bakchich n° 28

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N° 28 | DU SAMEDI 12 AU VENDREDI 18 JUIN 2010 | INFORMATIONS, ENQUêTES ET MAUVAIS ESPRIT bakchich BEL : 2€ - CH : 2,90FS Et sur Internet presse La crise, du « Monde » aux kiosquiers | P. 2 et 5 enseignement Le philosophe Badiou séchait ses cours | P. 9 hommage Omar Bongo vaut bien une messe | P. 12 jérôme kerviel Le flouze-émissaire de la Soc gen | P. 15 le foot saigne l’afrique du sud L 13723 - 28 - F: 1,50 Quand les autorités du Luxembourg fricotaient avec le grand manitou des commissions occultes de la Direction des constructions navales françaises | P. 3 luxembourg L’ami trouble de Juncker P. 6-7 Le stade maudit de Delanoë | P. 10

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Bakchich N° 28

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Page 1: Bakchich N° 28

N° 28 | du samedI 12 au vendredI 18 juIn 2010 | InformatIons, enquêtes et mauvaIs esprIt

bakchich

Bel : 2€ - CH : 2,90fs

Et sur Internet

presse La crise, du « Monde » aux kiosquiers | P. 2 et 5

enseignement

Le philosophe Badiou séchait ses cours | P. 9hommage

Omar Bongo vaut bien une messe | P. 12

jérôme kerviel

Le flouze-émissaire de la Soc gen | P. 15

le foot saigne l’afrique du sud

L 13723 - 28 - F: 1,50 �

Quand les autorités du Luxembourg fricotaient avec le grand manitou des commissions occultes de la Direction des constructions navales françaises | P. 3

luxembourg

L’ami trouble de Juncker

P. 6-7

Le stade maudit de Delanoë | P. 10

Page 2: Bakchich N° 28

Quand les archéologues de l’an 3010 découvriront le stade Vélodrome de Marseille, englouti un jour de match par le tsunami de 2537, ils se deman-deront sans doute quel culte bizarre était célébré dans cette cuvette : géné-ralement, lorsqu’un bâtiment semble totalement inutile, on en déduit, en archéologie, que c’est un temple. Là, ils ont mis à jour cinquante mille squelettes porteurs d’écharpes brodées de prières rituelles (« Fier d’être Marseillais ! », «On 

craint degun !» etc.), deux autels garnis de filets troués, 50 caisses de pastis de messe, un string de dame dans le local nommé « vestiaire visiteurs » et un bout d’article de la Provence évoquant l’hospitalisation d’une jeune fille « en coma semi-éthylique » (authentique : je l’ai lu de mes yeux). On imagine leur perplexité…Grâce à saint Domenech, dit « l’Obscur », on comprend désormais que le foot est un mystère qui n’a rien à voir avec les neurones et la pensée logique, bref, ce qui distingue l’Homo sapiens de la moule de Bouchot. Donc, puisqu’on nage dans la régres-sion, on peut envisager, pour les besoins du culte, quelques sacrifices humains. La preuve ? Jamais, en France, il n’a fallu autant d’heures de travail salarié pour

acheter un mètre carré d’appartement. Et ceci à Lens comme à Bordeaux. Cette statistique est passée inaperçue, mais c’est normal, on vit dans l’or-gasme : avant même de perdre le Mondial, on a gagné le droit d’abriter l’Euro dans six ans. On va donc bâtir des stades et réparer les vieux, qui ont 66 ans en moyenne, ce qui prouve, en passant, la possibilité de repousser l’âge de la retraite.Or l’État, totalement désengagé de l’immobilier social, financera largement nos stades. Ce serait con de cramer tout ce pognon à faire plein de logis bon marché en cassant la spéculation sur les loyers. Vous avez remarqué, vous aussi, que Stade de France et sans domicile fixe ont les mêmes initiales ? ✹� JaCQuES GaiLLarD

Mot à Mot

Apéro

uLtiME ÉChauFFEMEnt

L a polémique qui chauffe les orteils de Didier Porte est

de saison. L’humour politique a moyennement bonne presse dans les sphères du pouvoir et force est de constater que certains jugent qu’un exemple en place publique est nécessaire pour calmer les ardeurs de ceux qui, chaque jour, se paient la poire de nos glorieux dirigeants. Il y a un an, la curée était pour Guillon. Cette année, c’est pour Porte. Passons sur la qualité de la chronique incriminée dont l’auteur reconnaît lui-même qu’elle n’était pas du meilleur cru (lire page 8). Nous n’osons croire qu’un petit « J’encule Sarkozy » prononcé au second degré puisse provoquer le licenciement d’un chroniqueur aux dix ans d’an-cienneté et milliers de papiers dont aucun n’a donné lieu à une quelconque plainte... Nous ne prendrons pas la défense de Porte, les auditeurs de France Inter qui inondent de courrier la direction de la station s’en char-gent. France Inter est avant tout leur radio. Ils en sont doublement propriétaires. Ils la financent avec leurs impôts et ils lui donnent une existence en l’écoutant. Nous cherchons juste à dégager la signi-fication politique de cette tempête dans un verre d’eau. De quoi Porte est-il le nom ? De l’humour politique, de la satire radiophonique ? Est-ce parce qu’il est le chroniqueur le plus clair et le plus politique de sa station, voire de France, qu’on veut défriser sa moustache ? Ou parce qu’il ne rate personne et que sa botte est aussi redoutable que redoutée ? Non. Porte est le chiffon rouge de la révolte, agité devant le nez du peuple énervé. Un carburant pour ceux qui ont envie d’en découdre. Une ver-sion contemporaine du carnaval d’ancien régime. Comme le disait Beaumarchais, Didier Porte nous « presse de rire de peur d’être obligé d’en pleurer » ✹

rEnauD ChEnu

STADE [stad].

n. m. : Oral ou anal ?

Cette année sera celle de l’effondrement de la presse écrite, sauvée sans doute in extremis par quelques mauvaises fées qui cherchent, à la veille de la présidentielle, à peser sur le débat démocratique. Comme l’a révélé le Point, Nicolas

Sarkozy a ainsi passé un coup de fil au directeur du Monde, Éric Fottorino, pour le dissuader de se rallier à la bannière de Xavier Niel, le créateur de Free et déjà actionnaire de plusieurs sites Internet d’informations, dont le nôtre. Une telle démarche, juste indécente, est surtout contre-productive face à une grande rédac-tion restée indépendante comme celle du Monde.Dans ce numéro de Bakchich, trois dossiers donnent la mesure du désastre annoncé. Le 14 juin, le Monde, qui aura perdu quelque 25 millions d’euros en 2009, sera recapitalisé dans la douleur. Espé-rons que cet illusionniste d’Alain Minc, déjà mauvais conseiller du Monde sous le règne de Jean-Marie Colombani et aujourd’hui émis-saire de l’Élysée, ne refera pas surface (lire ci-dessous : « Bientôt la fin du “Monde” »).Deuxième signal d’alerte, le Parisien, longtemps cité en exemple, mais saigné de 5 % de ses lecteurs l’an dernier, est désormais qua-siment à vendre, comme l’a révélé la Lettre de l’Expansion. Plus grave, sa rédaction est en proie aux doutes et aux divisions (lire page 3 : « Du rififi au “Parisien” »).

Des kiosquiers prolétarisésTroisième éclairage, le système de distribution de la presse est aujourd’hui à la ramasse, victime de l’incurie des distributeurs. Bakchich consacre une enquête à ces kiosquiers précarisés, qui travaillent douze heures par jour pour à peine le smic. Les patrons de presse ont toujours préféré, à l’instar de Lagardère et d’Hersant, s’allier avec un syndicat du livre largement sclérosé plutôt que de tendre la main aux alliés naturels des rédactions, les 30 000 mar-chands de journaux (lire page 5 : « Y a de l’eau dans la gazette »).Heureusement, Bakchich résiste grâce à vous, chers lecteurs et actionnaires ✹

niCOLaS BEau

COup DE BOuLE

T out avait été rondement mené. Les pages étaient de moins en

moins nombreuses et les photos y tenaient une place de plus en plus grande. Simultanément, le lecteur payait de plus en plus cher. C’était l’équation de la réussite, digne d’Alain Minc, qui présida selon son ineffable talent à la descente aux enfers. Nous parlons évidem-ment de la chronique de la mort annoncée d’une institution très française, à savoir le Monde.Or, une rumeur affole le boule-vard Blanqui : Minc revient, et sa vengeance sera terrible. Plus génial que jamais, il conseille aujourd’hui plusieurs repreneurs potentiels de l’entreprise qu’il a coulée hier avec la complicité béate de Colombani. L’inquiétude de l’agonisante société des rédac-teurs est que, quelle que soit la solution, Minc soit de l’aventure. Pour l’éviter, certains voulaient se précipiter vers Carlo de Benedetti, mais il vient de renoncer. La can-didature de l’Italien comportait des avantages : ayant fréquenté Minc, l’homme savait à quoi s’en tenir. Et, par rapport à Claude Per-

driel, un des candidats au rachat les plus en vue, il faisait figure de jeune homme. Pour d’autres, il faut accepter les enthousiasmes désordonnés de Matthieu Pigasse, qui a laissé des souvenirs mitigés au Monde après s’être intéressé une première fois au quotidien du soir.

comptes « grecs »La presse française observe, aba-sourdie, le naufrage. Le drame qui se noue, entre une impri-merie trop coûteuse, une ligne éditoriale dont la seule constance a été de prendre son lectorat à rebrousse-poil, une accumula-tion de dettes et une trésorerie exsangue qui ne permet pas de payer les salaires en juillet, est celui de beaucoup de titres. Après la Tribune à 1 euro, le Parisien dont les comptes seraient « grecs », et France-Soir qui permet aux oligarques de Moscou de perdre dignement leur argent, le Monde confirme qu’il y a quelque chose de pourri au royaume de la presse ✹� aLCEStE

BiEntôt La Fin Du « MOnDE »

le naufrage de la presse libre

DE QuOi pOrtE ESt-iL LE nOM ?

La supportrice de la semainerama Yade vient d’appeler les Bleus à « la décence en temps de crise », à qui elle reproche le « clinquant » de leur camp de base en afrique du Sud. En fait, son indignation était parfaitement calculée. En mars dernier, la délicieuse secrétaire d’État aux Sports avait rencontré les pontes de tF1. Les responsables de la télé préférée des Bleus l’avaient avertie : « Faites attention, il va sûrement falloir gérer la polémique sur l’hôtel des Bleus, qui est un vrai scandale. » Lancée à quelques jours seulement du début du Mondial et créant une belle polémique, l’opération déminage n’est pas un succès.

La récompense de la semaineL’unesco a créé le prix « obiang Nguema ». il fallait oser ! Le président de la Guinée équatoriale, Obiang nguema, finance pour 1,2 million d’euros une récompense « pour la recherche contribuant à améliorer la qualité de vie des êtres humains ». nguema ne manque pas de culot puisque son pays se place au 168e rang sur 182 du classement de l’Onu pour « le développement humain ». Critiqué pour la corruption, la pauvreté et les atteintes aux libertés en cours dans son pays, le bougre se rachète une conduite… À quand le prix « ahmadinejad de la tolérance » ?

Le faux-cul de la semaineun mois après l’aveu de dopage du vainqueur du tour de France 2006, Floyd Landis, le président de l’union cycliste internationale (uCi), pat mcquaid, prie l’ex-champion d’arrêter de balancer sur les pratiques en vigueur dans le vélo. Quid de l’argent versé par Lance armstrong, autre grand dopé qui s’en défend bec et ongles, à l’organisme ? « Il a été très impressionné par nos installations et a offert 100 000 dollars pour le développement du cyclisme », a osé McQuaid… Cette semaine, les agences de lutte contre le dopage allemande et française ont demandé qu’une entité indépendante s’occupe des contrôles. « Les règlements de l’UCI ne le permettent pas », répond McQuaid. Circulez, y a rien à voir ! ✹

LES trOphÉES

LE SCuD

2 BakChiCh hEBDO n°28 | Du SaMEDi 12 au VEnDrEDi 18 Juin 2010

Page 3: Bakchich N° 28

karachi Dans un courrier adressé à Bakchich, le Premier ministre luxembourgeois prétend ne pas connaître le grand manitou des commissions au sein de la DCN. Vraiment ?

E n pleine tempête média-tique sur les attentats de Karachi, le rapport de la police luxembour-

geoise, révélé par Mediapart, soutient que le ministre fran-çais du Budget entre 1993 et 1995, Nicolas Sarkozy, était à l’origine du montage financier qui devait permettre à la Direction des constructions navales (DCN) de verser des commissions dans le cadre des gros marchés de sous-marins et de frégates. Ce dont s’étaient inquiétés, dès 2007, les fins limiers de la DNIF, fameuse brigade financière parisienne,

dont Bakchich avait publié un rap-port de synthèse. Remarquons, au passage, que de tels montages, avant la convention anti-corrup-tion de l’OCDE de 2002, n’étaient pas illégaux. À condition, bien sûr, qu’ils ne comportent pas de « rétro-commissions » en faveur de la partie française.Interrogé sur ce dossier, le 6 juin, dans le cadre de l’émission animée par TV5, le Monde et RFI, le Pre-mier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, qui s’est brouillé avec Nicolas Sarkozy, affirmait « ne pas être concerné par cette affaire ». Pas si sûr.

Dans un article paru le 27 juin 2008 et intitulé « Jean-Marie Boivin, l’Alfred Sirven de l’ar-mement », nous avions raconté les liens étroits qui unissaient les plus hautes autorités du Luxem-bourg à un Boivin qui fut le grand dispensateur des commissions au sein de la DCN.Résident luxembourgeois, cet homme de l’ombre a toujours été proche du grand-duc du Luxem-bourg, de Jean-Claude Juncker, ou encore de l’ancien ministre de l’Intérieur, Michel Wolter, qu’il invita un jour, aux frais de la DCN, à un mémorable safari.Par ailleurs, deux documents publiés par Bakchich (lire ci-contre) montrent comment Jean-Marie Boivin faisait la navette, en 2004, entre l’Élysée de Chirac et le ministre luxembourgeois de la Défense. Autant d’indications propres au Grand-Duché qui ne figuraient pas dans le rapport des flics luxembourgeois. Interrogé récemment dans deux procédures judiciaires à Paris – la première sur les sous-marins pakistanais et la seconde sur les frégates de Taïwan –, Jean-Marie Boivin n’a jamais été inquiété.Le 8 juin dernier, deux ans après notre article, Bakchich a reçu un message de Guy Schuller, « conseiller de direction première classe » du Premier ministre du Luxembourg : « Jean-Claude Juncker ne connaît pas person-nellement M. Jean-Marie Boivin. » S’il le dit ✹ nicolas beau

L e Premier ministre russe, Vladimir Poutine, devait déjeuner le 11 juin, à Paris, avec son ami Sarkozy. Comme il paraît loin l’été 2008,

lorsque le chef de l’État, alors président de l’Union européenne, se précipitait à Moscou pour négocier un compromis sur la crise géorgienne. Au Kremlin comme à l’Élysée, on pensait alors que cette lune de miel se prolongerait jusqu’en 2010, par les fastes de l’année France-Russie. Vingt-cinq millions d’euros avaient été mis au pot par les deux pays pour que les festivités scellent une amitié durable.Hélas, la France n’a pas vraiment assuré et, du côté russe, on grince un peu des dents. Premier couac, Bernard Kouchner s’était fait excuser pour l’inau-

guration, le 26 janvier, de l’année franco-russe. La ministre de l’Économie le remplaçait. Pas sûr que les Russes aient perdu au change.Deuxième impair, à la fête de la Victoire, qui a lieu en Russie un 9 mai (et non pas le 8 mai comme chez nous), Nicolas Sarkozy avait annoncé sa présence. Avant d’annuler in extremis. Ultime affront, la Russie a fait de la France son invitée d’honneur pour le forum économique de Saint-Péters bourg, du 17 au 19 juin. Là encore, Sarko a joué petit bras : trois heures de présence, le 19 juin. Le reste du temps, la France sera représentée par Christine Lagarde et une quinzaine de grands patrons, un peu amers d’être lâchés en pleines steppes ✹ n. b.

sarko et poutine, les montagnes russesdiplomatie

Ventes d’armes le double jeu du Luxembourg

notre arsenal de révélations sur les caisses noires des ventes d’armes : http://minu.me/2il5

www.bakchich.info

Hidalgo se tient prêtenul ne sait si le socialiste bertrand delanoë, las de la politique, terminera son mandat à la tête de la mairie de paris. sa première adjointe, donnée comme probable dauphine, vise en tout cas l’échéance de 2014 et commence à passer des coups de fil auprès de ses amis pipole pour qu’ils se tiennent mobilisés. olivia Ruiz, patrick bruel et Élie semoun lui ont déjà répondu favorablement.

Crif, la guerre des juifsmeïr Habib, joailler et sépharade, versus Richard prasquier, cardiologue, ashkénaze et président sortant. de mémoire de délégués du conseil représentatif des institutions juives de France, jamais élection à la présidence du crif, qui se déroulera le dimanche 13 juin, n’aura été si disputée. les opposants au président sortant lui reprochent son manque de charisme et son sarkozysme benêt. Quant au chal-lenger, on fustige son amitié déclarée pour le premier ministre israélien benyamin nétanyahou. malgré cet allié encombrant, meïr Habib a un soutien de poids, l’avocat théo Klein, ancien président de l’institution et proche de la gauche israélienne.

guerre des ondesRien ne va plus entre nRJ 12 (Jean-paul baudecroux) et idF1 (Jean-luc azoulay). ces chaînes télé de la tnt revendiquent toutes deux la première place sur le public francilien, très pour-voyeur en publicités nationales. la première met en avant les audiences qui lui sont favorables, publiées par médiamétrie, tandis que la seconde conteste ce système de calcul et se réfère à sa propre popularité ! nRJ 12 envisage d’attaquer en justice idF1 dont le slogan est : « IDF1,  la chaîne numéro un chez vous. »

morin sur le pied de guerrele ministre de la défense, Hervé morin, organise ses troupes. c’est décidé, il quitte le gouvernement en novembre et se lance dans la campagne prési-dentielle. un parti ne peut exister que si son leader se présente à l’élection suprême, pense-t-il. au nouveau centre, les avis sont partagés, surtout que les sondages, encore non publiés, lui prê-tent à peine 3 % d’intentions de votes. Qu’importe, le ministre de la défense met sur pied des groupes de travail, sortes de think-tank – audiovisuel, jus-tice, emploi – censés lui apporter des thèmes de réflexion.

Cauet, retour à la case radiol’animateur (longtemps) vedette de tF1 ne fait plus recette. malgré une progres-sion d’audience de sa dernière émis-sion, Ça va s’Cauet, l’équipe de nonce paolini, pdG de la une, cherche à s’en débarrasser. si cauet affirme publique-ment qu’il veut toujours faire de la télé, il négocie âprement – et secrètement – avec nRJ.

idriss Déby-de-Boissonidriss déby, le président tchadien, et ses sbires n’aiment pas qu’on les quitte. et le montrent avec entrain. l’ancien secrétaire particulier puis conseiller spécial, abakar manany, ne manque pas de preuves d’amour de la part du dictateur. en plus de menaces à tous les étages, ses frères ont été empoisonnés ou tabassés, sa famille licenciée de l’administration, et, dernièrement, son oncle paternel, pilote d’hélicoptère, a été assassiné. idriss déby est d’ailleurs si porté sur la bouteille qu’il a gagné le surnom de déby-de-boisson.l’Élysée, sans doute jaloux de ces mar-ques d’affection sur abakar manany, l’un de ses visiteurs du soir, risque de se renfrogner. tout comme la cour pénale internationale (cpi), déjà agacée par l’existence du bagne de Koro toro, spécialisé dans la réhabilitation des opposants. et idriss déby ne manque pas de savoir qu’il figure toujours en bonne place sur la liste des présidents susceptibles d’être traduits en justice par la cpi ✹

Du rififi au « parisien »Le Parisien, il vaut mieux l’avoir en journal. d’un côté, la proprio, marie-odile amaury, mandate la banque Rothschild pour réfléchir à l’avenir du titre. de l’autre, la société des journalistes (sdJ) rend public un questionnaire soumis aux gratte-papiers où affleurent les mots « pressions » et « censure »… et des divisions apparaissent.ainsi, au moins six personnes ont démissionné de la sdJ pour se désolidariser du questionnaire. dans un communiqué interne, les scribouillards du service politique affirment ne pas avoir été confrontés « à des cas de censure ni même à des pressions politiques ». Gênée aux entournures, la sdJ a ensuite précisé que « dans l’ensemble des réponses apportées, ce thème est minoritaire ».le 22 avril pourtant, la sdJ s’était émue qu’une contre-enquête sur les méthodes d’investigation de l’équipe de Haute Définition (tF1), à tremblay-en-France, n’ait pas été publiée. et les journalistes de regretter, dans un communiqué interne que Bakchich s’est procuré, que la non-publication de cette enquête « a contribué à semer le doute sur l’indépendance de notre titre à l’égard d’un grand média ». avant de déclarer à Bakchich, à l’unisson du patron du service enquête, qu’il n’y avait « pas suffisamment d’éléments probants » dans l’article trappé. un événement a sans doute troublé les plumitifs… un coup de fil d’emmanuel chain à la direction du journal, « à titre amical et préventif », précise à Bakchich le présentateur de Haute Définition. avec ou censure ? ✹ simon piel

cHeF scoop

boivin, vrp du grand duché

a le 1er juillet 2003, le grand argentier de la direction des constructions navales, Jean-marie boivin, rencontre les plus proches collaborateurs de chirac.

a le 16 juillet 2003, le même boivin rencontre le ministre de la défense luxem-bourgeois, comme il l’explique dans un courrier à un patron de la dcn.

du samedi 12 au vendRedi 18 Juin 2010 | baKcHicH Hebdo n°28 3

Apéro

Page 4: Bakchich N° 28

l’affaire porte

Soupe du Monde 2010L’info. « le Monde élu marque média 2010 par CB News », le Monde, 9 juin.Le décryptage. Bel exercice d’autosatis-faction du quotidien du soir qui, endetté jusqu’au cou, s’extasie sur le prix dont il vient d’être auréolé par CB News, le journal de Christian Blachas. le quoti-dien précise que, selon CB News, David Guiraud et Éric fottorino ont « réussi à redonner une dynamique à un groupe de presse pourtant confronté à de graves problèmes économiques ». Un article qui ne précise pas que, pour « redonner » cette « dynamique », les deux compères émargent respectivement à 400 000 et 300 000 euros annuels (sans compter un parachute en cas de licenciement de 800 000 euros pour le premier). Un oubli sans doute.

Chabal de matchL’info. « Sébastien Chabal devient joueur pro du site pokerStars », pokers-tars.fr, 7 juin.Le décryptage. avec un « style agressif de dur à cuire », « il a passé énormé-ment de temps en ligne sur PokerS-tars ces derniers mois », assure le site d’alexandre Balkany. À voir les résultats du rugbyman, on doute qu’il ait été choisi pour ses qualités de fin bluffeur. Sur les 20 tournois de l’année 2010 qu’il a joués, il a perdu 16 fois, avec - 31 % de « retour sur investissement », soit 1 400 euros de perdus. en 2009, ce sont 86 % de pertes et 1 300 euros envoyés en l’air. en 2008, - 91 %, soit 1 600 euros. au final, 4 300 euros sont partis en fumée, gracieusement donnés à d’autres joueurs. pour un classement de 793 884e sur le site pour 1,2 million de joueurs en 2010. Un pro du poker, on vous dit !

MercatotoL’info. « Smaïn quitte le jury de l’émis-sion la France a un incroyable talent sur M6», ozap.com, 8 juin.Le décryptage. on s’en fout complè-tement.

DéontologieL’info. « Didier porte n’est pas drôle, juste vulgaire », Jean-Marc Morandini, Direct Soir, 9 juin.Le décryptage. l’hilarant animateur de télévision profite de la polémique autour d’une chronique de Didier porte (lire page 8) pour enfoncer courageusement le clou. Ce qu’il ne dit pas dans son billet, c’est qu’il trouve que porte n’est pas drôle principalement parce que ce dernier n’a de cesse de moquer les audiences en baisse de l’émission de Morandini sur europe 1, concurrente directe du Fou du Roi, où Didier porte est chroniqueur. Une rancœur qui a trouvé de quoi s’exprimer à l’occasion du recadrage de porte par la direction d’inter (lire page 8). on est plus forts à plusieurs.

Page de duplicitéL’info. « portables, une entreprise mar-seillaise en guerre contre les microbes », la Provence, 8 juin.Le décryptage. Sur la base d’une « étude américaine », le quotidien explique que « des bactéries telles qu’escherichia coli, Streptococcies, Salmonelle et autres Staphylococcies aureus colonisent nos téléphones portables ». Dans la foulée, le journal recommande de se procurer un « gel nettoyant désinfectant universel spécial mobiles » produit par l’entreprise marseillaise fred orman. et, ô hasard, sur le site internet qui commercialise le produit, on apprend qu’une « étude financée par une grande firme améri-caine » indique que « la population bac-térienne des surfaces retenues pourrait inclure des bactéries telles que : escheri-chia coli, Streptococcus, Salmonelle et Staphylococcus aureus ». La Provence ne recopierait pas les fiches produits des sites commerciaux, quand même ?

TowncheapL’info. « Splendeur et décadence en afrique du Sud », l’Express, 7 juin.Le décryptage. Coupe du monde oblige, l’hebdomadaire propose un grand reportage sur le pays hôte, l’afrique du Sud. Six pages bien troussées, mais qui auraient initialement dû donner lieu à un numéro hors-série exclusivement consacré au pays arc-en-ciel. las ! Consta-tant que les annonceurs ne seraient pas au rendez-vous – l’afrique du Sud, c’est pas bien vendeur –, la direction a revu sa pagination à la baisse. en période de crise, les annonceurs dirigent ✹

Pourquoi, à Londres, 84 % des femmes enceintes restent

debout dans les transports ?

A. pour accoucher plus rapidement. B. les sièges des bus provoquent des allergies.

C. les voyageurs qui les pensent obèses ont peur de les vexer en leur cédant leur place. D. pour ne pas payer double tarif.

Réponse : C. les transports publics londoniens ont décidé de fournir des badges « free Baby » aux

femmes enceintes pour remédier à cet « embarras ».

une DéPuTée Pro-arabe DanS le viSeur«R etourne à Gaza, traî-

tresse ! » « On verra ce qu’ils [les islamiques] te

feront, à toi, une célibataire de 41 ans ! » Elle, c’est Hanin Zoabi, la députée israélienne du Parti arabe nationaliste (Balad) présente sur le Mavi Marmara lors de l’assaut sanglant du commando israélien, le 31 mai dernier.Trois jours plus tard, la Knesset surchauffée accueille, sous les sifflets et les insultes, la nouvelle ennemie publique n° 1. Quinze députés sont expulsés après dix minutes de débat. Sur Internet, 24 000 anonymes signent, en 24 heures, la pétition pour obtenir la levée de l’immunité parlemen-taire de la « traîtresse » Zoabi.En l’espace d’une semaine, cette

native de Nazareth est devenue le nouveau visage de la « cinquième colonne » arabe, fossoyeur de l’État juif. Le thème phare de la droite radicale israélienne.En fait, l’épisode en haute mer a appuyé sur la détente d’un pis-tolet déjà chargé contre Zoabi : en mars 2009, la Knesset enra-geait lorsque la députée saluait « la possibilité que l’Iran se dote de l’arme nucléaire ». Le dernier coup de sang remonte à son voyage en Libye auprès de Kadhafi, juste avant d’embarquer sur le Mavi Marmara. La suite, on la connaît.

Mais c’est surtout le pedigree antisioniste affiché de cette femme à l’apparence discrète qui affole les leaders israéliens. Laïque forcenée dans un pays où la religion façonne tout, elle est la première femme arabe diplômée en communication de l’université de Jérusalem.

Elle aurait un lointain lien de parenté avec Abdelaziz el-Zoabi, le pre-mier Arabe à obtenir en 1971

un portefeuille dans un gouver-nement juif. Mais, dans le camp de la députée, on élude la ques-tion. Hanin n’a en effet pas de mots assez durs pour ceux qui pactisent avec l’ennemi israélien. En particulier ces deux femmes arabes qui l’ont précédée à la Knesset sous les étiquettes tra-vailliste (Nadia Hilou) et Meretz (Hussniya Jabara, extrême gauche) : « Elles sont pires que des potiches. »Zoabi est la nouvelle figure à abattre : « Un gérant de super-marché a même promis un Caddie gratuit pour récompenser celui qui aura ma tête. » Conseillons-lui, pour le moment, de ne plus aller faire ses courses ✹ GaBrielle prUDhoN

Pour avoir participé à la flottille, Zoabi est devenue l’ennemie publique.

les bleus en coma de l’éthiqueQui supporter pendant la Coupe du monde ? les bookma-kers vous conseilleront le Brésil ou l’espagne. pas World Development Movement qui place le Ghana et le paraguay parmi ses favoris. Sur le site Whoshouldicheerfor.com, l’oNG a classé les 32 pays en lice selon les indicateurs de l’oNU tels que les inégalités de revenus, l’émission de car-bone ou la parité dans le gouvernement… Dix-huitième, la france sort dès le premier tour de cette Coupe du monde de l’éthique. Sous les sifflets du Web.

un hymne pas très nationalDu foot, encore du foot, oui mais en musique. Depuis quelques semaines, est sorti l’hymne officiel de la Coupe du monde : Waka Waka, chanté par Shakira et freshly Ground, un groupe sud-africain. le problème est que les radios sud-africaines ont mal perçu le fait qu’une chan-teuse colombienne interprète cette chanson, jugeant qu’elle ne représente pas l’afrique. Sans blague.

vikash-cache« Toujours aussi sympa, continue, Vikash ! », « super chronique, Vikash »… les lecteurs du blog de l’ancien joueur des Bleus Vikash Dhorasso, hébergé par lemonde.fr, se sont régalés en suivant sa pertinente analyse du match france-Costa rica du 27 mai, narrée depuis un « troquet désert ». Si Vikash a bien regardé le match, Bakchich peut témoi-gner que l’ex-footballeur l’a fait lors d’une soirée orga-nisée par le site de poker Winamax, dans le très chic Viie arrondissement de paris. et que, malgré les « je » et le nom de Dhorasoo mis en avant, le billet est cosigné par son pote pierre Walfisz, qui, lui, s’est sans doute enfilé cacahuètes et bibines au bistrot du coin. loin du cham-pagne et des petits fours servis à la soirée où Vikash était venu faire la promo du poker en ligne. le blog de Dho-rasso s’appelle « trompe le monde ». et ce n’est même pas du bluff ✹

BaB’ el WeB

iSraël

4 BakChiCh heBDo N°28 | DU SaMeDi 12 aU VeNDreDi 18 JUiN 2010

Apéro

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presse En France, les journaux vont mal, très mal. Parmi les victimes collatérales de cette crise généralisée du secteur, les 30 000 professionnels dont le métier est de vendre quotidiens et magazines. De Lille à Toulouse en passant par Paris, nous avons donné la parole aux kiosquiers.

Rythme harassant, salaires en baisse, concurrence des gratuits et d’In-ternet, désertion des lecteurs… Les

30 000 marchands de journaux de France font la moue. Et parmi eux, les 600 kiosquiers. Encouragés par les subventions de l’Administration d’affichage et de publicité (AAP) et les facilités d’accès à la formation, nombre de ceux qui tentent l’aventure déchantent après quelques années d’activité. Les plus anciens s’in-quiètent d’une profession en voie de disparition. Mustapha a 55 ans. Cela fait deux ans et demi qu’il tient un kiosque à Paris. Avant, il a été chef cuistot, mais son associé l’a roulé. Puis il a été fleuriste, mais « les fleurs, c’est périssable ». Aujourd’hui, il est son propre patron. « C’est un peu par hasard que je me suis lancé là-dedans. Au début, ça a été, ils donnent de bons emplacements pour encourager les nouveaux. Je fai-sais  1 000 euros de  recette  par jour.  Et  puis  je me suis retrouvé ici,  au  métro Saint-Maur. Quand je fais 300 euros de recettes, je suis content. Mais c’est un beau métier. »À côté du Père-Lachaise, l’em-placement est un peu meilleur. Youssef y est kiosquier depuis

quinze ans. Il a vu l’arrivée des journaux gratuits d’un mauvais œil. À tel point qu’en 2006, alors que des colporteurs de 20 minutes et de Métro se sont installés à quelques mètres de son kiosque, il a décidé de porter plainte. Les groupes qui possèdent ces journaux ont alors envoyé leurs bataillons d’huissiers et d’avo-cats pour faire taire le malotru. Résultat, 2 000 euros de perdus pour lui, et une procédure qui n’a même pas abouti. « Les Nou-velles  messageries  de  la  presse parisienne [premier réseau de dis-tribution de la presse en France, devenues Presstalis, ndlr] m’ont fait comprendre qu’il ne fallait pas que je continue. »Negla, elle, est tout sourire. « Aujourd’hui,  il  fait  beau,  les clients sont là. Mais ça ne changera rien aux cinq heures quotidiennes que je vais passer à répertorier les invendus avant de les renvoyer. » Le kiosque qu’elle tient dans le XXe arrondissement avec son cousin Mimoun, « de 6 heures à 

21 heures,  sept jours sur sept », rapporte entre 500 et 600 euros par jour. Mais le taux d’invendus est très élevé, et

manifestement les ajustements des distributeurs sont moyen-nement efficaces. « Parfois, les  NMPP  ne  réclament  pas  les invendus et arguent qu’il est trop tard  quand  on  les  leur  renvoie. 

D’autres fois, on leur réexpédie des titres qui ne se vendent pas et ils répondent que c’est prématuré », raconte-t-elle, perplexe.Nouvelle menace : la concurrence des supermarchés, où se multi-plient les points de vente : + 324 entre 2008 et 2009. Alternative possible : obtenir la concession d’un kiosque à forte affluence – ça existe encore. Les Champs-Élysées, la tour Eiffel, place de l’Opéra… Des concessions très prisées dont l’attribution est indexée sur l’ancienneté.Avec six ans d’expérience, Hicham, kiosquier près du parc Monceau, dans le XVIIe à Paris, est lucide : « Je fais une demande tous les six mois, mais, pour l’ins-tant, il ne se passe rien. De toute façon, ces kiosques sont plus des magasins de souvenirs pour tou-ristes :  ils  font l’essentiel de leur chiffre d’affaires sur les produits 

hors presse. Aujourd’hui, sans les aides de l’AAP, je ferme. »En régions, la mélodie est la même. Kiosquier en plein centre de Lille, le rêve ? Pas pour Steeve, qui bosse soixante-dix heures par semaine pour un peu plus que le smic, les bons mois. En plus de la concurrence du Web et l’effet crise, les gratuits sont distribués sous son nez. Et les payants sont vendus également à deux pas de là, dans une grande librairie nor-diste : « Les gens lisent là-bas, achè-tent par carte bancaire. Moi, je ne peux pas me permettre des frais de CB pour 5 euros. » Du coup, c’est a priori bientôt fini pour lui. « Tant pis pour celui qui reprendra. »Pour René, kiosquier depuis deux ans, à Toulouse, « le  gros souci,  ce  sont  les  abonnements. On  appâte  les  lecteurs  avec  des cadeaux et des promos et les gens ne viennent plus chez nous. Une 

fois  que  les  mecs  sont  abonnés, tu parles… Et plus la presse fera comme ça, plus les kiosques se cas-seront la gueule ».Colette, kiosquière depuis onze ans, elle aussi à Tou-louse, a vu le métier changer. « Aujourd’hui, les gens n’achètent plus la presse. Le souci majeur est là. Pour tenir un kiosque, il faut vraiment aimer le métier. C’est une profession précaire, et je pense qu’à terme il n’y aura plus de kiosques à Toulouse. » Ni ailleurs, serait-on tentés de dire ✹� Simon�piel,�avec�matthieu�amaré��et�nicolaS�montard�(«�dailynord�»)

du�Samedi�12�au�vendredi�18�juin�2010�|�Bakchich�heBdo�n°28 5

Filouteries

en�2008,�Bakchich�dressait�le�portrait�de�pascal,�une�figure�du�métier:�http://minu.me/2ilh/p

www.bakchich.info

Y a de l’eau dans la gazette

Steeve,�kiosquier,�bosse�soixante-dix�heures�par�semaine�et�gagne�le�smic.

l’équilibre�économique,�horizon�lointain�de�la�presse�sur�internet�et�paradis�perdu�pour�la�presse�version�papier.�Selon�les�chiffres�de�presstalis�(principal�distributeur�de�presse�en�France),�en�2009,�les�quotidiens�ont�vendu�340�millions�d’exemplaires,�soit�une�chute�de�65�millions�par�rapport�à�2005;�et�les�magazines,�628�millions,�en�baisse�de�158�mil-lions�d’exemplaires.principale�victime,�la�presse�d’information�politique�et�géné-rale.�un�contenu�payant�qui�ne�se�renouvelle�guère,�la�sanc-tion�des�lecteurs�est�sans�appel.�Selon�l’ojd,�le Nouvel obser-vateur�a�vu�ses�ventes�baisser�de�1,53�%�entre�2008�et�2009,�l’Express,�de�2,38�%,�le Point,�de�1,50�%.�même�Marianne,�

dont�les�couvertures�farouchement�antisarkozystes�ont�un�temps�porté�les�ventes,�est�en�chute�de�7,31�%.les�quotidiens�ne�vont�pas�mieux.�entre�2005�et�2009,�les�ventes�de�Libération�sont�passées�de�136�921�exemplaires�à�111�584.�Le Parisien,�lui,�a�vu�sa�diffusion�payante�baisser�de�5,32�%.�enfin,�les�ventes�du�Monde,�qui�perd�des�euros�par�millions,�sont�en�chute�de�4,14�%.ironie�du�sort,�ce�sont�les�ventes�des�magazines�spécialisés�dans�les�sports�de�combat�qui�ont�le�plus�progressé�:�+�78�%�entre�2008�et�2009.�certains�titres,�parmi�ceux�qui�s’occu-pent�de�poker,�connaissent�aussi�des�jours�heureux.�alors,�qui�s’en�sortira�?�Faites�vos�jeux,�rien�ne�va�plus…�✹�S.�p.

La presse à la baisse

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La grand-messe du football a débuté. Soixante-quatre matchs célébrés, des milliers d’heures de retransmission télé, tout un flot d’émissions consacrées, des sponsors essorés… À commencer par le pays organisateur, l’Afrique du Sud. À croire l’explosif rapport « Player and 

Referee : Conflicting interests and the 2010 Fifa World Cup » rendu par l’Institut d’études sud-africain sur les questions de sécurité, il faudra quelque temps à l’économie bafana pour se remettre de cette odyssée footballistique. Bien plus qu’une mi-temps.Financées par l’association Open Society Foundation for South Africa et rédigées par la crème des journalistes anglo-saxons d’investigation du football, les 248 pages du document énumèrent les chamboulements survenus en terre australe via la Coupe du monde.Véritables boosters de corruption, la multiplication des appels d’offres pour la réfection, la construction et la gestion des stades promettent un après-Mondial sanglant pour les finances des contribuables sud-africains. Sans discrimination.Siphonnées de près de 32 milliards de rands (environ 3,2 milliards d’euros) tout entier consacrés à lustrer l’arc-en-ciel sud-africain pour la venue de l’épreuve, les caisses de l’État vont connaître toutes les difficultés à amortir ces lourds ballons. Les finances des provinces et

mairies accueillantes ne se portent pas mieux.Guère mieux lotis, les professionnels du tourisme s’attendent à de significatives baisses de revenus. Un comble pour une orgie sportive devant attirer près de 300 000 touristes !

À la lecture du brûlot, une curieuse impression. Qu’encore une fois le futur vainqueur sera la Fifa. Rien qu’en droits télé, elle devrait encaisser près de 2 milliards d’euros. Sans compter les produits dérivés ou ce que lui verse la Répu-

blique sud-africaine, environ 310 millions d’euros.Qu’une cérémonie profite à ses grands prêtres n’a rien d’étonnant. D’autant que Sepp Blatter, le boss de la Fifa, n’a rien d’une vestale ✹dossier réalisé par woodward et newton, avec Xavier monnier

6 Bakchich heBdo n°28 | du samedi 12 au vendredi 18 juin 2010

fous de balle Du 11 juin au 11 juillet, 32 nations s’affrontent pour décrocher la pompon du sport roi, la Coupe du monde de football. Si l’identité du vainqueur demeure encore inconnue, une certitude : l’Afrique du Sud n’est pas près de se relever de l’épreuve.

Il faudra quelque temps à l’économie bafana pour se remettre de cette odyssée.

L’ Afrique du Sud,

les dessous, les à-côtés et les hors-jeu de la coupedu monde de football : http://minu.me/2il6

www.bakchich.info

R ien n’est trop beau pour la première Coupe du monde africaine de foot. Pour l’occasion, le Soccer City Sta-

dium de Johannesburg, dans le quartier de Soweto, a fait peau neuve : 3,4 milliards de rands (environ 340 millions d’euros) ont été dépensés pour sa rénovation et le doter de 94 000 places. Le match d’ouverture, la finale et six autres rencontres vont s’y dérouler.

fraudes Pour faire avaler la pilule particulièrement amère aux contribuables, qui supportent l’intégralité de l’addition, la mairie de Johan-nesburg, propriétaire du superbe édifice en forme de calebasse, affirmait dans son rap-port d’activité de 2008 « qu’elle s’assurerait qu’il bénéficierait aux citoyens de la commune, longtemps après le coup de sifflet final de la Coupe du monde ». Les bonnes intentions n’ont pas suffi à éteindre les tensions nées de l’attribution de la gestion du stade pour dix ans à une petite société créée pour l’occasion, la National Stadium SA (NSSA).L’heureuse lauréate présente un actionnaire majoritaire un peu particulier : Global Event Management (GEM), une boîte spécialisée dans la prestation d’agents de sécurité et dont 26 % appartiennent à un certain Gladwin Khangalé. Khangalé, ex-vigile chez GEM, a été incapable de fournir à la presse locale la moindre explication crédible quant à ses fonctions dans l’entreprise. Pas plus

que sur la date, le prix, et surtout l’origine des fonds au moyen desquels il aurait pris 26 % du capital de GEM. Une participation qu’aux dernières nouvelles il affirme ne plus détenir… Il n’en fallait pas plus pour que la frange la plus radicale de la popula-tion blanche de la ville, dont le cœur penche plutôt côté rugby, ne reprenne ses critiques envers le 2003 Broad Based Black Economic Empowerment Act – une disposition légis-lative controversée destinée à favoriser, au moyen d’une politique de discrimination positive, l’accession de la population noire aux marchés publics. Une loi régulièrement accusée d’encourager les conflits d’intérêts, les irrégularités, les fraudes à grande échelle et, finalement, la corruption dans les appels d’offres.

farceUne critique non dénuée de fondement au vu des modalités de désignation de la société NSSA en qualité de gestionnaire du Soccer City Stadium. D’autant que la convention passée entre elle et la mairie de Johannesburg présente des closes pour le moins baroques. NSSA se voit ainsi attribuer la totalité des recettes dégagées lors du Mondial et 72 % des recettes futures si l’exploitation du stade génère moins de 10 millions de rands de profit par an. Enfin, la convention donne à la société le contrôle d’un « compte de réserve » au contenu obscur.

Célèbres pour leur sens de l’autodé-rision, les habitants de Johannes-burg désignent déjà le stade comme le « Sucker’s City Stadium », que l’on pour-rait traduire en français, et avec beau-coup de retenue, par « stade de la ville des dindons de la farce »… ✹

le nelson mandela Bay stadium de port elizabeth a un avenir un peu bouché. les appels d’offres pour l’attribution de sa construction, de sa gestion ou de sa régie publicitaire sont entâchés de soupçons de favoritisme et d’un brin de corruption d’hommes politiques locaux.inauguré le 7 juin 2009, il aura coûté à la seule municipalité de nelson mandela Bay, déjà en situation financière très délicate, plus de 400 millions de rands. l’enceinte sportive ne saurait être bénéficiaire qu’en accueillant une quinzaine de rencontres internationales de rugby par an. une gageure. À l’approche de l’ouverture de la compétition, le patron des marchés publics locaux, Graham richards, s’est finalement décidé à regarder la vérité en face : « La construction du stade aura un impact négatif sur nos capacités à investir dans les infrastructures de la ville au cours des quinze prochaines années. Mon sentiment est que, si le gouvernement du pays ne trouve pas un moyen d’y remédier, les conséquences seront irrémédiables, et mes collègues partagent mon point de vue. » il est bien temps ✹

« Des conséquences irrémédiables »

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du samedi 12 au vendredi 18 juin 2010 | Bakchich heBdo n°28 7

R eprésentée par son big boss Sepp Blatter et son secré-taire général Urs Linsi, la

Fifa a signé, le 4 août 2003, avec la Fédération sud-africaine de foot-ball le contrat attribuant à cette dernière l’organisation de la Coupe du monde 2010. On garde en mémoire les accolades de cir-constance et l’impressionnant document de 146 pages, augmenté de dizaines d’annexes, brandi, tel le trophée lui-même, par le prési-dent de la fédé sud-af vers les jour-nalistes et les photographes pré-sents. Séquence émotion. Hélas, selon la plupart des bookmakers, le pays hôte devrait rapidement quitter la compétition, privant ainsi son peuple d’une bonne partie de la magie de la fête.

2,5 milliards d’eurosD’autant que la Commission sud-africaine des services publics a publié, il y a peu, un tableau de nature à rendre ses concitoyens un tantinet plus nerveux encore. La répartition des ressources allouées aux diverses dépenses de la grand-messe du foot par le gouvernement sud-africain laisse clairement augurer qu’à l’issue de la compétition la seule véritable gagnante sera… la Fifa. La Fédération internationale de foot se voit en effet attribuer le quatrième poste des dépenses de l’État sud-africain pour l’organi-

sation du Mondial. Soit… 310 mil-lions d’euros (voir document) !De la Fifa, on connaissait le fameux slogan « For the good of the game ». On pourra désormais le remplacer par « For the good of Fifa ». Les derniers chiffres annoncés laissent ainsi espérer à Sepp Blatter et ses ouailles quelque 2,7 milliards d’euros de recettes, pour seulement 840 mil-lions de dépenses.Le bonheur d’organiser la Coupe du monde a aveuglé nombre de responsables sud-africains. Dans l’euphorie de l’attente du méga-événement, Pravin Gordhan, le ministre des Finances sud-africain, y était allé de sa petite contribution. Au cours de sa pré-sentation, fin 2009, du budget 2010 au Parlement, il avait affirmé : « On s’attend à ce que la Coupe du monde 2010 contribue au moins pour 0,5 % à la croissance du pro-duit intérieur brut. »Le garçon aurait mieux fait de se taire ! En Europe, où les gouver-nants aux abois cherchent fébri-lement des synonymes aux mots « austérité » et « rigueur » dans leur Dictionnaire illustré de la crise, les mégateufs n’ont pas la cote. Un collectif de sociologues rabat-joie s’est même lâché, dans Libération du 21 mai, en rappelant quelques faits déroutants.D’abord, la suggestion d’Augusto Mateus, l’ancien ministre de l’Éco-

nomie portugais, qui propose de livrer aux bulldozers les stades de l’Euro 2004 organisé par le Por-tugal, plutôt que de s’évertuer à les entretenir. Ensuite, que c’est seu-lement en 2006 que les Canadiens sont parvenus à solder la doulou-reuse des Jeux olympiques d’été de Montréal de 1976 ; ou encore que les Grenoblois ont casqué pen-dant vingt-cinq ans pour régler la note salée des médailles d’or de Jean-Claude Killy aux JO d’hiver de 1968. Enfin, pour coller un peu plus à l’actualité, les empêcheurs de jouer en rond ont rappelé que les JO d’Athènes de 2004 ont coûté 9 milliards d’euros au contri-buable grec. Contribuable qui, comme chacun sait, vient d’être condamné à la double peine par le FMI pour avoir laissé filer ses finances publiques en direction des stades.

gros nuagesPour noircir un peu plus le tableau, on cite maintenant, et à tout bout de champ, à Johannesburg, une étude du cabinet financier Mer-rill Lynch. L’étude relève que, de 1954 à 2006, les organisateurs des grandes compétitions sportives internationales ont enregistré, l’année de la fête, une croissance économique inférieure à son rythme habituel. De gros nuages en perspective sur l’arc-en-ciel sud-africain ✹

L ’industrie du tourisme sud-af va sentir passer la pilule de la Coupe du monde et la couleuvre Fifa. Le 3 novembre 2008, Mocketsi Mosola, le porte-parole des marchands

de sommeil, a fait un véritable triomphe lorsqu’il s’est écrié, face à ses collègues : « Nous leur avons dit que nous acceptions

de travailler avec eux à condition que ça n’entraîne pas la faillite de nos adhérents après 2010. À quoi sert la Coupe du monde si l’industrie touristique sud-africaine n’en tire aucun bénéfice ? » Le ministre du Tourisme Marthinus Van Schalkwyk a même dû rappeler les règles du jeu aux braconniers de la Fifa. En vain ?Après avoir concédé l’exclusivité de l’héberge-

ment officiel à Match Events Services et à Match Hospitality, deux structures très proches de l’ins-

tance suprême du foot, la Fifa a prié ces deux sociétés de ne pas trop se goinfrer sur les prix des chambres d’hôtels. Et de

limiter la hausse de 17 % par rapport aux prix en cours en juin 2007. Une demande qu’elles ont dû oublier…Sur les 55 000 chambres réservées par Match Hospitality, 40 000 seule-ment ont été confirmées au 30 octobre dernier. Seuls 300 000 des 450 000 touristes étrangers espérés vont se déplacer. Selon nos informations,

des centaines de chambres « officielles » restent encore sur les bras des hôteliers sud-africains. Dont nombre des 730 places réservées auprès de la SA National Parks, qui gère les chambres du célèbre Kruger Park. Cette société tablait sur une recette totale de 52,5 millions de rands au cours de la Coupe du monde. C’était avant de déchanter. Puisque Match

Hospitality a surfacturé les tarifs du Kruger dans des proportions ini-maginables : de quatre à dix fois le tarif normal, décourageant nombre de candidats, peu désireux de se faire plumer. Aujourd’hui, les lodges de ce joyau touristique sud-africain sonnent bien creux. Un peu rageant pour l’hôtelier, qui a dû rembourser certains habitués de leurs arrhes et les a priés d’aller trouver refuge ailleurs pendant le Mondial. Pour laisser la place à des fans fantômes ✹

grande perdante

a en avril, la commission sud-africaine pointait les dépenses de son pays, dont les 310 millions d’euros versés à la Fifa.

les prix des chambres ont explosé : de quatre à dix fois par rapport au tarif normal.

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didier porte : « il paraît que hees déteste mon travail »Le 20 mai, l’humoriste Didier Porte fait sa chronique dans la matinale de France Inter. Imitant Dominique de Villepin, il répète plusieurs fois « J’encule Sarkozy ». Philippe Val n’a pas apprécié…

Vous êtes sur la sellette après une chronique jugée vulgaire par Philippe Val. Les temps sont-ils durs pour les humo-ristes de France Inter ?Oui. Le plus surprenant, c’est que la chronique en question n’a pas suscité beaucoup de réactions après sa diffusion. Seuls quelques auditeurs m’ont fait part du fait qu’ils ne la trouvaient pas très réussie. Je reconnais d’ailleurs qu’elle n’était pas très bonne. Mais il a fallu attendre quinze jours pour qu’une brève dans le Nouvel obs intitulée « Didier Porte doit-il la prendre ? », qui mentionnait ma convocation dans le bureau de Philippe Val, pour que l’affaire s’emballe. Tout cela m’étonne parce que je m’étais engagé à ce que cet entretien reste confidentiel. Comment s’est passé votre entretien avec Val et Laurence Bloch, la directrice adjointe de la rédaction d’Inter ?Ça a été plutôt… viril. J’avais l’impression d’avoir commis les saloperies d’Émile Louis ou de Guy Georges ! Mais, après tout, je trouvais ça normal de me faire engueuler, et je pensais qu’on en resterait là. J’ai été très surpris en recevant l’avertissement, car ni Val ni Bloch n’en avaient parlé durant l’entretien. J’étais prêt à démissionner de la matinale, mais mon avocat m’en a dissuadé.

Au fond, cette chronique n’est-elle qu’un prétexte pour vous mettre sous pression ?C’est évident. Ça fait plus de dix ans que je fais des chroniques, il est vrai très engagées à gauche. Les mots du genre de celui uti-lisé dans le papier mis en cause, je les ai déjà employés à maintes reprises sans que ça fasse de vagues. Depuis leur nomination, toutes les interventions publiques de Val et Hees vont dans le sens d’un déplacement des humoristes à d’autres horaires.Vous avez eu des contacts avec Jean-Luc Hees depuis cette chro-nique ?Non. Je lis dans la presse qu’il déteste mon travail. Pour l’his-toire, je me suis fait virer de France Inter en 1996, pour « inhu-manité ». Michel Boyon [alors PDG de Radio France, ndlr] et Jac-ques Santamaria [patron d’Inter à l’époque, ndlr] n’avaient pas vraiment goûté le fait que je pré-conisais l’euthanasie de Johnny Hallyday. En 1999, c’est Hees qui m’a réembauché. S’il déteste mon travail comme on le dit, ces dix années de chroniques quasi quo-tidiennes ont dû être vraiment pénibles pour lui.Comment voyez-vous la suite ?J’essaie d’être correct avec Inter. J’ai un contrat qui court jusqu’en juin et je vais l’honorer. Stéphane Bern [animateur du Fou du roi, ndlr] m’a appelé dimanche pour m’apporter son soutien et m’a assuré qu’il me voulait dans l’équipe du Fou du roi l’année pro-chaine. Pour le reste, on verra ✹� recueilli�par�s.�p.

Jean-François�probst�vous�stimule�?�Dégustez�ses�chroniques�Web�:http://minu.me/1vbh�

www.bakchich.info

intervieW

énervé morinHervé�Morin�a�la�dent�dure.�Début�juin,�le�ministre�de�la�Défense�a�invité�quel-ques�journalistes�du�Parisien�et�du�Figaro�à�déjeuner.�Mais�nathalie�segaunes�(Parisien)�et�anne�rovan�(Figaro)�ont�été� exclues� du� gueuleton.� en� effet,�Morin�n’a�pas�apprécié�le�chapitre�qui�lui�est�consacré�dans�leur�livre,�Déjeu-ners avec des ministres sous pression.�ce�qui�n’a�pas�empêché�le�Fig�de�répondre�à�l’invitation,�sans�anne�rovan…�et�les�journalistes�du�Parisien conviés�de�boy-cotter�le�déjeuner.

hollande, le cumul artil�en�faut�peu�pour�être�heureux.�François�Hollande�et�ses�fidèles�se�sont�retrouvés�mardi�soir�après�la�réunion�du�parle-ment�du�ps�pour�sabrer�le�champagne.�un�nouveau�programme�adopté�?�Bien�mieux�!�ils�ont�fêté�la�victoire�du�recul�de�la�mise�en�place�du�non-cumul�des�mandats�pour�les�parlementaires�socia-listes,�reporté�de�septembre�2011�à�sep-tembre�2012.�un�an�de�gagné�!�De�quoi�pouvoir�encore�se�présenter�pour� les�prochaines�sénatoriales�et�législatives,�même�avec�un�mandat�local.

Copé de l’âmele�député�uMp�du�val-d’Oise�Jérôme�chartier� a� subi� les� foudres� de� Jean-François�copé.�Motif�:�il�a�osé�présenter�une�proposition�de�loi�pour�encadrer�les�agences�de�notation.�pourquoi�diable�le�patron�des�députés�uMp�était-il�en�colère�?�parce�que,�en�même�temps,�il�fait�des�heures�sup�comme�avocat�d’affaires�dans�le�cabinet�Gide-loyrette-nouel,�qui�défend�une�agence�de�notation.

darcos toujoursXavier� Darcos,� l’ancien�ministre� de�l’Éducation,�est�dépité�de�ne�pas�avoir�été�reconduit�au�gouvernement,�puis�de�ne�pas�avoir�été�nommé�président�du�château�de�versailles.�et�il�l’a�fait�savoir.�nicolas�sarkozy�lui�a�d’ailleurs�reproché�ses�lamentations�:�« La façon dont se sont comportés Darcos et sa femme est indigne,�a-t-il�fait�remarquer�à�certains�de�ses�ministres. Si un jour vous quittez le gouvernement, restez dignes. Son attitude a été pathétique et écœurante. »

hortefeux éteintDepuis� qu’il� a� été� condamné,� Brice�Hortefeux�se�tait.�Mais,�ayant�fait�appel�du� jugement�qui� l’a� condamné�pour�racisme,�il�met�une�pression�immense�sur�ses�avocats�:�« Surpassez-vous,�les�a-t-il�enjoint. Car si je suis condamné en appel, je serai obligé de présenter ma démission. »�cela�ne�veut�pas�dire�que�sarkozy�l’accepterait… ✹

conFIDences

L’humeur ne doit pas suivre les pleurs d’un ciel parisien bien triste ces derniers jours. Et un franc brin d’optimisme m’assaille avec un souvenir de 1979. J’étais alors membre du cabinet de Fran-çois Poncet, ministre des Affaires étrangères, tout sauf un Mickey d’Orsay, qui avait été convoqué… par une commission du Sénat. Tout naïfs et jeunots, nous avions cru qu’il ne fallait pas déranger le patron, alors en voyage à New York. Diantre, il avait rappliqué fissa pour répondre à la haute Chambre. Force restait à la loi et aux élus.

Passé de l’autre côté du miroir comme secrétaire général du groupe RPR au Sénat, d’autres grandes commissions d’enquête m’ont enthousiasmé. Sur les dérives de la police, la société générale… C’était le temps où des ministres, des grands patrons, des hauts flics se présentaient le doigt sur la couture du pantalon devant la haute Chambre. Au garde-à-vous devant la République. Un temps glorieux qu’il faut ressus-citer…

Ah ! si les parlementaires ne sont même plus capables de

pondre des grosses commissions avec les affaires en cours… Vite ! une enquête sur l’attentat de Karachi, les contrats de sous-marins et sur l’assassinat du ministre Robert Boulin. Cela per-mettra de revoir la bouille d’un Giscard éteint comme jamais.

Aux armes, les sieurs Accoyer et Copé ! S’il vous faut batailler, c’est à présent, et le combat ne devrait pas effrayer le petit Jean-François de Puteaux, s’il a vrai-ment des ambitions… Plus vite les parlementaires se réveille-ront, plus tôt la France sortira de l’ornière bananière dans laquelle l’a plongé Sarkozy. Même Ali Ben Bongo, au Gabon, ou Denis Sassou-Nguesso, au Congo, n’ont pas osé désigner directement le patron de leur télé publique… Ou alors qu’il fasse carrément l’éco-nomie des salaires des membres du CSA. Pour faire les commis-sions de l’État ! ✹

grIPPe a, La PanDémIe a un anDans�une�note�datée�du�11�mai�2009,�un�mois�avant�que�l’OMs�ne�déclare�l’état�d’alerte�général�sur�la�grippe�a,�le�directeur�général�de�la�santé�de�Mme�Bachelot,�Didier�Houssin,�décrivait�par�le�menu�une�stratégie�de�guerre�forte�de�« 64 millions de traitements afin de vacciner la totalité de la population française ».�encore�que�le�point�8�de�ladite�note�ajoutait�cette�« recomman-dation » ahurissante�:�« La question se posera de la vaccination des étrangers vivant habituellement sur le territoire national. »�pour�les�« étrangers »,�il�n’y�a�pas�urgence�!�cédez�le�passage�!pour�vacciner�nos�chers�citoyens,�le�ministère�de�la�santé�a�fait�appel�à�l’ex-pertise�du�comité�de�lutte�contre�la�grippe.�un�groupe�de�17�honorables�spécialistes,�tous�non�identifiés,�qui�ont�eu�la�particularité,�durant�la�pan-démie,�de�pondre�43�avis,�dont�aucun�n’a�été�rendu�public�!�pourquoi�un�tel�mystère�?Depuis,� la� presse� a� révélé� que� six� de� ces�« experts »�ont�reçu�des�« rémunérations per-sonnelles »�de�la�part�des�labos�producteurs�de�vaccins�:�roche,�sanofi�pasteur,�novartis�et�GsK.�avec,�dans�le�top�3�:�Fabrice�carrat,�membre�du�conseil� scientifique�de�roche,�qui�a�participé�à�diffé-rents�congrès�sur�la�grippe.�tout�comme�le�docteur�catherine�Weil-Olivier,�membre�du�comité�scien-tifique�de�sanofi�pasteur,�qui�a�été�trois�fois�« intervenante »�au�nom�de�la�boîte�en�2009.�Ou�Bri-gitte�autran,�qui�travaille�également�chez�sanofi,�depuis�2006,�pour�des�« évaluations »,� des�« participations à un groupe de travail »�et,�dernièrement,�« la co-organisation d’un essai clinique de vaccin antigrippe H1N1 ».�santé�!�✹� �lOuis�caBanes

Jean-François Probst, ex-conseiller de Jacques Chirac, Charles Pasqua ou de Jean Tiberi, commente l’actualité.

8 BaKcHicH�HeBDO�n°28�|�Du�saMeDi�12�au�venDreDi�18�Juin�2010

Filouteries

l’HuMeur�De�prOBst

vive�les�GrOsses�cOMMissiOns

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du samedi 12 au vendredi 18 juin 2010 | Bakchich heBdo n°28 9

Bazar

blâme Bakchich a exhumé une lettre d’Alain Badiou, datée de 1998. À l’époque professeur à l’université Paris VIII, le philosophe s’excuse de ses trop nombreuses absences auprès de ses élèves. Et les raisons invoquées sont toutes plus savoureuses les unes que les autres.

Peut-on être un phi-losophe de l’ultra-gauche et tant aimer « partager la vie des acteurs » que l’on en oublie ses étudiants

de l’université Paris VIII Vin-cennes-Saint-Denis, dans le 93 ? C’est la question que nous posons à Alain Badiou.Nous l’adorons révolté contre « les imposteurs qui, depuis vingt ans, représentent dans les médias la philosophie ». Il nous interroge quand il crie haut et fort que « l’hy-pothèse communiste en est histo-riquement  à  ses  débuts ». Nous admirons son courage quand il rappelle, contre les anticom-munistes qui confondent Sta-line et la révolu-tion, que « l’échec sanglant  d’une entreprise n’est pas son jugement dernier ». En revanche, nous com-mençons à douter des convictions de notre nouvelle star des médias quand une de ses anciennes élèves de Saint-Denis nous envoie une vieille lettre de l’enseignant.Alain Badiou avait

alors des « absences non annon-cées ». Ses élèves ont souvent « attendu  en  vain » la venue de leur professeur. Il préférait écrire « trois romans, cinq pièces de théâtre (toutes jouées) » et « par-tager la vie des acteurs » qu’évan-géliser les supposés loulous de banlieue.Notre « staliniste », comme le qualifièrent Deleuze et Lyotard, se défend de mépris pour ses étu-diants. Certains mal intentionnés y voient un déni, d’autres, plus cyniques, une formule de poli-tesse condescendante d’un profes-seur à ses élèves. C’est vrai que de nombreuses absences, pendant

deux ans, sans prévenir, cela crée un doute. En 1998, le télé-phone existait déjà ; il suffisait d’appeler la

secrétaire de la fac et de reporter le cours. L’histoire ne dit pas si Alain Badiou avait les mêmes comportements à l’égard des étudiants de Normale sup, l’élite de la philo française, mais on en doute. Un an après cette lettre, il quittait la banlieue triste pour la rue d’Ulm et le Ve arrondissement

de Paris. Plus glamour.Circonstance aggravante,

lui, l’ancien major de l’agrégation, aurait dû apprécier l’engagement des élèves de cette fac populaire qui a sur-vécu à Vincennes et aux révoltes de Mai 68. L’environnement avait de quoi le satisfaire. Créé en réaction au mandarinat, à l’éli-tisme, l’établissement devait enseigner la philosophie « dans une volonté marquée d’anti-

académisme,  ouverte sur  l’immédiat  social  et politique ». À moins que

notre maoïste, par réaction antisoviétique, ait refusé de

faire cours dans une fac sise rue de la Liberté, encadrée par la rue Lénine et traversée par la rue de Stalingrad. Un philosophe sait pourtant qu’au-delà des discours, l’engagement se mesure aussi par le don de soi. En cours ✹ Bertrand rothé

Badiou préférait « partager la vie des acteurs » qu’évangéliser ses élèves.

Badiou, prof aux abonnésaBsents

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10 Bakchich heBdo N°28 | du samedi 12 au veNdredi 18 juiN 2010

Bazar

paris

T rop sentimental, ce Ber-trand ! En voulant faire plaisir à ses copains Arnaud

Lagardère, fana de tennis, et Max Guazzini, flamboyant patron du Stade Français, club de rugby du Top 14, le maire de Paris s’est fourré dans un sacré guê-pier judiciaire. Tout commence en 2004 lorsque la mairie refile, sans mise en concurrence, le droit d’exploiter pendant vingt ans le stade Jean-Bouin à l’association Paris Jean-Bouin. Laquelle est associée au groupe Lagardère, qui y installe son fameux Team destiné à devenir une usine à médailles.Jean-Bouin est un site en or, logé entre le Parc des Princes et Roland Garros : un stade, mais surtout 17 courts de tennis couverts – rare à Paris – et des surfaces de bureaux. L’association verse à la mairie un modique loyer de 59 000 euros par an (plafonné à 100 000 euros), soit 1 euro du mètre carré !

bertrand, max, arnaud…Le plus étonnant, c’est que l’asso qui gère le complexe réussit à perdre du fric : 3 891 euros en 2005 et près de 90 000 en 2008. Et, comme le prévoit la convention avec la mairie, dans ce cas-là, c’est au contribuable parisien de casquer. Paris Jean-Bouin touche ainsi, pour 2007, une aide annuelle de 91 470 euros, a noté l’Équipe magazine. Les recettes déclarées par l’association, 1,7 million d’euros en 2007, ne couvrent pas les charges.Aujourd’hui, la municipalité, qui

a joliment augmenté les impôts locaux des Parisiens, a décidé de transformer, pour le club de Max, le stade en un superbe écrin de 20 000 places signé de l’archi-tecte Rudy Ricciotti. La mairie lance un appel d’offres pour un nouveau contrat de gestion des courts de tennis. Et, cette fois-ci,

l’inévitable Lagardère n’est plus candidat. Reste le Paris Tennis Club, bête noire de Delanoë, qui, cette fois, hésite, alors que la Fédération française de tennis, candidate, est donnée favorite.

Le Paris Tennis Club est à l’ori-gine de l’instruction au pénal pour favoritisme et prise illégale d’intérêt, pour laquelle Bertrand, Max et Arnaud ont été audi-tionnés. Et à l’origine aussi d’une partie endiablée que se jouent, en cinq sets, un Conseil d’État qui ne juge pas indispensable la mise en concurrence et un tribunal admi-nistratif, défendu par la chambre d’appel de Paris, qui plaide le contraire.

au stade où on en est !Pour revenir à l’appel d’offres, la remise des propositions finales devait avoir lieu ce vendredi 11 juin. Non sans mal, plusieurs candidats se sont fait communi-quer tous les comptes de Paris Jean-Bouin par la Ville. Un bien maigre résultat d’exploitation de 1 185 euros ressort en 2009. En contradiction totale avec les déclarations de Jacques Lelièvre, le gestionnaire de l’association

Paris Jean-Bouin. « Au 31 août 2009, le résultat d’exploitation du Paris Jean-Bouin était excédentaire de 370 508 euros. La bonne santé financière et la qualité de la gestion de notre club ne peuvent donc être remises en cause », explique-t-il dans un

droit de réponse à l’Équipe magazine, qui a publié un dos-

sier embarrassant, le 23 janvier dernier.Qui croire au bout du compte ? Et qui a intérêt à minorer les comptes du stade Jean-Bouin ? La mairie, pour décourager une surenchère entre candidats qui ferait ressortir la fleur faite à Lagardère en 2004 ? ✹ émile BorNe

delanoë taquiné par l’affaire jean-bouin

raciNg cluB

L e malheur n’arrive jamais seul et ne frappe que les riches. Voilà qu’Arnaud Lagardère fait des misères au petit peuple du Racing club de

France – aujourd’hui le Lagardère Paris racing –, club sportif ultra-chic du bois de Boulogne. Autre-fois, l’endroit était géré par des aristos et des fils de, adeptes de l’entre-soi. Depuis que Bertrand Delanoë a cédé la concession de la Croix-Catelan à Lagardère, en 2006, le diable s’habille en Matra.Arnaud avait une idée : faire du Racing une usine à médailles, sous le slogan « donnons des champions à la France ». Quatre ans plus tard, il a renoncé à son concept d’usine à champions, ce qui convient à ses adhérents. N’empêche, les damnés de la terre battue râlent. Sur Internet, d’hon-nêtes bourgeois vont jusqu’à suggérer que Lagardère et Delanoë sont des paltoquets. C’est vous dire si sifflent les baronnes !

Car, sur la promesse des « meilleures installations possible », les racingmen sont déçus. Les cours de tennis promis, dont quelques-uns sur gazon (si chic), ne sont pas là. Pis, pour la « démocratisation », la coti-sation va taper dans les 2 700 euros et le droit d’entrée reste à 6 400 euros, ce qui vous esquinte le smic.Mais, comme pour les homards, le cœur du drame

est dans les casiers. Avant, les 19 000 membres du Racing avaient droit à un casier. Fini ! Au lieu du joli placard, une « consigne à balluchons ». « Mais, alors, c’est comme à la piscine municipale ! » s’écrient les baronnes dans leurs blogs.Par bonheur, Arnaud profite gratuitement, et pour vingt ans, de l’ancien siège du club bleu et blanc, un très bel immeuble de la rue Eblé, dans le VIIe arrondissement de Paris. Faisant par là preuve d’un bel esprit sportif ✹ jacques-marie Bourget

aristos et snobs dupés par lagardère

a en s’installant, en 2007, dans l’ancien bâtiment du centre technique de l’aluminium, la Fédération française de football (FFF) a hérité de bas-relief classés, dont celui-ci, représentant une femme nue.

a avant le mondial, la FFF a affiché, autour du même bas-relief, la photo de joueurs du onze français, dont ribéry, avec le slogan « Des Bleus, près du cœur ». deux mois après l’affaire Zahia, « des Bleus, près du c… » eût été jugé provocateur…

les bleus savent à quel sein se vouer

C achez ce Franck ribéry que de chastes yeux ne sauraient voir… le mois dernier, à Boulogne-

sur-mer, le portrait géant du milieu de terrain des Bleus, prévu pour être placardé sur un immeuble du port, avait provoqué un beau ramdam. la star de l’équipe de France traversait de grosses turbulences médiatiques, suites de l’affaire Zahia, du prénom de la prostituée mineure avec laquelle Franck avait fricoté.le conseil régional du Nord-pas-de-calais avait suspendu l’affichage de la photo – une pub pour Nike. ces chers élus jugeaient immorale l’association de l’image de la région à celle du foot-balleur, enfant du pays, avant de faire marche arrière.cette fois, c’est le patrimoine parisien qui rattrape Franck « scarface » ribéry et ses compagnons de jeu. sur la façade du siège de la Fédération française de football (FFF), situé au 87, boulevard de grenelle (Xve arrondissement de paris), le slogan « Les Bleus, près du cœur » vient de remplacer le leitmotiv de l’après-coupe du monde 2006 : « On vit ensemble, on vibre ensemble. » une image reste inchangée : « Près du cœur » des joueurs de l’équipe de France, la sculpture d’une femme posant lascive-ment dans le plus simple appareil…le clin d’œil grivois de la Fédé a de quoi surprendre les passants, d’autant que son spartiate président, jean-pierre escalettes, a toujours botté en touche quant aux récentes affaires de mœurs qui ont touché les Bleus. que les puri-tains se rassurent, la blagounette de l’équipe de communication de la FFF est involontaire. en installant, il y a trois ans, son siège dans l’ancien centre technique de l’aluminium, la Fédé a hérité de bas-reliefs créés en 1942, qui représentent des ouvriers en tenue de travail. les scènes stakhanovistes posées sur la façade du bâtiment sont agrémentées de naïades aux seins nus.du sexe et de la sueur, la FFF n’aurait pas pu trouver meilleure illustration pour inciter les Bleus à mouiller le maillot en afrique du sud ✹ laureNt macaBies

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du samedi 12 au vendredi 18 juin 2010 | Bakchich heBdo n°28 11

Bazar

Quand les industriels de la grande consommation passent au faux vert :http://minu.me/2il7

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échos des cabas

Droit au butLes pros de la passe entendent tirer profit de la Coupe du monde. L’association de prostituées de Rio Daspu, au Brésil, a lancé une ligne de vêtements aux couleurs de l’équipe nationale avec des slogans à double sens comme « Eu jogo pelada ! » (« Je joue au ballon » et « Je joue nue »). Le tout floqué… du numéro 69.

Deconnecting peopleLe 7 juin, le patron d’Apple, Steve Jobs, a présenté son iPhone 4. Les médias ont chaudement acclamé le messie censé sauver la presse mondiale. Le Daily Mail rapporte pourtant le beau plantage du joujou quand Jobs a voulu prouver sa facilité de connexion. La faute, selon lui, aux journalistes qui monopolisaient le réseau Wi-Fi.

Pilote automatiqueUne université britannique a mené des tests sur des professionnels de jeux vidéo âgés d’une vingtaine d’années. Bonne nouvelle : ils développent une vivacité comparable à celle des pilotes d’avion de chasse. Petit bémol : leur fonction pulmonaire ressemble à celle d’un « fumeur de soixante ans » ✹

écologie En vallée de Chevreuse, Nestlé Waters exploite une source d’eau dans un parc naturel régional protégé. Pour se développer, la filiale de la multinationale suisse n’a pas hésité à esquinter l’endroit. Avec l’aval du préfet.

nestlé entre deux eaux

L e développement buvable ne coule pas toujours de source ! Même quand on s’appelle Nestlé Waters.

La filiale de la multinationale agroalimentaire suisse connaît quelques déboires en vallée de Chevreuse, dans les Yvelines. Dans ce très coquet et très bour-geois parc naturel régional, à deux pas du site de l’ancienne abbaye de Port-Royal, Nestlé puise et embouteille depuis des lustres une eau de table, la Saint-Lambert. Or la Saint-Lambert, vendue localement, ne suffit plus au groupe helvète, qui veut une eau globalisée pour conquérir le marché européen et contrer

Danone. Nestlé crée donc, en 2000, Aquarel, une eau alimentée par plusieurs sources (Espagne, Belgique, Italie…), et obtient, en 2006, l’autorisa-tion de pomper une autre nappe phréatique en vallée de Che-vreuse pour la produire.Mais le hic, à Saint-Lambert-des-Bois, c’est que le site est peu pro-pice à une logistique de masse. Nestlé, parangon du dévelop-pement durable, obtient du préfet d’y aller à la hache et abat 4 600 mètres carrés de bois. Il lui faut une nouvelle route, une aire

de 9 000 mètres carrés pour les camions et un nouvel entrepôt.« Pour refaire une toiture, on nous casse les pieds parce qu’on est dans 

un parc régional, et  là  on  permet de  construire un  bâtiment hideux  à  500 mètres  d’une église médiévale 

et d’un cimetière classés », râlent plusieurs associations de rive-rains et d’écologistes.Oui, mais c’est qu’il y a de la taxe professionnelle à récupérer pour cette commune de 500 habitants. « Nestlé apporte la moitié de notre budget », indique le maire, Jean-

Pierre Le Metayer. Alors quand le géant helvète menace de plier les gaules faute d’une meilleure « flexibilité du site », la commune se plie aux désirs de la firme.L’ennui, c’est que l’édile a voulu aller aussi vite que les bulldozers de Nestlé. Il a pris une série d’ar-rêtés avant que Jean-Louis Borloo l’écolo n’ait donné son feu vert, via la commission des sites. De toute façon, un recours a bloqué la construction de l’entrepôt.Résultat, à la fin mars, le tribunal administratif, saisi par les asso-ciations, a retoqué trois permis délivrés par le maire. En atten-dant, les bouteilles sont stockées à l’air libre et prennent leur dose quotidienne de rayons UV…Le maire hésite entre appel, nouveau permis dans les règles et négociation. « J’ai préservé la commune  pendant  des  années, mais, avec la crise, il faut penser à l’emploi », plaide-t-il.Le plus ironique, c’est que les ventes d’Aquarel ne décollent pas. Nestlé envisagerait donc de rem-placer la marque par une autre du groupe, qui cartonne dans le monde entier : Pure Life, « Pure vie ». Une source Pure vie dans un parc naturel régional ? Pas sûr que cela suffise à amadouer les écolos locaux ✹ e. B.

D e l’art de mettre les lecteurs dans la poche : le monde est fou. on

formulera même la pénible hypothèse qu’il le devient de plus en plus. voyez plutôt la manière dont un pays civilisé – la France – a accueilli sans broncher le déferlement des « biocarburants », que je préfère, et de loin, nommer nécrocarburants. n’apportent-ils pas la mort avec eux ? rappelons que des bons pères de famille travaillant dans des laboratoires modernes trouvent normal de changer des plantes ali-mentaires en carburant automobile.ces excellentes personnes morales jugent acceptable de changer des millions de tonnes de maïs, de canne

à sucre, de soja, de blé, de colza, de tournesol, de betterave, en essence et diesel. cela, dans un monde qui compte plus d’un milliard d’affamés chroniques. La limite est-elle atteinte ? oui, car on pourrait difficile-ment faire plus extrémiste. non, car il existe des réserves d’imagination, comme en témoignent les historiettes suivantes.on apprend fin 2007 que joão cláudio Plath, habitant de la ville brésilienne d’apucarana, a décidé de fabriquer seul l’essence de son auto. ingré-dients : de l’alcool, de la soude caus-tique et du méthanol, le tout accom-pagnant de la graisse de poulet.

au même moment, deux géants industriels américains, Tyson Foods et conocoPhillips, lancent une gamme de carburants tirés de restes de porc, de poule et de volaille. il faut ajouter que le gouvernement fédéral accorde au même moment 1 dollar de déduction fiscale pour chaque gallon – 3,78 litres – de carburant issu des animaux. au danemark, l’entreprise daka lance, à Løsning, une usine qui devrait à terme produire 55 millions de litres de diesel à base de graisses animales.La France, je suis navré de devoir l’écrire, serait plutôt en retard. L’entre-prise saria, spécialisée dans l’équarris-sage, avait annoncé en 2007 l’ouver-

ture d’une usine capable de traiter 200 000 tonnes de diesel par an grâce à ses nom-

breux et savoureux déchets d’abattoir. L’installation n’est pas encore opéra-tionnelle. mais cela viendra, car, appa-remment, tout viendra. d’ailleurs, lec-teurs de Bakchich, êtes-vous choqués ? utiliser l’animal jusqu’à cramer l’ul-time goutte de sa graisse, est-ce que cela vous gêne ? moi, cela me rappelle le pire ✹

jusQu’à La dernière gouTTe

écoLo Façon nicoLino

Auteur, entre autres, d’un ouvrage sur les pesticides, Fabrice Nicolino tient un blog sans concession sur l’environnement, Planète sans visa.

Affamé

Pour agrandir son site, Nestlé a abattu 4 600 mètres carrés de bois.

et le burger devint bioà quoi voit-on qu’une bonne idée passe du côté obscur du marketing ? Quand ses déclinaisons commencent à faire doucement sourire. Le bio, par exemple, dont l’image risque d’être sérieusement écornée par les « restaurants » Quick. La chaîne belge a annoncé le lancement, en septembre prochain, d’un… cheese-burger bio à la carte de ses 376 adresses françaises. de quoi faire doucement se gondoler n’importe quel diététicien un peu sérieux. à moins, bien sûr, de vouloir inventer le concept de cholestérol bio…mais mcdo, ce n’est guère mieux. depuis le 1er avril, l’enseigne propose un yaourt bio avec ses menus pour enfants happy meal. Le pro-duit est fourni par senoble, grand groupe français de produits laitiers, qui voit là une formidable oppor-tunité de développement. un raisonnement qu’il est tout de même assez difficile de suivre, car à part perdre un peu de sa légitimité – celle du groupe et celle du bio –, on ne voit pas trop ce qu’il y a à gagner dans cette aventure.Bon sang, mais c’est bien sûr : de l’argent ! comment en vouloir à ces industriels qui, tous, se lancent dans le bio ? ils bavent d’envie en regardant les courbes de croissance d’un sec-teur dont les ventes ont représenté 3 milliards d’euros en France, l’année dernière. soit un quasi-doublement par rapport à 2005 (1,6 mil-liard d’euros). difficile, donc, de résister à la tentation. de l’envers de la bio manne : force verte devant, obscure derrière… ✹ hugo héLeTTe

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12 Bakchich heBdo N°28 | du samedi 12 au veNdredi 18 juiN 2010

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safari à la découverte des grands entrelacs de la Françafrique :http://minu.me/2ila

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gaBoN

on en pince pour omar

U n an déjà a passé depuis sa mort. Mais l’esprit de feu Omar Bongo, tout-puissant

président gabonais de 1967 à 2009, veille encore sur les soubresauts de la Françafrique. La présence de voitures diplomatiques et d’ex-ministres français de la Coopé-ration (le bras de la France en Afrique) l’atteste – rares sont ceux qui ont raté la messe célé-brée à la mémoire de Bongo, le 8 juin, en l’église Saint-François-Xavier, à Paris.Aux premières loges de l’office, Bernard Debré, Jacques God-frain, et même Jean-Marie Bockel. Le secrétaire d’État aux Anciens combattants avait pourtant été défenestré de son ministère à cause d’un oukase du mollah Omar, porté par Robert Bourgi. Missi dominici de l’Élysée en Afrique, « Bob » Bourgi est en retard et se glisse, pendant le premier chant, dans le Saint des Saints. Sous l’œil amusé de Louis Dominici, aussi longtemps ambassadeur de France au Gabon (1986-1994) que VRP des intérêts corses en Afrique centrale. Aucune des per-sonnalités présentes ne souligne l’incongruité d’un rite catho pour un musulman franc-maçon…Devant cette cour d’habitués, l’ambiance fleure bon le Gabon. Le prêtre se fait même griot. Ancien précepteur des (très nom-

breux) enfants d’Omar, le reli-gieux confesse l’avoir côtoyé dès 1973. Et de son homélie ne ressor-tent que la « bonté, la générosité et l’amour des gens » d’un président qui fut surnommé « le cannibale de Lewaï », ou la puissance de ses rencontres avec Jean-Paul II, « le seul qui l’avait réellement ému et avec qui il partageait la passion de l’homme ». Sympa pour Nelson Mandela, dont Omar était aussi

très proche. La quête même rappelle les bons côtés du père Bongo. Omar était loin d’être une pince. Les

corbeilles de dons pour l’église se garnissent gentiment de billets et d’enveloppes fournies. Aucun héritier n’était en revanche pré-sent. Un an après la mort inter-vient le « retrait de deuil ». Finie la tristesse et place au partage de l’astronomique héritage. Entre la fille Pascaline, ex-directrice adjointe de cabinet de son père, et Ali, l’héritier, troisième président du Gabon, les parts du gâteau vont être dures à découper ✹� xavier moNNier

FoNdatioNs

le retour du fisc prodigue

F évrier 2010 a vu naître la très catholique fondation Saint-Matthieu. Son objectif ?

Réunir des fonds afin de financer la construction et la rénovation d’établissements privés catho-liques. Combien ? Un milliard d’euros sur dix ans.Or, grâce à l’association sur laquelle elle a été fondée (l’As-sociation d’entraide des établis-sements d’enseignement privés d’Ile-de-France), Saint-Matthieu est reconnue d’utilité publique. Une gageure qui lui permet d’of-frir à ses bienfaiteurs la possibi-lité de déduire de leurs impôts un gros pourcentage de la somme versée. Réduction fiscale à hau-teur de 66 % du montant du don pour les particuliers, de 60 % pour les entreprises. Si vous êtes assujettis à l’ISF, c’est encore mieux. « Vous pouvez en affecter tout ou partie à la fondation Saint-Matthieu jusqu’à 50 000 euros », et serez alors remboursés à hauteur de… 75 %. Rien à voir avec une niche fiscale catholique !

opus deiCes subsides publics font le bon-heur de la fondation Saint-Mat-thieu, qui ne manque pourtant pas de « recettes ». Elle est copré-sidée par Claude Bébéar, l’ancien patron d’Axa, dont le catholicisme fervent le pousse à accepter des invitations du centre Garmelle, tenu par l’Opus Dei. Sur la liste du comité d’honneur de la fonda-tion figurent d’autres personna-lités originales. À l’instar du car-dinal Vingt-Trois, archevêque de Paris, président de la Conférence

des évêques de France, et de Mon-seigneur Aumonier, évêque de Versailles, président de l’ensei-gnement catholique en France. Et de plus inattendues. Comme l’ancien chef d’état-major de la marine ou le président d’hon-neur du groupe Bayard Presse. Du beau linge !La fondation compte déployer « son action dans toute la France ». Première construc-tion : à Sartrouville (78), le lycée privé Jean-Paul II – un établisse-ment s’inscrivant dans la « dyna-mique espoir banlieue » portée par Fadela Amara – est sorti de terre par anticipation, grâce aux dons, qui ont apporté un tiers des fonds. Un autre tiers provenant de la région Ile-de-France. Saint-Matthieu lorgne désormais sur le portefeuille de la mairie de La Courneuve pour financer l’agran-dissement de l’école catho Saint-Yves. Bébéar en banlieue et aidé fiscalement par l’État ? En fait, il n’y a rien d’étonnant à cela ✹� aNaëlle verzaux et eddy khaldi

bruits de la ville

placé au VertLa crise des transports parisiens a encore fait une victime, l’écolo Jean-Vincent Placé. L’ex de Cécile Duflot a réalisé un carton plein, dans la nuit du 29 au 30 mai, rue de Vaugirard, au volant de sa Toyota. Sens interdit, taux d’alcoolémie positif, le tout dans une voiture de fonction. Et Jean-Vincent de se retrouver Placé au commissariat. De quoi rendre le vice-président de la région en charge des transports un peu plus Vert ?

le pen - Zemmour, même combatUnis par un sens inné de la provocation – doux euphémisme –, Marine Le Pen et Éric Zemmour se retrouveront bientôt au tribunal. Et du même côté ! Cible d’un dénommé Cortex, qui a usé de bien vilains mots pour les désigner dans deux vidéos sur YouTube, l’épicé couple a porté plainte pour injures et menaces de mort. On a connu le duo moins pudibond sur la liberté d’expression.

ferrari bien positionnéeLaurence Ferrari, tout enceinte qu’elle soit, ne risque pourtant pas de sauter du fauteuil de présentatrice du 20 heures. Même si l’heureux événement est prévu pour novembre. « Si elle avait eu peur pour son poste, ironise une ancienne amie de Canal +, elle aurait accouché pendant ses vacances d’été. » TF1 sait accueillir les bambins…✹

A près la pilule bleue qui rendait leur virilité aux hommes qui l’avaient

perdue, voici la pilule rose, destinée aux femmes qui connaissent des baisses de libido. cette nouvelle pilule du bon-heur, baptisée ectris, attend une autorisation de mise sur le marché. mais celle qui menace d’envoyer les femmes au septième ciel fait déjà couler beaucoup d’encre et sus-cite la controverse. car c’est bien d’une menace dont il s’agit.malgré l’utilisation, à présent entrée dans les mœurs, du viagra, pre-mier aphrodisiaque pharmaceutique reconnu d’utilité publique, il est de bon ton de se méfier de cette nouvelle pilule paradisiaque. les arguments avancés : une médicalisation pouvant entraîner l’addiction, une mécanisation du plaisir féminin, une marchandisation de la sexualité féminine, et même le risque d’un orgasme féminin normé.

c’est à croire que le plaisir des femmes fait peur et que l’idée qu’elles puissent le provoquer, le savourer, soit insuppor-table à ceux qui dénoncent les dangers potentiels d’un nirvana si facilement

acquis. cette promesse d’extase au féminin fait-elle craindre aux hommes d’être obligés d’invo-

quer la migraine pour ne pas devenir, à leur tour, des jouets sexuels ? ou bien est-ce la peur d’affronter une énième révolution sexuelle qui provoque la levée des boucliers, des stylos et de la bien-pensance ?ce ne sont donc pas les femmes qui sont en danger, mais la société qui court à sa perte. comme si une femme à la libido épanouie n’était plus compatible avec bonne épouse et mère parfaite. une conception de la sexualité qui renvoie à la domination et non au partage.rose ou dorée, décidément, pour les hommes, la pilule reste amère ✹

la pilule a du mal à passer

Viagra

Angelina chronique les grandes et les petites histoires du quotidien entre militance, humour et informations sérieuses.

les petites FaBles d’aNgeliNa

une messe pour Bongo ? un rite catholique pour un musulman franc-maçon !

déteNus

une retraite à jamais Verrouillée

S alariés du public, du privé, commerçants, professions libérales… Tous ont pesé dans les négociations en cours sur la réforme des

retraites. Ou presque. Les 60 000 détenus des prisons françaises ont été plutôt silencieux.Et pour cause, le droit syndical n’existe pas en taule. Si l’administration pénitentiaire encourage le travail en prison pour, dit-elle, préparer la réin-sertion, elle est un peu moins bavarde sur le régime de retraite des détenus. En effet, si tous les prison-niers cotisent au même taux qu’à l’extérieur, le peu de travail disponible et la faiblesse des rémunéra-tions empêchent nombre d’entre eux de valider un quelconque trimestre de retraite. Exemple : un détenu qui purge une peine d’un an parvient à travailler 395 heures sur huit mois. Si on

applique le seuil minimal de rémunération horaire censé lui être garanti – 3,90 euros en 2009 (soit 44 % du smic horaire brut) – il aura gagné 1 540 euros brut.

trimestres envolés Chaque mois, le montant de la cotisation ayant cours à l’extérieur a été prélevé sur sa rémunéra-tion. Cependant, il n’a validé aucun trimestre, car il n’a pas gagné assez. Pour valider ne serait-ce qu’un trimestre en 2009, il aurait fallu qu’il gagne 1 742 euros. S’il avait effectué le même travail et le même nombre d’heures à l’extérieur pour le même employeur, il aurait gagné 3 499,70 euros, sur la base du smic horaire brut (8,86 euros). Et aurait validé deux trimestres. Qui a parlé de réinsertion ? ✹ s. p.

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«Un écrivain est celui pour qui écrire est plus difficile qu’aux autres. » Ce jugement de

Hugo von Hofmannsthal, poète autrichien, devrait être floqué au-dessus des portes des mai-sons d’édition. Trop de claviers azerty, pianotés par des gens heureux, produisent une lit-térature aussi molle que leur nombril. Trop de fidèles à l’in-jonction de l’écrivain Alexandre Vialatte : « Soyez célèbre avant, publiez après. » Louis Nucéra n’est devenu homme de lettres qu’après beaucoup de néant. Accablé par le poids des mots et la difficulté de bien les assembler, il lui a longtemps été impossible de rédiger une carte postale sans l’échauffement de dix brouillons. Il a eu bien du mérite à se faire imprimer puisqu’il adressait ses lignes à M. Caruso, le plus impi-toyable des lecteurs, son chat.

modeste culottéTrop nourri au pain noir, celui du prolo et du Monde libertaire, un hebdomadaire anarchiste, Nucéra n’a jamais été un « hus-sard », le gang de Roger Nimier et Antoine Blondin. Là est pourtant sa famille : passion de la littéra-ture, amour des amis et du sport. Ces écrivains sans espoir qui sont notre « lost generation », celle de Hemingway, Fitzgerald, Pound, Steinbeck ou Dos Passos.Les Cahiers rouges de Grasset s’honorent en publiant mes Ports d’attache, navigation en cabotage, puisque Louis Nucéra y a mis un point final il y a dix-sept ans.

Fils d’un plombier sicilien immigré à Nice qui meurt quand Louis a 5 ans, Nucéra sera élevé par une mère brodeuse et un oncle traminot, auquel il va porter sa gamelle les jours de grève. Avenue des Diables-Bleus, entre le gazo-mètre et la voie ferrée, l’existence rude se vit debout. Avant d’entrer au Patriote, journal communiste de Nice, il sera téléphoniste et employé aux écritures. Restant toujours journaliste et écrivain, il sera en même temps directeur littéraire aux éditions JC Lattès et patron artistique du label Phi-lips, l’occasion de partager les angoisses de Georges Brassens, Jacques Brel, Raymond Devos ou Félix Leclerc.Si tout se termine par des chan-sons, la littérature reste sur l’étagère du dessus, comme les draps dans l’armoire. Ce modeste culotté, avec, au départ, des

ruses de paparazzi, va forcer les défenses de Joseph Kessel, Jean Cocteau, Romain Gary, Henry de Monfreid. Et celles de Picasso, pour mettre de la couleur. Pour tous ceux-là, Nucéra sera un ami. Autour de Vence, avec sa 4 CV, il promène Henry Miller, qui reste son correspondant dans le Big Sur, une région côtière de Cali-fornie. Sur les mêmes routes, il balade régulièrement Vladimir Nabokov, cette fois dans une Dauphine, plus appropriée pour l’auteur de Lolita. Et il admire Angelo Rinaldi, le journaliste de Nice-Matin, qui n’est pas encore le grand romancier : « Pour le moindre article, il s’em-ployait à conserver à la chose écrite sa dignité. Tout est périssable ; va- t-on pour autant tout bâcler ? » « Sa mère tenait une grande place dans sa vie. J’ai beau me dire qu’une naissance annonce une

nucéra, les copains d’abord lIttéRAtuRe Louis Nucéra, Grand prix de littérature de l’Académie française en 1993, a croisé la route d’immenses artistes qui sont devenus ses amis. Kessel, Cocteau, Miller, Nabokov, Picasso, Cioran, Brassens… ils sont tous dans mes Ports d’attache, son autobiographie.

Un peu de culture

du samedi 12 au vendredi 18 juin 2010 | Bakchich heBdo n°28 13

le quai d’orsay fait des bulles

A u début était le verbe et ensuite fut alexandre Taillard de vorms, ci-

devant ministre des affaires étrangères auquel arthur vlaminck, frais diplômé de l’ena, va devoir prêter sa plume.dans ces Chroniques diplomatiques, dessinées par christophe Blain et nar-rées par abel Lanzac, la figure centrale est un simili-villepin (dont le scénariste fut conseiller, nous dit l’éditeur), mais le héros, c’est le langage, l’envolée, le concept. dans la peau d’arthur, le lec-teur s’angoisse : comment va-t-il (mais comment peut-on même imaginer) transcrire en sujet-verbe-complément les saillies visionnaires et grandilo-quentes du vibrionnant ministre ? car, ici, le langage, « la chose la plus importante », défie le réel, les extraits d’héraclite s’imposent dans les anti-chambres, et Taillard de vorms, tour à tour lyrique et sarcastique, épuise son cabinet, mouline, grommelle, soupire, brasse l’air, « vlon ! » claque les portes, « vlan ! » Quant à arthur, missionné – grosso modo – pour éviter une Troisième Guerre mondiale, il est sanctionné à coups de stabilo, promu et déchu en une planche. au-delà du stress, inspiré par son mentor, il conserve la foi en la prose.historiettes magnifiées mais inspirées de faits réels, jusqu’à une incursion en oubanga, ces Chroniques sont une réussite totale par le rythme époustouflant, la précision des personnages, et surtout cette plongée inédite au cœur de l’action politique : dans le corps même des mots ✹� cyriL da

Quai d’Orsay (tome I), Chroniques diplomatiques,par christophe Blain et Abel lanzac, éd. dargaud, 96 pages, 15,50 euros.

Bédé

victime, le culte de la mère aide à mon harmonie intérieure. » Susci-tant l’envie de Nucéra, qui relie sa pleine peau à ses livres, Rinaldi va rencontrer l’immense Witold Gombrowicz : le génie polonais qui ne regardait jamais les gens en face parce qu’il « avait peur »,

qu’il y « voyait trop de choses »… Tous ces Ports d’attache nous font entrer par une effraction du cœur dans le monde des créateurs, donc de l’intelligence.

deRnIeR RêveDeux compagnonnages me tou-chent, plus que les autres. Celui avec Émile Cioran expliquant ce qu’est comprendre : « La seule chose qui atteste qu’on a tout com-pris, pleurer sans sujet. » Puis il y a Brassens, un vrai maçon – le métier de son père – qui monte sa vie comme on fait le mur. Louis Nucéra nous montre, entre deux séances de chaîne chez Renault, un anar bricolant des textes révo-lutionnaires pour le Monde liber-taire, signés « Pépin Cadavre ».Et qui finira par confier à Louis son dernier rêve : « Tenter de s’améliorer soi-même en espérant que les autres feront la même démarche » ✹� jacQues-marie BourGeT

Mes ports d’attache, par louis nucéra,éd. Grasset, 308 pages, 9,80 euros.

«T rop vieux pour être alternatif, trop alternatif pour être

vieux. » Voilà l’épitaphe que Robert Smith, leader de The Cure et infatigable suicidé qui nous enterrera tous, souhaiterait avoir sur sa tombe. New wave, photo-journal des années modernes 1977-1983, du photographe Pierre René-Worms, pourrait résumer

visuellement cette phrase, car ce livre est l’un des meilleurs témoignages sur une époque sans âge. Aidé, pour les textes, de l’excellent Michka Assayas et de François Gorin, le photographe nous livre l’in-timité et, il faut bien le dire, certains moments de grâce d’une génération en devenir qui avait plus l’habitude de chanter le désenchantement qu’une vie heureuse et longue. De Bono de U2 en passant

par Ian Curtis de Joy Division, John Lydon ou Elvis Costello, Pierre René-Worms témoigne de l’émer-gence des héros de la new wave, terme aussi appro-prié que celui de cold wave ou de post-punk. De ces instantanés reste la beauté d’une génération un peu perdue qui ne chantait pas forcément l’amour mais qui avait l’esthétique pour elle, belle à en être dérangeante. Ce livre est une bible pour tous ceux qui gardent en eux les mélodies de Love Will Tear us Apart ou A Forest. Les autres seront mieux armés pour découvrir une période qui n’a pas véritablement de fin, puis-qu’il y a du génie et que le génie ne meurt pas. Pour vous en convaincre, voyez l’exposition des photogra-phies de Pierre René-Worms à la galerie Agnès b (6, rue du Vieux-Colombier dans le VIe arrondissement de Paris). Tout simplement culte ✹� renaud sanTa maria

New wave, photo-journal des années modernes 1977-1983,par Pierre René-Worms, éd. Fetjaine, 126 pages, 22 euros.

le raz-de-marée « new wave »BouQuin

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F aute de Koh-Lanta, ce jeu subtil qui place Endemol au niveau de Mari-

vaux, je me suis branché sur Planète, une chaîne que le CO

2 n’attaque pas

encore. Cette perle du câble a diffusé Chronique d’un été, un film de 1961 réalisé par Jean Rouch et Edgar Morin. Le propos est simple, tendre un micro et poser la question : « Êtes-vous heureux ? »Au départ, nous avons Jean Rouch, un ethnologue qui, tel Levi-Strauss, filme l’objet de son étude : les Africains. Puis Rouch vire du noir au blanc, il décide de tourner en France « métropolitaine ». Attelé à Edgar Morin, à son intelligence au laser, il braque sa caméra sur les Pygmées que nous sommes. Pirates d’Hadopi ou abonnés à Télérama, n’hésitez pas,

débrouillez-vous pour récupérer cette Chronique d’un été. Ce film montre que les gens ordinaires ne le sont pas ! Des ouvriers racontent leur bonheur dans une langue, avec des mots, avec une rigueur qui les rendraient aujourd’hui incompréhensibles sur TF1. Un français issu tout droit de l’école laïque et obli-

gatoire, avec des maîtres en blouse grise. Éblouis-sant. Que Luc Chatel ren-

gaine son outil à mesurer les connais-sances. En cette période de rigueur, il fera des économies en ne faisant rien d’autre que regarder pédaler Rouch et Morin.Tant que le travailleur parle, la langue est celle qui descend de Bossuet. ça se gâte quand les intellos phagocy-tent le micro. On commence à parler

maniéré, à s’écouter comme on chante bien les mots. Beau garçon, mon vieil ami Régis Debray, sujet de thèse au hasard du film, boit les paroles de son propre stradivarius. La corruption de la langue ne vient pas de la capitulation linguistique du peuple, mais des élites diplômées qui ont inventé la télévi-sion. C’est pour cela que je prescris souvent l’abandon de poste.Parmi ceux qui parlent dans les écrans plats, il y a beaucoup de policiers. Les télés ont trouvé un nouveau truc : donner la parole aux flics au moindre « fait de société ». Explication. Une grand-mère est assassinée. On convoque un moustachu, membre du syndicat Alliance, par exemple. Là, un flic à l’accent du Tarn, qui ne connaît rien au dossier, dit à la France ce qu’il faut penser. En toute illégalité…C’est étonnant, mais cet abus de pouvoir, cette infraction, ce manque à l’obligation de réserve, ne choque personne. À TF1, cet amour de la police a poussé les employés de Bouygues à flouter les visages des Israéliens, ceux qui ont stoppé la flottille qui a tenté de percer le blocus de Gaza ✹

ciné D’après un scénario inédit de Jacques Tati, la nouvelle merveille du réalisateur des Triplettes de Belleville. Un film qui vous lave le regard. Et qui vous broie le cœur.

E n 2003, Sylvain Chomet bricolait un bijou d’ani-mation 2D à l’ancienne, les Triplettes de Belleville,

une œuvre atypique, à l’humour fin et au graphisme baroque. C’était esthétiquement parfait, mais un poil désincarné.Sept ans plus tard, Chomet revient avec un nouveau dessin animé. Dans ses bagages, une arme de destruction massive, un scénario inédit de Jacques Tati. Écrit entre 1956 et 1959, l’Illusion-niste devait être son quatrième film. Mais Tati, qui s’était grave-ment brûlé lors de la scène du feu d’artifice des Vacances de Mon-sieur Hulot, s’est rendu compte qu’il n’arriverait pas à effectuer les tours de prestidigitation de son personnage avec sa main devenue raide. Il abandonne donc le projet… Près de cinquante ans plus tard, sa fille offre le scénario à Chomet, qui découvre l’histoire d’un vieux magicien du music-hall obligé de présenter ses tours dans des lieux improba-bles. Dans un village écossais, il va faire la connaissance d’Alice, jeune fille encore plongée dans l’enfance. Elle décide de ne plus le quitter et ils partent à Édimbourg.L’Illusionniste est le film de toutes les métamorphoses. Jacques Tati

devient un personnage de dessin animé. La silhouette longiligne, le pantalon trop court, le geste précis mais le corps hésitant, le fantôme de Tati revient nous faire un petit coucou. C’est saisissant

quand le per-sonnage animé rencontre son double-acteur, le vrai Tati, dans un cinéma qui projette Jour de

fête. L’Illusionniste est également le récit d’une double métamor-phose : celle d’une fillette qui va devenir une femme, et celle d’un homme qui se transforme en père. C’est absolument sublime, d’une

grâce et d’une puissance absolues. La dernière métamorphose est celle de Sylvain Chomet : armé de ce script tombé du ciel, il se hisse au niveau de Miyazaki. Presque sans aucune parole, il fait naître l’émotion par un geste, un mou-vement de caméra, un regard, un plan sur des nuages. Chomet ne recherche jamais la perfection ultraréaliste de la 3D. Sa 2D est imparfaite, comme la vie.C’est un grand cinéaste : il vient de réaliser le meilleur film de Jac-ques Tati ! ✹ MARC GODIn

L’Illusionniste, de Sylvain chometEn salles le 16 juin.

Un peu de culture

14 BAkCHICH HEBDO n°28 | DU SAMEDI 12 AU vEnDREDI 18 JUIn 2010

LA ZAPPETTE DE BOURGET

LA BELLE LAnGUEDU PEUPLE

InvIncIble frIendslilly Wood & The Prick

Rien ne prédestinait nili et Ben à fonder Lilly Wood & The Prick. née en Israël, elle aime la variété eighties, Elliott Smith et Aretha Franklin. Parisien de souche, fan de Chic et Depeche Mode, il n’a pas son pareil pour reprendre Springsteen à la gratte. Ces deux-là se sont pourtant bien trouvés… Bercé par le timbre soul de nili et la guitare sèche de Ben, leur premier album fait le grand écart entre folk ancestral et groove moderne, électropop et new wave. Invincible Friends est étonnamment harmonieux. C’est frais, spontané,une belle surprise.

furTherThe chemical brothers

Mais quel est donc le secret de la longévité des Chemical Brothers ? né à la fin des années 80, ce duo mancunien n’a jamais cessé de faire la pluie et le beau temps sur la planète électronique. Une fois de plus, les frères chimiques reviennent en forme olympique… Si leur septième album, Further, renoue avec le big beat des débuts (l’incroyable Escape Velocity), il terrasse le dancefloor à coups de bpm (Horse Power) et recèle une fabuleuse odyssée psychédélique (K+D+B). La grosse claque.

Ich bIn eIn berlInerIch bin ein berliner

Organisées depuis 2009 au SO 36, un club mythique de kreuzberg, les soirées Ich Bin Ein Berliner sont devenues the place to be des nuits berlinoises. Groupes, DJ’s et performers s’y produisent chaque mois. Il ne manquait plus qu’une compile des quarante trouvailles les plus excitantes, de la techno au rock, de l’électro au post-punk. Si quelques noms émergent (Robots in Disguise, Electronicat, Transformer di Roboter), la majorité est inconnue. Un double disque défricheur en immersion totale dans l’underground local.

bIonIcchristina Aguilera

L’industrie du disque, quel univers impitoyable ! Christina Aguilera l’aura appris à ses dépens. Après quatre ans de pause, la bimbo peroxydée lance Bionic : un quatrième album pop-r’n’b putassier à souhait, donc parfaitement calibré pour cartonner. Mais c’était sans compter le phénomène Lady Gaga. Accusée de marcher sur ses platebandes, Aguilera vient d’ajourner sa tournée. Quelle ironie, sachant que sa jeune rivale lui a tout chipé. Qui va à la chasse…

blood lIke lemonAdemorcheeba

Le trip-hop est mort, tout le monde le sait. Sauf Morcheeba. En 1998, le trio britannique connaissait le succès avec Big Calm, un joli disque drapé de nappes hypnotiques sous le timbre velouté de Skye Edwards. Après avoir quitté le navire, la muse originelle reprend du service sur Blood Like Lemonade. Les solos de guitare sont ringards, le tempo sent la naphtaline et les mélodies incolores, inodores ✹� ÉLÉOnORE COLIn

Musique

Directeur de la publication : Xavier Monnier • Directeur de la rédaction : nicolas Beau • conseiller éditorial : Jacques-Marie Bourget • Rédacteurs en chef : Pierre-Georges Grunenwald (édition), Cyril Da (Web) • chro-niqueurs : Alceste, Daniel Carton, Jacques Gaillard, Marc Godin, Doug Ireland, Éric Lau-rent, Patrice Lestrohan, Fabrice nicolino, Jean-François Probst, Alain Riou • Maquet-te : Émilie Parrod, victor Buchotte, Marjorie Guigue • Secrétaires de rédaction : Élodie Bui, Tatiana Weimer • Rédaction : Monsieur B, Sacha Bignon, Émile Borne, Louis Caba-nes, Renaud Chenu, Éric de Saint-Léger, Lucie Delaporte, Anthony Lesme, Laurent Maca-bies, François nénin, Simon Piel, Bertrand Rothé, Grégory Salomonovitch, Anaëlle ve-rzaux • Dessinateurs : Avoine, Bar, Baroug, Bauer, Essi, Giemsi, Goubelle, Ray Clid, khalid, klub, Lacan, Large, Ludo, Magnat, Mor, Mor-vandiau, nardo, noël, Oliv’, Pakman, PieR Gajewski, Revenu, Roy, Soulcié, Thiriet •Groupe Bakchich, SAS au capital de 56 980 euros • Siège social : 121, rue de Charonne 75011 Paris • Téléphone : 01.40.09.13.25

CPPAP : 1114 C 90017 • ISSn : 2104-7979 • Dépôt légal : à parution • Impression : Print France OffsetDirection des ventes : Thierry Maniguet/[email protected]/01.70.39.71.05Publicité : [email protected]

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la bakchich tEaM

Éblouissante

en sallesles moIssons du cIel (reprise)

de Terrence malickAlors qu’on n’en peut plus d’attendre Tree of Life, avec Brad Pitt et Sean Penn, voici l’un des chefs-d’œuvre de Terrence Malick, en version restaurée. Il aura fallu un an de tournage dans les grandes plaines du Canada et deux ans de montage à Malick, qui essayait d’atteindre « la pureté d’une goutte d’eau qui tombe dans une flaque ». Suite à ce monument, Malick restera vingt ans sans tourner !

AIr dollde kore-eda hirokazu

Cinéaste virtuose de Nobody knowsou de Still Walking, kore-Eda revient avec cette histoire de poupée gonflable qui accède à la vie, projetée à Cannes en 2009. Un enchantement.

les mAIns lIbresde brigitte sy

Après un Prophète et Qu’un seul tienne…, un nouveau film de prison. Une œuvre intelligente, doublée d’une belle histoire d’amour avec ma chérie, la rayonnante Ronit Elkabetz.

eyes of WArde danis Tanovic

Colin Farrell mène une drôle de carrière. Entre deux blockbusters ridicules style Alexandre, il tourne dans de petites productions épatantes. Après le génial Bons baisers de Bruges et une apparition en chanteur de country à queue-de-cheval dans Crazy Heart, le voici dans Eyes of War, un mélo sur les conséquences de la guerre où il est simplement sidérant.

l’Agence Tous rIsquesde Joe carnahan

Qu’Hollywood se lance dans la version ciné de cette série télé en dit long sur une industrie à la ramasse qui ne jure plus que par les remakes, le relief ou les super-héros. Débile ! ✹ M. G.

C’est sublime, d’une grâce et d’une puissance absolues.

L’ILLusIonnIstele fantôme de tati

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J ’ai arrêté de fumer trop tôt. La ciga-rette comporte bien des avantages. Elle donne une contenance, calme

les appétits. Ses volutes favorisent la pensée, fixent les méditations. De plus, arrêter de fumer peut nuire gravement à la santé des autres : sous l’effet du sevrage, on a très vite envie de les tuer. Je fumais, il est vrai, d’énormes cigarettes gorgées de goudrons : des Celtics, qui avaient remplacé directe-ment la chique chez les marins bretons, et des Boyards dont on a plein la bouche, chacune recelant assez de bitume pour couvrir un kilomètre d’autoroute.Ça fait donc plus de trente ans que je ne pétune plus, mais que je me ronge les ongles. La simple sagesse et la tranquil-lité de ma famille me commanderaient de renouer avec la clope. Mais, effrayé par les campagnes anti-tabac, je ne trouve plus la volonté de me remettre à fumer. Et voici qu’une information me jette dans le trouble, au point de me demander si, depuis tant d’années, la médecine et les gouvernements ne font pas fausse route. Si, au lieu de payer très cher des cam-pagnes dissuasives et d’interdire le

tabac dans les lieux publics, on ne devrait pas au contraire investir l’ar-gent dans la promotion du tabac, proscrire les bouts filtres, légiférer pour rendre la fumette obligatoire dans les cafés et autres lieux publics, et taxer lourdement les patchs anti- cigarettes. Une étude récemment publiée démontre en effet qu’un fumeur voit sa vie abrégée d’une quin-zaine d’années : ô merveille, quand on

pense au casse-tête que repré-sente l’avenir des retraites.Ce qui ruine les caisses de

prévoyance, c’est justement l’aug-mentation de notre durée d’existence. Quinze ans de vie en moins font passer l’espérance de longévité autour de 65-66 ans pour les hommes, 71-72 ans pour les femmes (qui seraient priées de fournir un gros effort). On imagine la grande prospérité des finances publi-ques si les bénéficiaires de la retraite cassaient leur pipe après un an ou deux de farniente. Elles feraient même des bénéfices. Ah, la belle mort !Morale : fumer aujourd’hui, c’est assurer l’avenir de nos enfants, et le faire gou-lûment nous prépare une vieillesse à la hauteur de nos aspirations ✹

LE BiLLEt D’ALAin riOU

LES BiEnfAitS DU tABAC

Journaliste au Nouvel Obs et invité du Masque et la plume, Alain Riou fait aussi du cinéma. Son cinéma.

Volutes

a La télé-poubelle devient œuvre de l’esprit. fin de programme.

L e choix du nouveau délégué général de la Société civile des auteurs multimedia

(Scam) a de quoi surprendre. Hervé Rony à la tête de cet orga-nisme, c’est Xavier Bertrand leader du Parti communiste.Au Syndicat national des éditeurs phonographiques (Snep), Hervé Rony a, pendant une quinzaine d’années, représenté les produc-teurs de Star Academy, Popstars, Johnny Hallyday, feu Michael Jackson… Bien que représentant aussi les producteurs indépen-dants, l’essentiel de la politique du Snep a été de défendre, jusqu’à la loi Hadopi en 2009, les intérêts des actionnaires d’Universal, d’EMI Group, de Sony-BMG et enfin de Warner Music.

esprit es-tu là ?La Scam, elle, depuis sa création en 1981, a toujours été la maison des œuvres audiovisuelles. Plutôt Arte que TF1. Jusqu’à 2004, le documentaire – culturel, poli-tique, de société et d’investigation – y était roi.En 2001, la loi sur l’audiovisuel numérique a donné aux auteurs de l’écrit (écrivains et journa-listes) des droits sur la copie privée, comme à ceux du cinéma et de la musique. La Scam a alors engagé avec le Syndicat national des journalistes des discussions pour récupérer la gestion de la nouvelle manne générée par la taxation sur les produits numé-riques (DVD, clés USB…).Mais, voilà, TF1 et consorts étant de gros payeurs de la copie privée, on a introduit une nouvelle race d’auteurs à la Scam : ceux qui

écrivent pour la télé-réalité. Des auteurs ont bien combattu la déci-sion de considérer comme œuvres de l’esprit les Loft Story, l’Ile de la tentation et autres Popstars. Peine perdue. En 2004, une décision du Conseil d’État donnait à l’émis-sion Popstars le statut d’œuvre.L’ironie de l’histoire est qu’Hervé Rony a commencé sa carrière à la Commission nationale de la com-munication et des libertés (après un détour en 1986 par Matignon), celle-là même qui a privatisé TF1 en 1987.

Des questions se posent : Hervé Rony vient-il à la Scam unique-ment pour renforcer la protection des droits des auteurs d’Endemol, ou bien pour élargir l’assiette de la copie privée numérique à d’autres nouvelles formes de pro-grammes ?Le Conseil d’État peut-il consi-dérer comme œuvre Popstars et non pas, entre autres, l’émission Ligne j@une, de Guy Birenbaum, diffusée sur le Net via le site d’Arrêt sur images ? ✹ niDAM ABDi

Le pipoLe de la semaine

la télé-réalité se la joue intelloAUDiOviSUEL

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jérôme kerviel, la faillite en avantLa Société générale l’aura qualifié de « plus grand fraudeur financier de tous les temps », de « gangster de la finance », et même de « terroriste ». Mais

jusqu’en janvier 2008, Kerviel avait plutôt les caractéristiques d’un toxico-mane. Sa came : le tourbillon des gains. Ses seuls amis : Meskine et Zizi,

deux traders affectés au même type de produits que lui. Son rituel : le trajet depuis neuilly en rEr pour arriver à la Défense à 7 heures, en repartir à 22 heures, puis décompresser dans un bar du bas de la tour où l’on discute de l’état du marché avant de se coucher pour

cinq heures dans un appartement vide.Au sein de l’orgiaque Soc gen, le trader Kerviel est « une bonne gagneuse », aussi mal considéré, au final, qu’une prostituée, tellement dévoué qu’il

en oublie sa famille, ses amis, sa femme. Un parfait employé du mois qui, avant sa chute, faisait gagner des fortunes à la banque : 1 milliard et demi

de gains en 2007.Kerviel aime-t-il l’argent ? Que nenni ! il crie à qui veut l’entendre qu’il ne tirait

aucun profit de son métier, si ce n’est de « rapporter du cash » à sa banque, un proxénète géant dont il s’était amouraché. tout juste âgé de 31 ans au moment où son affaire éclate, il n’aurait « rien vu venir », obéissant aveuglément aux « règles 

non écrites des salles de marché ». Accroc, Kerviel admet tout juste avoir « succombé à la griserie », déplorant qu’aucun garde-fou ne soit venu freiner sa boulimie. il reste

surtout convaincu qu’il aurait engrangé encore plus d’argent si on l’avait maintenu aux manettes de sa Game Boy ✹� AnnE StEiGEr

DU SAMEDi 12 AU vEnDrEDi 18 JUin 2010 | BAKCHiCH HEBDO n°28 15

Un peu de culture

Page 16: Bakchich N° 28

Martine aubrytake « care » !phénix La première secrétaire du Parti socialiste est aussi reconnue aujourd’hui qu’elle était (follement) dénigrée hier. Ses lendemains sont donc incertains.

A vous dégoûter des analyses politiques. Il n’y a pas trois ans, Martine Aubry tenait du repoussoir : « plombée par les 35 heures », « mèremptoire », recalée du suffrage uni-

versel (aux législatives au moins), trop imbue d’elle-même pour rassembler, et même, selon un mot ancien de Mitterrand, « trop méchante pour réussir ». « Elle a dit trop de mal de trop de gens », soupira même un jour son ex-mentor lillois, Pierre Mauroy.Revirement total désormais : après deux ans de premier secrétariat et deux ans avant la présidentielle, Titine est donnée comme la probable rivale à gauche de Sarko. Si l’indéterminé DSK ne tentait pas sa chance…

panoplie idéaleSégo soutient (publiquement) Martine quand celle-ci qualifie le chef de l’État de « Madoff  ». À peine si l’on s’étonne qu’Aubry, issue de la deuxième gauche, en rajoute sur les conquêtes (sociales) de Mitterrand. La contestation de son élec-tion semble remonter aux croisades et son opposi-tion intérieure se réduit souvent au seul et marginal Manuel Valls et, à l’occasion, à François Hollande.Plus grandiose encore, Martine, qui vient d’imposer son calendrier des primaires, s’est lancée dans une apologie de la société du « care » (« l’attention à autrui »). C’est que, plus politique qu’on ne le disait, elle a su ménager les courants de son hétéroclite majorité ; Ségolène se tient en retrait et la petite percée du Front de gauche a fait au PS l’effet d’un caillou dans la chaussure sociale.

Pour ses défenseurs, notre amie, dépourvue de « casseroles », a même des atouts : un rien gauchi-sante à Paris, elle gère le beffroi de Lille avec le Modem ; accusée d’en pincer pour le « tout-public », elle peut exciper d’une expérience managériale

chez Péchiney. Bref, une pano-plie idéale, mais bien avant l’épreuve des urnes… Encore une analyse, quoi !

trouver la failleLes gazettes le serinent assez, Sarko se réserve déjà d’agresser Aubry sur ses insuf-fisances internationales et son « archaïsme » économico-social. Il n’est pas le seul à chercher la faille. Selon le Point (3 juin), Hollande fait timidement le compte de ses (propres) sou-tiens possibles : « Une partie des strauss-kahniens, les proches de Ségolène Royal et de nombreux élus locaux [au moins agacés, ndlr], comme Gérard Collomb et Georges Frêche. » Évidemment, le calcul sent plus la prépara-tion de congrès socialo que le

rassemblement flamboyant du « peuple de gauche ». Mais c’est aussi avec ce genre de combinaisons que Martine a pu s’affirmer. Un peu aussi comme, avant elle, Tonton. Un parallèle délicat. Mitterrand « a réussi » sans jamais être « méchant »… ✹� patrice lestrohan

Le « Che » en fait d’Étatle timonier, un peu oublié, de Bel-fort (et du Mouvement républicain et citoyen), Jean-pierre chevènement, n’a peut-être pas dit son dernier mot (électoral). normal, à part lui-même, qu’il ne nomme cependant pas, il ne voit nulle part apparaître de « candidat  de  salut  public », ni même de « candidat républicain » (le Nouvel Obs du 3 juin) : « Il n’y a pas de grande capacité d’homme d’État à l’horizon : Sarkozy, Juppé, Strauss-Kahn, Aubry ont défendu l’Europe de Maastricht et approuvé  le  traité de Lisbonne. »la seule et dernière fois que « le can-didat républicain » chevènement s’est risqué à une présidentielle, en 2002, Jean-Marie le pen est parvenu au second tour, à la faveur des divisions de la gauche, et c’est chirac qui a fait figure de « candidat de salut public ». ce simple rappel à seule fin d’éclairer « l’horizon » 2012…

Harkis, petit !au chapitre, très bref bien sûr, des promesses électorales non tenues de sarko, le  Point  (3 juin) en rap-pelle une, rarement mentionnée, qu’il avait lancée le 31 mars 2007 : « Si  je  suis élu,  je veux  reconnaître officiellement la responsabilité de la France dans l’abandon et le massacre des harkis. » engagement toujours ignoré à ce jour : cette reconnais-sance, estime l’hebdo, « signifie un dédommagement pour les victimes et le risque de voir les pieds-noirs s’en-gouffrer dans la brèche ». Moralité, aux dernières nouvelles (26 mai), le secrétariat d’État aux anciens com-battants a demandé aux associations de rapatriés « de trouver une solution satisfaisante, mais  financièrement peu coûteuse ».Des tee-shirts marqués d’un grand « Pardon ! » ? Un petit talque-chaud sur tF1 ?

Le Poitou et son contraireségolène est-elle réellement prête, comme elle l’a assuré sur France 5, « à faire  le sacrifice d’une ambition personnelle et voir la gauche gagner plutôt  que  le  contraire » ? tout est relatif, on l’a deviné. Dans le même temps aussi, rapporte l’Express (3 juin), la présidente de poitou-charentes l’a confié à des proches : « Je ne renonce absolument à rien. » avant de glisser assez vite : « S’il y a trop de conflits au PS, alors je peux aussi soutenir une candidature d’Eu-rope Écologie. »ça, ça s’apparenterait plus à de la vengeance qu’à du « sacrifice »…

Ghettos d’intérêtDe quel élu d’opposition amer, de quel anti-sarkozyste rabâcheur, ces deux jugements ? sur la sécurité publique tout d’abord : « Aujourd’hui,  une partie des Français, en particulier dans les milieux populaires, se sent aban-donnée. » À propos des banlieues, ensuite : « Aujourd’hui, je crains que la politique de la Ville ne devienne une politique d’aménagement des ghettos. Il faut absolument rompre avec cette vision. » réponse : de l’omniprésente rachida Dati, laquelle, précise toute-fois bizarrement le Parisien (5 juin) qui l’interviewe, « sort de son silence ».et, semble-t-il, dans l’espoir de faire causer… d’elle.

En quat’malheurpolitique des banlieues toujours. Dans un article intitulé « le kit de survie d’amara », le  Point (3 juin) relève : « En trois ans, [Fadela amara] est passée entre les mains de quatre ministres de tutelle (Boutin, Hortefeux, Darcos et maintenant Woerth). » Dans le détail, Boutin œuvrait au logement, hortefeux à l’immigration, Darcos, et maintenant Woerth, au travail.on nous l’a assez seriné : l’avantage de la Ve république, c’est la stabilité ministérielle qui permet de travailler sur le long terme…

Qu’imam me suiveUn an après la réélection d’ahmadi-nejad et la sanglante répression qui a suivi, le pouvoir iranien a organisé, au sud de téhéran, un rassemblement monstre (deux millions de fidèles) pour célébrer le 21e anniversaire de la mort de l’imam Khomeiny. Une curio-sité, en un sens : le petit-fils de celui-ci, qui copine à l’occasion avec « les réformateurs », a été empêché par « des huées » de poursuivre son dis-cours (le Monde du 6-7 juin). le Guide suprême de la révolution islamique, l’ayatollah ali Khamenei, lui, a été plus écouté : « Certains de ceux qui, à l’époque [1979, ndlr], avaient accom-pagné l’imam [Khomeiny] dans l’avion qui le ramenait de Paris à Téhéran ont ensuite été pendus pour avoir trahi. » la révolution des mollahs n’est pas un régime de « care »…

Duflot et des vaguesc’était un titre bien engageant (le Monde du 6-7 juin) : « l’histoire mouvementée des Verts est derrière nous. » signé cécile Duflot, secrétaire nationale des Verts. Vingt-quatre heures plus tard, les empoignades cohn-Bendit-placé, numéro deux de l’organisation, avaient fait litière de ces assurances. Mais cécile est déjà trop politique pour ne pas avoir anticipé le coup. elle le disait dans la même interview : « Ce que vivent les écologistes ressemble un peu à ce que ressent un enfant qui doit passer du quatre pattes à  la position debout : c’est normal que ça fasse peur. »le mouvement politique des écolos est apparu vers 1982-1983. À près de 30 piges, il est encore « à quatre pattes » ? ✹�p. l.

Martine aubry est-elle mûre pour la retraite ? Des députés répondent : http://minu.me/2gp3

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16 BaKchich heBDo n°28 | DU saMeDi 12 aU VenDreDi 18 JUin 2010

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