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SARAHMACLEAN

LAFAMILLEST.JOHN–2

L’amouren10leçons

Traduitdel’anglais(États-Unis)parLéonieSpeer

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SarahMacLean

L’amouren10leçons

LafamilleSt.John2

Collection:AventuresetpassionsMaisond’édition:J’ailu

Traduitdel’anglais(États-Unis)parLéonieSpeer

©SarahTrabucchi,2010Pourlatraductionfrançaise©ÉditionsJ’ailu,2016Dépôtlégal:septembre2016

ISBNnumérique:9782290133835ISBNdupdfweb:9782290133859

Lelivreaétéimprimésouslesréférences:ISBN:9782290129791

CompositionnumériqueréaliséeparFacompo

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Présentationdel’éditeur:Désignéparunegazettefémininecommelaproieidéalepourlesdébutantesenmald’alliance,NicholasSt.JohndécidedequitterLondresetd’enprofiterpouraiderunami.Georgina,lasœurduducdeLeighton,s’estenfuieetdemeureintrouvable.Nicholasacceptedeselanceràsarecherche.Sonenquête le conduit dansunvillageduYorkshireoù il fait la connaissancede lady IsabelTownsend,qui requiert ses talentsd’expertenantiquités.Unefemmepourlemoinssurprenante,quigèresondomained’unepoignedeferetnetardepasàluitournerlatête,maisquisemblecacherbiendessecrets…

Biographiedel’auteur:SARAHMACLEANest l’auteure de romances historiques traduites dans de nombreuxpays.Elle a reçu le prix de lameilleure romancehistoriquedécernéparlesRITAAwards.

Couverture:©KatyaEvdokimova/ArcangelImages

©SarahTrabucchi,2010

Pourlatraductionfrançaise©ÉditionsJ’ailu,2016

SarahMacLean

Aprèsavoirobtenuundiplômede lettreset travaillédansuneagence littéraire,elledécidedese lancerdans l’écriture.Elleestauteurederomances,ainsiquedelivrespouryoungadultsdevenusdesbest-sellers.Sontalentluiapermisd’êtreclasséeàdenombreusesreprisessurlalistedesmeilleuresventesdeUSATodayetduNewYorkTimes.

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DumêmeauteurauxÉditionsJ’ailu

LECERCLEDESCANAILLES

1–LEFLAMBEURN°10420

2–LACURIOSITÉESTUNVILAINDÉFAUTN°10703

3–LEPARIAN°10873

4–DISCRÉTIONASSURÉEN°11197

LAFAMILLEST.JOHN

1–L’AMOUREN9DÉFISN°11540

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ÀChiara,quiestpartieàl’universitéetnem’enapasvouludeluivolerseslivres.

Etsonchat.

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Prologue

Onnepeutnierqu’unevéritableépidémieserépandparmilesjeunesfillesdeLondres – réalité tragique qui, hélas, ne peut mener qu’à la pire desconclusions.Nousfaisonsallusion,biensûr,àl’étatdevieillefille.Nombreusessontlesdemoisellesdenotrebellecitéànepasrecevoirlesrayonsdu soleil de la félicité conjugale. N’est-il pas criminel que tant de boutonsprometteursrisquentdenejamaisécloreets’épanouir?Aussi, chère lectrice, est-cedans l’intérêtde toutesquenousavonsétabliunelistedemoyens séculaires et éprouvéspourvous rendreplusaiséecette tâcheredoutable:trouverunépoux.Lemoment est venu de vous présenter : «Comment conquérir un lord en dixleçons.»

PearlsandPelisses,juin1823

TownsendParkDunscroft,Yorkshire

Deboutaumilieudusalonchichementmeublédelamaisonfamiliale,ladyIsabelTownsendattendaitquelesangcessedevrombirdanssesoreilles.Lesyeuxplissés,elleobserval’individupâleetfluetquisetenaitdevantelle.

—C’estmonpèrequivousenvoie…—Précisément.—Pourriez-vousrépétervotredernièrephrase?Elleavaitsûrementmalcomprislesparolesprononcéesparcevisiteurimportun.Ilsourit,maissonexpressionrestavideetpeuengageante.L’estomacd’Isabelsecontracta.—Biensûr,répondit-ild’untononctueux.Noussommesfiancés.—Etpar«nous»,vousvoulezdire…—Vousetmoi.Nousallonsnousmarier.Isabelsecoualatête.—Pardonnez-moi,maisvousêtesmonsieur…—Asperton,répondit-ilavecuntempsderetard,manifestementfroisséparsonmanqued’attention.

LionelAsperton.L’homme ne paraissait pas briller par son intelligence.Mais Isabel savait, depuis longtemps, que

c’étaitleplussouventlecas,aveclesrelationsdesonpère.—Etcommentsefait-ilquenoussoyonsfiancés,monsieurAsperton?—Jevousaigagnée.

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Isabelfermauninstantlesyeuxens’exhortantàconserversonsang-froidetàdissimulerlacolèreetlechagrinquecesmotsnemanquaientjamaisdesusciterenelle.

—Vousm’avez«gagnée»…—Oui,répondit-ilsansavoirladélicatessedefeindrelepluslégerembarras.Vousétiezl’enjeudu

pariengagéparvotrepère.—Évidemment.Contrequoi?—Centlivres.—C’estplusqued’habitude.Asperton balaya ce commentaire sibyllin d’un geste de lamain avant de se rapprocher d’elle, un

souriresuffisantsurleslèvres.—J’aigagné.Vousêtesàmoi.Entoutelégalité.Illevalamainpoureffleurersajouetandisquesavoixsefaisaitsusurrante:—Pournotresatisfactionàtouslesdeux,j’ensuiscertain.Cenefutqu’auprixd’uneffortsurhumainqu’Isabelparvintàresterimmobile.—Jen’ensuispassisûre,répliqua-t-elle.Quandils’inclina,Isabelfutfascinéeparceslèvresrougesetmouilléesquiserapprochaientd’elle.—Danscecas,j’auraiàuserdepersuasion.D’unetorsiondubuste,elles’écartaet,déterminéeàleteniràdistance,plaçaunechaiseaucannage

défoncéentreeux.Une lueurs’allumadans lesyeuxde l’hommequand ilcontournacelle-ci. Ilprenaitplaisiràlachasse!

Jugeantqu’ilétaittempsd’enfinir,Isabelsoutintsonregardavecfermeté.—Jecrainsquevousn’ayezeffectuécelongtrajetpourrien,monsieurAsperton.Voyez-vous,jesuis

majeuredepuislongtemps.Monpèreauraitétébieninspirédenepasm’engagerdanssonpari.Çan’ajamaismarché.Etçanemarcheracertainementpasaujourd’hui.

L’hommes’arrêtanet,lesyeuxécarquillés.—Ill’adéjàfait?—Àvous entendre, parier une fois sa fille unique est acceptable,mais le faire plusieurs fois est

choquant?—Évidemment!—Pourquoi?—Parcequ’ilsavaitpertinemmentquelegagnantseraitGros-Jeancommedevant!Oui,àn’enpasdouter,cethommeétaitunerelationdignedesonpère.—Etc’estcequi rendsonattitude indéfendable, ironisaIsabel,quipivotabrusquementpouraller

ouvrirengrandlaportedusalon.—J’aileregretdevousinformer,monsieurAsperton,quevousêtesleseptièmeàvenirmeréclamer

commeépouse.Etquevous serez aussi le septièmeàquitterTownsendParkcélibataire, ajouta-t-elle,sanspouvoirréprimerunsouriredevantsasurprise.

Quandilouvritlaboucheetlareferma,seslèvresmollesévoquèrentunpoissonhorsdel’eau.Isabelcommençaàcompter.Engénéral,l’explosionseproduisaitavantqu’ellesoitparvenueàcinq.

—C’estintolérable!Onm’apromisunefemme!Lafilled’uncomte!Ellecroisalesbrastoutenluiadressantsonregardlepluscompatissant.—Jesupposequemonpèreafaitallusionàunedotconfortable?M.Aspertonparutenfincomprendre,etsesyeuxseplissèrent.—Eneffet.Isabelsesentitpresquedésoléepourlui.Presque.

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—Ehbien,jecrainsqu’iln’yaitpasdedotnonplus.Puis-jevousoffrirduthé?Ellel’observatandisquelesrouagesdesoncerveauaccomplissaientlaborieusementleurtravail.—Non!finit-ilpars’écrier.Jen’aipasenviedethé!Jesuisvenupourunefemmeet,bonsang,je

repartiraiavecunefemme!Avecvous!Avecuncalmequ’ellen’éprouvaitpasvraiment,Isabelsoupira.—J’avaisespéréquenousn’enviendrionspaslà…—Jelesaisbien,dit-il,seméprenantsursesparoles.Maisjenequitteraipascettemaisonsansla

femmequ’onm’apromise!Vousêtesàmoi!Entoutelégalité!Il s’élança alors sur elle, comme ils le faisaient tous. Isabel s’écarta vivement sur le côté, et il

plongeaparlaporteouvertedanslevestibule.Là,lesfemmesl’attendaient.Troisfemmes,droitescommedessoldatsbienentraînés,quiformaient

unmurdéfensifentreluietlaported’entrée.M. Asperton regarda tour à tour la cuisinière, la responsable de l’écurie et la majordome.

Évidemment,ilnepouvaitpassavoirqu’ilavaitaffaireàdesfemmes.Leshommes,Isabell’avaitsouventconstaté,nevoyaientquecequ’ilsvoulaientvoir.

—Qu’est-cequecelasignifie?demanda-t-ilensetournantverselle.Laresponsabledel’écuriefitalorsclaquersonfouetcontresabotte,etiltressaillit.—Ilnenousplaîtguèrequevouséleviezlavoixcontreunedame,monsieur.—Je…jesuis…balbutia-t-il.—Unechosequevousn’êtespas,entoutcas,c’estungentleman,àenjugerparlamanièredontvous

avezjaillidecettepièce,déclaralacuisinièreenindiquantlesalondesonlourdrouleauàpâtisserie.Denouveau,ilsetournaversIsabel,quisecontentadehausserdélicatementuneépaule.—Cen’estpasaprèsladyIsabelquevousenaviez,sansdoute,intervintàsontourlamajordome,

toutentestantd’undoigtlégerlefildusabrequ’elletenait.Nonsansmal,Isabels’abstintdeporterlesyeuxversl’endroitoùétaitaccrochéd’ordinairelesabre

–peuaffûté,entoutétatdecause.Sescompagnesavaientdécidémentlegoûtdesmisesenscènethéâtrales.—Je…Non!Ilyeutunlongmomentdesilence,pendant lequelIsabelobservalasueurquiperlaitpeuàpeuau

frontdeM.Asperton.Cenefutquelorsquesarespirations’accélérademanièrevisiblequ’elledécidad’intervenir.

—M.Aspertons’apprêtaitàpartir,dit-elled’untonencourageant.Ilopinaavecnervosité,lesyeuxfixéssurlefouetquecontinuaitd’agiterKate.—Jenepensepasqu’ilreviendra.N’est-cepas,monsieur?Commeilgardaitunsilenceprolongé,Kateabattitleslanièresdesonfouetsurlesol.Lebruitsembla

letirerdesatranse,etilsecoualatêteavecvéhémence.—Non…Jenecroispas.Janeposalapointedesonsabresurlesoldemarbre,cequiéveillaunéchométalliquedanslehaut

vestibule.—J’auraiscru,murmuraIsabel,quevousenseriezcertain.—Oui,biensûr,sehâta-t-ildedire.Jeveuxdire…non.Jenereviendraipas.Isabellegratifiaalorsd’unlargesourireamical.—Trèsbien.Jevousdisdoncadieu.J’imaginequevoustrouverezlasortietoutseul?ajouta-t-elle

endésignantlaporte,àprésentflanquéedestroisfemmes.Bonvoyage.

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Unefoisrevenueausalon,dontellerefermasoigneusementlaporte,Isabels’approchadelafenêtre.Ellel’atteignitàtempspourvoirl’individudévalerlesmarchesduperronetsauteràchevalcommes’ilavaitlediableauxtrousses.

Aprèsavoirsoufflélonguement,elleautorisaenfinseslarmesàcouler.Sonpères’étaitservid’elle.Unefoisdeplus!Onauraitpupenserqu’elleseseraithabituéeàêtre

traitéedelasorte,maislasurpriseetlechocétaienttoujoursaussivifs.Commesi,unjour,sonpèreallaitrenonceràêtrelescandaleuxcomtedeTownsend…L’hommequi

avaittenusafemmeetsesenfantsenfermésàlacampagnepourmeneruneviededébaucheàLondres;l’homme qui ne s’était jamais soucié d’eux, même pas quand son épouse était morte, ni lorsque lesdomestiques, lassésdeneplus toucher leursgages,étaient touspartis ; l’hommequin’avaitpasdonnésignedevielorsqueIsabelluiavaitdemandé,lettreaprèslettre,dereveniràTownsendParketderendreàleurdemeureunpeudesonlustrepassé–sicen’étaitpoursafille,dumoinspoursonhéritier.

Laseulefoisoùilétaitrevenu…Non,ellenevoulaitpasypenser.Àcausedelui,samèreavaitperdul’esprit,sonfrèreavaitétéprivédepère,etelle-mêmeavaitdû

assumerlaresponsabilitédudomaine.Elleavaitrelevécedéfi,faisantdesonmieuxpourquelamaisonrestedeboutetqu’ilyait toujoursdelanourrituresurlatable.Mais,alorsquelesmaigresrevenusdeTownsendParksuffisaientàpeineàpourvoirauxbesoinsdeseshabitantsetdesesmétayers,sonpèredilapidaitjusqu’audernierpennytirédesesterres.

L’affreuseréputationducomteavaitaumoinseul’avantagedeteniréloignésdeTownsendParklesmembresdelahautesociété,cequiavaitpermisàIsabeldepeuplerlamaisonetsesdépendancesàsaguise.

Cequinel’empêchaitpasderegretterquelecoursdeschosesn’aitpasétédifférent.Elleauraittantaiméavoirlavieden’importequellefilledecomte:êtreéduquéesansavoirunseul

souci aumonde, ne pas douter un instant que, le jour venu, elle brillerait comme les autres et seraitcourtiséeparunhommequil’auraitchoisie,etnonréclaméeteluntrophéegagnéaujeu.

Siseulementellenes’étaitpasretrouvéeaussiseule…C’étaitcela,lepiredetout.Quandelle entendit laporte s’ouvrirderrière elle, elle s’essuya les joues.Puis, avecunpetit rire

ironique,ellepivotaetcroisaleregardgraveetcompatissantdeJane.—Tun’auraispasdûlemenacer.—Illeméritait,rétorqualamajordome.Isabelacquiesçad’unsignedetête.Aucoursdecesquelquesminutes,Aspertons’étaitmontréaussi

odieuxquesonpère.Denouveau,deslarmesluibrûlèrentlesyeux.—Jelehais,chuchota-t-elle.—Jesais,réponditlamajordome,toujoursimmobilesurleseuildelapièce.—S’ilétaitici,jeletueraisavecplaisir.—Ehbien…jecroisqueceneserapasnécessaire.Isabel,poursuivitJaneenlevantlamainpourlui

montrerunefeuilledepapier.Lecomteestmort…

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Et que vaudraient ces leçons, chère lectrice, sans un lord potentiel àconquérir ? Sans le gentleman pour lequel vous aurez étudié avec toute ladiligence requise ? La réponse est, bien sûr, qu’elles seraient à peu prèsinutiles.Dans ce cas, ne sommes-nous pas les femmes les plus gâtées par la fortune,puisque notre belle ville regorge de célibataires plus séduisants, plusintelligents,pluscharmantsetcharmeurslesunsquelesautres?Unevéritablemine d’hommes riches qui arpentent nos rues, et auxquels nemanque qu’uneépouse!Dénicher le gentleman idéal est une tâche écrasante, certes, mais restezconfiante,chèrelectrice,carnousnousensommeschargéspourvous.Sivouslevoulezbien,noussoumettonsàvotreattentionl’hommequifigureentêtedenotrelistedeslordslesplusdésirables…

PearlsandPelisses,juin1823

Lorsquelablondedeboutàcôtédelaporte luiadressaunclind’œil,cefut lagoutted’eauquifitdéborderlevase.

Jurant entre ses dents, lordNicholasSt. John se rencogna sur sa chaise.Qui aurait imaginé qu’unsuperlatif forgé par une stupide gazette féminine transformerait les jeunes – et les moins jeunes –Londoniennesenunemeutedéchaînée?

Tout d’abord, Nick s’en était amusé. Puis les invitations avaient commencé à pleuvoir. Et, à14heuresàpeine,ladyPonsonbys’étaitprésentéeenpersonneàsamaisondeSt.James,affirmantavoirbesoin d’un avis sur une statue qu’elle venait d’acquérir en Italie. Nick n’avait pas été dupe. Si unevipèrecommeladyPonsonbyseprésentaitaudomiciled’uncélibataire,c’étaitpouruneseuleetuniqueraison–quelordPonsonbyn’auraitpastrouvéedutoutraisonnable.

Nicks’étaitalorsenfui, trouvantrefugedans labibliothèquedelaRoyalSocietyofAntiquities,oùpersonnen’avaitjamaisentenduparlerdegazettesféminines.Malheureusement,lejournalisteayantbienfait son travail, une heure ne s’était pas écoulée qu’un valet de pied était venu annoncer l’arrivée dequatrefemmes,d’âgesetdeconditionsdifférents.Toutessollicitaientunavisurgentsurleursstatuesdemarbre,etseulceluidelordNicholasétaitrequis.

Leursstatuesdemarbre,vraiment!Aprèsavoirgrassementsoudoyélevaletdepiedpourachetersonsilence,Nickavaitfuidenouveau.

Auméprisdesadignité,ils’étaitfaufiléparlaportedeservice,puis,levisagedissimuléparleborddesonchapeau,ilavaitgagnélesanctuaireduDogandDove.Ilvenaitdepasserlesdernièresheurestapidansuncoinsombredelataverne.

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D’ordinaire,quanduneservantevoluptueuseluifaisaitdel’œil,ilétaitplusquedisposéàadmirersesappas.Maiscettefemmeétaitlaquatorzièmeaujourd’huiàluifaireouvertementdesavances,etilenavaitassez.Illuiadressaunregardcourroucé,puisreportacemêmeregardsursonverredebière,qu’ilconsidéraavecuneirritationcroissante.

—Ilfautquejequittecettemauditeville.Lerireprofondquiaccueillitsadéclarationnefitrienpouraméliorersonhumeur.—N’oubliepas,Rock,quejepourraistemettresurlepremierbateauenpartancepourlaTurquie,

grommela-t-il.—J’espèrequetun’enferasrien.Jedétesteraismanquerlaconclusiondecetteplaisantecomédie.LecompagnondeNick,Durukhan,seretournapourcaresserdesesyeuxnoirsl’accortejeunefemme.—Dommage…Ellenemeregardemêmepas.—C’estunefillesensée.—Àmonavis,c’estplutôtqu’ellecroittoutcequ’ellelitdanslesjournaux.Allons,Nick,dit-ilen

riant quand celui-ci se renfrogna de plus belle, ce n’est tout de même pas si terrible. La populationfémininedeLondresaétépubliquementinforméequetuétaisunbon…parti,c’esttout.

Enrepensantàlapiled’invitationsquiattendaientuneréponsedesapart–ilenavaitreçudetouteslesfamillescomptantunefillecélibataire–,Nickbutunelonguegorgéedebière.

—Passiterrible?grommela-t-il.—Àtaplace,j’enprofiterais.Àprésent,tupeuxavoirtouteslesfemmesquetuveux.—Jemedébrouillaisparfaitementbiensanscettemauditegazette,merci.Pourtouteréponse,Rocksecontentad’ungrognementet,seretournantdenouveau, il fitsigneà la

servante.Celle-ciseprécipitaversleurtableets’inclinaprofondémentversNickpourluioffrirunevueimprenablesursongénéreuxdécolleté.

—Monsieur?murmura-t-elle.Vousavezbesoin…demoi?—Nousavonsbesoindevous,effectivement,ditRock.Lafilleeffrontées’assitsurlesgenouxdeNick.—Jeferaic’quevousvoudrez,moncœur,susurra-t-elleenpressantsesseinscontresontorse.Tout

c’quevousvoudrez.Toutencherchantunecouronnedanssapoche,Nickdénoualebrasqu’elleavaitpasséautourdeson

cou.—C’estuneoffre tentante,dit-ilen remettant la fillesursespieds,après luiavoirglissé lapièce

danslamain,maisj’aibienpeurdenevouloirriend’autrequ’unpeuplusdebière.Mieuxvaudraitquevousvouscherchiezunautrecompagnonpourcesoir.

Ledépitdelafillefutdecourtedurée.EllesetournaversRocketobservad’unœilapprobateursontorsepuissant,sapeaubruneetsesbrascostauds.

—Çavousdit?Yadesfillesquiaimentpaslesbasanés,maisj’pensequ’ons’entendraitbien.SiRocknebougeapas,Nickremarqualacrispationdesesépaules,provoquéeparcetteallusionà

sesorigines.—Pascesoir,secontenta-t-ildedire,sansplusluiprêterattention.Vexéeparcettedoublerebuffade,lafilletournalestalons–pourallerchercherdelabière,espéra

Nick.Tandisqu’illasuivaitdesyeux,ilperçutl’attentionaiguëdontilétaitl’objetdelapartdesautresfemmesprésentesdanslasalle.

—Cesontdesprédatrices.Toutesautantqu’ellessont.—Situveuxmonavis,cen’estquejusticequelebulansacheenfincequec’estqued’êtrechassé.

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Nickfitlagrimaceàl’évocationdecesurnomturcetdelalonguehistoirequis’yattachait.Ilyavaitdesannéesquepersonnenel’avaitappelélebulan–lepisteur.Cenomnesignifiaitplusrien,àprésent.C’étaitunvestigedesavieenOrient,aucœurdel’Empireottoman,quandilétaitunautre,sansidentitémaisavecuntalentquiavaitfiniparcausersaperte.

L’ironiede lasituationneluiéchappanullement.SonséjourenTurquies’étaitachevébrutalement,quandunefemmeavaitjetésondévolusurluietqu’ilavaitcommisl’erreurdeselaisserprendre,ausenslittéral.

Ilavaitpassévingt-deuxjoursdansuneprisonturqueavantd’êtresauvéparRocketdeseretrouverenGrèce,oùils’étaitjurédemettreuntermeàlacarrièredubulan.

Laplupartdutemps,ilétaitheureuxdecettedécision.Iljouissaitd’uneexistencepaisibleàLondres,entrelagestiondesesbiensetsapassionpourlesœuvresd’artdel’Antiquité.Ilyavaitcependantdesjoursoùlaviedubulanluimanquait.

Ilpréférait,etdeloin,êtrelechasseurplutôtquelechassé.—Lesfemmessonttoujourscommeçaavectoi,fitremarquerRock,letirantdesesréflexions.Tuy

essimplementplussensibleaujourd’hui.Nonquej’aiejamaiscomprisleurintérêtpourtoi.Tuesplutôtdugenresaleindiv…

—C’estunecorrectionquetucherches?—Tebattreavecmoidansunendroitpublicneseraitpasdignedugentlemanidéal,répliquaRock

avecunsourirejusqu’auxoreilles.—Jeprendraislerisquedeperdremontitrepourleplaisird’effacercesouriredetonvisage.—Situcroispouvoirmevaincre,c’estquetoutecetteattentionfémininet’abrouillél’esprit,riposta

Rockqui,s’accoudantàlatable,fitjouersciemmentlesmusclespuissantsdesesbras.Oùesttonsensdel’humour?Tutrouveraisçafollementdivertissant,sic’étaitàmoiqueçaarrivait.Ouàtonfrère.

—Peuimporte.C’estàmoiqueçaarrive.Levantlesyeuxverslaportequis’ouvrait,Nickpoussaungrognementenvoyantl’hommegrandet

brunquientrait.Quandcedernierl’aperçut,ilhaussaunsourcilamuséetfenditlafoulepourlerejoindre.—Tu cherches vraiment à être renvoyé enTurquie,maugréaNick en lançant à son ami un regard

accusateur.—Ç’auraitétéingratdemapartdenepasl’inviteràs’amuserluiaussi.—Quelcoupdechance!fitlavoixdeGabrielSt.John,marquisdeRalstonetfrèrejumeaudeNick.

Franchement,sionm’avaitditquejepourraisapprocherlelordleplusconvoitédeLondres!Rockselevaet,aprèsavoiraccueilliGabrield’uneclaquedansledos,luifitsignedesejoindreà

eux.Unefoisassis,Gabrielcontinua:—Encorequej’auraisdûm’attendreàtetrouverici…entraindetecacher.Espècedelâche!CommeNickfronçaitlessourcils,Rockéclataderire.—Jesoulignaisjustementlefaitquesic’étaittoiquiavaisétédésignécommelelordàconquérir,

Nickneseseraitpasprivéd’enfairedesgorgeschaudes.—Jen’endoutepas,acquiesçaGabriel.Etpourtant,monfrère,tun’aspasl’airtrèsjoyeux.Quese

passe-t-il?—Jesupposequetuesicipourjouirdemoninfortune,réponditNick.Maistun’aspasautrechoseà

faire?Tuasbienunefemmetouteneuveàdivertir,non?—Effectivement,admitGabriel,dontlesouriresefitplustendre.Mais,pourêtrehonnête,ellem’a

quasimentmisdehors, tantelleavaithâteque je te retrouve.Elledonneundîner jeudietvousréservedeuxplaces.Elleneveutpasque lordNicholaserre tristementdans les ruesde lavillecesoir-là,enquêted’uneépouse.

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—Callielitcettemauditepublication?Il avait espéréque sabelle-sœur était au-dessusde ça.Si elle avait lu l’article,plus aucune fuite

n’étaitpossible.— Le numéro de cette semaine ? Nous l’avons tous lu, déclara Gabriel. Grâce à toi, le nom de

St.Johnestenfindevenurespectable.Bienjoué,Nick.Laservanterevint,chargéedeplusieurschopes.Sonregardexprimad’aborddelasurprise,puisdu

plaisirlorsqu’ilseposatouràtoursurNicketGabriel.Iln’étaitpascourantdevoirdesjumeaux;lesfrères St. John attiraient donc l’attention lorsqu’ils sortaient ensemble. Mais Nick n’avait aucunepatience, ce soir. Aussi détourna-t-il la tête tandis que Gabriel payait généreusement la fille, tout enpoursuivant:

— Évidemment, toutes les femmes qui me convoitaient doivent être ravies d’avoir une secondechanceavectoi.Iltemanqueletitre,certes,maistupossèdesquandmêmemonphysiqueavantageux.Enunpeuplusjeuneetmoinsspectaculaire,c’estsûr…

Aprèsavoirfoudroyéduregardsonfrèreetsonami,quis’esclaffaientcommedeuxidiots,Nicklevasachopedebière.

—Puissiez-voustouslesdeuxrôtirenenfer!—Çaenvaudraitlapeinerienquepourtevoircetteminechagrine,ditGabrielenlevantsachopeà

son tour.Tu sais, il y apirequed’êtredésigné commeunbonparti. Jepeux témoignerdu fait que lemariagen’estpaslaprisonquej’imaginais.Crois-moi,c’estmêmeplutôtagréable.

— Callie t’a transformé. Tu ne te rappelles pas comme c’était pénible, ces mères de familleharcelantesetleursfillestoujoursentraindeminauder,quisedémenaientpourattirertonattention?

—Pasdutout.—Alors,c’estparcequeCallieétaitlaseulefemmeàbienvouloirdetoimalgrétasaleréputation.

Lamiennen’estpasaussinoirequelatiennel’était…Jesuisuneprisebienplusprécieuse.QueleCielmevienneenaide!

—Lemariagepourraitteréussir,tusais.Nickgardasilongtempslesyeuxfixéssursabièrequesescompagnonscrurentqu’ilnerépondrait

pas.—Noussavonstouslestroisquelemariagen’estpaspourmoi…finit-ilpardire.—Jepourraisterappelerquec’étaitvalablepourmoiaussi,fitobserverGabriel.Touteslesfemmes

nesontpascommecettegarcequiafaillitefairetuer.—Ellen’étaitqu’unefemmeparmidenombreusesautres,répliquaNick,avantdeboireunelongue

gorgée de bière. Je te remerciemais j’ai appris qu’avec les femmes, lesmeilleures relations étaientbrèvesetnonsentimentales.

—Àtaplace,jenemevanteraispasdemabrièveté,intervintRock.Leproblème,cenesontpaslesfemmes qui te choisissent,mais celles que tu choisis. Si tu n’étais pas aussi facilement ensorcelé parcellesquijouentlesvictimes,tuauraispeut-êtreplusdechancesaveclebeausexe.

RocknefaisaitquesoulignercequeNicksavaitdéjà.Depuissajeunesse,ilavaitunfaiblepourlesfemmes en détresse. Il avait conscience que cela lui avait le plus souvent nui, sans pour autant êtrecapabledesecorriger.

Aussis’attachait-ilàgardertoujourssesdistances.Lesrèglesétaientclaires:pasdemaîtresses,pasderendez-vousrégulierset,surtout,pasd’épouse.

—Quoiqu’il en soit, jevais avoirbienduplaisir à tevoir relever ledéfide cet impressionnantsuperlatif,ditGabrielpourrendreunpeudelégèretéàlaconversation.

Nickbutunenouvellegorgée,puis,s’adossantàsachaise,posasesmainsàplatsurlatable.

Page 15: Tome 2 - L'Amour en 10 Leçonsekladata.com/ZIMd_Kq5ZDsA09QkpcvioJ2L7sA/Tome_2_-_L_39...sans pouvoir réprimer un sourire devant sa surprise. Quand il ouvrit la bouche et la referma,

—J’aibienpeurdevousdécevoir.Jen’aipasdutoutl’intentiondereleverledéfi.—Vraiment?Commentespères-tuéchapperauxfemmesdeLondres?Cesontdeschasseresseshors

pair.—Ellesnepourrontpaschassersileurproieadisparu.—Tuvaspartir?s’exclamaGabriel,l’airdéçu.Oùça?Nickhaussalesépaules.—IlestmanifestequejesuisrestétroplongtempsàLondres.Jenesaispas…Surlecontinent…en

Orient…auxAmériques…Rock,ilyadesmoisqueturêvesd’aventure.Oùaimerais-tualler?—PasenOrient,réponditsonamiaprèsuninstantderéflexion.Aprèscequis’estpasséladernière

fois,çanemetentepas.—Tun’aspastort,concédaNick.LesAmériques,danscecas.MaisGabrielsecoualatête.—Turesteraisabsentaumoinsunan.Oublies-tuquenotresœurvientdefairesonentréeofficielle

danslemondeetqu’ilfautluitrouverunépoux?Tunevaspasmelaisserm’ycolleterseul–ceseraitundésastre–uniquementparcequeturedouteslesattentionsd’unepoignéedefemmes?

—Unepoignée?protestaNick.Unessaim,tuveuxdire!Enfait,peum’importeoùjevais,continua-t-ilaprèsunsilence.Àpartirdumomentoùiln’yapasdefemmes.

—Aucune?s’écriaRock,l’aireffaré.Nickéclataderirepourlapremièrefoisdelasoirée.—Pas«aucune»,évidemment.Maisserait-cetropdemanderqu’iln’yaitpasdelectricesdecette

gazettestupide?—Àmonavis,oui,réponditGabriel.—St.John…Lestroishommeslevèrent la tête.LeducdeLeightonvenaitderejoindreleurtable.Avecsahaute

stature,sesépaulescarrées,sachevelureblondeetsonvisagesculptural,LeightonauraitfaitunVikingparfait s’il n’avait été duc. Il souriait rarement mais, aujourd’hui, ses traits étaient particulièrementfermés.

—Leighton!Joins-toiànous,luiditNickenattirantunechaiselibreavecsonpied.Sauve-moidecesdeux-là.

—J’aibienpeurdenepaspouvoirrester.Jetecherchais.—Vous,ettoutelapopulationfémininedeLondres,ditGabrielavecunlégerrire.Sansluiprêterattention,leducpliasongrandcorpssurlachaiseetposasesgantssurlatable.—J’aiquelquechoseàtedemander,annonça-t-il,s’adressantexclusivementàNick,etçanevapas

teplaire.D’unsigne,Nickcommandaàlaserveuseunverredewhisky.Sonamiparaissaitdésespéré.—Est-cequecelaimpliquedelemarier?demandaGabriel,ironique.Leightoneutl’airsurpris.—Non.—Danscecas,Nickaccueillerafavorablementvotrerequête.—Jen’ensuispassisûr,ditleduc.Enfait,cen’estpasNickquejevienstrouver,maislebulan.Unlongsilences’abattit.Aprèss’êtreraidis,RocketGabrielsecontentèrentderegarderNickavec

circonspection.Cedernierfinitpars’incliner,lesavant-brassurlatable,lesboutsdesdoigtsjoints.—Jenepratiqueplusdepuislongtemps,déclara-t-illentement,lesyeuxrivéssurLeighton.—Jelesais.Etjeneteledemanderaispassijen’avaispasbesoindetoi.—Dequis’agit-il?

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—Demasœur.Elleestpartie.—Jenepoursuispaslesfugueurs,Leighton.TudevraisavoirrecoursàBowStreet.—Pourl’amourduCiel,St.John,tusaisbienquejenepeuxpasprévenirlapolice.Ceseraitdans

lesjournauxdèsdemain.C’estdubulanquej’aibesoin.—Lebulan,c’estfini.—Jetepaieraicequetudemanderas.Gabrielpouffa,cequiluivalutunregardnoirdeleurinterlocuteur.—Qu’ya-t-ildesidrôle?—Lasimpleidéequemonfrèreréclameunpaiement.Jenepensepasquevouspuissiezdéfendre

votrecauseavecunargumentcommecelui-là,Leighton.—Vousn’avezjamaisétémonjumeaupréféré,Ralston,grommelaleduc.—Vousn’êtespasleseuldecetavis.Jevousassurequel’idéenemetracassepasplusqueça.En

toutesincérité,jesuissurprisquevousdaignieznousparler,vunotre«lignéedouteuse».N’est-cepasainsiquevouslaqualifiez?

—Gabriel,çasuffit,intervintNick,quinesouhaitaitpasquesonfrèreravivelesquerellesdupassé.Leightoneutlabonnegrâcedeparaîtregêné.Pendantdenombreusesannées,lesjumeauxSt.John,bienqu’appartenantàl’aristocratie,avaientété

enbutteauméprisdujeuneLeighton.Lescandalequis’étaitabattusurlamaisondeRalston–lamèredes jumeaux était partie en abandonnant mari et enfants – avait fait d’eux une proie idéale pour lesfamilles les plus conformistes de la haute société.Leighton, durant leur scolarité commune àEton, nemanquaitpasuneoccasiond’évoquerlecomportementdéshonorantdeleurmère.

Jusqu’aujouroùilétaitallétroploinetoùNickl’avaitenvoyévalserdansunmur.ÀEton,frapperunducn’étaitpasquelquechosequel’onpardonnaitausecondfilsd’unmarquis;

Nick aurait certainement été renvoyé s’il n’avait eu un jumeau et si Gabriel n’avait endossé laresponsabilitéde l’incident.Le futurmarquisdeRalstonavait simplementété renvoyéchez luiunpeuavantlafinofficielledusemestre,tandisqueLeightonetNickobservaientunetrêveforcée.

Latrêves’étaittransforméeenamitiédurantleursdernièresannéesàEton.LorsqueNickétaitpartisurlecontinent,Leightonavaitdéjàaccédéauduché,etsafortuneavaitlargementcontribuéàfinancerlesexpéditionsdeNicketdeRockaufinfonddel’Orient.C’étaitengrandepartieàLeightonqueNickdevaitd’êtredevenulebulan.

—Quesais-tu?—Nick…intervintRock,prenantlaparolepourlapremièrefoisdepuisl’arrivéeduduc.MaisNicklevalamain.—Simplecuriosité.—Jesaisqu’elleestpartie,réponditLeighton.Qu’elleaprisdel’argentetunepoignéedechoses

qu’elleconsidèrecommeprécieuses.—Pourquoiest-ellepartie?—Jenesaispas.—Ilyatoujoursuneraison.—Sansdoute…maisj’ignorelaquelle.—Quand?—Ilyadeuxsemaines.—Ettuneviensmetrouverquemaintenant?— Elle était censée rendre visite à une cousine, à Bath. Il s’est écoulé dix jours avant que je

comprennequ’ellem’avaitmenti.

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—Safemmedechambre?—Jel’aitellementtourmentéequ’elleafiniparavouerqueGeorgianaétaitpartieverslenord.Elle

nesaitriend’autre.Masœuramisbeaucoupdesoinàeffacersestraces.Nicks’adossadenouveauàsachaise,l’espritenalerte,lecorpsfourmillantd’uneénergiesoudaine.

Quelqu’unavaitaidécettefille.Etl’aidaitencore,certainement,puisqu’ellen’avaitpasrenoncéetn’étaitpasrentréechezelle.Celafaisaitdesannéesqu’iln’avaitpaspistéquelqu’un,etilavaitoubliéleplaisirqueprocuraitunenouvellerecherche.

Maiscettepériodedesavieétaitrévolue,serépéta-t-il, tandisqueleducfixaitsur luisonregardanxieux.

—C’estma sœur,Nick…Tudois bien savoir que je ne te ferais pas cette demande si j’avais lechoix.

Cesmots lui allèrent droit au cœur. Il avait une sœur, lui aussi. Et il aurait été prêt à tout pours’assurerqu’elleétaitsaineetsauve…

—LordSt.John?fittimidementunevoixféminine.Nick tourna la tête.Deux jeunesfemmesse tenaientnon loinde leur tableet ledévisageaientavec

insistance.—Oui?dit-il,méfiant.—Nous…commençal’uned’elles,avantdes’interrompre.Sacompagnelapoussaducoude.—Oui?répétaNick.—Noussommesdesadmiratrices.—Desadmiratricesdequi?—Devous.—Demoi…—Etcomment!s’écrialasecondefilleavecunlargesourire,toutenbrandissantcequiressemblait

méchammentà…Nickjuraentresesdents.—Vousvoulezbiensignernotregazette?—Ce serait avecplaisir, jeunes filles,maisvousvous trompezde frère, prétenditNick, avant de

désignerGabriel.VoilàlordNicholas.Rock pouffa quand les deux admiratrices se tournèrent vers le marquis de Ralston – copie

éblouissantedeleurproie–etgloussèrentd’excitation.Endossantaussitôtsonrôle,Gabrielleuradressaunsourireéclatant.—Jeseraiheureuxdesignervotregazette,assura-t-ilensaisissantlejournaletlecrayonqu’elleslui

présentaient.Vousmecroirezsivousvoulez,maisc’estlapremièrefoisquej’attirel’attentiondesdamesalorsquejesuisencompagniedemonfrère.Ralstonatoujoursétéconsidérécommeleplusséduisantdenousdeux.

—Non!protestèrentlesfillestandisqueNicklevaitlesyeuxauciel.—Maissi.Vouspouvezinterrogern’importequi,onvousdiraquelemarquisestleplusbeaudes

jumeauxSt.John.D’ailleurs,vousl’avezsûremententendudire.Vouspouvezl’avouer,voussavez…Jeneseraipasvexé.

Gabrieléleva lagazettepourenmontrer lacouverture,quiproclamait :«À l’intérieur : les lordslondoniensàconquérir!»

—Oui,celavafairedesmerveillespourmaréputation,commenta-t-il.JesuistellementheureuxqueleTout-Londressachequejesuisenquêted’uneépouse!

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Lesdeuxfillesétaientsurlepointdes’évanouirderavissement.Goûtantpeulaplaisanterie,NicksetournaversLeighton.

—Verslenord,as-tudit?—Oui.—Le « nord », c’est vaste, fit remarquerRock. Il nous faudrait des semaines pour parvenir à la

retrouver.Aprèsavoirjetéuncoupd’œilverslesdeuxfillesquicouvaientGabrielduregard,Nickreportason

attentionsursesamis.—Finalement,jemesensprêtàprendrelaroute.

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2

TownsendParkDunscroft,Yorkshire

Isabelobservalajeunefillepâle,àl’airexténué,assisedevantellesurl’étroitlitdecamp.Elleavaitàpeinel’âgedesortirseule,etencoremoinsceluid’accomplirunvoyagedequatrejoursenmalle-poste,pourarriverdansunemaisoninconnueaucœurdelanuit.

Lesyeuxécarquillésparlafrayeur,lajeunefilleseleva,serrantcontreelleunpetitsacdevoyage.—VousêtesGeorgiana…ditIsabelenluisouriant.Commelanouvellevenueneréagissaitpas,elleprécisa:—JesuisIsabel.—LadyIsabel?Jecroyais…Je…Lesourired’Isabels’accentua.—Laissez-moideviner.Vouspensiezquejeseraisvieille?Racornie?Àsontour,lajeunefilleesquissaunsourire.Timide,maisc’étaitunbondébut.—Peut-être.—Danscecas,jeconsidèrevotresurprisecommeuncompliment.Lafilleposasonsacpourlasaluerd’unerévérence.—Ohnon,s’ilvousplaît,protestaIsabel.Voilàquimeferaitmesentirvieilleetracornie.Asseyez-

vous, ajouta-t-elle en se perchant elle-même sur un petit tabouret de bois. Nous ne faisons pas decérémonies,ici.Et,danslecascontraire,ceseraitàmoidevousmarquermadéférence.Aprèstout,jenesuisquelafilled’uncomte,alorsquevous…

Georgianasecoualatête,levisageempreintdetristesse.—Plusmaintenant.Cettefilleregrettaitsonfoyer,devinaIsabel.Cequin’étaitpaslecasdelaplupartdesfemmesqui

échouaientàTownsendPark.—Commentnousavez-voustrouvées?—C’estma…uneamie.Ellem’aditquevousrecueilliezdesfemmes.Quevouspourriezm’aider…CommeIsabelhochaitlatêtepourl’encourager,elleajouta,d’unevoixprèsdesebriser:—Monfrère…Jenepouvaispasluidire…Isabelsepenchapourprendresesmains,glacéesettremblantes,danslessiennes.—Vousn’avezpasbesoindemeledireàmoinonplus.Seulementquandvousserezprête.Georgianarelevalatête,lesyeuxbrillantsdelarmes.—Monamie…Elleaditquevousprendriezsoindenous.

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—Etnousleferons,assuraIsabel.Vousavezfaitunlongvoyage.Puis-jevoussuggérerdedormirunpeu?Nousnousretrouveronspourlepetitdéjeuner,etvouspourrezmeparlerdevotresituationsivouslesouhaitez.

Quelquesminutesplustard,Georgianaseglissaitentrelesdrapsraidesdulitdecamp–unlitplusmodeste,etdeloin,certainement,quetousceuxdanslesquelslasœurduducdeLeightonavaitpudormir.Aprèsavoirattenduunlongmomentpours’assurerquelajeunefilleétaitbienendormie,Isabelseglissahorsdelapièce.

Ungroupedecurieusess’étaitrassemblésurlepalier.—Elledort?chuchotaLara,lacousineetmeilleureamied’Isabel.— Pourquoi ce palier n’est-il pas correctement éclairé ? demanda cette dernière, après avoir

acquiescéd’unsignedetête.—Parcequenousnepouvonspasnousoffrirassezdebougies.Isabelsemorditlalèvre.Évidemment.—Lasœurd’unduc?murmuraJaneavecdésapprobation.—Çadevraitpascompter,quielleest,protestaGwen, lacuisinière.Elleabesoindenous,eton

recueillelesfillesquiontbesoindenous.—Ellenepeutpasrester,déclaraàsontourKatequi,duregard,quêtalesoutiendesautres.—Allonspoursuivrecetteconversation loindecettepauvre fille,chuchota Isabel,qui fit signeau

groupedeluiemboîterlepas.—Ellenepeutpasrester!affirmadenouveauKate.—Oui,jecroisquetut’esmontréeclairesurlesujet,répliquaIsabel,ironique.—C’estunrisqueénorme,insistaJane,commesiIsabeln’yavaitpassongéelle-même.Envérité,lacrainteluitordaitlecœur.Onnerecueillaitpaslasœurd’unduc,l’undeshommesles

pluspuissantsd’Angleterre,sansqu’ilenaitconnaissance.EtcelapourraitêtrefatalàJames.Lefrèred’Isabeln’avaitquedixans,letitredecomtedeReddichvenaitdeluiéchoir,etilauraitàse

battrepoursedébarrasserdelaréputationcatastrophiquedesonpère.SileducdeLeightondécouvraitquesasœurvivaitici,soussaprotection,Jamesneseremettraitpasduscandale.

Lesautresavaientraison:lesensdesresponsabilitésimposaitàIsabelderenvoyercettefille.Elle regarda les femmes tour à tour. Chacune d’elles était arrivée à Townsend Park dans des

circonstances similaires à celles de Georgiana. Elle aurait pu refuser de les accueillir.Mais elle nel’avaitpasfait.

—Lara?interrogea-t-elleaprèsavoirarrêtésonregardsursacousine.—Jeconnais les règles, Isabel, réponditLaraaprèsun instantde réflexion.Jesaisquelssontnos

principes. Mais… un duc… Cela va attirer l’attention sur nous toutes. Elle… Que se passera-t-il siquelqu’unvientàsarecherche?Sinoussommesdécouvertes?

—Pourmoi, laquestionestplutôt :quesepassera-t-ilquand quelqu’unviendraà sa recherche?Parcequ’onnelaissepasdisparaîtrecommeçalasœurd’unduc.Elleestenceinte,ajouta-t-elleaprèsuninstant.

Janesifflaentresesdents.—Ellevousl’adit?demandaGwen.—Indirectement.—Ehbien,danscecas,nousnepouvonsévidemmentpaslarenvoyer.MaisKaten’étaitpasd’accord.— Ce n’est pas une fille de commerçants ni une femme de patron d’auberge. Elle appartient à

l’aristocratie,quediable!Etaussilebébéqu’elleporte,peut-être!Nousdevrionsrendrecettefilleàsa

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famille.—Avoirunefamillenoble,cen’estpastoujourslapanacée,Kate.Jesuisbienplacéepourlesavoir.Enpensée,Isabelrevitlajeunefillegracile,lescernesprofondsquimarquaientsesyeux,sesjoues

creuses.Lapauvreétaitseuleetperdue.—Jen’aijamaisrefuséd’accueillirunefille,déclara-t-elle,sentantbienquesadécisionétaitprise.

Je ne vais pas commencer maintenant. Elle aura sa place ici tant qu’elle en aura besoin. Nous luidonnerons du travail. James a besoin d’une nouvelle gouvernante, et je suis certaine qu’elle pourraits’acquittercorrectementdecettetâche.

—Vousl’avezvue?lançaKate.Jepariequ’ellen’ajamaiseffectuéunejournéedetravaildanssavie.

— Toi non plus, tu n’avais jamais travaillé lorsque tu es arrivée ici, lui rappela Isabel avec unsourire.Etmaintenant,tueslameilleureresponsabled’écuriequisoit.

Katedétournalesyeux,toutens’essuyantlamainsursaculotted’équitation.—Iln’empêche…Lasœurd’unduc,murmura-t-elle.Isabelfitcourirsonregardsurlecercledesescompagnes.Jane,samajordome,dirigeaitlamaison

avec l’aisance de n’importe quel domestiquemasculin ayant été formépendant des années ;Gwen, lacuisinière, aurait pu avoir appris son art dans lesmeilleures cuisines londoniennes, à en juger par lafiertéaveclaquelleelleeffectuaitsatâche;quantàKate,sonadresseavecleschevauxrivalisaitaveccelledesjockeysd’Ascot.

Toutess’étaientvuoffrirlegîte,lasécuritéetunavenir.EttoutesjugeaientIsabelcapabled’affrontern’importequelleépreuve.

Siellessavaientqu’elleétaittoutaussieffrayée,toutaussipeusûrequ’elles!Après avoir pris une longue inspiration, elle s’efforça d’insuffler dans sa voix conviction et

assurance.—ElleabesoindeMinervaHouse.EtMinervaHouserelèveracedéfi.

Isabelouvritlesyeuxet,d’ungestebrusque,seredressadanssonfauteuil.Larasetenaitdel’autrecôtédugrandbureau.—Bonjour.Après avoir tourné la tête vers la fenêtre et plissé les paupières, éblouie par l’éclat du ciel bleu,

Isabelcompritquelamatinéeétaitdéjàbienavancée.—Jemesuisendormie…—Oui,c’estcequejeconstate,réponditLara.Pourquoin’as-tupastentédelefairedanstonlit?Isabelfitbougersatêted’avantenarrièrepourdérouillersesmusclesendolorisetgrimaça.—J’avaistropàfaire.Laraposaunetassedethésurlebureau,puiss’assitenfaced’Isabel.—Qu’est-cequetupeuxbienavoiràfairequiexigequeturenoncesàdormir?Puis,distraite,elleajouta:—Tuasdel’encresurlajouegauche.Tout en s’essuyant la figure, Isabel baissa les yeux sur le papier posé devant elle.C’était la liste

qu’elleavait rédigée lesoirprécédent.La liste immensede toutes leschosesqu’elles’étaitpromisdefairecettenuit,aprèsunecourtesieste.

Son estomac se contracta sous l’assaut de la culpabilité. Elle aurait dû réfléchir à un plan pourassurer lasécuritédes filles, rédigerune lettreà l’avouédesonpèrepourqu’il luiconfirmequ’iln’yavait aucune somme d’argentmise de côté pour l’éducation de James, écrire à l’agent immobilier de

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Dunscroft afin qu’il commence à chercher une nouvelle maison, entamer la lecture du livre sur laréparationdestoits–lamiseenapplicationdecetextedevenaitd’uneurgencecriante.

Ellen’avaitrienfaitdetoutcela.Elleavaitdormi.—Tuasbesoinderepos.—J’aieutoutlereposnécessaire,répliquaIsabel.Alorsqu’elleentreprenaitdetrierlespapierssursonbureau,unepiled’enveloppesnondécachetées

attirasonattention.—D’oùviennent-elles?Quandellesoulevalepaquetdelettres,unpériodiquefémininapparut.Letempsdelireletitre:«À

l’intérieur:leslordslondoniensàconquérir!»,ellereposalesenveloppesenlevantlesyeuxauciel.—C’estlecourrierdecematin.Avantquetunel’ouvres…—Oui?fitIsabel,quivenaitdesaisirlecoupe-papier.—IlfautquenousparlionsdeJames.—Qu’ya-t-ilencore?—Ils’estcachépouréchapperàsesleçons.— Je n’en suis pas surprise. Je lui parlerai. A-t-il au moins fait la connaissance de la nouvelle

gouvernante?—Pasexactement…—C’est-à-dire?—Ehbien,Katel’asurprisentraindelaregarderdanssonbain.—Tun’espasentraindemedire,jesuppose,qu’ilregardaitKatedanssonbain?Laraéclataderire.—Tuimaginescommentçaseseraitterminé?Ellel’auraitécorchévif.—Jevaispeut-êtrebienl’écorchervifdemespropresmains!Ilestcomte,àprésent,etildoitêtre

dignedesontitre.Franchement,reluquercettefilledanssonbain…Quellemouchel’apiqué?—Ilestpeut-êtrecomte,maisc’estavant toutungarçon, Isabel.Tucroispeut-êtrequ’iln’estpas

curieux?—Ilagrandidansunemaisonpleinedefemmes.Effectivement,j’auraispenséqueçanel’intéressait

pasdutout.—Ehbien,tutetrompes.Àmonavis,çal’intéressemêmebeaucoup.Ilabesoindequelqu’unavec

quiendiscuter.—Ilpeutendiscuteravecmoi,non?—Isabel…murmuraLaraenlaconsidérantavecincrédulité.—Quoi?—Tuesunesœurmerveilleuse.Maisilnepeutpasabordercegenredesujetavectoi.Danslesilencequisuivit,Isabelduts’avouerquesacousineavaitraison.Àdixans,Jamesauraiteu

besoinqu’unhommeluiouvrelesportesdel’universmasculinquiseraitlesienplustard.—Jedoistrouverunmoyendel’envoyeraucollège,dit-elleaprèsunsoupir.J’ail’intentiond’écrire

àl’avouédemonpèreaujourd’huimême.Nonpasquenousdisposionsdumoindrepenny…Maisonnesaitjamais,ajouta-t-elleaprèsunsilence.Peut-êtrequeletuteurdeJamesarriveraporteurdenouvellesqueseulslesgensdesonespèceconnaissent.

Depuis qu’elles avaient appris la mort du comte, elles attendaient que se manifeste Oliver, lordDensmore,letuteurmystérieuxquelecomteavaitdésignédanssontestament.Celafaisaitunesemaine,àprésent,etàchaquejourquis’écoulaitsansapporterdenouvelles,Isabelrespiraitunpeupluslibrement.L’ombredecethommecontinuaitnéanmoinsàplaner.Cars’ilavaitétédésignéparledéfuntcomte,on

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pouvait redouter que lord Densmore ne fût précisément le genre de tuteur qu’elle préférait ne pasconnaître.

—Ilyaautrechose…—AusujetdeJames?s’enquitIsabel,incapablederéprimerunegrimace.—Non.Àproposdetoi.Jesaispourquoitut’esendormieiciaulieud’allertecoucherdanstonlit.

Tuesinquiète.Inquiètepournotreavenir,pournosfinances,pourJames,pourMinervaHouse…Nemefaispasl’injuredefeindrel’ignorance,continuaLaraquandIsabelsemitàsecouerlatête.Jeteconnaisdepuistoujours,etjevisavectoidepuissixans.Jesaisquetuespréoccupée.

Isabel s’apprêta à protester, puis elle y renonça.Lara avait raison, bien sûr. « Préoccupée » étaitd’ailleursunmot faiblepourdécrire sonanxiété faceauxproblèmesqui l’assaillaient.Et si Jamesnepouvaitpasalleraucollègenirestaurerl’honneurdesontitre?Etsisontuteurnesemanifestaitjamais?Pire,s’ilnevenaitquepourfermerMinervaHouseetrenvoyerlesfemmespourlesquellesIsabels’étaitsidurementbattue?

Le toit de lamaison fuyait ; cette semaine, elle avait perdu septmoutons à cause dumauvais étatd’uneclôture;etellenepossédaitpasunsoualorsqu’elleavaitdeuxdouzainesdebouchesànourrir.

—Jesupposequelecomten’apaslaissélemoindreargent?repritdoucementLara.C’étaitlapremièrefoisqu’unedesrésidentesdeTownsendParkévoquaitleursituationfinancière.Isabelsecoualatêtesansparveniràdissimulersonamertume.—Toutadisparu.FeulecomtedeReddichnes’étaitpassouciéd’assurerlasubsistancedesesenfants,pasmêmecelle

de son héritier. Il avait fallu une demi-heure à Isabel pour convaincre l’avoué de son père, arrivé lelendemaindel’annoncedudécès,qu’elleétaitcapabledecomprendrelasituationfinancièredudomaine.Commes’ilétaitdifficiledecomprendrequ’onétaitruiné!

Sonpèreavaitjouétoutcequipouvaitl’être:lamaisondeLondres,lesvoitures,lesmeubles,leschevaux… jusqu’à sa fille ! Il ne restait rien hormis les biens inaliénables, attachés au titre, quirevenaientàJames,ainsiquecequ’Isabelpossédaitenpropre.Etqu’ellepouvaitvendre,songea-t-elleavecundouloureuxserrementaucœur.

Unevaguedepaniquemenaçadelasubmerger.Siseulementellenes’étaitpasendormie,elleauraitpeut-êtredéjàconçuunplanpoursauverledomaineetseshabitants!

Elleavaitjustebesoind’unpeudetemps…Fermantlesyeux,elleinspiraprofondément,àplusieursreprises,poursereprendre.—Cen’estpastonproblème,Lara,déclara-t-elleavecuneassurancefeinte.Jeveilleraiàcequetout

lemondes’ensorte.—Biensûr.Personnen’enajamaisdoutéuneseconde.Non,personnenedoutaitjamaisdelaforced’Isabel.Pasmêmelorsqueleschosesnetenaientplus

ensemblequeparunfilténu.Elleselevapours’approcherdelafenêtre,quidonnaitsurlesterresautrefoisgrassesetfertilesde

TownsendPark.Àprésent,leschampsétaientenvahisparlesbroussailles,etlebétailétaitréduitàunepeaudechagrin.

—Est-cequelesfillessontinquiètes?—Non,réponditLara.Àmonavis,ilneleurestpasvenuàl’idéequ’ellespuissentêtrejetéesàla

rue.—Ellesneserontpasjetéesàlarue!Neredisjamaisunechosepareille.—Jesaisbienquecelan’arriverapas,affirmaLaraenlarejoignant.Isabelpivotaverselleetagital’indexsouslenezdesacousine.

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—Jevaisréfléchir.Noustrouveronsdel’argent,etjetransférerailesfillesdansuneautremaison.Cen’estpascommesinoustenionsàcelle-ci.

—UneMinervaHousebis?—Précisément.—Quelleidéefabuleuse!déclaraLarad’untonquiirritaIsabel.—Tun’aspasbesoindem’approuveruniquementpourm’apaiser.—C’est juste.As-tu un coffre plein d’argent cachéquelquepart ?Parce que, d’après ce que j’ai

entendudire,lesmaisonssusceptiblesd’accueillirdeuxdouzainesdefemmesontuncoût.—Ehbien…c’estlapartieduplanquejen’aipasencorevraimentattaquée.Isabeltraversalapiècejusqu’àlaporte,puisellefitdemi-touretvintreprendresaplacederrièrele

bureau.Pendantun longmoment, elleobserva lespapiersqui jonchaient l’immense table, sur laquelles’étaientpenchéestroisgénérationsdecomtesdeReddich.

—Iln’yaqu’unemanièredenousprocurerlesfondsnécessairespoursurvivre,finit-ellepardire.—Laquelle?—Jevaisvendrelesstatuesdemarbre.Le bourdonnement dans ses oreilles était presque assourdissant, étouffant sa propre voix. C’était

commesi,enn’entendantpaslesmots,ellepouvaitcroirequ’ilsn’avaientpasétéprononcés.—Isabel…Non.—C’estidiotdelesgarder,argua-t-elleenhâte,depeurden’avoirpaslaforcedes’opposeràsa

cousine.Personnen’enprofite.—Toi,tuenprofites.—C’estunluxequejenepeuxplusmepermettre.—C’estleseulluxequetuaiesjamaiseu,répliquaLara,commesiIsabelelle-mêmen’enavaitpas

cruellementconscience.—As-tuunemeilleuresolutionàproposer?—Peut-être…Tupourraispenser…àtemarier,avançaLarad’untonhésitant.—Suggères-tuquej’auraisdûaccepterl’undecesimbécilesquisesontprésentésiciaprèsm’avoir

gagnéeàunjeudehasard?—MonDieu,non!s’écriaLara,l’aireffaré.Aucund’eux,jamais!Niaucuneconnaissancedeton

père, d’ailleurs. Je pensais à quelqu’un d’autre… quelqu’un de gentil. Et s’il était riche, ce serait lacerisesurlegâteau.

Isabelsaisitlepériodiquequ’elleavaitentraperçuunpeuplustôt.—Tuvoudraispeut-êtrequejem’essaieàconquérirunlord?Lararougitbrusquement.—Uneunionavantageuseneseraitpaslapirechosequipourraitt’arriver.Tuoseraislenier?Isabel secoua la tête.Lemariagen’était certainementpas la solution.Elle voulait bien avaler une

piluleamèreoudeuxpoursauvercettemaisonetlesfemmesquiyvivaient,maisellen’étaitpasdisposéeàsacrifiersalibertéousasantémentalepourelles.

Égoïste!Lequalificatifrésonnadanssatête,aussiblessantques’ilvenaitd’êtreprononcé.Ellesavaitque,si

ellefermaitlesyeux,ellereverraitlevisagedesamère,accusateuretdéforméparl’angoisse.Tuauraisdûépouserl’hommequ’ilteproposait,espècedebruteégoïste.Ilseraitrestésituavais

accepté,ettoi,tuseraispartie…Sagorges’étaitnouée,etelleduts’éclaircirlavoix.

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—Lemariagen’estpaslasolution,Lara.Crois-tuvraimentquequelqu’unayantlesmoyensdenousaiderenvisageraitd’épouserunefilledevingt-quatreans,quin’ajamaismislespiedsdansunesalledeballondonienne,etdontlepèreétaitunbonàriennotoire?

—Maisbiensûr!—Non,certainementpas.Jen’ainitalents,niéducation,nidot.Jen’airiend’autrequ’unemaison

pleinede femmesdont laplupart se cachent, etdontunepoignéed’entre ellesviventdans l’illégalité.Commentproposes-tud’expliquerlachoseàunprétendantpotentiel?

Laraouvritlabouche,maisIsabelneluilaissapasleloisirdel’interrompre.—C’estimpossible,crois-moi.Aucunhommedouédebonsensnem’épouseraitninesechargerait

demonfardeau.Et,entoutesincérité,jem’ensatisfais.Non…ilnousfauttrouverunetactiquedifférente.—Ilt’épouseraitsituluidisaislavérité,Isabel.Situexpliquaistout.Un silence s’installa, durant lequel Isabel s’autorisa à songer, fugitivement, à ceque ce serait que

d’avoirquelqu’unavecquipartagertoussessecrets.Quelqu’unquil’aideraitàprotégerlesfilles…etàéleverJames.

Maiselle repoussaaussitôtcette idée.Partager lachargedeMinervaHouse,celasignifierait fairesuffisammentconfianceàquelqu’unpourluienrévélerlessecrets.

—Dois-jeterappelerquellescréatureshorriblesMinervaHousenousadévoilées?Lesmarisquiusentdeleurspoings?Lesfrèresetlesonclesignobles?Leshommessiabrutisparl’alcoolqu’ilssontincapablesderapporteràmangeràleurspetits?Etn’oublionspasmonproprepère–prêtàvendresesenfantspouravoirdequoipasseruneautrenuitenville,incapabled’entretenirsondomaine,semoquantabsolumentdenelaisseràsonhéritierqu’untitreentachédedéshonneur…

Aprèsavoirdenouveausecouélatêteavecforce,Isabelconclut:—Sij’aiapprisunechosedanslavie,Lara,c’estquelaplupartdeshommesnesontpasbons.Et

ceuxquilesontn’écumentpaslacampagneduYorkshireàlarecherchedevieillesfillescommemoi.—Ilsnepeuventpasêtretousmauvais,protestaLara.Tudoisadmettrequelesfillesquiviennentà

MinervaHouse…Ehbien…ellesontétéconfrontéesàcequ’ilyadepireenlamatière.Peut-êtrequedeshommescommeceuxquifigurentlà-dedanssontdifférents,ajouta-t-elleendésignantlagazette.

—Jet’accordelebénéficedudoute,mêmesijerestesceptique.Maissoyonsaumoinshonnêtesavecnous-mêmes:jenesuispasvraimentletypedefemmesusceptibledeconquérirunlord.Encoremoinsunlorddotédequalitéssiexceptionnellesqu’ellessontvantéesdansunjournal.

—Nedispasdebêtises.Tuesjolieetintelligente,tuesincroyablementcompétentedansdifférentsdomaines,etn’oublionspasquetueslasœurd’uncomte–mieuxencore,d’uncomtequin’apasencoredéshonoré son nom ! Je suis convaincue que les lords célibataires de Londres tomberaient sous toncharme.

—Certes.JevisaussiàdeuxcentsmilesaunorddeLondres.J’imaginequeceslordssirecherchésontdéjàétédécrochésparunescadrondejeunesfilleschanceuses,dontlesabonnementsnevoyagentpasparlamalle-poste.

—Peut-êtrepasceslords-là,admitLaradansunsoupir.Peut-êtrequelagazetteestjusteunsigne.—Unsigne?Tuconsidèresque…PearlsandPelissesestunsigne?demandaIsabelaprèss’être

interrompueuninstantpourregarderlenomdujournal.Aupassage,pourquoirecevons-nouscetorchon?—Les filles l’apprécient.Et,eneffet, je leconsidèrecommeunsigneque tudevraisenvisager le

mariage.Avecunhommebon.Etfortuné.—Lara,repritIsabeld’untonradouci,lemariageneferaitqu’ajouterànosproblèmes.Etmêmedans

le cas contraire, penses-tu vraiment que les hommes bons et fortunés font la queue à Dunscroft enattendantquejedaigneparaîtreenville?

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Ayant ouvert la gazette, Isabel parcourut rapidement la description de lord Nicholas St. John, lepremierdeslordsàconquérir.

—Franchement…Cet homme est le frère jumeau d’un des pairs les plus riches d’Angleterre ; ilpossèdesaproprefortune,c’estuncavalierexceptionnel,unépéiste imbattableet,apparemment, ilestassezbeaupourquelesdamesdelahautesociétéseprécipitentsurleurflacondesels.

Elles’interrompitpourjeterunregardmalicieuxàLara.—Onsedemandecomment lapopulation fémininedeLondrespeut resterconsciente,quand luiet

sonjumeauparaissentensembleenpublic.Larapouffa.— Peut-être qu’ils ont la gentillesse de se tenir à une certaine distance l’un de l’autre, pour la

sécuritéetlavertudelabonnesociété.—Entoutcas,ceseraitlachoseconvenableàfaire,pourcette«incarnationdelavirilité».—Incarnationdelavirilité?— « Lord Nicholas est une véritable incarnation de la virilité, lut Isabel à voix haute. Beau,

charmant, enveloppé d’un air de mystère qui fait battre les cils et les éventails. Et des yeux, chèrelectrice!Sibleus!»Tuveuxbienmerépéter,Lara,pourquoicettegazetteestsisuprêmementédifiante?

—Pasàcausedecetarticle,c’estsûr.Quedit-ild’autre?demandaLaraensetordantlecoupourlire.

—«Maiscelordestdavantagequ’unbeauparti,chèrelectrice!Carsesvoyageslégendaires,nonseulementenEuropemaisaussiaucœurdel’Orient,ontàlafoishâlésapeauetdéveloppésonesprit…Pasdedemoisellesquiminaudentpour lordNicholas,mesdames.C’estunecompagneavec laquelle ilpuisseconverserqu’illuifaut!Là!»

—Cen’estpasmarqué«Là!»,protestaLara,incrédule,entendantlamainverslejournal.—Maissi,assuraIsabel,toutenmaintenantlejournalhorsdesaportée.«Là!Neprétendions-nous

pasavoirsélectionnélacrèmedesgentlemenàvotreintention?»— Je suppose que si cet homme est à ce point incroyable, « Là ! » est une exclamation aussi

appropriéequ’uneautre.—Mmm…fitIsabel,quicontinuaitàprésentsalectureensilence.AumomentoùLaras’inclinaitpourvoircequiretenaitainsisonattention,Isabelrelevabrusquement

latête.—Lara,tuasraison.—Vraiment?—Cettepublicationidioteestbeletbienunsigne!—Ahbon?—Parfaitement ! dit Isabel qui, cessant de lire, tendit lamain pour prendre une feuille de papier

viergesurlaquelleécriresalettre.—Maisjecroyais…—Moiaussi.J’aichangéd’avis.—Mais…EtlesdeuxcentsmilesentreicietLondres?Isabelrestasilencieuseunmoment.Puiselledéclara:—Ilfaudraquemesargumentssoienttrèsconvaincants,voilàtout.

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3Leçonnuméroun

Netentezpasdeproduired’embléeunetropforteimpression.Pourconquérirvotrelord,veillezàêtrevue,maisàpeineentendue.Nepoussezpaslaconversationtroploindèsledébut–vousnevoudriezquandmêmepasl’écraser sous le poids de vos pensées ! Cela peut sembler difficile, mais nevous tracassez pas, chère lectrice. Votre grâce silencieuse sera plus quesuffisantepourconquérirvotrelord.

PearlsandPelisses,juin1823

Ayant beaucoup voyagé,Nick se targuait d’être capable de trouver de l’intérêt à l’endroit le plusinsignifiant.Durantsesannéesdevagabondagesurlecontinent,cen’étaitpasàVienne,àPrague,àParisouàRomequ’il avait séjourné,maisdansdesvillagesméconnus.Lorsqu’il s’était ensuitedirigéversl’est,ilavaitdécouvertdesmerveillesdansdesbazarsturcsmiteuxetappréciél’accueildesminusculescommunautésdel’Orientleplusreculé.

LorsdesonpéniblepéripleavecRockpourquitterlaTurquieenfranchissantlescolsdesmontagnesgrecques, sans riend’autreque lesvêtementsqu’ils avaient sur ledos,Nickavaitpassédes semainessansunrepaschaud,sansunlit,dansledépouillementleplustotal;c’étaitàcemoment-là,cependant,qu’il s’était découvert une passion pour les objets d’art antiques. Il n’avait jamais visité d’endroit, siquelconquefût-il,sansydistingueruntraitparticulieroudeuxquilerachetaient.

MaisilétaitprêtàdéclarerforfaitencequiconcernaitlevillagedeDunscroft,quiparaissaitdénuédelamoindrecaractéristique.

Debout aumilieu de la cour de l’auberge,Nick etRock attendaient depuis près d’une demi-heurequ’on amène leurs chevaux. L’animation matinale du village avait cédé la place à l’engourdissementsilencieux du milieu de matinée. Au moment où Nick passait d’un pied sur l’autre, la porte de laboucherie s’ouvrit, livrantpassageàungarçondégingandéchargéd’unepile instabledepaquets.L’und’euxtombapresqueaussitôtsurlesolpoussiéreuxet,lorsquelegarçonsepenchapourleramasser,toutlerestetanguadangereusement.

C’était l’événement lepluspalpitantqui se fûtproduitdepuis leurarrivéedanscepetitvillageduYorkshire,deuxjoursauparavant.

—Jeteparieunecouronnequ’ilenlaissetomberunautreavantd’atteindrelamercerie,ditNick.—Unsouverainquenon,répliquaRock.Legamindépassalaboutiquesansencombre.—TuesdisposéàretourneràLondres?s’enquitRockenempochantsongain.—Non.

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—Envisages-tuaumoinsdequitterleYorkshire?—Pastantquenousn’auronspasderaisonsdecroirequ’elleaquittélarégion.Rocksoupira,puisils’abîmadansunsilenceprolongé.—Enfait,finit-ilpardire,c’esttoiquit’esengagéàretrouvercettefille.Riennemeretientici,pour

mapart.Ankaraétaitplusaccueillantequecetteville.— Ankara ? répéta Nick en haussant les sourcils. C’est un peu extrême, vu nos conditions de

logementlorsdenotredernierséjourenTurquie.—Çaaussi,c’étaitdetafaute,grommelaRock.OnpourraitaumoinsalleràYork.Cetteauberge–si

onpeutappelerçauneauberge–estinfâme.Nickneputréprimerunsourire.—Tusaisque,pourunTurc,tuesdevenusacrémentdandy.—Elles’appelleLaTêtedeCochon,quediable!—TucroisquenoustrouverionsunétablissementmieuxnomméàYork?—Peut-êtrequenouspourrionstrouverunétablissementconvenable,là-bas.—Peut-être.Mais,auxdernièresnouvelles,c’était iciqu’ellese rendait.Oùestpassé tongoûtde

l’aventure?Rockémitungrognementirritétoutensetournantverslesécuries.—Perdu,toutcommenoschevaux.Tucroisqu’ilslesontlogésoù?ÀBath?Laseuleexcusepour

mettreaussilongtempsàallerchercheruncheval,c’estlamort.—Lamortducheval?—Jepensaisplutôtàlamortdupalefrenier,rétorquaRock,quipartitendirectiondesécuries.NickreportaalorssonattentionsurlevillagedeDunscroft.Ilsbrûlaient!SurlestracesdeladyGeorgiana,ilsavaienttraversél’AngleterreendirectionduYorkshire.Durant

leurchevauchéeverslenord,ilsavaientquestionnétousceuxquiauraientpuremarquerunejeunefemmevoyageant seule. Ils n’avaient rien trouvé au-delà de Dunscroft, où un jeune employé de la poste sesouvenaitd’avoirvu«unedamecommeunange»descendredelamalle-poste.Ilneserappelaitpascequiétaitarrivéàl’angeenquestion,maislaconvictiondeNickétaitfaite:lasœurduducsetrouvaitàDunscroft,outoutprès.

Duregard,ilsuivitl’uniquerueduvillage,oùsedressaientl’église,l’aubergeetquelquesboutiques.Enfacedel’auberges’étendaitleprécommunal–unsimplerectangledepelouseoùsedressaitencorelemâtdénudéautourduquels’étaientdérouléeslesfestivitésdu1erMai.Sansdoutelanuitlaplusexcitantedel’annéeàDunscroft.

L’attention deNick fut alors attirée par la silhouette d’une femme, qui traversait justement le précommunal.

Ellelisaittoutenmarchant,absorbéeparlaliassedepapiersqu’elletenait.LapremièrechosequifrappaNickfutsacapacitéàconserverunetrajectoirerectilignemalgrésonindifférencetotaleàcequil’entourait.

Àenjugerparsarobenoiresimple,decoupeclassiquequoiqu’unpeudémodée–cequin’avaitriend’étonnant, vu l’endroit où ils se trouvaient –, elle était en deuil. Sans doute était-ce la fille d’ungentilhomme campagnard. En tout cas, ses gestes étaient assez naturels pour suggérer qu’ellen’appartenaitpasàlahautesociété.

Nick l’observa avec une attention accrue. Elle était d’une taille inhabituelle – il était à peu prèscertainden’avoirjamaisrencontrédefemmeaussigrandequ’elle–,etellemarchaitàlonguesenjambéesdécidées, qui n’avaient rien à voir avec le trottinement censé être gracieux qu’on enseignait aux

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demoisellesbiennées.Malgrélui,sesyeuxserivèrentsursajupe,quisoulignaitledessindesesjambesélancéesàchaquepas.Enserelevant, l’étoffedévoilaitdesbottinesdemarchesolides,pluspratiquesqu’augoûtdujour.

Entreleborddesonchapeaunoir,abaissésursonfront,etlesfeuillesquelajeunefemmetenaitàlahauteurdesonvisage,ilnedistinguaitriendeplusqueleboutd’unnezquisemblaittrèsdroitetunpeuimpertinent.Dommage,ilnevoyaitpaslacouleurdesesyeux…

Sans avoir une seule fois regardé autour d’elle, elle atteignait à présent la route. Elle tourna unefeuille,sansralentirl’allure,absorbéeparsalecture.Unetelleconcentrationétaitfascinante.Nickauraitétécurieuxdesavoirsiellefaisaittoutdemanièreaussiintense.

Àcettepensée, ildétourna lesyeux.N’était-cepas lesignequ’ilétait resté trop longtempschaste,s’ilcommençaitàrêvasseràuneinconnueauxtraitsindistinctsquitraversaitsonchampdevision?

C’est alors qu’un fracas épouvantable retentit. Il devenait plus assourdissant d’instant en instant,mêlant hurlements d’hommes, hennissements de chevaux, et chocs sourds que Nick n’identifia pasimmédiatement.Ilsetournaendirectiondubruit,maisnevitriencarlaroutefaisaituncoude.

Puis,soussesyeuxhorrifiés,apparutunattelaged’énormeschevauxdetraitlancésàtouteallure.Ilstraînaientuntombereauqui,ayantperdudeuxroues,penchaitdangereusementetlarguaitdanssacoursefollesonchargementdedalles.Lefracasdespierresquitombaientaffolaitdavantageleschevaux,dontlesénormessabotspilonnaientlaterredurcie.

Iln’yavaitpluspersonnepourdirigerl’attelage,leschevauxpaniquésfonçaientdroitdevanteux…etlajeunefemmes’apprêtaitàcroiserleurchemin.

Nickeutbeau l’interpeller, elle continuait à lire.Aussi,quandelle esquissaunpremierpas sur laroute,ilsutqu’iln’avaitd’autrechoixquedeseprécipiteràsonsecours.

Ils’élançaàtraverslacourdel’auberge.D’uncoupd’œil,ileutlaconfirmationqu’ilavaitàpeineletempsd’arriverjusqu’àelle.

Tandisqu’il traversait laroute, ilperçutsous lasemelledesesbottes lavibrationde la terre.Lesénormesbêtesfonçaientdroitsureux.

Soudain,alarméeparlacacophoniequil’environnaitouparuneperceptioninconscientedudanger,ellelevalesyeux.

Lesquelsétaientbruns…Elle s’arrêta net, bouche bée, les yeux écarquillés, figée sur place par la surprise et l’indécision.

Pourvuqu’ellen’aitpasl’idéedebouger!songeaNick.D’un bond, il se jeta sur elle, refermant les bras autour de son corps et, sous l’effet du choc, ils

quittèrentlesol.Instinctivement,ils’arrangeapourlaprotégerdel’impactdelachute,etcefutluiquisemorditlalèvreensentantunvifélancementdanslebras,avantqu’ilsneroulentdansl’herbeépaisse.

Tandisqueleschevauxpassaiententrombe,ilrestaimmobile,malgréladouleurquitraversaitsonépaulegaucheetsongenoudroit,maisdontilsavait,parexpérience,qu’ellen’étaitguèreinquiétante.

Il prit alors conscience qu’il tenait enlacé le corps chaud de la jeune femme, ayant protégéinconsciemmentsatêteetsoncoudesesmains.Ilpercevaitsonsoufflesaccadécontresapoitrine.Quandilrelevalatêteavecprécaution,elleavaitlesyeuxclos,etseslèvrespresséesformaientunelignefineetferme.Au cours de la chute, elle avait perdu son chapeau, et une épaisse boucle auburn lui barrait levisage.Nickdégageasamainpourrepoussersescheveuxsurlecôté,d’ungestepresquemachinal.

Àcecontact,elleouvritlesyeuxetbattitdespaupières.Sesyeuxn’étaientpassimplementbruns.Leurcouleurriche,oùsemêlaientlemiel,l’oretl’acajou,

étaitencoreintensifiéeparl’éclatdeslarmesduesàlapeur,àlasurpriseetausoulagement.

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Ilyavaitquelquechosededouxetd’attirantenelle…Dumoinsfut-cecequeNickpensajusqu’aumomentoùellecommençaàsedébattre.

—Monsieur!Cessezdem’écraser!s’écria-t-elleenluimartelantletorseetlesbrasdesespoings.Immédiatement!

L’un de ses coups porta sur le bras endolori deNick, qui grimaça. Il s’était trompé. Il n’y avaitaucunedouceurchezcettefemme.C’étaituneharpie.

—Arrêtez!Ellecessadegesticuleretseraidit.Denouveau, ileutuneconscienceaiguëde lapressiondeses

seins contre sa poitrine, alors qu’elle s’efforçait de maîtriser sa respiration, et de sa propre jambereposant entre les siennes dans le fouillis de ses jupes. Soudain, les parties les plus sensibles de soncorpsnefurentplussongenounisonépaule.

Dèsqu’ils’aperçutdesontrouble,Nicks’obligeaàseredresser.—J’espèrequevospapiersvalaientlapeinequ’onsefassepresquetuertouslesdeux,dit-il,unpeu

haletantsousl’effetdeladouleur.Elleécarquillalesyeux.—Vousnemereprochezquandmêmepasnotresituation?Vousm’avezattaquée!Plaquant ses mains sur le torse de Nick, elle le repoussa avec force. Et elle n’en manquait pas,

constata-t-ilavecsurprise.Aprèsavoirhaussélessourcils,ilserelevaetaffectaderemettredel’ordredanssatoilette.Ayant

observé lamanche de sa redingote, largement déchirée au niveau du coude, il en empoigna la partieinférieureet,d’ungesteferme,l’arrachacomplètement.

La jeune femmeétait àprésent assisepar terre, droite commeun I, et elleparuthypnotiséepar lavisiondesonamplemanchedechemisequiflottaitàprésentdanslabrise.

—Cen’estpascommesionavaitpularecoudrepourrendrecevêtementdenouveauportable,dit-il,avantdetendrel’autrebrasdanssadirection.

Elles’inclinalégèrementenarrière,commesielles’interrogeaitsursesmotifs.—Unhommeplussusceptibleseraitoffensé,voussavez,ajouta-t-il.Lefaitquejevousaisauvéla

viedevraitprouvermabonnefoi.Elle cilla et, l’espace d’un instant, une étincelle s’alluma dans son regard.De l’amusement, peut-

être?Levantlebras,ellesaisitlamainqu’illuiprésentaitetseremitsursespieds.—Vousnem’avezpassauvélavie.Jemeportaisparfaitementbienjusqu’aumomentoù…Elletressaillitquandsonpoidsportasursonpiedgauche.Nicknel’auraitsansdoutepasremarqué

s’iln’avaitpasétéaussifasciné.—Doucement,dit-ilenglissantsonbrasdanssondospourlasoutenir.Vousavezquandmêmefait

unebelleculbute.Vousvoussentezbien?Puis-jevousraccompagnerchezvous?Commeleursvisagesn’étaientplusqu’àquelquescentimètresl’undel’autre,ilavaitbaissélavoix.

Quandellelevalesyeuxverslui, ilsurpritdanssonregardunechaleurnouvelle.Maiscefutsifugitifqu’iln’eutpasleloisird’yréfléchir.Elles’écartaaussitôtdelui,etlarougeurquiluimontaauvisage,alorsqu’unedesespommettesétaitmaculéedeterre,parutincongrue.

—Non,ceneserapasnécessaire,monsieur.Jen’aipasbesoindevotreaide,etilestinutilequejevousdérangedavantage.

—Vousnemedérangezaucunement,mademoiselle,assura-t-il,prisaudépourvu.J’aiétéheureuxdejouerleschevalierstirantunedemoiselleendétressed’unmauvaispas.

—Jecomprendsquevousayezpumecroireendanger, répliqua-t-elle,àprésentsur ladéfensive.Maisjevousassurequej’étaistoutàfaitconscientedecequisepassaitautourdemoi.

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—Vraiment?—Toutàfait,répéta-t-elle.— Et quand entendiez-vous vous écarter de la trajectoire de ces chevaux qui fonçaient droit sur

vous?Elleouvrit labouche,puis la referma.Après avoir reculéd’unpas, ellepivotapour ramasser les

feuillesdepapieréparpilléesdansl’herbe.Elleétaitembarrassée,etNickregrettaaussitôtsaquestion.Ill’observa un instant avant de lui venir en aide, allant chercher les feuilles qui avaient volé plus loin.Subrepticement, il jetauncoupd’œilàcesécritsdont la lecture l’avait tantabsorbéeetconstataavecsurprise qu’il s’agissait de factures. Pourquoi une jeune femme avenante se préoccupait-elle deproblèmesfinanciers?

Revenu vers elle, il s’inclina en lui présentant les papiers.Quand elle fitmine de les prendre, ilrefermasesdoigtssurlessiensetseredressa.

— Mademoiselle, veuillez accepter mes excuses. Permettez-moi de me présenter : je suis lordNicholasSt.John.

Àcesmots,elleseraidit.Puisellescrutasonvisage,aupointqu’ilseretintderectifierlenœuddesacravate.

—Avez-vousdit«St.John»?demanda-t-elleendégageantsamain.Connaissait-elledoncsonnom?Aprèsunehésitation,ilrépondit:—Oui.—LordNicholasSt.John?Elleleconnaissaitbeletbien.Mauditegazette!—Oui,acquiesça-t-ildenouveau,nonsansappréhension.Elleenvoulaitàsapersonne,toutcommelesautres.Saufque,biensûr,lesautresfemmesn’avaient

pasmissavieendanger.Etellesn’étaientpasaussibelles.Ilsecoualatêtepourchassercettepensée.Belleoupas,cettefemmeétaitunevipère,etilregarda

par-dessussonépaule,enquêtedel’échappatoirelaplusimmédiate.—LordNicholasSt.John…Lespécialistedel’artantique?Nicholas ne put dissimuler sa surprise.Quelle question inattendue ! Il s’était préparé à entendre :

« Nicholas St. John, le frère du marquis de Ralston ? », ou encore : « Nicholas St. John, le lord àconquérir?»,oumême:«NicholasSt.John,lemeilleurpartideLondres?»

Mais être identifié comme l’expert en antiquités ? À croire qu’il avait trouvé la seule femmed’AngleterreànepaslirePearlsandPelisses!

—Enpersonne.Ellesemitalorsàrire,etsabeautés’accrutencore.Ilneputs’empêcherdeluisourire.—Jen’arrivepasàycroire,reprit-elle.Vousêtestrèsloindechezvous,monsieur…Jel’avoue,je

vous imaginais…différent, poursuivit-elle avec un nouveau rire.Nonpas que j’aie beaucouppensé àvous.Maisvousvoilàici,àDunscroft!Quellechanceextraordinaire!

—Jecrainsdenepasbiencomprendre,répliquaNick,interloqué.—Évidemment!Maisvousallezcomprendre!Qu’est-cequivousamèneàDunscroft?Ilouvritlabouche,maiselleneluilaissapasletempsdeplacerunmot.—Peuimporte.Cequicompte,c’estquevoussoyezlà!—Jevousdemandepardon?—Vousêtesunsigne.—Unsigne?—Oui,exactement.MaispaslesignequeLaracroyait.

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—Ahnon?Nickenvenaitàsedemandersiellen’avaitpasreçuuncoupàlatêtelorsdeleurchute.—Non,confirma-t-elle.Vousêteslesignequejedoisvendrelesmarbres.—Lesmarbres…—LordNicholas,vousvoussentezbien?s’enquit-elleenl’observant,latêteinclinéesurlecôté.—Euh…oui.Jecrois.—Parcequevousrépétezdavantagemesparolesquevousnemerépondez.Êtes-vouscertaind’être

lordNicholasSt.John?L’archéologue?C’étaitl’unedesrareschosesdontilétaitcertainfaceàcettefemmedéconcertante.—Sûretcertain.—Ehbien,reprit-elleaprèsl’avoirobservéunlongmoment,j’espèrequevousferezl’affaire.—Jevousdemandepardon?—Veuillezm’excuser,maisvousnesemblezpasêtreleplus…vifdesérudits.—Mademoiselle,répliqua-t-il,pourlecoupoffensé,jevousassureque…sivousavezbesoind’un

archéologue,vousnepouviezpasmieuxtomber.—Inutiled’avoirl’airaussivexé.Cen’estpascommesij’avaisunepléthored’archéologuesentre

lesquelschoisir.Denouveau,elleluisouritet,denouveau,ilrestaébloui.Quidoncétaitcettefemme?Commesielleavaitludanssespensées,elledéclara:—JesuisladyIsabelTownsend.Etjedoisvousremercierdemefaciliterainsilatâche.—Jevousdemandepardon?répéta-t-il.Aulieuderépondre,ellesedétourna,examinantlesolautourd’eux,jusqu’aumomentoù,avecuncri

detriomphe,elleallaenboitillantramasserunréticuleplutôtélimé.SouslesyeuxdeNick,ellefouillaàl’intérieuretfinitparenextraireunpetitcarrédepapierqu’elleluitenditaussitôt.

—Qu’est-cequec’est?—C’estpourvous,secontenta-t-ellederépondre,commesicelatombaitsouslesens.—Pourmoi?— C’est-à-dire pour la Royal Society of Antiquities. Mais, ajouta-t-elle en souriant devant sa

perplexité,puisquevousêtesdéjàici…jepensequevousconviendreztrèsbien.

Cen’étaitpastouslesjoursqu’Isabelétaitcatapultéedanslesairssurlepassagedechevauxlancésau galop.Mais puisque cela lui avait permis de rencontrer l’un desmembres de la Royal Society ofAntiquities,elleacceptaitsansrechignerleshématomesqueluiavaitvalussachute.

Oui,lordNicholasSt.Johnétaitdéfinitivementunsigne.Nonseulementilétaitarchéologue,expertenhistoiredel’Antiquité,maisc’étaitunspécialistedes

statues grecques.Or, il se trouvait justement qu’elle avait une collection de statues enmarbre à faireévaluer.Etàvendre,aussivitequepossible.

Elleétouffalepincementdouloureuxqu’elleéprouvaitchaquefoisqu’elleypensait.C’étaitlaseulesolution.Elleavaitbesoind’argent,etvite.

Avecunsoupirdesoulagement,ellesefélicitadelatournurepriseparlesévénements.Sonpèreluiauraitlaissédixmillelivresqu’ellen’auraitpasétéplusheureuse.Enfin…si,peut-être.

Maislesstatuesavaientdelavaleur.Elleentireraitsuffisammentd’argentpourlouerunenouvellemaisonetmettrelesfillesensécurité.Avecunpeudechance,uneMinervaHousebisseraitprêteàlesaccueillird’iciàunesemaine.

Isabeln’auraitjamaiscruledireunjour,maiscettegazetteavaitétéundonduCiel.

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Elleobserva lordNicholaspendantqu’il lisait la lettrequ’elleavait rédigée lematinmême.Quoid’étonnantàcequ’ilaitétédésignécomme«lelordàconquérir»?C’étaiteffectivementunremarquablespécimendevirilité.Grand,larged’épaules–Isabelétaitbienplacéepoursavoirque,soussaredingotedéchirée, il cachait un torse musclé qui n’avait que peu d’égal dans le Yorkshire, voire dans toutel’Angleterre.

Mais son atout principal n’était pas sa stature. C’était son visage, beau etmince. Ses lèvres, quiformaient à cet instant une ligne ferme, paraissaient promptes à sourire, et ses yeux étaient d’un bleuadmirable qui contrastait avec sa chevelure noire et sa peaubronzée. Jamais elle n’avait vu des yeuxaussibleus.Ilsétaientsiétonnantsqu’onenoubliaitpresquelabalafre.

Carilyavaitaussilabalafre.Longuedeplusieurspouces,elleprenaitnaissanceau-dessusdesonsourcildroitpourdescendreendiagonalesursapommette.Avecletemps,lacicatriceavaitforméunefineligneblanche.MaisIsabelpouvaitimaginerladouleurquecetteblessureavaitdûluiinfliger.Ellepassait dangereusementprèsducoinde l’œil, et lordSt. Johnavait eude la chancedenepasperdrecelui-ci.

Elleauraitdûêtreeffrayéeetvoirdanscettebalafreunavertissement,unsignequecethommeétaitinquiétant.Maisellen’éprouvaitpasdefrayeurenlaregardant–plutôtunecuriositédévorante.Oùavait-ilreçucetteblessure?Comment?Quand?

—LadyIsabel…Ellefuttiréedesasongerielorsqu’ilprononçasonnom.Depuiscombiendetempsattendait-ilqu’elle

réponde?—Monsieur?dit-elleens’efforçantdenepasrougir.—VousêteslafilleducomtedeReddich?—Jesuislasœurducomteactuel.—Jenesavaispasquevotrepèreétaitdécédé.Jevouspried’acceptermescondoléances.—Leconnaissiez-vous?s’enquitIsabelaveccirconspection.Ilsecoualatête.—Nousnefréquentionspaslesmêmescercles,jelecrains.—Non,jesuppose,répliqua-t-elleenrespirantpluslibrement.S’ilsaisitl’allusion,iln’enlaissarienparaître.—Dois-jecomprendrequevouspossédezunecollectiond’antiquités?reprit-il.—Iln’existepasdeplusbellecollection,répondit-elle,incapabledenepaslaissertransparaîtresa

fierté.Enfin,précisa-t-elleenrougissantquandilhaussaunsourcilnarquois,pasdeplusbellecollectionprivée.

—Jen’enaijamaisentenduparler,répliqua-t-ilavecunbrefsourire.—Elleappartenaitàmamère,sehâtadedireIsabel,commesicelaexpliquaittout.Jevousassure

qu’ellemériteledéplacementetquevousneregretterezpasvotretemps.—Danscecas,mademoiselle, j’acceptevotreoffred’y jeteruncoupd’œil. J’aiquelquechoseà

fairecetaprès-midi,maispeut-êtrepuis-jevenirdemain.—Demain?répétaIsabel,affolée.Ellenes’étaitpasattendueàaccueillirunexpertavantaumoinsunesemaine.Quiauraitpuimaginer

quel’und’entreeuxsepromenaitàDunscroft?Lamaisonn’étaitpasenétatd’accueillir lavisited’unhomme, surtoutd’unLondonien. Il faudrait

préparer les filles à son arrivée, qu’elles se conduisent de la manière la plus convenable et la plusdiscrètepossible.Vingt-quatreheures,celanelaissaitpasbeaucoupdetemps.

—Demain…reprit-elle,cherchantdésespérémentunmoyenderetardersavisite.

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—Avecplaisir.Enfait,moncompagnonestallécherchernoschevaux.Suivantlavitesseàlaquellenousrégleronsnosaffaires,nouspourronspeut-êtremêmevenircetaprès-midi.

—Votrecompagnon?Elle suivit son regard, tourné vers l’auberge, et aperçut un homme gigantesque qui s’approchait,

tenant les rênesd’unchevalgrisetd’unautrenoir.Elleécarquilla lesyeuxdevant sa taille,bienplusimposanteencorequecelleduforgeronduvillage,cequin’étaitpaspeudire.

Illuifallaitimpérativementretourneràlamaisonafindemettrelesfillesengarde.—Monsieur…dit-elleenreportantsonregardsurSt.John,jesuiscertainequevousavezbienmieux

àfairecetaprès-midiquedevenirvoirmesstatues.Ilestévidentquevousaviezdesprojetsavantquejene…

—Avantquevousnemanquiezdenousfairetuer,termina-t-ilàsaplace.Ehbien,vousavezdelachance,nousn’avonsriend’autreàfaire.Nousaurionssansdoutepassél’après-midiàlarecherched’unpeudedistraction,maispuisquevousm’enavezdéjàamplementfournicematin,jeseraitrèsheureuxdevenirvoirvosstatues.

Percevantsansdoutesonappréhension,ilajouta:—Vousn’avezpaspeurdeM.Durukhan,n’est-cepas?C’estunagneau.—Certainementpas,répliquaIsabel,unpeutroprapidement.JenedoutepasqueM.Durukhansoit

unparfaitgentleman.—Danscecas,c’estdécidé.—Qu’est-cequiestdécidé?— Nous nous rendrons à Townsend Park cet après-midi – demain au plus tard. Franchement, je

répugneànepasvousraccompagner.J’aimeraisêtresûrqu’encasdedistractiondevotrepart,quelqu’unseralàpourvouséviterd’êtrepiétinéepardeschevauxemballés.

Quandellecompritqu’illataquinait,Isabelrougitdenouveau.—Vousexagérez,monsieur.Jen’auraispaseudeproblème.—Non,ladyIsabel,jen’exagèrepas,rétorqua-t-il,soudainplussérieux.Vousvousseriezfaittuer.—Neditespasdesottises.Ill’observa,lesyeuxplissés.—Jeconstatequevousn’êtespasdugenreconciliant…—Pasdutout!Jenesuispasmoinsconciliantequelaplupartdesfemmes.—J’apprécievotrehonnêteté.Néanmoins, laplupartdesfemmesm’auraientàprésentremerciéde

leuravoirsauvélavie.—Je…Isabelhésita.N’était-ilpasencoreentraindelataquiner?—Non,non,coupa-t-il,neditesrienpourlemoment.Ceseraitcommesijevousforçaisàexprimer

votregratitude.Oui,ledouten’étaitpluspermis,illataquinait.—Vouspourrezmeremercieruneautrefois,ajouta-t-ild’untonplusbasens’inclinantverselle.Isabeln’aimapaslepetitfrissonquiluichatouillal’estomac.Avantqu’elletrouvequelquechoseà

répondre,lordSt.Johnsetournaverssonamietsaisitlesrênesdugrandchevalgris.Puisilreportasonattentionsurelle.

—LadyIsabel,puis-jevousprésentermonamietcompagnon,RockDurukhan?Vudeprès,l’hommeparaissaitencoreplusgigantesque–ilétaitpresqueaussigrandquesonétalon

noir.QuandIsabelluiprésentasamain,ils’inclinaenunsalutparfait.—MonsieurDurukhan,c’estunplaisirdefairevotreconnaissance.

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—Toutleplaisirestpourmoi,répondit-ilenl’observantaveccuriosité.Soussonregardsombre,Isabelsesentitobligéedes’expliquer.—LordNicholas…aeulabontédemepousser…horsdelatrajectoirede…dechevaux,dit-elle,

avecungestedelamainendirectiondutombereaudepuislongtempsdisparu.—Vraiment?Les deux hommes échangèrent un coup d’œil qu’elle ne sut comment interpréter. St. John changea

aussitôtdesujet.—Rock,ladyIsabelnousinviteàallervoirsacollectiond’antiquités.—Nousyallonstoutdesuite?Lecœurd’Isabels’emballaquandelleimaginacesdeuxhommesarrivantinopinémentsurleperron

deMinervaHouse.—Non!s’écria-t-elle.Comme les deux hommes, après un nouvel échange de regards, paraissaient perplexes, elle laissa

échapperunrirenerveux.—J’aibeaucoupdechosesàfaireenville.Etbeaucoupàfaireàlamaisonaussi.Lacollectionn’est

pasprêteàêtremontrée.Aprèstout,lordSt.John,jenem’attendaispasàvoustrouverici.Vousêtesunsigne,vousvoussouvenez?

Isabels’adjuraalorsdesetaire.Elleallaitdécidémentpasserpourunenigaude!—Etvousn’êtespasprêteàrecevoirunsigne,répliquaSt.Johnavecunlégersourire.—Exactement!Je…jesuiscertainequevouscomprenez.—Certes.Vousavezbeaucoupàfaire…—C’estcelamême.Isabeltapotasescheveuxd’unemainfébrile,avantdechercherdesyeuxsonchapeau.Ilavaitrouléà

quelques pas lors de leur collision. Elle s’en approcha à grandes enjambées – dans lamesure où sachevilleendolorieleluipermettait.Quandellerevintverslesdeuxhommes,ilsavaienttoujourslesyeuxfixéssurelleet,siellen’avaitétéaussiembarrassée,elleseseraitamuséedeleurminedubitative.

—Ainsi,voyez-vous,lordNicholas,jenepeuxpasvousmontrermacollectionmaintenant…Maisdemainconviendrait…Dansl’après-midi?Vers15heures?

—Demain,donc,répondit-ileninclinantlatêteenguised’assentiment.—Demainaprès-midi,insista-t-elle.—Trèsbien.—Je…jeseraiheureusedevotrevisite.Avecunsouriretropéclatantetunhochementdetêtetropempressé,Isabeltournalestalonsetquitta

enhâtelesdeuxhommes.Aprèsunlongmoment,RocksetournaversNick,quilasuivaittoujoursdesyeux.—Nousn’allonspasattendredemain,n’est-cepas?—Non.—Ellecachequelquechose.—Etpastrèsbien,renchéritNickaprèsavoiropiné.LadyIsabels’éloignaenboitillantlégèrement,puiss’engouffradansunpetitbâtiment.—Ilyadesannéesquejenel’avaispasvu…—Vuquoi?demandaNick.—Levisagedubulan.Denouveau,unmoments’écoula.CefutNick,cettefois,quis’adressaàRock.—Jetepariequenousl’avonsretrouvée.

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—Cen’estpasunpariquejerelèverai.

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4

Quelquesheuresplustard,NicketRocksetenaientdanslalargealléecirculairedeTownsendPark.LademeurecampagnardeducomtedeReddichétaitunebâtisseimposante,hautededeuxétages,avecdegrandesfenêtrescintrées,etunefaçadequiprouvaitquelecomtéavaitconnudesjoursmeilleurs.

IlrégnaitdansleslieuxuncalmeetunsilencequeNicktrouvaétonnants.C’étaitsoitlatranquillitéd’unmanoir assoupi, soit le signedequelquechosed’infinimentplus intéressant.Étantdonnécequ’ilavaitvudelamaîtressedeTownsendPark,Nickoptaitpourlasecondehypothèse.S’ilnese trompaitpas,ilétaitsurlepointdetrouverlesdeuxfemmesqu’ilcherchait.

Danslamesure,biensûr,oùilparvenaitàpénétrerdanslamaison.IlyavaitdéjàplusieursminutesqueRocket luiattendaientaupiedduperron,lesrênesàlamain,

qu’ungarçond’écurieouunvaletdepiedseprésentepourlesaccueillir.Maispersonnenesemontrait.—Tuterendscompte,jesuppose,quenousavonsl’airdedeuxidiots,déclaraRock,ironique.—Nousnepouvonspasavoirl’airidiotsiaucuntémoinn’estlàpourleremarquer.LadyIsabelne

voulaitpasdenousaujourd’hui.Ellen’adoncpasavertisonpersonnel.Rockplongeasonregarddanslesien.—Jevoisquetapropensionàvolerausecoursdejeunespersonnestoutàfaitcapablesdeprendre

soind’ellesresteintacte.Dédaignantderépondre,Nickluijetalesrênesdesonchevaletcommençaàgravirlesmarchesdu

perrondeuxàdeux.—Qu’as-tul’intentiondefaire?s’enquitRock,incapablederéprimersacuriosité.Nicktournaledosàlagrandeportedechênepourluiadresserunsourireironique.—Ehbien,cequetoutgentlemanferaitdanscettesituation:frapper.Rockcroisalesbras.—Voilàquiprometd’êtredivertissant,àdéfautd’autrechose.Nicksoulevalelourdheurtoir,quiretombaavecunéchométalliquesinistre.Alorsqu’iltentaitdese

rappelerladernièrefoisqu’ilavaitutiliséunheurtoir,laportes’ouvrit.Durantunefractiondeseconde,il crut qu’elle s’était ouverte toute seule, jusqu’au moment où, baissant la tête, il découvrit un jeunegarçonauxyeuxbrunsfamiliers.Lecontourdesaboucheétaitmaculédecequiressemblaitbeaucoupàdelaconfituredefraises.

Nickignoraitcommentsecomporterendetellescirconstances;cependant,l’enfantneluilaissapasletempsdedirequoiquecesoit.

Lepanneaudeboisserefermaaussivitequ’ils’étaitouvert.—Yaunhommeàlaporte!

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Cehurlement fut assez puissant pour traverser l’épaisseur du chêne, etNick, interloqué, se tournaversRock,commepouravoirconfirmationdecequivenaitdesepasser.

Lagrandecarcassedesonamiétaitsecouéeparlerire.—Jevoisquejepeuxcomptersurtonaide…Aprèsundernierhoquet,Rocklevalamainensignedesolidarité.—Jet’assurequ’unefoisquetuauraspercélesdéfensesduchâteau,jemeprécipiteraipourjoindre

mesforcesauxtiennes.Nickpivotadenouveauverslaporte.Aprèsunmomentderéflexion,ilcollasonoreilleaupanneau,

commes’ilpouvaitentendrecequisepassaitdel’autrecôté,cequiprovoquaunnouvelaccèsderirechez Rock. Levant la main, Nick lui intima le silence, car il était presque certain d’entendre deschuchotementsprécipitésàl’intérieur.

Alorsqu’ilseredressait,décidéàfrapperdenouveau,unevoixrésonnaderrièrelui.—Messieurs?Unjeunehommegrandet trèsmince,vêtudeculottesdelaine,d’unechemiseblancheetd’ungilet

vertplutôtcrasseux,venaitdetournerlecoindelamaison.Ilétaitcoifféd’unecasquettetiréebassursonfront et, l’espace d’un instant, Nick se demanda pourquoi ce domestique ne se découvrait pas.Mais,aprèstout,danscedomaine,l’incongruitésemblaitlarègle.

—Noussommesiciàl’invitationdeladyIsabel.Lejeunehomme,àprésentaupieddesmarches,s’arrêta.—N’étiez-vouspascensésvenirdemain?Refusantdeprêterattentionàsonattitudeinsolente–luiétait-ildéjàarrivéd’êtrequestionnéparun

domestique?–,Nickrépliqua:—Noussommeslàmaintenant.—Vousnelatrouverezpasàl’intérieur.—Ellen’estpaschezelle?—Elleestchezelle…maispasàl’intérieur.—Jeunehomme,jen’aipasenviedejouer,déclaraNick,quisentaitl’énervementlegagner.Votre

maîtresseest-ellelàoupas?Lesourirequeluiadressaledomestiqueétaitsilargequ’ilsemblaitimpudent.—Elleestlà,maispasdedans.Dehors.Ouplutôt,enhaut,dit-ilendésignantleciel.Elleestsurle

toit.—Elleestsurletoit?répétaNick,persuadéd’avoirmalentendu.—Exactement.Faut-ilquejel’appelle?Laquestionétaitsiétrangequ’ilfallutquelquessecondesàNickpourréagir.MaispasàRockqui,

avecunsourirejusqu’auxoreilles,intervint:—Oui,s’ilvousplaît.Nousaimerionsbeaucoupquevousl’appeliez.Aprèsavoirreculédel’autrecôtédel’allée,legarçonmitsesmainsautourdesabouche.—LadyIsabel!Vousavezdelavisite!Aprèsavoir redescendu lesmarchesduperron,Nicks’écartaà son tourde lamaison.Rocken fit

autant,accompagnédeschevaux.Nick leva lesyeuxvers le toit sanssavoiràquoi s’attendre.Comment imaginerque lademoiselle

qu’ilavaitrencontréeunpeuplustôtpûtavoiruneraisondesetrouversurletoitdelademeurefamiliale,deuxétagesau-dessusdusol?

Toutenhaut,unetêteapparut.Apparemment,ladyIsabelétaitbeletbiensurletoit.

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Bontédivine,cettefemmecherchaitdoncàmourir?—Vousn’étiezpascensésveniravantdemain,lança-t-elledepuissonperchoir.Jenereçoispas.Rockricanadoucement.—Ondiraitquetuasfinipartombersurunefemmequinetetrouvepassiirrésistiblequeça…Aprèsl’avoirfoudroyéduregard,Nickcriaversleciel:— Je crois, lady Isabel, que c’est une bonne chose que je sois venu aujourd’hui. Selon toute

vraisemblance,vousallezdenouveauavoirbesoinqu’onseporteàvotresecours.Lesourirequ’elleluiadressaétaitangélique–etd’unefaussetétotale.— J’ai survécu vingt-quatre ans sans garde du corps, monsieur. Je n’ai pas l’intention d’en

embaucherunaujourd’hui.Nick fut saisi de l’envie brutale de faire redescendre cette femme exaspérante et de lui montrer

précisémentenquoielleavaitbesoind’ungardeducorps.Àpeinecetteidéel’avait-elleeffleuréqu’ellefut remplacée par la vision de cette femme douce et belle entre ses bras, entièrement à sa merci. Ils’autorisamêmeàl’imaginersensuelle,nueetsoumiseàsesdésirs.

Maisilrepoussacetteimage:rien,danscettefemme,nepouvaitexcitersesdésirs.— Vu que vous avez failli être piétinée ce matin, répliqua-t-il, et que maintenant, vous êtes

dangereusementprèsdetomberdecetoit,vousnem’envoudrezpasdenepaspartagervotreconviction.—Jen’étaisabsolumentpasprèsdubordavantvotrearrivée,lordNicholas.Sijetombais,ceserait

votrefaute.Sur ce, elle disparut, et le domestique pouffa de rire. Le regard hautain que lui adressa Nick ne

semblapasl’intimiderlemoinsdumonde.Rockritàsontour,toutenjetantaujeunehommelesrênesdeschevaux.—Autantquevouslesemmeniez.Jecroisquenoussommeslàpourunmoment.Maisledomestiqueétaittropfascinéparlascènequisedéroulaitpourbouger.—Cettefemmeferaitperdrepatienceàunsaint!grondaNick.Aurait-elleoubliéquec’estellequi

m’ainvitédanscettefichuemaison?Latêtedelafemmeenquestionréapparutauborddutoit.—Vousferiezbiendevoussouvenirquelesonmonte,monsieur.Surveillezvotrelangage,s’ilvous

plaît.—Toutesmesexcuses,rétorquaNickavecunsalutexagéré.Jen’aipasl’habitudedeconverseravec

unedameperchéesuruntoit.Lesrèglesdel’étiquettedanscescirconstancesm’échappent.—Mêmeàdeuxétagesau-dessusdevous,jepeuxpercevoirlesarcasmedansvotreton.—Daignerez-vousnousdirepourquoivousvoustrouvezsurletoit?—J’apprends,répondit-ellesurletondel’évidence.—Vousapprenezàfrôlerlamortdenouveau?—Combiendefoisfaudra-t-ilquejevousrépètequejen’aipasfrôlélamort?—Mevoilàcorrigé.Unefoisdeplus.Qu’apprenez-vous?—Lesbasesdelaréparationdestoits.C’estfascinant,vraiment.Le sourirequ’elle esquissa était, cette fois,parfaitement sincère, etNickeneutpresque le souffle

coupé.—Jevousdemandepardon,finit-ilpardire.Vousvoulezdirequevousréparezletoit?—Ehbien,ilnevapasseréparertoutseul,jepense.Adorableoupas,elleétaitfolle.Iln’yavaitpasd’autreexplication.CommeilsetournaitversRock,quisouriaitcommeunimbécile,celui-cidéclara:—Ellen’apastort,Nick.

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Safolieétait-ellecontagieuse?—LadyIsabel,jedoisinsisterpourquevousdescendiez.Ellel’observaunlongmoment,commesiellesoupesaitseschancesdelevoirquitterledomainesi

ellerestaitsurletoit.—J’aimeraisbeaucoupvoirvosmarbres,poursuivit-il,etjeseraisheureuxdelesévaluer.Pourriez-

vousconsidérermonoffrecommesuffisammentgénéreusepourl’accepter?ElleregardatouràtourRocketlegarçond’écurie,avantdepousserunénormesoupir.—Trèsbien.Jedescends.Nickneparvintpasàjugulerlavaguedetriomphequidéferlaenluiàcesmots.Grâceàlui,cepetit

coind’Angleterreavaitrecouvréunsemblantdenormalité.Maispourcombiendetemps?

—Lara!Lepantaloncouvertdepoussière,unemèchedecheveuxluibarrantlevisage,Isabelseglissaparla

lucarne. Après s’être débarrassée du manuel qu’elle avait utilisé, elle se précipita vers l’échelle demeunierquireliaitlegrenieràl’étagedesdomestiques,Janesursestalons.

—Jane,tudois…—Toutseraprêtletempsquevous-mêmelesoyez,coupalamajordometandisqu’elless’élançaient

danslelongcouloirsombremenantàl’escalierprincipal.Surlepalier,ellesfurentrejointesparLara,horsd’haleine.PendantqueJanedégringolaitl’escalier,

Isabel se dirigea en courant vers sa chambre, où elle ouvrit à la volée les portes du placard pourdécrocherunerobe.

—J’avaisditàcethommeexaspérantdenepasveniravantdemain!s’écria-t-elle, latêtedansleplacard,ensupposantqueLaral’avaitsuivie.

—Apparemment,iln’apasécouté.—Non!Iln’apasécouté!As-tuvusonairoffensé?Commesijen’avaisriend’autreàfairequede

labroderieenattendantsonarrivée!Ellesortitunerobejaunequ’elleavaittoujourstrouvéeseyante.Nonqu’ellesepréoccupât,biensûr,

d’offriruneapparenceflatteuseàlordNicholas…—Jenel’aipasvu,répliquaLara,quiajouta:Tuesendeuil,Isabel.Toutengrommelant,Isabelenfonçadenouveaulatêtedanssonarmoire.—Cen’estpasl’enviededescendrecommejesuisquimemanque!Ceseraitbienfaitpourlui–et

poursadélicatessedegentleman!Évidemment,ceneseraitpaspossiblepuisquejesuisendeuil,ajouta-t-elleenarrachantdesoncintreunerobedepromenadegrise.Commetuprendsunmalinplaisiràmelerappeler.

—Tu as raison, acquiesçaLara avecun sourire narquois.Si tu descendais enpantalon, ce serait,effectivement,cenon-respectdesrèglesdudeuilquichoqueraitlordNicholas.

—Tun’espasdrôle,rétorquaIsabelenagitantunindexsalesouslenezdesacousine.—Jesuisplusdrôlequetun’espropre,ripostacelle-ci.S’approchantdelatabledetoilette,elleversadel’eaudanslacuvette.—Tudevraisrenvoyercethomme.Noustrouveronsunautremoyend’avoirdel’argent.—Non.C’esttoiquiascommencéaveccettehistoiredesigne,etildoitêtrelesigneleplusflagrant

quej’aiejamaiseu.Jevaisvendrelesstatues.Aprèsavoirjetélarobesurlelit,Isabelsepenchaau-dessusdelacuvette.

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Dire que lord Nicholas St. John était leur seul espoir et qu’il l’avait trouvée sur le toit ! Lesdemoisellescommeilfautnesepromenaientpassurlestoitsdesmaisons.Et,biensûr,lesgentlemennefréquentaientpaslesmaisonssurlestoitsdesquelsgambadaientdesjeunesfemmes.

—Ceseraunmiracles’iln’apasdécouverttousnossecrets,àl’heurequ’ilest.Kateétaitdehors,entraindeleurfaire laconversation.Jesuissûrequeluietsonamilegéantsesontdéjàaperçusqu’ellen’étaitpas…

—Nedispasdebêtises,répliquaLaraquandIsabelplongeasonvisagedanslacuvette.Situm’asapprisunechose,durantcesdernièresannées,c’estquelesgensnevoientquecequ’ilsveulentvoir.Leplusimportant,c’estquelordNicholasvoieunedamecommeilfautentoi–cequin’estpasgagné,pourlemoment.

—Commentleconvaincrederester?demandaIsabeleninterrompantsesablutions.—Peut-êtrequ’iln’estpasexcluqu’iltetrouvefascinante…Isabelobservasacousine,levisagedégoulinant.—Iln’estpasdutoutexclu,tuveuxdire,qu’ilmetrouvetoquée.—Ceseraitjustifié,c’estvrai.—Lara!Tuescenséemerassurer,paslecontraire.Isabelsaisituneserviettedelinetcommençaàs’essuyerlafigure.Maiselleinterrompitsoudainson

geste.—Lesfilles…Leurlivrée…—Janes’occupedetout,déclaraLaraqui,saisissantlarobe,lajetapar-dessuslatêted’Isabel.Tu

n’aspasletempsdemettreuncorset.Aprèsluiavoirtournéledospourluipermettred’attachersoncorsage,Isabelrelevasajupepourse

débarrasserde sonpantalon.Puis elle traversa la chambre, entraînant sa cousine avec elle, pour allers’asseoiràsacoiffeuse.Àgrandscoupsdebrosse,elle tentadedisciplinersesboucles,maisLaraluipritlabrossedesmains.

—Tuasbesoind’unefemmedechambre.—Non.J’auraistrèsbienpum’habillersanstonaide.Ç’auraitétémoinsrapide,c’esttout.—C’estprécisément laraisonpour laquelle tuasbesoind’unefemmedechambre.Tuaspleinde

fillesàtadisposition.Pourquoinepasenchoisirunepours’occuperdetoi?Isabelsuivaitlesgestesdesacousinedanslemiroir.—Pasdecoiffurecompliquée,luirecommanda-t-elle,nousn’avonspasletemps…Pourrépondreà

ta question, ce n’est pas possible. Les filles participent au fonctionnement de lamaison. Elles font lacuisine,leménage;elless’occupentdeJames.Ellessententqu’ellesfontpartiedequelquechosedeplusvaste… d’une communauté. Un sentiment que la plupart d’entre elles n’ont pas connu avantMinervaHouse.Sil’uned’entreellesdevaitdevenirmafemmedechambre…Ehbien,çanesembleraitpasjuste.

—C’esttoutàfaitridicule.Tuesfilledecomte.Personnenetereprocheraitd’avoirunedomestiqueoudeux.

—J’aidesdomestiques. Jen’aipasde femmedechambre,c’est tout.Et jen’enaipasbesoin.Àquand remonte la dernière fois où j’ai dû me dépêcher de me préparer pour recevoir un séduisantgentleman?

—Parcequ’ilestséduisant?—Non,pasdu tout,mentit Isabel.Et c’estunhommequi, apparemment,n’a aucuneconsidération

pour les dates et les invitations !Ça ira, ajouta-t-elle quandLara enfonça une épingle supplémentairedanssonchignon.Jenepeuxpasm’attarderpluslongtemps.

Elleserelevaetsetournaverssacousinetoutenlissantsajupeduplatdelamain.

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—Commentsuis-je?—Assezconvenable.Tun’aspasdutoutl’aird’unedamequiréparaitletoitilyaquelquesinstants.Isabelprituneprofondeinspiration.—Trèsbien.—Tun’espasobligéedelefaire,tusais.—Queveux-tudire?— Tu n’es pas obligée de vendre les marbres, précisa Lara avec un petit soupir. Nous pouvons

trouverunautremoyen.—Nousn’avonspasbesoindecesstatues,répliquaIsabelendétournantlesyeux.Ellesneserventà

rienici.—Ellesneservirontàriennullepart.Maisellest’appartiennent.Refusantdes’appesantirsursadécision,Isabels’obligeaàsourire.—C’estnotredernierespoir.LedernierespoirdeMinervaHouse.Parconséquent,jelesvends.Ellecarralesépaulesetquittalachambre.Surlepalier,James,JaneetGwenl’attendaient.—Isabel!s’exclamaJamesens’élançantverselle.Ilyavaitunhommeàlaporte!— Oui, c’est ce que j’ai vu, dit-elle, sans pouvoir s’empêcher de sourire devant la surprise

qu’exprimaitlevisagedesonpetitfrère.—Ilesttrèsgrand!LaremarquedeJamesluiserralecœur.RaresétaientleshommesàseprésenteràMinervaHouse.

Lepetitgarçonavaitdûdévorerdesyeuxcevisiteurinattendu.—Oui, c’estunhomme trèsgrand,confirma-t-elleenébouriffant sescheveuxblonds.D’une taille

peucommune.Commesonami.Jamesenrestauninstantbouchebée,demêmequeGwen.—Parcequ’ilyenadeux?s’exclama-t-il.Qu’est-cequ’ilsfontici?—C’estmoiquilesaiinvités,réponditIsabeltoutensedirigeantversl’escalier.—Pourquoi?—L’und’euxs’yconnaîttrèsbienenstatuesgrecques.J’aipenséqu’ilpourraitnousêtreutile.—Ahoui!ditJames,alorsqu’Isabeldoutaitqu’ilaitcomprisquoiquecesoit.Alors,ilsnesontpas

làpourt’emmener?Isabels’arrêta.LordNicholaspouvaitattendreuneminutedeplus.—Sapristi,non!Personnenevam’emmenernullepart.—Tun’aspasbesoinquej’intervienne?demanda-t-ilavecunsérieuxquilafitsouriresouscape.—Non.Jenerisquerien.—Etlesautres?—Personnen’estendangeraujourd’hui,monpetitchat,assuraIsabel.—Maisnoussommes toutes trèscontentesdevousavoirpournousprotéger,déclaraGwenen lui

souriant.Vousêtesunexcellentprotecteur.—Oui,nousavonsdelachancedevivreavecvous,monsieur,confirmaJane.Jamesserengorgea,l’airsifierqu’Isabelfaillitsemettreàrire.Maislaperspectivederencontrer

sonvisiteurcoupanetsonenvie.—Jedoisyaller,maintenant,etconvaincrel’hommequiétaitàlaporteque,malgrélesapparences,

cettemaisonn’estpasunasiled’aliénés.—Louableentreprise,acquiesçaLara.—Oui,jelepenseaussi.Aumomentdedescendrelapremièremarche,Isabels’arrêtaetseretournaverslegroupe.

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—Georgiana…Oùest-elle?—Danslabibliothèque.Onnelaverrapas,réponditJane.—Trèsbien.—Maislevisiteur?intervintalorsGwen.Est-cequequelqu’unl’afaitentrer?Jeveuxdire,après

queJamesluiaclaquélaporteaunez?Isabelpâlit.—Ohnon…murmura-t-elleavantdelesdévisagertouràtour.Ohnon!Ellecommençaàdévalerl’escaliersanssesoucierdesachevilledouloureuse.Lapetitetroupelui

emboîtalepas.Seigneur,ilallaitêtrefou!Dumoins,s’ilétaitencorelà…Maisillefallait.C’étaitsonseulespoir.—Elleaditqu’ilétaitséduisant,entendit-elleLarachuchotertrèsfort.—Pasdutout!—C’estvrai?demandaJane.—Jefaisaisallusionauxhommesséduisantsausenslepluslarge,affirmaIsabel.—C’estplausible,rétorquaJane,ironique,vuleslégionsd’hommesséduisantsquiseprésententtous

lesjoursici,aumilieudenullepart.Laraéclataderire.Isabelenvisageauninstantdelespoussertouteslesdeuxdansl’escalier.—Dommagequetoutespoirdetirerpartidelaleçonnumérounsoitperdu,déploraGwen.Isabel,quivenaitdeposerlepieddanslevestibule,seretourna.—Queveux-tudire?—Rien de spécial. Simplement que, dans le dernier numéro de Pearls and Pelisses, il y a des

conseilspourcettesituationprécise…Janereniflaavecincrédulité.—Tais-toi,Gwen,ditIsabel.Jen’aipasdetempspourça.—Maisilsdisent…—Non.Jedoistrouverunmoyenderéparerlesdégâtsquej’aifaitsetobtenirdelordNicholasqu’il

jetteuncoupd’œilàcesstatues.Isabelpivotaverslaported’entrée,etRegina,l’undesesvaletsdepied,posalamainsurlapoignée.—Ilest toujours là? s’enquit-elleaprèsavoirprisuneprofonde inspiration.Vas-y,ouvre…Non,

attends!EllesetournaalorsversGwen.—J’airéfléchi.N’importequelleaideestlabienvenue,aupointoùj’ensuis…Queditcetteleçon

ridicule?Demémoire,Gwenrécita:—«Leçonnuméroun:Netentezpasdeproduired’embléeunetropforteimpression.»IsabelrevitenespritsapremièrerencontreaveclordNicholas,puisladeuxième.—Bon…Pourlaleçonnuméroun,c’estbeletbienraté.Puis,commeReginaentrouvraitlaporte,ellechassatoutlemonded’ungestedelamain.—Cachez-vous!

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5

Ladernière foisqu’unefemmel’avait faitattendre,Nicks’était retrouvédansuneprison turque. Ildoutait que leYorkshire lui réserve un sort similaire ; néanmoins, il aurait préféré ne pas être obligéd’attendreunefolle,siadorablefût-elle.

Legarçond’écuriedégingandéavaitdisparuavecleschevaux.NicketRockseretrouvaientlivrésàeux-mêmes, sur le seuil du manoir, depuis plus longtemps qu’il n’était admissible. Certes, Nick necultivait plus la moindre illusion sur le respect des convenances à Townsend Park. Apparemment,pendant que le comtemultipliait les scandales à Londres, sa famille avait été laissée en jachère à lacampagne.

À la longue, renonçant à toute bonnemanière,Nick etRock s’étaient tout bonnement assis sur lesmarchesdepierre.

Nickfulminaitalorsqu’aucontraire,Rockdevenaitdeplusenplusguilleret.—JerévisemonjugementsurleYorkshire,déclara-t-ilens’adossantaumur,unbrind’herbeentre

lesdoigts.Leschosesontplutôtbientourné,non?—Tuaimeraispeut-êtrevivreici?Danscecoinperdupleind’originaux?rétorquaNick,d’unton

grincheuxquifitriresoncompagnon.—Malheureusement,leYorkshiresemblet’avoirprivédetabonnehumeur.— Il faut dire qu’être assis dehors pendant un demi-siècle à attendre une femme qui, très

probablement, a rêvéqu’elle possédait une fantastique collectiondemarbres, ça n’aidepas. J’ai bienenviedepartir.

—Jetepariecinqlivresquelacollectionexiste.—Tupeuxallerjusqu’àdix.—Dixlivresquenousrestonsicipourfairel’inventaire.C’estalorsquelaportes’ouvrit,livrantpassageàuneladyIsabelauvisageunpeurouge.Hormisce

détail,elleportaitunestricterobedemousselinegrise,sescheveuxétaientparfaitementlissésenarrière,etdetoutesapersonnesedégageaientuncalmeetunedistinctiondignesdesonrang.

Dèsqu’il leva lesyeuxverselle,Nick fut frappéparsasilhouettesoupleetélancée.Cette femmeétaitd’unebeautésiétonnantequ’ilenoubliapresquesonséjourprolongésurlesmarchesdepierre.

Ilsereleva,imitéparRock,tandisqu’unjeunevaletdepiedenlivréeouvraitplusgrandlaporte.—Messieurs,dit ladyIsabelavecunsourireaccueillant,veuillezmepardonnerdevousavoirfait

attendre.Elles’exprimaitavecaisance,etrien,danssontonpasplusquedanssonattitude,netrahissaitlefait

que,lorsdeleurprécédenteconversation,elleétaitperchéesuruntoit.

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Nicknevitpastracedupetitgarçon.Enrevanche,aupieddugrandescalierquipartaitduvestibule,setenaitunefemmeégalementendeuil.Blonde,svelte,elleavaitunsourireserein,maisellegardaitlesyeuxbaissés.ElleneressemblaitpasàladyIsabel,maispeut-êtreétait-cesasœur,néanmoins…

— Lara, dit justement la maîtresse des lieux, puis-je te présenter lord Nicholas St. John etM.Durukhan?LordNicholas,monsieurDurukhan,voicimacousine,MlleLaraCaldwell.

Nicks’inclinadevantlajeunefemme,puisRocks’avança.Devantcegéant,MlleCaldwellécarquillalesyeux.Mais,avecunsourirechaleureux,Rockpritsamaindanslasienne.

—MademoiselleCaldwell,c’estunplaisirdefairevotreconnaissance.Illaissasonregards’attardersurlevisagedeLara,tandisqueNickreportaitsonattentionsurIsabel.—Oùestlepetitgarçon?—Pardon?—Lejeunegarçon.Celuiquiaréponduquandj’aifrappé.—VousvoulezparlerdeJames…monjeunefrère.Lecomte…lordReddich.Jedevraiscommencer

àl’appelerainsi,jesuppose,balbutia-t-elleenrougissantdeplusenplus.Ilest…avecsagouvernante.De nouveau, je vous présentemes excuses pour lamanière peu orthodoxe dont vous avez été traités.Voyez-vous,lamaisonn’attendaitpasd’invités–ilenvientrarement–,etJamesaétésurpris…

NickcroisaleregarddeRock.Ilétaitmanifeste,vulesexplicationsembarrasséesdeladyIsabel,queleurprésencedanslamaisonlagênait.

—…etplusieursdomestiquesontleuraprès-midi,et…ilssontsortis,acheva-t-elleprécipitamment.—Pendantquevous,vousapprenezàréparerlestoits?—Précisément,dit-elleavecunsourirecirconspect.Unefoisdeplus,ilfutsurprisparl’éclatqueluidonnaitsonsourire.Mais,quandilluiadressaun

sourireenretour,lesiens’évanouitaussivitequ’ilétaitapparu.—Puis-jevousmontrerlacollection,monsieur?suggéra-t-elle.Jenevoudraispasvousretenirici

troplongtemps.VousavezsansdouteprévudequitterleYorkshiretrèsbientôt…—Pasdutout,réponditNick.Àvraidire,Rockmefaisaitjustementremarqueràquelpointlarégion

étaitagréable.Ilsepeutquenousrestionsunmoment.Nousavonsdonctoutnotretemps,cetaprès-midi.—Oh…Sondésappointementétaitflagrant.Pourquoinevoulait-ellepasqu’ils’attarde?Voilàquidevenait

deplusenplusdéroutant…Ducoindel’œil,ilremarquaalorsuneporteàpeineentrouverte,gardéepardeuxvaletsdepieden

livrée,l’ungrandetmince,l’autrepetitetrond.Unregardplusappuyédansl’entrebâillementluipermitdedécouvrir,àunpeuplusd’unmètredusol,unpetitvisageauxyeuxécarquillésrivéssurlui.C’étaitlejeunegarçon.

Incapablede s’enempêcher,Nick luiadressaunclind’œilet fut récompenséparuneexclamationassourdie.Brusquementtiréenarrière,legamindisparutavecuncrideprotestation,etlaporteclaqua.

Sansparaîtreavoirremarquél’incident,ladyIsabelpivotapourlesentraînerversl’escalier.—Sivousvoulezbienmesuivre…Jeseraiheureusedevousmontrerlesstatues.Tousquatregrimpèrentlesmarchesensilence.Bienquedotéed’unemajestéincontestable,lamaison

n’avait pas dû être rafraîchie depuis au moins une dizaine d’années. L’éclairage était chiche, aucundomestiquenevaquaitàl’étage,etpresquetouteslesportesétaientfermées,signequelespiècesqu’ellesdesservaientétaientrarementutilisées.

Alorsqu’ilssuivaientlajeunefemmedansunlongcorridor,Nickdemanda:—LadyIsabel,pourquoiétiez-vousentrainderéparerletoit?

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Commeellemarchaitdevant lui,elle tournalégèrement la tête.Maiselleneréponditàsaquestionqu’aprèsuninstant.

—Ilfuit.Cettefemmeétaitdécidémentinsupportable!Nickattenditqu’elledonnedesdétails…envain.—Jesupposequec’estlaraisonlapluscourantequiobligeàrépareruntoit,finit-ilpardire.Àcôtédelui,Rockémituneespècederireétranglé,auquelNickrefusadeprêterattention.Alorsqu’ilsatteignaientl’extrémitédelamaison,uneodeurderenferméfamilière,pasdéplaisante,

vint luichatouiller lesnarines.Elleétait associéedepuis longtemps,dans sonesprit, à sesplusbellesdécouvertes.

Lorsque,auboutducouloir,ladyIsabelouvrituneporteetleurfitsigned’entrer,Nickfutsurprisparla lumière dorée qui éclaboussait la pièce. Celle-ci était vaste, parfaitement symétrique, avec unalignement de hautes fenêtres par lesquelles le soleil entrait à flots, éclairant des dizaines de statues,toutesdetaillesetdeformesdifférentes,etcouvertesdedrapspoussiéreux.

Àcettevue,unevagued’excitationleparcourut.Lesdoigtsledémangeaientd’arracherceslinceulspourdécouvrirlestrésorsqu’ilsdissimulaient.

—Vousn’exagériezpas,reconnut-ilensetournantversladyIsabel.Elleesquissaunsourireet,quandelleluirépondit,cefutavecunefiertémanifeste.— Il y a une autre salle, identique à celle-ci, de l’autre côté du couloir. Vous voudrez la voir

également,jepense.Nicknecherchapasàdissimulersasurprise.— Peut-être queMlle Caldwell pourraitmontrer cette salle à Rock pendant que vousm’en dites

davantagesurcesstatues…Aprèsuninstantd’hésitation,Isabeladressaunsignedetêteàsacousine,etcelle-cisortitavecRock,

laissant la porte grande ouverte. Puis Isabel s’approcha de la statue la plus proche et, sous les yeuxavidesdeNick,tirasurledrap,révélantungrandnuenmarbre.

Ils’approchadelastatue,l’observapendantunlongmoment,puissuivitdelamainlacourbedesonbras.

—Elleeststupéfiante,murmura-t-ilavecrévérence.—Oui,n’est-cepas?ditIsabelqui,latêteinclinéesurlecôté,contemplaitlenu.LetondesavoixtiraNickdesonextase.Ilremarquaalorssonexpression,entreregretettristesse.—Plusimportantencore,dit-il,elleestréelle.—Vousendoutiez?demanda-t-elleensetournantbrusquementverslui.—Cen’estpastouslesjoursquejetombesurunefemmequipeutsevanterd’avoirunecollectionde

marbrescommecelle-ci.Jepeux?ajouta-t-ilendésignantlastatuesuivante.Quandelleeutopiné,Nicktirasurledrap.Cettefois,cefutunguerrierquiapparut,unelanceàla

main,prêtàfrapper.Ilsecoualatête.—Peut-êtremêmequecelan’arrivequ’unefoisdansunevie,ajouta-t-il.Etpasdanstouteslesvies.Ellesourittoutendévoilantunchérubin.—Jesuisheureusequenotrerencontreaiteupourrésultatdevousprocurerunetelleexcitation.—Même sans une collection aussi prodigieuse, lady Isabel, répliqua-t-il en plongeant son regard

danslesien,ilmeseraitdifficiled’oublierunetellerencontre.Unevaguedeplaisirleparcourutlorsqu’illavitrougir.—Jesupposequejedoisreconnaîtremadéfaite,monsieur.Vousm’avezbeletbiensauvélavie.Et

jen’aimalheureusementpasdemoyendevousprouvermagratitude.

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NickfitcourirsesdoigtssurunbustedeDionysos,d’unefinesseexquise,s’attardantsur ledessincompliquédesfeuillesdevignequiceignaientlatêtedelastatue.

—Medonneraccèsàunetellecollectionestunexcellentdébut.C’estunscandalequ’elleresteainsicachée.

LadyIsabeldemeurasilencieuseunlongmoment.—Grâce à vous, il y sera bientôt remédié, finit-elle par dire d’une voix contrainte, avec un petit

souriremélancolique.Unefoisquevouslesaurezidentifiées,cesstatuesserontvendues.—Vousnepouvezpaslesvendre!protesta-t-ilaussitôt.—Mais si, dit-elle en s’employant à dégager une grande statue, dont l’état de conservation était

exceptionnel.Commevouspouvezleconstater,ellesneserventpasàgrand-choseici,sinonàprendrelapoussière.Ellesdoiventêtrevendues.

—Ellesontplusd’importancepourvousqueleursimplevaleurmarchande,objecta-t-il.Ilvit sesépaules se raidir.Quandellepivotavers lui, sesyeuxbrillaientde larmes.Ellepritune

profondeinspiration.—Jevous assure, lordNicholas, que je ne les vendrais pas si…si j’avais l’impressionqu’elles

étaientmises en valeur ici. Combien de temps cela prendra-t-il ? ajouta-t-elle en suivant du doigt lecontourdupieddelastatue.

Si la tâcheavait demandémoinsd’une semaine,Nick lui auraitmentipour lui laisser le tempsderevenirsursadécision.Enl’occurrence,aucunmensongen’étaitnécessaire.

—Certainesstatuesserontplusfacilesàidentifierqued’autres,commença-t-ilaveccirconspection.Ilmefaudraaumoinsdeuxsemaines.Peut-êtreplus.

—Deuxsemaines!s’écria-t-elle,lesyeuxagrandisparladéception.—Jevoisquevouspréféreriezêtredébarrasséedemoiplusvite.Elleleregarda,etlesouriredeNicksemblalarassérénerunpeu.— Ce n’est pas cela… J’avais espéré qu’elles seraient identifiées et vendues en moins de deux

semaines.—C’estimpossible.Mêmelemeilleurarchéologuenepourraityparvenir.— Je vous demande pardon, monsieur, mais j’avais l’impression que c’était vous, le meilleur

archéologue…Cetteprovocationinattenduelelaissasansvoix.Puisilsourit,àlafoisétonnéetravid’êtretaquiné

parcettefemmequiparaissaitportersursesépaulesunfardeaumystérieux.—Etilfaudraaumoinsunmoispourenobtenirunprixraisonnable,ajouta-t-il.Voiresixsemaines.—C’estimpossible,dit-elled’unairdésolé.Lasituationdevenaitdeplusenpluscurieuse.CettecollectionàelleseuleauraitdécidéNickàrester

dans leYorkshire.Mais il prit conscience, en voyant l’inquiétude qui assombrissait le regard de ladyIsabel,qu’ilvoulaitconnaîtretoussessecrets.Etelleluioffraitl’occasionidéaledelesdécouvrir.

Alorsqu’ilsétaientdéjàprochesl’undel’autre,ils’avançadélibérémentverselleeteutleplaisirdevoirsesyeuxs’écarquillersousl’effetdelasurprise.

—Deuxsemaines,murmura-t-il.Etquandj’auraifini,jevousaideraiàvendrelesstatues.—Jevousremercie,dit-elleavecunsoulagementmanifeste.Jeregrettesimplementd’abuserainside

vosservicessanspouvoirvousoffrirdecontrepartie.— Je suis certain que nous pourrions trouver une compensation, répliqua-t-il d’une voix

volontairementsourde.AuxyeuxdeNick,ilnes’agissaitqued’uneplaisanterie.Aussifut-ildéconcertédelavoirseraidir

aussitôt.

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—C’est-à-dire?Quelqu’unluiavaitfaitdumal,àn’enpasdouter.Qui?Etcomment?Jugeantpréférabledenepas

approfondirlaquestionpourlemoment,iladoptadélibérémentuntonplusléger.—Puis-jevousproposerunjeu?—Unjeu?—Pourchaquestatuequej’identifierai,vousmeraconterezquelquechosesurTownsendPark.Etsur

votrevieici.Isabelparut réfléchir.Maisellegarda le silencesi longtempsqueNick finitpardouterqu’elle lui

réponde.Quand il l’entenditprendreuneprofonde inspiration, il reporta son regard sur elle.Sesyeuxsombres, opaques, ne révélaient que son incertitude. Pourtant, il avait la certitude qu’elle cachait dessecrets,etlebulannetoléraitpasqu’unmystèrerestenonrésolu.

Quefaudrait-ilfairepouraccéderàcessecrets?PourvoirladyIsabelbaissersagarde?Uneimagefulguranteluitraversal’esprit.Étenduesurunlit,latêterejetéeenarrièreparlapassion,

elle lui offrait son corps souple et élancé…Cette vision fut d’une telle force qu’il s’écarta, préférantmettreentreeuxunedistanceplusprudente.Puisildésignaunbustetoutproche.

—Ils’agitdeMéduse.Elleeutunbreféclatderire.—Évidemment.Mêmemoi,j’auraispul’identifier.Vousnepouvezquandmêmepasrevendiquermes

secretspourça!— Je n’ai jamais parlé de secrets, fit-il remarquer.Mais si vousm’offrez des informations aussi

précieuses, je vous dirai en échange que ce buste deMéduse, enmarbre noir, vient probablement deLivadiá.Plusimportant,qu’ilreprésenteMéduseaprèssadécapitationparPersée,maisavantquesatêten’aitétésertieaucentredubouclierd’Athéna.

—Commentlesavez-vous?Nickluifitsignedes’approcherdelastatue.Désignantuncreuxdanslequelunserpentmordait la

queued’unautre,ildit:—Regardezbien.Quevoyez-vouslà?—Uneplume!dit-elleaprèsavoirplissélesyeux.—Ilnes’agitpasden’importequelleplume,maisd’uneplumeprovenantdesailesdePégase,lequel

estnédusangdeMédusegouttantdel’épéedePersée.Quandelletournaversluidesyeuxécarquillés,Nickseretintpournepasserengorger.—J’ai regardécettestatuedesdizainesde fois,et jene l’avais jamaisvue.Vousêtesvraiment le

meilleur!—Entantquetel,répliqua-t-ilavecunsalutexagéré,jemériteunecompensation.Aprèss’êtremordillélalèvre,elleacquiesça.—D’accord,jevaisvousparlerdelacollection.—Excellentdébut.Elle resta néanmoins silencieuse un longmoment, au point qu’il se demanda si elle avait changé

d’avis.Quandelle finitpar reprendre laparole, enpromenant son regardd’une statueà l’autre, ce futcommesilesmotsvenaientdeloin.

—Monpèreagagnésesstatuesaujeu.Ellesappartenaientàuncontrebandierfrançais…Elles’interrompit,l’airsongeur.Maisdesannéesd’expérienceavaientapprisàNickàcontenirson

impatience.—C’étaitauxpremiers joursde laguerre, reprit-elle.Monpèreétaitun joueur invétéré. Ilpariait

toutetn’importequoi:del’argent,desdomestiques,desmaisons…Nouspouvionspasserdessemaines

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sansnouvellesdelui,etpuis,unjour,ilsurgissaitdansunnouveaucabriolet,ouavecunpanierpleindechiotsderace.Ilaoffertcesstatuesàmamèretroisjoursaprèsl’anniversairedemesseptans.

—Etellevouslesaensuitedonnées…—Oui,acquiesça-t-elleaprèsavoirpincéleslèvres.Ellessontàmoi.—Vousnevoulezpaslesvendre,observa-t-il,commes’ils’agissaitd’uneévidence.Ils’écoulaunmomentavantqu’ellenerépondetoutsimplement:—Non.—Danscecas…pourquoi?—Quelquefois,monsieur,onestobligédefairedeschosesmêmesionn’enapasenvie,répliqua-t-

elleavecunpetitriresansjoie.Ellesoupira,cequiattiral’attentiondeNicksursapoitrine.Ildétournaaussitôtlesyeux,honteuxde

selaissertroublerainsi.Sonregardtombasurunegrandestatueprochedeluiet,quandillareconnut,illaissaéchapperunrireétranglé.

—Qu’est-cequivousamuse?—Cettestatue.Savez-vousquiellereprésente?Lady Isabel pivota vers la silhouette féminine, une main sur la poitrine comme pour dissimuler

l’embarrasqueluicausaitlanuditédelastatue.Aprèsavoirobservésondosàlacourbegracieuse,sonvisageempreintd’unplaisirserein,laguirlandederosesquigrimpaitlelongd’unedesesjambes,ellesecoualatête.

—Non.—C’estVolupté.FilledePsychéetdeCupidon.—Commentlesavez-vous?Elleressembleàtouteslesautresstatuesfémininesquisetrouventici.—Jelesaisparcequejesuislemeilleur,répliqua-t-ilenlaregardantdanslesyeux.Elleeutunsourireamusé,cequiprocuraàNickuneintensesatisfaction.Lorsqu’elleneseméfiait

pasdelui,cettefemmeétaitexquise.Cependant, l’atmosphère entre eux sembla se tendre, devenir plus pesante. À l’odeur de pierre

poussiéreuse semêlait à présent un parfum doux,mélange de fleur d’oranger et d’une fragrance plusfraîchequ’ilnereconnutpas.

Il remarqua la légèrerougeurdesapeauet lecreuxdélicatà labasedesoncou,etundésiraigu,d’une intensité qu’il n’avait pas éprouvée depuis longtemps, s’empara de lui. Aumême instant, leursregardssecroisèrentdenouveau,etilperçutchezelleuneémotionidentique.Ilsétaientseuls,prochesàsetoucher,sansautretémoinquelesstatues.

Mûparledésir,illevalamainetfaillitluieffleurerlajoue,maisilseretintjusteàtemps.Ceseraitsansdouteuneerreurdelatoucher.Sesgrandsyeuxbrunsbrillaientd’unmélangeenivrantdecuriosité,d’excitationetdecraintequiilluminaitsonvisage,faisantd’elleunesirèneinnocente,dechairetd’os,entouréedesessœursmarmoréennes.

Quand elle ferma les yeux, il observa ses traits ravissants – les pommettes hautes, la bouchesensuelle,lefrontlissedetouteinquiétude.Ellerelâchaalorslesoufflequ’elleretenaitenuneexpirationtremblante,etseslèvresrosess’entrouvrirent.

Aucunhommesurterren’auraitpurésisteràcesoupir.Nicks’inclina,toutensachantqu’ilavaittort.Riendebonnepouvaitadvenird’unbaiseraveccette

demoiselledelacampagne.Seslèvresn’étaientplusqu’àuncheveudessienneslorsqu’unbruitsefitentendreàl’extérieurdela

salle. Il se redressa aussitôt avec un juron étouffé, puis il recula d’un pas, se maudissant de s’êtreapprochédecettefemmequisemblaitavoiruneffetinexplicablementnéfastesursonbonsens.

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Elle rouvrit brusquement les yeux.Devant les émotions variées qui s’y livraient bataille,Nick futsaisi de l’envie de la prendre dans ses bras et d’oublier tout le reste. Mais, en voyant arriverMlleCaldwelletRock,ilreculaencoretandisqu’Isabel,s’écartantdansl’autresens,sepressaitcontrelastatuedeVolupté.Ilcraignitmême,l’espaced’uninstant,qu’ellenelafassebasculerdesonpiédestal.

—Qu’as-tu trouvé?demanda-t-ilàsonami,espérantdissiperainsi le troublequidemeuraitentreeux.

Rocklesregardatouràtour,puiss’attardasurNickethaussal’undesessourcilsnoirs.Nickl’imita,lemettantaudéfidefairelemoindrecommentaire.

—Jen’aijamaisrienvudepareilhorsdelaGrèce,finit-ilparrépondre.TandisqueRockluidécrivaitlesmarbresqu’abritaitlasecondesalle,Nick,ducoindel’œil,vitque

ladyIsabelaccueillaitsacousineavecunsouriretropéclatant–unsourirerévélateur.Elleaussi,ellel’avaitdésiré!Mais il refusa de s’appesantir sur cette pensée. Il aurait dû se féliciter qu’on les ait dérangés au

moment où il s’apprêtait à commettre l’immense erreur de l’embrasser.Cette fille représentait tout cequ’il redoutait.Elle était innocente, seule, et appartenait augenrede femmesqu’il évitait – cellesquiexigeaientdeluiplusqu’iln’étaitcapablededonner.Ilauraitpariéqu’ellen’avaitjamaisétéembrassée,oumal,danscettecampagnereculée.

Néanmoins,ildevaits’avouerqu’ilauraitbeaucoupaiméluifairedécouvrirleplaisirqu’onpouvaitretirerd’unbaiser.

—Tumedoisdixlivres.LavoixdeRock le ramenaà l’instantprésent.Lacollectiondemarbresexistaitbel etbien.Et sa

propriétaireconstituaitunmystère.Deuxraisonsderester.Ignorantlesourirenarquoisdesonami,NickreportasonattentionsurladyIsabel,quilesregardait

aveccuriosité.Ellerougitalorsetportalamainàsescheveux.—LadyIsabel,dit-ilensavourant leplaisirdeprononcersonprénom,sicelavousconvient,nous

commenceronsàrépertoriervosmarbresdemainmatin.Unelueurd’incertitudes’allumadanssonregard,maiselledutsentirqu’elleétaitalléetroploinpour

sedédire.Elletripotaunemèchedecheveux,gestequitrahissaitsanervosité.—Trèsbien.Demain…demainconviendraparfaitement.Et…Laravavousraccompagner,continua-

t-elleencontournantleurpetitgroupepoursedirigerverslaporte.Jesuis…Jedois…Nickattendit,undemi-sourireauxlèvres,qu’elleachèvesaphrase.—Jedoism’enaller.La jupe de sa stricte robe grise fut la dernière chose quevitNick lorsqu’elle s’élança hors de la

salle.

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6Leçonnumérodeux

Faitestoutcequiestenvotrepouvoirpourresterdansl’espritdevotrelord.Etsoussesyeux.L’absence peut, certes, exacerber les sentiments. Mais rappelez-vous qu’aumoment où votre lord prendra conscience qu’il désire une épouse, il faudraqu’il se souviennedevotreexistence !Faitesdevotremieuxpour investir sonchamp de vision : passez près de lui lors des bals, renseignez-vous sur sespromenades favorites au parc, encouragez vos domestiques à se lier avec lessiens.Connaître son emploi du temps est l’outil le plusprécieuxpourprendreaupiègeunvraigentleman.

PearlsandPelisses,juin1823

Mêmesi,selonWellington,leplusdurpourunsoldatétaitdebattreenretraite,ilfutbienplusfacileà Isabel de prendre ce parti que de rester dans la salle des statues en compagnie de lord NicholasSt.John.

Àvraidire,seuleslesconvenancesl’avaientempêchéedeprendresesjambesàsoncou.Elleavaitsouhaitéqu’ill’embrasse,etmêmedésespérément.Quelleerreurç’auraitété!SiLaraet

M.Durukhann’étaientpasrevenus,Dieuseulsaitcequiauraitpuarriver…Ettandisqu’elleparcouraitàviveallurelescouloirstortueuxquimenaientàlacuisinedeTownsend

Park,elleavaitbienconscienced’avoirfaitpreuve,cetaprès-midi-là,d’unelâchetéinhabituelle.Maisavait-elleeulechoix?Illuifallaitquittercettesalle,reprendresesespritset…semorigéner.

Oùdoncavait-elleeulatête?InviterunétrangeràMinervaHouseétaitunechose–unechoserisquéeetpeuintelligente–,mais

considérercethommeautrementquecommelemoyend’atteindresonbut,c’étaitinacceptable.ElleavaitbesoindeNicholasSt.Johnpourévaluersacollectiondestatuesetpourlesvendre.Rien

deplus.De toutes ces années passées avec des femmes que des hommes avaient maltraitées, Isabel avait

retenuaumoinsuneleçon:onneplaisantaitpasaveceux.Elleavaitvusuffisammentdefemmesesclavesdeleurcorpsoudeleurcœur;suffisammentdefemmes,ycomprissapropremère,victimesdesourirescharmeursetdecaressesensorcelantes,poursejurerquecelaneluiarriveraitjamais.

Elle ne devait pas laisser unLondonien ruiner ses principes –même si certaines considéraient leLondonienenquestioncommel’undesplusbeauxpartisd’Angleterre.

Elleallaitdevoirs’imposerdenepastenircomptedelaprésencedelordNicholasdanssamaison.La difficulté n’était certainement pas insurmontable. D’une part, cet homme était archéologue et ne

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s’intéresserait vraisemblablement qu’aux statues.D’autre part, n’avait-elle pas, de son côté, à nourrirtouteunemaisonnée,àacquérirunedemeureetàprendresoindedeuxdouzainesdepersonnes?

—Vouspouvezpasm’obligeràalleràl’école!Jesuislecomte,maintenant.Etiln’yapersonnequicommandeauxcomtes.

Àcesmots,Isabels’arrêtanet,justeavantdefranchirleseuildelacuisine.Glissantuncoupd’œildanscelle-ci,ellevitJamessepenchersurlatabledeboispatinépourprendreunbiscuit,qu’ilplongeaaussitôtdanssatassedethésanssesoucierduliquidequidébordait.Lamoueboudeuse,ilnerelevalesyeuxqu’auboutd’unmomentetlesrivasurGeorgiana,assiseenfacedelui.

Isabelrestatapiedansl’ombre.ElleavaitdemandéàGeorgianadecommenceràévoquerlecollègeavecJames,dansl’espoirquecelui-cis’habitueraitàcetteidée.

Lapartiesemblaitloind’êtregagnée.—Malheureusement,James, ilya toujoursquelqu’unquipeutnousdirecequenousdevonsfaire.

Mêmelorsqu’onestcomte.—Jedétestequandonmeditcequejedoisfaire.—Ehbien,j’avouequecelanemeplaîtpasbeaucoupnonplus.—J’suisintelligent,argualejeunegarçon.Georgianaluiadressaunlégersourire,toutenprenantàsontourunbiscuit.—Vousêtestrèsintelligent.Jen’aijamaisditlecontraire.—Jesaislire.Jeconnaismestablesdemultiplication.Etpuis,jesauraibientôtlelatin.C’estvous

quim’apprenez.—Oui,biensûr.Vosprogrèssontimpressionnants.Maislesjeunesgens…lesjeunescomtes…vont

aucollège.—Qu’est-cequ’ilsm’apprendrontlà-basquevouspouvezpasm’apprendre?—Toutessortesdechoses.Deschosesréservéesauxcomtes.—Vousdevriezletremperdanslethé,conseilla-t-ilàGeorgiana,quicontemplaitsonbiscuit.C’est

bienmeilleur.Isabelneputs’empêcherdesourire.Elleauraitpariéque,detoutesavie,Georgianan’avaitjamais

trempéunbiscuitdanssonthé.—Commeça,ajoutaJames.Joignant le geste à la parole, il plongea un deuxième biscuit dans sa tasse avant de repêcher le

premier.Lesdoigtsdégoulinantsdethé,iln’eutqueletempsdebrandirsongâteauavantquecelui-cinesebriseetqu’unemoitién’enretombedansleliquide,éclaboussantlatabletoutautour.Georgianaaffectadegrimacerdedégoût,etJameséclataderire.

Lesbrasrefermésautourdesonbuste,Isabels’adossaaumur.Comteoupas,elleredoutaitledépartdeJamesdelamaison.

—Vouscroyezqueleshommesdetoutàl’heure,ilssontallésàl’école?demandaJamesavecunvifintérêt.

—Oh,j’ensuiscertaine.Ilsontl’airdevraisgentlemen.Etlesvraisgentlemenontfréquentél’école.Jamesgardaunsilencesongeur.CefutGeorgianaquilerompit.—Voussavez,j’aiunfrère…Isabeltenditl’oreille.Depuistroissemainesqu’elleétaitici,lajeunefillen’avaitjamaisfaitallusion

àlaviequ’ellemenaitàLondres.—C’estvrai?Ilvaàl’école?—Ilyestallé.D’ailleurs,c’estgrâceàcelaqu’ilestsibrillant.C’estmêmel’undeshommesles

plusbrillantsd’Angleterre.

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«Etl’undespluspuissants»,ajoutaIsabelinpetto.—Iladûvousapprendredestrucs,alors.Sinon,commentunefillesauraitlelatin?— Je vous demande pardon, lord Reddich, riposta Georgiana. Les filles, comme vous dites,

connaissentbeaucoupdechoses…passeulementlelatin.Isabel ne put s’empêcher de jeter un nouveau coup d’œil dans la cuisine. James fronçait le nez,

visiblementsceptique.—Vousêteslafillelaplusintelligentequejeconnaisse,déclara-t-ilalors,avecunevénérationqui

fithausserlessourcilsàIsabel.Enraisondubéguinmanifestequ’ilavaitpoursagouvernante–laplusjolie,incontestablement,de

toutescellesqu’ilavaiteues–,Isabelpréféraignorerl’offensefaiteàsapropreintelligence.Maisellejugealemomentvenudemettreuntermeàcettecharmanteconversation.

Aprèsavoirplaquéunsourireradieuxsursonvisage,ellefranchitleseuildelacuisine.—C’estdéjàl’heureduthé?demanda-t-elleavecentrain.—Isabel!s’exclamaJames.Ilssontoù,lesmonsieurs?Ilyenaunquiétaittrèsfort!Tuasvu?Etilyenavaitunquiétaittrèsbeau.D’ailleurs,elleavaitbienfailliseconduirecommeuneidiote…—Messieurs.Oui,j’aivu,acquiesça-t-elleenseversantunetassedethé.—Ilssontoù?Ilsvontresterici?—Ilssontencorelà-haut.Ilsexaminentlesstatues.—Jepeuxallerlesvoir?demandaJamesavecunenthousiasmeauquelilétaitpresqueimpossible

derésister.—Non,tunepeuxpas.— Pourquoi ? Je suis le comte, maintenant ! Et je dois veiller à la sécurité des habitantes de

TownsendPark.Moi,jecroisquejedevraislesrencontrer.L’allusiondeJamesàlasécuritédeleursprotégéessurpritIsabel.Elles’étaittoujoursefforcéedele

maintenir dans l’ignorance des difficultés rencontrées par les filles et des dangers qu’elles couraient.Mais,engrandissant,ildevenaitplusperspicace,etIsabelsentitquecetteconversationexigeaitqu’elleprenneplusdeprécautionsqu’àl’ordinaire.

—C’esttoutàtonhonneurdetesoucierdubien-êtredesfemmesquirésidentsoustontoit,assura-t-elle. Mais ces messieurs seront très occupés lorsqu’ils se trouveront ici, et nous ne devons pas lesdistraire.Nouspourrionscependantlesinviteràdînerunsoir.Qu’enpenses-tu?

—Jecroisqueceseraitpolidenotrepart,acquiesçaJames,solennel,aprèsavoirmûrementréfléchi.—Jesuisvraimentcontentequetuapprouvesmaproposition,réponditIsabelavecunclind’œilà

l’intentiondeGeorgiana,quidissimulasonsourirederrièresatassedethé.Etmaintenant,file.Après les avoir regardées tour à tour, James décida manifestement que des aventures plus

intéressantes l’attendaienthorsde la cuisine. Il sautade sa chaise,non sans chiperunautrebiscuit aupassage,puisdisparutdanslecorridorsombreparlequelétaitarrivéeIsabel.

Celle-cis’assitàsaplace,pritungâteauàsontour,puissoupira.—Jevousremerciedeluiavoirparléducollège,dit-elleàGeorgiana.—J’aiétéheureusedelefaire.Uncomtedoitrecevoiruneéducationconvenable,ladyIsabel.—Voussavezquevouspouvezvousdispenserdecesformalités.—Aucontraire,jesuisvotreservante,réponditlajeunefilleavecunsourire.—Neditespasdesottises,répliquaIsabelens’esclaffant.Noussavonstouteslesdeuxquevousêtes

d’unrangsupérieuraumien.S’ilvousplaît…Jemesentiraismieuxsivousm’appeliezIsabel.Unvoiledetristesseassombritfugitivementleregarddelajeunefille.

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—Mon rang est désormais celui de gouvernante. Et je considère que c’est une chance pourmoid’occuperuneplaceaussienviable.

Renonçantàinsister,Isabelchangeadesujet.—Connaissez-vousleshommesquisontvenusaujourd’hui?Georgianasecoualatête.—JepréparaislesleçonsdeJames,etjen’aientenduparlerdeleurarrivéequ’unefoisqu’ilsontété

danslessallesdesstatues.—CesontdesLondoniens.—Desaristocrates?s’enquitGeorgianaavecunepointedenervosité.—L’und’eux,oui.LordNicholasSt.JohnestlefrèredumarquisdeRalston.C’estunarchéologue…Isabels’interrompitquandGeorgianaouvritdesyeuxgrandscommedessoucoupes.—Qu’ya-t-il?—LordNicholasetmonfrère…Ilsseconnaissent…LavoixdeGeorgiananefutplusqu’unchuchotementlorsqu’elleajouta:—Jenelefréquentepaspersonnellement,mais…—Georgiana,toutirabien,assuraIsabel.Lorsquejevousaiaccueillie,jevousaiditqueMinerva

Houseprendraitsoindevous,non?Lajeunefemmedéglutitavecpeine,puiselleprituneprofondeinspiration.—Si.—Vousresterezcachée,c’est tout,enchaînaIsabelaveccalme.Lamaisonestgrande.Vousêtes la

gouvernantedeJames,etiln’yapasderaisonsqu’uninvitévousrencontre.—Quefait-ilici,dansleYorkshire?—Jel’ignore.J’aicrucomprendrequ’ils’agissaitd’unvoyaged’été…Vousêtesensécurité,sousla

protectionducomtedeReddich,insista-t-elleenconstatantquelacraintedelajeunefillerestaitvive.Mêmesiunepetitevoixluisoufflaitquecen’étaitpasaussisûr,ellerefusadel’entendre.Georgianademeurauninstantsilencieuse.Puiselleinclinalatête.—Bien…Isabelremplitdenouveaulestassesdethé,avecl’espoirderenforcerlecalmedelajeunefille.Puis

ellereprit:— Quand vous serez disposée à parler des raisons qui vous ont amenée ici, vous pourrez vous

confieràmoi.Vouslesavez,n’est-cepas?—Oui,réponditGeorgianaenhochantdenouveaulatête.Maisje…jenesuispas…Etsi…—Ceserasi,etquandvouslevoulez.Jeveuxjustequevoussachiezquejeserailà.Aprèsdesannéesd’expérience,Isabelsavaitquelorsqu’ils’agissaitd’exorciserleurpeur,lesjeunes

femmes – sœur d’un duc ou serveuse de taverne – n’étaient guère différentes.Ni vraiment différentesd’elle-même.

Sielleavaiteulechoix,jamaisellen’aurait introduit lordNicholasSt.Johndanslamaison.Maisl’autre terme de l’alternative – renvoyer Georgiana et les autres sans rien d’autre que les vêtementsqu’elles avaient sur ledos– était inenvisageable.Aussi Isabel était-elleobligéedeprendreun risquecalculé.

L’ironie de la situation ne lui échappait nullement : elle plaçait l’avenir d’une bonne vingtaine defemmesentrelesmainsdel’hommeleplusdangereusementséduisantqu’elleeûtjamaisrencontré.

MaisquandelleregardaGeorgiana,si frêle,sianxieuse, lesmainsserréessursa tasseet lesyeuxfixéssursonthé,Isabelnedoutapasd’avoirprislabonnedécision.

IlleurfaudraitsimplementveilleràconfinerlordNicholasdanslessallesdesstatues.

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Celanedevraitpasêtredifficile.

L’après-midi suivant, Isabel se sentait très fière d’elle. Toutes ses inquiétudes au sujet de lordNicholass’étaientrévéléesvaines,etsaprésenceneposaitaucunproblème.

Envérité,depuis l’arrivéedesdeuxhommes,qu’elle avait cantonnésavec les statuesenprécisantbienàtoutlemondequ’onnedevaitpaslesdéranger,elleavaitréussiàleséviter.

Ouàsecacherd’eux?luisoufflaunepetitevoix,qu’elles’empressadefairetaire.Ellesetrouvaitdoncdenouveausurletoit,quifuyaittoujours.Et,vulesnuagesquis’amoncelaientà

l’est,lesréparationsallaientêtreparticulièrementbienvenuescesoir.Enpantalon etmanchesde chemise, Jane et elle, agenouillées, appliquaient avec soinunemixture

particulièrementmalodorantecenséerecollerlestuilesenterrecuite.Septansauparavant,lespremiersdomestiquesavaientquittéTownsendPark,etparmieuxlesartisansquientretenaient ledomaine.SansdouteIsabeldevait-elles’estimerheureuseque,duranttoutescesannées,aucuneréparationd’importancen’aitéténécessaire.

Dieumerci,labibliothèquedumanoircomptaitdenombreuxouvragessurl’architectureetl’entretiendesbâtiments.Certes,l’artderéparerlestoituresnefiguraitpas,engénéral,parmileslecturespréféréesdesjeunesfemmes,maisIsabelseraitheureuse, les joursdepluie,depouvoirsedispenserduvasedenuitposéàl’extrémitédesonlit.

—Pourriez-vousme dire ce qui s’est passé hier pour que vous vous cachiez de lordNicholas ?demandasoudainJane,quin’avaitjamaisétédugenreàtournerautourdupot.

Isabelplongeasabrossedansleseaudegoudronavantderépondre:—Ilnes’estrienpassé.—Riendutout?—Non.Ilaacceptéd’identifieretd’évaluerlacollection.Sitoutvabien,MinervaHouseseradans

sesnouveauxmursdansunmois,déclaraIsabel,s’efforçantdeconserverunevoixlégèreetconfiante.Janegardalesilence,letempsdereposerlestuilesnouvellementenduitesàleurplace.—EtlordNicholas?dit-elleensuite.—Qu’ya-t-ilaveclordNicholas?—C’estprécisémentcequejemedemande.—J’auraispréféréqu’iln’aitpasàintervenir,répliquaIsabel,éludantdélibérémentlaquestion.Unebrusquerafaledeventgonflalesmanchesdesachemise.Toutenseraidissantcontrel’airfroid,

ellechoisitsesmotsavecsoin.—Maisjepensequenousn’avonspaslechoix.—Ilyadesalternatives,Isabel.—Jen’envoispas.Janeplaçaplusieurstuilesensilenceavantdereleverlesyeux.—Vousvousoccupezdenousdepuislongtemps.MinervaHouseestdevenueuneespècedelégende

parmilesfillesdeLondres.Cellesquiarriventiciontdumalàencroireleursyeux.Toutcela,c’estvotreœuvre.Maisvousnepouvezpaspermettreàlalégendedevousdépasser.

Àsontour,Isabelcessad’enduireledessousdestuilesdegoudron.—Pourmoi,cen’estpasunelégende,Jane.MinervaHouseestbienréelle.—Maisvouspourriezvivreautrement.Vousêtesfilledecomte.—Uncomtedontlamoralitéétaitpourlemoinsdouteuse.— Dans ce cas, disons la sœur du nouveau comte. Vous pourriez vous marier. Mener la vie à

laquellevousétiezdestinée.

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Lavieà laquelleelleétaitdestinée?Lesmotsparaissaient si simples–commesi cetteexistenceétaitclairementdéfinie.Certes, lesautresfillesdelanoblessenesemblaientpasavoirdedifficultésàsuivrecechemintouttracé…maisellesn’avaientpaseusonpère.Nisamère.

—Non, répondit-elleensecouant la tête.C’estcelle-ci, lavieque j’étaisdestinéeàmener.Niunmariageavantageux,nilesthésencompagniedesdamesdelabonnesociété,nilessaisonslondoniennesn’yauraientchangéquoiquecesoit.Etregardeoùcelam’aconduite.Voisladifférencequecelaafaitepourtoi.Etpourlesautres.

—Maisvousnedevriezpasvoussacrifierpournous.Est-cequeceneseraitpasencontradictionavec l’esprit de cette maison ? Vous nous avez enseigné que notre bonheur, notre existence avaientinfinimentplusd’importancequelessacrificesquenousavonsfaitsavantd’arriverici.Jemetrompe?

Jane s’exprimait sans la moindre véhémence, mais ses paroles n’en portèrent pas moins. Isabelobserva longuement samajordome.Leventdeplusenplus fort lui rougissait les joues,etdesmèchesbrunes commençaient à s’échapper de sa casquette. Jane avait été la première à venir à elle. Alorsqu’elleétaitouvrièreàLondres,elleavait faillipérir sous lescoupsd’unclient soûl.Elleavaitalorstrouvé le courage de partir pour l’Écosse, où elle espérait commencer une nouvelle vie. Avec unepoignéedepiècesvolées–pasassezpourvivre,maisassezpourl’envoyerenprisonjusqu’àlafindesesjours–,elleavaitréussiàatteindreleYorkshire.Maislorsqu’ellen’avaitpluseud’argent,elleavaitétépurementetsimplementabandonnéeauborddelaroute,avecpourseulsbienslesvêtementsqu’elleportait. Isabel l’avait trouvée endormie dans une stalle inutilisée de l’écurie, le jour où les derniersdomestiquesavaientdésertéleurposte.

Isabelvenaitd’avoirdix-septansetseretrouvaitseulepours’occuperdeJames,âgédetroisans,etdeleurmèrequisemourait.Envoyantcettefilletropépuiséepoursesauver,tropbriséepoursebattre,elleavaitaussitôtprislamesuredudésespoirquil’avaitpousséeàcourirlesplusgrandsrisques.

Cen’étaitpaslabontéquiavaitincitéIsabelàrecueillirJane,maislapanique.Samèredépérissaitchaque jour un peu plus, folle de tristesse et de ressentiment, les domestiques avaient fui, Jamesdemandaitdel’amouretdessoins,etIsabeln’avaitrien.EnoffrantdutravailàJane,elles’étaitacquislaplusloyaledesservantesetlaplusfidèledesamies.

Janeavaitétél’uniquetémoindesderniersjoursdelacomtesse,lorsquecelle-cis’emportaitcontreIsabel,contrelepetitJames,contreDieuetcontrel’Angleterre,touscoupablesdesasolitudeetdesonmalheur.

Àlamortdesamère,alorsquetouts’effondraitautourd’Isabel,aiderJaneluiavaitpermisdenepasperdrepied.

Quelques semaines plus tard, elle avait pris la décision d’accueillir d’autres femmes àTownsendPark. Elle n’avait peut-être pas été une bonne fille, mais elle ferait en sorte de procurer à cesmalheureusesunendroitoùvivreets’épanouir.QuelqueslettresjudicieusementadresséesavaientamenéGwenetKate.Ensuite,lebouche-à-oreilleavaitfonctionné.LesfillesendifficultésavaientquesiellesparvenaientàatteindreTownsendPark,rebaptiséMinervaHouse,ellesyseraientensécurité.

Ces femmesavaient fourninon seulementunbut à Isabel,mais aussiunmoyendeprouverqu’ellevalaitmieuxquecequel’ondisaitd’elle.

Toutesnerestaientpas.Durantcesseptannées,Janeetelleavaientvudesdizainesdefillesarriver,puisrepartiraubeaumilieudelanuit,incapablesderésisteràl’appeldeleurancienneexistence.Plusnombreuses, heureusement, étaient celles qui repartaient pour se forger une nouvelle vie. Chaque foisqu’ellelepouvait,Isabellesaidaitàréaliserleurrêve.Certainesétaientdevenuescouturières,d’autresaubergistes.L’uned’ellesavaitmêmeépouséunpasteur.

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Ellesétaientlapreuvequ’Isabeln’étaitpasuniquementl’enfantnondésiréed’undébauchénotoire,oulafilleégoïstequesamèrel’avaitaccuséed’êtredurantsonagonie.

QuandellepensaitàMinervaHouseetàsesprotégées,leschosesqu’ellen’avaitpaseulachancedeconnaître – tout ce qui lui serait revenu de droit, si elle avait été la fille d’un autre comte – ne luieffleuraientjamaisl’esprit.

—Ce n’est pas un sacrifice de poursuivre l’œuvre deMinervaHouse, finit-elle par déclarer. Jeseraisprêteàréparercenttoitspourm’assurerquelesfillesengardentunau-dessusdeleurtête.

—Dois-jevousrappelerquevousn’êtespasseuleenhautdecettemaison?répliquaJaneavecunsourireencoin.Jenevaisjamaispouvoirmedébarrasserdel’odeurdecettesaleté.

—Ehbien,nousempesteronsensemble,ditIsabelenriant.—Votrelordn’apprécierapas.Cettefois,Isabelnefeignitpasdenepascomprendre.—Cen’estpas«mon»lord.—GwenetLaraseraientd’unavisdifférent.—GwenetLaraontdelabouillieentrelesoreilles.Jenemelaisseraipaspousserdanssesbras.Tu

peuxleleurdire.—Parcequevouscroyezquej’aiplusd’influencequecettegazetteridicule?demandaJaneavecun

éclatderire.—Siseulement!réponditIsabel,quisoupira.Iln’estlàquepourdeuxsemaines.Ilfautsimplement

quejeveilleàmaintenirlesfilleséloignéesdelacollection.—Etencequivousconcerne,mademoiselleCe-n’est-pas-mon-lord?La brusque vision du visage de lordNicholas empêcha Isabel de répondre à la taquinerie de son

amie.Ellerevoyaitl’éclatdesesdentsblanchesdanssonvisagehâlé,sabouchegénéreuse,sonsourireimpudent,pleindepromesses,etsesyeuxbleusquiappelaientlesconfidences…

Cethommeétaittrèsdangereux,effectivement.—Je feraicommeelles, répliqua-t-elle.Çanedevraitpasêtresidifficile.Après tout, j’aiun toit

àréparer.Àpeineeut-elleprononcécesmotsqu’unevoixmasculine,déjàfamilière,résonnaderrièreelle.—J’auraisdûparierquejevoustrouveraisici…Le cœur d’Isabel fit un bond. Affolée, elle regarda Jane, qui baissa aussitôt la tête, comme tout

domestiquequiserespecte,etfitminedeseconcentrersursatâche.Isabelallaitdevoirsedébrouillerseule.Aumomentoùelleseretournait,lordNicholasémergeaitde

lalucarne.Quidoncl’avaitlaissémonterici?Commeilposaitavecprécautionseslourdesbottessurlestuiles,Isabels’écria:—Attendez!S’il n’y prenait garde, il risquait d’endommager davantage la toiture. Elle dut reconnaître, à son

crédit,qu’ils’immobilisasur-le-champ.—Je…C’estmoiquivaisvenirversvous,monsieur!ajouta-t-elle.Elleserelevaettraversaletoitavecprécaution.Arrivéedevantlui,elleluiadressaungrandsourire,

auquelilneréponditpas.—Qu’est-cequivousamènesurletoit?Vousavezbesoindequelquechose?—Non…Cettesyllabeuniques’étiratandisqu’ill’examinaitdelatêteauxpieds.Seigneur,elleétaithabillée

enhomme!

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Sauterdu toitn’étantpasunesolutionenvisageable, Isabels’ordonnadefaire face.Ellecroisa lesbrassursesseinsens’efforçantd’ignorerlabrûluresoudainedesesjoues.

—Jenem’attendaispasquevousmerejoigniezici,lordNicholas,déclara-t-elleavecfermeté.—C’estcequejevois.Néanmoins,j’admetsêtresurprisquevousvousmontriezdanscegenrede

tenuedevantvosdomestiques.Duregard,ildésignaitJanequi,latêtetoujoursbaissée,replaçaitunetuile.—Oh…Ehbien…Jan…Janneyvitavecnousdepuislongtemps.Ila l’habitudedemes…demes

excentricités.Elleconclutcetteexplicationd’unriretropbruyant,quisonnafauxàsespropresoreilles.—Jevois,fit-ild’untonquidisaitlecontraire.—Sinousrentrions?Vousdésirezpeut-êtreunpeudethé?Elleparlait tropvite,commesicelapouvaitsuffireà lechasserdu toit,de lamaison,etmêmedu

Yorkshire.—Non,merci.J’aimeraisplutôtvoircetoitquiaccaparetellementvotreattention.—Je…Oh…Setrompait-elleouprenait-ilunmalinplaisiràlamettredansl’embarras?—Voulez-vousbienmefairefairelavisiteduchantier,mademoiselle?Ledouten’étaitpluspermis,illataquinait.Quelhommeinsupportable!—Maiscertainement,murmura-t-elleavantdesetournerversJane,qu’illuifallaitimpérativement

renvoyer.Nousenavonsfinipouraujourd’hui,Janney.Vouspouvezrentrer.Sansdemandersonreste,Janeserelevapoursedirigerverslalucarne.Maisquandellepassadevant

eux,lordNicholasl’arrêtad’ungeste.—Vousdevriezvousmontrerplusprotecteurenversvotremaîtresse,jeunehomme.Janes’arrêta,latêtebaissée,etopina.—Jevoisquevouscomprenezcequejeveuxdire.Isabel retint son souffle pendant un longmoment, s’attendant qu’il poursuive.Mais comme il n’en

faisaitrien,ellereprit:—Ceseratout,Janney.Tandisque Jane se faufilaitdans legrenierpar la lucarne, Isabel essayade se tracerune lignede

conduite.Mêmesiellen’avaitreçuaucuneéducationformelleenmatièredeconvenances,elledevinaitqu’unetoituren’étaitpaslelieuappropriépourunediscussionentredeuxpersonnesdesexesopposés.

—Celanemeplaîtpasquevoussoyezsurletoit.Cesmots,prononcésd’unevoiximpérieuse,commesiIsabeln’étaitsurterrequepoursatisfaireses

caprices,prirentlajeunefemmeaudépourvu.Leregardantdroitdanslesyeux,ellenedissimulapassonirritation.

—Ehbien,puisqu’ils’agitàlafoisdemontoitetdemapersonne…jenevoispasenquoicelapeutlemoinsdumondevousaffecter.

—Sivoustombiez…—J’ailepiedsûr,affirma-t-elleenlevantunejambepourluimontrersonsoulier.Des yeux, il suivit la courbe de sa jambe. Comme cet examen la rendait nerveuse, elle reposa

brusquement son pied, ce qui fit sonner les tuiles en terre cuite.D’un gestemachinal, elle tripota sescheveux,rassemblésenunchignonstrict.

—Jecroisquenousdevrionsrentrer.Maisilallas’asseoirsurlefaîtedutoitet,aprèsavoirobservéletravailaccompliavecl’aidede

Jane,ildemanda:

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—Pourquoiavez-vousquittélasalledesstatues,hier?Cen’étaitpaslaquestionàlaquelleelles’attendait.—Jevousdemandepardon?—Etquandjedis«quitté»,cen’estpastoutàfaitpertinent.«Fui»seraitpluscorrect.—Jemesuiséchappée,enfait.Ellefutlapremièresurprisedecetaveu,mais,toutenrougissant,poursuivit:—Jen’avaispasletempsdeflâneravecvousaumilieudesstatues.J’aibeaucouptropdechosesà

faire.—Dois-jevousrappelerquec’estvousquim’avezdemandédevenirvoirvotrecollection?Isabelsentitsesjouess’empourprerdeplusbelle.Ill’accusaitd’impolitesse,etiln’avaitpastoutà

faittort.—C’estinutile.Jevoussuistrèsreconnaissantedem’apportervotreaide,monsieur.—Jesuisheureuxdevousl’offrir,répliqua-t-il,lesyeuxplissés.Maisvousdevezadmettrequece

momentpasséensembleaétéassezpeu…orthodoxe.Isabelneputréprimerunsourireencoin.—Jesupposequenotresituationprésenten’arrangepasleschoses.—Pasplusquevotretenue, ladyIsabel,rétorqua-t-ilensouriantàsontour.Alors,pourquoiavez-

vousfuilasalledesstatues?—Je…jen’avaispaslechoix.Iln’insistapas, contrairementàcequ’elleavait craint.Quelquechose,dans son ton, avaitdû l’en

dissuader.Aprèsunlongsilence,ilchangeadesujet.—Vousdevriezmedire,jepense,pourquoivousréparezcetoit.—Mais je vous l’ai déjà dit, répondit-elle avec un haussement d’épaules. Il fuit, ce qui est très

déplaisantlorsqu’ilpleut.EtcommenoussommesenAngleterre,ilpleutbeaucoup.Ilpritletempsderefermersonbrasautourdesongenourelevéavantderépondre,lesyeuxrivésau

loin:—Vous faites exprès de ne pas comprendre. Je suis donc obligé de recourir à la seulemonnaie

d’échangequejepossède…Aprèsavoirsoupiré,ildéclara:—Volupté, fille deCupidon et de Psyché, est enmarbre deMergozzo.Un endroit situé dans les

Alpesetrenommépoursesmarbresroses.—Cettestatuen’estpasrose.Etellen’estpasitalienne.Lorsqu’il la dévisagea, Isabel se perdit un instant dans le bleu étincelant de ses yeux, avant de

remarquerlepetitmusclequitressaillaitsursajoue.Qu’est-cequecelatrahissait?—Cette statue est enmarbre rose deMergozzo, répéta-t-il lentement, comme si elle était simple

d’esprit.Lemarbrerosen’estpastoujoursrose.Etcechef-d’œuvren’estpasitalien,maisromain.C’estunedéesseromaine.

Isabel comprenait sa manœuvre : il l’obligeait à répondre à sa question relative au toit en luifournissantdesrenseignementssurlastatue.S’ilavaitraison,ellenepourraitplussedérober.

—Vousdevezfaireerreur,répliqua-t-elle.—Jevousassurequenon.Voluptéestpresquetoujoursreprésentéeenveloppéederoses.Etsicela

nesuffisaitpas,sonvisageconfirmesonidentité.—Vousnepouvezpasprétendrereconnaîtreunedéesseàsonvisagesculptédanslemarbre!—Maissi,biensûr.Ils’agitdeVolupté.—Jen’aijamaisentenduparlerdecettedéesse,etvous,voussavezàquoielleressemble?

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—C’estladéesseduplaisirsensuel.Aprèsêtrerestéeuninstantbouchebée,Isabelneputqu’émettreunfaible:—Oh…—Etsonvisagereflèteleplaisir,lafélicité,lapassion,l’exta…—Oui,j’aicompris,coupaIsabel.Çavousamuse,n’est-cepas?—Beaucoup,répondit-ilavecunsourireauquelelleeutleplusgrandmalànepasrépondre.Elleessayadelefoudroyerduregard,maisiléclatad’unrirecommunicatif.—Allons, ladyIsabel,venezvousasseoiràcôtédemoietracontez-moil’histoiredelatoituredu

manoirquiavaitbesoind’êtreréparée.Incapablederésisteràsademande,elles’exécuta.Cependant,aulieudelaregarder,ilcontemplale

jardin,endirectiondelaroute,pendantunlongmoment.— Pourquoi est-ce vous qui réparez ce toit ? finit-il par reprendre. Pourquoi n’y a-t-il personne

d’autrequevotremajordomepourvousaider?Isabelinspiraprofondément.Lesbourrasquesetl’humiditéquiimprégnaitl’airannonçaientunorage

imminent.Maislesnuagesn’étaientpasencoresureux,cequiluiauraitfourniunexcellentprétextepoursesoustraireàsaquestion.

—Jen’aipaslesmoyensd’engageruncouvreur,avoua-t-ellealorssansdétour,lesyeuxbaisséssurune tuile dont elle affecta de dépoussiérer la surface. Je n’ai pas d’homme sur qui compter hormis…Janney.

—Etlesvalets?— Ils ont leurs propres activités, répondit-elle en réprimant un haussement d’épaules. Je peux

apprendrel’artderépareruntoitaussibienquequiconque.Il resta silencieux si longtemps qu’elle finit par relever la tête pour le regarder. Ce fut de la

compassionqu’ellelutdanssesyeuxcouleurd’uncield’été.Cepériodiqueidiotavaitraison.Ilsétaientd’unbleumagnifique.

—La plupart des demoiselles de votre condition n’apprennent cependant pas l’art de réparer lestoits.

— C’est vrai, acquiesça-t-elle avec un mince sourire. Mais la plupart des demoiselles de maconditionnefontpasbeaucoupdeschosesquejefais,moi.

Était-cedel’admirationqu’ellecrutpercevoirdanssonregard?—Cela,jeveuxbienlecroire,dit-ilavantdesecouerlatête.Iln’yacertainementpas,danstoutle

royaume,d’autrefilledecomteaussiintrépidequevous.Isabeldétournalesyeux.Ilnes’agissaitpasd’intrépiditédesapart,maisdedésespoir.—Àmon avis, s’il y avait un autre comte commemon père, il y aurait une autre fille de comte

commemoi.Vouspouvezremercierledieuquevousvoulez,dansmacollection,d’avoircassélemouled’untelscélérat.

—J’endéduisquevousaviezconnaissancedesfrasquesdevotrepère?—Pasdanslesdétails.Mais,mêmereclusedansleYorkshire,uneenfantentenddeschoses.—Jesuisdésolé.—C’estinutile.Ilestpartiilyaseptans.Jamesl’aàpeineconnu,etjenel’aipasrevudepuis.—J’ensuisencoreplusdésolé.Jesaiscequec’estquedeperdreunparentlorsquecen’estpasla

mortquil’emporte.Leursyeuxsecroisèrentet,comprenantqu’ildisaitlavérité,elleneputs’empêcherdes’interroger

brièvement:quellehistoirecetteréflexioncachait-elle?

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—Lamortdemonpèren’apasétédu toutuneperte, reprit-elle.Nousn’avionscertainementpasbesoindesonexempleici.

Il ladévisageasi longuementque,embarrassée,elle finitpar reportersonattentionsur leciel,quis’assombrissaitrapidement.

—Jenenieraipasqu’unshillingoudeuxauraientétéappréciés…—Ilnevousarienlaissé?Isabel ne répondit pas.Ellevoulait bien admettre sesdifficultés financières,maispas endiscuter.

Ellen’accepteraitpassapitié.C’étaitlegenred’homme,sansdoute,àtenterd’ensavoirdavantageetàproposersonaide.

Maisellenepouvaitsepermettredes’ouvriràlui.Du bout du doigt, elle dessina le contour d’une tuile. Après un bref répit, l’inquiétude pesait de

nouveausursesépaules.Partagersonfardeauavaitallégésonpoidspendantuninstant,maisIsabelnepouvaitseconfierdavantage.

Cefardeau,c’étaitlesiendepuisledépartdesonpère,lorsquelaresponsabilitédudomaineetdeseshabitants lui était revenue.Elle avaitdû sedébrouiller seule, sansquepersonne l’aidemalgré sessollicitations.Elleavaitdoncretenulaleçon:lesmessieursdel’aristocratie,surtoutrichesetprospères,nevoulaientrienavoiràfaireavecundomainenégligéetsesmalheureuxoccupants.

—Votrecollectiondemarbresvautbeaucoupd’argent,ladyIsabel.Elleétaitsiplongéedanssesréflexionsqu’ellemitquelquessecondesàcomprendre.—Vraiment?—Sansaucundoute.—Assezpour…Elle s’interrompit. Il y avait tant de manières de terminer sa phrase… Assez pour acheter une

maison?Pourprendresoindesfilles?PourenvoyerJamesàEton?PourredonnerunpeudelustreaunomdeTownsend?

Ellenepouvaitriendiredetoutcela,biensûr,souspeinederévélersessecrets.—Assezpourréparercetoit,etbiendavantage.—LeCielsoitloué,murmura-t-elleavecunsoulagementsiintensequ’ilenétaitpresquedouloureux.C’est alors qu’un violent coup de tonnerre la fit sursauter. Par réflexe, elle se rapprocha de lord

Nicholas.Quandellelevalatêteverslui,conscientedelachaleurdesoncorps,ellevitdanssesyeuxunenivrantmélangedecuriosité,dedangeretd’attention–uneattentionquifits’accélérerlesbattementsdesoncœur,commes’ilétaitcapabledevoirauplusprofondd’elle-mêmeetdedécouvrirtoutcequ’elledissimulaitdepuissilongtemps.

Envérité,serait-cesiterriblequecela?Conscientedelafaiblessequil’envahissait,elleneputcependantdétournerlesyeux.Ceuxdelord

Nicholas étaient si bleus, la compréhensionqu’elle lisait en eux si tentante…qu’elle se sentait sur lepointd’oubliertoutessesrègles.

Mais elle n’eut pas le loisir de céder à la tentation.Les nuages se déchirèrent, et les éléments sedéchaînèrent.

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7

Les pluies d’été, dans leYorkshire, n’étaient pas légèresmais vengeresses, comme pour punir lecomtéd’unméfaitquelconque.Cependant,cetaprès-midi-là,Nicksavaitpertinemmentquiavaitamenésureuxlacolèreduciel.

C’était lui.Luiqui,enmufleparfait,avaitététentéd’embrasserladyIsabelTownsendsursontoit,justeaprèsqu’elleluiavaitavouésapauvreté.

Quandellel’avaitregardédesesgrandsyeuxbruns,ilavaitsuqu’elleselaisseraitembrasser.Maisuniquementpargratitudepourl’aidequ’illuiapportait.

Or,lagratitudeétaitunetrèsmauvaiseraison.Aussi, quand l’orage avait éclaté, avait-il été partagé entre l’envie de crier de frustration et le

soulagementd’avoirétéinterrompu.L’éclairquizébraleciel,àcetinstant,luifitprendreconscienceques’ilsrestaientausommetdela

maison,ilsnerisquaientpasseulementd’êtretrempés,maisaussifoudroyés.Àcettepensée,ilpassasonbrasautourdesépaulesd’Isabel,l’aidaàsereleveretl’entraînaversla

lucarnesouslestrombesd’eau.Maisaumomentoùilsl’atteignaient,ellepivota,plongeasoussonbrasavecunecéléritéinattendueetseprécipitaversl’endroitoùelleavaittravailléavecsamajordome.

—Legoudron!En un clin d’œil, Nick évalua les risques qu’elle courait entre les tuiles mouillées, la pluie

torrentielleetlafoudre.—Isabel!hurla-t-il.Entendant son nom, elle se figea sur place. Puis, comme un violent coup de tonnerre ébranlait le

bâtiment,elleseretourna,l’airincertain,lesyeuxécarquillés.—Laissezcegoudron!—Jenepeuxpas!cria-t-elleensecouantlatête,avantderepartirsurlapentedutoit.Ilnousafallu

desheurespourlepréparer!—Vousallezlelaisser!luiordonna-t-il.—Vousn’avezpasàmedonnerd’ordres,monsieur,rétorqua-t-elleenluijetantuncoupd’œilfurieux

par-dessussonépaule.Mais elle ne s’était pas arrêtée pour autant, et elle posamalencontreusement le pied sur une tuile

décollée qui, après avoir glissé, passa par-dessus le bord du toit. Ses yeux s’emplirent de frayeurlorsque,déséquilibrée,ellecommençaàtomber.

Déjà,Nicks’étaitprécipitéverselle.Elle essaya de se rattraper, mais ne réussit qu’à déloger d’autres tuiles qui allèrent s’écraser en

contrebas.Plusellesedébattait,gagnéeparlapanique,pluselleperdaitpied.

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Lasaisissantfermementparlamain,ill’obligeaàresterimmobile.Ilneditrienlorsqueleursyeuxsecroisèrent,niquand,acceptantsonsoutien,elleparvintàseredresseretàrecouvrersonéquilibre;ilnedit rien quand elle prit plusieurs longues inspirations tremblantes ; il ne dit rien non plus lorsqu’il lasoulevadanssesbrasetl’emmenajusqu’àlalucarnedugrenier.

Cenefutquequandill’eutreposéedevantl’ouverturequ’ilcria:—Jen’aipeut-êtrepasàvousdonnerd’ordres,Isabel,maissivousêtesincapabledeveilleràvotre

propresécurité,quelqu’undoitlefaireàvotreplace!Rentrez!Immédiatement!Était-ceàcausedesonton,delapluieoud’unquelconqueinstinctdeconservation?Toujoursest-il

que–miracle–elleobéit.Après s’être assuré qu’elle était en sécurité à l’intérieur, Nick retourna sur ses pas pour aller

chercherlamauditemixtureàlaquelleelletenaittant.Alorsqu’ilseredressait,leseauàlamain,sonregardseportasurlesécuries.Legarçonqu’ilavait

rencontréunpeuplustôtrefermaitlaporte,arc-boutécontrelepanneaudebois.Satâcheaccomplie,ilcourut vers lemanoir, la tête baissée pour protéger son visage de la pluie cinglante.Mais le vent luiarrachasacasquette,etsachevelures’envola.

Unetrèslonguechevelure…Interdit,Nick regarda le garçon se retourner pour courir après sa casquette qui roulait sur le sol.

Déjà,lapluiecollaitsursondosseslonguesmèchesrousses.Et,quandilfitdenouveaufaceàlamaison,lesecretdeTownsendParksautaauxyeuxdeNick.

L’imagedesdomestiquesqu’ilavaitrencontrésdéfiladanssonesprit:lelongilignegarçond’écurie,lemajordomeefféminé,lequarterondevaletsdepieddépareillés,dontcertainsdepetitetaille.

LamaisondeladyIsabelétaitpleinedefemmes!C’étaitlaraisonpourlaquelleellesetrouvaitsurletoit,aupérildesavie:iln’yavaitpersonned’autrepourfairecetravailàsaplace.

Nicklaissaéchapperunjuronsonorequeleventemportaaussitôt.Maisonpleinedefemmesoupas,rienn’excusaitl’imprudencedeladyIsabel.Elleauraitdûêtreenfermée,nefût-cequepourpréserversasantémentaleàlui!

Un coup de tonnerre retentissant le renvoya vers la lucarne. Lady Isabel le guettait, le visageruisselant,etilluitenditleseaud’ungestebrusque.Elles’ensaisitetreculapourluipermettred’entrer.Aprèsavoir luttéun longmomentcontre lapluie torrentiellepourparvenir à refermer la fenêtre, il setournaverselle,trempéjusqu’auxosetfurieux.

Ellereposaleseauavecprécautionpuis,nonsanshésitation,chuchotanerveusement:—Jem’enseraisparfaitementsortie…Nickenfonçaavecforcesesmainsdanssescheveux,etcegestesuffitàlafairetaire.Dieumerci,car

ilauraitpul’étrangler,sielleavaitcontinué.Jamaisiln’avaitrencontrédefemmeaussiexaspérante!Ellereprésentaitundangerpourelle-même

etpourlesautres.Bonsang,elleauraitpuprovoquerleurmortàtouslesdeux!Il se dominanéanmoinspourdéclarer d’unevoixuniemais d’un tonqui, autrefois, avait dissuadé

plusd’untueurdes’enprendreàlui:—Vousnemonterezplussurcetoit.Cependant,sadéclarationparutn’avoird’autreeffetqued’exacerberlacolèred’Isabel.—Jevousdemandepardon?—Évidemment,desannéesenferméeaufinfondduYorkshirenevousontpaspermisd’acquérirune

oncedebonsens.Àpartirdemaintenant,vousnemonterezplussurcetoit.—Jen’aijamaisrienentendudeplusimpérieux,depluscondescendant,deplusarrogant…

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—Vous pouvez user de tous les qualificatifs que vous voulez. Pourmoi, il s’agit d’assurer votresécurité, ainsi que celle de ceux qui vous fréquentent…Vous est-il seulement venu à l’esprit que nonseulementvous auriezpuvous tuer,maismoi aussi ? ajouta-t-il, contenant avecpeine sonenviede lasecouer.

—Jen’aipasdemandéàêtresecourue,lordNicholas!—Eh bien, vu que depuis deux jours que je vous connais, je vous ai sauvé deux fois la vie, je

suggèrequelaprochainefois,vousledemandiez.Elle se redressa de toute sa taille et, sans se soucier apparemment qu’on puisse l’entendre, elle

s’écria:—J’étaisparfaitementensécuritésurletoitjusqu’àcequevous,vousarriviez!Etvous,vousest-il

seulementvenuàl’espritquejen’étaissurletoitqueparcequejemecachaisdevous?—Vousvouscachiezdemoi?Lasurprised’Isabelàs’entendreprononcercesmotsfutmanifestementégaleàlasienne.Aulieuderépondre,elledétournadélibérémentlesyeux.—C’estvousquim’avezinvité!insista-t-il.—Ehbien,jecommenceàleregretter,marmonna-t-elle.—Pourquoivouscachiez-vousdemoi?—J’auraispenséquec’étaitévident.Ilsegardaderépondre,l’obligeantainsiàpoursuivre.—J’aiétésurpriseparnotre…moment…danslasalledesstatues.Jenem’attendaispas…D’ungestenerveux,ellefrottasesmainssursonpantalon,avantdecroiserlesbras,cequieutpour

effet de tendre la batiste blanche de sa chemise sur ses seins et d’attirer l’attention deNick sur leurrondeur ponctuée d’une pointe érigée, plus sombre. Il prit soudain conscience de l’endroit où ils setenaient, de la pénombre et de la chaleurqui régnaient dans le grenier, du crépitementde lapluiequiétouffaittoutautreson.Lelieuétaitparfaitpourunrendez-vousgalant.

Elleinspiraprofondément,lesyeuxlevésauplafond.Unegouttedepluiedescenditlentementlelongdesoncouet,souslesyeuxfascinésdeNick,disparutsouslecoldesachemise–unegouttedepluiedontilfaillitêtrejaloux.Detouteévidence,leYorkshireaffectaitsescapacitésmentales.

—Jenem’attendaispasàêtreaussi…recommença-t-elle.Maislaphrasemourutsurseslèvresquandleursregardssecroisèrent.Ilfitunpasverselle.—Aussi?répéta-t-il,toutensachantqu’ilavaittortd’insister.Ellelaissaéchapperunsoupirrésigné.—Aussi…attiréeparvous.—Vousêtesattiréeparmoi?Jamais il n’avait rencontré de femme prête à un tel aveu.Une telle franchise avait quelque chose

d’irrésistible.Mais elle se reprit alors, et l’embarras colora ses joues d’un rouge violent. Lesmots parurent se

bousculerdanssabouche.—Jesuissûrequecen’estqu’unélanpassager.Jepensequ’ilvaudraitmieuxquevouspartiez.Je

trouveraiunautremoyendevendremacollection…Sanervositéétaitenivrante.Levant lamain,Nickeffleura lapeaudoucedesa tempe,cequi la fit

taire.Aprèsavoirrepousséderrièresonoreilleunelonguebouclehumidecolléeàsonvisage,ilcaressasajouedureversdelamain.

Àcecontact,elleécarquillalesyeux,etsasurprisearrachaunsourirefugitifàNick.Ilpritalorssonvisageencoupeentresesdeuxmainsetl’élevaverslesien.

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Iln’auraitpasdûl’embrasser,illesavait.Maiselleneressemblaitàaucunefemmequ’ilavaitconnue,etildésiraitconnaîtresessecrets.Illa

désirait,elle,toutcourt.Ilposaseslèvressurlessiennes,etellefutàlui.

Commeilfallaits’yattendreavecunhommecommeNicholasSt.John,iln’yavaitriendetimideni

d’hésitantdanssesbaisers.Uninstantplustôt,Isabelluttaitcontrelesémotionsétranges,dérangeantes,que suscitait enelle cethommearrogant, etvoilàqu’àprésent il l’embrassait avecunepassionqui laprivaitdesouffle,deréflexionetdebonsens.

Ellerestafigéeuninstant,savourantlapressiondeseslèvressurlessiennes,desesmainsreferméesautour de son visage, de ses doigts qui glissaient dans son cou, tandis que des vagues de sensationsdéferlaientenelle.Puissacaressesefitplusdoucequand,libérantsabouche,ilsecontentadelafrôlertout en léchant sa lèvre inférieure. La sensation de sa langue chaude contre sa peau sensible était sisingulière,sitroublante,qu’elleneputretenirunimperceptiblegémissement.

Puis, de nouveau, il s’empara de sa bouche, la caressant pour inciter Isabel à s’ouvrir à lui.Ellehésita,embarrassée,n’osantni le touchernibouger,decraintedemettreuntermeàcettecaresseetauplaisirqu’elleluiprocurait.

Commes’illisaitdanssespensées,ilfitcourirseslèvreslelongdesajouejusqu’àsonoreille,dontil saisit le lobe entre ses dents. Elle sentit un frisson délicieux courir dans son dos tandis qu’ilmurmurait:

—Touchez-moi,Isabel.C’étaitcequirendait lesfemmesstupidesdevant leshommes,cemélangegrisantdepouvoiretde

faiblesse.Ellen’auraitpasdûobéir,biensûr.Maiscesmots,associésaufrôlementsensueldeseslèvresautour

desonoreille,furentsaperte.Elleposasesmainssursontorse,puissursesépaules.Ilrefermaalorssesbrasautourd’elle,l’attirantcontresoncorpsduretchaud.Latêterejetéeenarrière,ilscrutasonvisagecomme pour avoir la confirmation qu’elle désirait cette étreinte autant que lui, avant de reprendre sabouche.

Étourdieparlessensations,Isabelluirenditsescaressesavecunepassioninnocentequinefitquel’encourager.Elleenfouitsesdoigtsdanssacheveluremouillée,avantdesehissersurlapointedespiedspouravoirunmeilleuraccèsàsabouche.Illalaissaexplorercelle-ciàsaguise,etquandellefinitparsuivre timidement, de la pointe de la langue, sa lèvre inférieure, le grognement qu’il laissa échapperprocuraàIsabelunesatisfactioncommeellen’enavaitjamaiséprouvé.

Ilmitalorsuntermeàcebaiseret,reprenantl’initiative,fitdescendreseslèvreslelongdesoncou.Lorsqu’ilenmordillalégèrementlapeautendre,leplaisirarrachaàIsabelunsoupirétouffé.Ellen’eutpasbesoindevoirsabouchepoursavoirqu’ilesquissaitunsourirerichedepromessessensuelles.

Quandilrelevalatête,ledésirassombrissaitlebleudesesyeux.Ilentrouvritleslèvreset,fascinée,elleattendit.

—Isabel?L’espace d’un instant, elle ne comprit pas qui prononçait son prénom. Toute son attention était

concentrée sur Nick, sur le fait qu’il l’avait relâchée, qu’il se tenait à présent aussi loin d’elle quepossible.Elleavaitfroid,soudain,sanssachaleur.D’ungestemachinal,elleportalamainàseslèvrescommepouravoirlaconfirmationque,quelquessecondesplustôt,ill’avaitenlacée.

—Isabel!

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La seconde fois que James l’appela, la réalité la rattrapa brusquement. Elle eut soudain uneconscienceaiguëdulieuoùilssetrouvaient,deleursituation,decequ’ilsvenaientdefaire,etellefutsaisiedel’envieirrésistibledes’enfuirparlalucarne…etdevivresurletoitpendantuncertaintemps.Aumoinsjusqu’audépartdelordNicholas.

Maisellesecontentadeleregarderaveceffroi.—C’estmonfrère!chuchota-t-elle.—C’est ceque j’ai cru comprendre, répliqua-t-il, ironique.Nepensez-vouspasqu’il faudrait lui

répondre?—Je…Évidemment,ilavaitraison.Elleseprécipitaversl’escalier.—James!Jesuislà-haut!—Izzy!Katetecherche!L’allusion à son palefrenier féminin affola Isabel. Elle reporta son regard sur Nick. Entre ce qui

venaitde sepasseret les secretsqu’elleétaitobligéedecacher, toutdevenaitencorepluscompliqué.Hésitante,nesachantcommentmettreuntermeàuntel instant,elledit lapremièrechosequi luivintàl’esprit:

—Vousdevezpartir.—Quesuggérez-vous?Quejesautedutoit?Elleprituneprofondeinspiration,avecl’espoir insenséderecouvrerunpeudecesang-froiddont

elleétaitsifière.—Biensûrquenon.Vouspouvezsortirparlagrandeporte.—Quellemagnanimitédevotrepart…Ignorantsataquinerie,ellecommençaàdescendrel’escalier.Maisellen’avaitpasatteintlaseconde

marchequesesparolesl’arrêtèrentnet.—Vousnepouvezpasvousmontrerdanscetétat.Ellebalayasaremarqued’ungestedelamain.—Toutlemondem’adéjàvuevêtueenhomme.Iln’yaurapasdeproblème.—Cen’estpasàvosvêtementsquejefaisallusion.Elleseretournaetsoutintsonregardbleu,perçant.Beaucouptropperçant.—Àquoidonc,alors?—Àvotreapparence.—Quevoulez-vousdire?demanda-t-elleenportantlamainàsescheveux.—Vousavezl’airdequelqu’unquiaétéfougueusementembrassé.Isabelrougit,siviteetsifortqu’elleplaquasesmainssursesjouespourtâcherd’endiguerleflotde

chaleur.Puiselleseredressaet,desontonleplusfroid,ellerépéta:—Vousdevezpartir.Immédiatement.Surce,elledescenditàtouteallure,certainequ’unnouveaudéfil’attendait.

—Ilsnepeuventpaspartir…Queveux-tudire?Kateessoraseslongscheveux,puiselles’adossaàlaparoid’unestalle.—Riendeplus. Ilsnepeuventpaspartir.La routeest inondée,et iln’yapasd’autreaccèspour

retournerenville.—Maisilsn’ontpaslechoix.Ilfautqu’ilss’enaillent!s’écriaIsabeld’unevoixsuraiguë.Katefronçalessourcils.—Isabel…Jenevoispasbiencequejepourraisyfaire.Jenesuispasresponsabledutemps.

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— Il nous faudra simplement veiller à ce que les filles restent cachées, intervint Jane, toujourspragmatique.C’estdéjàarrivé.

Isabelpoussaunsoupirexaspéréet se frotta le front.Puiselle regardasescompagnes l’uneaprèsl’autre.

—LordNicholasn’estpasunsot.Ilnevapastarderàserendrecomptequ’ilyaquelquechosedebizarreàTownsendPark.Etsonamiaussi.Ilsvontremarquerl’absenced’hommes.

—Pas s’ils se focalisent sur lemanquededomestiques,ditGwenà son tour, tout en tapotantuneselleposéesurlaported’unestalleinoccupée.Ilsn’ontpasvubeaucoupd’entrenous…Nouspouvonsnouscontenterdecacherlesfilles,etensuite…Ehbien,croiserlesdoigts!conclut-elleavecunsourirequineréconfortaenrienIsabel.

—NousavonspasséseptansàprotégerlesfillesetMinervaHouse,ettonuniquesuggestion,c’estdecroiserlesdoigts?

CommeGwenopinaitavecenthousiasme,Isabell’observa,lesyeuxplissés.—Qu’est-cequiterendsiheureuse?Gwen ouvrit la bouche pour répondre.Mais, avant qu’elle eût prononcé lemoindremot,Kate fut

saisied’uneénormequintedetoux,manifestementforcée,etGwenrefermalabouche.Puisellesecoualatête en détournant le regard. Jane, elle, alla caresser les naseaux de l’un des deux chevaux qu’ellesavaientgardésàTownsendPark.Larasemblaithypnotiséeparlaborduredesongantdechevreau,tandisqueKates’abîmaitdanslacontemplationduplafond.

Quelquechosen’allaitpas…—Qu’ya-t-il?demandaIsabel.Commepersonnenerépondait,elleinsista:—Aucunedevousquatren’ajamaisétécapabledemecacherquoiquecesoit.Qu’ya-t-il?CefutGwenquicraqualapremière.—C’estjustequeleCielparaîtsoutenirnotreplan.—Gwen…murmuraJaned’untondésapprobateur.—Votreplan?—Exactement.Enfait,poursuivitlacuisinièreenquêtantduregardlesoutiendeLara,Pearlsand

Pelisses…—Biensûr,fitIsabel.J’auraisdûmedouterquecelaavaitunrapportaveccettegazetteridicule.—PearlsandPelisses,répétaGwenavecemphase,ditquelemeilleurmoyendes’assurerl’intérêt

d’unlord,c’estdelegardertoutprèsdesoi!Etquelmeilleurmoyenqu’unetempêtepourlegardertoutprès?Onn’amêmepasbesoindetrouverunstratagèmepourqu’ilpenseàvous!Lanaturelefaitànotreplace!

—Parcequevouscroyezque j’ai enviede susciter l’intérêtdecethomme?La seulechosepourlaquelle jeveuxsusciter son intérêt, c’estpour lacollectiondestatues !Kate, iln’yavraimentaucunmoyenqu’ilspuissentretourneràDunscroft?

—Aucun, répondit Kate en secouant la tête. Je suppose que la route sera de nouveau praticabledemainmatin,àconditionquelapluies’arrêtecettenuit.Maisjen’enverraispasdeschevauxaffrontercetemps…pasplusquedesétrangersàlarégion.

—Tum’assuresquetumedislavéritéetquetun’inventespasunehistoirepoursoutenirlesbêtisesdeGwen?

Katelaregardacommes’illuiétaitpousséunedeuxièmetête.—Vouspensezvraimentquejesoutiendraisquoiquecesoitenrapportaveccejournal?Isabellevalesmainsensigned’apaisement,puissetournaversLara.

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—Quedois-jefaire?—Tenirbon,caraprèscettepluieviendralebeautemps,réponditLaraavecunsourire.—Enattendant,nousavonsunerouteinondéeetunhommetropperspicacepournotrebien,Lara.—Nedispasdebêtises.Ilauradavantagedetempspourtravaillersurlacollection,non?Peut-être

quelatournurequeviennentdeprendrelesévénementsaccéléreraleschoses.—Et vous oubliez le côté le plus intéressant de la chose, ajouta Jane devant lamoue dubitative

d’Isabel.—Lequel?—Tantquelarouteestinondée,nousnerisquonspasdevoirarriverlevicomteDensmore.Jane n’avait pas tort. Peu de choses étaient pires que d’avoir lord Nicholas bloqué à Townsend

Park…maislavenueduvicomteenfaisaitpartie.—LordNicholaspourraitpeut-êtrenousfournirdesinformationssurlui…suggéraGwen.—JepréféreraisquelordNicholasn’ensachepasplussurnosdifficultés,réponditIsabel.Ilestdéjà

assezdéplaisantdedevoirsupportersaprésencecesoir.—Tousdeuxsemblentêtredeshommesbons,avançaLara,cequiluivalutd’attirersurelletousles

regards.—Ahoui?fitGwen.—Certes,jen’aipaspassébeaucoupdetempsaveclordNicholas,reconnutLara.MaisM.Durukhan

al’air…charmant.—Charmant,répétaKate.—Oui.Charmant.Enfin,gentil.Entoutcas,plutôtgentil.Sesquatrecompagnes ladévisagèrentensilence.Lara finitpar se soustraireà leurattentionense

tournantversl’undesgrandschevauxarrivésavecl’objetdeleurdiscussion.Devantcegesterévélateur,lesautreséchangèrentdescoupsd’œilentendus.

—Lara,est-cequecegéantt’intéresserait?lataquinaIsabel,heureusedecettediversion.—Jen’aipasditça!protestaLaraenouvrantdegrandsyeux.—Paslapeinedeledire,répliquaKate.Onatoutescompris,rienqu’àvoirvosjouesroses.QuandIsabelvitsacousineouvrirlabouche,puislarefermersansriendire,ellecompritaussitôtles

émotionsqui l’agitaient.Elle savait précisémentquel troublepouvaithabiterune femmeattiréeparunhommerencontréunjourplustôt.

—Hier,j’aientendulordNicholasl’appeler«Rock»,ditKate.Lenomsemblebienchoisipourunecréatureaussimassive.

Aprèsêtrerestéesilencieuseuninstant,Laradéclarasimplement:—Ilyadelabontédanssesyeux.Ce détail, comparé à la gigantesque stature du Turc, fit sourire Isabel. Combien de temps

s’écoulerait-ilavantque leurshôtesn’aientensorcelé toutes les femmesde lamaison?Après tout, ilsétaient différents des hommes dont les résidentes de Minerva House avaient l’habitude : ils étaientcharmants,beaux,intelligents…etl’und’euxembrassaitàmerveille.

Non, il ne fallait pas qu’elle tienne compte des côtés positifs de lord Nicholas. Si elle voulaitconserverunsemblantdesang-froidpendantsonséjourchezelleetnepasmettreendangercequi luitenaitleplusàcœur,elledevaitserappelersoninsupportablearrogance,sesprovocationsdésinvoltes,soncomportementabsolumentinacceptabledanslegrenier.

Mêmesi,surlemoment,ellel’avaitparfaitementaccepté…Lescontactsd’Isabelavec lagentmasculineétaient rares.Àpart lescommerçantsduvillageet le

pasteur, elle n’avait aucune raison de fréquenter des représentants du sexe opposé. Et surtout pas des

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célibataireslondoniensauxlargesépaules,auxbrasd’acieretauxyeuxplusbleusqu’iln’étaitpermis.Aucontraire,elleavaitpassésavieàéviterlesrichesetcharmantsmondainsquicaptivaienttoutes

les femmesalentour,avec leurscravatesparfaitementnouéeset leurssourires faciles.Cen’étaientquedes hommes qui prenaient plaisir à rendre les autresmalheureux ; des hommes qui, comme son père,semaientladésolationautourd’eux,tournaientleurmariageenridiculeetfaisaientdeleursfemmesdescréaturespitoyables,désespérées,prêtesàaccuserlemondeentierdelapertedeleursmaris.

Quand lord Nicholas St. John était arrivé, avec son visage séduisant et sa morgue, elle s’étaitattenduequ’ilsoitcommelesautres.Maisilavaitacceptédel’aider,ilavaitprisdesrisquespourveniràsonsecours,illuiavaitassuréqu’ellesauraitsurmontersesdifficultés–toutcelaenquelquesheures.

Etvoilàqu’ilétaitbloquéchezelle.Eninvité.Parmideuxdouzainesdefemmesquisecachaientpouréchapperàdessévicesvariés.

Pournerienarranger,ill’avaitembrassée.Nonqu’elleaittentédesesoustraireàsonbaiser,nimêmeenvisagédelefaire…Pendantdesannées,elleavaitrêvédecepremierbaiser,donnéparunhérosanonymeetsansvisage,

et prélude aux déclarations d’amour, aux demandes en mariage et autres divagations qui peuplaientl’imaginationdesjeunesfillesinnocentes.

Mais Isabel savait depuis longtemps que ces rêves étaient pures chimères. Parce que les hérosn’existaientpasetquel’amournecomblaitpaslesfemmes,contrairementàcequel’onprétendait.Ellesavaitd’expériencequel’amourleslaissaitmeurtries,faiblesetdésespérées.

Cequ’ellenevoulaitêtreàaucunprix.Etpourtant,danslegrenier,elleétaitredevenuelafilled’autrefois,quirêvaitdesonpremierbaiser.

DanslesbrasdelordNicholas,elleavaitentraperçucettepromesseéphémère–cettetentation.Ellen’avaitjamaisimaginé,cependant,qu’ellerecevraitsonpremierbaiserd’unquasi-étranger,dans

legrenierpoussiéreuxde lamaison familiale,aprèsavoir failli tomberdu toit.Pourêtrehonnête,ellen’avaitpasnonplusimaginéquecepremierbaiserseraitaussimerveilleux.Ni,surtout,qu’illuiseraitdonnéparunhommeaussi…aussi…viril.

Lepetit soupirqui lui échappaattira sur elle l’attentiondesautres femmes. Jane ladévisagea, lesyeuxplissés.

—Isabel?Ilyaquelquechosedontvousvouleznousparler?Isabelbaissalesyeuxsursonpantalontrempé,dontellefitminedelisserl’étoffe.—Non.Pourquoi?—Ques’est-ilpasséquandjevousailaisséeaveclordNicholassurletoit?—Vous vous êtes retrouvée seule avec lui !C’estmerveilleux ! s’exclamaGwen, l’air enchanté.

DansPearlsandPelisses,ilsdisentquevousdevezresterdanssonesprit…etsoussesyeux!—Ehbien,rétorquaIsabel, ironique,vuquecepauvrehommeestprisaupiègeici, jepensequ’il

m’auradansl’espritetsouslesyeuxjusqu’àplussoif.—Quoiqu’ilensoit,leslaisserseulssurletoitétaituneexcellenteidée,Jane!Bienjoué!—Cen’était pasvraimentmon idée, répliqua Jane,qui leva lesyeuxau ciel.Si j’étais restée, je

croisbienqu’ilauraitremarquéquejenesuispasunhomme.Cequim’asauvée,c’estqu’ilpouvaitàpeinedétachersonregardd’Isabel.

—Cen’estpasvrai!protestacettedernièreentournantvivementlatêteversJane.—Vraiment?ditKate.Voilàquiexpliqueraitsonétrangeréaction lorsqu’ilvousavuesur le toit,

hier.—Cen’étaitpasuneréactionétrange,répliquaIsabel.Cen’estpastouslesjoursqu’unedamemonte

surletoitdesamaison.

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— Je me suis fait la même remarque que Kate, déclara alors Lara, apparemment remise de sonembarras.Danslasalledesstatues,hier.Tususcitessacuriosité,Isabel.

—Pasdutout!—Alors,ques’est-ilpasséaprèsmondépartdutoit?demandaJaneavecundétachementfeint.—Ilnes’estrienpassédutout.Ilacommencéàpleuvoir,etnoussommesrentrés.Isabel se mordit la langue. Peut-être ses compagnes ne remarqueraient-elles pas son débit trop

rapide.Hélas…Quatrepairesd’yeuxsefixèrentsurelle,siinsistantsqu’elledutserappelerquelesbaisers

nelaissaientpasdetraces.—Nousétionsmouillés,précisa-t-ellesansnécessité.—Ahoui?fitKate.—Etalors,après?demandaGwend’unevoixpressante.Déconcertéeetagacéeparleurexcitation,Isabelrivasonregardauplafond.—Etalors,rien!déclara-t-elled’unevoixplusaiguëquelanormale.Jamesm’aappeléeendisant

queKateavaitbesoindemoi,et jemesuisprécipitéeàsarencontre,depeurqu’ilne laisseéchapperquelquechosedecompromettant!

Unlourdsilences’abattit.QuandIsabelreportasonattentionsursescompagnes,cefutpourconstaterquetoutesquatre,lesyeuxécarquillés,paraissaienthypnotisées.Saisied’unaffreuxpressentiment,elleseretourna.

Surleseuildel’écuriesetenaitM.Durukhan,qui,labouchelégèremententrouverte,observaittouràtourJaneetKate.SonregardseposasurlacasquettebienenfoncéequidissimulaitlescheveuxdeKate,puissurlecatoganàl’anciennemodequeportaitJane.Ils’attardaensuitesurlesdétailsimpossiblesàdissimuler:leurmentonimberbe,lessourcilsàl’arcparfaitetlelongcoudeKate,lespommetteshautesetlagrandebouchedeJane.

Ellesétaientdécouvertes!Aprèss’êtreéclaircilagorge,ilesquissaunsemblantdesalut.—LadyIsabel,mademoiselleLara…commença-t-ilenaffectantdenepasremarquerlepantalonque

portaitlapremière.J’étaisvenupourdiscuterdenotredépartavecvotre…palefrenier.Unlongsilencesuivit,ponctuéuniquementparlechevaldeRockquifrappadusabotenentendantla

voixdesonmaître.Lesfemmesétaientdevenuesmuetteset,siellen’avaitétéaussihorrifiée,Isabels’enseraitamusée.

Elledéglutitavecpeine.Entantquemaîtressedemaison,illuiincombaitdeparleretdefairetoutson possible pour protéger leurs secrets… En tout cas, ceux qu’elle n’avait pas révélés avec unedésinvolturecoupable.

—MonsieurDurukhan…Maisill’interrompitavecunlégersourire.—«Rock»suffira.—Oh…Je…C’estimpossible.LesouriredeM.Durukhans’élargit,éclairantsonvisagebronzé.—Avant cet instant particulier,mademoiselle, je l’aurais pensé.Toutefois, il semblerait quenous

ayonsàprésentunerelationempreinted’une…familiariténouvelle,vousnepensezpas?Gwenricana,cequiluivalutderecevoiruncoupdecoudedeKatedanslescôtes.Ellepoussaune

exclamationdedouleur,quifutsuivied’unéchangedechuchotementsfurieux.MaisIsabeln’yprêtaguèreattention.Avecunepaniquegrandissante,ellevoyaitleregardperçantdeRocks’attarderdenouveausurKate,puissurJane,commes’ilcherchaitlaconfirmationphysiquedesproposqu’ilvenaitdesurprendre.

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Isabelfermabrièvementlesyeux,consternée.Commentavait-ellepuêtreaussisotte?Sielleavaitétéaussidistraite,aussi troublée,c’étaitàcausede lordNicholas.S’ilnes’étaitpas

montréàcepoint…Elle retint alors un gémissement. Lord Nicholas ! Rock allait sûrement tout lui raconter. Ce qui

signifiaitque,tôtoutard,lasociétélondoniennen’ignoreraitplusriendel’existencedeMinervaHouse.Ilnefallaitpasqu’ilsoitmisaucourant.Maiscommentfaire?L’hommequisetrouvaitdevantelles

accepterait-il…—Jesupposequevousavezunetrèsbonneraisonpourjustifiercettemascarade?Àcesmots,prononcésd’unevoixfaussementdésinvolte,Isabeltressaillit.—Jevousdemandepardon?— Je parle de votre palefrenier, mademoiselle. Et de votre majordome. Je suppose que leur…

«uniforme»sertunbutparticulier.—Nous…Oui,réponditIsabel,sanscomprendreoùilvoulaitenvenir.—C’estbiencequejepensais.—Je…Nous…commença-t-elleenquêtantvainementduregardlesoutiendesautresfemmes.C’est-

à-direque…J’espèrequevousgardereznotresecret,monsieur.Il l’observa durant de longues secondes. Seul le crépitement incessant de la pluie sur le toit de

l’écurietroublaitlesilence.—Vousvoulezquejelegardevis-à-visdeSt.John,jesuppose…—C’estexactementcequejesouhaiterais.Il retomba dans le silence. Le ventre d’Isabel se serrait à l’idée qu’il puisse refuser. Déjà, elle

cherchait frénétiquement où et chez qui elle pourrait envoyer ses protégées. Il lui fallait disperser lesoccupantesdeMinervaHouseavantqu’onnedécouvreleurretraite.Ilétaithorsdequestionquel’uned’ellespâtissedesagaffemonumentale.

—D’accord.La panique dans laquelle se débattait Isabel était telle qu’elle ne comprit pas immédiatement sa

réponse.—Je…jevousdemandepardon?—Nousavonstousdessecrets,mademoiselle.—Vraiment?—Encequimeconcerne,c’estcertain,réponditRockavecunsourireencoin.Etjen’aimeraispas

penserquevouslesrévéleriez,sivousenaviezconnaissance.—Certainementpas!répliqua-t-elleavecvéhémence.—Mêmesijenelescomprendspas,jesupposequevousaviezdebonnesraisonsdemettreenplace

ce…cetarrangementpeuorthodoxe.—Oui.Commeilétaitvisiblequ’ellenesouhaitaitpasendireplus,ilsecontentadehocherlatête.Peut-être

queLaraavaitraison,finalement,etquel’hommeétaitgentil.—Vousêtesbienconsciente,néanmoins,qu’ilvaledécouvrirtoutseul.Isabelfrémit.Non,iln’étaitpasdutoutgentil!—Jenevoispaspourquoi,riposta-t-elle.LeshommesquisontvenusàTownsendPark,ycompris

vous-même,n’ontrienremarqué.—Isabel…murmuraLara.—St.Johnn’estpascommelesautreshommes,rétorquaRock.Ilesttrèsattentifàcequil’entoure.À

monavis,s’iln’avaitpasétédistraitpard’autres…particularitésdelamaison,ilauraitdéjàdécouvert

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cequevouscachezsoussonnez.—Iln’yariendeparticulieràTownsendPark!protestaIsabel.LeregarddeRockseposarapidementsurlestenuesmasculinesportéesparIsabel,KateetJane.Puis

ils’adressadenouveauàIsabel.—Sivousledites…Celaneluiplairapasd’êtreledernieraucourant,néanmoins.— Il ne sera pas le dernier au courant, rétorqua-t-elle, incapable de dissimuler son irritation.

Puisqu’iln’ensaurajamaisrien.Rockémitungrognementdubitatif.—Quoiqu’ilensoit,nousenavonsfiniaveclesstatuespouraujourd’hui.Vousavezdonctoutela

soiréepourdéciderdelamanièredontvousprolongerezcettemiseenscènedemain.IlsetournaensuiteversKateet,commesilasituationn’avaitriend’anormal,ajouta:—Nousaimerionsdisposerdenosmontures.Unviolentcoupdetonnerretiralesfemmesdeleurtranse.—Oui,biensûr,ditKateens’élançantaussitôtverslastalleoùétaitlogélechevaldeRock.Puiselles’arrêtanet,pivota,lesyeuxécarquillés,etcroisaleregardd’Isabel.—Oh…—Ilyaunproblème?s’enquitRock.—Non!s’écrièrentLara,Kate,GwenetJaneàl’unisson,avantdeseregarder,embarrassées.—C’estsimplementque…commençaJane.—Vouscomprenez,monsieur…essayaGwen,sanssuccès.—Larouteestinondée,lâchaKate.—Cen’estpasaussiinquiétantqu’ilyparaît…C’estassezcommunlorsdesorages…Elledevrait

redevenirpraticablebientôt,intervintLara.—Oui,maispourlemoment?Ils’était tournéversIsabel.Setrompait-elle,ouunelueurd’amusementpétillait-elledanssesyeux

noirs?—Vousnepouvezpaspartir,admit-elledemauvaisegrâce.—Jevois,murmura-t-ilaprèsunsilence.Ceseradoncencoreplusintéressantquejenelepensais…

Mesdemoiselles,puis-jevousraccompagneràlamaison?dit-ilenprésentantsonbrasàLara.Celle-ci resta figée sur place, indécise, jusqu’au moment où, d’une bourrade discrète, Gwen la

poussaenavant.—Jevousremercie,monsieurDurukhan.—Appelez-moiRock,jevousprie,dit-ilenglissantsamainaucreuxdesoncoude.Lararougitengloussant.Isabel en resta interloquée. Sa cousine avait gloussé ! Or, parmi les nombreuses raisons qui les

incitaientàexclureleshommesdeTownsendPark,legloussementvenaitentêtedeliste.Alorsquelepetitgroupesortaitdel’écurie,Isabelrestaenarrière,plongéedanssespensées.Les deux hommes allaient devoir passer la nuit sur place, et lord Nicholas ne tarderait pas à

découvrir leur secret, que son ami le lui révèle ou pas.Les filles n’étaient pas douées pour jouer leshommes.Leursattitudesetleursvêtementspouvaientdonnerlechangel’espaced’uninstant,maispassurlelongterme.Ilnes’écouleraitpaslongtempsavantquel’uned’ellesnetrahisselavérité.

Et il ne s’agissait pas simplement des soirées. Si St. John passait ses journées ici, en travaillantétroitementavecellespendantdeuxsemaines…ellesneparviendraientjamaisàpréserverleursecret.

Isabelsoupira,puisunevaguededésespoirgonflaenelle.Rienn’avaitchangé.Nonseulementellen’avaitrégléaucundeleursproblèmes,maiselleenavaitcréédenouveaux.Celordqu’elleavaitinvité

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chezellepouvaitlesanéantird’unseulmot.Peut-êtreneleferait-ilpas,certes.Maiselledevaittrouverunmoyendelegagneràleurcauseafin

qu’ilnelesdénoncepas,unefoisqu’ilauraitdécouvertlavérité.Maisquelmoyen?—Isabel?Çava?LavoixdeGwenlatiradesesréflexions.Ellecroisasonregardscrutateur.—Oui,mentit-elle.Trèsbien.Gwenluijetauncoupd’œilincrédule.—Toutvabiensepasser,Isabel,déclara-t-elled’untonquisevoulaitrassurant.—Ilvatoutdécouvrir,murmuraIsabel,incapablederetenirunpetitriredepanique.—Oui,opinalacuisinière.Sonacquiescementlibéraletorrentdemotsquimenaçaientd’étoufferIsabel.—Et qu’adviendra-t-il de nous ?Aumoins, quandmonpère était vivant, nous étions en sécurité.

Comme personne ne se souciait de Townsend Park, Minerva House ne courait pas le risque d’êtredécouverte. Nous n’avions pas d’argent, nous n’avions aucune protection, et cependant, nous necraignionsrien.

Incapablederesterenplace,Isabelsemitàarpenterl’écurietoutencontinuant:—Et puis, comme simonpère ne nous avait pas infligé suffisamment d’épreuves, il a fallu qu’il

meure.Et,biensûr,sansriennouslaisser.Niargent,nisécurité,nimêmelaprotectiond’unepersonnedeconfiance.

—Isabel…toutirabien,affirmaGwenenrevenantverselle.Cefutlagoutted’eauquifitdéborderlevase.Isabelenfouitsonvisagedanssesmains.—Arrêtededireça!Gwens’immobilisa,etl’atmosphères’alourditbrusquement.—Arrêtededireça,répétaIsabeld’untonpluscalme.Tun’ensaisrien.—Jesuissûrequevoustrouverezunmoyen…—J’aiessayé,Gwen,crois-moi.Depuisquej’aiapprissamort,j’aiessayédetrouverdesmoyens

denousensortir.Maisrienneva,ajouta-t-elleensecouantlatête.Lamaisontombeenruine,Jamesestaussi prêt à devenir comte qu’à s’envoler, nous n’avons pas d’argent pour régler nos factures, et j’aiintroduitunrenarddanslepoulailler.

Ellemarquaunelégèrepauseavantdepartird’unpetitrireironique.—Oh,quellemétaphorepertinente!Puiselleselaissatombersurunebottedepaille,découragée.—Autanttedirequejesuisàcourtd’idées.Enoutre,avecl’arrivéedecettepluie,letempsnousest

compté.Elle avait toujours su que ce jour viendrait, qu’il suffirait d’une erreur idiote, d’un hasard

malencontreux.Ellen’étaitpasassezfortepourlesprotégertoutes,etilétaittempsqu’ellel’admette.Deslarmesluipiquèrentlesyeux.—Jenepeuxpasnoussauver,Gwen.Elletrouvauncertainréconfortàchuchotercesmots–desmotsqu’elles’étaitrépétésdesdizaines,

descentainesdefois,sansjamaislesprononceràvoixhaute.Gwenrestasongeusequelquesinstants.Puisellereprit:—Ilsnereprésententpeut-êtrepasunsigranddanger.Jen’aipasrencontrélordNicholas,maisson

amisembleêtreunhommecorrect.—Commentpeux-tulesavoir?

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—Vousoubliezquej’aicroisésuffisammentd’hommesmauvaispourêtrecapabledemeforgeruneopinionsurlesujet.

C’étaitlavérité,biensûr.Gwenétaitlafilled’unpasteurcampagnardqui,d’aprèscequ’Isabelavaitdeviné,invoquaitplussouventqu’àsontourlesflammesdel’enfer.Mêmesielleneparlaitpassouventdesonenfance,Gwenluiavaitrévéléqu’illajugeaitplussusceptibledepécherquesesfrères–lesquelsprenaientplaisiràabonderdanslesensdeleurpère.Gwenavaitsaisilapremièreoccasiondequitterlamaisonfamiliale.Maislefermierqu’elleavaitépousés’étaitmontrébienpirequesonpèreetsesfrèresréunis.Moinsd’unanaprèssonmariage,poursesoustraireàsescoups,elleavaitdéfiélaloiets’étaitréfugiéeauprèsd’Isabel.

Troisjoursaprèssonarrivéeaumanoir,Gwen,dontleshématomescommençaientdéjààs’estomper,étaitentréedanslacuisineaveclelargesourirequiallaitdevenirsontraitlepluscaractéristiqueetavaitannoncéquelesrésidentesdeTownsendParkformaient«unbataillondeMinerves…dedéessesdelaguerreetdelasagesse».

MinervaHouseavaitainsiétébaptisée.EtIsabelétaitsurlepointdelaperdre…—C’estunétranger,finit-elleparrétorquer.Nousnepouvonspasluifaireconfiance.—Jesuislapremièreàm’interrogersurlanaturedeshommes,Isabel.Maisjenepeuxpascroire

qu’ilssoienttousmauvais.Etvousnelecroyezpasnonplus,j’ensuissûre.LordNicholasnenousveutpeut-êtrepasdemal.

—C’estunhommetrèsdérangeant,répliquaIsabel.—Commelesontsouventleshommestrèsbeaux.J’ailuquesesyeuxétaientd’unbleuincroyable…—C’estvrai.—Ah,ditGwenensouriant,vousl’avezremarqué.Isabelrougit.—Jenel’aipasremarqué.J’aisimplement…—Ilvousaembrasséesurletoit,n’est-cepas?—Commentlesais-tu?s’exclamaIsabel,abasourdie.—Jenelesavaispas,répliquaGwen,dontlesourires’étirajusqu’auxoreilles.Maismaintenant,si.—Gwen!Tunedoisledireàpersonne!—Jecrainsdenerienpouvoirpromettre.Çavousaplu?—Non,prétenditIsabel,àprésentécarlate.—Quellementeusepitoyablevousfaites!—Bon,d’accord…Çam’aplu.Jedoisdirequ’ilembrassetrèsbien.—N’oubliezpasderesterprudente.Sivoustombezamoureusedecelord,vousnecomprendrezpas

cequivousarrive.Isabel tourna et retourna cesmots dans son esprit. Tout lui échappait. Elle risquait de perdre ce

qu’elleavaitdepluscheraumonde.Etelleavaitembrasséunétranger.Gwenavaitraison:ellenecomprenaitpascequiluiarrivait.

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8

—Toutsonpersonnelestféminin.Ledînerfini,Nickavaitétalésesnotessurunelonguetablebasse,danslabibliothèquedeTownsend

Park.Maisilneparvenaitpasàs’immergerdansladescriptiondelacollectiondestatues–seulechosequ’ilparaissaitsusceptibledecomprendre,danscettemaison.

—Oui,acquiesçaRockenlevantlesyeuxdesonlivre.—Tul’avaisremarqué?—Oui.—Etçaneteseraitpasvenuàl’espritd’yfaireallusion?—J’attendaisdevoircombiendetempsiltefaudraitpourt’enapercevoir.—Paslongtemps.—Ilfautdirequ’ellesnesemblentpastrèsdouéespourladissimulation.—Effectivement.Tuasremarquélevaletdepied,lorsdudîner?—Tuveuxdire:ai-jeremarquélapoitrineduvaletdepied,lorsdudîner?—Tunedevraispasregarderlesdomestiquesdecettemanière,Rock,répliquaNickavecunsourire

amusé.Puisilseleva,s’approchadelafenêtreetseperditdanslacontemplationdelapluiequicinglaitles

carreaux.—Quelleestl’utilitéd’avoirunemaisonpleinedefemmes?s’interrogea-t-il.Rockreposasonlivreet,latêteappuyéecontreledossierdesonfauteuil,fixaleplafond.—Iln’yapasuneseuleréponseraisonnableàcettequestion.—JeneconnaisladyIsabelquedepuisdeuxjours,maisjepeuxt’assurerque«raisonnable»n’est

pasunqualificatifque j’appliquerais à ses actes.Peut-être est-ceune sorted’école, suggéra-t-il en setournantverssonami.

MaisRocksecoualatête.—Elle n’aurait pas de raisonde s’en cacher.Le fait que ce soit secret évoquequelque chose de

répréhensible.—J’endoute,répliquaNick,quecetteidéemettaitmalàl’aise.—Si elle fait quelque chosed’illégal, elle compromet l’avenir de son frère.Londres n’acceptera

jamais le jeunecomtedeTownsendsinonseulementsonpèremaisaussisasœursesont livrésàdesactivitéscondamnables.

—Ellen’apasd’argent.Sic’estuneproxénète,ellen’apas le sensdesaffaires…Tucroisqu’ilpourraits’agird’unbordel?finitpardemanderNickavecréticence.

—Passanshomme.

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—Peut-êtrequec’étaituneespècedeharemàl’usageducomte.—Tunepensespasques’ilavaiteuunharem,ill’auraitannoncéaumondeentier?—Si,biensûr.C’estuneidéeridicule.Maisbonsang,c’estquoi,cetendroit?Commentexpliques-

tuqu’iln’yaitaucunhomme?—Ehbien,ilestpossibleque…commençaRockenseredressantdanssonfauteuil.—Quequoi?—Quecettemaisonsoitpleinedefemmesquines’intéressentpasauxhommes.Defemmesqueleur

intérêtporte…verslesfemmes.—Non,ilnes’agitpasdecela.—Nick,réfléchis.Ellespourraientfortbienêtre…—Quelques-unes,peut-être.MaispasIsabel.—Tunepeuxpasenêtrecertain.—Si,Rock,répliquaNickenleregardantdanslesyeux.Jesuiscertainqu’Isabeln’aaucungoûtpour

lesamourssaphiques.—Ah…Déjà?Ehbien,St.John,continuaRockd’untongoguenard,jetetiremonchapeau.Avecungrognementpourtouteréponse,Nickretournas’asseoirdevantlatablebasse.Iln’auraitpas

dûl’admettre.EmbrasserIsabelavaitétéuneerreurmagistrale,etlaseulechoseraisonnableàfaireétaitdechassercetépisodedesonesprit.

Ils’yemployait,biensûr,maisenvain.Hélas,chaquefoisqu’ilpensaitl’avoiroublié,lesouvenird’Isabel,sisoupleetsiconsentanteentresesbras,revenaitavecforceàsamémoire.

Les soupirs de cette femme étaient une arme, que diable ! Comment un homme aurait-il pu leurrésister?

Àcet instant, il n’aspiraitqu’au réconfortde laboisson.Mais lamaisonne semblaitpasoffrir cegenredeconsolation.

Certes,unepetitecarafedevinavait accompagné leurdîner,qu’ilsavaientprisen têteà tête.Lesdames avaient demandé à être excusées, sous prétexte qu’Isabel, étant en deuil, ne pouvait animer lasoirée.Parconséquent,Laranes’étaitpasjointeàeux,carilauraitétéinconvenantqu’unejeunefemmedîneseuleavecdeuxhommescélibataires.

Unsoucidesconvenancesquinepouvaitqu’étonner,dansunemaisonpleinedefemmesdéguiséesenhommes…

Rock et Nick avaient donc partagé un repas, tout à fait correct, de bœuf froid accompagné delégumes.Puisunjeune«valet»silencieuxlesavaitescortésjusqu’àlabibliothèquedumanoir.

Cela aurait parfaitement convenu à Nick s’il avait été capable de détourner son attention de sonuniqueobjetdepréoccupation:lamaîtressedemaison.

Ilfeuilletaunefoisdeplussondossier,s’arrêtantsurlesnotesprisessurVolupté.«Elles’abandonneà l’orgasme », avait-il écrit un peu plus tôt au sujet de la statue, avant de commencer à imaginer sapropriétairedansunétatsimilaire.

Iln’avaitalorsplusétébonàgrand-choseetavaitfiniparpartiràlarecherched’Isabel.Ceseraitplusunetorturequ’autrechose,illesavait,etleurépisodedanslegrenieravaitconfirmésonintuition.

Nickauraitvouluquecebaisernefinissepas.Silejeunecomtenelesavaitinterrompus,ilauraitétécapabled’allongerIsabelsurleplancherpoussiéreuxdugrenieretdeluimontrerjusqu’àquelpointonpouvaittirerpartid’unoraged’été.

Jamais, de sa vie, il ne s’était senti aussi frustré : frustré de ne pas comprendre la situation danslaquelleilsetrouvait,frustréparcettefemmeséduisantequil’obsédait,etfrustréparcettemauditepluiequileretenaitprisonnierici.

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Saisid’impatience,ilsereleva,retournadevantlafenêtrepuis,aprèsavoirfrappélelambrisduplatdelamain,ilpivotaversRock.

—Cettepluieincessanteneterendpasfou?—Mêmedeshommesdenotretrempenepeuventdéplacerdesmontagnes,déclaraRock,uneombre

desouriresurleslèvres.—Jeneprétendspasarrêterlapluie.Jeveuxsimplementpouvoirquittercettemaison!—Vraiment?—Oui,assuraNick,lesyeuxplissés.Tumetsmaparoleendoute?—Pasdutout.Refusantostensiblementdemordreàl’hameçon,Rockretournaàsonlivre.C’étaitbiendelui!Aprèsunlongmoment,Nickouvritlafenêtreetinclinalebusteàl’extérieur.Au-delàdurideaude

pluie,onnedistinguaitqu’unvideobscur.IlavaitdésiréIsabeltoutl’après-midi.Etmoinsillacomprenait,plusilladésirait.Siseulementilavaitpuboirequelquechose,bonsang!Il finit par rentrer la tête, les cheveuxmouillés, et entreprit aussitôt d’ouvrir toutes les portes de

placard.—Ildoitbienyavoiruneliqueurouunautrealcooldanscettemaison!—Turecommences.Tuenasconscience,n’est-cepas?Nickseretournabrusquement.—Jecrainsdenepastesuivre.Avecunsourirenarquois,Rockreportalesyeuxsursonlivre.—Non,biensûr.—Qu’est-cequecelasignifie?—Seulementquetuesuneproiefacilepourunefemmemystérieuse,réponditRocksansleverlatête.

Etplusfacileencorepourunefemmemystérieusequiadesennuis.Oserais-tulenier?CommeNickgardaitlesilence,Rockpoursuivit:—Jet’aitiréd’uneprisonturqueàmoitiémortaprèsquetuavaisétébattuàcaused’unefemme.Je

ne peuxmême pas compter les bagarres que nous avons livrées pour sauver des filles que tu croyaismaltraitées.Mais,hormislefaitquenoussommesvenusdansleYorkshirepoursauverunefillequetun’asjamaisvue,sinousnousretrouvonsprisonniersdecettepièceavecseulementdeslivrespournousdistraire,cen’estpasdutoutàcausedetonsensdudevoir.

Nicklefoudroyaduregard.—Neviens-tupasdemerappelerquelanaturefaisaitcequ’ellevoulait?Cen’estpasmoiquiai

provoquécetorage,quejesache.—Non,jelereconnais.MaissiladyIsabelétaitlordReddich,serions-nouscoincésici?Négligeantderépondreàcettequestion,Nicks’accroupit,àlarecherched’unebouteille.Aupointoù

ilenétait,ilnesemontreraitpasdifficile.Ilboiraitcequ’iltrouverait.D’ordinaire, ilauraitsavouréunenuitcommecelle-ci.Mais,cesoir, ilne luiplaisaitguèred’être

danscettemaison,soussontoit,sanspouvoirpenseràautrechosequ’àsesbouclesauburndégoulinantesetaudélicieuxgonflementdesapoitrinesousletissucollantdesachemise.

Ilpartitd’unriresec,dénuéd’humour.Ilsetrouvaitdansunemaisonétrangère,dansunebibliothèqueétrangère,encompagniedeRocketdesesnotessurunestatueromaineenpleinorgasme,etildésiraitlafemmelaplusdéconcertantequ’ileûtjamaisrencontrée–quisetrouvaitêtrelamaîtressedelamaisonlaplusdéconcertantedanslaquelleileûtjamaismislespieds.

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Etons’attendaitqu’ilaffrontetoutcelasanslemoindrealcool?Manifestement,l’universtoutentierseliguaitcontrelui.

—Oùvas-tu?s’enquitRocklorsqueNicksedirigeaàgrandspasverslaporte.—Jeretournevoirlesstatues.Jenepeuxpasmeconcentrer,ici.—Intéressant…SontonironiqueclouaNicksurplace.—Tuasquelquechoseàmedire?demanda-t-ilenluijetantunregardnoir.—Pasdutout.Simplement,çam’amusequenousayonsfuileshordesdefemmeslondoniennespour

nousretrouverici,encompagniedehordesdefemmesencoreplusdangereuses.—C’estunpeuexagéré.Ellessontinoffensives.—Lesont-ellesvraiment?CettequestiondésinvolteirritaNickauplushautpoint.Unejournéepasséedanscettemaison,etil

étaitprêtàendécoudre.—Jevaistravailler.Aprèsavoirtraversélabibliothèque,ilouvritlaported’ungestebrusque,décidéàchasserIsabelde

sonesprit.Cequ’ilauraitpeut-êtreréussiàfaire…siellenes’étaittrouvéedanslevestibule.Elle se figea sur place, le dos tourné, dans un balancement de jupes.Nick fut un peu déçupar sa

toilette, d’une féminité appropriée, certes, mais un peu trop classique pour la femme audacieuse etexcitantedel’après-midi.Sarobeétaitnoire,sinoirequ’elleauraitpuseconfondreavecl’obscurité.

Aprèsunlongmoment,elletournalégèrementlatête.Lalumièrevenantdelabibliothèqueaccrochal’angledesonmenton,lalignedesoncou,etNickfuthypnotiséparlablancheurd’albâtredesapeau.

Ellefinitparpivoterverslui,etuneboufféedefleurd’orangerluichatouillalesnarines.Lasurprisequ’illutdanssesyeuxélargis,ainsiquelesoulèvementaccélérédesapoitrine,luiprocuraunplaisirsurlequelilnevoulutpass’appesantir.

S’adossantavecnonchalanceauchambranledelaporte,ildit:—Bonsoir,ladyIsabel.Vousavezbesoindequelquechose?

Il s’agissait de sa bibliothèque, bonté divine ! Et de son vestibule ! Enfin, pour être exact, de la

bibliothèqueetduvestibuledeJames.Mais,entoutcas,cen’étaitcertainementpaslabibliothèquedelordNicholas.

Iln’yavaitdoncaucuneraisonpourqu’Isabelsesentecommeunenfantsurprisentrainderôder.Saufque…lamanièredégagéedontils’appuyaitauchambranle,commes’iln’avaitriendemieuxà

fairequedelaregarderavecunsourirenarquois,luidonnaitl’impressionqu’ilsavaitqu’ellesetenaitdepuisprèsd’unquartd’heuredevant laportede labibliothèque,essayantde rassembler soncouragepourentrer.

Elle avait décidé d’aller voir les deux hommes dans l’espoir de les empêcher d’échanger desinformations.Unefoiscettedécisionprise,ilavaitfalluleseffortsconjuguésdeGwenetdeLarapourqu’elleessaiedelamettreenapplication.

Duranttouteslesminutespasséesdevantl’immenseporte,ellen’avaitcessédeserépéterqueRockétait peut-être en train de régaler son ami du récit de sa découverte dans les écuries. Ou que lordNicholasluiracontaitl’aventuresurvenuedanslegrenierunpeuplustôt.

Elleavaitfaillifrapper,vraiment.Maiselles’étaitalorssouvenuequ’ellen’avaitpasdonnéd’ordrespourlepetitdéjeuner.Elleavaitdonctournélestalonspoursedirigerverslacuisine.

Etcethommeexaspérantavaitchoisicetinstantprécispourouvrirlaporte.Elleaussi,cependant,étaitcapabled’adopterunealluredégagée.

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—LordNicholas!C’estjustementvousquej’espéraisvoir!Sa phrase s’acheva dans un couinement étranglé qui n’avait rien de dégagé. Mais elle refusa

d’écouterlapetitevoixquileluisusurrait.—Jesuisheureuxd’avoirpucomblervotreattente…Malgrélapénombrequirégnaitdanslevestibule,Isabelvitqu’ilsouriait.—Vousmetaquinez.—Justeunpeu,admit-iltoutenouvrantlaporteengrandpourluipermettred’entrer.Àpeineeut-ellefranchileseuilqu’illarefermaderrièreelle.Isabels’immobilisa,unecontractionétrangeaucreuxdel’estomac.Unedoucechaleurrégnaitdansla

bibliothèque bien éclairée ; des papiers étaient étalés sur une table. Apparemment, les deux hommess’étaientappropriélapiècedèsqueRegina,la«valetdepied»,lesavaitlaissésseuls.

Dansuncoin,Rockrefermaitunefenêtre.Enentendantlaporte,ilseretournaetadressaàIsabelunsourireamicalaccompagnéd’unebrèvesalutation.

—Bonsoir,ladyIsabel.J’étaisentraindevoirsilapluiesecalmait.—Unpeu,réponditIsabel,heureusedecesujetinoffensif.Jepensequelesroutesserontpraticables

demain.—Est-ilfréquentquevousvousretrouviezcoupésdetoutaccèsàlaville?demandaNick.—Celaarrive.UnepartieducharmedeTownsendPark,c’estsonisolement.Ilyadessortspires

que d’être bloqués par la pluie ou par la neige. Évidemment, poursuivit-elle quand il émit un légergrognement,noseffetspersonnelsnesontpasenville.Jesuisdésoléedecedésagrémentpourvous.

Il l’observapendantune longueminute, et, résistant à l’enviedevérifier l’étatde sacoiffure, elles’obligeaàsoutenirsonregardetàadopteruncalmeidentiqueausien.Danslesilencequis’éternisait,elleremarquaqu’ilavaitlescheveuxmouillésetqu’unegoutted’eausolitairedescendaitlelongdesonnez.Était-ilsorti?

Àpeines’était-elleposécettequestionqu’ilesquissaunpasverselle.— Aviez-vous besoin de nous ? demanda-t-il d’une voix basse et chaude qui la rendit aussitôt

nerveuse.L’espace d’un instant, elle resta paralysée, serrant avec force la bouteille qu’elle tenait entre les

mains. Devant l’amusement qu’elle lisait dans ses yeux bleus, elle finit par recouvrer l’usage de laparole.

—Jevousaiapportéàboire,annonça-t-elled’unevoixunpeutropforte,enmontrant labouteillepoussiéreuse. Je ne sais pas du tout ce que c’est… Il y en a une caisse en bas… dans la cave…poursuivit-elleavecunevolubilitéincontrôlable.Ilyapleind’autreschosesaussi…Maisc’estcelaquisembleleplusutilepourlemoment…Enfin,poursuivit-elle,reprenantàpeinehaleine,paspourmoi.Jen’aipasbesoindeboire,biensûr.Maisjecroisquelesmessieurs…commevous…J’aipenséquevousenauriezpeut-êtreenvie.

« Tais-toi, Isabel ! » s’ordonna-t-elle en voyant la surprise des deux hommes devant ce flot deparoles.

Les lèvrespressées l’une contre l’autre, elle tendit la bouteille à lordNicholas–uneoffrandedepaix,enquelquesorte.

—Merci,dit-ilsanscesserdelafixer.Cemotunique,prononcéd’unevoixsourde,fitcourirunfrissondansledosd’Isabel.Comme,sans

pouvoir se l’expliquer, elle rougissait, elle se hâta de tourner les yeux vers Rock, plus grand, plussombre,maisinfinimentmoinstroublant.

—Jevousenprie,murmura-t-elleaprèsavoirprisuneprofondeinspiration.

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Mais,malgréelle, son regard futattirépar lesmainsdeNick, lesquelless’attaquaientausceaudecirequifermaitlabouteille.Elleremarqualesgestesprécisetsûrsdesesdoigts–cesmêmesdoigtsquil’avaientcaresséedansl’après-midi.Ilsétaienthâlésparlesoleil,parfaitementmanucurés,maisfortsetadroits, à la différence des mains presque féminines des riches aristocrates qu’il lui était arrivé derencontrerdanslepassé.

De belles mains, vraiment, songea-t-elle avant de se morigéner. Mais, quand elle s’obligea à endétacher son regardpour relever la tête, elle surprit l’étincellenarquoisequibrillaitdans lesyeuxdeNick.Àcroirequ’illisaitdanssespenséesetavaitcomprisqu’elleadmiraitsesmains.

Aucombledel’embarras,Isabelenvisageadefuir,deprendresesjambesàsoncousansplusjamaisregarderderrièreelle.Mais,lorsqueRockinclinalatêtedanssadirection,l’objetdesavisiteluirevintàl’esprit. Elle devait empêcher Rock de révéler les secrets de Minerva House, et Nick de révélerlessecretsdelamaîtressedeslieux.

Siellen’avaitpasétésoumiseaufeuscrutateurdeleurdoubleregard,elleauraittapédupied.Maiselles’efforçademasquersonénervementsousunsourirequ’elleespéraitcordial.

—Ilvousfaudradesverres,biensûr.Aprèsavoiropiné,Nicks’approchad’unplacard,àl’extrémitédelabibliothèque,s’accroupiteten

tiratroisverresencristal.Isabelneputdissimulersasurprise.—Vousn’avezpasperdudetemps.Jevoisqueleslieuxvoussontdéjàfamiliers…Illuiadressaunsourirecontritquicreusaunefossettedanssajoue,etelleentrevitl’enfantcharmant

etfriponqu’ilavaitdûêtre.—Justeunereconnaissancesommaire,jevousassure.Rocknem’apasquittédesyeuxuninstant.Il

peutvousgarantirquemaconduiteaétéexemplaire.Avecunsérieuxaffecté,sonamidéclara:—LordNicholasseconduittoujoursenparfaitgentleman.—Jecrainsd’éprouverquelquedifficultéàlecroire,répliquaIsabelensouriant.Mais elle semordit aussitôt la langue.Rock n’allait-il pas en déduire que son ami avait pris des

libertésavecelle?Cequi,enl’occurrence,n’étaitpasfaux.Lesyeuxécarquillésparl’incertitude,ellereporta son attention sur le Turc. Celui-ci éclata alors d’un grand rire, et elle relâcha lentement sonsouffle.

—Je suis désoléeden’avoir riendemieux àvousoffrir, dit-elle pourdétourner la conversation.Nousn’avonsguèred’occasionsdesortirdesliqueurs,àvraidire.

Après avoir versé deuxdoigts d’un liquide ambré dans chacun des verres,Nick traversa la piècepourenprésenterunàIsabel,l’autreàRock.

—Non,merci,dit-elleens’approchantdelatablecouvertedepapiers.Cependant,j’aimeraisbiensavoirdequoiils’agit.

Nickbutunegorgéepuis,s’adossantàunebibliothèque,ildéclara:—C’estducognac.—Vraiment?—Oui.Uncognacextraordinaire,quiplusest.CommeIsabell’interrogeaitduregard,Rockconfirmad’unsignedetête.—J’avoueêtresurprise,dit-elle.Jenecomprendspascommentmonpèreapulaisserunecaissede

cognacextraordinaireprendrelapoussièredanslesous-soldecettemaisonalorsqu’ilauraitpuenfaireprofiter son propre estomac… Je suis très impressionnée par la quantité de travail que vous semblezavoiraccomplienunseulaprès-midi,ajouta-t-elleenreportantsonregardsurlatable.

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—J’aihâted’yretournerdèsqu’ilferajour,ditNickenlarejoignant,sonverreàlamain.Àvotreavis,commentvotrepèreest-ilentréenpossessiond’unecaissedecognacfrançais?

Isabel s’abîma dans la contemplation du liquide ambré qu’il tenait entre ses longs doigts. Elle sesouvenaitparfaitementdujouroùsonpèreavait rapportécettecaisse. Il luiavaitalorsfaitmiroiter laperspectived’unesaisonlondonienne.Elleavaitvoulucroirequ’ilavaitchangé…jusqu’aumomentoùelleavaitdécouvertqu’ilavaitl’intentiond’accordersamainauplusoffrant.

Elle s’était alors tournée vers sa mère, la suppliant de l’aider, de la défendre. Mais sa mère,désespérantderegagnerl’amourqu’elleavaitperdu,avaitrefusédeveniràsonsecoursetl’avaittraitéed’égoïste.

Lecomteétaitpartilasemainesuivante,ayantsansdouteprisconsciencequ’unefillehostileetsansdotnevalaitpasgrand-choseàlafoireauxmariages.

Iln’étaitjamaisrevenu.Etlamèred’Isabelnel’avaitjamaispardonnéàsafille.Ilétait,biensûr,excludedirelavéritéàlordNicholas.Isabelnerelevapaslesyeuxlorsqu’elleexpliqua,d’unevoixqu’elleespéraitferme:—J’aiappris très jeune,monsieur, àne jamaisposerdequestionsàmonpère. Je supposeque le

cognacestarrivéparlesmêmesvoiesquetoutlerestedanscettemaison…desvoiescrapuleuses.—Peut-êtrepas,dit-ilavecdouceur.—Ehbien,nousnelesauronsjamais.Toutenparlant,ellepromenaitunregarddistraitsurlesfeuillesdisséminéessurlatable.Soudain,le

mot«orgasme»sedétachadeslignesindistinctes,etellesursauta.Surquoiécrivait-ildonc?Alorsqu’elleinclinaitlatêtepourdéchiffrerlaphraseentière,ildemandad’untonamusé:—LadyIsabel?Ellerelevalesyeuxavecunsouriretropéclatant,lesjouesbrûlantes,etcroisasonregardmoqueur.

Cethommeexaspérantsavaitexactementcequ’ellevenaitdelire.Maisellerefusadeluilaisserl’avantage.—Nerestezpasdeboutàcausedemoi,s’ilvousplaît.Sinousnousasseyions?suggéra-t-elleen

indiquantlesfauteuilsvoisinsdeceluideRock,surlequelcedernieravaitlaissésonlivre.Avez-voustrouvéquelquechosed’intéressantàlire?

CefutautourdeRockdeparaîtrecontrit.Ilsehâtaderefermersonénormemainsurlevolumeavantqu’elleaiteuletempsd’enlireletitre.

—Ehbien,oui,justement.—Vraiment?Quelisez-vous?Un léger ricanement deNick attira brièvement son attention.Mais quand elle le regarda, il porta

sonverreàsaboucheet,avecunhaussementd’épaules,déclara:—Jen’aipaslamoindreidéedecequ’ilestentraindelire.Leregardquesonamiluidécochaalorsauraitpuêtrequalifiéd’assassin.Isabeln’avaitposélaquestionquepourécarterlesujetdesonpère.Sacuriosités’éveilla,toutefois,

surtoutlorsqu’ellecrutvoirlegrandTurcrougir.—Rock?—LeChâteaud’Otrante.Isabelneputréprimerunpetitrire.Ceromangothiqueétaitl’undespréférésdesfilles–unehistoire

alambiquéeaveclordmaudit,mariageforcéetapparitiond’unprince.Cen’étaitvraimentpaslegenredelivrequ’ons’attendaitàvoirentrelesmainsd’ungéant.

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—Netevexepas,Rock,ditNick,ironique.LadyIsabelsemoqueraitsûrementdequiconqueliraitunetellesottise.

—Non!protestaIsabel.Rock,jeneportaispasdejugement,pasdutout!—Iln’yapasdeproblème,assuraRock.QueNickailleaudiable.Jetrouvequec’estunehistoire

captivante.CommeNickgloussait,Isabellefoudroyaduregard.—Ilaraison!répliqua-t-elle.Quandlesautresl’ontlu…Àcesmots,Rockécarquillalesyeux,etelles’empressadecorrigersonerreur.—Parlesautres,j’entendsLaraetnos…nosamies.Nosamiesduvillage,biensûr.Toutlemondea

beaucoupaimé.—Etvous,mademoiselle?s’enquitRock.—Oh,jenel’aipaslu…Enfin,pasenentier.—Vousn’avezpaspulefinir?—Jenel’aijamaiscommencé.Lafinnemeplaisaitpas.—Lafin?répétaNick.—Oui,jecommencetoujoursleslivresparlafin.—Maispourquoi?demandaRock,l’airdéconcerté.—J’aimebienêtrepréparée,répondit-elleavecunhaussementd’épaules.CommeNicksemettaitàrire,ellesetournaverslui.Semoquait-ild’elle?—Voustrouvezcelaamusant,lordNicholas?—Oui,effectivement,ladyIsabel,acquiesça-t-il,sansparaîtreinquietd’avoirpul’offenser.—Pourquoi?—Parcequecelaexpliquebeaucoupdechoses.Renonçant, à contrecœur, à éclaircir ce propos sibyllin, Isabel reporta son attention sur son autre

invité,décidémentplusaimable.Aprèss’êtreapprochéed’uneétagère,ellepassalestitresenrevue.—NousavonsaussiLaMèremystérieuse,quelquepart…Jevaisvousletrouver.—LadyIsabel, jevoussuis trèsreconnaissantdecetteattention,ditRockd’un tonamusé,mais je

n’aipasbesoind’unautrelivrecesoir.Celui-cisuffiraamplement.Ausondesavoixcalme,elleseretourna,puisellelissasajupeduplatdelamain.—Oh…Trèsbien.Si toutefoisvous souhaitez l’emprunterplus tard, je seraiheureusedevous le

prêter.—Jevous remercie.Pour lemoment, jecroisque jevaisprendrecongéetmereplongerdans les

aventuresdelordOtranteetdesonmalheureuxfils.Isabel le suivitdesyeux, interdite,quand il sedirigeavers laporte. Il allait la laisser seule avec

Nick?C’étaitmanifestementunepunitiondesdieux.Plusjamais,ellelejurait,ellenesemoqueraitdesromansgothiques!DansunderniereffortpourretenirRockdanslabibliothèque,elles’écria:

—Nepréféreriez-vouspaslelireici?Lalumièreestplusagréable.Etnouspourrionsdiscuterde…desnuancesdutexte!

—Toutdumoinsdelafindutexte,lançaNick,ironique.Isabel l’aurait volontiers assommé avec un texte. Un texte pesant. La Bible de Gutenberg, par

exemple.—Riennemeplairaitdavantage,mademoiselle,ditRockenluisouriant.Demain,peut-être?Ellepouvaitdifficilementinsistersanscontrevenirauxrèglesdel’hospitalitéenverslordNicholas,

etsansattirerl’attentionsurlatensionquigrandissaitentreeux.—Biensûr,murmura-t-elleàcontrecœur.Demain.

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Lorsqu’elleentendit laportese refermer, l’airdans lapièce luiparuts’épaissir.Ellese retrouvaitseuleavecNick!Aprèsavoirprisuneinspirationtremblante,ellepivota,sedemandantcequiallaitsepasseràprésent.

Arméduverredecognacqu’elleavaitrefuséunpeuplustôt,ils’avançaverselle,évoquantungrandchatàl’affût.Unefoisdeplus,etbienmalgréelle,elles’émerveilladubleuintensedesesyeux.

— Je devrais moi-même prendre congé… murmura-t-elle. J’ai interrompu votre travail assezlongtemps.

—C’est vrai, acquiesça-t-il après un instant de silence.Mais il est hors de question que je vouschassedevotreproprebibliothèque.Pourquoinepasnousasseoir?Nousallonsparler.

Sansqu’elles’enaperçoive,ill’avaitrepousséeverslesfauteuils.—Parler?Devantsonincrédulitémanifeste,ileutunsourireencoin.—Jesuiscapabledefairelaconversation,ladyIsabel.Dumoins,c’estcequel’ondit.Ilétaitsiprèsd’ellequelesensdesesmotsluiéchappait.Elles’assitetacceptaleverrequ’illui

tendait.—Parfait,fit-ilenprenantplaceenfaced’elle.Àprésent,dites-moivossecrets.

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9Leçonnumérotrois

Pourvousattachervotrelord,n’ayezpaspeurdeluiconfierdeprécieuxpetitsdétailssurvotrepersonne.Lorsqu’il vous interroge sur vos pensées, n’hésitez pas à partager quelquestraits séduisants de votre esprit – rien de trop intellectuel, nous ne voudrionspas qu’il vous prenne pour un bas-bleu ! Mais laissez entrevoir ce qui vousrendunique : votre couleurpréférée, votreattraitpour labroderieplutôtquepourl’aquarelle,lenomduponeysurlequelvousavezapprisàmonter.Enunmot,cultivezl’artderesterprésentesansvousimposer.

PearlsandPelisses,juin1823

—Mes…mesquoi?balbutiaIsabel.—Vossecrets, ladyIsabel,répéta-t-ild’unevoixenjôleuse.Simonintuitionnemetrompepas,ils

sontnombreux.—Quelleidéeabsurde!Mavieestunlivreouvert…Les yeux mi-clos, il l’observa longuement. Elle finit par avoir la nette impression qu’il savait

quelquechoseàsonsujet.Était-ilpossiblequeRockaittrahisaconfianceet,avecelle,celledetouteslesfemmesquiavaienttrouvérefugedanslamaison?

Ç’aurait été indigned’ungentleman.Maisqu’est-cequi luiprouvait queRockenétait un ?Aprèstout,laconduitedesoncompagnon,l’après-midimême,netémoignaitpasd’ungrandrespectdescodesdelagalanterie.

LordNicholasaccueillitsadéclarationavecunhaussementdesourcils,puisilserenversadanssonfauteuilencroisantseslonguesjambesdevantlui–àcroirequel’endroitluiappartenait!

Isabelécartaostensiblement lebasdesa robedesespiedsbottés. Ilesquissaunsourirenarquois.Sesbottesétaientloindefrôlersesjupes,ettousdeuxlesavaient.

—Pardonnez-moi,mademoiselle,sij’avouenepasvouscroire.— Je vous demande pardon ? répliqua-t-elle avec la hauteur d’une reine. Vous me traitez de

menteuse?—Jevousaccusedenepasdiretoutelavérité.— Franchement, je n’ai jamais rien entendu d’aussi… Ai-je besoin de vous rappeler qu’en tant

qu’invitéàTownsendPark,vousmedevezunpeuderespect?—Ai-je besoin de vous rappeler,mademoiselle, qu’en tant qu’hôtesse, vousme devez un peu de

générosité?—Quevoulez-vousdire?

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—Simplementquevousferiezbiendemedirelavéritéausujetdevotresituation.Jeladécouvriraitôtoutard,detoutemanière.

—Je…Isabels’interrompit.Àquellesituationfaisait-ilallusion?—Jesaisquevousavezdegrossesdifficultésfinancières,Isabel.— Lady Isabel, corrigea-t-elle. Et j’ai du mal à comprendre en quoi cela vous regarde, lord

Nicholas.—St.John.OuNick,rectifia-t-il.Trèspeudegensm’appellentlordNicholas.Etcelameregarde,

Isabel.Aprèstout,vousm’avezfaitveniricipourévaluervotrecollectiondemarbres.—Je…jevousailibérédecetterequête.— Certes. Mais la nature semble en avoir décidé autrement. De combien avez-vous besoin ?

demanda-t-ilaprèsuninstant.Cethommeétaitdécidément insupportable !Onnediscutaitpasd’argententregensbienélevés,et

cette conversation était plus que grossière. C’était à se demander quelle femme pouvait souhaiterconquérircelord.Entoutcas,paselle!

—LordNicholas…—Chaquefoisquevousm’appellerezlordNicholas,jeposeraiunenouvellequestioninconvenante.—Iln’yenaguèredeplusinconvenantesquecelle-ci.—Détrompez-vous,Isabel.Ilexistedessujetsbienmoinsdécents,quejeseraisheureuxd’évoquer

avecvous.Parexemple?Commes’illisaitdanssespensées,ildardasurelleunregardlourddesous-entenduset,àcetinstant,

Isabelauraittoutdonnécontrelalistedecessujetschoquants.Àcettepensée,ellesesentitrougiret,pourdissimulersagêne,butunegorgéedecognac.Maislefeu

del’alcoolluibrûlalagorge,etelletoussaunefois,puisunedeuxièmefois,toutens’efforçantdelefairediscrètement.Ilnedétournapasleregard,etsarougeurs’accrut.

Elleneserésignapas,cependant,às’avouerbattue.—Nouspouvonsêtredeuxàjouer,monsieur.Pourchaquequestioninconvenantequevousposerez,

jevousassurequejeseraicapabled’entrouverune,moiaussi.—Jen’endoutepas.Maisserez-vouscapabledelaposer?Ellerelevaaussitôtledéfi.—Oùavez-vous…Ilattenditensilencequ’elleterminesaphrase.Isabelbaissalesyeuxsursonverre,seconcentrantsur

lepoidsducristalentresesmains,surlacouleurambréeduliquide…Elleneparvenaitpasàposersaquestion.

—Oùai-je…Ellesecoualatêtesansreleverlesyeux.Unegoutted’alcoolrestaitensuspenssurlebordduverre;

danssanervosité,elleposa l’indexdessuset regarda le liquidedisparaître.Siseulementelleavaitpufairedemême–disparaîtredecettepièceetsesoustraireàcetteconversationpourlaquelleellen’étaitpasarmée!

—Vousme décevez, reprit-il à voix basse.Moi qui avais espéré avoir affaire à une adversaireredoutable!

Àcesmotsgentimentmoqueurs,Isabelseredressa.L’ombred’unefossettecreusaitdéjàlajouedeNick.Maisellen’allaitpasluipermettred’allerplusloindanslataquinerie.

—D’oùvientvotrebalafre?

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À peine eut-elle prononcé ces mots qu’elle se mordit la langue. Mais il se contenta de sourirejusqu’auxoreilles.

—Bravefille,dit-ilaprèsavoirbuunegorgéedecognac.J’étaissûrquevouspouviezlefaire.Voussavez,jamaisaucunefemmenem’aposécettequestion.

— Je suis certaine que les femmes remarquent à peine… se hâta de dire Isabel, gênée, en semaudissantunenouvellefoisd’avoirposécettequestion.

Mais,d’unhaussementdesourcils,illuiintimalesilence.—Negâchezpasl’opinionquejeviensdemefairedevous.Cettecicatriceestunsouvenirquej’ai

rapportédeTurquie.—Je…jenevoulaispas…—Biensûrquesi.Àprésentquevousavezvotreréponse,decombienavez-vousbesoin?—Jenesaispasexactement,réponditIsabel.Quand?Lesquestionssebousculaientdanssonesprit,àprésent.—Ilyaneufans.Voulez-vousdirequeledomainenesesuffitpasàlui-même?Isabelbutunenouvellegorgée.Puiselleselaissaallercontreledossierdufauteuil.—Certainsmois,si…lorsquenousavonsdubétailetdesrécoltespournousnourrir.Maisilnereste

rien.RienpourenvoyerJamesaucollège,pouracheterdenouveauxvêtements…—Vousaimeriezavoirdenouveauxvêtements?—Non,répondit-elleensecouantlatête.JeparlaisdevêtementspourJamesetpour…Elles’interrompitaumomentdedire«lesfilles».Puisellereprit:—Ç’aététrèsdouloureux?—J’aiconnupire.—Pirequ’uneentailledequatrepoucesdelongsurlajoue?—Àmontour…Sachezquej’aimeraisquevousayezdenouveauxvêtements.Jevoudraisvousvoir

porterdescouleursvives.Jepensequ’ellesvousiraientbien–certainementmieuxquelescouleursdudeuil.Durouge…unrougeprofond.

Était-cel’effetducognacoudesontonsongeur?Toujoursest-ilqu’unechaleursoudaineserépanditen elle. Elle attendit avec curiosité qu’il poursuive, désireuse de continuer cette conversation tout enredoutantlessujetsqu’ilpouvaitaborder.

—Pourquoin’êtes-vouspasmariée?—Je…commença-t-elle,prisecomplètementaudépourvu.Quelestlerapportaveclereste?—Ah,fit-ilavecunsourireentendu,jevoisquenousavonstrouvéunsujetintéressant.—Jepeuxvousassurer,monsieur,qu’ilnem’intéressepasdutout.—Vous,peut-êtrepas.Moi,si.Il se releva et traversa la pièce pour aller remplir son verre. Isabel le suivit du regard, les yeux

écarquillés.Quandilrevintaveclabouteilleetluioffritplusdecognac,elleaccepta.—Lemariageestlaréponseàvosproblèmes,Isabel.Pourquoinepasvousmarier?En considérant qu’il n’y avait pas de sujet plus pénible que les finances du domaine, elle s’était

trompée.—Jen’enaijamaiseul’occasion,répliqua-t-elle.Commentest-cearrivé?—Jemesuistrouvéaumauvaisendroitaumauvaismoment.Quevousn’ayezjamaiseul’occasion

devousmariermeparaîtdifficileàcroire.Faitesunnouvelessai.—Lesseulshommesàs’êtremontrésintéressésétaientdesamisdemonpère.Sivousl’aviezconnu,

vousn’envisageriezpasd’épouserl’unedesesrelations,vousnonplus.Quandellepritunenouvellegorgéed’alcool,illuiparut,cettefois,plusdouxetplusagréable.

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—Jenecroispasquevousvoussoyezsimplementtrouvéaumauvaisendroitaumauvaismoment.Faitesunnouvelessai.

Ilsouritenl’entendantreprendresespropresmots.—Trèsbien,mademoiselle.Jevaisvousledire,maisilvousfaudraensuiteêtrehonnêteavecmoi.

Êtes-vouscertainedepouvoirreleverledéfi?—Biensûr,prétenditIsabel.Àcetinstant,elleauraitpromiscequ’ilvoulaitpourentendrel’histoiredecetteblessure.—Àcaused’unemalchanceépouvantable,doubléed’unmanquedejugementflagrantdemapart,je

mesuisretrouvédansuneprisonturque.J’yaipassévingt-deuxjoursavantqueRocknepuisseveniràmonsecours.Lefaitquejem’ensoissortiavecuneseulecicatricevisibleestassezincroyable,jepense.

Ilsepenchaet,tendantlebras,effleuralepliquis’étaitformé,sansqu’Isabelenaitconscience,entresessourcils.

—Jevoisquevouscompatissezdetoutevotreâme.Ellesecoualatête,sesoustrayantparlamêmeoccasionàlachaleurdesesdoigts.—Jesuisseulementheureusequevousayezpuéchapperàvosgeôliers.Çaadûêtreterriblepour

vous.Etvousavezeubeaucoupdechanced’avoirRock.— N’ayez pas une vision trop romantique de l’histoire, Isabel. Je peux vous assurer que je la

méritais,cettecicatrice.Isabelfut,unenouvellefois,priseaudépourvu.Qu’est-cequecelasignifiait?Qu’avaitpufairecet

homme,celord,cet…archéologuepourmériterunetelleblessure?Mais,alorsqu’elleouvraitlabouchepourposerlesquestionsquiaffluaient,Nickladevança.—C’estmontour.Nousparlionsdemariage…—Je…jen’aijamaisvoulumemarier.Ilattendit.Puis,voyantqu’ellenefaisaitpasminedepoursuivre,ilinsista:—Et?—Vousavezraison–lemariagerésoudraitplusieursproblèmes…Mais,entoutesincérité,jepense

qu’ilensusciteraitbeaucoupdenouveaux.Nickeutunpetitrire.—Jevousdemandepardon,répondit-ilfaceàsonétonnement.Simplement,jen’aijamaisrencontré

defemmeayantcettevisiondumariage.—Jelesuppose,répliqua-t-elle,ayantaussitôtcomprisqu’ilpensaitàPearlsandPelisses.—Vousnerêvezpasdefélicitéconjugale?—Silafélicitéconjugaleétaitassurée,peut-être…Elle s’interrompit avecunegrimace.Après avoir fixé longuement sonverredecognac, elle lebut

jusqu’àladernièregorgée.Lavéritésortaitplusfacilementdesabouche,àprésent.—Maisjen’aipasl’impressionquecesoitlecas.—Non?—J’ensuismêmeconvaincue,déclara-t-elleenrelevantlesyeux.Vousn’avezpasconnumonpère?—Non.—Vousavezbiendelachance.L’espaced’uninstant,ellecrutqu’ilallaitrépondrequelquechoseàsaremarqueacide.Mais,comme

ilgardaitlesilence,ellepoursuivit:—Ilnepassaitpasbeaucoupdetempsici.Mamère,pouruneraisonquejen’aijamaiscomprise,

étaittrèsamoureusedelui.Ilétaitplutôtséduisant,jesuppose.Etonpouvaitcomptersurluipouranimer

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n’importe quelle fête. Un carnaval à lui tout seul…Mais quand nous avions besoin de lui, il n’étaitjamaislà.

Il y aurait eu beaucoup de choses à ajouter mais Isabel se tut. Même si lord Nicholas était uninterlocuteurattentif,uncompagnontrèsagréable–etpeut-êtrejustementpourcetteraison–,ilconstituaitundangerpourelleetsesprotégées.Illuifallaitleteniràdistance.

—Disonssimplementquel’idéed’unmariagecommeceluidemesparentsnem’ajamaistentée.—Touslesmariagesnefinissentpascommeleleur.—Peut-être,concéda-t-elleenreportantlesyeuxsursonverrevide.Jesupposequevotrefamilleest

aimanteetchaleureuse,etquevousêtesissud’unmariaged’amour.Lerireironiquedontilaccueillitsesparoleséveillalacuriositéd’Isabel.—Vousnesauriezêtreplusloindelavérité,répliqua-t-ilavantdechangerdesujet.Enconséquence,

vousvendezvotrecollection…Lapoitrined’Isabelsegonflad’unbrusquechagrin.—Oui.—Maisvousn’enavezpasenvie…—Non,reconnut-elle,puisqu’iln’yavaitpaslieudenier.—Alors, pourquoi le faire ?Dans son testament, votrepère a certainementnomméun tuteurpour

vousaider,non?—Notretuteur,sionpeutl’appelerainsi,nes’estpasmanifesté.Fidèleàseshabitudes,notrepère

m’alaissélesoindemettredupainsurnotretableetdemainteniruntoitau-dessusdenostêtes.Ausenspropre,ajouta-t-elleaprèsuninstant,avecunlégersourire.

Ilsouritàsaplaisanterie,etcettecomplicitéamuséechangeaquelquechosedanssonregard.Isabeldevinaaussitôtladirectionpriseparsespensées:letoit,lapluieetlebaiserdanslegrenier.Lerougeluimonta aux joues et, contenantune furieuse enviedeplaquer sesmainsdessuspour les cacher, ellereprit:

—Vousleconnaissezpeut-être…—Votretuteur?—Oui.Ils’appellelordOliverDensmore.—Densmoreestvotretuteur?s’exclamaNick,dontletonalarmaIsabel.—Vousleconnaissezdonc?—Oui.—Commentest-il?—Ilest…Disonsquec’estunjoyeuxdrille.—Unjoyeuxdrille,répétaIsabel,loind’êtrerassuréeparcettedescription.—Oui.Qu’avez-vousditdevotrepère?Quec’étaituncarnavalà lui tout seul?Ehbien,qui se

ressembles’assemble.MaisDensmoren’estpasl’hommequejechoisiraispourprotégermafamille.Isabels’enétaitdoutée,biensûr.Pourtant,elleavaitcultivél’espoirinfimequ’unefoissondernier

instantvenu,sonpèreauraitpenséàelle.OudumoinsàJames.Quand elle entendit les paroles de Nick, sa poitrine se contracta douloureusement. Soudain, à la

penséeaffreusequ’unautrehommeirresponsableavaittoutpouvoirsurelle,surJames,surlesfilles,lesouffleluimanqua.Unevaguedepaniqueimpossibleàjugulerluinoualagorge.Illuifallaitfairepartirlesfillestoutdesuite,avantqu’ellesnesoientprisesaupiège!Avantquetoutcequ’elleavaitbâti,auprixdepeinesinfinies,nesoitréduitànéant.

Elleessayadeprendreuneprofondeinspiration,maissespoumonsrefusèrentdes’ouvrir.—Isabel…

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Elle eut l’impression que son prénomvenait de loin.Les yeux fermés, elle s’ordonna de respirer.Soudain,Nickfutprèsd’elleet,d’unemainénergique,luifrottaledos.

—Desinstrumentsdetorture,marmonna-t-ilenrencontrantlesbaleinesdesoncorset.Regardez-moi,dit-ilensuiteenluirelevantlementon.Respirez!

—Jesuis…Jevaisbien,réussit-elleàbalbutier.—Non,vousn’allezpasbien.Respirez!Sensibleàsoncalmeempreintdefermeté,Isabelréussitàprendreplusieursinspirationsprolongées,

quoiquetremblantes,pendantqu’ilcontinuaità luimasser ledos.Lorsqu’elleeut recouvrésonsouffle,elle se rejeta contre le dossier du fauteuil pour se soustraire à ce contact troublant.Mais, bien qu’illaissâtretombersamain,Nickrestaaccroupidevantelle.

Elle détourna les yeux, embarrassée, et les riva sur le sol, à l’autre extrémité de la pièce.Quelleraisonplausiblepourrait-elleinvoquerpourfuir?

—Vousnepartirezpasd’ici.Ellepouvaitpartirsielle lesouhaitait,bontédivine!Ils’agissaitquandmêmedesabibliothèque.

Sesphalangesblanchirentquandellecrispalesdoigtssurlesaccoudoirsdesonfauteuil.—Vousn’avezpasbesoindevousinquiéter,répliqua-t-elle.Mais,posantungenouàterre,ilpritsesdeuxmainsdanslessiennes.—Vousêtesécraséeparvossecrets.Àunmomentouunautre,ilvousfaudralespartager.Isabelreportasonregardsurlui,surcethommequisemblaitbon…fort…etriche.Elledutalorsse

rendreàl’évidence:oui,cethommeétaitpeut-êtresaplanchedesalut.—Pourquoinepascommenceravecvotrepère?insista-t-il.À l’idéed’évoquercethommeresponsablede tous sesmaux,elle se raidit aussitôt.MaisNickne

lâchapassesmains.—Pourquoinepasmedirecequivoushante?Unsilencepesantaccueillitsaquestion.Ni l’unni l’autreneportaitdegants, lasimplicitéde lavieàTownsendParkne l’exigeantpas. Il

commençaàeffleurerchacundesesdoigts,etelleneputs’empêcherdes’étonnerdeluivoirdesmainsaussifortes,aussicalleuses.Commentsefaisait-ilquel’undeslordslesplusconvoitésdeLondresaitdesmainsdetravailleur?

Elleétaitsidistraiteparlasensationdesesmainschaudessurlessiennesqu’ellefaillitcéderàsarequête.Mais, tout au fond d’elle, une voix lui soufflait qu’il serait on ne peut plus dangereux de seconfieràcethomme.

Il l’amenait à croire qu’elle pouvait partager son fardeau, alors qu’en vérité elle était seule et leseraittoujours.

Audébut,Isabelavaitjugéquecelavalaitmieuxainsi.Touteslesfemmes–samère,lesrésidentesde Minerva House – qui avaient choisi de partager leur vie avec un homme ne l’avaient-elles pasregretté?Vivreavecunhommeimpliquait,tôtoutard,den’êtreplusquelamoitiéd’unefemme.Unsortqu’ellerefusaitfarouchement.

Elledéglutitavecforce,soucieusedes’exprimerfermement.—Iln’yarienàraconter.Vousconnaissezsaréputationaussibienquemoi.Etmêmemieux,sans

doute.C’étaituninconnupournous,finalement,toutcommenousl’étionspourlui.Ellehaussalégèrementlesépaulestoutenessayantdeselibérer.Nickneréponditpas.Illâchal’une

desesmains,maisconserval’autredanslessiennes,laretournant,paumeenl’air.Avecsespouces,ilcommençaàdécriredescercleslentssursapeau,éveillantaussitôtenelledepuissantessensations.

Quandilfinitparreprendrelaparole,cefutdansunchuchotement.

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—Vousn’êtespasobligéedem’enparler…Maiscroyez-moi,s’ilvousplaît,quandjevousdisquevousnedevezpasenvouloiràlavieàcausedelui.Nelelaissezpasvousspolierdesesplaisirs.

Isabelrelevaaussitôt lesyeux,maisilnelaregardaitpas.Sonregardrestaitfixésurlamainqu’ilcaressaitetd’oùpartaientd’exquisesvaguesdeplaisir.Unsoupirluiéchappa.Ellesavaitqu’elleauraitdûmettreuntermeàcettecaresse,maiselleétaitincapablederassemblerassezd’énergiepourl’arrêter.Lessoinsqu’ilprodiguaitàsamainétaientdélicieux.Bienplusdélicieuxquetoutcequ’elleavaitjamaisconnu.

Àl’exception,peut-être,desonbaiser.Leregardd’Isabelseportasursoncou,bronzéetmusclé.Ellen’avaitjamaisprêtéattentionaucou

de quiconque, pas plus qu’elle n’avait soupçonné la félicité qu’on pouvait retirer d’un massage desdoigts.

LapressiondesmainsdeNicksefitplusforteàlabasedesonpouceet,avecunnouveausoupirdebéatitude,elles’amollitunpeuplusdanssonfauteuil.

Toutens’adjurantd’interromprecettecaresse,ellelaissasesyeuxs’attardersursamâchoire,surseslèvres…Mais,vulessouvenirstroublantsquesaboucheévoquait,elles’empressadedirigersonregardsurladéviationlégère,presqueimperceptible,desonnez.

Ilavaitdûavoirunjourlenezcassé.Peut-êtreenmêmetempsqu’ilavaitétéblesséàlajoue…Qui était donc cet homme, à la fois aristocrate féru d’archéologie, évadémystérieux d’une prison

turque et séducteur irrésistible ? Par quel miracle semblait-il la comprendre aussi bien ? Et, plusimportantencore,pourquoiaspirait-elleàcepointàleconnaître?

Lorsque ses yeux tombèrent sur les siens, elle fut soulagée de constater qu’il les gardait toujoursbaissés sur leursmains liées. Elle scruta son regard intense. Le bleu étincelant de ses prunelles, quil’avait frappéedès leurpremièrerencontre–quifrappait toutes lesfemmesdeLondres,àencroire lagazette–,étaitenréalitéunmélangestupéfiantdegris,demyosotisetdesaphir,misenvaleurpardescilsnoirsd’unelongueurquen’importequellecourtisaneluiauraitenviée.

Qu’ilétaitbeau!Elle-même surprise par cette constatation, Isabel se redressa brusquement et arracha samain aux

siennes,toutenrefoulantlesentimentdefrustrationquecegestefitnaîtreenelle.—Vousvousmontreztropfamilier,lordNicholas.Elleréussit,nonsansfierté,ànepasgrimacerenentendantsavoixchevrotante.Aussitôt,Nickposasesmainssursescuisses,maisilrestaaccroupi.Undescoinsdesabouchese

relevaenunpetitsourire.—J’aientenduvotresoupir,Isabel…Votrecorpsnem’apasdutouttrouvétropfamilier.—Jen’aijamaisrienentendudeplus…deplusarrogantetdeplusinconvenant!—Jevousaiprévenuedecequiarriveraitsivousm’appeliezdenouveaulordNicholas.Isabel ouvrit la bouche,mais aucune repartie ne lui vint. Dans les romans, l’héroïne nemanquait

jamaisderiposteravecbrio.Mais,n’étantpasunehéroïne,ellesecoualatêtepourchassercettepensée.Puiselleserelevad’ungestedécidéetcarralesépaules.Lorsqu’ellepassadevantlui,elleéprouvaunplaisirtroubleàentendrelebruitdesesjupesfrottantcontresonépaule.

Lorsqu’ellesejugeasuffisammentloin,elleseretourna.Mais il s’était relevéprestementet se tenait justederrièreelle.Elle resta figéesurplacequand il

levalamaineteffleurasajoue.Sonodeurlasubmergea,mélangeenivrantdecognac,deboisdesantaletd’uneautrefragrancequ’elleneputidentifier.Unfrissonlaparcourut.Ellerésistaàlatentationdefermerlesyeuxpoursegorgerdecetteodeur,s’offriràsacaresselégèreetl’encourageràallerplusloin.

Quesepasserait-il,alors?L’embrasserait-ildenouveau?Lesouhaitait-elle?

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Oui.Ellevoulaitqu’ill’embrasse.Leurs yeux se rencontrèrent, et elle ordonnamentalement àNick de se rapprocher, de répéter son

gestedel’après-midi.Ilpouvaitliredanssespensées,ellelesavait.Ellevits’allumerunepointedesatisfactionmasculine

danssonregardquandilperçutsondésir.Maispeuluiimportait,àpartirdumomentoùill’embrassait.Ses sens s’affolaient de le sentir si près. Ne supportant plus cette attente – l’excitation anticipée

d’unecaressequipouvaitnejamaisvenir–,Isabelfinitparfermerlesyeux.Elleeutalorsl’impressiond’oscillerverslachaleurquiémanaitdelui.Peut-êtresemontrait-elleimprudente,maiscethommeluifaisait toutoublier,ycomprissonpassé.Ycompris,aussi,cequ’elles’était toujourspromisdenepasdevenir.

—Isabel…chuchota-t-il.Ellerésistaàl’enviederouvrirlesyeux,depeurderomprelecharmeintimequilesunissait.Mais

ellesavouralamanièredontsavoixgraveprononçaitsonprénom.Commedotéesd’unevolontépropre,sesmainsselevèrentet,résistantàl’enviedetouchersontorsepuissant,effleurèrentl’étoffesolidedesaredingote.

Ilavaitparlédesplaisirsdelavie.Ellevoulaitqu’illesluimontre.Commeenhardiparsongeste,ilposaseslèvressurlessiennes.Isabelpoussaunsoupir,envahiepar

unmélangedeplaisiretdesoulagement.Cebaiserétaitplusdoux,moinsdévorantqueceluiqu’ilsavaientéchangédansl’après-midi.Ilglissa

sesmainssursanuquetandisqueseslèvresfrôlaientlessiennesunefois,deuxfois…Quandellesoupiradenouveau,seslèvress’entrouvrirent,etilapprofonditsonbaiser.Delapointedelalangue,ilsuivitsalèvreinférieure,laissantdanssonsillageunetracedefeu.

Lesmainsagrippéesàseslargesépaules,Isabelsepressacontresapoitrine.Ilrefermaalorslesbrasautourd’elle et l’enlaçaplus étroitement, tout en suivantde sabouche la lignede sa joue jusqu’à sonoreille,contre laquelle ilmurmurasonprénom.Ilensaisitensuite le lobeentresesdentset le taquinadélicatementjusqu’àceque,parcourued’unfrissondeplaisirintense,Isabelnouesesbrasautourdesoncou.

Elleperçutcontresapeausonsouriresatisfait,justeavantqu’ilnefassepleuvoirunesériedebaisersirrésistibles le longdesoncou.Ungémissementfinitpar luiéchapper tandisqu’elle luttaitpourresterdebout.

Sansôter sabouchedesoncou,Nick lasoulevaalorsentresesbraset,aprèss’êtreassisdans legrandfauteuilprèsdelacheminée,illaposasursesgenoux.Ilnerelevalatêtequepourl’interrogerduregard.Lorsque,dansunsoupir,elleacquiesça,ilposadenouveauseslèvressurlapeausensibledesoncou.

La caresse de sa langue, à la fois rude et sensuelle, arracha à Isabel un son étouffé qui ramenal’attentiondeNicksursabouche.Ils’enemparadenouveautoutenfaisantglissersamainsurlecôtédesapoitrine,oùelles’immobilisa.C’enfuttroppourIsabel.Sesseinsluiparaissaientinfinimentlourdsetpleins, et réclamaient d’être caressés d’unemanière dont elle n’avait jamais eu conscience avant cetinstant.Avantcethomme.

Commeellefrémissait,lesommantdepoursuivre,delatoucher,ildélaissasaboucheetplongeasonregarddanslesien.

—Qu’ya-t-il,mabeauté?Sonpouceesquissaungesteinfime,maissuffisantpourqu’elledevinequ’ilsavaitpertinemmentce

qu’ellevoulait.Illataquinait.—Je…

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Ilpressalapaumedesamain,siprèsdel’endroitoùellel’appelaitdesesvœux,toutens’inclinantverssonoreille.

—Sibelle…Sipassionnée…MaVoluptéàmoi…montrez-moi.Cettedemande libéraquelquechoseenelle.Elle fitglissersamain le longdesonbras jusqu’à la

refermersurlasienne.Puis,croisantsonregardavecplusdecouragequ’ellen’enéprouvait,elleramenacelle-ci sur son sein.Tousdeuxbaissèrent lesyeux lorsqu’il enépousa leglobede samain, avantdepasserdélicatementlepouceàl’endroitoùlapointeérigéetendaitletissudesoncorsage.Elleétouffaungémissement,etleursregardsseheurtèrent.

—Dites-moicequevousressentez.—Je…jenepeuxpas,balbutia-t-elleenrougissant.Ilrépétasacaresse,laquellefutsuiviedumêmeeffet.—Si,vouslepouvez.Ellesecoualatête.—Jen’aijamais…C’esttrop.Tropbon.Il la récompensad’unautre longbaiser, tout englissant l’unde sesdoigts sous ladentellede son

décolleté.Ilcaressaainsisapeauéchauffée,luiarrachantunpetitcri.Ilmitalorsfinàleurbaiseretposasonfrontcontrelesien,unlégersouriresurseslèvresgonflées.

—Etcelanepeutquedevenirmeilleur…affirma-t-ilavec,danslavoix,unepromessebrûlante.Ellefutsurprisequandillasoulevapuis,s’étantlui-mêmelevé,lareposadanslefauteuil.Ils’inclina

ensuite vers elle, les deuxmains posées sur les accoudoirs.Un intense désir brillait dans son regard,bientôtremplacéparcequ’elleestimaêtredeladétermination.

—Jenesaispasdequoioudequivousvouscachez,Isabel,maisjel’apprendraitôtoutard.Ets’ilestenmonpouvoird’yremédier,jeleferai.

Enentendantcettedéclarationsiinattendue,Isabelrestabouchebée.Il se redressa et, alors qu’elle aspirait encore à son étreinte, il sortit de la bibliothèque d’une

démarchequitrahissaitlamêmeassurancequesesparoles.

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Sansmême ouvrir les yeux, Nick sut que quelqu’un le regardait. Tout en veillant à conserver unsoufflerégulier,ilpassaenrevuelesoptionsquis’offraientàlui.

Àquelquespasdelui,ilentendaitunerespirationlégère,égale.L’intrussetenaitprèsdulitetn’étaitpasdutoutnerveux.Dixansauparavant,enTurquie,Nickauraitétéinquiet,maisilsetrouvaitdansleYorkshire,bloquédansunmanoirparunorage,cequiréduisaitlenombredevisiteurspossibles.

Ilnepercevaitaucunparfumdefleurd’oranger,cequisignifiaitquecen’étaitpasIsabelquil’avaitrejoint dans sa chambre. Dommage, car il aurait aimé la voir au pied de son lit à son réveil… Lesévénements de la soiréeprécédente n’avaient fait qu’accroître sa curiosité. Il n’avait jamais connudefemmeaussipassionnée…etaussimystérieuse.

Oui,ilauraitaimés’éveilleraucôtéd’Isabel,toutechaudeetvoluptueuse,leregardembrumémaisaccueillant.Rienaumonden’auraitpuluifairequitterunlitaussiprécieusementoccupé.

Son attention revint brusquement à l’instant présent. Sonvisiteur n’était sans doute pas dangereux,maiscen’étaitpaslemomentderêverdeladamedeslieux.Rêverd’Isabelétaitmêmetrèsdangereux.

QuandNick souleva les paupières, il croisa un regard brun, sérieux, qui n’était pas sans rappelerceluiauquelilvenaitdepenser.

—Bien.Vousêtesréveillé.Parmitouslesintrusenvisageables,cen’étaitpaslejeunecomtedeReddichqu’ilseseraitattenduà

trouver,accroupiauprèsdesonlit.—Onledirait.—J’attendaisquevousvousréveilliez.—Jesuisdésolédet’avoirfaitattendre,répliquaNick,ironique.—C’estpasgrave,vraiment.J’aiencoreuneheureavantquemesleçonscommencent.Nicks’assitdanslelitetsefrottalevisagepourchasserlesderniersvestigesdusommeil.—Personnenet’ajamaisditqu’ilétaitmalélevédeseglisserdansleschambresdesinvités?—Jecroyaisquec’étaitjustedansleschambresdesfilles.—Oui,acquiesçaNick,quineputs’empêcherdesourire,c’estencoreplusvraipourleschambres

desfilles.Jameshochalatête,commes’ilvenaitdeluirévélerungrandsecret.—Jem’ensouviendrai.Dissimulantsonamusement,Nickenfilalepeignoirtroppetitqu’onluiavaitprêtélesoirprécédent.

Puisilselevaet,aprèsavoirnouélaceinture,fitfaceaujeunegarçon,quil’observaittoujoursdel’autrecôtédulit.

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Sonvisageétaitempreintdesérieux,avecuneespècededéfiancedanssesyeuxbrunsquirappelaitirrésistiblementIsabel.

—Quepuis-jepourvous,lordReddich?—Personnenem’appellecommeça,réponditJamesensecouantlatête.—Lesgensdevraients’yhabituer.TueslecomtedeReddich,n’est-cepas?—Oui…—Mais?—Maisjenefaispasvraimentleschosesquelescomtesfont,réponditJamesaprèss’êtremordillé

lalèvreinférieure.Jenesuispasassezgrand.—Etceschoses,c’estquoi?—Leschosesquemonpèrefaisait.—Ehbien, jenesuispascertaind’êtremoi-mêmeassezvieuxpour faire leschosesque tonpère

faisait,déclaraNicktoutentraversantlachambre.Debout devant la table de toilette, il s’aspergea le visage d’eau froide, puis il se sécha avec la

serviettesuspenduesurlecôté.Quandilreportasonattentionsurlejeunegarçon,illedécouvritassisauboutdulit.

—J’apprendraibientôt,sûrement,ditJamesavecunmanqueflagrantd’enthousiasme.Isabelditquequandvousaurezfinivotretravailaveclesstatues,onauraassezd’argentpourm’envoyeraucollège.

Nickopina.Aprèss’êtretournédenouveauverslatabledetoilette,faceaumiroir,ilpritleboldesavonàraserposéàcôtédelacuvette.

—Quelâgeas-tu?demanda-t-il,conscientquelepetitgarçon,fasciné,suivaitchacundesesgestes.—Dixans.L’âgeauquellui-mêmeavaitvusaviebouleversée…Aprèss’êtreenduitlevisagedesavon,ilsaisitlerasoiretappliquaavecprécautionlalamesursa

joue.—Monfrèreestmarquis,tusais.James,captivéparlalentedescentedelalamesursapeau,neprêtapasimmédiatementattentionà

sesparoles.Maisensuite,ilécarquillalesyeux.—C’estvrai?—C’estvrai, confirmaNick.Et laplupartdes chosesqu’unmarquisdoit savoir, ajouta-t-il après

quelquessecondes,c’estàl’écolequ’illesaapprises.Un silence s’abattit ensuite dans la chambre, troublé seulement par le clapotement de l’eau quand

Nickrinçasonrasoir.—Etvous,finitparreprendreJames,vousêtesalléàl’école?—Oui.—Etçavousplaisait?—Quelquefois.—Etsinon?Nick s’absorba dans la tâche délicate qui consistait à se raser le menton, ce qui lui permit de

réfléchir à sa réponse. Il avait beaucoup en commun avec ce garçon : une histoire particulière qui lemettaitàl’écartdesespairs,unavenirincertain,unpassémalheureux.Nickrepensaàl’abandondesamère,àlatornadederagotsquiavaientsuivisondépart,àlamanièredontleurpère,désespéré,lesavaitexpédiésenpension,Gabrieletlui,sanslesavoirpréparésauxméchancetésetauxtaquineries.Entantquesecondfils,sanstitre,Nickavaitessuyéleplusgrosdesmoqueries.Ils’étaitalorsjetéàcorpsperdudanslesétudes.

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C’était avant qu’il n’apprenne à se servir de ses poings, avant qu’il ne prenne conscience que sataille, sa stature et sa force physique pouvaient lui ouvrir les portes d’une existence autrementintéressantequecellequiattendaitlesecondfilsdumarquisdeRalston.

Non,iln’avaitpasbeaucoupaimélecollège.MaisceseraitdifférentpourJames,quin’étaitpaslefilsd’unmarquistropfaibleetd’unemarquiseàlamoralitédouteuse.Jamesétaitcomte,etilobtiendraitlerespectdûàsontitre.

—Quelquefois,leshommesdoiventfairedeschosesqu’ilsn’aimentpasforcément,finit-ilpardire.C’estcequifaitdenousdeshommes.

James resta songeur.Dans lemiroir, Nick l’observait. À quoi pensait-il ?Quand le jeune garçonrelevalatête,cefutpourdéclarer:

—J’aimeraisbienqu’onmeconsidèrecommeunhomme.—Danscecas,j’aibienpeurqu’ilnetefailleenpasserparl’école.—Maisalors…Denouveau,lesilenceseprolongea.MaisNick,s’abstenantd’intervenir,secontentadesécherson

visage,maintenantrasédeprès.—…quevontdevenirlesfilles?demandaJamesd’untonpréoccupé.LapoitrinedeNickseserrasoudain.Jamess’inquiétaitpoursasœuret,vulesimprudencesqu’elle

avaitcommisescesdeuxderniersjours,onnepouvaitl’enblâmer.Maisilgardacetteréflexionpourlui.—Tasœursemblesedébrouillerassezbientouteseule,non?—Isabeldétesteêtreseule.Elleseraittristesijem’enallais.—Jepensequ’ellecomprendraitoùesttondevoir,répliquaNick,repoussantl’idée,tropdésolante,

d’uneIsabelseuleettriste.De nouveau, le jeune garçon semordilla la lèvre inférieure – un geste charmant dontEton, hélas,

allaitledébarrasserimmédiatement.—Oui,maismondevoirici?Vis-à-visdesfilles?—IsabeletLaraseronticiàtonretour,James.Ettoutcequetuaurasapprisleurservira.Maisl’enfantsecoualatêteavecvéhémence.—Jenepourraipaslesprotégerquandjeserailà-bas,àl’école!—Lesprotéger?répétaNick,soudainenalerte,maiss’efforçantdeconserverunevoixégale.Les

protégerdequoi?Lepetitgarçontournalesyeuxverslafenêtre.—De…detout.Nickcompritimmédiatementqu’ilnefaisaitpasallusionàunemenacegénéraleetindistincte,maisà

uneinquiétudeparticulière.Etilcompritaussiqu’ilneluiseraitpasfaciled’enapprendredavantage.—James,dit-ildoucement,s’ilyaquelquechosequitetracasse…jepeuxpeut-êtret’aider.Jamesreportasonattentionsurlui,etsonregardseposa,pourlapremièrefois,sursabalafre,puis,

presqueaussitôt,descenditsursesépaulesquitendaientl’étoffedupeignoirtropétroit.—Jecroisquevouspourriezm’aider,finit-ilpardire.Vousêtesvraimenttrèsgrand.S’iln’avaitpasétéaussitroubléparlesparolesdeJames,Nickauraitsouriàcesderniersmots.Il

savaitquesataillepouvaitparaîtreimpressionnanteàceuxquin’yétaientpashabitués.—Jen’aijamaisrencontrédedangerquejen’aiepaspusurmonter,assura-t-il,mêmes’ils’agissait

d’uneentorseàlavérité.—Ellesaurontbesoindequelqu’unpourlesprotéger.Surtout…«Isabel»futlenomquitraversaaussitôtl’espritdeNickdevantl’expressioninquiètedeJames.

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Courait-ellevraimentundanger?Était-ilpossiblequequelqu’un luiveuilledumal?Qu’elle soitobligéedesecacher?Assailliparlebesoinurgentdeladéfendre,Nickserralesdents.Ilauraitvouluseprécipiterhorsdelapièce,latrouveretluisoutirerlavérité.Dansquelpétrins’était-ellefourrée?

Finalement,Jameschuchota:—SurtoutGeorgiana.Georgiana?Avait-ilbienentendu?—QuiestGeorgiana?—Magouvernante.Il l’avait retrouvée !Nick exulta en son for intérieur. Il s’efforça néanmoins de conserver un ton

détaché.—Ilyalongtempsqu’elleesttagouvernante?—Juste quelques semaines.Mais elle est vraiment bien.Elle parle latin.Et elle connaît plein de

chosessurlescomtes.Cequin’avaitriend’étonnant,puisqu’elleétaitlasœurd’unduc…—Etsielleabesoindemoietquejenesuispaslà?ajoutaJames.SaquestioninnocentedétournaNickdel’excitationdesadécouverte.Combiendefoiss’était-ilposé

cegenredequestionaumêmeâge?Sisamèreavaiteubesoindeluietqu’ilnes’enétaitpasaperçu?Etcommentpourrait-illaprotégeralorsqu’ilnesavaitpasoùelleétaitpartie?

Mais ilsecouala tête.Ils’agissait làd’ungarçonquiavait lebéguinpoursagouvernante– lecasétaittotalementdifférent.

—Jesaisqu’ilestdifficiledet’imaginerloindumanoir,répliqua-t-il,maisjesuissûrquetoutirabienpourelle.

CommeJamesfaisaitminedeprotester,ilpoursuivit:—Ellevabien,encemoment,n’est-cepas?—Oui,mais…etsiquelqu’unvientlachercher?Nicképrouvaunbrusquesentimentdeculpabilité.Ce«quelqu’un»étaitdéjàlà.—Toutirabien,affirma-t-il.IlpouvaitaumoinspromettrecelaàJames.Celui-cibaissalatêteetmurmura:—Oui, sans doute. Si je partais, peut-être que vous… vous pourriez rester ? Juste pour être sûr

qu’ellessontensécurité.Quandlejeunecomterelevalesyeux,Nickylutlamêmeinquiétudequedansceuxd’Isabel,lesoir

précédent. De quoi diable s’agissait-il ? Qui étaient ces filles ? Appartenaient-elles toutes àl’aristocratie?

Nick prit une profonde inspiration. Si le manoir était plein de filles de l’aristocratie, IsabelcontrevenaitàunedizainedeloisdelaCouronne.Elles’exposaitàdetrèsgravesennuis,dontmêmeluinepourraitl’aideràsesortir.

Nick s’approcha de la chaise sur laquelle ses vêtements repassés, ainsi qu’une chemise propre,avaient étédéposés.Avantde s’en saisir, il se retournavers James,qui attendait sa réponseavecuneimpatiencemaldissimulée.

—Jeresteraiiciassezlongtempspourm’assurerquevousêtestousensécurité.Celateconvient-il?—Vousmedonnezvotreparole?—Jeteladonne.LevisagedeJamessefenditd’unimmensesourirequirappelaIsabelàNick.Ilneputrefoulerun

élandeplaisirdevantlajoiedujeunegarçon.

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— À présent, attends dehors pendant que je m’habille. Ensuite, tu pourras me montrer ta salled’étude.J’aimeraisbeaucouprencontrertagouvernante.

Unquartd’heureplustard,NicksuivaitJamesàl’étagesupérieur.—C’estpasloindessallesdesstatues,expliquacelui-cienempruntantuncouloiraprèsl’autre.Vous

pourriezvenirdéjeuneravecmoi.Enfin,sivousavezenvie.Iln’avaitcessédebavarderdepuisqueNickl’avaitrejointsurlepalier,àl’extérieurdesachambre.

Leurconversationl’avaitapparemmentrassérénéet,mêmesiNickn’avaitquepeud’expérienceaveclesenfants,ilétaitheureuxd’avoirpusoulagersoninquiétude.

«Uneinquiétudejustifiée…»,luisoufflaunepetitevoixculpabilisante,qu’ilauraitpréféréignorer.—Peut-être.Celadépendradutravailquej’auraiaccompli.Maisj’essaierai.Jameshochalatête,apparemmentsatisfaitdesaréponse,aumomentmêmeoùils’arrêtaitdevantune

portedeboissombrequ’ondistinguaitàpeinedans lapénombreducouloir.Enrevanche,quandileutpoussélebattant,cefutdansunesallelumineuseetaccueillantequeNicklesuivitaveccuriosité.

Iln’avaitpasmislespiedsdansunesalled’étudedepuisdesannées,etcelle-ci luiparutà lafoisétrangèreetfamilière,avecsescitationslatinesaccrochéesaumuretsoninévitableodeurdecraie.

Dansuncoin,Isabelétaitpenchéeau-dessusd’ungrandcubedeverre,assistéed’unejeunefemmeauxcheveuxclairs.Georgiana…Mêmesisonmaintienaltiern’avaitpastrahisahautenaissance,Nickl’auraitreconnue.Elleavaitlesmêmesbouclesblondesquesonfrère,ainsiquelesyeuxd’unmieldorécaractéristiquedelalignéedesLeighton.

ElleseretournaquandJameslançaun«bonjour»joyeuxet,aussitôt,sonregardseposasurNick.Cedernier s’abstint de marquer le moindre signe de reconnaissance, mais il la vit écarquiller les yeuxdefrayeur.Ileutaussitôtlaconfirmationqu’àTownsendPark,onnedétenaitpaslesfillescontreleurgré,maisqu’onlesprotégeait.SavueterrifiaitGeorgiana.Ellesavaitquiilétait–siIsabelneluiavaitpasparlédelui,sacicatricetrahissaitsonidentité–etaussi,probablement,qu’ilétaitunamidesonfrère.

Murmurant une excuse, elle disparut, ses jupes tournoyant derrière elle, dans une pièce adjacente.UneémotionétrangeserraleventredeNick.Delaculpabilité…

IlreportasonattentionsurIsabel.Vêtuedemousselinegrise,elleenfonçaitàprésentlatêteetunbrasdansl’espècedegrandeboîtedeverre.

— Bonté divine ! grommela-t-elle. Je me demande franchement pourquoi j’ai accepté… Cettemauditecréatureestévidemmentàl’endroitleplusinaccessible!

—Izzy!s’écriaJamesens’accrochantàlamainlibredesasœur.Qu’est-cequetufabriques?Tuvasluifairemal!

—Maisnon.Nicks’approchapourvoirlecubedeplusprès.Ilétaitremplidecaillouxetdeverdure,commeune

forêtminiature.Àtraverslavitre,ilvitlesdoigtsd’Isabelécarterdesfeuilles,puisunebrancheépaisse.Enfin,ellelesrefermasurunegrossepierre.

—Jetetiens!Ellese redressaavecunsourirede triomphe.Quelquesbouclesauburns’étaientéchappéesdeson

chignon, et elle ressemblait à une fille de la campagne épanouie. Nick se souvint aussitôt du soirprécédentetdesesbaisers,sifrais,sispontanésetsiardents.Ilneputs’empêcherdesourirequandellemaintintmalicieusementsapriseenl’air,horsdeportéedeJames.

—Izzy!Donne-le-moi!imploracelui-ci,dressésurlapointedespieds,lebrastendu.—Etpourquoi?C’estmoiquil’aisauvé.Ilm’appartientdedroit.—Tun’aimesmêmepaslestortues!

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—Justement,tudevraism’enêtreéternellementreconnaissant.Toutenriant,ellerelevalesyeuxetaperçutalorsNick.Sonsourires’évanouit,etellejetaaussitôtun

coup d’œil à côté d’elle.De toute évidence, elle cherchaitGeorgiana, qu’elle voulait lui cacher.UneboufféedecolèreenvahitNickàlapenséequ’elleneluifaisaitpasconfiance.

Mais,envérité,pourquoiluiaurait-ellefaitconfiance,puisqu’ils’apprêtaitàrévélerl’endroitoùlajeunefillesetrouvait?

Isabelporta lamainà ses cheveux,dansungestenerveuxqu’il commençait à connaître.Enmêmetemps,ellelaissadistraitementretombersonautrebras,etJamessesaisitdel’animaltantconvoité.

Sonchangementd’attitudeattristaNick.Ilvoulaitconnaîtrel’Isabelheureuseetsouriante.Ilenavaitassezdelajeunefemmesérieuse.

— Bonjour, lady Isabel, dit-il en s’inclinant. Une fois de plus, nous nous rencontrons dans descirconstances…singulières.

Elleesquissaunerévérencerapide,plus,sansdoute,pourévitersonregardquepourlesaluer.—Bonjour,lordNicholas.Sivouscessiezdesurgirsansavoirétéinvité,jevousassurequejevous

sembleraismoinssingulière.— Je ne vous ai jamais traitée de singulière. Unique, oui. Surprenante, à n’en pas douter. Mais

certainementpassingulière.Ellerougit,augrandplaisirdeNick.Mais,sesouvenantde laprésencedeJames, ils’accroupità

côtédelui.—J’aimebeaucouplestortues.Tusemblesavoirlàunbeauspécimen.Jepeuxlavoir?Jamesluitenditsaprotégéeavecfierté,etNickfitminedelaregardersoustouteslescoutures.—Effectivement,bellebête…Jamessouritjusqu’auxoreilles.—Elles’appelleGeorge.Àcauseduroi.—Jesuissûrqueleroiseraittrèsfierd’avoiruntelhomonyme.— J’ai trouvé George au printemps. Izzy et moi, on lui a construit le vivarium. Ça nous a pris

plusieurssemainespourqu’ilsoitparfait.Nick reporta les yeux sur Isabel, étonnéqu’une jeune femmepasse autant de temps à fabriquer un

habitatpourunetortue.—Vraiment?Quelleexcellenteinitiative!Manifestement agacéepar cette conversation, Isabel croisa lesbras enpoussantunbruyant soupir.

Songestetenditletissudesoncorsagesursapoitrineet,toutenseréprimandant,Nickneputqu’admirerlabeautédesesseins.

—Certes.Maissinousnebougeonspascevivarium, répliqua-t-elle,cequi ramena l’attentiondeNick sur la situation présente, George va avoir les pieds dans l’eau. La fuite dans le toit le visedirectement.

James et Nick suivirent la direction du doigt qu’elle pointait vers le plafond. Effectivement, uneimmenseauréoles’étalaitjusteau-dessusdel’habitationdeGeorge.

— Puisque vous êtes là, lord Nicholas, reprit-elle d’un ton sarcastique, vous allez pouvoir nousprêterunpeudevotreforcebrute.

—Jeconsidèrecommeungrandcomplimentquevousmejugiezutileàquelquechose,ladyIsabel,riposta-t-il.

Iln’avaitpasàêtrefierdumanquederaffinementdesaréponse,illesavait.Maisilremarqua,aumomentoùelleseretournaitverslacaissedeverre,qu’elleesquissaitunlégersourire.Ellen’étaitpaslafemmeimpassiblequ’elles’efforçaitdeparaître.

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—PoseGeorge là-bas, dit-elle à son frère en indiquant une table basse, à l’autre extrémité de lasalle.Puisreviensicipournousaider.

Aprèsavoirobservédenouveauleplafond,ellereportasonregardsurNick.—Jepensequelemeilleurchoix,ceseraitdeledéplacerjusqu’àcecoin.Avecunhochementdetête,Nickseplaçaàl’autreboutduvivarium.—Jesupposequevousnem’autoriseriezpasàallerchercherRockpourqu’ilprennevotreplace?—Sij’avaisbesoind’aide,St.John,j’appelleraisunvaletdepied.—Oui,jen’endoutepas,répliquaNickavecironie.Qui donc convoquerait-elle parmi son personnel hétéroclite ? Jugeant plus judicieux de ne pas

insister,Nickappliquasonépaulecontrelacaisseetpoussa.Seigneur,cemonstrepesaitunetonne!Cefutluiquiexécutaleplusgrosdelapoussée,tandisqu’Isabelutilisaitsesforcespourguiderle

vivariumàl’emplacementchoisi.James,quin’avaitpaslâchésatortue,lesregardait.Soudain,alorsqueNickreprenaitsonsouffle,unformidablefracasretentitderrièrelui.D’unbond,il

seretourna.Unénormemorceauduplafond,détrempéparlapluieviolentedelanuit,venaitdetomberàl’endroitexactoùtoussetenaientquelquesinstantsplustôt.

Abasourdis, ils observèrent en silence le nuage de poussière qui s’élevait dumonceau de plâtre,jusqu’aumomentoùIsabellaissaéchapperunprofondsoupir.

—Jesupposequeceladevaitarrivertôtoutard.Àprésent,vouscomprenezpourquoijeréparaisletoithier,lordNicholas.James,varetrouvertagouvernante.Jenepensepasquevousutiliserezlasalled’étudeaujourd’hui.

Lejeunegarçonclignadesyeux,incertain.Maislaperspectivedepasserlesheuressuivantesavecsagouvernante, et dansun lieu inédit, eut raisonde sonhésitation.Après avoir replacéGeorgedans sonvivarium,ils’élançahorsdelapièce,laissantNicketIsabelfaceauchaos.

Sous lesyeuxdeNick, la tortue émergeade sa carapace et semit àdéchiqueter la feuille laplusproche,qu’ellemâchonnabéatement,indifférenteauxbouleversementsextérieurs.

Quen’aurait-ildonnépourêtreunetortue!IlreportasonattentionsurIsabel,quifixaitletroubéantdansleplafond.C’estalorsqu’illavit:une

larme, unique, qui descendait le long de sa joue.Elle l’essuya aussitôt, si rapidement qu’on aurait pucroirequ’ellen’avaitjamaisexisté.

Hélas,ill’avaitbeletbienvue.—Isabel…commença-t-ilavec,danslavoix,unehésitationdontiln’étaitpascoutumier.Aprèsavoirprisuneprofondeinspiration,ellesetournaverslui.— Il n’y a pas grand-chose que nous puissions faire pour le moment, n’est-ce pas ? Espérons

simplementquelapluies’arrêteraavantquenoussoyonsobligésd’aménagerunesalledebainsici.Àcet instant, il compritàquelpointetpourquoi il admiraitcette femme.Toutescellesqu’il avait

connues, depuis samère jusqu’à ses différentesmaîtresses, usaient des larmes comme d’unmoyen demanipulation.

Isabel,elle,lescachait.Nick aurait voulu l’attirer à lui, lui offrir une occasion de laisser tomber sa garde. Elle avait

d’immenses responsabilités, et il ne pouvait la blâmer de se sentir submergée.Mais son intuition luisoufflaqu’ellerefuseraitqu’ilévoquesonaccèsdefaiblesse.Aussis’abstint-il.

—Oninstalledessallesdebainsdans lesplusgrandesmaisonsdeLondres, répondit-il.Lesgensdépensentdepetitesfortunespourça.Vousseriezàlapointedelamode.

Lorsque leurs regards se croisèrent, celui d’Isabel exprimait un mélange de soulagement et degratitude.

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—Danscecas,n’avons-nouspasdelachanced’avoiruntoitaussiaccommodant?Le gloussement dont elle ponctua sa phrase était communicatif. Il s’esclaffa, et tous deux rirent

ensemble,complices,pendantquelquesinstants.Lorsqu’il recouvra son sérieux,Nickdut se rendre à l’évidence : il aimait beaucoup cette femme.

Beaucoupplusqu’iln’auraitvoulul’admettre.Cettepenséeavaitdequoiledégriser.Caruntelsentiment,c’étaitladouleurassurée–voirelesfers

auxpieds.Ils’éclaircitlagorge.—Jem’interrogeaissurlanervositédeJamesconcernantvotresécurité…Jevoisàprésentqu’ila

desraisonsd’êtreinquiet.Voussemblezavoirundonpourattirerledanger.—Jamess’inquiètepourmasécurité?s’exclama-t-elle.—Pourlavôtre,pourcelledevotregouvernante,deLara…«Lesfilles»,commeilvousdésigne.

Isabel,poursuivit-ilenlavoyantdétourneraussitôtlesyeux,ya-t-ilquelquechosequevousdevriezmedire?

Siseulementellevoulaitbienluiparler, luirévélerl’ampleuret lateneurdesespréoccupations…Alors,ilferaittoutcequiétaitensonpouvoirpourl’aider.Maisilfallaitd’abordqu’elleluiaccordesaconfiance.

Évidemment, elle garda le silence.Après avoir traversé la salle pour aller chercher un seau, ellecommençaàramasserlesgroséclatsdeplâtrequiavaientétéprojetésunpeupartoutsurlesol.

—Isabel…Jepeuxvousaider,s’entendit-ildire,néanmoinsconscientqu’ilauraitdûs’abstenir.—Qu’est-cequivousfaitpenserquenousavonsbesoind’aide?riposta-t-elled’untonquisevoulait

léger.Ils’accroupitenfaced’elleetluisaisitlepoignet.—Nem’obligezpasàinsister.Jesaisquequelquechosenevapas.Ellebaissalesyeuxsurl’endroitoùilssetouchaient.Quandellelesreleva,ilyvitbrillerunelueur

d’acier.—Vousn’avezque trop insisté,monsieur.Cequinevapas, c’est simplementqu’il y aun toit en

mauvaisétatetunvisiteurquirefusedepartir.Arrêtezd’essayerdenouscomprendre.Nousnesommespasvotreproblème,lordNicholas,etilvaudraitmieuxpournousdeuxquevouscessiezdeprétendrelecontraire.

Unsilencesuivitsatirade,durantlequelelleretirasamainetrepritsonnettoyage.—Jesuiscapabledeprendresoindenous,finit-ellepardire.Jel’aitoujoursfait.—Jen’aijamaissuggérélecontraire.—Si,répliqua-t-elle.Commetoutlemonde.Maisilyadesannéesquejeportelamaisonàboutde

bras. Je serai encore ici longtemps après votre départ. Avec les fuites dans le toit, un comte encoreenfant,ettoutlereste.

Sapoitrines’élevaitets’abaissaitàunrythmerapide,trahissantsonexaspération.Nickprononçalespremiersmotsquiluivinrentàl’esprit–ceuxqu’ilauraitdûgarderpourlui.

—Laissez-moivousaider.—Vousvoulezm’aider?répliqua-t-elle,haletante,lesyeuxplissés.Évaluezcesmauditesstatues!Elleluitournaledos,etNickrestaimmobile,lespoingsserrés.Il se passait quelque chose dans cette maison. Lui qui avait triomphé d’innombrables ennemis –

d’hommescapablesd’infligerdestorturesavecuneprécisionscientifique,defemmesaucœurfroid,descélérats abusant de leur fortune et de leur pouvoir – était persuadé de pouvoir vaincre les démonsqu’Isabelaffrontait.Ilétaitcapabledesauvercettefilleetcedomaine.

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Maispourquoiétait-cesiimportantàsesyeux?Ilyavaitquelquechosechezcettefemme,danscettemaison,danscetendroit,quiluidonnaitenviederester,alorsqueduranttoutesavielepluspetitrisquede stabilité, de responsabilité, etmême de séjour un peu prolongé, l’avait fait se précipiter vers unenouvelleaventure.

Ilnelaquitteraitpas.Pasavantdes’êtreassuréqueleséventuelsdangersquilamenaçaientétaientécartés.

Ildevaitlaconvaincredel’autoriseràfairecepourquoiilétaitleplusdoué.Maisilfallaitquel’und’euxcessedementir.Ildécidadoncdeluirévélerlavérité–dumoinsenpartie.

—Bontédivine,Isabel…Jesuisaucourant,pourlesfilles.

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11Leçonnuméroquatre

Enrôlezdesalliés!Courtiservotregentleman,c’estmeneruneguerre tambourbattant.Pourvousassurer lavictoire,vousaurezbesoinde tactiqueséprouvéesetd’unbataillond’hommes (ou de femmes) de confiance. Des alliances stratégiques serontnécessaires… Non, indispensables ! Réfléchissez aux amis, à la famille, auxdomestiquesetàtousceuxquipourraientfavoriserunrapprochemententreluietvous.Nenégligezpasl’influenced’unehôtesseoud’unhôtebiendisposé:unvraigentlemanneferajamaislasourdeoreillelorsqu’onluisuggéreraunevalse.D’unedansedanslasalledebalàunepromenadedanslejardin,iln’yaqu’un pas, et du jardin où résonnent les échos du bal… l’église et l’autel nesontplusloindutout!

PearlsandPelisses,juin1823

Contrairement à ce qu’elle avait imaginé, ce fut un sentiment de calme qu’Isabel éprouva lorsqueNickluiannonçaavoirdécouvertMinervaHouse.

Elles’étaitattendueàêtresaisiedepaniqueoucontraintedeniercequ’ilavaitvu.Mais,quandillaregardadroitdanslesyeuxendéclarantqu’iln’ignoraitplusriendelaprésencedes

filles,elleéprouvaunréelsoulagement.Elleenavaitassezdesecacherdeluietderedouterqu’ilnedécouvreleurssecretsd’unemanièreoud’uneautre.Rétrospectivement,ellesejugeaitbiensotted’avoirimaginépouvoirluicacherlavérité.

—Vousavezunmajordomeféminin,desvaletsfémininsetungarçond’écurieféminin…Àcesmots,elleserelevaetfrottasesmainsgrisesdeplâtrel’unecontrel’autre.—J’aiunresponsabled’écurieféminin.—Votremaisonn’estcomposéequedefemmes,poursuivit-ilsansprêterattentionàsacorrection.—Pasentièrement.—Entièrementmoinscombien?—Moinsun.Quand il détourna le visage, Isabel remarqua que la cicatrice, sur sa joue, avait blanchi. Tout en

portantunemainàsanuque,illevalesyeuxauplafond.—Votrefrère,biensûr.—Lecomte,répliqua-t-elle,carilluiparutimportantdesoulignersontitre.—Uncomtededixans.—Quelleimportance?Ilesttoutdemêmelecomte!—Celaveutdirequ’iln’yapersonnepourvousprotéger!

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Lesmots résonnèrent dans la salle, surprenant Isabel par leur force. Aussitôt, la colère s’emparad’elle. De la colère contre la réalité que cesmots lui renvoyaient au visage, contre lemonde entier,contre cet homme qui ne la connaissait pas depuis trois jours et qui, pourtant, persistait à proclamerqu’elleavaitbesoind’êtreprotégéeetqu’elleétaitbienincapabledes’occuperdesonfrère,desfillesetdesaproprepersonne.

—Vouspensezpeut-êtrequejen’aipasconsciencedenotresituation?Quejenevoispaslesrisquesquenousprenons?Ques’ilyavaitunesolution,jenel’auraispastrouvée?riposta-t-elleens’efforçantderetenirdeslarmesdefureur.Jenevousaijamaisdemandévotreaide,lordNicholas!Jenevousaijamaisdemandédemeprotéger.

—Jelesais,Isabel.Vousn’oseriezpasmedemanderdel’aide.Vousaveztroppeurderévélervotrefaiblesse.

—Sijenevousdemandepasvotreaide,c’estpeut-êtreparceque,tropsouvent,cesontdeshommesquenousavonsbesoind’êtreprotégées.Yavez-vousréfléchi?

Elleregrettaaussitôtsesparoles,quitombèrententreeuxcommeunepierre.Ilnelesméritaitpas.Ilnefaisaitpaspartiedeceshommes-là,ellelesavait.

Cequinel’empêchaitpasd’êtreinfinimentplusdangereuxqu’eux…—Jesuisdésolée.Ilscrutasonvisageunlongmomentavantdereprendre:—Iln’estpastrèsdifficiledes’apercevoirqu’ils’agitdefemmes.Maisquisont-elles?Pourquoi

sont-ellesici?Isabelsecoualatête.—Vousnepouvezpascroiresérieusementquejevaisvousrépondre.—Cesontdescriminelles?—J’imaginequ’ilyenacertainesquevousconsidéreriezcommetelles…Elle se montrait injuste, mais ne pouvait s’en empêcher. Elle était comme hypnotisée par le

mouvementdesespoings,qu’ilserraitetdesserraitlentement.—Certainessontsimplementdesfillesquiavaientbesoindes’échapper.—Sivouscachezdescriminelles,Isabel,vousrisquezlaprison.Elleneréponditpas,aussireprit-illentement:—Ilyapeut-êtredespersonnesquilesrecherchent…C’estlaraisonpourlaquellevousgardezleur

présencesecrète.Ilavançaitpeuàpeuverslavérité,maisIsabelneluiferaitpasleplaisirdelareconnaître.—Les statues…Lanécessité de trouverde l’argent…Cen’est pas simplement pour James,mais

aussipourelles.—Jen’aijamaisprétendulecontraire.—C’estvrai.Vousavezsimplementomisdedirelavérité.—Cettevériténevousregardepas.—Ilsembleraitquejesoisnéanmoinsimpliquédanscetteaffaire.—Jenevousl’aijamaisdemandé.Aulieuderépondre,ildétournalevisageverslafenêtre.Isabelnevoyaitplusquesonprofil,celui

quemarquait la balafre.Celle-ci paraissait d’autant plus blanche et implacable que les traits deNickétaientfigés.

Il restaainsiun longmoment, sansparler. Isabelétait sur lepointdedevenir follequand,enfin, ildéclara:

—Vouspouvezavoirconfianceenmoi.

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«Confiance»…Queljolimot!Ilyavaitquelquechoseenlui–saforce,soncaractère,lamanièredontillaregardaitavecpatience

ethonnêteté–,quidonnaitdésespérémentenvieàIsabeldelecroire.Siseulementelleavaitpuplacersaconfiance,sesprotégées,samaison,toutcequ’ellepossédait,entresesmainsetluidemanderdel’aider!

Maisc’étaitimpossible,ellenelesavaitquetropbien.Isabelavaitvucequiarrivaitlorsquedeshommesauxbellesparolesetauxbrasmusclésselassaient

delafemmequipartageaitleurexistence.Elleavaitététémoindeladésertiondesonpère,quin’avaitlaisséàsamèrequ’undomainemenacéparlaruineetuncœurbrisé.

Sielles’appuyaitsurNickmaintenant,ellenesurvivraitpasàsondépart.—Vousm’avezimpliquédansvotremonde,Isabel,quecelavousplaiseoupas,reprit-il.Jemérite

deconnaîtrelavérité.Maisellesecoua la tête.Ce lord,avecsaforce,sescertitudes,ses…baisers,étaitplusdangereux

pourellequedeslégionsd’hommescommesonpère.—Ainsi,vousnevoulezrienmedire?—Non.—Vousn’avezdoncpasconfianceenmoi.—Je…jenepeuxpas.Uneflammedangereuses’allumadanssonregard,etIsabelregrettasesparoles.Ilserapprochad’unpaset,d’unevoixbasseetgrave,déclara:—Croyezbienquejefiniraipardécouvrirlavérité.Jesuisunexcellentchasseur.Isabeln’endoutaitpas,maisellerefusadelemontrer.—Oh,pourl’amourduCiel!répliqua-t-elle.Vouscroyezdoncquelesfillesvonts’épancherettout

vousraconter?— Elles ne seraient pas les premières femmes à le faire, fit-il remarquer avec un imperceptible

sourire.L’idéequedesfemmess’étaientépanchéesauprèsdeluidéplutàIsabel.Elleneréponditpas.—Bon.Ilenseradoncainsi…Izzy.Enentendantsonsurnomd’enfantdanssabouche,elleeutl’impressiontrèsdésagréabled’êtremiseà

nu.Ellecarralesépaules.—Apparemment.—Parfait.Danscecas,quelachassecommence.

—Celasimplifieleschoses,non?—Lesfillesserontcertainementheureusesdeneplusavoiràsemontreraussiprudentes.IsabeldévisageatouràtourGwenetJane,persuadéequ’ellesavaientperdulatête.—Jepensequevousn’avezpasbiencompris.Cen’estpasdutoutunebonnechose!LordNicholas

sait que nous cachons des femmes ici. Il a découvert l’existence de Minerva House. C’est unecatastrophe.

Aprèsavoirretiréunefeuilledepapieretunencrierd’unpetittiroir,Isabels’assitàlalonguetablequioccupaitlecentredelacuisine.

—Ilfautquejetrouveunabripourchacunedevous.JevaisvousécarterdeTownsendParktantquetoutneserapasréglé.Jesuissûrequejepeuxfaireappelàunedemi-douzainedefoyerspouraccueillirunefilleoudeux.

Àcesmots,unsilences’abattitdanslapièce,troubléuniquementparlegrattementdesaplumesurlepapier. Gwen et Jane échangèrent un regard avant de se tourner vers Kate, l’implorant muettement

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d’intervenir.— Isabel… Peut-être que vous devriez réfléchir encore avant de prendre une décision aussi

drastique.—Elle n’est pas du tout drastique.C’est la seulemesure intelligente qui s’offre à nous.Ce n’est

qu’unequestiondetempsavantquelordNicholasnedécouvrecommentetpourquoivousêtesarrivéesici.Quesepassera-t-il,alors?Croyez-vousqueMargaretpourraitprendreunefilleoudeux?

—Margaretavécuici.Biensûrqu’elleaccueilleraitdesfilles.Maisest-cenécessaire?Pourquoinepassimplementattendrelaventedesstatuespourdéménagertoutlemonde?

Isabelsecoualatête.—Ilesttroptard.—VousnepensezquandmêmepasquelordNicholasvarévéleroùnoussommes?demandaKate

avecincrédulité.— Je le pense bel et bien, rétorqua Isabel, sans lever les yeux de sa feuille. Pourquoi nous

soutiendrait-il?—Non,ditKate.Jenepeuxpaslecroire.—C’estabsurde!renchéritGwen.IlestclairquelordNicholasestunhommebon…Isabelcessad’écrirepourlaregarderavecstupéfaction.—Quepeux-tuensavoir?Tunel’asmêmepasrencontré!—Ehbien,jel’aivu.Etjel’aientenduquandilétaitavecvous.Ajoutéàsondésirdenousaider,

celasuffitàmefaireuneopinion.—JecroisquecequeGwenessaiededire,commençaJaneaveccirconspection,c’estqu’ilneparaît

pasêtreunmauvaishomme.Aprèstout,ilestvenuévaluervotrecollectionsurunesimpleinvitation,etsanscontrepartie.Unetellegénérositéestrarementlefaitd’unêtreinfâme.

—Qu’ensais-tu? s’exclama Isabel.Après tout, ilpourrait êtren’importequi !Quinousditqu’iln’estpas…

Elle s’interrompit, à la recherche de la pire espèce d’individu à invoquer, tandis que les fillesl’observaientavecunsourireencoin.

—Oui?fitJane.— Ça pourrait être un proxénète ! lâcha Isabel, en fendant l’air de son index pour ponctuer son

propos.Unpervers!Janeémitungrognementironique.QuantàKate,ellelevalesyeuxauciel.—Cen’estpasunproxénète,Isabel.C’estunhommedésireuxdenousaider,etilsetrouvequenous

avonsbesoind’aide.—Ilsetrouveaussiquec’estl’undes«lordslondoniensàconquérir»,nel’oublionspas,rappela

Gwen.—Toutàfaitvrai,acquiesçaKate.—Oh,siseulementjen’avaisjamaisentenduparlerdecetarticleridicule!selamentaIsabel.Jene

seraispasdanscepétrin!MonDieu,ajouta-t-elleenvoyantl’airpenauddesescompagnes,vouspensezquejedevraisluicouriraprès…

—Peut-êtrequevouspourriezaumoinsessayerdesuivrel’unedesleçons.Laleçonnumérotrois,parexemple,suggéraGwenavecespoir.

—CourtiserlordNicholasSt.Johnn’estcertainementpaslasolution!—Pourl’amourduCiel,Isabel,déclaraJane.Vousavezungentlemangénéreux,riche…—Etbeau,soulignaGwen.

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—Exact,approuvaJane.Nousavonsdoncungentlemangénéreux,riche,beau,quisemblevouloirsemontrergentiletserviable–malgrévoseffortspourledécourager–,etdontilsetrouvequ’ils’intéresseànotre situation.Laquelle situation, ajouterai-je, peut précisément être résoluepar l’intérêt d’un richegentleman. En conséquence, à mes yeux, courtiser St. John est vraiment la meilleure solution à nosproblèmes.

—Pourneriendiredufaitquevousn’avezplusguèrelechoix,renchéritKate.C’estsansdoutelaseulechancequevousayezdeconserverMinervaHouse.

Isabelregardatouràtoursamajordomeetsaresponsabled’écurie.—Jecroyaisquevousnevouliezrienavoiràfaireaveccettegazetteidioteetsesrèglesstupides,

vousdeux!Elleseurentlabonnegrâcedeparaîtrecontrites.—C’étaitavantqueçanoussembleêtrelemeilleurmoyendeconserveruntoitsurnotretête,objecta

Jane.—LordSt.JohnestunrichegentlemanquisetrouveconnaîtreleTout-Londres!répliquaIsabel.Et

sijamaisilconnaissaittonpère,Kate?Oul’hommequetuasvolé,Jane?MaisKatesecoualatête.—D’abord,jedoutevraimentquevotrebeaulordconnaissemabrutedepère.Ensuite,sinosespoirs

sontconfirmés,jen’auraiplusdesouciàmefaire.—Cen’est«monbeau»riendutout,protestaIsabel,lesyeuxplissés.—Cen’estpascequeGwenprétend,fitremarquerKate,cequiprovoqualesgloussementsdesdeux

autres.Isabelrésistaàl’enviedelesétranglertouteslestrois.Ellesnepouvaientdoncpasprendrel’affaire

sérieusement ? C’était pour assurer leur sécurité qu’elle protégeait si soigneusement Minerva Housedepuisledébut.C’étaitpourellesqu’elles’acharnaitàdissimulerlavéritablefonctiondelamaisonetl’identitédesesoccupantes.

—Isabel,repritKate,noussavonsquevousavezpasséunegrandepartiedevotrevieàessayerdenousprotéger.Outrelasécurité,vousnousavezdonnéducourage,etvousnousavezpermisderetrouverfoiennous-mêmesetdanslemonde.Nouscomprenonscequevousressentez,maisilfaudraitplusqu’unhommeaucourant…

—Deuxhommes,corrigeaIsabel.—…plusquedeuxhommesaucourantdelaparticularitédeMinervaHousepournousabattre.—Nousnevousquitteronspas,déclaraKate.—Vouspartirez,rétorquaIsabel,quinevoyaitpasl’intérêtd’endébattre.MaisKateseraidit.—Ehbien,jenepeuxpasm’exprimeraunomdesautres,maismoi,jeresteavecvous.Del’autrecôtédelatable,KatedardaitsonregardvertsurIsabel.Elleavaitétélaplusjeunedes

fillesàarriveràMinervaHouse.Àpeineâgéedequatorzeans,elleavaitgravilesmarchesdumanoir,escortéed’unchienefflanqué,etfrappéàlaporte.IlavaitsuffiàIsabeld’uncoupd’œilàsonmentonrelevéavecdéfipourêtreconvaincuequecettefilledevaitrester.

Cinq ans après, c’était la force de Kate qui insufflait du courage aux autres filles ; c’était soninvestissementdanssontravailquileurmontraitlavoieàsuivre.Iln’yavaitpasplusloyalqueKatequi,la mâchoire serrée comme en cet instant, était prête à risquer sa vie pour sauver n’importe laquelled’entreelles.

Isabelreposasaplume.

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— À présent, reprit Jane, pourquoi ne pas nous dire ce que vous pensez vraiment de ce lordNicholas?

L’écho de sa question se prolongea dans la cuisine. Isabel baissa les yeux sur la table autour delaquelleellesétaientréunies.Duboutdudoigt,ellesuivituneentailleparticulièrementprofondecreuséedanslebois,s’interrogeantdistraitementsursonorigine,toutenréfléchissantàuneréponseappropriée.

Quepensait-elledelui,envérité?Entoutehonnêteté,iln’avaitrienfaitpourjustifiersaméfiance.Rien,hormis luisauver lavieàdeuxreprises,accepterd’évaluersacollection,semontreramical

enverssonfrèreetoffrird’assurerleursécurité.Etpuis,ill’avaitembrassée.SiIsabelvoulaitsemontrersincère, ilavaitfaitdavantagepourméritersaconfianceentroisjours

quen’importequelautrehommedurantvingt-quatreans.Isabelsoupira.Elleétaitbienenpeinedepenserquoiquecesoit.—Jesupposequejel’apprécie…L’irruptiondeLaraetdeRock luiépargna lapeinedepoursuivre. Ilsentrèrenten riant,venantde

l’extérieur.Lara était enveloppée dans l’immense pardessus deRock, dont elle se débarrassa pendantqu’ilrefermaitlaportesurleventetlapluiequimenaçaientdenejamaiscesser.

Aprèsuncoupd’œilcirculairedanslapièce,Lararemarqualaminegravedesescompagnes.—Quesepasse-t-il?—LordNicholasadécouvertl’existencedeMinervaHouse,réponditJane.—Commentl’a-t-ildécouverte?demandaLara,toutenécartantlesmèchestrempéesquicollaientà

sonvisage.—Illesaitdepuishier,révélaRock.—Toutestdemafaute,ditIsabel.Sijenevousavaispasinvitésici…—Non,protestaLara.Situnelesavaispasinvités,nousn’aurionsaucunechancedesauverMinerva

House.—Ilveuttoutsavoir.—Etquevas-tufaire?—Jenesaispas.—Elleaavouéqu’ellel’appréciait,annonçaKate.—Kate!s’écriaIsabelenrougissant,avantdejeteruncoupd’œilàRock,quifitdesonmieuxpour

feindreden’avoirrienentendu.—Maisc’estformidable!déclaraLara,sansdissimulersonexcitation.Grâceàcettepluie,cesera

bienplusfaciledel’attraper!CommeRocktoussotait,Isabeleutlanetteimpressionqu’ilauraitvouludisparaître.—Jen’aipasdécidéde«l’attraper»,luiassura-t-elle.—Jen’airiendit,répliqua-t-ilavecundemi-sourire.Isabel, elle, ne put réprimer une grimace.Est-ce que tous, dans cette pièce, la prenaient pour une

folle?Jamaisellen’avaitétéaussiindécisequantàcequ’elledevaitfaire.Ellen’aimaitpascedoutenouveauintroduitparlaprésenced’hommesdanssonexistence.

CefutRockquirompitlesilence.—Sijepeuxmepermettre…SiIsabeln’avaitpasétéaussipréoccupée,elleseseraitamuséedesontonhésitant.—Jevousenprie.Personneicinesemblehésiteràmedonnersonopinion.—Àmonavis,Nickn’apastrèsbienprisvotreréserve.

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—Vousavezraison.Enfait,ilamenacédechercherlavéritélui-même.Jenecomprendspas,ajouta-t-elle,pourquoiilestincapabledes’occuperdesesaffaires.

—Nickatoujoursétécommeça,réponditRockavecunpetitrire.Surtoutlorsquedebellesfemmessontconcernées.

Sansselaisserdistraireparlestentativesdeprotestationd’Isabel,ilajouta:—Cequi l’irrite, c’estquevous refusiezdepartagervos secrets.Et s’ilne lesconnaîtpas, ilne

pourrapaslesprotéger.—Commentpuis-jeêtresûrequ’illesprotégera?Rockeutungestederecul,commes’ilavaitreçuuncoup.—Luiavez-vousditça?—Enquelquesorte.—Jesupposequ’ilnel’apasbienprisnonplus.—Non.—Ilyapeudechosesdontjesoissûr,ladyIsabel.MaisjepeuxvousassurerquesilordNicholas

St.Johnajurédesebattreàvoscôtés,illefera.—Jen’aijamaisdit…commença-t-elle,aussitôtmortifiée.—C’est pourtant l’impressionque çadonne, Isabel, intervintLara.MonsieurDurukhan, aimeriez-

vousunpeudethé?—Volontiers,mademoiselleCaldwell, réponditRock,qui lui accordaalors toute sonattention. Je

vousremercie.IsabelobservaLaraqui,toutenremplissantunetassepourl’immenseTurc,relevaitlesyeuxavecun

léger sourire. Quand ce dernier le lui rendit, quelque chose se gonfla dans sa poitrine – le désir deconnaître un telmoment de douceur.L’intérêt timide queLara etRock éprouvaientmanifestement l’unpourl’autreavaitquelquechosed’attendrissant.

MaisRocknetardapasàreveniràIsabel.—Vousdevezfairecequevousjugezpréférablepourvotremaisonetpourvoscompagnes,biensûr.

Mais rappelez-vous bien que Nick est un allié précieux. Et qu’il comprend la gravité des secrets. Iln’aimeraitpasmel’entendredire,maislui-mêmen’estpassansenavoirquelques-uns.

Isabelnefutpassurprise.LordNicholasSt.Johnavaitquelquechosedeprofondémentcaptivant–unmystère semblait rôder sous la surface qu’il montrait au monde, un côté sombre dont elle avait étédirectementtémoinlorsqu’ill’avaittenuedanssesbras.

Delàvenaitcetteimpressiondefamiliaritéquiluiavaitfaitcroire,aprèstoutescesannéesoùelleavaitjugélemondehostile,quequelqu’unpouvaitpeut-êtrelacomprendreetluivenirenaide.

Etsiellepouvaitluifaireconfiance?Encorefallait-ilqu’ellen’aitpasdécouragésabonnevolonté.—Ildoitêtreencolèrecontremoi,jelecrains.—Nickn’estpasdugenreàresterlongtempsencolère,répliquaRockavecunsourireencourageant.— Je vais tout lui dire.Vous comprenez bien, continua-t-elle comme les autres se contentaient de

l’observerensilence,quecelavatoutchanger.Etqu’unefoisqu’ilseraaucourant,ceserairréversible.Elleprituneprofondeinspiration,commepourseprépareràlabataillequ’elleallaitlivrer.—Jenelefaispaspourmoi.JelefaispourMinervaHouse,pourJames,pourledomaine.Paspour

moi.Illuifallaitlecroiredetoutessesforces,souspeinedeperdrelatête.—Ilpeutnousaider,affirmaLaraqui,par-dessuslatable,pritlamaind’Isabeldanslasienne.

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Après avoir regardé sa cousine un longmoment, Isabel se tourna versRock. Il rivait sur elle sonregardsombre,sérieux,commes’iljaugeaitsoncaractère.Enfin,ilinclinalatête.

—Vousêtesprécisémentlegenredefemmequ’illuifaut.—Oh…Jenesuispas…protesta-t-elleenrougissant.—Peut-êtrepas.Maisiln’empêchequevousl’êtes.Àcesmots,l’estomacd’Isabelsecontracta,etunaccèsdenervositélasaisit.Maisellenepouvait

plusfairemachinearrière,àprésent.Elleselevaet,trèsdroite,sedirigeaverslaporte,prêteàpartiràlarecherchedeNick.

—Isabel?lançaGwen.Montrez-vousintéresséeparsontravail,luiconseilla-t-ellelorsqueIsabelsefutretournéeverselle.Leshommesaimentlesfemmesquipartagentleurspassions.

Isabelpartitd’unrirebref.—PearlsandPelisses?Encoreettoujours?—Çaabienmarchéjusqu’àprésent,assuraGwenensouriant.—Etmême,brillammentmarché!rétorquaIsabel,sarcastique.—Ehbien,lesrésultatsseraientmeilleurssivoussuiviezplusattentivementlesconseilsdesarticles.

Etn’oubliezpas:resteztoutprèsdelui!Isabellevalesyeuxauplafond,implorantleCieldeluidonnerdelapatience.—Bon,j’yvais.—Bonnechance!luilançaGwen.Isabelpivota.SiseulementPearlsandPelissesavaitproposé«Commentprésentersesexcusesàun

lordendixleçons»!

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12Leçonnumérocinq

Intéressez-vousàcequiplaîtàvotrelord.Une fois acquise l’attention de votre gentleman, il vous faut songer àl’accompagner dans ses inclinations. Tout grand homme cultive quelquepassion masculine, mais souvenez-vous qu’en dépit de votre condition defemme, il existe toujours un moyen de lui manifester votre intérêt dans cedomaine.Votre lord aime les chevaux ? Peut-être aimerait-il une couverture brodée surlaquelleposersaselle!Etsurtout,chèrelectrice,necraignezpasd’êtreprochedelui!

PearlsandPelisses,juin1823

Deboutàl’entréedelasalledesstatues,IsabelregardaitNickentraindetravailler.Latempêtebaignaitleslieuxd’unelueurverdâtreet,aveclescoupsdetonnerreetlesifflementdu

vent,ilnel’avaitpasentenduearriver.Était-cedûàlalumière,àlatensionquiraidissaitsoncorpsouauxobjetsquil’environnaient?Toujoursest-ilqu’illuisemblaitimmensealorsmêmeque,penchésuruncarnet,ilgriffonnaitdesnotes.

Elle n’avait jamais rencontré un tel homme. Avec sa haute taille, ses larges épaules, ses longuesjambes musclées, il ressemblait aux statues de marbre qui l’entouraient – ces belles et anciennessculpturesconçuespourcélébrerlaperfectiondesformes.

Alorsqu’ellel’observait,uneboucleépaissetombasursonfrontetfrôlalamontureargentéedeseslunettes.C’étaitlapremièrefoisqu’ellelevoyaitavecdeslunettes.Ellesapportaientunenoteincongrueàl’apparencedecethommeimpressionnantetlerendaientencoreplusséduisant.

«Depuisquanddeslunettesdonnent-ellesducharme?»semorigéna-t-elleaussitôt.Etdepuisquandtrouvait-elleséduisantcethomme-là?Sanervosités’accrutencore. Ilprovoquaitenelledesréactionssicontradictoires!Ellesouhaitait

sondépartet,l’instantd’après,ellevoulaitqu’ilresteiciaussilongtempsquepossible.Ilrelevaalorslatêteetl’aperçut.Leursregardssecroisèrent,sesoutinrent,maisiln’esquissaaucun

geste,attendantqu’Isabelprennel’initiative.Ellefinitparentrerdanslasalleetrefermalaportederrièreelle.

Aprèsavoirôté ses lunettes,qu’ildéposa sur lepiédestald’unegrande statuenoire, il s’adossaàcelle-ci,lesbrascroisés.

«Intéressez-vousàcequiplaîtàvotrelord…»,serappelaIsabel.S’arrêtantàquelquespasdelui,ellelevalesyeuxverslastatue.—C’estunbeaumarbre.L’avez-vousidentifié?

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—Ils’agitd’Apollon,répondit-il,sanssuivreladirectiondesonregard.—Vraiment?Saproprevoix, tropaiguë, luiécorcha lesoreilles.Elles’éclaircitdiscrètement lagorgeavantde

reprendre:—Commentlesavez-vous?—Jesuisexpertenantiquités.—Jevois…Jesupposequejevousdoisuneréponseàunequestion,àprésent?—Jemesuisfatiguédecejeu,répliqua-t-ilenreportantlesyeuxsursoncarnet.—Nick…Isabel fut toutaussi surpriseque luide s’entendreprononcer sonprénom.Aprèsavoir reporté son

attention sur elle, il attendit de nouveau. Les yeux rivés sur l’endroit où la peau bronzée de son coudisparaissaitsouslecoldesachemise,Isabelfinitparmurmurer:

— Je suis désolée… Je n’ai jamais parlé à personne de Minerva House. C’est ainsi que nousdésignonslamaison,ajouta-t-ellecommeilgardaitlesilence.Etlesfillesqu’elleaccueille.

Elle s’interrompit,pensantqu’il luiposeraitdesquestions.Mais iln’en fit rien.Lagorge toujoursserrée,incapabledesoutenirsonregard,elles’obligeaàpoursuivre:

—Nousn’avionsrien.Monpèreétaitpartietmamère,tombéemalade,déclinaitdeplusenplus…Ellerefusaitdemangeretdenousvoirpendantdesjoursentiers.Etquandelleacceptait…

Isabeldéglutitavecpeine.Ellenepouvaitpasluiracontercela.—Lesdomestiquesn’étaientpluspayés.Jesuisàpeuprèscertainequ’ilsnousvolaient.Etpuis,un

jour,ilssontpartis.—Quelâgeaviez-vous?—Dix-septans.Janeaétélapremièreàvenir,continua-t-elleaprèsuninstant.Elleavaitbesoind’un

travailetd’untoit.Moi,j’avaisbesoindequelqu’unpourm’aider.Elleétaitintelligente,forte,pleinedebonne volonté. Et elle avait des amies dans la même situation qu’elle. En quelques mois, une demi-douzainede filles sontarrivées.Toutescherchaientàéchapperàquelquechose : à lapauvreté, à leurfamille,àunhomme…Jesupposeque,moiaussi,jecherchaisàéchapperàquelquechose.

»C’estgrâceàellesqueledomaineapusurvivre, tantbienquemal.Ellesélevaientdeschèvres,nettoyaientlesécuries,cultivaientlaterre.Ellestravaillaientaussidurqueleshommesquenousavionsauparavant.Plusdur,même.

—Etvousavezgardélesecretsurleurprésence?—Cen’étaitpasdifficile,répondit-elleentrouvantenfinlecouragedereleverlesyeux.Monpère

n’étaitjamaislà.Ilcontinuaitàjoueret,quandils’esttrouvéàcourtd’argent,ilafiniparvendretoutcequecontenaitnotremaisonlondonienne,puislamaisonelle-même.

—Etvotremère?Isabelsecoualatêteetsemorditlalèvre.—Ellen’aplusjamaisétélamême,aprèssondépart…Elleestmortepeuaprèsl’arrivéedeJane.Iltenditalorslamainverselle.Isabel ne lui opposa aucune résistance, tout en sachant qu’elle avait tort de s’abandonner à son

étreinte.Mais comment résister à la force, à la chaleurdont il l’entourait ?Depuis combiende tempsn’avait-ellepasétécellequ’onenlaçait?Qu’onréconfortait?

—Pourquoifaites-vouscela?demanda-t-il.Isabelnefeignitpasdenepascomprendre.—Ellesontbesoindemoi,répondit-elleentournantlatête,posantsonoreillecontrelalainesèche

desaredingote.

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Et,tantqu’ellesavaientbesoind’elle,illuiétaitplusfaciled’oublierqu’elleétaitseule…Ilémitungrognementléger,encourageant,quil’incitaàpoursuivre.—Ellessontunebonnedizaineàêtresortiesd’icipourdevenircouturières,gouvernantes,oupour

fonder une famille. L’une d’elles possède une pâtisserie àBath. Elles n’avaient rien lorsqu’elles sontvenuesversmoi…

—Etvousleuravezdonnéquelquechose.Isabel restaun longmoment silencieuse, avant de sedégagerde son étreinte. Il ne tentapasde la

retenir,etelleenéprouvaunpincementderegret.— Je n’ai jamais rien fait d’autre de bien. Je n’ai pas pu empêcher mon père de partir… et

d’emportermamère avec lui. Je n’ai pas réussi àmaintenir le domaine à flot.Mais j’ai été capabled’aidercesfilles.

Danssonregardclair,attentif,ellevitqu’ilcomprenait.—J’aipeur,avoua-t-elleàvoixbasse.—Jelesais.—JenepeuxpasespérerqueDensmorenoussoutiendra,niqu’ilconsentiraàgarderlesecret.—Isabel…Quisontcesfillesdontvouscraigneztantqu’ellesnesoientdécouvertes?demanda-t-il,

choisissantvisiblementsesmotsavecsoin.Commeellenerépondaitpas,ilinsista:—Sont-ellesmariées?—Certaines,oui.Ellesontbravélaloipourvenirici.—Etvous,vouscontrevenezàlaloipourlescacher.—Oui.—VousmettezendangerlaréputationdeJames,vouslesavez.Etilyadéjàbeaucoupdescandales

attachésaunomqu’ilporte.—Biensûrquejelesais!s’écria-t-elle.—Vous ne pouvez pas porter seule ce fardeau, déclara-t-il avec unmélange d’exaspération et de

sollicitude.Ilesttroplourdpourvous.—Que suggérez-vousque je fasse ? répliqua-t-elle en enveloppant sonbustede sesbras, comme

pourseprotéger.Jenelesabandonneraipas.—Vousn’yêtespasobligée.Ilyacertainementdesmoyens…—Parcequevouscroyezqu’enseptans,jen’aipasexplorétouteslesissuespossibles?Quiprendra

lerisqued’accueillirunefemmequiaquittésonmari?Quis’opposeraàunaristocratevenucherchersafilleenfuite?Etmêmesidetellespersonnesexistaient,pourquoiaccorderaient-elleslemoindrecréditàlaparoledelafilled’unillustrebonàrien?

—Laissez-moivousaider.Isabelneréponditpas.Jamaisellen’avaitétéàcepointtentéedefaireconfianceàquelqu’un.Cela

luiavaitsemblésisimple,danslacuisine!Mais,faceàlui,ellesesentaitdenouveauassaillieparledoute.

Ilfinitparenfoncersesdeuxmainsdanssescheveuxets’éloignadequelquespas.Puisilseretourna.—Vous êtes vraiment la femme la plus exaspérante que j’aie jamais rencontrée !Vous êtes fière

d’avoir fait cela seule, n’est-ce pas ? C’est votremaison, ce sont vos filles, c’est vous qui les avezsauvées.Toutceciestvotreœuvre.

»Vousenêtesfière,etavecraison.Maisvousêtessuffisamment intelligentepoursavoirquecettehistoirevousdépasse.Quevousêtesvulnérableaupremierdangervenudel’extérieur.Jevousoffremonaide.Maprotection.

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Isabelétaitaubordd’unprécipice,hésitantàfairelepasquichangeraittout.DanslesyeuxbleusdeNick,ellepercevait toutceàquoielleavait toujoursaspiré.C’étaitunhommebon.Cela,elleenétaitpersuadée.Cependant…renonceràêtreseuleresponsabledelamaison?Partagertoussessecrets?

—Jenesaispas…—Vousdevriezpartir, déclara-t-il après avoir soupiré.Plus tôt jepourraime remettre au travail,

plustôtvotremauditecollectionseraévaluée,etplustôtjesortiraidevotrevie.—Vous ne comprenez pas ! s’écria-t-elle quand il lui tourna le dos. Je n’ai rien d’autre…Rien

d’autrequelesfilles.Jen’aijamaisrieneud’autre.Sij’aibesoindevouspourm’aideràlesgarderici,qu’est-cequecelafaitdemoi?Qu’est-cequejedeviens?

Ilrevintalorsverselleetrefermasesmainsautourdesonvisage.—Vousvoustrompez.Jesaiscequec’estquedesecroireseulaumonde.Maisc’estrarementle

cas.Isabelfermalesyeux.Ilyavaitsilongtempsqu’elleétaitseule!Maisellenevoulaitluimontrerni

satristessenisafaiblesse.Pourtant,quandilpoursuivit,elleneputs’empêcherdes’accrocheràsonregardferme.—Jen’ai jamais rencontréquelqu’uncommevous.Quelqu’un,hommeou femme,dotéd’une telle

force,d’untelcourage.Non,vousn’êtespasseule.Vousneleserezjamais.Ellenesutpaslequeldesdeuxfit lepremiergestepourcouvrir ladistancequi lesséparait.Mais,

lorsqu’ill’embrassa,ellenesesentitplusseule.Pendantunlongmoment,ilrestaimmobile,seslèvresàpeineposéessurlessiennes.Toutd’abord,

elle savoura sa simpleprésence,puis, submergéepar laconsciencede sachaleur,de sa taille,de sonparfum,elleeutl’impressionqu’elleallaitdevenirfolles’ilnebougeaitpas.

C’est alors qu’il releva son visage demanière à avoir unmeilleur accès à sa bouche, puis qu’ils’empara de celle-ci. Il prit tout ce qu’elle lui offrait, la caressant, la suçant, l’explorant, jusqu’aumomentoùIsabelcrutperdrel’équilibreetseraccrochaàsesbraspuissants,sanscesserdeluirendrecaressepourcaresse.

Quandilfinitparseredresseretcroisasonregardéperdu,ilesquissaunsourire,avantdelasouleverdanssesbras.Isabelémituncriétouffé,et ilprofitadecequeses lèvresétaiententrouvertespour luidonnerunnouveaubaiser.

— Veux-tu que je te montre comme tu es loin d’être seule ? chuchota-t-il d’une voix lourde depromessessensuelles.

—Oui,répondit-elledansunsouffle,éblouie.S’ilteplaît.Ill’entraînaalorsentrelesstatues,jusqu’àl’extrémitédelapièceoù,sousuneimmensefenêtreornée

d’une rosace, se trouvaitune largebanquette.Après s’yêtreassis, il installa Isabel sur sesgenouxet,aussitôt,enfonçantsesmainsdanssescheveux,ôtalesépinglesquilesretenaient.Ellefermalesyeux,latête rejetée en arrière, quand il se mit à caresser ses boucles qui tombaient en cascade. Avec ungrondement sourd, il se pencha alors pour appliquer ses lèvres sur la peau sensible de son cou, àl’endroit où battait son pouls, la léchant et la mordillant tour à tour, jusqu’aumoment où Isabel crutdéfaillirdeplaisir.

Avecunlégercri,elle l’enlaça,avidedeletoucher,del’embrasserpartoutoùellelepouvait.Seslèvres frôlèrent le coin de son œil et, sans y penser, elle suivit de la pointe de la langue la ligneirrégulièredesacicatrice.Cettecaresseparut lerendrefoucar,aussitôt, ils’attaquaauxlacetsdesoncorsage tout en faisant pleuvoir des baisers humides le long de son cou, jusqu’à la naissance de sapoitrine.Ilfinitpartirersurl’étoffe,avantderefermersesmainssursesseins.

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Aumoment où Isabel rouvrait les yeux, un éclair zébra le ciel derrière lui, projetant sur eux uneaveuglante lumièreblanche.Avecrévérence,Nickdessinaunpetitcercle,puisunsecond,autourde lapointe érigéed’un sein.Au soupir tremblantqu’elle laissaéchapper, il releva lesyeuxetplongea sonregardardentdanslesien.

—Tuessibelle,dit-ileneffleurantdenouveaulapointedesonsein.Sipassionnée…Tuesavecmoi,Isabel.Tun’espasseule…

Unevaguedeplaisirlaparcourutquandellevitledésirquibrûlaitdanssesyeux.Sansqu’ellesached’oùluivenaientlesmots,elles’entenditdire:

—Caresse-moi.LeregarddeNickexprimad’aborddelasurprise,viteremplacéeparquelquechosedeplussombre

etdeplusintense.—Avecplaisir.Refermantseslèvresautourdesonsein,illesuçadoucement,letaquinantdelalangue,l’agaçantde

sesdents,jusqu’aumomentoù,avecunlégercri,elles’accrochaàsescheveux.Comme elle s’agitait afin de mieux le sentir, il releva la tête avec un sifflement de plaisir, puis

il l’immobilisa d’une main. Mue par un savoir féminin qu’elle ignorait posséder, Isabel onduladélibérémentcontrelui.Ilplaçaalorsunemainsursanuqueenchuchotant:

—Attends…Puisilpritsabouche,toutenlasoulevantafinqu’ellelechevauche.—C’estmieux,non?Elleonduladenouveaudeshanches,cettefoisavecsesjupesrassembléesentreeux.—Ohoui,bienmieux,acquiesça-t-ellequandcegestearrachaungrognementàNick.—Pouvons-nousvoircequecettepositionapporteencoredemieux,maVolupté?—Oui,s’ilteplaît,dit-elleavecunsouriretimide.—Puisquetuledemandessipoliment…Ilrefermaseslèvressurl’undesesseins,l’aspirantdélicatement,tandisque,duboutdesdoigts,il

jouait avec lemamelonde son jumeau.Ellebougeait au rythmede ses caresses, le corpsparcourudevaguesdeplaisir successives, et elle finit parmurmurer sonprénom,dont l’écho se répercutadans lasalle.

Posantlesmainssursescuisses,illapressacontrelui,laguidantdanssesmouvements.Puisiltirasur les rubansqui fermaient saculotteafind’avoiraccèsà l’endroitoùelle savait,désormais,qu’ellel’appelait désespérément. Il posa doucement sa paume contre elle et, au cri de plaisir étouffé qui luiéchappa, il releva la tête avec un sourire satisfait. Dans la salle, on n’entendait que leurs soufflessaccadésetlapluiequimartelaitlesvitres.

Ilrepritsabouchepourunbaiserdévorant,etelleoubliatoutcequin’étaitpassesmains,seslèvres,son corps sous le sien.Elle plongea ses doigts dans ses boucles épaisses et laissa samain habile luiprocurercequ’elledésirait,maisqu’ellenesavaitcommentdemander.Ellefinitpars’écarteravecunlégerhoquet,déconcertéeparlessensationsquidéferlaientenelle.

—Nick…murmura-t-elleavecunmélangedepassionetdeperplexité.—Oui,mabeauté…Jesuislà.Sabouche frôlait sonoreille, àprésent ; sesdentsen titillaient le lobe,et lacaressede sa langue

contresapeauôtaitàIsabeltoutepenséecohérente.Quandsamain,entresescuisses,s’immobilisa,ellel’invitad’unroulementdehanchesàreprendre.Mais,aulieudes’exécuter,illuidemanda:

—Isabel…Queveux-tu?Elleouvritlesyeuxetcroisasonregardintense,decebleuquimenaçaitdeluifaireperdrelaraison.

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—Jeveux…J’aienvie…Il glissa un doigt dans les boucles de sa toison, écarta les replis de chair tendre, exposant son

intimité.—Est-ceceladonttuasenvie?Deplaisir,ellerefermalesyeuxavecungémissement.—Mmm…Jecroisquec’estprécisémentcedonttuasbesoin…Toutensusurrantàsonoreille,ilentrepritdetracerdepetitscerclesautourdecetendroitsecret.—Est-cequ’ilt’arrivedetetoucheràcetendroit?Isabelsemorditlalèvretoutensecouantlatête.—Oh,maistudevrais…Tuessidouce,simouillée,siexcitée…Par ses caresses, il intensifiait les pulsations de sa chair. Un doigt enfoncé en elle, il taquina

délicatement le petit bouton dur de son pouce, lui donnant exactement ce qu’elle voulait. Elle ne putreteniruncri,etlavoixdeNicksefitplussourdeetplusrauquesousl’effetdesonpropredésir.

—C’estici,lasourcedetajouissance.Tulesens,moncœur?Elleopina, lesyeuxétroitementferméstandisqu’il l’amenaitplusloin,versceàquoielleaspirait

désespérément.Lespressionsdesonpoucesefirentplusrapides,plusfermes,etIsabelseserracontrelui,oublianttouthormislesondesavoixetlasensationdesamainsursachairlaplusintime.

—Prends-le,Isabel.Prendstonplaisir.Jesuisavectoi.Elle se raidit sous les vagues qui montaient inéluctablement, et Nick s’empara de sa bouche. Un

seconddoigtrejoignitlepremier,etilsépousèrentleva-et-vientimpérieuxdeseshanches.Nickpressadurement,longuement,làoùellel’imploraitensilence.

Ellecriaalorssonprénom,désespérée.—Laisse-toialler,moncœur.Elleexplosaentresesbras,setordantcontrelui,avided’enavoirplusalorsmêmequ’illuidonnait

cequ’elleréclamait.Et,quandil luieutarrachélesdernièresdélicieusespulsations, lesderniersrâlespantelants,illatintentresesbraspendantqu’ellerevenaitàlaréalité.

Lentement, il commençaà rajuster sa tenue. Il renoua lescordonsdesaculotte, tentade lisser sesjupeschiffonnées,puisrelaçaadroitementsoncorsage.Celafait,illatintserréecontresapoitrinetoutenluicaressantledos,lesbras,lesjambes.

Aprèsunlongmoment,ileffleurasatempedeseslèvres.—Jecroisqu’ilvaudraitmieuxnousreleveravantquequelqu’unnevienneànotrerecherche.CesparolesramenèrentbrutalementIsabelaumomentprésent.Elles’assit,sedégageadesonétreinte

etsautaquasimentàterre.Puis,accroupie,ellesemitàrassemblerlesépinglesqu’ilavaitdisperséessurlesol.

Ilseredressaàsontouretl’observapendantunmomentavantdedire:—Isabel…Toutvabien.S’asseyantsursestalons,ellerelevalatête.—Çanevapasbiendutout,monsieur.—Nousensommesrevenusau«monsieur»?demanda-t-ilavecunsoupir.Vraiment?Déjà,elles’étaitdétournéepourramasserd’autresépingles.Lorsqu’elleleseuttoutesrassemblées,

elleserelevaet,lesayantdéposéessurlesocledelastatuelaplusproche,entreprittantbienquemaldeserecoiffer.

—Jen’auraisjamaisdû…Vousn’auriezjamaisdû!s’écria-t-elledesontonleplusindigné.—Ehbien,jen’aipasl’intentiondem’excuser.—Cen’estguèredigned’ungentleman.

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—Iln’empêchequej’yaiprisduplaisir,Isabel.Etjepensequevousaussi.Quandellerougit,ilhaussalessourcils.—Jevoisquejenemetrompepas.Elletentadelefoudroyerduregard.Maisl’effetfutàpeuprèsperdu,carelleétaitobligéedegarder

lesdeuxmainsau-dessusdesatêtepourtenterderassemblersesboucles.—Vousêtesunhommeincorrigible.—Vouspouvezlereconnaître,voussavez.—Non,jenelepeuxpas.—C’estpourtantcequevousvenezdefaire,mabeauté,dit-ilenriant.—Vousnedevezpasm’appelerainsi!—Pourquoipas?« Parce que j’aime ça, songea-t-elle. Beaucoup trop, même. »Mais ce fut dans un chuchotement

qu’ellerépliqua:—Voussavezparfaitementpourquoi.—Dites-moiquevousavezprisduplaisiretj’arrêterai.—Non.—Commevousvoudrez.Maisj’aimeassezvousappeler«mabeauté».Puisquevousl’êtes.—D’accord.J’aiprisduplaisir.—Jelesais,rétorqua-t-ilavecunsourireimpudent.Isabel dut se détourner pour dissimuler son propre sourire. Seigneur, dans quel pétrin s’était-elle

fourrée?—Cette conversation est absolument inconvenante, déclara-t-elle par-dessus son épaule. Je vous

demandeinstammentd’ymettrefin.Sontonimpérieuxn’eutd’autreeffetquedelefaireéclaterderire.—Isabel,vousconviendrezavecmoiqu’ilestunpeutardpouruserd’unetellehauteur.—Vousexagérez!protesta-t-elleenrougissant.—Jevousassure,moncœur,quevousn’avezrienvu.Même si Isabel ne comprit pas exactement ses paroles, elle ne put ignorer leur sens général, et

sesjoueslabrûlèrentdeplusbelle.—Jedoism’enaller.—Non,nepartezpas!dit-ilenselevantenfin.Jevaistâcherdemecomporterenparfaitgentleman.Ellehaussalessourcils,commelui-mêmelefaisaitsouvent.—Jelecroiraiquandjeleverrai,monsieur.—Touché,mademoiselle!Elleneput s’empêcherde joindre son rireau sien.Puisun silencecomplice régnadans lagrande

salle.CefutNickquilerompit.—Pourquoin’ai-jejamaisentenduparlerdevous?—Pardon?—Jen’évoluaispasdanslesmêmescerclesquevotrepère,certes.Maisvousêteslafilleducomte

deReddich,quiaquandmêmefaitdes ravagesàLondres.Commentse fait-ilquevotreexistencesoitrestéeignorée?

Isabelnepouvaitqueseféliciterdecetétatdefait.Toutefois,aprèsavoirdégluti,elleréponditavechésitation:

—Mamèreatoujoursrefuséde…melaisseralleràLondres.Rétrospectivement,jepensequ’ellenevoulaitpasque jesois témoindes turpitudesdemonpère.Peut-êtrenevoulait-ellepasenêtre témoin

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elle-même.DansleregarddeNick,ellevitquenonseulementilcomprenait,maisqu’ilétablissaitunlienavec

saproprehistoire,cequil’encourageaàpoursuivre.—Elleparlait demonpère commes’il s’agissait d’unêtremerveilleux. Je sais àprésentque les

histoiresqu’elleracontaitétaientinventées,ouréécritesdemanièreàfairedeluiunpersonnagepuissantetmagnifique.

»Mais,à l’époque, je lacroyais.Messouvenirs lesplusanciensdoiventêtreunecombinaisonderêve et de réalité, parce que je voismes parents qui se sourient, qui s’aiment…Mais je ne suis pascertainequeç’aitétévraiunjour.

Serappelantalorssaremarque,ellereprit:—MaisvousmeparliezdeLondres…—Oui.Mêmesivotremèrenesouhaitaitpasquevousyviviez,vousaveznéanmoinsdûfairevotre

entréedanslemonde.Àcesouvenir,Isabelseraidit.Onluiavaitpromisqu’elleferaitsesdébuts,évidemment…parceque

sonpèrecomptaitseservird’ellepourseprocurerdel’argent.Illuiétaitcependantimpossibled’avouerunetellehonte.Embarrassée,ellesecontentadesecouerlatête.

—Non.Jen’aipasfaitmonentréedanslemonde.QuandNickl’observaenplissantlesyeux,elledevinasonincrédulité.Siseulementilvoulaitbien

s’abstenirdeposerd’autresquestions!Hélas,ellenefutpasexaucée.—Vousn’aviezpasenviedeprendrelaplacequivousrevenaitdanslahautesociété?— À votre avis, lord Nicholas, les dignes dames de l’Almack’s auraient-elles accueilli à bras

ouvertslafilled’undébauchénotoire?—Quel’Almack’sailleaudiable!—Vousparlezenhommequiatoutelibertédel’éviter.—Détrompez-vous.Ma famille a eu sa part de scandale. Justement,ma sœur s’est récemment vu

refuserl’accèsàl’Almack’s.—Vousplaisantez?demandaIsabel,abasourdie.—Pasdutout.—Maisc’estlasœurdumarquisdeRalston!—Sademi-sœur,corrigeaNick,ironique.Enoutre,ilyaencorequelquesmois,monfrèren’étaitpas

vraimentlebienvenudanslabonnesociété.Sonpassén’étaitpasdesplusimmaculés.—D’oùestvenulechangement?—Ilaépouséunefemmeayantuneréputationimpeccableetdesrelationsaveclesfamilleslesplus

puissantesdel’aristocratie.—Uneexcellentestratégie.—Oui,acquiesçaNickavecunsourire,siGabrielavaitjouélesstratèges.Maisilsetrouvequ’ilest

tombéamoureux.C’estdoncunaccident,enquelquesorte.—Detelleschosesseproduisent?—Apparemment.Ilssontfousl’undel’autre.Isabels’obligeaàignorerlepincementd’envieprovoquéparsaremarque.—Quellebellehistoire…—Cequejeveuxdire,c’estque,Almack’soupas,vousauriezpufairevosdébutsdanslemonde.Et

quevouspouvezencoreyprendrelaplacequivousrevient.Isabelrestasongeuse.Ilyavaitlongtemps–desannées–qu’ellen’ypensaitplus.Ellen’auraitmême

passucommentfairesespremierspasensociété,etlasimpleidéededevoirapprendreetmaîtriserles

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règlesdel’étiquettesuffisaitàl’effrayer.Non,Londresn’étaitpaspourelle.—Jecroisquevoussurestimezlescapacitésinnéesdesfemmesdel’aristocratie,répliqua-t-elle.Comme il inclinait la tête, le regard interrogateur, Isabel soupira. Puis, détournant la tête, elle fit

courirsamainsurl’arêtedupiédestalleplusproche.—Jenesauraisparoùcommencerpourmeconduireendemoisellebiennée,avoua-t-elle.Jesuis

certainequemaconversationn’estpasappropriéedutout,parexemple.Dèsmapremièresortiedanslemonde,jecommettraissûrementdesbévuesquim’embarrasseraientetembarrasseraientlesgensautourdemoi. Je suis très bonne couturière,mais je ne sais pas broder, je vis dans l’ignorance totale de lamode,etjenesaispasdanser.

Elleachevacetteénumérationparunegrimace.Ilallaittrouverceportraitpeuflatteur.Maispeuluiimportait.

«Vraiment?»luisusurraunepetitevoixqu’ellefittaireaussitôt.—Vousnesavezpasdanser?—Pasvraiment,admit-elleavecréticence.—Ehbien,ilestrelativementsimpled’yremédier.Isabelneputretenirunlégerrire.—Aucasoùvousnel’auriezpasremarqué,lesmaîtresàdansernesontpaspléthoredanslarégion.—Quellechancevousavezquejesoislà,alors!J’aimeraisbeaucoupvousapprendreàdanser.—Jevousdemandepardon?dit-elle,incrédule.—Nousdevrionscommencercesoir.Ilyabienunesalledebal,danscemanoir?—Euh…oui.—Parfait.Aprèsdîner,celavousconviendrait-il?Isabelclignadesyeux.—Aprèsdîner?—Jeconsidèrecetteréponsecommeunacquiescemententhousiaste.—Je…—Vousn’avezpaspeur,n’est-cepas?—Biensûrquenon,assura-t-elle,aprèss’êtretoutefoiséclaircilavoix.—C’estbiencequejepensais.Àprésent,sivousvouliezbiencesserdemedistraire,quejepuisse

travailler.Jevousverraicesoir.—Je…Oui,biensûr.Commedansunsonge,ellecommençaàcontournerlesstatuespourgagnerlaporte.—Etpuis,Isabel…LesondesonprénomsurleslèvresdeNickcontenaitunepromessesensuelle,mêmeàcettedistance.

Isabelpivotasurelle-même,lesoufflecourt.—Oui?—Justepourcesoir,pourrions-nousfairecommesivousn’étiezpasendeuil?Unfrissond’excitationlaparcourut.Elleeutaussitôtlasensationque,sielleaccédaitàsarequête,

toutchangerait.Elleprituneprofondeinspiration,hésitantsurlaréponseàdonner.—C’estuneexcellenteidée,s’entendit-elledire.

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13

Nickvenaitd’enfilersachemiselorsqu’onfrappaàlaportedesachambre.Ilsursauta,cequ’ilsereprochaaussitôt.

Mais,s’ilvoulaitsemontrerhonnêteaveclui-même,ildevaitadmettrequ’ilétaitnerveuxdepuissarencontreavecIsabel,dansl’après-midi.Etqu’ilattendaitavecimpatiencelasoiréequis’annonçait.

Onfrappaunesecondefois,puislatêtedeJamesapparutdansl’intersticeétroitentrelaporteetlechambranle.

—J’aientendudirequevousdîniezavecnous…—J’enavaisl’intention,oui,réponditNick.—Trèsbien,ditJamesavecunhochementdetêtesolennel.Ilrestaensuitefigésurleseuil,observantNick,quis’étaitretournéverslemiroiretpassaitunpeigne

danssesbouclesemmêlées.Durantquelquesinstants,aucund’euxneparla.—Nevoudriez-vouspasentrer,lordReddich?finitparsuggérerNick.Tirédesonimmobilitéparcesmots,lejeunegarçonseprécipitadanslachambre,dontilrefermala

porteavecsoin.—Ohsi!Merci.Dissimulantunsourire,Nickobservason jeunevisiteurdans lemiroir toutenachevant sa toilette.

Aprèsavoirtirésurlesmanchesdesachemise,ilenlissal’étoffesursontorse.Puisilpritsacravate,poséesurledossierd’unechaise.

—Tuvoulaisquelquechose?James secoua la tête, comme hypnotisé par les mains de Nick qui enchaînaient les gestes précis

destinésàfaçonnerunnœuddecravatesophistiqué.—Commentvousfaites?finit-ilpardemander.—Lacravate?C’estunequestiond’habitude.—Oui,mais…commentvousavezappris?insistalejeunegarçonenserapprochantdelui,fasciné.—Jesupposequec’estmonvaletquim’amontrécommentfaire,réponditNickaprèsuninstantde

réflexion.—Oh…Ilfaudraquej’apprenneavantd’alleraucollège,non?Nickseretourna.—Veux-tuquejetemontre?—Çanevousennuieraitpas?demandalejeunegarçon,dontlesyeuxs’étaientilluminés.—Pasdutout.

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Après avoir ôté la bande de tissu qu’il venait de nouer autour de son cou, Nick la plaça autourdeceluideJames.Puis,tournantlejeunegarçonverslemiroir,illeguidadansunesuccessiondegestesqui,endéfinitive,aboutirentàlaconfectiond’unnœudassezressemblant.

Penchéverslemiroir,JamesadmirasonœuvresousplusieursanglestandisqueNicks’écartaitpourenfilerlerestedesesvêtements.

—Ilesttrèsréussi,commentaJamesavecunefiertéquiéveillachezNickunsouvenird’enfance.S’il ne se rappelait pas comment il avait appris à nouer une cravate, il se souvenait de son désir

profondd’agirenhommeetd’êtrereconnucommetel.Quandilavait l’âgedeJames,samèreétaitpartieaumilieude lanuit,sansemportergrand-chose

d’autrequelesvêtementsqu’elleportait,abandonnantunmariéploréetdesfilsjumeaux.Aucoursdessemaines suivantes, leurpèreavait commencéàdépérir, laissantNicketGabriel sedébattre faceà lapertedeleursdeuxparents.Unetantedévouée,conscienteduchocqu’avaitétépoureuxlafuitedeleurmère,lesavaitfaitentrerenpension.

Lapremièreannée,Nickavaittravailléaussidurqu’illepouvait.Ilvoulaitimpressionnersonpère,leconvaincre,grâceàsesexcellentesnotes,quesesfilsvalaientlapeinequ’ilsurvivepoureux.

Ilavaitrapidementcomprisqueriennepourraitsoulagerlechagrinetlesentimentdeculpabilitédumarquis.Mais,quandilregardaitcejeunegarçonvolontaire,Nickserappelaitl’énergiequil’avaitincitéàessayer.

IlvoulaitdonneraujeunecomtedeReddichcequeluin’avaitjamaiseu.—Trèsréussi,effectivement,assura-t-il.Ilfaudraquetut’entraînespouratteindrelaperfection,mais

çanedevraitpasteprendrelongtemps.Les yeux de James étincelèrent de plaisir tandis qu’il déroulait la longue bande de tissu pour

recommencer.Pendant queNickboutonnait songilet, il s’employa à reproduire les gestes qu’il venaitd’apprendre.Enlevoyanthésiter,lalanguetiréeetlestraitscontorsionnés,Nicks’approchaenriantpourluiapportersonaide.Lorsquelacravatefutdenouveaunouée,Jamesluiadressaunlargesourire.

Qui aurait deviné que, dans les landes duYorkshire,Nick trouverait une telle satisfaction à fairesourirelesenfantsTownsend?

Saufqu’iln’yavaitplusriend’enfantinchezl’aînéedesTownsend…Alors que James détruisait une nouvelle fois son œuvre, les pensées de Nick se tournèrent vers

Isabel. Il n’avait jamais rencontré de femme comme elle, aux agissements aussi contradictoires.D’uncôté,ellelerepoussaitetluidemandaitdesortirdesamaisonetdesavie;del’autre,elleseconfiaitàluiets’abandonnaitentresesbras,toutededouceur,debeautéetdesensualité.

Nickdevaitsel’avouer:cettefemmeénigmatiquelefascinait.UnehésitationdeJamesleramenaàl’instantprésent.—Faisencoreuntour,luiindiqua-t-iltoutensaisissantsonhabit.—J’ai pensé à quelque chose…dit le jeunegarçon, une fois qu’il eut suivi ses instructions avec

application.VousdevriezvousmarieravecIsabel.Nicksefigeasurplace,sonhabitàmoitiéenfilé.—Jetedemandepardon?—Ceseraitlogique,non?Detoutesleschosesquelejeunegarçonauraitpudire,cen’étaitpasàcelle-ciqueNicks’attendait.—Tucrois?—Oui.Isabelferaituneexcellenteépouse.Vousvoulezquejevousdisepourquoi?—S’ilteplaît.

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Jamesprituneprofondeinspirationpuis,commes’ilavaitrépétésesarguments,illesénumérasansreprendresonsouffle.

—Ellesaittrèsbiens’occuperd’unemaison.Elleestplusforteencalculquetoutlemonde.Etpuis,ellesaitmonteràchevalaussibienqu’unhomme.Peut-êtrequesiças’arrêtedepleuvoir,vouspourrezlavoir.

— J’attends cela avec impatience, déclara Nick en se rendant compte avec surprise qu’il étaitsincère.

—Ah,j’oubliais…Elleestaussitrèsbonneauxcharades.—Unequalitéquetouthommedevraitrechercherchezuneépouse.—Ilyad’autreschoses,sûrement…Ellen’estpaslaide.—C’estvrai,acquiesçaNick,quineputs’empêcherdesourire.Maisjetesuggéreraisdenepasle

luidiredecettemanière.— D’accord. Mais peut-être que vous, vous pourriez lui dire. Les filles, elles aiment les

compliments.—Situasdéjàcompriscelaàtonâge,toutirabienlorsqueviendrapourtoilemomentdefréquenter

lebeausexe.Jemeferaiunplaisirdedireàtasœurqu’ellen’estpaslaide.Dans le miroir, son jeune compagnon ne le quittait pas des yeux, le cou ceint de la cravate

irrémédiablementchiffonnée.—Etjecroisquevous,vousserezunbonmari.—Jen’ensuispassisûr,répliquaNick,décidéàluidirelavérité.—Pourquoi?Nickmarquaunehésitation.Dequellemanièreprésenterleschosesàungarçondecetâge?—C’estparcequevousn’avezpasdetitre?—Non.Jenepensepasqu’untitrefasseforcémentunbonmari.—Moinonplus.Monpère,c’étaitpasuntrèsbonmari.—Jesuisdésolédel’entendre.MaisJameshaussalesépaules.—Jenemesouvienspasdelui.—Tuleregrettes?—Quelquefois,réponditl’enfantaprèsêtrerestésilencieuxunlongmoment.Cette réponse si honnête émut Nick. Il savait ce que ressentait un garçon de dix ans qui n’avait

personneversquise tourner,àquidemanderaideouconseil.Et ilcomprenait laconfusionquedevaitéprouverJamesvis-à-visdesonpère,unhommequiresteraitàjamaisunmystèrepourlui.

—Queluidirais-tu,situlerencontraismaintenant?—Jenepeuxpaslerencontrerpuisqu’ilestmort.—Peuimporte.Queluidirais-tu?James regarda longuement par une des fenêtres de la chambre avant de reporter son attention sur

Nick.—Jeluidiraisquej’ail’intentiond’êtreunbienmeilleurcomtequelui.Nickhochalatêteavecsolennité.—Jepensequeceseraituneexcellentechoseàdire.Aprèsunnouveausilence,Jamesajouta:—Jeluidemanderaisaussipourquoiilnevoulaitpasdenous.Cettefois,lecœurdeNickseserrafranchement.Nes’était-ilpasposélamêmequestionpendantdes

années,aprèsledépartdesamère?

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—Jenepeuxpasimaginerqu’ilnevoulaitpasdevous.Jamesfixasurluisesgrandsyeuxbruns,limpidesetdirects.—Maisvousnelesavezpas.—Non,c’estvrai,reconnutNick,conscientdel’importancequel’enfantallaitaccorderàsaréponse.

Cequejepeuxt’assurer,cependant,c’estqu’àsaplace,jevoudraisdetoisanshésiter.—Etd’Isabel?—Etd’Isabel.LasincéritédecetteaffirmationsurpritNicklui-même,etilsedétournapourpasserdenouveaule

peignedanssescheveux.—Alors,vousneseriezpascontrel’idéedevousmarieravecelle?Nick esquissa un sourire. Le jeune comte avaitmanifestement développé lamême ténacité que sa

sœur.Quand, sonpeigne reposé,Nick fit faceà James, jamais iln’avaitvuchezquiconqueun regard si

pleind’espoir.Ce que James ignorait, c’était qu’Isabel ne voudrait plus entendre parler de Nicholas St. John

lorsqu’elleapprendraitlavéritéàsonsujet.— Isabel ne serait sans doute pas ravie que nous parlions de sonmariage alors qu’elle n’est pas

présente,fit-ilremarquer.—Jesuisuncomte,voussavez.C’estunehistoirequiserègleentrehommes.Nickéclataderire.—Entantqu’hommequiaunesœurpresqueaussiobstinéequelatienne,jesuggèrequetunedises

plusjamaisça,situtiensàtapeau!—Entoutcas,répliquaJamesaprèsavoirsoupiré,moi,c’estvousquejechoisispourelle.—Jesuisflattéd’avoirtonapprobation,réponditNick,quihaussaensuitelessourcils.Ya-t-ileuun

jourunautrehommeenlice?—Oui,ilyadeshommesquisontquelquefoisvenuspourlaprendre.Nicksavaitqu’iln’auraitpasdûposerdetellesquestions.Maiscetteréponselelaissainterdit,etil

neputquerépéter:—Pourlaprendre?—Oui.Engénéral,c’estparcequ’ilsl’avaientgagnée.—Ilsl’avaientgagnée?Tuveuxdire…Ilsavaientgagnésoncœur?—Non.Ilsl’avaientgagnéedansunpari.Unebrusquecolères’emparadeNick.Maissansdouteavait-ilmalentendu.—Dansunpari?Contrequi?—Contrenotrepère,jesuppose,réponditJamesavecunhaussementd’épaules.Nickserralamâchoire.L’idéequefeulecomtedeReddichavaitpariésafilleunique–qu’ilavait

faitd’Isabell’enjeud’unpari–luidonnaitenviedefrapper.Ilserralespoingsavecforce,imaginantleplaisirqu’ilauraiteuàcasser lafigureàl’aristocratepervertiquiavaitacceptéuntelpari,ainsiqu’àl’aristocratedécédéquil’avaitlancé.

Il s’obligea néanmoins à détendre sesmuscles. Il aurait voulu poser d’autres questions, afin d’enapprendredavantagesurlemondeinsensédanslequelIsabeletJamesavaientétéélevés.Maisilneluirevenaitpasdes’enquérirdetelleschoses.Dumoins,paspourlemoment.

D’abord,ilallaitdîner.PuisilapprendraitàdanseràIsabel.

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IsabelétaitsurlepointdemonterchercherNicketJameslorsqu’ellelesentenditdescendrelegrandescalier,justeàl’extérieurdelasalleàmanger.Sonpoulss’accéléraquandelleperçutletimbregravedeNickdanslevestibule.Elleeutbeautendrel’oreille,ellenedistinguapassesparoles,maislesimplesondesavoixsuffitàlatroubler.

Aussitôt nerveuse, elle lissa sa jupe du plat de la main. À quoi ressemblait-elle ? Il y avait silongtemps qu’elle n’avait pas eu l’occasion de porter une robe de soirée ! Celle qu’elle était alléerepêchertoutaufonddesonplacardétaittellementdémodéequec’enétaitembarrassant.LesfemmesqueNickfréquentaitàLondresétaientcertainementbelles,sûresd’elles,élégantes,etn’auraientpassupportéd’êtrevuesdansunerobevieilled’unmois.Alors,quedired’unerobedéjàdéfraîchieplusieursannéesauparavant?

Elle tressaillit quand Nick et James éclatèrent de rire. Jamais elle n’aurait dû accepter cettepropositionincongrue.Ellesesentaitcomplètementidiote.

C’estalorsqu’ilentra.Sanscravate.Il portait la redingote vert sombre avec laquelle il était arrivé le jour précédent et une chemise

blanche.Lecoldecelle-ciétaitouvert,dévoilantuntriangledepeaubronzéedontIsabel,surprise,neputdétachersonregardqu’auboutdequelquessecondes.

QuandellereportasonattentionsurlevisagedeNick,elles’aperçutqu’illadétaillaitdespiedsàlatête. Après s’être attardé imperceptiblement sur son décolleté, il releva les yeux et croisa les siens.L’admirationmasculinequ’elleylutlafitrougir,etelletournalatêteverssonfrère.

Elledécouvritquesatenuenemanquaitpasd’originaliténonplus:desculottescourtes,unechemiseenlintachée…etunecravateartistementnouée,quoiquetrèschiffonnée.LacravatedeNick!Cedernieravait appris à son frère à nouer une cravate. À cette pensée, une onde de chaleur lui dilata le cœur.Commentnepasapprécieruntelhomme?

—Quelbeaunœud!dit-elleàJamesensouriant.Quandcelui-ciserengorgea,ellereportasonregardsurNick.—Merci.Remarquantalorslatenuedesonami,Rockéclataderire.—Ondiraitquetuasoubliéquelquechose,St.John!— J’espère que vous pardonnerez l’incongruité de ma toilette, lady Isabel, dit Nick d’un ton

malicieux.Il s’avança et s’inclina sur sa main. Malgré le gant qu’elle portait, Isabel eut l’impression d’un

soufflebrûlantsursapeau.—Voyez-vous,poursuivit-il,jemesuisretrouvécesoiravecunélèvetrèsdésireuxd’apprendrel’art

denouerunecravate.Dansl’espritd’Isabel,l’imagedeJamesetdeNickensembles’imposaaussitôt.L’espaced’uncourt

instant,elleimaginaquesonjeunefrèreavaittrouvél’hommecapabledeleguiderdanslesméandresdel’universmasculin,etelle-mêmeuncompagnonpourl’aideràreleverledéfid’éleverunjeunecomte.Uncompagnon…queljolimot!

Maisellechassacetterêveried’unsignedetête.—Vous êtes tout pardonné, bien sûr, dit-elle avec un temps de retard. Je suis certaine que nous

pouvonsvoustrouveruneautrecravate,puisquecelle-civousaété…subtilisée.—Aétélibrementofferte,mademoiselle,corrigea-t-ilavecunsourirequimenaçadeluicouperle

souffle.Mais sivousneconsidérezpas la chosecomme inconvenante, jepeux trèsbienmepasserdecravatecesoir.

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AbsorbéeparlecharmanttableauqueformaientsonfrèreetNick,Isabelfutobligéedes’éclaircirlavoixavantdedemander:

—Passons-nousàtable?Celle-ci avait été élégamment dressée, sur les ordres de Gwen, sans aucun doute. Lorsque Nick

reculalachaised’Isabelpourqu’elleprenneplace,enungestequiserévélaitd’uneintimitétroublante,elle perçut la chaleur qui émanait de lui, ainsi qu’un discret parfum de bois de santal. Comme elletournaitbrièvementlatêteversluipourleremercier,ilchuchota:

—Toutleplaisirestpourmoi…Jesavaisquevousseriezéblouissanteenrouge,ajouta-t-ilencoreplusbas.

Elle sentit son souffle sur son épaule nue, et un flot de plaisir la parcourut.Nick était un hommedangereux!Maiscettepenséesaugrenuefutheureusementchasséeparl’arrivéedupremierplat.

Gwen s’était surpassée. Le repas, élaboré principalement avec les produits du domaine, étaitcertainementmoinssophistiquéqueceuxauxquelslesdeuxhommesétaienthabitués,maislesmetsbienpréparésnemanquaientpasdesaveur.

Cependant, l’incertitudecommençaàrongerIsabellorsqu’onapportalemoutonengelée.Commentdeshommesayantvoyagédansdescontréeslointainesetaffinéleurespritautantqueleurpalaisauraient-ils pu apprécier un dîner modeste et tranquille au fin fond du Yorkshire ? Quels divertissementspouvaient-ilsattendredelacompagniededeuxjeunesfemmespeucultivéesetd’unenfantdedixans?

AlorsqueRocketLarainterrogeaientJamessursesleçonsetsurlespéripétiesdesajournée,Nicks’inclinaversIsabel,deplusenplussilencieuseaufildurepas.

—Vousn’êtespasavecnous…—Jepensaisaurepas.—Unexcellentrepas,assuraNick,cequinefitqu’ajouteràl’incertituded’Isabel.—Ilnedoitpasêtretrèsraffinéàvosyeux.Vousdevezêtrehabituéàbeaucoupmieux.Leregardqu’ilposasurelleétaitsérieuxet trahissaitsonpeudegoûtpour ledénigrementdesoi-

même.—Aucontraire,Isabel.Cerepasconclutdemanièreidéaleunejournée…extraordinaire.Etlà,danssavoixgraveetchaleureuse,Isabeltrouvadequoichassertoussesdoutes.Lesmotsde

Nick réveillèrent les images et les émotionsde leur entrevuedans la salledes statues, et elle regrettaqu’ilnepuissel’embrasserdenouveau.Siseulementilsavaientétéseuls!

Ellebaissalatête,nesachantcommentdissimulersarougeur.—Jesuisheureusequ’ilvousplaise.—…etalors,lordNicholasetmoi,onaeunotreentretien.Lavoixdesonfrèreluifitreleverlatête,etellecroisaleregardsurprisdeLara.—Votreentretien?Queveux-tudire?Jamesparutdécouvrirsaprésence.—Unentretienentrehommes.Onavaitàdiscuter.—Àdiscuter?répétaIsabelensetournantversNick.Celui-cilevasonverreetfeignitdesavourerquelquesgorgées.—Oui.—Je…Discuterdequoi?demanda-t-elle,denouveautournéeverssonfrère.—Franchement,çaneteregardepas.Entantquecomte,j’aidemandéàlordNicholasdem’accorder

unmoment.Àcesmots,Isabelécarquillalesyeux.Manifestement,Nickseretenaitdesourire.

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— Je ne pouvais pas refuser cette entrevue, lady Isabel, finit-il par dire. Ni au comte qu’il est,effectivement,niàl’hôtequimereçoit…Cemoutonestdélicieux,ajouta-t-ilaprèsuninstant,etlageléeestparticulièrementgoûteuse.Tunetrouvespas,Rock?

—Jesuistoutàfaitd’accord,réponditsonamiavecunamusementévident.Isabel lesauraitbien transformésenaspics, tous lesdeux!Commeellese tournaitversLara,elle

aperçut la lueur malicieuse qui pétillait dans les yeux de celle-ci, et elle fronça les sourcils à sonintention.Mais,sanss’enémouvoir,sacousines’adressaàJames.

—Ettuasapprisàfaireunnœuddecravateplutôtimpressionnant!—Ohoui!Tuveuxquejelerefasse,pourtemontrer?Et,sansmêmeattendrelaréponsedeLara,Jamestirasurl’unedesextrémitésdesonchef-d’œuvre

et,montrantuneindifférencetotalepourlesusages,entrepritdefaireladémonstrationdesestalents.Isabels’inclinaversNick.— Comme vous pouvez le constater, chuchota-t-elle, mon frère est peut-être comte, mais il est

absolumentincapabled’agircommeteltoutseul.J’aimeraisquevousmedisiezdequoivousavezparlé.—Devous,réponditNicksansquitterJamesdesyeux.—Demoi?murmuraIsabel,certained’avoirmalentendu.—Devous.—Et…etalors?Avecdesgestesappliqués,Nickcoupaunmorceaudemouton,yajoutauncubedepommedeterre

saupoudré de persil, porta le tout à sa bouche et se mit à mastiquer. Àmastiquer si longuement quel’impatienced’Isabellafitsortirdesonsilence.

—Oh,pourl’amourduCiel,avalezdonc!Nicksetournaverselleavecunesurprisefeinte.— Vraiment, lady Isabel, quelle vigueur dans l’injonction ! Vous devriez vous montrer plus

prudente…Vousrisquezdemedonneruneindigestion.— J’en serais désolée, croyez-moi, lord Nicholas. Cela vous amuse, n’est-ce pas ? ajouta-t-elle

quandilpouffadoucement.—Jel’avoue.Envérité,jem’aperçoisquejem’amusedèsquejesuisavecvous.Isabelsentitsesjouess’empourprerdenouveausousl’effetdecettedéclaration,etduplaisirqu’elle

enéprouvait.Maisellenepouvaitquandmêmepassetransformerenpéronnellerougissantedèsqu’illuiadressaitlaparole!

—Pardonnez-moid’insister,dit-elleaprèss’êtreéclaircilagorge,maisdequoiJamesetvousavez-vousdiscuté?

—Inutiledevousalarmer.Votre frères’inquiète simplementdecequevousdeviendrezaprèssondépartpourl’école.

—Etenquoipense-t-ilquecelavousconcerne?—Ilaconçuunmoyend’assurervotresécurité,etilmedemandaitmonavis.Del’autrecôtédelatable,Jamessetordaitlecoupourapercevoirsacravate,queRockl’aidaità

remettred’aplomb.—Très réussi, James,déclaraNick.C’estcertainement leplusbeaunœudque tuaies fait jusqu’à

présent!Avecunsourireradieux,JamessetournaversLara,quiserépanditencompliments–équitablement

partagésentrelejeunegarçonetRock,quiavaitapportélatouchefinale.MaisIsabeln’étaitpasd’humeuràappréciercetableau.Lessourcilsfroncés,ellechuchota:—Quelgenredemoyen?

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NickattenditqueReginaaitdébarrassésonassiettevidepoursepencherversIsabel.—Ilpensequenousdevrionsnousmarier.Isabelouvritlabouche,lareferma,puisl’ouvritdenouveau.—Ehbien…repritNickavecunsourireencoin.Jecroisquej’airéussiàvousrendremuette.—Je…—Jamesa affûté ses arguments. Il estimequevotre capacité àvousoccuperd’unemaisonetvos

donspourlecalculfontdevousuneexcellentecandidateaumariage…Etilahâtequejevousvoiesurun cheval, poursuivit-il comme Isabel, abasourdie, gardait un silence prolongé. Apparemment, vosprouesseséquestresvontm’éblouir.Autantvousdirequejenetiensplusd’impatience.

—Je…—Etpuis–lepointestdécisif–vousn’êtespaslaide.Isabelclignadesyeux.CeuxdeNickpétillaientd’amusement.—Rappelez-vous,Isabel,quec’estvotrefrèrequil’adit.Jenevoudraispasm’attribuerlemérite

d’un compliment aussi bien tourné. Pourma part, jeme seraismontré beaucoup plus banal. Il faut ungrandorateurpour…

—Paslaide…répétaIsabelavantdesecouerlatête.Effectivement,uncharmantcompliment.—Ah,vousavezretrouvévotrevoix!—Onledirait,répliqua-t-elle,incapabledenepasrépondreàsonimmensesourire.Rassurez-moi,

monsieur,monfrèreapprendra-t-ilàl’écoledesqualificatifsplusaptesàcharmersafuturecomtesse?—Onnepeutquel’espérer.Sinon,nouspouvonsnousfairedusoucipourlalignéedesReddich.L’éclatderirequiéchappaàIsabelattirasureuxl’attentiondesautresconvives.— Durant notre entretien, James a dit quelque chose au sujet de lady Isabel qui m’a beaucoup

intrigué,déclaraalorsNick.Face à l’intérêtmanifeste de l’assistance, Isabel éprouvaune brusquenervosité. Il n’allait tout de

mêmepasrépéterquelquechosed’embarrassant?—Quoidonc,lordNicholas?demandaLara.—Ilprétendquec’estunechampionneauxcharades.—C’estlavérité,acquiesçaLara.Jen’aijamaisvuquelqu’und’aussidoué.— J’aimerais en avoir la preuve, déclara Nick en observant Isabel d’un air songeur. Mais, tout

d’abord,jecroisquenousavonsrendez-vouspourdanser.Surce, ilse levapouraiderIsabelàrepoussersachaise.Aumomentoùelleseretournaitpour le

remercier,ellefutfrappéeparl’intensitéduregardqu’ilposaitsurelle,etellebaissalatête.—Merci.—Ilfautquejevousdise:j’auraisutiliséunetoutautreformulepourvousdécrire,déclara-t-ilen

luiprésentantsonbras.Isabelsentitsoncœurs’emballer,maiss’efforçadeprendreunairdégagé.—Vousvoulezdire,autreque«paslaide»?Il ne sourit pas. Soudain, l’air sembla se raréfier dans la pièce, et Isabel se surprit à retenir son

souffle.—Jevousauraisdécritecomme…magnifique.

Isabels’arrêtanetsurleseuildelasalledebal,stupéfaite.AprèsavoirquittéNick,elleavaitaussitôtexposéàJanesesplanspourlasoirée,luidemandantde

faireenleverlesdrapsdeprotectiondequelquesfauteuilset,sipossible,d’épousseterlepianoforte.MaisJaneavaitopéréunmiracle.

Page 127: Tome 2 - L'Amour en 10 Leçonsekladata.com/ZIMd_Kq5ZDsA09QkpcvioJ2L7sA/Tome_2_-_L_39...sans pouvoir réprimer un sourire devant sa surprise. Quand il ouvrit la bouche et la referma,

L’extrémitédelasallebaignaitdansladoucelumièredoréededizainesdebougies–désassortieset,detouteévidence,rafléesdanslamaisontoutentière.Lescandélabresavaientétéjudicieusementplacésdemanièreàcréerunespaceintime,bordépardeuxméridiennesetplusieursfauteuilsconfortables.Lesmeublescommeleparquet,fraîchementencaustiqués,luisaientdoucement.

Surunetables’alignaientunegrandecoupedelimonade,unebouteilledecognac,plusieursverresetunplateaudepetits-foursqueJamess’empressadegoûter.Isabelsouritenvoyantcetajoutinattendu.ElleauraitpariéqueGwenavaitpassélaplusgrandepartiedel’après-midiàconfectionnerlesminusculespâtisseries.

—Commec’estbeau…chuchotaIsabel.—Voussemblezsurprise,observaNick.—Jelesuis…Ilyaunedécenniequecettesalledebaln’apasétéutiliséecommetelle,expliqua-t-

elleavecunpetitrireravi.Nouslanettoyonsrégulièrement,mais…maisnousn’avonsguèrel’occasiondedonnerdesbals,àTownsendPark.Nousmanquonsdramatiquementdecavaliers.

Ilsouritenl’entendantriredenouveau,puisils’inclinadefaçonexagérée.—Vousavezplusieurscavaliersàvotredisposition,cesoir,mademoiselle.Surcesentrefaites,unepetiteportes’ouvrit,livrantpassageàGeorgiana,qui,latêtebaissée,entra

d’un pas rapide, comme si elle ne s’intéressait pas aux occupants de la pièce. Surprise par cetteapparition,carlagouvernanteavaitététerrifiéeàl’idéed’êtrereconnueparNick,Isabelouvritlabouchepourluidemandersiquelquechosen’allaitpas.Maisellelarefermasansriendirequandlajeunefille,leurtournantledos,s’assitaupianoforte,placédansuncoinàpeineéclairé,etsemitàjouerunevalse.

JameslarejoignitaupianotandisqueRocks’inclinaitdevantLarapourl’inviteràdanser.Isabellesobserva avec unmélange de curiosité et de nervosité lorsqu’ils commencèrent à tourner autour de lasalle.Elleauraitvouluréfléchirauxliensquisetissaientmanifestemententreeux,maiselleavaitbientropconsciencedelaproximitédeNick.

Aprèsuneattenteinterminable,elleentenditenfinsavoixprofonde.—Isabel…—Mmm?fit-elleenessayantdésespérémentdenemanifesterqu’unintérêtdistant.—Voulez-vousdanser?demanda-t-il,unsouriredanslavoix.—Oui,s’ilvousplaît,murmura-t-elle.Etellefutdanssesbras,tournoyantaurythmedelavalse.—LagouvernantedeJamesaundonpourlepiano,observa-t-il.—IlyadenombreuxtalentsàMinervaHouse…MaisIsabeln’avaitpasenviedeparlerdesfilles.Pasmaintenant,alorsqu’elleétaitdanssesbras.—Vousêtesunexcellentdanseur.—Pourquoiprétendez-vousnepassavoirvalser?—Je…jen’aijamais…Illafittourner,etellefermalesyeuxpoursavourertoutensembleleplaisirdumouvement,laforce

quiémanaitdeluietlamanièredontillaguidaitavecunefermetépleinedegrâce.—Vousdevriez.Votrecorpsestfaitpourêtreenlacéainsi.Lesmotscoulaientdansl’oreilled’Isabel,chaudsetliquides.Ellesavaitqu’illatenaittropserréeet

qu’elleauraitdûprotester.Maiselleenétaitincapable.Aprèsunnouveautournoiement,quandellerouvritlesyeux,ellesetrouvafaceàlaporteparlaquelle

Georgiana était entrée. Dans l’entrebâillement, trois visages curieux – ceux de Gwen, de Jane et deKate–observaientl’intérieurdelasalle.Isabelneputréprimerunriresurpris.

—Qu’ya-t-il?

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—Neregardezpasmaintenant,maisnousavonsapparemmentunpublic.Àsonsourire,ellevitqu’ilavaitcompris.—Vucequejeconnaisdesfemmes,çanem’étonnepas.—Pourêtrehonnête,elless’efforcentdesemontrerdiscrètes.—Ellessemontrentplusdouéespourcelaquelesfemmesdemafamille.Cesmots,prononcésavecuneadmirationmalicieuse,éveillèrentlacuriositéd’Isabel.—Sivousmeparliezd’elles?—Mademi-sœur,Juliana,estitalienne,cequifaitd’ellelepersonnagequevouspouvezimaginer.

Elleesttêtuecommeunemule,exaspérante,etatendanceàdiredeschosesabsolumentinappropriéesauxmomentslesplusinappropriés.

—Unefilleformidable,dirait-on.Ils’esclaffa,puisajouta:—Ellevousplairait,jepense.Etjesaisquevousluiplairiez–Londresetlahautesociétél’agacent,

et elle éprouve une aversion particulière pour les coquettes et les dandys, ce qui rend virtuellementimpossibledeluitrouverunmari.Heureusement,c’estleproblèmedeGabriel.

—Ah,l’avantaged’êtrelesecondfils!—Précisément.—Etvotrebelle-sœur?—Oh,Callievousadorera.Isabelaccueillitcetteaffirmationavecunlégerrire.— J’ai du mal à croire que la marquise de Ralston « adorera » une fille du Nord élevée à la

campagne,quiportedespantalonsquandellelejugepratiqueetavécuunebonnepartiedesavieavecdesfemmesquiontfaitdeschosesabsolument…inappropriées.

—C’estprécisémentlaraisonpourlaquellelamarquisedeRalstonvousadorera.Isabelleregardadroitdanslesyeux.—Jenevouscroispas.—Unjour,jevousemmèneraiàLondres,etvousentendrezlavéritédelabouchedemonfrèreetde

mabelle-sœurenpersonne.Cettepromessealladroitaucœurd’Isabel.Unjour,ilsseretrouveraientdoncensembleàLondres,

ellerencontreraitsafamille,etellediscuteraitavecl’undescoupleslesplusenvuedelahautesociété?Siseulementcelapouvaitêtrevrai!Commec’étaitétrange…Ici,danscettepièceàlalumièretamisée,tandisquelamusiqueexerçaitsa

magieetquecethommefortetexceptionnel la faisaitvalser,elleavaitenviequecelase réalise.Elleauraitvouluêtresacompagneetvivrelaviequisedessinaitderrièresesparoles.

Alors,s’abandonnantauxsensationsdeladanse,aubalancementdeleurscorpsetàlachaleurdesbras de Nick refermés autour d’elle, elle s’autorisa à caresser le rêve qu’elle s’était si longtempsinterdit :que sapremièrevalse soit avecunhommequi tiendrait à elle, laprotégerait, partagerait sespeineset…l’aimerait.

Unefoisdeplus,ellefermalesyeux,conscientede lapressiondelamaindeNickaucreuxdesataille.Ellesentaitseslonguescuissesmuscléeseffleurerlessiennesdurantlesmouvementsgrisantsdelavalse.Quandellerouvritlesyeux,ilfixaitsurelleunregardpénétrant.

—Est-cequevousvousamusezbien?Elle savait qu’elle aurait dû jouer les coquettes.ÀLondres, la femmedans sesbras aurait euune

repartiebrillante,drôleetprovocante.MaisIsabelnepossédaitpascetalent.—Beaucoup.

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—J’ensuisheureux.Vousméritezd’avoirunpeudeplaisir.Àmonavis,vousnevousenaccordezquetroppeu.

Isabeldétournalesyeux,embarrassée.Commentcethommeenétait-ilvenuàlaconnaîtresibienetsirapidement?

—Pourquoi?murmura-t-il.Pourquoinepasdanser,rireetvivreselonvotrerêve?—Lesrêvessontpourlespetitesfillesquin’ontpasdesoucis,répliqua-t-elle.—Neditespasdesottises.Nousavonstousdesrêves.—Mêmevous?—Mêmemoi.—Dequoirêvez-vous?demanda-t-elle,d’unevoixsiétrangléequ’ellelareconnutàpeine.—Cesoir,jevaisrêverdevous,répondit-ilsansunehésitation.Etvous?—Jedevraisrêverd’uneécolepourJames,d’unendroitsûrpourlesfilles,d’untoitremisàneufet

d’uneprovisioninépuisabledebougies.—Allons,Isabel,protesta-t-ilavecunpetitrire,vouspouvezfairemieux!Ilnes’agitpasdeleurs

rêves,maisdesvôtres.Dequoirêvez-vouspourvous?Durantunlongmoment,rienneluivintàl’esprit.Riend’avouable,dumoins.—J’aimeraisdanserdavantage,finit-ellepardireavecunsourire.— Je serais heureux d’exaucer votre souhait, dit-il en la faisant tournoyer de plus belle. Quoi

d’autre?—Je…jenesaispas.—Iln’yariend’autre?insista-t-il.—Jevoudraisqu’onnemeconsidèrepascommeégoïste,murmura-t-elle.Lesyeuxplongésdanslessiens,ils’arrêta.Elles’aperçutqu’ilsétaientàl’extrémitédelasalle,dans

unequasi-pénombre.—Égoïste?Quand,sansplusleregarder,ellehochalatête,illaissaéchapperunrireincrédule.—Isabel,vousdevezêtrelapersonnelamoinségoïstequej’aiejamaisconnue.—Cen’estpasvrai.—Qu’est-cequivousfaitdirecela?Répugnant toutd’abordàrépondre, Isabelpinça les lèvres.Puissonenviedepartagercetépisode

avecluil’emporta.—Je…Monpèrem’aoffertlapossibilitédetoutarranger.Desauverlamaison,ledomaineettoutle

reste.Ilsuffisaitpourcelaquej’ailleàLondresetquejelelaissemetrouverunmari.—Quelâgeaviez-vous?Enentendantsontonfroid,Isabelcraignitsoudainqu’ilnelajuge.Commesamèrel’avaitfait.—Dix-septans.—Etvousavezrefusé.Isabelravalalessanglotsquimontaientdanssagorge.—Jenevoulaispas…jenevoulaispaslemêmemariagequemamère.N’êtrequelefantômed’une

épouse…Ilestalorspartietn’estjamaisrevenu.Mamèreestmortepeuaprès,sansavoircessédememaudireetdemerendreresponsabledesonabandon.

Voyantqu’ilgardaitlesilence,Isabelregrettades’êtreconfiée.—Sijevousaidéçu,j’ensuisdésolée.D’undoigtsoussonmenton,ill’obligeaàreleversonvisageverslesien.—Jenesuispasdéçu,moncœur,dit-ild’unevoixcontenue,jesuisfurieux…

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Aprèss’êtreassuréquelesautresnepouvaientpaslesvoir,ilajouta:—Jeregrettedenepasavoirétélà.Siseulementj’avaispu…Ils’interrompitquandellefermalesyeux.Commeelleleregrettait,elleaussi!Du bout des doigts, il descendit le long de son cou, jusqu’à l’endroit où son pouls palpitait à un

rythmeeffréné.Ellenevoulaitpaspenseraupassémaintenant,alorsqu’ilétaitsiprèsd’elle.—J’aimeraisquevousm’embrassiez.Cetaveulessurprittouslesdeux.LavoixdeNickseréduisitàunchuchotement.—Ah,Isabel,sinousétionsn’importeoùsauf…Ellebaissalatête.—Jesais.—Vraiment?Savez-vousàquelpointjevousdésire?—Oui,répondit-elle,incapabledeleregarder.—Commentlesavez-vous?Savoixsourde,enjôleuse luidonna lecouragede relever lesyeux.Lessiensétaient tropsombres

pourqu’elledistingueleurcouleur,maisellepouvaitdevinersespensées.—Parcequejevousdésiremoiaussi.Legrondementétrangléqu’illaissaéchapperrésonnaenelle,seprolongeantenuneondedeplaisir.

Ellevoulutdétournerlevisageunefoisdeplus,maisill’enempêcha.—Non,regardez-moi.Commentnepass’exécuterfaceàunedemandeaussipressante?— Je ne suis pas parfait. Je ne peux pas vous promettre de ne jamais faire des choses qui vous

heurteront.Maisjeferaitoutcequiestenmonpouvoirpourvousprotéger,ainsiqueJamesetlesfillesdeMinervaHouse.

Quandils’interrompit,elleretintsonsouffledansl’attentedesmotsquiallaientsuivre.—Jepensequevousdevriezréfléchiràlapropositiondevotrefrère.

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14Leçonnumérosix

Une fois que vous avez retenu son attention, ne vous reposez pas sur voslauriers!Conquérir un lord exige de la ténacité, chère lectrice. Ce n’est pas uneentreprisepourlesvelléitaires,nipourlespusillanimes.Unefoisquevousavezchoisi votre chevalier blanc et qu’il vous a reconnue comme sa dulcinée,surtout,nerelâchezpasvosefforts!N’oubliezpasque, jusqu’auderniermoment,unebataillepeutêtregagnéeouperdue.Encescirconstances,ilvousfautdelaconstance,deladéterminationetdel’endurance!

PearlsandPelisses,juin1823

Assisedanslagrandebaignoiredecuivre,lapeaurougieparlavapeurbrûlante,Isabellevalamainpourcontemplerleboutfripédesesdoigts.

—Iladitqu’iluseraitdumot«magnifique»pourmedécrire.Depuislelitd’Isabel,surlequelelleétaitassise,Laraluijetaunregardravi.—Etilveutsemarieravectoi!—Iln’apasditça,protestaIsabelavecunecontractionnerveuseaucreuxdel’estomac.Justequeje

devraisréfléchiràlapropositiondeJames.—Quiestdetemarier!AveclordNicholas!—Oui,maiscelanesignifiepasqueluiaimeraitm’épouser.—Franchement,Isabel…Jepensequec’estprécisémentcequ’ilveutdire.—Non.Cequ’ilveutdire,c’estquejedevraisenvisagerdememarier.Pasforcémentaveclui.—Àmonavis,tufaisexprèsdenepascomprendre.Ilestévidentquesadéclarationvousconcerne

touslesdeux.—Commentpeux-tuenêtreaussisûre?—Jevaisteledire.Nousn’avonspasvul’ombred’unhommeacceptableàTownsendParkdepuis

deuxans!Àquivoudrais-tuqu’ilfasseallusion?Enoutre…J’aivulamanièredontilteregardait,etcelledontvousdansiez.C’esttoiqu’ilveut.

—Peut-être que c’estmoi qu’il veut, rétorqua Isabel, acerbe,mais ce n’est pas pour autant qu’ilsouhaitem’épouser.

—Etpourquoipas?répliquaLarad’untonindigné.Tuesl’épouseidéalepourlordNicholas!Onpourraitmêmeobjecterqu’entantquefilledecomte,tumériteraismieuxquelefilscadetd’unmarquis!

Isabelneputs’empêcherderire.

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—Peut-être que ce serait vrai si mon père n’avait pas été le plus dégénéré des aristocrates. Enl’occurrence,jepensequelordNicholaspourraittrouverbienmieuxquemoi.

— Balivernes ! Tu es ravissante, compétente, intelligente et pleine d’esprit. N’importe quelgentlemanauraitdelachancedet’épouser.

—Jeteremercie,macousine,ditIsabel,ironique.—Cen’estpasuncompliment,c’estlavérité.Tudoisquandmêmesavoirqu’unhommecommelui

n’envisageraitpasdet’épousers’ilnetrouvaitpasl’idéeplusqu’acceptable.«Acceptable»?Quelmothorrible!Sansrépondre,Isabelappuyasatêtecontreleborddelabaignoireetfermalesyeux.À peine douze heures auparavant, entendre dire que lord Nicholas la trouvait acceptable l’aurait

affolée.Elleauraitfuisacompagniepourneplusjamaisreparaîtredevantlui.Était-ilpossiblequ’ellecommenceàteniràcethomme?Commentavait-ilpuenvahirtoutessespenséesenmoinsdedeuxjours?Envisageait-ellevraimentd’accordersaconfianceàunétrangercomplet?Elleneconnaissaitriendelui,quediable!

Rien…hormisl’effetqu’ilproduisaitsurelle.Etceteffetneluiplaisaitpas.Ellen’aimaitpasquesonpoulss’accélèreensaprésence,quelerouge

luimonteauxjouesfaceàsonsourirenarquois,quel’envieladémangedetoutluiraconterdesonpasséetdesasituationprésente.

Et voilà qu’il la tentait avec une offre de mariage. Pour la première fois de sa vie, Isabel sesurprenaitàréfléchirsérieusementàlaquestion.Lemariage,telqueNickleprésentait,neressemblaitenrienàceuxqu’elleconnaissait,avecleurcortègedepièges,debataillespourlepouvoiretdeluttespourconserversonintégrité.

Soudain,l’idéeneluisemblaitplusaussirepoussante.Saufque…—Ilnem’apasdemandéeenmariage.Laralevalesyeuxauciel.—Biensûrquesi.—Iln’apasprononcélesmots.—Quelsmots?Isabelbaissalatête.Lerefletdesbougiessurl’eauluirappelalapénombredanslecoindelasalle

debal,leurvalseetsonaveu.—Iln’apasdit:«Épousez-moi,Isabel.»—Tucoupeslescheveuxenquatre.—Iln’empêche…Uneexclamationétrangléedesacousineluifitbrusquementreleverlesyeux.—Qu’ya-t-il?—Enfait,tuaslebéguinpourlui!—Pasdutout.—Maissi!déclaraLarad’untontriomphant.TuaslebéguinpourlordNicholas!—Jeneconnaiscethommequedepuistroisjours.—Ilyaeuledîner…ladanse…Troisjourssuffisent,assuraLara,commesielleétaitexperteen

histoiressentimentales.—Commentpourrais-tulesavoir?—Jelesais,c’esttout.CommejesaisquetuaslebéguinpourlordNicholasSt.John.—Pourrais-tuarrêterdeprononcerlemot«béguin»?grommelaIsabel.—Commentest-cearrivé?

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—Jenesaispas!s’écriaIsabelensecouvrantlevisagedesesmains.Jeneleconnaismêmepas!—Ilsembleraitquetuensachesassezsurlui,lataquinaLara.—Cen’estpasdrôle.C’estaffreux.—Pourquoi?Ilveutt’épouser!—Paspourdesraisonssensées.—Jenesuispascertainequ’ilexisteuneraisonsenséedesemarier.—Bien sûr que si ! Il pourraitm’épouser pour de l’argent ou pour des terres, pour respecter les

convenancesoupourajouterdelarespectabilitéàsonnom.Enl’occurrence,ilnepeuts’agird’aucunedecesraisons,puisquejenepeuxrienluiapporterdetoutcela!

—Isabel…murmuraLaradansungloussement.—Cen’estpasdrôle,vraiment.Enfin,sil’onn’apasunsensdel’humourdévoyéetmacabre.—Tudramatises.Entoutesincérité,l’idéedetemarieraveclordNicholasnet’intrigue-t-ellepasun

toutpetitpeu?Isabelaccueillitcettequestionsansdétourparunsilenceprolongé.Avecunsoupiragacé,ellefinit

parriverlesyeuxauplafond.Elleavaitpassé lesvingt-quatreannéesdesonexistenceàseconvaincrequ’ellenevoulaitpasse

marier, pas avoir d’enfants ni de compagnon.Son avenir était tout tracé : aider James à redonner sonlustreaunomdeReddich, assurer lapérennitédeMinervaHouseetvieillir avec laconviction intimed’avoircontribué,mêmemodestement,àrendrelemondemeilleur.

Etsoudain,toutessescertitudesvolaientenéclats.Siellevoulaitsemontrervraimenthonnête,cependant,elledevaits’avouerque,oui,elleavaitrêvé

d’autrechose.Durantsesnuitssanssommeil,elles’imaginaitàLondres,chevauchantdansHydePark,consultant lesnomsdesdanseursinscritssursoncarnetdebal,courtiséeenbonneetdueformeparungentlemanquideviendraitsoncompagnonattentionné.

Ellesehâtaitalorsd’étouffercerêve,parcequ’ilétaithorsd’atteinte.Jusqu’àprésent…—Jel’aimebien,finit-elleparreconnaîtred’unevoixàpeineaudible.—Jelesais.—Jamaisjen’auraispenséquecelaarriverait.Etc’estplutôtterrifiant.—Celaaussi,jelesais,répliquaLaraavecunsourire.—Ahbon?—J’aimeassezsonami.—Oh ! s’écria Isabel en se redressant si brusquement que l’eau clapota par-dessus bord. Et lui

sembleavoirlesmêmessentiments.Commentest-ce…— Je l’ignore ! Je lui aimontré tes statues, puis ilm’a accompagnée à l’écurie pour nourrir les

chevaux,etpuis…alors…—Alors,ilafaitquelquechosequ’iln’auraitpasdûfaire,apparemment,supposaIsabellorsquesa

cousinebaissalatêteavecembarras.—Isabel!s’écriaLara,lesjouesécarlates.—Tul’asembrassé!—Parcequetupeuxt’érigerenjuge?—Non.Jesupposequenon,reconnutIsabelenriant.—C’estplutôtplaisant,non?— D’embrasser ? Je ne suis pas persuadée que j’utiliserais le mot « plaisant ». Mais c’est

absolumenttroublant,vraimentfrustrantetcomplètement…

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—Merveilleux.—Précisément.—Onfaitvraimentlapaire,fitremarquerLaraavecunsourirejusqu’auxoreilles.—Aprèsdesannéessansaucunhommeenvue,nousnousretrouvonscommedessottesfaceauxdeux

premiersquiseprésentent.—Cenesontpaslesdeuxpremiers.TuasévitéM.Asperton.Àcesouvenir,Isabelfrissonna.—Cefutuneépreuve,certes,maisilestvraiquej’aiévitéM.Asperton.—Alors…tuvasaccepterquelordNicholastefasselacour?Aprèsavoirenjambéleborddelabaignoire,Isabels’enveloppadansunegrandeserviette,puiselle

allas’asseoiràcôtédesacousine.Elleobservaunsilencepensifpendantquelquesinstants,avantderépondre:—Oui.S’ildemandemamain,jelaluiaccorderai.Pournotrebienàtoutes.Aumomentmêmeoùelleprononçaitcesmots,ellesutqu’ilsétaientfaux.Pourtant,elleauraitaimé

croireque,sielleacceptait,ceseraitpourMinervaHouse.Maisceseraitaussipourelle-même,malgrélerisquequ’ellecouraitdes’attacheràcethomme.Etmême,lerisquequ’elleprenaitde…

Non.Ellenecommettraitpaslesmêmeserreursquesamère.Enoutre,Nickneressemblaitenrienàsonpère.Ilétaithonnête,francetgentil,etilsemblaittoutà

faitlegenred’hommeàtenirsespromesses.Isabel devait simplement s’assurer que, si elle l’épousait, ce serait selon ses conditions. Elle lui

accorderaitsonattention,biensûr.Ellejouiraitdesacompagnie,desaconversation…etdesescaresses,quisuffisaientàchassertoutepenséerationnelledesonesprit.

Maisellenel’aimeraitpas.Fortifiéeparcettedécision,ellesetournaversLaraavecunsourire.—Peut-êtrequeceneseraitpassiterriblequecela,finalement.

Dans le Yorkshire, la pluie cessait aussi soudainement qu’elle avait commencé. Pas d’éclaircie

progressive,maisuneruptureaussibrutalequel’extinctiond’unebougie.Lorsque le ruissellement de l’eau sur les fenêtres s’interrompit brusquement, le silence qui suivit

parutsurnaturel.NickquittadesyeuxsonjeudecartesetcroisaleregarddeRock.—Enfin!ditcedernier.—TutelanguisdeLaTêtedeCochon?—Pasdutout.Jecommencesimplementàmelasserdetevoirdanscetteredingote.Ilabattitunecarte,etNick,reconnaissantsadéfaite,jetasonjeusurlatable.—Quantàtoi,onpourraitpenserquetutelasseraisdeperdrecontremoi,ajoutaRockenramassant

sesgains.Nicks’adossaàsachaise,butunegorgéedecognac,puisilregardasonami.—Jevaisl’épouser.—Vraiment?ditRocksanscesserdebattrelescartes.—Elleabesoindemoi.—Celanemesemblepasuneraisonvalablepourépouserunefille,Nick.Surtoutquandlafilleen

questionabriteunepleinemaisonnéedefugitives.— Je ne pense pas qu’il s’agisse d’une « pleinemaisonnée », répliqua Nick. Et je ne crois pas

qu’ellefassequoiquecesoitdemal.Tunelepensespasnonplus,d’ailleurs.

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—Non,c’estvrai.—Alors?—Jecroyaisquelemariagen’étaitpaspourtoi?Nicknecherchapasàbiaiser.Pendantdesannées, iln’avaitcesséde le répéter.D’unepart, ilne

connaissaitpasdemariageréussi;d’autrepart,ilnevoulaitpasselieràunefemmeparsimplestratégie,n’ayantbesoinnid’argentnid’uneallianceavantageusedansl’aristocratie.

Enrevanche, l’idéed’avoirunevéritablecompagneluisouriaitplutôt. Isabelet lui trouveraientduplaisiràêtreensemble.Unimmenseplaisir…

—J’aichangéd’avis.—Etqueferas-tuquandelledécouvriraquetuesvenuiciàlarecherched’unedesfilles?Nickneréponditpas,pourlabonneraisonqu’ilrefusaitlui-même,depuisdeuxjours,deseposerla

question.Ilconsidérad’unœilabsentlescartesqueRockvenaitdeluidistribuer.—Épouse-lapoursesstatues,repritcedernier.Épouse-laparcequetuveuxcoucheravecelle.Mais

nel’épousepasparcequ’elleabesoindetoi.— Je n’ai pas besoin de l’épouser pour les statues puisque, de toute manière, je compte les lui

acheter.Etjenesuispasentièrementconvaincuqu’elleaitbesoindemoi.—Etquantàvouloirlamettredanstonlit?Jeremarquequetuneleniespas…Nickfitsignequ’illuifallaituneautrecarte.Oui,ildésiraitIsabel,viscéralement.Lamanièredont,

cetaprès-midi,elles’étaitsilibrementdonnéeavaitfaitdeleurvalseunepuretorturetantilbrûlaitdedésir.Cen’était qu’auprixd’uneffort surhumainqu’il s’était abstenude l’embrasser, après son aveu,puisqu’ilétaitrestéenbasaulieudelasuivredanssachambre.

—Permets-moidetedirequejen’appréciepastamanièredeformulerlachose.Nickjetaunepiècesurlatable.Rockl’imita,retournaunecarteetjuraentresesdents.—Qu’est-cequetudisaissurlefaitquejeperdaistoujours?semoquaNick.—Commentappelez-vouscela,vousautresAnglais?«Unjouràmarquerd’unecroixblanche»?

Cettefillen’apasbesoindetoi,poursuivitRocktandisqueNickbattaitlescartes.Elleabesoind’argent.Contente-toid’acheterlesmarbres.

—Ellen’apasbesoinqued’argent.Etpuis…Elleneveutpasvraimentlesvendre,sesstatues.—Danscecas,quefaisons-nousici?s’exclamaRock.—Jusqu’àilyacinqminutes,nousn’avionspaslechoix.J’ajouteraiquetusemblaisprendredubon

temps,entrelalecturederomansfémininsettonappropriationendouceurdemafortune.Qu’ya-t-ildechangé,soudainement?

—Rien,réponditRockenseversantunenouvellerasadedecognac.Jesuissimplementprêtàpartir.—Ils’estpasséquelquechoseavecLara?—Pourtoi,c’estMlleCaldwell,répliquaRock.—Oh, pardon ! Il s’est passé quelque chose avecMlleCaldwell ?Vous sembliez vous entendre

commelarronsenfoire…Ah,jecomprends!—Tucomprendsquoi?—Ondiraitquejenesuispasleseulàmedébattreavecunproblèmedefemme.Latienneest-elle

aussiexaspérantequelamienne?Rockjetaunepiècesurlatable.—Distribuelescartes.Nickobtempéra,etilsjouèrentunlongmomentensilence.Rockfinitpardéclarer:—Elleesttoutàfaitcharmante.—C’estvrai.

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—Passimplementcharmante.Parfaite.Nicks’attendaitsipeuàcesmotsqu’illuifallutquelquessecondespourréagir.—Jenecomprendspas.Oùestleproblème,danscecas?—Çanepeutmeneràrien.—Pourquoipas?—Regarde-moi,Nick,répliquaRockenplongeantsonregardnoirdanslesien.—Jeteregarde.Etalors?Sonamijetasescartessurlatable.—C’estlafilled’ungentleman.Jesuisunbarbare,nédansuneruelleturque.—Ellevitdansunemaisonquirecueilledesfugitives.Ellenepeutpasêtrecomplètementsoumise

auxloisdelabonnesociété.Dumoins,pasdelamanièrequetusuggères…Jesupposequetesintentionssonthonorables?ajouta-t-ilaprèsuninstant.

Rockseleva,manifestementnerveux.Aprèss’êtreapprochédelafenêtre,ill’ouvritengrand,etuneboufféed’airfrais,encorehumide,s’engouffradanslapièce.

—S’ilsepassaitquelquechoseentrenous…elleseraitbannie.—PlusloinqueleYorkshire?ironisaNick.Sansseretourner,Rockditàvoixbasse:—Sonexilactuelestvolontaire.Nickobservasonamiunlongmoment,puisillerejoignitdevantlafenêtre.— Tu te tracasses pour rien. Tu as des dizaines d’amis riches et titrés qui accepteraient sans

sourcillertonallianceavecelle.—Tusaisbienquecen’estpasvrai,ditRockensecouantlatête.—Maissi.Çaleurseraitcomplètementégal.RocksedétournadelafenêtrepourregarderNick.—Tunepensescelaqueparcequecelateseraitégal,àtoi.Maispoureux,ceseraitdifférent.Crois-

moi,si jedescendaisdevoitureàLondresaucôtéd’unebelleetblondeAnglaise, ilsneverraientpascelad’unbonœil.Etjeneseraisplusconsidérécommeunami,maiscommeunennemiàlapeausombrequiauraitvolél’unedeleursfemmes.

Nicksoutintsonregardpendantunlongmoment.Finalementconvaincu,iljuraentresesdents.—Tutiensàcettefille?dit-ilenrefermantsamainsurl’épauledeRock.—Oui.—Ehbien,àmesyeux,çadevraitsuffire.Quelesautresaillentsefairependre.Rockesquissaunpâlesourire.—C’estfacilepourtoidedireça.Tueslefilsd’unmarquis,prêtàépouserlafilled’uncomte.—Ellen’apasditqu’elleacceptait.—Elleacceptera.Elleserait follede refuser.Maispromets-moiunechose…Promets-moiquece

n’estpastondésirinsensédelasauverquitepousseàl’épouser.Nick resta songeur. Il devinait la question sous-entendue de Rock : Isabel allait-elle réparer les

dégâts qu’Alana avait causés ? Parviendrait-elle à effacer le souvenir de la fourbe Turque ?Mais lasimpleidéed’unecomparaisonentrelesdeuxfemmeslefitgrimacer.

—Cen’estpaslamêmechose.—Jenesuispascertainquetusurvivraisentrelesmainsd’uneautrefemmequetunepourraispas

aider.—Qu’est-cequitefaitdirequejenepourraispasl’aider,celle-ci?—Lefaitquetun’asjamaisétécapabled’aideraucuned’ellesdepuisquejeteconnais.

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Unlongsilences’abattit.Nickfinitparlerompred’unpetitrireironique.—Etavantquetumeconnaissesnonplus,d’ailleurs.—Tupeuxaidercettefillesansrenonceràtavie.Jenedisriendeplus.Denouveau,Nick s’abîmadans ses pensées.Était-ce ce qu’il voulait, aider Isabel, rien d’autre ?

Celaentraitenlignedecompte,biensûr.MaisRockavaitraison:ilpouvaitlefairesansl’épouser.Etmêmelégalement,enallanttrouverDensmorepourqu’illuitransfèrelachargedeTownsendPark.Sauferreurdesapart,cedernierneseraitquetropheureuxdesedébarrasserdecetteresponsabilité.

Alors, pourquoi la pensée du mariage ne cessait-elle de le hanter ? Quel pouvoir cette femmeexerçait-ellesurluipourqu’ilsoitprêtàtoutluisacrifier?

Uneimaged’Isabel jaillitdanssonesprit.Belle, fraîche,détendue…etcertainequesonmondenes’écrouleraitpas.

Ilnel’avaitjamaisvueainsi.Belleetmalicieuse,belleetaudacieuse,belleetattentiveauxautres,belleetabandonnéeentresesbras,oui,maisjamaisbelleetsûred’elle,del’avenir,delui.

Toutcela,ilvoulaitleluidonner.Peut-être était-ce l’effet de sa faiblesse pour les femmes. Était-il voué à tomber dans un piège,

commeavecsamèreouavecAlana?Maisilluiétaitdifficiledecroirequ’Isabelleurressemblait.Elleluiparaissaitinfinimentplushonnête,etellemenaçaitdeluidevenirinfinimentpluschère.

—Jevaisl’épouser,finit-ilpardéclarer,lesyeuxdansceuxdeRock.Nousferonsunebonneéquipe.Sonamiacquiesçad’unsignedetête,etilscontemplèrentl’obscuritéensilence.CefutRockquirepritlaparolelepremier.—Tusaisquetunepeuxpaslefairesansluidirelavérité.Lesmotss’abattirentsurNickcommeunechapedeplomb.Évidemmentqu’illesavait!Dèsledébut,

ilavaitsuqu’illuifaudraitavoueràIsabelsesrelationsavecleducdeLeighton.Ilallaitdevoirluidirequ’ilrecherchaitGeorgianaetaffrontersacolèreetsesinterrogations.

Mais,aufonddelui-même,ilavaitespérélaconvaincredel’épouser,puiscélébrerlemariage,avantd’avoiràadmettrecetteentorseàl’honnêteté.

Peut-êtreétait-ceencorepossible…Commes’ilavaitludanssespensées,Rockdéclara:—Mieuxvautleluidiretoi-mêmeplutôtqu’ellenedécouvrelavéritédansquelquetemps.—Jelesais,acquiesçaNickàcontrecœur.

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15

Lematinsuivant,Isabelserenditdanslasalledesstatues.Elle étaient partie à la recherche de Nick après le petit déjeuner, s’était convaincue qu’il serait

aimabledesapartdel’informerquelesroutesétaientdenouveaupraticables.Mais l’excitation qu’elle ressentit en le voyant penché sur son carnet, dans la salle brillamment

éclairée,trahitunemotivationquelquepeudifférente.Depuis le seuil, elle l’observa tandis qu’il écrivait d’unemain sûre.Elle était presque jalouse de

l’attentionqu’ilportaitàsontravail.Quandunebouclebrunetombasursonfront,frôlantseslunettes,sapoitrinesecontractalégèrement.

Ilétaitvraimenttrèsbeau…Etelledevenaitunevraienigaude!Ramenéeà l’instantprésentparcettepensée,elles’éclaircit légèrement lagorge.Il tournaalors la

têteverselleet,sensibleàl’acuitédesonregard,Isabelplaquasesmainssursarobepours’empêcherdetripotersescheveuxoudelissersajupe.

—Jenevoulaispasvousdérangermaisj’aipenséquevousaimeriezsavoirqueRockestretournéenville… Il est allé chercher vos affaires. Nous sommes heureux de vous accueillir ici… à TownsendPark…aussilongtempsquevousenaurezbesoin.

Il ôta ses lunettes, et Isabel en éprouva une pointe de regret.D’une certainemanière, les lunettessoulignaientsonintelligenceetsonhonnêtetésoussabeauté.

Quand il lui adressa un sourire chaleureux, ses genoux semblèrent fléchir sous elle. Oui, elle lepréféraitavecseslunettes–aumoinsformaient-ellesunrempartrelatifcontresoncharme.

—C’esttrèsgénéreuxdevotrepart.Merci.Nesachantquedire,ellegigotad’unpiedsurl’autre.Ilhaussalessourcils,manifestementamusépar

sanervosité.—Nevoulez-vouspasentrer?Isabelavançad’unpas,aveclaconscienceaiguëque,pasplustardquelaveille,ill’avaitembrassée

ici.Etmêmeplusqu’embrassée.Peut-êtredevait-ellefermerlaporte…Sonpoulss’accéléra.Siellefermaitlaporte,ilprendraitévidemmentsongestecommeuneinvitation

àrépéterlascènedelaveille.Ellehésita,partagéeentre l’enviequecelle-ci se reproduiseet lacraintedecequ’il allaitpenser

d’elle.Maisquandellecroisa sesyeuxbleusétincelants, elle compritqu’il savait exactementàquoielle

pensait.Ilyavaitunelueurprovocantedanssonregard,commes’illamettaitaudéfidefermerlaporteet

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deprendreceàquoiellen’avaitcessédepenserdepuislaveille.Àregret,elles’avançadanslapièceenlaissantlaporteouverte.Sonattentions’étantportéesurla

statuelaplusproche,ellechoisitunsujetanodin.—D’oùvientvotresigrandintérêtpourl’artantique?— J’ai toujours aimé les statues.À l’école, j’étais fasciné par lamythologie. Il est logique, sans

doute,qu’aprèsmesétudes,lorsquejesuisallésurlecontinent,j’aieétéattiréparlesculturesanciennes.Aprèss’êtreperchéesurunsocle,Isabelreprit:—Ainsi,vousavezpassévotretempsentrel’ItalieetlaGrèce?Ildétournabrièvementlesyeux.—Aveclaguerre,l’Italieétaitdifficilementaccessible.Commeilétaitplusfaciled’allerversl’est,

j’aitraversél’Empireottomanjusqu’enOrient.L’art,là-bas,n’apasd’équivalent.Leurhistoireremontebienplusloinquecelleducontinent.Vousnepouvezpasimaginerleurspeintures,leurscéramiques…Jen’avaisjamaisrienvudesemblable.Etiln’yapasquelespeinturesoulessculptures.Leurcorpstoutentierreflèteleurartetleuresprit.

—C’est-à-dire?demanda-t-elle,intriguéeparlarévérencequ’exprimaitsavoix.—Leschosessontsacrées,danslesculturesorientales.Ceuxquiétudientlamusique,ladanseetle

théâtrelefontavecleurêtretoutentier.Ilya,enChine,desguerriersquipassentdesannéesàapprendrel’artdesebattre.EnInde,ladanseestunrituelaucoursduquelunseulgestefémininexprimeledébutetlafindumonde.

—Celasemblemerveilleux.—Çal’est.Etc’estd’unesensualitéquidépassecelleden’importequellevalse.La danse indienne pouvait-elle être plus sensuelle que la valse qu’ils avaient dansée le soir

précédent?Isabelavaitdumalàlecroire.Maisilyavaitquelquechosed’àlafoissombreetvoluptueuxdanslesyeuxdeNicklorsqu’ilcontinua:

—J’aimeraisvousenseignerleschosesquej’aiapprisesenInde.—Quelgenredechoses?—Malheureusement,deschosesquelesAnglaisesdebonnefamillen’apprennentpas.—Ilsetrouvequejen’aijamaisététrèsdouéepourjouerlesAnglaisesdebonnefamille.Ilyeutunlongsilence,aucoursduquell’embarrasd’Isabelallagrandissant.Quellemouchel’avait

piquéededireunechosepareille?Devait-elles’excuser?—Je…—Sivousvousapprêtezàvousexcuser, abstenez-vous. Il se trouveque j’aimeassezcette Isabel

audacieuse.Elleneputs’empêcherderépondreausourireentenduqu’illuiadressa.Partagerunsecretaveccet

hommeavaitquelquechosed’enivrant.Ellevoulaitensavoirplus…toutsavoirdelui.—Comment avez-vous acquis vos connaissances sur les antiquités grecques et romaines, si vous

avezpassévotretempsenOrient?—Aprèsquelquesannées,jesuisrevenuenEurope,secontenta-t-ildedire.—EnTurquie…Ilneconfirmapas,maiscelan’étaitpasnécessaire.— C’est en Grèce que je me suis rétabli. Durant plusieurs mois, j’ai pu étudier les antiquités,

découvrirleurssecrets.Lesantiquitésromainessontvenuesensuite,avantmonretouràLondres.Isabelauraitvoulul’interrogersursonséjourenGrèceetenTurquie.Maissoninstinctluisoufflait

qu’iln’endiraitpasplus.Ellecherchaunnouveausujet,susceptibledelesramenerverslaconversationamicalequ’ilsavaienteueavantqu’elleneressuscitecessombressouvenirs.

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Sonregards’arrêtasurlastatueauprèsdelaquelleilgriffonnaitdesnotesàsonentrée.—VoustravaillezencoresurVolupté?—Jen’arrivepasàlaquitter.—Elleestbelle.—Effectivement.Voyez-vousenquoielleestdifférentedesautres?Isabelobservalevisagedeladéesse,sesyeuxmi-clos,seslèvresgonfléesàpeineentrouvertes,son

expression–qu’elleavaittoujoursprisepourdelasomnolence.Àprésent,elleconnaissaitlavérité.Ellesentitsonproprevisages’enflammer.

—Oui,vouslevoyez…LavoixdeNickavaitchangé,àlafoispluschaude,plusdouceetplusintime.Undélicieuxfrisson

parcourutledosd’Isabel.—Toutefois,ilnes’agitpasquedesonvisage.Cequirendcettestatuedifférente,c’estlesoinquele

sculpteuraapportéàinscrirelavoluptédanschaquepartiedesoncorps.Isabelétaitfascinéeparsavoix,etquandilapprochasesmainsdelastatue,elleneputdétournerle

regard.—Touslesdétailstrahissentlapassion…Voyezl’angledesoncou,lamanièredontellerelèvele

menton,commesilasensationquil’envahitl’empêchaitderespirer.Isabelregardaitsesgrandesmainsbronzéescaresserlajouedelastatue,suivrelalignedesoncou,

puisépouserlescontoursdesasilhouetteaufildesesparolessensuelles.—Sonplaisirselitdanslamanièredontellerejettelesépaulesenarrière,dontl’undesesbrasse

relèvedistraitementpourtouchersescheveuxtandisquel’autrereposesursonventrerond,commepourapaisersespalpitations.

Machinalement, lesmainsd’Isabelavaient imitécellesdelastatue.QuandellecroisaleregarddeNick,d’unbleu incandescent, elle compritqu’il avaitparfaitementconsciencedecequ’il faisait. Il laséduisait.

Lorsqu’ilrevintàlastatue,Isabelpritunelongueinspiration.—Maisl’indiceleplusrévélateurdesonémotionestpeut-êtreici…dit-ilenprenantencoupel’un

desseinsdelastatue.Sapoitrineestpluspleinequecelledesautresstatuesromainesdecetteépoque…Et elle est parfaite du point de vue anatomique. Vous remarquerez la pointe légèrement érigée de cesein…

Commentpouvait-ilresteraussiimperturbable?Isabelsemorditlalèvrequandildessinadupoucelecontourdumamelondemarbreblancetdutlutterpournepasimitersongeste.Siseulementç’avaitétéellequ’ilcaressait!

Le souffle qu’elle retenait s’exhala enun soupir tremblant, à peineperceptible.Mais il l’entendit.DélaissantVolupté,iltournabrusquementlatêteverselle.Lebleudesesyeuxs’étaitassombri.

—Jecontinue?Isabels’approchadeluiautantqu’elleleputsansletoucher.Elleremarquaalorslatensiondansses

épaules et le petitmuscle qui tressaillait dans sa joue – signe, qu’elle avait appris à reconnaître, del’effortqu’ilexerçaitsurlui-mêmepoursecontenir.Ilattendaitqu’ellefasselepremierpas.

Elleposalesmainssursontorse,puissehissasurlapointedespieds.—Pasaveclastatue,s’entendit-ellemurmurer,avantdel’embrasser.Ilrestaitimmobile,sanslatoucher,sansluirendresonbaiser,etellecompritqu’illuiremettaitles

rênes.Quellegriseried’êtremaîtressedesonpropreplaisir!Elleauraitridesedécouvriruntelpouvoirsurlui,sicelan’avaitpassembléincongru.

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Aprèsavoirnouésesbrasautourdesoncou,ellesepressacontrelui,etlachaleurquiémanaitdesoncorpséveillaunesensationenivrantedanslesien.Elleouvritleslèvrespourluisignifiersondésird’êtrelà,danscettepièce,danssesbras.Commeilnefaisaitpasminedes’emparerdesabouche,ellesuivitd’unelanguetimidesalèvreinférieure.

Ellevenaitdedécouvrirlacléquilibéraitlabêtefauve.Avecungrognement,Nickrefermasesbrasautourd’elle, toutenouvrantlaboucheàsescaresses.

D’abord hésitante, Isabel saisit ce qu’il lui offrait, et leurs langues se touchèrent, se caressèrent, semêlèrentenunedansetouràtoursuaveetprovocante.

Quandilmitfinàleurbaiser,cefutpourlasouleveretladéposersurlesoclebasdeVolupté.—Nebougezpas,luiordonna-t-il,avantdesedirigerverslaporte,qu’ilreferma.Celafait,ilrevintverselle,semblabledanssadémarcheàungrandfélinsoupleetpuissant.Lecœur

d’Isabelbattaitlachamadelorsqu’ilfinitpars’arrêterdevantelle,l’observantcommeilavaitobservélastatue.

Ainsi juchée surunpiédestal, elle avaitune têtedeplusque lui.N’y tenantplus, elle enfonça sesdoigtsdanssescheveuxpourreleversonvisageverslesien.Unepromessesilencieusebrillaitdanssonregard, et sa cicatrice avait pâli. Elle en effleura l’extrémité de ses lèvres, au coin de l’œil, puiss’emparadesabouche.

Il l’encouragea de ses mains d’abord refermées sur ses flancs et les fit ensuite remonter jusqu’àl’endroitoùletissucédaitlaplaceàlapeau.Interrompantalorsleurbaiser,ilpromenaseslèvreslelongdesoncou,toutentirantsurlehautdesoncorsagepourlibérerl’undesesseins.

—MaVoluptéenchairetenos…chuchota-t-il.Lachaleurdesonsoufflesursonmamelonendurcitencorelapointe,etIsabels’accrochaàluiavec

uncrideplaisirlorsqu’ilcommençaàletaquinerdeseslèvres,desalangueetdesesdents.Quandilfinit par relever la tête, tous deux haletaient, et elle s’agrippait à ses épaules pour conserver sonéquilibre.

—Avantquenousn’allionsplusloin,dit-ild’unevoixentrecoupée,jepensequ’ilfaudraitparlerdenotremariage.

MaisIsabelnevoulaitpasqu’ils’arrête.Nepouvaient-ilspasendiscuterplustard?—Oui,murmura-t-elle,avantdebaisserdenouveaulatêtepourl’embrasser.—Oui,quoi?—Quoi?Ilsouritet,faceàsonplaisirmanifeste,ellesentitquelquechosesecontracterdélicieusementauplus

profonddesoncorps.—Isabel…Jepensequenousdevrionsnousmarier.Elleluirenditsonsourire.—Jesuisd’accord.—Parfait.Illarécompensad’unautrelongbaiser,avantdesaisirsesbraspourlesreleverau-dessusdesatête

etplacersesmainsautourducoudelastatue.Isabelsentitlemarbrefroiddeladéessecontresondosnu.Une fois qu’il l’eut placée à sa convenance, il reporta son attention sur sa poitrine. Elle retint ungémissementlorsqu’ilagaçadesesdentslapointedesonseingonflé,puisl’apaisad’unelangueexperte;elleenretintunautrequand,glissantsamainentresesjambes,ilrelevasesjupespouratteindrel’endroitquiappelaitsacaresse.

—Nouslecélébreronsbientôt?

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Àcettequestion,Isabelrouvritlesyeux.Maistoutesonattentionseconcentraitsurleseffleurementsaffolantsdesesmains.Elleallaitmourirs’ilnelacaressaitpas!

—Oui…Bientôt.Ayantdénouéavecdextéritélescordonsdesaculottepourglisserunemainàl’intérieur,ill’invitaà

écarterunpeulesjambesetfrôladesesdoigtssonintimitébrûlante.—Bien.Parcequejenepensepasêtrecapabled’attendrebeaucouppluslongtemps…L’acquiescementd’Isabels’achevaensoupirlorsqu’ilglissaundoigtenelle.—Jesuissiheureuxquenoussoyonsd’accord.Cesmots, pourtant anodins, lui firent l’effet d’un feu liquide s’ajoutant à la caresse subtile qui la

privaitdetoutepenséecohérente.Ellelâchalastatuepours’accrocheràluiet,sansretirersamain,illasoulevaentresesbraspourl’emmenerjusqu’àlabanquettesurlaquelleilluiavaitdonnétantdeplaisir.Cettefois,aulieudes’yinstaller,ilfitasseoirIsabel,puiss’agenouilladevantelle.

L’intensitémêmedesondésirl’obligeaàrouvrirlesyeux.C’étaitlàcequiprovoquaitlapertedesfemmes.Elledevaitrésisteràcedésir,etàl’hommequileluiinspirait.

—Attendez…—Oui?dit-ilsansquesesdoigtscessentleurscaresseslangoureuses.—Je…Ilfautquevoussachiez…Jenepeuxpasvousaimer.—Non?Elle réprima un gémissement quand, avec son pouce, il dessina un cercle délicat autour du petit

boutondurqu’ellen’avaitdécouvertquelaveille.—Jecroiscependantquejepourraisvraimentm’attacheràvous.Ileutunrirerauque.—Jepensepouvoirdirelamêmechose.Desamainlibre, il remontases jupessurses jambes,puis ilécartacelles-ci,exposantsachair la

plusintimeàsonregard.—Qu’est-ceque…Non,arrêtez!protestaIsabel,choquée,enrefermantsescuissesetenessayantde

rabattresesjupes.—Isabel…Ils’inclinaversellepours’emparerdesabouche.Quandelles’amollitdenouveauentresesbras,il

déposaundernierbaiseraucoindeseslèvresavantdechuchoter:—Crois-moi,moncœur,tuvasbeaucoupm’aimer,aprèscela.Doucement,ilécartadenouveausesjambes.Quand,s’inclinant,ildéposaunbaiserhumideàl’intérieurdesongenou,puisremontalelongdesa

cuisse,Isabelsecouvrit lesyeux,embarrasséedesentirsabouchesiprèsdesonintimité.Puis il jouaaveclesbouclesquidissimulaientsonsexe,etcettecaresselégèresuffitàdéclencher,vagueaprèsvague,uneirrépressibletentation.

Finalement,quandelledécouvritsesyeux,ellelutunepromessesensuelledanssonregardbrûlant.—C’estcequej’attendais.Netecachejamaisdemoi,mabeauté.Ilécartaalorslesreplishumidesdesonsexepourlacaresserd’undoigt.Lasensationfutsiviveque

lepoulsd’Isabels’emballa.—Tuessibelle,ici.Jeveuxconnaîtrechaquecentimètredetoncorps…Ils’étaitpenchédavantage,etsonsoufflechaudsursapeau,accompagnantlapressionparfaitedeson

doigtsurlenoyausensible,arrachaungémissementàIsabel.—Sais-tuàquelpointj’aienviedetegoûter?Àcesmots,elleécarquillalesyeux.Ilnevoulaitsûrementpasdireque…

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Etpourtant!Dèsqu’ilposa sabouche surelle, soncorpsne lui appartintplusmaisdevint entièrement le sien.

Avecuncriétouffé,elles’accrochaàsesbouclesbrunes.Sa bouche l’aimait de toutes les manières possibles, sa langue caressant son sexe humide, s’y

enfonçant,letaquinantetdessinantdescerclesqu’ellen’étaitpassûredepouvoirsupporter.Illuiécartadavantage les jambes, et elle leva les hanches pourmieux s’offrir à lui.De la pointe de la langue, ilcherchalepetitboutongonflé,délicieusementdouloureux,etluiimposaunesuccessiondecaressesquiluicoupalesouffle.

Elle l’attiraalorsàelle, incapablede renoncerauxsensationsextraordinairesquidéferlaientdanssoncorps.Ilaccéléralerythme,jusqu’aumomentoùellecriasonprénom.

Ils’interrompitsoudain,pendantunlongetinsupportablemoment.N’ytenantplus,ellesetorditsurlabanquette,mais,d’unemainferme,illamaintintimmobile,sansquesabouchenisalangue,appliquéescontreelle,nebougent.Ellecrutmourir.

—Nick…chuchota-t-elle.S’ilteplaît…S’ilteplaît,net’arrêtepas!Exauçantsaprière,ilfinitparrefermerseslèvresautourdupetitnoyaudurci.Ellen’étaitplusque

sensations.Finalement,ilintroduisitundoigt,puisunsecond,auplusprofondd’elle,laprojetantdeplusenplus

versceprécipiceinconnuqu’elleredoutaitetdésiraitàlafois.Ellevacillasurlebordavantdeculbuter,portéeparlesmainsdeNick,parsaboucheetparlerâle

satisfaitquigrondaitdanssagorge,etellefutsoulevéeparunevaguedeplaisircommeellen’enavaitjamais éprouvé.Elle eut l’impressionque lapièce tournait autourd’eux tandisqu’elle criait sonnom,accrochéeàsescheveuxcommeauseulélémentstabledansunmaelströmdesensations.

Elle retombasur labanquetteet,aprèsun longmoment,Nick releva la tête.Lorsque leursyeuxsecroisèrent,lessiensbrillaientdepassionetdeplaisir.Isabelprituneinspirationtremblanteenessayantderecouvrersonsang-froidtandisque,ayantrabaissésesjupes,ils’asseyaitàcôtéd’elle,déposaitunbaiserlégersursatempe,puisl’attiraitcontrelui.

Commeelle laissaitretomberdistraitementsamainsur lui, il lapritdanslasienneavecunhoquetétouffé.

—Oh…Jet’aifaitmal?—Pasdutout,répondit-ilavecunsourireencoin.J’aisimplementuneenviedésespéréedetoi.Quandellecomprit,Isabelsemorditlalèvre.—Veux-tu…Puis-jefairequelquechose?Ileutunlégerrireetpressasamain,qu’ilportaensuiteseslèvres.— Il n’y a rien au monde que je désirerais davantage. Mais ce n’est ni l’endroit ni le moment.

Cependant, je suis très heureux que tu aies accepté de m’épouser. Parce que j’ai bien l’intention derépondreaffirmativementàtaproposition,etleplustôtseralemieux.

Isabelrougit,embarrasséeparlamanièredontilsavaientabordélesujet.Ileutlabonnegrâcedeparaîtrecontrit.—Mademandeenmariagen’étaitpastrèsconvenable,n’est-cepas?—C’estvrai.Maisnousn’avonspasbesoindefairedecérémonies.Iln’yapersonneicipours’en

préoccuper.—Iln’empêchequejemerachèterai.Elledétournalesyeuxpourlesabaissersursesmains,croiséessursesgenoux.—J’aibienaimélamanièredonttul’asdéjàfait.

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Il saisit alors son menton pour tourner son visage vers le sien et fouilla son regard, comme s’ilcherchait quelque chose. Ses yeux s’éclaircirent. Au baiser qu’il lui donna ensuite, doux et généreux,Isabelsongeaavecsatisfactionqu’elleavaitraisond’avoiracceptédel’épouser.Iln’étaitpasdifficiledebienl’aimer.Siseulementellepouvaitêtrecertainedenepastropl’aimer!

Uncoupfrappéàlaportel’empêchades’appesantirsurcettequestion.Isabelsautadelabanquette,lecœurbattant.Sionlesavaitinterrompusquelquesminutesplustôt…

Laportes’ouvrit,etelleentenditlavoixdeLara.—Isabel?Sacousinenelesaperçutpasimmédiatementcarilsétaientàl’extrémitédelasalle,dissimuléspar

lesgrandesstatues.AussiIsabeldit-elle,d’unevoixplusfortequ’iln’étaitnécessaire:—Jecroisvraimentqu’ils’agitd’Apollon,lordNicholas.Nickselevaet,lentement,contournaIsabelpourobserverlemarbreauquelellefaisaitallusion.—Jecrainsquevousnevoustrompiez,ladyIsabel.—Qu’est-cequivousfaitdirecela?répliqua-t-elle,plusattentiveauxpasprécipitésdeLaraqu’àla

statue.—Déjà,ils’agitd’unefemme,observa-t-ilavecironie.Isabeltournalatêtepourregarderlastatueenquestion.—Jeneparlaispasde celle-ci, évidemment.Maisde celle-là, là-bas, ajouta-t-elle avecungeste

vague,tandisqu’ilsouriaitd’unairentendu.DèsqueLarafutsuffisammentproche,Isabelcompritqu’unévénementgravevenaitdeseproduire.—Laquelledesfilles?interrogea-t-elleaussitôt.Laras’arrêtaets’efforçadereprendresonsouffle.—Georgiana.IsabelperçutlesoudainraidissementdeNick.Quandellesetournaverslui,ellefutsurpriseparla

brusquetransformationdesonvisage.—Queluiest-ilarrivé?—Elleadisparu,réponditLara.—Qu’allons-nousfaire?demandaNick,tournéversIsabel.Sielleenavaiteuletemps,elleauraitappréciésonusagedu«nous»–preuvesupplémentairequ’ils

allaientformerunebonneéquipe.Maisellesedirigeaitdéjàverslaporte,Larasurlestalons.—Nousallonslaretrouver.

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16Leçonnumérosept

N’hésitezpasàmanifesterl’admirationmêléederespectqu’ilvousinspire.Rien ne plaît davantage à un lord que de se voir rappeler sa force, sonintelligenceetsonpouvoir.Feignezd’êtreignoranteetdetoutapprendredelui,etvotrelordseraàvous.Offrez-luiquelquesoccasionsdevousvenirenaide:sivousvousbrûlez leboutdesdoigtsen jouantàSnapDragon,permettez-luidesoignervosblessures;reconnaissezsasupérioritéauxcartesetautresjeuxdesociété;et,lorsquec’estpossible,louezl’étenduedesesconnaissancesetlafermetédesoncaractère.

PearlsandPelisses,juin1823

—Quiestladernièreàl’avoirvue?Àpeineeut-elleposécettequestionqu’Isabel,prenantdesmainslelargerouleaudepapierquelui

tendaitGwen,s’approchadelatablequioccupaitlecentredelacuisine.NickvitentrerRock,àl’autreboutdelapièce.Aprèsunéchangederegardsavecsonami,ilreporta

sonattentionsurlesautrespersonnesprésentes.C’étaitdonccela,MinervaHouse.Il y avait là deux douzaines de femmes environ, toutes vêtues en homme avec pantalon, chemise,

bottes et casquette qui dissimulait leur chevelure. Elles se levèrent à l’entrée d’Isabel comme s’ils’agissaitdeWellingtonenpersonne.Aveclecalmeetl’efficacitéd’unvieuxgénéral,celle-cidéroulalepapieraucentredelatableetlemaintintdépliéaumoyend’unpichet,d’unesalièreetdedeuxbolsenbois.S’étantapproché,Nickreconnutunplandudomaine,étalédevantIsabelcommeunplandebataille.Ilendéduisitquecen’étaitpaslapremièrefoisqu’unincidentdecegenreseproduisait.

—C’estmoi qui l’ai vue la dernière, déclara Jane. Elle se dirigeait vers la buanderie avec desvêtementsdeJames.

De nouveau, Nick croisa le regard de Rock. Celui-ci indiqua la porte de service d’un airinterrogateur.MaisNicksecoualatête.IlvoulaitvoirIsabelàl’œuvre.

—Quand?—Ilyaunedemi-heureenviron.Peut-êtrequaranteminutes.—Ensuite?—Megatrouvélesvêtementsentassurlechemin,continuaJane.—Quand?Incapabledegarderlesilence,Nicks’étaitavancé.Saquestionattirasurluil’attentiondetoutesles

femmes. Peut-être ne parviendrait-il pas à convaincre Isabel de lui faire confiance,mais, bon sang, il

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pouvaitl’aideràretrouvercettefille!Laquelleavaitvraisemblablementétéenlevéeàcausedelui…LadénomméeMegjugeabond’interrogerIsabelduregardavantderépondreàlaquestiondeNick.

Elleattenditquelamaîtressedeslieuxaitacquiescéavantdedire:—Iln’yapasvingtminutes,monsieur.—Oùsontlesvêtementsmaintenant?—Surcetabouret.J’espèrequej’aibienfaitdelesrapporter,Isabel?—Tuastrèsbienfait,assuraIsabel.Elles’approchadesvêtementsetlespalpal’unaprèsl’autre.—Ilssontàpeinehumides,dit-elleensetournantversNick.Ilneputqu’admirersaperspicacité.Elleavaittoutdesuitecomprislesous-entendudesesquestions.

Avec la quantité de pluie qui était tombée ces derniers jours, les étoffes se seraient rapidementimprégnéesdel’eaudusol.

—Ellen’estpasloin.—Jepensequ’ildoityavoirvingt-cinqminutes,trentetoutauplus,qu’elleestpartie,déclaraIsabel

enreportantsonregardsurlacarte.Ilsontdûveniràpied,sinonKateauraitvuleschevaux…Auregardinterrogateurqu’ellejetaàcelle-ci,laresponsabled’écuriesecoualatête.—Ilsn’irontpasloinavecelleenpleinjour,intervintNick.Ilsrisqueraientdesefairerepérer.—Cequisignifiequ’elleestprobablementcachéesurledomaine,repritIsabelaprèsavoiropiné.Nickpoussaunlentsoupir.Elleplaçaitsaconfianceenlui.Encela,ellecommettaituneerreur,lui

soufflaunepetitevoixqu’ilrepoussaaussitôt.—Notreconnaissancedeslieuxvanousfaciliterlatâche.Kate,MegetRegina,vousallezfouiller

lesbosquetsquise trouventdans laprairieest. Jane,Caroline,Frannie,vous irez jusqu’aux terresdesMarburyenpassantparlaclôtureouest…N’oubliezpasdefouillerlesappentisoùMarburyadûlaisserdufoinàsécher.

Elleformaplusieursautresgroupes,auxquelselleassignadifférenteszonesdudomaineenles leurindiquant sur lacarte.Aprèsavoirouvertunpetitplacard, la cuisinièreen tirades trompesdechassequ’elledistribuaàchacundesgroupes.

—Sijamaisvousvoyezquelquechosed’insolite,sonnezl’alarme,indiquaIsabel.Nefaitesriensanslesautres.Commed’habitude,Gwenresteici.Sivousavezbesoindequoiquecesoit,adressez-vousàelle.

Lorsqu’ellerelevalesyeux,Nicks’émerveilladelamanièredontlesautresseredressèrent,latêtehauteetledosdroit,commen’importequelssoldatssoucieuxd’impressionnerleursupérieur.Cettepetitearméeétaitvisiblementprêteàsuivrelesordresd’Isabelsanssourciller.

Etilsesurpritàêtredisposéàleuremboîterlepas.—Laraetmoiallonsfouillerlazoneentrelamaisonetlagrand-route.Desquestions?—LadyIsabel…J’aimeraisvoirl’endroitoùGeorgianaaétéenlevée.—Nousn’avonspasletemps,répliqua-t-elle.Ilavaitbienconsciencedurisquequ’ilcouraitenl’interrogeantdevantlesfilles,maisilsavaitaussi

qu’il pouvait accélérer les recherches. Il devait le lui prouver, quitte à s’exposer, en retour, à sesquestions.

—J’aiapprisàsuivreunepiste…Par-dessus l’épaule d’Isabel, il vit Rock hausser les sourcils avec surprise. Quant à Isabel, elle

l’observalonguement,avantd’inclinerlatête.

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—Jevaisvousyconduire.MonsieurDurukhan,celanevousennuiepasdemeremplacerauprèsdeLara?

—Non,biensûr.—Parfait.Àprésent,ajouta-t-elleàl’intentiondesautres,faitesvite,prenezgardeàvousetsoyezde

retouravantlatombéedelanuit.Toutesquittèrentlacuisineenbonordre,commeunbataillonbienentraîné.Pendantqu’Isabeldonnait

sesderniersordresàGwen,NickrejoignitRock.—Ilsnesesontcertainementpasdirigésverslaroute,ditcedernierenluidonnantlepistoletqu’il

venaitdetirerdesaceinture.—Non.LeregarddeRocks’assombrit.—Luidiras-tupourquelleraisontuesici?—Passijepeuxl’éviter.—Jeneseraipasloinderrièretoi,secontentadediresonami.Ilsseserrèrentlamain,etNickrevintversIsabel.—Situasterminé,allons-y.Àl’endroitoùGeorgianaavaitétéenlevée,nonloindelamaison,ilstrouvèrentunevestesaleque

Meg,danssahâteàdonnerl’alerte,n’avaitpasramassée.Nickobservalesempreinteslaisséesdanslaboueduchemin.

—Tuvoisquelquechose?finitpardemanderIsabel.—Ilssontdeux.Etelles’estapparemmentdébattue.Ilserelevaaprèsavoirjuréentresesdentsetdésignaunbosquetsituéassezloinverslesud.—Ya-t-ilunabriquelconqueparlà?—Unecabanedebûcheronabandonnée.Jamesaimebienalleryjouer.— C’est dans cette direction qu’ils sont allés. Ils vont vouloir attendre que la nuit tombe pour

voyagerplusdiscrètement…Ya-t-ilunechancequejepuisseteconvaincred’attendreiciavecGwen?ajouta-t-ilaprèsunsilence.

MaisIsabels’éloignaitdéjààgrandesenjambées.—Aucune.Commentas-tuapprisàsuivreunepiste?—Lorsquejemesuisrendusurlecontinent,laguerresévissait.Ilsmarchèrentunlongmomentensilence.Quandelles’aperçutqu’ilrépugnaitàendiredavantage,

elleinsista:—C’esttout?Ilyavaitlaguerre?—Quepourrait-ilyavoirdeplus?—Quit’aformé?—UnmembretrèsintelligentduBureaudelaguerrebritannique.—Maistun’étaispassoldat?—Non,réponditNick.Combiendefoisas-tuorganisécegenred’opérationderecherche?demanda-

t-il,désireuxdes’écarterdecesujetdangereux.—Plusieursfois,répondit-elleavecunhaussementd’épaules,toutenaccélérantl’allure.—C’est-à-dire?—Jenem’ensouvienspas.—Faisuneffort.Unefois?Cinquante?—Plusd’unefois.Etmoinsdecinquante.Cettefemmeexcellaitdécidémentàmettresapatienceàl’épreuve!

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—Ettesrecherchesont-ellesétécouronnéesdesuccès?—Leplussouvent.—Mêmemaintenant,alorsquenousallonsnousmarieretquejet’apportemonaidepourretrouver

cettefille,tunemefaispasconfiance.Ceenquoiellenemanquaitpasdeperspicacité.Maisilforçacettepetitevoixintimeàsetaire.—Cen’estpasça…—Quoi,alors?QuiestcetteGeorgiana,pourqu’onprennelapeined’organisersonenlèvement?

insistaNickcommeellegardaitlesilence.—Jenepeuxpasteledire.—Jecommenceàmelasserdecetteréponse.—Ilnem’appartientpasdedivulguercetteinformation.—Quepeux-tumeconfier,alors?Sansralentir lepas,elletournauninstantlatêteverslui,puisreportasonregardsurlesarbresau

loin.—Cequejepeuxtedire,c’estqu’elleestplusqu’unesimplegouvernante.Maistulesaisdéjà…Et,

aussi,qu’elleappartientàunegrandefamilleetquecelle-ciferatoutpourlarécupérer.Jesavais,lorsquejel’aiaccueillieàMinervaHouse,quecejourviendraittôtoutard.

—Danscecas,pourquoil’avoirrecueillie?—Jen’aijamaisrenvoyéunefille,répondit-elleàvoixbasse.Jen’allaispascommenceravecelle.Nickselaissadistancerdequelquespasetobservasasilhouetteélancéetandisqu’ellefoulaitlesol

àgrandspas.Elles’étaitchangéeavantdeserendredans lacuisineetportaitàprésentdesvêtementsd’homme. En pantalon, avait-elle argué, elle était plus libre de ses mouvements. Il ne put retenir unsourireadmiratif.Jamaisilnel’avaittrouvéeaussibelle.

Cenefutqu’auboutd’unmomentqu’ilcompritpourquoi.Iln’yavaitriend’hésitantdansl’attituded’Isabel–rienquiindiquâtdelanervositéoudel’incertitude.Ellesedéplaçaitavecunegrâcesûreettranquille,prêteàaffrontercequiseprésenterait.

C’étaitcemélangedeforceetdevulnérabilitéquil’attiraitsiirrésistiblement.Cettefemme,dontiln’avaitjamaisconnud’égale,n’hésitaitpasàgrimpersurletoitd’unmanoirouàarpenterlacampagneduYorkshireàlapoursuitedekidnappeurs,ettrouvaitnéanmoinsletempsdedouterdesesactesetdeseremettreencause.

Quoid’étonnant à cequ’il souhaite épouserune créature aussi remarquable ?Malheureusement, ilaurait dumal à la convaincre du bien-fondé de cemariage, si jamais elle découvrait la raison de saprésencedansleYorkshire.

Ilsavaientàprésentatteintlebosquetd’arbres,etilapercevaitlacabaneàquelquesdizainesdepas.Ilsaisitlebrasd’Isabelpourl’empêcherd’allerplusloin.

—J’aimeraisqueturestesicietquetumelaissesyallerseul.Commeellesecouaitlatêteetouvraitlabouchepourprotester,illevalamain.—Ets’ilsontdesarmes…queferas-tu?—J’aidéjàaffrontédeshommesarmés.Unevaguedecolèreinattenduelesubmergea.—Jen’aijamaisentenduunetelle…As-tuaumoinsunmoyendetedéfendre?—Non.Letempsdeprendrenotequ’ildevaitluiapprendreàtireraupistolet,ilrétorqua:—Alors?Qu’as-tul’intentiondefaire?Lesexaspérerjusqu’àcequ’ilsterendentGeorgiana?Ça

peutmarcheravecmoi…maisj’imaginequenousavonsaffaireàdesprofessionnels.

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Elleluijetaunregardagacé.—Engénéral,ilsuffitquejementionnelecomte,etilsprennentleursjambesàleurcou.—Tuplaisantes?—Non,répondit-elleendétournantnéanmoinsleregard.—Isabel…D’aprèslepeuquetum’asditdeGeorgiana,crois-tuvraimentquelesgenschargésdela

retrouveraurontpeurdetonfrère?Commeellenerépondaitpas,illapoussadoucementderrièreungrostroncd’arbre.—Jevoisquetum’ascompris.Turesterasici.Nebougepasjusqu’àcequejeviennetechercher.—Ets’ilt’arrivequelquechose?Nicksoupira.Cettefemmeavait-elleunefoiquelconqueenlui?—Si je ne suis pas de retour dans dixminutes, utilise cettemaudite trompe. Et fais accourir tes

amazones.—Ellesressemblentvraimentàdesamazones,n’est-cepas?demanda-t-elleavecunsourirefugitif.Lui-mêmeneputretenirunsourireencoin.—Jesuisheureuxd’êtrecapabledet’amuser.Iltiralepistoletdesaceinture,s’assuraqu’ilétaitchargé,puistournalestalons.Maisellelerappela

d’unchuchotement.—Nick!—Oui?—Je…Soisprudent.Endeuxpas, il larejoignitetrefermasonbrasautourdesesépaulespour l’attirerà lui.Lebaiser

rapide,maisappuyé,qu’il luidonna leur rappela leplaisirqu’ilsavaient trouvédans lesbras l’undel’autre.

—Ilesthorsdequestionquejenereviennepas,déclara-t-ilensuite.Nousavonslaisséuneaffaireinachevée,toutàl’heure.

Ellerougitetdétournalesyeux.—Va.Dèsqu’ilsefutapprochédelacabane,ileutlaconfirmationquedeuxhommesdétenaientGeorgiana

à l’intérieur. Il entendait la jeune femme se débattre et pousser des cris furieux, inarticulés,malgré lebâillonqui,sansaucundoute,étaitcensé laréduireausilence.Elleobservait lapremièrerègleencasd’enlèvement : semanifester et se rendre insupportable. Elle savait que la prime serait d’autant plusélevéequ’ellen’auraitpasétérudoyée,etellen’hésitaitpasàenjouer.

Nickfutpresqueamusédevoir,parlafenêtre,l’undesesravisseurssefrotterlestempes.—Hé, lafille, fit l’autreavecunlourdaccentcockney,vousallezréussirqu’àvousfairemal.On

vousramènerapaslà-bas.Onvousramèneàlamaison.Nicks’attendaitàtombersurcegenred’individu.IlallaitdevoircasserlafigureàLeightonpourne

pasluiavoirfaitconfiance.Lesparolesdesonravisseurnefirentqu’exaspérerleseffortsdeGeorgiana,quisemitàmartelerde

sespiedsleplancherpourridelavieillecabane.Lesdeuxhommesneferaientsansdoutepasbeaucoupdedifficultéspoursedébarrasserd’uneprise

aussipeuaccommodante.Ilsuffiraitd’ymettreleprix.—Quesepasse-t-il?Ilauraitdûsavoirqu’Isabel lesuivrait !Sonchuchotement,contresonépaule, le renditnéanmoins

furieux.—Quet’ai-jedemandé?

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—Je…—Non,Isabel.Quet’ai-jedemandé?—Jenesuispasuneenfant.—Vraiment?Pourtant,tusemblesavoirdumalàrespecterlesconsignes.—Tuesinjuste!Tunepensaisquandmêmepasquejetelaisseraisintervenirsansmonaide?—T’est-ilvenuàl’espritquejem’inquiéteraispourtoietquecelarendraitleschosesencoreplus

difficiles?—Maispourquoit’inquiéterais-tupourmoi?demanda-t-elleenécarquillantdesyeuxsurpris.Jesuis

parfaitementcapabledemedébrouillerseule.—Decetteconversationaussi,jesuisfatigué.Resteicis’illefaut.Maisessaiedeteteniràl’écart,

veux-tu?—Quevas-tufaire?chuchota-t-ellequandilcommençaàcontournerlacabanepourgagnerlaporte.Mais,au lieude lui répondre, il frappa troiscoupsaupanneaudebois. Ilétait tempsdemettreun

terme à cette situation ridicule.Avec, comme conséquence presque inévitable, de déchaîner la colèred’Isabelcontrelui.

—Ouvrezcetteporte,messieurs.Jeveuxlafilleetjenepartiraipassanselle.Alors,autantavoirunepetitediscussion.

Seullesilenceluirépondit.Quandilseretourna,ildécouvritIsabelàquelquespasdelui,bouchebéedestupeur.

—J’aioptépouruneapprochedirecte…—C’estcequejevois.Àpeineeut-elleprononcécesmotsqu’ellelaissaéchapperuncriétouffé.Laportes’étaitouverte,et

unpersonnagedéplaisant,coifféd’unbonnetdelaine,tenaitNickenjoue.—Jenepensepasquenousayonsbesoinderecourirauxarmes,ditcelui-ciaprèsuninstant.L’hommequis’abritaitderrièreBonnet-de-lainesourit,dévoilantquelqueschicotsjaunis.—Ondiraitqu’si,m’sieur,fit-ilendésignantlepistoletdeNick.—Remarquepertinente,reconnutNickaprèsavoirbrièvementbaissélesyeux.Ehbien,nousallons

essayerdenousentendresansfairecoulerlesang,d’accord?L’hommehaussauneépaule,cequeNickinterprétacommeunsignefavorable.—Combienvouspaie-t-il?—Jesaispasdequoiqu’vousparlez.—Allons,nivousnimoinesommesstupides.Combienvousaoffert leducdeLeightonpourque

vousluirameniezsasœur?Ilentenditl’exclamationd’Isabelderrièreluiets’ordonnadel’ignorer.—Centlivres,réponditBonnet-de-laine,quiéchangeaensuiteunregardavecChicots.Chacun.—Celasignifie,jesuppose,qu’ilvousapromiscentlivrespourvousdeux.Maisjenesuispasdu

genreàergoter.Jesuisprêtàvousdonnerdeuxcentslivresàchacun,etsur-le-champ,sivousmelaissezlafilleetportezunmessageàLeighton.

Lesdeuxhommesseregardèrent,jetèrentuncoupd’œilendirectiondeGeorgiana,puisreportèrentleurattentionsurNick.

—Quelmessage?—Dites-luiqu’elleestavecSt.John.—C’esttout?—C’esttout.L’hommerestasongeuruninstant.Puisilfitungesteavecsonpistolet.

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—Lespicaillons?—Rock?appelaNicksansmêmesetournerverslaporte.Unbruitdepasrapidessefitentendre,etRockapparutàsoncôtéquelquessecondesplustard.—Jesuislà.—Débarrassecesmessieursdeleursarmesetescorte-lesjusqu’àlalimitedelapropriété.Unefois

là,donne-leurleurargent,etqu’ilss’enaillent.Lesdeuxhommesécarquillèrentlesyeuxdevantlastaturedunouveauvenu.QuandBonnet-de-laine

plaçasonpistoletdansl’énormepaumedeRock,celui-cisourit.—Cefutunplaisir.Nickattrapaalorslepetithommeparsesvêtements–cefuttoutjustes’ilnelesoulevapasdeterre.—Écoute-moibien…Situremetslespiedsici,jeferaiusagedemonpistolet.Etjesuisunexcellent

tireur.—Compris.Nicklelâchaaussitôtpourallers’agenouillerauprèsdeGeorgiana.Illadébarrassad’aborddeson

bâillon,puisils’attaquaauxcordesquiluiliaientlesmains.—Merci,dit-elle.—Vousdevriezvousmontrerplusprudente,ladyGeorgiana.Ellerougit.—Ilyalongtempsquevouslesavez?Nickenvisageadementir.Maisils’abstint.—Avantmêmemonarrivée.—Vous êtes venupourmoi ?C’estSimonqui vous a envoyé ? ajouta-t-elle quandNickgarda le

silence.—Ilétaittrèsinquiet.Devant les larmes qui embuèrent aussitôt les yeux de la jeune femme, Nick comprit qu’elle ne

craignait pas son frère. Il lui manquait, et son foyer aussi. C’était un sentiment que lui-même necomprenaitquetropbien.

—Ilsetrouvequej’aiunesœur,moiaussi.Jen’aimeraispaslaperdre.—Allez-vous…Devez-vousmeramener?demanda-t-elleavec,cettefois,delapeurdanslavoix.Ladernièrecordedénouée,Nickaidalajeunefilleàseremettresursespieds.—Non.Votrefrèrem’ademandédevousretrouver,pasdevousramener.—Merci,dit-elledenouveau,toutenfrottantsespoignetsécorchés.—Voussavezquevousnepourrezpasvouscacherdeluiindéfiniment,n’est-cepas?—Pasplusquevousnepourrezvouscacherd’Isabel,répliqua-t-elleaprèsavoirhochélatête.Nickneputretenirunegrimace.—Jenecroispasêtredanssesbonnesgrâces,encetinstant.—Vousnevoustrompezpas.Suivantsonregard,ilseretourna.Isabelsetenaitsurleseuildelacabane.Rocketlesdeuxhommes

avaientdisparu,etilregrettafugitivementdenepasêtrepartiaveceux.Car iln’aimaitpasdu toutcequ’il lisaitdans lesyeuxd’Isabel : l’accusationd’avoircommisune

trahisondelapireespèce.

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17Leçonnumérohuit

Apprenezàaimersesimperfections.Vous trouverezpeut-être la chosedifficileà croire,nous le savons,maismêmeleslordslesplusrecommandablesonttoujoursundéfautoudeux.Peut-êtrerit-il un peu trop bruyamment ou sa vuemanque-t-elle d’acuité…Peut-être a-t-iluneboucledecheveuxdélicieusementrebelleàtoutetentativededomptage…Embrassez ces défauts, chère lectrice ! Car c’est dans ces peccadilles que setrouventlecharmeetlajoied’uneunionréussie!Cesleçons,appliquéesàbonescient,vousassurerontd’êtreadoréemalgrévospropresimperfections.Nedevez-vouspasàvotrelorduneindulgencesemblable?

PearlsandPelisses,juin1823

Illuiavaitmenti.Isabel se tenait debout devant la fenêtre, dans la pénombre de sa chambre. Le ciel s’embrasa au

moment où disparaissaient les derniers rayons du soleil, puis il devint peu à peu d’un bleu d’encreprofond.

Ilyavaitdesheuresqu’ellefixait,sansrienvoir,cequirestaitdudomainedeTownsendPark.Uneseuleetuniquepenséetournoyaitdanssonesprit:Nickluiavaitmenti.

Elleauraitdûs’endouter,biensûr.Elleauraitdûdevinerqu’iln’étaitpasceluiqu’ilprétendaitêtre,mais,aucontraire,celuiquiporteraitlecoupfatalàMinervaHouse.

Il lui avait demandé de lui faire confiance, et il s’étaitmontré si convaincant, si attachant qu’elleavait fini par croire qu’il allait effectivement les protéger, les filles et elle. Quelle erreur elle avaitcommise!

Ilétaitleurennemidepuisledébut.IlétaitvenulànonseulementpourretrouverlasœurduducdeLeighton,maisaussipourdécouvrirlessecretsdeMinervaHouseafindelestrahirensuite.

Àcettefin,ils’étaitservid’elle,etdelapiremanièrequisoit.Pourretenirleslarmesquimenaçaient,ellefermalespaupièresavecforce.Ellen’allaitpaspleurer

sur cet hommequ’elle n’avait connu que quatre jours ! Jamais elle n’aurait dû l’introduire àMinervaHouseetluipermettredes’immiscerdanssonexistence.

Elle s’était laissé convaincre par ses belles paroles et séduire par la promesse de ses caresses.Exactementcommesamère.

Lesfillesneleluipardonneraientjamais.Maiselleétaitlapremièreàs’accuser.Elle appuya la tête contre la fenêtre, consciente du froid de la vitre contre son front, tout en

s’appliquantàrespirerprofondémentetens’exhortantàcesserdepenseràlui.

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Mieuxvalaitqu’elleréfléchisseàlamanièredontelleallaitsauversesprotégées,àprésentqueleurssecrets étaient découverts et que Londres, voire toute l’Angleterre, ne tarderait pas à apprendrel’existencedeMinervaHouse.

Curieusement,cettecrainten’étaitriencomparéeàladouleurdelatrahisondeNick.Toutceàquoielles’étaitautoriséeàcroire…n’auraitjamaislieu.

Uncoupfrappéàlaportedesachambreempêchaleslarmesdemonterdenouveau.Plusieursfois,danslesheuresquiavaientprécédé,ellen’avaitpasrépondulorsqu’onavaitfrappé.

Maisellenesupportaitplusd’êtreseule.—Entrez.Quandlaportes’ouvritlentement,IsabelfutsurprisedereconnaîtreGeorgiana,dontlesbougiesdu

couloir illuminaient les boucles blondes. Il fallut unmoment à la jeune fille pour distinguer Isabel àl’extrémitédelapièce.

—Jesuisdésoléedevousdéranger…commença-t-elleaprèss’êtreapprochéeavechésitation.Isabelneputretenirunpetitrireamer.—Sil’unedenousdoits’excuser,Georgiana,jevousassurequec’estmoi.—Pourquoicela?demandalajeunefille,visiblementsurprise.—J’aiamenécethommejusqu’àvous.—Enaucuncas,ladyIsabel,déclaraGeorgianaavecfermeté.—Vraiment?VouspensezquelordNicholasauraittrouvésoncheminjusqu’icisijenel’avaispas

invitéàTownsendPark?Vouscroyezqu’ilvousauraitdécouvertesijen’avaispasétéassezfollepourluifaireconfiance?

—Oui.Vousneconnaissezpasmonfrère,poursuivitlajeunefemmequandIsabeldétournalesyeux.C’est lapersonne laplus impérieuseet laplusautoritaireque j’aie jamais rencontrée,et iln’a jamaisessuyé un refus de toute son existence. C’est le onzième duc de Leighton. Savez-vous jusqu’où doitremonterunarbregénéalogiquepourproduireonzeducs?Tousplusarrogantslesunsquelesautres?

Georgianasecoualatêteavantdecontinuer:—Simonauraitremuécieletterrepourmeretrouver.Entoutehonnêteté,jesuissurprisequenous

n’ayonseuaffairequ’à lordNicholaset àdeux ravisseurs idiots. Jeme serais attenduequemon frèreforceleroiGeorgeàenvoyersagardepersonnelle.Cen’estpasvousquiavezconduitlordNicholasàmoi,maismoiquil’aiconduitàvous.Jevousprésentedoncmesexcuses.

Isabel se laissa tomber sur la banquette, dans l’embrasure de la fenêtre. D’un geste, elle invitaGeorgianaàs’asseoiràcôtéd’elle.

—Jesuisdésoléequevousayezunfrèreaussiinsupportable,finit-ellepardire.MaisGeorgianasourit.—Nesoyezpasdésolée.Jen’aijamaisdoutédel’amourdeSimonpourmoi.Ilestpeut-êtrearrogant

etdominateur,maisilprotègelessiens.—Danscecas,pourquoi…—Monhistoireneserésumepasàunefugue.Jevoudraisvousenparler.Jepensequejevousle

dois,aprèscequiestarrivé.—J’aimeraisl’entendre,ditIsabel,malgrélapetitevoixquicontinuaitàluisoufflerquetoutétaitde

safaute.—Jesuis…Georgianas’interrompitetsetournaverslafenêtre.Isabelsavaitqu’ellenepouvaitrienvoir,hormis

sonproprerefletdanslavitre.

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—Jesuis tombéeamoureuse.Peu importedequi.J’aicommisune terribleerreurencroyantqu’ilm’aimaitenretour.

Lajeunefillebaissalesyeuxsursesmains,quitrituraientletissudesarobe.Quandellerepritsonrécit,cefutdansunchuchotement.

—Maiscen’étaitpaslecas.Jesupposequecelavautmieux…Simonn’auraitjamaisautorisénotremariage.Ilestparti,sansunmot.J’étaisanéantie.Etpuis…

Quandelles’interrompitdenouveau,écraséepar lepoidsdesessouvenirs, Isabelsepenchapourprendresamaindanslasienne.

—Vousn’avezpasbesoindemeledire.—Illefaut.Jeveuxquequelqu’unm’entendeledire,murmuraGeorgiana.Isabelgardalesilence,sachantcequiallaitsuivre.—J’ai découvert que j’attendais un enfant. Je nepouvais pas le dire àSimon et lui infliger cette

terribledéception.Plusieurssemainesauparavant,mafemmedechambrem’avait rapportéunehistoirequ’elle avait entendue au sujet d’une maison dans le Yorkshire. Un endroit où les jeunes femmespouvaientprendreunnouveaudépart.EtquiétaitdirigéparladyIsabel.Alors,ajouta-t-elleavecunpetitsouriretremblant,jesuisvenueici.

Ellerelevalesyeux.Sonregardétaitclair,innocent…presqueceluid’uneenfant.—JesavaisqueSimonlanceraitdesrecherches.Jenepensaispasqu’ilmeretrouveraitaussivite.—Moi aussi, je savais qu’il vous ferait rechercher.Cela ne change rien au fait que vous êtes la

bienvenuesouscetoit…oucequ’ilenreste.VousêtessousmaprotectionetsouslaprotectionducomtedeReddich.

—J’admireénormément lecomte, Isabel,mais jenepensepasqu’il soitde tailleàaffrontermonfrère.

—Balivernes.Ilestmanifestequesagouvernanteoccupeuneplacespécialedanslecœurdemonfrère.Jepensequ’ilseraitheureuxdelivrerbataillepourvous.

— Je l’aime beaucoup, vous savez, déclara la jeune fille, dont le sourire s’élargit. Et, quoi qu’ilarrive,jeseraitoujoursfièrederaconterquej’aienseignélelatinaujeunecomtedeReddich.

Lesourired’Isabels’évanouitlorsqueGeorgianaajouta:—Ilyaautrechose.AusujetdelordNicholas.—Jevaisluidemanderdequitterleslieuximmédiatement.—Jenepensepasquecesoitunebonneidée.—Jevousdemandepardon?ditIsabel,aprèsêtrerestéeuninstantbouchebée.—C’estunhommebon,Isabel.Jel’aientendudirependantdesannéesparmonfrèreetparsesamis,

quiparlaientdeSt.Johncommed’unhéros…Jel’aientendudireparlesfemmesdelabonnesociété,quiselanguissaientdeluitandisqu’ilétaitsurlecontinent…Et,aussi,parcellesquiontadmirésonattitudelorsquesademi-sœurestarrivéeenAngleterreetqu’ill’adéfenduecontrelaperfidiedubeaumonde…Mais,mêmesijen’avaispasentendutoutcela,jel’auraisdevinéaujourd’hui.Alorsqu’ilauraitpumeremettreàmonfrère,ilm’apermisderevenirici,auprèsdevous.

Lecœurd’Isabelseserra tantcettedescriptionressemblaitàcequ’ellecroyaitsavoirdeNick.Etpeut-être était-il effectivement loyal envers ses amis, présent auprès de sa sœur, et d’un charmeirrésistibleauxyeuxdesfemmesévaporéesdelahautesociété,quinevoyaientenluiquesabeautéetsafortune.

Auprixd’ungroseffort,elleravalaleslarmesquiluipicotaientlesyeux.—Vous vous trompez, dit-elle. Il doit s’agir d’un autre St. John. Car celui que je connais est un

scélératquiadélibérémentabusédenotreconfiance.

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—Àmesyeux,ilasurtoutvoulurendreserviceàmonfrère,enami.—Peuimporte,répliquaIsabel.Ilafaittoutcequ’ilpouvaitpourserapprocherdemoi…pourvous

retrouveretpourrévélervotrecachette.Jecrainsqu’iln’yaitrienenluiquiévoque,deprèsoudeloin,lenobleSt.Johnquevousdécrivez.

—Jesuisdésoléquevouspensiezcela,fitalorsunevoixmasculine,familière,depuisleseuildelachambre.

Georgiana n’avait pas refermé la porte, et le souffle d’Isabel se bloqua dans sa gorge lorsqu’elleaperçutlahauteetsombresilhouettedeNickquisedétachaitsurlerectangledelumière.

En le voyant, elle fut submergée par un torrent d’émotions : colère d’avoir été trahie, méfiance,tristesseet,deloinleplusinsupportable,désirmêléderegret.

Ellesecuirassacontre lechaosdesespenséesets’efforçades’exprimeraveclafroideurrequiseparlescirconstances.

—Jedoismetromper…Iln’estpaspossiblequevoussoyezencorechezmoiaprèscequevousavezfait.

Ellenedistinguaitpassonvisage,maisellelevitseraidir.L’airsemblaseraréfierdanslachambre.—Jesuisvenuvousparler.—Lachoseseradifficile,carmoi,jenevoispasl’intérêtdevousparler.Commeilavançaitd’unpasdanslachambre,elleajouta:—Ilnevousapassuffidemetrahir, ilfautaussiquevousmefassiezoffense.Veuillezquitterma

chambreimmédiatement.Iltournaalorslégèrementlatêtepours’adresseràsacompagne.—LadyGeorgiana, je vous serais reconnaissant de bien vouloir nous laisser. Lady Isabel etmoi

avonsànousentretenir.Seuls.Georgianaseredressaavectoutelahauteurquicaractérisaitunejeunefemmedenaissanceillustre.—Celam’estimpossible,monsieur.—JevousdonnemaparolequejenecauseraiaucuntortàladyIsabel.Isabellaissaéchapperunrirebrefetamer.—EtDieusaitquevotreparoleadupoids,danscettemaison.— Je comprends que vous soyez en colère.Mais j’aimerais que vousme donniez une chance de

m’expliquer.LadyGeorgiana,ajouta-t-ilensetournantdenouveauverscettedernière,jevousassurequeladyIsabelestensécuritéavecmoi.Nousallonsnousmarier.

LastupéfactionmanifestedeGeorgianadécuplal’exaspérationd’Isabel.Commentosait-il?—Certainementpas,protesta-t-elle.L’espaced’uninstant,elleregrettadenepasvoirsonvisage.Danslapénombre,Nickluiparaissait

plusdangereuxetplustroublantquejamais.Surtoutlorsqu’ildéclara,d’unevoixbasseetsourde:—Vousavezditquevousm’épouseriez,Isabel.J’attendsdevousquevoushonoriezcettepromesse.—Etvousavezditquejepouvaisvousfaireconfiance,Nicholas.Qu’enest-ildecettepromesse?Unsilencetendus’installaentreeux.Nil’unnil’autrenesemblaitdésireuxdelerompre,aprèsun

échangeaussilourddedéfis.CefutNickquicéda,pourplaiderdenouveausacauseauprèsdeGeorgiana.—LadyGeorgiana,nevousai-jepasassuréquejevousdéfendraiscontrevotrefrère?—Si.—Etnevousai-jepasdonnémaparole–pourcequ’ellevautdésormais–,précisa-t-ilavecunlong

regardversIsabel,quejenevousobligeraispasàretournerchezvous?—C’estvrai.

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—Jevousenprie,prenezcelaencompte.Georgiana resta songeuse un long moment, regardant tour à tour Isabel et Nick. Finalement, elle

déclara:—Jevousaccordeunquartd’heure,monsieur.Pasplus.—Traîtresse!lançaaussitôtIsabel.— Il s’agit de quinzeminutes, Isabel. Vous pouvez sûrement les lui accorder. Je resterai dans le

couloir.Unefoissortie,Georgianatiralaportemaisnelarefermapascomplètement.Peudésireusederester

dans l’obscurité avec Nick, passé si abruptement d’allié à ennemi, Isabel se leva pour allumer desbougiesqu’elledisposaunpeupartoutdanslachambre.

Elleleregrettadèsqu’elleeutreportésonregardsurlui.Ils’étaitchangéetportaitàprésentungiletetuneredingotequisoulignaientsaprestancenaturelle.Remarquantlaperfectiondesonnœuddecravate,ellefutdistraiteunefractiondesecondeparlesouvenirdesacomplicitéavecJames.

Sarancœurflambaalorsdeplusbelle.Ilavaitmêmeréussiàconquérirsonfrère!—Jen’airienàvousdire,déclara-t-elleencroisantlesbraspourréprimerlefrissonqu’avaitfait

naîtrecettepensée.—Oui,tut’esmontréeassezclairesurcepoint,Isabel.Il se tenait immobile, parfaitement impassible.Elle ne l’avait jamais vu ainsi, simaître de soi.À

croirequ’il s’agissaitd’unhommedifférentdeceluiqu’elleavait étéamenéeàconnaîtrecesderniersjours.

Jusqu’oùallaientsesmensonges?Elledétournalesyeux,decraintequ’ilnedevineàquelpointsatrahisonl’avaitblessée.

—Isabel…reprit-ild’unevoixpluschaude.Permets-moidem’expliquer.Jesaisquelesapparencessontcontremoi.

—Cequiapparaît,c’estquevousétiezànotrerecherchedèsledébut.—Jen’étaisàlarecherchequedeGeorgiana.—Georgianaestl’uned’entrenous!— Georgiana est la sœur du duc de Leighton. Pensais-tu vraiment que tu pourrais la cacher

indéfiniment?—Non!Je…jenem’attendaissimplementpasquecesoitvousquiveniezàsarecherche.—Jesuisrarementcequelesgensattendent.—Oui, je commence àm’en rendre compte, rétorqua Isabel avec ressentiment.C’estma faute. Je

n’auraisjamaisdûvousdemanderdevenirévaluerlesstatues.—Siçan’avaitpasétélesstatues,ç’auraitétéautrechosequim’auraitamenéici.—Peut-êtrepas.—Isabel…Jesuistrèsbon,dansmondomaine.— Et quel est-il, ce domaine ? À mes yeux, vous êtes très bon pour convaincre les femmes de

vousrévélerleurssecrets,avecvotresourirecharmeur,vosjolismensongesetvosdemandesenmariage–unemanièreparticulièrementimpressionnantedegagnermaconfiance,aupassage.Et,ensuite,trèsbonpourlestrahirunefoisvotrebutatteint.

—Iln’yapaseudemensonge.Toutétaitvrai.Ils’étaitexpriméd’unevoixpresquechuchotée,aveccetaccentd’honnêtetéqu’elleavait trouvési

séduisant.Maisellerefusaitdes’ylaisserprendredenouveau.Ellefermalesyeux,gagnéeparl’épuisement.—Jet’enprie,Nick…Nepenses-tupasquetuenasfaitassez?

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—Tunecomprendspas!—Qu’ya-t-il à comprendre ?Combiende foism’as-tudemandéde te faire confiance ?Combien

defoism’as-tu reprochédedouterde toi?Combiendefoisas-tuoffertdemeprotéger?DeprotégerJames?Lesfilles?

—Etjesuislà!Monoffretienttoujours!—Va-t’en,c’est toutcequeje tedemande.Tuas l’informationquetuvoulais.Maisdisauducde

Leightonqu’ilaintérêtàsefaireaccompagnerd’unearméelorsqu’ilviendrachercherGeorgiana.Carsielleneveutpaspartir,jelaprotégeraipartouslesmoyenspossibles.

—Etjeseraiàtescôtés.—Arrête!s’écria-t-elle,briséeparsesmots.Tucroispouvoirmeconvaincred’oubliercequis’est

passé?Tunousastrahies!Tum’astrahie,moi.Leschosesquejet’airacontées…Elles’interrompitpourprendreuneprofondeinspiration.—Honnêtement,crois-tuquejevaisplacerlesortdecettemaisonentretesmains,aprèscequetuas

fait?Alorsquejesaisquetonallégeancevaauplusoffrant?Ellecompritimmédiatementqu’elleétaitalléetroploin.Sortantdesonimmobilité,illasaisitparles

épaulesetl’obligeaàleregarderdanslesyeux.— Je veux bien supporter tes accusations et affronter ta colère, mais j’en ai assez que tu portes

atteinteàmonhonneur!Non,continua-t-ilquandellefitminederépliquer,tuvasm’écouter.Sijesuisvenuici,c’estpouraidercettefille,paspourluicauserdutort.Sij’avaissuqu’elleétaitsaineetsauve,jen’auraispasacceptécettemission.Maisjel’ignorais.

»Enrevanche,monamiétaitfoud’inquiétude,etj’aifaitcequejepouvaispourl’aider.C’estvrai,j’aidécouverttapetitecommunautéd’amazones;c’estvrai,j’aidécouvertvossecrets.Maisriendetoutcelan’intéresseLeighton.Cequicomptepourlui,c’estcettefille–illâchalebrasd’IsabelpourindiquerlaportederrièrelaquelleattendaitGeorgiana–etl’enfantqu’elleporte.Tunesaisriendel’hommequeje suis et des raisons quim’ont amené ici. Jamais je n’ai eu l’intention de te trahir. Je t’ai donnémaparolequejeteprotégeraisetquejegarderaistessecrets.Etc’estcequejeferai.

Isabel restamuette tandis qu’il pivotait et se dirigeait à grands pas vers la porte.Cene fut qu’aumomentoùilposalamainsurlapoignéequ’ellerecouvrasavoix.

—Commentlesais-tu?Ilsecontentadetournerlatête,passuffisammentpourcroisersonregard.—Commentjesaisquoi?—QueGeorgianaestenceinte.—Jetel’aidéjàdit,Isabel,répondit-il,nonsansimpatience.Jesuistrèsbondansmondomaine.—Moiaussi!neputs’empêcherdelancerIsabel.—Oui,tuestrèsbonnepourtecacher.—Jesuistrèsbonnepourlescacher,corrigea-t-elle.C’estalorsqu’ilseretournaavec,auxlèvres,unsourirequ’ellen’aimapas.—Parcequetulefaispourelles?—Oui.—Jenelecroispas.—Biensûrquesi!—Jenepensepasdutoutquecesoitpourelles,maissimplementpourpouvoircontinueràtecacher

etàéviterd’affronterlemondequisetrouveau-delàdetonpetitroyaume.Etcequ’ilpourraitt’apporter.Àcesmots,Isabelrestapétrifiée.Cequ’ildisaitétaitfaux…complètementfaux!Nickattenditunlongmoment.Puisilreprit:

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—Jepartiraidemainmatin.Ilsetrouvequej’enaiassezduYorkshire.Surce,ilquittalachambreetfermaavecsoinlaportederrièrelui.Exténuée, en proie à la confusion la plus totale, Isabel s’effondra sur son lit. Il avait semblé si

honnête,sisincère,siblessé…Maiselle,oùenétait-elle?N’avait-elle pas aimé se précipiter au secours de Georgiana avec cet homme fort à ses côtés ?

N’avait-elle pas adoré cette sensation d’avoir trouvé un compagnon et de pouvoir, après toutes cesannées,partagersonfardeau?

Etqu’enétait-ildecevidequ’elleavaitressentilorsquetoutcelaluiavaitétéarraché?EtsiNickavaitraisonlorsqu’ill’accusaitd’avoirpeur…Isabelroulasurlecôtéetchassadesonespritcettepenséeimportune.Elle devait rester en colère. Parce qu’elle ne se sentait pas capable d’affronter la noirceur qui

s’ouvriraitsoussespas,sielles’appesantissaitsursatristesse.

Incapabledetrouverlesommeil,Nickserenditdanslesécuries.Là,sousleregarddeschevauxqu’ilempêchaitdedormir,ilfitlescentpastoutenressassantlesévénementsdesderniersjours.IlimaginaittouteslesmanièresdontilauraitpuavouerlavéritéàIsabel,ilrevoyaittouslesmomentsoùilauraitpuconfessersonrôledanscettepiècebizarre.

Maisilavaitgardélesilence–etill’avaitperdue.Brusquement,plusriend’autrenecomptait.L’ironiedelasituationneluiéchappaitpas.S’ilavaitacceptélamissiondeLeighton,c’étaitsurtout

parcequ’ilcherchaitdésespérémentuneexcusepourquitterLondres,oubliercetarticleidiotetéchapperàcesfemmesquifaisaientdesavieunecomédieridicule.

Et il s’était retrouvé ici, dans unemaison pleine de femmes.De femmes victimes de situations sitragiquesqu’ellespassaientunegrandepartiedeleurviedéguiséespouréchapperàleurspoursuivants.

AucentredeleurexistencesetrouvaitIsabel,siforte,siintelligente,sicourageuse,telleBoadicéequi,deboutsursonchar,repoussaitlesRomains.Commentnepasadmirerunetellefemme?Nepasladésirer?Nepasl’aimer?

L’aimer?Était-cepossible?Sonestomacsecontractasousl’effetdela terreur.Pendantsi longtemps, ilavaitévité l’amour!Il

avaitététémoindelamanièredontlesfemmesenusaientcommed’unearme;ilavaitvusamèredétruiresonpère;pire,laseulefoisoùilavaitbaissésagarde,Alanas’étaitserviedesessentimentspourluitendreunpiègeetl’envoyertoutdroitenprison.

S’ilavaittiréuneleçondupassé,c’étaitcelle-ci:ens’autorisantàaimerIsabel,ils’exposaitàlapluscruelledéconvenue.

Il était libre de partir. L’occasion se présentait de la quitter pour retrouver sa vie londonienne,ordinaireettranquille,entresesantiquités,sonclubetsafamille.

Saufque,lorsqu’ilpensaitàcetteexistence–dontilsesatisfaisaittrèsbienavantsonséjourdansleYorkshire –, elle lui paraissait singulièrement vide. Il y manquait Isabel, avec son entêtement, sesreparties,seslèvresdoucesetsesbouclesauburnindisciplinées.

Illadésirait.Ilpivotaverslaporteet,l’espaced’uninstant,considéral’heuretardive.Ildevaitlalaissertranquille.Peut-êtreavait-elletrouvélesommeil.Mais ileut lavisiond’Isabelamollieetconsentante, lesyeuxmi-clos, leregardant, luiouvrant les

bras…

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C’enfuttrop.Ets’illuifallaitlaréveillerpourlaconquérir,ceseraitencoremieux.

Elledormaiteffectivementlorsqu’ilseglissadanssachambre.Ellen’avaitpassoufflélesbougies

après sondépart, et la plupart, entièrement consumées, n’avaient laissé quedes flaques de cire.Deuxbrûlaient toujours, l’uneprès de la porte, l’autre sur la table de nuit, jetant sur la silhouette endormied’Isabelunedoucelueur.

Ilrefermalaporte,conscientqu’ilcommettaitlepiredespéchésenpénétrantdanssachambresanssonconsentement.Maiscelanel’empêchapasdes’approcherdulitpourlacontempler.

Elleétaitrecroquevilléesurlecôté,faceàlaporteetàlalumière.Lespoingsserréssouslementon,lesgenouxrelevés,elleparaissaitvouloirseprotégerdesmonstresissusduplusprofonddelanuit.

Desmonstrescommelui?Ilchassacettepenséepouraccordertoutesonattentionàsonvisageetobserveràloisircettefemme

quiavaitbouleversésonexistence.Elleétaitbelle,avecseslèvresàl’ourletdélicieux,sonnezaquilinetses pommettes bien dessinées parsemées de taches de rousseur. Il attacha son regard sur celles-ci,s’émerveillantdecesminusculestachesroussesnéesdestravauxqu’Isabelaccomplissaitausoleil–unexemplesupplémentairedeladifférencequ’ilyavaitentreelleetlesautresfemmes.

Finalement, son regard s’arrêta sur son front et sur le pli d’inquiétude qui se creusait entre sessourcils.C’étaitlui,leresponsabledecetteride,etsapoitrineseserrasousl’effetduremords.Incapabledes’enempêcher,ilposal’indexdessuset,doucement,tentadel’effacer.

CecontactsuffitàtirerIsabeldesonsommeiltropléger.Avecunprofondsoupir,elledétenditsesmembres,et il l’observaavecaviditépourmieuxse la rappelerainsi :chaude,abandonnéeetàpeineconscientedecequil’environnait.

Ilsepromitqu’unjourillaréveilleraitd’unbaiseretlagarderaitdanssonlitpendantdesheures.Maisiln’eutpasletempsdesavourercetterêverie.Lorsqu’ellelevit,lasurprisesepeignitsursonvisage,viteremplacéeparlafureur.Elles’assitd’un

gestebrusque.—Quefais-tuici?s’exclama-t-elleenjetantsesjambespar-dessusleborddulit.MaisNick,résistantàsonpremierréflexequiavaitétédes’écarter,l’empêchadeselever.Sinon,la

batailleseraitperdued’avance.—Laisse-moipasser,luiordonna-t-elle,lesyeuxplissés.—Non.Pasavantquetun’aiesécoutécequej’aiàdire.—Vousenavezdéjàditsuffisamment,lordNicholas.Safroideurlenavra.Commentlaconvaincredel’écouter?Dansungestedésespéré,ils’accroupit

devantelleetpritsesmainsdanslessiennes.Elleessayaaussitôtdesedégager,mais,commeilrefusaitdecéder,ellerenonçaauboutdequelques

secondes.—Jenel’aipasdit,maisjesuisdésolé.Elleneréagitpas.Aussiajouta-t-ilavecunsourireironique:—Situmeconnaissaismieux,tusauraisquejen’aipasl’excusefacile.—Ehbien,ilestpeut-êtretempsd’apprendre,secontenta-t-ellederépliquer.—Jen’avaispasl’intentiondetefairedumal,Isabel.Sij’avaissucequejetrouveraisenvenant

dansleYorkshire,jen’auraisjamaisacceptélademandedeLeighton.Ilgardalesilenceuninstant,lesyeuxrivéssurleursmainsjointes.

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—Non,c’estunmensonge,reprit-ilensuite.Sij’avaissuquejetetrouveraisenmerendantdansleNord,jeseraisvenudesannéesplustôt.

Enlavoyantécarquillerlesyeux,ilsouritdenouveau.—Je t’ai réduiteausilence,apparemment.Vois-tu, Isabel, tuesunemerveilledans tongenre.J’ai

rencontrébeaucoupdefemmesaucoursdemavie,toutautourduglobe.Pourtant,jen’enaijamaisconnuquisoitaussiforte,aussipleinedevie,aussiadorablequetoi.Ettudoismecroirelorsquejet’assurequejamaisjeneteferaisdélibérémentdumal.

—Pourtant,tum’asfaitdumal.Enentendantcesmotsàpeinechuchotés,maislourdsdechagrin,ilportasesmainsàseslèvresetles

embrassaavecrévérence.—Jesais.Ettuastouslesdroitsdemedétester.—Jenetedétestepas.—Jesuisvraimentheureuxdel’entendre,dit-il,lesyeuxdanslessiens.Elle fronça de nouveau les sourcils, et il dut se retenir pour ne pas chasser ce pli soucieux d’un

baiser.—Maisjenecomprendspas…—Unjour,jeteraconteraitout,promit-il.—Non,Nick.C’enestfinides«unjour…».L’heuredelavéritéestvenue.Il prit une profonde inspiration. Au fond de son cœur, il savait qu’elle avait raison. S’il voulait

pouvoirregagnersaconfiance,ilfallaitqu’illuiracontetout,qu’ilsemetteànudevantelle.Étrangement,ilenconçutdelaforce.

Ilserelevaet, incapablederester immobile,semitàarpenter lachambretoutencommençantsonrécit.

—Mamèrenousaabandonnéslorsquemonfrèreetmoiavionsdixans.Elleestpartiedujouraulendemain.Nous ignorions tout de l’endroit où elle était allée.Après unmoment, nous avons fini paravoirdumalàcroirequ’elleavaitunjourvécuavecnous…

»Onpourraitpenserqueperdresamèreestcequ’ilyadeplusdifficilepourunenfant.Maiscen’estpas lecas.Lachose laplusdifficile,c’estdenepassavoircequis’estpassé,denepasconnaître laraisondesondépart.Leplusdur,pourmoi,aétédepenserque,d’unemanièreoud’uneautre, j’étaisresponsabledesafuite.

Isabel ouvrit la bouche, mais il refusa de la laisser parler, craignant d’être ensuite incapable decontinuer.

—Découvrirpourquoielleétaitpartieestdevenumonobsession.Monpères’étaitdébarrassédesesaffairesquelquesjoursaprèssadisparition,maisjepersistaisàchercherdesindices.J’aifinipartrouveruncarnetet,danscelui-ci,lesplansdemamèrepourl’avenir.Ellepartaitsurlecontinent.D’abordchezdesamis,àParis,puisenItalie.Elleappelaitcelasa«grandeaventure».Apparemment,commenta-t-ilavecunrirebref,lemariage,lesenfantsetlestatutdemarquisen’étaientpasassezexcitantspourelle.

» Je n’ai jamais dit à personne que j’avais trouvé ce carnet intime. Ni àmon frère, ni – encoremoins–àmonpère.Maisjel’aigardépendantdesannées,jusqu’àlafindemesétudes.Àcemoment-là,monpèreétaitmort,monfrèreavaithéritédutitredemarquis,etjen’étaisrien…Jesuisdoncpartisurlecontinent.

—Pourretrouvertamère,murmura-t-elle.Ilhochalatête.—Maisalors,laguerrebattaitsonplein,ettouslesindicesquiauraientpumepermettredesuivresa

traceavaientdisparu.Cependant,j’étaisjeune,costaud,pasbête,etunhommehautplacéauBureaudela

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guerre–que j’ai toujourssoupçonnéd’avoirétépayéparGabrielpourassurermasécurité–m’aprissoussonaile.Ilm’atoutapprissurl’artetlamanièredetraquerungibierhumain.

Ellel’observatandisqu’ilpassaitlamainsurlaflammedelabougiedansunsens,puisdansl’autre.Elleétaitdévoréeparlacuriosité,illesentait.Ilattenditensilencejusqu’aumomentoù,n’ytenantplus,elledemanda:

—Quirecherchais-tu?—Tous ceux qu’il fallait retrouver. Jeme suis spécialisé dans les personnes qui se rendaient en

Orient. Ce que j’aimais par-dessus tout, c’était voyager, voir le monde. Et lorsque la Couronnerecherchaitunepersonne,letravailserévélaitplusquelucratif.

—Est-ceque…est-cequ’ilt’estarrivéde…denuireàquelqu’un?Nicksoupesalonguementsaréponse.Ilnevoulaitpasluimentir,pasplusqu’àlui-même.— Jamais de façon délibérée, finit-il par dire.Ma tâche se terminait lorsque j’avais retrouvé la

personnedisparue.Ensuite,celanemeregardaitplus.—Ainsi,certainesdetes…proiesontpuêtreblessées,voirepire.—Oui,cen’estpasexclu.—Ettoiaussi,tuauraispuêtreblessé…—Oui.Ellesoutintsonregardpendantunlongmomentavantdeseleveretdetraverserlachambrepourse

placerfaceàlui.Unefoisdeplus,ilfutfrappéparsaforce.—Pourquoias-tuarrêté?Denouveau,ilpritsontempspourchoisirsesmots,conscientdel’importancequ’elleaccorderaità

chacund’eux.Illesvoulaitconvaincantsmais,par-dessustout,sincères.—Jenesaispas.Peut-êtreparcequejedevenaistropbonetquej’yprenaistropdeplaisir.Peut-être

parcequelesgensquejerecherchais,etceuxquejeretrouvais,n’avaientpasd’importancepourmoi.Oupeut-être…parcequejen’avaispasd’importancepoureux.

Cesderniersmotsrésonnaientencoredanslapiècelorsqu’ilesquissaunpasverselle.—Jen’auraisjamaisdûacceptercettemission…MaisLeightonestunvieilamietjenepouvaispas

luirefuserceservice,répéta-t-il.Jetejure,Isabel,quejenesuispasvenupourtefairedutort,pasplusqu’àGeorgiana,àJamesouàuneseuledetesprotégées.

Ilinclinalatêteverslasienne,siprèsqueleursfrontssetouchaientpresque.—Jeneveuxriend’autrequetonbonheur,chuchota-t-il.Jet’enprie,donne-moiuneautrechance.Elle ferma les yeux et, retenant son souffle, il regarda les émotions jouer sur son visage. S’il ne

l’avait pas fixée ainsi, il n’aurait pas vu le sourire fugitif qu’elle esquissa. Elle rouvrit alors lespaupièreset,àlalueurvacillantedesdeuxbougies,sesprunellesprirentuneteintedemieldoré.

—J’aipeur.Jenesuispasdutoutcertainequejedevraistecroire…Mais…jesuisplutôtheureusequetusoisvenu.DansleYorkshire,précisa-t-elledansunchuchotement,etcesoir.

Lesoufflequ’ilretenaits’échappaenunsoupirtremblantet, lecœurgonflédeplaisir, ilouvritlesbraspourl’attirercontrelui.Puisilfitlaseulechosequiluivenaitàl’esprit.

Ill’embrassa.

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Isabels’étaitjurédenepassuccomberàsesbellesparoles,sipleinesdepromesses.Maisilluiavaitavouélavéritésursonpassé,et,toutenselereprochant,ellen’avaitpus’empêcher

delecroiredenouveau.Puisill’avaitembrassée,etlechaosdesesémotionsavaitlaissélaplaceàuneseulepensée,impérieuse:ellevoulaitcethommedanssavie.

Associéeàsescaressesirrésistibles,cettepenséedéverrouilla,toutaufondd’elle,l’endroitoùétaitenfermésondésirleplussecret.D’unseulmot,d’unseulgeste,cethommesemblaitcapabledemettreàbassesdéfensessisoigneusementérigées.

Elle soupira contre ses lèvres, et il approfondit leur baiser, s’emparant de sa bouche avec unetendresserudequifitcourirunfrissondeplaisirdanstoutsoncorps.Chacundesesbaiserssefitplusdur,plusenivrantqueleprécédent,alternantavecdelongsrépitssensuelsaucoursdesquelsilchuchotaitsonprénomcommeuneincantation.Lesmainsreferméessursesbrasmusclés,Isabels’accrochaàlui–sonrocdansunetempêtedesensations.

Il finit par la soulever, et elle n’eut d’autre choix que d’enrouler sesmembres autour de lui. Il lamaintintainsipendantunlongmoment,levisageenfouidanssoncou,dessinantdepetitscerclessursapeauavecsalangue.QuandIsabellaissaéchapperungémissementdeplaisir,ilrelevalatête.Sesyeuxbleusétincelaientdanslapénombre.

—Isabel,tudevraismediredepartir,déclara-t-il,sonfrontcontrelesien.—Pourquoi?demanda-t-elle,déconcertée.—Parcequesitunelefaispas,jevaisrester.Cesmots,prononcésd’unevoixsourdeetrauque,intensifièrentsondésir.Quandellerépondit,elle

nereconnutpassaproprevoix.—Etsijetedisaisquejeveuxqueturestes?Devantsonsilence,ellesemordit la lèvre,mortifiée.Peut-êtren’avait-ellepasditcequ’il fallait.

Maisilfitalorsunlongpaspourladéposersurlatable,prèsdelaporte.Et,refermantsesmainsautourdesonvisage,ilrepritseslèvrespourl’embrasseràperdrehaleine.

—Situveuxquejereste,ilfaudraunearméepourmedéloger,finit-ilpardire,alorsquetousdeuxétaienthaletants.

—Reste,murmura-t-elledansunsouffle.Avecungrondementpourtouteréponse,ildégagealachemised’Isabeldesonpantalonetposases

mainssursapeau.Puis,toutenlacaressant,ilreleval’étoffejusqu’àlafairepasserpar-dessussatête.Aussitôtembarrassée,ellecroisalesbrassursapoitrine.—Non,chuchota-t-il,netecachepas.Pascesoir.Cesoir,ilssontàmoi,ajouta-t-ilenposantses

lèvressurl’undesesseins.Pourfairecequ’ilmeplaît.

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Lanervosité d’Isabel céda aussitôt la place auplaisir de sentir sa bouche refermée autour de sonmamelon,qu’illécha,suça,taquina,jusqu’aumomentoù,avecungémissement,elleseplaquacontrelui.

Il referma alors sesmains sur ses cuisses pour la presser contre lui, sans cesser pour autant sescaressesaffolantessursesseins.

Ellesetordit,écrasantsonbas-ventrecontresonsexedurci,ungestequiarrachaungrognementdejouissanceàNick.Encouragée,elleimprimaàseshanchesunmouvementdeva-et-vient,mais,presqueaussitôt,ilrelevalatêteavecunsonétoufféet,aprèsavoircroisésonregard,pritdoucementlelobedesonoreilleentresesdentsenluimurmurant:

—Petitecoquine…Lorsqu’elle soupira sonprénom, entre la plainte et la protestation, et qu’enguise de réponse il la

soulevadenouveau,ellesutprécisémentoùilsallaient.Ilnelalâchapaslorsqu’ilsculbutèrentsurlelit.Sanscesserdel’embrasser,ilcaressasontorse,ses

flancs,puisdescenditsursonventre.Samains’immobilisaalors,poséesurlaceinturedesonpantalon.Isabelrouvritlesyeux.Nickattendait,scrutantsonvisage,uneétincellemalicieusedansleregard.—Jen’aijamaiseuleplaisird’enleversonpantalonàunemaîtresse.Unemaîtresse…L’écho dumot s’attarda entre eux, chargé d’une promesse troublante. Oui, après

cettenuit,c’étaitcequ’Isabelserait:samaîtresse.—Jecroisquelemomentestvenu,dit-elle,avecunmélanged’audaceetdetimidité.Mais,dèsqu’ill’eutdébarrasséedesonpantalon,gênéeparsanudité,ellerefermanerveusementles

yeux.—Isabel…regarde-moi.Après avoir pris une profonde inspiration, elle souleva les paupières,mais, incapable de s’offrir

ainsiàsavue,elleplaquasamainsursatoisonintime.—Non,moncœur,netecachepasdemoi.—Je…jenepeuxpasm’enempêcher.—Tuessibelle,déclara-t-ilavecunlégersourire.Ettunelesaismêmepas.Lesangluimontaauxjoues.—Cen’estpasvrai.—Maissi,dit-ilenposantl’indexsurseslèvrespourlafairetaire.Tuesbelleici,poursuivit-il,et

là…etencorelà…Lesmotsneparvenaientqu’assourdisàIsabelcar,àmesurequ’illesprononçait,ilfaisaitdescendre

sabouchesursoncou,sesseins,sonventre,pourfinirparlaposersurledosdesamain,quiprotégeaitsachairlaplussecrète.

—Etlà,Isabel…C’estlàquetum’appelles.Uneondedeplaisircourutdanssesveines.Personnene luiavait jamaisditqu’elleétaitbelle.Et,

dans lecoconde lachambreoùelleavait toujoursdormi,nonseulementNickle luidisait,mais le luimontrait.

—J’aimeraistevoir,chuchota-t-elle.Jepensequetudoisêtretoi-mêmetrèsbeau.LesouriredeNicks’élargit.—Jenesuispassûrque«beau»soitletermeadéquat,moncœur.Maissituasenviedevoir…je

meprêtevolontiersàtoncaprice.Elleneputs’empêcherderireàsarepartie,etilluidonnaunrapidebaiser.—J’aimet’entendrerire.Celan’arrivepasassezsouvent.Puis,roulantsurledos,ilcroisalesmainssoussatête.—Trèsbien,mabeauté.Jesuistoutàtoi.

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Sousl’effetdelasurprise,Isabelécarquillalesyeux.—Je…jenepourraipas.—Maissi,jet’assure.Elleroulasurlecôté,levalamain,maiss’arrêtajusteavantdeletoucher.—Je…jenesaispasoù…LeriredeNickseterminaengrognement.—Oùtuveux,monamour.N’importeoù.Elleposalamainsursontorse,aussitôtimpressionnéeparsesmusclesdurs.Commes’ilpercevait

son indécision, il referma sa main sur la sienne pour la faire glisser sur son ventre plat, jusqu’à laceinturedesonpantalon.

—Nousneferonsquecequiteplaît,déclara-t-ilnéanmoins.D’une certaine manière, ces mots apaisèrent les craintes d’Isabel et lui donnèrent envie de

poursuivre.—Queveux-tu?continuaNick.—Tumeposestoujourscettequestion.—Parcequej’aienviedesavoir,répondit-ilsimplement.Jeneveuxtedonnerquecequetudésires.—J’aimeraistevoirsanschemise.Ensilence,ils’assit,passasachemisepar-dessussatêteetlalançaauhasard.Isabeldéglutit.Nickétaitparfait.Oneûtditl’unedesesstatuesdemarbre.—Je…jenepensepasque…balbutia-t-elle,ens’asseyantaussi,denouveaunerveuse.—Peut-êtrequetunedevraispaspenser,suggéra-t-il,avantdel’enlacer.Ilsroulèrentsurlelitens’embrassant,puis,quandelles’écartapourreprendrehaleine,illasouleva

pourl’asseoirsurlui.—Détachetescheveux.C’étaitplusuneprièrequ’unordre.Lorsqu’elleeutôtélesépinglesquiretenaientsachevelure,ilpoussaunlégergrognement.—Tuesunesirène.—Vraiment?dit-elleensouriant,raviedelevoirladévorerdesyeux.Elle s’inclina vers lui jusqu’à ce qu’ils soient dissimulés par un rideau de boucles auburn. Elle

l’embrassaalors,effleurantdesalanguesalèvreinférieureavantdedéposerdelégersbaiserslelongdesoncouetsursapoitrine.Lorsqu’ellerencontra l’undesesmamelonsplats,elles’arrêtaet releva lesyeuxverslui.

—Est-cequec’estaussitroublantpourtoiquepourmoi?—Sionessayaitdeledécouvrir?suggéra-t-il,sansbouger.Ellereproduisitsesgestes,refermantseslèvresautourdesonmamelondur,letaquinantduboutdes

dentsavantdelesucer.Nickémitungrognementétoufféenplongeantlesdoigtsdanssescheveux.Aprèsunlongmoment,commes’ilnepouvaitensupporterdavantage,ilécartaIsabel.

—Çaneteplaisaitpas?—Aucontraire,çameplaisaittrop,assura-t-ilenriant,lavoixentrecoupée.Ilss’embrassèrentdenouveaujusqu’àceque,posantlesmainssursontorse,Isabelsesoulève.—J’aimeraisquetuenlèvestonpantalon,maintenant.Unefractiondesecondeplustard,nudespiedsàlatête,illarepoussaitsurlelitetseglissaitentre

sesjambes.Lorsqu’ellefutprèsdeperdrelatêteàforcedebaisers,ellechuchota:—Nick…non…—Qu’ya-t-il,moncœur?

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—Jeveuxtetoucher.Ilrestasiimmobilequ’ellecrutqu’ilallaitrefuser.—Jet’enprie,insista-t-elle.Ilappuyasa têtecontre lapoitrined’Isabel,commepour rassemblerses forces,puis il s’allongea,

offrantsoncorpsnuàsescaresses.Ellefitcourirsesdoigtssursontorse,explorantsesmusclesdurs,savourantlachaleurdesapeau,

découvrant la longue cicatrice qui s’enroulait sur son flanc droit. Elle la caressa, heureuse qu’il aitsurvécuàuneattaquequiavaitlaisséunetelletrace.

Puis, s’enhardissant, elle posa la main sur son membre tendu, dont elle suivit toute la longueur.CommeNickémettaitunesortedehoquetétranglé,elles’arrêta,incertaine.

—Montre-moi…Sesyeuxétincelèrentet,posantsamainsurcelled’Isabel,ils’exécuta.Tousdeuxregardèrentleurs

mainsunies tandisqu’il laguidait, luimontrantcomment le toucheret lecaresser, jusqu’aumomentoùleursrespirationssefirenthaletantes.

—Çasuffit,moncœur,dit-ilenportantsamainàsabouchepourl’embrasser.—Maisjeveux…Ileutunrireétranglé.—Moi aussi.Mais rien ne nous presse, cette nuit. Or, si je te laisse poursuivre cette délicieuse

torture,lanuitfinirabientroptôt.Denouveau,ilroulasurelle,selogeantentresesjambes.Toutenl’embrassant,ilseplaçacontreson

sexeetyengageaundoigt.—Ah…murmura-t-ild’unevoixsourde.Tuestoutemouillée.Tulesens?Un second doigt, ayant rejoint le premier, intensifia les sensations qui irradiaient de cet endroit

secret.Isabelsecambra,lesmainscrispéessurlecouvre-lit,etsemorditlalèvrepourétoufferuncri.—Est-cecelaquetuveux,moncœur?—Oui…gémit-elle.—Ici?demanda-t-ilendessinant,avecsonpouce,descerclesdélicatsautourdupetitboutondur,

sourcedetouteslesjouissances.—Oui,s’ilteplaît.—Tuessipolie…sipassionnée…MaVoluptéàmoi…Maistuneveuxpasquecela,n’est-cepas?Ellerouvritdesyeuxéperdus.—Je…—Dis-moi,Isabel…Queveux-tuvraiment?—Je…jeteveux.—Quellepartiedemoi?Elle rougit, tout en se pressant plus durement contre lui, affolée parce qu’il ralentissait

impitoyablementlerythmedesescaresses.—Ohnon,Nick…—Ohsi,Isabel,répliqua-t-ilavecunsouriregourmand.Quellepartiedemoi?Sesdoigts,bienqueprofondémentenfoncésenelle,s’immobilisèrent totalement,demêmequeson

pouce.—Nick!cria-t-elle,entrelaprotestationetlasupplication.—Iltesuffitdedemander…Comme elle écartait les jambes, toute pudeur envolée, il souffla doucement sur elle, et elle crut

devenirfollesouscetteexquisetorture.

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Puis,usantdeseslèvresetdesalangue,touràtourlapénétrantoutitillantlasensiblecrêtecharnue,il lamenapardegrésrapidesversl’inéluctablejouissance,qui lafitsecabrercontresabouchetandisquelesvaguesduplaisirlasubmergeaient.

Lorsqu’elle fut revenue sur terre, il fit remonter progressivement sa bouche le long de son corps,parsemantdebaiserssonventre,sesseins,avantdes’emparerdenouveaudesabouche.

—Tu ne dois jamais avoir peur de demander ce que tu veux,mon cœur,murmura-t-il contre seslèvres.Pasavecmoi.

Elleouvritlesyeuxetsoutintsonregard.—Jeveuxlereste.LebleudesprunellesdeNicks’assombritimmédiatement.—Tuenessûre?—Toutàfaitsûre.Ettuviensdedirequejen’avaisqu’àdemander.Ilsereplaçacontreelle.Quandellesentitlapressiondesonsexedur,Isabelsecambrapourvenirà

sa rencontre, avide de découvrir la suite de cette danse merveilleuse. Comme Nick étouffait ungémissement,ellecompritqu’ilsecontraignaitàl’immobilité.

—Isabel…est-cequequelqu’unt’a…t’aparlédeça?Ellesecoualatête.—J’aivulesanimaux.—Cen’estpasexactementpareil,fit-ilremarqueravecunelégèregrimace.—Nick…je t’enprie,murmura-t-elleensepressantcontre lui.Jen’aipaspeur.Je leveux.Je te

veux,assura-t-elleaprèsavoircaressésajouebalafréeduboutdesdoigts,dansl’espoirdelerassurer.—Çavaêtredouloureux.Justelapremièrefois.Maisaprès,jemeferaipardonner.Lecœurd’Isabelsecontracta.Ils’inquiétaitpourelle!Àcetinstant,ellecompritquecethomme,quisepréoccupaitdesoninconfortalorsqu’elle-mêmene

pouvaitguèrepenserqu’àlasensationdesoncorpscontrelesien,neluiavaitjamaisvouluaucunmal.Ellesouritenl’attirantàelle,sesdoigtspassésdanssescheveux,pourl’embrasser.Puisellechuchota:—Jetefaisconfiance.Commes’iln’attendaitquecesmots,ils’introduisitlégèrementenelle,puiss’arrêtapourpermettreà

sachairdes’habitueràcettenouvellesensation.—C’estcurieux,murmuraIsabel.—Etçaledeviendradeplusenplus,moncœur,répondit-ilavecunrireétranglé.Avecdesva-et-vientcontrôlés,ils’enfonçaunpeuplus,jusqu’aumomentoùellesoupiradeplaisir.—Çanesemblepluscurieux.Maisagréable.—Simplementagréable?—Trèsplaisant.—Bien.D’un ultime coup de reins, il alla jusqu’au bout, et elle laissa alors échapper un cri étouffé. Il

s’immobilisa,relevéau-dessusd’ellesursesbrastendus.—Isabel?Est-cequetu…—Curieux,denouveau,dit-elled’unevoixaltérée,avecunegrimacefugitive.Iladoraitcettefemme!Cettepenséeincongruevenaitaupiremoment,maisNicksut,sansl’ombre

d’undoute,qu’elleétaitpertinente.—Jevaisarrangerça,promit-ilaprèsavoireffleuréseslèvresd’unbaiser.Ilseretiralentement,etelles’agrippaàsesbras.

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—Oh…Oh,c’est…—Oui?dit-ilenl’emplissantdenouveau,toutaussidoucement.—Nick…soupira-t-elle.—J’aimelafaçondontmonprénomsonnedanstabouche.Penchésur sapoitrine, ilprit entre ses lèvres l’unde sesmamelons,qu’il suça jusqu’àcequ’elle

halètedeplaisir.Ilsemitalorsàbougerpourdebon,plusvite,plusprofondémentet,quandellerelevaleshanchespourépousersonrythme,ilsutqueleplaisirl’emportaitsurladouleur.

—Dis-leencore,luidemanda-t-il,tandisquelatensioncroissantedevenaitinsupportable—Nick…Ilglissaalorssamainentre leursdeuxcorpset,plaçantsonpoucesur lepetitboutonrigide, il se

remitàlecaresser.—Dis-leencore…—Nick!cria-t-elle.—Jesuislà,monamour.Regarde-moi.—Jenepeuxpas…C’esttrop,balbutia-t-elle.Jet’enprie!Jenesaispas…Ilabaissasabouchejusqu’àsonoreille.—Laisse-toialler.Jeterattraperailorsquetutomberas.Elles’abandonnaalorsàlajouissance,etilsentitsesmusclesintimessecontracterautourdeluiàun

rythmeenivrant,tandisqu’ellecriaitdenouveausonnom.Lui-mêmenepritsonplaisirquelorsqu’ellefutalléeauboutdusien,puisilretombasursapoitrine,etlesilencedelachambrenefutplustroubléqueparleursrespirationssaccadées.

IlfallutunlongmomentàNickpourrecouvrerlafacultédepenser.Ilfinitparseretireretrouleràcôtéd’Isabel,malgrésonlégergémissementdeprotestation.Puis,seredressantsuruncoude,ileffleuradelamainsapeaurosie.Avecunfrisson,elleseblottitcontrelui.

—Qu’ya-t-il?demanda-t-ilquand,lasentantsourirecontresapoitrine,ilreculapourcroisersonregard.

—Cen’étaitpluscurieux,àlafin.Àsontour,ilsourit.—Non?C’étaitcomment,alors?Latêteinclinée,Isabelfitminederéfléchir.—Jepensequec’étaitassezremarquable.Ill’embrassaavantd’acquiescer:—Oui,exactement.Ellene tardapasà s’endormir,et ilobserva longuementcette femmesi forte, sidouceet sibelle.

C’étaitunefemmequivivait.Fière etpassionnée, elleneprenaitde l’existencequecequ’elle jugeaitjusteetvrai.

Enpensée,ilrevécutlesévénementsdelajournée.Lamanièrevéhémentedontelleavaitacceptédel’épouser…Etcelle,violente,dontelle l’avait repoussé lorsqu’ils’était révélédifférentdecequ’elleavaitcru.

Avecunsoupir,elleseblottitplusétroitementcontrelui.Elleenétaitvenueàcroireenlui,àavoirfoienluietenlaviequ’illuipromettait,etill’avaitdépouilléedetoutessescertitudes.

Mais,mêmesilecorpsd’Isabels’étaitabandonnéàlui,Nickavaitconsciencequ’ilfaudraitplusdetemps à son cœur pour lui accorder de nouveau sa confiance. Il était cependant déterminé à lareconquérir.

Carill’aimait.

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À cet instant, alors que, pour la deuxième fois, il s’avouait ses sentiments, il prit conscience del’extraordinaireforcedecesmots.Etdelaterreurquilesaccompagnait.

—Isabel!Isabel,réveille-toi!Enentendantletambourinementcontresaporte,Isabelseredressabrusquement,désorientée.Lorsquelesévénementsdelanuitluirevinrentenmémoire,ellepoussaunlégercri,qu’elleétouffa

d’unemaintoutencherchantNickdesyeux.Il était parti, et rien n’indiquait qu’il avait jamais été là. Il avait même ramassé les vêtements

éparpillés d’Isabel et les avait pliés sur le dossier d’une chaise, prèsde la cheminée.Unmélangedegratitude et de déception l’envahit. Elle lui était reconnaissante d’avoir ainsi veillé à protéger saréputation,maisétaitdéçuequ’ilsesoitéclipsésansmêmeunregardenarrière.

Commes’ilétaitcoutumierdufait…Ellesemorigénaaussitôt.Queluiimportait,sic’étaitlecas?Celanelaregardaitpas.Etpourtant…Heureusement,ellefutdistraitedecettepenséequandlescoupsfrappésàlaportereprirentdeplus

belle.—Isabel!—Entre,Lara!Sacousinefitirruptiondanslachambre,essouffléeetlescheveuxébouriffés.—Ilfautquetut’habilles!Avecunsoupir,Isabelrejetalescouvertures,sortitdesonlitetsedirigeaverssonplacard.Mais,surpriseparlebrusquesilencedesacousine,elleseretourna.Plantéeaumilieudelachambre,

Laralaregardait,lesyeuxécarquillés.—Qu’ya-t-il?—Pourquoin’as-turiensurtoi?Prenant alors conscience de sa nudité, Isabel couvrit le bas de son ventre de ses mains tout en

s’adjurant,envain,denepasrougir.—Jene…C’est-à-dire…bafouilla-t-elle.J’avaistropchaud,finit-elleparprétendreensaisissantla

premièrerobevenue,puisenseprécipitantderrièreleparaventpourdissimulersonembarras.—Tuavaistropchaud?répétasacousined’unevoixincrédule.—Exactement.Noussommespresqueenjuillet,Lara.—DansleYorkshire.Lanuit…—Ehbien,oui,assuraIsabelensommantmentalementLarad’acceptercemensonge.Ellecoulaunregardpar-dessusleparavent.Sacousineparcouraitlachambredesyeux.Soucieusede

distrairesonattention,Isabelreprit:— Tu voulais me dire quelque chose ? Tu avais une raison de venir tambouriner à ma porte en

exigeantquejemeréveilleetquejem’habille?—Oui,biensûr!s’exclamaLara.Isabellarejoignittoutennouantlaceinturedesarobededeuild’unbleutrèssombre.—Dequois’agit-il?—Çanevapasteplaire.Isabelsefigeasurplace.Était-ilpossiblequeNicksoitparti?Ilavaitdit, lesoirprécédent,qu’il

s’enirait,maisc’étaitavantque…queleschoseschangent.—Dequois’agit-il?répéta-t-elleavecappréhension.—Nousavonsunevisite.L’appréhensiond’Isabelcédalaplaceàunsentimentdeterreurquiluimorditleventre.

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—Qui?Sansrépondre,Larasetorditlesmains.Densmore !Le tuteur était ici.Le sort de lamaison, des filles, de James était à présent entre ses

mains.EtNickallaitpartir,puisqu’iln’yavaitplusrienpourleretenirici.Sonaiden’étaitplusrequisepour

lesstatuesnipourquoiquecesoit.Lapoitrined’Isabelsecontractadouloureusementquandl’évidencelafrappa:elle,elleavaitbesoin

delui!Maiselleallaitseretrouverseule,unefoisdeplus.—C’estDensmore…murmura-t-elled’unevoixblanche.—Non.C’estleducdeLeighton,annonçaLara.Ilestvenucherchersasœur.

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Quelquesminutesplustard,Isabelcollaitsonoreillecontrelalourdeported’acajoudubureau.Elleperçutunsourdbourdonnementdevoixmasculines,maisneputdiscernerunseulmotetmaudit

celuidesesancêtresquiavaitjugébond’installerunpanneaudeboisaussiépais.—Nickestlà-dedansaveclui?chuchota-t-elle.—Oui,réponditJanetoutaussibas.Ill’arejointpresqueimmédiatement.—Etcommentsefait-ilqu’ilaitpulevoiravantmoi?s’enquitIsabelavecunepointed’agacement.Janeeutlabonnegrâcedeparaîtrecontrite.—Àsonarrivée, leducademandéàvoir lordNicholas,sasœuretvous-même.Jesavaisquesa

sœur,c’étaitinenvisageable.Alors,j’aioptépourvousetlordNicholas.Jenevoulaispasajouteràsonirritation.

—Ilsemblaitirrité?—Ilnelesemblaitpas.Ill’étaitbeletbien.— Je ne devrais pas être surprise, je suppose, commenta Isabel, avant de coller de nouveau son

oreillesurlaporte.—Vousn’entendrezriencommeça,murmurasamajordome.—Merci,Jane.Jem’enaperçois.Dequoiparlaientdonclesdeuxhommes?Est-cequeNickplaidaitleurcause?Outrahissait-ilsa

confiance,unefoisdeplus?Non,certainementpas.Pasaprèscettenuit…—Sivousvoulez,nouspourrionscontournerlamaisonetvoirsinousentendonsquelquechosepar

l’unedesfenêtres…Isabel fut tentée d’accepter, l’espace d’un instant, avant de prendre conscience de la lâcheté du

procédé.Avecunsoupirdefrustration,ellepivotafaceaugrandescalier,surlequelsetenaientLaraetGeorgiana.

—Non,jevaisentrer.ElleposaitlamainsurlapoignéelorsqueLaraintervint:—Tunefrappespas?—Non.Pourdeuxraisons.D’abord,l’effetdesurprisen’estpasànégliger.Ensuite,ils’agitdema

maison.Autantqueleducs’habitueàcetteidée.Sans tenir compte des trois paires d’yeux incrédules posés sur elle, elle entra dans le bureau et

refermalaporteavecdétermination.—Bonsang,Leighton,tun’écoutespas…LavoixdeNickmourutàl’entréed’Isabel.Ils’inclinabrièvementpourlasaluer,etelleremarqua

l’inquiétudequiassombrissaitsonregardbleu.Cenefutqu’auprixd’ungroseffortqu’elledomptales

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battementseffrénésdesoncœuràsavue.Elleportasonattentionsursoncompagnon.Jamaisellen’avaitrencontréd’hommecommeleducde

Leighton–celordavaitlabeautéd’unange.Ilétaitgrand,admirablementdécouplé,avecuneprofusiondebouclesdorées,despommetteshautesetsaillantes,etdesyeuxsemblablesàceuxdesasœur,couleurdemielliquide.

Cethommeparfaitnepouvait sûrementpasêtre l’aristocratearrogantque tout lemonde l’accusaitd’être.

— Je suppose que vous êtes la fille qui la cache, dit-il alors, avec une froideur vaguementméprisante.

Apparemment,si,ilétaitàlafoisaristocrate,arrogantetgrossier.—Leighton…grondaNick.Cet avertissement déguisé procura à Isabel un plaisir qu’elle s’efforça d’ignorer. Elle carra les

épaules.Ellen’avaitpasbesoindelui,etelleleluiprouverait.—JesuisladyIsabel.Sileducremarqual’accentqu’ellemitsur«lady»,iln’enlaissarienparaître.—Heureuxquevousayezenfinputrouverletempsdevousjoindreànous.Elleneputs’empêcherdehausserlessourcilsfaceàsontonsarcastique.Quelhommedétestable!

Riend’étonnantàcequeGeorgianaaitfuiloindelui.—Quepuis-jepourvous?—J’aidéjàdiscutédecetteaffaireavecSt.John.— Parfait, dit-elle, exaspérée par son ton impérieux. Et qu’est-ce qui vous fait penser que lord

Nicholaspourravousaider,puisquec’estmoiquidirigeTownsendPark?—Pourautantquejesache,ladyIsabel,vousn’avezaucunpouvoirsurTownsendPark.Mieuxvaut

que jem’abstiennedediscuter avecvous, car celane servirait qu’ànous exaspérer tous lesdeux.Nem’obligezpasàrecouriràlordDensmorepourobtenircequejeveux.

Unfrissonglacéparcourutledosd’Isabel.Illamenaçait!Aumomentoùelleouvraitlabouchepourrépliquer,Nickintervint:

—JenedevraispasavoiràterappelerquenoussommesdanslamaisondeladyIsabel,Leighton.Etquetudoislatraiteraveclerespectquiluiestdû.

—Elleakidnappémasœur,répliqualeducsanscesserderegarderIsabel.Enquoicelamérite-ildurespect?

—Jen’airienfaitdetel!—Ehbien,c’estpourtantainsi,àmonavis,quelejugeconsidéreralachose.CettemenacearrachaàIsabelunsonétouffé.SurlajouedeNick,lacicatricedevintlivide.—Leighton,çasuffit.—Vousosezappeler«ami»cecrétin?s’exclama-t-elle.—Crétin?répétaLeightond’unevoixtonnante.Jesuispairduroyaumeetduc.Vousferezallusionà

moiavecrespect.—Non,jenelecroispas.—St.John,remetscettefemmeàsaplace!—Jenetelediraipasdeuxfois,Leighton,ripostaNick.TraiteladyIsabelaveclerespectquiluiest

dû,oujetecassedenouveaulafigure.Etcettefois,iln’yaurapersonnepourmerenvoyer.La menace qui vibrait dans sa voix rendit Isabel muette. Après avoir attendu un moment qu’elle

réagisse,leducfinitpardire:—Bien.L’argumentsembleavoirporté.

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Commelesilenceseprolongeait,illerompitdenouveau.—LadyIsabel,j’aimeraisvoirmasœur.Aprèsavoirprisuneprofondeinspiration,Isabelallas’asseoirderrièrelebureau.Ilyavaitquelque

chose,danscetteposition,quiluidonnaitconfianceenelle.D’ungestedelamain,elleindiqualesdeuxfauteuilsfaceàelle.

— Pourquoi ne pas nous asseoir et en discuter ? Voulez-vous du thé, Votre Grâce ? ajouta-t-ellelorsquelesdeuxhommeseurentprisplace.

Leightonclignadesyeux,surprisparsonchangementd’attitude.—Non,jeneveuxpasdethé.Cequej’aimerais,c’estvoirmasœur.—Etvouslaverrez.Maispasavantquenousnenoussoyonsentretenus.LeightonsetournaversNick.—Est-elletoujoursaussiobstinée?—Toujours,réponditNickavecunsourire.—Évidemment,tutrouvesçaamusant…LadyIsabel,jesuisaucourantdevosactivitésici,dansle

Yorkshire.—Jevousdemandepardon,VotreGrâce?—Iln’yapastroisminutes,vousm’aveztraitédecrétin.Jepensequenouspouvonsnousdispenser

decesformalités.Jesaisquevousdirigezuneespècedecoloniedefemmes.CommeniIsabelniNickneconfirmaientsesdires,ilpoursuivit:—Jenem’intéressepasparticulièrementàcequevousfaites,àpartirdumomentoùvousn’entraînez

pasmasœurdansvoshistoiresinfâmes.Mefais-jebiencomprendre?Isabelsepenchaenavant,lesavant-brassurlecuirfroiddusous-main.—Pasvraiment,non.—Isabel…Neleprovoquezpas,intervintNick.Cettemiseengardedécuplal’irritationd’Isabel.—«Ne leprovoquezpas»?Etpourquoipas?Qu’est-cequi l’autoriseàpenserqu’ilpeut faire

irruptiondansmamaison,memenaceretmenacerlasécuritédecellesquirésidentici,ets’attendretoutsimplementquejeluiremettecettemalheureusefille?

—Ils’agitdemasœur!—Sœuroupas,VotreGrâce,elleestarrivéeicidesonpleingré,effrayée,perdueetprêteàtoutpour

s’éloignerdevous!Quevouliez-vousquejefasse?Quejelajettedehors?— Vous avez hébergé la sœur disparue du duc de Leighton ! J’ai retourné tout Londres pour la

retrouver!—Avectoutlerespectquejevousdois,pourmoi,ellen’avaitpasdisparu.L’impertinenceàpeinevoiléedesarepartiesemblaréduireleducausilence.Isabelsetournaalors

versNick,intriguéeparlalueurquibrillaitdanssesyeux.—Allez-vousprendresonparti?Nickneréponditqu’aprèsavoirmanifestementpesésesmots.—Jecroisquejem’entiendraiaurôledeSalomondanscettequerelle.—Figurez-vousquejen’aipasl’intentiondecouperlapauvreGeorgianaendeux.—Dommage.Çaauraitfacilitéleschoses,dit-ilenétendantseslonguesjambesdevantlui.Pensez-

vousêtreenmesured’accorderàSaGrâceuninstantd’entretienavecelle?Isabelreportasonattentionsurleduc.—Sivotresœurestd’accord,jenevoispaspourquoinousnepourrionspasorganiserunerencontre.Leducinclinalatêteavecgrâce.

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—Unenobleouverture…—Cependant,sivoustouchezàunseuldesescheveux,jevousfaisexpulserdecettemaison,déclara

alorsIsabel,avecledétachementqu’elleauraiteupourcommenterletemps.LeightonetNick se raidirent tous lesdeux,manifestement choquéspar cet affront à ladignité et à

l’honneurduduc.MaisIsabel,stoïque,ignoraleurregardsurprisetselevapourgagnerlaporte.Lamainsurlapoignée,elleseretournaetfitfaceauxdeuxhommesimposants,àprésentdeboutcôte

àcôte.—GeorgianaestsouslaprotectionducomtedeReddich.Cetitreestlegarantdesasécurité.Dèsqu’elleeutrefermélaported’ungesteferme,LeightonsetournaversNick.—Reddichestcomte,dit-ild’untonglacial.Jesuisduc.Pourautantquejesache,lahiérarchiedans

lanoblesseesttoujoursenusagedansleYorkshire,non?—Tudevraisteprépareràoublier toutcequetuastoujourscruàproposdetespouvoirsdeduc,

répliquaNick,quiéprouvaunepointedepitiépoursonami.Tousceuxqui résidentdanscettemaisonprêteraientallégeanceàcettefemmeplutôtqu’auroiGeorge.

Ils’abstintdepréciserqu’ilsecomptaitparmieux.—Tueséprisdecettefille,lançaLeightond’untonaccusateur.«Épris?»s’interrogeaNickenserasseyantdanssonfauteuil.Letermenerendaitpasjusticeàce

qu’il éprouvait pour Isabel. Pas après la nuit précédente, et pas après cet entretien durant lequel elles’était tenue,digneet fière,derrière legrandbureaudescomtesdeReddich,pour tenir têteà l’undeshommeslespluspuissantsd’Angleterre.Etgagner!

—Disonsqu’elleaconquismonrespectetmonadmiration.Etpeut-êtredavantage.Leightonl’observaenplissantlesyeux.—Tuseraisfoudecéderàcetteinclination,tulesais…—Jelesais.—Etpourtant?—Etpourtant,jeleferai.Aumomentoùleduchochait la tête, laportedubureauserouvritsurIsabel.Nickserelevaàson

entrée,frappéparsabeauté.Mêmesesvêtementsdedeuilneparvenaientpasàdissimulerlaperfectionlongilignedesasilhouette.Leursyeuxsecroisèrent,maistropbrièvementpourqu’ilpuissedevinersespensées.

Était-elleaussibouleverséequeluiparlesévénementsdelanuitprécédente?Ilétaitretournédanssaproprechambreetessayaitdeconcevoirunplanpourpasserlajournéeavec

elleloindelamaisonlorsqueJaneétaitvenueluiannoncerl’arrivéedeLeighton.Commed’habitude,leductombaitaupiremoment!

L’apparitiondeGeorgiana,derrièreIsabel,ramenaNickàl’instantprésent.Lajeunefilleserraitsesmainsl’unecontrel’autreetgardaitlesyeuxbaissés.

—Georgie…ditLeightonavecunbonheurnondissimulé,ens’avançantverselle.Georgianarelevaalorslatête,etNickfutsurprisparlavivacitédesémotionsquisepeignirentsur

sonvisage : de la joiemêlée de nervosité et de tristesse,mais aussi de l’amour.LorsqueLeighton lasoulevadeterrepourl’étreindre,cefutavecbonheurqu’elles’écria:

—Simon!Devantl’adorationmanifestequ’ilsavaientl’unpourl’autre,lacrispationqueNickressentaitdansla

poitrinedepuisqu’ilavaitrévéléàGeorgianasarelationavecsonfrèresedissipa.IleutlacertitudequeLeightonn’étaitpasresponsable,dumoinsdirectement,delafuitedeGeorgianadansleYorkshire.

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—Jemesuis fait tellementde souci,Georgie,dit leducà sa sœurenprenant sesmainsdans lessiennes. Tu doisme dire ce qui s’est passé. Je jure que je ferai tout ce qui est enmon pouvoir pourarrangerleschoses.

Aussitôt, les larmesmontèrent aux yeux deGeorgiana et elle recula, lui retirant sesmains. Isabelpassaunbrasautourdesépaulesdelajeunefilleenungestederéconfortetdesoutien.

—Peut-êtrequejedevraisdemanderduthé,dit-elle.L’irritation de Leighton, frustré de ne pas comprendre ce qui minait sa sœur et de ne pouvoir y

remédier,flambadeplusbelle.—Pourladernièrefois, jeneveuxpasdethé!Jeveuxmasœur!Qu’est-cequecetendroit luia

doncfait?—Cetendroitn’arienfaitd’autrequem’accueillir,medonnerunfoyeretunbut,déclaraGeorgiana,

d’unevoixquidevenaitplusvibranteetplusassuréeaufildesaphrase.Cetendroitn’arienfaitd’autrequem’accepter.

Sonfrèrepassasesmainsdanssescheveuxavantderiposter:—Moiaussi,jet’accepte!Quoiqu’ilsesoitpassé…jeferaiensortedetoutarranger.Georgianasoutintsonregardavecunefermetéquifitl’admirationdeNick.—Jenecroispasquecesoitpossible,Simon.Jesuistrèsheureusequetusoisvenu,ettrèsheureuse

de t’avoir vu. Et je suis encore plus heureuse de savoir que lady Isabel et les autres résidentes deTownsendParkn’ontplusàvivredanslacraintequetuviennesàmarecherche.MaistudoismelaisseràTownsendPark.C’estlàqu’estmaplace.

—Nedispasdesottises.TueslasœurduducdeLeighton.Tudoismeneruneexistencedigned’uneduchesse.

—Etquiteditquecen’estpaslecas,ici?répliquaGeorgianaavecunmincesourire.—Pourl’amourduCiel,regardedonccetendroit!Nickvitqu’IsabelouvraitlabouchepourdéfendreTownsendPark.Maisellelarefermaaprèsavoir

croisé son regard et, d’un signe de tête, il lui signifia son approbation. Ce n’était pas à elle qu’ilappartenaitdelivrercettebataille.

—Jemeplaisici,répliquaGeorgiana.EtladyIsabelaeulagénérositédem’offriruneplace.—Uneplace?répétaLeightonavecincrédulité.—Jesuislagouvernanteducomte.LeducregardaNick,puisIsabel,avantdereveniràsasœur.—Gouvernante?tonna-t-il.Tuesemployéeici?—Ilnes’agitpasprécisémentd’unemploi,VotreGrâce,intervintIsabel.—Vraiment?Dequois’agit-il,danscecas,ladyIsabel?—Enfait,chacunedesrésidentesagitselonsesmoyenspourlebiendelacommunautétoutentière.Silasituationn’avaitpasétéaussisérieuse,NickauraitrienentendantIsabelessayerd’expliquerles

loisquirégissaientlecurieuxmondedeMinervaHouse.MaisLeightonavaitl’airprêtàétranglerIsabelousasœur,voirelesdeux.

—En conséquence, si je payais une gouvernante à votre frère,ma sœur ne serait pas obligée detravailler?

Isabelpinçaleslèvresd’unemanièrequeNicktrouvacharmante.—Non,cen’estpasainsiqueleschosessepassent…—Detoutefaçon,Simon,jeneseraispasd’accord,déclaraGeorgiana.—C’estridicule!explosaleduc,àboutdepatience.Turentresavecmoi.

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GeorgianaregardaIsabel,quiinclinalatêteensilencepourluimanifestersonsoutien.Lajeunefillepritalorsuneprofondeinspiration.

—Non,jenerentrepas.—J’aibienpeurquetun’aiespaslechoix.Jesuistonfrèreettontuteur.—Simon…Jesaisque tu te faisdusoucipourmoi,assura la jeune filled’unevoix radouciequi

laissaittransparaîtretoutel’affectionqu’elleéprouvaitpoursonfrère.Jesaisquetuveuxquejerentreàlamaison.Mais, je t’enprie,comprendsquec’est impossible.Pasmaintenant. Jemeplais ici, jem’ysensprotégéeetàmaplace.

QuandilvitLeightonbaisserlatête,Nickressentitunecertainecompassionpourcethommequines’étaitjamaisvurefuserquoiquecesoit.Ilétaitdésorienté,inquiet,soucieuxderemédieràunesituationqu’il ne comprenait pas. Au cours des derniers jours, Nick avait lui-même éprouvé ce sentimentd’impuissance.ÀcroirequelesfemmesdeMinervaHouses’évertuaientàsuscitercettesensationchezleshommes.

Cedontlajeunefillen’avaitpasconscience,c’étaitquesonsecretfiniraitparêtreconnu.Isabelnepourraitpaslacacherindéfiniment.EtlanouvellequelasœurduducdeLeightons’arrondissaitdansleYorkshire n’allait pas tarder à se répandre, provoquant un scandale qui éclabousserait non seulementLeighton,maistoutesamaison.

Leducdevaitêtreavertidudangerquilemenaçait.Maiscen’étaitpasàNickdeleluirévéler.C’estalorsqueLeightonrelevalatête.—Dis-moicequis’estpassé,Georgie…Ilyavaitdanssavoixunenotedésespérée,uneémotionàvifquilerendaitplushumainqueNickne

l’avaitjamaisvu.QuantàGeorgiana,deslarmesbrillaientdanssesyeux,etsalèvreinférieuresemitàtremblerimperceptiblement.

AuregardqueluilançaIsabel,Nickcompritque,commelui,ellejugeaitlemomentvenudelaisserlefrèreetlasœurentêteàtête.

—Ilesttempsquevousvousentreteniezsanstémoin,dit-iltoutenrejoignantIsabelprèsdelaporte.Nousvousattendronsdehors.

NiGeorgiananiLeightonnerépondirent.Quandlaportesefutrefermée,IsabelsetournaversNick,manifestementinquiète.—Ellevaleluidire.—Oui.Ellecommençaàfairelescentpasdanslevestibule,perduedanssespensées.QuandNicklavitse

tordrelesmains,unecordevibraauplusprofonddelui.Cettefemmeétaitcapabled’émotionsintenses.Queleffetcelaferait-ild’êtrel’objetdesonattention,desonamour?

Ellefinitparsetournerdenouveauverslui.—Queva-t-ilfaire?Adosséàlarampedugrandescalierdepierre,Nickpritsontempspourrépondre.Leighton avait toujours été outrageusement soucieux des convenances. Menant une vie rangée,

réfractaire au changement et à tout ce qui pourrait souiller son nom, il était prompt à dénoncer et àméprisertoutmanquementàl’étiquettechezlesautres.Lorsqu’unedemi-sœuritalienneétaitarrivéechezlesjumeauxSt.John,unpeuplustôtdansl’année,iln’avaitpaséchappéàNick,lorsdesmanifestationsmondaines,queLeightonavaitprissesdistancesaveceux.

Cethommeabhorraitlescandale.Or,iln’existaitguèredescandaleplusdévastateurquelagrossessed’unesœurcélibataire.

Isabelfixaitsurluisesbeauxyeuxbrunsinquiets,etsoncœurseserra.

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—Jenesaispascequ’ilfera,admit-il,avantdeprendresesmainsdanslessiennes.Mais,quoiqu’ilarrive,Georgianan’enpâtirapas.Jetelejure.

Ellescrutalonguementsonregard.—Jeveuxtecroire.Jeveuxtellementtecroire…Maisellen’étaitpasencoreprêteàluiredonnersaconfiance.Etpeut-êtreneleserait-ellejamais–

unepenséebienplusdouloureusequ’ilnel’auraitimaginé.—Isabel…Ilnesavaitquedirepourluiprouversabonnefoi.Maisiln’eutpasletempsd’allerplusloin,carla

portedubureauserouvritsurLeighton.Sonvisagedemarbren’auguraitriendebon.Déjà, Isabel se précipitait vers le bureau, soucieuse de réconforter Georgiana.Mais les mots de

Leightonl’arrêtèrentnet.—Jedésirem’entreteniravecvousdeux.Isabel,braveetfortecommeellel’était,soutintleregardfroidduduc.—VotreGrâce,votresœurasûrementbesoindemoi.Silachoseétaitpossible,levisagedeLeightonsefitencoreplusimpassible.—Jen’aipasdesœur.Pasaujourd’hui.Quantàlafemmequisetrouvedanscettepièce…Ils’interrompitet,danslebrefsilencequisuivit,Nickcompritlaviolencedelaluttequisejouait

dansl’espritetdanslecœurdesonami.—…ellepeutattendre.Sivoussouhaitezrestermaîtressedeceslieux,ladyIsabel,vousécouterez

cequej’aiàvousdire.Immédiatement.Isabel choisit visiblement de ne pas ignorer la menace déplaisante qui transparaissait dans ses

paroles.Ellecarralesépaulesetditd’untonferme:—Certainement,VotreGrâce.Puisellepivotaendirectiondelabibliothèque.Une fois dans celle-ci, Leighton s’approcha de la cheminée et, les mains posées sur le manteau,

contemplalonguementl’âtrevide.—J’imaginequemafamilleneseraitpaslaseuleàêtresecouéeparunscandalesil’ondécouvrait

cetendroit,finit-ilpardire.—Non,VotreGrâce,réponditIsabelavecunesincéritéqueNickneputqu’admirer.Leightonluijetauncoupd’œilpar-dessussonépaule.—Jesuisasseztentéderéduirecettemaisonencendres.Isabel fut manifestement ébranlée par son ton venimeux. Elle se tourna vers Nick, une prière

silencieuse dans le regard. Désireux de désamorcer l’éclat qu’il redoutait, celui-ci s’approcha deLeighton.

—Ilnes’agitpasdelamaison,Leighton.Ettulesaistrèsbien.—Sanscettemaison,elleauraitété…—Sans cettemaison, son état serait lemême, soulignaNick, ce qui lui valut d’être foudroyé du

regardparleduc.Simplement,ellen’auraiteuaucunendroitoùseréfugier.TudevraisremercierIsabeldel’avoirrecueillie.

—Ehbien,jenepensepasquecesoitpourtoutdesuite,rétorqualeduc,quiseretournaalorspours’adresseràIsabel.Deuxoptionss’offrentàmoi,ladyIsabel.Lapremièreestdem’adresseràlajusticeetd’affronterlescandalemaintenant.

Isabel,stoïque,neréagitpasàcettemenaceproféréed’unevoixpleinedecolère.—Lasecondeestdelalaisserici.Elledonnenaissanceàcetenfant,etlescandaleéclateraplustard,

àunmomentquejenepeuxpasprévoir.Carilestévidentquevousnepouvezpasprotégercettemaison

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etsesrésidentesetque,tôtoutard,lavéritééclateraaugrandjour.Situétaisàmaplace,St.John,quelleoptionchoisirais-tu?

Nicksentitpeserleregardd’Isabelsurlui.Ilsavaitqu’ellelesommaitdechoisirlasecondeoption.Maiscequ’ilsavaitaussi,c’étaitquetoutefamilleraisonnable,quitteàêtreébranléeparunscandale,aurait choisi lapremière, afind’yêtrepréparéeetde s’être arméepouraffronter ledéchaînementdescommentaires.

Mais,pourNick,laraisonn’entraitpasenlignedecompteaujourd’hui.Seulelasécuritéd’Isabeletdesfillesluiimportait.

—Jechoisiraislaseconde.Leightoneutunriresec.—Cen’estpasvrai.—Danscecasprécis,si.Parcequ’ilyaunfacteurquetuasnégligé.—Lequel?demandaIsabel,incapabledesecontenirpluslongtemps.Sonvisagetrahissaitsonincertitude,sasurpriseet,surtout,sacrainte.—Nousallonsnousmarier.CequiimpliquequeladyGeorgiana–etsasituationdifficile–serasous

maprotection.LeduccroisalesbrasetsetournaversIsabel,quiavaitpâli.—Est-cevrai?Ellesecoualatête.—Non.Jen’aijamaisditquej’épouseraislordNicholas.Nickfutpiquéauvif.Ilnepouvaitconcevoirqu’ellerefusedel’épouseraprèscequis’étaitpasséla

nuit précédente. À sa peine et à son irritation se mêla une vague de colère. Mais des annéesd’entraînementluiavaientapprisànerienlaisserparaître.

—Votremémoirevoustrahit,Isabel,dit-ilavecunamusementfeint.Vousavezconsentiàm’épouserhiermatin…Danslasalledesstatues,précisa-t-ilquandelleévitasonregard.Vousnevousensouvenezpas?

Àcesmots,elleeutuneespècedehoquetétouffé.—C’étaitavantquetoutchange!—Effectivement.Avantquecelanedevienneimpératif…insinua-t-il.—Cen’estpascequejevoulaisdire,protesta-t-elleenrougissant,etvouslesavez!—Jesaisexactementcequevousvoulezdire.Etjesaisaussiquejenepartiraipasd’icisansm’être

mariéavecvous.—Jen’aipasbesoindevous.Jemedébrouilletrèsbientouteseule.Ellen’avaitpasbesoindelui?Cetteaffirmationlerenditfurieux.—Oui,c’estceque jeconstate.Vousavezunemaisonpleinedefemmesendifficulté,etpersonne

pourlesprotéger.Dieuseulsaitcombiend’hommesmalintentionnésvontseprésenterlorsqueLeightonauramis samenace à exécution. J’ajouterai que lamaison elle-même tombe en ruine, qu’il y a ici unenfantquiauraitdavantagebesoind’êtreéduquéquedenombreuxchiotsquejeconnais,qu’ilahéritédel’undes comtés les pluspourris dupays, quevous abritez la sœurd’unduc sur le point demettre aumondeunbâtardet…quevousavezétécompromise!Àpartça,vousvousdébrouilleztrèsbientouteseule.

»Vouscroyezquedemanderdel’aidevousrendplusvulnérable.Cequivousrendvulnérable,c’estdepersisternaïvementàaffirmerquevouspourrezvousensortir sans l’aidedepersonne !Vousavezbesoindemoi,c’estévident!Ilvousfaudraitmêmeunbataillonpourréglertouslesproblèmesdecet

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endroit!Commentpouvez-vousdoncpenseruninstantquejenevaispasvousépouser,espècedefolle?conclut-ild’unevoixàprésenttonnante.

Ses paroles résonnèrent un longmoment dans la pièce.Quand il vit les yeuxd’Isabel s’emplir delarmes,ilregrettaaussitôtsonemportement.

—Isabel…dit-ild’unevoixradoucieenesquissantungestepourserapprocherd’elle.Maisellelevalamainpourl’enempêcher.— Non. Votre Grâce, poursuivit-elle en se tournant vers Leighton, si ce sont là les options qui

s’offrentàmoi,jechoisisévidemmentcellequicauseralemoinsdetortàTownsendPark.Leducs’éclaircitlagorge.—Sicequ’aditSt.Johnestvrai,jemedois,entantquegentleman,d’insisterpourquevousvous

mariiez,ladyIsabel.Commeelleopinaitensilence,ilajouta:—Jevaisenvoyerchercherunpasteur.Elleinclinadenouveaulatête,leslèvresserrées,commesielleretenaitseslarmes.Puisellequitta

labibliothèqueencourant,laissantàNickl’impressiondes’êtreconduitcommeunparfaitidiot.—C’estmoiquiiraichercherlepasteur,bonsang!s’écria-t-ilavecressentiment.Pressédes’expliquer,des’excuser,ilvoulutemboîterlepasàIsabel.—Àtaplace,jem’abstiendrais,intervintLeighton.—Oh,parcequetut’entiressibienqueçaaveclesfemmes,aujourd’hui?—Ellevasefaireàl’idée.—Jen’ensuispassisûr.Ellen’estpascommelesautres.—Vraiment?Jen’avaispasremarqué.Nickselaissatomberdanslefauteuilleplusprocheetenfouitsatêtedanssesmains.—Jesuisunimbécile.Aprèss’êtreassisenfacedelui,Leightontirauncigarillod’unétuienargentetl’alluma.—Necomptepassurmoipourtecontredire.—Toiaussi,tuesunimbécile,tusais,ripostaNickenrelevantlatête.— Je le suppose. Sacrebleu, enceinte à dix-sept ans…Elle n’amême pas fait son entrée dans le

monde.—Tunepourraspaslabanniràjamaisdetavie.—Non…maisjepeuxessayer.—C’estunegentillefille.Elleneméritepastacolère.—Jeneveuxpaspenseràelle,déclaraLeighton,d’untonquinesouffraitpasderéplique.Unlongsilences’abattitavantqu’ilnereprenne:—Ainsi,tuesamoureuxdecettedame.—Jelesuis,admitNick.QueDieumevienneenaide.—Selonmonexpérience,cen’estpasenannonçant,dansunepiècepleinedemonde,qu’elleaété

compromisequ’ongagnelecœurd’unefemme.—Lapiècen’étaitpaspleinedemonde,rétorquaNick,quifermalesyeux.Jesuisunidiot.—Oui.Maisellevat’épouser.—Parcequetuluiasforcélamain.—Nedispasdebêtises.—LeducdeLeightonainsistépourqu’ellesemarie,ouildétruiracequiluiestlepluscher…Que

ferais-tuàsaplace?

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—Tun’aspastort,reconnutLeighton,quitiraensuiteplusieursboufféesdesonpetitcigare.Encoreque…tabelledamenesemblepasêtredugenreàfuirdevantl’adversité.

NickrevitIsabelsurletoit,etdanslacuisineavecsonarméed’amazones.—Tuastoutàfaitraison.Leightonobservalonguementl’extrémitédesoncigarilloavantdedemander:—Est-ilenvisageablequ’elletienneàtoi?—Pascematin.—Tudevraisluidirequetul’aimes.Nicksecoualatête.—C’estuneidéeabominable.—Tuaspeurquecenesoitpasréciproque?s’enquitleduc,levisagesérieux.—Peur?Jesuisterrifié.—Lebulan,terrifié?Commec’estintéressant…AlorsqueNickréprimaituneforteenviedeluienvoyersonpoingdanslafigure,Leightontiraune

montredesapoche.—J’aimeraisbienrépondreàtonenviemanifestedetebagarrer,maistabelledameestendeuil.Ilte

fautunelicencedemariagespéciale.—Cequisignifiequejedoisallerjusqu’àYork.—Ehbien,ilsetrouvequejeconnaisl’archevêqued’York.Unechance,non?—Certes,Leighton,onpeutdirequetonarrivéeaétéunegrandechance,grommelaNick.

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20

Cenefutpaslegenredemariagedontunejeunefemmepouvaitrêver.Nickétait revenu tôtdans lamatinée,aprèsavoir fait levoyage jusqu’àYorkdans lanuitets’être

arrêtéàDunscroft,auretour,pourtirerlepasteurdesonlitetletraînerjusqu’àTownsendPark.C’étaitàpeines’ilavaitpris letempsdesechangeret,àenjugerparsescernes,saminechiffonnéeetsavoixéraillée,iln’avaitpasdormidepuisladernièrefoisqu’ellel’avaitvu.

Ils s’étaientmariés dans le bureau de son père, avecLara etRock comme témoins.La cérémonieavaitétérapideetsommaire–pournepasinsulterlamémoiredefeulecomte,avaient-ilsarguéauprèsdupasteur.

Celui-ci n’avait pas protesté, impressionné qu’il était de voir que la licence spéciale avait étérédigéedelamaindel’archevêqued’Yorkenpersonne.

Isabeln’avaitpasprotesténonplus.Aprèstout,c’étaitlaseulesolution.Aussis’étaient-ils juréamouret fidélité,puis ilsavaientéchangé leursserments.MaisquandNick

s’étaitpenchépourl’embrasser,elleavaitdétournélatête,sibienquesaboucheavaitrencontrélevide.Car elle doutait de supporter le contact de ses lèvres, à cet instant où ils s’unissaient pour les piresraisons.

Elle avait quitté lamaison aussitôt après le départ du pasteur, en direction de l’ouest. Elle avaitmarchédansleschampspendantlongtemps,desheurespeut-être,perduedanssespensées.

Durantsonexistence,elleavaitététémoindeplusieurssortesdemariages:lemariaged’amourquiconduisait à la solitude,celuiqu’onconcluaitpour fuirunesituationetqui se révélaitdésespérant,ouencorelemariagederaisonquines’épanouissaitjamaisenunsentimentplusfort.

DanslesraresmomentsoùIsabels’étaitautoriséeàrêverdemariage,ils’agissaitd’autrechosequedesolitude,dedésespoiretderaison.N’était-ilpasironiquequelesienfûtnédestroisconjugués?

Néanmoins,siellevoulaitsemontrerhonnête,elleavaitcru,deuxjoursauparavant,quesonmariageaveclordNicholaspourraits’épanouirenunvéritableamour.

Ils’appelaitNicholas,Raphaël,DorianSt.John…etc’étaitàpeuprèslaseulechosequ’elletenaitpourcertaineausujetdesonmari.

Le vent s’était levé sur la lande, et les longues herbes lui fouettaient les jambes tandis qu’elle sedirigeaitàgrandesenjambéesverslalimitedesterresdesTownsend.Desterresquiappartenaientàsafamilledepuisdesgénérationsetquiseraientsauvéespourlessuivantesgrâceàcequ’elleavaitfaitcematin.

Finalement,ellen’étaitpeut-êtrepasaussiégoïstequecela?

Page 181: Tome 2 - L'Amour en 10 Leçonsekladata.com/ZIMd_Kq5ZDsA09QkpcvioJ2L7sA/Tome_2_-_L_39...sans pouvoir réprimer un sourire devant sa surprise. Quand il ouvrit la bouche et la referma,

Elle ferma les yeuxpour chasser cette pensée.Lorsqu’elle les rouvrit, la clôture endommagéequimarquait la limiteouestdudomaineapparutdanssonchampdevision.Encoreunechoseà laquelle ilseraitbientôtremédié.

Ellen’avaitpasvouluépouserNickparintérêt.Nipourbénéficierdesaprotection.NiparcequeleducdeLeightonleluiavaitordonné.

Pourtant,n’était-cepascequ’elleavaitfait,dumoinsenpartie?—Non,dit-elledansunmurmurequeleventemportaaussitôt.Lorsqu’elle avait acceptéde semarier avec lui, c’étaitparcequ’elle tenait à lui.Etparceque lui

tenaitàelle.Maisc’étaittroptard,àprésent.Ellerevitbrusquementlascènedelaveille–quiparaissaitmaintenantapparteniràunpassélointain.

Alorsqu’ellerefusaitdel’épouser,ilavaitréussiàlaconvaincrequ’elleavaitdésespérémentbesoindelui.QueMinervaHousenesurvivraitpass’iln’intervenaitpaspourlasauver…Quelamaisonvivaitsesdernièresheures.

Etilavaiteuraison,songeaIsabel,quidutessuyerunelarmesursajoue.Ellen’étaitpluscapabled’assurerseulesasurvie.

Maisqu’allait-elledevenir,àprésent?Quiserait-ellesiellen’étaitpluslamaîtressedeTownsendPark,ladirectricedeMinervaHouse,cellequipossédaitlesréponses,celleverslaquelletouslesautressetournaient?

—Isabel!Ce cri, accompagné d’unmartèlement de sabots, la tira de ses sombres réflexions. Elle pivota et

aperçutNick,montésursongrandchevalgris.Ellesefigeasurplacetandisquelui,tirantsurlesrênes,sautaitàterreavantmêmequesamonturesesoitimmobilisée.

—Jet’aicherchéepartout!cria-t-iltoutens’avançantàsarencontre,lesyeuxrivésauxsiens.—Jemepromenais,dit-elleavecunhaussementd’épaules.—Unelonguepromenade,pourunejeuneépouselejourdesonmariage,commenta-t-il.Tutentaisde

tesauver?—Non,répondit-elle,sanssourireàsaplaisanterie.Danslesilencequisuivit,ilscrutasonvisage.—Tuesmalheureuse…Ellesecoualatête,lesyeuxbrûlantsdelarmes.—Non.—J’ai entenduparlerde femmesquipleuraient le jourde leurmariage, Isabel,mais j’ai toujours

considéréqu’ils’agissaitdelarmesdejoie.Ilsetut.Puis,aprèsl’avoirobservéedenouveauintensément,ill’enlaçaetl’attiraàlui.— Isabel, je suis désolé pour les choses que j’ai dites, et pour la manière dont je les ai dites,

murmura-t-ildanssescheveux.Pardonne-moi.Elleneréponditpas,maisellerefermaétroitementsesbrasautourdelui.C’étaittoutcequ’elleétait

capabledeluidonneràcetinstant.Elles’abandonnaàsonétreintependantunlongmoment,jouissantdela forcede sesbras, de la chaleurde son torse sous sa joue.Elle s’autorisamêmeà imaginerque cemariage était différent, qu’ils s’étaientmariés pour une tout autre raison…qu’ils s’étaientmariés paramour.

À cette pensée, elle s’écarta. Comme elle faisait mine de lisser sa jupe, le regard détourné, ilmurmura:

—Isabel…

Page 182: Tome 2 - L'Amour en 10 Leçonsekladata.com/ZIMd_Kq5ZDsA09QkpcvioJ2L7sA/Tome_2_-_L_39...sans pouvoir réprimer un sourire devant sa surprise. Quand il ouvrit la bouche et la referma,

Ladouceuretl’émotionaveclesquellesilprononçasonprénoml’obligèrentàreleverlesyeux.— Je suis désolé que tu n’aies pas eu le genre de mariage dont tu avais rêvé, poursuivit Nick.

J’auraisvouluqu’ilsedérouleautrement,avecuneéglise…unebellerobe…ettesprotégées.Ellesecoualatête,tropémuepourparler.Ilpritalorssamain.—Nousavonslaissédecôtéunepartimportantedelacérémonie,cematin.Lepasteuradûsupposer

quenousn’avionsrienprévupourcela,aussil’a-t-ilpasséesoussilence.—Jenecomprendspas,avoua-t-elle,déconcertée.Illuiprésentasonpoingfermé.Quandill’ouvrit,elleaperçutsursapaumeunsimpleanneaud’or.—Tuméritesbeaucoupmieux…J’airéveillélepremierbijoutierquej’aitrouvéàYork,cettenuit,

et il n’avait pas un grand choix. Dès que l’occasion s’en présentera, je t’achèterai une baguefabuleuse.Avecdesrubis.J’aimequetuportesdurouge.

Lesmots se bousculaient presque dans sa bouche, comme s’il craignait un refus d’Isabel s’il luilaissaitlachancedeparler.Maisellen’avaitaucuneenviedel’interrompre.

Illuipassaalorsl’allianceaudoigttoutenesquissantunsourireencoin.—Jenemerappellepaslesmotsexacts…—Moinonplus,chuchota-t-elle.— Bien, dit-il avant de prendre une profonde inspiration. Je ne suis pas parfait, et j’ai bien

consciencequ’ilmefaudratravaillerduravantderegagnertaconfiance.Maisjeveuxquetusachesquejesuisextraordinairementheureuxdet’avoirpourfemme.Etjeferaitoutcequiestenmonpouvoirpourêtreunexcellentmari.Quecettealliancesoitlapreuvedeceserment.

Ilrefermasesmainsencoupeautourduvisaged’Isabelet,avecsespouces,essuyaleslarmesqu’ellen’avaitpureteniràcesmots.

—Nepleurepas,moncœur.Il effleura ses lèvres de baisers si tendres, si doux que, l’espace d’un instant, elle oublia qu’ils

s’étaientmariéspouruntasdemauvaisesraisons.Aprèsavoirrelevélatête,ilplongeadenouveausonregarddanslesien.—Cetaprès-midi…jusqu’àcesoir…pouvons-nousoubliertoutlereste?Pouvons-noussimplement

avoirunejournéepourcélébrernosnoces?Qui sait si, avantquene leur reviennent toutes lesmauvaises raisonsqui les avaientpoussés à se

marier,celaneleurpermettraitpasd’endécouvrirunebonne?Siseulement…—C’estuneexcellenteidée,jecrois,dit-elle.Avecunsourireéclatant,illuiprésentasonbras.—Lajournéevousappartient,ladyNicholas.Quevoulez-vousenfaire?LadyNicholas…Commeilétaitétranged’êtrecettepersonnenouvelle,différente…Maisjoueravec

cenomenpenséesuffitàfaireresurgirl’anxiétéd’Isabel.QuiétaitladyNicholas?Qu’étaitdevenueladyIsabel?

—Isabel?Demain.Elles’inquiéteraitdeladyIsabeldemain.—J’aimeraistemontrerledomaine,luirépondit-elleensouriant.Quelquesminutesplustard,caléeentrelesbrasdeNick,Isabelluidésignaitleslieuximportantsde

sonenfancetandisquelechevallesramenaitverslamaison.Elleluimontralebosquetoùellesecachaitlorsqu’ellevoulait s’échapper, l’étangoù elle avait appris ànager, les ruinesduvieuxdonjonoù ellejouaitàêtreuneprincesse.

—Uneprincesse?

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—Oui, répondit-elle, lesyeuxfixéssur la touràdemiécroulée,érigéeaupoint leplushautde lapropriété.Prétendreêtreunereinemeparaissaitexagéré.Ilfautsavoirrestermodeste.

Toutenriant,ilimmobilisasoncheval.Quandelletournalatêteverslui,Isabelvitbrillerdanssesyeuxunintérêtmalicieux.

—Pouvons-nousvisitervotrechâteau,VotreAltesse?—Certainement.Dèsqu’elleeutmispiedàterre, il lapritpar lamain,et ilsgravirent lemonticuleendirectionde

l’amasdepierres.— Il y a des années que je ne suis pas venue ici, déclara Isabel en s’aventurant entre les piliers

effondrés.Nicks’adossaàunmurbas,vestiged’unesalledétruite.—Raconte-moicequetuimaginais.—Lamêmechosequelesautrespetitesfilles,jesuppose,répondit-elleavecunsourirepensif.—Jen’aipaseuleprivilègederencontrerbeaucoupdepetitesfilles.Jet’écoute,situveuxbien.Elles’arrêtasousunearchedepierrequiavaitpeut-être,longtempsauparavant,encadréunefenêtre.—Ehbien, j’étaisuneprincessedansune tour, commença-t-elle, le regard tournévers lepaysage

verdoyant. J’attendaismonchevalier…Selon les jours, j’étaisprisonnièred’un sort,ougardéeparunméchant dragon, ou quelque chose d’aussi fantastique. Mais ce n’était pas toujours aussi recherché.Quelquefois,jevenaisicisimplementpour…

ElleseretournaetconstataqueNickavaitdisparu.—Simplementpour?Il se tenait de l’autre côté de l’arche, les avant-bras posés sur le largemur de pierre.Elle rit du

tableauqu’iloffrait,avecsescheveuxébouriffésetsonsourireespiègle,alorsqu’ilportaitencoresonhabitdecérémonie.

Àsontour,elleposalesbrassurl’appuidefenêtre,toutcontrelessiens.—Pourtenterd’imaginermonavenir.—Quevoyais-tu,danstonavenir?Isabeldétournalesyeux.—Les choseshabituelles…Lemariage, les enfants…Jen’avais certainementpasprévuMinerva

House.Ellerestasongeuseunlongmomentavantdereprendre:—C’estdrôlecommeceschosess’insinuentdanslesrêvesdespetitesfilles.Jen’avaispassousles

yeux l’exemple d’un couple heureux, et je ne possédais aucune preuve que le mariage était un sortenviable.Etpourtant…

—Et pourtant, fut un tempsoù lady Isabel rêvait de devenir une épouse, dit-il d’unevoix légère,taquine.

C’étaitexactementletondontIsabelavaitbesoin.—Jesuppose,acquiesça-t-elleensouriant.Évidemment, ladyIsabeln’avait jamaisenvisagédese

marieravecl’undesplusbeauxpartisdeLondres.Elleaeudelachance,vraiment,deconquérirunlordaussiéminemmentdésirable.

Nickrestabouchebée,lesyeuxécarquillésparlasurprise,etIsabelneputs’empêcherdeglousser.—Tuétaisaucourant!Elleplaçasamainsursapoitrined’ungestethéâtral.—Monsieur,commentpouvez-vousimaginerqu’ilexisteuneseulefemme,danscettecontrée,àne

pasêtreaucourant?Figurez-vousqu’iln’estpasnécessaired’êtreabonnéàPearlsandPelissespour

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reconnaître,aupremiercoupd’œil,unetelle«incarnationdelavirilité…».—Vousvoustrouvezsansdoutetrèsdrôle,ladyNicholas.—Jesaisquejesuisexcessivementdrôle,lordNicholas,riposta-t-elleavecunsourireéclatant.Toutenriant,iltenditlamainpourrepousseruneboucledecheveuxqueleventrabattaitsursajoue.

Leriremourutsimultanémentsurleurslèvresquand,aprèsunarrêtimperceptible,ilprolongeasacaresseenrefermantsamainsurlanuqued’Isabelpourl’attireràlui.Sonbaiser,àlafoistendreetprofond,fitcourirenelleunfrissondeplaisir.Alorsqu’elle laissaitéchapperunsoupir, il fitpleuvoirdedouxetlégersbaiserssursajoue,sonfrontetleboutdesonnezavantdes’écarter.

—Ainsi,tupensaispouvoirmeconquérir?demanda-t-il,narquois.—Non.Lesfillespensaientquejepouvais teconquérir.Ellesmepressaientdemettreàprofit les

leçonsdelagazettepouryparvenir.Quandilpoussaungrognementincrédule,elleajouta:—Inutiledepréciserquejen’aijamaisététrèsbonnepoursuivredesinstructions.—Etalors?Quelétaittonplan?—Cequejepensaisconquérir,c’étaittonexpertiseenmatièred’antiquités.—Ehbien…Tusemblesavoirreçuplusquetunedemandais.Ellefeignitdeleconsidérerd’unœilcritique.—Oui,j’enaibienl’impression.—Espècedefriponne!lança-t-ilenéclatantderire.Aumomentoùellejoignaitsonrireausien,ils’éloignadelafenêtre.Ensepenchant,ellelevitqui

sedirigeaitversuneouvertureet,àlapenséequ’ilallaitserapprocherd’elle,ellesentitlesbattementsdesoncœurs’accélérer.

Nevoulantpastrahirsanervosité,ellesehissasurl’appuidefenêtreetattenditqueNickvienneverselle. L’excitation continua de grandir au creux de son ventre à mesure qu’il avançait, enjambant lesgravatsavecprécaution.

Lagazettedisaitlavérité:quelhommeremarquablec’était!Etcethommeremarquableétaitsonmari…Loin de s’arrêter à une distance convenable, il s’approcha d’elle autant qu’il le put. Ses jambes

frôlaientlajuped’Isabelquandillevalamainpourluicaresserdoucementlajoue,ylaissantunsillagedefeu.Ilyavait,dansleregardqu’ilposaitsursonvisage,quelquechosequ’elleneputdéchiffrer.

—Àquoipenses-tu?murmura-t-elle.Àun tout autremoment, ellen’aurait pasposé laquestion.Mais ils se trouvaientdans cet endroit

magique,loindurestedumondeetdeleurvie.Aujourd’hui,ilsétaientsimplementmarietfemme.Lepoulsd’Isabels’accéléraencorequandellereconnutledésirdanslebleuardentdesesyeux.Elle

retintsonsouffledansl’attentedesaréponse.—Jepensequetueslafemmelaplusmagnifiquequej’aiejamaisconnue.C’étaitsiinattenduqu’elleenrestasansvoix.Ilajouta,lesmainsreferméessursonvisage:—Tuesforte,belle,brillante,etsipassionnée…J’aitellementenvied’êtreprèsdetoiquec’enest

douloureux.Jenesaispascommentc’estarrivé,continua-t-il,lefrontcontrelesien,maisilsembleraitquejesoistombéfouamoureuxdetoi.

Sesmotsrésonnèrentdansl’espritd’Isabel,l’empêchantdepenseràquoiquecesoitd’autre.Était-cepossible?Nickl’aimait?C’estalorsqu’ill’embrassaetqu’ellerenonçaàréfléchir.AvouersonamouràIsabelavaitlibéréquelquechosedesauvageetdepuissantenNick.Sansôter

seslèvresdessiennes, il lasoulevapourl’emmenerjusqu’àunpetitcarréd’herbe,aupieddudonjon.

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Durantlelongmomentqu’ilspassèrentàjouerdeleurboucheetdeleursmainspoursecaresser,Nickfutintensémentconscientdecequidifférenciait cet instantde tous lesautres.Quel troubleviolent,quelleivresseilyavaitàfairel’amouràsafemme!Àlafemmequ’ilaimait!

Quand Isabel commença à s’attaquer aux boutons de son habit, puis de son gilet,Nick arracha sabouche à la sienne, le temps de se débarrasser de l’un et de l’autre. Ils s’embrassèrent de nouveaufébrilement,puisIsabeltirasursachemisepourglissersesmainssursontorse.Lecontactdesesdoigtscontresapeauétaitunetorture,etilrompitunefoisencoreleurbaiserpourpassersachemisepar-dessussatêteetlalancernégligemmentderrièrelui.

Mais,quandiltentadereprendreIsabelentresesbras,ellesedérobad’ungestesouple.—Non,dit-elled’unevoixoùperçaitlaconsciencedesonpouvoirféminin.Jeveuxteregarder.Elles’approchaet,toutenempêchantNickdelatoucher,plaquasespaumessursontorse.Puiselle

fitglissersesdoigtslelongdesesbras.—Tuessimusclé…sihâlé…Commentcelasefait-il?Renduàmoitiéfouparsescaresses,Nickpeinaàtrouversesmots.—Jepossèdeundomaineàl’extérieurdeLondres…J’aimetravaillerdansleschamps.Sousleregardbrûlantd’Isabel,ildutserrerlespoingspourcontenirsonenviedel’attireràlui.—Tuneportespasdechemisequandtutravaillesdehors?—Pastoujours.—Quelleinconvenance…chuchota-t-elled’untonsuggestif,avantdefairecourirseslèvressurson

torse,dessinantdelentscercleshumidessursapeau.Incapablederésisterpluslongtemps,Nicks’emparadesabouche.Puis,ayantfaitpivoterIsabel,il

déboutonnaavecunehâtefébrileledosdesarobe.Quandlecorsages’entrebâilla,elleleretintsursesseins. Puis elle se retourna avec, dans ses yeux bruns, une promesse de sirène et lâcha sa robe, quis’épanouitàsespiedscommeuneflaquebleunuit.

Nickprituneprofondeinspirationetlafitpivoterdenouveau.—Jedétestelafemmequiainventélecorset,gronda-t-ilens’attaquantauxlacetsdecelui-ci.Isabels’esclaffaetluijetaunregardpar-dessussonépaule.—Qu’est-cequitefaitpenserquec’estunefemmequil’ainventé?—Parcequ’unhommen’auraitjamaiseul’idéedeterendreaussidifficiled’accès.Dès qu’elle se fut débarrassée du sous-vêtement incriminé, Nick repoussa les bretelles de sa

chemise, laquelle tombaà son tour. Isabel se retrouvanuedevant lui, avecpour témoins le ciel et lesvieilles pierres. Il dévora des yeux son corps ravissant, que rougissait un mélange d’excitation etd’embarras.

— Te voilà, dit-il d’une voix que le désir rendait presque méconnaissable, même à ses propresoreilles.Viensici.

Il l’attira à lui. Sa poitrine nue se pressa contre son torse quand il s’empara de sa bouche avecavidité.Puisilpritsesseinsencoupedanssesmainsetentaquinalespointesdéjàdurcies.Commeellegémissaitcontreseslèvres,ilbaissalatêteetrefermasabouchesurl’undesesmamelons,dontiltitillalachairtenduedesesdents,desalangue,avantdelesucerdoucementenunecaressequipoussaIsabelàsetordrecontrelui.

Ilglissaalorsunemainentresescuisses,écartad’undoigtlesbouclesdoucesquiprotégeaientsonsexe, trouva l’endroit où se concentrait sondésir et l’exaspéra endessinant autour des cercles légers.Puis,rendufouparseshalètementsaffolés,ill’étenditsurl’herbemoelleusecommepourunsacrificeetécartasesjambes,offrantsachairlaplusintimeausoleil,auventetauciel.Iljoignitunseconddoigtaupremieretregardasesyeuxs’embuerdepassionalorsqu’illamenaitaubordduplaisir.

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Ilvoulaitlavoirjouirentresesbras.Ledoscambrécontrelesol,elletenditleshanches,luiindiquantdansl’expressioninnocentedeson

désiroùetcommentlacaresser,etils’inclinapoursaisirlelobedesonoreilleentresesdents.—Oui,monamour,chuchota-t-il,prendstonplaisir.Il lui donna ce qu’elle ne savait comment demander, plus vite, plus fort, plus profondément…

L’orgasmelaterrassa,luiarrachantdescrisinarticulésquirésonnèrententrelesvieillespierres.Ensuite,ellerestainertependantdelonguesminutes,durantlesquellesNicksegorgeaduspectacle

qu’elleoffrait,nue,abandonnée,etàlui.Quandellefinitparrouvrirlesyeux,lalueurlicencieusequ’ilvitdanssonregardluicoupalesouffle.Ellefitdescendresamainlelongdesontorse,avantdeglisserundoigtsouslaceinturedesonpantalon,dontsonmembredurcitendaitl’étoffe.

—C’estmontour,murmura-t-elle.Etelleentrepritdedéfairelesboutons…bientroplentementaugoûtdeNickqui,enunclind’œil,se

débarrassadesesbottesetdesonpantalon.Ilseretrouvaaussinuqu’elle,etaniméd’undésirdésespéré.Ill’embrassapassionnémentavantderépliquer:

—Biensûr.Cen’estquejustice.Avecunrirepleindepromesses,ellepritdanssamainlesexedeNick,quisedurcitencoresousles

caressesqu’elle lui prodiguait.Elle compensait sonmanqued’expériencepar l’audace et la curiosité.Entresespaupièresmi-closes, il lavitobserver,fascinée,sonmembrequigrandissaitentresesmains,devenantplusduretpluslongqu’ilnel’avaitjamaisété.

Elles’inclinaalorspourdéposerunbaiserléger,humide,àsonextrémité,etilcrutmourirsurplace.Aurâlequ’ilpoussa,ellerelevalatête,l’airinquiet.—Jet’aifaitmal?Cettequestioninnocenteluifitrefermerlesyeux,alorsqueseshanchesbougeaientmalgréluipour

appelersescaresses.—Non,monamour.Non…—Jedoisarrêter?—Aucontraire,recommence,supplia-t-ild’unevoixtremblante.L’effleurementdeseslèvresdoucesfutunedélicieusetorture.Nickretintsonsouffle.Queferait-elle

ensuite?Quandilsentitsalanguelelécheravechésitation,ilneputretenirungémissement.—Oui…commeça…Oh,Isabel!Quelques instants plus tard, enhardie par ses encouragements, elle lui prodiguait des soins si

empressésqu’ilcraignitdenepluspouvoirsecontenir.Il l’écartadoucement,puis, lasoulevant, ladéposasur luiàcalifourchon.Commeil l’attiraità lui

pours’emparerdesabouche,ellerésista,uneombred’incertitudedansleregard.—Çaneteplaisaitpas?Ilneputréprimerunrirerauque.—Monamour,jen’aijamaisrienconnud’aussiincroyable.Celameplaisaittrop.Elle fronça les sourcils, et il s’aperçut qu’elle ne comprenait pas.De nouveau, il s’empara de sa

bouche,etleurbaiserardent,prolongéleslaissatouslesdeuxpantelants.Ilrefermaalorsseslèvressurl’undesesseins,qu’ilsuçajusqu’aumomentoùellelaissaéchapperuncriétranglé.

—Je…jeneveuxpasavoirduplaisirsanstoi,balbutia-t-elle.Pasaujourd’hui.Laprenantparlataille,illaguidademanièreàl’empalerdoucementsurlui.Lasensationnouvelle

luifitécarquillerlesyeux.—Onpeutlefairecommeça?—Nousallonsbienvoir…Est-ceconfortable?

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—Oui,murmura-t-elle.Oui…c’estdélicieux.Elleimprimaàsonbassinunmouvementd’ondulationquinetardapasàmenacerlaraisondeNick.

Desesmainssurseshanches,illuimontracommentbouger,l’encourageantàprendrelecontrôledeleurunion,àdevenirlamaîtressedeleurplaisir.Commeils’endoutait,elles’yemployaaussitôtet,toutencaressant ses cuisses élancées, ses seins ronds, il la laissa rechercher et adopter le rythme qui laconduiraitàl’orgasme.

Au moment où le supplice devenait insupportable, ses mouvements de va-et-vient s’accélérèrent,devinrentfrénétiques,etilvitsursonvisageuneexpressiondesurprise.Ilglissaalorslamainàl’endroitoùleurscorpsétaientuniset,dupouce,titilladélicatementlepetitboutondurdesonintimité.Autourdesonmembre,ilsentitsecontractersachairenspasmesdeplusenplusviolents.

—Regarde-moi,Isabel.Regarde-moidanslesyeuxaumomentdejouir.—Jene…jenepeuxplus…haleta-t-elle,lesonglesenfoncésdanssesépaules.Nick!—Jesais…Il l’empoigna par les hanches et l’extase les submergea, les entraînant dans un maelström de

sensationsquileurarrachadescrisinarticulés.Isabels’effondrasurlui,etillagardaenlacéeletempsqueleursoufflesaccadéretrouveunecadence

normale.Quandonn’entenditplusquelemurmuredelabriseentrelespierres,ilposaseslèvressursatempeetluirépétaqu’ill’aimait.Àcesmots,ellefrissonnaensepressantdetoutessesforcescontrelui.

Peut-êtreavaient-ilsunechance,finalement.

Enveloppéedansunegrandeserviette,Isabelsepréparaitdevantsacoiffeusepoursanuitdenoces.Lachoseparaissaitcependantunpeusaugrenue,étantdonnéquesonmarietelleavaientpasséunegrandepartiedelajournéeàl’extérieur,nus,àcélébrerleuraprès-mididenoces.

Mais,biensûr,personnedanslamaisonnepouvaitlesavoir.Aussi,quandLaraavaitinsistépourluipréparerunbain,Isabeln’avait-ellepasprotesté.D’autantqu’ilneluidéplaisaitpasdepasserunpeudetempsseuleavecsespenséesavantderetrouversonmari.

Sonmari…Sonmariquil’aimait…Ou,entoutcas,quileluiavaitdit.Commecesmotsétaientpuissants!Ellecomprenaitàprésentàquelpointilspouvaientrendreune

femmefaible,etdequellemanièrequelquessimplessyllabessuffisaientàsusciterchezellel’excitationetl’impatience.

Uncoupfrappéàlaportefitbondirsoncœurdanssapoitrine.PuiselleserenditcomptequecenepouvaitêtreNickcar,unpeuplustôtdanslajournée,ilavaitemménagédanslachambreadjacente,quicommuniquaitaveclasienneparuneporteintérieure.Or,c’étaitàlaporteducouloirqu’onfrappait.

—Entrez!Laportes’ouvrit,livrantpassageàGwenetàJane.Isabelpivotaimmédiatement.—Toutvabien?—Ondiraitquevousêtesunpeunerveusecesoir,observaJaneensouriant.Quelquechosevous

tracasse?—Non,réponditIsabel,lessourcilsfroncés.Àquoifais-tuallusion?Gwens’assitenriantsurunpetittabouret,prèsdulit.—Oh,Isabel,c’estenfinarrivé!—Quoidonc?—Vousvousêtestrouvéunmari,expliquaJane,aprèss’êtreperchéesurlereborddelabaignoireen

cuivre.

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—Cen’estpascommesijel’avaischerché.C’estarrivésansquejefassegrand-chose.—Maisvousneregrettezrien,n’est-cepas?s’enquitGwen.—Pasexactement,réponditIsabelaprèsavoirréfléchiunlongmoment.LordNicholassembleêtre

unebonnepersonne.—Malgrélesévénementsd’hier?—Oui.Ilamanifestéplusqueclairementsonintentiond’aideràprotégerMinervaHouse.Celadit,il

n’auraguèrelechoixs’ilm’épouse,ajouta-t-elle,ironique,quandlesdeuxfemmeshochèrentlatête.—Ilvousadéjàépousée,corrigeaGwenensouriant.—Oui,c’estvrai,acquiesçaIsabelqui,encoreincrédule,secoualatête.Jesuisunefemmemariée,à

présent…—Effectivement.Etnousvoussouhaitonsbeaucoupdebonheur,ditJane.Isabel tentadedissimuler lanervositéquis’emparad’elle lorsqu’elleentenditcesmots.Pourelle,

mariage avait jusque-là si peu rimé avec bonheur ! En revanche, être aimée était une sensationextraordinaire…etterrifiantepourquelqu’unqui,commeelle,avaitsipeurdeseperdre.

Quandelleprituneprofondeinspiration,GwenetJaneéchangèrentunregardentendu.—Qu’ya-t-il?—Ehbien,nousavonsétéenvoyéesici…pourvousparler…—Ohnon!s’écriaIsabel,alarmée.Àquelsujet?—Àproposdevotrenuitdenoces.—Ahbon,maispourquoi?répliquaIsabel,abasourdie.Janevintseplacerfaceàelle,luipritlamainet,baissantlavoix,déclara:—Nouspensonsquevousdevezêtrepréparée.C’est-à-dire…savoiràquoivousattendre.—Etcommevotremèren’estpluslà…ajoutaGwen.Isabelcompritbrusquement.Etlaraisondeleurvisiteétaitsidifférentedetoutescellesqu’elleavait

puimaginerqu’ellepartitd’ungrandrire,quinetardapasàdevenirincontrôlable.Sesdeuxamiesse regardèrent, l’airsi interloquéqu’Isabel ritdeplusbelle.Elle finitpar reposer

sonpeignesurlacoiffeusepourtenterdereprendresonsouffle.—Je…jesuisdésolée!balbutia-t-elleenagitant frénétiquement lamain.Vraimentdésolée.C’est

justeque…Peut-êtreaurait-elledûleurdirequ’ellen’avaitpasbesoind’éclaircissementssurledéroulementde

lanuitàvenir…Maisleurembarrasétaitsidivertissantqu’ellenerésistapasàl’enviedeprolongerunpeulaplaisanterie,nefût-cequepourladistractionbienvenuequ’elleluioffrait.

—Jesuisdésolée,dit-elleunenouvellefois.Jevousenprie,continuez.Quedois-jesavoir?—Ehbien,commençaGwen,vousavezdéjàlaisséentendrequelordNicholasembrassaitbien…—Plusquebien,même.—Parfait,murmura la cuisinière, dont les joues se teintèrent de rose.Dans ce cas, nous pouvons

espérerqu’ilsemontreraégalementbon…CommeellesetournaitversJane,celle-ciachevaabruptement:—Bonamant.Isabelpivotafaceàsonmiroiretsaisitdenouveausonpeigne.—Oui,jel’espère,effectivement.— C’est-à-dire que… reprit Gwen, vous pourriez être surprise par la manière dont… dont les

choses…sepassent.Isabelneputréprimerunsourire,maiselles’efforçadenepaslaissertransparaîtresonamusement

danssavoix.

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—Leschoses?Ilyeutunsilence,queJanefinitparrompre.—Isabel,commevousavezpuleconstateravecvosstatues, ilexistedes…différencesphysiques

entrevousetvotremari.—Oui…—Nousn’allonspasvraimententrerdanslesdétails,continuaJaneavecunepointed’agacement.—Maiscommentsaurai-jecequ’ilfautfaire?demandaIsabelensemordantlesjouespournepas

sourire.—Nevousinquiétezpas.NoussommesàpeuprèssûresquelordNicholaslesaura.C’enfuttrop.Isabelpouffaderire.—Oui…J’ensuismêmesûreetcertaine!Lesdeuxfemmesécarquillèrentlesyeux.—Voussavezdéjàtout!s’exclamaGwen.Avecunsourirejusqu’auxoreilles,Isabelserelevapoursedirigerverssonparavent,derrièrelequel

l’attendait la chemise de nuit qu’elle avait choisie pour l’occasion – une chemise en soie d’un rosecramoisidontelleespéraitqu’elleplairaitàsonmari.

—C’estvrai.Maisjevousremerciebeaucoupdevotresollicitude.—Quellefemmeinsupportablevousfaites!s’exclamaJaned’unevoixrieuse.Ilnevousméritepas.—Ellen’estpasmariéedepuisdouzeheuresetelleadéjàeusanuitdenoces,soupiraGwen.Alors,

avons-nousraison?—Raison?répétaIsabel,quicoulaunregardpar-dessusleparavent.Àquelpropos?—C’estunbonamant?—Gwen!s’écriaIsabelenrougissant.—Ah,ilsembleraitqu’illesoit,conclutGwend’untontaquin.Quandlesdeuxfillescessèrentderire,Janereprit,plussérieuse:—Vousl’aimez?Isabelgardalesilence.Cettequestionlahantaitdepuisl’après-midi.Depuispluslongtemps,même,

siellevoulaitsemontrerhonnête.Entournantlatête,ellesurprit,danslegrandmiroir,lerefletdesasilhouettesoulignéeparlasoie

rosesombredesachemisedenuit.Elle l’avait choisie pour lui, pour le rendre heureux, pour qu’il la désire, pour qu’il l’aime plus

encore.Oui,lavérité,c’étaitqu’ellel’aimait.Rienn’auraitpulaterrifierdavantage.Car,sielleadmettaitsonamourpourlui,nedeviendrait-elle

pascommesamère?SonmariageavecNickneressemblerait-ilpasàceluidesesparents?Elleserappelaitsamèresoupirantindéfinimentaprèssonpèreetguettantparlafenêtre,pendantdes

heures, l’apparition de son attelage ; elle se souvenait de l’adoration qu’elle luimanifestait quand ilétaitlà…etdesillusionsdontelleseberçaitlorsqu’ilétaitabsent.Et,pirequetout,delahainequ’elleavaitvouéeàsesenfantslorsqu’ilavaitabandonnésafamille.

Comment Isabel pouvait-elle prendre le risque de reproduire une existence aussi vide etdésespérante?

Non.L’amourn’avaitapportériend’autrequeduchagrinàTownsendHouseetdanssaproprevie.Elleneselaisseraitpasdétruirecommesamère.

Aussi, toutens’avouant lessentimentsqu’elleéprouvaitpourNick,elleserefusaà lesexprimeràvoixhaute.

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—Isabel?repritJanedepuisl’autrecôtédelapièce.Tiréede sespensées, elleprituneprofonde inspirationet, sans tenir comptede ladouleurquece

mensongeluicausait,elles’adressaàsonreflet,danslapsyché.—Jenel’aimepas,déclara-t-elled’unevoixqu’elles’efforçaderendrelégère,pourconvaincreses

amiesqu’elleétaittoujourslamêmeIsabel,pleinedeforceetdecertitude.Pours’enconvaincreelle-même,envérité.— Je l’ai épousé par devoir, poursuivit-elle. Pour James, pourMinervaHouse et pourTownsend

Park.Jenevoispaslanécessitéd’invoquerl’amourdanstoutcela.Plaquantunsourireéclatantsursonvisage,ellecontournaleparavent.Elles’aperçutalorsqueGwen

etJane,figéessurplace,n’étaientpastournéesverselle.Quandellesuivitladirectiondeleurregard,ellesentitsoncœursedécrocherdanssapoitrine.Nicksetenaitsurleseuildelachambrecontiguë.Etilavaittoutentendu.Ellesentitsonsourirevacillerquandils’inclinaavecraideur.—Jevousprésentemesexcuses.J’ignoraisquevousn’étiezpasseule.—Je…Isabels’interrompit.Quepouvait-elledire?—Justement,nouspartions,ditJane.Etlesdeuxfemmess’esquivèrentavecunecéléritéqu’Isabelneleuravaitjamaisconnue.Elleseretrouvaseuleavecl’hommequil’aimait.Etdontelleavaitrabaissél’amouravecsesparoles

stupides.Iltournalestalonsetdisparutdansl’autrepièce.Sansréfléchir,ellelesuivit.Quandellefranchitle

seuil, il versait deux doigts de cognac dans le verre qui avait été préparé pour lui. Il considéralonguementleliquidemordoréavantd’enavalerunegrandegorgée,puisilallas’asseoirdansunlargefauteuilbasetreportasonattentionsurIsabel.Sonregardétaitfroid,dénuédetouteémotion.

—Nick…commença-t-elleens’avançantverslui.—Tuportesdurouge.Isabels’immobilisa,décontenancée.Puisellebaissalesyeuxsursachemisedenuit.—Je…j’aipenséqu’elleteplairait.—Ellemeplaît,secontenta-t-ildedireaprèsl’avoirobservéeensilence.—Je…Elle aurait voulu lui dire qu’elle avaitmenti.Qu’elle l’aimait.Mais la peur empêcha lesmots de

franchirseslèvres.Ellevoulutcroirequ’illesentendraitnéanmoins.—Viensici.Cetordrefutprononcéd’unevoixsombre,impérieuse,qu’elleneluiconnaissaitpas.Elleeutenvie

defuir,derefermeretdeverrouillerlaporteentreleursdeuxchambres,etdesecacherjusqu’àcequ’ilsoitredevenului-même.Mais,enmêmetemps,elleavaitenvied’obtempérer.

Ilbutunenouvellegorgée,sanslaquitteruninstantdesyeux,commes’illadéfiait.Isabels’avança.Unefoisàcôtédelui,elledutseretenirdelesecouer,tantelleaspiraitàretrouver

l’hommevibrantd’énergieetd’amourdel’après-midi.Ilrestaimmobilesilongtempsqu’ellesedemandasi,finalement,iln’allaitpaslarenvoyeretrefuser

delatoucherdenouveau.Lesilences’éternisa,horrible.Justeaumomentoùelles’apprêtaitàtournerlestalons,ilsepenchaenavantpourl’attraperparla

mainetl’attirerentresesgenoux.Ilposasatêtecontresonventrepuis,respirantfortement,ilpressasaboucheentrouvertesur le tissusoyeux.Sesmains remontèrent le longdescuissesd’Isabelavantdese

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refermer sur ses fesses, et tout en la maintenant contre son visage, il posa ses lèvres à l’endroit oùpalpitaitsachairlaplusintime.

Embraséeparlasensationdesonsoufflechaud,elleplongealesdoigtsdanssesbouclesépaissesetsepenchasur lui.Il relevaalors la tête.Sesmainsseposèrentencoupesursesseins,dont ilsemitàcaresser les pointes sous la mince étoffe, jusqu’à ce qu’elles soient douloureuses de désir. Alorsseulement, quand le souffle d’Isabel se réduisit à des halètements tremblants, il lui donna ce qu’elleréclamait : il referma ses lèvres sur l’un des mamelons érigés, qu’il suça à travers le tissu, jouantalternativementdesdentsetdelalangue.Lorsquelasoiemouilléecollaàsonsein,ilprodigualesmêmescaressesàsonjumeau,jusqu’aumomentoùIsabelneputplusretenirungémissementdeplaisir.

D’unmêmegeste,ilsemitdebout,relevaleborddelachemisedenuitd’Isabeletlaluiôta.Puisillasoulevapour laramenerdanssaproprechambre.Sansla lâcher, il l’allongeaet larecouvritdesoncorps.Elletirasursachemise,avidedesentirsapeaucontrelasienne,tandisqu’illacouvraitdebaisersbrûlants,depuislecreuxdesoncoujusqu’àsonventre.

Àpeinel’eut-elledébarrassédesachemisequ’illuiécartalesjambespourinsinuerentreellesseslargesépaules,sansqu’elleproteste.Quandilposasabouchesursonsexemoite,cefutpourjouerdesalangueetdeseslèvresàunrythmediabolique.Ilfallutàpeinequelquessecondespourqu’Isabel,arquéeau-dessusdulit,criedeplaisir.

Unenouvellevaguelasubmergealorsqu’ilintroduisitundoigt,puisunautre,auplusprofondd’elle.Alorsqu’ellegémissaitsonprénom,illapénétrad’unseulcoupdereins,avecuneintensitéetuneforcequ’ellen’avaitencorejamaiséprouvées.Transportéepresqueimmédiatementauseuildelajouissance,elleimploral’orgasmequeluiseulpouvaitluioffrir.

Ils’emparadesabouchepourluidonnerunbaiserplusprofond,plusdévorantquetousceuxqu’ilsavaient partagés, tout en glissant samain entre eux pour poser son pouce à l’endroit où tout semblaitcommenceretfinir.D’uneultimepoussée,ilserépanditenelle.Éperdue,submergéeparl’émotion,ellejouitentresesbrasenmurmurantsonprénom.

Aprèsun longmoment, il s’écartad’elle.Elle tendit lamainvers lui,mais,avantqu’elleaitpu letoucher,ildescenditdulit,ramassasachemiseetsonpantalon,etquittalapièce.

Isabelseredressaet l’appela.Sansrépondre, il refermad’ungestefermelaporteentre leursdeuxchambres.

Assaillieparundouloureuxregret,ellepritalorsconsciencequ’iln’avaitpasprononcéunseulmotpendantqu’ilsfaisaientl’amour.

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21Leçonnuméroneuf

Cultivezlemystère.Une fois que vous avez éveillé l’intérêt de votre lord, n’hésitez pas à vouséloigner de lui pour l’encourager à vous poursuivre. Il suffit de penser auxchasses au renard annuelles qui se déroulent dans notre belle contrée pourcomprendreque,mêmechez lesplusgentlemendenosgentlemen, l’instinctduchasseurestirrépressible.Soyezlerenard,chèrelectrice,etn’ayezaucunecrainte.Ceschasseursavertissaurontretrouvervotrepiste!

PearlsandPelisses,juin1823

Isabeldormitàpeine.Ellefinitparrenonceràtrouverlesommeiletserenditdanslacuisine.Ellesurveillaitlabouilloire,deboutdevantlefourneau,lorsqueKateentra.Lejourvenaitdeselever.

Absorbéedanssespensées,Isabelneseretournapas.Commentallait-ellepouvoirréparerlesdégâtsqu’elleavaitcauséslanuitprécédente?Quelgenredefemmeréussissaitàdétruiresonmariagedèslepremierjour?

Unefemmecommeelle, luisoufflaunepetitevoix,qu’elleserefusacependantàécouter.Peut-êtrepourrait-elle convaincre Nick de retourner avec elle sur la lande… Peut-être parviendraient-ils à sedonnerunenouvellechance…

Etpeut-être…peut-êtretrouverait-ellelecouragedeluidirequ’ellel’aimait.—Voussavezcequ’ondit…L’eauqu’onregardeneboutjamais,fitremarquerKate,toutenouvrant

unplacardpourentireruneboîtedebiscuits.—Oui,jesais…Jemetscettethéorieàl’épreuve.Laresponsabledesécuriesrestasilencieuseunmomentavantd’annoncer:—L’undeschevauxestsorti.—Sorti?répétaIsabel,soudainalertée.Lequel?—Celuidevotremari.—Monmariestparti?—Onledirait.—Non,réponditIsabelensecouantlatête.Ilétaitlàlanuitdernière.—Peut-être qu’il est simplement allé chercher quelque chose en ville, avançaKate d’un ton peu

convaincu.Isabelseprécipitahorsdelacuisine,gravitl’escalierencourantetallafrapperàlaportedeNick,

qu’ellepoussasansattendre.

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Elles’immobilisaalorssurleseuil.Sesaffairesavaientdisparu.Lelitn’étaitmêmepasdéfait.Ilétaitdoncpartiaussitôtaprès…Ellerefermalesbrasautourdesonbuste,soudainglacéeetabominablementfatiguée.—Isabel…Jepeuxfairequelquechose?demandaKate,quil’avaitsuivie.Isabelsecoualatête,àpeineconscientedusensdesmots.Ilétaitparti.Etc’étaitellequil’avaitchassé.Exactementcommesamèreavaitchassésonpère.—Je…j’aibesoin…balbutia-t-elle,accabléedetristesse.J’aibesoin…deresterseule.Sans insister,Kates’éloigna.Aprèsavoirrefermélaporte, Isabelgrimpadans le lit.Ce litoùson

mariauraitdûdormir–oùilsauraientdûdormirensemble.Ellesetournasurlecôté,lesgenouxramenéscontresapoitrine,etautorisaseslarmesàcouler.Avec

dessanglotsdouloureux,ellepleurasursonmariageetsurcequiauraitpuêtre,siseulementelleavaiteuassezconfianceenellepourl’aimer.

Etquandseslarmessefurenttaries,elles’endormit.Ilétaittardlorsqu’elleseréveilla.Lesrayonsdusoleiléclaboussaientlapièce,qu’ellenereconnut

pasimmédiatement.Lorsqu’ellesefutassise,lessouvenirsaffluèrent.Elleselevaavecpeine,engourdieparleregretetlatristesse.

Quandelleouvritlaporte,Larasetenaitdanslecouloir,l’airinquiet.—Depuiscombiendetempses-tuici?demandaIsabel.—Peuimporte.Oh,Isabel…ditsacousineenlaserrantdanssesbras,brièvementmaisavecforce.

Ques’est-ilpassé?Isabelsecoualatête.—Jenesaispas…Nousétionsheureux.Jecroyaisquetoutiraitbien,etpuis…j’aitoutgâché.Etil

estparti.—Jesuiscertainequetun’asriengâché,déclaraLara,avecuneconvictionnéedel’amitié.—Hélas,si.Jel’aime,Lara.—Cen’estpascequej’appelledugâchis!s’écriaLaraavecunlégerrire.C’estplutôtmerveilleux,

non?—Non,réponditIsabel,dontlesyeuxs’emplirentdelarmes.Parcequejeluiaiditquejenel’aimais

pas.Quejenepouvaispasl’aimer.LevisagedeLaraexprimasaperplexité.—Maispourquoi?—Jenesaispas,avouaIsabel,submergéeparlatristesse.Laras’approchadenouveauetpassasonbrasautourdesesépaules.Isabels’accrochaàelle,sans

pluschercheràretenirseslarmes.—Jeneleluiaipasditparcequej’avaispeur.Jecroyaisquesijel’aimais,jedeviendraiscomme

mamère,etquejem’exposeraisàsouffrir.Etmaintenant…maintenant,ilesttroptard.Jel’aiblessé,etilestparti.

—Peut-êtrequ’ilreviendra,ditLarad’untonencourageant.—Peut-être,murmuraIsabel,sansycroireuninstant.CombiendefoisNicks’était-ilefforcéderegagnersaconfiance,deprouverqu’ilenétaitdigne?Et

combiendefoisIsabell’avait-ellerejeté?Jusqu’àcettedernièrefois,lorsquelaflammes’étaitretiréedesesyeuxbleus.C’estalorsqu’ellel’avaitperdu.

Isabelpleura longuementdans lesbrasde sacousine, entre lesquelselle trouvaitdu réconfort.Aumomentoùseslarmessecalmaientetqu’elleprenaituneinspirationtremblante,elleaperçutJamesqui

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arrivaitencourant.—Isabel!cria-t-il.Maisils’arrêtanetlorsqu’ilvitsonvisagebaignédelarmes.—Qu’est-cequ’ilya?Pourquoitupleures?Puisils’approchaàpaslents,levisagesérieux.Isabelremarquaqu’ilportaitungilet,ainsiqu’une

cravatenouéeàlaperfection.C’étaitunpetithomme.L’influencedeNicksurluiétaitsimanifestequedenouvelleslarmesluimontèrentauxyeux.Mais,pournepasmontrersatristesseàsonfrère,ellebattitdespaupièrespourleschasseretseforçaàsourire.

—Cen’estrien,James,net’inquiètepas.Quesepasse-t-il?Aprèsl’avoirobservéeunlongmoment,l’airsoucieux,ilfinitpardire:—Janem’ademandédevenirtechercher.Jecroisquetutesentirasmieuxquandtuverraspourquoi.—Dequois’agit-il?—Jedoispasteledire.Ilfautquetulevoiestoi-même.Isabelsoupira.EllerestaitlamaîtressedeTownsendPark,qu’elleaitlecœurbriséoupas.—Trèsbien.Noustesuivons.Alors que le trio se dirigeait vers le grand escalier, Isabel perçut un brouhaha de voix, qui alla

s’intensifianttandisqu’ilsavançaient.Elleaccéléralepasjusqu’aupalier,etlà,ellerestafigéesurplacedevantlespectaclequ’offraitlegrandvestibule.

Il grouillait demonde. Toutes sortes d’hommes s’y pressaient, chargés de seaux, de caisses et desacs,ettouss’efforçaientd’attirerl’attentiondeJanequi,montéesurlespremièresmarchesdel’escalier,faisaitdesonmieuxpourjouerlerôledemajordomeimperturbable.Àsadécharge,peudemajordomesavaient dû se retrouver un jour face à la moitié de la population de Dunscroft rassemblée dans sonvestibule.

AumomentoùIsabellarejoignait,Janedéclarait:— Mes braves, pourrions-nous disposer d’un moment de silence afin que nous prenions nos

dispositions?Puis,entresesdents,ellemarmonna:—Et,surtout,quejepuissealignerdeuxidées!—AunomduCiel,quesepasse-t-il?demandaIsabel.—Ilétaittempsquevousarriviez!—Quisontceshommes?—Danslamesureoùj’aicomprisquelquechose,réponditJaneendésignantaufuretàmesureceux

dontelleparlait,cegarçonatroiscaissesdebougiesànouslivrer,etd’autresencommande;cesdeuxhommes-làontétéenvoyéspourréparerlaclôtureouest;celui-làestvenupouraccorderlepianoforte– aupassage,vous saviezqu’il avait besoind’être accordé?L’hommeen redingote attendquevous lereceviezpourchoisirlavoiturequiseratiréeparvosnouveauxchevaux,lesquelssontdéjàdansl’écurie.InutiledevousdirequeKateestauxanges.L’hommelà-basaplusieurstonneauxdevinàrangerdanslacave ; lesdeux femmes réfugiéesdans lecoin, lespauvres, sontcenséesnous rhabillerdespiedsà latête ; et l’homme avec les lunettes est un banquier qui demande à s’entretenir avec « lamaîtresse dumanoir».QuantauxcostaudsquifontcercleautourdeM.Durukhan–Dieusaitd’oùilsviennent–, ilparaîtqu’ilsdoiventveilleràlasécuritédudomaine.Ahoui,j’oubliais…Ilyaaussiunedemi-douzainedecouvreursquidemandentàaccéderaugrenier.

Abasourdie,Isabelclignadesyeux.—Maisquefont-ilstousici?

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—Monsieurl’accordeur!appelaJane,pourattirerl’attentiond’unpetithommediscret.Lasalledebalsetrouveau-delàdecetteporte…

PuisellerevintàIsabel.—Ilsdisentquec’estlordNicholasquilesenvoie.IlfallutquelquessecondesàIsabelpoursaisirlesensdecesmots.—Tous?—D’aprèsmonexpérience,ilestrarequedescommerçantspratiquentlacharité,Isabel.Oui.Tous.Muettedestupeur,Isabelobservalafouledisparatequiemplissaitsonvestibule.Quandellefinitpar

reportersonattentionsurJaneetsurLara,ellenetrouvaqu’unechoseàdire:—Ilm’aenvoyédescouvreurs!Jane,aprèsavoirdonnésesinstructionsaumarchanddevin,setournaunefoisdeplusverselle.—Apparemment,vousavezépouséunfou.—Ilm’aenvoyédescouvreurs!répétaIsabel,quineputs’empêcherderire.C’étaitleplusbeaucadeauqu’onluieûtjamaisfait!—Àn’enpasdouter,ilconnaîtlechemindetoncœur,ditLaraavecunlargesourire.Denouvelleslarmespicotèrentlesyeuxd’Isabel.Siseulementelleavaitétéassezcourageusepour

l’ylaisserentrer!Maiselleinspiraprofondément,ens’ordonnantdesemontrerforte.Toutenlissantduplatdelamain

sajupechiffonnée,elledemanda:—Quepuis-jefaire?—Jepensequevousdevriezmettrecescouvreursautravail.

Au crépuscule, Isabel se tenait sur le perron du manoir, suivant des yeux les ouvriers qui

s’éloignaient. Après avoir travaillé plusieurs heures sur le toit, ils avaient promis de revenir lelendemain,aveclesmatériauxindispensablespourréparerlesdégâtslesplusimportants.

Lorsqu’ils eurent disparudans l’obscurité, elle s’assit sur les grandesmarchesdepierre, les brasserrésautourdesonbustepourseprotégerdelafraîcheurdelabrisenocturne.

Commeelleregrettaitden’avoirpasétépluscourageuse!Elleavaiteusipeurdes’autoriseràaimerNicketdefinircommesamèrequ’elleseretrouvaitdans

lasituationmêmequ’elleredoutait.MaisNickn’étaitpassonpère.Enunejournée,ilavaitfaitpluspourTownsendParkquelecomtedanstoutesonexistence.Etilne

s’agissaitpasseulementdutoit,delaclôtureoudel’équipage,mais,surtout,desonintérêtévidentpourledomaineetpourMinervaHouse.Luiquiconnaissaitl’endroitetlesfillesdepuismoinsd’unesemaineavaitprisleursurvieàcœur.

Parcequ’ilvoulaitlebonheurd’Isabel.Cequ’ellecomprenaittroptard,hélas.—Lajournéeaétéplutôtincroyable,non?Isabelsetournaendirectiondelavoix,etlasilhouettedeRocksedétachadanslapénombre,aupied

del’escalier.—Onpeutdireça,répondit-elleavecunsourireforcé.— L’équipe de surveillants est en place. Ce sont de braves gens, apparemment. Je vous les

présenteraidemain.Ilssesontinstalléscommeilspouvaientdanslavieillecabanedebûcheron.Ilfaudrafairequelquesréparations,maisj’enparleraiavecNicklaprochainefoisquejeleverrai.

Lecœurd’Isabelseserra.SielleavaitpuêtreaussicertainequeRockderevoirNick!—Toutestarrivésisoudainement…murmura-t-elle.

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Rockgardalesilenceunlongmoment.—Ilacommencéàtoutorganiserquandlapluieacessé,finit-ilpardire.Lorsquejesuisretournéen

ville chercher nos affaires, il m’a demandé de me rendre au bureau de police, afin qu’onm’indiquequelqueshommessérieuxsusceptiblesd’êtreintéressésparcegenredetravail.

Ainsi,Nicks’enétaitpréoccupéavantl’enlèvementdeGeorgiana,avantqu’ilssoientobligésdesemarier,etavantquetoutaitchangé.

Tousdeuxrestèrentassissansriendire,perdusdansleurspensées.Isabelbrûlaitd’interrogerRock–leseullienavecl’hommequ’elleaimait.Mais,submergéeparlechaosdesessentiments,ellesesentaitempruntéeethésitante.

Finalement,elleposalaquestionquiluiparaissaitlamoinsdangereuse.—Pourquoin’êtes-vouspaspartiaveclui?—Parceque,àladifférencedeNick,réponditRockenchoisissantsesmotsavecsoin,jesaisque

quittercequim’estlepluscheraumonden’estpaslemeilleurmoyendel’obtenir.—Lara?Ilrestasilencieuxsilongtempsqu’Isabelcommençaàdouterqu’ilréponde.Finalement,iltournavers

ellesesyeuxd’unnoirintense.—Oui.—Jesuisheureusepourvousdeuxquevousayeztrouvé…Elles’interrompitpourravalerlaboulequiluinouaitlagorge.—…quevousvoussoyeztrouvés.Rock soupira profondément.Quand il reprit la parole, sondébit était heurté, comme s’il regrettait

d’avoiràprononcercesmots.—Jesaisqu’elleestlafilled’ungentleman.Etjesaisqu’elleméritequelqu’und’infinimentmieux

quemoi – unTurc qui ne sera jamais vraiment accepté dans sonmonde. Je ne suis pas gentleman, nimêmechrétien.Mais je l’aimeprofondément.Et je ferai toutcequiestenmonpouvoirpour la rendreheureuse…Jesuistrèsriche,ajouta-t-ilaprèsuninstant.

Isabelsourit.—Jenesaispaspourquoivouspensezqu’êtreturcpourraitêtrerédhibitoireànosyeux.Nipourquoi

nousvousdemanderionsd’êtrebienné.N’avez-vousrienappris,durant lasemainequevousvenezdepasserauseindenotrecommunauté?

Àsontour,ilsourit.—Jesoulignaissimplementmesdéfauts.—MonDieu,necommençonspasavecça.Sijefaisaislalistedesmiens,nousypasserionslanuit.—Jen’encroisrien,protesta-t-ilavecunepolitessegracieuse.Ilrestasongeuruninstant,avantdereprendrelentement:—J’aimeraisépouserLara.Et,puisquevousêtessafamillelaplusproche,jesupposequejedois

vousdemandervotre…Isabelleregarda,leslarmesauxyeux.—Vous avezma bénédiction, bien sûr. Si Lara accepte votre demande, vous serez le bienvenu à

TownsendPark.Rocklaissaéchapperuntelsoupirdesoulagementqu’Isabelritàtraversseslarmes.—Vouspensiezvraimentquejerefuserais?—Jen’ensavaisrien.C’estunechosedem’accepterchezvousentantqu’invité,c’enestuneautre

dem’accepterentantque…—Membredelafamille,ditIsabel,quiposalamainsursonbras.Cousin.

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Ilinclinaprofondémentlatête.—Jevousremercie.—Ehbien,disonsquevotrerichesseestunatout.Rockéclataderire.—Nickm’avaitbienditquevousaviezlalangueacérée.L’allusionàNickrenditsonsérieuxàIsabel.— Trop acérée, je pense, murmura-t-elle, avant de soupirer profondément. J’ai tout gâché. La

dernièrefoisquejel’aivu…ilétaittellementdifférent.Froid…Insensible.—Ilabesoindetemps,Isabel.—Je l’aime,déclara-t-elle,et ilyavaitquelquechosede libérateuràavouersessentimentsàcet

homme–l’amidesonmari.—Leluiavez-vousdit?Isabelfermalesyeux.—Non.—Pourquoi?—Parcequej’avaispeur.—Peurdequoi?—Peurqu’ilnem’abandonneici,répondit-elleavecunpetitrirepathétique.Peurdemeretrouver

touteseule,etamoureuse.Rockneritpas.Ilnesoulignamêmepasl’ironiedesasituation.—Jecroisqu’ilesttempsqu’onvousparledelaTurquie,secontenta-t-ildedire.—DelaTurquie?—JesupposequeNickvousaditquenousétionslà-basensemble…—Oui.Etquevousl’aveztirédeprison.—Vousa-t-ilracontécommentilavaitatterridanscetteprison?—Non.—Ilyavaitunefemme…Nickpensaitêtreamoureuxd’elle.Uneimagedouloureusetraversal’espritd’Isabel:celledeNickdanslesbrasd’unefemmevoilée,

exotique,quiavaittrouvélechemindesoncœur.Rocks’adossaàlarampedepierreavantdereprendre,leregardperduauloin:— Il y avait plusieurs semaines que nous avions établi notre camp, juste au bord d’Ankara. La

Couronneétaitnerveuse,cardesrumeursfaisaientétatdelalevéed’unearméedansl’Empire.OnavaitdemandéàNickderechercheruninformateurdisparusanslaisserdetraces.

»EnOrient,continuaRockd’unevoixadmirative,Nickétaitunelégende.Ilétaitsurnommélebulan–lepisteur.Ondisaitqu’ilpouvaitretrouverlatraceden’importequi.

Isabelhochalatête.DécouvrirlesecretdeMinervaHouseavaitdûêtreunjeud’enfantpourlui.—Unenuit,Alanaestapparuedevantsatente,meurtrieetensanglantéeaprèsavoirétébattueparson

mari.Elle imploraitde l’aide. Il l’a recueillie, l’anourrie, apansé sesblessures.Mais elle l’aquittéavantl’aube,terrifiéeàl’idéequesonmarilaretrouveetlabattedeplusbelle.

Àcesmots,lecœurd’Isabelseserra.Ellecompritimmédiatementqu’ilauraitétéimpossibleàNickd’abandonnercettecolombeblesséeàsontristesort.

—Elleestrevenuelanuitsuivante,lalèvrefendue.Etlanuitd’après,avecuneautreblessure.Puiselleadisparu.Nickestalorsdevenufoud’inquiétude.Ilavaitsuivisatracejusqu’àunemaison,enville,etiln’avaitplusqu’uneidéeentête:laretrouverets’assurerqu’elleallaitbien.Aprèsplusieursjoursdeguet,ilaétérécompensédesonattente.Alanaestsortiepourserendreaumarché,encompagniede

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plusieursautresfemmesdelamaison.Ilaréussiàs’entreteniravecelle,etellel’asuppliédelalaissertranquilleenluiassurantquetoutallaitbien.

Isabelresserrasesbrasautourd’elle.Quoid’étonnantàcequ’iln’aitpassupportéqu’elleprétendenepasavoirbesoindelui?

—Cettenuit-là,continuaRock,elleestrevenuelevoir.Indemne.Rockn’enditpasplus,maisIsabelnefutpasdupe.ÀlapenséedeNickaveccettefemme,elleeutla

nausée.—Était-elletrèsbelle?s’entendit-elledemandermalgréelle.—Oui.Trèsbelle.Mais,soussabeauté,c’étaitlediableincarné.Nickl’asuppliéederesteravec

lui, luiassurantqu’elleseraitensécuritéet luipromettantde l’emmenerenAngleterre.Elleaaccepté,tout en refusant de partir sur-le-champ sous un prétexte fallacieux… des effets qu’elle souhaitaitemporter.Ill’acrue,etilssontconvenusd’unrendez-vous,àlasuiteduquelilsprendraientlafuite.

Lecœurd’Isabel se serrad’appréhension.Elle savait cequiallaitvenir,maisellenepouvaitpass’empêcherd’écouter.

—C’étaitunpiège,biensûr.L’Empiresavaitquelebulanétaitlà,àlarecherchedel’informateur.Etils avaient découvert, d’une manière ou d’une autre, que Nick était cet homme. J’étais à proximitélorsqu’ilsl’ontpris.Jen’oublieraijamaisqu’ilafallusixénormesTurcs,pluscostaudsquemoi,pourlemaîtriser.Ensuite,Alanas’estapprochée,aenlevésonvoileetluiacrachéauvisage.

—Ilm’aditqu’ilméritaitsabalafre,fitremarquerIsabel,horrifiéeparlerécitdecettetrahison.—C’estcequ’ilpense.Ilconsidèrequec’estunepunitionpouravoirsuccombéauxcharmesdecette

femme,pouravoircruqu’ellel’aimait.Ils restèrent silencieuxun longmoment. Isabel songeait à ladouleurqu’il avait dû ressentir à être

ainsibafouéparcellequ’ilaimait.Devait-elles’étonnerqu’ilaitquittéTownsendPark?Elleavaitagidelamêmemanière.Rockpoursuivit,inconscientdesémotionsdontelleétaitlaproie.—Ilaalorsjurédetenirlesfemmesàdistance.Àmaconnaissance,ilnes’estplusliéàuneseule.

Jusqu’àcequenousarrivionsicietqu’ilvousrencontre.CefutcommesiIsabelrecevaituncoup.Devantelle,Nickavaitlaissétombersesdéfensesets’était

autoriséàaimerdenouveau.Ilavaitvoulucroirequ’elleaccepteraitcetamour,maiselleavaitrejetéàlafoisl’hommeetsessentiments.

Latêteluitournait.S’apercevantdesadétresse,Rocks’inclinaverselle.—Isabel…ilvousaime.—J’aiagicommecettefemme.—Non!protesta-t-ilaussitôt.Cen’estpasvrai.—Ilm’aime,etjel’airejeté.—Alanal’atrahi.Ellel’aenvoyéenprison.Àcaused’elle,ilaététorturé,etilseraitmortsijene

l’avaispastrouvé.Isabel…vousêteslecontraired’Alana.—Ilnelesaitpas,répliqua-t-elleensecouantlatête.—Si.Ilasimplementbesoindetemps.—Decombiendetemps?—Jel’ignore.Maisilnepourrapasresterloindevoustrèslongtemps.Cela,j’ensuiscertain.Denouveau,lesilenceretombaentreeux,troubléuniquementparlechantlointaindesgrillons.ÀlalueurdurécitdeRock,Isabels’efforçadeconsidérerdifféremmentcequ’elleavaitvécuavec

Nick.

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Depuis toujours, elle s’abstenait de faire ce qu’elle désirait vraiment, par crainte de l’échec.Elleavait eu peur de quitter Townsend Park et d’affronter les commérages que son père suscitait ; elleredoutait qu’en envoyant James à l’école il ne devienne aussi dévoyé que lui ; et elle s’était interditd’aimerNickpournepasrisquerdeseperdre.

Mais,sanslui,elleseretrouvaitaumoinsaussiperdue.N’avait-ellepas,toutefois, lapossibilitéderemédieràlasituation?D’avoirlavieàlaquelleelle

avaitcommencéàrêver?Pourcela,illuisuffisaitdetendrelamainetdesaisircettevie.DetendrelamainàNick…Commegalvaniséeparcettepensée,elleserelevad’unbond.—Jeveuxlerattraper.—Maintenant?s’exclamaRock.—Maintenant.Oùest-il?—EntreicietLondres,jeprésume.—Danscecas,jevaisàLondres.—Jevaisvousyconduire,ditRockenselevantàsontour.MaisIsabelsecoualatête.—Non.C’estquelquechosequejedoisfaireseule.—Isabel,Nickmeferalapeausijevouslaissevoyagerjusqu’àLondrestouteseule.—Toutirabien.Jeprendrailamalle-poste.—Lamalle-poste?répétaRockenéclatantderire.Ilmetuerait.—Pourquoi?Pleindefillessontarrivéesiciparlamalle-poste.—Certes.MaisvousêtesladyNicholasSt.John,àprésent,etlabelle-sœurdumarquisdeRalston.

Ilesthorsdequestionquevous,vousvoyagiezenmalle-poste.Comprenantqu’elleperdaituntempsprécieuxàdiscuter,Isabelhochalatête.—Trèsbien.Commentsuggérez-vousquejemerendeàLondres?—Nousallonslouerunevoitureetsixchevauxdemainmatin.—Maislevoyagevanousprendreuneéternité!—Sinousnenousarrêtonsquepourchangerdechevaux,dit-ilaprèsavoirsoupiré,nouspourrons

êtreàLondresdansdeuxjoursetdemi.Parlamalle-poste,ilvousenfaudraitaumoinsquatre.—Danscecas,monchermonsieur,jeseraisraviequevousm’escortiez.Rocklevalesyeuxauciel.—Nickvam’écorchervif.— Pas si je réussis à le reconquérir, répliqua Isabel, qui lui sourit. Dans ce cas, il vous sera

éternellementreconnaissant.Ellepivotaetremontalesmarches,impatientedecommencersespréparatifs.Mais,parvenuesurle

perron,elleseretourna.—Attendez…Oùirons-nous,unefoisarrivésàLondres?Rockn’hésitapasuninstant.—ÀRalstonHouse.Vousaurezbesoindel’aidedelamarquise.

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22

—Jedevraistetuerpourm’imposerunetellecorvée.—Probablement.Maistun’enferasrien.Tun’avaisqu’àt’abstenirdereveniràLondres.Àtaplace,

jeseraisrestéaulointoutl’été.—Commentaurais-jepudevinerqueCalliedonnaitunbald’été?Aprèsavoirbuunelonguegorgéedescotch,Nickfoudroyasonfrèreduregardpar-dessusleborddu

verre.LesjumeauxsetenaientdanslebureaudeRalston,oùleurparvenaientlesaccordsdesmusiciens,quipréparaient leurs instrumentsdans le jardin encontrebas.Dansmoinsd’uneheure, lamoitiéde lahautesociétédeLondres–lamoitiéquipassaitlemoisdejuilletenville–envahiraitlejardin.

—Quiajamaisentenduparlerd’unbald’été?protestaNick.—Callie a pensé que ce serait un bonmoyen de prolonger les débuts dans lemonde de Juliana,

expliquaRalston,refusantdélibérémentdemordreàl’hameçon.Faut-ilquejeterappellequenotresœursubitlesconséquencesd’uneréputationmalheureuse?

—Etce,simplementparcequenotremèreétait…—Oui.Labonnesociéténesemblepassesoucierdespourquoietdescomment,répliquaRalston,

quisepenchapourremplirleverredesonfrère.Callieestheureusequetusoislà,Nick.EtJulianaleseraaussi.Essaiedet’amuser,cesoir.

S’amuser?Commesic’étaitpossible!Ilyavaitcinq joursqu’ilavaitquitté Isabel,et iln’avaitpasconnuuneseuleminutedeplaisir. Il

doutait fortement que le fait de rester la nuit dans un jardin plus oumoins éclairé, en compagnie dedemoisellesgloussanteschaperonnéesparleursredoutablesmèrespuisseychangerquoiquecesoit.

Aucontraire,même.PasserdutempsdanslejardinluirappelleraitIsabel,etdanseravecdesfemmesquin’étaientpaselleallaitlerendrefou.

—Ilyaquelquechosequetudoissavoir,repritsonfrère.—Quoidonc?—Tu es toujours considéré comme un excellent parti. Je suppose que la plupart des femmes qui

viendrontcesoirserontlàpourtoi.—Jesuismarié.—Cetteinformationn’apasétérenduepublique,commetulesais.Aupassage,onauraitpupenser

quetupréviendraistonfrèredetonchangementd’étatavantd’arriveràLondresetdeluiimposertafacedecarême.

Legestequ’esquissaNickindiquaaufrèreenquestioncequ’ilpensaitdesaremarque.Ralstonserenversadanssonfauteuil.—Tousceuxquitetenaientpourleplusgracieuxdenousdeuxvontêtresurpris,cesoir.

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Nickseleva,enproieàunecolèreirrationnelle.—Danscecas,jedevraispeut-êtrepartirett’épargnerlacorvéed’avoiràmesupporter!—Rassieds-toi,espècedecrétin.—Situmetraitesencoreunefoisde…—Jenevaispasmebattreavectoidansmonbureau,entenuedesoirée,coupaRalstonenfaisant

tournersonscotchdanssonverreavecuncalmeostentatoire.Calliem’écorcheraitvif.LaplaciditédesonfrèreramenaNickàlaraison.Ilserassitet,prenantsatêteentresesmains,se

frottalevisagecommepoureffacersafrustration.Lorsqu’ilrelevalesyeux,Ralstonl’observaitd’unaircompatissant.

—Ellet’abienaccroché,monfrère…C’était la première allusionqu’il faisait à Isabel, en dehors de la brève conversation au cours de

laquelleNickluiavaitannoncésonmariage.—Elleest…incroyable, répliqua-t-il, saiside l’envie irrépressibledeparlerd’elle,commesi le

faitdel’évoquerpouvaitlaluiramener.Ralstonneditrien,secontentantd’écouter.Nickpoursuivit,pluspourlui-mêmequepoursonfrère:—Ellepossèdeunetelleforce…Lorsqu’ellecroitenquelquechoseouquandelledéfendsonbien,

c’estunereine.Elleneressembleàaucunedesfemmesquenousconnaissons.Lapremièrefoisquejel’aiembrassée,dit-ilenrelevantlesyeux,elleportaitunpantalon.

Ralstoneutunsourireencoin.—Difficiledeleurrésister,lorsqu’ellessontenpantalon…—Maisilyaaussidelafragilitéenelle.Uneincertitudequimedonneenviedelaprotéger.Etelle

esttellementbelle…ajouta-t-ilensegrattantlajoue,songeur.Avecdegrandsyeuxbrunsdanslesquelsilestsifaciledeseperdre…

—Tul’aimes.Nicksoutintleregardperspicacedesonfrère.—Plusquejenel’auraisjamaiscrupossible.—Danscecas,pourquoies-tuici,àboireduscotchdansmonbureau?—Parcequ’ellenem’aimepas.—Impossible!—J’apprécietaréactionàsajustevaleur,Gabriel,maisjet’assurequ’Isabelnem’aimepas.—Biensûrquesi,rétorquasonfrère,impérieux.Ellesnousaimenttoujours.CetteaffirmationarrachaunlégerrireàNick.—Ehbien,peut-êtrequ’ellest’aiment,toi.Toujoursest-ilquecelle-cinem’aimepas.—Danscecas,tudoistefaireaimerd’elle.—Non,réponditNick.J’enaiassezd’essayerdemefaireaimerdefemmesqui,elles,nem’aiment

pas.Laleçonaporté.—Ilnes’agitpasden’importequellefemme,maisdetafemme.Qu’enl’occurrence,tuaimesbelet

bien.Oui,Dieusavaitqu’ill’aimait!Nick n’avait jamais ressenti de douleur plus violente que lorsqu’il l’avait entendue dire qu’elle

l’avaitépousépardevoir,etnonparamour.Maiscettedouleurnesemblaitpasdiminuerl’intensitédecequ’iléprouvaitpourelle.

—Ellen’apasbesoindemoi…—Tusemblesconvaincu,àtort,qu’illeurincombed’avoirbesoindenous.Selonmonexpérience,ça

marchequasimenttoujoursdansl’autresens.Unhommeplussagequemoi,poursuivitRalstonaprèsavoir

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consultésamontre,m’aditunjourque,s’ilavaitagiencrétinfinietperdulaseulefemmeàlaquelleiltenait,illaconduiraitchezlepasteurleplusprochepuisluiferaitunenfant.

—Jel’aidéjàépousée,ditNickentressaillantauxsouvenirsquecesmotséveillaientenlui.—Tuasdoncfaitlamoitiéduchemin.Une image jaillit dans son esprit : Isabel dans le donjon éclaboussé de soleil deTownsendPark,

entouréed’enfants.Deleursenfants.Undésirbrutall’envahit,etilfronçalessourcils.—Jedétestequetuaiesraison.—Commejemetromperarement,répliquaRalstonavecunlargesourire,jecomprendsquecelate

poseunproblème.Nick s’abîma dans ses réflexions.Quels choix s’offraient à lui ? Isabel et lui étaientmariés, que

diable!Ilnepouvaitpasresterloind’ellepourtoujours.D’ailleurs, iln’avaitqu’uneenvie : sauter sur ledosde soncheval, retournerdans leYorkshireà

brideabattue,prendreIsabelparlesépaulesetlasecouer.Ensuite,ill’enlèveraitetl’emmèneraitdanslevieux donjon pour lui faire l’amour jusqu’à ce qu’elle l’accepte de nouveau dans sa vie. Et, enfin, ilpasseraitlerestedesonexistenceàlarendreheureuse.

Quisait?Siellenepouvaitpasl’aimermaintenant,peut-êtreyviendrait-elleavecletemps.Maiscelan’arriveraitpass’ilrestaitàLondres.—JeretournedansleYorkshire,annonça-t-il.Ralstonsefrappalacuissedelamain.—Excellent!Maistudoisresterpourcemauditbal,poursuivit-ilenselevant,sinonmafemmene

melepardonnerajamais.Nickl’imita,revigoréparsadécision.Ilassisteraitaubal.Etensuite,iliraitrejoindresafemme.

—Nick!Nicksedétournadelatabledesrafraîchissements,oùilétaitentraindeseverserunelimonadeen

regrettantquecenesoitpasduscotch.Sabelle-sœurfondaitsurlui.— Bonsoir, lady Ralston, dit-il après s’être incliné. Quelle foule ! Quel succès ! Vous êtes

décidémentl’hôtesselaplusaccompliedubeaumonde.Calliesemitàrire,puisellebaissalavoix.— Faites en sorte que lady Jersey ne vous entende pas. Sinon, elle ne nous invitera jamais à

l’Almack’s.—Ceseraitvraimentdommage,répliqua-t-il,ironique.—Jesuisheureusedevousvoir.Ralstonm’avaitditquevousétiezenville,maispasgrand-chose

d’autre.Lamineplusgrave,Callieajouta:—Commentallez-vous,Nick?—Quoiquevousprétendiez,monfrèrevousenaditbeaucoup…répondit-ilaprèsuninstant.LarougeurrévélatricedeCallielefitsourire.—Envérité,jemesensbienmieuxqu’ilyaquelquesheures,avoua-t-il.Calliehaussalessourcils.—Cen’estpaslebal,lacausedecerevirement?—Non,madame,assuraNickenriant.EllejoignitsonrireausienalorsqueJulianalesrejoignait,toutsourire.

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— Je trouve incroyable de n’avoir pas été avertie que tu étais revenu, Nick ! dit-elle quand ils’inclinapourluibaiserlamain.Quelgenredefrèrenevientpasvoirsasœurimmediatamente?

—Untrèsvilainfrère,admitNick,amusé,commetoujours,parlesaupoudragedemotsitaliensdanslaconversationdesasœur.

—Tuvasvenirnousvoirdemain,n’est-cepas?—Jecrainsquecenesoitpaspossible.Jedoisrepartirauxpremièreslueursdujour.—Pourquoi?demandaJulianaavecunemoueadorable.Tuasjusteeuletempsdedirebonjour!Nesouhaitantpasfairepartdesonmariageàsasœur,toujoursdémonstrative,enpublic,Nickbiaisa.—Jedoism’occuperd’uneaffairede laplushaute importance.Mais je t’assureque tuseras très,

trèsheureusedurésultatdemonvoyage.—Bien.J’espèrequ’ilseraaccompagnéd’unmagnifiqueprésent,letaquinaJuliana,quirivaalors

lesyeuxsurunpoint,derrièrel’épauledeNick.Callie,quiest-ce?—Quidonc?demandaCallieensehissantsurlapointedespieds.—Chut!Jeveuxentendresonnomlorsqu’onl’annoncera.Après avoir levé les yeux au ciel, Nick tendit la main vers une quiche – non sans se demander

vaguementpourquoi,soudain,lesdeuxfemmesarboraientdessouriresniais.—LadyNicholasSt.John!Unbrusquesilencesefitdanslafoule.Nickrestafigésurplace.Ilavaitdûmalentendre!Lentement,

ilsetournaversl’escalierqu’empruntaientlesinvitéspourdescendredanslejardin.Enhautdesmarches,resplendissantedansunerobeécarlate,setenaitIsabel.Il neput détacher ses yeuxd’elle.L’espaced’un instant, il crut que son imagination lui jouait des

tours,qu’ellen’étaitpasvraimentlà,danslejardindesonfrère,àLondres.Julianaluienfonçauncoudepointudanslescôtes.—Nick…Nesoispasunidiota.Tunevoispasqu’elleestterrifiée?Valarejoindre.Ces mots le tirèrent de sa torpeur, et il se dirigea vers sa femme, d’abord en marchant, puis en

courant,parcequemarcherprenaittropdetemps.Ilallaitcertainementcauserunscandale,maispeuluiimportait.Ils’excuseraitauprèsdeCallieplustard.

D’abord,ilvoulaitatteindreIsabel, latoucher,etavoirlaconfirmationquenon,iln’étaitpasfou:elleétaitbienlà,venuepourlui.

Courir dans un bal présentait au moins cet avantage que la foule, interloquée, s’écartait sur sonpassage.Aussineluifallut-ilquequelquessecondespouratteindrel’escalieretengravir lesmarches.Isabel le regardait venir vers elle, les yeux écarquillés par un mélange de nervosité, de surprise,d’excitation,etdequelquechosequ’iln’osapasnommer.

Ilnes’arrêtaqu’àunpasd’elle,ladévorantduregard.Elleprituneprofondeinspiration,etsesseinssegonflèrentsousledécolletédesamagnifiquerobedesoie.

—Bonsoir,monsieur,dit-elleenlesaluantd’unerévérence,avantdechuchoter:Tum’asmanqué.—Toiaussi,tum’asmanqué.AumomentoùNicktendaitlamainverselle,quelqu’untoussotaavecfermetéàcôtéd’eux.—Nicholas,tupourraispeut-êtreaccompagnertafemmeàl’intérieur,suggéraGabriel.Isabel, rougissante, baissa les yeux face à la foule qui les observait avec une curiosité non

dissimulée.Nickserralespoingspourcontenirsonenviedelatoucher.—Oui,biensûr.Madame,sivousvoulezbien…Pourentrerdanslamaison,ilsdurentpasserdevantlafiledesinvitésquiattendaientd’êtreannoncés

etseraientnécessairementdéçusd’avoirmanquélemomentleplusexcitantdelasoirée.

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AprèsavoirentraînéIsabeldanslapremièrepiècequiseprésentait,Nickenrefermalaporte,dontilrepoussaleverroupourplusdesûreté.Ilssetrouvaientdanslabibliothèque,éclairéeparuncandélabreuniqueplacésurlemanteaudelacheminée.

Aprèsl’avoiramenéedanslehalodelumière,ilembrassaIsabel,avidedelagoûter,delasentirdenouveau.Ildévorasabouche, luicoupantlesouffle.Elleluirenditcaressepourcaresseet,quandellesoupiradeplaisir,lesiensemanifestaparungrognement.Aprèsdelongsmomentsintenses,leslèvresdeNicksefirentplussouples,sonbaisers’adoucit,et ilfinitparsuivrelalèvreinférieured’Isabeldelapointedelalangue,concluantcetinstantdemanièreinfinimentplustendrequ’ilnel’avaitcommencé.

—Bonjour,dit-ilenposantsonfrontcontrelesien.—Bonjour,répondit-elleavecunsouriretimide.—Dieu,quetum’asmanqué!Tetenirdansmesbras, tesentir…Etceparfumdefleurd’oranger,

commeilm’amanqué…Ilsetutlorsqu’elleeffleuraseslèvresdessiennesavantdemurmurer:—Nick…Et,danscemotunique,ilyavaittoutelaréconciliationdumonde.—Depuiscombiendetempses-tuàLondres?—Troisjours.—Troisjours,etGabrielnem’enariendit?—Jel’aisuppliédegarderlesecret.Jen’étaispasprête.Jevoulaisêtrebellepourtoi.—Tuestoujoursbellepourmoi.Commeellebaissaitlatête,ilposal’indexsoussonmentonpourqu’ellelarelève.—Toujours,Isabel.Entenuededeuil,enpantalon,enrobedesoie…enriendutout.Tuestoujours

belle.—Jedoistedirequelquechose.Commeellenepoursuivaitpas,ilattendit.Ellefinitparinspirerprofondément.—Jet’aime.Àcesmots,qu’ilavaitdésespéréd’entendre,ilfermalesyeux.Quandillesrouvrit,ellel’observait,

nerveuse.—Tun’espasobligéededireça.—Si,protesta-t-elle.Nicksecoualatête.—Non,monamour.Tun’yespasobligée.—NicholasSt.John,écoute-moi,luiordonna-t-elleaprèsavoirreculéd’unpas.Jet’aime.Jamaisje

n’aurais cru possible d’aimer quelqu’un comme je t’aime. Je t’aimais le jour de notremariage, et laveille,et l’avant-veilleaussi.Cesmotsaffreuxque j’aidits,c’est lapeurquime lesa faitprononcer.J’avaispeur,sijet’avouaislavérité,quetumequittesunjouretquejemeretrouvetriste,seule,etlecœurbrisé…

Deslarmesluimontèrentauxyeux,etellelesessuyadureversdelamainavantdepoursuivre:—Maisnepastel’avoirditnem’apasfaitt’aimermoins.Ettuesparti.Jemesuisretrouvéetriste,

seule,etlecœurbrisé.Alors,jesuisvenueici.Parcequejenepouvaispascontinueràvivresanst’avoirdéclarémonamour.Etparcequejenevoulaispasquetutedéconsidèresalorsquetuesunhommequiméritebeaucoup,beaucoupmieuxquemoi.

Elle s’interrompit, haletante, submergée par l’émotion. Au plus profond de ses yeux bleus, elleretrouva le Nick qu’elle croyait avoir perdu avec ses paroles stupides. Ne sachant que dire pour lereconquérir,ellelaissaparlersoncœur.

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—JesuisvenueàLondrespourtedirequejet’aime.Jet’enprie…Crois-moi.Ilserapprochad’elleetrefermasesmainsencoupeautourdesonvisage.—Jene tequitterai jamaisplus.Jesuisvraimentdésolédem’êtreconduitainsi. Jem’apprêtaisà

revenirverstoi.Jetelejure.Ledouxbaiserqu’ilposasurseslèvresfitéchoàlapromessecontenuedanssesparoles.—Tuespartiavantquejepuisseteparler,dit-elle,lesyeuxdenouveaupleinsdelarmes.—Jelesais,répondit-ilenl’attirantdanssesbras.Jesuisdésolé.—Jepensaisque,peut-être,tuavaisdécidéquetunem’aimaisplus.Ill’écartalégèrementpourplongersonregarddanslesien.—Non,Isabel.JejuredevantDieuquejet’aimeencoreplusqu’avant.— Bien, murmura-t-elle avec un sourire mouillé. J’ai envisagé de t’envoyer Volupté en guise

d’offrandedepaix,maiselleesttroplourde.—Jepréfère,etdeloin,celleenchairetenos.Il l’embrassadenouveauavecemportement.Quandilsfurent tousdeuxhorsd’haleine,Isabelnoua

sesbrasautourdesoncou,etill’enveloppatoutentièred’unregardgourmand.—Cetterobeestincroyable.—Elleteplaît?demanda-t-elleensefrottantcontreluicommeunechatte.Ilpoussaunlégergrognement,levisagedanssoncou.—D’oùvient-elle?—Callieafaitvenirsacouturière.Jen’avaisqu’uneexigence.—Mmm?fit-il,leslèvressurlehautdesesseins.Ellelaissaéchapperunsoupirquandilpassasespoucessurleurspointes,àtraversl’étoffe.—Qu’ellesoitrouge.—Elle estmagnifique, dit-il en relevant la tête, les yeux brûlants de passion. J’aimerais bien te

l’enleverpourmieuxl’admirer.—Non,Nick,protesta-t-elleavecungloussementamusé.Nousdevonsretourneraubal.Nousavons

déjà provoquéun scandale incroyable.MonDieu, s’exclama-t-elle en s’écartant brusquement, crois-tuqueCallienouspardonnera?Nousavonsgâchésonbal!

Nickbalayasoninquiétuded’unéclatderire.—Si je connais un tant soit peuma belle-sœur, je peux t’assurer qu’elle nous sera éternellement

reconnaissante d’avoir provoqué une telle scène lors de son bal. Elle exigera que les futures soiréesdonnéesàRalstonHousesoientàlahauteur.QueDieuaitpitiédemonfrère!

Ilrepoussauneboucledelajoued’Isabelavantd’ajouter:—Maissituveuxretourneraubal,retournonsaubal.—Jel’avoue,j’aimeraisbienretourneraubal,monamour.Pourdeuxraisons,dontlamoindren’est

pasquejevoudraisdanseravecmonmari.—Envoilàuneexcellente idée ! J’aimeraisbeaucoupque tout lemondemevoiedanseravecma

femme.Après un dernier baiser, ils quittèrent la bibliothèque. Quand ils apparurent sur la terrasse, des

dizainesd’yeuxsetournèrentaussitôtverseux.IsabelpressalamaindeNick.—Toutlemondenousregarde.Ilportalamaingantéed’Isabelàseslèvres,avantdes’inclinerpourchuchoter:—Ilsessaienttousdecalculercombiendetempsnousavonspasséàl’intérieur.—Pourquoidonc?demanda-t-elle,perplexe.

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Puis,commeilhaussaitlessourcils,ellepoussaunsonétoufféavantdedissimulersonrirederrièresamain.

—Non!Ilritàsontour,etlesouffleluimanquatantelleletrouvabeau.Ilétaitàelle…toutcommeelleétaitàlui.Ilsdescendaientl’escalier,maindanslamain,lorsquequelqu’unlesinterpella.—St.John!Nick s’arrêta, attirant Isabel à soncôté, tandisqu’unhommeapprochait. Il était grand,mince, très

élégantavecsonhabitparfaitementcoupéetsesbottesétincelantes.Ilmarchaitd’unealluredésinvolteenjouantavecsacanneaupommeaud’argent.

—Densmore,annonçaNicklorsquel’hommes’arrêtadevanteux.Isabel écarquilla les yeux. Densmore ? Cet homme séduisant mais au sourire niais, c’était le

Densmorequ’ellesavaienttantredouté?Ils’inclinalégèrementdevantverselle.—LadyIsabel…—Nicholas,corrigea-t-elle.—Jevousdemandepardon?— Si c’est à moi que vous vous adressez, monsieur, je pense que « lady Nicholas » serait plus

pertinent.Densmorelesregardatouràtour,levisagefendud’unlargesourire.—J’étaissûrqu’ilssepayaientmatête.Maisvousêtesdoncmariés…Isabel,quireconnutbienlàunamidesonpère,luiadressasonsourirelepluséclatant.—Jevousassurequejenemepaiepasvotretête.Nicksecoualasienneavecunsérieuxaffecté.—Mafemmenesepaiejamaislatêtedequiconque,Densmore.—Entoutcas,pascelled’inconnus,précisa-t-elle,enchantéedevoirlafossettequicreusaitlajoue

desonmari.L’airuninstantdéconcerté,Densmorefinitpars’écrier:—Parfait!Celanepouvaitpasmieuxtomber!—C’esttoutàfaitmonavis,acquiesçaNick,quipressalesdoigtsd’Isabelentrelessiens.—Non,St.John.Cequejeveuxdire…VousallezpouvoirvousoccuperdesaffairesdeTownsend,à

présent!Àvraidire,jen’aijamaisvouludecettefichueresponsabilité.Ilréduisitensuitesavoixàunchuchotementdeconspirateur.—Çamefaitsuer.—Nousnel’aurionspasdeviné,assuraIsabeld’untonpince-sans-rire.—C’estparfait!répétaDensmoreendonnantuneclaquesurl’épauledeNick.Jevousenvoiemon

avouédemainpourdiscuterdesdétails ?Çavousva?Merveilleux !Dommagepourvotrepère, ladyNicholas,ajouta-t-ilaprèsuninstant.Euh…mescondoléances.

Et, sans attendrede réponse,Densmore tourna les talons et seperdit dans la foule, laissant Isabelinterloquée.Direquecemystérieuxtuteur,qu’elleavaittantcraint,s’étaitsimplementévanoui!

—Apparemment, j’aihéritédeTownsendParketde sesproblèmes,ditNickd’un ton faussementchagrin.

—Commentvas-tusurvivre?ironisaIsabel.—J’aidumalàl’imaginer,répondit-ilenportantunenouvellefoissamainàseslèvres.—Balivernes!Tunousadores.

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LeregarddeNicks’adoucit,etl’émotionqu’ellelutdanssesprunellesbleuesluicoupalesouffle.—C’esttoutàfaitvrai.Ilétaitsiprès…Illuiauraitsuffidetendresonvisageversluipourl’embrasser…Non,ç’auraitététoutàfaitinconvenant.Danscombiendetempspourraient-ilsquittercemauditbal?UneétincellecomplicebrilladanslesyeuxdeNick.Ils’inclinaverssonoreille.—Bientôt,promit-il.Enattendant,aimerais-tudanser,mabeauté?Isabelneputs’empêcherderougirdeplaisir.—Oui,s’ilteplaît.Ill’entraînaparmilafouledesdanseursquivalsaient.Alorsqu’ilstournoyaientausondelamusique

depuisdéjàunlongmoment,ilremarquasonsourirediscret.—Àquoipenses-tu?—Àlaseconderaisonpourlaquellejevoulaisretourneraubal.—Etquiest?s’enquit-ilenhaussantlessourcils.—Demontrer à toutes ces dames qui lisent Pearls andPelisses que ce lord-là a été bel et bien

conquis.Sonbruyantéclatderire,demêmequelamanièredontill’enlaçaplusétroitement,attiral’attention

descouplesautourd’eux.Ilsallaientalimenterlescomméragespendantdesmois.Etceux-cis’intensifieraientencorelorsqu’on

découvriraitqu’IsabelétaitlafilledefeulescandaleuxcomtedeTownsend…etqu’elleétaitcenséeêtreendeuil.

Mais,tandisqu’elleriaitetdansait,blottieentrelesbrasdel’hommequil’aimait,Isabelrenonçaàs’ensoucier.Etquandilsepenchapourchuchoteràsonoreille…

Ilyavaitdepireschosesaumondequ’unscandalecauséparl’amour,n’est-cepas?

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Épilogue

LeçonnumérodixCettedernièreleçon,chèrelectrice,estlaplusimportantedetoutes.Unefoisquevotrelordauraétébeletbienconquis,ilvousappartiendradeveilleràcequesonnidsoitgarnideplumespropresetconfortables. Le célibat n’est pas un état enviable pour les hommes sérieux et respectables.Ce sont lemariage, les enfants et lesplaisirsquel’unetlesautresapportentquitémoignentd’uneviebienvécue.Et nos lords – ces hommes éminents soigneusement choisis pour vous et présentés dans ces pages – attendront de leurs épousesqu’elleslesaiment,qu’ellesleshonorentetleschérissentautantqu’ilsleméritent.

PearlsandPelisses,juin1823

—Cefutunbeaumariage.—Effectivement,acquiesçaNick.IlembrassaIsabeldanslecou,toutendéfaisantlalonguerangéedeboutonsquifermaientsarobe.

Celle-citombaauxpiedsdesonépouse,qu’ilenlaçapourl’attirercontrelui.—Maisiln’yariendeplusbeauquetoi,ajouta-t-ilenposantlamainsursonsein.Avecunlégerrire,elles’abandonnacontrelui.—Nedispasdebêtises.Laraétaitresplendissante.EtRock…Jenel’avaisjamaisvuaussiradieux.Nickrelevalatêteuninstant,l’airsongeur.Puis,prenantlelobedel’oreilledesafemmeentreses

dents, il lemordilla jusqu’àcequ’Isabel, frissonnantedeplaisir, tentedes’écarter.Mais il la rattrapapourl’embrasseravecfougue,avantd’interrompresonbaiseretdel’observer,unelueurinquiètedansleregard.

—Regrettes-tuquenousn’ayonspaseuunmariageenbonneetdueforme?Deux mois s’étaient écoulés depuis qu’Isabel l’avait rejoint à Londres et qu’ils avaient tenté de

réparerleurunion.Leurfélicitéétaittotale.IlsvivaientàTownsendParkmaisNickluiavaitproposédeserendre,à l’automne,danssapropriétéà lacampagne.Celle-cise trouvaitnonloind’Eton,etIsabelpourraitdoncêtreplusprèsdeJamesdurantsonpremiersemestreaucollège.

AvantdequitterLondres,Nickavait endossé la responsabilité légaledeTownsendPark,augrandsoulagementduvicomteDensmore.Ainsi,ilavaittoutelatitudedes’occuperdeMinervaHouseetdesesoccupantes, lesquelles s’épanouissaient à vue d’œil depuis qu’elles se savaient sous la protection deNick,deRocketde l’équipede surveillants,devenusdesmembresappréciésde lamaisonnée.MêmeGeorgianaavaitrecouvréunerelativesérénitéaprèslavisiteéprouvantedesonfrère.Leducn’avaitpasdivulguéleurssecrets,dumoinspourlemoment.

Isabeln’étaitplushantéeparl’avenirdeMinervaHouse.Ellesavaitque,quoiqu’ilarrive,Nickétaitaussiattachéqu’elleàsonsuccès.

—Jene leregrettepasdutout,assura-t-elleaprès l’avoirembrassé.Àpartirdumomentoùtumeprometsquenousauronsunevraieviedecouple.

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—C’estdéjàlecas,dit-ilenlasoulevantpourl’emmenerjusqu’àleurlit.Après l’avoirallongéesur lematelas, il fitglissersamain le longdesa jambe toutenrelevantsa

chemisedesoie.—Quellenoteattribuerais-tuànotremariage,jusqu’àprésent?Commeellefaisaitminederéfléchir,illuimordillal’épaulepourlapunir.Ellerit,jusqu’aumoment

oùlescaressesplusprécisesdeNickluiarrachèrentunsoupir.Ilparcourutsoncorps,quevoilaitàpeinelafinechemise,d’unregardbrûlant.

—Pourmapart,jetrouvequetoutvapourlemieux,dit-il.Jesuisparticulièrementheureuxquetuaiesfiniparadoptermonpointdevueetparrenonceraucorset.

—Cen’estpasentièrementàcausede tonpointdevue, répondit-elleavecun légersourire. Ilvafalloirquejem’enpassependantquelquetemps.Plusieursmois,aumoins.

—Tuveuxdire…murmura-t-ilaprèsuninstant.Quandelleeutacquiescé,ilfitremontersamainpourlaposersursonventreàpeinearrondi.—Unenfant,susurra-t-ild’unevoixpleinederévérence.Elleposalamainsurlasienne,etleursdoigtss’enlacèrent.—J’aimoi-mêmeétésurprise,avoua-t-elle.IlafalluJane,KateetGwenpourmeconvaincreque

c’étaitvrai.—Commed’habitude, dit-il en riant, les femmesdeMinervaHouse sont au courant de tout avant

moi.—Celatesurprend?demanda-t-elleaprèsavoirjointsonrireausien.—Paslemoinsdumonde.Lebaiserqu’illuidonnamituntermeàlaconversation.EllefitcourirsesdoigtssurletorsedeNick,

sur ses épaules, puis les enfonça dans ses boucles souples avec un soupir de plaisir lorsqu’il fitdescendresesmainsplusbas.

—Nick…chuchota-t-elle.Jet’aime.Ellelesentitsourirecontresabouche.—Jesais.Lacertitudearrogantedesesmotslafitrire.Maissonriremourutlorsqu’ilcapturadenouveauses

lèvrespourluimontreràquelpointill’aimaitluiaussi.