataù sthäëur acalo ’yaà sanätanaù avyakto ’yam acintyo ’yam avikäryo ’yam ucyate tasmäd evaà viditvainaà nänuçocitum arhasi L’âme est indivisible, insoluble et ne peut être brûlée, ni desséchée. Elle est immortelle, partout présente, permanente, inébranlable et éternellement la même. L’âme est imperceptible, inconcevable et immuable. Sachant qu’elle est ainsi faite, tu n’as donc plus de raison de t’attrister COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, toutes les répéti-tions de mots employés dans ces versets pour décrire la nature

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éternelle de l’âme, ont pour but de retirer tous les doutes de ceux qui ne sont pas certains de ces vérités. Telle est l’utilisa-tion des répétitions qui ont pour unique but de confirmer l’é-ternité de sa nature. Dans ce verset, les mots « sarva-gataù » ou « qui pénètre toute chose » indiquent qu’à cause de ses propres actions, l’âme transmigre à travers toutes les espèces de vie. Ce qui révèle que l’âme est partout présente dans la Création, que ce soit sur terre, dans le feu, l’eau, l’air et sous terre. L’âme revêt différents corps adaptés à l’environnement des planètes de l’univers. Les mots « sthäëuù » permanente et « acalaù » immuable (ou encore « acchedya » indivisible, « akledyaù » insoluble) ont été répétés afin de donner une conception claire de la nature stable de l’âme. Ce qui prouve de façon définitive qu’elle ne peut jamais perdre son individualité. Elle ne peut être modifiée d’aucune façon. Aussi, la théorie moniste qui tend à faire croire que l’âme perd son individualité lorsqu’elle atteint la libération, se trouve-t-elle ici réfutée une fois de plus. L’âme est également appelée « avyaktaù » imperceptible, car l’âme est très subtile. Ce qui sous-entend, selon Rämänujäcärya, qu’elle est totalement transcendantale à l’existence matérielle, en conséquence, elle ne peut pas être examinée par des objets qui possèdent des qualités matérielles comme un microscope. Elle est également appelée « avikäryaù » immuable, car elle est libre des six transformations (comme la naissance) qui sont perçues pendant la durée de l’existence Aussi est-elle « acintyaù » ou inconcevable car elle ne peut être perçue de façon expérimentale par le mental, l’intelligence et les sens matériels. De plus, elle pénètre la totalité du corps en tant que conscience. Ce qui implique que c’est elle-même qui perçoit toute chose. Selon Rämänujäcärya, les armes sont impuissantes à causer la moindre blessure à l’âme. Ce qui implique qu’elle ne peut être

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transpercée ou coupée. Le feu ne peut la brûler, l’eau la mouil-ler et l’air la dessécher. L’âme, par sa nature, peut pénétrer la totalité du corps qui est une combinaison de différents élé-ments qui s’interpénètrent. Mais aucune substance ne peut pé-nétrer l’âme. Puisse qu’on ne peut comparer l’âme aux formes ni à la nature des choses de ce monde matériel, on la dit in-concevable. VERSET 26

AQa cENa& iNaTYaJaaTa& iNaTYa& va MaNYaSae Ma*TaMa( ) TaQaaiPa Tv& Mahabahae NaENa& XaaeicTauMahRiSa )) 26 )) atha cainaà nitya-jätaà nityaà vä manyase måtam tathäpi tvaà mahä-bäho nainaà çocitum arhasi Et même si tu penses que l’âme est perpétuellement sujette à la naissance et à la mort, O meilleur des guerrier, tu n’as toujours pas plus de raison de te lamenter. COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, après avoir décrit la réalité éternelle de l’âme par rapport à l’autorité des Ecritures védiques, le Seigneur Kåñëa décrit maintenant l’hypothèse que l’âme n’est pas séparée du corps. La science et les philosophes athées sont du même avis. Pour eux, elle apparaît et disparaît avec le corps. Ils pensent que la vie apparaît lorsque la combi-naison des éléments matériels est terminée Même si Arjuna avait cru à une telle philosophie qui nie l’exis-tence de l’âme, il n’aurait aucune raison de se lamenter pour un amas d’éléments chimiques. Car selon cette philosophie, à chaque instant, d’innombrables êtres vivants naissent de la ma-

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tière et meurent à chaque instant. De plus, puisque l’âme n’a point d’existence, il n’y a pas non plus de renaissance, ni de conséquences si l’on tue des êtres. VERSET 27

JaaTaSYa ih Da]uvae Ma*TYauDa]uRv& JaNMa Ma*TaSYa c ) TaSMaadPairhaYaeR_QaeR Na Tv& XaaeicTauMahRiSa )) 27 )) jätasya hi dhruvo måtyur dhruvaà janma måtasya ca tasmäd aparihärye ’rthe na tvaà çocitum arhasi La mort est certaine pour celui qui est né, et certaine la naissance pour celui qui meurt. Tu n’as donc aucune raison de t’affliger. VERSET 28 AVYa¢-adqiNa >aUTaaiNa VYa¢-MaDYaaiNa >aarTa ) AVYa¢-iNaDaNaaNYaev Ta}a k-a PairdevNaa )) 28 )) avyaktädéni bhütäni vyakta-madhyäni bhärata avyakta-nidhanäny eva tatra kä paridevanä O descendant de Bhärata, tous les êtres sont non manifestés avant leur naissance. Ils deviennent manifestés durant la phase intermédiaire (entre la naissance et la mort), puis au moment de la mort deviennent à nouveau non manifestés. Pour quelle raison devrais-tu te lamenter ?

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COMMENTAIRE Selon le Çrémad-Bhägavatam, l’univers matériel est créé et dé-truit dans un cycle sans fin. Après la dissolution de l’univers, toutes les âmes qui s’étaient incarnées dans celui-ci et l’énergie matérielle se résorbent dans le Seigneur. Elles demeurent en Lui, inconscientes, à l’état non manifesté. De nouveau, lorsque la création est manifestée, l’âme est éveil-lée à son action par Dieu. Elles réapparaissent et s’incarnent en un corps adapté à leurs désirs et aux activités de leur vie précédent la destruction. Elles redeviennent de nouveau mani-festées pendant le maintien de l’univers, puis au moment de la destruction, elles retournent de nouveau à l’état non manifes-té. Puisque l’âme est ainsi non manifestée, manifestée et en-core non manifestée à quoi bon se lamenter sur la perte du corps. VERSET 29 AaêYaRvTPaXYaiTa k-iêdeNa‚ MaaêYaRvÜdiTa TaQaEv caNYa" ) AaêYaRvÀENaMaNYa" é*<aaeiTa é[uTvaPYaeNa& ved Na cEv k-iêTa( )) 29 )) äçcarya-vat paçyati kaçcid enam äçcarya-vad vadati tathaiva cänyaù äçcarya-vac cainam anyaù çåëoti çrutväpy enaà veda na caiva kaçcit Certains voient l’âme comme une chose merveilleuse, d’autres la décrivent comme étant extraordinaire, d’autres encore en entendent parler et l’acceptent comme étant prodigieuse. Cependant, il en est d’autres

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qui même après en avoir entendu parler ne peuvent la comprendre. COMMENTAIRE Selon Çréla Rämänujäcärya, parmi d’innombrables êtres vi-vants, rares sont ceux qui ont purifié par la dévotion au Sei-gneur Kåñëa, toutes les réactions de leurs actes impies et qui ont accumulé suffisamment de mérite pour atteindre la réalisa-tion spirituelle. Ceux-là peuvent voir leur nature véritable en tant qu’âme distincte de Dieu. Aussi, les âmes réalisées voient-elles l’âme et ceci est incroyable pour eux. L’âme n’est pas seulement prodigieuse pour celui qui la per-çoit, mais également pour le précepteur qui la décrit comme telle, et encore pour le disciple qui entend sur sa nature mer-veilleuse. Il n’y a rien dans l’existence matérielle qui puisse se comparer à l’âme, car elle transcende toutes les choses en ce monde. En conséquence, ceux qui la réalisent, ceux qui en parlent et ceux qui en entendent parler et qui sont émerveillées par son sujet, sont rares sur Terre. La plupart des âmes conditionnées qui errent en ce monde sont des êtres infortunés. Même après en avoir entendu parler, ils ne peuvent croire en l’âme. Ceci est dommage car la compréhension acquise que l’on est une âme spirituelle et que l’on est différent du corps est une base pri-mordiale pour atteindre la réalisation spirituelle. Sans accepter la connaissance du soi, toutes les activités d’une personne pour mettre un terme aux souffrances matérielles sont vouées à l’échec. Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura enseigne que le Seigneur Kåñëa énonce ce verset afin d’exprimer son étonnement de voir qu’Arjuna, après avoir reçu une telle connaissance, n’a pas encore éveillé sa sagesse.

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VERSET 30 dehq iNaTYaMavDYaae_Ya& dehe SavRSYa >aarTa ) TaSMaaTSavaRi<a >aUTaaiNa Na Tv& XaaeicTauMahRiSa )) 30 )) dehé nityam avadhyo ’yaà dehe sarvasya bhärata tasmät sarväëi bhütäni na tvaà çocitum arhasi L’âme qui habite le corps de tous les êtres vivants, ne peut jamais être tuée, ô descendant de Bhärata. Tu ne dois donc t’affliger pour personne. VERSET 31 SvDaMaRMaiPa cave+Ya Na ivk-iMPaTauMahRiSa ) DaMYaaRiÖ YauÖaC^\eYaae_NYaT+ai}aYaSYa Na ivÛTae )) 31 )) sva-dharmam api cävekñya na vikampitum arhasi dharmyäd dhi yuddhäc chreyo ’nyat kñatriyasya na vidyate Considérant ton devoir de guerrier, tu ne devrais pas hésiter, car pour toi il n’y a pas de meilleur devoir que de combattre pour le dharma (les principes de la religion). VERSET 32 Yad*C^Yaa caePaPaà& SvGaRÜarMaPaav*TaMa( ) Saui%Na" +ai}aYaa" PaaQaR l/>aNTae YauÖMaqd*XaMa( )) 32 ))

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yadåcchayä copapannaà svarga-dväram apävåtam sukhinaù kñatriyäù pärtha labhante yuddham édåçam O Pärtha, fortunés sont les guerriers pour qui une telle opportunité de combattre se présente d’elle même, car elle leur ouvre la porte qui mène aux planètes édéniques. COMMENTAIRE Selon Çréla Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, le Seigneur Krishna, dans ce verset, réfute les propos d’Arjuna quand il disait : « Je ne vois pas comment quoique ce soit de bon au-gure pourrait être engendré au cours du combat. » En effet, il est déclaré dans le dharma-çästra, les Ecritures reli-gieuses, que pour un guerrier, le fait de mourir sur le champ de bataille lui donne d’atteindre directement les planètes de délices.

ähaveñu mitho ’nyonyaà jighäàsanto mahé-kñitaù yuddhamänäù paraà çaktyä svargaà yänty aparäì-mukhäù « Un guerrier peut atteindre les planètes édéniques s’il tombe au combat contre un ennemi qui est envieux. » Le mot « yadåcchayä» signifie atteindre le Paradis sans accomplir aucun rite prescrit. Normalement, une personne n’atteint les portes du Paradis qu’après avoir accompli de nombreux rites, de grandes austérités, des sacrifices et des charités. Mais parce que cette bataille est pour le dharma, Arjuna et même tous les agresseurs sont en mesure d’y parvenir sans rien accomplir. Arjuna n’a donc pas à se lamenter sur l’issue de la bataille, car s’il est tué au combat, il verra s’ouvrir à lui les portes des pla-nètes édéniques, alors que s’il est vainqueur, il obtiendra une grande renommée et un royaume. De même, tous les guerriers

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présents trouveront avec la mort un bonheur bien plus grand que ceux qui les tuent. C’est pourquoi le devoir d’Arjuna est de combattre pour rétablir le dharma. De cette manière, les êtres qui vivent sur la planète seront débarrassés de tyrans comme Duryodhana, et ceux-ci atteindront un bonheur sans pareil. Dans les deux cas, Arjuna n’a aucune raison de se la-menter. VERSET 33 AQa cetviMaMa& DaMYa| Sa°aMa& Na k-irZYaiSa ) TaTa" SvDaMa| k-IiTa| c ihTva PaaPaMavaPSYaiSa )) 33 )) atha cet tvam imaà dharmyaà saìgrämaà na kariñyasi tataù sva-dharmaà kértià ca hitvä päpam aväpsyasi Cependant si tu n’accomplis pas ton devoir sacré qui est de combattre pour le dharma (les principes de la religion), non seulement tu pécheras, mais encore tu perdras ta réputation de guerrier. COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, dans le verset pré-sent et les trois qui suivent, le Seigneur Suprême explique à Arjuna les réactions qui peuvent être engendrées par le fait de prendre la décision de ne pas combattre. VERSET 34 Ak-IiTa| caiPa >aUTaaiNa k-QaiYaZYaiNTa Tae_VYaYaaMa( ) SaM>aaivTaSYa cak-IiTaRMaRr<aadiTairCYaTae )) 34 ))

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akértià cäpi bhütäni kathayiñyanti te ’vyayäm sambhävitasya cäkértir maraëäd atiricyate Les gens à jamais parleront de ton infamie, et pour une personne qui a connu les honneurs, le déshonneur est plus douloureux que la mort. VERSET 35 >aYaad]<aaduParTa& Ma&SYaNTae Tva& MaharQaa" ) Yaeza& c Tv& bhuMaTaae >aUTva YaaSYaiSa l/agavMa( )) 35 )) bhayäd raëäd uparataà maàsyante tväà mahä-rathäù yeñäà ca tvaà bahu-mato bhütvä yäsyasi läghavam Les grands guerriers (tels Duryodhana et d’autres) qui avaient pour toi une grande estime, te déconsidéreront, pensant que tu as quitté le champ de bataille par peur. COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, les opposants d’Ar-juna le jugent très vaillant. Mais si celui-ci s’enfuit du champ de bataille après avoir été l’objet d’un tel honneur, il ne sera plus qu’à leurs yeux, un simple lâche. Les grands guerriers comme Duryodhana et les autres penseront qu’Arjuna s’est enfui du champ de bataille par peur, car pour eux, ce ne peut être que par peur et non pour l’affection pour ses proches qu’un guer-rier comme Arjuna ne veuille plus combattre, alors qu’il est sur le champ de bataille.

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112 LA BHAGAVAD-GÉTÄ

VERSET 36 AvaCYavada&ê bhUNvidZYaiNTa TavaihTaa" ) iNaNdNTaSTav SaaMaQYa| TaTaae du"%Tar& Nau ik-Ma( )) 36 )) aväcya-vädäàç ca bahün vadiñyanti tavähitäù nindantas tava sämarthyaà tato duùkhataraà nu kim Tes ennemis te couvriront de paroles outrageantes et critiqueront ton habilité. Que peut-il y avoir de plus douloureux pour toi ? VERSET 37 hTaae va Pa[aPSYaiSa SvGa| iJaTva va >aae+YaSae MahqMa( ) TaSMaaduitaï k-aENTaeYa YauÖaYa k*-TaiNaêYa" )) 37 )) hato vä präpsyasi svargaà jitvä vä bhokñyase mahém tasmäd uttiñöha kaunteya yuddhäya kåta-niçcayaù O fis de Kunté, si tu es tué sur le champ de bataille tu atteindra les planètes édéniques, et si tu sors victorieux tu jouiras de ce royaume terrestre. Lève-toi donc et combats avec détermination. VERSET 38

Sau%du"%e SaMae k*-Tva l/a>aal/a>aaE JaYaaJaYaaE ) TaTaae YauÖaYa YauJYaSv NaEv& PaaPaMavaPSYaiSa )) 38 ))

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sukha-duùkhe same kåtvä läbhäläbhau jayäjayau tato yuddhäya yujyasva naivaà päpam aväpsyasi Combats en considérant comme identiques, le bonheur et le malheur, le gain et la perte, ainsi que la victoire et la défaite. De cette façon, tu n’encourras aucun péché. COMMENTAIRE Selon Çréla Bhaktivedanta Näräyaëa Svämé, dans ce verset, Kå-ñëa explique à Arjuna comment, en agissant pour Lui, il de-viendra libre de péché. En effet, un acte n’entraîne une réac-tion en ce monde que s’il est accompli en vue d’en retirer un fruit pour soi-même. Aussi, celui qui agit exclusivement pour Kåñëa sans considérer le bonheur, la détresse, le gain, la perte, la victoire ou la défaite voit-il ses actes n’entraîner aucune ré-action matérielle. On devient lié par l’action si l’on est attaché aux fruits de son action. Il est donc nécessaire de renoncer aux fruits de l’acte. Cette conclusion a été établie dans la Bhaga-vad-gétä (5.10) :

brahmaëy ädhäya karmäëi saìgaà tyaktvä karoti yaù lipyate na sa päpena padma-patram ivämbhasä

« Ceux qui délaissent tout attachement aux fruits de l’action, et qui M’abandonnent les résultats de leurs actes, ne deviennent pas affectés par le péché. Tout comme une feuille de lotus n’est pas touchée par l’eau. » VERSET 39

Wza Tae_i>aihTaa Saa&:Yae buiÖYaaeRGae iTvMaa& é*<au ) buÖya Yau¢-ae YaYaa PaaQaR k-MaRbNDa& Pa[haSYaiSa )) 39 ))

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eñä te ’bhihitä säìkhye buddhir yoge tv imäà çåëu buddhyä yukto yayä pärtha karma-bandhaà prahäsyasi O Pärtha, jusqu’ici je t’ai expliqué la connaissance du sankhyä-yoga, mais maintenant je vais te transmettre la science du bhakti-yoga (service de dévotion) par laquelle tu deviendras libéré des conséquences de tes actes. COMMENTAIRE Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura explique, dans ce verset, que Kåñëa conclut son explication sur le säìkhya-yoga. D’a-près le dictionnaire védique, le mot « säìkhya » se réfère au système philosophique qui fait une analyse complète de l’âme et de la matière. A partir de ce verset, le Seigneur va instruire Arjuna sur la na-ture de l’intelligence qui est requise pour accomplir le bhakti-yoga (le service de dévotion). Une personne qui accomplit des activités désintéressées, avec le seul désir de satisfaire le Sei-gneur Suprême, devient libérée de l’esclavage de l’existence matérielle. VERSET 40 TEXTNaehai>a§-MaNaaXaae_iSTa Pa[TYavaYaae Na ivÛTae ) SvLPaMaPYaSYa DaMaRSYa }aaYaTae MahTaae >aYaaTa( )) 40 )) nehäbhikrama-näço ’sti pratyaväyo na vidyate sv-alpam apy asya dharmasya träyate mahato bhayät Les efforts entrepris dans cette voie (service de dévotion) ne sont jamais vains, ni détruits. Même un léger progrès sur celle-ci nous libère de la peur et du

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plus grand des dangers de ce monde. COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, le premier mot de ce verset « neha » glorifie la pure dévotion. Celle-ci renvoie au niveau ou la dévotion est complètement pure, non altérée, ni contaminée par des désirs autres que celui d’apporter du plai-sir au Seigneur. Cette dévotion pure est l’état intrinsèque de la dévotion, mais lorsqu'elle est dénaturée, elle n’en est plus qu’une apparence manifestée par la tendance déformée de l’âme spirituelle. Cette apparence se manifeste lorsque l’âme entre en contact avec la nature matérielle qui recouvre sa constitution qui est d’être une éternelle servante de Kåñëa. Au contact de l’énergie matérielle, l’âme conditionnée acquiert deux types de tendances secondaires : une tendance à recher-cher le plaisir des sens, à exploiter la nature matérielle, et une tendance à vouloir se prendre pour Dieu ou à renoncer à une relation d’amour avec Lui. Aussi est-il naturel que les âmes qui deviennent conditionnées et qui souffrent en ce monde, recherchent alors, en tant que servantes éternelles de Krishna, un refuge et s’adressent spon-tanément à Dieu, puisque cette nature est inhérente à l’âme. Or, de telles âmes conditionnées, à cause des tendances se-condaires qui les recouvrent, prennent généralement refuge dans la voie du karma ou karma-käëòa décrite dans ces por-tions des Védas. Cette voie traite de l’adoration de différents demi-dieux et de l’atteinte de leur planète dans une autre vie ou encore des procédures afin d’atteindre en cette vie la ri-chesse et la renommée. La Bhagavad-gétä traitent de ces voies qui sont en relation avec les Ecritures védiques :

trai-vidyä mäà soma-päù püta-päpä yajïair iñövä svar-gatià prärthayante te puëyam äsädya surendra-lokam

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açnanti divyän divi deva-bhogän te taà bhuktvä svarga-lokaà viçälaà kñéëe puëye martya-lokaà viçanti evaà trayé-dharmam anuprapannä gatägataà käma-kämä labhante

« Ceux qui sont dévoués aux rites intéressés prescrits dans les trois Védas, M’adorent indirectement en accomplissant ces sa-crifices. S’étant libérés des péchés en buvant la boisson Soma qui est le reste du sacrifice, ils prient pour obtenir l’entrée dans le royaume édénique qui a pour nom Svarga. En résultat de leurs actes de piété, ils atteignent la planète d’Indra (le Para-dis) et jouissent des plaisirs célestes des demi-dieux. » « Après avoir joui d’immenses plaisirs célestes, quand le crédit de leurs actes pieux s’épuisent, ils reviennent à nouveau dans ce monde mortel (la Terre). Ainsi, ceux qui aspirent aux plai-sirs des sens et accomplissent des activités intéressées telles que les décrivent les trois Védas, n’obtiennent-ils que la répéti-tion des naissances et des morts en ce monde matériel. »

Bhagavad-gétä (9.20-21) Ces voies secondaires, puisqu’elles ne sont pas libres de toute contamination matérielle, ne peuvent pas, par leur engage-ment, libérer une personne de l’existence matérielle. D’autre part, même si de telles activités sont accomplies parfaitement, elles ne permettent d’atteindre que des résultats temporaires. Tous ces résultats disparaîtront lorsque leurs mérites ainsi ac-quis seront épuisés. Çréla Çrédhara Svämé fait remarquer qu’il est possible que des activités telles que l’agriculture puisse parfois ne pas produire de résultats en raison de phénomènes climatiques comme la sécheresse ou les inondations. Or, il est de même pour ces voies secondaires. Puisqu’elles ne sont pas libres de contami-nations matérielles, elles donnent obligatoirement un fruit en

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ce monde, donc si elles sont accomplies de manière négligée, par exemple si les incantations sont mal prononcées ou le ri-tuel mal conduit, elles apporteront un mauvais fruit au prati-quant. La véritable religion est dite éternelle ou sanätana-dharma. Elle ne dépeint que la vérité éternelle sur Dieu ou Kåñëa (Ses acti-vités, Ses attributs, Ses noms, Sa forme...). Elle ne traite pas d’activités intéressées, comme le font les voies secondaires en relation avec les désirs des âmes conditionnées. Les activités liées au service de dévotion, comme la pratique de l’écoute et du chant des Noms, des attributs et des divertissements du Sei-gneur, sont au-delà de la nature matérielle. Elles peuvent per-mettre à un dévot d’atteindre la douceur des pieds pareils-au-lotus de Kåñëa. C’est de cette religion dont parle le Seigneur dans la Bhagavad-gétä (4.7) :

yadä yadä hi dharmasya glänir bhavati bhärata abhyutthänam adharmasya tadätmänaà såjämy aham

« O descendant de Bharata, chaque fois que la religion par-faite (dharma) voit un déclin, et que l’irréligion (adharma) monte, je viens en Personne. » Cependant, l’action désintéressée offerte au Seigneur en rela-tion avec le service de dévotion, bien qu’accomplie au début sans une pureté complète, est digne de considération. Contrai-rement aux actions effectuées dans les voies secondaires, elle ne permet pas à une personne d’agir en vain pour des résultats temporaires. Elle purifie graduellement le cœur d’un dévot par un engagement constant dans le service de dévotion, et finale-ment lui permet d’atteindre la pure pratique spirituelle dévo-tionnelle, comme l’écoute et le chant des gloires de Kåñëa, qui est au-delà des influences matérielles. C’est pourquoi Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura enseigne

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que l’intelligence liée au service de dévotion ou buddhi-yoga est accomplie de deux façons. La première se situe au-delà des influences de l’énergie matérielle et est effectuée parfaitement à l’état libéré. Elle prend la forme du chant et de l’écoute du Nom du Seigneur, de Sa forme, de Ses attributs et de Ses diver-tissements. La deuxième nécessite d’abandonner ces actions d’une manière désintéressée au Seigneur Suprême. Cepen-dant, à cause d’un manque de prédominance de la dévotion pure, de telles activités (selon la deuxième façon) ne sont pas acceptées comme de la véritable dévotion, mais elles y conduisent. Dans ce verset, le Seigneur met en évidence la suprématie du service de dévotion par rapport aux voies secondaires et le bénéfice qui vient ne serait-ce que des tous premiers pas dans la voie du service de dévotion. Ces bénéfices, parce qu’ils sont liés au service éternel du Seigneur, ne peuvent jamais être dé-truits, et ne peuvent donc jamais non plus être perdus. C’est ce que Kåñëa établit en disant « svalpam », contrairement aux bé-néfices acquis par les pratiques liées aux voies secondaires. Les bénéfices acquis par le service de dévotion s’accumulent vie après vie, et permettent, lorsque la conscience de Dieu de-vient optimale de comprendre Son aspect personnel et de dé-velopper « prema » le pur amour pour Krishna, qui seul donne de retourner à Lui.

na hy aìgopakrame dhvaàso mad-dharmasyoddhaväëv api

mayä vyavasitaù samyaì nirguëatväd anäçiñaù « O Uddhava parce que J’ai délibérément déterminé la nature transcendantale de ce processus, même si le service de dévo-tion est imparfaitement accompli, il est impossible qu’il y ait la plus légère perte. »

Çrémad-Bhägavatam (11.29.20) Çréla Bhaktivedanta Näräyaëa Svämé enseigne : « Aucun défaut ou aucune réaction non désirée ne peut subvenir au cours de

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cette pratique, même si pour une raison ou une autre le prati-quant est incapable de l’achever. Au contraire, la moindre acti-vité effectuée durant l’accomplissement du service de dévotion délivre l’auteur des dangers terribles du monde matériel. » Un exemple du Çrémad-Bhägavatam pourrait illustrer ce point philosophique. C’est l’histoire du roi Baratha qui renonça à son royaume et partit vivre dans la forêt. Il atteignit, par la grâce du Seigneur, un haut niveau dans le stade de la dévo-tion. Or, un jour, il recueillit un petit faon qui prit refuge com-plètement en lui. Graduellement, il s’attacha à cet animal et il dévia de ses pratiques spirituelles. En résultat, lorsqu’il quitta son corps, il dut reprendre un corps de faon. Mais, parce qu’il avait pratiqué le service de dévotion, il lui fût donné de se sou-venir de sa vie passée et de ne pas recommencer la même er-reur. Bien que dans un corps de faon, il prit refuge dans un ermitage de grands saints. Lorsqu’il quitta ce corps de biche, il reprit un corps humain et cette fois-ci il atteignit la perfection et retourna dans la demeure de Kåñëa. C’est pourquoi Kåñëa dit dans la Bhagavad-gétä (6.40) :

çré-bhagavän uväca pärtha naiveha nämutra vinäças tasya vidyate na hi kalyäëa-kåt kaçcid durgatià täta gacchati

« Le Seigneur Suprême dit : O fils de Prtha, un yogi qui ne connaît pas le succès dans sa pratique ne connaît la ruine ni dans cette vie, ni dans la suivante. Mon ami, une personne en-gagée dans des activités vertueuses n’atteint jamais une mau-vaise destination. » VERSET 41 VYavSaaYaaiTMak-a buiÖreke-h ku-åNaNdNa ) bhuXaa%a ùNaNTaaê buÖYaae_VYavSaaiYaNaaMa( )) 41 ))

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vyavasäyätmikä buddhir ekeha kuru-nandana bahu-çäkhä hy anantäç ca buddhayo ’vyavasäyinäm O fils aimé des Kurus, ceux qui sont engagés sur cette voie (service de dévotion) se montrent déterminés, et ne poursuivent qu’un unique but, alors que l’intelligence de ceux qui y sont opposés n’est pas résolue, et se perd en des pensées sans fin. COMMENTAIRE Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura explique dans son com-mentaire, que comparé à toute autre sorte d’intelligence, celle dont le but et l’objet sont le service de dévotion est dite su-prême. Or, cette intelligence n’est manifestée pleinement que dans le stade de la réalisation spirituelle, lorsque l’amour spontané pour Kåñëa manifeste l’intelligence spirituelle par-faite pour servir le Seigneur. A un stade néophyte, les äcäryas ou précepteurs spirituels ont enseigné qu’on ne pouvait attein-dre cet état parfait qu’en acceptant l’initiation auprès d’un maî-tre spirituel et en suivant à la lettre ses directives dans l’accom-plissement du service de dévotion qui est donné. Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, ce verset décrit l’attitude carac-téristique de celui qui possède une telle intelligence. Çréla Viç-vanätha Cakravarté Öhäkura l’explique comme ceci : « Les instructions que mon maître spirituel m’a données au su-jet des pratiques liées à la pure dévotion comme le chant et l’écoute des gloires de Kåñëa, la méditation sur Son nom, Sa forme, Ses attributs et Ses divertissements... sont devenues ma pratique journalière, mon but et ma vie même. Je serais inca-pable de les délaisser. Mon unique désir et mon seul engage-ment sont de les suivre. Je n’ai plus aucun autre but même en rêve. Il n’existe plus en moi aucune notion de perte vis-à-vis de ce monde (temporaire et insignifiant), en relation avec le

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fait de suivre ses instructions. Que j’atteigne le bonheur ou la souffrance, ou que ma vie matérielle soit détruite, (peut m’im-porte). » Cette attitude d’abandon et de dépendance vitales pour attein-dre la perfection spirituelle ne saurait être observée dans les prémisses du service de dévotion. Elle se manifeste graduelle-ment dans le cœur d’un pratiquant sincère lorsqu’il est engagé dans le service d’amour du Seigneur, par l’intermédiaire d’un pur dévot. En effet, au niveau de l’Absolu rien ne diffère. Le nom de Kåñëa, Son service et Lui sont Un. Aussi, lorsqu’un pra-tiquant est véritablement doté d’une attitude favorable envers son maître spirituel, Kåñëa tend-il à se révéler en proportion de l’abandon et du sentiment du dévot envers Son représentant. Il réalise alors son lien éternel avec Dieu et Ses serviteurs, et dé-laisse sa fausse réalité liée à ce monde temporaire. A ce stade, l’âme libérée peut réaliser pleinement que les ins-tructions du maître spirituel et Kåñëa sont un, et elle devient fixée dans celles-ci comme sa vie et son âme, puisqu’elles sont la source de sa propre vérité. Il ne peut, même pour un ins-tant, les délaisser. Cela est devenu vital pour lui, tout comme la nourriture pour maintenir le corps en vie. Ceci est démontré dans le Çrémad-Bhägavatam (7.9.28). Lorsque le Seigneur dési-ra octroyer directement toutes les bénédictions à Son cher dé-vot Prahläda, celui-ci les refusa, et pria pour simplement rester au service de son maître spirituel. Aucun vaiñëava (serviteur du Seigneur) authentique n’aspire à directement servir Dieu en passant par-dessus le maître spirituel. On doit plutôt, comme le recommandait Çré Caitanya Mahäprabhu, devenir le serviteur du serviteur d’un serviteur du Seigneur. Telle est la méthode authentique pour approcher Kåñëa et Le réaliser. Le Seigneur Lui-même indique cette voie dans l’Adi Puräëa :

ye me bhakta-janäù pärtha na me bhaktäç ca te janäù mad-bhaktänäà ca ye bhaktäs te me bhakta-tamä matäù

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« Le Seigneur Kåñëa dit : Ceux qui se disent être directement Mes dévots ne le sont pas vraiment, mais ceux qui sont les dé-vots de Mon dévot le sont réellement. » Selon Çréla Bhaktisiddhänta Sarasvaté Öhäkura, dans cette cons-cience parfaite, un dévot n’a guère le souci de ses joies et de ses peines. Il n’a que pour seule occupation, la satisfaction de Kåñëa et de son pur dévot. Ses occupations ne sont donc enga-gées que dans ce but. Il n’est heureux que si Kåñëa L’est. Si le Seigneur exprime le désir de le plonger momentanément dans la détresse afin d’augmenter son amour, il voit cette détresse comme sa plus grande fortune. Mais Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura nous avertit que cette sorte d’intelligence n’est connue que de ceux qui sont engagés dans la pratique de la pure dévotion qui est libre de toute contamination matérielle. Puisque ce stade de conscience re-présente l’atteinte de la relation éternelle que l’âme spirituelle a avec Dieu, elle devient alors libérée de toutes les fausses dé-signations matérielles et des désirs subordonnés, et elle n’agit plus que pour Son plaisir. Au contraire, les voies religieuses temporaires, selon Çréla Çréd-hara Svämé, offrent des variétés de buts, de pratiques sous forme d’innombrables branches, en raison des désirs matériels infinis des âmes conditionnées. Ce que le Seigneur exprime en disant dans ce verset « bahu-çäkhä » ou beaucoup de branches. Aussi celui qui s’y engage devient-il habité par une variété infi-nie de désirs qui ne sont pas en rapport avec sa réalité spiri-tuelle, comme désirer une bonne naissance, une bonne situa-tion (famille, travail, maison), l’atteinte des plaisirs célestes ou encore la libération impersonnelle, Il n’a alors aucune chance de connaître le but unique qu’un pur dévot a en son cœur. Ce qui prouve que seul le service de dévotion peut conférer cette intelligence unique portée sur l’amour de Dieu.

tato bhajeta mäà prétaù çraddhälur dåòha-niçcayaù

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« (Kåñëa dit :) Sachant que toute perfection est atteinte unique-ment à travers la dévotion pour Ma personne, un homme qui possède une foi fixe accomplira Mon adoration avec dévo-tion. »

Çrémad-Bhägavatam (11.20.28) VERSET 42–43

YaaiMaMaa& PauiZPaTaa& vac& Pa[vdNTYaivPaiêTa" ) vedvadrTaa" PaaQaR NaaNYadSTaqiTa vaidNa" )) 42 )) k-aMaaTMaaNa" SvGaRPara JaNMak-MaRf-l/Pa[daMa( ) i§-YaaivXaezbhul/a& >aaeGaEìYaRGaiTa& Pa[iTa )) 43 )) yäm imäà puñpitäà väcaà pravadanty avipaçcitaù veda-väda-ratäù pärtha nänyad astéti vädinaù kämätmänaù svarga-parä janma-karma-phala-pradäm kriyä-viçeña-bahuläà bhogaiçvarya-gatià prati O Partha, les gens qui ont peu de connnaissance rejettent le sens réel des Védas, par attachement aux déclarations fleuries de certaines de leurs sections dans lesquelles sont décrits divers rituels permettant d’atteindre les planètes édéniques, une bonne naissance et d’autres bienfaits (liant ceux qui les pratiquent au cycle des morts et des rennaissances). Désireux de se réjouir des fruits de leurs actions, ces insensés disent qu’il n’y a pas de vérité plus élevée que celle-ci. COMMENTAIRE L’objectif principal établi dans les Védas est de faire connaître le Seigneur Originel Çré Kåñëa et Son pur service de dévotion.

vedaiç ca sarvair aham eva vedyo

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« Le Seigneur Kåñëa dit : Le but des Védas est d’amener une personne à Me connaître.»

Bhagavad-gétä (15.15) Mais en général, à cause de l’ignorance qui recouvre l’âme conditionnée, elle ne peut comprendre cela. Elle est simplement attirée par le langage fleuri qui traite des activités intéressées ou karma-käëòa, et pense qu’elles sont le but ultime des Védas. Ces gens ne désirent rien d’autre que les plaisirs qu’offrent les planètes édéniques. Là se trouvent en abondance des hommes et des femmes angéliques d’une beauté fort attrayante, ainsi que des lacs et des décors naturels paradisiaques délivrant une atmosphère merveilleuse qui accroissent le désir pour la vie sexuelle. Les gens y boivent la boisson appelée le soma-rasa qui rend les êtres comme immortels afin qu’ils puissent jouir des plaisirs matériels, sans limites. Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, ceux qui ont été captivés par de telles déclarations fleuries ne peuvent avoir une intelligence fixée sur le Seigneur Suprême. Le Seigneur dit même dans ce verset qu’ils sont des insensés « avipaçcitaù ». Aussi, pouvons-nous comprendre qu’ils ne peuvent accepter les enseignements du Seigneur et qu’ils rejettent le sens réel des Védas, à cause de leurs nombreux désirs pour le plaisir des sens. Au contraire il fabrique de toutes pièces des conclusions qui ne sont pas approuvées dans les Ecritures védiques, comme le fait qu’il n’y ait pas un Dieu suprême « éçvara-tattva ». Aussi le Seigneur nous enjoint-Il de rester loin de l’action intéressée décrite dans les Védas, car elle n’apporte au final que des fruits amers qui forcent l’âme conditionnée à renaître en ce monde mortel. Elle est considérée comme un arbre toxique qui attire, par le parfum de ses fleurs, l’ignorant qui est fasciné par le plaisir des sens et qui ne peut voir le risque qu’il encourt à son contact.

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tasmät karmasu barhiñmann ajïänäd artha-käçiñu märtha-dåñöià kåthäù çrotra- sparçiñv aspåñöa-vastuñu

« O roi Barhiñmän, pour celui dont la vision est influencée par l’ignorance, les activités rituelles mentionnées dans les Védas semblent être Leur objet ultime. Bien que leurs contes soient captivants pour l’oreille, en fait, elles sont dépourvues de toute connexion avec la Vérité Absolue. C’est pourquoi ne fais pas attention à elles.»

Çrémad-Bhägavatam (4.29.47) VERSET 44 >aaeGaEìYaRPa[Sa¢-aNaa& TaYaaPaôTaceTaSaaMa( ) VYavSaaYaaiTMak-a buiÖ" SaMaaDaaE Na ivDaqYaTae )) 44 )) bhogaiçvarya-prasaktänäà tayäpahåta-cetasäm vyavasäyätmikä buddhiù samädhau na vidhéyate Ceux qui sont attachés au plaisir et à l’opulence matériels, et l’esprit est égaré par l’atteinte du bonheur édénique, ne peuvent atteindre la méditation exclusive (samadhi) sur le Seigneur. VERSET 45 }aEGau<YaivzYaa veda iNañEGau<Yaae >avaJauRNa ) iNaÜRNÜae iNaTYaSatvSQaae iNaYaaeRGa+aeMa AaTMavaNa( )) 45 )) trai-guëya-viñayä vedä nistrai-guëyo bhavärjuna nirdvandvo nitya-sattva-stho niryoga-kñema ätmavän

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O Arjuna, élève-toi au-dessus des trois influences de la nature matérielle (gunas) décrites dans les Védas, et établis-toi dans la transcendance (nirguna). Deviens libre de toute dualité (telle que l’honneur et le déshonneur), de toute pensée liée au gain et à la perte, et établis-toi dans la pure vertu en utilisant l’intelligence que je t’ai conférée. COMMENTAIRE La Bhagavad-gétä enseigne que lorsque l’âme spirituelle entre en contact avec ce monde, elle devient conditionnée par les trois modes de la nature matérielle ou guëas.

sattvaà rajas tama iti guëäù prakåti-sambhaväù nibadhnanti mahä-bäho dehe dehinam avyayam

« O Arjuna aux bras puissants, ce sont les trois guëas (vertu, passion et ignorance) nées de l’énergie matérielle (prakåti) qui conditionnent l’âme immuable qui demeure dans le corps. »

Bhagavad-gétä (14.5) Ces trois influences sont décrites ainsi :

tatra sattvaà nirmalatvät prakäçakam anämayam sukha-saìgena badhnäti jïäna-saìgena cänagha

rajo rägätmakaà viddhi tåñëä-saìga-samudbhavam tan nibadhnäti kaunteya karma-saìgena dehinam

tamas tv ajïäna-jaà viddhi mohanaà sarva-dehinäm pramädälasya-nidräbhis tan nibadhnäti bhärata

« O Toi qui es sans péché, parmi ces trois influences (guëas), le mode de la vertu, dû à sa pureté, est le plus bénéfique. Il illumine l’être et le rend libre de tout vice. Il conditionne l’âme par l’attachement au bonheur et à la connaissance qu’il gé-nère. « O fils de Kunté, sache que l’influence du mode de la passion

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se manifeste par l’attachement aux objets des sens et par le dé-sir de jouir de ceux-ci. Il lie l’âme incarnée aux actions intéres-sées. « Cependant, ô descendant de Bharata, sache que l’influence du mode de l’ignorance est la cause de l’illusion pour toutes les âmes incarnées. Il conditionne celles-ci dans la négligence, la paresse et le sommeil. »

Bhagavad-gétä (14.6-8) Aussi, selon les influences de la nature matérielle qu’elle re-çoit, l’âme incarnée perçoit-elle les choses de ce monde et de-vient-elle attirée par elles. Pour cela, Çréla Viçvanätha Cakravar-té Öhäkura explique que certaines portions des Védas comme la voie du karma (l’action intéressée) et du jïäna (la quête de la Vérité par la connaissance) sont également influencées par ces modes (La voie du karma par l’influence de la passion, et la voie du jïäna par l’influence de la vertu). Ceci afin d’attirer à elles les âmes conditionnées. Celles-ci acceptent ces premières marches pour enfin accueillir les portions des Védas qui sont au-delà des influences des trois modes de la nature matérielle. Aussi, bien que ces voies aient été décrites comme n’apportant que des fruits temporaires, elles sont données par Dieu dans le dessein de faire progresser les âmes dans leur retour à Dieu. Çréla Bhaktivinoda Öhäkura enseigne que les Védas décrivent d’abord la réalité avec les guëas (les influences matérielles) parce que la réalité transcendantale qui est hors de l’influence de ces trois modes ne peut être perçue facilement par une âme qui est conditionnée par eux. Ainsi, les trois influences de l’é-nergie matérielle apparaissent en premier comme étant le sujet des Védas. Pour cela, le Seigneur Kåñëa enseigne à Arjuna de ne pas rester empêtré dans cette première réalité, mais d’accepter les ensei-gnements des Védas qui traitent de la voie du pur service de dévotion comme le seul moyen d’atteindre cette plateforme libre des influences de l’énergie matérielle.

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Notons que Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura ajoute que ceci est uniquement possible pour une personne qui s’associe avec des purs dévots du Seigneur qui sont continuellement libérés des influences de l’énergie matérielle. Seulement ainsi, une personne pourra devenir libre des dualités comme l’hon-neur et le déshonneur, et atteindre une existence spirituelle pure, libre de toute dualité. Ce qui implique que simplement en pratiquant le pur service de dévotion elle peut conquérir l’influence des trois guëas qui existe en elle.

mäà ca yo ’vyabhicäreëa bhakti-yogena sevate sa guëän samatétyaitän brahma-bhüyäya kalpate

« Celui qui avec une dévotion exclusive M’offre un service (à Moi dans Ma forme de Çyämasundara Kåñëa), peut transcender les trois modes de la nature matérielle, et devenir qualifié pour atteindre la réalisation de Ma nature spirituelle. »

Bhagavad-gétä (14.26) Dans ce verset, les mots « niryoga-kñema » sont importants. Le fait d’atteindre ce qui manque est appelé « yoga » et de protéger ce que l’on possède est appelé « kñema ». Par ces mots, le Seigneur enseigne à Arjuna de devenir libre de ces deux tendances en devenant submergé par les sentiments d’amour envers Sa personne. En fait, un dévot n’a pas besoin de faire un effort séparé pour se maintenir et obtenir toute chose, en s’abandonnant à Kåñëa, le Seigneur pourvoit à tout pour Son dévot. VERSET 46 YaavaNaQaR odPaaNae SavRTa" SaMPl/uTaaedke- ) TaavaNSaveRzu vedezu b]aø<aSYa ivJaaNaTa" )) 46 ))

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yävän artha udapäne sarvataù samplutodake tävän sarveñu vedeñu brähmaëasya vijänataù Toutes les fonctions accomplies par différents puits peuvent facilement l’être par un vaste lac. De la même façon, tous les résultats obtenus par l’adoration de différents demi-dieux, décrits dans les Védas, peuvent facilement être obtenus par ceux qui connaissent le Seigneur Suprême et qui s’engagent dans Son adoration avec dévotion. COMMENTAIRE Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura explique que le mot « udapäne » employé dans ce verset indique un groupe de puits. Dans des temps anciens, de nombreuses activités étaient accomplies par le biais de différents puits. L’un pouvait être utilisé pour se nettoyer, un autre pour laver des vêtements ... Mais ces activités pouvaient être toutes accomplies en un seul instant si un vaste réservoir d’eau était accessible. C’est un dur labeur que d’aller à différents puits pour différents buts. Mais il n’y a pas de labeur dans le fait d’aller à un seul réservoir. De plus (en Inde), un petit puits a souvent une eau salée, mais l’eau d’un vaste lac est douce. Similairement, certaines portions des Védas traitent de l’adora-tion de différents demi-dieux. On entend par demi-dieux, cer-tains êtres qui reçoivent un pouvoir plus ou moins important de Dieu afin de régir l’univers matériel. Les plus célèbres sont Brahmä, Çiva, Dürga, Gaëeça et Indra. Ils habitent différentes planètes de l’univers. Des personnes qui ignorent le but des Védas, leur rendent un culte spécifique qui est décrit dans certaines portions des Vé-das, afin d’obtenir d’eux des bénéfices matériels. En vérité, au-cun être n’est indépendant du Seigneur Suprême, aussi la Bha-gavad-gétä révèle-t-elle que même ces bénéfices difficilement atteints sont en fait octroyés par Kåñëa :

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yo yo yäà yäà tanuà bhaktaù çraddhayärcitum icchati tasya tasyäcaläà çraddhäà täm eva vidadhämy aham

sa tayä çraddhayä yuktas tasyärädhanam éhate labhate ca tataù kämän mayaiva vihitän hi tän

« C’est Moi qui habite le cœur de chacun en tant que l’Ame Su-prême, et selon qu’un dévot souhaite adorer avec foi un demi-dieu, j’affermis particulièrement sa foi en celui-ci. » « Doté d’une telle foi, il s’efforce d’adorer en particulier ce demi-dieu et obtient que ses désirs soient comblés. Mais en réalité, ces bienfaits ne sont accordés que par Moi. »

Bhagavad-gétä (7.21-22) Ce qui implique que les différents fruits que l’on atteints par l’adoration de différents demi-dieux, par les nombreux proces-sus compliqués décrits dans les Védas, peuvent tous être at-teints simplement par la simple adoration du Seigneur Su-prême, puisque c’est Lui seul qui octroie à chacun le fruit de toute adoration. Cela signifie que Kåñëa peut combler tous les désirs d’une personne. En fait, bien que Kåñëa soit le Bienfaiteur suprême, lorsqu’un dévot L’adore avec une dévotion exclusive, celui-ci reçoit des fruits d’une tout autre nature. En effet, les fruits que porte l’a-doration des demi-dieux, comme l’atteinte d’opulences maté-rielles ou l’atteinte de leur planète édénique respective, sont limités, matériels et temporaires, alors que l’adoration du Sei-gneur permet d’atteindre Sa demeure éternelle.

antavat tu phalaà teñäà tad bhavaty alpa-medhasäm devän deva-yajo yänti mad-bhaktä yänti mäm api

« Cependant les fruits qu’obtiennent ces hommes de peu d’in-telligence sont périssables. Ceux qui adorent les demi-dieux atteignent leur planète, alors que Mes dévots viennent à Moi. »

Bhagavad-gétä (7.23)

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L’adoration de Kåñëa peut être facilement accomplie en cet âge par la simple récitation de Son Saint Nom ou du Mahä-mantra Hare Kåñëa, le plus grand des mantras. Ceci est mentionné dans beaucoup de passages des Textes védiques dont le Yajur Vediya de la Kali-santaraëa Upaniñad. Dans ce texte, Brahmä révèle à son fils Närada ce mantra, ou ce chant particulier des Noms de Dieu que le Seigneur donne comme le processus de réalisation spirituelle pour notre âge :

hariù aà. dväparänte närado brahmäëaà jagäm kathaà bhagavän gäà paryaöan kalim santare yam iti

sahoväc brahmä sädhu påñto-smi sarva-srüti-rahasyam gopyam tac-chraëu yenakali-saàsäraà tariñyasi

bhagavat ädi-puruñasya näräyaëasya nämoc-cäraëa-matreëa nirdhüt-kalir-bhavti näradaù punaù papraccha

tannäm kimiti sa hoväc hiraëya-garbhah

hare kåñëa hare kåñëa kåñëa kåñëa hare hare hare räma hare räma räma räma hare hare

iti ñoòaçakaà nämnäà kali-kalmaña näçanaà nätaù parataropayaù sarva vedeñu dåçyate

iti ñodaça-kalä-våtasya jévasya ävaraëa-vinäçanam tataù präkaçate para-brahma

maghäpäye ravi-rañim-maëdaéi-veti punar-näradaù papraccha. bhagavän

ko sya vldhi-riti sa hoväc näsya vldhi-riti sarvadä çücir-çücåva paöhan brahmaëaù çlokatäà

samé-patäm saru-patäm säyu-jyatämeti « A la fin du Dväpara-yuga, Närada Muni rendit visite à Brah-mä. Après lui avoir offert ses hommages respectueux, il lui de-manda : « O Brahmä, quel est le moyen pour se délivrer des influences

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de l’âge de Kali et trouver refuge aux pieds pareils-au-lotus du Seigneur ? » « Brahmä répondit : Mon cher fils, tu poses là une excellente question. Je vais te délivrer le secret le plus confidentiel de tous les Védas qui te permettra d’atteindre la réalisation spiri-tuelle, alors écoute avec attention. En prononçant le Nom de Dieu, le Seigneur Näräyaëa, toutes les influences néfastes de l’âge de Kali disparaissent. » « Närada Muni poursuivit : Quel est le Nom de Dieu que l’on doit prononcer et quelle est Sa forme ? » « Brahmä répondit : Dans l’âge de Kali, il suffit de chanter le Mahä-mantra :

Hare Kåñëa, Hare Kåñëa, Kåñëa Kåñëa, Hare Hare Hare Räma, Hare Räma, Räma Räma, Hare Hare

pour atteindre la réalisation spirituelle et détruire tous les pé-chés. En fait, il n’y a pas de processus de réalisation spirituelle qui soit supérieur à celui-ci. Ce Mahä-mantra peut détruire les éléments grossiers et subtils qui recouvrent l’âme spirituelle et ainsi lui permettre de voir le Seigneur Suprême se manifester devant lui, comme on aperçoit les rayons du soleil, lorsque les nuages se dissipent. » « Alors Närada Muni demanda : Y a-t-il des principes à suivre pour chanter le Mahä-mantra ? » « Et Brahmä lui répondit : Aucune règle n’est nécessaire pour chanter ce mantra, il peut être chanté dans n’importe quelle condition, que l’on soit pur ou impur. De plus, en prononçant ce chant clairement et sans offenses, on peut atteindre l’amour de Dieu et enfin retourner au monde spirituel. » En chantant sans offenses les Noms de Kåñëa, une personne peut facilement atteindre l’ultime objet des Védas, car le Nom de Kåñëa est absolu, spirituel et non différent à tous égards de

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Lui-même. Voici la liste des offenses qu’il faut éviter en chan-tant le Saint Nom pour atteindre la perfection du chant :

satäà ninda-namnaù param aparädham vitanute yataù khyätià yätaà katham u sahate tad vigarhäm çivasya çré visnor ya iha guëa nämädi sakalam

dhiyä bhinnaà paçyet sa khalu hari-nämähitakaraù guror avajïä çruti-çästra-nindanaà tathärthavädo hari nämni kalpanam nämno baläd yasya hi päpabuddhi na vidyate yasya yamair hi çuddhiù dharma-vrata-tyaga-hutädi-sarva- subha-kriyä sämyam api pramädaù açraddadhäne vimukhe'py açåëvati yas copadeñaù çiva-nämäparädhaù

çrute'pi näma-mähätmye yah préti rahito naraù ahaà mamädi paramo nämni so'py aparädha-kåt

« (1) La première offense est de blasphémer ou de critiquer les personnes saintes qui sont engagées dans l’œuvre de propager à tous les êtres le chant des Saints Noms du Seigneur, le Mahä-mantra Hare Kåñëa. Cette offense est la pire offense aux pieds pareils-au-lotus du Saint Nom. Le Saint Nom du Seigneur Kå-ñëa qui n’est pas différent de Lui, ne tolérera jamais de telles critiques, même de la part de celui qui passe pour un grand dévot. (2) Dans ce monde matériel, le Saint Nom de Kåñëa est de très bon augure. Le Nom, la Forme, les Qualités et les Divertisse-ments de Kåñëa incarnent tous la connaissance transcendan-tale absolue. Si une personne essaie de séparer la Personne Divine et Absolue de Son Saint Nom, de Ses formes, de Ses Qualités ou de Ses Divertissements, en considérant ceux-ci comme étant matériels, elle commet une offense. De la même manière, penser que les noms des demi-dieux comme le Sei-

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gneur Çiva ont la même valeur que le Nom du Seigneur Kåñëa est aussi un blasphème. Ceci constitue la seconde offense aux pieds pareils-aux-lotus du Saint Nom du Seigneur. (3) La troisième offense est de considérer le maître spirituel comme étant un être ordinaire et, par conséquent, envier sa position exaltée, ou de ne pas suivre ses instructions. (4) La quatrième offense est de critiquer les Écritures védiques, comme les quatre Védas et les Puräëas. (5) La cinquième offense est de croire que les gloires du Saint Nom sont des exagérations. (6) La sixième offense est de considérer le Saint Nom ou les gloires du Saint Nom comme imaginaires. (7) La septième offense est de penser que, comme le chant du Saint Nom de Kåñëa peut contrecarrer toutes les réactions pé-cheresses, une personne peut donc continuer ses activités pé-cheresses et, en même temps, chanter les Saints Noms du Sei-gneur Kåñëa afin de les neutraliser. Cette offense est la plus grande offense aux pieds pareils-au-lotus du Saint Nom. Celui qui pense ainsi ne peut être purifié par aucun moyen. (8) La huitième offense est de considérer que le chant du Saint Nom de Kåñëa est égal à l’accomplissement de cérémonies re-ligieuses, d’austérités sévères, de feux de sacrifice ou à la prati-que de la méditation, qui ne sont tous que des activités maté-rielles pieuses de bon augure. (9) La neuvième offense est de prêcher les gloires du Saint Nom à ceux qui n’ont aucune foi en Lui, qui sont athées ou qui n’écouteront pas. (10) Enfin, la dixième offense est commise par le plus bas des hommes, qui, même après avoir entendu les gloires du Saint Nom transcendantal du Seigneur, demeure dans un concept de vie matérielle, en pensant : ‘ Je suis ce corps et tout ce qui appartient à ce corps est à moi (ahaà mameti)’, et qui ne fait pas preuve de respect et ne ressent aucun amour pour le chant du Saint Nom de Kåñëa.»

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L’inattention est également considérée comme une offense aux Saints Noms. VERSET 47 k-MaR<YaevaiDak-arSTae Maa f-le/zu k-dacNa ) Maa k-MaRf-l/heTau>aURMaaR Tae Sa®ae_STvk-MaRi<a )) 47 )) karmaëy evädhikäras te mä phaleñu kadäcana mä karma-phala-hetur bhür mä te saìgo ’stv akarmaëi Tu as le droit d’accomplir tes devoirs qui te sont prescrits, mais pas de disposer de leurs fruits. Jamais ne crois être la cause du résultat de tes actions, et en aucun cas ne rejette ton devoir. COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, dans ce verset et dans le suivant, Kåñëa explique à Arjuna le niñkäma-karma-yoga (l’adoration du Seigneur accomplie en étant détaché de tous bénéfices personnels), car Celui-ci considéra la non-qualification d’Arjuna pour s’engager dans la voie de la connaissance et du pur service de dévotion qu’il avait expliquée auparavant. Par les mots « mä phaleñu » Kåñëa indique que ceux qui agissent en vue de profiter des fruits de leurs activités ont des coeurs extrêmement impurs. Cependant, le Seigneur considère que le coeur d’Arjuna est presque pur. Si l’on remarque que toute action donne des fruits, le Seigneur enseigne qu’une personne devient la cause du fruit seulement quand elle agit avec un désir pour celui-ci. Aussi Kåñëa bénit-Il Arjuna pour qu’il ne s’engage pas dans ce genre d’activité.

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« Akarma » veut dire que l’on néglige son devoir prescrit et « vikarma » que l’on fait des activités impies. Kåñëa enseigne qu’il ne faut être attaché à aucun d’eux, au contraire, il conseille de les mépriser. Là encore, le Seigneur bénit Arjuna pour qu’il soit capable de faire celà. Dans son commentaire sur ce verset, Çréla Madhväcärya ensei-gne que l’on devrait cesser d’agir pour atteindre le fruit de ses actes car ceux-ci sont en fait déjà déterminés. En effet, toutes les récompenses sont données par Dieu. Il n’est donc pas cor-rect d’imaginer que les fruits de nos actions sont simplement dus à nos efforts personnels. En fait, le Seigneur donne les fruits des actions à une personne selon ses qualifications en-gendrées par ses activités passées. Par conséquent, même si une personne ne fait pas tout ce qui est nécessaire pour atteindre un résultat, celui-ci pourra être obtenu tout de même. En d’autres mots, un homme qui devra être riche, même s’il ne fait rien pour le devenir, aura beau-coup de richesses, alors que celui qui doit être pauvre, même s’il travaille dur, n’aura jamais d’argent. Sachant cela, une personne intelligente devrait ne pas perdre un temps précieux à désirer atteindre des objectifs matériels, car ceci ne fera qu’empêtrer davantage l’âme conditionnée dans les réactions de ses propres actes. Par contre, les actions dédiées au Seigneur, exécutées sans dé-sir d’en recevoir un fruit, sont considérées pleines de sagesse. Par conséquent, les sages ne sont pas liés par le désir de ré-compenses. C'est pourquoi le Seigneur Suprême Kåñëa dit les mots « mä te » « tu ne dois jamais ». Ne jamais être attaché aux fruits des actions. Ceux qui reçoivent la miséricorde sans cause du Seigneur Kå-ñëa deviennent Ses dévots, et par Sa grâce, ils sont bénis de n’avoir qu’un seul désir qui est de Le servir exclusivement. Ils n'ont aucun autre désir. Ils refusent même la libération de l'existence matérielle si celle-ci doit être la cause d’une sépara-

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tion avec Lui. La seule prière qu’ils adressent à Kåñëa est de rester engagés à Son service, naissance après la naissance, vie après vie. Ce qui implique que ceux qui ont la vraie sagesse sont engagés exclusivement dans le service de dévotion. VERSET 48 YaaeGaSQa" ku-å k-MaaRi<a Sa®& TYa¤-a DaNaÅYa ) iSaÖyiSaÖyae" SaMaae >aUTva SaMaTv& YaaeGa oCYaTae )) 48 )) yoga-sthaù kuru karmäëi saìgaà tyaktvä dhanaïjaya siddhy-asiddhyoù samo bhütvä samatvaà yoga ucyate O Dhanaïjaya, avec une humeur dévotionnelle abandonne l’attachement aux fruits de l’action, accomplis avec équanimité les devoirs qui te sont prescrits dans le succès comme dans l’échec. Une telle équanimité est appelée yoga. VERSET 49 dUre<a ùvr& k-MaR buiÖYaaeGaaÖNaÅYa ) buÖaE Xar<aMaiNvC^ k*-Pa<aa" f-l/heTav" )) 49 )) düreëa hy avaraà karma buddhi-yogäd dhanaïjaya buddhau çaraëam anviccha kåpaëäù phala-hetavaù O Dhanaïjaya, rejette toute activité inférieure et prends refuge du niñkäma-karma-yoga (l’adoration du Seigneur accomplie en étant détaché de tout bénéfice personnel). Ceux qui aspirent à récolter le fruit de leurs actes ne sont que des avares.

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COMMENTAIRE Selon Çréla Çrédhara Svämé, l’action accomplie dans le buddhi-yoga (le service de dévotion) est la meilleure méthode d’ac-tion. Celui qui agit de cette façon, par la grâce du Seigneur, se voit délivrer des réactions de ses actions bonnes ou mauvaises, conduisant une personne à se réjouir ou à souffrir en cette vie même. Par conséquent, on devrait toujours se livrer à l’adora-tion du Seigneur tout en étant détaché de tout bénéfice per-sonnel. Ceci est connu comme le niñkäma-karma-yoga. Aussi ce moyen d’action est-il considéré comme une science sacrée. Il permet d’engager toutes sortes d’activités dites ordinaires, et de les transformer en adoration du Seigneur. De telles activités qui d’ordinaire mènent à la servitude matérielle, deviennent le moyen de nous libérer de la matière, d’atteindre et de servir avec amour Kåñëa. Bien que ce service de dévotion puisse libérer toutes les âmes conditionnées qui ont une bonne fortune, un avare, lui, ne saura pas profiter de cette miséricorde en utilisant sa fortune. Il désirera simplement en goûter égoïstement les fruits, ce qui l’amènera à renaître en ce monde. o vä etad akñaraà gärgy aviditväsmäÿ lokät praiti sa kåpaëaù « O Gärgé, il est un avare celui qui quitte ce monde sans connaître le Seigneur Suprême, Lui qui est Acyuta, l’Infaillible Réalité Absolue. »

Båhad-äraëyaka Upaniñad (3.8.10)

na veda kåpaëaù çreya ätmano guëa-vastu-dåk « Les avares sont ceux qui considèrent que la Réalité ultime consiste à jouir des objets des sens produits par la nature ma-térielle. »

Çrémad Bhägavatam (6.9.49)

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Nous devrions donc ne perdre aucun instant de notre vie, nous devrions la dédier au service du Seigneur Suprême, et ainsi retourner en cette vie à Kåñëa. VERSET 50 buiÖYau¢-ae JahaTaqh o>ae Sauk*-TaduZk*-Tae ) TaSMaaÛaeGaaYa YauJYaSv YaaeGa" k-MaRSau k-aEXal/Ma( )) 50 )) buddhi-yukto jahätéha ubhe sukåta-duñkåte tasmäd yogäya yujyasva yogaù karmasu kauçalam Celui qui pratique et qui prend refuge du service de dévotion (buddhi-yoga) se voit dans cette vie libéré des suites de ses activités pieuses et impies. Efforce-toi donc, avec équanimité, de le pratiquer en étant à la fois détaché du fruit de l’acte (niñkäma-karma-yoga). Tel est le secret pour agir. VERSET 51 k-MaRJa& buiÖYau¢-a ih f-l&/ TYa¤-a MaNaqiz<a" ) JaNMabNDaiviNaMauR¢-a" Pad& GaC^NTYaNaaMaYaMa( )) 51 )) karma-jaà buddhi-yuktä hi phalaà tyaktvä manéñiëaù janma-bandha-vinirmuktäù padaà gacchanty anämayam Les sages établis dans le service de dévotion (buddhi-yoga) se libèrent des résultats engendrés par leurs actions. Se voyant ainsi libérés du cycle des morts et des renaissances, ils atteignent finalement cet état situé au-delà des souffrances de ce monde (Vaikuëöha).

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COMMENTAIRE Selon Çréla Abhay Caraëäravinda Bhaktivedanta Svämé, c’est l’ignorance qui empêche les âmes conditionnées de réaliser que le monde matériel est un lieu de souffrances. Seule celle-ci les pousse à chercher par leurs propres moyens d’actions à échapper à cette souffrance et à rechercher le bonheur. Mais dans son ignorance, l’âme incarnée ignore qu’aucune espèce de vie, ni de lieu dans l’univers matériel, ne peut lui permettre d’en échapper. Toutes les âmes incarnées doivent subir en ce monde, la naissance, la vieillesse, la maladie et la mort. Seul le sage qui connaît sa position en tant que serviteur de Kåñëa, peut s’engager dans le pur service de dévotion, et s’affranchir du cycle des morts et des renaissances. Il atteint alors Sa Demeure, lieu où il n’existe ni la naissance, ni la maladie, ni l’anxiété, ni la vieillesse, ni la mort. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’on appelle ce lieu transcendantal « Vaikuëöha » car il est à jamais libre de toute anxiété. VERSET 52 Yada Tae Maaehk-il/l&/ buiÖVYaRiTaTairZYaiTa ) Tada GaNTaaiSa iNaveRd& é[aeTaVYaSYa é[uTaSYa c )) 52 )) yadä te moha-kalilaà buddhir vyatitariñyati tadä gantäsi nirvedaà çrotavyasya çrutasya ca Quand ton intelligence aura traversé la dense forêt de l’illusion, tout ce que tu auras entendu, et tout ce qui te restera à entendre, te laissera indifférent. COMMENTAIRE Çréla Çrédhara Svämé explique qu’avec un désir sincère on peut se demander : « Quand vais-je atteindre le monde spirituel ? »

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C’est une question importante qui apparaît dans l’être lorsqu’il sort avec succès du labyrinthe illusoire qu’est l’existence maté-rielle. Mais cette réalisation n’est pas facile. Çréla Bhaktivedanta Näräyaëa Svämé explique que le mot « nirvedaà » signifie que les âmes conditionnées sont attachées à ce monde, à cause de leur identification avec le corps. Telle est la cause première de l’existence matérielle. Tant que cet attachement matériel demeure, l’âme conditionnée ne peut atteindre la pure connaissance. Elle ne peut pas non plus de-venir détachée du monde matériel et atteindre le monde spiri-tuel. Le mot « nirvedaà » veut également dire devenir détaché du monde matériel. A travers la pratique du niñkäma-karma-yoga (l’adoration du Seigneur accomplie en étant détaché de tout bénéfice personnel), on devient graduellement libre de la fausse conception que le corps et l’âme sont le soi. Alors on atteint le « nirvedaà », le renoncement à toutes les sortes d’acti-vités dont on a déjà entendu parler, ou dont on entendra par-ler. Le désir d’entendre parler ou de se renseigner sur les choses temporaires cesse quand l’intelligence spirituelle se manifeste en l’être par la grâce de Kåñëa. On ressent alors que ces activi-tés ne sont pas dignes d’être poursuivies. On trouve pour cela, dans les portions des Védas qui sont au-delà des influences des trois modes de la nature matérielle, de nombreux exem-ples de grands dévots du Seigneur qui s’étant engagés dans le pur service de dévotion abandonnèrent les pratiques rituelles des Védas.

ädy-antavanta urugäya vidanti hi tväm evaà vimåçya sudhiyo viramanti çabdät

« O Urukrama ceux qui réalisent avec discrimination que tous les objets ont un début et une fin abandonnent l’étude des Vé-

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das et s’engagent exclusivement dans Ton adoration. Çrémad-Bhägavatam (7.9.49)

VERSET 53 é[uiTaivPa[iTaPaàa Tae Yada SQaaSYaiTa iNaêl/a ) SaMaaDaavcl/a buiÖSTada YaaeGaMavaPSYaiSa )) 53 )) çruti-vipratipannä te yadä sthäsyati niçcalä samädhäv acalä buddhis tadä yogam aväpsyasi Lorsque ton intelligence sera uniquement fixée sur le Seigneur Suprême (samädhi), demeurant libre de tout autre attachement, comme l’écoute des différentes interprétations des Védas, alors tu atteindras le fruit du yoga. COMMENTAIRE Çréla Rämänujäcärya explique que le Seigneur Kåñëa com-mence ce verset par le mot « çruti », qui se réfère à Vedanta qui implique le fait de recevoir la connaissance transcendantale par l’intermédiaire d’une filiation spirituelle authentique. Par cette écoute répétée, l’esprit se dégage de toutes les distrac-tions de ce monde comme le langage fleuri des Védas. Il peut alors commencer à réfléchir, à méditer sur la nature immor-telle, incomparable et très subtile de l’âme éternelle, ainsi que sur le Nom, les Attributs, la Forme, et les Activités du Seigneur Suprême. Le Çrémad-Bhägavatam enseigne que l’écoute de tels sujets transcendantaux et le service rendu aux purs dévots du Sei-gneur ont le pouvoir de réduire pratiquement à néant ce qui trouble le coeur d’un tel dévot. Aussi voit-il le service d’amour offert au Seigneur s’y établir. En conséquence, il voit les in-

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fluences de l’ignorance et de la passion qui ont le pouvoir de manifester la concupiscence et les désirs matériels disparaître. Se fixant dans la vertu, il trouve le parfait bonheur. Il se trouve alors stimulé par la pratique du service de dévotion et il atteint la libération, stade où l’influence des modes matériels ne conditionnent plus l’âme. Il parvient alors à la science de Dieu. Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, celui qui a une ré-alisation directe de la transcendance à travers le yoga, atteint la liberté complète de l’esclavage matériel. Il peut alors graduel-lement réaliser le Seigneur Suprême, Kåñëa, sa propre identité et le service d’amour qui les unit éternellement. Tel est le plus parfait des yogis. VERSET 54 AJauRNa ovac iSQaTaPa[jSYa k-a >aaza SaMaaiDaSQaSYa ke-Xav ) iSQaTaDaq" ik&- Pa[>aazeTa ik-MaaSaqTa v]JaeTa ik-Ma( )) 54 )) arjuna uväca sthita-prajïasya kä bhäñä samädhi-sthasya keçava sthita-dhéù kià prabhäñeta kim äséta vrajeta kim Arjuna dit : O Keçava ! Quels sont les symptômes d’une personne dont l’intelligence est fixée sur le Seigneur Suprême (samädhi), Comment parle-t-elle ? Comment s’assoit-elle ? Et comment marche-t-elle ? COMMENTAIRE Selon Çréla Madhväcärya, Arjuna se réfère dans ce verset au Seigneur Kåñëa par le nom de Keçava, car Il est la source de Brahmä et de Çiva. Ka se réfère à Brahmä et Iça se réfère à Çi-va.

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Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura fait remarquer que dans le verset précédent, Arjuna a entendu parler d’une personne dont l’intelligence est fixée dans la transe (samädhi). Aussi, pose t-il des questions à Kåñëa afin de pouvoir reconnaître une telle personne : Quels sont les symptômes qui permettent de reconnaître un vrai yogi ? Comment ceux qui ont une intelli-gence imperturbable et fixée (sthita-prajïas) parlent-t-ils ? Quel est leur langage ? Comment ceux qui sont en samädhi demeurent-ils situés en transe ? Comment parlent-ils quand ils sont confrontés à des situations de bonheur ou de souffrance, d’honneur ou de déshonneur, de glorification ou de critique, d’affection ou d’envie... etc. Est-ce qu’ils s’adressent à une per-sonne ou simplement est-ce qu’ils contemplent la vérité en elle-même ? Comment s’assoient-ils ? Comment engagent-ils leurs sens dans les objets externes ? Comment marchent-ils ? VERSET 55 é[q>aGavaNauvac Pa[JahaiTa Yada k-aMaaNSavaRNPaaQaR MaNaaeGaTaaNa( ) AaTMaNYaevaTMaNaa Tauí" iSQaTaPa[jSTadaeCYaTae )) 55 )) çré-bhagavän uväca prajahäti yadä kämän sarvän pärtha mano-gatän ätmany evätmanä tuñöaù sthita-prajïäs tadocyate Le Seigneur Suprême dit : O Pärtha, quand l’âme infinitésimale (jévätmä) abandonne tout désir matériel engendré par le mental, et quand l’esprit ainsi contrôlé devient seulement satisfait en son soi (dans la nature de l’âme qui est emplie de félicité), on le dit être sthita-prajïa ou une personne dont l’intelligence est fixe.

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COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, le Seigneur Kåñëa répond aux quatre questions d’Arjuna dans ce verset et pour-suit son enseignement jusqu’à la fin de ce chapitre. Pour ré-pondre à la première question, le Seigneur explique que celui qui est situé dans une conscience transcendantale (sthita-prajïa) n’a même pas le parfum d’un désir matériel. Il a la capacité d’abandonner tous les désirs engendrés par une nature non spirituelle. Mais quel symptôme montre qu’une telle personne a abandon-né tous les désirs que lui impose son mental ? La réponse du Seigneur est qu’un tel être est plongé dans la félicité de l’âme.

yadä sarve pramucyante kämä ye 'sya hådi sthitäù atha märto 'måtä bhavaty atra brahma samaçnute

« Quand tous les désirs sont retirés du cœur, l’âme emprison-née dans le monde de la naissance et de la mort devient libé-rée et elle apprécie de nouveau la compagnie du Seigneur Su-prême. »

Båhad-äraëyaka Upaniñad (4.4.7) Par l’accomplissement du service de dévotion, on devient gra-duellement élevé au niveau transcendantal de retrouver la compagnie personnelle du Seigneur. A ce stade, l’être vivant réalise sa position transcendantale et jouit en lui-même d’une félicité toujours constante et croissante grâce à l’association avec Kåñëa. Les désirs chez l’âme réalisée deviennent alors pu-rement spirituels et sont liés directement à la satisfaction du Seigneur. Ils font partie intégrante de sa nature éternelle, tout comme le feu ne peut se défaire de la chaleur.

vimuïcati yadä kämän mänavo manasi sthitän tarhy eva puëòarékäkña bhagavattväya kalpate

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« O Seigneur, Toi qui as des yeux pareils-au-lotus, quand une personne abandonne tous ses désirs matériels situés dans son coeur, elle devient qualifié pour atteindre une opulence égale à La tienne, en d’autres mots, elle atteint Ta nature. »

Çrémad-Bhägavatam (7.10.9) VERSET 56 du"%eZvNauiÜGanMaNaa" Sau%ezu ivGaTaSPa*h" ) vqTaraGa>aYa§-aeDa" iSQaTaDaqMauRiNaåCYaTae )) 56 )) duùkheñv anudvigna-manäù sukheñu vigata-spåhaù véta-räga-bhaya-krodhaù sthita-dhér munir ucyate Celui qui n’est pas perturbé par les trois sortes de souffrances (ädhyätmika, ädhibhautika et ädhidaivika), qui ne s’exalte pas en présence du bonheur et qui est libre de tout attachement, de la peur et de la colère, on le dit être un sage à l’esprit ferme. COMMENTAIRE Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura explique que pour répon-dre à la question : « Comment une personne dont l’intelligence est fixe (sthita-prajïa), parle-t–elle ? » le Seigneur énonce ce verset commençant par « duùkheñv », ainsi que le verset sui-vant. Ce mot désigne les trois sortes de souffrances connues dans le monde matériel qui sont : 1) adhyätmika : celles causées par notre corps et notre mental. 2) adhibhautika: celles causées par les autres entités vivantes. 3) adhidaivika: celles causées par les puissances naturelles. Dans ce verset, les mots anudvigna-manäù se réfèrent à une personne qui se retrouvant devant de telles souffrances, pense

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qu’elle subit les conséquences de ses actes passés et qu’elle doit les endurer. Cette personne supporte intérieurement de telles circonstances. Elle peut également en parler ouverte-ment, sans duplicité, quand on la questionne. Dans chacun de ces cas, son visage ne montre aucune agitation. De même, lorsqu’une situation joyeuse survient, elle sait que cette situa-tion n’est que le fruit d’une action passée positive. Afin de cla-rifier cette position, ce verset décrit une telle personne comme étant : « véta-räga», détachée du bonheur « véta-bhaya», libre de toute peur même devant des léopards qui désirent les manger « véta-krodhaù», ne ressentant aucune colère, même à l’égard de personnes qui viennent l’attaquer ou la tuer L’exemple d’un tel dévot du Seigneur est raconté par Çréla Vån-dävana däsa Öhäkura dans le Çré Caitanya-bhägavata et com-menté par Çréla Bhaktisiddhänta Sarasvati Öhäkura. Il s’agit de l’histoire du grand saint Çréla Haridäs Öhäkura. Un jour, il fut condamné par un gouverneur musulman. Le Ka-zi appela alors les gardes et leur ordonna strictement : « Frappez-le de sorte qu’il en meurt ! » Les gardes eurent l’ordre de frapper Haridäs plus que nécessaire. Les gardes l’emmenèrent de place de marché en place de mar-ché, et le frappèrent sans miséricorde. Haridäs se souvenait simplement du nom de Kåñëa, et grâce à ce souvenir empli d’extase, il ne ressentait aucune douleur. Les gens pieux étaient dans une grande détresse de voir le châtiment de Hari-däs et la manière dont il était frappé. Néanmoins, les gardes ne firent preuve d’aucune miséricorde et continuèrent à le frapper avec colère de place en place. Ils commencèrent aussi à le torturer de différentes façons. Mais comme Prahläda, il ne ressentait aucune souffrance. Une telle tolérance est naturelle pour les purs dévots du Seigneur. Ils

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sont si occupés à servir constamment le Seigneur Suprême que les incidents du monde extérieur comme la torture ne peuvent leur apporter aucune anxiété. Au contraire, Haridäs se sentait désolé pour les gardes qui étaient engagés à le frapper, et il pria pour le bénéfice et la délivrance de ces êtres mauvais. « O Kåñëa ! Sois miséricordieux envers ces entités vivantes, et pardonne leur offense de me torturer. » Réalisant que le Sei-gneur Suprême serait grandement insatisfait par la torture qui lui était infligée par les musulmans, il pria aux pieds pareils-au-lotus pour leur bien. Les gardes le frappaient sévèrement sur les différentes places de marché, afin de le tuer. Mais il n’était même pas perturbé par le fait d’être battu. Egarées par les vagues du monde ex-terne, les âmes conditionnées ordinaires acceptent leur propre mental vacillant comme étant le directeur de toutes leurs acti-vités. Mais étant donné que les serviteurs du Seigneur sont en-gagés dans le service du Seigneur Hari, ils n’engagent pas leur mental à se réjouir des objets matériels externes. Au contraire, ils ne se rappellent d’aucun incident matériel, d’aucun objet matériel. En d’autres mots, ils ont oublié toute fausse identifi-cation au corps. Il est dit : « Ils sont attachés aux Saints Noms de Kåñëa, indifférents à l’égard des objets matériels, sans dé-fauts et toujours joyeux. » Les musulmans furent étonnés de voir cela et pensèrent : « Est-ce qu’un être humain peut survivre après avoir été autant frappé ? » « Si nous frappons quelqu’un sur deux ou trois places de marché, il meurt. Mais nous l’avons frappé sur vingt-deux places ! » « Il n’est pas mort et de plus nous voyons qu’il sourit ! Est-il un puissant saint qui connaît Dieu et qui est doté de pou-voirs extraordinaires ? » Les serviteurs musulmans qui l’avaient sévèrement frappé réalisèrent que s’ils ne tuaient pas Haridäs, ils seraient tués par leur maître. Alors, ils lui dirent : « O Hari-däs ! Nous allons être tués à cause de toi !!! » Les musulmans reprirent : « Bien que nous t’ayons frappé au-

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tant, tu es encore en vie ! Ainsi, le Kazi va nous tuer !!! » Hari-däs sourit et dit : « Si le fait que je demeure vivant vous crée un problème, alors je vais quitter mon corps tout de suite. » Après avoir dit cela, Haridäs entra dans une pure et profonde médita-tion en son cœur sur Kåñëa. Parce qu’il était en profond samäd-hi sur le Seigneur Suprême, son inspiration et son expiration ne pouvaient plus être perçues ouvertement. Haridäs, qui était doté de tous les pouvoirs mystiques, devint alors immobile et sa respiration s’arrêta. En voyant cela, les musulmans furent frappés d’émerveillement et ils amenèrent le corps sans vie d’Haridäs devant le roi.... VERSET 57 Ya" SavR}aaNai>aòehSTataTPa[aPYa éu>aaéu>aMa( ) Naai>aNaNdiTa Na Üeií TaSYa Pa[ja Pa[iTaiïTaa )) 57 )) yaù sarvatränabhisnehas tat tat präpya çubhäçubham näbhinandati na dveñöi tasya prajïä pratiñöhitä Celui qui est dénué d’affection pour les choses de ce monde, qui ne se réjouit pas du gain, ni se désespère dans la perte, est dit avoir une intelligence fixée. COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, ici le mot « änabhisnehas » signifie être libre de toute affection engendrée par des désignations matérielles. De telles personnes ressentent certainement de l’affection due à la compassion, mais celle-ci est libre de toute désignation matérielle. Ils n’accueillent pas les situations plaisantes comme le fait d’être honorés ou de se voir offrir des nourritures savoureuses. Ils ne glorifient pas non plus ceux qui les reçoivent en disant : « Vous

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êtes des personnalités très pieuses, et vous avez rendu de grands services à des grands saints, puissiez-vous être heureux ». De la même façon, quand ils doivent faire face à une situation déplaisante comme le fait d’être déshonorés ou attaqués, ils ne ressentent aucune aversion et ne maudissent pas leur adversaire en disant : « O personne pécheresse, puisses-tu aller en enfer ! » L’intelligence de telles personnes est complètement fixée en samädhi (l’absorption totale de la conscience en Krishna). Ceci est en vérité appelé sthita-prajïa. De tels êtres sont les bienfaiteurs de toutes les entités vivantes. VERSET 58 Yada Sa&hrTae caYa& kU-MaaeR_®aNaqv SavRXa" ) wiNd]Yaa<aqiNd]YaaQaeR>YaSTaSYa Pa[ja Pa[iTaiïTaa )) 58 )) yadä saàharate cäyaà kürmo ’ìgänéva sarvaçaù indriyäëéndriyärthebhyas tasya prajïä pratiñöhitä Tout comme une tortue rétracte ses membres dans sa carapace, quand une personne peut complètement détacher ses sens des objets des sens, on dit que son intelligence est fermement fixée. COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, le Seigneur répond avec ce verset à la question d’Arjuna « Comment s’assied-il ? ». Le mot « éndriyärthebhyas » signifie que comme une personne peut rétracter le sens de l’écoute de son objet (le son), celui qui est fixé sur la Vérité Absolue est capable de rétracter ses sens aux objets des sens externes, et de permettre à son esprit de rester imperturbable L’exemple de la tortue est donné pour illustrer ce point. Tout

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comme elle peut rétracter ses yeux, sa tête et ses pattes à l’in-térieur de sa carapace comme elle le souhaite, une personne qui est sthita-prajïa ou celle dont l’intelligence est fixe peut rétracter ses sens de leurs objets comme elle le désire. VERSET 59 ivzYaa iviNavTaRNTae iNaraharSYa deihNa" ) rSavJa| rSaae_PYaSYa Par& d*îa iNavTaRTae )) 59 )) viñayä vinivartante nirähärasya dehinaù rasa-varjaà raso ’py asya paraà dåñövä nivartate Celui qui s’identifie avec son corps peut articiellement restreindre son plaisir en détachant les sens de leurs objets, mais son avidité pour de tels plaisirs demeure toujours. Cependant l’attachement pour de tels objets des sens disparaît spontanément pour une personne qui a réalisé l’Ame Suprême (Paramätmä) et qui a fixé son intelligence sur Elle. COMMENTAIRE Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura explique que le Seigneur énonce ce verset pour ceux qui pourraient objecter que le sim-ple fait de jeûner suffit pour devenir détaché des objets des sens. Le mot « rasa-varjaà » indique que de telles personnes ne deviennent pas libres d’attachement pour les objets des sens. La jouissance des sens expérimentée par le son, la vue, le tou-cher ... cesse complètement lorsqu’une personne est très ma-lade, tout comme un individu qui a une crise de foie et que le simple fait de sentir l’odeur d’un bon gâteau l’écoeure. Mais bien qu’il s’abstienne de manger certains aliments à cause de la maladie, il ne perd pas le goût pour ces aliments. Au

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contraire, il pense à tous ces plaisirs et à en jouir de nouveau une fois qu’il sera guéri. Aussi Çréla Madhväcärya fait-il remar-quer que l'abstinence seule ne suffit pas, car même si une per-sonne renonce en son for intérieur aux objets des sens, l’atta-chement pour eux ne cessera de croître. Çréla Bhaktivinoda Öhäkura fait remarquer que la pratique qui consiste à ne pas s’impliquer dans les objets des sens en res-tant détaché d’eux par force est réservée aux personnes dont l’intelligence spirituelle n’est pas éveillée. Cette pratique est suivie par les personnes qui identifient le soi avec le corps. Or, le Seigneur Kåñëa est appelé, dans les Védas, par le nom de « svayam bhagavän », qui implique qu’en tant que la Per-sonne Originelle de Dieu, en Lui est compris toute chose d’une manière infinie et toujours croissante. Rien n’égale Kå-ñëa, ni rien ne le surpasse. Tout est insignifiant à côté de Lui. Tout en Sa création n’a qu’une parcelle de Sa beauté, de Sa douceur, de Sa puissance, de Son renoncement, de Sa connaissance, de Sa sagesse, de Sa grandeur, de Sa renommée, de Sa richesse ... Ainsi, Çréla Bhaktivinoda Öhäkura enseigne que seul par le ser-vice de dévotion une personne peut voir son Seigneur adora-ble se révéler directement à Lui, face à face. Elle peut alors se défaire de tout désir et attachement pour les objets des sens. En effet, ils sont insignifiants face à l’infiniment fascinant Kå-ñëa. Tout naturellement, elle les abandonne. Le simple fait qu’Il se dévoile à une âme a le pouvoir de la li-bérer à jamais de toute contamination matérielle et de l’élever sur le plan de la plus haute plateforme spirituelle. Bien que la recommandation de retirer leurs sens des objets des sens par la force soit donnée aux âmes conditionnées dé-pourvues d’intelligence spirituelle, elles ne peuvent pas attein-dre le but de l’existence, sans s’engager dans le processus du pur service de dévotion. Aussi cette méthode est-elle impar-faite.

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VERSET 60 YaTaTaae ùiPa k-aENTaeYa PauåzSYa ivPaiêTa" ) wiNd]Yaai<a Pa[MaaQaqiNa hriNTa Pa[Sa>a& MaNa" )) 60 )) yatato hy api kaunteya puruñasya vipaçcitaù indriyäëi pramäthéni haranti prasabhaà manaù O Fils de Kunté, même l’esprit d’un homme, doté de connaissance et de discrimination, qui s’efforce d’atteindre la libération, peut être emporté de force par des sens agités. COMMENTAIRE Selon Çréla Bhaktivedanta Näräyaëa Svämé, il est du devoir d’un spiritualiste qui n’a pas atteint la réalisation spirituelle de s’efforcer avec grande attention d’atteindre le contrôle de ses sens. On ne peut pas devenir un être fixé sur la Vérité Absolue sans cette qualité. Il est ici fait allusion au fait qu’il est aussi dif-ficile d’avoir un contrôle complet des sens qui sont continuel-lement agités que de contrôler le vent. Cependant, selon les instructions de Çré Caitanya Mahäprabhu, même cette tâche difficile devient très facile quand une personne sincère engage tous ses sens dans le service du Seigneur Suprême. On peut apprendre cet art de contrôler ses sens, dans les activités jour-nalières du roi Ambaréña qui sont décrites dans le Çrémad-Bhägavatam (9.4.18-20) :

sa vai manaù kåñëa-pädäravindayor vacäàsi vaikuëöha-guëänuvarëane karau harer mandira-märjanädiñu çrutià cakäräcyuta-sat-kathodaye mukunda-liìgälaya-darçane dåçau

tad-bhåtya-gätra-sparçe ’ìga-saìgamam

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ghräëaà ca tat-päda-saroja-saurabhe çrémat-tulasyä rasanäà tad-arpite pädau hareù kñetra-padänusarpaëe

çiro håñékeça-padäbhivandane kämaà ca däsye na tu käma-kämyayä

yathottama-çloka-janäçrayä ratiù « Le roi Ambaréña avait ses pensées constamment fixées sur les pieds pareils-au-lotus de Kåñëa. Avec sa bouche, il glorifiait le Seigneur et Son royaume ; avec ses mains, il nettoyait le tem-ple ; avec ses oreilles, il écoutait les récits concernant le Sei-gneur ; avec ses yeux, il contemplait avec dévotion la Déité ; avec son corps, il étreignait les dévots du Seigneur et touchait leurs pieds ; avec ses narines, il humait le parfum des feuilles de Tulasé qui avaient été offertes aux pieds du Seigneur ; avec sa langue, il goûtait la nourriture offerte à Kåñëa ; avec ses jam-bes, il visitait les lieux saints ou se rendait au temple ; avec sa tête, il touchait les pieds pareils-au-lotus du Seigneur ou lui offrait des prières. Le roi Ambarisa n’avait qu’un seul désir : servir le plus fidèlement possible le Seigneur. A cette fin, il en-gageait tous ses sens dans le service d’amour du Seigneur qui a pour but d’éveiller l’amour pour Kåñëa. » La perfection qui est atteinte par un pratiquant dans le service de dévotion porte le nom de « rägänuga-bhakti » qui exprime qu’il a atteint le stade de la dévotion spontanée. A ce niveau de conscience, seule la Vérité Absolue est perceptible dans toute chose. Le roi Ambaréña avait atteint cet état de cons-cience, et à travers la voie du service de dévotion, il pouvait engager toutes ses activités dans le service d’amour du Sei-gneur. A un niveau de conscience moindre, ces activités spirituelles sont également proposées aux spiritualistes néophytes. Elles portent le nom de vidhi-bhakti ou service de dévotion réglé. Ces activités accomplies sous la direction d’un maître spirituel authentique ont le pouvoir d’engager les sens contaminés du

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disciple et de graduellement les éveiller à la réalité spirituelle. Il existe soixante-quatre activités dévotionnelles majeures qui englobent toutes les activités du corps, du mental et des sens, dont cinq sont prédominantes. - accomplir tout ce qui est en rapport avec la Déité dans le temple, avec le plus grand soin et la plus grande dévotion. - écouter le Çrémad-Bhägavatam dans la compagnie des dévots du Seigneur. - rechercher la compagnie de saints dévots du Seigneur. - chanter les Saints Noms du Seigneur. - habiter dans un lieu saint, tel que Våndävana ou dans un tem-ple. VERSET 61 TaaiNa SavaRi<a Sa&YaMYa Yau¢- AaSaqTa MaTPar" ) vXae ih YaSYaeiNd]Yaai<a TaSYa Pa[ja Pa[iTaiïTaa )) 61 )) täni sarväëi saàyamya yukta äséta mat-paraù vaçe hi yasyendriyäëi tasya prajïä pratiñöhitä Il faut donc maîtriser les sens en s’abandonnant à Moi, par la pratique du service de dévotion et en vivant sous Mon refuge. Seul celui dont les sens sont contrôlés peut être tenu pour avoir une intelligence fixe. Lui seul est sthita-prajïä. COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, le mot « mat-paraù » employé par le Seigneur qui se traduit par « mon dévot », prouve d’une façon certaine que le service de dévotion est la seule voie qui permet à une personne de contrôler ses sens. En effet, les sens sont comparés à des brigands, et le Seigneur

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qui réside dans le cœur de tous les êtres vivants sous Sa forme de Paramätmä, l’Ame Suprême, à un puissant roi. Lorsqu’une personne prend refuge dans le roi, les brigands cessent natu-rellement d’importuner une telle personne. Pareillement, celui qui prend refuge exclusivement dans le Personne Suprême voit ses sens automatiquement contrôlés. Aussi doit-on contrô-ler ses sens d’une façon simple et naturelle par le seul intermé-diaire de la dévotion, en prenant refuge dans le Seigneur Su-prême. Ce fait sera apparent tout au long des prochains chapi-tres de la Bhagavad-gétä, ainsi que l’explique également le Çré-mad-Bhägavatam (11.29.2) :

präyaçaù puëdarékäkña yuïyanto yogino manaù viñédanty asamädhänän mano-nigraha-karçitäù

athäta änanda-dughaà padämbujaà haàsäù çrayerann aravinda-locana

sukhaà nu viçveçvara yoga-karmabhis tvan-mäyayämé vihatä na mäninaù

« O Kåñëa, Toi dont les yeux sont pareils à des lotus, les yogis généralement ne connaissent pas le succès pour ce qui est de contrôler leur mental et ainsi de suite. Après avoir fait des ef-forts pendant une courte période, ils deviennent fatigués et frustrés. C’est pourquoi ceux qui sont experts à discerner entre ce qui est substantiel et ce qui ne l’est pas, prennent un refuge exclusif à Tes pieds pareils-au-lotus qui apportent un plaisir illimité à tous les êtres et qui est le fondement de leur bon-heur. « VERSET 62 DYaaYaTaae ivzYaaNPau&Sa" Sa®STaezUPaJaaYaTae ) Sa®aTSaÅaYaTae k-aMa" k-aMaaT§-aeDaae_i>aJaaYaTae )) 62 ))

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dhyäyato viñayän puàsaù saìgas teñüpajäyate saìgät saïjäyate kämaù kämät krodho ’bhijäyate En méditant sur les objets des sens une personne développe de l’attachement, duquel naît le désir, qui à son tour engendre la colère. COMMENTAIRE Çréla Çrédhara Svämé a expliqué le défaut de ne pas avoir les sens sous contrôle. Dans ce verset et le suivant, ce défaut est maintenant mis en évidence. En effet, selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, Kåñëa enseigne que le contrôle du mental est le moyen fondamental par lequel ceux qui sont sthita-prajïas (des personnes dont l’intelligence est fixe), contrôlent leurs sens. Maintenant, le Seigneur explique à Arjuna ce qui arrive lorsqu’une personne est incapable de contrôler pleine-ment son mental. En méditant sur les objets des sens, une personne développe de l’attachement pour eux, alors un désir excessif pour ces ob-jets se développe. La colère s’élève ensuite, si pour une raison ou pour une autre, ce désir n’est pas comblé. VERSET 63 §-aeDaaÙviTa SaMMaaeh" SaMMaaehaTSMa*iTaiv>a]Ma" ) SMa*iTa>a]&Xaad(buiÖNaaXaae buiÖNaaXaaTPa[<aXYaiTa )) 63 )) krodhäd bhavati sammohaù sammohät småti-vibhramaù småti-bhraàçäd buddhi-näço buddhi-näçät praëaçyati La colère entraîne l’illusion qui elle-même engendre la perte de la mémoire (et l’oubli des instructions des Ecritures révélées). Quand la mémoire se perd

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l’intelligence est détruite. Tout est alors perdu. Cette personne retombe à nouveau dans l’existence matérielle. COMMENTAIRE La colère engendrée par le fait de ne pas avoir assouvi ses dé-sirs matériels appelle l’illusion. Celle-ci indique que l’âme de-vient dotée d’une perception trompeuse de la vérité. Cette illu-sion implique que même si une personne a reçu la connais-sance des Ecrits védiques, elle ne pourra, dans une situation particulière, s’en rappeler et comprendre comment agir correc-tement. C’est de là que l’âme conditionnée en vient à s’enga-ger dans des activités inappropriées. Aussi l’illusion engendre-t-elle la perte de la mémoire qui pro-voque la destruction de l’intelligence, ce qui représente pour l’être vivant, la perte de sa conscience liée à sa réalité spiri-tuelle, c’est-à-dire qu’il n’est pas ce corps mais une âme spiri-tuelle. Cette illusion ruine complètement l’être vivant. Il perd alors sa précieuse opportunité d’être engagé dans le pur service de dé-votion et d’atteindre le but de la vie humaine qui est d’éveiller l’amour pour Kåñëa. Il ne vit plus que dans l’obscurité de l’i-gnorance. Par ses mauvaises activités, il devient dégradé et at-teint un monde inférieur. Cette explication nous permet de comprendre qu’il est essentiel d’arriver au contrôle du mental.

viñayeñu guëädhyäsät puàsaù saìgas tato bhavet saìgät tatra bhavet kämaù kämäd eva kalir nåëäm kaler durviñahaù krodhas tamas tam anuvartate tamasä grasyate puàsaç cetanä vyäpiné drutam tayä virahitaù sädho jantuù çünyäya kalpate

tato ’sya svärtha-vibhraàço mürcchitasya måtasya ca « Lorsqu’une personne contemple les qualités des objets des sens, l’attachement s’éveille, de celui-ci découlent les désirs, et

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les désirs qui ne sont pas comblés mènent à la frustration. « De la frustration naît une colère sans restrictions, le colère cause l’illusion, et losrqu’une personne est dans l’illusion, la sagesse pour discriminer entre ce qui est bien et ce qui est mal disparaît. « O toi qui es doux, dû à cette perte de discrimination, un homme devient comme de la matière inerte, et de cette condi-tion il glisse jusque dans des état d’inconscience, d’inertie et devient presque mort. Ainsi, le but suprême de la vie est per-du. »

Çrémad-Bhägavatam (11.21.19-21) Selon Çréla Bhaktivedanta Näräyaëa Svämé, le mental est en vérité le roi, celui qui gouverne et qui est la cause impulsive des sens. Ainsi, en contrôlant le mental, les sens sont contrô-lés. Afin de contrôler le mental, il est impératif de le diriger vers l’adoration du Seigneur Suprême, suivant les principes qui régissent le service de dévotion. En conséquence, les déclara-tions du Seigneur dans le verset (2.61) täni sarväëi saàyamya « Il faut donc discipliner les sens en s’abandonnant à Moi » sont ici confirmées. VERSET 64 raGaÜezivMau¢E-STau ivzYaaiNaiNd]YaEêrNa( ) AaTMavXYaEivRDaeYaaTMaa Pa[SaadMaiDaGaC^iTa )) 64 )) räga-dveña-vimuktais tu viñayän indriyaiç caran ätma-vaçyair vidheyätmä prasädam adhigacchati Cependant, celui dont les sens sont contrôlés et qui est libre de l’attachement et de l’aversion, atteint la paix de l’esprit même en se réjouissant des objets des sens par l’intermédiaire des sens.

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COMMENTAIRE Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura explique, dans son com-mentaire, que le Seigneur Kåñëa énonce ce verset pour répon-dre à la question d’Arjuna : « Comment une personne qui est un sthita-prajïa (une personne dont l’intelligence est fixée sur le Seigneur Suprême) se comporte-t-elle ? » Les âmes spirituelles sont des manifestations de l’énergie mar-ginale du Seigneur (jéva-çakti), et les corps qui les recouvrent procèdent de l’énergie matérielle du Seigneur (mäyä-çakti). Bien que le corps soit considéré comme matériel et l’âme comme spirituelle, tous les deux cependant ont une origine unique. Ce que le Seigneur Kåñëa corrobore dans la Bhagavad-gétä (7.4-5) :

bhümir äpo ’nalo väyuù khaà mano buddhir eva ca ahaìkära itéyaà me bhinnä prakåtir añöadhä

apareyam itas tv anyäà prakåtià viddhi me paräm jéva-bhütäà mahä-bäho yayedaà dhäryate jagat

« Mon énergie matérielle a huit divisions : la terre, l’eau, le feu, l’air, l’éther, le mental, l’intelligence et le faux ego. » « O Arjuna, puissant héros, sache que Mon énergie matérielle est inférieure. Il existe une autre de Mes puissances connue sous le nom jévä-svarüpa qui est supérieure. Les âmes spirituel-les qui acceptent le monde matériel afin de jouir des fruits de l’action, la constituent. » Or, dans le Brahma-sütra, il est dit « çakti-çaktimator abhedaù », que l’énergie et la source ne sont pas différentes, ce qui impli-que que les différentes manifestations de la matière et du spiri-tuel ne font en définitive qu’un avec Dieu. « Ekam evädvitéyaà brahma » (Chändogya Upaniñad 6.2.1), parce que tout émane du Brahman (Dieu) il y a une unité en toute chose. Tout pro-vient de Kåñëa, tout est donc véritable. Aussi, ceux qui sont sthita-prajïas (des êtres fixés sur le Seigneur Suprême) voient-

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ils toute chose comme reliée à Kåñëa, car rien n’existe séparé de Dieu.

anäsaktasya viñayän yathärham upayuïjataù

nirbandhaù kåñëa-sambandhe yuktaà vairägyam ucyate präpaïcikatayä buddhyä hari-sambandhi-vastunaù mumukñubhiù parityägo vairägyaà phalgu kathyate

« Une personne qui est détachée, mais qui en même temps ac-cepte toutes choses pour les utiliser dans l’adoration de Kåñëa, transcende véritablement tout esprit de possession. Par contre on doit considérer comme incomplet le renoncement d’une personne qui rejette toutes choses sans comprendre leurs liens avec le Seigneur. »

Bhakti-rasämåta-sindhu (2.255–256) En vérité, qu’est-ce qui sépare les êtres vivants de cette miséri-corde ? C’est la façon dont ils perçoivent les choses. Bien que le Seigneur manifeste l’univers matériel afin de permettre aux âmes rebelles d’y séjourner, celui-ci demeure à jamais Sa pro-priété. Celui qui exploite celle-ci séparée de Kåñëa est donc un voleur. Ainsi, bien qu’engagé dans un processus pour attein-dre la libération, celui qui n’accepte pas le service d’amour du Seigneur ne saurait atteindre la perfection spirituelle. Comme un voleur encourt une peine, celui qui n’agit pas parfaitement doit encore encourir les réactions de ses actes. C’est le cas malheureusement de certains spiritualistes qui re-jettent l’aspect personnel de Dieu. L’ignorance qui les in-fluence leur fait imaginer que la Vérité Absolue est imperson-nelle. Pour eux, la forme de Kåñëa, Son nom, Ses activités, Son service d’amour sont tous illusoires ou mäyä. Ils considèrent également que l’énergie matérielle est fausse, séparée de Dieu. Pour ces spiritualistes, les âmes spirituelles insignifiantes sont Dieu, ce qui implique qu’avec une telle conscience, on ne sau-

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rait accéder à la pleine miséricorde du Seigneur, car Kåñëa ré-ciproque avec le désir des êtres vivants.

ye yathä mäà prapadyante täàs tathaiva bhajämy aham mama vartmänuvartante manuñyäù pärtha sarvaçaù

« O fils de Prtha, à tous égards tous suivent Ma voie et selon qu’ils s’abandonnent à Moi et M’adorent, Je réciproque avec chacun. »

Bhagavad-gétä (4.11) Et puisque leur désir est de rejeter Sa personne, Il reste pour eux caché.

avyaktaà vyaktim äpannaà manyante mäm abuddhayaù paraà bhävam ajänanto mamävyayam anuttamam nähaà prakäçaù sarvasya yoga-mäyä-samävåtaù müòho ’yaà näbhijänäti loko mäm ajam avyayam

« Les êtres de moindre intelligences considèrent que Je prends naissance comme un être humain ordinaire, Moi qui suis non manifesté et au-delà de l’existence de ce monde. Leur igno-rance les empêche de comprendre Ma nature suprême, par-faite, immuable et transcendantale (Ma forme, Mon apparition, Mes activités et de Mes qualités). « Je ne suis pas manifesté aux yeux de tous. Par Ma puissance interne (yoga-mäyä), je demeure voilé aux regards des insen-sés. Aussi, ne connaissent-ils rien au sujet de Ma personnalité. Moi qui suis non né et impérissable.

Bhagavad-gétä (7.24-25) Si nous analysons cette mentalité, nous pourrons retrouver son origine dans l’envie et l’aversion que l’âme conditionnée déve-loppe en tombant en ce monde matériel : l’envie d’être Dieu et le rejet d’avoir une relation avec Lui. Or, ces spiritualistes ne

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peuvent qu’artificiellement contrôler leurs sens, en évitant le contact avec les objets des sens. En effet, ils ne peuvent arrêter d’avoir ces contacts car personne en ce monde ne peut cesser d’agir, ne serait-ce que pour manger. A cause de ce faux re-noncement, la moindre agitation du mental et des sens les fait retomber dans le puits qu’est le monde matériel. Ils doivent contrôler leur mental et leurs sens à chaque instant de leur vie spirituelle, marquant une existence très austère et emplie de difficultés et de souffrances.

ye ’nye ’ravindäkña vimukta-mäninas tvayy asta-bhäväd aviçuddha-buddhayaù äruhya kåcchreëa paraà padaà tataù

patanty adho ’nädåta-yuñmad-aìghrayaù « O Seigneur, toi dont les yeux sont pareils à des lotus, il existe nombre de spiritualistes qui ne sont pas Tes dévots, qui ac-complissent de sévères austérités et de grandes pénitences en vue d’atteindre la position suprême et qui se croient libérés, mais leur intelligence demeure impure. Ils se voient tomber de cette position imaginaire parce qu’ils n’ont pas pris refuge à Tes pieds pareils-au-lotus. »

Çrémad-Bhägavatam (10.2.32) Au contraire, le parfait dévot du Seigneur voit la propriété de Kåñëa (le monde matériel) comme un moyen d’engager celle-ci dans Sa satisfaction. De cette façon, il n’encourt plus les ré-sultats de ses actes, et il purifie son existence de toutes les contaminations matérielles. En vérité, ce qu’on appelle la matière devient spiritualisée dans le service de Kåñëa, car rien de ce qui est matériel ne sau-rait être engagé au service de Dieu. Tel est, selon Çréla Madh-väcärya, le sens du mot « prasadam » ou « miséricorde du Sei-gneur » dans ce verset. Tout devient « miséricorde » pour celui qui est fixé dans le service de dévotion, car Kåñëa se manifeste en toute chose pour Son dévot.

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Celui qui n’est pas fixé dans le service d’amour du Seigneur contemple les objets des sens pour sa satisfaction. Ceci fait naître l’attachement, la convoitise, la colère, puis l’illusion. Par contre, même s’il n’a pas encore atteint la plus haute plate-forme de la dévotion, celui en qui s’est éveillée l’inclination à servir Kåñëa contemple les objets des sens, en considérant le moyen de les utiliser uniquement pour donner du plaisir au Seigneur. Kåñëa qui est en son cœur et en toute chose accepte alors son offrande, et se révèle à ce dévot en proportion de sa sincérité. Alors par le fait qu’il peut réaliser graduellement la forme, les attributs, le nom du Seigneur, un attachement tout spirituel se manifeste en l’âme pour Kåñëa. Son avidité pour servir davan-tage Kåñëa s’en trouve accrue du fait qu’il goûte en lui-même la félicité spirituelle de l’amour pour Dieu. Cet amour, cet atta-chement s’accroissant encore plus, l’âme atteint la libération de toute contamination matérielle et réalise sa position cosnti-tutionnelle, une vie d’amour avec Kåñëa. Plongeant encore et encore dans l’amour de Dieu, un tel dévot se situe sur la plus haute forme de la spiritualité. Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, il n’y a donc pas d’erreur si de telles personnes qualifiées acceptent les objets des sens. Au contraire, car elles voient tout relié au Seigneur Suprême. Elles peuvent donc les délaisser ou les accepter, être ou ne pas être motivées pour les atteindre. Dans tous les cas, tout est de bon augure pour elles. Telle est la façon dont un sthita-prajïa (une personne dont l’intelligence est fixée sur Kåñëa) agit en ce monde. VERSET 65 Pa[Saade SavRdu"%aNaa& haiNarSYaaePaJaaYaTae ) Pa[SaàceTaSaae ùaéu buiÖ" PaYaRviTaïTae )) 65 ))

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prasäde sarva-duùkhänäà hänir asyopajäyate prasanna-cetaso hy äçu buddhiù paryavatiñöhate Celui qui obtient la miséricorde du Seigneur (prasäde), voit toutes ses souffrances disparaître. En résultat, il devient paisible et son intelligence devient rapidement fixée. COMMENTAIRE Selon Çréla Çrédhara Svämé, ce verset explique ce qui se passe quand la miséricorde du Seigneur Suprême est atteinte. La conséquence directe est la destruction de toutes les misères, alors une personne obtient de s’immerger dans une félicité su-prême, et d’avoir l’intelligence fixée aux pieds pareils-au-lotus de Son Seigneur adorable Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, « buddhiù paryavatiñöhate » signifie qu’en toutes circonstances, son mental devient stable et fixé sur le but désiré. Ainsi, elle demeure heureuse, qu’elle accepte ou non les objets des sens. Il faut comprendre que le bonheur du mental ne viendra que de la dévotion, car sans dévotion, le mental ne peut devenir satisfait. Ceci est expliqué dans le Çrémad-Bhägavatam qui décrit comment Vyäsadeva n’était pas satisfait même après avoir compilé le Vedänta-sütra. Seulement après qu’il ait suivi les instructions de Çri Närada, son mental devint empli de félicité par l’entremise exclusive de la dévotion. En effet, Çréla Vyäsadeva qui apparut avant notre âge et qui connaissait le passé, le présent et le futur, perçut les effets dé-vastateurs de l’âge dans lequel nous vivons. Il put comprendre que les hommes deviendraient athées, infortunés, impatients, moins intelligents et d’une durée de vie limitée. Aussi entre-prit-il de les aider. Il considéra que les sacrifices védiques représentaient le moyen pour eux de purifier leur existence. Afin de les simpli-fier, il divisa le Véda originel en quatre parties, et les Itihäsas

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comme le Mahäbhärata et les Puräëas devinrent le cinquième Véda. De cette manière, dans sa grande compassion, il permit à tous les hommes et les femmes d’atteindre le but de l’exis-tence. Mais dans son mental, il ne trouvait pas la paix. Aussi, considéra-t-il le fait et se mit à penser : « Bien que j’aie observé tous les principes védiques, je sens un profond vide en moi. » Au même moment, par l’arrangement de la Providence, son maître spirituel, Çri Närada, arriva sur les lieux. Alors, Il l’hono-ra comme il se doit. Puis son maître spirituel lui expliqua la cause de son mal-être : « Es-tu satisfait en identifiant ton soi à ton mental ? Tu as répondu à toutes les questions par tes étu-des complètes. Tu as exposé la vérité sur l’aspect impersonnel de la Vérité Absolue (Brahman). Pourquoi te trouves-tu insatis-fait ? » « En vérité, tu n’as pas véritablement exposé les gloires du Sei-gneur Suprême, car tu as omis Son aspect ultime en tant que Kåñëa source de toute autre chose. Or, les textes qui ne Le dé-peignent pas sont considérés sans valeur. Ils ne peuvent ap-porter la satisfaction aux sens spirituels. » « Tout ce que tu as pu exposer qui n’est pas relié à cette vérité, ne fera que troubler le mental des hommes, et ceux-là agiront selon tes instructions au nom de la religion. Pour remédier à cela, trace le véritable sentier de la réalisation spirituelle en décrivant l’aspect personnel du Seigneur Suprême. En vérité, aucun autre moyen ne permettra aux hommes d’échapper à ces souffrances... » VERSET 66 NaaiSTa buiÖrYau¢-SYa Na caYau¢-SYa >aavNaa ) Na ca>aavYaTa" XaaiNTarXaaNTaSYa ku-Ta" Sau%Ma( )) 66 )) nästi buddhir ayuktasya na cäyuktasya bhävanä

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na cäbhävayataù çäntir açäntasya kutaù sukham Celui dont le mental n’est pas contrôlé et qui est dépourvu de la connaissance reliée à l’âme, est incapable d’atteindre la paix qui est engendrée par la méditation sur le Seigneur Suprême. Et sans paix, comment le bonheur serait-il possible ? COMMENTAIRE Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura explique que Le Seigneur énonce ce verset afin de renforcer indirectement la conclusion du verset précédent, car l’intelligence d’une personne dont le mental est incontrôlé ne peut devenir fixée dans le soi. Une telle personne est « ayucta » ou considérée comme dépourvue d’intelligence. A cause de cela, elle ne peut méditer sur le Sei-gneur Suprême. Selon Çréla Rämänujäcärya, sans cette méditation, l’être ne peut réaliser son lien éternel avec Kåñëa, sa propre personnalité transcendantale et ainsi atteindre la fin de l’existence maté-rielle. Une telle personne dont le mental est incontrôlé ne peut trouver la paix en ce monde. Elle ne peut jamais atteindre la béatitude éternelle et la félicité transcendantale. Ce qui confirme les conséquences désastreuses qui résultent de l'inca-pacité à contrôler le mental. VERSET 67 wiNd]Yaa<aa& ih crTaa& YaNMaNaae_NauivDaqYaTae ) TadSYa hriTa Pa[ja& vaYauNaaRviMavaM>aiSa )) 67 )) indriyäëäà hi caratäà yan mano ’nuvidhéyate tad asya harati prajïäà väyur nävam ivämbhasi

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Tout comme le vent balaie un bateau sur l’eau, n’importe lequel des sens qui vagabonde, peut captiver l’attention d’un mental incontrôlé d’un homme et emporter son intelligence. COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, le Seigneur ensei-gne dans ce verset qu’une personne qui n’a pas le contrôle de son mental est considérée n’avoir aucune intelligence. Lors-qu’une âme conditionnée se laisse emporter par ses sens pour aller au contact des objets des sens, son mental est forcé de suivre. Dans cette condition, le mental est comparé à un vent défavorable qui balaie un bateau dans l’eau, parce qu’il em-porte au loin l’intelligence d’une personne. Ce qui prouve d’une façon irréfutable qu’à moins d’engager ses sens dans le service de dévotion, une personne est sûre de tomber à nouveau dans l’existence matérielle. VERSET 68 TaSMaaÛSYa Mahabahae iNaGa*hqTaaiNa SavRXa" ) wiNd]Yaa<aqiNd]YaaQaeR>YaSTaSYa Pa[ja Pa[iTaiïTaa )) 68 )) tasmäd yasya mahä-bäho nigåhétäni sarvaçaù indriyäëéndriyärthebhyas tasya prajïä pratiñöhitä O, Arjuna aux bras puissants, celui qui détourne les sens de leurs objets respectifs possède une intelligence fixe. COMMENTAIRE Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura explique que ceux qui ont maîtrisé leur mental sont sthita-prajïas (des personnes dont l’intelligence est fixée sur le Seigneur Suprême). C’est pour-

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quoi Kåñëa enseigne à Arjuna : « Toi qui possèdes des bras puissants, tout comme tu conquiers tes ennemis, tu dois aussi conquérir ton mental. » En d’autres mots, une personne doit apprendre, sous la gui-dance d’un maître spirituel, à renoncer à jouir des objets des sens pour son propre plaisir, et à les engager dans le service transcendantal du Seigneur pour Sa seule satisfaction. Celui qui, par la miséricorde de Kåñëa, est doté d’une telle intelli-gence, peut conquérir le mental et les sens. VERSET 69 Yaa iNaXaa SavR>aUTaaNaa& TaSYaa& JaaGaiTaR Sa&YaMaq ) YaSYaa& JaaGa]iTa >aUTaaiNa Saa iNaXaa PaXYaTaae MauNae" )) 69 )) yä niçä sarva-bhütänäà tasyäà jägarti saàyamé yasyäà jägrati bhütäni sä niçä paçyato muneù Ce qui est l’état d’éveil pour le sage dont l’esprit est fixé, parait être l’obscurité pour la masse des âmes égarées, alors que l’état d’éveil pour ceux qui se réjouissent des sens, est comme les ténèbres pour le sage dont le mental est contrôlé. COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, l’intelligence est de deux sortes : l’une est dirigée vers la réalité de l’âme et du lien qui l’unit au Seigneur Suprême, l’autre est focalisée sur l’ex-ploitation des objets des sens matériels. Pour les âmes conditionnées qui ne peuvent percevoir que la matière, l’intelligence qui est dirigée vers le service d’amour du Seigneur est obscure comme la nuit. Tout comme une per-sonne endormie ne sait pas ce qui se passe la nuit, similaire-

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ment les âmes égarées ne savent pas ce qu’une personne at-teint par le fait d’avoir une intelligence fixée sur le Seigneur Suprême. Mais celui qui est fixé sur le Seigneur demeure éveil-lé dans ce que représente la nuit pour ceux qui ne peuvent voir que la matière. Ainsi, il expérimente directement la félicité reliée au service d’amour qu’il offre au Seigneur. Les âmes conditionnées demeurent éveillées dans l’intelli-gence qui est reliée aux plaisirs des sens, et elles expérimen-tent le bonheur matériel, la lamentation, l’illusion... Les sages cependant n’expérimentent rien dans ce qui est pour eux la nuit. Ils sont indifférents aux objets des sens qui donnent de la détresse et du bonheur aux personnes matérialistes, et ils de-meurent détachés d’eux. Ils n’acceptent que les objets des sens qui sont nécessaires pour effectuer leur service de dévotion. VERSET 70 AaPaUYaRMaa<aMacl/Pa[iTaï& SaMaud]MaaPa" Pa[ivXaiNTa YaÜTa( ) TaÜTk-aMaa Ya& Pa[ivXaiNTa SaveR Sa XaaiNTaMaaPanaeiTa Na k-aMak-aMaq )) 70 )) äpüryamäëam acala-pratiñöhaà samudram äpaù praviçanti yadvat tadvat kämä yaà praviçanti sarve sa çäntim äpnoti na käma-kämé Tout comme des rivières sans nombre se déversent dans l’océan sans jamais le faire déborder, de nombreux désirs affluent dans l’esprit d’une personne dont l’intelligence est fixée, sans qu’ils ne puissent perturber son équilibre. Seules, de telles personnes peuvent

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atteindre la paix et non celles qui s’efforcent de combler leurs désirs. COMMENTAIRE Une question peut se poser ici : quand un dévot du Seigneur plongé dans une méditation transcendantale entre en contact avec les objets des sens qui sont partout présents, peut-il ne pas être attiré par ceux-ci, au point de le faire dévier du sentier spirituel ? Selon Çréla Çrédhara Svämé, pour répondre à cela, le Seigneur Kåñëa nous enseigne que tout comme l’océan n’est pas affecté par les eaux d’innombrables rivières qui s’y jettent, une per-sonne fixée sur le Seigneur Suprême, n’est pas affectée par les réactions positives et négatives d’actions effectuées dans le passé. Seule une telle personne peut trouver la paix en ce monde. En vérité, le Seigneur comble Son dévot à tout égard. Il n’a donc aucun désir à satisfaire, comparé aux personnes matéria-listes qui, à chaque instant, consacrent leur vie à essayer de combler des désirs insatiables comme établir un foyer, gagner de l’argent, être beau, avoir des enfants, une bonne réputation, atteindre le paradis, développer des pouvoirs mystiques ou atteindre la libération. Que représentent tous les plaisirs misérables de ce monde ou même la libération comparés au service d’amour sublime of-fert à Kåñëa ? Ils sont si insignifiants qu’ils ne peuvent même plus entrer dans le cœur d’un dévot. Kåñëa est la beauté et la douceur absolues. Rien ne saurait remplacer cet Objet d’amour pour celui qui a pu, même pour un instant, Le contempler. Pour celui qui a vu la Vérité Absolue, même si les plus beaux objets des sens affluent autour de lui, il ne peut être attiré par eux, car partout où il pose son regard, il cherche et perçoit l’objet de son amour. Ce qui veut dire qu’il ne peut plus tom-ber dans l’existence matérielle, car plus rien, à part Kåñëa, ne peut lui donner satisfaction.

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VERSET 71 ivhaYa k-aMaaNYa" SavaRNPauMaa&êriTa iNa"SPa*h" ) iNaMaRMaae iNarhªar" Sa XaaiNTaMaiDaGaC^iTa )) 71 )) vihäya kämän yaù sarvän pumäàç carati niùspåhaù nirmamo nirahaìkäraù sa çäntim adhigacchati Seuls ceux qui ont renoncé à tous désirs, qui en sont libérés, comme du faux ego et de tous sentiments de possession, atteignent la paix. COMMENTAIRE Parce que l’âme conditionnée est absorbée dans le plaisir des sens, elle demeure emplie de désirs matériels. Pour cela, on la dit recouverte de désignations liées à un corps particulier. Ain-si, lorsqu’elle revêt un corps d’animal, d’humain, ou de demi-dieu, une palette de désirs (liée à la conscience de l’être qu’elle incarne suivant le résultat de ses actes passés) l’accom-pagne. De cette manière, elle doit subir l’influence de son identification avec le corps issu du faux ego. Cette sorte de conscience matérielle lui fait alors percevoir toute chose comme inférieure, et elle comme supérieure. Elle s’identifie alors à un contrôleur et développe le désir d’exploiter son en-vironnement qu’elle croit inférieur. De cette manière, une mul-titude de désirs matériels immerge son mental qui va forcer l’âme conditionnée à s’engluer dans la matière. Or, aucun être ne peut renoncer à ces désirs qui lui viennent comme les résultats de ses actes passés. Ceux-ci ne peuvent être anéantis. Mais si l’on veut atteindre le parfait bonheur, on peut apprendre à les réorienter. Les désirs matériels se manifestent lorsque l’on cherche à satis-faire nos sens. Mais, quand on est prêt à satisfaire Dieu dans n’importe quelles circonstances, nos désirs peuvent se tranfor-mer en désirs spirituels. Lorsqu’une personne a atteint ce ni-

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veau d’existence, on dit qu’elle est sans désirs matériels. Aussi Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura enseigne-t-il que le Seigneur a énoncé ce verset pour dépeindre ces personnes qui ont perdu la foi dans leurs désirs matériels, car elles ne trou-vent plus de satisfaction à travers eux. Seules ces personnes qui sont libérées du faux ego et de tout sentiment de posses-sion atteignent la paix. Celui qui par la grâce du Seigneur se voit empli du désir tout spirituel de Le satisfaire devient graduellement libre de toute désignation matérielle et se libère de tout esprit de possession. Lorsque son cœur est ainsi purifié, il peut réaliser que Kåñëa y est présent, qu’Il L’est aussi dans le cœur de tous les êtres vi-vants, qu’Il est Celui qui crée, qui maintient et qui détruit toute chose. Il voit alors d’un œil égal le spirituel comme le matériel, car la source des deux est Kåñëa. Ce qui implique que le Sei-gneur devient le seul facteur déterminant. Il contemple alors toute chose d’un point de vue spirituel, car à l’origine rien n’est matériel. Bien que toutes sortes d’objets des sens s’offrent à sa vision, il les voit comme l’œuvre du Seigneur, et il ne perçoit que le Créateur et non ce qu’Il a créé. Il voit simplement Kåñëa en tout et tout en Lui. Telle est la parfaite unité et la seule manière d’atteindre la paix parfaite libre de toute dualité matérielle comme les distinctions d’ami et d’ennemi, de joie et de peine, de gain et de perte, de victoire et de défaite ...etc. VERSET 72 Wza b]aøq iSQaiTa" PaaQaR NaENaa& Pa[aPYa ivMauùiTa ) iSQaTvaSYaaMaNTak-ale/_iPa b]øiNavaR<aMa*C^iTa )) 72 )) eñä brähmé sthitiù pärtha nainäà präpya vimuhyati sthitväsyäm anta-käle ’pi brahma-nirväëam åcchati

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O Pärtha, celui qui atteint le stade de brahma (l’émancipation spirituelle) est appelé brähmé sthitiù. Une personne qui atteint cet état de conscience n’est plus jamais sujette à l’illusion. Qui s’y établit, ne serait-ce que pour un instant au moment de la mort, accède au royaume de Dieu. COMMENTAIRE Selon Çréla Rämänujäcärya, le Seigneur Kåñëa conclut ce chapi-tre deux avec ce verset, en révélant l’état de conscience qu’une personne peut atteindre en effectuant avec son intelligence fixée sur la connaissance spirituelle parfaite, toutes ses activi-tés d’une manière désintéressée. Cet état de conscience conduit à réaliser la Vérité Absolue. Une fois cet état de conscience atteint, l’être vivant ne peut plus jamais être trompé par l’énergie matérielle, comme le fait de s’identifier avec le corps. Même si une personne s’établit dans cette conscience dans les derniers instants de la vie, elle atteint la réalisation spirituelle. Que dire de celui qui com-mence ce processus dès son jeune âge. Cet état fait référence à l’amour extatique qui est totalement dépourvu de souffrance et de désir intéressé. L’être aban-donne alors son identification avec le corps subtil et grossier. Il devient qualifié pour réaliser son corps spirituel et le bonheur sublime qui est expérimenté dans le dévouement total et inin-terrompu au Seigneur Suprême Kåñëa. Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura explique que ce chapitre est également appelé le résumé de la Bhagavad-gétä. Dans le chapitre deux, afin d’éliminer la souffrance et l’illusion d’Arju-na, Krishna présente l’essence de la Bhagavad-gétä sous une forme condensée. Les seize chapitres restants devraient être compris comme une extension des sujets abordés dans le cha-pitre deux. Ainsi s’achève le deuxième chapitre de la Bhagavad-gétä.

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TROISIÈME CHAPITRE

KARMA YOGA

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VERSET 1 AJauRNa ovac JYaaYaSaq ceTk-MaR<aSTae MaTaa buiÖJaRNaadRNa ) TaiTk&- k-MaRi<a gaaere Maa& iNaYaaeJaYaiSa ke-Xav )) 1 )) arjuna uväca jyäyasé cet karmaëas te matä buddhir janärdana tat kià karmaëi ghore mäà niyojayasi keçava O Janärdana si tu considères que la voie de l’intelligence (reliée au service de dévotion, qui est au-delà des trois influences de l’énergie matérielle) est supérieure à la voie de l’action, ô Keçava, alors pourquoi m’engages-tu dans cette abominable activité qu’est la guerre ?

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COMMENTAIRE Désormais, dans l’humeur d’un ami, Arjuna exprime sa curiosi-té au Seigneur Suprême qui désire l’engager dans son devoir prescrit qui est de combattre. En effet, si le pur service de dé-votion situe une personne au-delà des influences de ce monde, alors pourquoi le Seigneur désire-t-Il l’engager dans ce combat épouvantable ? Aussi s’adresse t-il au Seigneur en l’appelant Janärdana. « Jana » qui signifie à l’égard de ceux qui sont les tiens et « ärdana » qui signifie donner de la souffrance. Ainsi « Janärdana » signifie que « par ton ordre tu causes de la souffrance à ceux qui sont les tiens ». Puis, Arjuna s’adresse à Kåñëa par le nom de Keçava qui implique que personne ne peut transgresser les ordres du Sei-gneur Suprême parce qu’Il est le Contrôleur de Brahmä et de Mahädeva (Çiva).

ka iti brahmaëo näma éço 'haà sarva-dehinäm äväà tavänga-sambhütau tasmät keçava-näma bhäk

« Ka se réfère à Brahmä et je suis éça (Çaìkara) le contrôleur de toutes les entités vivantes. Etant donné que tous les deux nous sommes nés de tes membres, Tu es appelé Keçava. »

Çré Harivaàça Nous voyons, dans ce verset, selon Çréla Abhay Caraëäravinda Bhaktivedanta Svämé, qu’Arjuna est confus sur la conclusion des enseignements du Seigneur. Il pense que le service de dé-votion, parce que situé au-delà du monde matériel, implique le fait de se retirer de toute activité de ce monde. Donc, il désire quitter le champ de bataille, afin d’entreprendre des austérités et de méditer sur la Vérité Absolue. Aussi en disciple sincère prie-t-il le Seigneur de lui indiquer la meilleure voie à suivre, afin de sortir de sa confusion. Ce que fait Kåñëa, dans ce troi-sième chapitre, en lui enseignant de manière détaillée la voie

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de l’action offerte au Seigneur Suprême, sans attendre aucun fruit matériel en retour (niñkäma-karma-yoga). Il décrit égale-ment quelle sagesse une personne doit acquérir si elle désire vaincre la concupiscence (käma), la colère (krodha), l’avidité (lobha), l’illusion (moha), la folie (mada) et l’envie (mätsarya). VERSET 2 VYaaiMaé[e<aev vaKYaeNa buiÖ& MaaehYaSaqv Mae ) Tadek&- vd iNaiêTYa YaeNa é[eYaae_hMaaPanuYaaMa( )) 2 )) vyämiçreëeva väkyena buddhià mohayaséva me tad ekaà vada niçcitya yena çreyo ’ham äpnuyäm Mon intelligence est troublée par Tes propos ambigus. S’il Te plaît, enseigne-moi d’une façon décisive quelle voie sera la plus bénéfique. COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, le Seigneur Su-prême a enseigné à Son ami Arjuna que la voie du service de dévotion libérée des influences de l’énergie matérielle est le processus le plus élevé, parce qu’il est transcendantal. Une telle dévotion ne peut être atteinte que par la miséricorde d’un très grand dévot du Seigneur qui transcende les influences de la nature matérielle et qui est seulement fixé sur le Seigneur Suprême. Elle ne peut jamais être atteinte par le seul effort d’une personne. Jouant Son rôle éternel de Maître suprême, le Seigneur bénit Arjuna pour qu’il puisse s’engager dans la pratique de Son ser-vice de dévotion afin qu’il devienne libéré des influences des modes matériels. De cette manière, le Seigneur montre que l’on ne peut accéder à une telle dévotion que par Sa miséri-

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corde ou par celle de Son représentant, le maître spirituel. Mais comme l’a auparavant dit Kåñëa, Il désire qu’Arjuna le fasse tout en accomplissant son devoir prescrit, c’est-à-dire en agissant selon sa qualification, mais exclusivement pour la sa-tisfaction de Kåñëa. Or, Arjuna est confus. Il ne comprend pas pourquoi le Sei-gneur ne lui a pas indiqué clairement, dans le second chapitre, de s’engager dans la voie de l’action dévotionnelle, alors qu’Il lui a également enseigné la voie de la connaissance qui impli-que l’importance de l’inaction dans la connaissance. Comment peut-on cesser d’agir et également agir dans un esprit de dévo-tion ? Ce qui implique que pour Arjuna l’action et l’inaction (le renoncement) sont opposées. Il ne comprend pas que l’action accomplie pour le plaisir exclusif du Seigneur n’engendre au-cune réaction en ce monde, et qu’elle équivaut à l’inaction. Aussi, se trouve t-il noyé dans un océan de doutes. C’est pour-quoi il énonce ce verset commençant par le mot « vyämiçreëeva ». Ceci implique que les instructions de Kåñëa ont égaré complètement son intelligence. En effet, le Seigneur, dans le verset (2.47), lui enseigna la voie de l’action : « karmany evadhikaras te » « Tu n’as la qualifica-tion que pour accomplir ton devoir prescrit. » Puis, dans le ver-set (2.48), la voie de la connaissance: « siddhy-asiddhyoù samo bhütvä samatvaà yoga ucyate » « L’équanimité dans laquelle une personne demeure dans le succès et dans l’échec est appe-lée yoga. ». Et encore dans le verset (2.52) : « yadä te moha-kalilaà buddhir vyatitariñyati » « Lorsque ton intelligence fran-chira la forêt dense de l’illusion. » Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura fait remarquer que le mot « iva » (mohayasi iva) indique qu’Arjuna pense que Kåñëa a par-lé sans ambiguïté dans le chapitre précédent. Il sait que le Sei-gneur est Miséricordieux, et qu’il n’était pas dans Son intention de l’égarer. Aussi reconnaît-il, parce qu’il n’est pas un ignorant, que Kåñëa peut lui enseigner la vérité.

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Mais, si le Seigneur considère qu’il n’est pas possible pour lui de s’engager dans la dévotion libre de toute contamination ma-térielle, il désire que Kåñëa l’instruise sur la connaissance située sous l’influence de la vertu par laquelle il pourra devenir libéré de l’esclavage du monde matériel misérable. En effet, aucun être en ce monde, à moins d’avoir une grâce spéciale, ne sau-rait être élevé directement sur la plateforme du pur service de dévotion. L’âme conditionnée est forcée à agir par l’influence des trois modes et par l’influence de ses activités passées. En conséquence, à moins d’accepter la connaissance située dans la vertu, l’âme conditionnée ne peut purifier graduellement son existence et comprendre sa position en tant que servante de Kåñëa. Une fois cette disposition de nouveau éveillée dans le cœur, l’être peut de tout son cœur s’engager dans la pratique du pur service de dévotion et atteindre finalement la réalisation spirituelle. VERSET 3 é[q>aGavaNauvac l/aeke-_iSMaiNÜivDaa iNaïa Paura Pa[ae¢-a MaYaaNaga ) jaNaYaaeGaeNa Saa&:YaaNaa& k-MaRYaaeGaeNa YaaeiGaNaaMa( )) 3 )) çré-bhagavän uväca loke ’smin dvi-vidhä niñöhä purä proktä mayänagha jïäna-yogena säìkhyänäà karma-yogena yoginäm Le Seigneur Suprême dit : O Arjuna, toi qui es sans pé-chés, je t’ai déjà clairement expliqué qu’il y a deux sor-tes de foi que l’on trouve en ce monde, la foi de ceux qui tentent de réaliser le soi par le processus de la spécula-tion philosophique empirique (la voie du jïäna-yoga), et l’autre par la voie de la voie de l’action désintéressée of-

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ferte au Seigneur Suprême (la voie du niñkäma-karma-yoga). COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, afin de répondre à la question d’Arjuna, le Seigneur Kåñëa explique que la voie de l’action (karma-yoga) et la voie de la connaissance (jïäna-yoga) sont des méthodes pour atteindre la libération des cycles des morts et des renaissances. Mais en vérité, elles ne sont pas indépendantes l’une de l’autre. La voie de l’action (karma-yoga) et la voie de la connaissance (jïäna-yoga) sont deux états consécutifs d’une même voie, qui en finalité ont pour but d’amener l’âme à accepter la dévotion pure qui est au-delà de ce monde matériel. Ainsi, le Seigneur n’a jamais expliqué qu’il y avait deux sortes de personnes qui étaient qualifiées pour atteindre la libération. Tel est le sens de ce verset. Ce qui confirme que la constitution éternelle de l’âme n’est pas multiple, elle est manifestée éternellement pour assister Dieu dans Ses divertissements. Tant qu’elle se situe hors de cette fonction éternelle, elle doit errer en ce monde matériel et ac-quérir différents états de conscience qui recouvrent, à diffé-rents degrés, cette fonction éternelle. Mais cette fonction ne peut disparaître. Elle ne peut changer. Elle est temporairement recouverte, à cause de son association avec l’énergie maté-rielle. Suivant ses activités passées, l’âme conditionnée se voit éveil-lée en temps voulu à la recherche de sa fonction éternelle. Or, suivant la pureté du cœur de l’aspirant, deux types de foi sont connues en ce monde. Celles-ci se manifestent comme deux sortes de voies : la voie de l’action (karma-yoga) et la voie de la connaissance (jïäna-yoga). Alors qu’au niveau purement transcendantal une seul est connue : la dévotion pure (bhakti-yoga). Ceux qui ont un cœur pur (sans inclination aux péchés) mais

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qui n’ont pas développé la pure dévotion pour Dieu, sont qua-lifiés pour s’engager sur la voie de la connaissance (jïäna-yoga). Ils sont appelés des jïänés. Dans le verset soixante et un, le Seigneur révèle la qualification qu’une personne doit avoir pour s’engager dans la voie de la connaissance (jïäna-yoga).

täni sarväëi saàyamya yukta äséta mat-paraù vaçe hi yasyendriyäëi tasya prajïä pratiñöhitä

« Il faut donc maîtriser les sens en s’abandonnant à Moi, par la pratique du service de dévotion et en vivant sous Mon refuge. Seul celui dont les sens sont contrôlés peut être tenu pour avoir une intelligence fixe. Lui seul est sthita-prajïä. »

Bhagavad-gétä (−2.61) Çréla Madhväcärya explique que la voie de la connaissance s’a-dresse spécialement à ceux qui ont renoncé à la vie de famille et à tout contact avec la société, et qui désirent simplement en-gager leur vie dans la méditation sur la Vérité Absolue. Aussi Çréla Rämänujäcärya mentionne-t-il que tous les êtres humains n’ont pas la qualification pour s’engager dans cette voie. L’autre voie s’adresse davantage à ceux qui ne sont pas libres du péché et à qui manque la pureté du cœur requise pour être situés sur la voie de la connaissance, mais qui cherchent le moyen d’atteindre cette voie. La discipline régulée de tels yogis est établie en suivant la voie de niñkäma-karma-yoga, l’action désintéressée qui est offerte à Kåñëa. Ils sont connus sous le nom de karmés. Cette voie est décrite dans le verset trente et un :

sva-dharmam api cävekñya na vikampitum arhasi

dharmyäd dhi yuddhäc chreyo ’nyat kñatriyasya na vidyate

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« Considérant ton devoir de guerrier, tu ne devrais pas hésiter, car pour toi il n’y a pas de meilleur devoir que de combattre pour le dharma (les principes de la religion). »

Bhagavad-gétä (−2.31) Cette voie s’adresse généralement à ceux qui accomplissent leurs devoirs dans le cadre de la vie de famille et de la société. En accomplissant leurs devoirs, tout en offrant leurs fruits au Seigneur Suprême sans attendre aucun fruit en retour (niñkäma-karma-yoga), ils voient graduellement leur cœur se purifier. Ils peuvent eux aussi devenir des jïänés (ceux qui suivent la voie de la connaissance), puis à leur tour, ils peuvent atteindre leur constitution éternelle en s’engageant dans le pur service de dévotion offert à Kåñëa. Telle est la signification des instructions du Seigneur dans ce verset. Aussi le Seigneur informe-t-Il Arjuna qu’il n’est pas qualifié pour s’engager dans la voie du renoncement, mais qu’il l’est pour s’engager dans la voie de l’action. Le Seigneur a déjà enseigné quel état d’esprit était requis pour s’engager dans la voie de la connaissance (le jïäna-yoga), maintenant il va expliquer la voie de l’action (le karma-yoga). VERSET 4 Na k-MaR<aaMaNaarM>aaàEZk-MYa| Pauåzae_énuTae ) Na c SaNNYaSaNaadev iSaiÖ& SaMaiDaGaC^iTa )) 4 )) na karmaëäm anärambhän naiñkarmyaà puruño ’çnute na ca sannyasanäd eva siddhià samadhigacchati Sans accomplir son devoir tel qu’il est enjoint dans les Ecritures, une personne ne peut atteindre la connais-sance qui mène à se libérer des conséquences des ac-

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tions. De même, celui dont le cœur est impur ne peut pas atteindre la perfection simplement en renonçant à l’action. COMMENTAIRE Selon Çréla Çrédhara Svämé, tant qu’une personne n’a pas un esprit complètement purifié par l’éveil en soi de la connais-sance spirituelle, elle ne doit pas s’engager dans la voie du re-noncement ou sannyäsa. Elle doit plutôt s’engager dans des activités prescrites dans les Ecritures védiques, en fonction de sa situation sociale. De cette manière, selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, elle peut se libérer des réactions de ses actes passés et atteindre la connaissance. Selon Çréla Rämänujäcärya, de telles activités qui sont engagées dans le service du Seigneur pour Sa satisfaction suprême, sans en désirer aucun fruit en retour, ont le pouvoir de mener à la même perfection. Ce qui implique que sans avoir au préalable purifié son existence par la voie de l’action dévotionnelle, on ne peut prématurément s’engager dans la voie du renonce-ment. Si une personne adopte prématurément cette voie, elle n’atteindra pas la perfection. Au contraire, elle ne fera que troubler l’ordre social. De telles personnes se livrent générale-ment en secret à des actes répréhensibles et ne font que porter le blâme sur la voie de la religion. VERSET 5 Na ih k-iêT+a<aMaiPa JaaTau iTaïTYak-MaRk*-Ta( ) k-aYaRTae ùvXa" k-MaR SavR" Pa[k*-iTaJaEGauR<aE" )) 5 )) na hi kaçcit kñaëam api jätu tiñöhaty akarma-kåt käryate hy avaçaù karma sarvaù prakåti-jair guëaiù

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Personne ne peut demeurer inactif, ne serait-ce que pour un instant. Tout le monde est contraint d’agir se-lon sa nature acquise au contact des modes de la nature matérielle (attachement, envie,...). COMMENTAIRE Selon Çréla Rämänujäcärya, aucun être vivant qui vit dans le monde matériel ne peut rester inactif, même pour un instant. Même s’il est résolument déterminé à n’accomplir aucune acti-vité, il sera poussé à agir par l’influence de l’énergie matérielle et par le résultat de ses activités passées qui sont liées aux corps subtil et grossier qui recouvrent l’âme. Aussi Çréla Viçva-nätha Cakravarté Öhäkura enseigne-t-il que ceux qui ont adop-té la voie du renoncement sans purifier leur cœur sont inévita-blement absorbés dans des activités matérielles à cause des réactions de leurs actes passées. Par conséquent, on doit d’abord, par l’accomplissement de la voie de l’action désintéressée, purifier son existence des suites de ses actes passés qui empêchent le développement spirituel, avant de prendre la voie du renoncement. Sinon, comme le Seigneur l’enseigne dans le verset suivant, cette personne ne sera qu’un simulateur et un charlatan. VERSET 6 k-MaeRiNd]Yaai<a Sa&YaMYa Ya AaSTae MaNaSaa SMarNa( ) wiNd]YaaQaaRiNvMaU!aTMaa iMaQYaacar" Sa oCYaTae )) 6 )) karmendriyäëi saàyamya ya äste manasä smaran indriyärthän vimüòhätmä mithyäcäraù sa ucyate Une personne illusionnée qui contrôle par la force ses organes d’action, tout en méditant intérieurement sur les objets des sens, n’est qu’un hypocrite.

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COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, une personne pour-rait argumenter : « Il semble que comme l’hypocrite, certains sannyasis (renonçants) sont vus avec les yeux fermés et dé-pourvus de mouvements corporels. » En réponse, le Seigneur Suprême dit : « Celui qui contrôle ses organes d’action comme la parole et les mains, mais qui pense aux objets des sens sous prétexte de méditer, est un hypocrite et un imposteur. » VERSET 7 YaiSTviNd]Yaai<a MaNaSaa iNaYaMYaar>aTae_JauRNa ) k-MaeRiNd]YaE" k-MaRYaaeGaMaSa¢-" Sa iviXaZYaTae )) 7 )) yas tv indriyäëi manasä niyamyärabhate ’rjuna karmendriyaiù karma-yogam asaktaù sa viçiñyate O Arjuna, (d’après les injonctions des Ecritures révélées) une personne qui effectue une action avec ses organes d’action, mais qui a contrôlé ses sens à l’aide de son mental et s’est ainsi libérée de tout désir intéressé, est supérieure à l’hypocrite qui se retient d’agir. COMMENTAIRE Çréla Madhväcärya explique que nous ne devrions pas penser que la voie de l’action est seulement réservée à ceux qui sont des chefs de famille impliqués dans la société. Elle est aussi pour les renonçants, car personne ne saurait ne pas agir en ce monde. La voie de l’action qui est dans sa perfection synonyme de ser-vice de dévotion est appelée vaidhé-bhakti dans sa première phase. Elle vise à engager les âmes conditionnées dans le pro-cessus d’adoration du Seigneur selon des règles bien précises, qui ont été établies soit par le Seigneur Lui-même, soit par Ses

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associés sous Son commandement. On les trouve décrites dans les Ecritures védiques qui sont gardées et expliquées dans les quatre filiations autorisées des Védas. Ces quatre filiations sont la Çré, la Brahmä, la Kumära et la Rudra sampradäya. Le principe fondamental qui ressort de ces Ecrits sacrés est que l’on doit accepter un maître spirituel et recevoir de lui l’initia-tion. Celui-ci, pour être authentique, doit impérativement ap-partenir à une lignée reconnue des Védas et avoir reçu d’elle l’autorisation d’avoir cette position. Puis, sous son égide, on doit apprendre l’art d’engager ses actes, ses pensées, ses paro-les, dans le service d’amour du Seigneur. Le maître spirituel est considéré comme étant le représentant de Kåñëa. A travers lui, Dieu accepte le service du disciple et selon sa sincérité et son abandon, Il tend à se révéler à lui. Par conséquent, sans recevoir les instructions d’un maître spiri-tuel authentique, on ne peut atteindre le succès dans cette voie, car personne n’a le pouvoir de s’engager lui-même dans le service de dévotion. En effet, tant que l’âme est condition-née par la matière, elle ne peut avoir une relation avec Kåñëa, ni même comprendre quoi que ce soit sur Son nom, Sa forme, Ses attributs et Ses divertissements. Tout au plus, elle peut at-teindre la compréhension de la grandeur de Dieu en relation avec Sa création, et réaliser Son aspect Brahman (omniprésent) et Paramätmä (localisé dans le cœur). Un autre principe actif est que Kåñëa est lié par Son pur dévot à l’amour que Celui-ci ressent pour lui. Aussi, tout ce qu’accepte un pur dévot, Kåñëa L’accepte-t-Il. L’abandon à un tel dévot est le moyen pour être introduit dans l’intimité de Dieu. Les Ecrits védiques confirment cela :

rahügaëaitat tapasä na yäti na cejyayä nirvapaëäd gåhäd vä na cchandasä naiva jalägni-süryair vinä mahat-päda-rajo-’bhiñekam

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« O roi, si une personne ne peut recevoir la poussière (la misé-ricorde) des pieds d’un grand dévot du Seigneur et la répandre sur tout son corps, il ne pourra réaliser la Vérité Absolue. On ne peut y arriver par la pratique de la continence, en suivant les règles régissant la vie de famille, en renonçant à la vie de famille, par de sévères austérités, et par toute autre méthode. Seul celui qui a obtenu la miséricorde d’un grand dévot du Sei-gneur le peut. »

Çrémad-Bhägavatam (5.12.12) Que cela soit pour un chef de famille ou un renonçant, cette règle est la même. Le disciple atteint le succès selon sa sincéri-té envers son maître spirituel et non par un effort dirigé uni-quement vers Dieu. Bien qu’un véritable renonçant ou sannyäsi doive être libéré de l’attachement à la vie sexuelle et aux autres plaisirs de ce monde, et que sa vie ne tende que vers le désir de devenir un pur dévot, celui qui, à cause de ses actes passés est encore lié par les plaisirs de ce monde et qui entre dans la vie de famille, n’est pas pour autant disqualifié pour atteindre l’amour de Dieu, s’il accepte un maître spirituel authentique. Selon Çréla Bhaktivinoda Öhäkura, un chef de famille authenti-que ne se marie pas pour jouir des sens, mais pour apprendre à s’en détacher par le fait qu’il doit tout engager pour le plaisir de Kåñëa et de Son représentant. Il ne doit pas considérer son épouse, ses enfants, sa maison, son argent comme sa proprié-té, mais comme celle du Seigneur, car tout Lui appartient. De cette manière, il doit se considérer comme le serviteur du Sei-gneur et voir sa femme et les autres membres de sa famille comme des objets de la miséricorde de Kåñëa. Il doit installer un temple chez lui, y mettre la Déité du Seigneur et La consi-dérer comme le Maître des lieux. Il doit ainsi consacrer toute son énergie à Le satisfaire, en lui cuisinant des offrandes, en gagnant de l’argent, en Lui offrant des prières et des chants, en

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Lui organisant des festivals ... Pour être authentique, ceci doit bien sûr être établi par le biais d’un maître spirituel, et le disci-ple doit agir sous sa direction comme le service de sa vie. Un chef de famille qui devient absorbé de cette manière dans le service du Seigneur et qui chante le Saint Nom de Kåñëa constamment, est considéré comme un renonçant bien que vivant dans un foyer, car il ne prend aucunement plaisir pour lui, il est dédié de façon constante à la satisfaction de Kåñëa. Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, le Seigneur expli-que cela en employant les mots « karma yoga » qui traitent de l’action prescrite dans les Ecritures et « asaktah » qui signifie sans désir pour les fruits de ses activités. Aussi la personne qui agit pour la satisfaction du Seigneur selon les Ecritures, sans aucun désir pour les fruits de son activité, atteint-elle le plus haut but. Ce qui implique que par de telles actions, elle devient libérée des réactions de ses actes passées, et peut graduelle-ment purifier son cœur de toute contamination. Finalement, un tel chef de famille est promu à l’amour de Dieu. Aussi l’action d’un chef de famille dans le pur service de dévotion sous la guidance d’un maître spirituel est-elle bien supérieure au re-noncement d’une personne qui est encore attachée secrète-ment au plaisir des sens. C’est ce que décrit le Seigneur en énonçant ce verset qui commence par « yas tu » Çréla Rämänujäcärya dit : asambhävita-pramädatvena jïäna-niñöhäd api puruñäd viçiñöäh. Un chef de famille qui a contrôlé ses sens d’acquisition de la connaissance comme les oreilles, la langue... (jïänendriyas) et ses organes d’action comme les jam-bes, les mains... (karmendriyas) est meilleur que le soi-disant transcendantaliste qui fait une manifestation de sa connais-sance. Les pseudo-transcendantalistes peuvent dévier parce que leurs sens ne sont pas contrôlés. Mais il n’est pas possible, pour un chef de famille qui a contrôlé ses sens d’acquisition de la connaissance, de dévier ou de devenir négligent, quand il accomplit les devoirs qui lui sont prescrits avec ses organes d’action.

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VERSET 8 iNaYaTa& ku-å k-MaR Tv& k-MaR JYaaYaae ùk-MaR<a" ) XarqrYaa}aaiPa c Tae Na Pa[iSaÖyedk-MaR<a" )) 8 )) niyataà kuru karma tvaà karma jyäyo hy akarmaëaù çaréra-yäträpi ca te na prasiddhyed akarmaëaù Accomplis les devoirs qui te sont prescrits (comme les prières et l’adoration), parce que l’action est supérieure à l’inaction. Si tu t’abstiens d’agir, tu ne pourras même pas subvenir aux besoins du corps. COMMENTAIRE Il existe des spiritualistes qui prétendent avoir renoncé à toute chose pour se consacrer à la réalisation spirituelle. Mais, parce qu’ils ne sont pas engagés dans une voie authentique, aucune réalisation n’est venue en leur cœur. Ils sont devenus simple-ment des simulateurs, perdus dans les élucubrations sur Dieu. Kåñëa ne veut pas qu’Arjuna devienne un tel hypocrite et qu’il vive aux crochets de la société sous couvert de spiritualité. Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura explique que c’est la rai-son pour laquelle Kåñëa enseigne ici à Arjuna que, puisqu’il est un chef de famille et un soldat, il doit agir en accomplissant son devoir pour satisfaire le Seigneur et purifier son cœur. Ain-si, il se libérera de toute contamination matérielle, et il com-prendra véritablement Dieu tel qu’Il est Il. Il ne doit pas aban-donner ses devoirs sans avoir au préalablement purifié son dé-sir impur de dominer la nature matérielle, en d’autres termes, devenir un faux spiritualiste qui renonce à son devoir afin de vivre aux crochets d’autrui, car celui qui abandonne toute ac-tion n’est même pas capable de maintenir son corps. C’est d’ailleurs pourquoi Çréla Madhväcärya fait remarquer que la voie de l’action est également observée chez les renonçants.

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En effet, comme nous l’avons expliqué dans le verset précé-dent pour les chefs de famille, les renonçants ont également pour obligation de suivre les règles du service de dévotion, car personne en ce monde ne peut cesser d’agir ne serait-ce que pour maintenir son corps en vie. Leur devoir est certes différent de celui des chefs de famille, mais le principe reste le même. Par l’observance des principes liés à la dévotion sous la guidance d’un maître spirituel authen-tique, comme le fait de méditer, de chanter, de parler et d’é-couter sur les noms, la forme, les attributs et les divertisse-ments du Seigneur, d’adorer la Déité, de visiter les lieux saints ..., les renonçants peuvent atteindre la réalisation spirituelle. Ils atteignent alors la voie de l’amour spontané ou rägänuga-bhakti et ne sont plus dépendants des règles pour agir, car leurs activités n’entraînent plus de réactions en ce monde. Elles se situent directement dans le service d’amour du Seigneur. De tels dévots du Seigneur sont intérieurement avec Kåñëa vingt-quatre heures par jour. Mais ils continuent minutieusement à suivre les règles de la dévotion pour instruire les âmes condi-tionnées sur la manière d’observer celles-ci parfaitement, afin d’atteindre eux aussi la perfection dans le service d’amour du Seigneur. Tant qu’un dévot du Seigneur n’a pas atteint la perfection, il ne saurait être indépendant des règles qui régissent le service de dévotion, car elles représentent directement Dieu, la Personne Suprême. Aussi la voie et le but sont-ils Un. Dans le stade néo-phyte, l’accomplissement des devoirs permet à un dévot de purifier son cœur et d’éveiller l’attachement à Dieu et le renon-cement à la matière. Au stade de la perfection, le service de dévotion et Kåñëa sont perçus directement dans toutes les acti-vités qu’accomplit un pur dévot. Ce qui implique qu’à ce ni-veau d’existence plus rien n’est séparé de Kåñëa. Parfois, un pur dévot s’écarte des règles par pur amour pour Kåñëa. Si un néophyte imite celui-ci, cela ne fera que le ramener à une conscience matérielle.

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VERSET 9 YajaQaaRTk-MaR<aae_NYa}a l/aek-ae_Ya& k-MaRbNDaNa" ) TadQa| k-MaR k-aENTaeYa Mau¢-Sa®" SaMaacr )) 9 )) yajïärthät karmaëo ’nyatra loko ’yaà karma-bandhanaù tad-arthaà karma kaunteya mukta-saìgaù samäcara O fils de Kunté, toutes les actions autres que celles offer-tes de manière désintéressée au Seigneur Viñëu (niñkäma-karma) sont la cause de l’esclavage en ce monde. Libère- toi donc de tout désir pour te réjouir des fruits de tes actes et agit comme il se doit pour Son uni-que satisfaction. COMMENTAIRE De nombreux passages des Ecritures védiques indiquent que celui qui réalise sa relation avec le Seigneur Suprême devient libre de toute servitude matérielle. Inversement, celui qui n’a pas cette conscience fera des actions qui ne sont pas engagées pour la satisfaction de Kåñëa. Celles-ci lieront alors en ce monde leur auteur à des réactions, qui sont semblables à des chaînes qui forcent les êtres à la servitude. Dans ce sens, Arjuna pourrait objecter : « Alors pourquoi agir ? » Anticipant cette question, le Seigneur énonce ce verset : « Tous les êtres s’enchaînent à leurs actes en ce monde. Mais celui qui en offre les fruits au Seigneur Viñëu (cette action est appelée « yajïa » ou sacrifice) voit ses actes ne lui causer aucune servi-tude. » Si Arjuna demandait à nouveau : « Est-ce que cela sera une cause d’esclavage de faire une offrande qui est motivée maté-riellement, même si j’offre les résultats de mes devoirs prescrits au Seigneur Viñëu ? » A cela, le Seigneur répond dans ce ver-set : « mukta-saìgaù » « Accomplis l’action sans en désirer au-cun fruit ».

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Çré Kåñëa instruisit de la même façon Uddhava dans le Çrémad-Bhägavatam (11.20.10-11) :

sva-dharma-stho yajan yajïair anäçéù-käma uddhava na yäti svarga-narakau yady anyan na samäcaret

asmiû loke vartamänaù sva-dharma-stho ’naghaù çuciù jïänaà viçuddham äpnoti mad-bhaktià vä yadåcchayä

“ O Uddhava une personne qui accomplit son devoir prescrit sans en désirer les fruits et qui adore le Seigneur en accomplis-sant un sacrifice, ne s’engageant dans aucune activité interdite, n’atteint ni le paradis, ni l’enfer. Une telle personne qui est si-tuée dans son devoir prescrit, qui a abandonné toute activité interdite et qui est libérée de tout attachement et de toute en-vie atteint la pure connaissance, même dans sa condition pré-sente en ce monde.” En vérité, les injonctions védiques déclarent que ce sacrifice n’est pas différent du Seigneur Lui-même. De sorte qu’en ac-complissant le service de dévotion sous l’égide d’un maître spi-rituel qualifié, un dévot expérimente Kåñëa et se libère de toute contamination matérielle. Il peut alors vivre en ce monde en harmonie de manière agréable et paisible, pour ensuite retour-ner dans la Demeure Suprême, lorsqu’il a quitté l’enveloppe qui est le corps. Certains yajïas (sacrifices) sont également recommandés parti-culièrement dans les Védas. Ils sont donnés par le Seigneur suivant les âges, comme une méthode pour atteindre la réalisa-tion de Sa personne. Or, dans l’âge qui nous concerne, l’âge de Kali, la méthode de réalisation ou le sacrifice suprême qui est donné à effectuer est le saìkértana-yajïa ou le chant des Saints Noms.

harer näma harer näma harer nämaiva kevalam kalau nästy eva nästy eva nästy eva gatir anyathä

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« Dans cet âge d’hypocrisie et de querelle (kali-yuga), il n’y a pas d’autre moyen, pas d’autre moyen, pas d’autre moyen que de chanter les Saints Noms du Seigneur, que de chanter les Saints Noms du Seigneur, que de chanter les Saints Noms du Seigneur, pour atteindre la perfection. »

Båhan-näradéya Puräëa (38.126) Il existe différents moyens de chanter le Saint Nom du Sei-gneur : en kértana, en groupe, devant un autel, ou encore seul sur un chapelet. Le Seigneur Caitanya désirait que tous Ses dé-vots chantent quotidiennement sur un chapelet un nombre fixe de tours. Il y a différents standards, on peut commencer avec un tour, puis deux, ... Généralement, les vaisnavas en Inde chantent jusqu’à soixante-quatre tours de chapelet. C’est à vous de déterminer le nombre de tours que vous désirez chan-ter tous les jours. Pour que cette pratique soit agréable, prenez un nombre qui ne soit pas difficile à chanter. Vous pourrez augmenter si vous le désirez, au fur et à mesure que le goût pour chanter s’éveillera dans votre cœur. Le Saints Noms de Kåñëa, comme tout ce qui touche au Sei-gneur Suprême (Sa forme, Ses attributs et Ses divertissements) sont éternels, emplis de connaissance et de félicité. Leur dou-ceur, comme celle du sucre, est très attirante pour celui qui a éveillé la dévotion. Malheureusement, pour celui qui est atteint de la maladie matérielle, l’ignorance, celle-ci altère la capacité de l’être à savourer le nectar sublime du Nom, de la forme, des attributs et des activités de Dieu. Tout comme la jaunisse em-pêche une personne de savourer la douceur du sucre. Mais si une personne malade de l’ignorance chante avec grand soin et attention les Saints Noms de Kåñëa tous les jours et qu’elle écoute ce qui a trait à Ses divertissements spirituels et absolus, elle verra ce mal disparaître graduellement. Elle pour-ra alors manifester sa tendance naturelle à goûter la douce na-ture spirituelle de Kåñëa et de tout ce qui L’entoure. Pour pratiquer correctement le chant des Saints Noms, il vous

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faut chanter sur un chapelet de cent huit perles et apprendre l’art de chanter auprès d’un vaisnava qualifié. On doit chanter sur chaque grain, sauf sur le grain principal avec le pompon qui représente Kåñëa. On commence toujours par le gros grain jusqu’au plus petit. On doit égrener le chapelet à l’aide du pouce et du majeur. Avant de commencer son tour de chape-let, on doit toujours chanter ce mantra en sanskrit :

Jaya çré-kåñëa-caitanya prabhu nityänanda çré-advaita gadädhara çréväsädi-gaura-bhakta-vånda

« Toutes gloires à Çré Kåñëa Caitanya, Prabhu Nityänanda, Çré Advaita, Gadädhara, Çréväsa et à tous les dévots du Seigneur Caitanya. » Ce mantra est composé des noms du Seigneur Caitanya et de Ses associés les plus intimes. Le chant de ces noms divins per-met à une personne de recevoir la miséricorde et les senti-ments dévotionnels indispensables pour chanter sans offenses les Saints Noms de Kåñëa. Puis, une personne peut commencer à chanter sur chaque grain :

Hare Kåñëa, Hare Kåñëa, Kåñëa Kåñëa, Hare Hare Hare Räma, Hare Räma, Räma Räma, Hare Hare

« O Rädhe, énergie spirituelle du Seigneur, ô Kåñëa, mon cher Seigneur, je Vous en prie, s’Il Vous plaît, engagez-Moi dans Votre service. S’il Vous plaît, engagez-Moi dans Votre service. » Pour chanter correctement, vous devez choisir un endroit et une position agréables et paisibles (si vous n’êtes pas à l’aise assis, vous pouvez marcher en chantant). Vous devez éviter les zones avec des perturbations, car cela aura pour effet de vous distraire, et il est offensant d’appeler le Seigneur et de ne pas

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être attentif à Sa personne. En fait, l’inattention est la graine de toutes les imperfections dans la vie spirituelle. Elle empêche une personne d’atteindre la perfection spirituelle. Vous devez chanter le Saint Nom à voix audible et non menta-lement, en articulant chaque syllabe. Alors votre attention doit être portée sur l’écoute de la vibration sonore, avec une atti-tude positive, c’est-à-dire libre de toute offense. Par attitude positive, nous entendons également un désir in-tense de retrouver notre relation d’amour avec Kåñëa à travers Son Saint Nom. Lorsqu’Il est venu en ce monde, le Seigneur Caitanya a enseigné cet art de pleurer. En fait, un chant parfait est un pleur du cœur. Tout comme un enfant pleure pour être dans le giron de sa mère, un vaisnava doit apprendre cet art de pleurer, d’appeler Kåñëa et reconnaître son erreur d’avoir si longtemps rejeté Son amour. Alors Kåñëa, à travers Son Saint Nom délivrera naturellement Son humble dévot des chaînes de la matière. Il entrera en son cœur, le purifiera de toutes ses fau-tes et l’élèvera sur la plateforme de l’amour pour Sa personne. Puis à la fin de Sa vie, Il le ramènera à Sa demeure Suprême qui est libre de la naissance, de la maladie, de la vieillesse, des anxiétés et de la mort. VERSET 10 SahYaja" Pa[Jaa" Sa*îa Pauraevac Pa[JaaPaiTa" ) ANaeNa Pa[SaivZYaßMaez vae_iSTvík-aMaDauk(- )) 10 )) saha-yajïäù prajäù såñövä puroväca prajäpatiù anena prasaviñyadhvam eña vo ’stv iñöa-käma-dhuk Au début de la création, Brahmä créa différents êtres (les hommes, les demi-dieux), et les sacrifices offerts à Viñëu (ainsi que des prêtres qualifiés pour les effectuer).

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Après quoi, il les bénit en disant : « Puissiez-vous prospé-rer et voir tous vos désirs comblés en accomplissant ces sacrifices ». COMMENTAIRE

yo brahmäëaà vidadhäti pürvaà yo vai vedäàç ca gäpayati sma kåñëaù

« C’est le Seigneur Kåñëa qui, au début des temps, donna à Brahmä, en son cœur, le savoir védique ». Atharva Veda (Gopäla-täpané Upaniñad 1.24)

Les Védas nous révèlent que c’est à Brahmä, le premier être créé, que le Seigneur révéla la connaissance originelle aux tré-fonds de son cœur. En effet, Brahmä est connu sous le nom de « Svayambhü » qui veut dire « celui qui naquit de lui-même », sans l’union charnelle d’un père et d’une mère, car Brahmä na-quit directement de Mahä-Viñëu, une émanation plénière du Seigneur Kåñëa, à travers lequel Il assume la Création maté-rielle. Aussi Çréla Bhaktivinoda Öhäkura nous enseigne-t-il que dès le début de la création, différents aspects de la connaissance fu-rent énoncés à Brahmä : le bhagavat-jïana, ou la connaissance transcendantale concernant la personnalité suprême de Dieu, le mäyä-vijïäna, ou la connaissance analytique de l’énergie externe de Dieu (l’énergie matérielle), la sädhana-bhakti, ou la méthode pour atteindre l’amour de Dieu, et prema, le but ul-time, ou la réalisation de notre relation éternelle avec Kåñëa.

çré-bhagavän uväca kälena nañöä pralaye väëéyaà veda-saàjïitä

mayädau brahmaëe proktä dharmo yasyäà mad-ätmakaù tena proktä sva-puträya manave pürva-jäya sä

tato bhågv-ädayo ’gåhëan sapta brahma-maharñayaù…

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tebhyaù pitåbhyas tat-puträ deva-dänava-guhyakäù manuñyäù siddha-gandharväù sa-vidyädhara-cäraëäù

kindeväù kinnarä nägä rakñaù-kimpuruñädayaù bahvyas teñäà prakåtayo rajaù-sattva-tamo-bhuvaù yäbhir bhütäni bhidyante bhütänäà patayas tathä yathä-prakåti sarveñäà citrä väcaù sravanti hi

« Le Seigneur Suprême dit : Par l’influence du temps, le son transcendantal de la connaissance védique fut perdu au mo-ment de la destruction. C’est pourquoi lorsque la création sui-vante eut lieu, J’ai de nouveau énoncé la connaissance védique à Brahmä, parce que Je suis Moi-même les principes religieux énoncés dans les Védas. » « Des ancêtres menés par Bhågu Muni et des autres fils de Brahmä, apparurent de nombreuses espèces universelles avec leur meneur respectif, comme les demi-dieux, les asuras, les êtres humains, les Guhyakas, les Siddhas, les Gandharvas (les anges), les Vidyädharas, les Cäraëas, les Kindevas, les Kinna-ras, les Nägas, les Kimpuruñas ... Toutes ces nombreuses espè-ces universelles apparurent avec des natures et des désirs diffé-rents, engendrés par les trois modes de la nature matérielle. Ainsi, à cause des différentes caractéristiques des entités vivan-tes dans l’univers, existe-t-il un grand nombre de rituels védi-ques, de mantras et de bénéfices. »

Çrémad-Bhägavatam (11.14.3-7) Les âmes conditionnées qui errent dans le monde matériel se trouvent dans différentes conditions. Certaines sont ignorantes, d’autres possèdent une connaissance sommaire, et d’autres ont une grande connaissance. Toutes possèdent une qualification différente, suivant le résultat de leurs actes passés. Aussi les Ecritures fournissent-Elles différentes sortes d’instruc-tions qui sont appropriées aux différentes mentalités ou quali-fications spirituelles des êtres mais Elles ont pourtant toutes un

».

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seul but : leur permettre d’atteindre un jour le service éternel du Seigneur. Or, selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, le Seigneur énonce spécialement ce verset et les six prochains pour les êtres qui ont un cœur impur et qui n’ont pas la qualification requise pour s’engager exclusivement dans la voie de l’action désintéressée. Que dire dans le pur service de dévotion. Pour eux, la voie de l’action intéressée est prescrite mais avec le but d’offrir les fruits de leurs actes au Seigneur Suprême. De cette manière, ils pourront eux aussi graduellement purifier leur cœur et atteindre la perfection. Le mot « purä » indique qu’au début de la Création, Brahmä eut une descendance. Celle-ci accomplit des sacrifices sous la forme d’activités religieuses offertes au Seigneur Viñëu. Il les bénit ensuite en leur disant : « anena prasaviñyadhvam » « Par ces principes religieux, puissiez-vous connaître une prospérité croissante en terme de descendance et d’opulence. » Gardant à l’esprit la tendance de se réjouir, le Seigneur Brahmä dit : « Puissent ces sacrifices combler vos désirs ». VERSET 11 devaN>aavYaTaaNaeNa Tae deva >aavYaNTau v" ) ParSPar& >aavYaNTa" é[eYa" ParMavaPSYaQa )) 11 )) devän bhävayatänena te devä bhävayantu vaù parasparaà bhävayantaù çreyaù param aväpsyatha Puissiez-vous apporter satisfaction aux demi-dieux par l’accomplissement de ces sacrifices, et en retour, trouver l’allégresse en recevant les fruits que vous désirez. De cette façon, en vous apportant une satisfaction mutuelle-ment, vous atteindrez le but le plus favorable qui soit.

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COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, dans ce verset com-mençant par le mot devän, le Seigneur Kåñëa explique com-ment le sacrifice (le yajïa) peut combler tous les désirs du cœur. Il dit : « Puissiez-vous satisfaire les devas par ces sacrifi-ces. » VERSET 12 wíaN>aaeGaaiNh vae deva daSYaNTae Yaj>aaivTaa" ) TaEdRtaaNaPa[daYaE>Yaae Yaae >au»e STaeNa Wv Sa" )) 12 )) iñöän bhogän hi vo devä däsyante yajïa-bhävitäù tair dattän apradäyaibhyo yo bhuìkte stena eva saù Par ces sacrifices, vous satisferez les demi-dieux, en contrepartie, ils vous octroieront tout ce dont vous avez besoin pour être heureux. Par conséquent, celui qui se réjouit de leurs dons sans d’abord les leur avoir offerts est certainement un voleur. COMMENTAIRE Pour ceux qui ne peuvent comprendre l’existence transcen-dantale du Seigneur Suprême Kåñëa et leur propre nature spiri-tuelle, certains sacrifices aux demi-dieux leur sont prescrits dans les Védas. Ces cultes sont en relation avec le conditionne-ment de ces êtres vivants. Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, le fait de ne pas accomplir ces sacrifices empêchera ces personnes de progresser spirituellement. Le Seigneur énonce ce verset par le mot « istan » afin de clarifier ce point. En effet, les demi-dieux (les devas) sont des êtres investis de pouvoirs par le Seigneur Suprême, afin de régir les affaires de l’univers. Ils sont en charge de l’air, de la lumière, de l’eau...

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Par exemple, ils sont à l’origine de la pluie qui permet aux cé-réales et aux autres plantes de pousser. Aussi ces parties des Védas déclarent-elles qu’après avoir produit des céréales et d’autres choses, celui qui s’en réjouit sans les avoir au préala-ble offertes aux demi-dieux en accomplissant les cinq sacrifi-ces, est considéré comme un voleur, et il doit donc prendre sur lui les réactions de tels actes. Le Garuòa Puräëa décrit ces cinq sacrifices ou « païca-mahä-yajïa » :

adhyäpanaà brahma-yajïaù pitå-yajïas tu tarpaëam homo daivo balir bhauto nå-yajïo ’tithi-püjanam

« (1) Donner des instructions venant des Ecritures révélées aux disciples (aux enfants pour un chef de famille, aux élèves pour un professeur) est appelé brahma-yajïa. (2) Offrir des obla-tions aux ancêtres est appelé pitå-yajïa. (3) Accomplir les feux de sacrifice offerts aux demi-dieux, est appelé deva-yajïa. (4) Donner des offrandes de nourriture, de fleurs, ... aux êtres vi-vants est appelé bhüta-yajïa. (5) Recevoir les hôtes avec une chaleur de cœur est appelé nå-yajïa. » De nombreux passages des Ecritures révèlent que les demi-dieux (les devas) sont des êtres investis de pouvoirs par le Sei-gneur Suprême, mais comprenons que ceci ne veut pas dire que ce pouvoir les rende indépendants de Kåñëa, car personne que ce soit Çiva ou même Brahmä n’a d’indépendance dans la Création. Tous dépendent de Lui pour leur pouvoir, et per-sonne n’est égal ou supérieur à Kåñëa. Tous sont Ses serviteurs, ce qui implique que les demi-dieux sont Ses dévots. On les appelle généralement sakäma bhakta, car ils ne sont pas pour la plupart des purs dévots libres de toute contamination matérielle. Ils gardent un certain attache-ment à leur position, mais ils sont en même temps fortement dédiés au Seigneur Suprême dans leur service qui est de régir les différents domaines universels.

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Pour cela, les Védas indiquent que les demi-dieux forment les différentes parties du corps universel du Seigneur et leur ado-ration tendent finalement à satisfaire Viñëu, le bénéficiaire ul-time. Lorsque ces différents sacrifices offerts aux demi-dieux sont parfaitement accomplis, ils ont le pouvoir de satisfaire ceux-ci qui, en retour, comblent les différents besoins de l’homme. Ces sacrifices apportent différents bénéfices maté-riels. Mais au final, ils élèvent les êtres vivants hors du cycle des morts et des renaissances, par le fait qu’ils offrent une puri-fication des actes. Ils permettent, quand la conscience s’en trouve élevée, de comprendre enfin l’existence de la Personne Suprême et d’accepter de s’abandonner à Lui. Un pur dévot du Seigneur ne s’adresse jamais aux demi-dieux directement afin qu’ils pourvoient à son existence. En effet, dans d’autres passages de la Bhagavad-gétä, le Seigneur Kåñëa indique qu’Il est le Bénéficiaire suprême, ce qui implique que tout sacrifice doit Lui être offert, et Il déclare également qu’Il est à l’origine des résultats que peuvent accorder l’adoration des nombreux demi-dieux.

hoktäraà yajïa-tapasäà sarva-loka-maheçvaram suhådaà sarva-bhütänäà jïätvä mäà çäntim åcchati

« Celui qui Me sait être le Bénéficiaire ultime de tous les sacrifi-ces, de toutes les austérités, le Contrôleur Suprême de toutes les planètes (qui comprend leur régent respectif, les demi-dieux) et le Bienfaiteur de tous les êtres, atteint la libération de l’existence matérielle (mokña).

Bhagavad-gétä (5.29) Ce qui implique qu’en offrant directement les sacrifices au Sei-gneur Suprême, tous les demi-dieux sont automatiquement satisfaits, de la même manière qu’en arrosant les racines d’un arbre, on nourrit le tronc, les branches, les rameaux et les feuil-les.

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Mais un dévot du Seigneur ne néglige aucun être dans la Créa-tion. Il est dit qu’il offre son hommage à tous suivant leur posi-tion respective. Aussi est-il pour principe dans de nombreux temples où l’on adore le Seigneur Suprême Viñëu, de redistri-buer à tous les demi-dieux Brahmä, Çiva, Durgä, Gaëeça,... les restes du Seigneur appelés « prasäda » ou miséricorde. Ainsi, on peut satisfaire pleinement les demi-dieux qui sont des dévots du Seigneur Viñëu. Tel est le principe vital du vaiñëavisme. Un véritable dévot du Seigneur respecte tous les êtres vivants de la plus petite fourmi au plus grand des demi-dieux selon sa position, cela toujours en relation avec le centre de toute chose : Kåñëa. Rien n’est séparé de Lui. De cette manière, il vit dans la plus parfaite unité et harmonie qui soient. Il est important de comprendre que dans la Bhagavad-gétä et à travers les autres Ecrits védiques, le Seigneur s’adresse à des êtres dotés de différents niveaux de conscience, ce que nous avons pu percevoir par la grâce de Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura. Aussi trouvons-nous de multiples compréhensions de cet Ecrit sacré, suivant la conscience de celui qui l’explique. Pour les matérialistes, il ne sera qu’une fiction mise en pages afin de permettre à une personne de comprendre le principe de l’action. D’autres, comme les spiritualistes qui désirent at-teindre l’Absolu par leur propre effort, ne verront en Kåñëa qu’une manifestation temporaire de l’Omniprésent imperson-nel. Il peut exister un nombre incalculable de visions. Mais nous devons savoir que si cet Ecrit n’est pas expliqué par une âme éternellement libérée, un associé éternel de Kåñëa, il ne peut y avoir le véritable sens de la Bhagavad-gétä dans ses pa-ges. Sans la grâce de Guru et des vaiñëavas, il n’est pas possible d’écrire un seul mot sans s’écarter de la Vérité. Je prie donc la miséricorde de Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura et de mes maîtres spirituels, avec un brin d’herbe entre les dents, de m’accorder la grâce de ne pas dénaturer le sens profond des

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paroles du Seigneur, mais par leur grâce, d’être un instrument afin de les rendre plus accessibles. VERSET 13 YajiXaíaiXaNa" SaNTaae MauCYaNTae SavRik-iLbzE" >auÅTae Tae Tvga& PaaPaa Yae PacNTYaaTMak-ar<aaTa( )) 13 )) yajïa-çiñöäçinaù santo mucyante sarva-kilbiñaiù bhuïjate te tv aghaà päpä ye pacanty ätma-käraëät Les personnes saintes, parce qu’ils ne mangent que des aliments d’abord offerts en sacrifice, se libèrent de tout péché. Mais ceux qui cuisinent des préparations (à base de graines et d’autres aliments) pour leur propre plaisir sont fautifs et prennent part au péché. COMMENTAIRE Tant qu’elle agit en ce monde dans l’ignorance de Sa position en tant que servante éternelle de Kåñëa, l’âme conditionnée doit connaître différentes situations temporaires. Parfois, elle doit s’incarner sur la Terre, en tant qu’un être humain, un ani-mal, un oiseau, une plante, un poisson, un insecte... Ce qui implique que pour manger, l’âme conditionnée qui se trouve dans un corps d’humain doit exercer des actes de vio-lence. Ceci a pour effet de générer des réactions négatives qui sont redistribuées sous la forme de souffrances futures. Afin d’annuler ces réactions et d’atteindre dans une prochaine existence les planètes supérieures, certaines parties des Védas enjoignent les êtres humains à offrir des sacrifices aux demi-dieux. Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, ceux qui ac-ceptent les restes de céréales qui proviennent de ces sacrifices deviennent libérés des péchés qu’ils ont commis à cause du

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païca-sünä. Ceci se réfère à la violence qui est causée incons-ciemment aux entités vivantes par l’utilisation du pilon, du feu, de l’instrument à moudre, de l’eau et du balai. D’autres parties des Védas, notamment celles qui traitent du service de dévotion, expliquent que les différents demi-dieux sont mandatés par Kåñëa pour gérer les affaires universelles comme la pluie et le vent. Or, puisqu’ils reçoivent le pouvoir du Seigneur, ils sont considérés comme différents membres de Son corps universel. Toutefois, lorsque l’on rend un culte ex-clusif à Kåñëa, ils sont automatiquement adorés et satisfaits. Un dévot du Seigneur n’a donc pas besoin d’accomplir un culte séparé aux demi-dieux. Nous devons comprendre en cela que Kåñëa, en tant que l’Ame Suprême présente dans le cœur de chaque être, est en fait Ce-lui qui donne le résultat de tous les sacrifices. Ceci est expliqué dans le verset (7.21-22) de la Bhagavad-gétä :

yo yo yäà yäà tanuà bhaktaù çraddhayärcitum icchati tasya tasyäcaläà çraddhäà täm eva vidadhämy aham

sa tayä çraddhayä yuktas tasyärädhanam éhate labhate ca tataù kämän mayaiva vihitän hi tän

« J’habite le cœur de toutes les êtres vivants en tant que l’Ame Suprême. Dès qu’un dévot désire adorer un demi-dieu, c’est Moi qui affermis sa foi pour ce deva particulier. Après que Je lui aie donné une telle foi, il essaie d’adorer ce demi-dieu particulier et voit ses désirs comblés. Mais en réalité, ces bienfaits ne sont accordés que par Moi. » Simplement, selon la déité choisie, différents bénéfices sont octroyés par Kåñëa, à travers l’offrande de sacrifice. Si une per-sonne adore un demi-dieu, les fruits d’une telle adoration se-ront temporaires. Mais si un dévot offre un sacrifice à Kåñëa, les bénéfices accordés seront éternels.

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Dans le cadre du service de dévotion, parce qu’ils ont un amour inaltéré pour Kåñëa, les purs vaiñëavas n’acceptent spontanément jamais rien directement pour eux, car ils n’ont aucun désir matériel. A travers ce service d’amour, ils offrent toute chose à Kåñëa, à travers différents sacrifices liés à la dé-votion, comme l’offrande de nourriture qui est indiqué dans ce verset. Ce sacrifice est simple. Il faut d’abord veiller à n’offrir au Sei-gneur que des aliments dans la vertu comme des céréales, des légumes, des fruits et des produits laitiers. On ne doit pas offrir des aliments dans l’ignorance, la viande, le poisson, les œufs, les boissons alcoolisées, et les intoxicants (le café, le thé, le tabac, la marijuana et les autres drogues, ...). Puis, on doit les cuisiner et les offrir avec amour et dévotion devant une image ou une photo de Çré Çré Rädhä-Kåñëa, de Çré Caitanya Mahä-prabhu et du maître spirituel, en chantant :

Hare Kåñëa, Hare Kåñëa, Kåñëa Kåñëa, Hare Hare Hare Räma, Hare Räma, Räma Räma, Hare Hare

Au bout de quelques instants, on doit remercier le Seigneur et retirer Son assiette pour ensuite offrir les restes au maître spiri-tuel, et enfin reverser les différentes préparations dans les pots qui ont servi à cuisiner, parce qu’il faut veiller à cuisiner et à offrir la nourriture dans des pots et dans une assiette que l’on réserve exclusivement à cet usage. On ne doit pas offrir la nourriture directement dans notre assiette, ni laver les pots et l’assiette du Seigneur avec notre éponge ou dans le même bac. Cette activité spirituelle simple et naturelle fait extrêmement plaisir au Seigneur, parce qu’elle est basée sur l’amour et la dé-votion, et elle contribue à la véritable harmonie de notre pla-nète. En effet, dans ce verset le Seigneur explique que se nour-rir d’aliments uniquement cuisinés pour notre propre satisfac-tion n’est pas une activité sans conséquences.

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Aussi le Seigneur emploie-t-Il le mot « kilbiñaiù » qui désigne « le péché » comme le fait de consommer une nourriture qui n’est pas libre de réaction karmique. Or, les Védas expliquent qu’offrir au Seigneur de la nourriture annule toutes les consé-quences de nos actes. En effet, en cueillant un légume, nous commettons un acte de violence envers d’autres êtres vivants pour nous nourrir. De même, tout est la propriété de Dieu. Si nous prenons un fruit, bien que ceci n’entraîne pas forcément la violence, les Védas enseigne qu’elle est comme un vol, donc cette action engendre également une réaction. Par le simple principe d’offrir sa nourriture, le Seigneur devient extrêmement satisfait et en l’acceptant, enlève ces réactions. De plus, les Védas expliquent qu’en acceptant l’offrande, Kå-ñëa spiritualise les aliments qui Lui ont été offerts. Ces restes de nourriture sont donc de la même nature que le Seigneur Lui-même. « O deux fois né, une personne ne doit jamais considérer si les restes de nourriture et de boisson offerts au Seigneur de l’uni-vers sont mangeables ou non. Les restes du Seigneur sont aussi incorruptibles et spirituels que les mantras védiques et le Sei-gneur Lui-même. »

Båhad Viñëu Puräëa En mangeant les restes de cette nourriture sanctifiée, une per-sonne entre donc en contact direct avec Kåñëa et se libère de toutes les suites des activités qu’elle a faites dans le passé. Elle développe également l’amour pour Kåñëa et pour tous les êtres vivants, elle quitte sa mentalité rebelle et redevient dévouée au Seigneur. Dans cette condition, elle peut atteindre la perfec-tion spirituelle, et non l’atteinte du paradis comme l’octroient les sacrifices aux demi-dieux. Aussi les dévots du Seigneur sont-ils, comme le déclare ce verset, « santaù » paisibles, car en mangeant cette nourriture, ils deviennent immunisés contre toute forme de contamination matérielle, contrairement à ceux

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qui se nourrissent d’une nourriture impure et qui augmentent la somme de leurs activités pécheresses, se préparant ainsi à une condition de vie future inférieure. Or, les Védas expliquent que ce n’est que dans cette situation favorable que l’humanité peut évoluer vers une harmonie par-faite, car de cette manière, les êtres arrêtent de prendre les ré-sultats d’actes négatifs pour se nourrir et ils se reconnectent à Dieu, chassant l’origine de tous les maux que rencontre notre civilisation. Kåñëa élève aussi également toutes les âmes qui sont en contact à travers cette offrande. Ainsi, l’âme qui se trouvait dans le corps végétal cueilli pour Son offrande est naturelle-ment élevée à une forme de vie humaine, afin qu’elle puisse continuer son avancement spirituel dans sa vie prochaine. Ce même principe s’applique aussi au lait que donne la vache, ou au fruit que donne l’arbre, ... l’âme qui se trouve dans le corps d’une vache qui donne son lait au Seigneur, ou celle de l’arbre fruitier qui offre son fruit, obtiennent, elles aussi, à la fin de leur vie cet avantage. Tels sont quelques bénéfices que détail-lent les Védas. De même, si nous distribuons cette nourriture sanctifiée aux êtres vivants, nous les aiderons à retourner à Kå-ñëa. Cette activité est très chère au Seigneur. VERSET 14 AàaÙviNTa >aUTaaiNa PaJaRNYaadàSaM>av" ) YajaÙviTa PaJaRNYaae Yaj" k-MaRSaMauÙv" )) 14 )) annäd bhavanti bhütäni parjanyäd anna-sambhavaù yajïäd bhavati parjanyo yajïaù karma-samudbhavaù Tous les êtres vivants se développent grâce aux graines qui croissent par la pluie. Les chutes de pluies sont elles engendrées par l’accomplissement de sacrifices, qui lui

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est né des devoirs prescrits. COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, dans ce verset, le Seigneur souligne l’importance d’accomplir des sacrifices, car ils participent à l’harmonie de l’action dans le monde matériel. En effet, les entités vivantes dépendent des graines pour leur survie. Quand celles-ci sont mangées, elles se transforment en sang puis à son tour en semence, laquelle participe à la cons-truction du corps tout entier. Les nuages sont la source des graines car sans pluie, la terre ne peut produire de graines, les-quelles sont sous le contrôle universel des demi-dieux et du Seigneur. Aussi les nuages de pluie sont-ils produits en abon-dance et au bon moment lorsque les sacrifices sont accomplis. Ce sont donc les sacrifices qui sont la cause des autres résul-tats. S’ils ne sont pas accomplis, les habitants de la Terre souf-friront de pénuries et de toute autre calamité. Dans notre âge, le meilleur des sacrifices recommandé par les Védas est le chant des Saints Noms. Tout le monde peut le faire. Il n’y a aucune règle stricte pour l’accomplir. Il suffit de chanter :

Hare Kåñëa, Hare Kåñëa, Kåñëa Kåñëa, Hare Hare Hare Räma, Hare Räma, Räma Räma, Hare Hare

Le simple chant journalier des Noms de Kåñëa permettra de satisfaire le Seigneur et par la même tous les demi-dieux. VERSET 15 k-MaR b]øaeÙv& iviÖ b]øa+arSaMauÙvMa( ) TaSMaaTSavRGaTa& b]ø iNaTYa& Yaje Pa[iTaiïTaMa( )) 15 ))

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karma brahmodbhavaà viddhi brahmäkñara-samudbhavam tasmät sarva-gataà brahma nityaà yajïe pratiñöhitam Sache que les devoirs prescrits sont issus des Védas, les-quels ont pour origine le Seigneur Infaillible. L’Absolu qui est omniprésent se trouve donc toujours dans les ac-tes de sacrifice. COMMENTAIRE Les actes accomplis pour la seule satisfaction des sens sont ap-pelés vikarma, c’est-à-dire des actes impies qui entraînent des réactions négatives en ce monde. Pour qu’ils n’entraînent pas de réaction négative, ces actes doivent être accomplis pour la satisfaction du Seigneur Suprême. Or, pour savoir ce qui plaît à Dieu, nous devons nous référer aux injonctions des Védas qui sont les instructions du Seigneur. Le monde matériel est semblable à une prison où les âmes re-belles viennent séjourner pour l’exploiter. Elles sont donc em-plies de désirs pour le plaisir des sens. Or, dans les Védas, le Seigneur donnent aux êtres vivants des commandements, afin de leur permettre de satisfaire leurs désirs, tout en leur offrant la possibilité de purifier graduellement leur existence et de retourner à Lui. Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, les injonctions védi-ques sont par conséquent la cause de l’action légitime, car ce n’est qu’après les avoir entendues, que les actes offerts aux Sei-gneur (les sacrifices) ont pu être accomplis. Les mots « äkñara-brahma », dans ce verset, se réfèrent à la Vérité Absolue qui est la cause des Védas. A ce propos, il est dit :

asya mahato bhütasya niçvasitam etad yad åg-vedo yajur-vedaù sämavedo ’tharväìgirasaù

« Le Åg Veda, l’Yajur Veda, le Säma Veda et l’Antharva Veda

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sont comme le souffle du Contrôleur Suprême. C’est pourquoi le Seigneur Omniprésent est situé dans les actes de sacrifice. »

Båhad-äraëyaka Upaniñad (4.5.11)

Cette déclaration établit clairement que le Seigneur Suprême est directement présent à travers les actes de sacrifice qu’Il a prescrits dans les Védas. Ce qui implique qu’en suivant Ses ins-tructions, en accomplissant ces actes, dans le seul but de Le satisfaire, un dévot peut réaliser Kåñëa. Or, bien qu’une connexion de cause à effet ait été démontrée en partant des graines jusqu’au Seigneur Suprême, dans certains passages des Védas, seuls les sacrifices sont décrits comme le facteur pri-mordial et eux seuls sont glorifiés. Nous devons comprendre en ceci que toutes les âmes conditionnées ne sont pas quali-fiées pour comprendre l’aspect ultime de Dieu ou Kåñëa. Les Védas traitent donc indirectement de fruits secondaires comme le montre la Manu-småti : « Les oblations offertes dans le feu atteignent Sürya deva, le demi-dieu du soleil, du soleil vient la pluie, de la pluie viennent les graines et des graines vient la descendance. » Ceci dans le but de permettre à ceux qui sont emplis de désirs pour le plaisir des sens de s’engager dans des sacrifices et de purifier leur existence, et ultimement, d’attein-dre la réalisation spirituelle. Telle est la miséricorde de Kåñëa envers Ses serviteurs perdus. VERSET 16 Wv& Pa[viTaRTa& c§&- NaaNauvTaRYaTaqh Ya" ) AgaaYauiriNd]YaaraMaae Maaega& PaaQaR Sa JaqviTa )) 16 )) evaà pravartitaà cakraà nänuvartayatéha yaù aghäyur indriyärämo moghaà pärtha sa jévati

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O fils de Påthä, (dans ce monde) celui qui ne suit pas ce cycle établi dans les Védas se trouve certes engagé dans des activités pécheresses. Ainsi, n’étant attaché qu’aux plaisirs des sens, il vit en vain. COMMENTAIRE Çréla Çrédhara Svämé explique que c’est du Seigneur Suprême que les Védas ont émané. Ils ont été manifestés afin de pres-crire des devoirs pour le plus grand bénéfice de tous les êtres vivants. Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura fait remarquer qu’en ne s’engageant pas dans ces devoirs, on engendre une disharmonie dans le cycle de l’univers. Le verset présent qui commence par « evam » est énoncé afin d’expliquer ce sujet. Le mot « cakra » ou « cycle » signifie une série ordonnée d’évé-nements. Par exemple, les nuages et la pluie proviennent du résultat du sacrifice ou yajïa. Les graines viennent de la pluie, et des graines viennent les entités vivantes qui, à leur tour, ac-complissent le sacrifice qui produit des nuages de pluie et ainsi de suite. Celui qui ne s’engage pas dans l’accomplissement de ces sacri-fices pour continuer ce cycle, est ici dénommé par le mot « ag-häyuù » ou pécheur. En effet, ce cycle a été donné afin que les âmes conditionnées puissent purifier leur existence et revenir à Dieu. Aussi celui qui ne le suit pas gâche-t-il simplement sa vie humaine si précieuse qui est rarement donnée d’atteindre dans le cycle de la réincarnation. Par conséquent, puisqu’il agit à contre-courant de la réalité spirituelle et qu’il interrompt le cy-cle qui permet à la Création d’être en harmonie avec Dieu, il doit encourir les réactions de ses actes à chaque instant. Or, lorsque c’est la population entière qui se coupe de ce cycle, le chaos se manifeste de plus en plus sur Terre. Graduellement, les êtres humains voient leur conscience de Dieu s’atrophier au point qu’ils deviennent semblables à des animaux sophistiqués incapables de comprendre le principe du sacrifice. Leur futur est malheureusement voué à une vie infernale.

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VERSET 17 YaSTvaTMariTarev SYaadaTMaTa*áê MaaNav" ) AaTMaNYaev c SaNTauíSTaSYa k-aYa| Na ivÛTae )) 17 )) yas tv ätma-ratir eva syäd ätma-tåptaç ca mänavaù ätmany eva ca santuñöas tasya käryaà na vidyate Cependant, il n’a certes aucun devoir à accomplir, celui qui se réjouit dans le soi et qui parfaitement comblé, ne se satisfait que dans le soi. COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, le Seigneur avait jusqu’ici expliqué les actions prescrites pour ceux qui étaient incapables de s’engager dans le niñkäma-karma-yoga (l’adoration du Seigneur accomplie en étant détaché de tout bénéfice personnel), c’est-à-dire le kämya-karma, les actions en vue d’en retirer des fruits. Ce sont ce que l’on appelle les activités pieuses religieuses en vue d’atteindre le bonheur en ce monde. Ces activités ont le pouvoir de détruire les cinq actes de vio-lence commis par inadvertance et désignés par le nom le pan-ca-suna. Les bénéfices de ces activités sont obtenus par l’ado-ration des demi-dieux. Ces activités ne s’adressent pas directe-ment au Seigneur Suprême, aussi ne sont-elle pas considérées comme de la dévotion car ces dévots n’ont qu’un seul but, combler leurs désirs. Mais, parce qu’ils suivent les injonctions des Védas, leurs acti-vités sont considérées comme des activités pieuses qui ne sont pas en opposition aux Védas. Elles sont favorables pour les êtres qui ne peuvent renoncer à leurs désirs matériels. Elles contribuent au développement harmonieux du cycle de l’uni-vers. Selon Çréla Bhaktivedanta Näräyaëa Svämé, aussi long-

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temps que les sacrifices protègent les intérêts et le bien-être de l’univers, tout ce qui peut être accepté par ces êtres pour leur bonheur et pour leur plaisir personnel, devient une partie du sacrifice et est alors compté comme de la piété. Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura indique que ceux qui sont situés sur la plateforme de la connaissance spirituelle réalisée ne s’engagent jamais dans le kämya-karma, (l’action en vue d’en retirer des fruits), parce que leur cœur est pur. Le Seigneur énonce ce verset et le suivant pour expliquer cela. Ceux qui peuvent discriminer entre le soi éternel et les objets temporaires s’engagent uniquement dans la culture du soi. Ils demeurent complètement satisfaits dans le soi. Parce qu’ils sont capables de tirer tout plaisir dans le soi, on les appelle des ätmärämas, mais également des äptakämas, car ils sont capa-bles de satisfaire tous leurs désirs dans le soi. De telles âmes réalisées sont de deux sortes : les jïänés-yogés qui recherchent le soi et les bhakti-yogés qui cultivent l’amour de Dieu. L’un trouve la plénitude en l’âme, alors que l’autre la trouve dans une relation infinie avec la Personne Suprême Kåñëa. Des deux, le Seigneur déclare que le bhakti-yogé est le plus grand.

yoginäm api sarveñäà mad-gatenäntarätmanä çraddhävän bhajate yo mäà sa me yuktatamo mataù

« Celui qui M’adore constamment avec une foi pleine et qui toujours pense exclusivement à Moi en lui-même, est selon Mon opinion le plus élevé de tous les yogés.

Bhagavad-gétä (6.47) Celui qui a réalisé son lien avec le Seigneur Suprême n’a plus à remplir aucun devoir lié à ce monde. Il se situe sur la plate-forme où ses actes n’entraînent aucune réaction puisqu’il a at-teint sa constitution éternelle d’être située dans sa relation éter-nelle d’amour avec Kåñëa. Bien qu’étant en ce monde, il vit sur

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un plan purement spirituel, et se situe au-delà des normes vé-diques réservées aux âmes conditionnées. Leur simple pré-sence suffit à purifier les êtres de leurs péchés, à les libérer de tout désir matériel, à les rendre prêts à s’abandonner à Dieu, et finalement à développer l’amour de Dieu. VERSET 18 NaEv TaSYa k*-TaeNaaQaaeR Naak*-TaeNaeh k-êNa ) Na caSYa SavR>aUTaezu k-iêdQaRVYaPaaé[Ya" )) 18 )) naiva tasya kåtenärtho näkåteneha kaçcana na cäsya sarva-bhüteñu kaçcid artha-vyapäçrayaù Celui qui ne trouve sa satisfaction qu’en l’âme, n’obtient aucun avantage en accomplissant une action (dans ce monde) et ne commet aucune erreur en s’abstenant d’a-gir. Non plus qu’il n’ait besoin de dépendre d’aucun être (dans l’univers pour obtenir ce dont il a besoin). COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, le mot « kåta » dans ce verset explique qu’une personne qui ne trouve son plaisir que dans l’âme, n’a aucun intérêt à accomplir des actions en ce monde. Elle n’a également aucun désir à combler par de telles actions. Elle n’acquiert pas non plus de piété en effectuant les devoirs qui lui sont prescrits. Un dévot du Seigneur ne voit dans l’univers aucune chose, mo-bile ou immobile, qui puisse lui apporter un refuge approprié. Seul le pur service d’amour offert au Seigneur lui paraît réel et tangible, car le contact avec celui-ci lui apporte une réalisation et une félicité spirituelles toujours accrues et nouvelles. Le mot « vyapäçrayaù » noté dans ce verset a été décrit comme il suit

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dans le Çrémad-Bhägavatam (6.17.31) et il confirme ce point :

väsudeve bhagavati bhaktim udvahatäà nåëäm jïäna-vairägya-véryäëäà na hi kaçcid vyapäçrayaù

« Une personne qui possède la dévotion pour le Seigneur Vä-sudeva n’est pas intéressée et ne prend pas refuge dans le jïä-na (la connaissance spirituelle liée à l’aspect impersonnel de la Vérité Absolue), dans le vairägya (le renoncement) ou dans le vérya (le fait de développer de la puissance). » Selon Çréla Bhaktivinoda Öhäkura, un tel dévot n’a qu’un seul but dans la vie, c’est d’atteindre la perfection dans l’amour pour Dieu. Il a de ce fait « prema » l’amour pour son Seigneur. Le mot prema se réfère à la pure dévotion. Ces symptômes sont décrits dans le Bhakti-rasämåta-sindhu (1.1.11) :

anyäbhiläñitä-çünyaà jïäna-karmädy-anävåtam änukülyena kåñëänu- çélanaà bhaktir uttamä

« Le courant ininterrompu du service pour le Seigneur Kåñëa, c'est-à-dire les activités faites exclusivement pour Son plaisir, accomplies au moyen du corps, du mental et de la parole et par l’expression de différents sentiments spirituels, qui ne sont pas recouvertes par la connaissance visant la libération imper-sonnelle, et les activités visant aux plaisirs des sens et qui n’ont d’autre objet que la satisfaction du Seigneur Kåñëa portent le nom d’uttamä-bhakti, le pur service de dévotion. » Il n’est intéressé que par la pure dévotion qui n’est altérée par aucune conception de ce monde. Sa pureté de cœur fait qu’il ne peut plus accepter une dévotion teintée avec une concep-tion imparfaite de Dieu, comme le fait de L’adorer en vue de devenir un avec Lui, ou encore recevoir de Kåñëa des bénédic-tions matérielles. Il n’a d’attirance que pour la pure dévotion. Une autre des caractéristiques d’un véritable dévot du Seigneur

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est qu’il recherche l’association de vaiñëavas plus avancés que lui, ou encore de dévots qui sont abandonnés au Seigneur parce que la pure dévotion est apparue en leur cœur. Cette as-sociation est la plus désirée car par elle, on peut obtenir toute bonne fortune.

yad-apäçrayäçrayäù çudhyanti « Une entité vivante devient purifiée simplement en prenant refuge en ceux qui sont abandonnés au Seigneur Suprême. »

Çrémad-Bhägavatam (2.4.18) VERSET 19 TaSMaadSa¢-" SaTaTa& k-aYa| k-MaR SaMaacr ) ASa¢-ae ùacrNk-MaR ParMaaPanaeiTa PaUåz" )) 19 )) tasmäd asaktaù satataà käryaà karma samäcara asakto hy äcaran karma param äpnoti püruñaù Accomplis donc toujours les devoirs qui te sont prescrits détachés du fruit de l’acte, car en exécutant son devoir en étant libre de tout attachement, une personne atteint le Suprême. COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, dans ce verset, le Seigneur Kåñëa déclare à Arjuna qu’il n’a pas atteint la plate-forme du jïäna où le cœur est purifié des conceptions matériel-les de l’existence. Mais, étant donné qu’il est un homme de sa-gesse, sa qualification a dépassé celle des personnes qui sont situées au niveau du kämya-karma, l’action en vue d’en retirer des fruits. Aussi Lui conseille-t-Il d’accomplir le niñkäma-

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karma-yoga, c’est-à-dire de s’engager dans l’adoration du Sei-gneur en étant détaché de tout bénéfice personnel. De cette manière, en accomplissant son devoir prescrit, il pourra puri-fier son cœur et atteindre la libération « moksa ». Çréla Bhaktivi-noda Öhäkura enseigne que le mot « moksa » ici se réfère à l’at-teinte de la pure dévotion par l’accomplissement du service de dévotion. VERSET 20 k-MaR<aEv ih Sa&iSaiÖMaaiSQaTaa JaNak-adYa" ) l/aek-Sa°hMaevaiPa SaMPaXYaNk-TauRMahRiSa )) 20 )) karmaëaiva hi saàsiddhim ästhitä janakädayaù loka-saìgraham eväpi sampaçyan kartum arhasi Les rois saints comme Janaka ont atteint la perfection suprême en accomplissant leurs devoirs prescrits. Tu dois donc accomplir les tiens en considérant que cela établira un idéal pour la masse des gens. COMMENTAIRE Dans ce verset, Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura fait ressor-tir une évidence à propos de l’importance de sadäcära ou de la conduite convenable. Même si Arjuna se considère qualifié pour suivre la voie du jïäna ou de la connaissance spirituelle qui mène à réaliser qu’on est différent du corps de matière, c’est-à-dire que l’on est une âme spirituelle, il doit cependant toujours accomplir les devoirs qui lui sont prescrits dans le but d’instruire les gens du commun. C’est dans ce but que Kåñëa emploie les mots « loka-saìgraham» « les gens en général ». En effet, selon Çréla Madhväcärya, celui qui est sur le plan de

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conscience de l’ätma-tattva ou la réalisation de l’âme n’est pas obligé de suivre les activités prescrites dans les Ecritures védi-ques, car celles-ci sont réservées aux âmes conditionnées, afin qu’elles atteignent la libération de l’esclavage matériel. Mais parallèlement, Kñëa fait remarquer à Arjuna qui désirait rejeter son devoir, que même des rois comme Janaka qui devinrent des âmes libérées en accomplissant leurs devoirs, ne rejetèrent pas pour autant ceux-ci, même après avoir atteint la réalisation spirituelle. Ils exécutèrent leurs devoirs afin d’inspirer les âmes conditionnées à les faire avec dévotion pour le Seigneur Su-prême, car cela leur permettrait d’atteindre la perfection. VERSET 21 YaÛdacriTa é[eïSTatadeveTarae JaNa" ) Sa YaTPa[Maa<a& ku-åTae l/aek-STadNauvTaRTae )) 21 )) yad yad äcarati çreñöhas tat tad evetaro janaù sa yat pramäëaà kurute lokas tad anuvartate Le comportement d’un grand homme est toujours suivi par les gens du commun. Le monde entier imite la norme qu’il établit. COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, dans ce verset, le Seigneur Suprême explique comment les standards d’une vie parfaite sont établis pour les gens du commun. Ce qui impli-que qu’un dévot du Seigneur enseigne par son exemple la ma-nière parfaite de mettre en pratique les injonctions des Ecritu-res védiques. On dit pour cela qu’il y a deux bhägavatas : le livre qui renferme les instructions du Seigneur tel que la Bha-gavad-gétä, et le dévot bhägavata qui modèle parfaitement sa

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vie sur ces enseignements. Ils sont non différents de l’un de l’autre. A travers Ses purs dévots, Kåñëa apprend à Ses servi-teurs perdus comment suivre Ses enseignements et ultimement comment revenir à Lui. VERSET 22 Na Mae PaaQaaRiSTa k-TaRVYa& i}azu l/aeke-zu ik-ÄNa ) NaaNavaáMavaáVYa& vTaR Wv c k-MaRi<a )) 22 )) na me pärthästi kartavyaà triñu lokeñu kiïcana nänaväptam aväptavyaà varta eva ca karmaëi O fils de Påthä, Je n’ai besoin d’accomplir aucun devoir prescrit, parce qu’il n’y a rien dans les trois mondes que je ne puisse obtenir et il n’y a rien que Je désire attein-dre. Pourtant, Je suis toujours engagé dans leur exécu-tion. COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, dans ce verset et les deux suivants, le Seigneur clarifie Sa propre position. En effet, Il indique que bien qu’Il n’ait aucun devoir à accomplir, puis-que tout existe par Lui et pour Lui, néanmoins Il agit selon les injonctions des Ecritures védiques pour le bien de tous les êtres. De cette manière, Il montre l’exemple parfait d’un äcä-rya, d’un maître qui enseigne par son propre exemple. Sachant cela, Arjuna devrait suivre le modèle du Seigneur et effectuer son devoir en Lui offrant le résultat de ses actions, afin de montrer aussi l’exemple.

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VERSET 23 Yaid ùh& Na vTaeRYa& JaaTau k-MaR<YaTaiNd]Ta" ) MaMa vTMaaRNauvTaRNTae MaNauZYaa" PaaQaR SavRXa" )) 23 )) yadi hy ahaà na varteyaà jätu karmaëy atandritaù mama vartmänuvartante manuñyäù pärtha sarvaçaù Si jamais Je manquais d'effectuer Mon devoir avec grand soin, ô fils de Påthä, les gens du commun m’imiteraient certainement à tout égard. COMMENTAIRE Le mot anuvartante signifie qu’ils imiteront. VERSET 24 oTSaqdeYauirMae l/aek-a Na ku-Yaa| k-MaR cedhMa( ) SaªrSYa c k-TaaR SYaaMauPahNYaaiMaMaa" Pa[Jaa" )) 24 )) utsédeyur ime lokä na kuryäà karma ced aham saìkarasya ca kartä syäm upahanyäm imäù prajäù Si Je n’assumais pas Mon devoir, alors le monde entier deviendrait dégradé. Je serais la cause de l’apparition d’une population indésirable et le responsable de la des-truction de la population entière. COMMENTAIRE Lorsque l’humanité se dégrade et rejette les injonctions scriptu-raires, le Seigneur vient dans l’univers matériel afin d’enseigner par Son propre exemple et rediriger la société. Ainsi, en tant

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que Père suprême de tous les êtres, si Kåñëa agissait sans sui-vre Ses propres enseignements contenus dans les injonctions des Ecritures védiques, l’humanité entière se mettrait à L’imiter en pensant que de telles activités sont pieuses et dignes d’être suivies. Alors, par ce mauvais exemple, s’ensuivrait la dégrada-tion de l’humanité et plus personne ne s’engagerait dans son devoir prescrit. Or, selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, dans cette circonstance, les êtres ne seraient plus capables d’at-teindre la réalisation spirituelle. Ils deviendraient déchus, en conséquence de quoi, le Seigneur serait tenu responsable de la dégradation de la population, et en rendant l’humanité impure, Il serait tenu pour Son destructeur. VERSET 25 Sa¢-a" k-MaR<YaivÜa&Saae YaQaa ku-vRiNTa >aarTa ) ku-YaaRiÜÜa&STaQaaSa¢-iêk-IzuRl/aeRk-Sa°hMa( )) 25 )) saktäù karmaëy avidväàso yathä kurvanti bhärata kuryäd vidväàs tathäsaktaç cikérñur loka-saìgraham Les ignorants accomplissent leur devoir en s’attachant aux fruits de leurs actes, ô descendant de Bhärata. Ce-pendant ceux qui sont éclairés dans la sagesse doivent également agir mais libres de tout attachement, afin d’é-tablir un idéal pour les gens du commun. COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, dans ce verset, le Seigneur conclut le sujet des deux versets précédents, en en-seignant que ceux qui sont situés sur la plateforme de la réali-sation spirituelle, bien que détachés du fruit de leurs actes, doi-vent effectuer leurs devoirs prescrits décrits dans les Ecritures

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védiques pour la seule satisfaction du Seigneur Suprême, afin d’instruire les personnes dans l’ignorance qui s’attachent aux fruits de leurs actes. VERSET 26 Na buiÖ>aed& JaNaYaedjaNaa& k-MaRSai®NaaMa( ) JaaezYaeTSavRk-MaaRi<a ivÜaNYau¢-" SaMaacrNa( )) 26 )) na buddhi-bhedaà janayed ajïänäà karma-saìginäm joñayet sarva-karmäëi vidvän yuktaù samäcaran Celui qui est érudit et expérimenté dans la voie de la connaissance ne doit pas troubler l’intelligence des ignorants en les persuadant d’abandonner leurs devoirs prescrits afin de s’engager dans la culture du savoir spi-rituelle (jïäna). Au contraire, en accomplissant conve-nablement ses propres devoirs dans un état d’esprit pai-sible et détaché, il doit les encourager à s’engager dans leurs propres devoirs. COMMENTAIRE La Bhagavad-gétä enseigne que le but des Védas est de permet-tre à une personne de comprendre la personnalité de Kåñëa et de s’engager dans le pur service de dévotion. A cette fin, trois niveaux de qualification sont observés, ils déterminent trois voies : celle du karma ou la voie de l’action, celle du jïäna ou la voie de connaissance, et celle de la bhakti ou la voie de la dévotion. Ces trois voies sont comme trois marches d’un même escalier qui permettent d’atteindre ce but. Dans un premier temps, le néophyte s’emploie, à travers ses devoirs prescrits, à adorer le Seigneur en lui offrant le fruit de ses actions (karma-

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yoga). Puis, lorsque son cœur devient purifié, il peut alors se détacher de la conception corporelle de l’existence et atteindre la connaissance spirituelle (jïäna-yoya). Et finalement, lorsqu’il comprend le fondement de sa nature éternelle et de sa relation avec Dieu, il s’engage dans des activités purement dévotion-nelles (bhakti-yoga). Il existe des personnes qui ignorent le but des Védas et qui s’engagent dans la voie de l’action prescrite dans les Védas dans le seul but de jouir de la matière. A cause de l’ignorance qui les recouvre, elles sont appelées karma-saìgé. Or, le Seigneur, dans ce verset, s’adresse en particulier à ceux qui ont la connaissance spirituelle, c’est-à-dire à ceux qui ont le cœur pur et qui sont détachés de la conception corporelle de l’existence. Il leur conseille de ne perturber ces personnes ignorantes, ni dans leurs activités, ni dans leurs mauvaises compréhensions des choses en leur disant : « Il n’y a aucun but tangible à atteindre en accomplissant des activités mondaines, donc devenez parfaits comme moi en renonçant à la voie de l’action (karma) et en cultivant la connaissance spirituelle qui consiste à se détacher de toute conception matérielle de l’exis-tence (jïäna). » La qualification, pour être engagé dans la voie de la connais-sance, dépend de la pureté de cœur. Or, celui qui n’a pas cette pureté et qui est attaché à la conception corporelle de l’exis-tence ne peut s’y engager parfaitement. S’il se voit recevoir des instructions concernant la connaissance spirituelle, il sera peut-être momentanément attiré et quittera toute chose en relation avec ce monde temporaire. Mais finalement, à cause d’attache-ments et de désirs impurs dans le cœur, il tombera de cette voie. Le résultat est qu’il quittera la voie de la connaissance (jïäna-yoga) à cause d’un manque de qualification, et il perdra la foi dans la voie de l’action (karma-yoga) car il la considérera inférieure en relation avec la voie de la connaissance. Ce qui

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serait destructeur pour cette personne, car elle s’engagerait de nouveau dans des actes impies, c’est-à-dire non conformes avec les Ecritures védiques ou indépendants des lois universel-les. Aussi est-il dit dans le Çrémad-Bhägavatam (11.20.9) :

tävat karmäëi kurvéta na nirvidyeta yävatä mat-kathä-çravaëädau vä çraddhä yävan na jäyate

« Aussi longtemps qu’une personne n'est pas détachée des acti-vités intéressées et qu’elle n'a pas éveillé un goût pour le ser-vice de dévotion, elle doit agir selon les injonctions des Ecritu-res védiques. » Ce qui implique que, bien qu’il perçoive que toutes les actions en ce monde résultent de l’interaction des influences matériel-les (vertu, passion et ignorance), le dévot qui a atteint la connaissance spirituelle doit agir, en restant libre de désir du fruit de l’action et en étant fixé sur le Seigneur Suprême, afin de montrer comment l’on peut Lui offrir le résultat de ses actes. De cette manière, l’ignorant pourra se voir inspirer à faire de même et il pourra ainsi purifier son cœur et développer la connaissance spirituelle, puis la dévotion pour Kåñëa. VERSET 27 Pa[k*-Tae" i§-YaMaa<aaiNa Gau<aE" k-MaaRi<a SavRXa" ) AhªarivMaU!aTMaa k-TaaRhiMaiTa MaNYaTae )) 27 )) prakåteù kriyamäëäni guëaiù karmäëi sarvaçaù ahaìkära-vimüòhätmä kartäham iti manyate Une personne dont l’intelligence est égarée par le faux ego se croit être l’auteur de l’acte, mais en réalité les ac-

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tivités matérielles (dans tous leurs aspects) sont accom-plies par les trois influences de la nature matérielle. COMMENTAIRE Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura pose cette question : « Si un dévot érudit doit accomplir une action, quelle est la diffé-rence entre son action et celle d’un homme ignorant ? » Cette différence est décrite dans ce verset et le prochain. Sur ce sujet, Çréla Rämänujäcärya nous explique que les per-sonnes qui sont aveuglées par le faux ego, par l’identification avec le corps, croient qu’elles sont elles-mêmes la cause pro-fonde et l’unique facteur déterminant de toutes leurs actions. Elles croient que les influences de la nature matérielle, la vertu, la passion et l’ignorance qui les conditionnent et qui les font agir, sont des manifestations de leur vrai soi, des actions de l’âme. Or, un véritable érudit sait que l’âme n’a rien à voir avec ce monde matériel. Il peut voir l’action des influences matérielles qui illusionnent les âmes en leur faisant croire faussement qu’elles sont de nature matérielle et en les engageant dans des activités contraires à leur nature spirituelle et éternelle. VERSET 28 Tatvivtau Mahabahae Gau<ak-MaRiv>aaGaYaae" ) Gau<aa Gau<aezu vTaRNTa wiTa MaTva Na SaÂTae )) 28 )) tattva-vit tu mahä-bäho guëa-karma-vibhägayoù guëä guëeñu vartanta iti matvä na sajjate O Arjuna aux bras puissants, celui qui a connaissance des différentes vérités spirituelles comme la loi du kar-ma (ou encore que l’âme est distincte des influences ma-

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térielles), ne se croit jamais être l’auteur de l’acte. Parce qu’il comprend que les sens sont engagés avec leurs ob-jets respectifs, il en reste détaché. COMMENTAIRE Celui qui n’a pas atteint la pleine réalisation spirituelle de sa relation éternelle avec Kåñëa, ne peut vivre sur le plan des sen-timents purement spirituels, c’est-à-dire demeurer dans son identité éternelle (siddha-deha) qui comprend sa forme, son nom, son sentiment, son service... Aussi certains spiritualistes sont-ils sur une plateforme de neutralité. On les appelle les jïä-nés. Leur cœur est pur et ils ont renoncé à toutes les illusions de ce monde pour vivre sur le plan de l’âme, mais ils ne connaissent pas pour autant leur relation éternelle avec Kåñëa. A travers leur vision spirituelle, ils perçoivent la vérité sur la Création, la nature et les caractéristiques des modes de la nature matérielle qui sont la vertu, la passion et l’ignorance, ainsi que la nature des activités en ce monde qui sont influencées par ces modes et par les demi-dieux. Ces spiritualistes érudits savent qu’ils n’ont rien à voir avec toutes ces choses et ils restent détachés d’elles. Ils sont appelés des tattva-vits parce qu’ils connaissent la nature et les caractéristiques des modes (guëas) et de l’ac-tion (karma) matériels. S’ils approchent de purs dévots du Seigneur, de tels spiritualis-tes verront en leur cœur apparaître des sentiments qui pourront les amener graduellement à atteindre la perfection en s’enga-geant dans la voie du pur service de dévotion : seule voie où le Seigneur se révèle tel qu’il est. VERSET 29 Pa[k*-TaeGauR<aSaMMaU!a" SaÂNTae Gau<ak-MaRSau )

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TaaNak*-Tòivdae MaNdaNk*-Tòivà ivcal/YaeTa( )) 29 )) prakåter guëa-sammüòhäù sajjante guëa-karmasu tän akåtsna-vido mandän kåtsna-vin na vicälayet Illusionnées par les trois influences de la nature maté-rielle, les personnes de moindre intelligence deviennent attachées aux objets des sens. Mais celui dont la connais-sance est complète ne doit pas troubler ceux dotés d’une connaissance incomplète. COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, on pourrait poser la question « Si toutes les âmes spirituelles sont distinctes des trois modes de la nature matérielle (vertu, passion et ignorance) et qu’elles n’ont aucune relation avec eux et avec leurs activités pourquoi deviennent-elles attachées aux objets des sens ? » Le Seigneur Kåñëa répond à cette question avec ce verset qui commence par le mot « prakåter » ou la nature matérielle. Les influences de l’énergie matérielle (les guëas) égarent les âmes spirituelles qui deviennent illusionnées à cause de leur absorption dans ces influences. Tout comme un homme hanté par un fantôme se considère lui-même comme un fantôme, les âmes absorbées dans les trois modes s’identifient à eux. Ainsi, elles deviennent conditionnées, elles s’identifient au corps et pensent être un produit de la matière. De là, elles s’attachent complètement aux objets des sens. Aussi, celui qui est kåtsna-vit (l’homme qui a une connaissance complète) ne doit-il pas déstabiliser ceux qui sont akåtsna-vits (qui ont une connaissance incomplète). Cela signifie qu’il ne doit pas essayer d’inculquer par force ces pensées aux person-nes ignorantes en leur disant : « Vous êtes des âmes spirituelles libres de ces influences. Vous n’êtes pas ces influences. » Une personne qui est hantée par un fantôme ne comprendra

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jamais qu’en réalité elle n’est pas un fantôme mais une âme spirituelle, même si on lui dit une centaine de fois. Sa convic-tion peut seulement être retirée par la médecine des mantras. En effet, celui qui est envoûté ne peut être libéré que par le chant de mantras. Similairement, aucune instruction verbale n’aidera une âme égarée à arrêter de s’identifier avec les in-fluences de la nature matérielle. De telles personnes doivent être simplement engagées dans le niñkäma-karma-yoga (la voie de l’adoration du Seigneur) accompli en étant détaché de tout bénéfice personnel. Ceci aura pour effet de les libérer de leur absorption dans les influences de l’énergie matérielle (les guëas). VERSET 30 MaiYa SavaRi<a k-MaaRi<a SaNNYaSYaaDYaaTMaceTaSaa ) iNaraXaqiNaRMaRMaae >aUTva YauDYaSv ivGaTaJvr" )) 30 )) mayi sarväëi karmäëi sannyasyädhyätma-cetasä niräçér nirmamo bhütvä yudhyasva vigata-jvaraù Le mental fixé dans le soi et M’offrant toutes tes activités en étant libre de tout désir, de tout esprit de possession et de lamentation, combats. COMMENTAIRE Selon Çréla Madhväcärya, l’âme spirituelle infinitésimale est présente en chaque être vivant. Elle est de nature infime. Or, elle ne saurait être le contrôleur des énergies du Seigneur qui sont illimitées. Aussi les Védas expliquent-ils que seul le Sei-gneur est le Contrôleur suprême, que Lui seul est suprême-ment indépendant et que toutes les âmes spirituelles sont donc sous le contrôle de Ses énergies.

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Le culte que doit Lui rendre l’âme spirituelle infinitésimale re-présente donc l’essence de toute action, car même l’adoration qui Lui est offerte n’est rendue possible que par Sa miséri-corde. Même la dévotion qu’une personne ressent en effec-tuant ce culte est une récompense du Seigneur. Aussi l’adora-tion de Kåñëa est-elle l’activité par excellence pour tous les êtres humains comme le révèlent les Ecritures védiques. Après avoir établi qu’il était nécessaire d'effectuer des actions sans en désirer les fruits et en étant libre de tout attachement, que de telles actions sont essentielles pour se libérer du cycle de la naissance et de la mort, qu’elles sont bénéfiques pour le maintien de l'ordre social, le Seigneur Kåñëa, par compassion, explique dans ce verset comment il faut agir. « C’est pourquoi, ô Arjuna, combats avec ton mental fixé vers le soi (adyätma-cetaù), M’offrant toute action et en étant libéré de tout espoir et de tout désir matériel, ne laisse pas ton mental se poser sur les objets des sens et abandonne tout sentiment de possession à leur égard. » VERSET 31 Yae Mae MaTaiMad& iNaTYaMaNauiTaïiNTa MaaNava" ) é[ÖavNTaae_NaSaUYaNTaae MauCYaNTae Tae_iPa k-MaRi>a" )) 31 )) ye me matam idaà nityam anutiñöhanti mänaväù çraddhävanto ’nasüyanto mucyante te ’pi karmabhiù Ceux qui ont une foi absolue en Moi et qui suivent avec fidélité Mon enseignement (de pratiquer le niñkäma-karma-yoga ou l’adoration du Seigneur accomplie en étant détaché de tout bénéfice personnel), libres de toute envie, deviennent libérés des chaînes de l’action intéressée.

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COMMENTAIRE Le Seigneur Kåñëa dans ce verset souligne l’importance de sui-vre les enseignements immaculés de la Bhagavad-Gétä. VERSET 32 Yae TveTad>YaSaUYaNTaae NaaNauiTaïiNTa Mae MaTaMa( ) SavRjaNaivMaU!a&STaaiNviÖ NaíaNaceTaSa" )) 32 )) ye tv etad abhyasüyanto nänutiñöhanti me matam sarva-jïäna-vimüòhäàs tän viddhi nañöän acetasaù Mais sache que les personnes envieuses qui ne suivent pas Mes instructions sont dépourvues de toute discrimi-nation et de connaissance parfaite. Tous leurs efforts pour atteindre la perfection sont voués à l’échec. COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, en énonçant ce ver-set qui commence par « ye tu », le Seigneur explique l’effet né-gatif qui est engendré par le fait de ne pas suivre Ses instruc-tions. VERSET 33 Sad*Xa& ceíTae SvSYaa" Pa[k*-TaejaRNavaNaiPa ) Pa[k*-iTa& YaaiNTa >aUTaaiNa iNaGa]h" ik&- k-irZYaiTa )) 33 )) sadåçaà ceñöate svasyäù prakåter jïänavän api prakåtià yänti bhütäni nigrahaù kià kariñyati Même un homme érudit agit selon ses propres tendan-

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ces, car tous les êtres doivent agir selon leur nature res-pective. Qu’espères-tu atteindre en la réprimant ? COMMENTAIRE Çréla Madhväcärya pose cette question : « S’il est si bénéfique de suivre les enseignements de la Bhagavad-gétä, alors, pour-quoi tant de personnes ne les suivent-elles pas ? » Dans ce ver-set, le Seigneur répond à cela en commençant par le mot « sadåçaà » qui veut dire « en accord » avec leur nature acquise. L’âme en ce monde transmigre dans différents corps adaptés à ses désirs de jouir de la matière. Ceci s’effectue par le biais du corps subtil qui est semblable à une bande magnétique. Il en-registre toutes les impressions que l’âme conditionnée expéri-mente dans ses vies. Le corps grossier n’est que la manifesta-tion externe de la nature acquise par l’âme conditionnée. Il est le résultat de ses actes passés. Les actions, présentes et futures accomplies, détermineront le prochain corps que l’âme devra revêtir par le biais du corps subtil. Ce qui implique que le corps subtil ne change pas, il accompagne l’âme spirituelle pendant tout son séjour dans la matière. Selon Çréla Rämänujäcärya, les impressions des vies passées qui sont imprégnées dans le corps subtil (ou saàskära) ont une profonde influence sur les âmes conditionnées. Elles les obligent à s’identifier à des tendances acquises au contact de la nature matérielle. Dans ces circonstances, les âmes condition-nées sont totalement absorbées dans la matière qu’elles perçoi-vent selon leur nature acquise. Selon ses vies passées, une per-sonne aimera telles couleurs, ou sera en opposition avec telles choses. A travers la répétition des naissances et des morts, les âmes conditionnées poursuivent leurs activités passées, et à chaque nouvelle vie, elles transportent avec elles leurs tendances pas-sées qui détermineront une attirance et une répulsion pour les choses de ce monde. Ce qui implique que dans cette situation, si une âme conditionnée n’a pas cultivé une voie spirituelle

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dans sa vie passée, sa conscience sera imprégnée de matéria-lisme et à cause de cela elle ne sera pas encline à suivre les ins-tructions du Seigneur Suprême énoncées dans la Bhagavad-gétä. Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura pose ces questions : « Est-ce que ces personnes qui ne suivent pas les enseignements du Seigneur, sont punies, tout comme un sujet qui désobéit à l’or-dre d’un roi ? » « Ne doivent-elles pas avoir peur d’être punies par Lui ? » En réponse à ces questions, les Ecritures védiques affirment que puisqu’elles désirent agir indépendamment du Seigneur, les âmes rebelles doivent prendre les réactions de leurs actes et en subir les conséquences. Or, les âmes conditionnées qui sont absorbées dans l’illusion de ce monde ne peuvent quitter, même pour un instant, leur recherche du plaisir des sens. Elles demeurent envoûtées par leur fausse nature acquise, et même si certaines ont conscience de mal se comporter, voire d’encourir des réactions dans leurs vies futures, elles sont comme poussées à agir. Dans ces cir-constances, seul un roi peut réprimer l’un de ses sujets qui en-freint la loi et le mettre en prison à seule fin de rééduquer son mauvais comportement, lui permettant de repartir sur de nou-velles bases. De la même manière, Çréla Bhaktivinoda Öhäkura explique que ce monde est manifesté par le Seigneur dans le but de réédu-quer les âmes rebelles. Aussi les souffrances encourues en ré-action à leurs actes les amènent-elles un jour à chercher un moyen pour sortir de cette souffrance, qui à son tour les rend enclines à suivre, selon leur conscience acquise, une voie spiri-tuelle. Ainsi, de la même manière que les impressions (ou saàskära) peuvent éloigner une âme de Dieu, une pratique spirituelle authentique manifeste des impressions qui ont le pouvoir de purifier les impressions matérielles passées et de les remplacer

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par d’autres spirituelles. Sur ce sujet, Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura explique que des impressions purifiantes s’impriment dans les personnes dont le cœur est impur, par la voie du niñkäma-karma-yoga (l’adoration du Seigneur accomplie en étant détaché de tout bénéfice personnel), et dans celles dont le cœur est pur à tra-vers la voie de la connaissance (jïäna-yoga). Celles-ci peuvent changer graduellement leur comportement, leur conscience et leur vision. Les âmes rebelles peuvent alors de nouveau devenir dévouées à Kåñëa et comprendre Ses en-seignements. Finalement, elles s’engageront dans la voie du pur service de dévotion, délaissant la voie du karma et du jïä-na, et elles atteindront un jour la perfection de la vie spirituelle, une vie d’amour avec Kåñëa. Grâce à cette perfection, l’âme conditionnée voit la fin de toutes les impressions de ce monde, par le fait qu’elle atteint sa pure nature spirituelle. Selon Çréla Bhaktivinoda Öhäkura, même ceux qui sont enga-gés dans un autre processus spirituel ne peuvent complète-ment purifier les impressions passées (saàskära). Aussi sont-ils obligés d’accepter la voie de l’action (karma) ou la voie de la connaissance (jïäna) avec leur fausse nature acquise jusqu’à ce que la voie du pur service de dévotion vienne les délivrer. Seul le bhakti-yoga (la voie du service de dévotion) peut éle-ver tous les êtres, même ceux qui n’ont aucune qualification ou qui ont un cœur extrêmement impur. Le seul processus de l’association avec des saints dévots donne de l’atteindre. Ceci est expliqué dans le Çrémad-Bhägavatam (11.26.26) :

tato duùsaìgam utsåjya satsu sajjeta buddhimän santa eväsya chindanti mano-vyäsaìgam uktibhiù

« Tous les désirs incontrôlés et dégradés peuvent être retirés par l’influence puissante de l’association avec des saints dévots (sädhu-saìga). »

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VERSET 34 wiNd]YaSYaeiNd]YaSYaaQaeR raGaÜezaE VYaviSQaTaaE ) TaYaaeNaR vXaMaaGaC^etaaE ùSYa PairPaiNQaNaaE )) 34 )) Indriyasyendriyasyärthe räga-dveñau vyavasthitau tayor na vaçam ägacchet tau hy asya paripanthinau Tous les sens sont inévitablement contrôlés par l’atta-chement et l’aversion à leurs objets respectifs. Une per-sonne ne doit donc jamais se trouver sous leur emprise, car cet attachement et cette aversion sont certainement des obstacles pour celui qui veut atteindre la réalisation spirituelle (sädhaka). COMMENTAIRE Selon Çréla Çrédhara Svämé, puisqu’une âme conditionnée ne peut aller au-delà de sa fausse nature acquise au contact des influences de la nature matérielle, on pourrait se poser la ques-tion : « Puisque tous les sens sont inévitablement contrôlés par l’attachement et l’aversion à leurs objets respectifs, quelle est la nécessité des injonctions et des interdictions des Ecritures védi-ques ? » Pour répondre à cela, le Seigneur dit : « Une personne ne doit jamais se trouver sous l’emprise des influences de la nature matérielle ». En effet, une âme conditionnée ne peut pas rejeter la jouissance matérielle. Mais si celle-ci est assouvie sans res-triction, c’est-à-dire sans suivre les injonctions et les interdic-tions des Ecritures, elle sera la cause de son enchaînement à la matière. C’est à cette fin que le Seigneur énonce par deux fois le mot « indriyasa ». Par contre, si elle suit ces instructions et ces injonctions, elle pourra graduellement se libérer de toutes les attractions ou les répulsions pour les objets de ce monde. En effet, le Seigneur est éternellement présent dans les actes de

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sacrifice. Or, si un dévot engage ses sens et leurs objets dans le service de dévotion, Kåñëa se révélera à lui en proportion de son dévouement. Dans ce cas, il devient graduellement libéré de l’attachement et de la répulsion par le fait qu’il développe un goût supérieur en offrant du plaisir à Kåñëa. L’attachement et la répulsion n’étant effectifs que lorsque l’on perçoit les ob-jets des sens pour notre propre plaisir. Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura donne ces exemples : bien que le fait de regarder la femme d’un autre, de la toucher ou de la séduire en lui offrant des cadeaux soit interdit dans les Ecritures védiques, un homme immoral cependant sera attiré par un tel comportement. D’autre part, bien qu’il soit prescrit dans les Ecritures de visiter les lieux saints, de voir, de servir ou d’offrir la charité au maître spirituel, aux brähmaëas et aux invités, parce que ces activités ont le pouvoir de faire progres-ser une personne sur le chemin de réalisation spirituelle, un homme qui n’est pas pieux sera opposé à un tel comporte-ment. Venir sous l’influence de l’une de ces mentalités n’est pas une bonne chose. En d’autres termes, il n’est pas convenable, de développer de l’attachement pour la femme d’un autre, ou d’ê-tre malveillant à l’égard de quelqu’un qui sera la cause de no-tre progrès sur la voie de la réalisation spirituelle. Similairement, un spiritualiste qui n’est pas réalisé, ne doit ja-mais être attaché à des nourritures riches et savoureuses qui sont à son goût, et il ne doit pas non plus s’opposer à des cho-ses et à des objets qui ne lui plaisent pas. De la même façon, il ne doit pas être attaché à voir son propre fils et à en entendre parler, tout comme il ne doit pas être opposé à voir le fils de son ennemi et à en entendre parler. Il n’est pas approprié de venir sous l’influence de tels attachements et de telles aver-sions. Ces points sont expliqués dans ce verset.

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VERSET 35 é[eYaaNSvDaMaaeR ivGau<a" ParDaMaaRTSvNauiïTaaTa( ) SvDaMaeR iNaDaNa& é[eYa" ParDaMaaeR >aYaavh" )) 35 )) çreyän sva-dharmo viguëaù para-dharmät sv-anuñöhität sva-dharme nidhanaà çreyaù para-dharmo bhayävahaù Il est préférable de s’acquitter de son propre devoir même de façon imparfaite, que d’accomplir parfaite-ment celui d’un autre. Mieux vaut mourir en exécutant le devoir qui nous est propre (en accord avec notre posi-tion au sein du système socio-religieux) que de remplir celui d’autrui, car il est périlleux de suivre la voie d’un autre. COMMENTAIRE La société védique était divisée en quatre varnas ou classes so-ciales, et tous, à cette période de l’histoire, naissaient dans une famille avec des qualités bien définies, déterminées par l’in-fluence des trois modes de la nature matérielle. Il y avait les brähmaëas, les prêtres, qui étaient considérés comme les enseignants du dharma. Leurs qualités caractéristi-ques et leurs devoirs issus de leur propre nature sont énumérés dans la Bhagavad-gétä (18.42) : le contrôle du mental et des sens, l’austérité, la pureté, la tolérance, la simplicité, la connais-sance du soi et de l’adoration du Seigneur Suprême, ainsi que la foi ferme dans les Ecritures révélées et leur réalisation. Les kñatriyas, les dirigeants et les militaires, formaient la deuxième classe sociale. Ils avaient pour fonction de diriger les affaires du pays et de le protéger. Leurs devoirs prescrits sont énumérés dans le verset (18.43) : l’héroïsme, la puissance, la fermeté, la dextérité, le fait de ne pas s’enfuir d’une bataille, la générosité et l’action de gouverner.

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Les vaiçyas formaient la troisième classe sociale, ils avaient en charge l’agriculture, la protection de la vache et le commerce. La quatrième classe sociale était les çüdras (les ouvriers). Leur nature était de travailler pour les autres. Selon les Textes védiques, un homme pouvait atteindre la per-fection en effectuant son devoir prescrit qui engageait ses ca-ractéristiques propres dans le service du Seigneur Suprême. De cette manière, il n’accomplissait aucune erreur, même si pour un guerrier tuer un adversaire était parfois nécessaire, car ceci entrait dans les devoirs du soldat. Or, selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, c’est à cause de l’attachement qu’Arjuna ressentait pour ses proches qui étaient maintenant dans le camp du démoniaque Duryodana et à cause de l’aversion pour les combattre qu’il désirait abandon-ner son devoir de guerrier pour entrer sur la voie de la non-violence qui est le devoir des brähmaëas (les prêtres). Aussi le Seigneur énonce-t-Il ce verset commençant par le mot « çreyän » pour montrer à Arjuna qu’Il n’approuve pas sa décision. En effet, celui qui a la nature d’un guerrier ne devrait pas sui-vre le devoir d’un autre qui peut lui paraître, comme dans ce cas, sans défaut, car en prenant le chemin de la non-violence Arjuna n’aurait pas à tuer les membres de sa famille. Ce qui im-plique qu’il pressentait qu’en accomplissant son devoir, il com-mettrait une faute. Mais le fait de protéger les personnes innocentes des hommes démoniaques, de protéger le dharma pour le bien de l’humani-té n’est pas une faute pour un guerrier, bien au contraire. Un guerrier comme Arjuna peut atteindre toute perfection en fai-sant son devoir. Mais au contraire, s’il abandonne sa tâche et refuse de protéger des innocents des mains de personnes dé-moniaques, il devra prendre sur lui les conséquences de tels actes, même s’il se met à accomplir le devoir d’un autre à la perfection. » Il est dit dans le Srimad Bhagavatam (7.15.12) :

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vidharmaù para-dharmaç ca äbhäsa upamä chalaù adharma-çäkhäù païcemä dharma-jïo ’dharmavat tyajet

« L’arbre de l’irréligion a cinq branches : vidharmaù (les activi-tés opposées au dharma), para-dharma (le fait de suivre les principes dharmiques des autres), äbhäsa (le fait de faire une démonstration de principes dharmiques), upa-dharma (le fait de suivre des principes qui semblent être dharmiques) et cha-la-dharma (le dharma trompeur). Celui qui connaît le dharma abandonnera tout cela comme étant des actes interdits. Aussi Kåñëa enseigne t-il à Arjuna : « Il est préférable de s’ac-quitter de son propre devoir, même de façon imparfaite, que d’accomplir parfaitement celui d’un autre ». VERSET 36 AJauRNa ovac AQa ke-Na Pa[Yau¢-ae_Ya& PaaPa& criTa PaUåz" ) AiNaC^àiPa vaZ<aeRYa bl/aidv iNaYaaeiJaTa" )) 36 )) arjuna uväca atha kena prayukto ’yaà päpaà carati püruñaù anicchann api värñëeya baläd iva niyojitaù Arjuna dit : Qu’est-ce qui pousse une personne à s’enga-ger dans des activités pécheresses, même contre sa vo-lonté ? COMMENTAIRE Dans son commentaire du verset (3.34) Çréla Viçvanätha Cakra-varté Öhäkura déclare : « Même un homme qui possède une dis-crimination peut développer de l’attachement pour les activités

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sensuelles telles que le fait de se réjouir de la femme d’un autre alors que ces activités sont interdites dans les Ecritures révé-lées. » A ce propos, Arjuna pose cette question qui commence par atha : « Qu’est-ce qui pousse un homme à s’engager dans les activités pécheresses alors qu’il est bien conscient des ré-glementations et des injonctions des Ecritures révélées ? Est-ce involontairement ou par force qu’il accomplit de telles activi-tés ? En d’autres termes, par quoi une personne est-elle pous-sée à désirer s’engager dans des activités pécheresses ? VERSET 37 é[q>aGavaNauvac k-aMa Wz §-aeDa Wz rJaaeGau<aSaMauÙv" ) MahaXaNaae MahaPaaPMaa ivÖyeNaiMah vEir<aMa( )) 37 )) çré-bhagavän uväca käma eña krodha eña rajo-guëa-samudbhavaù mahäçano mahä-päpmä viddhy enam iha vairiëam Le Seigneur Suprême dit : C’est le désir de jouir des sens (la concupiscence) engendré par le mode de la passion, et qui se transforme en colère. Il est extrêmement re-doutable et détruit toute chose. Sache que dans ce monde, il est l’ennemi principal des êtres vivants. COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, c’est käma (la concupiscence) qui pousse l’âme pourtant de nature purement spirituelle dans des activités impies. Or, quand les sens maté-riels ne sont pas satisfaits, cette concupiscence qui est issue de l’influence de la passion, se transforme à son tour en colère (krodha) qui est sous l’influence de l’ignorance.

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Une personne pourrait donc demander : « Ne suffirait-il pas de satisfaire les sens pour que la colère ne soit pas engendrée ? » ou « Si les attentes d’une personne sont comblées, est-ce que le désir pour le plaisir des sens sera apaisé ? » A cette fin, le Sei-gneur répond par les mots « mahä-çanah » qui implique que cette concupiscence dévore toute chose. Dans les Småtis, il est dit aussi :

yat påthivyäm vréhi- yavaà hiraëyaà paçavaù striyaù nälamekasya tat sarvam iti matvä samaà vrajet

« Toutes les graines, l’orge, l’or, les animaux et les femmes, sur la Terre, ne peuvent pas satisfaire la concupiscence ne serait-ce que d’un seul homme. Il est meilleur de comprendre cela et de devenir contenté. » En accord avec cette déclaration des Småtis, si cela est au-delà de la capacité d’une personne de satisfaire sa concupiscence, une question pourrait être à nouveau posée : « S’il n’y a aucune possibilité de satisfaire cette concupiscence, en lui offrant ce qu’elle désire, pouvons-nous la contrôler en la pacifiant ? » En réponse, le Seigneur dit « mahä-päpmä » qui signifie qu’elle est extrêmement puissante et difficile à contrôler. VERSET 38 DaUMaeNaaiv]YaTae viöYaRQaadXaaeR Male/Na c ) YaQaaeLbeNaav*Taae Ga>aRSTaQaa TaeNaedMaav*TaMa( )) 38 )) dhümenävriyate vahnir yathädarço malena ca yatholbenävåto garbhas tathä tenedam ävåtam Tout comme la fumée dissimule un feu, la poussière re-

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couvre un miroir et la matrice enveloppe un embryon, l’âme demeure recouverte par différentes degrés de concupiscence. COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, käma (la concupis-cence) est l’ennemi du monde entier et non d’une personne en particulier. Elle recouvre toutes les âmes conditionnées. Aussi Çréla Madhväcärya explique-t-il que l’âme n’est pas perceptible pour celui qui est recouvert par käma. On peut expliquer cela à travers les exemples cités dans ce verset, ces exemples représentant trois degrés de recouvre-ment de la conscience pure de l’âme. Tout comme le feu qui est recouvert par la fumée peut toujours accomplir sa fonction qui est de brûler, de la même manière, une âme qui est légère-ment recouverte par käma, peut accepter jusqu’à un certain point la réalité de l’âme et de sa relation éternelle avec Kåñëa. Çréla Bhaktivinoda Öhäkura enseigne que de telles personnes prennent généralement refuge dans le Seigneur Suprême à tra-vers la voie du niñkäma-karma-yoga (l’adoration du Seigneur accomplie en étant détaché de tout bénéfice personnel). Leur conscience spirituelle est légèrement ouverte, tout comme dans le stade de l’éclosion d’une fleur. L’âme qui est profondément recouverte par la concupiscence ne peut comprendre Dieu et sa nature en tant qu’âme spiri-tuelle, tout comme un miroir qui est recouvert par la poussière perd toutes les caractéristiques d’un miroir propre et ne remplit plus sa fonction de refléter l’image de l’objet qui se trouve de-vant lui. Telle est la condition des moralistes, des athéistes ex-trêmes, c'est-à-dire des âmes conditionnées dont la conscience est atrophiée. Bien qu’elles aient reçu des corps humains, leur conscience est semblable à des animaux ou à des oiseaux. Un être dont la conscience est complètement recouverte par un käma intense est semblable à un embryon qui est envelop-

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pé par la matrice. Il ne peut même pas bouger ses mains et ses pieds. Il ne peut pas être non plus considéré comme un bébé. Il a une conscience semblable à celle des buissons, des pierres et des arbres. A ce niveau d’existence, la connaissance sur l’âme et Dieu n’est même pas perçue par l’âme conditionnée. Elle peut se souvenir du but suprême simplement quand la concupiscence (käma) n’est pas très intense. Quand elle le devient un tel souvenir est impossible. Et quand elle est très intense, le monde lui-même semble dépourvu de conscience. VERSET 39 Aav*Ta& jaNaMaeTaeNa jaiNaNaae iNaTYavEir<aa ) k-aMaæPae<a k-aENTaeYa duZPaUre<aaNale/Na c )) 39 )) ävåtaà jïänam etena jïänino nitya-vairiëä käma-rüpeëa kaunteya duñpüreëänalena ca O fils de Kunté, la véritable connaissance de l’âme est recouverte par son ennemi éternel qu’est la concupis-cence. Elle brûle comme un feu et ne peut jamais être rassasiée. COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, käma (la concupis-cence) est en réalité synonyme d’ignorance pour tous les êtres vivants, comme l’explique le Seigneur Suprême dans ce verset commençant par « ävåtaà ». Ce désir de se réjouir des objets des sens est ici décrit comme étant l’ennemi éternel et doit donc être détruit par n’importe quel moyen. Çréla Bhaktivinoda Öhäkura explique qu’il recouvre l’âme qui est consciente, comme un feu irrésistible. Tout comme le Sei-gneur est un être conscient, les âmes sont aussi des entités

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conscientes. La différence entre la nature du Seigneur et de l’âme est que Kåñëa est infiniment conscient et tout puissant, alors que l’âme infinitésimale est consciente par la volonté de Dieu et ne peut agir que par l’énergie qui est donnée par Lui. L’occupation éternelle de l’âme spirituelle est d’être la servante de Kåñëa. Ceci est appelé la fonction éternelle de l’âme dont la motivation est pure. Chaque être conscient est, par sa nature constitutionnelle, doté d’un libre arbitre. L’âme pure possède elle aussi un libre arbitre. Si elle utilise convenablement ce li-bre arbitre, elle peut agir en tant que servante éternelle de Kå-ñëa. La mauvaise utilisation de ce libre arbitre est appelée avi-dyä (l’ignorance) ou käma (la concupiscence). Les âmes spiri-tuelles qui ne servent pas Kåñëa en utilisant correctement leur libre arbitre doivent accepter une humeur de réjouissance (käma) qui est la forme pervertie du pur état des âmes spiri-tuelles. L’âme spirituelle devient alors dotée d’une conscience recouverte. Or, plus l’âme conditionnée expérimente käma, plus elle devient recouverte par celle-ci. Tout comme le feu ne peut être apaisé en versant sur lui du ghee, käma ne peut être pacifié en se réjouissant des objets des sens. Il est dit dans le Çrémad-Bhägavatam (9.19.14) :

na jätu kämaù kämänäm upabhogena çäàyati haviñä kåñëa-vartmeva bhüya eväbhivardhate

« Le feu n’est pas apaisé par le ghee, au contraire il s’intensifie. Similairement en se réjouissant des objets des sens, la soif pour le plaisir des sens s’accroît encore et encore. Elle ne devient pas pacifiée.

kämänalaà madhu-lavaiù çamayan duräpaiù « käma ne peut jamais être satisfait en se réjouissant des objets des sens. Elle est semblable à un feu qui ne peut être éteint par

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des gouttes de miel prenant la forme d’une satisfaction mo-mentanée. »

Çrémad-Bhägavatam (7.9.25)

Une fois que la concupiscence a été activée, elle ne devient pas apaisée même après avoir obtenue la richesse, le plaisir de la chair, les royaumes et même le monde entier, car sa nature est d’être insatiable. Bien au contraire, ses désirs augmentent, exactement comme un feu augmente lorsque l’on verse du ghee dessus. Elle devient de cette manière comme enragée, hors de tout contrôle. Or, lorsqu’elle explose et qu’elle devient insatisfaite sous l’effet de la colère, elle détruit tout sur son pas-sage, comme un feu de forêt puissant. La concupiscence est donc le plus grand ennemi de l’être vivant. Elle fait que l’âme reste prisonnière de la matière. Ceci est appelé l’esclavage de l’âme conditionnée, cette condition où elle expérimente la souffrance de la naissance et de la mort. VERSET 40 wiNd]Yaai<a MaNaae buiÖrSYaaiDaïaNaMauCYaTae ) WTaEivRMaaehYaTYaez jaNaMaav*TYa deihNaMa( )) 40 )) indriyäëi mano buddhir asyädhiñöhänam ucyate etair vimohayaty eña jïänam ävåtya dehinam Il est dit que c’est dans les sens, le mental et l’intelli-gence que réside ce désir de jouissance. C’est par leur intermédiaire que cette concupiscence recouvre la connaissance véritable de l’âme et l’illusionne. COMMENTAIRE Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura dit : « Où donc käma (le

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désir de se réjouir) demeure-t-il ? » En réponse à cette question, le Seigneur Suprême énonce ce verset en expliquant qu’il se loge dans les sens, le mental et l’intelligence. Ces trois endroits sont comme le fort, la capitale et la demeure de cet ennemi et les objets des sens, tel le son, sont semblables au royaume du roi. Selon Çréla Çrédhara Svämé, si le Seigneur révèle les endroits où cet ennemi demeure, c’est pour qu’on puisse le trouver et le vaincre. Çréla Bhaktivinoda Öhäkura explique que quand l’âme pure dotée de connaissance vient en ce monde et se voit recouverte d’un corps matériel, elle est connue comme une âme incarnée. Dans cette condition, la connaissance originelle de l’âme est voilée par käma ou par son désir de se réjouir indépendam-ment de Dieu qui demeure dans les sens, le mental et l’intelli-gence. Il recouvre la connaissance pure de l’âme aussi long-temps qu’il demeure dans ces trois endroits. C’est lui seul qui offre originellement à l’âme incarnée l’igno-rance initiale sous la forme du faux ego qui lui permet d’avoir une fausse identification avec le corps, bien qu’elle soit une entité infinitésimale et consciente dotée d’un pur ego. L’intelligence matérielle agit comme le refuge pour käma (ce désir de se réjouir) ou avidyä (l’ignorance de sa nature spiri-tuelle). Plus tard, quand le faux ego se développe, l’intelli-gence matérielle fournit le mental comme un second refuge. Le mental qui court après les objets des sens fournit alors les sens comme troisième lieu de refuge pour käma, ce désir de se ré-jouir. Prenant refuge dans ces trois lieux, käma projette l’âme incarnée dans les plaisirs de ce monde. VERSET 41 TaSMaatviMaiNd]Yaa<YaadaE iNaYaMYa >arTazR>a ) PaaPMaaNa& Pa[Jaih ùeNa& jaNaivjaNaNaaXaNaMa( )) 41 ))

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tasmät tvam indriyäëy ädau niyamya bharatarñabha päpmänaà prajahi hy enaà jïäna-vijïäna-näçanam O meilleur des descendants de Bhärata, contrôle donc tout d’abord tes sens afin d’anéantir complètement cette concupiscence, la personnification du péché, qui détruit le jïäna (la connaissance spirituelle) et le vijïäna (la ré-alisation de cette connaissance spirituelle qui découle sur la réalisation de Kåñëa). COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, il suffit de conquérir le lieu de refuge de l’ennemi pour le conquérir. Mais pour ce-lui qui a été ravi par la concupiscence, il est très difficile de contrôler les sièges de la concupiscence qui sont les sens, le mental et l’intelligence. Mais bien que les sens soient difficiles à contrôler, ils le sont moins que le mental. C’est pourquoi dans ce verset, le Seigneur Suprême recommande de conquérir tout d’abord les sens afin d’anéantir cette concupiscence. La concupiscence n’est que le reflet perverti de l’amour de Dieu qui siège dans le cœur de tous les êtres vivants. Elle est extrêmement puissante et recouvre la connaissance de l’âme pure (jïäna) et sa propension à atteindre une relation d’amour avec Kåñëa (vijïäna). Or, de la même manière qu’au contact des influences de la nature matérielle l’amour pour Dieu que porte originellement l’âme en elle se transforme en concupis-cence, si une âme conditionnée apprend sous la guidance d’un maître spirituel authentique à engager ses actions dans le ser-vice de dévotion, cette concupiscence, au contact de l’énergie spirituelle se changera de nouveau en amour pour Dieu. Ceci commence par l’engagement des sens encore contaminés dans le service de dévotion. En effet, le service de dévotion et Kåñëa ne font qu’un. Lorsqu’une personne engage ses sens dans celui-ci, la nature du plaisir ressenti s’en trouve changée dans son coeur. Comme Kåñëa est suprêmement pur et la

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source de toute chose, c’est-à-dire qu’Il est infiniment parfait, à Son contact, un goût supérieur est expérimenté ce qui amène un engagement toujours plus ferme dans ce service et une pu-rification des sens, du mental et de l’intelligence. Une discrimination apparaît alors dans l’être. Il peut, par l’ex-périmentation de l’amour pour Dieu, comprendre la nature su-prême de prema (l’amour pour Dieu) et la nature destructrice de käma (la concupiscence) et il prend naturellement refuge exclusivement en prema. Au début de la pratique du service de dévotion, tant que cette discrimination n’est pas apparue, il peut y avoir des chutes oc-casionnelles. Pour ne pas succomber aux plaisirs des sens et pour continuer à s’engager dans des activités dévotionnelles, un dévot doit alors acquérir une discipline nécessaire, guidée par une intelligence résolue qui trouve sa source dans les in-jonctions des Ecritures révélées et dans les instructions du maî-tre spirituel. Mais lorsque les sens, le mental et l’intelligence deviennent graduellement libres de la concupiscence, le senti-ment d’être un serviteur de Kåñëa devient progressivement pré-pondérant dans l’être, puis graduellement, la nature éternelle de l’âme se manifeste jusqu’à atteindre la réalisation spirituelle. A ce stade d’éveil, la relation avec Kåñëa est pleine et l’amour de Dieu complètement éveillé. Ce qui implique que la concu-piscence n’a plus d’existence en lui. L’âme réalisée ne peut plus alors retomber sous l’influence de l’énergie matérielle car elle est directement protégée par le Seigneur Suprême qui est le contrôleur de Ses énergies. Ceci n’est possible que par la mi-séricorde de Kåñëa et par celle de Son dévot. VERSET 42 wiNd]Yaai<a Para<YaahuiriNd]Yae>Ya" Par& MaNa" ) MaNaSaSTau Para buiÖYaaeR buÖe" ParTaSTau Sa" )) 42 ))

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indriyäëi paräëy ähur indriyebhyaù paraà manaù manasas tu parä buddhir yo buddheù paratas tu saù Les érudits proclament que les sens sont supérieurs à la matière inerte, et supérieur aux sens est le mental. L’in-telligence prévaut sur le mental, mais plus élevée encore est l’âme. COMMENTAIRE Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura indique dans son com-mentaire que les sens sont plus puissants qu’un guerrier coura-geux qui a conquis les dix directions. En vérité, ils lui sont su-périeurs parce que même lui ne peut pas avoir un contrôle sur les sens. Le mental est plus puissant que les sens et il est en-core supérieur à eux parce qu’il demeure actif même durant le rêve quand les sens sont inactifs L’intelligence qui est dotée de réalisation est encore plus puissante et supérieure au mental, parce que l’intelligence résolue demeure active même durant le sommeil profond quand le mental est inactif. Au-delà des sens, du mental et de l’intelligence se trouve l’âme qui est en-core plus puissante que l’intelligence et qui lui est supérieure parce qu’elle continue à exister quand l’intelligence est inac-tive. C’est cette âme glorieuse qui peut conquérir käma. L’âme est donc plus puissante que tout autre chose. Selon Çréla Bhaktivinoda Öhäkura, dans ce verset, le Seigneur Suprême explique à Arjuna cette graduation, afin qu’il com-prenne sa véritable identité : il est une âme pure et spirituelle et sa fonction constitutionnelle éternelle est de Lui offrir un ser-vice d’amour. Ce qui implique, qu’au-delà encore de l’âme infi-nitésimale se trouve l’Ame Suprême, Kåñëa, qui est le contrô-leur, le créateur et le possesseur de toute chose. En s’abandon-nant entièrement à Lui, l’âme peut, à travers l’intelligence spiri-tuelle que Kåñëa lui confère, engager l’intelligence, le mental et les sens dans Son service d’amour et les purifier de toute

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concupiscence. Elle peut alors devenir à jamais libérée et unie à Kåñëa à travers Son service d’amour. VERSET 43 Wv& buÖe" Par& bud(ßa Sa&STa>YaaTMaaNaMaaTMaNaa ) Jaih Xa}au& Mahabahae k-aMaæPa& duraSadMa( )) 43 )) evaà buddheù paraà buddhvä saàstabhyätmänam ätmanä jahi çatruà mahä-bäho käma-rüpaà duräsadam O Arjuna aux bras puissants, sachant que l’âme est supé-rieure à l’intelligence, contrôle le mental à l’aide d’une pure intelligence qui est reliée au soi véritable, et détruis cet ennemi insatiable qu’est le désir de jouissance, la concupiscence. COMMENTAIRE Selon Çréla Viçvanätha Cakravarté Öhäkura, le Seigneur Su-prême conclut ce chapitre par ce verset qui commence par evaà. Par la connaissance transcendantale que le Seigneur donne sur l’âme à Arjuna, Il enseigne à celui-ci qu’il est Son serviteur éternel, et non le serviteur des sens, du mental et de l’intelligence matériels. Il lui recommande de se stabiliser dans cette réalité, en s’engageant dans Son service de dévotion, et par la grâce de Son énergie spirituelle de détruire ce formida-ble ennemi, käma, (la concupiscence) qui est si difficile à vain-cre. Ce chapitre traite donc de la pratique du niñkäma-karma-yoga (de l’adoration du Seigneur accomplie en étant détaché de tout bénéfice personnel), et de son but qui est d’atteindre la connaissance spirituelle. Ainsi, s’achève le troisième chapitre de la Bhagavad-gétä.

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GUIDE DES PRONONCIATIONS DU SANSKRIT

C’est oralement et en langue sanskrite que le Seigneur transmit le savoir originel à Brahmä. Les versets des Védas descendant directement du Seigneur, ils sont donc « apauruñeya » - leur son est transcendantal et purement spirituel. Il est donc très impor-tant, pour pouvoir en recevoir l’essence vivante, de chanter les versets des Védas. Or la traduction des termes sanskrits emploie une écriture dia-critique dont il est nécessaire de préciser la prononciation exacte pour que chacun puisse s’entraîner à prononcer le sans-krit. Les voyelles ä - se prononce comme un a prolongé o - se prononce o comme en français u - se prononce ou comme dans boule ü - se prononce comme un ou prolongé, comme loup é - se prononce comme un i prolongé e - se prononce é comme dans clé ai - se prononce ahi comme dans ail au - se prononce aou comme dans Raoul å - se prononce ri avec un r roulé comme en espagnol è - se prononce aussi ri avec un r roulé comme en espagnol Les consonnes ç - se prononce sch comme dans schlamm ñ - se prononce ch comme dans chat c - se prononce tch comme dans tchèque ch - se prononce aussi tch comme dans tchèque j - se prononce dj comme dans djinn

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jh - se prononce aussi dj comme dans djinn ï - se prononce ny comme dans kenya ù - se prononce comme un h aspiré ö - se prononce comme dans tube öh - se prononce comme un t accentué r - se prononce comme un r roulé, comme en espagnol ë - se prononce comme un n accentué ò - se prononce comme un d court òh - se prononce comme un d accentué bh - se prononce comme un b accentué ì - se prononce comme un n guttural à - se prononce comme un m prolongé et nasal

GUIDE DES PRONONCIATIONS DU SANSKRIT

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Swami Bhakti Cadan Yaté en présence de son maître spirituel Çré Çrémad Bhakti Bibudha Bodhayan Swamé Mähäräja

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AU SUJET DE L’AUTEUR

L’auteur Swamé Bhakti Candan Yaté est un moine sannyäsé de la tradition Gauòéya Vaiñëava (branche monothéiste de l’hin-douisme). Il est disciple de Çré Çrémad Bhakti Bibudha Bod-hayan Swamé, de Srila Param Gati Maharaja et de Çré Çrémad Bhakti Promoda Puré Goswämé Mahäräja. C’est à l’âge de vingt-cinq ans qu’il embrasse la vie spirituelle et sous la direction de ses maîtres, il apprend les vérités et les pratiques liées à la dévotion ou bhakti-yoga. C’est en 1996 qu’il entreprend d’implanter et de faire reconnaî-tre en France un ordre monastique. Aussi, étudie-t-il les diffé-rents courants reconnus et non reconnus par les autorités fran-çaises. Ceci afin de comprendre le phénomène de sectarisme, et d’implanter un courant non sectaire vaiñëava. Après sept années d’enquêtes, il obtient auprès du gouverne-ment la reconnaissance en tant que Congrégation, et peut im-planter un monastère où des moines vaiñëavas vivent aujourd-’hui Il a écrit plus de dix ouvrages sur la spiritualité et donne régu-lièrement des conférences. Il est à l’origine d’actions en faveur de la non-violence. Il initie également de nombreuses person-nes sur le chemin de la dévotion.

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DU MÊME AUTEUR : • La connaissance des Védas • Le Sanätana-dharma, la religion éternelle • Çaraëägati, le chemin qui mène à l’amour divin • Le Çabda-pramäëa, le son transcendantal • Le Seigneur de l’Amour • L’entrée dans la demeure suprême • Les six principes contraires à la pure dévotion • Les six principes favorables à la pure dévotion (à para-

ître) • Le végétarisme et la loi du karma • Harinäma Cintämaëi vol 1 (à paraître) • Harinäma Cintämaëi vol 2 (à paraître) • Un skinhead repenti devenu Swami (biographie) • La Bhagavad-gétä, la religion éternelle de l’âme

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TABLE DES MATIÈRES

Avant-propos 5 Situation de la Bhagavad-gétä 9 Comprendre la situation de la Bhagavad-gétä 11 Invocation 23 Chapitre Un 25 Çainya-Darçana - Observant les armées Chapitre Deux 71 Çänkhya Yoga - Le Yoga à travers le principe de l’analyse Chapitre Trois 175 Karma Yoga- Le Yoga à travers le principe de l’action Guide des prononciations sanskrit es 250 Au sujet de l’auteur 253

Liste des ouvrages disponibles 254 Table des matières 255

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ACHEVÉ D’IMPRIMER EN JANVIER 2013 PAR LA CONGRÉGATION DE L’ORDRE MONASTIQUE VAISNAVA

76800 SAINT ETIENNE DU ROUVRAY

DÉPÔT LÉGAL : JANVIER 2013