backstage, tome 2 : enlève-moiekladata.com/eq51umlqnxkcy89zuudczdgjzfa.pdf · 2016. 7. 8. ·...

136

Upload: others

Post on 05-Sep-2020

4 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une
Page 2: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

TracyWolff

Enlève-moi

Backstage–2

Traduitdel’anglais(États-Unis)parAurélieMontaut-Pernaudet

MiladyRomance

Page 3: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

PourEmilyMcKay,parcequejen’imaginepasécrireunlivresanstoi.

Page 4: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Prologue

Despoissonsrougesnageaientdanssabaignoire.Poissonsrouges.Danssabaignoire.Poissonsrouges.DANS…SA…BAIGNOIRE.Quelques secondes s’écoulèrent.Tétanisée,EliseMcKinneyneputquebalayerdu regard lapetite

salledebainsdel’hôtel.Commesilesmursvertpâleallaientluilivrerunindicequelconquesusceptibled’expliquerpourquoi–etcomment–quelqu’unavaitréussiàtransformersabaignoireenaquarium.Etce,deuxheuresseulementavantsamontéesurscènepourcequidevaitêtreleplusimportantconcoursdesavie.

Celadit,Elisen’avaitbesoind’aucuneaidepourdémasquer lecoupable.Detoute façon, pensa-t-elleencontemplantlavingtainedepoissonsquinageaientdanslabaignoire,jesaisexactementquis’estfaufilédansmachambred’hôtelpourmefaireunedecescrassesdontluiseulalesecret.

CecrétindeQuinnBradford.Et,siellen’avaitpasdésespérémenteubesoind’unebonnedoucheavantdemontersurscènedevant

dixmille personnes, sans doute se serait-elle laissée impressionner par l’ingéniosité dont il avait faitpreuve. Car ce n’était pas comme si elle ne l’avait pas vu venir, ce canular. Elle-même s’était déjàglisséedanslachambred’hôteldeQuinn,àBruxelles,pourbloquerlesbraguettesdetoutesaréservedecaleçonsavecdeuxpointsdecouture.Pasunneluiavaitéchappé.

Ravalantun juron,Elisesepromitdesevengercoûtequecoûte,puispenchala têtepour laplacersouslerobinetdulavabo.

Tuvasmelepayer,Quinn.Uneheureetdemieplustard,elleserépétaitencorecettephrasetelunmantraquandellepénétradans

lescoulissesdelasalledeconcert:Quinnétait là,affalésurlecanapé,soncorpslongiligneoccupanttoutelaplace,l’airtrèssûrdelui.Sacoiffureétaittoujoursaussiimpeccable.Aussiimpeccablequesoncostumetaillésurmesure.Elle,enrevanche,nepouvaitquesecontenter,impuissante,d’êtreledindondelafarce.

Car,malgrétoussesefforts,lelavabos’étaitrévélétropétroitpouryeffectuerunshampoingdignedecenom:elleavaitdûrassemblersescheveuxenungroschignonquiluiconféraitdesairsdemaîtressed’école…voirededominatrice.

Alorsmêmequ’elles’apprêtaitàfoulerl’unedesplusprestigieusesscènesdeParispouryinterpréterle secondopusdeKreisleriana deSchumann–unedespièces lesplus séduisantes jamais composéespourlepiano–,voilàqu’elleseretrouvaitavecdesalluresdedonneusedefessées…Ilneluimanquaitque le fouet pour parfaire la panoplie. Et ce n’était pas sa longue robe noire et moulante qui allaitarrangerleschoses.

Vraiment,cen’étaitpas juste.Quioserait ficheren l’air la tenued’une jeune fillededix-septans,

Page 5: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

justeavantqu’ellemontesurscène?Franchement?Personne.Plissant les yeux de l’air le plus menaçant possible, elle se précipita vers Quinn avec la ferme

intentiondeluiarracherlesyeux.Avecsesonglesfraîchementlimés,elleauraitàcoupsûrletempsdeluifaireassezmalavantquelesvigilesviennentlamaîtriser.Maisiltournalevisageverselleàl’instantmêmeoùelleallait se jeter sur lui,etelleneputqueconstaterquequelqu’un l’avaitdevancée.Quinnavaitunhématomesombresurlajoueainsiqu’uneérafluresurlapommette,justesousl’œil.

— Qu’est-ce qui t’est arrivé ? demanda-t-elle, incapable de contenir l’inquiétude qui remplaçaitbrusquementsafureur.

Ilsavaientbeauêtreplusoumoinsennemis,ilsn’enétaientpasmoins…bonsamis.Plusoumoins.Difficiledefaireautrementpuisque,depuisneufans,ilsécumaienttouslesdeuxlesmêmesconcoursetauditions.Depuisl’âgedeseptans.Entantquejeunesprodigesdupiano,ilsavaientgrandiensemble.Cen’étaitpaslapremièrefoisqu’elleconstataitdesmarquessuspectessurlui,maisQuinnavaittoujoursunebonneexcuse.Saufqu’Elisecommençaitsérieusementàdouterdesesexplications.Notammentquandiljustifiaitsesblessuresenprétendantavoircommisdesmaladresses.Car,enréalité,ilétaitletypeleplusdébrouillardqu’elleconnaissait.

—Justeunemauvaiserencontre,répondit-ilavecunclind’œiletunsouriremécanique.Elisesentitsonestomacsenouer.—Jevois…Maisquit’afaitça?—Untypequej’aicroisé.Iln’apasappréciédemevoiressayerdeluipiquersacopine.L’inquiétuded’Elises’évaporaenunéclair,pour faireplaceàunécœurementmêléd’unsentiment

diffusqu’ellen’eutaucuneenvied’analyser.—Tut’esbattupourunefille?—Quellemeilleureraisonqu’unefillepoursebattre?—Tuauraisput’abîmerlesmains!—Oui…Mais non, rétorqua-t-il avec un haussement d’épaules. En plus, ce n’est pasmoi qui ai

commencé.Ellefitlagrimace.—Maisoùest-cequetutrouvesencoreletempspourtefourrerdansdessituationspareilles?—Questiondechance,jesuppose,reprit-ilenladéshabillantouvertementduregard.Sinon,j’avoue

quetonnouveaulookmeplaît…Jeletrouvetrès…—Nedisrien!Elleenavaitlesmainsquitremblaient.Soudain,ellepeinaitmêmeàrespirer.—Direquoi?demanda-t-ilalorsquesonregard,plusnoiretplusdéfiantquejamais,accrochaitle

sien.Quejemesensprisd’unefurieuseenviedet’offrirdescuissardesetunepairedemenottes?Situledemandesgentiment,jepourraimêmet’autoriseràlesessayersurmoi…

—Laferme!s’écria-t-elleenfeignantl’agacement,malgrésavoixquitremblaittellementqu’elleenparaissaitdésespérémentaérienneetsuave.Sij’aicetteallure,c’estàcausedetoi!

—Çanemegênepasdutout:tuescanoncommeça.—Jeressembleàunedominatrice!—C’estcequejedisais:canon!Àcesmots,ilramassaunpetitsachetblancposéprèsducanapé.Puisilleluitenditenmurmurant,

imperturbable:—Tuveuxdespetitspoissons?Jelesaichoisisbienépicés,commetulesaimes.—Espècedesalaud!Non,maisilsemoquaitd’elle…Etluibalançaitsontriompheàlafigure.

Page 6: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

— Quoi ? grommela-t-il en arrondissant les yeux d’un air faussement outré. Je croyais que lescrackersenformedepoissonsétaienttespréférés!

Uneondede fureur la traversadepart enpart.HormisQuinn,personnen’était capablede la fairesortirainsidesesgonds.Personne.Etcelalamettaithorsd’elle.Elleavaitbeausedirequelaplussagedes réactions serait l’indifférence, c’était plus fort qu’elle. Elle lui arracha le sachet de biscuits desmains,puislesdéversasursescheveuxgominés,àlaraieirréprochable.

Illascrutabouchebée,entrouvrantlaboucheàlamanièred’un…poissonrouge.Pasdedoute,laprochainefoisqu’elles’introduiraitdanssachambred’hôtel,ceseraitpourdécouper

enlambeauxchacundesespantalons.Jusqu’audernier.QuinnBradfordallaitpayer.Oui,elleallaitluifairepayerleprixfort.

Page 7: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Chapitrepremier

Dixansplustard.

Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une chambre et dans un lit inconnus. Un peu groggy,désorientée.Illuifallutplusieurssecondesavantdecomprendreoùellesetrouvait.

Il s’avéraensuitequecespremiers instantsdeconfusiondevaientêtre lesmeilleursde sa journée.Autourd’elle,riensinonlevide,lenéant…Et,pendantcebref,trèsbrefmoment,ellefutencoreEliseMcKinney,pianiste.Encoreunechambred’hôtel.Encoreunenouvelleville.Encoreentournée.

Saufqueles«bip»réguliersdel’électrocardiogrammequitrônaitprèsdulitfinirentparluiparveniràl’esprit.Suivisparladouleurlancinantedanssamaingauche.Etlesengourdissementsplusoumoinsintenses qui lui parcouraient le corps. Sans parler de cette sensation d’anéantissement au fond d’elle,commeunevoixluihurlantquequelquechosedegrave,detrèsgrave,étaitarrivé.

Etpourcause.Ellingtonétaitmort.Toutcommelacarrièred’Elise.Commentavait-ellepuoublier,mêmedanslabrumedecespremiersinstants?

S’appuyantsursamainvalide,elles’assitsurlelit.Puis,dégageantlesmèchesquiluitombaientsurles yeux, elle jeta un regard circulaire autour d’elle.Malgré les innombrables bouquets de fleurs quiornaient toutes les surfaces disponibles, cette chambre d’hôpital lui parut d’un vide sidéral.Impersonnelle.Isoléedetout.

Unpeuàl’imagedesaproprevie.Cette seule idée la fit paniquer, et elle s’agrippa aux rails latéraux du lit, tentant demaîtriser les

battements affolés de son cœur. Mais ce seul mouvement endolorit sa main blessée, et Elise serecroquevillaenpositionfœtale,essayantdecontrôlersarespiration.

Qu’allait-ellefaire?Qu’est-cequ’elleallaitbienfaire?Tirée de ses pensées par quelques coups frappés à la porte, elle leva les yeux. Et se dit que les

médecinsavaientdûsous-estimerl’ampleurdesacommotioncérébrale.Gravementsous-estimer.Parcequ’elleaurait juréqueQuinnBradford se tenait tranquillementdans l’embrasure, souriantcommes’ilss’étaientquittésdixminutes–etnondixans–plustôt.Commes’ilneluiavaitjamaisprissavirginitéàBruxelles, avant de disparaître, au sens propre comme au figuré, de sa vie. Sans un mot, sans uneexplication.

Oh,l’hommequiladétaillaitdeceregardsombreetpréoccupén’étaitpasleQuinnBradfordcontrequi elle avait concouru durant lamajeure partie de son adolescence – fini les smokings, les cheveuxsoigneusement coiffés le long d’une raie irréprochable, le sourire convenu, les ecchymoses sous lesyeux…Pourtant, elle ne rêvait pas. Il avait beau afficher tous les attributs de la rock star qu’il étaitdevenu,ilavaitbeauavoirremisétoutcequiauraitpurappelerlepianisteclassiquequ’elleavaitconnu,c’étaitbienlui.Ellel’auraitreconnuentremille.Soncœurnes’ytrompad’ailleurspas:ilsemitsoudainàtambourinerdanssapoitrine.

Page 8: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Embarrasséedeconstaterl’effetqu’ilavaitsurelle–mêmeaprèstoutescesannées–,elleconsultalepetit écran près de son lit. Elle espérait que Quinn ne remarquerait pas l’accélération brutale de lasinusoïdequireprésentaitsonrythmecardiaque.

—Jenesaispassitutesouviens…—Évidemmentquejemesouviensdetoi,Quinn,l’interrompit-elle.Leseulfaitdeprononcersonnomluibrûlalalangue.Ill’avaitmarquéeauferrouge,cethommequi

nemontraitjamaissessentiments,quipréféraitécouterlesconfidencesdesautrespourmieuxéluderlessiennes.

—Mais…qu’est-cequetufaislà?reprit-elle.Ilesquissaunsourirequicreusalafossettedesajouedroite.Ellefermalesyeuxets’efforçadene

passesouvenirdunombredefoisoùelleavaitembrasséetsuçotécettefossettequandelleavaitdix-septans.

—JevisàAustin,maintenant.Etj’aiapprispourtonaccident,toutelapresseenparle,déclara-t-ileneffaçantbrusquementsonsourire.JesuisnavrépourEllington.

—Ouais,moiaussi…Les larmes luipiquaient lesyeux–cesmêmes larmesquinecessaientde l’assaillir sansprévenir

depuis que les secours l’avaient désincarcérée de cet amas de tôle froissée qu’était devenue lalimousine –, mais elle parvint à les retenir. Une fois de plus. Ellington James n’était pas du genresentimental;iln’avaitjamaiscautionnécettefaçontrèsdémonstrativequ’avaientlesautresmusiciensdepremierpland’exprimerleursémotions.Alorssemettreàpleurermaintenant,ici,ceseraitunpeurendrelamort de sonmanager– et ami–plus réelle encore.EtpuisElisen’avait-ellepaspassé lamajeurepartiedesavieàdissimulersessentiments?Autantdirequelemomentétaitmalchoisipourdérogeràlarègle.

Quinnentradanslapièced’unpashésitant,commes’ilredoutaitqu’ellepiqueunecrisedenerfsd’uninstantàl’autre.Cequi,plusquetouteautrechose,laconvainquitqu’ellen’hallucinaitpas.CarleQuinnBradford dont elle se souvenait était à peu près aussi à l’aise qu’Ellington face à quelqu’un devulnérable.Tout comme lepèred’Elise.La seule foisoùelle avaitpleurédevant lui, il avait eu l’airtellementpaniqué,terrifié,qu’elles’étaitfaitviolencepours’arracheràsesbras.Pourravalerseslarmesetenfouirsonchagrinleplusprofondémentpossible.

Etc’estprécisémentcequ’elle fit, là.Mêmesicela lui futmoinsdouloureuxque lapremière fois.Après tout,voilàdesannéesqu’elleagissaitde lasorte.Sibienque, laplupartdu temps,ellearrivaitelle-mêmeàoublierqu’elleéprouvaitencoredesémotions.

Cequiauraitfaitlafiertédesonpère.—Quedisentlesmédecinsausujetdetesblessures?demandaQuinnaprèsunmoment,brisantenfin

lesilencequis’étaitinstalléentreeux.Unsilencequirésonnaitcommeunenoteparticulièrementdiscordante.Ilobservalesérafluressursonvisage,lespansementsquirecouvraientlespointsdesuturesurson

brasdroit…Leplâtresursamaingauche.Unevéritableterreurs’emparad’elleenrepensantàceplâtre–etàlamainbrisée,mutilée,quise

trouvaitendessous.Àl’avenirbrisé,mutilé,quis’offraitàelle,désormais.—Çavaaller.Descontusionsetquelqueségratignures.Avecunelégèrecommotion…Tout comme elle avait ravalé ses larmes, Elise ravala son angoisse jusqu’à ne plus rien éprouver

d’autrequecettesensationd’engourdissement.Commed’habitude.Finalement,elleréussitàarticulercesquelquesmotsquiavaientbouleversésavieaumoinsautantquelamortd’Ellington:

Page 9: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

—Etaussiunefracturedelamain.« Fracture » était un faible mot pour décrire ce que l’accident avait infligé à son carpe, à son

métacarpe ainsi qu’à plusieurs des tendons de sa main. Il ne laissait en rien deviner l’horreur del’opérationqu’elleavaitsubiecematin,encoremoinsl’horreurdestroisquiseraientencorenécessaires,selonlesdiresdesmédecins.Elisenevoulaitpasypenser,encoremoinsenparlerenprésencedeQuinn.LebeauQuinn.LeQuinnidéal.LeQuinnautalentinsolent.

D’ailleurs,sielleluidétaillaitlesdégâts,ilseraitmieuxplacéquequiconquepourmesurerl’ampleurdudésastre–etlesconséquencesquecesblessuresallaientavoirsursacarrière.

Toutcommelamortd’Ellington,cettenouvelle réalitéétait tropcruellepourqu’ellepuissey fairefacedans l’immédiat.Pas avecunvieil ami.Encoremoins avec cet inconnuqui se tenait devant elle.Parceque,endehorsdesacarrièredepianisteclassique,Eliseneseraitjamaispersonne.C’étaitlàl’unedespremièresleçonsqu’elleavaitapprises,avantmêmed’êtreassezgrandepouratteindrelestouchesduclavier.

Le regard deQuinn– ce regard noir, profond, sublime– s’adoucit d’une lueur de compassionquiobligeaEliseàbaisserlesyeux.

—Jesuisdésolé,Lissy.Sonanciensurnom,conjuguéàsonévidentesincérité,nelamitqueplusmalàl’aiseencore.Elleaffichapourtantuneminejoviale,secoualatêteetsecomposaunsouriredecirconstance.—Jenemeplainspas.Aprèstout,celaauraitpuêtrepire.Denouveau, levisaged’Ellington, livide, lesyeux révulsés, lui revint à l’esprit.Denouveau, elle

s’efforçadechassercetteimage,pourpouvoirpoursuivrelaconversation.Tantqu’ellesauvaitlaface,illui importaitpeud’êtrecomplètementenvracà l’intérieur.Encoreune leçonqu’elleavaitapprise trèstôt,enfant.

—Mercipourlesfleurs,articula-t-elleenregardantpourlapremièrefoislebouquetdanslesmainsdeQuinn.

La composition offrait un dégradé de tons violets et orange : il s’était souvenu de ses couleurspréférées…Cequi,aprèstoutescesannées,labouleversaplusqu’ellen’étaitprêteàl’admettre.

À son tour, il scruta les fleurs et parut presque surpris de les découvrir entre sesmains. Un peucommes’ilneserappelaitpluslesavoirachetées.Mais,lorsqu’illesdéposasurlereborddelafenêtre,ildéclara:

—Ellesm’ontfaitpenseràtoi.Elleallaitleremercierdenouveau,maiss’entenditrépondre:—Waouh!Jen’auraisjamaisimaginéquequoiquecesoitpuissemerappeleràtonbonsouvenir.Etzut!Àlasecondemêmeoùellelesprononça,elleregrettadenepasavoirgardécesparolespour

elle.Biensûr,cesmots-làluibrûlaientleslèvresdepuisdixans,maisellen’avaitjamaiseul’intentiondelesdireàvoixhaute.EtsurtoutpasàQuinn.Àquoibondonnerd’ellel’imaged’unefemmeamère,encolère,coincéedansunpassédepuislongtempsrévolu?Maisvoilà,ellen’avaitpuravalerunesecondedeplusson indignation,après toutescesannées…Cespensées-làavaient longtempssuppurédanssonesprit;nevalait-ilpasmieuxcreverl’abcèsunefoispourtoutes?CarElisen’endémordaitpas:toutcequ’elleressentaitàl’égarddeQuinn,c’étaitdelacolère.Del’énervement.Delaconfusion.C’enétaitterminédelapeine.Terminé.Surtoutaprèstoutescesannées,tousceskilomètresquilesavaientséparés.

Etpuisellen’éprouvaitpluslemoindredésir.L’espècededieudurockquisetenaitenfaced’ellen’étaitfranchementpassongenre.

Mêmesi…ilétaitplutôtbeaugosse.Ça luicrevait lecœurde l’admettre,mais…Déjà,quand ilsétaientplusjeunes–àl’époqueoùellepassait leplusclairdesontempsàs’entraînerpourlevaincre

Page 10: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

lors des concours de piano, au lieu d’essayer de le séduire –, il était le type le plus canon qu’elleconnaissait.Àl’époque,ilneportaitquedescostumessurmesurehorsdeprix.Ilarboraitdesbrushingsirréprochables,etseschaussuresverniesluisaientaupointquel’onpouvaitlittéralementsevoirdedans.Seul le tatouage qu’il affichait alors au creux de son poignet – des caractères japonais signifiant«liberté»–laissaitdevinerunetimidedéfianceàl’égarddesonpèreetdesrèglesquasimilitairesquecelui-ciluiimposait.

Cepetitgarçonmodèleavaitdisparudepuislongtemps.Àsaplacesetenaitunhommequirespiraitlesexe–àchaquemouvement,àchaquemot,àchaquesouffle.Leseulfaitdesetrouverdanslamêmepièceque lui avait plongé Elise dans un véritable émoi. Un mélange étonnant de méfiance et de fébrilitébouillonnaitsoudainenelle.

Àchaquerespiration,unfrissond’excitation luibrûlait lesveines.Chacundesessensétaitenétatd’alerte.Toutcommecesparolesprononcéessanstropyréfléchir,cetteespècedefièvreétaitsansdouteàmettresur lecomptedesmédicaments…,descirconstancesparticulières,de ladouleur,brefde tout,sauf de cette évidente alchimie entre eux.Alchimie qui s’était ravivée à l’instantmême où elle avaitreconnuQuinndansl’embrasuredelaportedesachambred’hôpital.

Tentantdésespérémentdenepasselaisserdistraireparlasensualitéaffolantedecethomme,Eliseseconcentra sur les changements que ces dix années avaient opérés surQuinn.Car, à bieny regarder, ilavaitbeaucoupchangé.

Plusgrand,pluscostaud,ilarboraitdésormaisdesépaulescarréesetunlargebusted’homme.Rienàvoir avec l’allure d’adodégingandéqu’elle avait gardée enmémoire.Quinn avait toujours euun côtérevêche – normal quand on avait été élevé par quelqu’un comme son père –, mais elle ne pouvaits’empêcherdeluitrouveraujourd’huiunairplusdurquejamais.Mêmelestraitsdesonvisageétaientdifférents. Plus fins, plus fermés…Ses pommettes saillantes et samâchoire anguleuse rappelaient lesoriginesdesamère,amérindienne.

CenouveauQuinnarboraitaussiunanneauenargentpercédanssalèvreinférieure,ainsiqu’unplugnoirsurchacundeseslobesd’oreilles.Sonjeanétait trouéencertainsendroitstrèsstratégiques–nonpasqu’elleaiteuenviedeleslorgner–etlesmanchesretrousséesdesontee-shirtnoirmoulant,aucolenV,laissaiententrevoirl’arrondifermeetmusclédesesbiceps.

Sesbrasétaientcouvertsdetatouages,l’undansunmagnifiquedégradédegris,l’autreauxtonsnoirde jais et rouge sang.Lesmotifs très travaillés étaient du plus bel effet,mais il aurait fallu plusieursheures, voire plusieurs jours, pour distinguer chaque dessin de l’autre, tant ils étaient savammentimbriqués.Unepartied’elle-mêmemouraitd’enviedes’yatteler,maisilyavaittellementplusàvoir…Àsavourer.Mêmesi,biensûr,iln’étaitpasquestionpourElised’avouerunetellepensée.

Sonregardremontaverslacrinièrenoireetsauvagedumusicien.Naguèresoigneusementgominées,lesmèchesdeQuinn étaient désormais coiffées enpétard.Et sexy endiable.Si sa coupe était encoreassezcourteauniveaudelanuque,delonguesmèchesbrunestombaientnégligemmentsursonfront,sesjouesetsesyeux.

D’ailleurs,ilsepassaunemaindanslescheveuxpourlaénièmefoisdepuisqu’ilétaitapparudanslapièce.Elle enprofitapour contempler sesyeuxendouce.Et, en s’apercevantqu’il s’agissait làde laseulechosequin’avaitpaschangéchezlui,ellesentitsagorgesenouer.Toujourscettenoirceur,cettenoirceur intense au point que ses pupilles se distinguaient à peine de ses iris. Et cette lueur sombre,réservée,cetteméfiancemême…Intactes,malgrétoutescesannées.

Quandilsétaientjeunes,Elises’étaitsouventdemandépourquelleraisonQuinnsetenaittoujourssursesgardes.Aujourd’hui,elledécelaitlafureurquisedéchaînaitderrièresaréservehabituelle.

Etelletenaitencoretropàluipournepass’interrogersurlescausesdecettecolèreets’eninquiéter.

Page 11: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Certes,ilsnes’étaientpasrevusdepuisdesannées.Certes,ilsavaienttoujoursétéplusconcurrentsqueconfidents…Mais, bien avant qu’ils soient sortis ensemble, elle avait toujours eu un faible pour lui,malgrétouslesmauvaiscoupsqu’illuiavaitfaits.Sansdouteenétait-ildemêmepourlui.Sinon,ilneseseraitpastrouvélà,aujourd’hui,danscettechambred’hôpital.

Mais la présence de Quinn tourmentait plus que de raison son cerveau déjà bien secoué parl’accident. Comment aurait-il pu en être autrement, alors qu’il se tenait à quelques mètres d’elle,incarnation d’une sensualité sauvage et débridée…À dix-sept ans, Quinn éveillait le feu du désir. Àvingt-septans,ilétaitdevenuvolcanique.

Ilsemitàsebalancersursespieds,visiblementmalàl’aise.Soudain,iln’osaitpluslaregarderdanslesyeux,commesilesparolesamèresqu’ellevenaitdeprononcerformaientunebarrièreentreeux.

—Tun’espaslegenredefemmequ’onoubliefacilement.Alorslà,c’étaitlebouquet.Combiendefoiselle-mêmes’était-ellerépétéqueQuinnBradfordétaitle

genred’hommequel’onn’oubliaitjamais?Sielleluienavaitvoulu,cen’étaitpasparcequ’ilétaitparti,maisplutôtpourlafaçondontilétaitparti.Elleluienavaitvoulupourtoutescesjournées,cesmois,cesannéesdurantlesquelselleavaitattenduunsignedesapart.Oh,riend’extraordinaire!Justeuncoupdefil,une-mail,unecartepostale…Elleseseraitmêmecontentéed’unpigeonvoyageur.

Maiselleavaitcrevéd’inquiétudeàsedemanders’ilallaitbien,s’ilavaitsurvécuàcettebagarre,s’iln’étaitpasentraind’agoniserquelquepart,surlebordd’uneroute…

Sans nouvelles de lui, elle avait fini par refouler les sentiments qu’elle avait pour lui, par fairecommesisoncœurétaitdemeuréintact.Personneautourd’ellenes’étaitdoutédel’enferqu’elleavaitvécu.Elleavaitsibienjouélacomédiequ’elle-mêmeavaitfiniparseconvaincrequeladisparitiondeQuinnnel’affectaitplus.

À une époque, il avait pourtant été la seule chose qui comptait pour elle.Mais ce temps-là étaitdéfinitivement révolu. Pas question pour elle de revivre cette période de solitude infinie. Surtout pasmaintenantquesonmondevenaitdes’effondrer.

D’ungestejovial,elleagitasamainvalide,déterminéeàeffacerl’amertumedesesparoles.—C’estpasgrave,assura-t-elle.C’étaitilyalongtemps.—Elise…—Quinn, sérieusement…Çame fait plaisir de te revoir, insista-t-elle en s’efforçantd’afficherun

sourirebanal,impersonnel.Alors,qu’est-cequetudeviens,aprèstoutcetemps?Comme si elle n’était pas au courant.Comme si elle n’avait jamais vu sa gueule d’ange déchu en

couverturedeRollingStone,deSpinouautreVibe…Ellepensaitavoirréussisonpetitnumérodecomédienne,maisunseulregarddeQuinnsuffità lui

faire comprendrequ’il lisait en elle à livreouvert.Et ça lui faisaitmal, elle qui avait passé savie àérigerdesmuraillesentreelleetlesautres…ÀfaireensortederesteraussiindéchiffrablequeleSphinx,ouencorequelaSonatepourpianono8deProkofiev.

Le faitqueQuinnpuissedébarquerdanssachambred’hôpitalaprèsplusdedixansetcontinueràvoirenellemieuxquequiconquelamettaitdanstoussesétats.D’autantplusqueQuinndemeuraitpourelleparfaitementénigmatique.Plusencorequ’avant,peut-être.

Maiselleavaittiréuntraitsurcetteépoque,etsursessentiments.Elleluidésignalefauteuilprèsdesonlit.LefauteuilsurlequelEllingtonseseraitinstallé,siseulementilétaitencoreenvie.S’efforçantdenepasselaisserenvahirparlechagrin,ellemurmura:

—Tuveuxt’asseoir?—Oui,merci.Il s’affalaprèsd’elle avecungestedegratitude, comme s’il ne tenait debout quepar un effort de

Page 12: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

volonté. Elle comprenait ce sentiment mieux que personne. Elle l’avait éprouvé lors de chacun desconcertsqu’elleavaitdonnés,depuisl’âgedecinqans.Unevolontéetunedéterminationàtouteépreuve.

Lesilenceentreeuxseprolongea,maisQuinnfinitparrépondreàsaquestion:—JejoueduclavierpourShakenDirty.C’estungroupederockbaséici,àAustin.Elleétaitaucourant.Évidemment.Cen’étaitpascommesiellehabitaitsuruneautreplanète.Depuis

deuxans,ShakenDirtyraflaitlaquasi-totalitédesprixlorsdesGrammyAwardsoudesAmericanMusicAwards.Elisen’avaitrienmanquédecetteascensionfulgurante–mêmesiellesegarderaitbiendeleluidire.N’était-cepaspathétiquedesuivresansrelâchelacarrièredesonexsurInternet?

Ellepréféradoncluiposerlaquestionquiluibrûlaitleslèvresdepuisdenombreusesannées:—Comment en es-tu venu au rock ?C’est unmonde tellement éloigné du piano et de lamusique

classique…—Alors,tuasentenduparlerdenous?Jenepensaispasquetuécoutaisnotregenredemusique.—Jenevispasenferméedansuncaisson,rétorqua-t-elleensoutenantsonregard.Jeneconnaispeut-

êtrepasvoschansonsparcœur,maisj’aientenduparlerdeShakenDirty.Etpuisjeterappelleque,àuneépoque,toinonplustun’écoutaispascegenredemusique.

—Àquiledis-tu!lança-t-ildansunéclatderire.Audébut,jecroisd’ailleursquec’estcequej’aiadoré:fairelegrandécartentrelesdeuxstyles.Aujourd’hui,jenem’imaginepasfaireautrechose.

Difficileàcroire.Quinnavaitembrassésacarrièreprécocedepianisteclassiqueavecunepassiond’aficionado.Ellel’avaitvus’yadonnercorpsetâme,sedélecterdelasensationdestouchessoussesmains…Rienneluirésistaità l’époque,pasmêmelespièceslespluscompliquéespourlesquellesilss’entraînaientjusqu’àenavoirmalauxdoigts.Àl’époque,Quinnn’étaitjamaisaussirayonnantquesurscène,faisantcorpsavecsonpiano,faceàdesmilliersdepersonnesvenuesl’applaudir.Et,parcequ’illesavaitdéjà,contrairementàelleiln’avaitjamaiseul’angoissedelafaussenote.

—Entoutcas,çateréussitbien,dit-elle.JeneconnaisquedeuxoutroismorceauxdeShakenDirty,maisj’aitoutdesuitereconnuuncertaingéniedanslacomposition.Jenesavaispasqu’ils’agissaitlàdetongénie,Quinn…

Inutiledeluimentir.Pasàcesujet,entoutcas.—Venantdetoi,c’estuntrèsgrandcompliment.— C’est seulement la vérité, déclara-t-elle sans même s’apercevoir qu’elle répétait là une des

phrasesfétichesd’Ellington.Quinn–quiavaitétémanagéparEllingtonavantelle–avaitdûpercevoirl’allusion,carilsouriaità

présent. Et sincèrement. À cet instant, pour la première fois, elle revit le garçon qu’elle avait connunaguère,cequinefitqu’accentuersonmalaise,etlesbattementsaffolésdesoncœur.

Ils’éclaircitlagorge,etellecompritqu’elleavaitdûdenouveaupartiràdesannées-lumièredelà.Mauditsmédicaments!

—Quandest-cequetuserasenétatdequitterl’hôpital?—Dansdeuxou trois jours, probablement.Çadépendrade lavitesse à laquellemamain…(Elle

s’interrompitetdutseforcerpourarticulerlasuite.)Lavitesseàlaquellemamainguérira.Ilhochadoucementlatête.—Ilyaquelqu’unquetuveuxcontacter?Jepeuxpasserquelquescoupsdefilsi tuasbesoin.À

moinsquel’hôpitalnes’ensoitdéjàchargé?La police avait d’abord prévenu l’épouse et la famille d’Ellington, mais Elise devait encore

téléphonerenpersonneàPatricia.Pourluiprésentersescondoléances.Sielleavaitétéplusforte,moinsdémunie,capabled’affrontersesangoisses,leschosesauraientété

biendifférentes.Ellingtonsetrouveraitencemomentchezlui,auprèsdePatriciaetdeleursenfantset

Page 13: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

petits-enfants.Ilprofiteraittranquillementdesonvastebureau,vêtudesonjoggingmiteux,aulieud’êtreallongédanslesilencefroiddelamorgue.

Uneboufféedeculpabilités’emparad’Elise,jusqu’àluicouperlesouffle.Jusqu’àquandserait-elledoncmaudite?Continuerait-elleàsemerlamortetladestructionautourd’elle?Samèreétaitmorteenluidonnantnaissance,etsonpèreavaittenté,toutaulongdesavieetpartouslesmoyens,defaired’ellequelqu’un qu’elle ne serait jamais.Quant àQuinn…La dernière fois qu’elle l’avait vu, il avait faillitrouverlamortenvoulantprotégerElisedelafureurdesonpèreàlui.

Unhaut-le-cœur fit remonterdanssagorge lesquelquesgouttesd’eauqu’elleavait réussiàavalertoutàl’heure.S’agrippantàsondrap,elles’efforçadenerienlaisserparaître.Etd’avoirl’airenforme.

Dedonnerl’impressionquetoutallaitbien.—L’hôpitaletlapolices’ensontchargés,expliqua-t-elle.Sans trop savoir pourquoi, elle n’avait pas envie que Quinn – le beau Quinn, le Quinn parfait –

découvreàquelpointsavie,cesdernièresannées,avaitétédominéeparlasolitude.Ellingtonétaitsonseulvéritableami,laseulefamillequiluirestait.Désormais,l’isolementd’Eliseétaitcomplet.

—Jet’aiapportéquelquesaffaires,déclaraQuinnauboutd’unmoment,enluimontrantunsacàdosqu’ellen’avaitpasencoreremarqué.Jemesuisditquetudevaist’ennuyerici,danstonlit,àregarderlatélétoutelajournée.

—Tum’asapportédesaffaires?—Justequelquesbouquins,desmagazines,desmotscroisés…—Des«motscroisés»?répéta-t-ellebêtement.Cettefois,elledevaitvraimentavoirl’aird’unedemeurée,maisellenepouvaitpass’enempêcher.

Cethomme,cerockeuraupassétroubleetàlaréputationsulfureuse,venaitluiapporterdesfleurs,deslivresetdesmotscroisés?Franchement,çanecollaitpas.

—Jemerappellequetuenfaisaistoutletemps.Danslesloges.Jenesaispassituaimestoujoursça,maisjemesuisdit:«Pourquoipas?»

—C’estgentil,admit-elleenseraclantlagorge.Merci.—C’estpasgrand-chose,dit-ilavecunhaussementd’épaules.Oh,quesi!Surtoutdelapartdecethommequis’étaitfaufiléhorsdesonlitjusteaprèsluiavoirpris

savirginité,pourdisparaîtresansl’ombred’uneexplication.Sanstropsavoircommentréagir,Eliseacceptalesacàdosetl’ouvritpourensortirlesaffaires.Pour

l’instant,rienquineressemblaitdeprèsoudeloinàunlivreouàunmagazine.—LafiancéedeRyder,Jamison,aaussirécupérédestrucspourtoi.Jeluiaidemandédequelgenre

d’affairesdetoilettetupourraisavoirbesoin,etelleestalléelesachetercematin.Situasbesoindequoiquecesoitd’autre,tun’asqu’àmedemander,etj’iraitel’acheter.

—Jeteremercie,Quinn.C’estsuper.Contretouteattente,elleextirpadeuxlongueschemisesdenuit,unebleuclairetl’autrevertmenthe,

quelques sous-vêtements trop grands d’une taille environ, une brosse à cheveux, un lait de toilettedémaquillant,undéodorantàlafraiseetunbaumepourleslèvres.

—Vraiment,elleapenséàtout!s’esclaffaElise.—Ouais,Jamisonesttrèscool,murmura-t-ilavecunepointed’affectiondanslavoix.Àcet instant,une irrépressibleboufféede jalousie la traversadepart enpart.Mais, au lieude se

laisserdévorer,elledemanda:—QuiestRyder?N’était-ilpasnormalpourelledes’intéresserauxgensauxquelsQuinnsemblaittenir?—LechanteuretleaderdeShakenDirty.Jamisonetluisesontfiancésilyadeuxsemaines.C’estla

Page 14: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

sœur de notre guitariste, donc ça nous a fait un peu bizarre quand ils se sontmis ensemble. Enfin…«bizarre»danslebonsensduterme,tuvois?

Non,ellenevoyaitpas.Maisalorspasdutout.Commentpouvait-ellecomprendre,ellequin’avaitpluspersonnepourquiéprouverunetelleaffection?

Maispasquestiond’avouerunetellechoseàl’hommequ’elleavaitaimé,avant.Cethommeàquiellenepourraitplusjamaisaccordersaconfiance–aussiattentionnésoit-ilaujourd’hui.Carsessentimentspourluiavaientbienfailliladétruire,àl’époque.

Biendécidéeànesurtoutpluspenseràleurpassécommun,ellesortitledernierobjetdusacàdos.Etlà,ellecrutqu’elleallaitcraquer.Unsacdebiscuitsenformedepoissons.

—Sansblague?Tuenesrestélà?demanda-t-elle.Illadévisagea,leregardvide.— Excuse-moi. Je croyais me rappeler que tu aimais ces biscuits. Je t’apporterai autre chose à

grignoterlaprochainefois.Ellelescrutalonguement,cherchantàdeviners’ilétaitsérieux.Mais,commeilsoutenaitsonregard

sansciller,ellesedemandamêmes’iln’avaitpasoubliél’épisodedespoissonsdanslabaignoire,dixansplustôt.Cependant,ilfinitparbattredescils,et,l’espaced’unebrèveseconde,elledécelalapointedejubilationaufonddesonregard.

Entoutcas,ilneluilaissapasletempsderéagir.—Tuasbesoind’aide?Tuveuxuncoupdemainpourenfilerunechemisedenuit?Cettefois,elleavaitdûmalentendre.Cethommenevenaitpasréellementdeluiproposerdel’aider

àsedéshabiller?Sérieusement?Son incrédulité dut se lire sur son visage, car Quinn s’empressa de l’assurer de ses intentions

honorables:—Jevoulaisdireparlàquejepeuxt’accompagnerjusqu’àlasalledebains,situnetienspasencore

surtesjambes.Oujepeuxsortirpendantquetutechanges.Outupeuxattendreavantdetechanger…Jeveuxdire…

Dommage qu’elle n’ait pas eu une caméra à portée de main. Ou un Dictaphone. Quelque chose.N’importequoi.Celaavaitbeaufairedixansqu’ilsnes’étaientpasrevus,elleleconnaissaitassezbienpoursavoiràquelpointilétaitraredevoirQuinnBradfords’empêtrerdanssesexplications.

—J’aicompris,fit-ellepourletirerdecemauvaispas.Jevaisjusteallermechangerdanslasalledebains.

Elle s’empara de la jolie chemise de nuit bleue, puis se dirigea vers le cabinet de toilette. Elles’aperçutqu’elletenaitàpeinesursesjambes.MaispasquestiondelaisserQuinnvoirsafaiblesse.Elleseforçaàavanceràpetitspas,sansflancher.

Celafonctionna.Ellearrivajusqu’àlasalledebains,réussitmêmeàsebrosserlesdents–nonpasqu’ellesoitinquièted’avoirounonl’haleinefraîche–etàenfilersanouvelletenueennetrébuchantquedeuxoutroisfois.Sonpetitdéjeunerfrugalet lesmédicamentsqui inondaientàprésentsesveinesn’yétaientsansdoutepasétrangers.Sansparlerdesavolontésansfailledenepasmontrersafragilité.

Reprenantconfiance,elleaccéléralepaspourregagnerlachambre,puissonlit…qu’ellen’atteignitpas.Carelleperditl’équilibreàquelquescentimètresseulementdesonbut.EtseseraitétaléeàterresiQuinnnes’étaitpasprécipitéàsarescousse.

Avecdesréflexesimpressionnantsetsansaucunehésitation,illarattrapaet,avantmêmequ’elleaitle temps de comprendre ce qui lui arrivait, elle se retrouva dans ses bras. Dans ses bras solides,musculeux et couverts de tatouages. Pressée contre son torse. Son torse solide, ferme, fébrile. Elle

Page 15: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

ignoraits’ilétaittatoué,maiseutsoudaintrèsenviedeledécouvrir.Quoiqu’ilensoit,ellen’étaitpasmalheureusedeseretrouverlà,d’autantqueQuinnapprochason

visagedusienpourvérifierqu’elleallaitbien.Siprèsqu’ellesentitsesmèchesluieffleurerlefront…sesmèchesincroyablementdoucesetsoyeusescontresapeau.

—Est-cequeçava,Lissy?Oh, comme entendre son surnom sur ses lèvres lui était familier !… Et pourtant cela faisait si

longtemps…—Çava,dit-elleenposantsamainencorevalidesursontorsepoursedégagerdesonétreinte.Mais,sansbougersesjambesd’uniota,Quinndescenditunemainle longdesesreins,avantdela

plaquerfermementcontrelui.Aussitôt,ellesentitsonardeurl’envahiretchasserlefroidquil’habitaitdepuissilongtempsqu’elle

n’ensentaitpresquepluslaprésence.Quelledélicieuseetsurprenantesensationdechaleur!Quinn ne savait pas trop comment ils s’étaient retrouvés dans une telle position : ses bras autour

d’Elise,pressantsoncorpsfrêlecontrelui.Maiscedontilétaitsûr,c’étaitquececontactavaitréveilléen lui undouloureuxdésir.Commentpouvait-il en être autrement, quand les seins rebondis d’Elise seplaquaientcontresontorse,etsonventresveltecontresescuisses?

Cetteréactioncharnelleétaitpourtanttoutàfaitdéplacée,vulanaturedeleurrelation,etsurtoutvul’étatd’Elise.Ilavaitbeauenêtreconscient,Quinnrestaitàlamercidecetteirrépressiblepulsion.

D’autantque,malgréletissudelachemisedenuitetdesonpropretee-shirt,ilsentaitlapointedurciedes seins de la jeune femme chatouiller ses tétons… Le seul fait de la deviner troublée, excitée, leperturbaauplushautpoint.Soudain,lemondeautourd’euxs’effaça.

À cet instant précis, il n’eut qu’une envie : serrer Elise contre lui et ne plus jamais la laissers’éloigner.Luifairel’amourjusqu’àenperdrehaleine.Qu’importentlesconséquences.

Or,danslavraievie,leschosesn’étaientpasaussisimples.Dixansplustôt,ilneméritaitdéjàpasElise.Ilnelaméritaitpasplusaujourd’hui.Pasaveclesangqu’ilavaitsurlesmains.Laviolencequ’ilportaittoujoursenlui.

L’imagedesafrêlesilhouette,recroquevilléeausol,uneplaieà la têteaprèsqu’ellesefutcognéecontrelepiano,luirevintàl’esprit.Cequirefroiditaussitôtsesardeurs.

Pourtant, il éprouva une véritable douleur physique en la déposant doucement sur son lit. Puis ilrecula dequelquespas, glissant sesmains dans ses poches. Il faisait sonpossible pourmasquer cettebrûlanteenviedetomberàgenouxdevantelleetd’enfouirsonvisageentresescuisses.

Durantdelonguessecondes,Eliseneditrien.Luinonplus.Ilssescrutèrentl’unl’autre.Cequiavaitbienfaillisepasserentreeuxélectrisaitl’air.

Elise fut la première à baisser les yeux. Elle commença à tripoter machinalement les fils quidépassaientdelacouverturejaunâtredel’hôpital.

—Tupréfères que je parte ? demanda-t-il en regrettant soudain amèrement de l’avoirmisemal àl’aise.

Ilétaitvenuluirendrevisitepourluiéviterlasolitude,maisilvalaitsansdoutemieuxseretrouverseuleplutôtquedanslesbrasd’unex-petitamiincapabledemaîtrisersespulsions.

Bonsang,sicelacontinuait,elleallaitleprendrepourunharceleur!—Non!serécria-t-elleaussitôt.Enfin,tueslebienvenusituveuxrester.Oui,illevoulait.Cen’étaitpaslechoixleplussage,maisiln’avaitjamaischerchéàpasserpourun

garçonsage.PasencequiconcernaitEliseMcKinney.Alors,malgrésonparfumfruitéauxaccentsdemiel,malgré sespetits seinsquicontinuaientàpointer sous le tissudesachemisedenuit,malgré son

Page 16: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

intuitionquiluicriaitqu’ilcommettaitunegravebêtise,ilrapprochalefauteuildesonlitetlamitaudéfideselancerdansunepartiedemorpionendiablée.

Inutiledepréciserqu’ilnefutguèresurprisdelavoirremporterchaquemanche.

Page 17: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Chapitre2

Combiendetempsétait-ilrestédevantlelitd’Elise,àlaregarderdormir?Assez longtemps pour voir une infirmière zélée rendre visite trois fois à la jeune femme, bientôt

relayéepardeuxautresdesescollègues.Assezlongtempspourquecettematinéebrumeusesechangeenjournéechaudeetradieuse.Et,surtout,assez longtempspours’apercevoirqu’ilyavaitdans lasituationd’Elisequelquechose

quinecollaitpas.Quelquechosequin’avaitrienàvoiravecl’accidentqu’ellevenaitdesubir.Oùétaitpassésonfiancé?Oùétaitpassésonpère?Àl’époqueoùQuinnécumaitencorelesrécitals,lepèred’Elisenelâchaitpassafilleuniqued’une

semelle. Cela avait largement compliqué leur histoire, quand ils avaient voulu sortir ensemble.D’ailleurs,àyrepenseravec lerecul,c’étaitprobablementcequesonpèreavaitcherchéàfaire.Car,danslegenresurprotecteur,onnefaisaitpaspire,surtoutpourtoutcequiavaittraitàlacarrièred’Elise.Etcomme,àsesyeuxdumoins,iln’yavaitquecettecarrièrequicomptait…

Elise se mit à remuer et à marmonner dans son sommeil. Était-ce à cause de la douleur ? D’uncauchemar ? Peu importait. Quinn avait beau se dire qu’il n’avait absolument aucun droit sur elle,impossiblederésister:ilposaunemainsursonfrontetcaressasalonguechevelure,bruneetsoyeuse.

Elise avait l’air presque irréelle, allongée sur ce lit, avec toutes ses égratignures, son œil droittuméfiéetsonfrontauxplaiesfraîchementrecousues.Pourtantelleétait toujoursaussibelle– ilauraitfallu bien plus qu’un simple accident de voiture pour abîmer cette beauté, à la fois intérieure etextérieure,quiavaittoujourscaractérisélajeunefemme.Maiscettefragilité,quiavaittoujoursétépartieintégranted’elle,mêmedixansauparavant,semblaitplusprononcéequejamais.

Certes,elleétaitcouvertedebleusetdebosses,mais ilyavaitautrechoseque l’accidentetpeut-être, même, que la mort d’Ellington. Car si l’anxiété d’avoir perdu son manager et ami ainsi quel’épuisementpouvaientexpliqueràquelpointelleparaissaitfragile,ilsnejustifiaientpascettemaigreur.Illuimanquaitaumoinsseptouhuitkilospouravoirl’airsolide.Etcetairdéfaitnepouvaits’expliquerparceseulaccident.C’étaitcommesiellen’attendaitplusriendelaviedepuisbienlongtemps.

Fermant lesyeux, ilneputs’empêcherdeseremémorercettefillepleinedeviequ’ilavaitconnueavant.Cettefillequitriomphaittoujoursdesontracquasiinvalidantpourmontersurscène.Cellequi,sionlapoussaitunpeu,étaitcapabledevousrendrecouppourcoup.Cellequiavaitencaisséchacundescanularsqu’illuiavaitfaitspoursevengerchaquefois,jusqu’àladémesure.

Ilneretrouvaitriendecettefouguesurlevisagedelafemmeétenduedevantsesyeux.Lescourbesgénéreusesd’Elise avaient fondu : aujourd’hui, ellen’avait plusque lapeau sur lesos, son teint étaitlivide,soncorpsnerveux.Lagorgenouée,Quinneutsoudainunefurieuseenvied’allervoirEllingtonetdelesecouerjusqu’àcequ’illuiexpliquecequiétaitarrivéàElise.

Saufqu’Ellingtonétaitmort.ToutcommelegaminqueQuinnavaitété,avant.Alors,pourquoiavait-iltantdemalàaccepterqu’Elise,elleaussi,n’étaitplusuneenfant?

Peut-êtreparcequ’ilconsidéraitque,s’ilavaitchangé,c’étaitenmieux.Biensûr,sonpèren’aurait

Page 18: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

sansdoutepasétédumêmeavis,maiscesalaudn’avaitplusvoixauchapitredepuis le jouroùQuinns’étaitfaitlamallepourpartiravecseulement200dollarsenpoche.Ilavaitainsirenoncéauxdizainesdemilliersdedollarsqu’auraitpuluiassurersacarrièredepianiste.C’étaitlàleprixdesaliberté.

MaisilavaitaussirenoncéàElise.Etsiriendesavied’avantneluimanquait,ilgardaitnéanmoinsunseulregret:celuidel’avoirabandonnéecommeill’avaitfait.S’ill’avaittenueàl’écartduranttoutescesannées,cen’étaitpasdegaietédecœur:poursasantémentaleetpoursapropresurvie,illuiavaitfallucouperlespontsavecsonpère.Et,unefoisqu’ilavaitfranchilepas,iln’avaitpaspurecontacterElise. Car il savait très bien comment leur relation allait s’achever. Il savait bien que, jusque-là, iln’avait fait que l’entraîner avec lui dans les noirceurs abyssales auxquelles se résumait sa propreexistence.Etilavaitrefusédeluiinfligerunpareilsort.

Laséparationn’avaitpasété facile.D’autantplusque,en la regardantaujourd’hui, il compritque,pendantcesdixannéesaucoursdesquellesils’étaitappliquéàdevenirlapersonnequ’ilavaittoujoursrêvéd’être,Eliseavaitsuiviunetoutautretrajectoire.

Elleparaissaittellementabîmée…tellementmalheureuse…tellementfragile.Ilserassitsurlelit,hantéparl’idéequ’elleavaitbeaucoupsouffert,puiss’emparadesontéléphone.

Connecté à Internet, il chercha « EliseMcKinney » sur Google et passa l’heure suivante à parcourirtouteslesinformationsàsonsujet.Iln’appritpasgrand-chosedenouveau–ilavaittoutdemêmesuivisacarrièredeloinenloin,dumoinslespremierstemps–sinoncequ’elleavaitvécucesderniersmois.

Bonsang, ilnepouvait s’enprendrequ’à lui-même!Car il s’était faitunpointd’honneurd’évitertoutes les infosrelativesàElisedepuis troisans,depuisqu’ilavaitapprisqu’elles’étaitfiancée.Saufqu’ils’apercevaitqu’ilavaitratéunarticlesur«Lamortd’unelégende»(lepèred’Elise),parudansleNewYorker neufmois plus tôt. Il était aussi passé à côté des articles de tabloïds qui parlaient de larupturedesesfiançaillesavecunrichefinancierdeManhattan,peudetempsaprès.

Cequifaisaitdeluiunsalauddelapireespèce.Quinnn’avaitjamaisétéparticulièrementprochedupèred’Elise,maiscelle-cilevénéraitaumoinsautantqu’elleavaitvénéréEllington.Autrementdit,Eliseavait,enmoinsd’unan,perdusonpère,sonfiancéetsonmanager.

Pas étonnant qu’elle ait cettemine affreuse. Finalement, il trouvait même surprenant qu’elle restecapabledesourire,mêmedefaçonfugace.

Àunecertaineépoque,iln’auraitpasvraimentcompatiavecelle.Mais,àprésentqu’ilavaitShakenDirty,àprésentqu’ilavaitJared,RyderetWyatt,ilosaitàpeineimaginercequeceseraitdelesperdre,afortioridefaçonaussirapprochée.

Denouveau,Elisegémitdanssonsommeil, et,denouveau, il tendit lamainpour la réconforter. Ildétestait la voir ainsi.Victime d’une telle souffrance, victime de toute cette dévastation autour d’elle.D’autantquelecauchemarnefaisaitquecommencer.

Ilposalesyeuxsursamainplâtrée.Aumomentoùelleavait leplusbesoindeseréfugierdanssamusique,celaaussi,lavieleluiavaitbrutalementrepris.

Ilrepensaàsesparoles.Elleprétendaitquesafracturen’étaitpasgrave.Ilavaittouteslespeinesàlacroire.Lamainétaitunestructurecomplexe,faited’osetdetendonsquifonctionnaientensembledansunéquilibresymétrique.Siquoiquecesoitendommageaitl’undecesos,alorstoutl’ensembleseretrouvaitforcément remisenquestion.Alors, siplusieursd’entreeuxétaient touchés…Ilnepouvait en résulterqu’unepertepartiellemaispermanentedemobilité…Cequi,pourlecommundesmortels,setraduisaitengénéralparunepetiteincapacitéàplierentièrementl’undesesdoigts.Or,pourunpianistedemétier,cehandicapsignaitl’arrêtdemortdesacarrière.

Quinn se dirigea vers l’ordinateur de l’autre côté du lit. Il avait regardé l’infirmière y entrer desdonnées, toutà l’heure,mais la jeunefemmeavaitété tellement troubléededécouvrirunerockstarau

Page 19: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

chevetdesapatientequ’elleavaitoubliédesedéconnecterdesasession.Autrementdit, toutcequ’ilvoulaitsavoirausujetdel’étatd’Elisenesetrouvaitqu’àunclic…

Unregardrapideducôtédel’horlogeluiindiquaqu’ildisposaitencoredequelquesminutesavantlaprochainevisitedel’infirmière.Unseulpetitcoupdanslaportedelachambre,etcelle-cisereferma.

Même si Quinn se sentait coupable de violer ainsi l’intimité d’Elise, il demeurait déterminé àdécouvrirdequoiellesouffraitexactement,etcedontelleauraitbesoinpourguérir.Alors,ilparcourutdesyeuxletableauquis’affichaitdevant lui.Et,àchaquemotqu’il lisait,sonestomacsenouaunpeuplus.

Lafracturedontellesouffraitn’avaitriendesimple.Rienquiauraitpuentretenirneserait-cequ’unmaigreespoirdelarevoirjouerdupianoàunniveauprofessionnel.Pasavectroisosdumétacarpeenmiettes…Sansparlerdestendonsetdesligamentsendommagésqu’avaitrecenséslechirurgien–lequelavait seulement entamé un travail de reconstruction qui ne s’achèverait qu’après de nombreusesopérations.

Etmerde!Quinn relut l’intégralité du tableau une deuxième fois avant d’éteindre l’ordinateur. Dans un état

second,ilregagnasonfauteuil,surlequelils’affala.Avantdeprendresonvisageentresesmains.Etmerde!Etmerde!Etmerde!Putaindemerde!Cettefois,laréalitédelasituationd’Eliselefrappadepleinfouet.Voilàqu’elleseretrouvaitseule,

gravementblessée,privéedelacarrièrequiavait jusqu’alorsétésaraisondevivre…Sansparlerdesinterventions chirurgicales qui l’attendaient, et des mois de rééducation qui ne manqueraient pas desuivre.Etellen’avaitpersonnepourlasoutenirdanscetteépreuve.

Pasétonnantqu’elleaitl’airàcepointmeurtrie.Quinnrestalongtempsassis,àsedemanderpourquoilavieétaitaussiinjuste.Questionridicule,pour

unhommequiavaitconnudèssonplusjeuneâgel’arbitraireetlacruautédudestin.MaisilnevoulaitpasvoirElisesubirtoutça.C’étaitd’ailleurslaprincipaleraisonpourlaquelleilavaitpréféré,àl’âgededix-septans,s’éloignerd’elle,quitteàsedéchirerlecœur:pourluipermettredemenerlaviequ’elleméritait.UneviequineseraitpluspolluéeenpermanenceparlaseuleproximitédeQuinn.

Saufquelavied’Eliseavait,malgrétout,basculédansledrame.Àcausedecemauditaccident,maisaussi,ilvenaitseulementdeledécouvrir,desépreuvesqu’elleavaitsubiescesderniersmois.Qu’est-cequetoutcelasignifiaitaujuste?Qu’ill’avaitquittéepourrien?Oubienquepersonne,aussidoux,gentiletparfaitsoit-il,nepouvaitsesortirindemnedecettechiennedevie?

Quinn n’avait pas de réponse à cette question, mais il était sûr d’une chose : en aucun cas il nelaisserait Elise traverser les jours qui s’annonçaient dans la solitude. Pas question qu’elle passe unnombre incalculabled’heures à regarder lesmursblancsde cette fichue chambred’hôpital, à attendresanssavoircequiallaitluiarriver.

Pourl’avoirvécu,Quinnnesouhaitaitcelaàpersonne,pasmêmeàsonpère.Alorscertainementpasàcepetitboutdefemmeassoupidevantlui.

Non. Quand, demain, elle commencerait à affronter la réalité de sa situation, de sa main, de sonavenir,desamusique,ilseraitlà.Etilresteraitprèsd’ellejusqu’àcequ’ellen’aitplusbesoindeluietqu’ellel’éjectedesaviesansremords.Pourdebon,cettefois.

Page 20: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Chapitre3

Quelquesheuresplustard,aprèss’êtreassuréqu’Eliseavaitavaléquelquesgorgéesdelasoupequ’ilétaitsortiluiacheter,Quinndutlaharcelerpourqu’elleacceptedeprendreuncompriméd’analgésique.Elle s’assoupit peu après, et il quitta la chambre en silence, en faisant de sonmieux pour ne pas laréveiller.Etpournepassefaireremarquerdel’équipemédicale.

Manquedechance, il lui fallutprèsdevingtminutesavantd’accéderà la sortiede l’hôpital.Car,visiblement, la nouvelle de sa présence dans l’établissement s’était répandue comme une traînée depoudreauprèsdesvisiteurs.Et,commeShakenDirtyfaisaitlafiertédenombreuxhabitantsd’Austin,ildutsignerdesdizainesd’autographes.

Cequi,entempsnormal,neluiposaitaucunproblème.Iln’allaitquandmêmepasseplaindredetoutlesoutienqueluimanifestaientlesfansdeShakenDirty–surtoutaprèslepétrindanslequellegroupes’étaitfourrérécemment.

Entoutcas,ilavaitpassétropdetempsauchevetd’Elise.Ilavaitd’autresengagements,auxquelsilnepourraitsesoustraire,etiln’enavaitpasl’intention.

Pourtant, ilavaiteu toutes lespeinesdumondeà laisserEliseseuledanssachambred’hôpital.Etpuissetrouverauprèsd’elleetentendredenouveausavoixl’apaisaient.

Mêmesicelan’avaitaucunsens,vulagravitédesblessuresd’Eliseetlaméfiancequ’ellesemblaitnourriràsonégard.Pourtant…Malgrétoutlemalqu’ilavaitàresterassisdanscettechambreavecelle,malgrécetteenviedévorantedelaprendresursesgenoux,del’enlacer,delacouvrirdebaisersetdeluifairel’amour,ilavaitéprouvéungrandplaisiràsimplementbavarderavecelle.Àsimplementvoirsesgrandsyeuxvertssemettreàpétiller,ousesjouess’empourprerdeplaisiroud’embarras.

Or,àforcedeprolongercesdouxmoments,ilavaitfiniparseretrouversacrémentenretard.Alors,quandilparvintenfinàsedéfairedelafouledesesfans,ilseprécipitaversleparkingpourrejoindresamoto.Sansperdreuninstantdeplus,ilfonçasurl’autorouteendirectiondunord.Moinsdetrenteminutesplustard,ilsegaraitenfinàdestination.

Aprèsavoir rangésoncasque, ilmontaquatreàquatre lesmarchesduperronde l’immeubleet seprésentaàlaréception,brandissantsapièced’identité.Puisilrejoignitlegrandfoyerprincipal,bondé,etsesentitsoudaintrèsbête.Lesportesdel’établissements’étaientouvertesauxvisiteursdeuxheuresplustôt,àl’heureoùilavaitinitialementprévud’arriver.

Enrogne–contrelui-mêmemaisaussicontrelaterreentière–,ilfutbrusquementtirédesespenséesparlavoixlaconiquedeWyatt:

—Maisqu’est-cequetuficheslà?Quinns’écartadelafenêtreparlaquelleilcontemplaitcequiressemblaitàunterraindegolfetse

trouvanezànezavec lebatteurdesongroupe,accessoirementsonmeilleurami,qui ledévisageaitenplissant les yeux. Il avait beau s’être préparé à ce moment, Quinn sentit son estomac se nouer endécouvrantWyatt.

Ilavaitvraimentmauvaisemine.

Page 21: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Sapeauhabituellementbronzéeétaitblêmeetcontrastaitcruellementavecleslignessombresdesestatouages – sans parler des cernes violets qui s’étalaient sous ses yeux verts. Ses mains tremblaienttellementque,mêmeen lesenfonçantdanssespoches, ilnepouvaitdissimuler leurssoubresauts.Et ilavaitencoreperdudupoids.Cedontilauraitbienpusepasser.

VoilààpeinetroissemainesqueQuinnetRyderavaientaccompagnéWyattici,mais,àlevoirdanscetétat,onauraitpucroirequecelafaisaittroismois.Troismoisatrocementlongsetdouloureux.Plusque jamais,Wyatt avait l’allure d’un junkie, accro à l’héroïne.Alors que le but de lamanœuvre étaitexactementl’inverse.

Saisid’unesombreinquiétude,Quinnsentitsespropresmainssemettreàtrembler.Iln’avaitpaslamoindre idée de ce qui risquait d’arriver – à Wyatt comme au reste du groupe – si cette cure dedésintoxicationnefonctionnaitpas.Maispasquestiondelaisserdevinersescraintesnisesdoutesàsonami, de saboter les quelques progrès, même infimes, queWyatt avait pu faire. Alors, au lieu de luidemander comment il se sentait, Quinn fit ce qu’il savait faire de mieux, ce qu’il avait fait depuistoujours:ilenfouitsesangoissesauplusprofonddeluiets’efforçad’afficherunsouriredecirconstance.

—J’imaginequetun’aspaseulemessage,déclara-t-ilàWyatt.Ceweek-end,lesfamillesontdroitdevisite.

—J’aipenséquec’étaitréservéauxvraiesfamilles.—Bon,jevois…Jenedirairiensitunedisrien.Après tout, ils formaient une famille depuis huit ans ou, plus précisément, depuis queQuinn avait

intégrélegroupequeWyattavaitfondéavectroiscopainsdelycée…Mais lepianisten’insistapas.La lueur au fonddesyeuxdeWyatt lui indiquait que c’était inutile.

Malgrésesparolesacerbes,ilsavaitexactementpourquoiQuinnétaitvenu.Pour qu’il ne se retrouvepas tout seul lors du seul vendredi dumois au cours duquel les patients

étaientautorisésàrecevoirdesvisites.—RyderetJamisonviendrontdemain,précisaQuinn.EtJaredprévoitdepasserdimanche.LeregardvidedeWyatts’éclairafurtivement.—Tun’étaispasobligé…—Jenesuisobligéàrien.— Mouais, grommela Wyatt. (Il désigna les portes vitrées qui menaient à l’extérieur.) Tu veux

t’asseoirunmoment?—Biensûr.Ensilence,Quinnsuivitsonamijusqu’àuneterrasseombragéeetleregardas’installersurunechaise

longueprèsdelabalustrade,avantdel’imiter.Laplupartdesautresvisiteursetpensionnairess’étaientassisautourdelapiscineous’entraînaientsurlegreen.

Quinnsecoualatête.Est-cequec’étaituncentrededésintoxicationouunhôtelcinqétoiles?Peuluiimportait, à vrai dire, du moment queWyatt arrivait à décrocher. Ses deux dernières cures s’étaientdérouléesdansdescentresquiauraientfaitpasserlescampsderedressementlesplussévèrespourdespalaces.Ets’étaientsoldéesparunéchec.Alors,quiétait-ilpourcritiquercetendroitparcequ’ilavaitdescourtsdetennisetdeskilomètresdesentiersderandonnée?

Unlongsilences’abattitentreeux.Unsilencetenducommeunecordedeguitare.Quinnavaitenviededire des milliers de choses, mais aucune n’aurait pu être utile à son ami. Alors, durant de longuesminutes,ilrestaimmobile,leregardfixe,àattendre.Wyattfiniraitbienparprononcerunmot.Ilsétaientamisdepuisassez longtempspourqueQuinnsacheque laseulechosequeWyatt redoutaitplusencorequ’êtresobre,c’étaitlesilence.

Et,eneffet,lebatteurcraquaenpremier.

Page 22: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

—CommentvaJared?Quinnréponditd’abordparunriredésabusé.—Ilestcomplètementdestroy.—Ouais, jem’endoutais, fit son ami en se passant unemain lasse sur le visage.Bon sang,mais

qu’est-cequiestpasséparlatêtedeMicah?—DepuisquandMicahaunetête?IlvoulaitsetaperVictoriaetill’afait.Çanel’apasdérangéque

cesoitlafiancéedeJared.Etsefairesurprendrelamaindanslesacnel’apasgênéuneseuleseconde.—Bordel,quelenfoiré!—C’estclair.Wyatt se mit à tapoter ses doigts sur ses cuisses avant de demander, pour briser le silence qui

menaçaitdes’installerdenouveauentreeux:—Alors,àquoiressemblel’avenirdeShakenDirty?Complètementfoutu.CesdeuxmotsserépétaientdanslatêtedeQuinnenunerengainequilerendait

malade.Ilavaitpasséleshuitdernièresannéesdesavieàsedémenercorpsetâmepourquecegrouperencontrelesuccès,pourseprouverqu’ensembleilsétaientàlahauteur.Etmaintenantqu’ilstutoyaientlagloire,qu’ilsavaientenfinconquisunstatutdesuperstars,toutcelamenaçaitdevolerenéclats.

Mais, évidemment, pas question de livrer le fond de sa pensée àWyatt. Pas quand leur situationactuelle découlait précisément de l’incapacité de leur batteur à décrocher de l’héroïne. Inutile de luidétaillermaintenantàquelpointilsétaientfoutus.

ShakenDirtyvenaittoutdemêmed’interrompreunetournéedequatremois–commetêted’affiche–censée les propulser définitivement du statut de groupepopulaire à celui de superstars planétaires.Etcela uniquement pour queWyatt puisse suivre la cure dont il avait besoin. Il y avait les fans déçus,innombrables ; la mauvaise publicité, incommensurable ; des dizaines de millions de dollars et descentainesd’heuresde travail fichusen l’air justeparceque leurbatteuravait replongédans ladrogue.Ajoutezàcelalestressdevoirleguitaristeetlebassisteàdeuxdoigtsdesesauteràlagorge…QuinnnevoyaitpascommentShakenDirtypourraitunjoursesortirdecemerdier.

Pourtant,ilnepouvaitimaginerquel’histoiredugroupesetermineainsi.Quinn n’avait pas assisté à la création du groupe, mais le jour où il avait été recruté avait

littéralementchangésavie.Wyattavaitbeauprétendrequ’ilsneformaientpasunevraiefamille,ilavaittort.AuxyeuxdeQuinn,deWyattetparticulièrementdeRyder,ShakenDirtyreprésentaitlaseulefamillequ’ilsavaient jamaisconnue.Et,bienqueRydersoitdésormais fiancéàJamison,sa loyautéenvers legroupe–etenverssesmembres–demeuraitintacte.

C’était aussi pour cette raison que la trahison deMicah les avait tous anéantis. Et pas seulementJared.

—Onvas’ensortir,Wyatt,affirmaQuinncommepourseconvaincre,luiaussi.Ons’ensorttoujours.Le batteur glissa unemain dans sa poche et en sortit un paquet de cigarettes. Il en porta une à sa

bouche,l’allumaetaspiraunelonguebouffée.Quinnravalal’objectionquiluimontaitauxlèvres.Uneaddictionàlafois,sedit-il.Voiredeux,vuqueWyattessayaitencemomentdedécrocheretdel’héroïneetdel’alcool.Letabac,ceseraitpourplustard.

—TusaiscommemoiqueMicahdoitdégager,lâchaWyatt.Quinnhochalatête.—Laquestionneseposemêmepas.MaisRyderetmoi,onenadiscutéaveclelabel,lemanageret

nosavocats.SiMicahaenviedepartir, il sera simplede le libérerde soncontrat.Saufques’ilveutrester… ça risque de virer au combat. Se comporter comme un salaud, ça ne constitue pas une basejuridiquevalablepourlevirerdugroupe.D’autantqu’ilfaitpartiedesmembresfondateurs.

Page 23: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Etquelui,iln’avaitpasdeproblèmesdetoxicomanierécurrentsquicoûtaientdesmillionsdedollarsaulabel–etcompromettaientleschancesdugroupedesefaireassurerpouruneprochainetournée.Voilà,entre autres, les raisons pour lesquelles ils allaient devoirménagerMicah. Si le label décidait de lerenvoyerpourproblèmesdecomportement toutengardantWyatt,malgré tous lesennuisengendrésparsesaddictions,touslesingrédientspourunprocèsexplosifseraientalorsréunis.

EtQuinnnevoyaitaucuneraisond’enarriverlà.Mais,làencore,Wyattsemblaliredanssespensées.IlneluifallutquequelquessecondespourdevinerprécisémentcequeQuinns’efforçaitdeluicacher.

—C’estmoiquiaivraimenttoutfoiré,pasvrai?—Qu’est-ceque tu racontes?La légendedugroupeest enmarche.Tusaisàquelpoint lepublic

adorenotrecôtéartistesmaudits…—Jesaissurtoutquelesmaisonsdedisquesn’aimentpass’asseoirsurdesmillionsdedollars.Exact.Aprèstroissemainesd’âpresdiscussionsaveclelabel,Quinns’enétaitrenducompte.Avec

leursdifférentsagentsetmanagers, il avait envisagé toutes les façonspossiblesdese sortir, luiet sescamarades,decepétrin.

—Çavaaller,assura-t-il,toujoursenessayantdeseconvaincre.Ryderetmoi,onvadiscuteravecDrewlasemaineprochaine.Onvaréglertoutça.Toi,tun’asqu’àteconcentrersur…

—Situmesuggèresdemeconcentrersurmaguérisoncommeunevieillemamiedequatre-vingt-dixansquiessaieraitdevaincreunesalepneumonie,jetepréviens,jetebotteleculpourdebon!

Tiensdonc!WyattetEliseétaientauxantipodesl’undel’autre,et,pourtant,elleluiavaitpeuouprouditlamêmechoseavantqu’ilquittesachambred’hôpital.Sansdoutesemontrait-iltropprotecteur.Maisilavaittoujourseutendanceàêtreainsiavecceuxauxquelsiltenait.

Enfin,iln’allaitcertainementpasfaireunedéclarationàWyatt.— Ce que j’allais te suggérer, c’est plutôt de botter le cul de cette saloperie d’héroïne. Mais

maintenanttumefaispeur,jetetrouveàcran…—Au taquet, tu veux dire ! répliquaWyatt sur un ton de plaisanterie, avant de reprendre un air

sérieux.Franchement,j’enairasleboldecettesaleté.Ras-le-boldecettefichueaddiction.Cettefois,jevaistenirbon,monpote.Jetelejure.

—Jesais.—Non,maisjesuissérieux,là.Jesaisàquelpointj’aimerdé.J’aimerdépourtoutlemonde.Etje

saisquetouslestrois,vousmettezlepaquetpourréparermeserreurs.Maisc’estladernièrefoisquejevousobligeàenarriverlà.

—J’aiconfianceentoi,réponditsonamiavecunhochementdetête.Même si, au fond de lui, Quinn avait plusieurs raisons de croire que cette nouvelle tentative de

désintoxicationsesolderaitcommelesprécédentes:parunéchec.Biensûr,ilnelaissarienparaîtredesonscepticisme.Aucontraire.Ilenfouittoussesdoutesettoutesceschosesdontiln’avaitpasenviedeparler, auxquelles il n’avait pas envie de penser, au plus profond de lui. Et il s’efforça d’envoyer unmaximumd’ondespositivesàWyatt.Ladernièrechosedontsonamiavaitbesoinencemoment,c’étaitdesentirquel’ondoutaitdelui.

— Tu vas te débarrasser de cette addiction, assura-t-il. Et nous, on va trouver une façon de sedébarrasser de Micah. On va recruter un nouveau bassiste. Quelqu’un d’aussi doué que lui, maisbeaucoupplusfacileàvivre…Et,danssixmois,ShakenDirtyseraredevenuplusfortquejamais.

Entoutcas,Quinnallaittoutfairepourcela.Cariln’imaginaitpasperdrelegroupeetsesmeilleursamis.Ilnelaisseraitjamaisarriverunechosepareille.

Quatreheuresplustard,Quinnlâchasescartessurlatableendéclarant:

Page 24: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

—Jemecouche!Lesourireauxlèvres,Wyattramassalapetitepilederéglissesetdebarreschocolatéesqu’ilvenait

deremporter,etl’ajoutaàsamontagnedefriandises.—Ondiraitquelachanceaenfintourné,monvieux!—Ondiraitbien,confirmaQuinnenselevant.Detoutefaçon,jevaisdevoiryaller.Leshorairesde

visitestouchentàleurfin.—Putainderèglement!s’agaçamollementWyatt.Bon,allez,jeteraccompagne.Quinnsepenchaversluiets’emparadedeuxbarreschocolatéessurlapiledesonami.—Jepensequejevaissavoirretrouvermonchemin.—Alors là,permets-moid’endouter !Tonsensde l’orientation,ouplutôt tonabsencedesensde

l’orientation,nem’inspireaucuneconfiance.—Ça,c’estquandjedébarquedansunevillequejeneconnaispas.Enl’occurrence,jemesenstout

àfaitcapablederetrouverleparking…Wyattsourit.—Mieuxvautprévenirqueguérir…Etpuisçame ferauneexcusepourmarcherunpeuavec toi,

ajouta-t-ilsansluilaisserletempsdeprotester.—Ah,parcequetuasbesoind’uneexcuse?—Pourmarcher,non.Maispourtemettresurlegril,oui.Parcequec’estbiencequej’ail’intention

defaire.Intrigué,Quinnledévisageaavecinsistance.—Etsurquelgenredegrilcomptes-tumemettre?—Jenesaispasencore.Maisjevoisbienquequelquechosetefaitchier.Quelquechosequin’arien

àvoiraveclegroupe.—Iln’yarienquime«faitchier»,commetuledisavectantd’élégance.—Mec,gardecesconneriespourJared,pourJamisonoupourceuxquicroientencoreauPèreNoël.Quinnéclataderireenimaginantleurguitariste,desétoilespleinlesyeuxdevantunsapindeNoël.

Jared avait beau être un chic type sans histoires, il était cependant très loin de se croire au pays desBisounours.Surtoutcesdernierstemps.

—Jenemanqueraipasdeluiexpliquercequetupensesdelui,s’esclaffaQuinn.Wyatthaussalesépaules.— Et moi, je ne manquerai pas de lui expliquer que quelque chose te tracasse. Je me demande

combiendetempsilfaudraàJamisonpourtetirerlesversdunez.Quinnpréféranemêmepasypenser:Jamisonétaitadorablemaistrèsfutée.Quoiqu’ilensoit,elle

étaitladernièrepersonneauprèsdequiilavaitenviedes’épancher.Pourl’instant,elleletrouvaitencoresympa–uneillusionqu’ilentendaitbienmaintenirquelquetempsencore.

—Écoute,mec,c’estriendegrave.—Excuse-moi,maisjedécideraimoi-mêmesic’estgraveounon.LavoixdeWyattétaitsiferme,sidéterminéequeQuinncompritqu’ilétaitentraindeperdrelamain.

Aufildesans,lesgarsavaientfiniparseconnaîtreparcœur–etc’étaitd’ailleursunedeschosesqu’iladoraitdanscegroupe.Desortequechacunsavaitquandildevaitpousserlesautresàcreverl’abcèsetquand il valaitmieux laisser couler. Et,malgré son envie viscérale d’écourter la conversation,Quinncompritqu’iln’allaitpaspouvoirsedéfiler.Pascettefois.

—Tuasdéjàentenduparlerd’unecertaineEliseMcKinney?finit-ilparlâcher.Wyattfronçalessourcils.—Cen’estpasunechanteuse?

Page 25: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

—Non.C’estunepianiste.Elleseproduitdanslemondeentier.—Ahoui!ElleavaitsorticetalbumdemorceauxdePhilipGlassilyaquelquetemps.Celuiqui

avaiteubeaucoupdesuccès.Iladoraitcetalbum.IlyavaitquelquechosechezPhilipGlass–etquelquechosechezElisejouant

duPhilipGlass–quiletouchaitprofondément.—Elleaeuunaccidentdevoitureilyadeuxjours.Surl’autorouteI-35.Samaingaucheestàpeu

prèsfoutue.Wyattgrimaçaetremuainstinctivementlesdoigts.—Bonsang,c’estmoche!—C’estclair.—Tuconnaiscettefille?Jeveuxdire,àl’époqueoùtu…Plutôt que de conclure sa phrase, il lemima en train de jouer du piano tel un virtuose. Imitation

délibérémentgrotesque.— Très drôle, maugréa Quinn en secouant la tête d’exaspération. Mais oui, nous étions amis à

l’époque.—Amis?Ou«amis»?répétasoncamaradeavecundemi-sourireentendu.—Franchement,Wyatt,tuasdouzeans?—Àpeuprès.Lemédeciniciditquejesouffred’immaturitéaffective.C’estpourçaquejeplonge

dansdesquêteseffrénéesduplaisir,destructricespourmoietmonentourage.Quinn le scruta longuement. D’une certaine façon, cette description était proche de la réalité. En

même temps, elle paraissait beaucoup trop réductrice pour un homme aussi compliqué et torturé queWyatt.

—Etqu’est-cequetuenpenses?— J’en pense que je suis un putain de junkie, accro à l’héroïne et à l’alcool. Et je suis là pour

renverserlasituation.Lereste,jem’enfous,cen’estquedelapsychologiedecomptoir.ExactementlegenredediscoursqueQuinnredoutaitd’entendredanslabouchedesonami.—Wyatt,je…—Assezparlédemesemmerdes,l’interrompit-ilenagitantunemainenl’air.C’esttropennuyeux.Et

puisonétaitentraindeparlerdeton«amie».—Elleest ici,àAustin.Touteseule.Jesuisallélavoirtoutàl’heure.Ilsvontlalaissersortirde

l’hôpitaldansunjouroudeux,etjenesaispasdutoutcequ’ellevafaire.—Qu’est-cequ’elleaenviedefaire?—Elleditqu’elleveut rentrerchezelle, àChicago,mais lesmédecins luiont interditdevoyager

avantaumoinshuitjours.—Etoùest-cequ’ellevaallerenattendant?—C’estbienlesouci.Pendantqu’onjouaitaumorpion,elle…—Au«morpion»?s’esclaffaWyattd’unairincrédule.Moi,jepensaisplutôtquevousauriezjoué

audocteur!—Mec,jeterappellequ’elleestàl’hôpital.Elleaétéopéréecematin.Onpeutrestersérieuxdeux

minutes?—Si je n’arrive pas à rester sérieux, c’est parce que tu prends un drôle d’air chaque fois que tu

parlesdecettefille.Quinnluiadressaunregardnoir.—Onpeutenrevenirausujet?Eliseprévoitdeséjourneràl’hôtelaprèsl’hôpital,maisjedéteste

l’idée.Franchement,samainestenmiettes,etpuis,aprèsl’opération,elleestassomméed’analgésiques.

Page 26: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Illuifautquelqu’unquipuisseveillersurelle.—Ettuveuxêtrecettepersonne.—Jepensequejeluidoisbiença.Ellen’apersonned’autre.Inutile de préciser àWyatt qu’il sentait un désir irrépressiblemonter en lui chaque fois qu’Elise

posaitlesyeuxsurlui.Detoutefaçon,iln’avaitaucunementl’intentiondeprofiterd’elle,danssonétat.—Ellen’avraimentpersonne?Mêmepasdemanager?SonestomacsenouaenrepensantàEllington.—Ilatrouvélamortdansl’accident.Wyatteutunsifflementdésabusé.—Waouh,c’estdur!—Carrément.—Etsafamille?—Ellen’apluspersonne.N’importequid’autreauraitmanifestéuncertainémoi faceàun tel tableau.MaisWyatt, luiaussi,

avaitpassél’essentieldesaviesansfamille…dumoinsjusqu’àShakenDirty.—Ben,tupourraisl’hébergercheztoi,non?—Mouais,ditQuinnavecunlongsoupir.C’estunpeucequejemedisais…— Alors, où est le problème ? Tu vis dans une maison immense. Tu n’as qu’à embaucher une

infirmièreettuneserasmêmepasobligédelavoirsitun’enaspasenvie.—Cen’estpasquejen’aipasenviedelavoir,mais…Disonsquenoustraînonsunlourdpassé,tous

lesdeux.—J’enétaissûr!Rienqu’àlafaçondonttuasprononcélemot«amis».—Maisc’estcequenousétions:desamis,sedéfenditQuinn.Saufqueleschosesnesesontpastrès

bienterminéesentrenousetque…—Etquequoi?l’interrompitWyatt.—Etque jeme suis conduit envrai salaudavecelle.Même si elle s’estmontréepolie avecmoi

aujourd’hui,jesaisqu’ellenemefaitplusconfiance.Jenepensepasqu’elleaccepted’allerchezmoi.Àcesmots,Wyattletransperçaduregard.—Tuasencoredessentimentspourcettefille.—Non!…Biensûr…Jeveuxjuste…Non!Cettefois,lebatteuréclatafranchementderire.—Waouh,c’étaittrèsconvaincant,mec!—Jemesensresponsabled’elle.Elleabesoind’aideet…—Disdonc,tunetelajoueraispasunpeusuper-héros?Crois-moi,j’aibiencomprislasituation.

Net’inquiètepas,lespsyssesontpenchéssurtonsyndromedusauveur!Quinnlevalesyeuxauciel.—Tuveuxpaslafermerunpeuetmedirecequejedoisfaire?—Tusaisquec’estphysiquementimpossible,n’est-cepas?Delafermerenmêmetempsquetedire

quoifaire…Cettefois,Quinncruts’étrangler.Wyattfinitparleverlesmainsenl’airpourdéclarerforfait.—OK,OK,j’arrêtedetechercher…—Merci,lâcha-t-ilenattendantavecimpatiencelesconseilsdesonami.LaviedeWyatt étaitun joyeuxbazar, et il cultivaitunepropensioncertaineà s’attirerdesennuis.

Saufque,quandilavaitlesidéesclaires,lebatteurdeShakenDirtyavaituneétonnantecapacitéàcernerlesproblèmesdesautresetàleurprodiguerdejudicieuxconseils.

Page 27: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Ilgardadonclesilenceplusieursminutesavantdedéclarer:—Ehbien,tupeuxtoujourslakidnapper…Quinnattenditlachutedelablague,mais,commeWyattnedisaitplusrien,ill’interrogeaduregard.—C’esttout?C’estça,tonconseil?Jedoiskidnapperunefemmegravementblesséeetendeuil?—C’estça,confirmaWyattnonsansdésinvolture.—Excuse-moi,maistun’auraisriend’autreàmesuggérerquedesactionspassiblesdeprison?—Pasgrand-chosed’autre,non…—Génial!Mercipour…pourrien,enfait.Quinnpivotasursestalonsetdévalal’escalierdel’immeubleensautantlesmarchesdeuxàdeux.—Maisderien…Lepianisteseretournapourluiadresserunbrasd’honneur,puisseremitenroute.Éclatantderire,Wyattfinitparlehéler:—Valachercheràl’hôpital!Dis-luiquetul’accompagnesàl’hôtelet,aulieudeça,tularamènes

cheztoi.Crois-moi,unefoisqu’elleauravudansquelluxeetdansquelconforttuvis,ellesediraquelogerchez toin’estpasunesimauvaise idée.Etpuis tun’aurasqu’à lui jouer legrand jeuà laQuinnBradford:mets-lui-enpleinlavue!Ellenesauramêmepluscommentelles’appelle…(Quinnluirefitunbrasd’honneur.)Oualorstutelajoueslavetteettul’accompagnesvraimentàl’hôtel.Avantdepasserlasemainesuivanteàt’inquiéteràl’idéequ’elleaitchopéunesepticémieoulagangrène.

Bienmalgrélui,Quinnseretournaencore.—Sérieux?Tucroisquec’estl’imagequej’aibesoind’avoiràl’esprit?—J’essaiejustedet’aider.—Ettuéchoues.—Mouais,grommelaWyattavecunsouriredésabusé.Jesuisassezdouépourl’échec.Etmerde!—Mec,cen’estpascequej’aivouludire…—T’inquiètepaspourça,vieux.Contente-toid’allerrécupérertacopine.—Cen’estpasmacopine.Sic’était lecas, jene seraispasobligéde lakidnapperpourpouvoir

veillersurelle.—Alorsfaisensortequ’elleledevienne.Tusaisquetuenmeursd’envie.—Jen’aijamaisditça.—Allez,Quinn!Bonsoir,dit-ilenlevantlesyeuxauciel.—Bonsoir,Wyatt…Et…tiensbon,d’accord?—Commetoujours,répondit-ilavecunpetithochementdetête.Quinnrepensaà ladernièreoverdosedeWyatt :Ryder, Jamisonet Jared l’avaient trouvéétenduà

terredansleurloge,enarrêtcardiorespiratoire.QuandQuinnétaitentrédanslapièce,sesamisétaiententraindeluifaireunmassagecardiaque,enattendantl’arrivéedessecours.Uneimagequilepoursuivaitencoredanssespirescauchemars,etquilepoursuivraitencorelongtemps.

—Wyatt…—Çava,Quinn,j’aicompris.Jeneferaipasdebêtise.—Promis?—Tusaisbienquemaparolenevautpasunclou.—Àmesyeux,si.—Bordel!marmonnaWyattenallumantunecigarette.Dégaged’iciavantqu’onsortelesviolons!—Ça,ceseraitplutôtlegenredeJared.—C’estclair,conclutWyattenriant.

Page 28: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Avecunderniersignedemain,iltournalestalonspuisrentradanslebâtiment.Quinnregardasonamidisparaîtrederrière lesportesquiserefermèrentàsonpassage.Soudain, il

sentitunfardeaus’abattresursesépaules.Unesensationrécurrentecesdernierstemps.Entrelatournéeannulée,l’albumenstand-by,Wyatt,Jared,MicahetmaintenantElise,ilavaitl’impressionquelemondeentiers’écroulaitautourdelui.

Et,malheureusement,ilnevoyaitpascequ’ilpouvaitychanger.

Page 29: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Chapitre4

Lesmédecinsavaientdécidédelalaissersortirdel’hôpitalaujourd’hui.Enfin.Elise n’en pouvait plus d’être tripotée, manipulée et piquée dans toutes les veines possibles et

imaginables.Ellen’enpouvaitplusd’êtreréveilléetouteslesdeuxheurespourdesexamenscérébraux,pourqu’onvérifiesatensionartérielle,pourqu’onprennesatempérature…Ellen’enpouvaitplusdecemanqued’intimité.

Carellen’étaittoutdemêmepassimalenpoint,endehorsdesblessuresdesamain.Et,commeelleavait passé les trois derniers jours à éviter de penser à ses blessures et à leurs conséquences, Eliseéprouvaitunvifsoulagementàl’idéedequittercetendroitquifaisaittoutpourlesluirappeler.

Malgrécela…unecertainefébrilités’étaitsubitementemparéed’elle,uneappréhensionqu’elleneparvenaitniàmaîtriserniàignorertotalement.

Pourtant,ellesavaitàprésentoùelleallaitatterrir,puisqu’elleavaitréservédepuishierunechambredansl’undesmeilleurshôtelsd’Austin.Ellecomptaityséjournerunesemaine,profiterdesfacilitésduroomserviceetducalme–enfin–enattendantquelemédecinl’autoriseàvoyager.

Alors,ellepourraitrentreràChicago.Cetteseule idée luinoual’estomac.Nonpasqu’ellen’aitpasenviederentrerchezelle–de toute

façon,aucoursdesvingtdernièresannées,c’estàpeinesielleyavaitvécu.Cequ’elleredoutaitenfaitenretournantdanssaville,c’étaitdevoirseconcrétiserladureréalité.

Car,tantqu’ellesetrouvaitàAustin,ellepouvaitfairel’autruche.Fairecommesiderienn’était,niersadouleurd’avoirperduEllington…Denepouvoirassisteràsesfunérailles.D’admettrequelagravitéde sesblessures l’empêcherait probablementde jouerdenouveaudupianoàunniveauprofessionnel.Elle pouvaitmême ignorer le fait que, pour la première fois de sa vie, elle se retrouvait seule.Touteseule.

Or,dèsl’instantoùellepénétreraitdanscetteimmensemaisonvidequ’elleavaithéritéedesonpère,ellenepourraitpluséchapperauxbouleversementsquivenaientd’affectersonexistence.Dèsl’instantoùellese retrouverait seule faceausilence, le fiascodesavieallait luiexploserà la figure.Elle-mêmeétaitdevenueunfiasco.

Etvoilàqu’ellesecroyaitdansunmélo…L’infirmièrevenueluiapporterlesformulairesdedéchargeàsignerétaitentraindeluiassenertoute

une litanied’informationspour lesuividessoins : lesanalgésiquesqu’on luiavaitprescritsetqu’elledevrait avaler scrupuleusement, lemédecin qu’elle devrait consulter bientôt pour retirer les points desuture,lechirurgienqu’elledevraitrevoirlasemaineprochainepourmesurerl’évolutiondesamainetdéciderdumomentoùelleseraitcapabledevoyager.

Elise hochait la tête, marmonnant une formule de politesse de temps à autre… Elle apposa sasignaturepartout où l’infirmière le lui demanda ; elle répétamême les instructionsde celle-ci à hautevoixpourluisignifierqu’elleavaitbiencompris…Toutens’efforçantdenepashurlerchaquefoisquel’infirmièrefaisaitallusionàsamain.

Page 30: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Quand,aprèsde longueset interminablesminutes, lechapeletde recommandations touchaà sa fin,Eliserelâchalereborddelitenmétalqu’elleavaitagrippédepuisledébutdelaconversation.Sanscela,elleauraitprobablementdéjàscalpélamalheureuseinfirmièredepuislongtemps.

Lesjambesflageolantes,elleselevaetregardalachaiseroulantequil’attendaitaupieddulit.Ellevoulut protester – d’une certaine façon,Elise tenait à se donner l’illusion qu’elle pouvait affronter cenouveau chapitre de sa vie debout, sur ses deux pieds –, mais l’infirmière insista. La politique del’hôpitalenlamatièreétait trèsstricteetn’accordaitaucunedérogation.CommeElisen’avaitguère lechoix–décidément, cesmots devenaient le leitmotivde sa nouvelle vie post-accident –, elle obéit ets’installasurlefauteuilroulant.

Nullementimpressionnéeparsamauvaisehumeur,l’infirmièrecontinuadepapoteravecelleletempsque l’ascenseur les descende au rez-de-chaussée. Les portes s’ouvrirent en silence, et, tandis que lefauteuilglissaitsansbruitlelongdel’immensecouloirquimenaitàlasortie,l’estomacd’Elisesecrispadeplusenplus.

Ellen’étaitpasprête.PasprêteàaffronterunmondesansEllington,pasprêteàramasserlesmiettesqui luirestaientdesavied’avant.Malheureusement,sonopinionn’avaitpasd’importance.Leschosesétaientainsi.Unenouvelleexistencecommençaitpourelle.Qu’elleleveuilleounon.Etletaxiqueluiavaitréservél’infirmièrel’attendaitdéjàdevantlesportescoulissantesdel’hôpital.

Samaisondedisquesluiavaitproposédeluienvoyerunelimousine,maiselleavaitdéclinél’offre.Durantdelonguesannées,elleavaitprofitéduluxeetdel’intimitédecesimmensesvoituresauxvitresteintées,mais,aprèscequiétaitarrivéàEllington,ellenesesentaitmêmepluscapabledeposerlesyeuxsurl’uned’elles.Alorsmonteràbord…Detoutefaçon,sisacarrièremusicaleétaitbeletbienterminée,l’occasiondecirculerdenouveaudansdetelsvéhiculesnesereprésenteraitmêmeplus…

Fixant du regard le taxi qui devait l’emmener loin de cet hôpital et vers sa nouvelle vie – quellequ’ellesoit–,ellesentitsoncœurseserrer.Toutcelaétait idiot,elleétait idiote,mais,d’unecertainefaçon,elles’étaitattendueàvoirQuinndébarqueraujourd’hui.Certes,ilneluiavaitrienpromisdelasorte,maisilétaitpasséluirendrevisitedurantcestroislonguesjournéesd’hospitalisation.Chaquefois,il lui avait apportéuncadeauqui lui avait rendu le sourire.Et sonabsenceaujourd’hui, le jourde sasortie,contrariaitEliseplusquederaison.

Pourtant, elle n’aurait pas dû s’habituer à sa présence à ses côtés.Car, contrairement à ce qu’elleavaitpuespéreràuneépoque,Quinnn’étaitpasdignedeconfiance.Ilavaittoujoursfaitcequ’ilvoulait,quand il le voulait, sans se soucier des conséquences, encoremoins des gens qui se retrouvaient prismalgréeuxdanssesfilets.

Dès l’instant où il avait débarqué dans sa chambre d’hôpital, elle avait su qu’elle ne pouvait pascompter sur lui.S’il réapparaissaitdans sonexistence, cen’étaitquepar lubie, etnonpar égardpourelle. Malgré cela, elle n’avait pu s’empêcher de chercher son visage aujourd’hui, aux abords de sachambred’hôpital.Desursauterdevantchaquesilhouettequipassaitprèsdesachambre,chaquefoisquequelqu’unfrappaitàsaporte…

MaisaucunetracedeQuinn.Etelleétaitassezbêtepourenéprouverdeladéception.Iln’étaitpasvenu.Elle ne le reverrait probablement jamais.Autant cesser de se bercer d’illusions.Sinon, ce petitpincementaucœurrisquaitdedevenirunevéritableblessure…

Cequiétaitridicule,puisque,detoutefaçon,ellen’avaitpasbesoindeluinidesonaide.Jamaisellenes’autoriseraitdenouveauàdépendredeluipourquoiquecesoit.

Ravalantpéniblementsasalive,ellesehissatantbienquemalsursespieds.—Allez-ydoucement,murmural’infirmièreenposantunemaincompatissantesursonbras.Incapable d’articuler lemoindre son, Elise se contenta de hocher la tête, puis rejoignit le taxi en

Page 31: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

titubant. Finalement, l’hôpital avait de bonnes raisons d’insister pour doter ses patients de fauteuilsroulants.

Lechauffeurdetaxivintluiouvrirlaportière,mais,justeavantqu’elles’engouffreàl’intérieur,unevoix familière l’interpella par son prénom. Quand elle leva les yeux, Quinn courait vers elle, sur leparking.

—Hélà!L’hôpitalm’avaitditquetunesortiraispasavantunebonneheure, lança-t-ilenjetantàl’infirmièreunregardaccusateur.

Cettefemmed’uncertainâgen’étaitguèreenclineàsepâmerdevantQuinncommelaplupartdesesjeunescollègues,et,pourtant,sesjouess’empourprèrentquandellerépondit:

—Lemédecina fait sesvisitesplus tôtqueprévu,aujourd’hui,etnousn’avionsaucune raisondegarderMlleMcKinneypluslongtempsquenécessaire.

—Saufquepersonnen’estvenu lachercher,etçanevousapasposédeproblème,grommela-t-ilavantdese tournerversElised’unairexaspéré.Tunecroyaisquandmêmepasque j’allais te laissertouteseuleàtasortie?

Ehbiensi, justement.Après tout,cen’auraitpasété lapremièrefoisqu’il la laissait livréeàelle-même.Detoutefaçon,ellen’avaitpasbesoindelui.Etilneluidevaitrien.

Or voilà qu’il débarquait à sa sortie de l’hôpital, s’indignant haut et fort du fait que l’hôpital nel’avaitpasprévenu.Qu’elle-mêmenel’avaitpasfaitappeler.

—Çavaaller,assura-t-elle.Jenevaisqu’àquelqueskilomètresd’ici.Montaxiestdéjàlà.—Moiaussi,jesuislà.Etjeteprometsquemavoitureestbienplusconfortablequ’unebanquettede

taxi,déclaraQuinnenglissantquelquesbilletsdans lamainduchauffeur.Mercidevousêtredéplacé,monvieux,mais,àpartirdemaintenant,c’estmoiquim’occupedemademoiselle.

LebonhommeinterrogeaEliseduregard.—Vousêtessûre,mademoiselle?—Certaine,rétorquasèchementQuinn.Saufque…non.Pasvraiment.Unepartied’ellerêvaitbienentendudecéder.D’autoriserQuinnàla

raccompagneràl’hôteletàluiassurerquetoutiraitbien.Commeavant…Orelleétaitassezlucidepoursavoirquenon,toutn’iraitpasbien,etqu’iln’ypouvaitrien,mêmes’ilessayait.

Enplus,s’enremettreàluineferaitqu’empirerunesituationdéjàintenable.Certes,Quinnétaitcool,drôleetpleindebonnesintentions–entoutcasenapparence–,maiscelanesignifiaitpaspourautantqu’elle pouvait le laisser revenir dans sa vie.Même en tant que simple ami. Elle ne pouvait pas sepermettredes’attacherdenouveauàlui.Pastantqu’ilyavaitcetteambiguïtéentreeux.Et,surtout,pastantqu’ilauraitlafâcheusehabitudedefileràl’anglaise.

Elleavaitdéjàtentél’expérience.Etelleenétaitrevenue.Enaucuncas,ellenevoulaitlarevivre.Cependant,ellen’étaitpasobligéededéclinerlamoindremaintenduedesapart,non?Cen’étaitpas

commesielleavaitdenombreusesépaulessurquis’appuyerencemoment.Aucunami,aucunefamille.Elleseretrouvaitseulecommejamais.EtQuinnétaitlà,lui,prêtàl’aider.Debonnegrâce,même.Alors,querisquait-elleàaccepteruntrajetjusqu’àsonhôtel?

—J’ensuiscertaine,s’entendit-ellearticuleràl’intentionduchauffeur.Acquiesçantd’unsignedetête,celui-ciseremitauvolantsansplusd’hésitation.Aprèstout,ilvenait

d’empocherungénéreuxdédommagement.—Merci,Quinn,reprit-elleenregardantletaxis’éloigner.J’appréciecequetufaispourmoi.—Nemeremerciepas,paspourçaentoutcas,répondit-ilavantdesetournerversl’infirmière.Vous

voulezbienresteravecelleletempsquejerapprochemavoiture?—Bienentendu.

Page 32: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Eliseetl’infirmièreleregardèrentregagnerleparkingàgrandspas,seslonguesjambesmouléesdansson jean troué de toutes parts. Franchement, quel homme adulte se baladait encore avec un pantalonlaissantentrevoirlamoitiédesonanatomie?Surtout,pourquoisentait-ellel’eauluimonteràlaboucheenlorgnantlescuissesdeQuinn?

Bienmalgréelle,ellelaissaéchapperunsoupir.Commentfaisait-ilpourêtrechaquejourplusbeauquelaveille?Cen’étaitvraimentpasjuste,d’autantqueplusellepassaitdetempsaveclui,moinsellesesentaitcapabledegarderlatêtefroide.

Tiréebrusquementdesarêverieparl’infirmièrequitapotaitsurledossierdufauteuil,Elisetressauta.— Rasseyez-vous, ma belle. Ce n’est pas le moment de tomber tête la première alors que votre

hommevientvousrécupérer.—Ce n’est pasmon homme, protesta-t-elle en se renfonçant confortablement dans le siège.C’est

justeunevieilleconnaissance.—Bienentendu!s’esclaffal’infirmière.Ilestgrand,ténébreux,pleindemystère,ilfaitexploserle

standardde l’hôpital enappelant toutes lesdeuxheurespour savoir si votre état s’améliore…Depuistrois jours, laplupartdes infirmières se ruent sur le téléphoneenespérant tomber sur lui…Elles fonttoutesdespiedsetdesmainspouravoirleurtourdegardeaumomentdesheuresdevisites,justedansl’espoirdelecroiserdansvotrechambre,dansuncouloir…

Àcesmots,Elisesentit lerougeluimonterauxjoues.Difficiled’envouloirauxinfirmières:elle-mêmeavaitpassécesderniersjoursàguetterlamoindresilhouettes’approchantdesachambre,àespérerquecesoitQuinn…

UnerutilanteLandRovernoirevintalorssegarerdevantelle.Elles’apprêtaitàseleverdelachaiseroulante,mais,enunéclair,Quinnétaitlà,àluitendrelamain.Ilglissasonautrebrasautourdesataillepour l’aider délicatement à se lever. Puis il l’entraîna avec précaution vers la portière, avant del’installerendouceursurlesiègepassager.

Elle s’efforçad’ignorer la chaleurqui envahissait chaquepointdecontact entre leurscorps.Ainsiquelesfrissonsquidescendaientinsidieusementlelongdesondos.

— Est-ce que ça va ? demanda-t-il en se penchant au-dessus d’elle pour boucler sa ceinture desécurité.

— Ça va, dit-elle dans un souffle avant de regretter d’avoir repris sa respiration, car elle avaitmalencontreusementinspiréleparfumdeQuinn.

LedélicieuxparfumdeQuinn.Laplupart des hommesqu’elle connaissait exhalaient des odeurs fraîches, poivrées…Mais rien à

voiraveccettenoirceurespièglequiserépandaitsoudaindanssesnarines.Cemuscchaleureux.Cettepointemordante de bois de santal. Cette note suave demûres gorgées de soleil de fin d’été. Le toutmélangéàcemagnétismebrûlant,tellementrock’nroll…Aupointqu’elles’imposauneffortsurhumainpournepasenfouirsonvisageaucreuxducoudeQuinnpours’enivrerdecetarôme…voireygoûter.

—Tantmieux,murmura-t-ilunefois laceinturebouclée,avantdese retirer très lentement,commes’ilcraignaitdeluifairemal.

À moins qu’il n’ait décidé de la torturer en restant aussi proche d’elle. Quoi qu’il en soit, celafonctionnait.Ellesentitsesseinssetendreetundésirincandescentsepropageraucreuxdesonventre.Oui,elleavaitenviedelui.

Mais il pivota sur ses talons, salua l’infirmièred’ungestede lamain, contourna lavoiture et vints’asseoir à côté d’Elise.Gênée, elle croisa les bras sur sa poitrine.Et pria pour queQuinn n’ait pasremarquéàquelpointill’avaittroublée.

—Commenttutrouveslatempérature?demanda-t-ilentripotantlaventilationdelavoiture.Pastrop

Page 33: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

chaud,pastropfroid?—Çava…—Tuenessûre?Parceque…—Quinn, c’est bon, l’interrompit-elle en posant doucement sa main valide sur le bras du jeune

homme.Jevaisbien.Cen’étaitnitoutàfaitvrainitoutàfaitfaux.Detoutefaçon,cequilatracassaitàcetinstantnese

régleraitpasparunsimpleajustementdelaventilation.L’infirmièrel’avaitobligéeàavalerunpuissantantidouleurquelquesheuresplus tôt,donc samainne la faisaitguère souffrirpour l’instant.Maisellen’était pas assezgroggypour avoir oublié sondernier voyage envoiture.Tout commeellenepouvaitoublier que l’enterrement d’Ellington avait lieu aujourd’hui et qu’elle ne pourrait pas y assister pourhonorersamémoire.Pourluidireadieu.

—Tantmieux,répondit-ilendémarrantavantdequitterleparkingdel’hôpital.Surtout,n’hésitepasàmediresituchangesd’avisousituasbesoindequoiquecesoit.

—Çadevraitaller.Onm’aditqueleWn’étaitqu’àunequinzainedekilomètresd’ici.Quinnhochalatête,maisneréponditrien–cequiauraitdûluimettrelapuceàl’oreille.Iln’avait

jamais été doué pour mentir, du moins à l’époque. Autant il savait garder le silence et esquiver lesquestions,autantilsuffisaitdelepousserdanssesretranchementspourobtenirdeluilavérité…

Maiselleétaitépuisée,mêmesilaseulechosefatigantequ’elleaiteuàfairedesajournéeavaitétédemonteràborddecettevoiture.Sanstropréfléchir,ellesecaladonccontrel’appui-têteetfermalesyeux.

La bienséance aurait plutôt voulu qu’elle fasse la conversation àQuinn.Mais, en vérité, elle n’enavaitpaslecourage.Larelationqu’elleavaitpartagéeavecluiàl’époquenelaissaitpasdeplaceàdesbanalitésd’usage.Unerelationfaitedepiquesàdemivoilées,depetitesvacheries,debaiserstorridesetdedisputesnonmoinsbrûlantes.Non, elle ne sevoyait décidémentpas échangerde simples et tristesbanalitésaveclui.

Elle avait beau être consciente que cette relation avait évolué – ils avaient évolué, chacunde soncôté–,Eliseétaitincapabledebrisercetabouquipersistaitentreeux.Incapablededraperdelégèretéleurssentimentspassés.

De temps à autre, elle ouvrait les yeuxpour consulter l’heure sur le tableau de bord.Dixminutespassèrent.Puisquinze.Vingt.Vingt-cinq.Ilsroulaientàtoutevitesse.Lessortiesd’autoroutedéfilaient,etpourtantQuinnpoursuivaitsonchemin,toutdroit…Elles’attendaitàvoirunfléchageversl’hôtelàtoutmoment…Maisilssemblaients’éloignerducœurdelaville.Auboutdetrenteminutes,n’ytenantplus,elledemanda:

—Tusaisoùsetrouvemonhôtel,n’est-cepas?—Toutàfait,répondit-ilenhochantlatête.Elleauraitpusecontenterdecetteréponse,mais,quandenfinils’engageasurunebretelledesortie,

ilsarrivèrentdansunquartierrésidentiel.Unquartierarborantderichesetluxueusespropriétés,ettrèspeudecirculation.Bref,celaneressemblaitpasdutoutauxalentoursdel’hôtelqu’elleavaitréservé.

—Tunem’emmènespasauW,finit-elleparbafouilleralorsqu’ils’arrêtaitàunfeurouge.Commeilnerépondaitpas,elleinsista:—Quinn,oùest-cequ’onva?—Chezmoi.Auborddulac.Unendroitbienplusadaptéàtaconvalescencequ’unvulgairehôtel.Et

puis,aumoins,chezmoi,jepourraim’occuperdetoi.—Tupourrasquoi??Sansdouteavait-ellemalcompris.LeQuinnqu’elleconnaissaitnes’occupaitdepersonne.Séjourner

Page 34: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

chezluin’auraitpasdesens.—Maisj’aifaitlivrertoutesmesaffairesauW!C’estlà-basquejedoisaller,Quinn.—Enfait,tesaffairessontdanslavoiture.J’aidemandéàl’hôteldemelesconfier.Elle se retourna brusquement vers la banquette arrière en espérant y découvrir sa valise Louis

Vuitton.Maishormisunblousonencuirnoir,unepairedeDrMartensetquelquespartitionséparpillées,ellenereconnutrienquiluiappartienne.

—Mais c’est impossible, reprit-elle. J’avais fait une réservationque j’ai confirméepas plus tardqu’hieraprès-midi.Ilsn’ontquandmêmepaspuconfiermesaffairesaupremiervenu!

— Sauf que je ne suis pas le premier venu ! Je suis quand même une célébrité locale, et plutôtappréciée, d’ailleurs.Quand j’ai expliqué à la directrice de l’hôtel que j’étais un vieil ami et que jem’occupaisdetoiencettepériodedifficile,ellen’apashésitéunesecondeàfairerassemblertesaffairespourmelesconfier!

—Maisc’estillégal!—Peut-être,peut-êtrepas,murmura-t-ileninclinantlatêted’uncôtéetdel’autre.—Paspossible!Iln’yapasde«peut-être»:cequis’estpasséestclairementillégal!Cettefemme

nepeutpassepermettredebalancerlesaffairesdesgenscommeça!Etsituavaisétéunvoleur?—Est-cequej’ail’aird’unvoleur?—Tuasl’aird’unvoyou.Etmêmed’unmembredegang.Ileutletoupetd’éclaterderire.—Onnepeutpasdirequ’Austinsoitunevillegangrenéeparlesgangs.—Tusaistrèsbiencequejeveuxdire…—Jesais.Mais jesaisaussique ladirectriceduW s’estprobablementditque,avec tout l’argent

dont je dispose, j’ai mieux à faire que de courir les hôtels dans l’espoir de dérober les valises demalheureusespianistes.

—Mouais,bienentendu,grommela-t-elle.Plusvraisemblablement, ladirectricen’avaitpassu résisteràcemagnétismeanimaletn’avaitpas

jugéutiledefaireson travail.Eliseneconnaissaitque tropcesyndrome,pouryavoirelle-mêmedéjàsuccombé.

À cet égard, comment en vouloir à une pauvre directrice d’hôtel sans défense face à un QuinnBradfordbiendécidéàparveniràsesfins?

—Jenepeuxpasvenircheztoi,déclara-t-ellesimplement,enplissantlesyeux.—Etpourquoipas?Parcequ’accepterdemonterenvoitureavecl’hommequivousavaitbrisélecœurétaitunechose.

Rester chez lui pendant une semaine de convalescence en était une autre – d’autant plus que lesanalgésiques avaient tendance à lui faire perdre son sens critique.Voilà déjà plusieurs fois qu’elle sesurprenait à rêver qu’elle promenait sa langue le long des lignes de ses tatouages. Si ellemettait cesfantaisiessurlecomptedesmédicaments,mieuxvalaitéviterdeseretrouverseulàseulaveclui.

— Parce que… parce que…, bredouilla-t-elle en s’efforçant de trouver une raison valable etcrédible.Jenepeuxpas,car…

—Ehbien,voilàquiestlimpide!Mercid’avoirclarifiélasituation.Ellepoussaunsoupird’irritation.—TuveuxbienlaisserunepauvrefillecomplètementKOàcausedesantidouleursrespirerunpeu?—C’est précisément ce que je te propose ! s’amusa-t-il en virant soudain sur la gauche avant de

s’arrêterdevantunhautportailenferforgé.Ilpianotaquelqueschiffressur leDigicode,puispoursuivit sonchemin le longd’unealléebordée

Page 35: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

d’arbres.—Tun’asquandmêmepasenviedepasserlasemainequis’annoncetouteseule?Quivatepréparer

des crêpes aux myrtilles pour te remonter le moral ? Qui va aller te chercher de la crème glacée à2heuresdumatin?

—Leroomservice?—Tusais trèsbienceque jeveuxdire,murmura-t-ilen levant lesyeuxauciel.Lesmédecinsont

insistésurlefaitquetuavaisbesoinderepospourguérirdetoutestescontusions,etpasseulementdelamain.Tun’yarriveraspassituesseule,sanspersonnepourt’épauler.

—Ettucroisquejevaisarriveràmereposerici?demanda-t-ellealorsqu’ilsegaraitdevantuneimmensedemeuredestyleméditerranéen.

Enfin,unvéritablemanoir.Palace.Difficiledetrouverlesmots…Bonsang!Ilyavaitrockstaret…Rock.Star.Pendantqu’elles’étaitforcéeàsedésintéresserdeluicesdernièresannées,Quinnétaitpassédanslacourdesgrands.Destrèsgrands.

— Bien sûr. J’y veillerai personnellement, assura-t-il en ouvrant sa portière pour descendre devoiture.

Maisellel’arrêtaenposantsamainblesséesursonbras.—Jenerestepascheztoi,Quinn.—Biensûrquetuvasrester,répliqua-t-iltandisquesonregardsombres’éclairaitd’unelueurvive.

C’estlasolutionidéale.—Pasdutout.Lasolutionidéalepourmoi,c’estdeséjournerunesemaineàl’hôtelavantdeprendre

l’avionpourChicagoetderentrerchezmoi.Pasquestiondesquattercheztoietdeperturbertapetitevie.—Mapetitevieestdéjà trèsperturbée.À l’heureoùonparle, jedevraisêtreen tournée,mais,à

causededeuxoutroisennuis,nosconcertsontétéreportés.Autrementdit,jen’airiendemieuxàfairepour les prochaines semaines que de glander chez moi, de travailler à notre prochain album et dem’occuperdetoi.

—Maisjen’aipasbesoinquetut’occupesdemoi!—Ben,ilmeparaîtpourtantclairquetuasbesoindequelqu’un.Neleprendspasmal,maisilsuffit

deteregarderpourvoirquetun’yarrivespastouteseule…—Jeviensdesurvivreàunaccidentdans lequelmonmeilleuramiaperdu lavieetdesubirune

grosseinterventionchirur…—Jesaistoutça.Maisjesaisaussiquetuesépuiséeetaffaiblie.Pourquoilesinfirmièrespassent

leurtempsàtefaireavalerdesanalgésiques,àtonavis?Lesmédecinsinsistentsurtonbesoinderepos.Etdenourrituresaine.Elise,tuesl’unedesfemmeslesplussexy,lesplusbellesquejeconnaisse,maislà,tuesdansunsaleétat.Tuescomplètementépuiséeettuasunetêteàfairepeur.Toutlemondes’enrendcompte,sauftoi!

Page 36: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Chapitre5

À la secondemême où il prononça cesmots, Quinn les regretta. Non pas qu’il ne les pense passincèrement,mais il vit tout de suite Elise se refermer comme une huître.Difficile de lui en vouloir.Aucunefemmen’appréciaitcescommentairesdésobligeants,mêmes’ilsétaientjustifiés.Pourtant,DieuseulsavaitàquelpointQuinnlatrouvaitbelle.Maiselleavaitaussil’airtellementfragilequeleseulfaitdeposerlesyeuxsurelleluidonnaitl’impressionqu’elleallaitsebriser.

—Excuse-moi,murmura-t-ilenposantunemainsursongenou.Jenelepensaispas…Ellebougeaaussitôtlacuissepourl’éloignerdesamain,puissedétournadeluipourregarderparsa

fenêtre.—Oh,moi,jecroisaucontrairequetuasditexactementcequetupensais!Sedécoiffantlescheveuxdansungested’agacement,ilravalalenœudquiseformaitaucreuxdesa

gorge.MauditWyatt,avecsesprétendusconseils!KidnapperEliseserévélaitaussicasse-gueulequ’ill’avaitredouté.

Ilpritunegrandeinspirationetcomptajusqu’àdixavantdesoufflerlentementetdedéclarer:—Écoute, siondiscutaitde toutcelaà l’intérieur? Je teprépareraisàmanger, etonenparlerait

tranquillementautourd’unrepas.—Jenemettraipaslespiedscheztoi,Quinn.Jen’irainullepartavectoi,àpartàmonhôtel.—Danscecas,tuascommeunproblème,carc’estleseulendroitoùjenet’amèneraipas.—Excuse-moi?s’exclama-t-elled’unevoixincréduleenseretournantverslui.—Tum’asbienentendu,lâcha-t-il,lesbrascroisés,toutenprenantsonairleplusteigneux.—Maistunepeuxquandmêmepasmereteniricicontremongré!—Chiche!—Maisças’appelleunkidnapping!—Jepréfèrequalifiercelad’«ingérence».Mais,hé,mabelle:«Jefaiscequejeveux,hé!hé!

avecmavieillecopine!»chantonna-t-ilsurl’aird’unvieuxjinglepublicitaire.—Quinn!—Elise!Le regard de son amie s’assombrit dangereusement, et il comprit qu’il était vraimentmordu parce

qu’iladoraitlavoirainsi.Voilàl’Elisedontilsesouvenait.Distante,calme,maisaveccettepetitelueurbouillonnantequiavaittoujourseuledondelemettredanstoussesétats.

Ilattenditsonprochainargument,maiselleneditplusrien.Aulieudecela,ellesortitsonsmartphoneet semitànaviguer surGoogle,cherchantprobablementunecompagniede taxis.Eteneffet,quelquesinstantsplustard,ellecomposaunnumérosursonclavier.

—Bonjour,j’aibesoind’unecoursedetouteurgence…Plusamuséquecontrarié,ilcroisalesjambesets’adossaàsonsiège,attendantlasuite.—Euh,àquelleadresse?marmonna-t-elleenjetantunregardnerveuxautourd’elle.Malheureusement pour elle, ils étaient déjà au beau milieu de sa propriété : aucun panneau de

Page 37: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

signalisationounomderueenvue.Et,quandellecomprit,illavitsedécomposerendirect.Autantdirequesonexpressiondépitéevalait

sonpesantd’or.—Quinn,oùsommes-nous?—Prèsdulac.—Jeveuxdire:àquelleadresse?Ilsecontentadehausserlesépaulesensouriant.—Jemetrouveprèsdulac,expliqua-t-ellesansgrandeconvictionàl’opératrice.Quellac?Euh,eh

bien,je…jen’ensaisrien.Quinn n’entendit pas la réponse de la personne à l’autre bout du fil, mais, vu la mine déconfite

d’Elise,cen’étaitriendepositif.—Oh,attendezuninstant!Jevaisvousledire…Elle se pencha alors pour fouiller dans la boîte à gants. Il comprit aussitôt qu’elle cherchait son

permisdeconduire–Eliseavait toujoursétévived’esprit.Saufqu’il conservait sonprécieuxsésamedansuneencochedelavisièrepare-soleil.Autrementdit,Eliseallaitpouvoirchercherlongtemps.

—Bonsang,c’estpasvrai!pesta-t-elleenrefermantbrusquementlaboîteàgantsavantdelefusillerduregard.

Ilneputréprimerunsourire:ellesemblaitragerdecetteinhabituellepertedeself-control,ellequis’étaittoujoursfaitunpointd’honneurdemaîtrisersesémotions,quitteàconstruireuneinfranchissablemurailleentreelleet lesautres. Ilavait toujoursadoré laregarderperdresonsang-froid–afortioriàcausedelui.

—Maparole,maisquin’apasdanssavoitureneserait-cequ’unboutdepapieravecsonadresseinscritedessus?maugréa-t-elle.

Haussantunsourcilamusé,ilaffichasonsourireleplusodieuxavantderépondre:—Unrockeurparanoïaque?Lavoixde l’opératriceauboutde la ligne résonnadans le téléphone :manifestement, elleperdait

patience. Quinn ne pouvait saisir ses paroles, mais il comprit qu’elle cherchait à écourter lacommunication.

—Encoreunepetiteminute,imploraElisetoutenpianotantdenouveausursonclaviertéléphonique.Il sepenchapour tenterdevoir cequ’elle faisait,mais elle le repoussavigoureusement.Avantde

reprendred’unevoixtriomphante:—Oui,j’aitrouvé!Jesuisà…Sansluilaisserletempsdepoursuivre,Quinnluiarrachaletéléphonedesmainsetlelançadetoutes

sesforcesparlafenêtre,danslejardin.Ilavaitespérélefaireatterrirenhautd’unarbreouaumilieud’unbuisson,histoirequ’Elisenepuissepasleretrouvertoutdesuite.Maisl’appareilsurvolalahaieettomba,avecungrand«plouf»,enpleindansl’immensefontainedepierrequisedressaitaucentredelacour.

Durantplusieurssecondes,ilsrestèrenttousdeuxcommepétrifiés.Bouchebée,yeuxécarquillés,ilsfixèrentlafontaine.CefutElisequiretrouvalaparoleenpremier.

—Tun’aspasosé?s’insurgea-t-elled’unevoixstridente.Ehbiensi, ilavaitosé!Pourdebon.Peuàpeu, ilsentit l’hilaritémonteren luiet,bienquecette

attitudesoitcomplètementsuicidaire,ilneputs’empêcherd’éclaterderire–letoutsousleregardonnepeutplusfurieuxd’Elise.

— Espèce de salaud ! Espèce de gros salaud ! s’écria-t-elle en ouvrant violemment sa portière.C’étaitmontéléphone!

Page 38: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

—Jesais,jesais,marmonna-t-ilens’efforçantdetempérersajubilation.Chaquefoisqu’ilposaitlesyeuxsurlevisagedéconfitd’Elise,c’étaitplusfortquelui:ilriaitàs’en

étrangler.Iln’ypouvaitrien.Avecsabouchebéanteetsonfrontplissé,elleavaitdesalluresdemerlanfrit…

—Jen’aipasfaitexprès,bredouilla-t-ilsimplement.—Biensûr,jevoisça!Telle une enragée, elle remonta l’allée d’un pas indigné et traversa la pelouse en direction de la

fontainequivenaitd’avalersonsmartphone.Il luiemboîta lepaspourveilleràcequ’ellenetrébuchepas :elleavaitbeauserequinquerpeuàpeu, ilnes’étaitécouléque trois joursdepuissonopération,sansparlerdesmédicamentsqu’elleingurgitaitendosesdecheval.

Arrivéedevant lafontaine,Elise tentafébrilementderepêchersontéléphone.Mais,pourcela,elledut prendre appui sur sa main blessée, qui, malgré son plâtre, ne supporta pas son poids. Aussitôt,l’hilaritédeQuinnsechangeaeneffroi–avantmêmequ’Elisepousseunpetitcridedouleur–,etillasoulevadanssesbrasavantdel’éloignerdubassin.

—Qu’est-cequetufais?protesta-t-elled’unevoixstridenteàpercerlestympans.Lâche-moi!Tunevasquandmêmepasmetrimballercommeunepoupée,Quinn!

—Jolieimage,Lissy,maisj’essayaissimplementdet’éviterd’aggravertesblessures.Celadit,illadéposadoucementàterre.—Tuauraisdûypenseravantdemetraînericiaumilieudenullepart!rétorqua-t-elleentapantdu

pied.Iltentaderavalersonfourire,maisrienn’yfaisait.Ilnepouvaits’enempêcher.Ilyavaitquelque

chosedetellementincongruàvoirEliseflipperàcepointpourunsimpletéléphone…Etpeut-êtreparcequ’ill’avaitunpeukidnappée.Saufqu’ilpréféraitnepass’appesantirsurlesujet.

—Ilmefautmontéléphone,Quinn!s’écria-t-elleenluipiétinantallégrementlesorteils.Et, comme aujourd’hui il avait échangé ses rangers habituelles contre de simples sandales, elle

parvintàluifaireassezmal.Mêmes’ilsegardabiendelelaisserparaître.—Jevaistel’attraper,relax!marmonna-t-ilenretournantverslafontaine.Maisjenepensepasque

tupuissesencoret’enservir.Àmonavis,ilestmort…—Peut-êtrequ’enleséchantavecunsèche-cheveux…—Peut-être…Iln’allait pas enplus lui gâcher ses illusions.Mais combiende fois avait-il vu ses camaradesde

ShakenDirtydétruireleursiPhonesenlesfaisanttomberàl’eau?Pasuneseulefoisiln’avaitvuundecesappareilssurvivreàuneimmersion…

Letéléphoned’Eliseavaitatterriaubeaumilieudelafontaine,etildutsepencheraumaximumpourl’atteindre.PauvreElise!Aucunechancequ’ellepuissel’utiliserdenouveau.

Ilvenaitàpeinederefermersesdoigtsautourdusmartphonequ’ill’entenditarriverderrièrelui.—C’estbon,jel’ai,annonça-t-ilsansprendrelapeinedeseretourner.—Cool,répondit-ellesimplement.Ilsentitalorssesdeuxmainsseposeraucreuxdesondos.L’instantd’après,ellelepoussadetoutes

sesforces,etilplongea,têtelapremière,danslebassind’unbonmètredeprofondeur…Quinn émergea, dégoulinant, de la fontaine, ses cheveux naguère artistement coiffés retombant en

mèchesqui s’agglutinaientautourdesonvisage.Une feuillemortes’étaitcolléeà sonmenton,etdeuxpétalesdefleursvioletsdécoraientlespointesdesescilstrèsallongés.

Maintenant,c’étaitautourd’Elisederire.Desetordrederire.Defaçonincontrôlable.Enfin,jusqu’à

Page 39: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

cequeQuinn se ruevers elle avec ce regarddebraise et cet air plus sexyque jamais. Il gardait sontéléphone serré dans lamain, et elle comprit que, si elle voulait le récupérer, elle allait devoir le luiarracher elle-même. Sauf qu’une petite voix au fond d’elle lui soufflait de prendre ses jambes à soncou…Oudesejetersurlui.

Alors,pourquoiétait-elleincapabled’envisagerautrechosequecettesecondeoption?Probablementparcequeletee-shirtblancdeQuinn,trempé,moulaitdefaçonaffolantesontorsemusclétandisquedesgouttelettesd’eauruisselaientlelongdesapommed’Adam,s’engouffrantsouslecolenV.

Toutens’avançantrésolumentverselle,ilsoulevasontee-shirtd’ungestefébrileavantdel’ôteretdelejetervigoureusementàterre.Unenouvelledécharged’adrénalineembrasalesveinesd’Elise,quisentaitquelemomentdeprendresesjambesàsoncouétaitarrivé.Pourtantellerestaplantéelà.

Comment faire autrement alors qu’unQuinn à demi nu lui fonçait dessus ? Elle tenta, en vain, dedétournersonregarddecesabdosentablettedechocolat–ensemettanttorsenu,ilavaitclairementprisl’avantage. Comment faire autrement, alors qu’elle apercevait pour la première fois son torse, qui,commepourrépondreàlaquestionqu’elles’étaitposéedeuxjoursplustôt,étaitbeletbientatoué?Sansparlerdecesabdosquisemblaientavoirétécisaillésdanslemarbre–etnondansduvulgairechocolat.Oh,Seigneur !Et cette traînéebrunequiprenaitnaissance juste sous sonnombril avantdedisparaîtresousl’ourletdesonjeantaillebasse…

—Tubaves,nota-t-ilunefoisplantésoussonnez.— À qui la faute ? murmura-t-elle en posant sa main valide à plat sur ses pectoraux, avant de

descendrefébrilementjusqu’àsonnombril.Toutçaestridicule,Quinn.Àmesurequesesdoigtsglissaientsur lui, ilsecontracta ;sesmusclesdevinrentencoreplusdurs,

encoreplusfermes.—Quoi?Mesabdos?—Oui…Non!…Toutecettesituation,articula-t-elleenréussissantenfinàarrachersonregardde

sesmusclesparfaitspourseconcentrerplutôtsursonvisage.Maiselleregrettaaussitôtcechoix.LeregarddeQuinnétaitplusnoir,plusbrûlantquejamais.Sans

parlerdufaitqu’illadévoraitdesyeuxtelunprédateursepréparantàfondresursaproie.— Je veux… (Sa voix se brisa, et elle dut se reprendre.) Je veux que tu me ramènes en ville,

bafouilla-t-elle,lagorgesoudainnouée.—Ça,ilfallaitledireavantdemejeterdanslafontaine.Àprésent,nonseulementjemeretrouveà

moitiénu,maisj’aibienl’impressiond’avoirenplusunpoissonrougecoincédansmonboxer.Alors,leseulendroitoùjevaismaintenant,c’estchezmoi.Pourmechanger.

—Unpoissonrouge?répéta-t-elleenbaissantmalgréelleleregardverslazoneincriminée.—Mouais.Uneidéelumineusedemonjardinier,quiadécidécemois-cid’introduiredespoissons

danslebassindelafontaine.Laprochainefoisquejelevois,jenemanqueraipasdeluifairesavoirquec’étaitlapireidéedel’univers.

Encorelespoissonsrouges?Àcroireque,siEliseavaitétéSuperman,ilsauraientétésakryptonite.—Euh,tunedevraispasessayerdel’enlever?—Jerêveoutumedemandesdememettreàpoil?—Quoi?s’insurgea-t-elleensentantsesjouess’échauffer.Non,biensûrquenon!Jepensaisjusteà

cepauvrepoisson…Sionarriveàleremettrerapidementàl’eau,ilaurapeut-êtrelaviesauve.—Lebien-êtredecepoissonestdonctaseulepréoccupation?murmuraQuinnenhaussantunsourcil

dubitatif.— Évidemment, affirma-t-elle malgré la chaleur qui lui montait aux joues, tout en s’efforçant de

soutenirleregardentendudeQuinn.Çamerendrait tristequecepauvreanimalsansdéfensenepuisse

Page 40: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

passurvivre.Sans ciller, il déboutonna un à un les boutons de son jean. Puis glissa unemain sous le pantalon,

descendantlentement,trèslentement,jusqu’àsonentrejambe.Ellesuivitsesdoigtsduregard–c’étaitplusfortqu’elle–etétouffaunpetitgémissementalorsqu’il

sepalpaitsouslatoiledesonjeandélavé.— J’ai dû me tromper, il n’y a rien là-dedans, susurra-t-il d’une voix tellement graveleuse et

sensuellequ’Elisesentitsesseinspointersoussablouse.Vul’impressionnantevigueurdesonérection,Elisepréféranepasreleverl’allusionàpeinevoilée.

Detoutefaçon,ellen’étaitmêmepassûred’êtrecapabled’alignerunephrasecohérente.Pasalorsqu’ilsecaressaitouvertementdevantelle,sesdoigtsglissantoutrancièrementlelongdesonsexeraide.

—Situnemecroispas,tun’asqu’àvenirvérifierpartoi-même.Elledéglutitpéniblement,malgrélasécheressequienvahissaitsoudainsabouche.—Vérifier?Elles’efforçadeprendreunevoixindignéeplutôtqu’intriguée.Lesourireauxlèvres,Quinncontinuadesecaresser.—Benoui!Voirsilepoissonestlà,quoi…Aucasoùj’auraisratéquelquechose.Ilnelaquittaitpasdesyeuxetrestaainsi,sonjeandéboutonné,enuneinvitationmanifeste.Sin’importequelautrehomme luiavait faitunplanpareil,Elise l’auraitenvoyépaître illico–en

prenantsoindeletraiterdepauvreloser.Histoiredesecomporterpourdeboncommela«coincéedeservice»qu’elleavaitpuêtreauxyeuxdequelques-unsdesesex.

OrleseulfaitdevoirQuinnfairecequ’ilétaitentraindefairel’excitadelaplusexquisedesfaçons,aumoinsautantqu’ilétaitexcité.Maisellerefusaitdeleluimontrer.Pasquestiondelelaissertrouverl’inconnuede cette délicate équation.Ladernière fois qu’elle avait agi ainsi, les choses s’étaientmalterminéespourelle.

—Jevaisplutôt tecroiresurparole, rétorqua-t-elled’un ton faussementdésinvolte.Tudoisavoirraison.Jen’aipasl’impressionqu’ilyaitquoiquecesoitlà-dedans,aprèstout.

Elle s’attendaitàune repartiecinglante,àun regardnoirouà touteautre réactionmotivéeparunevirilitémiseaudéfi.Mais,aulieudecela,elleobtintlameilleuredesréactions.Oulapire.

Quinnlasoulevaetlapritdanssesbras.Puis,pivotantsursestalons,ils’engageasurlepetitsentierenbétonetlaportajusqu’auseuildelamaison.

Page 41: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Chapitre6

Elisenesavaitplusquoipenser.Quinnétait lapirechosequipouvaitluiarriver–il luiavaitdéjàbrisé le cœur en mille morceaux par le passé –, mais le savoir ne diminuait en rien le désir quibouillonnait au creux de ses veines et irradiait dans chaque cellule de son corps sans qu’elle puissel’ignorer,malgrétoussesefforts.

Biensûr,elleauraitpumettrecetroublesurlecomptedesanalgésiques,maiscelafaisaitdésormaisplusdecinqheuresqu’elleavaitavalésesdernierscomprimés.Autrementdit,cetteexplicationauraitétéunedérobade.Elleauraittoutaussibienpulemettresurlecomptedesadésorientation,desaconfusion,desonincertitudesurcequel’avenirluiréservait.Maiscelan’auraitpasétéexactnonplus.

Non, l’excitationqu’elle sentait grandir auplusprofondd’elle-mêmeavait plus àvoir avecQuinnqu’avecn’importequelanalgésiqueouqu’avecsesangoissesdel’avenir.

Bonsang!Qu’est-cequifaisaitdoncquecethomme,luietaucunautre,lafaisaittoujoursbouillonnerdedésir?

Etsurtout:commentétait-ellecenséeyréagir?Car, en plus de devoir admettre l’effet que Quinn avait sur elle, elle prenait douloureusement

consciencedu fait qu’ellen’avait vraimentpas enviede lutter.Elle adorait, par exemple, la sensationqu’elleéprouvaitquandQuinnlaportaitainsi.Sansparlerdupuissantdésirqu’iléveillaitenelleetquilui donnait – enfin – l’impression d’être vivante. Il lui suffisait de fermer les yeux pour le revoir,empoignant son sexe, se caressant devant elle, les yeuxmi-clos. À cet instant précis, son corps étaitcommerevenuàlavie,pourdebon,pourlapremièrefoisdepuisdenombreusesannées.

Orcen’étaitpasparcequesoncorpstombaitsouslecharmedeQuinnqu’elledevaitsuccomber,elle.Aprèstout,elleavaitencoresonlibrearbitre.Ellegardaitlecontrôledesesdésirs.Etcequ’ellevoulait,c’étaitsecomporterenfemmeraisonnable,sained’esprit.EnfemmeconscientequecraquerunenouvellefoispourQuinnBradfordseraitlapireerreurdesavie.

Dumoins,elles’efforçaitdes’enconvaincre…Elleyseraitpresqueparvenue,siseulementellen’avaitpasprécipitéQuinndanscettefontaine.Elle

ignoraitencorequeldémonl’avaitpossédéeàcemoment-là–sinoncebesoinirrépressibledeluirendrelapareilleaprèsqu’illuiavaitcassésontéléphone.

Pourtant,ellenes’étaitpascomportéedefaçonaussipuériledepuis…Depuisladernièrefoisqu’elleavaittraînéavecQuinn.Cequin’étaitguèrefacileàadmettre.D’unecertainefaçon,lesimplefaitdesetrouveràsescôtésfaisaitsystématiquementressortirlepireenelle.

Oulemeilleur,luisoufflasubitementunepetitevoix.Alorsqu’ilgrimpait lesmarchesquatreàquatre,ellepritdouloureusementconsciencedesonsexe

dur comme un roc, qui effleurait ses fesses. Et, comme cette seule idée l’excitait – bien plus qu’ellen’auraitdû–,Eliseseraiditdanssesbras.

— Je nemettrai pas un pied dans cettemaison, s’efforça-t-elle d’articuler d’une voix faussementdétachée.

Page 42: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Ilbaissalesyeuxverselle,l’airamusé.—C’estbienpourcelaquejeteporte:pourt’éviterd’avoiràposerunpied…Bonsang!Soncharmeétaitdécidémentredoutable.—Tusaistrèsbiencequejeveuxdire,répliqua-t-elledansunevainetentativedelerepousser.Duhautdesonmètrequatre-vingt-dixdemuscles, ilétaitnettementplusgrandetplus fortqu’elle.

Ellenes’extirperaitpasdesesbrastantqu’ilnel’auraitpaslui-mêmedécidé.Cette seule pensée aurait dû lamettre en rage, mais elle se laissa envahir par un calme étonnant

lorsqu’ildéverrouillalaported’entrée,avantdepénétrerdanslademeure.Nonpasqu’elleaitl’intentionderéellementséjourner ici,maisaumoins,quandelleétaitavecQuinn,ellenepensaitplusà toussesproblèmes.Depuis l’instantoùilavaitàdemi-motadmisl’avoirkidnappée,ellen’avaitpassongéuneseule fois à samain, ni à sa carrière, ni à l’avenir sinistre qui s’offrait à elle.Ce fait, déjà,méritaitd’êtresouligné.

Maisqu’est-cequ’ilsignifiaitréellement?Quinn laporta le longduhalld’entrée,puisdescendituncouloirsinueuxmenantàunevastepièce

baignée de soleil, dominée par un écran de télévision géant et deux énormes canapés. Après l’avoirdélicatementposéesurl’und’eux,ilmurmura:

—Jevaismechanger.Jereviensdansuneminute.Essaiedenepasfairedebêtises.—Jenefaisjamaisdebêtises!Ilbaissaalorslesyeuxverssontorsenu,puischerchadenouveauleregarddelapianiste.—C’estbiendommage,lança-t-ilavecunsouriredéfiantavantdepivotersursestalons.Ah,aufait:

inutiledechercheràt’échapper.Lesalentourssonttruffésdecoyotesetdelynx.—Cen’estmêmepasvrai.Pasquestionpourelledeselaisserentraînerdanscepetitjeupuéril.—Àtaplace,jenechercheraispasàvérifier.Sur ce commentaire énigmatique, il disparut dans l’escalier. Et elle garda les yeux rivés sur lui.

Longtempsaprèsqu’ileutdisparu.Enfait,l’idéedeprendrelafuitependantqu’ilétaitàl’étageneluiavaitmêmepastraversél’esprit.

Maisàprésent,grâceauxinsinuationsdeQuinn,ilétaitclairqu’ellenetenteraitrien.Ellen’étaitpassûredelecroireausujetdesanimauxsauvages,maisellen’étaitpasnonplusasseztémérairepourtenterlediable.Savieétaitdéjàbienassezcompliquéecesdernierstemps.

Biensûr, elleétaitpleinementconscientede sa folie, conscientequ’elleauraitdû refuserde resterchez le seul homme qui lui avait brisé le cœur, consciente qu’elle n’aurait pas dû apprécier de seretrouverici,aveclui.Etpourtant…

Elle avait ressenti lamêmechose chaque foisqu’il était venu lavoir à l’hôpital.Elle avait adorépasserdutempsaveclui,selaissanttaquiner,letaquinantenretour…Ellenesesouvenaitpasdes’êtresentieaussinormaledepuisdeslustres.Aussidétendue.

N’était-ellepasentraindesuccomberàuneétrangeversiondusyndromedeStockholm?Pourêtretoutàfaithonnête,elles’enfichait.ElleéprouvaitunsentimentdelibérationàlaisserQuinnprendrelecontrôle,àlevoirluiimposerceséjourchezlui.Biensûr,ellenedoutaitpasunseulinstantqu’elles’enseraittrèsbiensortieàl’hôtel…Maisseretrouverici,avecQuinn,étaitsansdoutemieux.

Nettement mieux. Surtout depuis qu’elle avait cette certitude : à l’instant même où elle luidemanderaitde l’accompagnerauW, il le ferait.Sansposerdequestions.Certes, il avaitquelquepeurusé pour la ramener chez lui, mais Quinn n’était pas le genre d’homme à forcer une femme à fairequelquechosedontellen’avaitpasenvie.

Autrementdit,aussilongtempsqu’elleserappelleraitqueceséjourforcén’étaitqu’éphémère,que,

Page 43: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

dansune semaine, elle s’envolerait pourChicagoet queQuinn redeviendrait un lointain souvenir, toutiraitbienpourelle.Trèsbien,même.Carcettefois,quandildisparaîtraitdesavie,Quinnn’emporteraitpassoncœuraveclui.Elleyveilleraitpersonnellement.

Quinnenfiladesvêtementsderechangeenquatrièmevitesse.Passûrquesesmenacesexagéréessur

lesfauvesdelarégionsuffisentàempêcherElisedes’éclipser.Carilnevoulaitvraimentpasqu’elleluiéchappe.

Orillasavaittrèsobstinée.Quandelleavaitquelquechoseentête,ilétaitquasimentimpossibledelafairechangerd’avis.Voilàpourquoi,suivantleconseildeWyatt,ilavaitchoisidelaramenerchezluiplutôtqu’àl’hôtel,oùelleavaitprévudeséjourner.Illaconnaissaitsuffisammentpoursavoirque,mêmesielleavaitbesoind’aide,jamaiselleneserésoudraitàendemander…Dèssonplusjeuneâge,sonpèrel’avaitélevéedansl’idéeque,danslavie,elledevraitsedébrouillerseule.Etellen’avaitjamaispusedéfairedecetteattitude-là.

Enlamatière,Quinnsavaitàquois’entenir.Quandilsétaientplusjeunes,ilavaitbienessayédeluivenirenaide.Del’allégerdecertainsfardeaux.Maisellenel’avaitjamaislaisséfaire.Voilàpourquoiils’étaitsouventmisenquatrepourlafairesortirdesesgonds.Carpendantqu’elles’énervaitcontrelui,pendant qu’elle flippait à cause d’un de sesmauvais tours, elle n’avait pas peur de ne pas être à lahauteur,ellen’avaitpas le tracà l’idéedemontersurscène.Ellenedevenaitpasdingueenconstatantque,malgrétouslesefforts,touslessacrificesauxquelselleconsentait,elleneseraitjamaisassezbienauxyeuxdesonpère.

CevieuxsalauddeRichardMcKinneyn’avaitpasétéaussiodieuxquelepèredeQuinn.Entoutcas,ilne s’était jamais servide sespoingspourpasser sesnerfs sur sonenfant.Mais, à sa façon, il avaitmaltraitéElisepsychologiquement.

LeseulfaitderepenseràleurspèresrespectifsmitQuinnenrage.Cesdeuxvieuxschnocksavaientgâché leurproprevie, alors ils avaient reporté toutes leurs ambitions sur leurs enfants. Ils les avaientpoussés,poussés,poussésàbout,jusqu’àcequ’Eliseseretrouveàdeuxdoigtsdecraqueretquelui…

Non,inutiledesetorturer.Voilàdesannéesqu’ilnepensaitplusàcetteépoque.Ilavaitsuffiqu’Eliseréapparaissedanssaviepourque,enquelquesjours,cessouvenirsremontentàlasurface.Celan’allaitpasdutout.

Toutentendantl’oreilleàl’affûtdumoindrebruitaurez-de-chaussée,Quinns’emparad’unechemisedanssonplacard,puissehâtaderejoindrelasalledebainspourserincer levisageet lescheveux.Ilaperçut son reflet dans lemiroir, qui souriait bêtement. Pas seulement parce qu’Elise semblait ne pasbroncher–cequiétaitdéjàunevictoireensoi–,maisparcequ’elleavaitfiniparjouerlejeu…Latrèssage et sérieuseEliseMcKinney avait suffisamment baissé sa garde pour lui hurler dessus et pour lepoussertêtelapremièredanslebassindelafontaine.

Sansdouteétait-ilunpeudinguedeseréjouird’unetellechose,maisc’étaitplusfortquelui.Aprèstroisjoursdecetteréservepolieentreeux,ilretrouvaitlàl’Elisedesessouvenirs.Voilàpourquoiilétaitallétrèsloin,toutàl’heure,danslacour.L’excitern’avaitpasdutoutétésonintention,audébut,maislafaçon dont elle l’avait toisé, avec ce regard embué de désir, l’avait tout simplement bouleversé. Ellel’avait suffisamment troublé pour qu’il ne puisse plus penser à autre chose qu’au souvenir de leursétreintesbrûlantes,àleursbaisersfougueux,àleurspetitsjeux,àleurscaresses…Ilavaitvouluressentircelaencore.Ilavaiteuenvied’elle.

C’était un jeu dangereux, il en était conscient.CarElise ne lui avait jamais appartenu, elle ne luiappartiendraitjamais.

Etjamaisiln’oublieraitsonregard,cejouroùelles’étaitpéniblementrelevéedederrièrecemaudit

Page 44: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

piano,dusangpleinlevisage,pleinlesmains…Leregarddéchiréparlapeur.Une peur qu’il avait lui-même instillée. Certes, ce n’était pas lui qui l’avait frappée – jamais il

n’aurait fait une chosepareille –,maisElise s’était retrouvéeprisedans la tourmentede savie à lui.Victimecollatéraledelaguerrequ’ilmenaitdepuisdesannéescontresonpère.

Mais, là encore, inutilede se torturer avec tout ça. Il refusaitde repenser à cettemaudite journée.Surtout à présent qu’Elise l’attendait au rez-de-chaussée et qu’il avait enfin l’occasion, sinon de seracheter,aumoinsderepartirsurdesbasessaines.

Bien décidé à la convaincre de rester chez lui, il passa en revue tous ses arguments tout ens’engageantdansl’escalier.Mais,quandilarrivaausalon,iltrouvalecanapévide.Eliseavaitdisparu.

Etmerde!Avait-elletoutdemêmeprislafuite?Pourtant,l’alarmenes’étaitpasdéclenchée–àmoinsquele

bruitdel’eauquicoulaitn’aitcouvertceluidelasirène?Sentantlapaniquel’envahir–bienplusqu’ilnel’auraitimaginé–,ilbalayalapièceduregardàlarecherchedumoindreindice.

Quandilremarquasonsacàmainetseschaussures,poséssurlesolprèsducanapé,ilpoussaunlongsoupirdesoulagement.Ouf,ellenes’étaitpasenfuie!Elleétaittoujourslà.

Maisilnesesentiraitcomplètementrassuréquelorsqu’ill’auraitvue.Ilalladoncchercherdanslestoilettes, sur le patio, dans sa salle de répétition… Toujours rien. Il s’apprêtait à l’appeler quand ilentendit du bruit dans la cuisine. Il s’y précipita aussitôt, puis s’arrêta net de surprise en apercevantElise,accoudéeàl’îlotcentral,entraind’émincerunconcombre.

—J’espèrequeçanetedérangepas,déclara-t-elleàvoixbasse.J’avaisunpetitcreux.—Non,pasdutout,répondit-ilentraversantlacuisinepours’emparerducouteau.Maissituallais

plutôttereposerpendantquejeprépareledîner?Ellenelâchapaslecouteau.—Depuistroisjours,jenefaisqueça,mereposer.J’aienviedepasseràautrechose.Il repensaà sadémarche titubanteà la sortiede l’hôpital,mêmeaumomentoùelle l’avaitpoussé

danslafontaine…Pasquestiondelalaissermanipuleruncouteauaussitranchant,alorsqu’elletenaitàpeinesursesjambes.

Biensûr,iln’étaitpasassezidiotpourluiprésenterleschosesdefaçonaussibrutale.Ildésignadonclatabledelacuisined’unhochementdetête.

—Çamestressed’avoirdesgensautourdemoipendantquejecuisine.Çat’ennuiesijedéplacelesingrédientsdetasaladesurcettetable,oùtupourrast’asseoirpourlespréparer?

—Jen’aipastroisans,Quinn,lâcha-t-elleavecunregardnoir.Netecroispasobligéd’inventerdeshistoirespourmefairefairecequetuveux.

—Jenerigolepas,assura-t-ildesonairleplussérieux.J’ailaphobiedepartagermacuisineavecd’autresgens.

—Mouais,biensûr,toutcommetuavaislaphobiedesballonsàuneépoque…Ilnecompritpas toutdesuiteàquoielle faisait allusion.Mais lamémoire lui revint. Ilsdevaient

avoiràpeinetreizeouquatorzeans,etilessayaitdéjà,àl’époque,delafairesortirdesacoquille.Ilsparticipaientàl’undeleurspremiersconcoursdemusiqueimportants,surdeuxjournéespleines,etlesautresconcurrentstentaienttantbienquemaldesedétendreenjouantàlaballeauprisonnier.

Il leurmanquait un joueur pour compléter une équipe,maisQuinn n’avait pas voulu laisser Eliseseule–déjààl’époque.IlavaitdoncfeintunephobiedesballonsenleursuggérantdeprendreElisedansleur équipe.À force de la tanner, l’équipe avait réussi à la faire céder et accepter de jouer avec lesautres.Àlasurprisegénérale,elles’étaitrévéléeexcellentejoueuseets’étaithisséejusqu’enfinale.

Iln’auraitpasimaginéqu’elles’ensouvienne.MaisEliseavaittoujourseuunemémoireredoutable.

Page 45: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

—Hé,cestrucs-làsontflippants!plaida-t-ilentransportantlesingrédientsdelasaladesurlatable.Cesballessontd’unrougeterrifiant,etpuisellesontcettedrôled’odeur…

—D’accord, d’accord, dit-elle en prenant le saladier avec samain valide pour le rejoindre à latable.J’aicompris.

—Tantmieux.Tandis qu’elle s’asseyait, il passa machinalement une main le long de son dos. Simple geste de

remerciement,voired’affection…Mais,àsoncontact,ilsentitl’airentreeuxsechargerd’électricité.Elise se figea, puis leva les yeux vers lui. Durant de longues secondes, il ressentit une envie

irrépressiblede tomberàgenouxdevantelleetde l’embrasser.Ses lèvresétaient si rouges, charnues,légèrementhumides…Commentnepassouhaiters’enemparer?Justepourgoûter…Justepourvérifierqu’ellesavaienttoujoursceparfumdélicatdefraisesdesbois…

Ilsavaitbienqu’ils’agissaitlàd’unemauvaiseidée.Qu’iln’auraitmêmepasdûypenser.Maissoncerveaunefonctionnaitdéjàplus.Et,quandelles’approchadelui–commesiellemouraitautantd’enviequeluideprendreseslèvres–,ilneputplusserésoudreàfairemarchearrière.

D’ungestelent,pourluilaisserletempsdelerepousser,sielleledésirait,ilpassalamainautourdesanuqueetl’attiradoucementverslui.Elleécarquillalesyeux,semitàrespirerplusfort,maisnerésistapas.Ellene lerepoussapas.Alors il rapprochaencoresonvisagedusien, jusqu’àcequ’ilsnesoientséparésquedequelquescentimètresàpeine.

Puisils’arrêtanet.Attendit.Ladévisagea.Ilsentaitsonsoufflechaudetsaccadésursonvisage,ainsiquelesbattementsaccélérésdesoncœurpulserdanssoncou,contresamain.Elleattendaitqu’ilfasselepremier pas, qu’il l’embrasse,mais il tenait à dissiper toutmalentendu. Car il voyait ses pupilles sedilater,entendaitsarespirations’accélérer…Ellesemblaittoutàlafoisterrifiée,confuseeteuphorique.

Non.Pourcebaiser,leurpremierbaiserdepuisdixans,elledevraitprendrel’initiative.Alors,malgréledésirquileconsumait,malgrésonenviedelaserrercontreluietdeprendred’elle

tout ce qu’il désirait, tout ce qu’elle voudrait bien lui offrir, il attendit. Et attendit. Encore et encore.Jusqu’àcequechaqueporedesapeausoitàl’agonie.

Ilétaitàdeuxdoigtsdeperdretoutcontrôlequand,enfin,Elisesedécidaàlefaire,cepremierpasqu’il espérait tant.Elle sepenchaunpeuplusvers lui et effleura ses lèvresavec les siennes,douces,chaudes,magnifiques…Unepremièrefois,puisunedeuxième…etunetroisième.

Puiselleeutunmouvementderecul.Pasquestionpourluid’enresterlà.Ilenvoulaitbienplus.Depuisl’instantoùilavaitposélesyeux

surelle,sursonlitd’hôpital,ilavaitenvied’elle.Ilrêvaitd’elle.Etàprésentqu’ilsseretrouvaientseulàseul,chezlui,danssacuisine,enlacés,pasquestiondelalaisserrepartirsansavoirvraimentgoûtéàelle.

Alors,cettefois,cefutluiquicapturaseslèvres.Etquil’embrassa.Pourdebon.Pourlapremièrefoisdepuisdixans.

Bonsang,c’étaitencoremeilleurquedanssonsouvenir…Elleentrouvrit labouche,et ilenpritpossessiongoulûment. Ilavait tellementenvied’explorer,de

savourer,deressentirlanouvelleElise.Elleétaitsidouceetsifougueuseàlafoisqu’ilneputréprimerunpetitgrognementdeplaisir,toutenappuyantsonbaiser.

Oh,etelleavaittoujourscepetitgoûtdefraisesdesbois!Maisavecunenouvellenotedecaramel,àla fois suaveet salée.Unesaveurà laquelle il allaitdeveniraccro.Unesaveurdont ilne se lasseraitjamais.

Ilintroduisitsalanguedanslabouched’Elise,caressantsonpalais,sesdents,l’intérieurdesesjoues,ets’arrêtantuninstantpourtitillerunpointsensiblesouslalanguedelajeunefemme.

Page 46: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Lesoufflecourt,elleagrippalachemisedeQuinndesamainvalide.Ilresserrasonétreintejusqu’àsentirlapointedesesseinsdurcircontrelui.

Alors,ilprittoutcequ’elleavaitàluioffrir,etluidonnaenretourtoutcequ’ilavaitàoffrir.Affamé, ilmêlasa langueàcelled’Elise,explorachaquerecoindeses lèvres,desa langue,desa

bouche…Oh, comme il avait envie de découvrir chaque parcelle de son corps, de réapprendre à laconnaître, de rattraper tout ce temps perdu depuis qu’il l’avait quittée… Comme il avait envie demémoriserchaqueporedesapeaupournerienoublierquand,cettefois,ellerepartiraitdesoncôté…

Il la serra plus fort encore et se plaquaviolemment contre elle.Elle étouffa unpetit gémissement,maisilenvoulaitplusencore.Toujoursplus.Commequandilsétaientgamins.

Saufqu’ilsn’étaientplusdesenfantsàprésent.Cette seule pensée suffit à lui faire reprendre ses esprits. Et à l’éloigner d’Elise,malgré ce désir

dévorantquiluiintimaitl’ordredes’enfouirpourdebonenelle…Cette femmerencontraitdegravesproblèmes.Desproblèmesquin’allaientpasse résoudreparun

simplebaiserniparunefolleétreinte.Oriln’avaitriendemieuxàluioffrir.Iln’avaitjamaisrieneudemieuxàluioffrir.Eliseméritaitdéjàmieuxquandilsavaientdix-septanset,aujourd’huiplusquejamais,elleméritaitmieuxquelui.

Décrochantdoucementlesdoigtsd’Elisedesachemise,ilreposasamainsursongenouavantdeserelever.Impossibledelaregarderdanslesyeux.Pasmoyend’affrontersonregardaccusateur,alorsqu’ilvenaitd’abuserdesavulnérabilité,alorsqu’elleétaitblessée,assomméedemédicaments…

Mais en fin de compte, tremblant, il ne put s’empêcher de chercher son regard, et ce qu’il y lutmanquadepeudelefaireretomberàgenoux.Carcequ’ilvitaufonddesesyeux,c’étaitlapassion.Etnonl’accusation.Dudésir,etnondelaméfiance.

Elleavaitleregardembué,bouillonnant.Lesjouesrosies,elleavaitaussilesseinsquisetendaientsousletissudelablousequeJamisonluiavaitachetéepoursaconvalescence.Quantàseslèvres…Oh,seslèvres,quihantaientsesrêveslesplusfousdepuistoutescesannées!Ellesétaientrouges,gonfléesettellementtentatricesqu’ildutrassemblertoutessesforcespournepasygoûterunedeuxièmefois.Pourrésisteràunbaiserquines’achèveraitqu’unefoisqu’ill’auraittraînéejusqu’aulitpourluifairel’amourjusqu’àenoubliersonnom.

Cetteseuleidéesuffitàlefaires’écarterbrusquementd’Elise,aussivitequesoncorpstendudedésirleluipermettait.Il luiavaitdéjàfait l’amour,unefois…Puisilavaitpris lafuite.Àl’époque, ilétaitjeune,obstinéettropbêtepourcomprendrequecegestedevaitlesbrisertouslesdeux.

Jamaisilnereferaitunetelleerreur.

Page 47: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Chapitre7

Déconcertée, Elise regarda Quinn s’écarter d’elle comme si elle avait la peste. Ou comme s’iléprouvaitsoudaindudégoûtàsoncontact.Pourtant,elleavaitdevinésondésir,àsarespirationsaccadéeetauxbattementssoutenusdesoncœur…Ellel’avaitperçuàlafaçondontsesdoigtss’étaientagrippésàelle,àlafaçondontseslèvress’étaientplaquéesauxsiennes…passionnément,sipassionnément…

Encoreétourdieparcebaiser,elleleregardaerrerdanslacuisine,devisantcalmementdecequ’ilcomptait préparer pour le dîner.Comme si les dixminutes qui venaient de s’écouler n’avaient jamaisexisté.

Celadit,n’était-cepasprécisémentcequ’ilavaittoujoursfaitavecelle?Soufflerlechaudetlefroidjusqu’àlarendredingue,jusqu’àcequ’ellenesacheplusoùelleenétait?Quinnluiavaitfaitlecoupàdesdizainesdereprises.Ladernièrefois,elles’étaitjuréquecelanesereproduiraitplusjamais.Maisvoilà que, seulement trois jours après la réapparition-surprise deQuinn dans sa vie, elle se jetait denouveau dans ses bras, lui offrait tout ce qu’il réclamait, et même plus, et paniquait à l’idée qu’ils’éloignedenouveaud’elle.

Bon sang ! Et dire que, quinzeminutes auparavant, elle se promettait encore de ne pas se laisserentraîner dans ce tourbillon… De ne rester chez lui que tant que les choses ne devenaient pas tropambiguësentreeux…

Ehbien,lasituationétaitplusambiguëquejamais.EtpourtantEliserestaitlà,assise,àleregarders’affairerauxquatrecoinsdelacuisine.Aprèsuntelbaiser,elleavaitencorelesjambesencoton.Pasmoyen de prendre la fuite. Sauf que… sauf que, en réalité, elle n’avait aucune envie de partir. Pasmaintenant.Pasalorsqueleschosescommençaientseulementàdevenirintéressantes.

Elleportaunemainàsaboucheeteffleuraseslèvresencorebrûlantesduboutdesdoigts.Biensûr,elleavaitembrasséd’autreshommesdepuisQuinn…Maisaucunnel’avait jamaisplongéedansuntelémoi rien qu’avec un baiser. Aucun n’avait su éveiller en elle un désir aussi ravageur rien qu’enpromenantsalanguecontrelasienne.

Non,ellen’étaitdécidémentpasprêteàcoupercourtàl’expérience,àexigerqu’il laraccompagneàl’hôtel.

Ilyavaiteuce«kidnapping».Puislafontaine.Puislebaiser…Ilsseretrouvaientprisdansunpetitjeuquilesdépassait,unjeuquineressemblaitàaucundeceux

dont ils avaient l’habitude, à l’époque. Plus que jamais, elle était curieuse de voir où tout cela lesmènerait.Car,quoiqu’iladviennedésormais,elleétaitdéterminéeàgagnerlapartie.Elleavaitdéjàtropperdupoursesatisfaired’uneautreissue.

Àprésentquesadécisionétaitprise,ellesesentitplusconfianteetselevapourrejoindreQuinnprèsdufrigo.Quandelleposasamainsursonépauleetqu’ilsursauta,elleneputréprimerunsourire.

—Alors,qu’est-cequetuasdécidépourlerepas?demanda-t-elleenlefrôlantinnocemmentdubout

Page 48: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

desseins.Ilouvritengrandlaporteduréfrigérateur,defaçonàinstaurerunpeuplusdedistanceentreeux.—J’aidessuprêmesdevolailleoubiendessteaks.Qu’est-cequetupréfères?Elle se rapprochaencore, jusqu’à sepresser contre lui.Et se retintdifficilementde riredevant sa

minedéconfite.—Lesteakiratrèsbien,murmura-t-elle.Pourattraperlepaquet,elledevaitsecollerunpeupluscontrelui.Évidemment,elleenprofitapour

sepencheroutrancièrementpar-dessuslesrayonnages.Ensortantlaviandedufrigo,ellesentitsonregardsurseshanchesetsetrémoussarienquepourletourmenterunpeuplus.Cepetitjeul’amusaitbeaucoup.Dixansauparavant,c’étaittoujoursluiquimenaitladanse.Elleluiavaittoujourslaissélamain.Maiscetteépoqueétaitrévolue.Désormais,c’étaitellequiavaitl’initiative.

Elleseredressa,puisrisquaunregardversQuinnàtraversseslongscils–etmanquadelâchersessteaks en découvrant de quelle façon il la dévorait des yeux. Oh oui, comme elle l’avait espéré, iléprouvaitdudésir.Undésir intense,même.Mais, au-delàdecela, il semblait avoir compris sonpetitmanège…etréfléchiràlafaçondontilallaityréagir.

Machinalement, elle recula de quelques pas. Elle s’en voulut aussitôt en le voyant sourire.Manifestement, il considérait songestecommeun signede reddition.Vraiment, elle allaitdevoir fairemieuxsiellegardaitlemoindreespoirderemporterlapartie.

Plusfacileàdirequ’àfaire.SurtoutquandQuinnrefermaleréfrigérateuretsemitàavancerverselledecetairdeprédateurqu’elleneconnaissaitquetrop.

Denouveau,elleeutunmouvementderecul.Unpas,puisdeux,puistrois…Maisillasuivaitsansrelâche.Àchaquepas,ellesedisaitquec’étaitledernier.Qu’elletiendraitlecoup.Mais,chaquefois,Quinnregagnaitduterrain,avecsasilhouettemassiveetsonregarddebraise.Refuserdereculerétaitunechose,secomportercommeuneidioteenétaituneautre…

Aufinal,ellebattitenretraitepourquitterlapièceaupasdecourse.C’estalorsqu’ilavançapourdebon,etelleseretrouvavigoureusementplaquéecontrelaporteducellier.Sanséchappatoire.Encadrantlevisaged’Elisedesesbras,ils’approchajusqu’àcequesapeaueffleurecelledelajeunefemme.

—Tuallaisquelquepart?murmura-t-ild’untonsuave,toutenladévorantdesonregardsombre.Ellecompritquelemomentétaitvenu.Soitelledéclaraitforfait,soitelleluidémontraitunefoispour

toutesqu’elleétaituneadversairesérieuse.Etcommeellen’avaitpasl’intentiondeluifairelemoindrecadeau…

— Je m’apprêtais à aller chercher des pommes de terre dans le cellier, déclara-t-elle crânementd’unevoixtrèstravaillée.Jemedisaisqueçaauraitfaitunbonaccompagnementaveclessteaks,mais…(Elledonnaunepetitetapesursontorseavecsamainblessée.)Maistusemblesavoirdécidédegardercetteportefermée,poursuivit-elled’unairfaussementdétaché.

Avantqu’ilpuisseformulerlamoindreréponse,ellesebaissapourpassersoussonbras…Puissebaladad’unpasnonchalantdanslacuisine,jusqu’àl’îlotcentralsurlequelelledéposalessteaks.

—Entoutcas,situasdel’ailquelquepart,ceseraitencoremieux.Jeconnaisunesuperrecettedemarinade.

Quinn marmonna quelque chose entre ses dents, puis déverrouilla la porte du cellier avant d’ypénétrer.Uninstantplustard,ilréapparutavecdeuxgrossespommesdeterre,unetêted’ailetunmoulinàpoivre.

—C’estparti!lança-t-ilendéposantletoutsurlecomptoir.J’aihâtedevoircequetumeprépares.Toutenleregardants’éloignerverslepatiopourlancerlebarbecue,Elisen’étaitsoudainplussûre

dutoutqu’ilparlaitdemarinade.

Page 49: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Aprèsledîner,quisedérouladefaçonétonnammentcalmeettranquille–dumoins,encomparaison

de la tensionquin’avait cessédemonter entre euxpendant lapréparationdu repas–,Quinn réussit àbannir Elise de la cuisine pendant qu’il s’occupait de la vaisselle. Elle lui avait bien évidemmentproposé de l’aider,mais il avait refusé tout net. Pour une fois, elle n’avait pas insisté. Samain avaitenflé,etlesévénementsdecettejournéel’avaientépuisée,àlafoisphysiquementetnerveusement.

Affaléedanslecanapé,elles’emparadelatélécommandeetallumamachinalementlatélévision,sansvraimentlaregarder.Trèsvite,lebruitdefondlaberça,etelles’assoupit.

Quinnlatrouvaainsi,quinzeminutesplustard,quandileutfinilavaisselleetôtélesvalisesd’Elisedelavoiture.Ilvoulutd’abordlaréveiller,luifaireprendresonanalgésiqueavantdel’installerdanslachambred’amisprèsdelasienne,maiselleparaissaitsifatiguéequ’iln’eneutpaslecœur.Aprèstout,celafaisaitmoinsdesixheuresqu’elleavaitquittél’hôpital.

Il la recouvrit donc d’un plaid puis s’assit sur le canapé, en face d’elle. Juste au cas où elle seréveilleraitetauraitbesoindequelquechose.Cardifficiledediresielledormiraittoutelanuitousiellefaisaitunesimplesieste.Quoiqu’ilensoit,ilnecomptaitpaslalaisserseule.

Detoutefaçon,aprèsavoirpassélamajeurepartiedelanuitprécédenteàcomposerdesmorceauxpourleprochainalbum,ilétaitlui-mêmeépuisé.Ilneluifallutpaslongtempspour,àsontour,piquerdunez devant la télé et se retrouver dans un demi-sommeil, au son des sirènes et des coups de feu quiponctuaientlasériepolicière.Ainsi,quandilentenditlespremiersgémissements,ilmitd’abordcelasurlecomptedelatélévision.Cependant,commelebruits’intensifiait,ilfinitparcomprendrequelavoixnevenaitpasdesenceintes.Maisd’Elise.

Bondissanthorsducanapé, il seprécipitaverselle. Il s’accroupitetposaunemainsursahanche,avantdeluicaresserlescheveux.Ellesanglotaitetavaitlovésamainblesséecontresapoitrine.Toutenluimurmurantdesparolesderéconfort,ils’envoulutdenepasluiavoirdonnécemauditcalmant,denepasl’avoirinstalléedansunvrailit,oùelleauraitétéplusàl’aise.

—Lissy,mabelle,réveille-toi…Maisellecontinuaitdegémir.Ilpromenasamaindélicatementsursonfront,puisenfouitsesdoigts

danssescheveux.Ilnevoulaitpaslabrusquernilaréveillerpourdebon,mais,siellecontinuaitainsi,iln’allaitpasytenir.Lesplaintesquis’échappaientdeseslèvresluifaisaienttellementmal,luidéchiraienttellementlecœur…qu’ellesdevinrentinsupportables.

—Lissy,jet’enprie,insista-t-ild’untonunpeuplusferme,autoritaire.Ilcontinuaàlacaresser,espérantlatirerdecemauvaisrêvequisemblaits’êtreemparéd’elle.—Regarde-moi,mabelle.Ouvrelesyeux!Brusquement, elle souleva les paupières et le regarda fixement. Puis elle poussa un cri perçant,

terrifiant,quiluiglaçalesang.—Lissy…C’estmoi,dit-ilenretirantaussitôtsesmainsd’ellepournepasl’effrayer.Jenevaispas

tefairedemal…Jeneteveuxaucunmal.—Quinn?bredouilla-t-ellealorsquecettelueurtorturées’estompaitenfindesonregard.—Oui,mabelle,c’estmoi.Ellehochadoucement la tête, referma lesyeux,et il s’affalaà terre.Cequivenaitdesepasserne

semblait pas perturberElise,mais lui, il avait vraiment eu peur.Et il allait avoir besoin de quelquesminutespours’enremettre.

Iln’eneutpasletemps:elleserassitbrusquementsur lecanapé,gardantavecprécautionsamainblesséecolléeàsapoitrine.

—Hélà,doucement,chuchota-t-ilenseredressantàsontour.

Page 50: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

—Jevaisbien,assura-t-elle,d’unevoixpourtantrocailleuse.Avait-ellefaituncauchemar?Souffrait-elle?Entoutcas,ellen’avaitpasl’aird’allerbiendutout.

Maisiln’allaitcertainementpasleluifaireremarquer.—Situledis,reprit-ilens’asseyantàcôtéd’ellesurlecanapétoutenluicaressantledos.Jepeux

t’apporterunverred’eau?Ouunanalgésique?—Non,merci.Je…—Elise,l’interrompit-ilenluirelevantlementon.Avecsespochesviolettessouslesyeuxetlerictusdedouleurquiencadraitsabouche,elleparaissait

exténuée.—Tun’espasobligéedefairesemblantdevantmoi.C’estnormald’avoirmaldanstonétat.Ellesepinçaleslèvresensilence,puishochalatête.Avantdedétournerleregard.—Jeveuxbienunpeud’eau.—Avecunantidouleur?Ellesoupira.—Avecunantidouleur.Tulestrouverasdansmonsacàdos.— J’y vais, conclut-il en se précipitant dans la chambre d’amis, où il avait entreposé les affaires

d’Elise.Sans perdre un instant, il retourna à la cuisine pour lui remplir un verre d’eau. Et lui découper

quelquestranchesdefruit,aprèsavoirlusurlanoticequelescomprimésdevaientêtreprisaucoursd’unrepas–ellen’avaitquepeumangélorsdudîner,malgrél’insistancedeQuinn.

C’est alors qu’il alluma la bouilloire.Quand ils étaient jeunes, elle se baladait toujours avec unetassedethéàlamain.Peut-êtreenapprécierait-elleunemaintenant?

Mais,quand il luiapportasonplateau,elleétaitdenouveauaffalée, lesyeuxmi-clos. Il sedécidadonc à prendre les choses en main et à chercher lui-même dans le sac à dos pour récupérer sesmédicaments.Commeilculpabilisaitdefouillerdanssesaffaires,ilserappelaqu’ils’agissaitenréalitédesonsacàluietqu’ilyavaitlui-mêmefourrélesbagagesd’Elise.

Évidemment,laboîteàcompriméssetrouvaittoutaufonddesaffairesdelapianiste.Elisesemblaittout faire pour éviter d’en prendre,mais il ne pouvait plus se résoudre à la regarder souffrir ainsi. Ilouvritlecouvercle,saisitunpetitcompriméblancetavançaleverred’eauverselle.

—Elise…Aucuneréaction.—Elise?Toujourspasderéponse.—Allez,Lissy…Avale-moicecachet,etensuitejetelaisseterendormir.Ellefinitpargrogner,maisrevintvaguementàelle,justeletempsd’avalersonmédicament.Puiselle

s’effondradenouveaucontrelescoussinsducanapé,l’airassommée.Cettefois,c’enétaittrop.Ilretournaàlava-viteàlacuisinepouréteindrelabouilloire,puisretourna

devantlecanapé.—Allez,çasuffit,ordonna-t-ilenluiprenantlamain.Maintenant,onvatemettreaulit.Dépitée, Elise étouffa un grognement.Mais pourquoiQuinn ne la laissait-il pas ici ? Elle n’avait

aucuneenviedemontersecoucher,deresterallongéedansunechambred’amisvidesansriendemieuxàfairequedecompterlesétoilesparsafenêtre.Encoreetencore.Toutesavieserésumaitàcesmomentsdesolitude,etelleenavaitassez.D’autantquecesoir,cemauvaisrêvel’avaitmisedanstoussesétats.

Voilàdes annéesqu’ellen’avait pas fait un cauchemar aussi violent, et plus longtempsencoreque

Page 51: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

celui-cin’étaitpasremontéàlasurface.Ill’avaitprisedecourt,cequiavaitajoutéàsaterreur.D’autantplusque,contrairementàlamiseengardedesmédecins,ellen’avaitrevécudanscerêvenil’accidentnisesblessures…Non,elles’étaitsimplementvuetomber,encoreetencore,auplusprofondd’unabîme.Unprécipiceoùellefinissaitparsedissoudredanslenéant,entraînantavecelletoutcequicomptaitàsesyeux,tousceuxàquielletenait.

D’unecertainefaçon, iln’étaitpasétonnantqu’elle fassecegenredecauchemarcesoir,alorsquetoutdanssaviesemblaitsedésagréger.

Aprèstout,lapremièrefoisoùelleavaitfaitcerêve,c’étaitaumomentdeladisparitiondeQuinn.Àl’époque, Elise avait ressenti une détresse, une angoisse, un désarroi immenses – ainsi qu’un certainnombred’émotionssurlesquelleselleavaitpréférénepastrops’interroger.Quandellerepensaitàcettepériodedouloureuse,toutcedontellesesouvenait,c’étaitàquelpointelleavaitétéincapablededormir,derespirer,sanspenseràQuinn.Sanss’inquiéterpourlui.

D’accord,illuiavaitlaisséunsachetdeTwinkies–lesfriandisesqu’ilpréférait,aveclesquellesillataquinaitenpermanence–àl’intérieurdesonsacdeconcert,etelleavaitinterprétécelacommeunetentativemaladroitedeluifairesavoirqu’ilallaitbien.Maisellen’enavaitriencru.Commentpenserquetoutallaitbienpourlui,qu’ilneluiétaitrienarrivédegrave?Qu’ilavaitsimplementchoisiunautrechemindevie…sanselle?

Quandelleavaitenfindécouvert,plusieursannéesplustard,qu’ilétaitenvieetjouaitduclavierdansungroupederockenpleineascensionverslagloire,elleenavaitéprouvéunimmensesoulagement.Aupointquesescauchemarsrécurrentsavaientcessé.

Jusqu’àcesoir.Mais quandQuinn s’était penché au-dessus d’elle, l’air affolé, elle n’avait pas pu lui décrire son

rêve.Commentluiexpliquerque,biensouvent,quandellefermaitlesyeuxelleredevenaitcettegamineperdue,effrayée,quiredoutaitdedisparaîtres’iln’étaitpaslàpourlaregarder?Commentluiexpliquerque,pendantdesmoisetdesmois,aprèsqu’il futsortidesavie, toutcequ’ellevoyaitenfermant lesyeux,c’était sonvisage tuméfié?Ou,pire,qu’elle l’imaginait,gisant sansviequelquepartoùellenepourraitplusjamaisl’atteindre?

Rien qu’à y repenser, un frisson glacial la traversa de part en part. Frisson qu’elle s’efforça deréprimertantbienquemal.Puiselleparvintàselever.Etàavancerjusqu’àl’escalier.Mais,avantmêmequ’ellepuissel’atteindre,Quinnapparutet,pourladeuxièmefoisdelajournée,illapritdanssesbras.

—Jepeuxmarcher,tusais.Pire,ellevoulaitmarcher.Carse tenirprèsdeQuinnquandelleétait lucideetenétatdesebattre

étaitunechose.Maisseretrouverdanssesbras,tremblante,vulnérableetàdemiconscienteenétaituneautre.

—Allons,Lissy,répondit-ild’untonferme.Jesaisbienquetuaimestoutmaîtriser,maisparfoisilvautmieuxlâcherunpeuprise.Etaccepterdel’aide.

—Jenesaispasfaireça,s’entendit-ellerépondredutacautac.Exemple, si besoin était, qu’elle avait véritablement besoin de marcher. Dès que cet homme

l’effleurait,ellebaissaitsagardemalgréelleetseretrouvaitàproférertoutessortesd’inepties.Cesquelquesmotsrestèrentuninstantsuspendusdansl’air,cequiajoutaaumalaised’Elise.Quinngardalesilence.Ilnebronchapas.Ellesedemandamêmes’ilrespiraitencore…Maisilfinit

parpousserunlongsoupiretfrôlasajoueavecsabarbenaissante.—Tun’aspasàfairequoiquecesoit,murmura-t-ilensedirigeantversl’escalier.Moi,jesaisfaire.

Pourunefois,laisse-moim’occuperdetoi,Elise.Jeteprometsquetupeuxmefaireconfiance.Luifaireconfiance?Quelleidéeabsurde!Alorsqu’illuiavaitdéjà,parlepassé,démontréàquel

Page 52: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

pointiln’étaitpasdignedeconfiance?Luifaireconfiancealorsqu’il luiavaitmarqué lecœuraufer rougeetqu’ellenes’enétait jamais

remise?Luifaireconfiancealorsqu’ellenes’étaitjamaissentieaussivulnérabledetoutesavie?Aucunechance.Etpourtantelleneprotestapasquandillafitmonteràl’étage.Niquandilladéposasurlelit.Niquandilfarfouilladanssavalisepourenressortirsonpyjama.Ni même quand il lui enleva les vêtements neufs achetés par Jamison pour remplacer ses habits

déchirésetensanglantésparl’accident.Elleeutsoudainlesoufflecourt,maiselleneditrien.Quelquesinstantsplustard,elleseretrouvadansuntrèsconfortablepyjama,blottiesousuneépaisse

couetterouge.—Dorsbien,majolie,luisouhaitaQuinnenluicaressantlescheveux.Maiscommentretrouverlesommeilàprésent?L’angoissedesoncauchemarcontinuaitàluiglacerle

sang.Elleredoutaitdesombrerdenouveaudansceprécipicesansfond,dèsqu’ellerefermeraitlesyeux.Alors,même si elle savait au plus profond d’elle-même que c’était une erreur, une erreur qu’elle

regretteraitdèslelendemainmatin,ellesetournaversQuinnetfitpasserlamaindujeunehommecontresonproprevisage.

—Reste…Ilsefigea.—Qu’est-cequetudis?Elleneréponditpas toutdesuite,decraintedeluidévoileràquelpointelleétaitvulnérable.Elle

avait passé ces dix dernières années à gommer méticuleusement toutes ses faiblesses, à ériger desbarrièresdesortequesoncœuretsonâmedeviennentenfinimpénétrables…Imprenables.

Autantelleavaitpufairelamaligneàlalumièredujour,autantelleavaitpusebercerd’illusions–enseconvainquant,parexemple,qu’elleallaitprendreQuinnàsonproprejeu–,autant,danslesilenceglacial de la nuit, il devenait difficile de sementir à elle-même. Et de nier l’évidence : elle n’avaitaucune envie de se retrouver seule. Pas si elle pouvait passer la nuit allongée contre le seul hommequ’elleavaitjamaisdésiré…

—Reste,répéta-t-elledansunsouffle.Savoixétait rauque,àpeineaudible.Maisellenepouvaitpas fairemieux,ellequiavaitpassé la

majeurepartiede savieàespérer attirer l’attention surelle endehorsde ses talentsdepianiste…envain.VoilàpourquoisolliciterQuinn,encemoment,luicoûtaittant.

Mais elle n’était pasprête à le laisser quitter la pièce.Pasmaintenant.Pas àprésent que samainendolorieetsoncorpsengourdiluifaisaientmonterleslarmesauxyeux.

Ellebaissaleregard,refusantdemontreràQuinnàquelpointelleavaitbesoinqu’ilaccepte.Carluidemanderderesterétaitunechose.Maisleculpabiliserenétaituneautre.

—Elise,répondit-ilenrelevantsonvisageverslui,est-cequeçava?—Oui,biensûr,dit-elleenravalantseslarmes.Elle s’efforça d’ignorer le nœud qui se formait dans sa gorge et qui semblait grossir à chaque

seconde.—Tusouffresàcepoint?Plusqu’ellenepourraitjamaisl’admettredevantlui…—Non,çavaaller.L’antidouleurcommenceàfaireeffet.—Danscecas,pourquoi…

Page 53: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

—Laissetomber.C’étaitidiotdemapart,murmura-t-elleenfermantlesyeuxavantdesedétournerdelui.Àdemainmatin,Quinn.

Durantde longuessecondes, ilgarda lesilence,mêmesiellesentaitsonregardposésurelle.Ellesavait qu’il essayait de la comprendre.Mais, en l’occurrence, elle était une sorte de puzzle dont lespiècesnes’assemblaientplus.Jamaisilneseraitarrivéàlereconstituer,mêmesiellelelaissaitessayer,cequin’étaitpaslecas.

Ellel’entendits’accroupirauborddulit.Maisellerefusaittoujoursdeleregarder.Ellen’enétaitpascapable.Pastantqueleslarmesaffluaientainsi.Mauditsmédicaments,quiaffaiblissaientsesdéfensesetquiluifaisaientespérerdeschosesqu’ellen’auraitpasdûespérer!

—Parle-moi,mabelle,insista-t-ilàvoixbasse.Ellesentitsonsoufflechaudcontresanuque.Maisellesecoualatêteensignededénégation.Qu’aurait-ellepuajouter?Elles’étaitouverteàlui,

et il l’avait clairement rejetée. Ce qui, en soi, n’avait rien d’étonnant. Comment aurait-il pu en êtreautrement?L’histoirenefaisaitqueserépéter,inlassablement.

Oh,Seigneur,mais quand allait-elle enfin retenir la leçon ?Elle consulta le réveil sur la table dechevet.Ilétaitdéjà1heuredumatin.Dansmoinsdecinqheurespointeraientlespremiersrayonsdujour.Elleétaitcapabledetenircinqheures.Troiscentsminutes.Oui,elleallaittenirlecouppourcettenuit,seule.Aprèstout,elleavaitsurvécuàpire.

MaisQuinnsemitsoudainàproférerunelitaniedejurons,puisfinitpardemander:—Bonsang,Lissy,qu’est-cequejepeuxfairepourtoi?Denouveau,ellefit«non»delatête.Elleavaitdéjàréponduàcettequestion.Etellenes’ouvrirait

pasunenouvellefoisàlui.Saufqu’ilavaitmanifestementdécidédenepasluilaisserlemoindrerépit.Commed’habitude.—Bordel,Elise!Toutàl’heure,tufaisaisdespiedsetdesmainspourquejeteramèneàl’hôtel.Et,

maintenant que tu es shootée aux analgésiques, tu me demandes de rester près de toi… Je voudraissimplementêtresûrdenepasdépasserleslimites,vuquejen’arrivepasàcomprendrecequetuveuxvraiment.

Unje-ne-sais-quoidanslavoixdeQuinnvintàboutdelaréticencedelajeunefemme.Ou,toutaumoins,latempéra.Toujourssanssetournerverslui,ellechuchota:

—Tuveuxbienmeserrercontretoi,Quinn?Justecettenuit.Jeneveuxpasresterseule…Ilneréponditrien.Demeuraimmobile.Nelaissapaséchapperunsouffle.À l’agonie, Elise tendit l’oreille, à l’affût d’une réponse. N’importe quelle réponse, mais une

réponse…Envain.Jusqu’àceque…Ellel’entenditselever.Puisunbruitdechaussuresquitombaientausol.L’instant

d’après,ilétaitlà.Toutcontreelle.Unbraspasséautourdesataille.Sonlongcorpsmuscléetchaudsepressantcontreelle.

—Quinn?demanda-t-elle.Destrémolosencombraientsavoix,etelledétestaitça.Voilàtellementlongtempsquepersonnenel’avaitpriseainsidanssesbras,defaçondésintéressée.

Elleavait finiparseconvaincrequecela luiétaitégal,qu’elleappréciait sasolitudeetcettemurailleimpénétrablequiempêchaittoujourslesgensdedécouvrirlavraieElise.Mais,là,ils’agissaitdeQuinn.Lesdixannéesécouléesnechangeaientrien.Illuifaisaittoujoursautantd’effet.

—Détends-toi,chuchota-t-il.Rendors-toi.Saboucheétaittoutcontresonoreille,etsesparolesdéclenchèrentundélicieuxfrissonquiembrasa

chaquecelluledesoncorps.

Page 54: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Dormir ? Maintenant ? Plus facile à dire qu’à faire. Certes, elle avait insisté pour qu’il viennes’allonger contre elle, pournepas se retrouver seule…Mais, àprésentque soncorpsbouillonnant etvirilseretrouvaitpressécontrelesien,elleneputs’empêcherderepenseràcequiétaitarrivédanslacuisine. À cette étreinte, à ce baiser. Une partie d’elle – une large partie – mourait d’envie derecommencer,deressentirdenouveauceplaisir…Maisnon,ellenepouvaitpas,ellenedevaitpas…Alorsellerestafigéetoutcontrelui.

—Détends-toi,répéta-t-ilàvoixbasseenposantsesimmensesmainsdepianistesurseshanches.Il la caressa doucement, dans ce qui devait être un geste de réconfort,mais qui eut pour effet de

réveillerenelleleplusardentdesdésirs.Instinctivement, elle seplaquacontre lui…et crut fondrequandelle s’aperçutqu’il était aumoins

aussiexcitéqu’elle.Ellesentitsonsexedurcircontresesfesses,soncœurs’accélérercontresondos.—Quinn…,murmura-t-ellesansvraimentsavoirquedire.Sansunmotdeplus,illafitalorspivoterversluietcapturaseslèvresdansunbaiseraussisombreet

fugacequedélicieux.Puisillaretournatoutaussisimplement,avantdeseloverdenouveaucontresondos.

Ilpromenaalorsseslèvreslelongdesanuque,desesépaules,etellesentitsonpiercingfroidcontresa peau. Elle se colla un peu plus contre lui, lui arrachant un soupir lascif. Ivre de désir, elle ne puts’empêcher de frotter son corps au sien.Oh, comme c’était bon !Cela faisait si longtemps…Et puisc’étaitQuinn,Quinn qui la tenait entre ses bras.Qui la couvrait de baisers.Tant pis si, le lendemainmatin,elleseretrouvaitassailliederegrets.

Mais,soudain,leslèvresdeQuinns’éloignèrent.Ilnebougeaplus,restantlovécontreelledanscetteposturedeprotection.Ellecompritalorsquelecharmeétaitrompu.Lamaindupianiste,àprésentsursonnombril,seremitàdessinerdesagescerclesconcentriques,etsarespirationralentit,seradoucitcontresajoue.

—Rendors-toi,Elise,murmura-t-ildenouveau.Sa voix, quelque peu tendue, laissait deviner une détermination qui embarrassa Elise tout autant

qu’ellelarassura.Elleétaitincapabledesel’expliquer,maisc’étaitainsi.—Est-cequetu…(Elisesentitsavoixs’érailler.)Est-cequetuvaspartir?recommença-t-elle,ense

figeantdansl’attentedesaréponse.—Est-cequetuveuxquejem’enaille?Quitteàluidévoilersafragilité,quitteàcequ’ilentrevoiebienplusdechosesqu’ellenesouhaitait

luienmontrer,ellesecouavigoureusementlatête.—Non.—Alors je n’irai nulle part, chuchota-t-il en déposant un baiser sur sa joue.À présent, dors,ma

chérie.Jesuislà.Et comme elle croyait ce qu’il lui disait, comme elle n’était plus seule dans les ténèbres, elle

s’assoupit.

Page 55: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Chapitre8

Peuàpeu,Eliserevintàelle.Audébut,ellesecrutàl’hôpital.Maisaucun«bip»,aucuncathéterdouloureux,aucunclimatiseurpourmaintenirlachambreàdestempératurespolaires…Aucontraire,ellesesentitconfortablementinstalléepourlapremièrefoisdepuisdessemaines.Elleavaitchaud.Elleétaitbien.Ensécurité.

—Ah,ah!VoilàquelaBelleauboisdormantseréveille…AusondelavoixdeQuinn,touteslesimagesdelanuitdernièreluirevinrentbrutalementàl’esprit.

Elleseredressad’unbondsur le litetmanquadeheurter la têtedujeunehomme,quiétaiten traindedéposerunplateausurlatabledechevet.

— Je t’ai apporté du thé chaï et un autre analgésique. Dès que tu auras avalé tout ça, tu pourrasdescendreaurez-de-chaussée.

Ainsi, après toutes ces années, Quinn se souvenait encore de sa boisson préférée ? Mais Elises’efforçadeleregarderdroitdanslesyeux.Cequidevintdifficilequandelleserappelalafaçondontelles’étaitcolléeàlui,dontellel’avaitquasimentimplorédeluifairel’amour.Dontelles’étaitouverteàlui,luilaissantentrevoirsafragilité.

Rienqu’àyrepenser,elleenavait lanausée.C’étaitQuinn.Etsagentillessedesderniers joursnechangeait rien. Les démons du passé ne pouvaient s’effacer : elle avait beau mourir d’envie de seretrouverentresesbras,delevoirluifairel’amour,Elisenepouvaitluiaccordersaconfiance.

À une époque, elle avait construit sa vie autour de lui ; il était la seule personne pour qui elleéprouvait alors des sentiments. La seule personne en qui elle avait confiance. Mais, quand il avaitdisparu,elleenavaitétéanéantie.

Quinnétaitalors leseulen tort.Maissielle laissaitencorequelquechosedecetacabitarriver,siellelelaissaitrevenirdanssaviepourlevoirdisparaîtreunenouvellefois,ellenepourraits’enprendrequ’àelle-même.Cettefois,ellesedevaitdemaîtrisercettefragilitéqu’ilsemblaitsusciterenelle.Etce,quellequesoitlafaçondontlasituationévolueraitaucoursdecettesemaine.Car,àlafindesonséjour,ceseraitàsontourdedisparaîtredelaviedeQuinn.

Maiscettesagerésolutionnetardapasàvolerenéclatsquandellecroisasonregard.Aucunhomme–aucun!–nedevaitêtreaussisexyqueluidesibonmatin.Ceregardsombre,taciturne…Cettebarbenaissante,quiassombrissaitsonteint…Cetorsenuornédetatouages…Cejean,dontlabraguetteétaitàdemi déboutonnée… Très honnêtement, Elise s’étonna elle-même de ne pas être encore tombée à larenverse.Oh,commeelleavaitenviedepromenersalanguelelongdecettelignebrunequis’étiraitdesonnombrilvers…

Non, elle devait se ressaisir de toute urgence. S’éclaircissant la voix, elle s’étira et dégagea leslonguesmèchesquiluiencombraientlevisage.

—Etsijen’aipasenviededescendre?finit-elleparrépondred’unevoixmonocorde.Elleétaitfièredecetondétaché.—Ehbien,turesterasaulitettumourrasdefaim,rétorqua-t-ilavecunhaussementd’épaules.Àtoi

Page 56: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

devoir!Toutenparlant,Quinnfaisaitglissersesmainssursescuisses–ilavaittoujourseucettepetitemanie.

Et,même si cegeste lui était familier,Eliseneput s’empêcherdegarder lesyeux rivés sur ses longsdoigtsfins.

Commed’habitude,ilportaitunjeantroué,maiscelui-cifrôlaitl’indécence.Quasimentenlambeaux,illaissaitdangereusementouvertesleszonesprochesdesabraguette.Elisefitdesonmieuxpournepastroplorgnerdanscettedirection,maislejeanattiraitsonregardcommeunaimant.

S’efforçantderiversesyeuxauxsiens,elles’aperçutalorsqu’illuisouriaitd’unairsatisfait.Carilne l’avaitpasquittéedu regard.Et il l’avait surpriseen trainde lecontempler…Paniquée,elleportamachinalementunemainàsabouche,vérifiantqu’ellen’avaitpasétéjusqu’àsaliverdevantlui.Carêtrepriselamaindanslesacentraindelereluquerétaitunechose–ildevaitavoirl’habitude,entantquerockstar.Maisadmettrequ’elleenavaiteul’eauàlaboucherelevaitplutôtdel’obsessionsexuelle.

—Quelleheureest-il?demanda-t-ellepresquecalmement.Jen’arrivepasàvoirleréveil.Quinn se retourna pour consulter l’appareil posé sur la commode, lui offrant au passage une vue

imprenablesursesfesses.Etletroud’aumoinsdixcentimètresjustesoussafessegauche.—Dixheuresetdemie.—C’estuneblague?s’écria-t-elle,incapabledegardersonsang-froid.—Ben,non,répliqua-t-ilenseretournantverselled’unairintrigué.Ilestvraiment10h30.—Jeneparlaispasdeça,reprit-elleagacée,endésignantsonpantalon.Bonsang,tuesunerockstar,

tu gagnes plusieursmillions de dollars chaque année !Tu dois quandmêmepouvoir t’acheter un jeandignedecenomdetempsentemps,non?

—Quoi?Monjeanneteplaîtpas?C’estmastylistequimel’adégotté.Il prit un air perplexe, peut-êtremêmevexé.EtElise y aurait presque cru – voire se serait sentie

coupable–,siellen’avaitpasremarquécettelueurcoquineaufonddesonregard.Lesalaud!Ilprenaitunmalinplaisiràlatorturerainsi.

Mêmesi,pourêtretoutàfaithonnête,elles’étaitattendueàuntoutautreaccueilcematin.Elleavaitcraintqu’ill’interrogeausujetdeseslubiesdelaveille.Qu’illuidemandepourquoiellel’avaitpriédedormir avec elle.Ou, aumoins, qu’il la questionne sur ses cauchemars. Interrogations auxquelles ellen’avaitaucuneenviederépondre.

Bref,ellepréféraitlestaquineriesauxquestions.Etpuiscelaluidonnaitl’occasiond’yvoirunpeuplusclair.Maintenantquelesoleilavaitreprissesdroits,etqu’ilavaitbannilesétoiles–demêmequesescauchemars–duvastecield’étéduTexas,ellesesentaitunpeupluselle-même.Bref,elleétaitprêtecomme jamais pour l’opération « RemettonsQuinn Bradford à sa place ». Non, elle n’allait pas unenouvelle fois luioffrir soncœur.Cequinesignifiaitpaspourautantqu’ellenecomptaitpas lui jouerquelquestours.CarDieuseulsavaitàquelpointQuinn,lui,s’étaitamuséàsesdépensàelle,aufildesannées.

Elle se redressa sur le lit et s’étira de nouveau, en prenant son temps cette fois. Elle se cambrasuffisammentpourquesesseinsviennentsepressercontreletissudesonpyjama–chosequeQuinnavaitmanifestement remarquée, vu la direction qu’avait suivie son regard. Elle portait encore son soutien-gorge–iln’avaitpasoséleluiretirerhiersoir–,maiscelanesemblaitguèreémoussersonintérêt.

Sous le regard appuyé de Quinn, elle s’extirpa des draps. Descendit du lit. Et fit en sorte del’effleureraupassageenmarchantverslasalledebains.Commequoi,nulbesoindejeanstrouéspouraffolerlesfoules…

Mais,quandleurscorpssefrôlèrent,unebrèvedéchargel’électrisa.ÀencroirelevisagetendudeQuinn,ilavaitressentilamêmechose.Etilvoyaitclairdanssonmanège.

Page 57: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Baissant les yeux, elle laissa quelques mèches retomber sur son visage pour dissimuler le petitsourireencoinqu’ellenepouvaitréprimer.Ellejouaitlàunjeudangereux.Toutesavieétaitenruine,etbientôt elle devrait s’y confronter pour de bon. Mais, pour les quelques jours à venir, elle allaitsimplement faire comme si sa vie était normale. Elle aurait largement le temps de se préoccuper duvéritabledésastre,lorsdesonretouràChicago.Dèsqu’elleauraitfranchilesgrillesdelapropriétédeQuinn.

«Faissemblantd’yarriverjusqu’àyarrivervraiment!»SurlesconseilsdeQuinn,elleavaitadoptécettemaximetreizeansplustôt.Biensûr,àl’époque,illuiavaitsoufflél’idéepourcombattresontracaumomentdemonter sur scène.Cequiavaitplutôt fonctionnéà l’époque.Donc,celadevrait fonctionneraussiaujourd’hui,non?

ElleavaitpresqueatteintlasalledebainsquandQuinnl’interpellad’unevoixsoudaintrèsrauque:—J’aiposétavalisesurlebancdansledressing.—Merci.Laisse-moijusteletempsdeprendreunedouche,etjeterejoinsenbas.—Super,dit-ilen

regagnantlaporte.Etn’oubliepastonmédicament.Ellefitlagrimaceenleregardants’éloigner.Quelcaractèreautoritaire!Unefoisdéshabillée,elleouvritlerobinetdeladoucheetsedemandacommentellearriveraitàne

pasmouillersonplâtre.Àl’hôpital,elleyétaitarrivéeavecl’aidedel’infirmièrequivenaitluilaverlescheveux.Or,pourlecoup,elleseretrouvaitseule…Commentallait-ellesedébrouilleravecuneseulemainvalide?

Mais,enposantlesyeuxsurleplâtrepourlapremièrefoisaprèsl’avoirextirpédesmanchesdesonpyjama,ellemanquades’étrangler.Horrifiée,elleécarquillalesyeux,etsonproblèmedeshampoingluiparutsoudaintrès,maisalorstrèssecondaire.CommentQuinnavait-ilosé?

Ilavaitdessinédessexesmasculinssurleplâtre.Unearméedesexes.Desgros,despetits.Certainsenérection,d’autrespas,certainstrèsdétaillés,d’autresplusabstraitsoufantaisistes…Ilyenavaitpourtous les goûts et de toutes les couleurs : des rouges, des verts, des violets, des noirs, des bleus, desoranges;certainsarboraientmêmetouteslescouleursdel’arc-en-ciel.

Le salaud ! Il avait osé transformer sonplâtre, cet attirail censéprotéger sa blessure, enpublicitéambulantepourvibromasseursfantaisie.

Elleallaitletuer.C’étaitdoncça,savengeancepoursachutedanslafontaine?Aucundoutelà-dessus,luicriaitson

intuition.C’étaitbienjoué.Uncouppourlemoinsaudacieux.Autantdirequ’ellenel’avaitpasvuvenir.Dutout.

À présent, une seule question lui venait à l’esprit : qu’allait-elle pouvoir inventer pour lui rendrelapareille?

D’instinct,ellefuttentéed’enfilerunpeignoiretdeseprécipiteraurez-de-chausséepourl’assassinersur-le-champ.Maisça,ils’yattendrait.Sansdoutel’attendait-ilmêmeenjubilant.Non,elleallaitdevoirjouerfinementpourobtenirsarevanche.Elleferaitmêmepreuvedesubtilité.Ilallaitmijoterunpeu…

Plissantlesyeux,elleréfléchitàtoutevitesseàlastratégieàadopter.Pourleshampoing,onverraitplus tard. Elise se doucha en quatrième vitesse tout enmûrissant sa vengeance. Car elle allait sortirvainqueurdecepetitjeuentreeux.

Pourtant,unepetitevoixluisoufflaitdelaissertomber.Ilsétaientadultes,aprèstout.Enfin,aumoinsl’un d’entre eux. Ils n’avaient plus l’âge de se disputer la première place, comme à l’époque où ilsenchaînaientlesconcours.Letempsdesenfantillagesn’était-ilpasrévolu?Neferait-ellepasmieuxderefuser,engrandepersonne,deluidonnerlaréplique?…Neserait-cepaslàladécisionlaplussensée?

Elleavaitpresqueréussiàs’enconvaincre–enréalité,joueràcepetitjeuavecQuinnavaitquelque

Page 58: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

chose de très intime – quand elle commit l’erreur de reposer ses yeux sur le plâtre. Et ses motifsmulticolores.

Audiable,lesdécisionsd’adultes!Quinnallaitpayer!Aprèsladouche,elleprittoutsontempspoursepréparer.Poursecoiffer.Pours’appliquerlabonne

dosedemascara.Pours’inonderdecedéodorantà la fraisequ’il luiavaitoffertà l’hôpital.Puisellechoisit,avecunelenteurcalculée,unpantalondeyogaetundébardeurassorti.Choixdifficilepuisqu’elletentad’assortirsescouleursàcelles,monstrueuses,desonplâtre.

Auboutdequarante-cinqbonnesminutes,Elisequittasachambrepourdescendreprendresonpetitdéjeuner.Quinnl’attendaitdanslacuisineetfaisaitminedeposerlatouchefinaleàcequisemblaitêtreunesaladedefruits.

Surlaréserve,illevalesyeuxverselleenlavoyantentrer.Ilpoussalevicejusqu’àjetersoncouteaudans l’évier. Imbécile ! Comme si elle était assez bête pour croire qu’il n’avait pas fini de cuisinerdepuistoutcetemps…

—Jepeuxtedonneruncoupdemain?demanda-t-elled’unevoixlégère.Tonpetitdéj’sentsuperbon.

—Çaira,merci.Situt’asseyaisplutôtpourtereposer?Ilauraittoutaussipudirequelquechosecomme:«Vat’asseoiràl’autreboutdelacuisine,leplus

loin possible de moi… » C’est en tout cas ce qu’elle lisait sur son visage. Sauf qu’elle n’était pasd’humeurcoopérativecematin.

—M’asseoir?Alorsquejeviensdepasserlesneufdernièresheurescouchée?Nonmerci, jemesensenpleineforme,affirma-t-elleens’emparantd’unboldefruits.Tuveuxquejeporteçasurlatable?

—Biensûr,situveux.—Pasdeproblème.Jenepeuxcertainementpasencorefairetoutcequejevoudrais,maisjenesuis

pashandicapée,Quinn.Etjetiensàtedonneruncoupdemain.Elleluitournaledosentraversantlacuisine,maisseulementaprèsl’avoirvuplisserlesyeuxd’un

airpensif.Tantmieux.Carsielledevaitsetrimballertouteunesemaineavecunplâtrecouvertdesexesgéantsetmulticolores,lapunitiondeQuinnsedevaitd’êtreaumoinsaussidouloureuse.Sinonplus.

Il lasuivit jusqu’à la table,enprenantsoindemaintenirunecertainedistanceentreeux,mêmes’ilsemblaitsedétendrepeuàpeu.CequiconvenaittoutàfaitàElise.Plusviteellegagneraitsaconfiance,meilleureseraitlavengeance.

— J’espère que tu as faim, déclara-t-il en posant une corbeille contenant du pain de banane surlatable.

—Tuasfaitdupain?demanda-t-elle,incrédule.Maisàquelleheuretut’eslevé?—Enfait,c’estmafemmedeménagequil’apréparé,tôtcematin.Toutcequej’aieuàfaire,c’est

delecouperentranches…Évidemment.Quandonestunerockstarricheàmillions,ilparaîtsansdoutenormald’avoirdesgens

àvotre service, non seulementpour leménage,mais aussi pour fairevos coursesouvotre cuisine.SiQuinnetelleavaientgrandidansdesfamillesrelativementaiséesetsi,grâceàsacarrière,Elisen’avaitjamaiseuàseplaindredesontraindevie,chaqueminutequ’ellepassaitauprèsdeQuinnluirappelaitqu’ilévoluaitdésormaisdansunautremonde.

Tousdeuxavaientparcouruunsacréboutdechemin.Cequi,ensoi,étaitunebonnechose.Oui,ilsavaientchangé.Maisjusqu’àquelpoint?Aufonddelui,Quinnétait-il toujoursleQuinnqu’elleavaitconnu?Qu’est-cequilerendaitdifférent,àprésent?

Non, elle devait chasser cette idée de son esprit, ainsi que l’excitation qui l’accompagnait. Pasquestionpourelledeseretrouveràrêvasseràquelquechosequin’arriveraitjamais.Car,siunepersonne

Page 59: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

pouvaitévoluerenapparence,pouvait-ellepourautantdevenirquelqu’und’autre?Difficileàcroire.Sauf que, quand elle se tourna vers Quinn et qu’ils se retrouvèrent nez à nez, Elise perdit

complètementlecontrôledesespensées.Certes,ellebouillonnaitdecolèreàcausedecettehistoiredeplâtre,mais, unmoment, elle oublia sa rancœur face à lamontagne demuscles et de peau lisse qu’ilsemblaitouvertementluiproposer.

Apparemment,ils’étaitluiaussidouché–sescheveuxétaientencorehumides–et,s’ilavaitenfiléunechemise,iln’avaitguèreprislapeinedelaboutonner.Ilexposaitdélibérémentsespectorauxetsesabdosàcouperlesouffle.

Cequi,ensoi,n’avaitriend’affolant.Iln’étaitpaslepremierbelhommequ’ellevoyaittorsenu.Siseulement il n’exhalait pas un parfum parfaitement irrésistible… Sans parler de ses tatouagesmagnifiques, qui lui provoquaient des démangeaisons dans les doigts tellement elle avait envie de lestoucher.

—Ilyaautrechosequejepuissefairepourt’aider?Il retourna vers la table de cuisson, d’où il rapporta deux assiettes d’œufs brouillés et de frites

maison:leplatpréféréd’Eliseaprèschaqueconcert,quandelleétaitado.Encoreunechosedontils’étaitsouvenu.Elleallaitfinirparcroirequ’ilsesouvenaitdetout…—Jeprendraisbienunpeudecafé,répondit-ilenluidésignantlacafetièreàl’angledelacuisine.

Lestassessetrouventdansleplacard,justeau-dessus.EllesuivitsesinstructionsetajoutaunepointedecrèmeàlatassedeQuinnavantdelaluiapporterà

table.Ehoui,iln’étaitpasleseulàavoirdessouvenirs…Àpeines’étaient-ilsattablésquel’onfrappaàlaportedujardin.AvantmêmequeQuinnaitletemps

de se lever, la porte s’ouvrit engrandpour laisser entrer deuxdeshommes lesplus sexyqu’Elise aitjamaisvus–Quinnétantbiensûrhorscatégorieenlamatière.

Ilsétaientvêtusde jeansdélavésetde tee-shirtsmoulantsàcolenV,et leursmanches retrousséesrévélaientdebeauxbicepsrondset tatoués.Tous lesdeuxavaient lescheveuxenbatailleetunregardintense. Et tous deux semblèrent très surpris de découvrir une femme en train de partager son petitdéjeuneravecQuinn–détailquiplutàElisebienplusquenécessaire.

—Quiêtes-vous?demandaleblondenladétaillantdelatêteauxpiedsdesonregardbleuacier.—Etvous,quiêtes-vous?s’entendit-ellerétorquersansménagement.Après tout,ellen’étaitqu’une invitéedans lamaisondeQuinn,alorsquecesdeux-làsemblaienty

avoirleurshabitudes.Mais lenouveauvenu,au lieudes’enformaliser,adressaunregardamuséàQuinn, tandisqueson

comparselaissaitéchapperunrire.Oh,Seigneur…Siellel’avaittrouvéattirantdèsl’instantoùilavaitfranchi la porte, à présent qu’il riait ses yeux pétillants étaient tout simplement captivants. Ce typerespiraitlesexeàpleinnez.

L’espaced’uninstant,Eliseseditmêmequelascienceallaitabsolumentdevoirtrouverunmoyendeplacersousvide lesphéromonesqu’exhalaitcethomme.Lecaséchéant,chaquemâlequeportaitcetteterresebattraitcorpsetâmepourenobtenirunflacon.

QuandelleseretournaversQuinn,ill’observait,brascroisés,avecundemi-sourire.Bon,d’accord,luin’avaitaucunbesoind’unflacondephéromones.Avecsesyeuxnoirsetsonairténébreux,ilétaitdeloinl’hommeleplusséduisantdanscettepièce.L’hommeleplusséduisantqu’elleaitjamaisvu.Entoutcas,leshommesnormaux–ou,dumoins,ceuxquipeuplaientsonmondeàelle–séduiraientdesfemmesàtourdebrassijamaisilsatteignaientneserait-cequelequartdupotentieldeséductiondecestrois-là.

—Jeteprésentemesamisdugroupe,déclaraQuinnenluidésignanttoutd’abordceluiquiluiavaitdemandéquielleétait.VoiciJared,notreguitariste.EtRyder,notrechanteuretleader.

Page 60: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Évidemment.Celuiquitranspiraitlesexenepouvaitêtrequeleleader.Ens’avançantpourleurserrerlamain,Elisesedemandas’ilexistaituneécoleoùl’onapprenaitàcestypescommentfaireperdreleursmoyensàtouteslesfemmesalentour,enplusd’occuperledevantdelascène.Àmoinsquecettequaliténe soit innée chez les chanteurs.Comme la confiance en soi. Et porter de l’eye-liner sans avoir l’airridicule.Sansparlerdecettecrinièresauvage…

—Lesgars,jevousprésenteEliseMcKinney,poursuivitQuinnenposantunemainsursesreinspourlaguiderverssesamis.C’estunetrèsvieilleamie.

Cettefois,Ryderinclinalevisagesurlecôtépourmieuxladévisager.—Lapianiste?s’enquit-il.Elle se tourna aussitôt vers Quinn. Il leur avait parlé d’elle ? Pourtant, il la leur avait présentée

commes’ils’agissaitd’uneinconnue.Est-cequ’elles’étaittrompée?Commentétait-ellecenséeréagir,aujuste?Yavait-ilunefaçonconvenuederépondreàcettequestion,maisqu’elleauraitignorée?Cetteseuleidéelarenditnerveuse,etelleserralespoings.Ellen’avaitjamaiseuungrandsensdelarepartie.

Commeilscontinuaienttouslesdeuxàlascruterd’unairintrigué,ellefinitparrétorquer:—C’estmoi-même.Àquestionsimple,réponsesimple,non?—Excellent!J’adoretontravail.C’estimpressionnant…J’aiachetétesseptalbums,maisc’estle

Rachmaninovquejepréfère.Pourunesurprise,c’étaitunesurprise.Etellesesentitsoudaintrèsbête.Carelleavaitjugécetype

sursonapparence,persuadéequ’iln’avaitaucune idéedequielleétaitnidustyledemusiquequ’ellejouait.Oriln’yavaitaucuneraisonàcela;aprèstout,lamusiquerestaitlamusique,non?Elle-même,cen’étaitpasparcequ’elleétaitpianisteclassiquequ’ellen’appréciaitpasaussilejazzetlerock,oumêmelapop.QuelsnobismedenepasavoirprisRyderausérieux,justeparcequ’ilportaitlescheveuxlongs,destatouagesetdespiercings!

—C’estaussimonpréféré,admit-elle.Ilyavraimentquelquechosedeparticulierchez…—Rachmaninov,compléta-t-il.—Exactement!s’exclama-t-ellealorsqu’ilséchangeaientunsourirecomplice.—Disdonc,Quinn,quandjepenseàtoutescesfoisoùjevousaifaitécoutersesdisquesdanslebus

detournée,pourquoitunenousasjamaisditquetuconnaissaisElise?Quinnneréponditrien.Pasétonnant.Iln’avaitjamaisétédugenrecauseur.Sansattendrederéponse,luinonplus,Rydersedirigeaverslacuisinièreets’emparad’uneassiette

que Jared venait de remplir de nourriture. Les deux nouveaux venus vinrent s’attabler avec Quinn etcommencèrentàavalerleurpetitdéjeuneràunevitessevertigineuse.

Ellerestaunmomentplantéelà,àlesobserver,incrédule,sanstropsavoircequ’elleétaitsupposéefaire. Devait-elle les rejoindre ou préféraient-ils rester entre garçons ? Ils avaient beau s’envoyerquelquesboutades, le tondelaconversationdemeuraitsérieux.Ilsavaientmanifestementdutravail.Etpasquestionpourelledejouerlesfillesencombrantes.

Detoutefaçon,ellenepouvaits’empêcherdesesentirmalàl’aise,pasàsaplace,danslemondedeQuinn.Enréalité,ellenesesentaitàsaplacenullepart.Pasplusiciqu’ailleurs.PasplusavecQuinnetsesacolytes,cesdieuxdurocktropbeauxpourêtrevrais…

Sonindécisiondutseremarquer,carQuinnsemitàfroncerlessourcils,avantdeluifairesignedevenirs’asseoir.Commeellenebronchaitpas,ilselevadetableetvintàelle.Laconversations’arrêtaaussitôt,etsesdeuxcomparsestournèrentlatêteverselled’unaironnepeutpluscurieux.

—Qu’est-cequinevapas?demanda-t-ilàvoixbassetoutenglissantunemainautourdesataille.Turecommencesàavoirmal?

Page 61: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Oui, elle avait mal. Mais pas de la façon dont il l’entendait. En tout cas, elle se voyait mal luiexpliquerqu’ellenesesentaitpasàsaplaceici.Aveclui.Danssabelledemeure,avecsesbeauxamis…Et puis cette vie idéale était tellement éloignée de celle du Quinn qu’elle avait connu dans sonadolescence.

—Çava,finit-ellepararticuler.Jemedisaisjustequevousaviezsansdouteenviederesterentremecs.

UnelueuramuséetraversaleregarddeRyder.—«Entremecs»,tudis?Nan,c’estpasnotretruc…Seigneur, était-il possible de se ridiculiser un peu plus ? Elle sentit ses joues s’enflammer en

comprenant ledouble sensde sesparoles.Ducoup,ellene savaitplusquedire.Heureusement, Jaredvolaàsonsecours.

—Parlepourtoi,Ryder!lança-t-ilenluiadressantunclind’œilcomplice.Çafaitdesannéesquej’essaied’avoirQuinnpourmoitoutseul!

—Vienst’asseoir,Elise,l’invitaQuinn.Lesgarssontlàpourlajournée.Onatoutletempsdeparlerboulot.

—C’estclair,confirmaRyder.Etpuisjecrèved’enviedediscuteravectoidepuisqu’onestarrivés!Àcesmots,Quinnlefusilladuregard.—JesuissûrqueJamisonseraraviedel’apprendre,marmonna-t-ild’untond’avertissement.Untonqui,Elisel’auraitjuré,traduisaitaussiunecertainejalousie.Non,toutcelaétaitridicule…Et

pourtantleseulfaitd’ypenserdéclenchaenelleuneexquiseboufféedechaleurquiirradiatoutsonbas-ventre.

Croisant les bras pour dissimuler ses seins qu’elle sentait pointer sous sa chemise, elle revints’asseoirsursachaise,puisdemandaàRyder:

—Alors,dequoituasenviedeparler?—Oh,detoutuntasdechoses!dit-ilavecunsourireravageur.Maiscequejevoulaisavanttoutte

demander,c’estd’oùtevientcegoûtpourlesdécorationsdeplâtres?Manquantdes’étrangleravecsoncafé,Quinnsemitàtoussoterbruyamment.Aprèss’êtreassuréequ’iln’étaitpaseffectivemententraindes’étouffer,EliseseretournaversRyder

ensouriant.—Intéressant,n’est-cepas?Mespréférés,cesontceuxauxcouleursdel’arc-en-ciel.Jaredsepenchaenavant.— Voyons voir : moi, j’aime bien celui-là, dit-il en tapotant sur l’un des dessins. Avec lui, on

comprendmieuxl’expression«avoirlesboules».—Excellent!s’esclaffaElise,hilare.—Voussavezquoi?Ondevraitlancerunemodeavecça,repritRyderavecunrire.Laprochainefois

quejemecassequelquechose,jeveuxlemêmeplâtre!Lesfansvontadorer!—Facile.Quinnapris le tempsdeme faireces ravissantesdécos, je suis sûrequ’il s’appliquera

autantpourtoi!ajouta-t-elleenréservantaupianistesonsourireleplusglacial.Uninstant,ilparutàcourtdemots.Maisiln’avaitjamaisétédugenreàlaisseruneprovocationsans

réponse.Ilfinitdoncparhocherdoucementlatête.—Carrément!Casse-toidoncunejambeoujenesaisquoi,etjemechargeraidedécorertonplâtre.— Tu saurais dessiner des seins, en plus ? Parce que, franchement, je frissonne déjà à l’idée

d’exhiberunepairedeseinsarc-en-ciel!lançaRyder.—Évidemmentqu’ilsaitdessinerdesseins!affirmaElise.Etvoussavezquoi?Dèsquelemédecin

m’auraenlevéleplâtre,jelevendraiauxenchèressureBay.UneœuvreoriginaledeQuinnBradford:

Page 62: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

avecça,jedevraispouvoirréglermesfacturesd’hôpital…Cettefois,cefutJaredquimanquades’étoufferavecsoncafé.Pire,ilrecrachalagorgéequ’ilvenait

d’avalerenpleindanslevisagedeQuinn.Celui-ci fit la grimace, et ses comparses furent pris d’un véritable fou rire. Elise en profita pour

s’attaquerenfinàsonpetitdéjeuner.Soudain,ellesesentaitunappétitd’ogre.Sansdouteétait-celiéàsonappétitderevanche.

Page 63: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Chapitre9

Aprèslepetitdéjeuner,lesgarçonsserendirentàlasallederépétitiondeQuinn,tassesdecaféenmain. Quinn avait bien proposé à Elise de se joindre à eux, mais la dernière chose dont ils avaientbesoin, c’était de se retrouver avec une pianiste classique dans les pattes, alors qu’ils tentaient detravaillersurleurprochainalbum.

Etpuiselledevaitpeaufinersarevanche.VoirQuinnrecevoirtoutcecaféenpleinefigureavaitétépour lemoins distrayant,mais on était encore loin d’une humiliation comparable à celle de porter unplâtre couvert de dessins obscènes. C’était vrai, ça : de quoi aurait-elle l’air une fois seule en facedumédecin?

Quinn se méfiait déjà : elle allait donc devoir faire preuve d’inventivité.Mais elle était prête àreleverledéfi.Detoutefaçon,ellen’avaitriendemieuxàfairepourl’instant.

Mêmesiellenesavaitpastropquoipenserdecetteenvieviscéraledetorturerl’hommequis’étaitmisenquatrepourlarecueillir.Peuimportait.Toutcequicomptait,àcestade,c’étaitdeluirendrelapareille…

Alors, pendant que le groupe passait sa matinée à composer ce qui ressemblait à une excellenteballade–unehistoirederemordsetdepardon–,Eliseerradanslamaisonàlarecherched’uncoupbientordudignedeQuinn.

Lasituationnemanquaitpasdemordant.Illuifallutprèsd’uneheure,maisl’idéeluivintenfin,devantunplacarddelacuisine.Aprèsavoir

discrètement vérifié dans le couloir que les gars étaient toujours absorbés par leur travail decomposition,ellesortitlesingrédientsdontelleavaitbesoin,lesétalasurlatableetsemitautravail.

Deuxheuresetdemieplustard,ellefinissaitàpeinederangerquandunejeunefemmedébarquaparlamêmeportequeRyderetJared.Elleportaittroisgrandesboîtesàpizzacaléessouslebras.Grande,pulpeuse, elle avait de longs cheveux roux, et son sourire illumina aussitôt la pièce. Elle déposa lespizzassurlecomptoiravantdeseprécipiterversElisepourluidonnerunelongueaccoladequilabaignadansundélicieuxparfumfruité.

Eliseselaissafaire,principalementparcequ’ellenevoyaitpascommentsedégagerdecetteétreinteinattendue sans avoir l’air mal élevée, puis poussa un soupir de soulagement quand elle put enfinretrouversalibertédemouvement.Sielleignoraitl’identitédelajeunefemme,lalogiquevoulaitqu’ils’agisselàd’une«amie»deQuinn.Mêmesi,techniquement,Elisen’avaitaucundroitàrevendiquersurlui,ellen’étaitguèreenthousiasteàl’idéed’avoirdelaconcurrence.

Enfin, à supposer que cette superbe rousse soit à considérer comme une concurrente. Elisen’envisageaitpasdeconquérirQuinn.Non.Pasdutout.Detoutefaçon,faceàunebeautépareille,ellen’auraiteuaucunechance.

—Tudois êtreElise ! J’ai tellement entenduparlerde toi !Comment te sens-tu ?Commentva tamain?Quinnnousaexpliquéquetuavaisététrèscourageuse,maisjetenaisàvenirmoi-mêmeprendrede tesnouvelles!Voirsi tuavaisbesoindequoiquecesoit…Quinnestunchic type,maismêmeles

Page 64: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

chicstypesnecomprennentpastoujoursqu’unefemmeaparfoisbesoind’unpeuplusqued’unecanettedebièreetd’unetélévisionpourêtreàl’aise.

Eliseseretrouvaàhocherlatêteensilencedevantceflotininterrompudeparoles,paspourexprimerson accord ou son désaccord, mais tout simplement parce que la jeune femme parlait trop vite pourqu’ellepuisselasuivre…Etdirequ’ellen’avaitpasencoreprisl’analgésiquequeluiavaitdonnéQuinncematin,précisémentparcequ’elletenaitàgarderl’espritclair…

Entoutcas,avantqu’ellerépondeàtoutescesquestions,oumêmequ’elledemandesonnomàcettejeunefemme,Ryderdébarquadanslacuisine,bientôtsuivideJaredetdeQuinn.

—Jesavaisbienqueçasentaitlapizza!s’exclama-t-ilavantdeseprécipiterverslarouquinequ’ilenlaçaavantdel’embrasserlangoureusement.

Cen’estqu’àcemoment-làqu’Elisecompritàquielleavaitaffaire.—TuesJamison?demanda-t-elled’unevoixhésitante.LafiancéedeRyder?—Etaussimapetitesœur,précisaJaredenpassantunemainaffectueusedanslescheveuxdelajeune

femme.—C’estmoi-même,réponditlabellerouquineavantd’écarquillerlesyeux.Maisattends…Jeneme

suispasprésentée?Elisefitdoucement«non»delatêteensouriant.— Je comprendsmieux pourquoi tume regardais comme si je sortais de l’asile ! Je commençais

d’ailleursàmedemandercequiclochait.Maisoui,c’estbienmoi,Jamison.PetitesœurdeJared,fiancéedeRyderetamiedeQuinn.

Elleinsistasurlemot«amie»d’unairentendu,aupointqu’Elisebaissalatêteetsentitsesjouess’empourprer.Quinnn’étaitpeut-êtrepasleseuldontlajalousiecrevaitlesyeux…

—Jeteremerciebeaucoupdem’avoirachetétousceshabitspendantquej’étaisàl’hôpital.Tuassutrouvertoutcedontjepouvaisavoirbesoin,çam’abeaucouptouchée.

—Tuplaisantes ? rétorqua Jamison avec ungeste de lamain. Je passemavie entourée demecs.Faire unevirée shoppingpour acheter des trucs de fille, c’est devenu exotiquepourmoi !Quoique…Maintenantquejetevoispourdevrai,jemedemandesijenet’aipasprisdesvêtementstropgrands.JemesuisfiéeauxdescriptionsdeQuinn,maiscen’étaitpasévident.

— En tout cas, c’était super. Certains habits sont peut-être amples, mais, au moins, ils sont trèsconfortables.Encoreunefois,mercibeaucoup!

—Avecplaisir.Sincèrement,insistaJamisonavecunsourireradieux.Mêmes’ilsfaisaientclairementpartied’unautremondequelesien,ElisetrouvaitlesamisdeQuinn

adorables.Sansperdreuninstantdeplus,Jareds’installaàtableetouvritlapremièreboîteàpizza.—Alors,tunousaschoisilesquelles?—Net’enfaispas,ilyenauneaujambondeParmeetàl’ananasrienquepourtoi,indiquaJamison

avecunsourirepleind’affection.Bientôt, tous furent attablés autour des pizzas et de quelques bières, à échanger leurs idées, qui

fusaient dans la pièce, au sujet du prochain album. La première impression d’Elise se confirma : ilsformaient un groupe très soudé, au sein duquel les énergies, la créativité des uns et des autres secomplétaient.Iln’étaitd’ailleurspasrarequecertainsfinissentlesphrasesdeleurscomparses…

Devantcespectacle,elleauraitdûsesentirdetrop,avoirl’impressiond’êtreuneintruse.Nel’avait-ellepas toujoursété,depuis sanaissance?Elle, le fruitde lagrossesseaccidentellequi avaitmisuncoupd’arrêtàlacarrièremusicaledesamère…Elle,cebébénondésiréquiavaittuésamèreenvenantaumonde,privantainsisonpèredel’amourdesavie…Eliseresteraittoujourslapetitefillenondésirée,

Page 65: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

incapabled’arriveràlahauteurdecettemusiciennedegéniequ’elleavaitfauchéeenpleinegloire.Voilà,entoutcas,l’imagequeluiavaitrenvoyéed’ellesonproprepère,l’hommecensél’aimeretprendresoind’elle.

Elisesemoquaitbien,désormais,deneplusfairepartiedelaviedeQuinn.Aprèstoutcequ’ilavaittraversé,elleétaitheureusedevoirqu’ilavaitputrouversaplace,s’entourerdegensquil’aimaient,quilerespectaientpourcequ’ilétait.Ellesecontentaitdoncdesonrôledesimplespectatrice,pendantqu’ilévoluaitdanssonélément.

Ainsi,elles’assitenboutdetableavecunepartdepizzaetunsoda,etobservasescompagnonsdetablée.

Quinn,quienchaînaitlesidéesenthousiastes,entraînantsescamaradesdanssonsillage.Ryder,dontlevisages’éclairaitdèsqueJamisonsepenchaitversluioutoutsimplementposait les

yeuxsurlui.Jared, qui, sans jamais se départir de sa bonne humeur, tapotait des rythmes expérimentaux sur la

tableaugrédessuggestionsdeparolesoudesdescriptionsdeQuinn.Maisilnefallutpaslongtempsàcedernierpourremarquerqu’elles’étaitmiseàl’écart.Alors,iltira

vigoureusement lachaised’Elisepour la rapprocherdu restedugroupe.Et l’inclureàcette séancedebrainstorming. En quelques minutes, Elise se mit à lancer à son tour ses propres idées de basesmélodiquesourythmiques,voireàcontribuerdirectementàcertainesparoles,àcertainsrefrains, idéesqueQuinnconsignaitfrénétiquementsurunvieuxcarnetencuirnoir.

C’étaitcool.Bienplusqu’ellenel’auraitimaginé.Cen’étaitpastantlefaitqu’ilsl’écoutaientenluidonnantl’impressionqu’elleavaitvraimentquelquechoseàleurapporter–cequi,déjà,étaiténorme–,maisplutôtlefaitd’arriveràcomposerunmorceau.D’arriveràassemblerdesmots,desnotes,enpartantderien,pourparveniràcréerquelquechosedebeau.

Lacompositionn’avaitpourtantjamaisétésonfort.Oh,ellecomprenait,évidemment,lamécaniquedes harmonies.Elle saisissait la façondont la plupart des opéras et des symphonies étaient construitsautourdecombinaisonsdenotesetd’accords,parfoisinfinimentsimples,parfoisinfinimentcomplexes.Maiselleavaittoujoursététropoccupéeàtenterd’interpréterlespièceslesplussubtilespourneserait-cequ’imaginertravaillerunjouràdescréationspersonnelles.

Si son séjour chez Quinn ne débouchait sur rien, elle garderait au moins en mémoire ce momentmagique.Elle avait découvert qu’elle était capable, elle aussi, de créer. Pour elle, il s’agissait d’unevéritablerévélation.

Àlafin,ilnerestaitplusuneseulepartdepizza–c’étaitàsedemandercommentilsavaientpuveniràboutdetellesquantités.Quinnselevadetableetallaouvrir lecellier.Il ressortitavecuneboîtedeTwinkiesainsiqu’unpaquetd’Oreoqu’ilvintdéposersurlatable.

—Tuplaisantes,j’espère?s’indignaJamison.Est-cequetuasseulementidéedesdégâtsquecausentcestrucs-làsurlasanté?

—Venant d’une femme qui vient de nous servir trois énormes pizzas, cette remarque est un peudéplacée.

— Excuse-moi, mais je viens de vous servir trois pizzas gastronomiques, élaborées à partird’ingrédients frais et bio, avec une pâte au blé complet cuisinée maison. Pas des confiseriesindustrielles!

—Rienàfaire,rétorquaQuinnenenfournantunbiscuitentierdanssabouche.Ilssontdélicieux.— Certainement pas ! poursuivit Jamison, indignée. Ces cochonneries ont un goût de produits

chimiques.Parcequec’estcequ’ellessont.—Désolé,MademoiselleJe-Vais-Bientôt-Devenir-Une-Pâtissière-Célèbre.Toutlemonden’apasle

Page 66: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

tempsouletalentdecuisinersoi-même.—Danscecas,vachezunboulanger !Ouappelle-moi.Jemeferaiunplaisirdecuisinerquelque

chosepourtoi.Mais,pitié,n’avalepascessaletés.Jet’enconjure…—Allez,lesgars,mi-temps,balleaucentre,intervintalorsRyder,unsourireamuséauxlèvres,avant

deprendreJamisonsursesgenouxetd’enfouirsonvisageaucreuxdesoncou.Tusaisbienquetunelechangerasjamais,mapuce…

—Mechanger,moi? s’insurgeaQuinnen fronçant les sourcils. Je croispourtantme rappelerquec’est toi et Jaredquim’avez fait cachervos fichusOreo et vos cupcakes sousmon lit dans le busdetournée,pouréviterqueJamisonlesvoie…

—Eh,mec!Maisqu’est-cequetufais?s’écriaRyderenluijetantunregardassassin,avantdesetournerversJamisond’unairenjôleur.Mapuce,nefaispasattentionàcequeditQuinn…Tusaiscommeilaimetoujours…

—Vousvousfichezdemoi!s’exclamaalorsJamisonenselevantd’unbond.Toiaussi,tucontinuesàbouffercescochonneries?

—Non!Biensûrquenon.C’estjusteque…Elleletransperçaduregardjusqu’àcequ’iladmette:— Bon, d’accord… Ça m’arrive peut-être de temps en temps. Mais c’est assez rare, et c’est

seulementquandJaredm’enpropose.—Quoi? fit leguitaristed’unevoixétranglée.Toutdemême,c’estpasmoiqui sortaisdubusen

douceà3heuresdumatin,quandlechauffeurfaisaitleplein,pouravoirmonfixedejunkfood!Jesuismêmesûrdevousavoirvus,toietQuinn.

—Jenesaispasdequoituparles,affirmaRyderenrefermantsesbrasautourdeJamisonavantdel’attireràluipourl’embrasser.

Mais elle détourna son visage, et le baiser du chanteur atterrit au creux de son cou.Elle semit àpousserdespetitscrisstridentsenriantetlerepoussafermement…aprèsluiavoirdonnélebaiserqu’ilréclamait.

—Bon,ehbien,sivousêtes tellementsérieux,çanevousdérangerapassi j’emporte toutçaavecmoienrentrant,déclara-t-elleens’emparantdessachetsdeTwinkiesetd’Oreo.Jesuiscertainequ’entreicietchezmoijetrouveraiunebenneàordures,oùjepourrailesjeter.

—Quoi?s’écriaQuinnd’unairindigné.Eh,jen’aiaucunliendeparentéavectoietjeneprévoispasde t’épouser, alors jen’aipasàmeplierà tesordres.Tu laissesces friandises ici, et,promis, jeveilleraiàcequeniJaredniRydern’ytouchent…

—Tuespèresvraimentquejetecroie?VousvousserezjetéssurlesOreoavantmêmequej’arriveauboutdel’allée.Etpuisonn’apeut-êtrepasdeliendesang,toietmoi,maisonformequandmêmeunesortedefamille.Etjetiensàcequetuviveslongtempsetenbonnesanté,conclut-elleenluidonnantuneaffectueuseaccolade,toutengardantlespoingsserrésautourdespaquetsdefriandises.

PuisellesetournaversJared.—Àquelleheureest-cequetuvasvoirWyatt,aujourd’hui?—Jepensaispartird’icivers14h30.—Passe-moiuncoupdefilavantd’yaller.J’essaieraipeut-êtredeveniravectoi.C’étaitchouettede

levoir,hier.Jaredacquiesçad’unsignedetête,maisneditrien.Unsilencepesantflottasoudaindanslapièce.

EliseignoraitquiétaitWyatt,maisapparemmentquelquechoseàsonsujetcontrariaitprofondémenttoutelabande.L’insouciancequiavaitprévaludurantledéjeuneravaitsoudainlaissélaplaceàuneinquiétudequasimentpalpable.

Page 67: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Finalement,Jamisonsaluatoutlemonded’ungestedelamainetsortit.Parlafenêtre,Quinnregardasavoituredémarrer,puisilretournadanslecellierpourensortirunenouvelleboîtedeTwinkies.

—Jesuisàcourtd’Oreo,alorsvousallezdevoirvouscontenterdeça,lesgars.—Ah,merci !Mais qu’est-ce qui t’a pris demebalancer comme ça devantma copine ? s’agaça

Ryderenouvrantaussitôtlaboîte.—Hélà,c’esttoiquim’asbalancépourlebus!Jemevengeais,c’esttout.—Enfait,jecroisquec’estJaredquinousatouslesdeuxbalancéspourlebus.—Etpersonneneluiacriédessus,grommelaQuinnenprenantdeuxTwinkiesdanslepaquetpouren

offrirunàElise,quidéclina.C’estquandmêmepasjuste.—C’estundesavantagesquandonestgrandfrère,déclaraJaredd’unairsuffisantenprenantàson

tourunegénoise.Ryderlefoudroyaduregard.—Tunecroistoutdemêmepasqu’onvatelaisserteservircommeça?—Etcomment,quejevaismeservir!TuvisavecJamisondepuisàpeineunmois.Moi,jelasubis

depuissanaissance!ÇaméritebienunedoublerationdeTwinkies!RyderhaussaunsourcilendirectiondeQuinn,quihochalatête.—Surcepoint,iln’apastort…—Sansdoute,admitRyderavecunepetitemoueenoffrantdeuxbiscuitsauguitariste.Elise, tues

sûredenepasenvouloir?—Certaine.Cen’estvraimentpasmontruc.— Je ne comprendsmême pas comment on peut vivre sans ces petits délices,murmuraQuinn en

défaisantl’emballagedesafriandise.C’esttellementbon…—C’estclair.Enfin,jeveuxdire,lesdessertsdeJamisonsontbienmeilleurs,mais…Parfois,toutce

dontunhommeabesoin,c’estd’unTwinkie.—Exactement,conclutRyderenengloutissantunegénoise,bientôtimitéparsescomparses.Sansunmot,Eliselesobserva.Ilsn’allaientsansdoutepastarderà…—Bonsang!Maisqu’est-cequec’estqueça?s’écriaQuinnenrecrachantaussitôtcequ’ilavaiten

bouche.Bordel,ilssontpérimésouquoi?—Mais c’est horrible ! ditRyder en se précipitant vers la poubelle pour recracher à son tour sa

friandise.Jared ne disait rien,mais son visage vira au vert, ce qui laissait présager qu’il avait d’une façon

mystérieuseréussiàavalerlasienne.Etqu’illeregrettait.Amèrement.Quinnserinçaabondammentlabouche,enproieàdeshaut-le-cœur.—Monopolise pas l’eau,mec ! grommelaRyder en le poussant pour coller sa bouche au robinet

jusqu’àseredresserbrusquement,probablementàdeuxdoigtsdelanoyade.Dans lemême temps, Jared seprécipitapourouvrirunenouvellecanettedebière,qu’ilvidaenà

peinedeuxgorgées,levisagedéforméparledégoût.JamaisElisen’avaittantregrettédenepasavoirdecamérasouslamain.Lascèneauraitfaituntabac

surYouTube.Leplusjubilatoire,c’étaientcespetitscrishautperchés,écœurés.Àn’enpasdouter, lesfansdeShakenDirtyauraientpayécherpourvoirleursidolespleurnicherainsi,telsdevéritablesbébés.

Aprèsunelonguesériedejurons,QuinnetRyderfinirentparregagnerlatable.—Quelleestladated’expirationdecepaquet?demandaRyderens’emparantdelaboîte.Depuis

quandtulesasici?Çadoitaumoinsremonteràavantledébutdelatournée,non?—Çan’apasd’importance,lesTwinkiessontcensésrésisteràunholocaustenucléaire,grognaJared

endécapsulantunenouvellebouteille.

Page 68: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

—Manifestement,c’estfaux,constataQuinnensecouantlatête.Maisjenecomprendspas…Ladated’expirationn’estquedansdeuxsemaines.

— Alors, il faut que tu envoies une lettre de réclamation, mec. Parce que, pour le coup, il y avraimentuntrucpasnetaveccepaquet.

Quinns’emparadelaboîteetensortituneautregénoise.—Mec,tunevasquandmêmepasengoûterunautre?s’écriaRydersuruntond’épouvante.—Est-cequej’ail’airassezbêtepourça?rétorqua-t-ilenouvrantlesachetetenhumantlegâteau.

Celui-làsentpourtantbon.—J’ail’impressionquecequicloche,c’estlefourrage,affirmaJaredenluiprenantlafriandisedes

mainspourlacouperendeuxetrespireràsontour.C’estclair,c’estcarrémentlacrème!— C’est bizarre, marmonna Quinn en lui prenant la génoise des mains. Ce n’est pas la couleur

habituelle.Çasentpresquecomme…—Commequoi?demandaRyderd’unairaussieffrayéquedégoûté.—Commedela…mayonnaise?—Delamayonnaise?DesTwinkiesfourrésàlamayonnaise?—Jen’ensaisrien.Mais…Soudain,Quinnsefigea.EtilsetournaversElise.Jusqu’à présent, elle n’avait pas dit unmot, se contentant d’assister en spectatrice à ce véritable

dramedelajunkfood.Mais,àprésent,elleneputtenirsalangue.— Il est possible que l’usine qui les fabrique produise aussi de la mayonnaise pour d’autres

marques…Etqu’ilyaiteuuneconfusionentre…—C’esttoiquiasfaitça!!—Moi?dit-elledesonairleplusinnocent.Faitquoi,aujuste?—TuassabotémesTwinkies!s’écria-t-ilenseprécipitantverslecellier,d’oùilsortitdeuxautres

paquetsdefriandises.Ilsysonttouspassés?—Quinn,mec, je crois que cemaudit fourrage t’estmonté à la tête, dit Jaredd’un air abasourdi.

Pourquoiest-cequ’Elisesaboteraittesgâteauxpréférés?MaisQuinnétaittropoccupéàdéchirerlesautrespaquetspourrépondre.Aprèsavoirouvertunàun

lesgâteauxdeleursachet,ilexplosa:—Tuasosé!Tulesastousempoisonnés!—Comment ça ? rétorqua Elise en faisant un effort surhumain pour garder son sérieux. Tu crois

vraimentquej’auraisessayédet’empoisonner?—Jepensequetun’espasinnocente.—Encoreunefois,intervintJared,pourquoiest-cequ’elleauraitfaituntrucpareil?— Et si tu lui disais, Elise ? Pourquoi est-ce que tu voudrais bousiller tous mes paquets de

Twinkies?Elleledévisageaenhaussantunsourcil.—Crois-moi,Quinn,jen’aiaucuneenviedetoucheràtongrospaquet…Àcesmots,Ryderéclataderire,bientôtimitéparJared.MêmeQuinnsouriaitquandilajouta:—Pourtant,c’estcequetuasfait.—Oh,jenesaispas,dit-elleenhaussantlesépaulesavecnonchalance.C’estpeut-êtretoiquiastout

manigancé.Après tout, c’est toi qui es obsédé par les objets phalliques, pasmoi… (Elle le salua enprenantsoindeleversamainplâtréeetdebienexhiberlesmotifsdontill’avaitaffublée.)Maintenant,siça ne vous dérange pas, je vais aller faire une sieste. Je suis un peu fatiguée après cette journéemouvementée.

Page 69: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

— Je comprends. Vider quarante-huit gâteaux de leur fourrage pour le remplacer par de lamayonnaise,çadoitêtreépuisant.

—Possible,dit-elleensouriantàRyderetàJaredavantdequitterlacuisine.Salut,lesgars.Cefutunplaisirdevousrencontrer.

—Tunecroisquandmêmepasquetuvast’ensortircommeça?lahélaQuinndanssondos.Elleseretournaalorsversluietluiadressasonsourireleplusenjôleur.—Mais,moncœur,c’estdéjàfait…Alorsqu’elledisparaissaitdanslecouloir,elleentenditdenouveauleséclatsderiretonitruantsde

RyderetdeJared.—Mec,disaitRyderensetordantderire,jepeuxtedirequ’aveccettefilletun’espasauboutdetes

surprises!Elle ne put réprimer un sourire. Jamais auparavant on ne l’avait considérée comme une fille

surprenante.Etcelaneluidéplaisaitpas.

Page 70: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Chapitre10

Elisen’avaitpasvraimentprévude faireune sieste.Cependant,une fois arrivéedans sachambre,elles’aperçutqu’elleétaitbeletbienépuisée.Enplus,samainluifaisaitmal:elleavaitdûlamettrelonguement à contributionpour se servir de la seringuequi lui avait permis d’enlever le fourragedesTwinkiespourleremplacerpardelamayonnaise.Mêmesielleavaitfaitensortedeseservir lepluspossibledesamainvalide,cellequiétaitblesséeavaitaussieffectuéuncertainnombredemouvementsrépétitifs.Suffisamment,entoutcas,pourqu’elleluifasseplusmalàprésentquecematin.

Maiscelaenavaitvalulapeine.LatêtequeQuinnavaitfaite…Celan’avaitpasdeprix!Elles’envoulaitunpeud’avoirentraînéRyderetJareddanscemauvaiscoup,mais,enfindecompte,ellepouvaitsepermettredecauserquelquesdommagescollatéraux.Rienneleurseraitarrivés’ilsavaientsuivilesrecommandationsdeJamison,commeilsleluiavaientpourtantpromis…

Elise décida de prendre un demi-comprimé – elle voulait simplement se reposer, et non passer lerestedelajournéeàdormir–puiss’installasouslescouvertures.Alorsqu’elleselaissaitgagnerparlesommeil,ellerevitlevisagedeQuinn,leregardnoir,vaguementdéconcertéetsurtouttrèsimpressionné.

Elle ne se réveilla que plusieurs heures plus tard, la bouche asséchée, dans un état de demi-conscience.Avantmêmedeconsulterleréveil,ellecompritqu’elleavaitdormitroplongtemps.Ellesesentaitlourdeetelleavaitcettemigrainetypiquedessiestesprolongées.

Repoussantlescouverturessurlecôté,ellefinitparselever.Unefoisdanslasalledebains,elleserinça la bouche. S’aspergea le visage d’eau froide. Et ôta lemaquillage qui avait coulé de ses yeuxpendantlasieste.Unsimplecoupd’œildanslemiroirsuffitàlarassurer:elleavaitmeilleureminequ’àsasortiedel’hôpital,deuxjoursplustôt.Certes,ellen’étaitpasaumieuxdesaforme,maiselleavaitreprisquelquescouleurs,cequin’étaitpasnégligeable.

Elles’apprêtaitàtournerlestalonspourrejoindreQuinnaurez-de-chaussée,mais,rattrapéeparunsursautdecoquetterie,elles’emparadesatroussedetoilettesurlereborddulavabo.Etsepassaunbrefcoupdeglossrosesurleslèvres.Avantd’ajouterunlégertraitd’eye-linerainsiqu’unpeudemascara.Ce n’était pas grand-chose, mais cela l’aida à se sentir mieux. À renforcer l’armure dont elle auraitbesoinpouraffronterQuinn.

Car, à présent, c’était à son tour de se tenir sur ses gardes : il avait eu plusieurs heures pourmanigancer sa revanche. Il ne lui ferait aucunmal, bien sûr, mais elle savait qu’il préparait quelquechose.EnaucuncasilnelaisseraitleGrandFiascodesTwinkiessansriposte.

Elleregagnal’escalier.Lamaisonétaitplongéedansunedemi-pénombre,etellen’avaitaucuneidéedel’endroitoùpouvaitsetrouverQuinn.

Àpeines’engagea-t-elledanslecouloirmenantàlacuisinequ’elleentenditlesnotesdemusique.Paslesnotesd’unenouvellechanson.Nicellesd’unvieuxtubepop.Non,lamusiquequiserépandaitdanslecorridorn’étaitautrequel’envoléelyriqueduConcertopourpianono3deRachmaninov.Considéréparla plupart desmusiciens comme l’une des pièces les plus difficiles – sinon la plus difficile – jamaiscomposées pour un instrument, le premier mouvement se déployait dans un déchaînement d’accords

Page 71: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

paroxystiques.EtQuinnétaitentraindel’interpréteravecuneaisancedéconcertante.Commesiderienn’était.Elles’approchaensilenceducouloirmenantàlasallederépétition,puissefigeadansl’embrasure

delaporte,biendécidéeànepasledéranger.Assis devant le piano, le visage baissé, il promenait sesmains sur les touches à une telle vitesse

qu’Eliselesdistinguaitàpeine.Sesépaulesondulaientàchaquechangementd’accord,etlesmusclesdesesbrassecontractaient,mettantenvaleurdesdétailsdesestatouagesàchacundesesmouvements.Ilsetenaittrèsdroit,etellevoyaitsesfessesetsescuissessetendreetserelâcheraurythmedelamusique.Iljouaitavectoutsoncorps,detoutsoncœur,detoutesonâme…C’étaitlachoselaplusérotiquequ’elleaitjamaisvue.Quinnétaitlachoselaplusérotiquequ’elleaitjamaisvue.Et,àcetinstantprécis,elleledésiraplusqu’ellenel’avaitjamaisdésiré.

Peut-être parce qu’elle ne l’avait pas entendu jouer – en tout cas pas de cette façon – depuislongtemps. Difficile à dire. Tout ce qu’elle savait, c’était qu’elle avait envie de lui. Qu’elle feraitn’importequoipourcontinueràsenourrirdelaforce,delapuissanceetdelabeautédelamusiquequ’ilcréait.Car,autantêtrehonnête,d’unpointdevuepurement technique,elleavait toujoursétémeilleurepianistequeQuinn,seulementparcequ’elles’entraînaitnuitetjourjusqu’àenavoirlesdoigtsensang.Mais, en matière de créativité, pour interpréter un morceau jusqu’à en retranscrire l’âme, jusqu’à sel’approprierentièrement,Quinnétaitnettementau-dessusd’elle.

Et ce concerto, ce soir, ne faisait guère exception. Elise s’y était pourtant confrontée des annéesdurant,mais sesmains n’étaient pas assez grandes pour enchaîner les accords de façon fluide. Alorsqu’avecsesdoigtsimmensesetsontalentinsolentQuinnn’avaitaucunedifficulté:ilprenaitpossessiondupianodefaçoncharnelle,maltraitantsestouchesjusqu’àobtenirleurtotalesoumission.

Il conclut le premier mouvement par une impressionnante débauche de puissance, pilonnant lestouches du clavier comme pour les punir, avant d’enchaîner sur le riche et fantasque deuxièmemouvement. Celui-là était plus technique, avec ses notes rapides comme l’éclair suivies d’accordsprofondsetsensuels.Elle-mêmel’avaitinterprétéuncertainnombredefois–onl’avaitmêmefélicitéepourcetenregistrementsomptueux–,maisellesavaitque,detoutesacarrière,ellenel’avaitjamaisjouénientendujouercommeellel’entendaitcesoir.Interprétéparunhommequin’avaitpasjouédemusiqueclassiquedepuisdixans.

Belleleçond’humilité,mêmesicelaluidéchiraitlecœur.D’unecertainefaçon,elleauraitdûfermerles yeux pour pouvoir l’écouter sans être distraite par le tableau qu’elle avait devant les yeux.Maiscomment s’y résoudre, alorsqu’il était si fort, si beau, sexy à en tomber à la renverse, avec sesyeuxfermés, sa bouche entrouverte ? Quinn était absorbé, littéralement absorbé, par cette musique aussicaptivantequ’enivrante.

Il termina le deuxième mouvement, pour aborder ensuite le troisième, puis le finale, dans uncrescendoimposant.Tandisquelamusiqueenvahissaitlapièceplusquejamais,enveloppantElisetoutentièrejusqu’àluidonnerlevertige,ellefinitparfermerlesyeux.Ilarrivaitàsonpassagepréféré–àécoutercommeàjouer–,etelleselaissaenfinemporter.

Plusjamaisellenejoueraitceconcerto.Nicelui-làniaucunautre.Plusjamaiselleneferaitsortirlesnotes, lesaccords lesplussubtilsd’unpianoàqueue.Plus jamaisellene jouerait.Plus jamaisellenejoueraitpourdebon.

Rienqued’ypenser, elle faillit tomber àgenoux.Car si elledétestait la scène, si elledétestait lejugementetlesregardsinquisiteursdesescentaines,desesmilliersd’auditeurs,elleavaittoujoursadoréjouer.S’attaqueràunecomposition,sansriend’autrequesoninstrumentetsonobstination,pourparveniràentirerquelquechosedecorrect.

Page 72: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Mais tout cela était terminé à présent. Il avait suffi d’un malencontreux écart de volant et del’abominablefracasdetôlefroisséequiavaitsuivi.

Des larmess’échappèrentensilencedesespaupièrescloses.D’ungeste impatient,elle lesessuyad’unreversdemain.Pasquestiondes’apitoyersursonsort,depleurnichersurcequiauraitpu,cequiauraitdûsepasser…Pasalorsqu’Ellingtonétaitmort.Pasalorsqueleschosesauraientpuprendreunetournurebienpirepourelle.

Enfin, lesderniersaccordsduconcertorésonnèrentdans toute lapièce,dans toute lamaison.EliserouvritlesyeuxpourdécouvrirQuinnentraindes’engouffrerdanslefinale,éructantchaquenotel’uneaprèsl’autre.Ellesentitlamusiquemonter,monter,monter,jusqu’àressentircettevibrationdanschacunedesesrespirations,danschacunedesescellules.Maiscen’étaitpasencorefini.Quinnparvintàfaireencoremonterlatensiond’uncran,plaquantsesdoigtssurlestouchesavecuneforce,unepuissance,dontelleallaitsesouvenirpourlerestantdesesjours.

Etcefutterminé.Bien après que lamusique se fut évanouie,Quinn demeura immobile. Tout comme elle. Elle était

ensorcelée,lecœurenmiettes,déchiréeentrelaréalitéetsesespoirsbrisés.Et,àcetinstantprécis,elleaurait voulu que le temps reste suspendu. Elle était submergée d’un irrépressible émoi, elle qui avaitpassétoutescesannéesàrefoulertoutdébutd’émotion.

Quinnlevasesmainsduclavierpourlesreposersursesgenoux.Elisetournalestalons,décidéeàs’éclipserdelapièceavantqu’ils’aperçoivedesaprésence.Cen’étaitpasqu’ellesecachait,maisceàquoi elle venait d’assister, ce qu’il venait de faire, était très intime. Et elle ne voulait surtout pass’immiscerdansunmomentpareil,dontQuinnauraitbesoinpourcanalisersespropresémotions.

Mais, à peine eut-elle franchi la porte qu’il l’interpella, d’une voix qui exprimait le même désirsincèreetdouloureuxqueceluiquil’envahissaittoutentière.

Elisesefigeaaussitôt,et,danslapénombrequienvahissaitpeuàpeulapièce,Quinnavaitdumalà

distinguersasilhouette.Maisilsavaitqu’elleétaitlàdepuislongtemps.Ilavaitbiensentisaprésenceaudébutdudeuxièmemouvement,mais ilavaitcontinuéde jouer. Il

n’avaitpaspus’arrêter.Pasalorsqu’ilinterprétaitleconcertofavorid’Elise,celuidesoncompositeurpréféré.

Quandils’étaitrassisdevantlepianoaprèsavoirraccompagnéRyderàsavoiture,ilavaitseulementpensés’amuserunmoment.Jouerquelquesmorceauxquiluiétaientfamilierspourtenterdes’inspirer,derelancersacréativité.Lajournéeavaitplutôtétériche,etilsavaientréussiàécrirepasmaldechoses.Maisilyavaitencorebeaucoupdetravail.Surtouts’ilsvoulaientqueceprochainalbumsoitàlahauteur.À la hauteur, notamment, de la tournée mondiale que préparaient leurs managers en ce moment. Lespremiers concerts étaientprévusdèsaprèsNoël,une semaineaprès la sortiede l’album,et levoyagedevaitdurersixmois.Enmêmetemps,ilsétaiententraind’ajouterdesdatesàlatournéedéjàprévueenAmérique duNord pour l’automne suivant, en particulier pour jouer dans les villes où ils avaient étécontraintsd’annulerdes concertsduRockOnTour.Et, pour faire les choses correctement, ils allaientdevoirsortirunsingle,voiredeux.Autrementdit,RyderetJaredavaientencoredupainsurlaplanche.

Et puis, soudain,Quinn s’était retrouvé à jouerRachmaninov, et il avait compris que c’était pourElise.Parcequ’elle nepourrait plus le jouer, nimaintenant ni probablement jamais. Il avait voulu luioffrirunrayondesoleil,luifairecomprendrequ’ilyauraittoujoursdelalumièreauboutdutunnel.

Or,àprésentqu’il apercevait sa silhouette tremblantedans l’embrasure, il sedemandas’iln’avaitpasencoremerdé.Si,aulieudeluiredonnerespoir,ilnel’avaitpasplutôtdésespéréedelapluscruelledesfaçons.

Page 73: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Sansperdreuneseconde,ilselevaetseprécipitaverselle.Redoutantl’étatdanslequelilallaitlatrouver,ilétaiteffondréàl’idéedel’avoirblesséeunefoisencoreàcausedesafaçontorduedevoirleschoses.Mais il ne pouvait se retenir d’aller vers elle, pas alors qu’il sentait au plus profond de luiqu’ellesouffrait.Etqu’elleavaitbesoindelui.

—Lissy?Mabelle?dit-illeplusdoucementpossibledecraintequ’elleneprennelafuitepourdebon.Est-cequeçava?

—Ça va, répondit-elle d’une voix un peu écorchée, sans qu’il puisse déterminer si c’était parcequ’elleseremettait tout justeàparlerouparcequ’elleavaitpleuré.J’aidormiunpeu trop longtemps,c’esttout.

—Tuenavaisbesoin.Vienst’asseoiravecmoi,chuchota-t-ilenprenantlerisquedes’emparerdesamainvalide.

Elledutcomprendrequ’ilparlaitdupianoetnonducanapé,carsoncorpstoutentiersecontracta.—Jeneveuxpastedéranger,protesta-t-elleententantdesedégager.—Jeviensdefinirleconcerto,tulesaisbien.Etpuistunemedérangesjamais.—Tudisçamaintenant,mais…,essaya-t-elledeplaisanterpourdétendrel’atmosphère.—Jel’aitoujoursdit,ettoujourspensé.Etmaintenantvienst’asseoiràcôtédemoi.Elleseraiditplusencoreàcesmots.—Allonsplutôtailleurs.—Pourquoi?Cettepièceneteplaîtpas?— Tu sais bien que ce n’est pas le problème, assura-t-elle en parcourant du regard tous ses

instrumentsdemusique.Les claviers qui l’avaient rendu célèbre n’étaient pas là ; ils étaient restés dans le studio

d’enregistrement.Dans cette pièce, il ne gardait que les instruments dont il jouait par pur plaisir : unviolon,uneharpe,quelquesguitares,unsaxophone…Et,biensûr,lepiano,quitrônaitaubeaumilieudelapièce,àlaplaced’honneur.

—Alors…quelestleproblème?Évidemment,ilconnaissaitlaréponseàcettequestion.Mais,aprèsavoirpassédesannéesàcôtoyer

Wyatt,Quinnsavaitqu’enévitantlesujetElisenefaisaitquerepousserlemomentoùilallaitresurgir.—Jenepeuxpasresterdanscettepièce,Quinn.Jenepeuxpasmeretrouveraussiproched’unpiano

sanspouvoirjouer.—Quiaditquetunepouvaispasjouer?—Est-cequetuessaiesdefairedel’humour?grommela-t-elleensedégageant.—Certainementpas,mabelle.Mais ilexistedes tasdefaçonsde jouerdupiano.Et laperfection

n’estjamaisobligatoire…—Pourmoi,si,lâcha-t-elled’unevoixsidéterminéequ’ileneutlagorgenouée.Ellesedonnaittellementdemalpoursepersuaderqu’elleacceptaitlasituation,etlefaitdeneplus

jamaispouvoir jouercommeavant…Pourtant, ilpercevaitdanssavoix ladouleurqu’elleessayaitdedissimuler,etcelalerendaitmalade.

Souhaitant la réconforter sans savoir comment elle réagirait, il prit sonvisage entre sesmains.Sapeauétaitlégèrementhumide,justeassezpourconfirmeràQuinnqu’ellevenaitdepleurer.

Cetteseuleidéeluidéchiraitlecœur.Ilavaitenviedelaserrercontrelui,delaprotéger,delatirerdecevéritablecauchemar.Maisc’étaitimpossible.Ilnepouvaitrienàsasituationactuelle,toutcommeiln’avaitrienpufairepourempêchertoutcequ’elleavaitdûsubir,toutcequil’avaitblesséequandilsétaientgamins.Bonsang, il était lui-mêmepartie intégrantede sesproblèmes, et il s’efforceraitdenejamaisl’oublier.Des’assurerqu’ilneluicauseraitpasdenouveauxsoucis.

Page 74: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Ils’apprêtaitàs’écarterd’ellequandelleportalamainàsonvisagepourlaposersurcelledeQuinn.Àcetinstant,ilcompritqu’ilnepourraitplusfairemarchearrière.Cettefois,ilneseretireraitpasdujeu.Sonattirancepourelleremontaitàtellementlongtempsqu’ilnepouvaitserésoudreàl’abandonnermaintenant, alors qu’elle était aussi vulnérable et effrayée.Alors qu’elle avait besoin de lui aumoinsautantqueluiavaitbesoind’elle.

—Viens, ma belle, l’invita-t-il en glissant unemain autour de sa taille avant de l’entraîner verslepiano.

Elle luiemboîta lepas sans résister,mais il savaitque leschosesallaient secorserune foisqu’ill’auraitassisepourdebondevant leclavier.Et,commeprévu, lorsqu’il s’installaàcôtéd’elle sur letabouret,ellerefusatoutnetdeposerlesmainssurl’instrument.Elleallamêmejusqu’àcroiserlesbrassursapoitrine,gestederébellions’ilenétait.

Maisilsavaitaussisemontrerpatientsinécessaire,alorsilrestaimmobile,àattendre.Etàattendre.Etàattendreencore.

—Jeneveuxpas rester là,Quinn, finit-ellepar lâcherauboutdequelquesminutes. J’aimalà lamain.

Ilsesentitbête.Cruel,même.Maisildevaitlapousserdanssesretranchements.S’illalaissaitfairel’autruchemaintenant,elleferaitl’autruchepourtoujours.EtpuisEliseméritaitdefairedelamusiqueetdecomprendrequetoutn’étaitpascomplètementfichupourelle.

D’ungestedélicat,illuipritlamaindroiteetladéposadoucementsurlestouchesdupiano.Puisilplaçasapropremaingauchesurleclavieràlaplacedecelled’Elise.

—Joueavecmoi,chuchota-t-ilàsonoreille.Çafaitsilongtempsquejenet’aipasécoutéejouer…Joueavecmoi,Elise.Maintenant.

Ils’attendaitàunrefuscatégorique–refusqu’ilaurait tentédecontrer–,maiselleneditrien.Dumoinspastoutdesuite.Aulieudecela,elleappuyasurdeuxtouchesavecsesdoigtsfins,puissantsetsouples. Elle alla même jusqu’à produire deux accords… avant de s’arrêter net, laissant les notesrésonnerlonguemententreeux.

—Jenepeuxpas,Quinn.—Jevaist’aider,affirma-t-ilavantdejouerlesnotesd’ouverturedelasonate«Clairdelune»,de

Beethoven.Cegrandclassique, l’undesmorceauxlespluspopulaires,étaitaussi l’undesplusfacilesà jouer.

Elisepouvaittoutàfaitl’interpréterlesyeuxfermés,toutcommelui.Elleesquissaunsourirefurtifausondespremièresnotes,maissecontentaensuitedeleregarderen

écoutant.Celan’avait riend’unegrandeperformance,vuqu’ilne se servaitqued’unemain,maispasquestionpourluidecéder.Deluilaisseruneéchappatoire.Siellerefusaitdejouer,alorselledevraitseleveretquitterlapièce.

Ellenepritpaslafuite,maiscommençaàsouleversamainduclavier.Quinnl’enempêchaaussitôtenposantsapaumesursesdoigts,avantdelesramenerendouceursurlestouches.Jusqu’àcequ’ilsseretrouventàjouerlesnotes,ensemble.

Elisese raiditet tentadesedégager,mais il se tournaverselleetcherchasonregard.Sonregardbrisé,maismagnifique.Non,ilnelalaisseraitpasluiéchapper.

Il continua donc à jouer, ses doigts entremêlés aux siens, ses yeux rivés aux siens. De longuessecondess’écoulèrent,puissetransformèrentenminutes,maisenfin–enfin!–ellesemitàjoueraveclui. Il sentit alors lesminuscules ondulations des doigts d’Elise sous samain. Peu à peu, ses timidesmouvementss’affirmèrent,lentementmaissûrement,jusqu’àcequ’ellejoueàl’unissonaveclui.Bientôt,sesdoigtssemirentàdansersurlestouchescommesi,enfin,elleenavaitreprispossession.Toutcomme

Page 75: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

elleavaitreprispossessiondelui.À la fin du premier mouvement, il pensa s’arrêter, mais Elise poursuivit. Alors, ils enchaînèrent

ensembleledeuxième,puisletroisièmemouvement.N’exécuterquelamoitiédumorceauétaitàlafoisétrangeetassezexcitant.VoilàdesannéesqueQuinnn’avaitpasentenduElisejouercettepièce,etsonstyle avait évolué avec le temps. Jouer avec elle l’obligeait à anticiper sa façon de l’interpréter, et às’ajusterquandellefaisaitunmouvementauquelQuinnnes’attendaitpas.

Cequ’ellefitdetempsàautre.D’uncôté,ellenejouaitpasdelamêmefaçonaujourd’huiqu’àdix-septans.Del’autre,peut-êtreétait-cedûaufaitdejoueraveclui.Sansdouteessayait-elledelepousserpourvoircequ’ilferait.

Quinnsavaitqu’elles’attendaitàlevoirprendreledessusàunmomentdonné,àcequ’iltentedeluiimposersonproprestyle–lequelétaitplusbrut,moinsstyliséqueceluid’Elise–dansl’interprétation.Saufquec’étaitsonmorceauàelle,rienquepourelle,etilétaitbientropheureuxdelasuivreoùellel’entraînerait.

ContrairementauRachmaninovqu’ilvenaitdejouer,lasonate«Clairdelune»neseterminaitpastoutenpuissance,maisplutôtenunmurmurescintillant, telunbaiserfurtif…Et,alorsqueleursdoigtscaressaientlestouchesdupianopourjouerlesdernièresnotes,ladouceurdelamusiqueetdecemomentdegrâceletouchajusqu’aucœur.

Danslesilencequisuivit,Quinnnebronchapas.IlattenditdevoiroùEliseallaitl’emmener.Peut-êtredansleClairdelunedeDebussy?OupourquoipaslaLettreàÉlisedeBeethoven–autrepiècesimplissime ?Mais, là encore, Elise le prit par surprise en entamant leConcerto pour piano en lamineur deGreig. Pièce queQuinn avait toujours considérée comme l’une des plus sensuelles jamaiscomposées. Bien sûr, ses camarades de Shaken Dirty n’auraient pas été d’accord avec lui – commesouvent–,car,poureux,riennepouvaitêtreplussexyqu’unbongrosvieuxmorceauderock.

Ils se trompaient.Rhapsody inBlue, deGershwin, le «Duo des fleurs » de l’opéraLakmé ou leConcertono2pourpianodeRachmaninovcomptaientparmilesmorceauxlesplusvoluptueuxqu’ilaitjamais interprétés. Quant à ce concerto deGrieg… il battait tous les autres à plate couture. Et voilàqu’Elisesemettaitàlejouer.Aveclui.Pourlui.

Comme il ne l’avait jamais interprété sur scène– à cequ’il en savait, lespiècesdeGrieg étaientgénéralementmieuxjouéesparlesfemmes–ilneleconnaissaitpasaussibienqu’Elise.Autrementdit,unefoisencore,cefutellequimenaladanse.Illasuivitdebonnegrâce.Quitteàimproviserunpeudetemps à autre, ce qui la fit rire au début.Elle sembla apprécier les petites touches personnelles qu’ilintroduisaitdanscetteœuvremagistrale.

Maisalorsqu’ilsavançaientdanslemorceau,tandisqueQuinnprenaitlamesuredesonintensité,desaforce,lesourired’Elises’évanouit.Etenvoyantsonregards’assombrir,sespupillessedilater,Quinnsentitsonsangs’échaufferdanssesveines,etsonsexedurcitaupointdeluifairemal.

Eliseaussiétaittroublée,etcelasevoyait.Ellerespiraitdeplusenplusvite,etsesseinspointaientsous le coton léger de son débardeur.À présent, ses hanches ondulaient au-dessus du tabouret, et sesdoigtsondoyaientsurlestouchesavecunefébriliténouvelle.

Elleétaitmagnifique,sensuelleet tellementdésespéréequeQuinneut toutes lespeinesdumondeàmaîtriserlesboufféesdedésirquis’emparaientdelui.Alors,quandlegenoud’Eliseeffleuralesien,ils’obligea à détourner les yeux. Il se sentait si près de perdre le contrôle qu’il comprit que, s’il neparvenait pas à fixer sa concentration sur autre chose – les touches du piano, la musique, réciterl’alphabetensensinverse–,ilsn’allaientjamaisarriverauboutduconcerto.Dumoinspastantqu’ilnel’auraitpasplaquéecontrelemurpourluiarrachersaculotteafindelafairejouirunebonnedizainedefoisd’affilée.

Page 76: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Contretouteattente,cefurentsesdoigtsàluiquisemirentàtremblerau-dessusdestouches.Eliseluiadressaunregardencoin,àtraversseslongscilsrecourbés,unpetitsourireauxlèvres.Ellecontinuaàjouer.Toutcommelui.

Mais,àchaquenotequ’ilsproduisaient,l’airentreeuxsemblaitsesaturerdecettetensionqu’ilsnepouvaientplusdissimuler,ni l’unni l’autre.Quinnsesentaitfrémirdedésir.Et,danssa tête,danssoncœur,danssonâme,chaqueaccordqu’iljouaitdevenaitlenomd’Elise.Chaquenoteimploraitlajeunefemmedelelaisserl’enlacer,laserrercontrelui,luifairel’amour.

Lamusique,elle,continuaitdemonterenpuissance.Surcettepièce,pasdefinaleendouceur,pasdelentedériveverslenéant…Aucontraire,letroisièmemouvementétaitbouillonnant,effervescent,d’unesauvagerierenversante.Etlefaitdelejouerainsi,avecElise,attisaitenluilessentimentslesplusfous…

Etpuisellearriva.La touchefinale.Leursdoigtsseplantèrentunedernièrefoissur les touchesdupiano,leurscorpsvibrantaurythmedecedésirinterdit.Quinnavaitbeausavoirqu’ils’agissaitlàd’unetrèsmauvaiseidée,ilavaitbeausavoirqu’ilregretteraitdèslelendemaind’avoirlaisséElisereprendrepossessiondesonâme,ilneputseretenirdeluitendrelamain.Puisdelasouleveretdeluiarracherunvoluptueuxsoupiralorsqu’ill’asseyaitsurlui,àcalifourchon.

Page 77: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Chapitre11

Eliseétaitentranse.Depuisl’instantoùelleavaitentenduQuinnjouerdupiano,ellenesecontrôlaitplus.Les sons qu’il arrachait de l’instrument, cette façon qu’il avait de caresser les touches avec sesdoigtslongilignes,cettefaçondontsoncorpssetendaittoutensefondantdanslerythmeéveillaientenEliseundésirindomptable.

Et,àprésentqu’illatenaitcontrelui,àprésentqu’ill’avaitplacéeàchevalsurlui,elleledevinait–chaud,brûlant,dur–entresescuisses…Oh,elledut se retenirde l’implorer.De lesupplier…Voilàtellementlongtempsqu’ellen’avaitpasressenticela.Tellementlongtempsqu’ellen’avaitpaslaisséunhommeserapprocherd’elleàcepoint.

—J’aienviedetoi,Elise,ditQuinnd’unevoixrocailleuseettellement,tellementlascive.Jesaisquejenedevraispas.Jesaisquetuesblessée,etvulnérable,etladernièrechosequejedevraisfaireencemoment,c’estdetemettrelapressionpour…

Elle l’interrompit en posant ses lèvres sur les siennes. Il n’avait pas tort de se montrer aussiprévenant et attentif, ni de se comporter en gentleman, mais, franchement, elle n’avait aucune envied’entendre ce discours-là.Aucune envie du tout. Pour l’heure, tout ce qu’elle voulait, c’était le sentircontreelleetsedélecterencoredecettesensationd’êtreconvoitée,désirée.

Durantdelonguessecondes,Quinndemeuraimmobile.Etpuissoudain,commes’ilétaitpossédé,ilfitglissersesmainslelongdesbrasd’Elise,remontantverssesépaules,sanuque,sonmenton.Puisilpritsonvisageentreseslongsdoigtsdepianisteavantdeluicaresserlesjoues.

À son contact,Elise étouffaun soupir.Commeelle aimait sentir sesmains sur elle…Commeelleaimaitlesentircontreelle…

Quinn se contracta, et ses doigts se tendirent contre le visage de la jeune femme. Soudain, ce futcommesiunbarrageavaitcédé,etilperdittouteretenue.

Ilprojetaleshanchestoutcontreelleaumomentoùilplaquaitseslèvrescontrelessiennesavecuneforce inouïe.Alors, il la dévora avec une fougue à couper le souffle…Du bout de la langue, il vintembraserseslèvres.EliseneputréprimerungémissementdeplaisirdevantlachaleuràlafoisdouceetsauvagedeQuinn,quis’invitaitentreleschairsfiévreusesdesabouche.

—J’aienviedetoi,murmura-t-ildenouveauenpromenantseslèvreslelongdesesjoues,jusqu’àtoucherunpointsensiblederrièrelelobedesonoreille,qu’ilembrassaencoreetencore.J’aibesoindetoi.

Satêtetournait.Soncorpsn’étaitplusqu’unbrasierpartoutoùQuinnl’effleurait:sesmainscalleusescaressaientsonvisage,sontorsebrûlantetsculpturalsepressaitcontresesseins,etsescuissesfermesetmuscléesseplaquaientcontrelessiennes.Ellenecomprenaitmêmepascommentilétaitencorecapablede parler, alors qu’elle pouvait à peine aligner deux pensées à la suite… Encore moins articuler lemoindremot.

Ellevoulaitqu’illaprenne,là,toutdesuite,qu’illuiécartelescuissesetluifassel’amourtantquelamusiquebouillonnaitencoredanssesveines.Pourlesregrets,elleverraitplustard.

Page 78: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Carc’étaitQuinn.LebeauQuinn,sensuel,provocant…Quinnqui,derrièresesairsdedangerpublicetdedivinitésexuelle,cachaitenréalitéunvéritablegentleman.Et,quandilrefusad’allerplusloinquede sages baisers déposés en une pluie ardente le long de son cou,Elise comprit qu’elle allait devoirreprendre un peu ses esprits pour le rassurer. Parce queQuinn ne lui prendrait jamais quelque chosequ’ellen’étaitpasprêteàluioffrir.

Elle remonta lesmains le longdesondos toutencourbesmuscléesetplongea lesdoigtsdanssonépaissechevelure,touteninclinantlevisagepourluioffrirsanuque.

—Moiaussi,j’aienviedetoi,Quinn,articula-t-elledansunmurmure.Elleavaitpenséquecesmotsleconforteraient,qu’ilallaitluiarrachersesvêtements…Aucontraire,

ils’écartalégèrementetl’interrogeaduregard–desonregardnoircommelanuit.—Tuessûre?—Oui,dit-elleens’agrippantàsescheveuxpourtenterderamenerseslèvresverslessiennes.Voilàbienlongtempsqu’ellen’avaitpasconnuunetelleétreinte…Pluslongtempsencorequ’ellene

s’étaitsentieconsuméeparunteldésir.Enfait,toutcelaremontaità…àQuinn.Ellenes’étaitpassentieaussifiévreuse,aussiexcitéedepuis

ladernière–etunique–foisoùQuinnluiavaitfaitl’amour.Cetterévélationl’abasourdit.Lechocdutseliresursonvisage,carQuinnaffichasoudainunairpréoccupé.—Qu’est-cequinevapas,Elise?Tuveuxqu’onarrête?Ilposalesmainssurseshanches,prêtàlasouleverpourl’écarterdeluipourdebon.Orladernière

chose qu’elle voulait, c’était rater cette occasion d’être avec Quinn alors que ce serait peut-être laseule…Ou,dumoins,laseulepourlesdixannéesàvenir,àencroiresonexpérience.

Passantlesbrasautourdesoncou,ellel’attiracontreelleetdéposaunepluiedebaisersbrûlantslelongdesesjoues,contresabarbenaissante.

—Non,Quinn.Continue.Jet’enprie,continue…Elleétaiten transeà l’idéedeperdre lepeudecequ’ilétaitprêtàpartageravecelle.Alorselle

faufilalamainsoussontee-shirt,qu’ellerelevad’ungestefébrile.Pourleconvaincrequ’elleavaitenvied’allerjusqu’aubout.Plusqu’ellen’avaitjamaisvouluautrechose.

EllesentitalorslesmainsdeQuinnluiparcourirlentementledos,jusqu’àatteindresesépaules,oùellesdessinèrentdescerclesapaisants.

—Chut,mabelle…Toutvabien.Jesuislà…Jesuislà.Mais ce qu’elle voulait, là, maintenant, ce n’était pas être apaisée. Elle éprouvait un désir brut,

sauvage,pourQuinn,ettoutceàquoiellepensait,àcetinstantprécis,c’étaitauxmilleetunefaçonsdel’assouvir.Toutdesuite.

Plantantsesonglesdanssondos,elleplaqua leshanchescontre lessiennesenuneondulationsanséquivoque.

—Quinn,haleta-t-elle,jet’enprie…Jet’enprie,Quinn,j’aienvie…Lavoixd’Elises’évaporaenmêmetempsquelecalmedeQuinn.Ilavait toutfaitpoursemontrer

doux et attentionné, pour s’assurer qu’Elise savait où ils s’engageaient. Mais à l’instant même où ilentendit savoixsebriser,à l’instantmêmeoù lesonglesde la jeune femmevinrentseplanterdanssapeau,ilperdittoutcontrôle.

Glissantlesmainsdanssescheveux,ilattirasonvisageverslesien.Puisill’embrassaàenperdrehaleine.

Àenoublierquiilétait.Àseperdrecomplètementenelle.

Page 79: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Etce,jusqu’àcequ’ilsoitcertainqu’elleressentaitlamêmechosequelui.Ilvoulaitluifaireperdrelatête,lavoirseconsumerdedésirpourluiautantqu’ilseconsumaitpour

elle… Il voulait oublier le passé, oublier l’avenir…Oublier toutes les erreurs qu’il avait commises,touteslesraisonspourlesquellescelanepourraitjamaisfonctionnerentreeux.Ilavaitenviedes’enfouirenelle,delasentirjouirentreseslèvres,soussesdoigts,autourdesonsexe,delafairejouirjusqu’àépuisement…Etderecommencer.

Voilàdixansqu’ilse languissaitd’elle.Et,cesoir, ilavait l’intentionderattraperchaquesecondeperdue.

Ilavaitenviede fairedurer leplaisir,demontreràEliseàquelpoint ilavaitenvied’elle,àquelpoint elle était belle, précieuse et unique à ses yeux…Mais elle ne semblait pas l’entendre de cetteoreille.Enfonçantbrutalementlesdoigtsdanssescheveux,ellepoussaungémissementdedésir,brefetintense.

Cesimplehoqueteutraisondesesdernierseffortspoursecontenir.IléveillaenQuinndespulsionssiprimitivesqu’ilfutsoudainincapablederéfléchirnormalement,derespirernormalement.Réprimantàpeineunrugissementdeplaisir,ilrefermalabouchesurleslèvresd’Eliseetsemitàmordillersachairdouceetsuave.

Ellegémitencore,etcepetitcrisauvagel’excitaplusencore.Ilenprofitapourprendrepossessiondesalangue,commeilavaitenviedeprendrepossessiondesoncorps.Pourlécher,sucer,sedélecterdelasaveursucréedesapeau,desonodeurdemieletdefraisesauvage,desespetitssoupirsétouffésquitrahissaientsondésirpourlui.

Quand il n’en put plus, quand le besoin de la faire crier devint plus fort que tout,Quinn desserrabrusquementsonétreinte.Ellesoupiraviolemmentetluttapourleramenercontreelle.

Biensûrqu’ilsnepouvaientpasenresterlà.Biensûrqu’ilsiraientplusloin.Jusqu’aubout.—Lissy,madouce,j’aitellementenviedetoi,souffla-t-ilenluiôtantsondébardeurtoutenprenant

soindenepasmalmenersamainblessée.Elleportaitunsoutien-gorgeensoierose,et,pendantuneseconde, ilsecontentade lacontempler.

Elleétaitsibelleainsi,sespetitsseinsdressésverslui…Lesoufflecourt, ilsepenchaversellepourdéposerunbaiserbrûlantsursapoitrine,puispourpromenersalangueautourdesestétons,àtraverslasoiefine.

Avecunsoupir,ellesecambrabrusquement,commepourl’implorerensilencedecontinuer.Illevales yeux pour mieux l’admirer et faillit jouir là, tout de suite, tout habillé. Il y avait quelque chosed’obscèneà lavoir si belle, àmoitiénue, les cheveuxendésordre, son soutien-gorgemouillé sur sestétons.

Il dut serrer les poings pour contenir le désir qui incendiait chaque cellule de son corps. D’unecertainefaçon,ilauraitaiméquecetinstantduretoujours:Elise,àchevalsurlui,luioffrantsanspudeursoncorpsàdemidévêtu.

Saufqueseshormonesavaientprévuautrechose.Etqu’iln’avaitpasl’intentiondeluttercontreelles.Àprésent,ilvoulaitvérifiersilapointedesesseinsétaittoujoursdecettecouleurframboisequ’ilavaitgardée enmémoire. Sans attendre, il dégrafa son soutien-gorge et, en un rien de temps, il le jeta par-dessussonépaule.

Commeelleétaitbelle!Absolumentexquise.Durantde longuessecondes, il fut totalementcaptivépar son teint de porcelaine, par ses petits seins rebondis et leurs pointes couleur framboise qui sedressaientverslui.

Elisenebronchapassoussonregard,maisilentendaitsarespirationsaccadée,ilsentaitsafaçondesedéhanchercontrelui…Elleenvoulaitplus,bienplus,etilétaitbiendisposéàleluioffrir.

Page 80: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Retenantsonsouffle,ilpromenasalangueautourd’undesestétons,puisdel’autre,lesagaçant,lessuçotanttouràtour,jusqu’àcequ’ellecriesonnom.

Etcen’étaitqu’undébut.Lecœurd’Elisebattaitsifortqu’ellecruttomberensyncope.—Quinn,s’ilteplaît…,murmura-t-elleenparcourantsontorsebrûlantduboutdesdoigts.Il allait la rendredingue, littéralement…Maiscommentarrivait-il à lamettredansun tel état rien

qu’enposantseslèvressursesseins?—Qu’ya-t-il,madouce?demanda-t-il encouvrant sapoitrinedebaisersenflammés.Dis-moice

donttuasenvie.—J’aienvie…(Savoixsebrisaunenouvellefois.)J’aienviedetoi,Quinn…Ilesquissaunsourireespièglequilerenditplusdésirableencore.—Jesuislà,mabelle.Jesuislàpourtoi.Ilrecommençaàtitillersesseinsdebaisers,àlamordiller,àlasucerjusqu’àluifaireperdrelatête.

Jamais elle n’avait éprouvé un désir aussi brûlant. Une envie suffocante dont elle n’aurait même passoupçonnél’existence.

—Quinn,jeveux…—Quoi,mabelle?susurra-t-ilenlasoulevantlégèrementdevantlui.Qu’est-cequetuveux?Lesentir s’écarterd’elle la fitgémir,mais ilposaunemainaucreuxdeses reinsalorsqu’elle se

redressait.Elle était excitéeaupointque ses jambes laportaient àpeine.SiQuinnn’avaitpasété làpour la

soutenir, elle n’aurait probablement pas tenudebout…Mais il était là, enlaçant sa taille, baissant sonpantalondeyogaetfaisantglisserlentement,trèslentement,saculottelelongdesesjambes.

Illadéshabillaitsanslaquitterdesyeux.Commepourguetterlemoindrerefusdesapart.Biensûr,ellenecomptaitpasdutoutl’arrêter,àprésentqu’elleétaittoutprèsdel’accueillirenfinenelle…

Dèsqu’ellefutnue,ill’installasurletabouretetcalasondoscontrelepiano.Sansunmotdeplus,ils’agenouilladevantelleetluiouvritlesjambes.

ElisefrémitaucontactdelapeaudeQuinnentresescuisses,etàl’idéed’êtreentièrementàsamerci.Cen’étaitpaslapremièrefoisqu’ellefaisaitl’amourdepuisqueQuinnl’avaitabandonnée,maisjamaisellenes’étaitexposéeàcepointàunhomme.Et,malgrécettepetitevoixaufondd’ellequiluisoufflaitdetoutarrêter,queQuinnallaitdenouveauluibriserlecœur,ellesesentaitincapabledeserefuseràlui.

Elle ne dit pas unmot, et pourtant Quinn semblait avoir compris. Car il la regardait patiemment,commes’ilattendaitqu’elleaitenfinlecouragedeleregarderdanslesyeux.

—Çava?articula-t-ild’unevoixdéforméeparledésir.Cesdeuxmotssuffirentàraviversonexcitation…Quinnsemblaitaumoinsaussibouleverséqu’elle

parcequ’ilsétaienten trainde faire. Ilavaitbeauêtreunerockstar,partagerson litavecunefemmedifférentechaquesoir,ehbien,cesoir,ilétaitàelle.Cesoir,c’étaitbiend’ellequ’ilavaitenvie,etnond’unegroupieanonyme.

Ellen’allaitplustenirtrèslongtemps.—Oui,répondit-elledansunsouffletoutenluicaressantlajoue.UnsourireilluminaalorslevisagedeQuinn.Unsourirequilafitchavirer.L’instant d’après, il vint poser la langue sur son ventre, qu’il parcourut lentement, très lentement,

encerclantsonnombrilavantdedescendresursonclitoris…Oh,pourvuqu’illaprenneavecsabouche!Maisjusteàl’instantoùellepensaitqu’ilallaitglissersalangueenelle,justeaumomentoùellese

croyaitauborddel’orgasme,ils’arrêtanetetcherchasonregard.

Page 81: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

—Dis-moi,Elise.Dis-moicequiteplaît…Tuveuxquej’yailledoucement,lentement?demanda-t-ilenlatransperçantdeceregardnoir,mystérieux,envoûtant.

Pourponctuercesmots,lalanguedeQuinnsepromenalangoureusemententrelesreplisdesonsexe.—Outupréfèresviteetfort?(Ilfitroulerlapointedesalangueautourdesonclitoris.)Ouencore

lentetprofond?Ilglissasesmainssousleshanchesd’Elisepourlasouleveretvenirglissersalangueaucreuxdeson

sexe.Elisepoussauncriensentant sa langues’insinuerenelleet secambra instinctivementpourmieux

s’offriràseslèvres.—C’estçaquetuaimes,mabelle?demandaQuinn.Tuveuxquejeglissemalangueentoi?Ellesentaitsonsoufflechaudcontresachair.—Oui,Quinn.Ohoui,jet’enprie!s’entendit-ellerépondre.De toute façon,elleétait tropen transepouréprouver lamoindregênefaceà l’impudeurdontelle

faisaitpreuve.Elleavaittropenviedeluipourpenseràautrechosequ’auplaisirqu’ellesentaitmonter,monter,monterduplusprofondd’elle-même.

Quinn eut un petit rire qui l’électrisa, puis il ramena enfin sa langue vers le centre de son désir,continuant à lui prodiguer la plus intime, la plus profonde des caresses. Jusqu’à la faire trembler deplaisir.

Maisjusteaumomentoùellesentaitl’orgasmeapprocher,justeaumomentoùellepensaitatteindrel’extase,ilretirasabouche.Etlalaissaainsi,àl’agonie,alorsquechaquecelluledesoncorpsréclamaitladélivrancequ’ilrefusaitdeluiaccorder.

—Quinn!s’écria-t-elle.Oh,Quinn,j’aitellementenvie…Lesmotssebousculaientdanssonesprit,maisilavaitvisiblementcompris.Carilrecommençaàla

lécher consciencieusement, délicatement. Mais, cette fois, il usait langoureusement de sa langue, ill’effleuraitdoucementdeseslèvres.

Oh, commec’était bon !Elise se cambra tellementpour accentuer ses caressesqu’ellemanquadetomber du tabouret.MaisQuinn refusait de lui laisser le contrôle, il refusait de lui laisser faire autrechoseque recevoircequ’ilavaità luioffrir.Desesmains fermesetchaudes, il la ramenadoucementverslecentredutabouret.

Inlassablement,ilcontinuadepromenersalanguelelongdesonsexeetsursonclitoris,alorsqu’unenouvelledéferlantedesensationss’emparaitd’elle.Lesoufflecourt,elles’agrippaàluiplusquejamais,craignantdenepassurvivreàcedéchaînementdeplaisirquilaterrassait.

Unefoisencore,ill’amenajusqu’auborddel’extase.Et,unefoisencore,ils’interrompitaumomentcritique.Elles’agrippadenouveauàsescheveux,plongéedansunetransesipuissantequ’elleremarquaitàpeineladouleurlancinantedanssamainblessée,ettirasurlesmèches,sedélectantdugrognementquepoussaQuinn.

—Bonsang,fais-le!ordonna-t-elleenfaisantondulerseshanchesau-dessusdesabouche.Ellelesentitsourirecontresonsexe.—Fairequoi?demanda-t-ilenglissantunefoisencoresalangueenelle.—Tulesaistrèsbien!l’implora-t-elle.—Non,jen’ensuispassûr,répondit-ilenlataquinantd’uncoupdelangue.Pourquoinepasmele

demanderclairement?—Quinn,jet’enprie!—Elise,jet’enprie!déclara-t-ilsurlemêmetonentredeuxnouveauxcoupsdelangue.Unenouvelleondedeplaisirmontaenelle,maisQuinnrefusaittoujoursdelafairejouir.Finalement,

Page 82: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

quandellen’enputvraimentplus,quandleplaisirdevintintenseaupointdesechangerendouleur,ellecraqua.

—Fais-moijouir,Quinn.Jet’enprie,fais-moijouir…UnsoupiranimalfranchitleslèvresdeQuinnalorsqu’ilpétrissaitseshanchesdesesmains.L’instant

d’après, d’une caresse de la langue autour de son clitoris, il la propulsa aussitôt vers un orgasmevertigineux. Il poursuivit son exquise torture englissant deuxdoigts dans son intimité, et unenouvelledéferlantevints’abattresurelle.

Maisiln’enavaitpasfiniavecelle.Il se redressabrièvementpour fairepasser les jambesd’Elise autourde ses épaules et lui écarter

encorelescuisses.Puisillevalesyeuxverselle,ladévisageantlonguement.Trèslonguement.—Quinn…Qu’est-cequetu…—Chut,murmura-t-ilavantdedéposerunbaiserlangoureuxsursonsexe.Laisse-moim’occuperde

toi,madouce.Elleémitunhoquetentrelerireetleslarmes.—Maisjecroyaisquec’estcequetufaisaisdéjà…Ellelesentitsouriretoutcontreelle.—J’airêvédecemomentpendantdesannées.Alorscrois-moi,cen’estqu’undébut,mabelle.Àcesmots, ilprononçaquelqueschuchotementsaussisibyllinsqu’oséstoutcontresonsexe.Avant

qu’ellepuissesaisirlesensdesesparoles,ilrefermaseslèvresautourdesonclitoris,qu’ilrecommençaàsucer.

Ellejouitdenouveau,violemment.Soncorpsfutsecouéd’unesériedespasmesqu’ellen’avaitpasdutoutsentisarriver.Àboutdesouffle,incapabledepenser,elleneressentaitplusquelescaressesdeQuinntoutenattendantdevoircequ’ilcomptaitencoreluifaire.

Unplaisirfous’abattitsurelle,envaguessuccessives.L’intensitédesessensationsétaiteffrayante,ellequiavaitpassél’essentieldesavieàétouffertoutesensation,toutsentiment,touteémotion.Etcettedébauche soudaineétait tout simplement suffocante.Bouleversante.AussibouleversantequeQuinn.Leplaisir qu’elle éprouvait était si intense, si brut, si impérieux… qu’elle ne pouvait s’empêcher de lecraindre,desesentirentièrementàsamerci,dépourvuedetoutcontrôle.

Uncontrôlequ’elles’efforçaderetrouver,pendantunelonguelutte.MaisQuinnnesemblaitdécidéànepasluilaisserlemoindrerépit.Inlassablement,ilcontinuaitàpromenersalanguechaudeethumideentre les replis de son sexe, autourde son clitoris, jusqu’à la fairedenouveau se cambrerdeplaisir.Impossiblede luiéchapper.Avecsesmains robustesdepianiste, il lamaintenait fermementassisesurletabouret.

LedésirseréveillaenElise,avecardeur,avecviolence.Ellenesavaitquefaire.Elleallaitvraimentperdre la tête,perdre toutcontrôle,perdrepeut-être soncœur, ici,maintenant…Maisellen’ypouvaitrien. Méticuleusement, Quinn était en train d’anéantir la muraille qu’elle avait passé des années àconstruireentreelleetlerestedumonde.

Cette seule idée la terrifia, et, pour la première fois, elle tenta de repousser les assauts du jeunehomme.

—Quinn…Arrête,jenepeuxpas…—Si,tupeux,l’interrompit-ild’unevoixaussimélodieusequerugueuse.Et,soussonregardbrûlant,ellesentitchaquecelluledesoncorpsseconsumerd’undésirinfernal.Salangue–aventureuse,sublime,sauvage–continuadel’explorer,passantdecaressessaccadéesà

des ondulations plus longues, plus langoureuses… De nouveau, Elise sentit un orgasme inéluctable,irrépressible,monterenelle.Avecsesdents,avecsalangue,avecseslèvres,Quinncontinuaitd’attiser

Page 83: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

enelleleplusintensedesplaisirs,irradiantinlassablementchaqueporedesoncorps.—Regarde-moi!ordonna-t-ilsoudain.Elleouvritaussitôtlesyeux.Etcequ’ellelutdanslanoirceurabsoluedeceuxdeQuinnachevade

saboter les défenses qu’elle avait passé toutes ces années à ériger. Entre eux, il ne s’agissait passeulementdesexe,passeulementdebrèvesretrouvaillesentredeuxanciensamants.Ils’emparaitd’ellecorpsetâme, lamarquaitaufer rouge,exigeaitd’elleplusqu’ellen’avait jamaisdonnéàpersonne. Ilfaisaitensortequ’ellenepuisseplusjamaisl’oublier.

Rienqued’ypenser,ellepoussaunlonggémissementquirésonnadanstoutelapièce.Quinnseraiditdetoutsoncorps.Insinuantunemainentresescuisses,ilglissad’abordenelleundesesdoigtslongsetcalleux, puis deux. Il trouva très vite le centre de son désir, qu’il titilla longuement, inlassablement,jusqu’àlafairecrier:«Encore,Quinn,encore!»

Et, alors qu’elle était certaine qu’il allait arrêter là son exquise torture, elle fut terrassée par unnouvelorgasme…Quinnenfouitdenouveausalangueenelleetgrognadeplaisirensentantsesmuscleslesplusintimessecontracterautourdelui.

Incapabled’articulerlamoindreparole,ellecessadepenser,debouger.Quinnétaitlà,entraindeluifaire l’amouravecsabouche,avecsesdoigts,avecsa langue, luiprocurantorgasmeaprèsorgasme…Encoreetencore.Pluselleprenaitduplaisir,etplusilsemblaitdéterminéàluiendonner.Toujoursplus.

—Quinn,non!finit-ellepararticuler,pantelante.Ilfallaitquecelas’arrête.Ildevaitarrêter.Carellen’allaitpassurvivreàunautre…Il éclata d’un rire sonore, profond, qui la brûla au plus profond d’elle-même. Puis il glissa de

nouveausalangueenelleet,presquetranquillement,illatransportadenouveauversleplaisirultime.—Elise, je n’arriverai jamais àme rassasier de toi,marmonna-t-il entre deuxnouveaux coupsde

langue.Jenemelasserai jamaisde teregarder t’abandonnerentremesbras.Jepourraispasser lanuitentièreàtemanger.

—Quinn,s’ilteplaît,jenevaispaspouvoir…—Si,tupeux.Unefoisencore,ilinsinuasalangueentresesreplissoyeux.Unefoisencore,ilglissasesdoigtsen

elle,jusqu’àluifaireperdrelatête.Unefoisencore,illapropulsadansl’extaselaplusabsolue,etellel’implora,àboutdesouffle,delaprendresansplusattendre.

Enfin–oui,enfin!–,alorsqu’elleétaitauborddel’évanouissement,Quinnrepoussasesjambesdesesépaulespourlesreposerdélicatementsurletabouret.Puisilserelevaetlaregarda,offerte,là,contrelepiano.

—Jen’enpeuxplus,dit-elled’unevoix rauqueavantdepasser la langue sur ses lèvresdansunetentativedésespéréed’apaisersasoif.Quinn,s’ilteplaît,fais-le.

—Fairequoi?demanda-t-ilenluirelevantlementonpourl’obligeràleregarderdanslesyeux.—Prends-moi,Quinn.Prends-moi…Laprièretremblanted’EliserésonnalonguementenQuinn.Ilenfrémitdesoulagement.Unepartiede

luiseseraitcontentéedepassertoutelanuitlevisageentresescuisses,àlafairejouirencoreetencore,jusqu’àluifaireoubliersadouleurd’avoirperduEllington,sonaccablementdevantsacarrièrebriséeetsonangoissefaceàl’avenir…

Maisvoilàqu’ellel’implorait,qu’ellelesuppliaitdelaprendre,là,toutdesuite.Etiln’avaitjamaissuluidirenon.Mêmeàl’époqueoùilpassaitsontempsàluijouerdestourspourleseulplaisirdelafairesortirdesesgonds,iln’avaitjamaissuluirefuserquoiquecesoit.Cesoirnonplus.

D’autantqu’elleétaitlà,soussesyeux,offerte,magnifique,lesjouesrosiesparledésir.Àvraidire,

Page 84: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

iln’avaitjamaisrienvud’aussibeau:Eliseofferte,là,contresonBösendorfer.Alorsqu’elleétaitcambréeau-dessusdes touches, ses seinssemblaient sedresservers luicomme

pourattendresesbaisers,etseslongscheveuxbrunsflottaientau-dessusducouvercle.Retenantsonsouffle,ilpromenaundoigtsursalèvreinférieure,justepourleplaisirdelatoucher.De

lavoirentrouvrirlaboucheetfermerdoucementlesyeux.Mais,sanspouvoirs’enempêcher,ildescenditlamainlelongdesoncou,desesseins,desonventre,jusqu’àatteindredenouveausonclitoris.

Toutenondulantdeshanchespouraccentuersacaresse,Elisepoussaunlongmiaulement.Oh,commeilaimaitlavoirréagiraussivite,aussifort,àchacunedesescaresses!

Cettefois,c’enétaittrop…Ilrécupéraunpréservatifdanssonportefeuilleetôtasonjean,qu’iljetafébrilementàterre,avecungrognementbestial.Lesoufflecourt,ilenfilalaprotectionenlatexenunclind’œil,puisse jetasurElise.Sansplusattendre, ils’engouffradanssachaleurhumideenunvigoureuxcoupdereins.

Les touches du piano résonnèrent de notes discordantes qu’il entendit à peine, alors qu’Elises’agrippait avidement à lui.Elle était si douce, brûlante et accueillante, que, un instant, il crut ne pastenir;ileutpeurdejouirsur-le-champ,avantmêmedeluiavoiroffertundernierorgasme.

Serrant les dents, il s’efforçade reprendre le contrôlede l’exquise sensationqui affluait dans sonbas-ventre.MaisEliserecommençasespetitsmiaulements,plantaunemaindanssescheveuxetpassasesjambesautourdesataillepourmieuxl’accueillirenelle.Ilcompritqu’ilavaitatteintleslimitesdesapatience.

Ils’enfonçaprofondémentenelle,prenantappuisurlepiano,sansjamaislaquitterdesyeux.Ilavaitpassédixansà ressasser laseuleetuniquefoisoù il luiavait fait l’amouret, s’ilne regrettaitpasdel’avoir quittée à l’époque – c’était la seule façon de la protéger –, il comptait bien savourer chaquesecondedecettenouvelleétreinte…Chaquesecondeoùillasentiraitvibrerainsientresesbras,ondulerdeshanchespourmieuxlerecevoir.

Inlassablement,ilallaitetvenaitaucœurdesachaleursatinée,jusqu’àsentirlefeudeleurpassionleconsumer. Le plaisir qui embrasait chaque cellule de son corps était au moins aussi intense que lessentiments qui s’emparaient de son âme. Il avait besoin, vraiment besoin, de se libérer de toute cettetension…Maisunepartiede luimouraitd’enviedecontinuer à lui faire l’amour,de rester ainsipourtoujours,soncorpsemboîtédanslesiendanslaplustorridedesétreintes.

Des perles de sueur dévalèrent son torse, son dos, mais il refusait de s’arrêter. Ivre de désir, ilaccentuasonva-et-vient,encoreetencore. Ilnevoulait riend’autrequ’entrerenelle lepluspossible,aller plus loin encore que son corps, effacer les ombres du passé, et toute cette noirceur qui s’étaitabattuesureux,dixansplustôt.

Sesbrasentremblaient,ilétaitàbout,maisnon,ilfallaittenirencoreunpeu…Pantelante,gémissante,Elisesecontractaitdeplusenplusautourdeluiàchaquecoupdereins.Elle

plantaitsesonglesdanssondos,sesdentsdanssesépaules.Pourtant,ilnelalâchaitpas.Maisquand,lesjambespasséesautourdeshanchesdeQuinn,elles’accrochaàluidetoutessesforces,ilcompritqu’iln’allaitplustenirlongtemps.Eliseétaittropexquise,tropbelle,tropparfaite.

Enfouienelle,auplusprofondd’elle, il sentit soncorpsgracilesecouéd’unspasmepuissant,unesensation si intense qu’elle l’inonda tout entier et eut raison de sa volonté de résister encore un peu.Emporté par le plaisir, il fut à son tour propulsé dans un endroit où plus rien n’existait, sinon lajouissanceetladouleurd’êtredenouveauavecElise.

Lefeucourutaucreuxdesesreins,sepropageaauniveaudel’aine,remontaverssonventre,sondos,luienserralapoitrine.Aupicdel’extaseetdel’agonie,desondesdouloureusesletraversèrentdepartenpart…Enfin,ilselaissaaller,complètement,enelle.

Page 85: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Oui,pourlapremièrefoisdepuisdixans,alorsqu’Elisel’enserraitdetoutessesforcesavecsesbrasetsesjambes,ils’abandonna.Pourdebon.

Etpourl’heure,letempsdecemomentmagique,suspendudansletemps,c’étaitsuffisant.

Page 86: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Chapitre12

Peuàpeu,Eliserevintàelle.Detempsentemps,soncorpsétaitencoreparcourud’unsoubresaut.Jamaisellen’aurait imaginéque lesexepuisseserévéleraussigratifiant.Jamaisellen’aurait imaginéquequoiquecesoitpuisseêtreaussigratifiant.Aussi indécent,bouleversantetexquisà la fois.Àunmoment,elleavaitcrumourirdeplaisir.

Quinnétaitencoresurelle,enelle,etellepritsoudainconsciencedelasurfaceduredupianocontresondos.Pourtant,ellen’avaitaucuneenviedebouger.C’étaitsibondetenirencoreQuinnentresesbras,d’êtreelle-mêmedanssesbras…

Comme c’était étrange !Quand elle avait dix-sept ans et qu’il l’avait embrassée pour la premièrefois,elleavaitressentiexactementlamêmechose.Enfin,évidemmentpascettelangueur,cettesensationentre les cuisses, avec son sexe encore contracté autour du corps musculeux de Quinn, mais cetteimpressiond’euphorie,d’impatience,d’appréhensionétaitexactementlamême.

Pendantuneseconde, justeune,elleenvisageaderepousserQuinn.Dereprendresesesprits,deserhabilleretdenepasluilaisserentrevoircettefragilitéenelle.Saufque,lorsqu’ilrapprochasonvisagedusienpourcapturersabouche,ellesedélectadeseslèvresquiavaientencorelegoûtd’elle…Ellesesentitfondredenouveau.

Certes,lasituationétaitproblématique,maiselleauraittoutleloisirdes’ensoucierplustard,quandQuinnneseraitplusenelle.

—Jesuisentraindet’écraser,murmura-t-ilens’écartantdoucementd’elle.—Non!s’écria-t-elleenleretenantbrusquementparlesépaules,quitteàavoirl’airpathétique.Malaudosoupas,pasquestiondeseséparerdelui.Pastoutdesuite.Pasalorsqu’ellepassait,selon

toutevraisemblance,sesderniersmomentsaveclui.—Jesuisbiencommeça,insista-t-elle.Quinnlevalesyeuxverselleetl’interrogeadeceregardnoirquisemblaitlapercerbienau-delàde

cequ’elleétaitprêteà luimontrer.Mais ilseredressadoucement,glissant lesmainssousseshanchespourl’aideràsereleveràsontour.

Elle ne put réprimer un petit gémissement à l’idée que cette intimité qu’ils venaient de partagerprenaitfin.

Mêmesicen’étaitpasgrave.Ellen’attendaitriendeQuinn,etsurtoutpascela.Certes,ellen’auraitpasrechignéàunedernièreétreinteaprèsl’amour,mais,aprèstout,ladernièrefoisqu’ilsavaientcouchéensemble, ne l’avait-il pas laissée en plan juste après ?Pourquoi les choses seraient-elles différentesaujourd’hui?

—Eh,luidit-ilaprèss’êtreretiré.Àquoiest-cequetupenses?Elle soupiradedépit.Quinn avait été si fougueux, si fort, si bouillonnant en elle, qu’elle avait eu

l’impression que leurs corps étaient faits pour s’assembler. Mais les hommes n’appréciaient pas lespartenairestropencombrantes,surtoutunhommecommeQuinn.Alorselles’efforçad’afficherunsouriretoutenlelibérantdesesjambesetenseredressantlelongdesoncorpslongiligneetmusclédedieudu

Page 87: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

rock.—Jemedisaisquetut’esamélioréavecletemps,répondit-elleenrejetantsescheveuxenarrière.Ilritetsedébarrassadupréservatifusagé.—Ahoui?Ehbien,c’estvraiquelesgarçonsdedix-septansnesontréputésnipourleurcapacité

d’endurancenipourcelledefaireface.Malgréelle,Elisesentitsonsourires’effacerinstantanément.Quinncompritalorslamaladressede

sesparolesetproféraunjuron.—Bonsang,Elise,cen’estpascequej’aivouludire!—Jesais.Pourtant, c’était la vérité.À l’époque, ils avaient à peine fini de faire l’amour – disons plutôt de

«baiser»–queQuinnavaitquittélelitpourserhabiller.Quelquesminutesplustard,aprèscettefunestebagarre,ilavaitfranchilaportesansseretourner.Ellenedevaitsurtoutjamaisoubliercela.

Jamais.C’estpourquoi,gardantbiencesouveniràl’esprit,ellesepenchapourramassersesvêtements.Se

retrouver là,nue,àavoircetteconversation lamettaitmalà l’aise.Oh, seshabitsne luiprocureraientqu’unearmuredefaçade,maiselleenavaitbienbesoin.

Sauf que, manifestement, Quinn avait d’autres projets. Alors qu’elle s’emparait de sa culotte –laquelleavaitmalencontreusementatterrisurlaharpeàl’autreboutdelapièce–,ilvintlaprendredanssesbrasetdéposaunepluiedebaisersaucreuxdesoncou,avantdelaporterverslecouloir.

—Tuasfaim?demanda-t-ilensedirigeantverslacuisine.Depassagedanslesalon,ils’emparad’unplaidsurlecanapé,qu’ilparvintàenroulerautourd’elle

sanspourautantlafairetomber.Elises’apprêtaità répondre«non»mécaniquement,maiselles’aperçutqu’elleavaitbienunpetit

creux.— À vrai dire, je meurs de faim, avoua-t-elle au moment même où son estomac se mettait à

gargouiller.Quinnsemità rire,puis ladéposa surunechaisede lacuisine,avantde sedirigervers l’évier–

toujoursentenued’Adam–,oùilselavalesmains.Elleneputs’empêcherd’enprofiterpourlorgnersesfesses.

— Qu’est-ce que tu veux manger ? demanda-t-il en la regardant par-dessus son épaule. Maisattends…Jerêveoutuesentraindeterincerl’œil?

Ilparlaitavecundemi-sourireentendu,maisellesecoualatêteens’efforçantdesoutenirsonregard.Pasquestiond’admettrelavéritédevantlui.

—Jemedemandaisjustecequit’avaitpousséàtefairetatouersurlesfesses.—Comment?fit-ild’unevoixfaussementscandalisée.Ilyauntatouagesurmesfesses?Comment

unechosepareillea-t-ellepuarriver?Ellelevalesyeuxauciel.—Heureusementpourtoiquetusaisàpeuprèsjouerduclavier,car tuauraisfaituntrèsmauvais

acteur.Pourtouteréponse,ilsouritpuisfronçalessourcils.—Alors,tucomptesmeledire?—Tedirequoi?—Pourquoituasdesétoilestatouéessurlesfesses?—Cenesontpasn’importequellesétoiles,machérie.Ils’agitdelaGrandeOurse.—Non…Sérieux?

Page 88: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

—Non,passérieux!Pourquelgenredeloserest-cequetumeprends?s’esclaffa-t-ilenouvrantleréfrigérateurpourensortirdesœufs,dufromage,despoivronsetdesoignons.C’estlaconstellationdelaLyre.Oude la harpe, si tu vois ceque je veuxdire.Mais tu peux remercierRyderpour ceputaindetatouage.Un soir, on s’était pris une sacrée cuite.C’était bien avant qu’on devienne célèbres. Et il aréussi à nous convaincre que l’on devait tous se faire tatouer une constellation différente. Pour nousporterbonheur.

—Pourquoidesconstellations?Curieusement,cettebrèveincursiondanslaviedeQuinnluifitoubliersonembarraspost-coïtal.—Çareprésentaitnotreobjectif:brillercommedesétoilesaufirmament,tuvois,dit-ilenhaussant

les épaules.C’est très bête,mais, comme je te le disais, on était très soûls, etRyder a toujours su semontrertrèspersuasif.

—Jenetrouvepasçabête.Etpuisçaamarché,non?—Mouais,sansdoute,murmura-t-ilavecunpetitrire,danslequelelleperçutunautresentiment–un

soupçond’amertume.—Bon,reprit-elleentraversantlacuisinepourvenirpasserlesmainsautourdelatailledeQuinn.Si

jeteprometsdenerienrévéleràRollingStone,tumedistout?—Maistedirequoi?marmonna-t-ilenlalaissantl’enlacer.—Lequeld’entrevouss’estvraimentretrouvéavecuntatouagedelaGrandeOurse?Cettefois,leriredeQuinnsefitgrinçant.—Micah,biensûr.Iln’yaqueluipourêtreassezconpourça…—Jenel’aipasencorerencontré.NiWyatt,d’ailleurs.—Non.Lemotcingla l’air, tranchant,maisQuinnn’enditpasplus.Ensilence, ilsemitàcasserdesœufs

dansunsaladier.Évidemment,Elise avait envie d’en savoir plus,mais il avaitmanifestement choisi de se refermer

comme une huître. Ce qui était assez étonnant, vu combien il avait eu l’air détendu et heureux en laprésencedeRyderetdeJared.Maisellen’allaitpaslebrusquer.Enl’occurrence,Quinnsemblaitsurlepoint de frapper quelque chose. Voire de s’effondrer en larmes. Et puis, avec Google, Elise n’auraitbesoinquedequelquesclicssurInternetpourtrouvertoutcequ’ellevoulaitsavoirsurShakenDirty.

Biendécidéeàchangerdesujetetàluifaireretrouverlesourire,elledéposaunepluiedebaiserssurlehautdesondos.

—Bon,ettucomptesm’expliquercequelesautressignifient?Illaregardadenouveaupar-dessussonépaule,sanss’arrêterd’émincerlespoivrons.—Qu’est-cequimevautcetintérêtsoudainpourmestatouages?—Jenesaispas…Peut-êtrequ’ilsmeplaisent.—Ahoui?—Ouais,admit-elleens’humectantleslèvresavantdedétournerlesyeux.Jelestrouvesexy.Quinnseretournaetl’enlaça.Ill’embrassasilangoureusementqu’ellecrutdenouveauperdrelatête.

Etça,c’étaitavantqu’elleserendecomptequ’ilavaitdéjàuneérection.—Tusaiscequemoi,jetrouvesexy?demanda-t-ilavecsonregardperçant.Elisecrutavalersa langue.Pasétonnantque lesfemmesdumondeentiersepâmentdevantShaken

Dirty.QuandQuinnlaregardaitdecettefaçon,elleavaitenviedelesupplierdelaprendre,là,toutdesuite,encoreetencore…etsanss’inquiéterdesconséquences.

—Cettepetite fossetteque tuas, juste là,murmura-t-ilenposantundoigtsursa joue.Je fantasmedessusdepuisquej’aiquatorzeans.

Page 89: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

—Tufantasmes?C’estvrai?répéta-t-elled’unevoixétrangléedevantsonregardsensuel.—Ohoui!acquiesça-t-ilenvenantposerleslèvressurlafossetteenquestion.Eliseretintsonsouffle.Lesjambesvacillantes,elleduts’agripperàluiunefoisencore.C’étaittout

simplementdingue,l’effetqueluifaisaitcethomme.Ellen’avaitpourtantjamaisétédugenreàselaisserattendrirparcegenrede techniquesdedrague…Saufque,dèsqueQuinnposait lesyeuxsurelle,dèsqu’ill’effleurait,dèsqu’ill’embrassait,toutdevenaitcomplètementfouetréelàlafois.

Cesentimentdépassaittoutentendement,elleenétaitconsciente.Mais,alorsquelalanguedeQuinnsepromenaitautourdesafossette,elleenoubliasoudainlesraisonsquifaisaientqueleurrelationn’étaitpasunebonneidée.Lesraisonspourlesquellesellenepouvaitpasluifaireconfiance.

Au moment où il prit son visage entre ses mains – probablement pour l’embrasser –, l’estomacd’Eliseseremitàgargouillerbruyamment.

Quinnéclataderireets’écartadoucementaprèsavoirdéposéunchastebaisersursonfront.—Onmanged’abord.Lesexe,ceserapourplustard.—Oul’inverse,répliqua-t-elletantelleétaitexcitéeàl’idéedel’accueillirdenouveauenelle.Le

sexed’abord.Etlecasse-croûteplustard.—Nemetentepas,répondit-ilenseretournantverslaplancheàdécouper.Iltefautreprendredes

forcespourréussirtaconvalescence.—Tun’avaispasl’airdet’inquiéterbeaucouppourmaconvalescence,toutàl’heure,surlepiano,

remarqua-t-elleenhaussantunsourcilamusé.— C’est vrai, admit-il avec un sourire. Voilà pourquoi je dois au moins te donner à manger. Je

détesteraistevoirfaireunehypoglycémiependanttaprochaineperformance…Il n’avait pas tout à fait tort. Aussi se résolut-elle à faire des toasts plutôt qu’à continuer de le

provoquer.Finalement,l’histoireneserépéteraitpas.Quinnn’allaitpeut-êtrepasprendrelafuiteàlamoindre

excuse.Entoutcas,sijamaisilrecommençait,elleneselaisseraitpasanéantircommelapremièrefois.Lestempsavaientchangé.Cettefois,elleallaitprofiterpleinementdecettesemaineavecQuinn,etc’estelle qui prendrait le large à la fin de son séjour. Il n’y aurait pasmort d’homme.Ni d’un côté ni del’autre.

Après ledîner–unedélicieuseet surprenanteomeletteaux légumesaccompagnéedepain fraisau

levain–,Quinn insistapourporterElise jusqu’à l’étage.Une foisdanssachambre, il lui fitcoulerunbain,puiss’installaderrièreelledanslabaignoirepourlalaverconsciencieusement.Iln’oubliapassescheveux,luimassantdélicatementlecuircheveluetlanuqueavecsesdoigtsfinsetpuissants.Peuàpeu,elle se décontracta… tandis que son sang s’échauffait dans ses veines.Mais comment est-ce qu’il s’yprenaitpourladétendretoutenl’excitantenmêmetemps?Sibienque,lorsqu’ildescenditunemainlelongdesonventrepourl’insinuerentresescuisses,ilneluifallutqu’uneoudeuxminutesavantdejouirdenouveau.

Entièrement relâchée, épuisée, elle laissa alors Quinn la sortir de la baignoire. Il lui séchasoigneusementlecorpsetlescheveux.Puis,pourladeuxièmesoiréed’affilée,ilentrepritdeluienfilersonpyjama.

Sauf qu’Elise ne l’entendait pas de cette oreille. De toute sa vie, elle n’avait jamais rien touchéd’aussidouxquelapeaulisseetbrûlantedeQuinn.Alorspasquestiondelaisserunpyjamaentreeux.

Parchance,ilneprotestapas,et,enquelquessecondes,ilsseretrouvèrentaulit.LesmainsdeQuinns’emmêlèrentjoyeusementdanslescheveuxd’Elise,quiposalevisagecontresontorse.Soncorpsavaitbeau ressentir une grande fatigue, son esprit, lui, n’avait aucune envie de s’endormirmaintenant.Cela

Page 90: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

tenait peut-être au fait que le beau Quinn Bradford était allongé contre elle et qu’un bon million dequestionsluivenaientàl’esprit.

—QuelleesttachansonpréféréedeShakenDirty?demanda-t-elleenpromenantsalangueautourdumagnifiquesoleilauxmotifsaztèques,quirecouvraitlamajeurepartiedesonpectoralgauche.

Ilparutsurpris.—Ilyaquelquesjours,jet’auraissansdouteréponduLongTime,parcequej’adoresamélodie.Je

latrouveenvoûtante,ensorcelantemême.Maishier,aveclesgars,onapeaufinéunnouveaumorceauquideviendra,jepense,monpréféréunefoisqu’onl’auraenregistré.

—Ahoui?Ils’appellecomment?—TunnelVision.Cettechansonparlede…(Ils’interrompitpourluiempoignervigoureusementles

fesses.)Àmontourdeteposerunequestion,reprit-ilàvoixbasse.—Jenesavaispasqu’onenposaitunechacunàsontour.—Forcément,tuastoujoursétéunpeulenteàladétente.Mais,commetuasunebellegueule,jen’ai

jamaisvoulutevexerni…Aïe!s’écria-t-ilalorsqu’elleluipinçaituntéton.—Jenesuispaslenteàladétente!—Non,c’estvrai.Maispourcequiestde tabellegueule…Bond’accord,d’accord!s’écria-t-il

alorsqu’ellemenaçaitdeluipincerl’autretéton.Revenons-enànosquestions.—Merci.Ildéposaunbaiser furtif sursonfront,etelle fitdesonmieuxpournepas fondresurplace.Mais

commentrésister?Pendantlesquelquesexpériencesqu’elleavaiteues, leshommesquinecherchaientque le sexe ne touchaient pas une femmede cette façon. Ils ne faisaient pas toutes ces choses que luifaisaitQuinn,cequiéveillaitenelleunfolespoiretl’effrayaitenmêmetemps.Elleavaitdéjàassezdesoucisàréglerdanssavie,encemoment.Ladernièrechosedontelleavaitbesoin,c’étaitd’yajouterunchagrind’amour.

—Toiquiasjouédanslemondeentier,quelleesttavillepréférée?finit-ilpardemander.—J’aiadoréLondresetTokyo.Peut-êtreaussiSydney.—Sydneyestunevillemagnifique,approuva-t-il.J’aimebeaucoupjouerenAustralie.Lepubliclà-

basestvraimentsuper.—C’estclair.Mêmesijesupposequetuasplusdepublicquemoi…—Peut-êtreunpeuplus.— Ouais, quelques centaines de milliers de personnes en plus… Mais pourquoi se fatiguer à

compter?—Moi,jenecomptepas,murmura-t-ilenluiembrassantlesyeux,lenez,labouche.Bienmalgréelle,Eliselaissaéchapperunsoupir,maiss’efforçadegarderlesidéesclaires.—Ettoi,quelleesttavillepréférée?—J’adoreAmsterdam.—Forcément!dit-elleenpouffantderire.—Disdonc!Tun’espasobligéedemecollertouslesstéréotypesdurockeur.—Cenesontpasdesstéréotypessic’estvrai,rétorqua-t-elleendésignantsescheveuxendésordre

etsestatouages.Est-cequetuportesdel’eye-linersurscène?—Excuse-moi,maisnousautres,lesrockstars,onpréfèreappelerçadu«sexy-liner».—Sansblague!s’esclaffa-t-elle.—Hélà,netemoquepastantquetun’aspasvupartoi-même.Laplupartdenosfansontl’airde

trouverçatrèssexy.—Non,dit-elleenlevantlesyeuxauplafond,c’esttoiqu’ellestrouventsexy.Tupourraisenfilerun

Page 91: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

tuturosebonbonavecdesbasendentellequ’ellescontinueraientdesepâmer.Ilfitmined’envisagerlachosesérieusement.—Onm’asouventditquej’avaisdebellesjambes.Elleluipinçalataille,trèsfort.—Tum’asl’aird’êtretrèsaufaitdetoutcequepensenttesfansàtonsujet.—J’ai18millionsdefollowerssurTwitter.Difficiled’échapperauxétatsd’âmedemesfans.—Toi,tuessurTwitter?—C’estRyderquim’aforcé…—RyderestsurTwitter?—Pourquoiest-cequeçatesurprendautant?—Jenesaispas.C’estjustequ’ilal’airtellement…Brusquement,Quinnlafitbasculersurlecôtéetvintroulersurelle,pressantsonsexechaudetdur

commeunrocentresescuisses.—Ilal’airquoi?demanda-t-il,leregardsaturédedésir.—Jenesaispas…Disonsqu’ilm’apparaissaitplutôtcommeunduràcuire,unvrai…—Enréalité,ilporteplusde«sexy-liner»quenoustousréunis.Etjepensequ’ilcachebeletbien

un tutu dans son placard. Et aussi des collants en dentelle. Et des nœuds pour les cheveux.Avec desperles.Enfin,bon,jedisça,jedisrien…

Elleéclataderiredevantsonairfâché.—Net’enfaispas,beaugosse,jepréféreraitoujoursêtredanstonlitplutôtquedanslesien!—Tantmieux,murmura-t-il en se frottant contre elle, comme s’il avait besoin de lui prouver son

excitation.L’instantd’après,ilvintplaquerseslèvres,doucesetbrûlantes,contrelessiennes.Eliseauraitvoulu

conserversonsang-froid,garderunpeudereculpournepasseretrouverbriséesileschosesentreeuxdevaientseterminer–ouplutôtquandleschosesentreeuxallaientseterminer.Saufqu’ilétaitdéjàvenuàboutdetoutessesbarrières.Ilavaitsuluifairebaissersagarde,lalaissantplusvulnérablequ’ellenel’avaitjamaisétéaucoursdecesdixlonguesannéespasséesloindelui.

C’était une sensation à la fois terrifiante et enivrante, irrépressible. D’autant qu’il parcouraitmaintenantsanuqueduboutdelalangue,ens’arrêtantrégulièrementpourluisuçoterlapeau.

—Ducoup,susurra-t-ilalorsqu’ellesecambrait, tremblante, toutcontre lui, ilmevientuneautrequestion.

—Ahoui?Etlaquelle?balbutia-t-ellesansmaîtriserlestremblementsdesavoix.Ellen’arrivaitpasàgarder son sang-froidalorsqu’ilprenaitunmalinplaisir àcaresser son téton

durcidedésir.—Commentest-cequetut’yesprise?—De quoi tu parles ? marmonna-t-elle en s’efforçant de ne pas trop se laisser troubler par son

soufflechaudcontresanuque,parsesdoigtsquiattisaientméticuleusementlapeauentresesseins.—CetrucaveclesTwinkies.—Est-ceque…(Elleretintsonsoufflealorsqu’illuimordillaitsensuellementlelobedel’oreille.)

Est-cequetupensesencoreàcetteblagueidiote?—AvecRyderetJared,onaessayépendantunebonnedemi-heureaprèsquetuespartieàl’étage,

maisonn’ajamaisréussiàfaireentrerlamayonnaisesanscasserlagénoise.Alorsquelestiensétaientintacts!

—Pastoutàfait,mais…Illuipinçaletéton,etelleseretrouvaàs’agripperàluiencriantsonnom.L’instantd’après,ilpritla

Page 92: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

pointedesonseindanssaboucheetlasuçalonguement,etfort…Électrisée,ellesentituneboufféededésirlaparcourirdelapoitrineauxcuisses.

—Quinn,s’ilteplaît!miaula-t-elleenentremêlantsesjambesauxsiennes.J’aienviede…Ilimmisçaunemainentresescuisses,agaçasonclitorispuisglissadeuxdeseslongsdoigtsenelle.

Folle de désir, elle étouffa un gémissement contre l’oreiller alors qu’il trouvait son pointG avec uneprécisionredoutableetcommençaitàlecaresser.

—Oui!Oh,Quinn,oui…S’ilteplaît!Toutenluimordillantletéton,ilcontinuaàtitillersonclitoris,jusqu’àcequ’ellenevoieplusque

desétoiles,jusqu’àlafairejouirbruyamment.Quand enfin elle retrouva ses esprits et une respiration normale, il lui adressa le plus coquin des

sourires.—Alors,cesTwinkies?Ellelefrappaavecl’oreiller,maisfinitparlâcher:—Lesmiens n’étaient pas tout à fait intacts. Tu avais cinq paquets de génoises dans ton cellier.

Cequidéjà,ensoi,représentetropdefriandisespourunseulhomme.J’aiabîméhuitgâteaux,doncuneboîteentière.

— Huit ! répéta-t-il, le regard soudain pétillant. Ça veut dire qu’il reste encore des Twinkiescomestiblesdansmamaison!…Oùsont-ilscachés?

—Jenevoispasdutoutdequoituparles.—Ohquesi,tuvoistrèsbien.Nem’obligepasàtesupplier.—Etpourquoipas?demanda-t-ellesuruntondedéfi.Jecroismerappelerquetunet’espasgêné

pourquejetesupplie,toutàl’heure.Ilsourit.Unsourireténébreux,sensuel,quilafits’embraserinstantanément.—Ehbien,tun’asqu’àmedireoùsetrouventmesTwinkies,etjeseraipeut-êtreenclinàtefaireme

supplierdenouveau…Elisebasculaau-dessusdelui,pours’installeràcalifourchon.—Etmoiquicroyaisquec’étaitàmontourdetefairesupplier…Jen’imaginaispasqueceseraitau

sujetdevulgairespâtisseries.Elledéposaunlangoureuxbaiseraumilieudesontorse,sedélectantdelesentirsecambrersouselle

ets’accrocheràsesépaules.—Lissy,mabelle…Elleétaittropoccupéeàglisserlabouchelelongdesonventrepourluirépondre.

Page 93: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Chapitre13

Bonsang,cettefemmeallaitletuer!Aufonddelui,ill’avaitdéjàpressentiquandilsétaientados,mais, à présent, il n’avait plus aucun doute.De toute façon, il s’en fichait. Surtoutmaintenant qu’ellerapprochait lentement, très lentement, sabouchede son sexe raideetpalpitant. Ilne lui résisteraitpasplusquetoutàl’heure,quandilluiavaitfaitsauvagementl’amour…pasplusqu’ilneluiavaitrésistéaucoursdesannées.

Il n’avait amené Elise chez lui que pour l’aider dans sa convalescence, mais le seul fait de seretrouveravecelle,chezlui,danssonlit,lerendaitheureux.Plusheureuxqu’ilnel’avaitétédepuistrèslongtemps.Alors oui, ils traînaient encore un certain nombre de casseroles, tous les deux : toutes ceshorreurs auxquelles elle avait assisté le jour où il avaitmis les voiles, le fait qu’il ne l’avait jamaisrecontactée,lefaitqu’ilnelaméritaitpasàl’époque,lefaitqu’ilnelaméritaitpasplusàprésent.

Maisils’enmoquait.Dumoins,tantqu’Eliseétaitdanssesbras–danslesquelsilavaitenviedelaserrer,pourtoujours–etdanssonlit,seslèvresàquelquescentimètresseulementdesonsexechaud,dur,prêtàexploser.

—Lissy,mabelle,s’entendit-ilimploreralorsqu’elleprenaitunmalinplaisiràl’embrasserpartoutsauflàoùilenmouraitd’envie.

Il ladésiraitplusque jamais…Et ilneput réprimerungrognementbestialquand,enfin, sa languedessinaunchemindefeulelongdesonsexe,tournaautourdesongland…puiss’éloigna.

Ilplongeasesmainsdanssachevelurelongueetsoyeuse,l’attirantàlui.—Encore!demanda-t-ild’unevoixplusautoritairequ’ilnel’avaitsouhaité.Maissoncerveaunefonctionnaitplus.Elise,quin’avaitpourtantjamaisappréciéderecevoirdesordres,nesemblapass’enoffusquercette

fois.Carelleexauçasademande.Encore.Etencore…Sa langue douce, chaude, continuait à lécher doucement son sexe. Ses ondulations n’avaient

clairementqu’unseulobjectif:l’embraseretnonlesatisfaire,letourmenteretnonl’apaiser.Ils’efforçadetenirlechoclepluslongtempspossible,jusqu’àn’enpluspouvoir.Jusqu’àimplorerElise,commeill’avaitfaitpeuaprèssondix-septièmeanniversaire:

—Oh,Elise,madouce,jet’enprie!Illuitiradoucementlescheveux,secambraetfittoutcequ’ilputpourtenterdecaptersonattention.Elleeutunpetitrirefurtif,puisfitglissersalangueautourdeluiavecunelenteurextrême.Ilcrutse

consumersurplace.—BonDieu,Elise!cria-t-ild’unevoixâpre,éperdue.Maisellel’ignoraetcontinuadeletitiller.Dejoueravecsondésiràcoupsdelangue,delèvres,de

dents…Jusqu’àlefairetremblerdecebesoinimpérieuxdes’enfouir,desefondreenelle.Ilfitdesonmieuxpournepascraquertropvite,pourconserverunsemblantdelucidité.Pourgarder

son sang-froid afin de s’occuper d’Elise comme elle leméritait. Afin de lui offrir ce dont elle avaitbesoin,etnoncedontluiavaitenvie.

Page 94: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Avait-elle pressenti cette réserve, ce désir de faire attention à elle ? Si oui, elle s’en fichaitéperdument,carelleplantasesonglesdansseshanches.Profondément.Délibérément.

Ilfaillittomberdulittellementladouleur,combinéeàlasensationbrûlante,suffocante,deseslèvressurlui,futvive.

—Elise!C’estpasvrai!Ilserralespoingsdanssescheveuxtandisque,avecunpetitsoupirsatisfait,elleléchaitsursonbas-

ventrelenectarqu’ilnepouvaitretenir.Seigneur,iln’enpouvaitplus!Etvoilàqu’elleleprenaitmaintenantdanssabouche,centimètreaprèscentimètre.Cen’étaitpasdu

toutcequ’ilavaitprévuenl’amenantdanslachambre.Eliseavaitvécutellementd’horreursetenavaittellementàaffronter…Ilavaitvouluconsacrercettesoiréeauxfantasmes,auplaisirdelajeunefemme.Aucontraire,elleétaitentraindel’anéantir.Delefairejouir,etnondejouirelle-même.

Il voulait l’arrêter, oui, il allait l’arrêter…Mais comment faire, alors qu’elle refermait ses lèvresautourdelui?Cettesensationexquise,toutsimplementdivine,lepritdecourt.Incapabledesedérober,ilrestaallongélà,àlaisserEliseluidonnerduplaisir.

Et elle lui endonnait. Jamaisune femmene s’était occupéede lui avecune telle fougue, une tellepassion.Ilsentitdesperlesdesueurroulersursonvisage,tandisqu’ellecontinuaitàglissersalanguelelongdesonmembreetsursestesticules,qu’ellecommençaàsucerardemment.

Ilcrutjouirsur-le-champ.Laseulechosequileretint,cefutl’idéequ’ellen’enavaitpasencorefiniavecluietqu’elleprévoyaitcertainementdeluifaireencoresubirtoutessortesdechosesosées.

—Oh,monDieu,Elise!haleta-t-ild’unevoixprimaire,sauvage.Ivre de désir, il s’agrippa aux draps du lit, rassemblant le peu de forces qui lui restait pour tenir

encore un peu. Comme il avait envie de l’empoigner, de se planter en elle, de jouir enfin dans sabouche…Maisc’étaitElise.Fragile,blessée,elleméritaittellementplusqu’unsimple…

—Elise,c’estpasvrai!SousleregardébahideQuinn,elleglissasamainvalideentresescuisses,puisplongeaundoigten

elle.Lavoirsecaresserainsiétaitunedesplusbelleschosesqu’ilaitjamaisvuesdetoutesavie.Maisilmanquades’évanouirenlavoyantramenersondoigtverslui,pourluimasserlepérinée.

—Elise…—Chut,murmura-t-elleavantdeleprendredenouveaudanssabouche.Tout en le suçant inlassablement, elle glissa son doigt fin et délicat en lui, cherchant délicatement

l’angleidéalpourluimasserlaprostate.—Bonsang!Bonsang!Bonsang!Submergédeplaisir,ilfutsoudainincapabledepenseràautrechosequ’àelle.Incapabledevoir,de

sentirautrechosequ’elle…Ilnevoulaitplusqu’elle.Ildutserrerlesdentspourcontenirtoutecetteextase.Ilatteignaitseslimites,etilsuffiraitd’unrien

pourqu’ils’abandonneentièrement.Pourtant,ilavaitenviequecemomentduretoujours;ilavaitenviedelaisserElisefairedeluicequebonluisemblait,decontinueràsesentirsiproche,tellementproched’elle…Cesentimentdecommunionabsolueentreeuxétaitsifort!

Dansunétatsecond,ilredressalevisagepourcherchersonregard.Ilvoulaitlaregarderentraindelesucer.Iln’avaitjamaisrienvud’aussiérotique.Seslèvresrougeframboiseseresserrèrentautourdelui, tandis qu’il donnait un coup de reins pourmieux venir à sa rencontre. Elle avait les yeux grandsouverts,aufonddesquelsbrillaitundésirassumé,revendiqué,quimanquaunenouvellefoisdeluifaireperdretoutcontrôle.Commentcettefemmeauregardméfiant,aucorpssidélicatetàl’espritindomptables’yprenait-elledoncpourlemettredanscetétat?

Impossible de répondre. De toute façon, à cet instant précis, il s’en fichait. Pour l’heure, il était

Page 95: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

entièrementcaptivé,subjuguéparElise,parcequ’elleétaitentraindeluifaire.Il dut de nouveau serrer les dents : elle le prit tout entier dans sa bouche chaude et humide.

Inlassablement,ellecontinuaàalleretvenirduboutdelalangue,duboutdeslèvres,lelongdesonsexefébrile.Toutenpoursuivantsacaressesiintime,toutcontresaprostate.Oh,ilallaitjouirlà,toutdesuite,entreseslèvres…

—Elise,madouce,ilfautquetuarrêtes,proféra-t-ild’unevoixsigutturalequ’ilsereconnutàpeine.Maisellerefusad’obtempéreretpoursuivit,imperturbable.Lesoufflecoupé,l’espritembrumé,ilprit

sonvisageentresesmainsettentadel’écarter,maisellerépliquaenlefaisantentrerplusprofondémentencoredanssabouche.

—Lissy,tuvasmefaire…Ellepoussaunpetitsoupird’approbation,et ilne luienfallutpaspluspourchavirerpourdebon.

Submergéparlepluspuissantorgasmequ’ilaitjamaisconnu,iljouitviolemment,furieusement,danssabouche.

Maisiln’étaitpasencorerassasié.Ilenvoulaitencore.Duplaisir.D’Elise.Decettealchimieentreeux.Ilvoulaitluiprocurerlamêmeextasequecellequ’ellevenaitdeluioffrir,ilvoulaittoutluidonnerettoutluiprendreenretour…Ilétaitterrifiéàl’idéedeluilaisserprendreunetelleplacedanssavie.Mais,alorsqu’elleremontaitlelongdesoncorpspoursepressercontrelui,ilcompritqu’iln’auraitpasd’échappatoire.Qu’ilnevoulaitpasd’échappatoire.

—Quinn,réveille-toi!Lepianisteseredressaensursautetsefrottal’épaulequ’onvenaitdeluisecouersansménagement.

Assissurlelit,ilbalayalapièceduregard,unpeuperdu.—Désolé,mec.Jenevoulaispastefairepeur.Accroupi près du lit, Ryder agitait les mains en signe d’excuse. Incrédule, Quinn le dévisagea

longuement.—Qu’est-cequetufaislà?—Jen’aipasdormi,etjemesuisditquetoietmoi,onpourraitparler,alors…—Tunepouvaispasmetéléphoner?—C’estcequej’aifait.Maistunerépondaispas.Ce qui aurait dû lui faire comprendre que Quinn dormait ou qu’il était occupé ailleurs. C’est

d’ailleurscequelepianistes’apprêtaitàrépondrequandElisesemitàgrommelerdanssonsommeil.Enseredressantsibrusquement,ill’avaitrepousséesurlecôtédulit,etelleavaitroulésursamainblessée.

Étouffantunjuron,illafitdélicatementpivoterpourlareplacersurledos.Ellemarmonnaquelquesmots,mais,grâceàl’analgésiquequ’illuiavaitfaitprendreavantdes’endormir,ellereplongeadansunprofondsommeil.

Illuicaressalescheveux.Dèsqu’ilfutcertainqu’elles’étaitrendormie,ildemanda:—Quelleheureest-il?—Cinqheuresetdemiedumatin.—Tuveuxrire?—Désolé,mec.Ilallaitseleverquandilserappelaqu’ilétaitnu.Entièrementnu.Certes,Ryderl’avaitdéjàvudans

sonplussimpleappareillorsdeleurstournées–promiscuitéoblige–,maistoutdemême…—Disdonc,tumelaissesuneminutepourmepréparer?Tupourraisdescendreprépareruncafé,ou

quelquechose.—Çamarche,monpote.Onseretrouveenbas.

Page 96: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

ÀpeineRydereut-ilquittélachambrequeQuinnsefrottalesyeux,encoreendormi.Sonamin’avaitsansdoutepasdébarquéenpleinenuitpourluiannoncerunebonnenouvelle.Àcetteheure-ci,ilpréféraitgénéralementresteraulit,àroucouleravecJamison.

Wyatt?Iltitubaverslasalledebains.ÀmoinsquecenesoitMicah?Ils’agissaitforcémentdel’unoude

l’autre.Autrement,Ryderaurait attendu10heures, l’heureà laquelle ils avaientprévude se retrouverpourtravaillersurleprochainalbum.

Bordel!Aprèsavoirenfiléàlahâtequelquesvêtements,ils’aspergealevisaged’eaufraîcheetsebrossa lesdents.PourvuqueRydersoitvenu luiparlerdeMicah. Ilpréféraitencore réglerunénièmeproblèmeaveccetteordureplutôtqued’apprendrequ’unnouveaudrames’étaitproduitducôtédeWyatt.Lebatteuravaitdéjàeudroitàsonlotd’épreuves.

Encorefatiguémaisbienréveillé,Quinndescenditàlacuisine.Ryderversaitunpeudecrèmedansunetassedecafé,queQuinnacceptaavecreconnaissance.

—Est-cequeJaredvientaussi?—Non.J’aipréféréqu’iln’assistepasàcetteconversation.Ouf,alorsc’étaitMicah!—Qu’est-cequececonnardaencorefait?—Micahpiquesacrise.Iln’acceptepasqu’onlevire.Exactementcequ’oncraignait.—Quelgenredecrise?—Unegrosse,mec.Lelabelinsistepourqu’onseréconcilie,qu’onessaiedevoircommentonpeut

surmontertoutçaensemble…—Jamaisdelavie!Jamais,tum’entends?Jarednepourraplusjamaismontersurscèneàcôtédece

salaud.Ryderluisouritd’unairgrave,puisfittintersatassedecafécontrelasienne.—C’estexactementcequejeleuraidit.—Jesupposequ’ilsl’ontmalpris?—Onpeutdireça…—Qu’est-cequ’ilsveulent?—Ilsdisentquelaseulefaçonpournousd’invoquerlaclaused’incompatibilitémorale,c’estdese

débarrasseraussideWyatt.Bordeldemerde!Putaindebordeldemerde!Quinn se leva brusquement de table pour aller farfouiller dans le cellier, d’où il revint avec une

bouteilledeMacallan1955desaréserve.Sansunmot,ilenversaunebonnedosedanslecafédeRyder,puisdanslesien.

—Disdonc,çavientd’où,ça?Tun’aspasd’aussibonnesbouteillesdanstonbar«officiel».—C’estunscotchà12000dollarslabouteille.C’estclair,jenelalaissepastraînerdansmonbar…—Ehbien,pourlapeine,j’enveuxundouble!ditRyderentendantdenouveausatasseàQuinn.Celui-cibutunelonguegorgéedelaboisson,quiluiréchauffalegosier.—PasquestiondevirerWyattdeShakenDirty!—Évidemmentqu’iln’enestpasquestion,acquiesçaRyderengoûtantsonscotch.—EtpasquestionnonplusdegarderMicah.Pasaprèscequ’ilafaitàJared.—Onestd’accord.—Lelabelnenoussoutiendrapassurcecoup.—Ondiraitquenon.—Ninosmanagers.

Page 97: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

—IlsconsidèrentWyattcommeunrisque,etonpeutlescomprendre:lesprimesd’assurancepourlestournéesvontgrimperenflèche.

Hochantlatête,Quinnbutunenouvellegorgée.—Alors…qu’est-cequ’onvafaire?—Jeproposed’allerflanquerlaracléedesavieàcetteorduredeMicah.Ilfautqu’ilenbave.—Mouais,jesaisbienqu’unebonnebagarreesttasolutionàtouslesproblèmes.—Seulementparcequ’unebonnebagarreremetlesidéesenplace.Sinon,aumoins,çamesoulage…—Mouais,jusqu’aujouroùtuteretrouverasderrièrelesbarreauxparcequeMicahl’orduret’aura

traînéenjustice.—C’est bienpour ça que je suis venu te voir,mec.Plutôt quedemeprécipiter chez lui pour lui

exploserlaface.Quinnversaunenouvellerasadedescotchdansleursdeuxtasses.—Çaluiauraitpourtantservideleçon.—Onestd’accord.—Mais,ducoup,onfaitquoi?Rydersecoualatête.—Putain,j’ensaisriendutout.—C’estbiencequejecraignais,grommelaQuinnenselevantdenouveaupourpasserausalon,oùil

récupérasatablette.Deretouràlacuisine,ilouvritsese-mails.—J’aidéjàréfléchiàunesolutionaveclesavocats.—Ahbon?s’étonnaRyder.Etqu’est-cequ’ilssuggèrent?—Çanevapasteplaire.—Çameplaîtdéjàpas.Vas-y,crachelemorceau!—Seloneux,ona troisoptions.Lapremière :on finit la tournéeet l’albumcommeprévudans le

contrat,touslescinq.—Mêmepasenrêve!—Jesaisbien.Jenefaisqueterépétercequ’ilsm’ontdit.Onpeutaussidissoudrelegroupeetse

reformersousunautrenom,touslesquatreplusunnouveaubassiste.—C’estlachoselaplusidiotequej’aiejamaisentendue!explosaRyderenselevantdetablepour

fairelescentpas.C’estdudélire,mec.C’estunputaindedélire!Pasquestionderecommenceràzéro!Onatravaillétropdurpourarriveroùonestarrivésaujourd’hui.

—Cequinousmèneàlatroisièmeoption.—Mouais,bon,sicelle-cineconsistepasàbalancerMicahduhautd’unefalaise,çanem’intéresse

pas.Quinninspiraungrandcoupetsefrottalesyeuxpourlamillièmefois.Cen’étaitpasfaciled’incarner

lavoixdelaraisondanscemauditgroupe;cen’étaitpassonrôlehabituel.D’autantqueluiaussiavaitenviedepiquersacrise.Toutpartaitcomplètementenvrille.

Pourtant, il fallaitbienquequelqu’unsecomporteenadulte,une foisde tempsen temps.Et, si cerôle-là était habituellement dévolu à Jared, leur guitariste n’était actuellement pas en état d’assurer laprestation.SurtoutencequiconcernaitcetenfoirédeMicahetcettetraîtressedeVictoria.

Ravalantsacolèretantbienquemal,ilfinitpartournerl’écrandelatabletteendirectiondeRyder.—OualorsonachèteMicah.Rydersefigea.Visiblementincrédule,ilécarquillalesyeux.—Qu’est-cequetudis?

Page 98: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Quinnhaussalesépaules,feignantl’indifférence.—OnpaieMicah:onluifaitsignerunaccorddeconfidentialitéenachetantsonsilence,etilquitte

legroupeproprement.—Onachètesonsilence?Etsondépart?—Exact.—Tuproposesquenous,onl’achète,lui?—C’estça.—Bonsang,maistudéconnes,là?Tudéconnesgrave,putaindebordeldemerde!LaissantRyder s’emporter,Quinnpréférane rien répondredans l’immédiat, se rasseoir et attendre

queRydersecalme.Cequiprituncertaintemps.—C’estquandmêmelui,l’enfoiréquiaprislagrossetêteetquis’estcomportécommeunconnard!

C’estlui,lesalopardquis’esttapélafiancéedesonpote!C’estlui,l’ordurequin’arienfaitpouraiderWyatt la dernière fois qu’il est sorti dedésintox !Et après ça,nous, on devrait le payer ?Comme sic’étaitnousquiavionsmerdé?Non,maistuveuxrire,mec!C’estdupurdélire.

Fouderage,Rydercontinuadefairelescentpasdanslapièce,proféranttoutessortesdejuronsetdemenaces.Quinnl’avaitrarementvudansunetellecolère.Ilnepouvaitqu’êtresoulagédesavoirEliseendormieàl’étage:ellen’étaitpeut-êtrepaslapetitefleurdélicatequesonpèreetbeaucoupd’autress’étaientpluàcroire,maiscelanesignifiaitpaspourautantqu’elleavaitàsubirl’exaspérationdeRyder.Enl’occurrence,lechanteurressemblaitdeplusenplusàunfoufurieux.

Finalement,commeQuinnl’avaitprévu,ilretrouvapeuàpeusoncalmeetvints’asseoirsurlachaiseàcôtédesonami.

—Fais-moilirelese-mailsdesavocats.Quinnluitenditlatablette.Lacorrespondancen’étaitpastrès longue,mais ils’écoulaunebonnedizainedeminutesavantque

Ryderreprennelaparole.—Tuasparléaveceuxaprèsavoirreçucese-mails?—Oui,maugréa-t-ilens’efforçantdenepasrepenserauxheuresinterminablesqu’ilavaitpasséesau

téléphone,àessayersansrelâchedetrouverunesolutionacceptablepourtouteslesparties.Sansparlerdelafaçondontilallaitdevoirannoncerlanouvelleauxautresmembresdugroupe.—Combienilluifaudra,àleuravis?—Ilsnoussuggèrentdecommencerparunmontantforfaitaire:3millionsdedollars.Etensuitede

négocierjusqu’àuncinquièmedesrecettesduprochainalbum.—Uncinquième?Mais il vanous falloirunnouveaubassiste, onva jamais avoir lesmoyensde

payerune…—Etdixpourcentdesrecettesdelatournée.Cette fois, le chapelet d’insultes et d’obscénités qui déferla des lèvres de Ryder fut plus inventif

encorequeQuinnnel’auraitimaginé.Denouveau,ilattenditquelacolèredesonamipasse.Mais,plusieursminutesplustard,ilfutobligé

d’intervenir.—Écoute,mec,c’estlameilleurechoseàfaire.Jesaisqueçacraint.Jesaisquecen’estpasjuste.

Jesaisquetupréféreraisjetercetteorduresousuntrain,mais,aveclesavocats,onavraimentenvisagétouteslespossibilités,etcrois-moi,monpote,celle-làestdetrèsloinlamoinsmauvaise…Ryder,ilfautenfiniraveccettesituationdemerde.Legroupeabesoinqu’onenfinisse.Jaredn’estpasenétatdeselancerdansunebataillejuridique.QuantàWyatt…Iladéjàlesboulesdenousavoirobligésàannulerlatournée.Sionajouteàçal’histoireavecMicah,jen’imaginepasuneseulesecondequ’onaitunechance

Page 99: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

delevoirrestercleanunefoisqu’ilaurafinisacurededésintoxication.Lamâchoirecrispée,Ryderseservitunenouvelletassedescotch.— OK, grommela-t-il en hochant finalement la tête. Allons-y, faisons ça. Ensuite, on pourra

commenceràchercherunbassisteettournercetteputaindepageunefoispourtoutes.—C’estd’accord.J’appellerailesavocatsdèsl’ouverturedeleurcabinet.—C’estclair,tun’asqu’àt’encharger…Maisquandest-cequ’onvaledireauxautres?Ilnousfaut

leuraccord,non?—Ce seramieuxpour tout lemonde sion lance lesdémarches toutde suite.Onmettra toutes les

partiesconcernéesdevantlefaitaccompli.Ilsvontsansdouterâlerunpeu,commetoi,maisilsfinirontparserangerànotreavis.

Ryderplissalesyeuxetlescrutalonguement.—Bordel,tuavaistoutprévu!Quinnluilançaunregardinnocent.—Mec,jeterappellequec’esttoiquiasdébarquéchezmoià5heuresdumatinpourmeréveiller.

Commentj’auraispuprévoirça?—Jen’ensaisrien,maistul’asfait.Quinnhaussalesépaules.—Jen’aifaitqueteprésenternosoptions,monpote.—Biensûr,grommelaRyder,etleTitanicn’étaitqu’unbateau.—Exact.Etpastrèsfiableavecça…Cettefois,Ryderéclataderire.—Tu vois, Quinn, c’est ce que j’adore chez toi…Tu réfléchis tout le temps. Tu passes ta vie à

réfléchir.—Ilfautbienqu’und’entrenouslefasse,dit-ilenrepoussantlabouteilledescotchpourseservirdu

café.Bon,ehbien…turentrescheztoiouonsemetàbossersurcetalbum?—Onvabossersurl’album,biensûr.Onaintérêtàsortiruntrucquidéchiresionveutgagnerde

quoipayercetteorduredeMicah.

Page 100: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Chapitre14

Impossiblederemettrelamainsursessous-vêtements.Audébut,Elisenes’étaitpasaffolée,pensantque l’analgésique que Quinn lui avait fait prendre la rendait un peu groggy.Mais, depuis une bonnequinzainedeminutes,elleavaitfouilléchaquetiroirdelachambre,vidésavalise,sanspouvoirtrouveruneseuleculotte,unseulsoutien-gorge.Mêmelesdessousqu’elleportait laveilleavaientdisparu.Satenued’hierétaitsoigneusementposéesurledossierdelachaiseprèsdelafenêtre…àl’exceptiondesaculotteetdesonsoutien-gorge.

Ce qui acheva de la convaincre qu’elle n’était pour rien dans cette mystérieuse disparition. Celan’avait rienàvoiravecuneéventuellepertedemémoiredueauxmédicaments.Non, si tous ses sous-vêtements, jusqu’au dernier, s’étaient volatilisés, ce ne pouvait être que parce queQuinn les lui avaitvolés.

Lesalaud!Lepetitsalaud!Voleuretmenteuréhonté.Il luiavait fait l’amourcommeunsauvage toute lanuit, encoreetencore, luidonnant l’impression

qu’elleétaituniqueàsesyeux,alorsque,enréalité,ilpréparaitdéjàcemauvaiscoup…Ah,ilvoulaitlaguerre?Ilallaitl’avoir.Ramassantlepremiervêtementàportéedemain–quisetrouvaêtreletee-shirtdeQuinn–,ellese

précipitahorsdelachambreetgagnal’escalier.Ellen’avaitpasencoreatteintlerez-de-chausséequ’elleentenditdesnotesdepianoprovenantdelasallederépétition.Parfait!Ilnepourraitpasluiéchapperunefoisqu’elleauraitmislamainsurlui.

Elise était d’accord pour qu’ils se rendent la pareille après chaque mauvais coup. Mais, enl’occurrence,ilnes’agissaitpasdesimplesdessinsobscènessursonplâtre,maisbiendetoussessous-vêtements.Etellen’étaitvraimentpaslegenredefemmeàsepromenersanssoutien-gorge.

Entrantcommeunefuriedanslasalledemusique,elletrouvaQuinnassisaupianocommeprévu.—Ça ne se fait pas de voler les sous-vêtements des gens ! gronda-t-elle. Rends-moima culotte,

Quinn,ettoutdesuite!Avantmême qu’il puisse répondre, un petit rire amusé fusa derrière elle.Quand elle se retourna,

JaredetRyderentraientdanslapièce,unetassedecaféàlamain.—Tuentendscequeteditlademoiselle,Quinn?plaisantaRyder.Enlèvedoncsaculotteetrends-la-

lui!Quinnadressaundoigtd’honneuràsonami,puisseretournaverselle.—Qu’est-cequejeferaisdetaculotte?demanda-t-ild’unairinnocenttrèsconvaincant.Saufqu’elleleconnaissaittroppourlecroiresurparole.—Tueslediableincarné,Quinn.Etjeteprometsque,situnemerendspasmessous-vêtementstout

desuite,tuvasleregretter!Ilécartalesbrasetagitainnocemmentlesmains.

Page 101: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

—Est-cequej’ail’aird’avoirtessous-vêtements?Franchement,oùest-cequejelesauraiscachés?Là, ilmarquait unpoint.Car son jeanétait tellement lacéréque l’ondevinait àpeuprès toute son

anatomie.Saufqu’ellen’allaitpaslâcherl’affaire.Pasalorsqu’elleseretrouvaitdansunsimpletee-shirttropgrand,avecrienendessous,faceàQuinnetàsesamis.

—Oui,tum’enastoutl’air.Etmaintenantrends-moimesaffaires!ordonna-t-elle.Savoixdevintstridentemalgréelle,cequi larenditsi furieusequ’elleserra les lèvresetsemità

grincerdesdents.— Ne t’en fais pas, chérie, répondit Ryder en traversant la pièce d’un pas nonchalant. On va

t’emmeneràBartonSpringspourterachetertoutcedonttuasbesoin.—Cen’estpaslaquestion!s’écria-t-elle.Ilm’atoutpris!Jusqu’auderniersoutien-gorge,jusqu’à

ladernièreculotte!Jen’aiplusrienàmemettre,mêmepoursortirfairedushopping!—Plusriendutout?demandaJaredquis’intéressaitsoudainàl’ourletdesonampletee-shirt.Quel

dommage!Etsituvenaissurmesgenouxpourmeracontertoutestesmisères?—Tutefousdemoi?s’insurgea-t-elleenlefusillantduregard.C’estça,tutefousdemoi,hein?Machinalement, elle rabaissa le plus possible l’ourlet de son tee-shirt, tentant maladroitement de

couvrirlehautdesescuissesnues.Saletésderockeursobsédés!—Jared,arrêtedematermacopine,s’agaçaQuinnavantdelanceràEliseleplaidducanapé.Sinon,

jetefaisbouffertesdentsuneparune.—Hé,mec,c’esttoiquiluiaspiquésesdessous!Moi,jenefaisqueprofiterdupaysage…—Ehbien,arrêtetoutdesuite!—Vousêtesvraiment ridicules, tous autantquevousêtes !grommela-t-elle en s’enroulantdans la

couvertureavantdeseprécipiterverslaporte.—Hé,maisj’airienfait,moi!protestaRyderdanssondos.Elle était trop énervée pour lui répondre. Cependant, elle avait noté le naturel avec lequelQuinn

l’avaitappeléesa«copine»,etelleneputs’empêcherdes’enréjouir.Cequiétaitridicule,biensûr.Ilsn’étaientplusaulycée,etellen’appartenaitàpersonne.Etpuiselle

necherchaitpasvraimentunerelationdurable…Elleétaitconscientequel’histoireentreQuinnetellen’étaitqueprovisoire,que,s’ilavaitpassélanuitavecelle,c’étaituniquementparcequ’ilsavaitqu’ellerepartirait dans quelques jours. Elle avait beau tout faire pour garder cela à l’esprit, son cœur, lui,l’ignoraitroyalement.Elleallaitpayerleprixfortpoursoninsouciance,maisplustard…Pourl’heure,elletremblaitencoreausouvenirdeleursébatstorrides.

Encorecinqjours.Cetteseuleidéesuffisaitàlarendredingue.CommeRyderetJareddevaientpasserlajournéeici,elletraînadanssonpantalondeyogaetuntee-

shirtlarge–trèslargeetcouvrant.Ellen’avaitaucuneenviederevivrel’humiliationdecematin,danslasalledemusique.

Cela dit, elle croisa à peine les garçons de la journée. Ils restèrent enfermés dans la salle derépétition,n’ensortantquedetempsàautrepourgrignoterquelquessnacks.CequiconvinttoutàfaitàElise,quimitcetempsàprofitpourpeaufinersavengeance…Etlamettreenpratique.Ilétaithorsdequestionpourellederestersurleterraindessous-vêtementsvolés,maisellen’étaitpaspeufièredesanouvelleidée.SurtoutquandQuinnreçutl’appeld’unedesesattachéesdepressevers18heures.

IlsetrouvaitalorsausalonavecJaredetRyder,oùilsprenaientunepauseenattendantJamison,quidevait leur apporter le dîner. Elise était recroquevillée sur le canapé, à moitié endormie aprèsl’antidouleurqueQuinnl’avaitpratiquementobligéeàavaleraprèsledéjeuner.Encoreunechosedontelledevrait sevenger,pensa-t-elle, rancunière.Elle savaitqu’ilnecherchaitqu’àprendresoind’elle,

Page 102: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

mais elle en avait assez de le voir décider seul si elle avait besoin d’analgésiques – il revenait à lachargeenvirontouteslessixheures.Autantdirequ’elleavaitpassélamajeurepartiedelajournéedanscetétatdesomnolence.Cequinel’aidaitpasàyvoirplusclairlorsqu’ellesongeaitàsonaveniretàlavieincertainequis’offraitdésormaisàelle.

—Maisnon,jenejouepasaubaby-sitter!grognaQuinndanssoncombiné.Enfin,saufpourJaredetRyder.

Jared lui adressa un doigt d’honneur désinvolte, tandis que Ryder, en proie à un mauvaispressentiment,secontentadehausserunsourcilintrigué.

—Non,iln’yapasd’enfantsdanslesparages…Maisc’estquoi,cesquestions,aujuste?Elises’efforçaderesterdemarbre,denerienlaisservoir.Entoutcas,sasomnolences’évaporaau

furetàmesurequelaconversationseprécisait.Riendetelquedesentirapprocherlavictoirepourvousréveillerunebonnefoispourtoutes.

—Mais qu’est-ce que tu racontes ? s’énerva Quinn au téléphone. Je ne suis même pas en traind’écouterdelamusique…EtcertainementpascelledugénériquedeWinniel’Ourson!

Soudain,Rydersortitd’unmouvementrapidesontéléphoneportabledesapoche.Eliseneputvoircequis’affichaitsursonécran,mais iléclataderireet tendit l’appareilàJared,qui,àsontour,futsaisid’unvéritablefourire.

—C’estdéjàsurTwitter,mec!articulapéniblementRyderentredeuxhoquetsderire.LesgenssedemandentsinotresiteWebaétépiraté.Ousituviensd’avoirunbébéensecret…Sansblague,regardeça:ondiraitbienquetonnouveausurnom,c’estDaddyQ!

—Bonsang,c’estquoi,cebordel?rugitQuinnd’unevoixexcédée.Eliseétaitàdeuxdoigtsd’exploser.Cette fois, elle avait frappé fort. Très fort. Peut-êtremême pourrait-elle postuler pour un rôle de

sorcière machiavélique dans une série, à présent qu’elle devait songer à sa reconversionprofessionnelle…

Quinn mettait un temps fou à comprendre la situation, et la victoire d’Elise n’en était que pluséclatante. Il nepouvait s’enprendrequ’à lui-même, après tout.C’était luiqui avait commencé tout cecirque,enlakidnappant.Ellen’avaitfaitqueluirendrelapareille.

Faisantsemblantdedormir,Eliseroulasurlecanapéetobserva,lesyeuxmi-clos,Quinnquiouvraitsonordinateurportable.Durantdelonguessecondes,ildemeuramuetcommeunetombe.Puispoussauncriperçantavantderegarderdroitverselle.

Évidemment,ellefermalespaupièresetrassemblatoutsoncouragepournepasrireetgarderunairsomnolent,maisc’étaittroptard.Ellelecompritavantmêmequ’ilaitreposésonportable.Avantmêmedel’entendretraverserlapièceaupasdecharge.AvantmêmederouvrirlesyeuxpourseretrouvernezànezavecQuinn,quiladévisageaitd’unregardàlafoishorrifiéethilare.

—Franchement,Elise…JustinBieber!Jecroisquej’auraisencorepréféréquetuenrestesàWinniel’Ourson.

C’étaitexactementl’effetescompté.Derrière l’épaule de Quinn, elle voyait Ryder et Jared qui parcouraient la playlist qu’elle avait

téléchargéesurl’iPoddeQuinn,avantdelaconnecterausiteWebdeShakenDirty,grâceaulogiciel«laplaylistdeQuinn»,qu’ilavaitlui-mêmeinstallé.Touslesfansquiavaientconsultélesiteaujourd’hui– et ils devaient être nombreux, à en juger par les commentaires surTwitter qui avaient afflué toute lajournée – avaient donc constaté queQuinn, le bad boy du groupe, écoutait en boucle le générique deWinniel’Ourson,legirlsbandLittleMixetJustinBieber.

—Allons,jetrouvequetuferaisunexcellentbelieber!

Page 103: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

—Franchement,j’auraisencorepréféréquetum’assassinespendantmonsommeil.Çam’auraitfaitmoinsmal.

—Certes.Maiscommetun’aspasdormidepuisquetum’asvolémessous-vêtements…—Logique,concéda-t-ilenluicaressantlajoueavantd’enroulersondoigtdanssescheveux.Enfait,ellen’avaitpastropréfléchiàlafaçondontilréagiraitàcettedernièrevacherie.Elleavait

anticipé un peu de colère. Beaucoup d’agacement. Mais à aucun moment elle n’aurait imaginé cettecaressehésitante,ceregardattendrietamusé…

Depuissoncanapé,Jaredsepliaitendeux.—Mec,cetteplaylistestàmourirderire!Tut’esfaitavoir…tut’esfaitavoirenbeauté!Durantdelonguessecondes,Quinnneréponditrien.Etcontinuadecaresserlescheveuxd’Elise.Finalement,alorsqu’ellepensaitqu’ilnerépondraitplus,ilfinitparmurmurer:—C’estclair.C’estàcetinstantprécisquecelaarriva.Àcetinstantprécisque,malgrétousleseffortsqu’elleavait

faits jusque-là, elle replongea.À cet instant précis qu’elle retomba raide dingue amoureuse deQuinnBradford.

Page 104: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Chapitre15

Deuxheuresplustard,Eliseselamentaitencoresursafaiblesse,quandQuinnpassaunetêteparlaportedesachambre.

—Çatediraitdesortir?—Aveclesgars?Ilfit«non»delatête.—RyderetJaredviennentdepartir.Jemedisaisquejepourraispeut-êtret’emmenerdînerquelque

partavantd’allerfaireunebaladeautourdulac.—Unebaladeautourdulac?répéta-t-elle,intriguée.—Ouais,surmabécane.C’estlasaisonidéale.Soncœurs’accéléraà l’idéedese retrouverà l’arrièrede lamotodeQuinn,agrippéeàsa taille.

Agrippéeàlui.Mêmesiceseraitentoutbientouthonneur.Celadit,unefemmequivenaitd’humilierunhommedevantplusieursmillionsdepersonnessedevait

derestersursesgardes.Cen’étaitquepurelogique.—Ondéclareunetrêvepourlasoirée?Ilplissasesyeuxmagnifiques,noirscommejamais.—Jenesaispas.Qu’est-cequetuendis?En d’autres termes, c’était à elle de décider. En temps normal, cette seule idée aurait suffi à lui

donner des frissons d’angoisse – elle n’était pas du tout du genre impulsive. Mais quelque chosel’interpelladanslafaçondontQuinnluifaisaitcetteoffre,dansledéfiqu’ilétaitmanifestemententraindeluilancer.

Quelquechosed’excitant.Sansparlerdufaitqu’elleétaitbiendécidéeànepasbaisserlesbras.—Commentest-cequejepeuxêtrecertainequetunevaspasmeplanteraumilieudenullepart,pour

m’abandonnerensuiteauxcoyotesetauxlynxdulac?Ilsepinçaleslèvres.—Ben,ilfaudrajustemefaireconfiance.Comme si c’était simple ! Pourtant, elle avait très envie de sortir avecQuinn, de voir où il avait

l’intentiondel’emmener,là,danssavillenatale.—Pourquoipas,finit-elleparrépondre.Maislaisse-moiunquartd’heurepourm’habiller.Etrends-

moiaumoinsuneculotteetunsoutien-gorge.—Jen’aipaslamoindreidéedecedonttuparles.—Sérieux?Tuveuxvraimentcontinueràjoueràça?Ilhaussalesépaules.—Qu’est-cequitefaitdirequejejoueàquoiquecesoit?Ilyadestasdegenstordus,tusais.Des

gensquis’introduisentdanslesvillasdescélébritéspourleurpiquerleurssous-vêtements.Peut-êtrequec’estcequis’estpasséavectesaffaires.

Page 105: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

—Bienentendu,marmonna-t-elleavecunemouedubitative.Ettoi,tuastoujourstessous-vêtements?—Benoui…—Danscecas,jedoist’annoncerquetathéorieprendl’eau.Vuqu’ils’agitlàdetamaison.Etquetu

esunmilliondefoispluscélèbrequemoi.—Mouais.Maistessous-vêtementssontplusjolisquelesmiens.—Quinn,s’ilteplaît!—Désolé,Lissy.Jenepeuxrienfairepourt’aider.—Danscecas,jenepeuxpassortir!— Tu veux rire ? Tu ne vas pas laisser un petit détail comme ça t’empêcher de passer un bon

moment?—Figure-toiquetoutlemondenevitpascommeunerockstar,Quinn.—Madouce, tuesdéjàune rockstarà toi touteseule.Laseulechose,c’estque tune lesaispas

encore, lâcha-t-il en quittant la pièce, avant de repasser la tête par l’embrasure de la porte. Au fait,commentvatamain?

—Mieux.Ladouleurlancinanterevenaitparmoments,maisdefaçonsporadique.Enfin,pourl’instant.—Tantmieux.Danscecas,nereprendspasd’analgésique.Jenevoudraispasquetutombesdemoto.À cesmots, il lui adressa un de ses sourires enjôleurs et un clin d’œil des plus lascifs, avant de

disparaître dans le couloir. Elise resta longuement les yeux dans le vague, à se demander ce qu’ilimaginait qu’elle allait faire. Pourtant,même si la seule idée de sortir sans sous-vêtements en publicl’horrifiait,elleselevaetsemitmécaniquementàchercherunenouvelletenue.Car,sous-vêtementsoupas,sontempsauprèsdeQuinnétaitcompté.Etellenevoulaitpasengâcherlamoindreseconde.

— Je pense qu’ondevrait recommencer ce petit jeu, déclaraElise après avoir vidé sondeuxième

verredetequila.—Queljeu?demandaQuinnavecunsourire.Il était à la fois amusé et excité par la façon dont elle le dévisageait, avec ses grands yeux verts

écarquillés,sonregardvaguementconfusetsonteintquirosissait.Quantàseslèvrespulpeuses,couleurframboise,ellesdessinaientunsourireoscillantentrejoiejuvénileetinvitationsensuelle.Elleétaitunevéritableénigme,sonElise,froideetdistanteàunmoment,ouverteetchaleureusel’instantd’après.Oui,elleavaittoujoursuncoupd’avancesurlui,commepourcettehistoired’iPod.Absolumentdiabolique,totalement ingénieuse ! Il adorait l’avoir à ses côtés, et cela devenait inquiétant : il commençait àressentirdeschosestrèsfortespourElise.Àmoinsqu’iln’aitjamaiscessédelesressentir?

Il ne savait plus très bien. À dix-sept ans, il était fou amoureux d’elle, et pourtant il l’avaitabandonnée.Àprésent, àvingt-septans, il retombaitamoureuxd’elle.Mais,au fondde lui,unepetitevoixluidisaitqu’ill’avaittoujoursaimée.Mêmependanttoutescesannéesoùilsavaientétéséparés.

Cetteseuleidéelepaniqua.Carlemomentétaitmalchoisipourentamerunehistoire.Elisesetrouvaitàunepériodecrucialede

savie.Sa carrière était fichue, savie avait volé en éclats, et le seul fait d’imaginerqu’ils pourraientconstruire quoi que ce soit n’était que pure folie.Ce serait complètement injuste pour elle.Elle avaitbesoin de temps pour guérir, pour redéfinir ses priorités, pour décider qui elle voulait être, à présentqu’elleneseraitplus«EliseMcKinney,pianiste».Ellen’avaitcertainementpasbesoind’unrockeurquipasseraitsontempsàfantasmersurelle,quiluiferaitperdresesmoyens,quiluidonneraitl’impressiond’êtrepriseaupiège.

Il en était conscient, pleinement conscient, et pourtant…Cela ne l’empêchait pas de désirer Elise

Page 106: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

avecuneintensitéquifrôlaitl’obsession.Celanel’empêchaitpasd’avoirbesoind’elle,danssesbras,danssonlit,danssoncœur…

Etmerde!Illevaunemainetfitsigneàlaserveusedeluiapporteruneautrebière.Unecapsuledecyanureauraitsansdouteétéplusefficace.

— Le jeu des questions, finit par reprendre Elise avant de mordre goulûment dans une tranchedecitron.

—Lejeudesquestions?—Exact !Toietmoi,oncoucheensemble,mais,àpart le faitque tuesun rockeurexcentriqueet

richissime,jenesaispresqueriendecequetuasfaitdurantcesdixdernièresannées.—Çanetesuffitpas?Jeveuxdire,c’estàpeuprèsletempsqu’ilm’afallupourdevenirricheet

célèbre.Elle éclata d’un rire sonore, sans retenue, qui contrastait avec son apparence délicate. Il sourit –

c’étaitplusfortquelui.Cequ’ilpréféraitchezelle,c’étaitsonrire.—Allez,Quinn,insista-t-elle.Jesuiscurieuse.Ilsoupiraenfeignantlaréticence.—Est-cequemoiaussi,j’aurailedroitdeposerdesquestions?—Biensûr.—Bon,d’accord.Maisc’estmoiquicommence.—Si tu veux, dit-elle en le scrutant d’un air intrigué.Mais seulement si tu promets de ne pasme

distrairequandceseraàmontourdeposermaquestion.Ilécarquillalesyeuxdefaçonexagéréeetposaunemainsursapoitrine.—Nemefaispaspasserpourplusvicieuxquejenesuis.—Jeteconnais,Quinn.—Danscecas,rappelle-moipourquoionjoueraitàcejeu.(Ellefroissasaservietteenpapieretla

luilançaàlafigure.)D’accord,d’accord.Premièrequestion.Jecommenceparunefacile.Oùest-cequetuvis?

—Nullepart.Laréponsefusasansqu’Elisesembleyavoirréfléchi.Lesmotsrestèrentuninstantsuspendusentre

eux,sonregards’assombrit,etelleparutsoudainnerveuse.—Jeveuxdire,j’aitoujoursmamaisonàChicago,maisjen’ysuispasretournéedepuislamortde

monpèreet…—Et…?—Jenesaispas. Jenesaispassi j’aienviede retourner là-bas.Enfin, je saisque je ledevrais,

puisque c’est là-bas que se trouventmesmédecins,mais… je ne sais pas. Je nem’y suis jamais plu.Avant,çanemedérangeaitpas,puisquejevoyageaisdixmoissurdouze…Maisàprésent…Jecroisqueçavaposerunproblème,conclut-elleensecouantlatête.

Quinnnesutpasquoirépondre.Ilsavaitcequ’ilavaitenviedeluidire–deneplussesoucierdecequ’elle aurait dû faire, qu’il était largement temps pour elle de commencer à faire ce qui lui plaisaitvraiment–,maisiln’étaitpascertainquecesoitlameilleurefaçondepoursuivrelaconversation.

Parchance,laserveusevintlesservir:unsteakpourluietuneassiettedepâtespourElise.Quinnlacontempla,pendantqu’elleinspiraitàpleinspoumonsleparfumépicédesasauce,unpetit

sourireauxlèvres.Puisellesoupiradesatisfaction.Ilneputréprimerlepuissantdésirquis’emparaitdelui,rienqu’encontemplantl’expressiondeplaisirpurquienvahissaitlevisagedelajeunefemme.Eliseétaitsibelle,magnifique.

—Àmontour!s’exclama-t-elleenenroulantquelquespâtesautourdesafourchette.QuiestWyatt?

Page 107: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

—Wyatt?répéta-t-ilenladévisageantavecsurprise.—Tuasparlédeluiplusieursfois,etj’ail’impressionqu’ilfaitpartiedevotregroupe,maisilne

vientjamaischeztoiaveclesautres.—Wyattestnotrebatteur.Encemoment, ilestencurededésintoxication.Ilestaccroàl’héroïne,

expliqua-t-ilens’efforçantdegarderuntonneutreetdétaché.Maisleregardd’Elises’embuaaussitôtd’unelueurcompatissante,etilcompritqu’ilavaitéchoué.—Est-cequ’ils’ensort?—Çavaaller.—Sûr?Ilsoupiraetsefrottalesyeux.—Jenesaispas.Il faitdegrosefforts,mais…cen’estpas lapremièrefois.Quisaitcombiende

tempsiltiendraavantdereplongerdenouveau…—Çadoitêtretrèsdur.—Çal’est.Çafaitlongtempsqu’ilsebatcontre…—Jeneparlaispasdelui.Maisdetoi.Quinnsefigea.—Moi?Maiscen’estpasmoiquisuisaccro…—Non,maistun’asjamaisétédugenreàresterlesbrascroiséspendantquetesamissouffraient…—Je…—Tucroisquejen’ai jamaiscompris?Tucroisquejenesaispaspourquoi tum’asaccrochéce

postichedemoustache,oucachémespartitions,oumisdespoissonsrougesdansmabaignoire,ettoutescesautrescrassesquetum’asfaitespendantdesannées?Çamerendaitdingue,maisj’aitoujourssuquetulefaisaisseulementpourmefaireoubliercefichutracquimeparalysaitavantdemontersurscène.Tufaisaistoutçapourm’aider.

—Tum’accordestropdemérite.—Vraiment?—Jeconstatequetuenesdéjààtacinquièmequestion.Àquandmontour?—Désolée,dit-elleenluifaisantsignedepoursuivre.Il y avait unmillion de choses qu’il avait envie de lui demander,mais la conversation était déjà

suffisamment sentimentale. Il devait trouver unmoyen de détendre l’atmosphère.Alors, au lieu de luidemander ce qu’il désirait vraiment savoir – comment elle avait pu se laisser abattre à ce point – ilmurmura:

—Quelesttondessertpréféré?—Latarteauxmyrtilles,dit-elleenriant.Etquelleesttacouleurpréférée?—Levert.Lacouleurdesyeuxd’Elise,enfait.Etilavaitbeauêtreconscientdedevenirdeplusenplusfleur

bleue,celaluiétaitcomplètementégal.—Tonfilmpréféré?reprit-iltrèssimplement.—WillHunting.Quelesttongroupepréféré?—Houlà,alorslà…questiondifficile!—Pasdutout,rétorqua-t-elled’untonindigné.Tuescensérépondre:«ShakenDirty.»—Ceseraitassezmégalo,non?Ellelevalesyeuxauciel.—Non,ceseraitlégitime.—Jenesaispas.JerépondraisplutôtlesEagles.OuLedZeppelin,murmura-t-ilenluiessuyantune

Page 108: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

gouttedesaucesurlalèvreinférieure.Aussitôt,leregardd’Elises’assombrit,et,duboutdelalangue,elleluiléchaledoigt.Ilsentitsagorgesenouer.—Enfait,onpourraitoubliercedîner,cefichujeudesquestions,etrentrerchezmoi…Ellefitclaquersalangue.—Toujoursaussiimpatient…—Quandils’agitdetemettreaulit?Ça,c’estclair.— Tu vois ! dit Elise en riant. Tu fais diversion, et je ne vais pas pouvoir poser ma dernière

question!— Bon, comme tu voudras, marmonna-t-il en lui faisant signe de poursuivre. Quelle est donc ta

dernièrequestion?Elleneréponditpas toutdesuiteetsecontentade lefixeravecsesgrandsyeuxqui lisaienten lui

commedansunlivreouvert.Cesyeuxquilerendaientplusfébrile,plusbrûlantdedésirquejamais.Et, alors qu’il allait de nouveau lui suggérer de laisser tomber le jeu et le dîner, elle se passa la

languesurleslèvresetdemanda:—Pourquoinem’as-tujamaisrappelée?

Page 109: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Chapitre16

Àpeineeut-elleprononcécesmotsqu’Elise lesregretta.Elleauraitvoulurevenirenarrière.Troptard.Ilnerestaitplusqu’àattendrelaréponsedeQuinn.Attendredesefaireécrabouillerlecœur.

Quinnrestasilencieuxunmoment.Ilbutunelonguegorgéedebière,puisfitroulerlabouteilleentreseslongsdoigtsdemusicien.Alors,ilrivasesyeuxbrûlantsauxsiens.Commentarrivait-ilencoreàlaplongerdansuntelétatdedésir,delangueur,dedouleur,rienqu’enunregard?

Lesilenceentreeuxseprolongea,tenducommeunecordedeharpe–sanslabeautéetlalégèretéquiallait avec cet instrument. Elise était persuadée queQuinn ne répondrait pas quand, enfin, il reprit laparole.

—Jedevaispartir,Elise.Toutçadevenaitétouffant.—Tunerépondspasàmaquestion.—Jen’aijamaispuêtreceluiquemonpèremedemandaitde…—Tunerépondspasàmaquestion,répéta-t-elleavecemphase.Jesaispourquoituesparti.Jene

t’enaid’ailleursjamaisvoulu,nideçanimêmedelafaçondonttul’asfait.UnelueurétrangetraversaleregarddeQuinn,uneémotionqu’elleneparvintpasàdéchiffrer.Mais,

l’instantd’après,cettelumièreavaitdisparu.—Enrevanche,jet’enveuxdenem’avoirjamaiscontactée.Pasmêmeune-mail.Tuasjustedisparu

delasurfacedelaterre,sansmêmedonnerlemoindresignedevie.Etça,jenelecomprendspas.—Jepensaisqueceseraitplusfacilecommeça.—Pourtoi,sansdoute.Tuasrepristavieàzérosanst’inquiéterdeceuxquetuavaislaissésderrière

toi.Tuastoutplaqué.Maisnous,onestrestés,Ellingtonetmoi.Ons’estinquiétéspourtoi.Jemesuisfaitunsangd’encrepourtoi.

—Jemedisaisque tum’envoudrais àmortde t’avoir laisséecomme je l’ai fait. Je croisque jepensais qu’il valait mieux que je te laisse vivre ta vie de ton côté plutôt que laissermes problèmesinterférersanscesseavectonexistence…

—Je t’aimais,Quinn. Et,même si tu n’as jamais voulum’en parler, je savais ce que ton père tefaisaitsubir.Jesavaisquelgenredemonstreilétait…

—Non,tunepouvaispas…—Merde,Quinn!l’interrompit-elleavecvéhémence.Jevoyaislesbleussurtoncorps!Jetevoyais

joueraveclesdoigtsgonflés…Jevoyaislevidedanstonregarddèsquetupensaisquepersonneneteregardaitetjelecomparaisàlafaçadejoyeusequetuaffichaisdevantlesgens.Jesavais,Quinn.J’avaiscompris.Et,quandtuasdisparu,unepartiedemois’estsentiesoulagéepourtoi.Maisl’autrepartieétaitterrifiée.J’avaistellementpeurqu’ilaitfinipartetuer,sansquepersonnel’apprennejamais…

Elleravalaunsanglot.Non,pasquestiondepleurer.Pasquestiondeleculpabiliserpourcequiétaitarrivé.MaisQuinndevait comprendreàquelpoint il avait comptépourelle.Àquelpoint il comptaitencore.Parcequ’ellel’aimait,oui,maisaussiparcequ’ilétaitunebellepersonne.Unepersonnequ’elleaimeraittoujours.Etquiluimanqueraitdèsqu’ilsseraientdenouveauséparés.

Page 110: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Bien sûr, il nepourrait jamais comprendre ces sentiments, pas après ceque sonpère lui avait faitsubir.Pourtant,elletenaitàcequ’illesache.

—Elise,mabelle,murmura-t-ilense levantpourvenirs’accroupirprèsd’elle,avantdeserrersamaindans la sienne. Jen’avais jamais imaginéque tu avais puvoir les choses sous cet angle. J’étaisboufféparlaculpabilitéàcausedecequit’estarrivé.Lefaitquecetteordureaitputefairedumalm’adéglingué.Toutcommel’idéequejerisquaisdet’entraînerdansledésastrequ’étaitmavieàl’époque.Tuneméritaispasça.Tun’avaispasàsubirça,ni…

—Quinn,tunem’asjamaisdemandémonavis!Parceque,situt’enétaisdonnélapeine,tuauraissuquetoutcequejevoulaisàl’époque,c’étaittoi.Jet’aimais,Quinn.Jecroisquetun’imaginesmêmepasàquelpointjet’aimais…niàquelpointEllington,luiaussi,tenaitàtoi.Maistupassaisleplusclairdetontempsàtenterd’éviterlescoupsdetonpère,àcachertantbienquemaltesecchymoses…sibienquetun’asjamaiscomprisquellepersonneextraordinairetuétaisànosyeux.

Visiblementbouleversé,ilsecouavigoureusementlatête.Pourtant,ladernièrechosequ’ellevoulait,c’étaitlemettremalàl’aise.

—Allons,Quinn,reprit-elleàvoixbasseenluiprenantlamainpourlaporteràsabouche.Allons-nous-end’ici.

—Quoi?Toutdesuite?—Toutdesuite.J’aibesoind’êtreseuleavectoi.D’abord, elle crut qu’il allait refuser.Qu’il allait trouver une excuse – ils n’avaient pas fini leur

dîner, l’additionn’étaitpas encorearrivée…Maiselle enavait assezdeparler, assezde ressasser lepassé.ElleaimaitQuinnBradfordetelleallaitprofiterpleinementdechaquesecondequi lui restaitàpasserauprèsdelui.

Finalement,ilselevadetableetsortitsonportefeuille,dontilextirpaplusieursbilletsqu’ildéposasurlatable.

—Allons-y,déclara-t-ildecettemêmevoixembuéededésir.Unevoixchaude,saturéed’unamourquitransperçaElisedepartenpart.Ilsnesepressèrentpaspourrentrer.QuinnfitfaireàEliseletourdulacsursamagnifiqueHarley,et

elles’accrochaàlui,glissantsesbrasautourdesataille,calantsatêtecontresonépaule.Quelquepartenelle,elleauraitvouluquecemomentduretoujours.Sentirleventsursonvisage,le

grondementdumoteurentresescuisses, lachaleurdeQuinntoutcontreelle…Laroutequ’ilempruntaétaitmagnifique:tortueuse,maisleclairdeluneydessinaitdesjeuxd’ombresetdelumière.

Ellelevalesyeuxpourcontemplerlecielétoiléetsesmilleetuneconstellations,àl’éclatprometteurettellementinsaisissable.Àcetinstant,Eliseauraitvoulutendrelamainetcueillirundecesastres,letenir au creux de ses doigts et se baigner dans sa lumière. Et, pour la première fois, elle repensa autatouagedeQuinn.Àsaconstellation,à lui.Àcequ’ellesignifiait.Peut-êtrequ’àsafaçonQuinnétaitcommeuneétoile…Insaisissable.

Elleneputréprimerunfrissonàcetteidée,et,commeQuinnralentissait,ildemanda:—Tuasfroid?Enréalité,l’airétaittrèsdoux.Maisilétaitplusfaciled’acquiescerplutôtqued’admettrecequila

faisaitainsifrémir.Quelquesminutesplus tard,Quinnralentitencoreets’engouffrasur la longuealléequimenaitàsa

villa.—Déjà?demanda-t-elle,telleuneenfantàquionvenaitderetirersafriandise.—Tuavaisfroid,répondit-ilenstationnantsaHarleydanslegarage.Etpuisj’avaispeurquetamain

Page 111: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

tefassemal.Tuasdéjàsautéuneprised’analgésique.—Jemesensbien,Quinn.—Eh bien, pasmoi ! avoua-t-il en prenant samain pour la poser sur son sexe dur à travers son

pantalon.Tesentirtepressercommeçatoutcontremoim’arendudingue.—Sansblague?demanda-t-elleenlecaressantdoucementàtraverssonjean.Etqu’est-cequejesuis

censéeyfaire?Quinnluiadressasonsourirederockeur,debadboy…Cemêmesourirequipoussaitlesfemmesdu

mondeentieràluilancerleurssous-vêtementssurscène,voireàdéclencherdesémeutesrienquedansl’espoirdeletoucher…

—Tuveuxquejet’expliqueoutupensespouvoirdevinertouteseule?—Oh, jecroisvraimentqu’ilfautquetum’expliques!Sansoublieraucundétail,susurra-t-elleen

refermantbrusquementsesdoigtsautourdelui.Quinnretintsonsouffle,etsonregards’assombritencore.Commeelleaimaitlevoirperdresesmoyensainsi…Maisilseressaisitbientôtpourluimurmurerà

l’oreilletoutcequ’ilavaitl’intentiondeluifaire.Et,quandileutterminé,iln’étaitplusleseulàrespirerdifficilement.

Le lendemainmatin, quand elle s’éveilla, Elise se sentit toute courbaturée.Ce qui n’avait rien de

surprenantaprèslanuitqueQuinnetellevenaientdepasser.Entoutcas,ellen’étaitguèrepresséedeselever, d’autant qu’elle n’avait rien de prévu en particulier pour aujourd’hui. Enfin, hormis deviner leprochain coup tordu que lui avait forcément préparé Quinn – il les manigançait toujours quand elledormait.Quoiqu’ilensoit,ellepouvaittoutàfaitsongeràsafuturerevancheenrestantcouchée…

Elle sentit tout à coup l’air froid sur sa peau. Et, quand elle tendit la main pour remonter lescouvertures,ellenetrouvarien.Sibienqu’elleseredressabrusquementpourregarderautourd’elle,danslachambre.Pasunseuldrapsurlelitniparterre.Plissantlesyeux,elleselevaettentadecomprendre.Quel intérêtauraiteuQuinnà luivoler lescouvertures?Celan’avaitpasdesens.Maintenantqu’elleétaitdebout,ellen’avaitplusbesoinnidedrapsnidecouvertures,n’est-cepas?Àmoinsque…

Lapenséequiluivintsoudainàl’espritétaitsiépouvantableque,pendantuneseconde,ellenevoulutmêmepasl’envisagersérieusement.Saufqu’elleavaitaffaireàQuinn,leQuinndespoissonsrougesetdes sous-vêtements disparus. Et elle le savait prêt à tout, surtout après qu’elle l’avait humiliépubliquementdevantlaplusgrandepartiedesesfans,laveille.

Elle se précipita alors vers la commode pour ouvrir le tiroir où elle rangeait habituellement sonpyjamaetsespantalonsdeyoga.Vide.Toutcommeceluidesestee-shirts.Etceluidesesjeans.Touslestiroirs,toutelapenderieavaientétévidés.Àl’exceptiond’unstringrouge.Unminusculetriangledetissuornédestrassécarlate.

Benvoyons!Plusamuséequepaniquée,Elisepassaalorsàlasalledebains,maisneputqueconstaterlesdégâts:

Quinn avait tout emporté à l’exception d’une petite serviette pour lesmains.Bon sang,mais commentavait-ellepuresterendormiependantqu’ildéménageaittoutcelinge?Quinnavaitdûeffectuerplusieursallersetretourspourfairedisparaîtrel’intégralitédesserviettesdetoilette.

Bienjoué,QuinnBradford.Bienjoué.Aprèsavoirfouillélemoindrerecoinàlarecherched’unboutdetissuqu’ilauraitpuoublier–ilne

restaitplusriensinonledrap-houssesurlequelelleavaitdormietdanslequelellen’avaitaucunementl’intentiondes’enroulervutoutcequ’ilsavaientfaitdessuspendantlanuit–elletraversalecouloirendirectiondelachambredeQuinn.

Page 112: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

ElleluiemprunteraitquelqueshabitsenattendantdevoirJamison.D’accord,lesvêtementsdeQuinnseraienttropgrands,maisellen’auraitqu’àlesretrousser.

SaufquelachambredeQuinnavait,elleaussi,étévidéedetoussesvêtements.Pasunseultee-shirt,pas un seul de ses jeans ostensiblement troués, pasmême un peignoir ou un pyjama. Son lit avait étéentièrementdéfait,lesplacardsdesasalledebainsvidés.

Lesalaud!Lesalauddepremière!Voilàqu’elleseretrouvaitprisonnièreàl’étage,avecrienàsemettresurlesfessessinoncestringridicule.Cemêmestringqu’elleavaitenviedefaireavaleràQuinndesespropresmains…

Etsielleleprenaitàsonproprejeuendescendantlerejoindredanssonplussimpleappareil?D’unecertainefaçon,elleétaitprêteàreleverledéfi,rienqueparcequeQuinnnel’enpensaitprobablementpas capable.Après tout, elle était tout à fait capable de préparer le café en tenued’Ève.Et puis ellesavaitqu’ilyavaituntablierdanslacuisine–elleavaitvuQuinnl’enfilerpeuaprèslapremièrefoisoùilsavaientfaitl’amour.

Saufque…saufquesescamaradesdeShakenDirtyvenaientdepasserdeuxjournéesentièreschezQuinn à travailler sur leur prochain album. Et il y avait de fortes chances pour qu’ils reviennentaujourd’hui. Elle avait beau n’éprouver aucune gêne à parader entièrement nue devant Quinn, elle neferaitjamaisunetellechosedevantJaredetRyder.Jamais.

Pourtant,ellen’allaittoutdemêmepasresterprisonnièredesachambretoutelajournée…NilaisserQuinn remporter ce nouveau round,même si, force était de l’admettre, il venait demarquer un point.Autrementdit,elleallaitdevoirtrouverquelquechosepoursecouvrir.

Aprèsavoirexaminétouteslesoptionsquis’offraientàelle,ellearrivaàuneconclusion:ilneluirestaitplusqu’àdétacherunrideaupourl’enroulerautourdesoncorpsetleporterentoge.Cen’étaitpaslatenuedontellerêvait,mais,pourl’heure,celaluisuffiraitbienpourdescendreaurez-de-chausséeettruciderQuinn.Lentement.Dansd’atrocessouffrances.

Elle se décida donc pour une tenture de la salle de bains, suffisamment longue pour l’habillerentièrement,maispasassezpourqu’elleseprennelespiedsdedans.Etpuis lerideauétaitnoir.Aussinoirquel’âmedeQuinn.

Il lui fallut quelques minutes pour le décrocher, mais elle y parvint tant bien que mal. Le pluscompliqué futd’enrouler l’étoffeautourdesoncorpsà la façond’une toge,maisellenese laissapasdécourager tantqu’ellene futpascouvertedesépaules jusqu’auxgenoux,carelleétaitbiendécidéeàquittercettechambreavantlafindeladécennie.

Aprèss’êtreaspergéelevisaged’eaufraîcheets’êtrebrossélesdents,elleenfilasesclaquettes–Quinnavaiteul’infinieclémencedeluilaisserseschaussures–puisfonçaaurez-de-chaussée.

Commeelles’enétaitdoutée,àpeinearrivéeenbas,elleentenditdeséclatsdevoixmasculinesquiprovenaientdelacuisine.JaredetRyderétaientbienlà.Excellent!Quinnallaitluipayercettedernièrecrasse,etilallaitpayerleprixfort.

Redressant lesépaules,Elises’assuraquechaquezonecrucialeétaitbiencouverte,puissedirigeaverslacuisine.Elleavaitbesoind’unebonnetassedecafé,avantdefracasserlatêtedeQuinncontreleréfrigérateur–non,ellen’étaitpasrancunièredutout…

Elle trouva les trois jeuneshommes attablés autour depancakes, enpleinediscussionpendant queQuinnprenaitdesnotessurunmorceaudepapier.

—Salut,lesgars!lança-t-elled’unevoixfaussementnonchalante.Elleparvintmêmeàatteindrelacafetièresanstrébuchersursonencombrantetenuedefortune.Cequi

futtoutsauffacile,vuquelestroismusiciensavaientévidemmentlesyeuxrivéssurelle.—Salut, Elise, lui lança Jared en se levant brusquement pour venir la rejoindre. Tu voudras des

Page 113: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

pancakes?Ilnousrestepleindepâte.Elleluisourit–aprèstout,iln’yétaitpourriensisonamin’étaitqu’unmonstremachiavélique–puis

répondit:—Jecroisquejevaismecontenterd’uncafépourl’instant.Jen’aipastrèsfaim.—Entoutcas,n’hésitepassituchangesd’avis,dit-ilavecunhaussementd’épaules.—Merci,c’estgentil.Del’autrecôtédela table,Quinnregardaitfixement, l’airagacé,cequi,quelquesminutesplustôt,

n’étaitencorequ’unrideau,tandisqueRyderlesobservaittouslesdeuxd’unairamusé.—Oùest-cequetuastrouvécetruc?finitpardemanderQuinn.— Tu n’essaies même pas de nier, hein ? répliqua-t-elle de la voix la plus hautaine qu’elle put

trouver.—Tu as fait croire à lamoitié de la planète que j’écoutais JustinBieber en secret, alors non, je

n’essaie même pas de nier que je t’ai renvoyé l’ascenseur, ma belle… J’avais pourtant pris mesprécautionspourquetunetrouvesrienàtemettre…Oùas-tudégottécemachin?

—Oh,ça?Jemesuisserviedanstasalledebains.—Impossible!J’avaissortitouteslesserviettes…—Oh,maiscen’estpasuneserviette.—Maisdequoiest-cequevousparlez,lesmecs?intervintRyderens’écartantlentementdelatable.

Qu’est-cequetuasencorefaitàlademoiselle,Bradford?—Attendsuninstant,grommelaQuinnentouchantl’étoffeduboutdesdoigtsavantd’ouvrirdesyeux

toutronds.Ceneseraitpasunrideau?—Possible.—Tut’eshabilléeavecmesrideaux?—Entoutcas,jeneportepascettemonstruositédestringquetum’avaislaissée.—Dommage,jeletrouvaisclasse,moi…Lerougetevatoujoursaussibien.Elleluiadressaundoigtd’honneur,puispassaderrièrelui.EllesetrouvaalorsnezànezavecRyder,

quisetordaitderire,àlalimitedelacrised’hystérie.— Bordel, Quinn, c’est une blague, j’espère ? protesta-t-il après avoir retrouvé un semblant de

sérieux.C’estcommeçaquetutraitestesinvitées?Tuleurpiquesleurssous-vêtements,leurshabits,ettulesobligesàs’habilleravectesrideaux?

—Pasétonnantquetuaiesdûlakidnapperpourlaramenerici,renchéritJared.—Quivousaditquejel’avaiskidnappée?—Wyatt,biensûr!—Attendsunpeuqu’ilvoieça,repritRyderenprenantunephotoavecsontéléphone.Ilnevapasen

revenir!—Pourmadéfense,jeluiavaisquandmêmelaisséunstring…—Cequinem’auraitpasserviàgrand-chose,vuquetespotessontlà…Tum’imaginaisvraiment

débarquerenstringaumilieudevosséancesderépétition?LeregarddeQuinns’assombrit,etElisesefélicitad’avoirsuaumoinsobtenircetteréaction.—Moi,çanem’auraitpasgêné,commentaJaredavecunsourirecharmeur.—Mouais!Moi,jepensequeçaauraitsurtoutgênéQuinn,ajoutaRyder.—Donc,ilauraitdûluilaisserseshabits…—Maisdequelcôtéest-cequetues?s’agaçaQuinnenfusillantleguitaristeduregard.—Ducôtédetacopine,c’estclair,fitJaredenôtantsontee-shirtpourledonneràElise.Tiens,ma

jolie,çadevraitêtreplusconfortablequ’unrideau…

Page 114: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

—Merci, Jared.C’est très gentil,murmura-t-elle en saisissant le vêtement encore plus ample queceuxdeQuinn.

Enquittantlacuisinepourallersechanger,elleentenditQuinnpersifler:—Franchement,lesgars,vousmecassezmoncoup.J’essayaisjustedeluidonneruneleçon.—Mec, j’aivucequ’elle t’a faithier.À taplace, jenechercheraispasà luidonnerenviede se

vengerencoreunefois…—Iln’apastort,notaRyder.Jecroisquejevaisallerluiprêtermonpantalon.Eliseneputseretenirderire.Oui,ellevenaitdepasserunesemaineaffreuse;oui,savie,sacarrière

étaientenmiettes…MaiselleavaitaussiretrouvéQuinn,etpeut-êtres’était-ellemêmefaitdenouveauxamis…«Unmalpourunbien»,commeditl’adage.

Deplus, elle savait désormais comment prendre sa revanche.Tout ce qu’elle avait à faire, c’étaitd’appelerJamisonpourluidemanderdeluiapporterunebonnecargaisondepeinturerosebonbonetunstockdestrass.

Page 115: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Chapitre17

Elisemanigançaitquelquechose.Aufonddelui,Quinnlepressentait,maisilnedisposaitd’aucunepreuve. Elle était trop maligne pour cela. On aurait pu penser qu’elle ne serait pas trop rancunière,puisqu’illuiavaitrenduseshabitspeuaprèsqu’elleétaitdescendueàlacuisineenrouléedanslerideaudesasalledebains.Audépart,ilavaitprévudelalaissermarinerbienpluslongtemps,maisiln’avaitpassupportédelavoirenfilerletee-shirtdeJared.

Elleavaitrécupérésesvêtementssansriendiredeparticulier,maisilsavaitqu’ellen’enresteraitpaslà.Deux joursavaientbeaus’êtreécouléssansqu’elle tirevengeancedeQuinn,celui-cisavaitquecen’était qu’une question de temps. Elise avait toujours été du genre à avoir le derniermot, surtout enmatièredecoupsbas.

Cela dit, il avait beau se sentir un peu – bon, disons plutôt « beaucoup » – sur le qui-vive, il nepouvait s’empêcher d’éprouver une certaine joie. Car, depuis qu’il avait ramené Elise chez lui, ellemangeaitmieux,dormaitmieux.Elles’entendaitbienavecsesamisetsemettaitmêmeàplaisanteravecRyderetJaredpresqueautantqu’elleplaisantaitaveclui.Ellesemblaitheureuse.Mêmesisonbonheurnepouvaitêtrequepartiel.Quinnsavaitàquelpointellesouffraitdenepaspouvoirjouerdupianoetdesavoirqu’ellenepourraitsansdouteplusjamaisjouercommeavant.Pourtant,enseulementcinqjours,elleavaitretrouvéunebienmeilleureminequ’àsasortiedel’hôpital.

D’ailleurs,ellecomposaitdelamusique.Pasbeaucoup,pastouteseule,maiselleavaittoutdemêmecontribué à l’écriture de trois morceaux avec lui, Jared et Ryder, assez pour qu’ils la citent commecoauteuresurleurprochainalbum.Audébut,Quinnluiavaitsurtoutsuggérédeparticiperpourluiéviterde s’ennuyer pendant qu’ils travaillaient. Mais, très vite, son opinion, son aide lui étaient devenuesindispensables. Elise révélait un véritable génie pour la composition : elle avait un sens inné de lamélodie,plusquen’importequelleautrepersonneavecquiilavaitdéjàtravaillé.

C’estpourquoielleassistaitaujourd’huiàleurséancedetravail.Jared,Ryder,Eliseetluis’étaientretrouvésdanslestudiod’enregistrementpourjouerlesmorceauxàlaguitareélectriqueetauclavieraulieudes instrumentsacoustiquesde lasallederépétitiondeQuinn,afindevoircequedonneraient lescombinaisonsd’accordsunefoisenregistréessurleprochainalbum.

—Lepontnesonnepasjuste,déclaraElisedepuislecanapéoùelleétaitassise.Lacombinaisondenotesdanstonaccordestdissonante.

—Ça,c’estparcequ’onfaitdurock,expliquaJared.Lesdissonancesontparfoisdubon.—Je saisbien, rétorqua-t-elle en levant lesyeuxauciel.Mais ily a lesdissonancesvolontaires,

assumées,etcellesquiseproduisentquandçasonnesimplementfaux…Cequiestclairementlecasenl’occurrence.

—Tuastort,insistaJaredenrejouantsonaccord.C’esttrèsbien.—Non, tuas tort, intervintRyderens’emparantd’uneguitaresur laquelle il joua lemêmeaccord

maisuneoctaveplushaut.Tuvois?Onentendbienquelesnotesnevontpasensemble.Quandonjouel’accordplusgrave,çanes’entendpasbien,maisenfaitilsonnefaux.

Page 116: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Jaredmarmonnaentresesdentsavantdehausserlesépaules.—Bon.Etqu’est-cequ’onfaitdanscecas?EliseselevaetrejoignitQuinnprèsdusynthé.—Etsituessayaisquelquechosedanscegenre?proposa-t-elleenjouantunesériedenotesdesa

maindroite.Elle proposa une combinaison audacieuse, reprenant les notes de base de l’accord sur lequel ils

venaientdetravailler,maisenlerenversant.—C’estdément!s’extasiaJaredencopiantaussitôtsonjeusursaguitare.—Dément,répétaRyder.Essayonsàlaguitareetauclavierenmêmetemps.Ilsseremirentautravail.Quinnpritlarelèved’Eliseenjouantdesdeuxmains,pouraccentuerl’effet.—Excellent,repritRyderauboutd’uneminute.EliseMcKinney,tuesungénie!Ellerougitetsecoualatête.—Çam’étonnerait.—De toute façon, on ne te demande pas ton avis, intervint Jared avec un sourire. En ce quime

concerne, je te trouve exceptionnellement douée, et je sais de quoi je parle… Alors tu ferais biend’accepterlecompliment.

—Tu…Vousêtessérieux?—Carrément,insistaRyder.Jecroisquel’onnepourraplusjamaisécrireunechansonsanstonaide

àprésent.Àcesmots,Elisesefigea.Malàl’aise,ellecherchaQuinnduregard.Ilsecontentadel’attirercontre

luietdedéposerunbaiserfurtifsursonépauledénudée.Ilavaitbeauluiavoirrépétémaintesetmaintesfoisqu’iltenaitàcequ’elleassisteauxrépétitions,ellen’avaitjamaissemblélecroire.Lavérité,c’étaitqu’ilnepouvaitplussepasserd’elle.

Biensûr,ilcraignaitencoredelablesser,ilcraignaitencoredenepasêtrel’hommedontelleavaitbesoin sur le long terme.Mais ses craintes s’effaçaient peu àpeu, vu combien elle allaitmieuxaprèsseulementquelquesjourspassésauprèsdelui.Ilavaitenviedeluidonnertellementplusencore,deluiprodiguertouslessoins,toutel’affection,toutl’amourqu’elleméritait.Etdevoiroùcelalesmènerait.CarEliseMcKinneyméritaittellementdebonheurdanssavie…Etilvoulaitêtreceluiquileluioffrirait.

Sisonpassétroubleavecsonpèrelehantaitencore,s’ilvoyaitencoreencauchemarElisegisantàcôtéde ce tabouret depiano, du sang sur les tempes aprèsqueQuinn l’avait poussée à terre pour luiéviterlescoupsdesonpère,alorsilcontinueraitàportersacroix.Parcequ’ilétaitbiendécidéàneplusjamaisluifairedemal,àneplusjamaislaisserpersonneluifairedemal.Eliseavaittropsubil’emprised’unpèreabusifpourqueQuinnnelaprotègepascommeilsedevait.

—Ilsont raison,murmura-t-ilendéposantunbaisersursonfront.Moiaussi, jemesuishabituéàt’avoiravecnousenstudio.Tunepeuxpasnouslaissertomberencoursderoute.

Ellesemitàrire.—Onverra,dit-elle,lesyeuxdanslevague.—C’esttoutvu!s’écriaJaredenluiébouriffantlescheveuxaffectueusementavantd’allerchercher

unebouteilled’eaudansleminibar.Turestesavecnous,Elise!—Alors,danscecas,ceseramamanièredevousrenvoyer l’ascenseurpour legîteet lecouvert,

répondit Elise en jouant deux nouveaux accords avec sa main droite. Comment est-ce qu’on pourraitenchaîner,lesgars?J’ail’impressionqu’ondevraitcontinuercrescendo.Celaferaitunpontidéalavantlecoupletfinal.Ilfautdelapuissanceetde…

Elle s’interrompit quand quelqu’un semit à tambouriner à la porte. Séparée du reste de la villa,l’entrée du studio n’était connue que de Quinn et des autres membres du groupe. Et, comme ils

Page 117: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

n’attendaientpersonne,JaredetRydersemblèrentaussisurprisqueQuinnderecevoirdelavisite.—Desfans?s’interrogeaRyderenapprochantdelafenêtrepourjeterunregardàl’extérieur.—Jen’ensaisrien.—Tuveuxquej’ailleouvrir?suggéraElise.Jevousprometsquelesgroupiesobsédéesnetenteront

riendecompromettantavecmoi.Quinnluiadressaunregardréprobateur.—Jepeuxm’enoccuper.Maisilavaitparlétropvite.Quandilouvritlaporte,Quinnneseretrouvapasfaceàunehordede

fanshystériques.Maisàbienpireencore.—Tuvasmelaisserentrer,ouiounon?s’écriaMicah,lesyeuxinjectésdesang.—Bordel,maisqu’est-cequetufaisici?rugitQuinnenluibarrantlepassage.—Tupensaisneplusjamaisvoirmatête,hein?Tucroyaisqu’iltesuffisaitd’envoyercetteputainde

propositionàmesavocatsetquejelaisseraiscouler?Tuterendscompteàquelpointçam’insulte?—Franchement,j’enairienàfairedecequetuenpenses,rétorquaQuinnenhaussantlesépaules.

Maisilyabienuntrucquimetapesurlesnerfs:c’estdetevoirici.Alorsdégagedechezmoi,ettoutdesuite!

—Ah,tuveuxjoueràça?s’exclamaMicahenluifonçantdessus.—Bordel,mec,t’asrienàfaireici!Micahtentadeforcerlepassage,maisQuinnnecédapasunpoucedeterrain.Pasquestiondelaisser

cet enfoiré pénétrer chez lui. Pas questionde le laisser entrer dans le studio pour continuer à torturerJared–ilavaitdéjàfaitassezdedégâts.

Sauf que le guitariste n’était pas du genre à rester les bras croisés pendant que ses amis leprotégeaient,ycomprisdesalopardscommeMicah.

—Dequoiilparle?Dequellepropositionest-cequ’ils’agit?Etmerde!Quinnsetournaalorsverslechanteur.—Ryder…—Jem’occupedeJared.Toi,tutechargesdececonnard.—Vousvousoccupezderiendutout,intervintJaredd’unevoixglaciale.Laissez-leentrer.Jeveux

écoutercequ’ilaàdire.—Ce n’est pas une bonne idée, dit Quinn en s’avançant pour fermer la porte au nez de leur ex-

bassiste.MaisJared,plusrapidequelui,s’emparadelapoignéepourrouvrirlaporteetlaisserentrerMicah.—Allez,crachelemorceau,Micah!—Merci,Jared,dem’accorderlapermission…Jevoisquetuastoujoursaussipeudecouilles.—Hélà!Tufermestagueule,compris?s’écriaRyderenvenantlepousserviolemment.—Etvouscomptezvousyprendrecommentpourmelafermer?—Déjà,onest troiscontreun, repritQuinnens’interposantavantqueRyder lève lepoingdevant

Micah.Situesvenuchercherlabagarre,tudégagestoutdesuite.Cetenfoiréauraitbienméritéuneraclée,maisQuinnrefusaitunetelleviolencedevantElise.—Jaredn’apasenviequejedégage,lenarguaMicah.Ilal’airmêmedes’intéresseràcequej’ai

àdire.—Ouais,peut-être.Mais,tuvois,Jaredn’apluslesidéestrèsclairesdepuisqu’ilt’asurprisentrain

detetapersafiancéependantqueWyattfaisaituneoverdosedanslapièced’àcôté.Jesuisicichezmoietjetedemandepourladernièrefoisdedégager.

Page 118: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

CommeMicahnebronchaitpas,Quinnserralesdentsetseretintdifficilementdenepasluiexploserlatêtecontreunmur.Pasfaciledegardersonsang-froidfaceauxprovocationsdecetteordure.Cetypen’avaitrienàfairedanslamêmepiècequ’EliseouqueJared.Iln’étaitvenuquepourunechose:crachersonvenin.Etl’enviedel’éjectermanumilitaridevenaitlancinante.

Mais les avocats l’avaient mis en garde contre toute forme d’altercation physique. Ils avaientexpliquéàQuinnetàRyderquedetelsagissementsfiniraientimmanquablementparseretournercontreeux.Or, à en juger par la façondontRyder serrait les poings, il était lui aussi en passe de laisser sacolèreprendreledessus.Quinnallaitdevoirsefairelavoixdelaraisonmalgrécetteirrépressibleenvied’étriperMicah.

—C’estladernièrefoisquejeteledis,Micah.Ensuite,j’appellelapolice.Etjeteraccompagneàtavoiture,d’unefaçonoud’uneautre.

—Moi, jeveux toujoursqu’onm’expliquedequelleproposition ilparle, reprit Jared, intervenantpourlapremièrefoisdepuisquelebassisteétaitentrédanslapièce.

—Ilsn’ontmêmepasprislapeinedeteteniraucourant?ricanaMicah.C’esttouteux,ça!Onauraitpucroirequ’enprenantladécisiondevirerunmembredugroupeilsenauraientinformélesautres,maisnon!QuinnetRydernesefatiguentpas.Ilspréfèrentréglerleurspetitesaffairestoutseulsdansleurcoin.

—Onn’estpastoutseuls!PluspersonneneveutdetoidansShakenDirty!—Ehbien,allezvousfairefoutre!Jeneveuxplusresterdanscegroupedemerde,detoutefaçon!

Vous n’êtes qu’une bande de losers pitoyables. Sauf que j’ai contribué à faire du groupe ce qu’il estaujourd’hui.Alors,sivousvoulezvousdébarrasserdemoi,ilvafalloirmefaireunebienmeilleureoffrequevos3pitoyablesmillionsdedollars.

—Troismillionsdedollars?répétaJared,incrédule.Vouscomptiezdonnerunesommepareilleàcesalaud?

—Oh,maisilsvontmedonnerbienplusencore!sevantaMicah.Toiaussi,tuvasdevoirfouillerlefonddetespoches…Alors,qu’est-cequeçafait,monpetitJared,detedirequ’enplusd’avoirrécupérétafemmejerécupèretonfric?

—Écoutez,lançaElisequin’avaitrienditjusque-là,onvasecalmerjusteuneseconde.Jared,nelelaissepas…

Elleneputterminersaphrase:Jaredétaitdéjàentraindeseprécipiter,poinglevé,versMicah.MaisQuinnledevança.TandisqueRyderretenaitleguitaristedeShakenDirty,QuinnenfonçaitsonpoingdanslamâchoiredeMicah.Tantpispourlesavertissementsdesavocats.Danscertainscasdefigure,iln’yavaitpasd’autresrecoursque«l’altercationphysique».

—Etmaintenanttudégagesdechezmoi!EmpoignantMicahparlecou,illetraînaverslasortie,maislebassistesedébattitvigoureusement,

échappaàsonemprise,puis,levisagelivideetenragé,seruasurlui.Quinnencaissalepremiercoup,justepourfaireensortequelefuturrapportdepoliceaitl’airplus

crédible.Puisilentrepritdefairelapeauàcetteordure…SaufqueMicahavaitmanifestementprévudedétruireJaredpourdebon.AprèsavoirreçuplusieurscoupsdepoingdeQuinn,ilparvintàsedégagerpoursejetersurJared,quil’attendait,levisagedéforméparlarage.

Entre-temps,Elises’étaitprécipitéeversQuinnpourtenterdelecalmer,maiselleseretrouvaprisedanslabagarre.Micahlarepoussaviolemmentsurlecôtétandisqu’ilfonçaitsurJared.

Horrifié,Quinn regarda lapianisteperdre l’équilibreet tendre samaindroite instinctivementpourtenterdeserattraper.Maiselleavaitétéopéréemoinsd’unesemaineplustôt,etsamain,mêmeavecsonplâtre,n’étaitpasassezrobustepoursupportersonpoids.

Quinncourutverselle…Troptard.

Page 119: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Elletombadetoutsonlongetseheurtalatêtecontrelatablebasse.Uneseconde, justeuneseconde,Quinnsetrouvaparalysé,exactementcommelorsdecettemaudite

nuit,dixansauparavant,alorsqu’ilsétaiententournéeàParisetqu’Eliseetluivenaientdefairel’amourpourlapremièrefois.Ilavaitvoulul’emmenerfaireuntour,luimontrerlaville.

MaislepèredeQuinnavaitdébarquésanscriergare,furieuxdeconstaterquesonfilsavaitséchéunerépétitionàlaquelleiln’avaiteunienvienibesoindeparticiper.Uneviolentedisputeavaitéclaté,etsonpèrel’avaitbattucommeplâtre–àl’époque,Quinnrefusaitdeleverlamainsursonproprepère.Elises’était retrouvée prise entre eux deux, sauf que, à l’époque, c’étaitQuinn qui l’avait fait trébucher envoulant laprotégerde lacolèredesonpère. Il l’avaitpousséede toutessesforces,aumomentoùsonproprepèresejetaitsurlui.

C’étaitQuinnquiavaitblesséElise.Jamaisiln’avaitoubliésonvisageensang.Sonregardterrorisé.—Elise!hurla-t-il,mélangeantlepasséetleprésent.Lissy,mabelle,est-cequeçava?Ilseruaverselle,pendantqueJaredetMicahregardaient,immobiles,lesangd’Eliseserépandreau

sol.Ryderarrivaauprèsd’elleavantlui.—Elles’estévanouie!—Oh,bonsang,non!Pitié,non!balbutiaQuinnens’agenouillantprèsd’elleavantdeposerundoigt

surlaplaiequiluiouvraitlatempe.Seigneur, il n’yavait paspire endroit pour seblesser ! Il avait entendudire celaplusieurs années

auparavant,lorsquel’époused’unecélébritéétaitdécédéedessuitesd’unemauvaisechute.—Appelezlessecours!ordonna-t-ilàboutdesouffle.Appelez…—Jem’enoccupe,fitJaredencalantsontéléphonecontresonoreille.Quelquessecondesplustard,ilexigeaituneambulanceetunevoituredepolice.—Putaindemerde!juraMicah,pourlapremièrefoisdepuisqu’Eliseétaitàterre.Pasquestionque

jemeretrouveenprisonàcaused’unepouffiassequin’apaspus’empêcherdesemêlerdecequinelaregardaitpas.

À cesmots, il tenta de regagner la porte. L’instant d’après, Ryder lui tombait dessus avant de leplaquersansménagementcontrelemur.

—Nebougepas,salopard!s’écriaQuinnd’unevoixrugueuse.Situfaislemoindregeste,jetebutedemespropresmains!

Iln’avaitjamaisétéaussisérieuxdetoutesavie.Micahdutlesentir,carilnebronchapas.Maisilcontinuadegrommelerqueriendetoutcelan’étaitsafaute,cequimanquadefairesortirQuinndesesgonds.S’iln’avaitpaseulevisageensanglantéd’Eliseposésurlesgenoux,s’iln’avaitpasétéobligédevérifierqu’ellerespiraitencore,ilauraitprobablementcassélesdentsdecetenfoiréuneparuneavantdelesluifaireavaler.

Il aurait largement le temps de s’occuper du cas du bassiste plus tard. Pour l’heure, seule Elisecomptait.

Page 120: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Chapitre18

Pourladeuxièmefoisdelasemaine,Eliseseréveillaàl’hôpital,vaguementgroggy,engourdie,maissurtouttrèsconfuse.Lachambreétaitplongéedanslademi-pénombre,maiselleparvinttantbienquemalàidentifieroùellesetrouvait,aidéeparles«bip»del’électrocardiogrammereliéàsondoigtparunepinceenplastique.

Elle se redressa sur les coudes,mais tout semit à tourner, et elle fut prise d’uneviolente nausée.Quelqu’unétaitenfoncédanslefauteuilprèsdulit,latêteetlesépaulesenfouiesdanslesgenoux.Quinn.Impossibledevoir sonvisage,mais sapositionprostrée trahissait sonmalaise.Alors, ce futplus fortqu’elle:elleposaunemainsurlui.

Ilsursautaaussitôt.Lesyeuxécarquillés,lesmainstremblantes,ilsepenchaverselle.—Tuesréveillée?s’étonna-t-ilavantdepousserunsoupirdesoulagement.Ellehochadoucementlatêteets’humectaleslèvres,soudaintrèssèches.—Ques’est-ilpassé,Quinn?Sonvisageserembrunit.—Tunet’ensouviensplus?Péniblement,elletentaderemettredel’ordredanslesidéesquisebousculaientdanssonesprit.Elle

avait passé lamatinée dans le garage, avec la peinture rose que lui avait apportée Jamison.Après ledéjeuner, elle avait rejoint les gars au studio pour travailler avec eux à la composition d’un nouveaumorceau.Ensuite…Micah,biensûr.L’ancienbassistedeShakenDirtyavaitdébarquésansprévenir.

— Quinn, est-ce que tu vas bien ? demanda-t-elle, affolée, en s’agrippant à lui alors que toutremontaitàlasurface.Ilnet’apasblessé,aumoins?

—Est-cequemoi,jesuisblessé?s’indigna-t-ild’unevoixrauque,dure,qu’elleneluiconnaissaitpas.Lissy, c’est toi qui te retrouves à l’hôpital à cause de cette ordure, et tume demandes si je suisblessé?

—Ilt’afrappé,murmura-t-elleenpromenantsamainvalidesursonvisageauteintassombriparsabarbenaissante.

DifficilederetrouverQuinndansleregarddecethommeassisprèsd’elle.—Cetenfoirét’amiseKO,Lissy.Ilt’abousculée,etjen’aipassul’enempêcher.Jen’aipassu…—Tunepouvaispas,l’interrompit-elleens’asseyantmalgrélasensationdevertigequis’emparait

d’elle.— Hé là, doucement ! la rappela-t-il à l’ordre en l’aidant à se rallonger délicatement. Pas de

mouvementsbrusques,tuasunecommotioncérébrale.—Ehbien,mevoilàsoulagée.Illadévisageacommesielleavaitperdularaison.—Commentça?—C’est toujours rassurant de comprendre pourquoi tout se met à tourner dès qu’on se redresse,

expliqua-t-elleenportantunemaindevantsesyeuxetententantdemaîtrisersasensationdenausée.

Page 121: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

—J’appellel’infirmière,ditQuinnens’emparantdelamanetted’appel.—Jevaisbien,assura-t-elled’unevoixpeuconvaincante.Bonsang,elledétestaitsesentirfaibledevantQuinnqui, lui,avait toujoursétésifort!Mais,pour

l’heure,ellen’ypouvaitrien.Elleavait l’impressionquesatêterisquaitd’exploserà toutmoment.Cequi,ensoit,neladérangeraitpassicelapouvaitlalibérerdecettedouleurlancinante.

—Arrêtederépéterça,repritQuinnd’untonderéprimande.Tudistoujoursquetuvasbien,mêmequandçanevapasetqueçasevoit.

Lanauséesedissipaunpeu,etElisedévisageaQuinn,unpeusurpriseparlacolèrequ’elledécelaitchez lui. Les poings serrés, il respirait de façon saccadée. Une lueur sauvage brûlait au fond desonregard.

—Quinn?demanda-t-elleavecprudence.Est-cequetu…—Bonsang,jeteprometsque,situmedemandesencoreunefoissijenesuispasblessé,jepèteun

plomb ! lâcha-t-il avant de lui tourner le dos en se passant unemain dans les cheveux. Bon, je vaischercherl’infirmière.Jereviensdansuninstant.

—Maistuviensd’appuyersurlebouton…—Ouais,ehbien,jenelavoispasarriver.Ilfautquequelqu’unt’examine.Ce furent lesdernièresparolesqu’il lui adressa.Certes, il était revenuquelquesminutesplus tard

avec l’infirmière, laquelleavaitauscultéElise.Tous les indicateursétaientencourageants,etelleavaitsimplement besoin de sommeil. Quand l’infirmière avait quitté la chambre, Quinn avait tenu la maind’Elisetandisqu’ellereplongeaitdanssonsommeil.

Ellenel’avaitpasrevudepuis.Ilnel’avaitpasappelée,n’étaitpasvenuluirendrevisite…C’étaitcomme s’il l’avait rayée de sa vie. Si elle n’avait pas été aussi en colère, elle aurait sans doute étéeffondrée.Parcequ’ellesavaitexactementcequ’ilétaitentraindefaire.Ilfuyait.Commeill’avaitfaitàParis.

Lelâche!Lesalelâche!Une partie d’elle n’avait plus qu’une envie : fuir à son tour.Appeler un taxi et se faire conduire

directementà l’aéroportpours’envoleràborddupremiervoldisponible.Puisqu’elleétaità l’hôpital,les médecins en avaient profité pour effectuer une radio de contrôle de sa main, afin de vérifierl’évolutiondelafracture.

La bonne nouvelle, c’était qu’elle se remettait comme prévu.Ce qui constituait aussi lamauvaisenouvelle.Oh, comme elle avait été bête ! Tellement bête ! Parce qu’elle avait eu beau savoir à quois’attendre,celaluifaisaitmal.Trèsmal.Elleenavaitlatêtequitournait.Etl’estomacnoué.

EtQuinn n’était pas là. Elle avait envie qu’il la prenne dans ses bras, qu’il la couvre de baiserscommeillefaisaitlesoirquandillacroyaitendormie.Elleavaitenviequ’illuidisequetoutallaitbiensepasser,mêmesielleavaitl’impressionquelemondes’écroulaitunpeuplussurelle.

Maisnon,ça,iln’enétaitpascapable,n’est-cepas?PasQuinnBradford.Ilétaittrèsdouépourlessituationsdecrise,quandtoutpartaitàvau-l’eau.Maisàlasecondemêmeoùunsemblantd’améliorationétaitenvisageable…ilsetenaitpourresponsabledetouslesmalheursdumonde.Etilprenaitlafuite.

Oui,lesalelâche!Lemédecin signa son autorisation de sortie. Elise était d’humeurmassacrante. Jamais elle n’avait

éprouvéunetellecolère,unetellehargne.EtquandJamisonvintlachercher–ilavaitvraimentpenséàtout, le salaud ! – Elise lui demanda de l’amener chez le pianiste, de façon qu’ils puissent avoir unedernièreexplication.

Page 122: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Elledevinaitqu’ils’envoulait,qu’ilsecroyaitresponsabledelablessured’Elise,maisilsavaientdéjàvécupire.La jeune femmevenaitdepasserdixansde savie sans lui et ellen’avait aucunementl’intentiondevivrelesdixannéesàvenirdelamêmemanière.Carelleaimaitcethomme.Etellesavaitque,derrièretoutelaculpabilitéqu’ils’infligeait,ill’aimaitaussi.

—Elise,jesuisdésolée!s’exclamaJamison,laminedéfaite.Quinnn’estpaschezlui.—Commentça?—IlestpartiavecRyderpourLosAngelescematin.Ilsdevaientseréuniraveclesgensdulabel,

faceàface.—Ilestpartiaujourd’hui?Alorsqu’ilsavaitquejesortaisdel’hôpital?Visiblementtrèsmalàl’aise,Jamisonhochadoucementlatête.—Onluiatousditqueçapouvaitattendre,maisilainsistépourréglercetteaffaireauplusvite,tant

que…—TantqueMicahesttoujoursenprison,çaleurlaissel’avantage.—C’estça,confirmaJamisonen luiprenant lamain.Mais jesuiscensée teramenerchez luiet te

chouchouter.CommeRyderestluiaussiparti,jevaispasserdeuxjoursavectoi.IlyacespagénialdanslequartierdeQuinn,quiproposedescures,etjemesuisditqu’onpourraitprendrerendez-vouspours’ydélasser,auxfraisdeQuinn,biensûr…C’estlemoinsqu’ilpuissefaire…

MaisElisen’écoutaitplus.Commentaurait-ellepuavoirenvied’allerauspaalorsquesoncœurétaiten trainde sedéchiqueter ?Quinnn’avait pas seulementpaniqué, il n’avait pas seulementperdupieddansunmomentd’égarement.Unefoisencore, il l’avaitfuie.Iln’avaitrientrouvédemieuxquedeseprécipiteràl’autreboutdupayspours’éloignerd’elle.

Et,cettefois,lacoupeétaitpleine.— Je n’irai pas chez Quinn, annonça-t-elle à Jamison alors que la jeune femme s’engageait sur

l’autoroute.Dépose-moiauW.Poussantun lourdsoupir, Jamisonpritunairblasé,commesielle s’était attendueàcette réaction.

Normal.JamisonavaittropdecaractèrepourlaisserRyderlatraiterdelasorte.AlorsElisen’avaitpasàsupporteruntelcomportementdelapartdeQuinn.

Ellenedevaitpasletolérer,etelleneletoléreraitpas.Pasunesecondedeplus.S’ilétaitunhomme,il viendrait lui parler.Et elle l’écouterait.Dans le cas contraire, ce serait terminé : elle refuserait desubirtoutcela.

— S’il te plaît, ne va pas à l’hôtel, dit Jamison en posant une main amicale sur son genou. Jecomprendsquetun’aiespasenviederetournerchezQuinnaprèslafaçondontilt’atraitée…Maisnevapasàl’hôtel.Ryderetmoi,onapleindeplacecheznous.Rentreavecmoiet…

— Pas question ! lâcha-t-elle d’une voix si rauque qu’elle dut toussoter avant de se reprendre.Écoute, jesaisquetuessaiesseulementdem’aider,mais…Quinnetmoi,notrehistoireremonteàtrèsloin,tusais.Cen’estpaslapremièrefoisqu’ilmefaituncouppareil.Et,sijecontinueàaccepterça,ilne sepriverapasde recommencer. Je sais queQuinn traînebeaucoupde casseroles, et je sais à quelpointçapeutlerendremaladroit.MaisilnepeutpascontinueràmejetercommeunKleenexchaquefoisqu’ilprendpeur…C’estpourça,Jamison,qu’ilfautquetum’emmènesauW.S’ilteplaît!Jenepeuxplusjoueràcepetitjeuaveclui.Pasquandtoutlerestedemavien’estqu’ungrandfiasco.

Jamisonsemblaprèsderépondrequelquechose,sansdouteuncontre-argument.Maisellegardalesilence.Cariln’yavaitrienàdiredeplus.

Enfindecompte,elleaccédaàlademandel’Elise.Findel’histoire.

Page 123: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

—Commentça,elleestpartie?s’écriaQuinnquandJamisonluiannonçalanouvelle.Maisjet’avaisdemandédelaramenerchezmoi,deveillersurelle,de…

—Disdonc,tuarrêtesdecriersurmacopine!maugréaRyderenluilançantunregardnoir.Cen’estpassafaute:tuasmerdétoutseulsurcecoup-là.

Ça,ill’avaitbiencompris.—Maisjeneluicriepasdessus…Jecrie,c’esttout.—Ehbien,arrêtedecrier!Tuvasfinirparluifairepeur,etça,c’estpasclasse,mec.LaseuleraisonpourlaquelleQuinnnes’arrachapaslescheveuxjusqu’audernier,c’estparcequ’il

savaitqueRyderavaitraison.Depuisledébut,Jamisonn’avaitfaitqueluiapportersonaide.Etcen’étaitpasjustedepassersesnerfssurelle.

Fermant les yeux, il inspira profondément et s’efforça de se calmer. En vain. L’image d’Elise,inconscienteetensanglantée,hantaitsonesprit.

—EtquandtuesarrivéeauWpourluirapportersesaffaires,elleétaitdéjàrepartie?Ilst’ontbienditqu’ellen’avaitjamaisprisdechambre?

—Oui,Quinn.C’estcequ’ilsm’ontdit.Jesuismêmealléeàl’aéroport,j’espéraislaretrouveravantqu’ellepasselesportiquesdesécurité.Maisçan’aserviàrien.Jesuisdésolée,Quinn.

—Tupensesqu’elleaquittéAustin?—C’estlaseuleidéequimevient.Celal’abeaucoupcontrariéed’apprendrequetuétaispartiàLos

Angeles.Ellenevoulaitpasretournercheztoinis’installerchezRyderetmoi.Àl’hôpital,ilsluiontfaitdenouvellesradiosdelamainetilsontconsidéréqu’elleétaitdésormaisenétatdevoyager.Etcommeleschosesontcarrémentmerdéavectoi…Jenevoispascequil’auraitencoreretenueàAustin.

À vrai dire, lui non plus.Mais bon…C’est un peu pour cette raison qu’il l’avait laissée seule àl’hôpital. Ilavaitespéréqu’elleparted’elle-même,avantqu’ilpuisse lablesserencoreplus.Saufquemaintenant qu’elle était partie… il avait soudain l’impression d’avoir une plaie béante à la place ducœur.

—Mercipourtoutcequetuasfait,Jamison,articula-t-il.—Avecplaisir.Ryder,je…Iln’étaitplusenétatd’écouter,alorsilrenditletéléphoneàRyder,avantdeserendresurlebalcon

de leur suite d’hôtel.Lavue sur les jardins duBeverlyHillsHotel étaitmagnifique. Pourtant, seul levisaged’Eliseoccupaitsonesprit.

Leschosessontsansdoutemieuxainsi…Enfin,paspour lui.MaisprobablementpourElise.Etc’était toutcequicomptait,après tout.Elise

avait déjà tellement de problèmes à régler dans sa vie, en cemoment…Elle n’avait pas besoin d’yajouterunfardeaudeplus.LefardeaudeQuinn.

Pourtant…ilmouraitd’enviedel’appeler.Cequ’ilauraitpeut-êtrefaitsiseulement–etilnepouvaits’enprendrequ’àlui-même–elleavaiteuuntéléphone.Encoreunechosequ’illuiavaitôtée.

Combiendetempsresta-t-ilainsi,àfixerlesoleilcouchant, lesyeuxdanslevague?Auboutd’unmoment,Rydervint le rejoindreetposaunemainsursonépaule.Puis il lui tenditunverrede tequila,avantdes’affalersurunfauteuil.

—Jen’aipasenvied’enparler,marmonnaQuinnsansmêmeprendrelapeinedeseretourner.—Parlerdequoi?—Nesoispascondescendantavecmoi,grogna-t-ilenavalantunelonguegorgéed’alcool.—Pourquoiest-cequejeleserais?Tutedébrouillestrèsbientoutseulpourça.Quinnlevalesyeuxauciel.—Jenecroispasqu’onpuisseêtrecondescendantenverssoi-même.

Page 124: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

—Oh,excusez-moi,monsieurl’intello!Jesupposequetoutlemonden’estpasaussiintelligentquetoi.

—Bordel!C’estquoi,tonproblème?—Siquelqu’unaunproblèmeici,c’estplutôttoi,répliquaRyderd’untondésinvolte.Tumériterais

une bonne raclée. Ça te sortirait peut-être enfin la tête du sable et ça t’obligerait à tout faire pourrécupérerElise.

—Fairel’autruche,c’estpasmontruc,sedéfendit-ilavantdevidersonverredetequila.Verrequ’ilavaittrèsenviedebalanceràlafiguredeRyder.—Tuenessûr?Parcequ’enl’occurrence,quandjeteregarde,j’aivraimentl’impressionquetute

cachesdanslesablejusqu’aucou.—Cettefilleseratoujoursmieuxsansmoi.—Arrêteunpeudejouerlesmartyrs,çadevientfatigant.Cettefois,QuinnseretournaetdonnaunviolentcoupdepieddanslachaisedeRyder.—Putain,maistunesaismêmepasdequoituparles!Enuneseconde,Ryders’étaitlevéetplantédevantlui,visiblementprêtàendécoudre.—S’ilyabienquelqu’unquiestcapabledecomprendrecequetutraverses,monvieux,c’estbien

moi.Jesuispasséparlà,moiaussi.Jesaisexactementcequeturessens.Alorsd’accord,peut-êtrequetuenasencoreplusbavéavectonpèrequemoiaveclemien,mais,crois-moi, jesaisexactementcequipeuttepasserparlatête.JesaisquetuneveuxpasfairedemalàElise.Maistuoubliesunechose.

Non, iln’allaitpas luidemander laquelle.Pourtant,aprèsquelquessecondesdesilence,Quinnn’ytintplus.

—Etquoi?—C’estmaintenantquetuluifaismal.Cettefemmeestfolledetoi,Quinn.Quinn secoua vigoureusement la tête, bien décidé à expliquer à Ryder qu’il se trompait, mais le

chanteurn’avaitpasfinisondiscours.Posantunenouvellefoissamainsursonépaule,ilattenditpatiemmentqueQuinncessededétourner

leregard.—Mec,j’aivuElisequandelleestavectoi.J’aivulafaçondontelleteregarde,lafaçondontelle

souritquandtunelaregardespas…Cette.Femme.Est.Folle.De.Toi.Sinon,ellenesedonneraitpasautantdemalpourtepourrirlavie.Bonsang,mec,delamayonnaisedanstesTwinkies!Sicen’estpasunedéclarationd’amour,ça…

Quinnneput retenirunpetit rire à ce souvenir– c’était probablement l’effet recherchéparRyder.Maisilretrouvatrèsvitesonsérieux,enseremémorantcequis’étaitpasséparlasuite.

—Micahauraitpulatuer.Lemédecinm’aexpliquéqu’elleavaiteudelachance,qu’ilauraitsuffiqu’ellesecogneuntoutpetitpeuplusfortpourqueleschosesdeviennentcarrémentplusdramatiques.Tucroisquejevaispouvoiroublierça?Eliseafaillimouriràcausedemoi.Àcausededécisionsquej’aiprises.Etça,jen’assumepas.

—Elleafailliperdrelaviedansunaccidentdevoitureilyaunesemaine,Quinn.Ettun’yétaispourrien.Laviecraintparfois.Cesontdeschosesquiarrivent.Alors,ouais,onacruqueMicahnefiniraitpasparsepointerpourchercherlamerde,etc’étaitnaïf.Maisonnereferapascetteerreur.Tunepeuxpas passer ta vie à t’inquiéter sur ce qui pourrait arriver. Sinon, tu ne vis plus,Quinn.Tu en es bienconscient,hein?Jesaisquetuenesconscient.

Rydern’avaitpastort.Maiscesparolespesaientbienpeufaceàl’imaged’Elise,levisagehorrifié,justeavantsachute.Faceausouvenirdubruitsourddesatêtes’écrasantcontrelatablebasse.Etàceluidesonvisage,livide,figé,sursonlitd’hôpital.

Page 125: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

—Cettefilleseratoujoursmieuxsansmoi,répéta-t-ild’unevoixplusdoucequ’ilnel’avaitsouhaité.—Tunepensespascequetudis.—Si.Jefinistoujoursparluifairedumal,chaquefois,mec,etcen’estpasjuste,insistaQuinnen

s’efforçantdefairetairecesvoixaufonddelui,quiluisoufflaientqu’ilétaitdevenucommesonpère,qu’ilblessaittoujoursceuxqu’ilétaitcenséprotéger.J’aibesoindesavoirEliseensécurité.Jedoislalaisserpartir.

Jamaisiln’avaitressenticetteévidenceaussifortqu’àcetinstantprécis.Ryderetluipoursuivirentlespourparlersaveclelabel.Ilsarrivèrentàconvaincreleursmanagersde

se débarrasser de Micah à la lumière des derniers développements. Car se retrouver en cure dedésintoxicationcommeWyattétaitunechose.Maisseretrouverenprisonpouravoiragresséunefemmeen était une autre… Et le label n’avait aucune envie de se retrouver associé à de tels agissements.L’ironiedusortavaitvouluque,pourobtenirsatisfaction,Quinnavaitdûvoirlafemmequ’ilaimaitsefaireattaquerparcetenfoirédeMicah.

Évidence qu’il ressentit encore dans l’avion pourAustin et en arrivant chez lui, dans cette grandemaisonvide–elleneluiavaitjamaissemblévidequandEliseétaitlà.

Évidencequ’ilressentitplusquejamaisenpénétrantdanssongarage,quandilposalesyeuxsursaHarley.

SaHarley.SaHarleyrepeinteenrosebonbon.Recouvertedepaillettesargentéesetdestrass.Oui,destrass!C’étaitlachoselaplushideusequ’ilaitjamaisvue,etpourtant…Cespectacleauraitdûlemettreencolère.Ilauraitdûêtrefurieux.C‘étaitsamoto,safierté,sonpetit

bijou.C’étaitlapremièrechosequ’ils’étaitofferteàl’époqueoùShakenDirtyavaitcommencéàgagnerunpeud’argent.Etc’étaitladernièrechosedontilsedébarrasseraits’ilseretrouvaitfauché.Pourtant,alorsqu’ilcontemplaitsamotodésormaisdécoréefaçonBarbie–etnonfaçonbadboy–,laseulechoseàlaquelleilpensa…c’étaitqu’Eliseneluiferaitplusjamaisdecrasses.Plusjamaiselleneluijetteraitceregardindigné,plusjamaiselleneferaitlamoueenluireprochantdeluiavoirjouéuntour.

Ileutsoudainl’impressiondelaperdreunenouvellefois.D’unemaintremblante,ilparcourutlescœursqu’elleavaitdessinésenstrass.Puisiltombaàgenoux

etenfouitsonvisageentresesmains,alorsqueleslarmesluimontaientauxyeux.Pour lapremière fois, il seditqueRyderavaitpeut-être raison.Oui, ilavaitblesséElise.Oui,ce

saloparddeMicahavaitblesséElise.Toutcommesonpèrel’avaitfait.Toutcommecefichuaccidentdevoiturel’avaitfait.Lavieétaitainsi.Etmalgrécela,malgrétout,Eliseavaittoujoursréussiàsurmontercesépreuves.Àtournerlapage,àallerdel’avant,pourseconstruiresavieàelle.

Ilessayaalorsd’imaginercequ’ilressentiraitsijamaisilnepouvaitplusjamaisjouerdupianonidusynthépourShakenDirty.Sansdouteserait-ilàramasseràlapetitecuillère.Sansdoutedeviendrait-ilunbonàrien.

Eliseavaittoutperdu,etpourtantelleavaitréussiàluipardonnercequ’illuiavaitfaitsubirpendantleuradolescence.Ellene le tenaitpaspourresponsablede l’accidentavecMicah,alorsque lui-mêmes’envoulaitterriblement.Eliseétaitamoureusedelui,maisilluiavaittournéledos.Ilétaittropempêtrédanssesangoisses,tropoccupéàs’apitoyersurlui-même,pourserendrecomptedecequ’ilétaitentraindeluifairesubir.

Pourserendrecomptequ’illuiinfligeaitplusdedouleurqueMicahetsonpèreréunis.Cetteseuleidéelerenditmalade.Etilrepensaàtoutcequis’étaitpassédepuiscettemauditesoirée

austudiod’enregistrement.Àtoutcequ’ilavaitfait.Etoubliédefaire.Peu à peu, il se rendit compte du sentiment d’abandon qu’avait ressenti Elise. Et la culpabilité

Page 126: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

l’envahit.Etmerde!Cettefois,ilétaitdanslepétrinjusqu’aucou.Etiln’avaitpaslamoindreidéedelafaçon

dontilallaitpouvoirs’ensortir.Quand l’iPhone flambant neuf d’Elise annonça l’arrivée d’un SMS par une petite sonnerie, elle

l’ignora.À10heurespassées,elleétaitencoreenpyjama.Etaulit.Pasparmanquedesommeil,non.Plutôtparcequ’elles’apitoyaitsursonsort.Voilà unedizaine de jours qu’elle avait quitté l’hôpital et qu’elle s’était envolée pour leVermont,

incapabledeserésoudreàretournerdanslamaisondesonenfance,àChicago.Dixjoursqu’elleavaittourné la pageQuinnBradfordpourdebon.Enfin, plusprécisément, qu’il l’avait viréede savie.Detoutefaçon,peuimportaitquiavaitdécidéquoi:lerésultatétaitlemême.Etpuis,c’étaitsadéprimeàelle,etelleavaitledroitdedéformerlesévénementsdanslesensqu’ellevoulait.

Poussant un soupir, elle s’empara du petit carnet sur lequel elle composait de la musique depuisqu’elleétaitarrivéeici.Leseulpointpositifdecesdeuxsemaines,c’étaitdesedécouvrircenouveautalent.Ellen’arriveraitpeut-êtreplusàjouerdupianoàunniveauprofessionnel,maiselleavaitgagnéquelquechosedeprécieuxenretour:ellesesavaitdésormaiscapabled’écrireunechanson.

Depuisqu’elles’était installée ici,elleavaitcomposépasmoinsdesixmorceaux, touteseule.Sixbonsmorceaux.Trèsbons,même–elleparlaitenconnaissancedecause.Autrementdit,sacarrièredepianisteavaitbeauêtrefichue,Eliseavaitpeut-êtreunpeud’avenirdansl’industriemusicale.Ilyavaitencore tant de voies qui s’offraient à elle. Bien plus qu’elle ne l’aurait imaginé, à l’époque où elleenchaînait les tournées.Deplus, l’écritureet lacompositionne luidemanderaientpasdesedonnerenspectacle.Plusbesoindesetrouversouslefeudesprojecteurs…Finiletracparalysantavantdemontersurscène.Cetteseule idée luiprocuraitunegrandesérénité,pournepasdireune joiequ’ellen’auraitjamaisimaginééprouverdenouveau.

Certes,elleavaitrêvéd’unevieauprèsdeQuinn,sonuniqueamour.Mais,commelotdeconsolation,cen’étaitpassimal.

Letéléphonebipadenouveau.Deuxfois.Troisfois.Etellefinitpars’emparerducombiné.CedevaitêtreJamison.Quid’autre,puisqu’elleétaitlaseuleavecquilapianistecommuniquait?

Elisen’étaitpasd’humeuràpapoterparSMS,etelleallaiteninformersanouvelleamie.Ladernièrechosedontelleavaitenviedanscettepérioded’apitoiement,c’étaitd’avoirdesnouvellesdeQuinn.Etd’apprendrecombienilsesentaitmieuxloind’elle.

Mais,sursonécran,lesmessagesdeJamisonnesemblaientpaschercheràluiremonterlemoral.Aucontraire,ilsdisaient:

Regardeça!Bises.Unliensuivaitlestroismots.Eliseavaitreçulemêmemessagequatrefoisd’affilée.Jamisonavaitprisl’habitudedeluiadresser

desliens.Enfait,depuisl’instantoùelleavaitembarquésurcevolàdestinationduVermont,Jamisonlabombardaitdemessages,deliens,d’histoiresdrôles…Ironiquement,pourgagneruneamie,ilavaitfalluqu’Eliseperdeleseulhommequ’elleaitjamaisaimé.

Cliquant sur le lien – sachant que Jamison continuerait de la harceler tant qu’elle n’aurait pasobtempéré –, Elisemanqua de s’étouffer.Une photo deQuinn posant en couverture deRolling Stones’affichaitsursonécran.

Elle faillit refermer la fenêtre. Un jour, peut-être, elle pourrait voir une photo de lui sans avoir

Page 127: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

l’impressionqu’on lui arrachait les entrailles.Mais, finalement, elleneput s’empêcherde contemplersonvisage,sonairdébraillé,renfrognéettellementsexy.Tellement,tellement,sexy…Leshommesaussibeauxauraientdûêtreinterditsparlaloi.Surtoutfaceàdesfemmesaucœurchaviré,commeelle.

Justeavantderefermerlafenêtrepourdebon,elleremarquapourlapremièrefoislalégendedelaphoto:«QuinnBradford,deShakenDirty,nousparled’amour,demusiqueetdelanécessitédesemettreàgenoux…(Vousn’allezpasencroirevosyeux!)»

Impossibledes’empêcherderegarder.Elleavaitbeausediredeposerletéléphone,defermerlesyeux, de faire autre chose, n’importe quoi, elle devait voir de quoi il s’agissait. L’article n’était pasencoredisponible, car la séancephotovenait tout justed’êtremiseen ligne,mais,d’après l’imageencouverture,ildevaitparaîtredanslenumérodenovembre.

LadeuxièmephotomontraitQuinnsousleporchedesamaison–qu’ellereconnutimmédiatement–en train de contempler son jardin. Sur le troisième cliché, il était assis à son piano, dans la salle derépétition,torsenuetvêtud’undesesfameuxjeansdéchirés.

Commentresterinsensiblefaceàunetelleimage?Quinnétaitlà,soussesyeux.Sonregardsemblaitun peu plus triste que d’habitude, ses hanches un peu plus saillantes… Mais il était toujours aussimagnifique.Sensuel.Sublime.Oh,commeilluimanquait!Illuimanquaitàencrever.Commeelleavaitenviedeseblottircontrelui,depromenersalanguelelongdelalignefermeetonduléedesesabdos,deluifairel’amourcontrecepiano,toutcommeilluiavaitfaitl’amourdeuxsemainesplustôt…

Il lui restait encore trois photos à voir, et, consciente qu’elle était en train de se torturer, elle fitmalgrétoutglisserlecurseurversl’imagesuivante.Quandleclichéapparutsurl’écran,Elisemanquadelâchersontéléphone.Toujoursaussibeau, ténébreuxetrebelle,Quinnenfourchaitsamoto,unpiedsurl’embrayage.Pasn’importequellemoto.SaHarley.SaHarleyrosebonbon,décoréedecœursenstrassargenté.

Ellegardalesyeuxrivésàl’imageunlongmoment,enétatdechoc,puispassaauxclichéssuivants.QuireprésentaientaussiQuinnetsamoto:unesurlaquelleildémarraitlemoteur,l’autresurlaquelleilsetenaitdeboutàcôtédel’engin.

C’étaientcesphotos-làquiallaientêtrepubliéesdansRollingStone?CesimagesdeQuinnBradford,dieudu rocket sex-symbol, dans leplus célèbremagazinemusical aumonde?QuinnenfourchantuneHarleyroseBarbie?

Cetteidéedépassaitl’entendement.Riendeplus,riendemoins.Elise retourna sur la première photo. Et relut la titraille. C’est alors qu’elle comprit. «Amour »,

«musique»et«nécessitédesemettreàgenoux»…Est-cequecesimagess’adressaientàelle?Quinnétait-ilprêtàmettresonimage,saréputationendanger,rienquepourelle?Et,sitelétaitlecas,qu’est-cequecelasignifiait?

Elle resta assise un longmoment, à parcourir les clichés un par un, encore et encore, à tenter decomprendrelemessagequeQuinnluiadressait.

Laseuleexplication,c’étaitqu’illuidemandaitpardon,àsafaçon.Àgenoux.Quoique,faceàcettemouedetombeur,cesoitplutôtàelledeseretrouveràgenoux.Cela dit, elle n’était sûre de rien. N’était-elle pas en train d’accorder trop d’importance à ces

photos?Justeparcequ’elleétaittoujoursraidedinguedeQuinn?En tout cas, elle ne connaîtrait jamais la réponse si elle ne posait pas la question. En choisissant

d’ignorercesphotos,enneréagissantpas,nerisquait-ellepasdetoutgâcher?Maisnerisquait-ellepastoutautantdeseridiculiser,desefaireencorebriserlecœur?Cetteseule

idéelaterrifiait.MaisenscrutantQuinn,enfourchantfièrementcettemoto,ellesesentitprêteàprendrele

Page 128: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

risque.Parcequ’elleaimaitcethomme.Parcequ’ellesedevaitd’essayer,unedernièrefois.Alors,sansperdreunesecondedeplus,elleseprécipitahorsdu lit.Elleenfilaalors lespremiers

habitsqu’elleavaitsouslamain–unjeanetundébardeurnoir–,s’emparadesontéléphoneetdesonsacàmain,avantdesehâterverslaportedupetitcottagequ’ellelouait.Ilauraitsansdouteétépluslogiqued’appelerQuinnavanttoutechose,maiselledevaitlevoirenpersonne.Elledevaitleregarderdansleblancdesyeux,pourêtresûre.

Poursavoir,unefoispourtoutes.Elleouvritlaporteentrombe,prêteàbondirverssavoiture,maisn’eutpasletempsdefranchirle

seuil.Parcequ’ilétaitlà,àchevalsursamoto,lesyeuxrivéssurelle–àcroirequ’ill’avaitenvoûtéepourlafaireveniràlui.

—Maisqu’est-ceque…,bafouilla-t-elleavantdesereprendre.Qu’est-cequetufaisici?UnsourirefurtifetunpeutristeéclairalevisagedeQuinn,maissonregardétaitintense,déterminéet

emplide…Dequoi,aujuste?D’amour?—J’essayaisderassemblerassezdecouragepourfrapperàtaporte.—Commenttuassuoùmetrouver?—Jamison.—Évidemment…Cettefilleestunvéritableagentdouble.—Ellenevoulaitrienmedireaudébut.Maisj’aifiniparlasupplier,etelleaeupitiédemoi.Àcesmots,lecœurd’Elisesemitàbattreplusfort.—Pourquoiest-cequetut’esdonnétoutcemal?Ildescenditdesamotoetmontalesmarchesduperronquatreàquatre,venantseplanterlà,devant

elle.Ilparaissaitfatiguéetlégèrementamaigri,maisàlevoirainsi,faceàelle,levisagebienveillantetlesbraslelongducorps,ellepensaqu’ilétaitl’hommeleplusbeauqu’elleaitjamaisvu.

—Parce que je t’aime, Elise. Parce que j’aimerdé. Parce que je te veux en sécurité et que j’aicomplètementflippéàl’idéequ’enétantavecmoitutemettaisendanger…Parceque…

Elleposadeuxdoigtssurseslèvrespourlefairetaire.Ilfermalesyeuxàsoncontact,et,durantunlongmoment,ilsrestèrentainsi,faceàface.Leurscorps

s’effleuraientàpeine,siprochesmaislointainsàlafois.Eliseattenditimpatiemmentqu’ilrouvrelesyeux,etquandillefit…Sonregardétaitsaturéd’amour,

de souffrance, d’espoir et d’appréhension… Elle se sentit chavirer. Car elle comprenait très bien latourmentequifaisaitrageenlui.Lamêmetempêtesedéchaînaitdanssonproprecœur.

—Parcequejesuisdésolé,Elise,poursuivit-il.Jesuistellement…Elle captura ses lèvres, dans un baiser bouillonnant de dix jours – dix ans,même – de langueur,

d’amouretd’émotions refoulées.Unbaiser àvouscouper les jambes, àvouscouper le souffle…CarQuinnnesecontentapasde recevoircebaiser.Avec ferveur, ildévora les lèvresd’Elise, ilglissa lalanguedanslabouchedelajeunefemmepourprendrepossessiond’elle,toutcommeellevoulaitprendrepossessiondelui.

—Quinn,cen’estpasgrave,articula-t-ellepéniblementquandelleparvintenfinàsedégagerdesonétreinte.

—Si,c’estgrave,susurra-t-ilendéposantunepluiedebaiserssursesjoues,sonmenton,surunpointsensibledesoncou,jusqu’àlarendrefollededésir.J’aivraimentmerdéetjet’aifaitsouffrir,unefoisencore.Pourtant,c’estladernièrechosequejeveux,Elise,tevoirsouffrir…

Elleinclinalevisagepourreveniràlarencontredeseslèvres.Cettefois,ellepromenalapointedela langue le longdesa lèvre inférieure,pulpeuse,avantdemordillerdoucement laboucleenmétaldesonpiercing.

Page 129: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Poussant un grognement, il planta les mains dans ses hanches et l’embrassa plus passionnémentencore.

— Elise, protesta-t-il quand elle finit par s’écarter, est-ce que tu vas oui ou non me laisser teprésenterdesexcusesdignesdecenom?Est-cequetuvasmelaissertedireàquelpointjesuisfoudetoi?

—J’ail’impressionquec’estdéjàfait,murmura-t-elleendésignantlaHarleyrosebonbonqu’ilavaitconduiteduTexasaucottaged’Elise.

Lesexcusesn’étaientpasutiles.Etàquoibonressasserunpassédouloureuxalorsquel’hommedesaviesetenaitlà,devantelle,àadmettreseserreurs?AlorsqueQuinnvenaitluioffrirunavenirradieuxremplideHarleyrosebonbon?

—Etpuistuaurastoutlerestantdetesjourspourt’excuser.Parceque,pourl’instant,jenerêvequed’unechose:disparaîtredanslesoleilcouchantsurcettemoto,avecl’hommequej’aime.

Il éclata d’un rire sonore qui fit s’effacer toute la tristesse, tous les doutes qui l’avaient assailliedepuisqu’ils’étaitdétournéd’elle.AlorselleselaissaenvahirparlachaleurdeQuinn,parsonamour,etellecompritquetoutiraitdésormaispourlemieux.

—Tusais,mabelle,que,depuisqueje t’airencontrée, j’airéussiuncertainnombred’acrobaties.Maismêmemoi,jenepeuxpasobligerlesoleilàsecoucherà10heuresdumatin…Celadit,jeseraisravidet’emmenersurmamotojusqu’àcequ’ontrouveuncoucherdesoleildignedecenom.

Àcesmots,illasoulevaetlaportajusqu’enbasdesmarches,avantdel’installeràl’arrièredelaselledesaHarley.Tandisqu’ilprenaitplaceàl’avant,elleneputs’empêcherd’admirerlebrillantdesstrassausoleil…

Encetinstantmagique,toutsemblaitscintillerautourd’eux.Lavieleursouriaitdésormais.

Page 130: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Épilogue

Onzemoisplustard.

Sonhommeétaitvraiment leplusbeau.Leplussexyde tous.Parfois,Elisesepinçaitencorepourvérifierqu’ellenerêvaitpas.Qu’ilsétaientbienensemble.QuesavieétaitdésormaisauprèsdeQuinn.

Après toutescesannéesdesolitudeetdesouffrance,Quinnétaitenfinàelle–et toutcequiallaitaveclui.Lavieétaitplusbellequ’ellenel’auraitjamaisimaginé.

Sur la scène,Ryder scandait à tue-tête lesparolesde ladernièrechansondeShakenDirty.Dès sasortie,lasemaineprécédente,lemorceaus’étaitclasséàladeuxièmeplacedesmeilleuresventes.Quinnetellel’avaientcomposélorsdeleurvoyagedenoces,sixmoisplustôt.

Àcôtéd’elle,JamisonetPoppysedéhanchaientaurythmedelamusique,frappantdesmainsetdespieds.ElisesedoutaitqueCatetVifaisaientdemêmebackstageet,entempsnormal,elleseseraitjointeàelles,alorsquelamusiquerésonnaitdanstoutlestade.

Mais,cesoir,elleétaittropoccupéeàregardersonhomme–oui,sonhommeàelle–malmenersonsynthé.Quinnavaitbeausetenirunpeuenretrait,àcôtédeWyatt,derrièreRyder,JaredetDrew,lajeunefemmenes’ensouciaitpas.Alorsqueleconcertbattaitsonplein,alorsquelesfansdéchaînéshurlaientetquelesonvibrait,Elisen’avaitd’yeuxquepourlui.

Absorbédanssamusique,illaissaitentrevoirdesyeuxplusnoirsquejamais,dansunregardd’unesensualitéàentomberà larenverseavecce traitsubtilde«sexy-liner»,mêmesiellenel’admettraitdevant lui pour rien aumonde.Quelquesmèches soyeuses retombaient négligemment sur son front ouautourdeses joues.Saboucheaffichaitcettepetitemoueboudeuse,sensuelle, irrésistible.Quantàsesmains…Oh, sesmains ! Elise avait toujours été persuadée qu’il n’existait rien de plus sexy, de plustroublantquede regarderQuinnexécuterunconcertopourpiano.Maisça,c’étaitavantdevoirQuinnjoueravecShakenDirty.Avantdelevoirvampiriserlascèneavectoutsontalentetlamusiqueintensequ’ilproduisait.

Enmatièredetalent,Quinnbattaittouslesmembresdugroupeàplatecouture.QuinnBradfordétaitnépourlerock’nroll.JoueravecRyder,Jared,Wyattetleurnouveaubassiste,

Drew, était comme une seconde nature pour lui. Ses longs doigts demusicien volaient presque sur leclavier,etsoncorpstoutentiersejetaitdanslamusique,cettemusiquequ’Eliseetluiavaientcomposée,nus, sur leur lit d’hôtel, entourés de cocktails et de corbeilles de fruits exotiques.C’était la premièrechanson qu’ils avaient écrite ensemble, rien que tous les deux.Mais ce n’était pas la dernière. Ils enavaientcomposéunedemi-douzainedepuis,tandisque,desoncôté,Eliseavaitégalementtravaillépourd’autresmusiciens.Aprèsavoirpassétoutescesannéesàinterpréteraupianolesœuvresdesautres,elleavaitacquisunsensaigudelamélodie.

Mais lemeilleur dans tout ça, c’était de pouvoir composer n’importe où,même sur la route avecQuinn.Surtout sur la route avec lui.Leurs ébats passionnés, leurs fous rires et leurs blagues – oui, ilcontinuaitàluifairedescanulars,etellecontinuaitàluirendreœilpourœil,dentpourdent–offraientà

Page 131: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Eliselameilleuresourced’inspirationquisoit.L’année qui venait de s’écouler avait été riche en hauts et en bas pour le groupe (les hauts

l’emportaientsansconteste,Dieumerci),quiavaitfiniparrecruterunautrebassisteetpartrouveraveclui un nouveau son pour ShakenDirty. Il avait aussi fallu assumer les problèmes deWyatt, la lourdedésillusiondeJared,sansparlerdesvieuxdémonsdeDrewetdelahaineviscéralequevouaitdésormaisMicah auxmembres du groupe. Elise avait retiré sa plainte contre ce dernier et refusé de témoignercontrelui,enéchangedesondépartdugroupe,àl’amiable.Quinnavaitfaillidevenirfouquandelleluiavaitannoncésadécision,maisellesavaitauplusprofondd’ellequec’étaitlameilleurechoseàfairepour lui, pour le groupe. D’ailleurs, elle allait mieux. Beaucoupmieux, même. Tout comme les gensauxquelselletenait.

Etc’étaittoutcequicomptait.Lenouvelalbumétaitdéjà trois foisdisquedeplatine,et legroupese trouvaitdéjààmi-parcours

dans l’écriture de l’opus suivant, grâce, notamment, aux chansons queQuinn et elle produisaient sansrelâche.Lacritiqueétaitdithyrambique.

Elisemenait enfin la vie dont elle avait toujours rêvé.Et le fait d’évoluer dans lemilieu du rockplutôtquedansceluidelamusiqueclassiquenefaisaitqu’ajouterunpeudepiquantàlasituation.

ÀmoinsquelevraipiquantneviennedeQuinn.Alorsquelesdernièresnotesdelachansonrésonnaientdansl’arène,lepianistelevalesyeuxdeson

clavier.Malgrélesprojecteurs,malgrélafoule,sonregardrencontraceluid’Elisesanshésiterunseulinstant–commeàchaqueconcert,àcemomentprécisduspectacle.Et,alorsqu’ilsrivaientleursyeuxl’unsurl’autre,alorsqu’illaregardaitcommes’iln’yavaitplusqu’elleaumonde,Elisesutqu’elleavaitenfintrouvécequ’ellecherchait.

Ellesesentaitenfinàsaplace.Elleavaitenfinledroitd’êtreaiméepourcequ’elleétait.ToutavaitcommencéavecQuinnBradford.Ettoutsetermineraitàsescôtés.Désormais,ilsavançaient,tousdeux,sousunebonneétoile.

Page 132: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

REMERCIEMENTS

L’écrituredecelivreauraétédespluséprouvantes.Pendanttrèslongtemps,QuinnetElisenevoulaienttoutsimplementpascoopéreravecmoi.Mais,avecunpeud’aide,j’aifiniparmatermespersonnages!Toutd’abord,merciàEmilyMcKay,quim’asoufflédenombreusesidéespourcettehistoire,sansjamaiss’énervermalgrémescoupsdefiltrèsmatinaux,oùj’imploraissonaideenpleurnichant.MerciàKatieGraykowski,reineducanularentoutgenreetamieprécieuse,pourtoutessesidées.MerciàShelleeRoberts,grâceàlaquellemeshistoirestiennentlaroute.MerciàStacyCantorAbrams,qui s’est accommodée demes hésitations pendant l’écriture de la première partie du livre, longtempsaprèsquej’aidépasséladatederemise.MerciàLizPelletierpourm’avoirtantsoutenue.MerciàHeatherHowlandpoursespremièresdecouverturequidéchirent:jelesadore!MerciàEmilySylvanKim,lemeilleuragentdontunefillepuisserêver.Etenfinmerciàmesfans,quim’offrentunevéritableraisond’écriremeslivres.VosréactionsàlasérieBackstagem’ontlittéralementsubmergéedebonheur,etjevoussuisinfinimentreconnaissantepourvotresoutien.Merci,merci,merci!

Page 133: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

TracyWolffenseignel’écritureàl’universitéetpasseleplusdetempspossibleplongéedanslesuniversde son invention.Mariée depuis douze ans au héros de ses rêves, elle est l’heureusemaman de troisgarçonsquis’appliquentàluifaires’arracherlescheveux.Tracyasignédenombreuxromansrelevantaussibiendelafictioncontemporainequeduparanormaloudususpenseérotique.

Page 134: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

Dumêmeauteur,chezMilady:

Backstage:1.Déchaîne-moi2.Enlève-moi

www.milady.fr

Page 135: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

MiladyestunlabeldeséditionsBragelonne

Titreoriginal:DriveMeCrazyCopyright©2014byTracyWolff

Tousdroitsréservés.

Publiéavecl’accordd’EntangledPublishing(Colorado,États-Unis)

©Bragelonne2015,pourlaprésentetraduction

Photographiedecouverture:©Shutterstock

L’œuvreprésentesurlefichierquevousvenezd’acquérirestprotégéeparledroitd’auteur.Toutecopie

ouutilisationautrequepersonnelleconstitueraunecontrefaçonetserasusceptibled’entraînerdespoursuitescivilesetpénales.

ISBN:978-2-8205-2197-2

Bragelonne–Milady

60-62,rued’Hauteville–75010Paris

E-mail:[email protected]:www.milady.fr

Page 136: Backstage, tome 2 : Enlève-moiekladata.com/eq51UmLQNxKCy89ZUuDCZdgJZFA.pdf · 2016. 7. 8. · Chapitre premier Dix ans plus tard. Elise ouvrit les yeux. Elle était seule. Dans une

BRAGELONNE–MILADY,C’ESTAUSSILECLUB :

Pour recevoir le magazine Neverland annonçant les parutions de Bragelonne & Milady etparticiperàdesconcoursetdesrencontresexclusivesaveclesauteursetlesillustrateurs,riendeplusfacile!Faites-nousparvenirvotrenometvoscoordonnéescomplètes (adressepostale indispensable),ainsiquevotredatedenaissance,àl’adressesuivante:

Bragelonne60-62,rued’Hauteville

75010Paris

[email protected]

VenezaussivisiternossitesInternet:

www.bragelonne.frwww.milady.fr

graphics.milady.frVous y trouverez toutes les nouveautés, les couvertures, les biographies des auteurs et desillustrateurs, et même des textes inédits, des interviews, un forum, des blogs et bien d’autressurprises!