bandeiras. - ehesscrbc.ehess.fr › docannexe › file › 2238 › p._48_57.pdfv essayon s d e nou...
TRANSCRIPT
V
Essayons de nous ré
sum
er, et de regrouper ces lignes é
pars
es.
Hegel tra
ça
trois caté
gorie
s g
éogra
phiq
ues, trois é
lém
ents
fondamen
tau
x qui collaborent avec d'a
utre
s po
ur agir sur l'h
om
me
, et cré
er des
diffé
rencia
tions
eth
niq
ue
s. Les steppes à la v
égéta
tion
rab
ou
grie
, ou les vastes plaines arides ; les v
allé
es
fertiles, irriguées
à pro
fusio
n; le littoral et les île
s.
Les llanos du Venezuela, les savanes qui é
larg
issent les v
allé
es
du M
ississippi, les imm
enses pa
mp
as et l'A
taca
ma
lui-mêm
e, perdu d
an
s les An
de
s — vaste terrasse oîi o
nd
ule
nt les dunes —
s'inscrivent rigoureusem
ent dans la première c
até
gorie
. M
alg
ré les longs é
tés, les form
idables tempêtes de sable, et l'effroi
des ino
nd
atio
ns subites, ces genres de terrains ne sont pas incom
patibles avec la vie.
Mais ils ne fixent pas l'h
om
me à la te
rre.
Leur flore rudimentaire, faite de g
ram
inées
et de cypéra
cées, repousse
vigoureusement à la saison des pluies, stim
ule la vie no
ma
de des ber
gers et les socié
tés
errantes des pa
steu
rs, qu
i, mo
nta
nt et d
ém
onta
nt
sans cesse leurs tentes, évolu
ent rapidem
ent sur ces éte
ndues
plates — et
se dispersent aux premiers é
cla
ts de l'é
té.
Ces ré
gio
ns
ne séduisent guère. E
lles offrent toujours le mêm
e décor
d'u
ne m
onotonie attristante, dont la couleur seule varie : océan
imm
obile, sans vagues et sans plages.
Elles possèdent la force centrifuge du d
ésert, repoussent, d
ésunis
sent, dispersent. Elles ne peuvent pas se jo
ind
re à l'hum
anité
par le lien n
up
tial des sillons du la
bo
ur. E
lles jou
en
t le rôle
d'iso
late
ur eth
niq
ue
, comm
e les cordillères ou la mer, ou bien encore les steppes de
Mongolie b
alayées
pa
r les courses folles des hordes turbulentes de tar-tares va
ga
bo
nd
s. M
ais les sertô
es
du no
rd du Bré
sil, qui à prem
ière vue seraient com
parables à ces régio
ns, ne trouvent p
ou
rtan
t pas leur place dans le tableau du penseur g
erm
an
iqu
e.
Qu
an
d on les traverse en été,
on po
urra
it croire qu
'ils correspon
dent parfaitement à la prem
ière caté
gorie
; mais si on les p
arco
urt en
hiver, on pense qu
'ils font essentiellement partie de la seconde.
Affreusem
ent sté
riles; m
erveilleusement e
xubéra
nts
... D
ans la plé
nitu
de
des séchere
sses, ils sont positivem
ent le désert.
Mais q
ua
nd les s
échere
sses
ne se prolongent pas au po
int de p
rovo
quer de p
énib
les
exodes, l'ho
mm
e lutte à l'image des a
rbre
s, avec les ré
serv
es e
mm
agasinées
pe
nd
an
t les jou
rs de pro
spérité
, et, dans ce com
bat féro
ce, a
no
nym
e, terriblem
ent obscur, pe
rdu dans les solitu
des des plaines, la na
ture ne l'a
ba
nd
on
ne pas to
ut à fait. E
lle le pro
tège bien au-delà
des heures de désespéra
nce
qui a
ccom
pa
gn
en
t l'é
puisem
ent des derniers p
uits.
Qu
an
d surviennent les pluies, la terre
, comm
e no
us l'a
von
s vu, se
transfigure pa
r de fantastiques méta
morp
hoses, co
ntra
stan
t avec la désola
tion a
nté
rieure
. Les vallé
es
sèches se changent en rivières. Les som
mets des m
on
ts chauves deviennent subitement des île
s. La v
égé
tation recouvre les grottes béante
s en les tapissant de fleurs, dissim
ule l'â
pre
té des ravins, arrondit en collines les am
as de blocs disjoints — de
telle sorte que les grandes chapadas, entre
coupées
de vallons, se lient par des courbes plus suaves aux plateaux é
levés. La te
mpéra
ture
chute. Les fortes insolations disparaissent, la s
échere
sse
an
orm
ale de l'a
ir s'annule. D
e nouveaux ton
s embellissent le paysage : la tra
nsp
are
nce
de l'espace souligne les traits les plus délic
ats
, avec tou
tes les varian
tes possibles de forme et de couleur.
Les horizons se dilatent. Le firmam
ent, n'a
yan
t plus le bleu intense des d
éserts
, devient plus profond, face à l'explosion de la terre qui revit. E
t le sertào est alors une vallé
e fertile. C
'est u
n imm
ense verger sans m
aître
. P
uis, to
ut s'achève. R
eviennent les jou
rs de tortu
re; l'a
tmo
sph
ère
asphyxiante ; le sol couvert de pierres ; la flore dénudée
; et, dans les pério
des
oîi les pluies ne viennent pas inte
rrom
pre le fil continu des
été
s, le spasm
e effroyable des séchere
sses.
La na
ture se c
om
pla
ît au jeu des antithèses.
Les sertô
es
exigent une division spécia
le dans ce ta
ble
au des c
até
go
ries. Celle qui serait la plus in
tére
ssante
, la plus expressive de toutes —
servant de média
tion
entre les vallé
es
excessivement fertiles et les
steppes les plus arid
es.
» E
n laissant po
ur l'in
stan
t à d'a
utre
s pages le soin d'é
tudie
r sa signification co
mm
e facteur de diffé
rencia
tion
eth
niq
ue
, voyons son rôle
dans l'é
conom
ie de la te
rre.
No
rma
lem
en
t, la na
ture ne c
rée
pas les déserts
. Elle les co
mb
at, elle
les repousse. Ce sont des lacunes inexplicables, parfois d
éployées
sous les lignes a
stron
om
iqu
es où s
'épanouit l'e
xubéra
nce
maxim
ale de la vie. C
es anomalies, dont l'exem
ple typique est le Sahara —
terme g
éné-
rique po
ur cette ré
gio
n s
térile
qui se dilate de l'Atla
ntiq
ue à l'o
céati
Indien, pénètre en Egypte et en S
yrie, assume to
us les aspects de
l'énorm
e d
épre
ssio
n africaine ju
squ
'au
x chaleurs extrêmes du plateau
ara
biq
ue de N
edjed et, plus loin en
core
, jusq
u'a
ux sables des beja^
bans en P
erse —, sont si illogiques que le plus g
ran
d des naturalis-tes entrevit l'explication de la genèse de ce S
ah
ara dans l'action
tum
ultu
eu
se d'u
n cataclysme, u
ne irru
ptio
n de l'Atla
ntiq
ue dont les
eaux dém
onté
es
au
raie
nt p
récip
ité leur to
urb
illon irré
sis
tible
de coura
nts sur le n
ord de l'A
friqu
e, p
ou
r le dénuder ra
ge
use
me
nt.
Bien que ne se vo
ula
nt q
u'u
ne hypothèse b
rillan
te, cette expU
cation de H
um
bo
ldt possède une signification plus é
levée.
Ap
rès que le feu central perdit sa p
répondéra
nce
et que les chmats
se normaU
sèrent, de l'extrême n
ord à l'extrêm
e sud
, la vie végéta
tive
progressa vers la ligne équin
oxia
le, à p
artir des p
ôle
s in
habité
s. S
ous cette ligne se tro
uve
nt les zones florissantes p
ar excellence, les terres
où les arbustes des au
tres ré
gio
ns
deviennent des arb
res, où le ré
gim
e
n'oscille qu
'en
tre deux saisons et déte
rmin
e une u
nifo
rmité
favorable à l'é
volu
tion
des organismes sim
ples, dépendant directem
ent des variations du m
iUeu. La fa
taU
té a
stron
om
iqu
e de l'incUnaison de l'é
clip
ti-q
ue
, qui place la Te
rre dans des conditions biologiques infé
rieure
s à
celles des autres pla
nè
tes, se fait peu ressentir dans ces parages où une
seule mo
nta
gn
e peut synth
étis
er, de la base à son so
mm
et, to
us les cli
ma
ts du mo
nd
e.
Cependant, ces ré
gio
ns
sont travers
ées
par l'équate
ur therm
ique, dont le tra
cé
fort irréguher, fait de vives inflexions, p
ertu
rbe la frontière
idéale
qui sépare
les deux hémisphères, et s'in
terro
mp
t en des points singuliers où la vie est im
possible ; allant des déserts
aux forêts ; du S
ah
ara qui le tire vers le n
ord ju
squ
'à l'Ind
e op
ule
nte
, après avoir touché la p
oin
te de l'Ara
bie si p
au
vre ; raya
nt le P
acifique d'u
n long trait —
d'u
n collier com
posé
de quelques rares îles d
éserte
s et d
énudées
—,
et ab
ord
an
t ensuite, da
ns son lent glissem
ent vers le sud, l'extraordinaire H
ilae de l'Am
azo
nie
. D
e l'extrême a
ridité
à l'exubéra
nce
extrê
me
... C
'est que la m
orp
ho
log
ie de la Te
rre viole les lois généra
les
des clim
ats. M
ais, ch
aq
ue fois que le faciès g
éogra
phiq
ue
ne les combat pas
ab
solu
me
nt, la n
atu
re réagit. P
ar une lutte so
urd
e — d
on
t les effets sont si obscurs q
u'ils ne se laissent m
êm
e pas écla
irer p
ar l'é
tude
des cycles historiques —
, mais une lutte é
mouvante
, po
ur qui parvient à
l'entrevoir à travers les siècles inn
om
bra
ble
s, une lutte sans cesse freinée
pa
r des agents con
traire
s, mais tenace et incoercible, inscrite dans
une évolu
tion
que rien n'a
rrête
, la Terre, com
me un organism
e, se transm
ue pa
r intussusception '^ indiffé
rente
aux élém
ents
qui troublent sa surface.
m
De sorte que si de larges d
épre
ssio
ns, com
me celles de l'A
ustra
lie,
sont éte
rnelle
ment c
ondam
nées
à rester sté
riles, les d
éserts
, sur d'autres points du globe, disparaissent.
Leur tem
péra
ture
si élevée
finit par leur donner un minim
um de pres
sion, qui attire la chute des pluies ; les sables mo
uva
nts, ra
yés
pa
r les vents, après avoir longtem
ps refu
sé
de donner prise aux plantes les plus h
um
ble
s, s'imm
obilisent peu à pe
u, prisonniers des radicelles des
gra
minées
; le sol ingrat et la roche aride se retirent sous l'action imper
ceptible des lichens, qui pré
pare
nt la venue des lé
cid
ées
fragiles ; enfin, les plateaux d
énudés, lhanos et p
am
pa
s à la végéta
tion
rare
, les savanes et les steppes plus vivaces de l'A
sie centrale surgissent dans un cresce
nd
o,
et re
flète
nt
les p
ha
ses
successives d
e m
erve
illeu
ses
transfigurations. O
r, les sertô
es
du No
rd, quoique m
oins sté
riles
que les déserts
, repré
sentent peut-être le singulier point de d
épart d
'un
e évolu
tion ré
gre
ssive.
To
ut à l'h
eu
re, d
an
s une rétro
spectio
n où la fantaisie s'insurgeait
certes contre la gra
vité
de la science, no
us les avons im
agin
és
en train
d'ém
erg
er, g
éolo
giq
uem
ent m
od
ern
es, d
'un
e vaste mer te
rtiaire
. S
i l'on excepte cette hypothèse peu solide, il n
'en dem
eure pas moins
certain qu
'un ensem
ble complexe de circonstances ne les disposa point
à un régim
e clim
atique con
tinu
, favorable à un
e flore plus vivace. N
ou
s avons déjà ébauché
certaines de ces circonstances. M
ais n
ou
s avons
oublié
un
facteur géolo
giq
ue
rem
arq
ua
ble
— l'h
om
me
. D
e fait, il n'e
st pas rare que celui-ci ré
agisse
bru
tale
me
nt co
ntre la
terre, et, no
tam
me
nt p
arm
i no
us, il jo
ua
, tou
t au long de l'Histo
ire,
le rôle
d'u
n terrible cré
ate
ur de d
éserts
. T
ou
t com
mença
pa
r un d
ésastre
ux h
érita
ge
indigène. D
an
s l'ag
ricultu
re primitive des aborigènes existait un in
strum
en
t fondam
ental — le feu.
Les arbres éta
ient ta
illés
par les djis effilé
s de diorite ; une fois s
échées,
les branches en tas — les c
aiç
ara
s —
éta
ient d
évoré
es
pa
r les flamm
es, dans des n
uées
de fum
ée
aig
uillo
nnées
pa
r le vent. Les indigènes déli
mitaient a
lors, au m
oyen des clô
ture
s de tro
ncs c
alcin
és
des ca
iça
ras,
la zone de cendre où la forêt avait naguère été exubéra
nte
. Ils cultivaient cette zo
ne
. La saison suivante, ils renouvelaient la mêm
e opé
ratio
n, ju
squ
'à ce que cette parcelle de terre
, complètem
ent épuisée,
inutilisable, fût abandonnée
en caapuera — «
forêt éte
inte
», com
me
le dénonce
l'éty
molo
gie
tupi —, et d
oré
navant elle gisait là
, irrém
é
diablement s
térile
, car — fait digne d
'atte
ntio
n — les fam
illes de végé
taux qui surgissaient pa
r la suite da
ns les te
rrain
s calcin
és é
taie
nt
tou
jou
rs des arbustes à la con
form
atio
n rab
ou
grie
, tota
lem
en
t diffé
rents de ceux de la forêt prim
itive. L'a
bo
rigè
ne co
ntin
ua
it à cré
er de
51
nouvelles plantation
s, de nou
veaux d
éboise
ments, de n
ouveau
x incen dies, é
larg
issait le cercle des dom
mages par de nouvelles ca
apuera
s qu
'il laissait un
e fois encore pou
r recomm
encer ailleu
rs, multipliai!
ainsi les espaces stérile
s et arides qu
i, incapables de ré
agir
contre les
élé
ments
exté
rieurs, aggravaien
t au fur et à mesu
re qu'ils s'é
tendaie
nt
la rigueur mêm
e de ce climat qu
i les tourm
entait, et, tissé
s de m
échante
végéta
tion, n
oyés
de mau
vaises herbes, ré
pandaie
nt ici l'aspect m
aladif de la ca
ata
nduva
sinistre, et là, la sau
vagerie de la caatin
ga
blanchâtre
. ^ V
int ensuite le colonisateu
r, qui reprit le m
ême p
rocédé. 11 l'aggrava
encore en adoptan
t au centre du pays, loin de l'é
troite
bande côtière
où la cann
e à sucre éta
it cultiv
ée, la pratiqu
e exclusive de l'éle
vage.
Dès l'au
be du xvii= siècle, s'ouvriren
t dans les s
ertô
es
où l'on avait m
ultip
lié abusivem
ent les sesm
aria
s, des cham
ps imm
enses, unis et sans clô
ture
, qui s'é
larg
issaie
nt à travers les plain
es. L
e feu ouvrait tou
s ces cham
ps, un feu librement a
llum
é, sans coupe-feu, qu
i s'emparait de vastes espaces, en s'offran
t aux violentes rafa
les du nord-est. Son meilleur a
llié fut alors le se
rtan
ista, cupide et brave,
parti à la recherch
e de l'indigèn
e et de l'or. Noyé
dans les profon
ds replis d'u
ne flore e
xubéra
nte
, qui en
travait ses regards et dissimulait
sous son ombre dangereuse les pièges du ta
puia
et les tanières du redoutable c
anguçu, le se
rtanista
frappa la forêt, la dila
céra
de flamm
es, afin de lib
ére
r l'h
orizon et de dévo
iler les m
ontagn
es dre
ssées
sur les ch
amps d
éfric
hés, qu
i pourraien
t l'orienter et jalon
ner la m
arche des
bandeiras. Il attaqu
a la terre à fond, la scarifia en exploitation
s à ciel ouvert ; il la ren
dit stérile
en la couvran
t des pierrailles dégorg
ées
des mines
d'or ; il la blessa à coups de pioch
e ; il la dégra
da
en l'abandon
nan
t à l'é
rosio
n des eau
x sauvages des torren
ts ; et il laissa, ici et là, partou
t, à jamais sté
riles, illu
min
ant les solitu
des de l'inten
se coloration ro
ugeâtre
des argiles rem
uées, n
e permettan
t pas à la plante la plus
men
ue de pou
sser, les grandes ca
tas in
cultes, vides et tristes, avec leur
physion
omie expressive d'im
men
ses cité
s m
ortes, en ruin
es... O
r, ces pratiques sauvages traversèrent tou
te notre histoire. A
u cœur
mêm
e de notre siècle, au dire des vieux h
abitants des h
ameau
x qui borden
t le Sâo F
rancisco, les explorateu
rs qui s'a
vançaie
nt en 1830 à par
tir de la rive gauch
e de ce fleuve, avec les indispen
sables provisions
d'eau dans leu
rs besaces de cuir, en
voyaient en avan
t-garde le mêm
e rabatteu
r sinistre pour é
cla
irer
leur route, ou
vrir la voie et dévaste
r
la terre. Du
rant de longs m
ois, on put voir vers le cou
chan
t, péné
trant au plu
s profond des n
uits, le reflet e
mbra
sé des feux de forêts.
Qu
e l'on imagin
e les résu
ltats
d'un tel p
rocédé, ré
pété
au cours des
siècles...
Le gou
vernem
ent colonial lui-m
ême p
révut ces effets. D
ès 1713, plusieurs d
écre
ts successifs essayèrent d'y m
ettre fin. E
t quan
d s'acheva
ja séchere
sse lé
gendaire
de 1791-1792, la gra
nde s
écheresse, com
me
disent encore les vieux se
rtan
ejo
s, qui d
évasta
tout le N
ord, de l'Éta
t de B
ahia au Cearâ
, le gouvernement de la m
étropole, sem
ble-t-il, l'attribua au
x inconvénie
nts
ci-dessus mentio
nnés, et n
e vit comm
e moyen
d'y rem
édie
r qu
'un
e sévère prohibition des d
éboise
ments.
Le gouvernem
ent colonial fut longtemps p
réoccu
pé
par ce problème.
Les lettres royales le m
ontren
t : celle du 17 mars 1796, qu
i nom
me
un juge con
servateur des forêts; ou celle du 11 ju
in 1799, décré
tant
«que
l'on réprim
e l'am
bition indiscrète et d
éso
rdonnée
des habitan
ts (de B
ahia et du P
ernam
bouc), qu
i ont ra
vagé
par le fer et le feu de pré
cieuse
s forêts... qui jadis abon
daient et se trou
vent au
jourd'h
ui élo
ignées
les un
es des autres par des distan
ces consid
éra
ble
s, etc. ». C
e sont là de p
récie
ux
écrits, qu
i concern
ent directem
ent la rég
ion
dont n
ous n
'avons offert qu
'un
e pâle
description.
Il en existe d'autres, tou
t aussi élo
quents.
Qu
and on d
échiffre
les vieux carnets de rou
te des premiers explora
teurs du Nord, ces au
dacieux ca
atin
gueiro
s comparables au
x bandei-
rante
s du Su
d, on remarqu
e constam
men
t des allusion
s incisives à la bru
talité
des paysages traversé
s, lorsque ces explorateu
rs, sillonn
ant
les vastes chapadas à la recherche des m
ines d'argent de M
elchior M
âr-cia, passaien
t presque tou
s à la frontière du s
ertâ
o de C
anu
dos, et faisaient escale à M
onte-S
anto, qu
i n'é
tait alors qu
e le Pico
-ara
ssa des
tapuia
s. Et ils parlen
t des « cham
ps froids (il s'agit certainem
ent d'u
ne
froideur noctu
rne, qu
i succède à l'inten
se irradiation du sol dénudé)
couvran
t des lieues et des lieues de caatin
ga
sans eau ni ca
rava
tà qu
i la con
tienn
e et avec des racines d
'um
bu
et de mandaca
ru pou
r nou
rrir les g
ens»
dans le travail p
énib
le de d
ébro
ussa
iller
les sentiers*.
On le voit, les plantes que nos se
rtanejo
s utilisent aujou
rd'hu
i avaient déjà à cette é
poque
un
e réputa
tion
proverbiale. C
'est que le m
al est ancien
. S'allian
t avec les élém
ents
météo
rolo
gi
ques — le ven
t du nord-est et la succion des strates, les canicules et
les éro
sions é
olie
nnes, ou les tem
pêtes subites —
, l'hom
me ajou
ta un
e com
posante n
éfa
ste au
x forces de ce climat d
évasta
teur. S'il n
e cré
a
pas ce climat, il le tran
sforma et en aggrava les effets. L
a hach
e du ca
atin
gueiro
fut un p
récie
ux
auxiliaire au
x dégra
datio
ns
des tourm
en
tes, un co
mplém
ent au
x insolation
s et aux in
cendies.
Il a peut-être e
ngendré
le dése
rt. Mais il peu
t encore l'a
néantir, et
corriger le passé
. La tâ
che
n'est pas in
surm
ontable. U
ne com
paraison h
istorique n
ous le m
ontrera.
oj
* Lettre de Pedro B
arbosa Leal au comte de S
abugosa.
Qui traverse les h
autes plaines de T
unisie entre Beja et B
izerte, à l'o
rée
du S
ahara, et franchit en tem
ps norm
al le cours capricieux'et
sinueux des oueds, rencontre encore au
jourd
'hu
i, au déb
ouch
é des val
lées, les restes d
'antiq
ues con
struction
s romain
es. Ces vieilles m
urail-les é
croulé
es, in
crusté
es
de pierres carrées
et de blocs roulé
s, recouvertes en p
artie par la lie des pluies de vingt siècles, sont les legs des grands
colonisateu
rs, et dén
oncen
t aussi bien leur activ
ité intelligente que la
nég
ligen
ce b
arbare des A
rabes qui les on
t rem
pla
cés.
Ap
rès avoir détr
uit C
arthage, les R
omain
s s'éta
ient c
onsa
crés
à la tâ
che
infiniment plus sé
rie
use
de vaincre la natu
re hostile. Et ils lais
sèrent dan
s ces lieux un
e des plus belles traces de leur expansion historiq
ue...
Ils comp
rirent exactem
ent le vice originel de cette régio
n, dont la
stérilité
est due moins à la r
areté
des pluies qu
'à leur mauvaise distri
bution, déterm
inée
par le relief topographique. Ils corrigèrent ce défa
ut.
Le rég
ime
torrentiel qui sév
it sur ces terres, d'u
ne extrêm
e inte
nsité
pendant certaines saisons, responsable de niveaux p
luvio
métriq
ues
plus élev
és q
ue ceux d
'autres pays fertiles et e
xubérants, é
tait, com
me dans
les sertô
es
de notre p
ays, non seulem
ent inutile, mais aussi n
éfa
ste.
Les eaux tom
baien
t sur la terre dénudée, d
éracin
aie
nt la v
égéta
tion
qui ne p
ouvait pas se cram
pon
ner au sol durci ; elles tourbillonnaient
pen
dan
t plusieurs semaines d
ans les ruisseaux qui d
ébordaie
nt, inon
daient les plaines ; et disparaissaient aussitô
t dans la Méd
iterranée, après
avoir dériv
é le long des escarp
emen
ts, par le n
ord et par le levant, en
laissant le sol plus dén
udé
et plus stérile
encore, à la suite de cette éphé
mère reviviscence. A
lors le dése
rt
semblait progresser vers le sud, dom
iner tou
tes ces terres et dépasse
r les derniers accidents de terrain qui
n'em
pêch
aient pas le passage du
simou
n.
Les R
omain
s firent reculer le dése
rt. Ils enchaînèrent les torren
ts; ils endiguèrent les courants plus forts ; et ce rég
ime
bru
tal, à force d'être
comb
attu et réprim
é avec té
nacité
, fut vaincu et soumis entièrem
ent à un r
ése
au
de barrages. A
yant ren
oncé
à un projet d'irrigation
s systé
m
atiqu
es, qu
'il aurait été trop difficile de m
ettre en place, ils réussi
rent à faire séjo
urner
les eaux plus longtem
ps sur la terre. L
es ravins qui se d
écoupaie
nt en ganglions stagn
ants furent p
arta
gés
en retenues clô
turées
par des m
urailles fermant les v
allé
es, et les ou
eds ainsi bloqués
pu
rent enfler leurs flots entre les m
onts, conserver longtem
ps de gran
des m
asses liquides jusq
u'alors p
erdu
es, ou bien, au mom
ent du
débordem
ent, les hisser vers des can
aux la
téraux
qui les déversa
ient
sur des zones voisines plu
s basses où s'ouvraien
t des saig
nées
et aes biefs, rayon
nan
t de tous c
ôté
s et ab
reuvan
t le sol. De telle sorte q
ue
ce système de reten
ues, en
tre autres avan
tages, prése
nta
it celui d'u
ne
irrigation générale
. En ou
tre, ainsi exposé
es
à l'évaporatio
n, tou
tes ces surfaces liquides, n
omb
reuses et é
parse
s —
qui ne se résum
aien
t pas à un seul Q
uix
adâ
m
onu
men
tal et inutile —, finirent p
ar agir sur le clim
at, en l'am
éhorant. E
nfin la Tu
nisie, oîi avaient d
ébarqué
les plus beaux enfants de la Phénic
ie, m
ais qui se réduisa
it jusq
ue-là
à un littoral peu
plé
de trafiquants ou de Num
ides errants, dont les tentes aux fa
îtes
arrond
is illuminaient les airs de leur b
lanch
eur com
me des
quilles échouées
— la T
unisie fut transfig
urée
et devint le territoire classique de l'agriculture an
tiqu
e. Elle fut le cellier de l'Italie et le four
nisseur de blé, presque exclu
sif, des Rom
ains.
Les F
rançais, aujourd'hui, copient en grande partie leurs p
rocéd
és, sans avoir besoin d
'élever
des murailles m
onumentales et o
néreuse
s. Ils bloquent par des estacades sem
blables à des palan
qu
es, entre des mu
rs de pierres sèches et de terre, les ou
eds don
t la conform
ation s'y prête le plu
s, et ils entaillent sur la p
artie supérie
ure
de leurs rivages, tout au long
des chaîn
es
de mon
tagnes qui les flan
qu
ent, des con
du
its qui dériv
ent
l'eau vers les terrains avoisin
ants, p
ar des rése
aux
d'irrigation
. A
insi les eaux sauvages s'arrêtent cou
rt, s'apaisen
t sans acquérir
la force a
ccum
ulée
des inondations violentes, et se dispersent enfin, amor
ties par des m
illiers de valvules, à travers les dériv
atio
ns e
ntr
ecroisé
es.
Et ces p
arages historiq
ues, lib
érés
de l'apath
ie du mu
sulm
an inerte,
se méta
morp
hosen
t en repren
ant leur physionom
ie antiq
ue. L
a Fran
ce sauve les restes de l'h
érita
ge
somptueux de la civiU
sation romain
e, après ce d
éclin de plusieurs siècles.
Or, q
uan
d on tracera, mêm
e sans grand
e précisio
n, la carte h
ypso-
métriq
ue
des sertô
es
du nord du B
résil, on verra qu
'ils se prêtent à une ten
tative iden
tiqu
e, don
t les résu
ltats
ne seraient pas moin
s efficaces. L
'idée
n'est pas nouvelle. E
lle a été su
ggérée
depuis longtem
ps, lors
des mém
ora
bles
séances
de l'Institu
t Polytech
niq
ue de R
io, en 1877, par l'esprit brillant du conseiller B
eaurepaire Roh
an, peut-être fra
ppé
par les ressemblances q
ue nous venons de m
ention
ner,
_ Des discussions alors e
ngagées, où s'affrontèrent les m
eilleurs scientifiques de l'é
poque
— esprits qui allaient de la solide ex
périen
ce de
Cap
anem
a^" à la rare intelligence d
'André R
ebouças
' — ce fut la
seule prop
osition pratiq
ue, r
éalisa
ble
et vraimen
t utile, qui restâ
t.
On im
agina à cette occasion de luxueuses citernes de maçonnerie
• des m
yriades de puits arté
sie
ns, p
erfo
ran
t les chapadas, ou des entre! p
ots d
ém
esuré
s p
ou
r les réserv
es a
ccum
ulées
; de vastes barrages, tel-les des m
ers Caspiennes artificielles; et enfin, co
mm
e po
ur m
ieux cara
cté
riser la d
éro
ute
complète des in
génie
urs
devant l'énorm
ité du
pro
blè
me
, de
stu
péfia
nts
alambics
po
ur
distiller les
eaux de
l'Atla
ntiq
ue !.,.
Le pro
jet le plus m
od
este
, po
urta
nt, fruit direct de l'enseignem
ent h
istoriq
ue
, suggéré
pa
r l'exemple le plus é
lém
enta
ire, su
pp
lan
ta ces vastes desseins. C
ar, s'il est le plus p
ratiq
ue
, il est aussi, bien évidem
m
en
t, le plus logique.
En ré
alité
, l'on doit classer p
arm
i les aspects les plus déte
rmin
ants
, en ta
nt que facteurs a
ppré
cia
ble
s, la structure et la co
nfo
rma
tion du
sol. Quelle q
ue soit l'im
po
rtan
ce des causes complexes et plus é
loi
gnées
que nous avons ébauchées p
récédem
ment, l'influence de ces der
niers élé
ments
est manifeste, q
ua
nd o
n considère que la capacité
d'absorption ou d
'ém
issio
n des terrains e
xposés, l'inclinaison des strates
qui les en
treco
up
en
t, et la rudesse des rehefs top
og
rap
hiq
ue
s, accentu
en
t, pa
r la mêm
e occasion, l'embrasem
ent des été
s et les graves dom
m
ages des torre
nts. S
i bien qu
e, ne sortant des longues insolations que
po
ur subir des in
on
da
tion
s sou
da
ine
s, la terre
, mal p
roté
gée
par une végéta
tion
fragile, que le soleil brûle et que les eaux déra
cin
ent, se laisse
peu à peu envahir pa
r un clim
at franchement d
ésertiq
ue.
Les violents orages qu
i éte
ignent l'incendie latent des s
échere
sses,
malg
ré la reviviscence q
u'ils occasionnent, p
répare
nt en quelque sorte
la régio
n à de plus grandes vicissitudes. Ils la d
énudent sans m
énage
me
nt, et la d
épouille
nt to
ujo
urs p
lus, en l'offrant aux é
tés
à venir; ils la sillonnent et l'e
nca
dre
nt de co
nto
urs rugueux ; ils la flagellent
et la rendent sté
rile ; et q
ua
nd ils disparaissent, ils la laissent encore
plus nu
e qu
'ava
nt les brûlures des soleils. C
e régim
e c
onnaît de d
éplo
rables
intermittences,
qui font
songer à
un
cercle vicieux
de ca
tastro
ph
es*.
Ainsi la seule m
esure que l'on peut a
do
pte
r est-elle de corriger ces dispositions naturelles. S
i l'on excepte les causes d
éte
rmin
ante
s du
fléau
* «... Il est im
po
rtant d
e men
tion
ner la forte d
écliv
ité vers la m
er qui existe dans les ^
^f.^
d
u s
ertâo
où
cou
lent ses rivières... D
ès qu
'un
e plu
ie tom
be sur ces p
lateaux p
ierreux a
végéta
tion
rare, les eaux ro
ulen
t aussitô
t par d
es sillon
s ou
des ravin
es, en p
rod
uisan
t vérita
ble
s avalanches qui d
étru
isent to
ut sur leur p
assage... » J. Y
offily —
No
tes sur le Paraib^"
qui proviennent de lois astronomiques ou g
éogra
phiq
ues
inaccessibles à l'intervention h
um
ain
e, ces dernières dispositions sont les seules sus
ceptibles de modifications a
ppré
cia
ble
s.
Le pro
cédé
que no
us venons d
'ind
iqu
er dans un bref rappel histori
que nous dispense, pa
r sa sim
phcité
mê
me
, d'exposer d'inutiles déta
ils
techniques. La F
ran
ce le copie au
jou
rd'h
ui, sans m
odification, en faisant revivre le tra
cé
de ces antiques con
structio
ns.
Si l'o
n bloquait des vallé
es
intelligemm
ent choisies, en des po
ints
peu distants les uns des autres, trois conséquences in
évita
ble
s en d
écou
leraient : on atté
nuera
it consid
éra
ble
ment le drainage violent du sol
et ses déplo
rable
s effets ; on form
erait au bo
rd de ces vallé
es, entre
les mailles d
'un ré
seau
de dériv
atio
ns, de fé
condes
zones de culture ; et on fixerait l'in
sta
bilité
du chmat dans une situation d
'équilib
re, dans
la mesure où ce grand n
om
bre de petits ré
serv
oirs
unifo
rmém
ent dis
tribués
constituerait une vaste surface d'é
vapora
tion
et finirait na
tu
rellement, au cours des tem
ps, par exercer l'influence modéra
trice
d'u
ne
vraie mer in
térie
ure
, d'u
ne im
po
rtan
ce extrême.
Aucun a
utre rem
ède n'e
st concevable. Les citernes, les puits arté
siens, ou les lacs tro
p rares et trop e
spacés, com
me celui de Q
uixadâ,
n'ont qu
'un
e valeur locale, difficile à appré
cie
r. Ils visent essentiellem
ent à atté
nuer l'u
ltime c
onséquence
de la séchere
sse
— la soif ; o
r, ce qu'il faut co
mb
attre dans les s
ertô
es
du No
rd, c'e
st le désert.
Le ma
rtyre de l'ho
mm
e dans ces régio
ns
n'est que le reflet d'u
ne
torture plus grave, plus pro
fon
de
, qui tou
che l'é
conom
ie g
énéra
le de
la vie. Il n
aît du m
artyre s
écula
ire de la T
erre
...