au service des peuples et des nations renforcer la ......m. lamin m. manneh dr gustavo a. b. da...

152
Renforcer la durabilité environnementale et la résilience des chaînes de valeur alimentaires en Afrique subsaharienne : options et possibilités Au service des peuples et des nations

Upload: others

Post on 11-Oct-2020

0 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

3

Renforcer la durabilité environnementale et la résilience des chaînes de valeur alimentaires en Afrique subsaharienne : options et possibilités

Au service des peuples

et des nations

Renforcer la durabilité environnementale et la résilience des chaînes de valeur alim

entaires en Afrique subsaharienne : options et possibilités

Page 2: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé
Page 3: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

Renforcer la durabilité environnementale et la résilience des chaînes de valeur alimentaires en Afrique subsaharienne : options et possibilités

Au service des peuples

et des nations

Page 4: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé
Page 5: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

iii

Les chaînes de valeur alimentaires prennent de plus en plus d’importance dans l’action globale menée pour atteindre la sécurité alimentaire et améliorer la nutrition, transformant ainsi l’agriculture africaine et contribuant aux objectifs de développement durable (ODD). Compte tenu de l’attention croissante portée aux intrants, aux marchés, aux financements, au secteur agroalimentaire et à l’agro-industrie, les perspectives de commercialisation des petits exploitants devraient s’améliorer et s’étendre à l’ensemble des principales denrées de base. De nombreux efforts ont été déployés pour comprendre et répertorier les bonnes pratiques qui génèrent des avantages mondiaux pour l’environnement dans les paysages de production ; toutefois, en ce qui concerne les chaînes de valeur alimentaires en Afrique subsaharienne, ces connaissances sont insuffisantes ou limitées.

C’est dans ce contexte que le Programme des Nations Unies pour le développement  (PNUD) et le Fonds pour l’environnement mondial  (FEM) ont réalisé la présente étude, afin d’examiner les options et les possibilités permettant de renforcer la durabilité environnementale et la résilience des chaînes de valeur alimentaires en Afrique subsaharienne. Cette étude montre notamment que, bien que la « durabilité » et la « résilience » ne soient pas encore au cœur des stratégies de développement de la chaîne de valeur alimentaire, il existe déjà des plans d’action concrets qui peuvent être déployés à grande échelle.

Les études de cas de six chaînes de valeur de douze pays arides d’Afrique subsaharienne montrent que plusieurs approches et techniques peuvent être adoptées dans toute la région en vue de mieux tirer parti des chaînes de valeur et de réduire les externalités et les conséquences environnementales. Toutefois, pour accélérer la transition vers des systèmes alimentaires durables et résilients, il est essentiel de mettre en place des incitations positives. Cette étude propose, sous la forme d’un « cadre d’action » applicable à grande échelle, un outil opérationnel qui, à l’aide d’une plateforme multipartite inclusive axée sur l’action, facilite la collaboration requise pour lutter contre les externalités négatives et encourager la transition vers des chaînes de valeur alimentaires durables et résilientes.

Nous espérons que ce cadre d’action et les conclusions de cette étude, de manière générale, seront utiles aux différents acteurs de la chaîne de valeur alimentaire au niveau national, régional et continental : personnel technique des administrations, experts, secteur privé, bailleurs de fonds bilatéraux, organismes des Nations Unies, chercheurs, personnel des ONG ou encore universitaires. Les conclusions de cette étude devraient aider tous ces acteurs à plaider pour des choix d’investissements, de gestion et de politiques intégrés et innovants, qui favorisent la mise en place de chaînes de valeur alimentaires durables et résilientes – et contribuent ainsi à la réalisation des ODD.

AVANT-PROPOS

M. Lamin M. MannehDirecteur du Centre de service régional pour l’Afrique du PNUD

Dr Gustavo A. B. da Fonseca Directeur des programmes du FEM

M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca

Page 6: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé
Page 7: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

v

Avant-propos iii

Encadrés, figures et tableaux vii

Acronymes ix

Résumé analytique xii

Introduction 1

ChApitre 1 : Cadres et politiques visant à promouvoir des chaînes de valeur alimentaires durables et résilientes en Afrique subsaharienne 6

Importance socio-économique des six chaînes de valeur alimentaires sélectionnées 7

Politiques et cadres africains promouvant des chaînes de valeur alimentaires durables et résilientes 14

ChApitre 2 : Approches et outils visant à mesurer les externalités et conséquences environnementales des chaînes de valeur alimentaires,et bonnes pratiques permettant de les surmonter 20

Approches et outils de mesure 22

Lignes d’action et techniques favorisant la création de chaînes de valeur alimentaires durables et résilientes 28

ChApitre 3 : Principales externalités et conséquences environnementales des chaînes de valeur sélectionnées et bonnes pratiques permettant d’y faire face 34

La chaîne de valeur de l’élevage : gros plan sur les ruminants destinés à la production de viande et de lait 36

La chaîne de valeur du riz 44

La chaîne de valeur du manioc 49

La chaîne de valeur du maïs 51

La chaîne de valeur des légumes secs 54

La chaîne de valeur de la mangue 59

Tableau récapitulatif 63

ChApitre 4 : Mesures incitatives à l’amélioration de la durabilité environnementale et de la résilience des chaînes de valeur alimentaires à l’intention des secteurs public et privé 65

Catégories de mesures incitatives proposées aux différents acteurs des chaînes de valeur 67

Mesures incitatives à l’intention des acteurs du secteur privé de la chaîne de valeur 70

Mesures incitatives à l’intention des fournisseurs d’intrants 70

Tableau récapitulatif 94

ChApitre 5 : Conclusion : un cadre d’action articulé autour de quatre piliers 96

Des piliers concrets centrés sur l’action 98

Un appel à l’action 108

Bibliographie 110

Glossaire 115

Annexes 117

Remerciements 133

SOMMAIRE

Page 8: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

vi

ENCADRÉS, FIGURES ET TABLEAUX

Encadrés

enCADré 1 : Six étapes pour améliorer l’efficacité des politiques 18

enCADré 2 : Intensification des systèmes d’élevage par le biais de l’amélioration des ressources alimentaires : quand le bétail est nourri avec des feuilles de végétaux ligneux 40

enCADré 3 : Amélioration des races bovines : des races locales aux bovins issus de croisements 41

enCADré 4 : Étude de cas : amélioration de la gestion des pâturages grâce au dialogue et à des accords sur le partage des ressources – le cas du pastoralisme entre l’Éthiopie et le Kenya 42

enCADré 5 : Trois études de cas sur les systèmes d’exploitation mixtes cultures-élevage 43

enCADré 6 : Le SRI au Sénégal et au KenyaLe SRI au Sénégal et au Kenya 47

enCADré 7 : La culture intercalaire du manioc et d’autres espèces au Nigéria 51

enCADré 8 : L’intensification durable des systèmes de culture intercalaire du maïs et des légumineuses en faveur de la sécurité alimentaire en Afrique de l’Est et en Afrique australe (SIMLESA) : gros plan sur l’Éthiopie, le Kenya, le Malawi, le Mozambique et la Tanzanie 53

enCADré 9 : Le projet N2Africa : des partenariats public-privé au service des technologies durables pour la culture des légumes secs 56

enCADré 10 : Enseignements tirés du projet Tropical Legumes au Burkina Faso, en Éthiopie, au Nigéria et en Tanzanie 57

enCADré 11 : Réduire les pertes après récolte grâce au projet de l’université de Purdue sur le stockage amélioré des cultures  (Purdue Improved Crops Storage – PICS) 58

enCADré 12 : Kenya : de nouvelles variétés de mangues pour un développement durable et résilient 61

enCADré 13 : Déploiement à grande échelle des stratégies de promotion de la mangue au Kenya 61

enCADré 14 : Kenya et Ouganda : Coca-Cola se fixe l’objectif d’une valeur partagée avec les petits producteurs de mangues 62

enCADré 15 : Le modèle de production agricole durable de Malawi Mangoes 63

enCADré 16 : Les quatre catégories d’incitationsLes quatre catégories d’incitations 68

enCADré 17 : Adoption de semences hybrides dans le but d’augmenter la production de maïs : cas de pays d’Afrique subsaharienne 72

enCADré 18 : Gain de productivité grâce à l’accès accru des riziculteurs aux technologies : cas du Ghana 73

enCADré 19 : Financement de la chaîne de valeur du soja dans la zone Jimma en Éthiopie 75

enCADré 20 : Comment assurer les pertes de bétail résultant d’événements climatiques ? 76

enCADré 21 : Richesse du savoir autochtone : choix entre alimentation du bétail et fumier au Burkina Faso 78

enCADré 22 : Stratégies d’adaptation de la culture du maïs entraînant une hausse du taux de rentabilité : cas du Swaziland 79

enCADré 23 : Dynamique hommes-femmes dans l’intensification durable de la production laitière au Kenya 83

enCADré 24 : Modèle Songhaï de production intégrée appliqué au Bénin 84

enCADré 25 : Un mode de financement novateur : les obligations paysage 87

enCADré 26 : La fragmentation des agendas politiques : un obstacle majeur 90

enCADré 27 : Promotion du manioc au Nigéria : échecs et réussites 92

enCADré 28 : Programme d’assurance du bétail du gouvernement kenyan 93

enCADré 29 : Le Fonds vert pour le climat : financer le complexe climat-agriculture 102

enCADré 30 : Intégration de l’agriculture aux plans climat des pays d’Afrique subsaharienne 103

enCADré 31 : Le Fonds mondial pour l’environnement et ses partenaires : renforcement des capacités dans le bassin de la rivière Kagera et en Éthiopie 105

enCADré A1 : Stratégies à mettre en œuvre dans le cadre de la Stratégie de développement de l’élevage pour l’Afrique (LiDeSa) en matière de durabilité environnementale (Union africaine, 2015) 118

enCADré A2 : Vue d’ensemble des principaux légumes secs 121

enCADré A3 : Examen des cadres d’évaluation de l’impact sur l’environnement des systèmes d’élevage par le Stockholm Environment Institute (SEI, 2015) 123

Page 9: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

vii

enCADré A4 : En chiffres : les émissions de GES induites par l’élevage (FAO, 2016c) 129

enCADré A5 : Pratiques recommandées par le Système de riziculture intensive (SRI) 130

Tableaux

tABLeAu 1 : Principaux systèmes agricoles en Afrique subsaharienne (ILRI1, s.d.) 37

tABLeAu 2 : Critères de sélection, externalités et conséquences environnementales, impacts liés au changement climatique, bonnes pratiques et exemples de pays concernés, par chaîne de valeur sélectionnée (compilé par les auteurs) 64

tABLeAu 3 : Cartographie des principaux acteurs privés des chaînes de valeur, des mesures les incitant à adopter des pratiques durables et résilientes, des obstacles à l’adoption de pratiques durables et résilientes et exemples de chaînes de valeur (compilée par les auteurs) 95

tABLeAu 4 : Possibilités de contribuer au pilier « information », par acteur 100

tABLeAu 5 : Possibilités de contribuer au pilier « ressources », par acteur 101

tABLeAu 6 : Possibilités de contribuer au pilier « politiques », par acteur 103

tABLeAu 7 : Possibilités de contribuer au pilier « soutien à la mise en œuvre », par acteur 104

tABLeAu A1 : Principaux pays producteurs de mangues dans le monde (CCI, 2014) 120

tABLeAu A2 : Les neuf cadres évalués en détail (SEI, 2015) 125

tABLeAu A3 : Liste des interventions sur la chaîne de valeur pouvant bénéficier à la résilience face au changement climatique (FIDA, 2015) 126

tABLeAu A4 : Les trois piliers de l’agriculture intelligente face au climat (WorldFish, 2015 ; adaptation de Knaepen et al., 2015) 128

Figures

FiGure 1 : Mise en œuvre exhaustive des quatre piliers du cadre d’action par le biais d’une plateforme multipartite  (compilée par les auteurs) xiv

FiGure 2 : Trois conditions contribuant à l’efficacité de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques 19

FiGure 3 : Quatre piliers du cadre d’action pour renforcer la durabilité environnementale et la résilience des chaînes de valeur alimentaires (réalisée par les auteurs) 99

FiGure 4 : Mise en œuvre exhaustive des quatre piliers du cadre d’action par le biais d’une plateforme multipartite  (compilée par les auteurs) 106

FiGure A1 : Carte des zones arides en Afrique 117

FiGure A2 : Zones rizicoles 117

FiGure A3 : La production rizicole en Afrique subsaharienne 119

FiGure A4 : Structure de la chaîne de valeur du manioc au Nigéria 119

FiGure A5 : Principales zones de culture du maïs en Afrique subsaharienne 120

FiGure A6 : Comparaison des systèmes de production utilisés pour la culture des légumes secs et des céréales  (en millions d’hectares) 120

FiGure A7 : Projet CLEANED – LVC (Comprehensive Livestock Environmental Assessment for improved Nutrition, a secured Environment and sustainable Development along Livestock and aquaculture Value Chains) 124

FiGure A8 : Émissions de GES issues de l’élevage, par produit et par région 130

FiGure A9 : La diversité de l’élevage contribue à faire face au changement climatique 131

FiGure A10 : Vue d’ensemble des mesures incitatives en faveur des services écosystémiques 132

FiGure A11 : Eau, agriculture et commerce : une synergie sectorielle triangulaire potentielle au service de la sécurité alimentaire régionale dans la SADC 132

Page 10: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

viii

AAA Adaptation de l’agriculture africaine

ACA analyse coûts-avantages

AD agriculture durable

Aep analyse d’économie politique

AGir Alliance globale pour la résilience

AGrA Alliance pour une révolution verte en Afrique

AiC agriculture intelligente face au climat

ApD aide publique au développement

Api Approche pilote intégrée

ASS Afrique subsaharienne

B2B business-to-business

BMCt Bwindi Mgahinga Conservation Trust

BpA bonnes pratiques agricoles

CAe Communauté d’Afrique de l’Est

CBD Convention sur la diversité biologique

CCnuCC Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques

CeDeAO Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest

Cer Communautés économiques régionales

CGiAr Consortium des centres internationaux de recherche agronomique

CiMMYt Centre international pour l’amélioration du maïs et du blé

CirAF Centre international pour la recherche en agroforesterie

CpDn contributions prévues déterminées au niveau national

CV chaîne de valeur

eCOWAp Politique agricole de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest

eie évaluation de l’impact sur l’environnement

erip Initiative d’urgence en faveur du riz

eSe évaluation stratégique environnementale

FAO Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture

FCe Facilitator for Change Ethiopia

FeM Fonds pour l’environnement mondial

FiDA Fonds international de développement agricole

FVC Fonds vert pour le climat

GAFSp Programme mondial sur l’agriculture et la sécurité alimentaire

GDt gestion durable des terres

GeS gaz à effet de serre

GieC Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat

GLeAM Global Livestock Environmental Assessment Model

iBLi Institut international de recherche sur l’élevage

iCriSAt Institut international de recherche sur les cultures des zones tropicales semi-arides

iDe investissement direct étranger

iGMVSS initiative de la Grande muraille verte pour le Sahara et le Sahel

iirr Institut international de recherche sur le riz

iitA Institut international d’agriculture tropicale

iLri Institut international de recherche sur l’élevage

LiDeSA Stratégie de développement de l’élevage pour l’Afrique

ACRONYMES

Page 11: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

ix

Lre Liste rouge des écosystèmes

MFM mécanismes fondés sur le marché

MpMe micro, petites et moyennes entreprises

nepAD Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique

OCDe Organisation de coopération et de développement économiques

ODD objectifs de développement durable

OSC organisation de la société civile

pDDAA Programme détaillé pour le développement de l’agriculture africaine

peS paiement des services écosystémiques

pGS systèmes participatifs de garanties

pMe petites et moyennes entreprises

pniA plan national d’investissement agricole

pnuD Programme des Nations Unies pour le développement

ppp partenariats public-privé

rAi Principes pour un investissement responsable dans l’agriculture et les systèmes alimentaires

rSe responsabilité sociale des entreprises

SADC Communauté de développement de l’Afrique australe

SiMLeSA intensification durable des systèmes de culture intercalaire du maïs et des légumineuses en faveur de la sécurité alimentaire en Afrique de l’Est et en Afrique australe

SnDr Stratégies nationales de développement de la riziculture

SpA Sustainable Performance Assessment (Évaluation des performances durables)

teeB Économie des écosystèmes et de la biodiversité

tSA Targeted Scenario Analysis (Analyse de scénario ciblée)

uA Union africaine

uiCn Union internationale pour la conservation de la nature

unCCD Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification

uSAiD Agence des États-Unis pour le développement international

Page 12: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé
Page 13: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

xi

Renforcer la durabilité environnementale et la résilience des chaînes de valeur alimentaires en Afrique subsaharienne : options et possibilités

IL E X I S T E P L U S I E U R S O P T I O N S éprouvées qui permettent de renforcer la durabilité environnementale et la résilience des chaînes de valeur

alimentaires en Afrique subsaharienne. La plupart des solutions techniques et socio-économiques favorisant des pratiques durables et résilientes relèvent de trois grandes catégories  : diversification des activités agricoles  ; intensification durable de l’agriculture  ; diversification des moyens de subsistance non agricoles et des marchés. Les analyses coûts-avantages prouvent qu’investir dans la durabilité peut se révéler très profitable, en particulier sur le long terme. Plusieurs acteurs des chaînes de valeur, du secteur public comme du secteur privé, ont réellement fait preuve de volonté et d’innovation en vue de passer à des chaînes de valeur durables et résilientes en Afrique subsaharienne. Néanmoins, de nombreuses contraintes empêchent l’adoption des bonnes pratiques à plus grande échelle. Une approche globale et systémique est donc nécessaire pour rapprocher la production de la consommation, relier les différents domaines politiques et créer des partenariats axés sur l’action tout au long des chaînes de valeur. Dans cette optique, cette étude met en avant quatre piliers centrés sur quatre besoins – information, ressources, politiques favorables et soutien à la mise en œuvre – rassemblés dans une plateforme multipartite, qui peuvent stimuler le changement de paradigme nécessaire pour parvenir à des systèmes alimentaires durables et résilients.

Cette étude présente les principaux cadres et politiques à l’échelle continentale, régionale et nationale visant à promouvoir des chaînes de valeur alimentaires durables et résilientes en Afrique subsaharienne, et examine leur efficacité. Elle recense les bonnes pratiques devant être adoptées pour permettre la transition vers des chaînes de valeur alimentaires durables et résilientes en Afrique subsaharienne, en s’appuyant sur l’examen des externalités et des conséquences environnementales négatives dans six chaînes de valeur – élevage (viande et produits laitiers), riz, manioc, maïs, légumes secs et mangue  –  dans plusieurs pays arides, notamment le Burkina Faso, l’Éthiopie, le Ghana, le Kenya, le Malawi, le Niger, le Nigéria, l’Ouganda, le Sénégal, le Swaziland et la Tanzanie. L’étude examine en outre les mesures incitatives et les mécanismes d’application que les différentes parties prenantes peuvent adopter pour renforcer la durabilité environnementale et la résilience des chaînes de valeur alimentaires en Afrique subsaharienne, en mettant particulièrement l’accent sur l’appui aux petits agriculteurs et

aux petites et moyennes entreprises  (PME). Pour conclure, en tirant parti des enseignements dégagés, elle propose un « cadre d’action » articulé autour de quatre piliers, visant à favoriser un changement global et systémique.

Le défi est triple : il faut trouver un moyen durable de nourrir une population croissante en dépit des contraintes écosystémiques, du changement climatique et du manque de mesures incitatives

La population mondiale devrait connaître une forte hausse et passer de 7  milliards d’individus aujourd’hui à 9  milliards en 2050. Trois  milliards de personnes supplémentaires devraient rejoindre la classe moyenne. Les zones urbaines des pays en développement absorberont la majorité de cette croissance démographique  : près de 70 % de la population vivra en ville d’ici à 2050. Après l’Asie, l’Afrique est le continent qui connaît l’urbanisation la plus rapide. Ces tendances s’accompagneront d’une forte hausse de la demande en énergie, en moyens de transport, en bâtiments, en eau et, bien sûr, en nourriture.

Répondre à la demande d’une population toujours plus nombreuse, en particulier à la demande alimentaire, est un véritable défi. Ceci est notamment vrai en Afrique subsaharienne, où il est extrêmement urgent de fournir à la population croissante une nourriture en quantité suffisante, et ce de manière durable. Cette région est régulièrement en proie à un déficit alimentaire chronique, à des rendements agricoles extrêmement faibles et à une mauvaise qualité des sols, ce qui aggrave les problèmes de sous-alimentation et d’extrême pauvreté. En outre, les ménages dépendent directement de l’agriculture pluviale. Le changement climatique et la variabilité du climat, qui entraînent une hausse des températures ou favorisent les phénomènes météorologiques extrêmes comme les sécheresses ou les inondations, exacerberont encore davantage les risques tout au long des chaînes de valeur alimentaire. Parallèlement, un grand nombre de modèles économiques et de pratiques de la chaîne de valeur agroalimentaire employés actuellement en Afrique subsaharienne génèrent des externalités et des conséquences environnementales négatives qui nuisent aux écosystèmes. Les répercussions sont multiples  : perte de biodiversité, émissions de carbone, érosion des sols, épuisement des ressources en eau, gaspillage alimentaire et maladies, entre autres.

RÉSUMÉ ANALYTIQUE

Page 14: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

xii

Le potentiel de développement de chaînes de valeur durables et résilientes en Afrique subsaharienne est considérable, mais plusieurs obstacles doivent être éliminés

L’Afrique possède environ la moitié des terres arables non cultivées du monde (202 millions d’hectares) (BafD, 2016), ainsi qu’une population jeune et croissante pouvant contribuer à une agriculture durable. Que ce soit au niveau continental, régional ou national, les responsables politiques reconnaissent ces avantages que l’agriculture africaine apporte sur le plan de la sécurité alimentaire et sont conscients du potentiel d’amélioration de la durabilité et de la résilience.

Toutefois, la mise en œuvre et l’application sont insuffisantes. La «  durabilité  » et la «  résilience  » ne sont pas encore au cœur des stratégies de développement de la chaîne de valeur agroalimentaire, mais sont plutôt vues comme des aspects complémentaires. L’absence de progrès est également due à une certaine contradiction dans l’élaboration des politiques et à l’instabilité du cadre politique.

Assurer une transition vers des chaînes de valeur alimentaires durables et, en définitive, vers des systèmes alimentaires eux-mêmes durables, n’est pas chose aisée  : en Afrique subsaharienne, le secteur agricole est dominé par des petites exploitations de subsistance qui ne disposent pas des ressources et des capacités suffisantes pour s’adapter et accéder aux intrants, et est caractérisé par un manque de mécanisation et d’organisation, ainsi que par un accès restreint au crédit et aux marchés. En outre, une grande partie des activités de la chaîne de valeur relève du secteur informel, ce qui entrave la production de données, la diffusion des informations et des technologies, la mise en œuvre de mesures incitatives et la création de partenariats multipartites.

La création de systèmes alimentaires durables et résilients nécessite des approches intégrées ainsi que des solutions ciblées et contextuelles

Avant de proposer des solutions visant à remédier aux externalités et aux conséquences environnementales négatives, il est important d’évaluer correctement ces dernières pour améliorer leur compréhension. Il existe de nombreux outils permettant de mesurer chacun des impacts. Les approches systémiques capables d’examiner les externalités et les conséquences tout au long de la chaîne de valeur alimentaire sont de plus en plus répandues.

En second lieu, trois lignes d’action peuvent faciliter la transition vers des systèmes alimentaires durables et résilients :

1 La diversification des activités agricoles  : cette stratégie consiste à conserver plusieurs sources de production et à varier les cultures dans les différents paysages agricoles et au fil du temps, en ayant recours à la rotation des cultures, à la culture intercalaire ou à l’exploitation mixte.

2 L’intensification durable de l’agriculture  : cette stratégie associe les meilleures pratiques agricoles afin d’optimiser la production à partir des intrants, y compris les terres et l’eau, tout en réduisant au maximum les externalités et conséquences négatives, comme la pollution ou la déforestation.

3 La diversification des moyens de subsistance non agricoles et des marchés : cette ligne d’action dépasse le champ de la production et concerne la chaîne de valeur au sens large ; elle consiste à diversifier les sources de revenus en exerçant de nouvelles activités afin d’améliorer la résilience économique et l’accès aux marchés.

Ces trois lignes d’action peuvent être mises en œuvre à l’aide des bonnes pratiques existantes, en s’inspirant des principes de la gestion durable des terres, de la gestion intégrée des paysages et de l’agriculture intelligente face au climat. La gestion durable des terres vise à gérer de manière durable une portion de terrain  (par exemple, une exploitation agricole) en améliorant la gestion de l’eau et des sols et la lutte contre les nuisibles, tandis que la gestion intégrée des paysages applique de telles pratiques à l’ensemble du paysage. L’agriculture intelligente face au climat vise à assurer la sécurité alimentaire et à lutter contre le changement climatique grâce à trois actions  : l’augmentation durable des rendements, l’adaptation au changement climatique et l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre (GES), dans la mesure du possible.

L’examen de six chaînes de valeur dans 12 pays arides révèle les risques, les enjeux et la marge de progression

Cette étude examine six chaînes de valeur  : celles de l’élevage (incluant la viande et les produits laitiers), du riz, du manioc, du maïs, des légumes secs et de la mangue. Elles ont été choisies en raison de leur pertinence socio-économique dans les pays arides d’Afrique subsaharienne, de leurs externalités et conséquences environnementales établies et des risques liés au changement climatique  (ou à la variabilité du climat) auxquels elles sont exposées ou des possibilités d’adaptation qu’elles présentent.

Toutes les activités des six chaînes de valeur alimentaires examinées entraînent des externalités et des conséquences environnementales négatives, principalement des émissions

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

Page 15: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

xiii

de GES, une perte de biodiversité, la dégradation des sols, l’épuisement des ressources en eau et des pertes après récolte. Les conséquences, les externalités et leur niveau d’intensité varient en fonction de différents facteurs, tels que le type de culture ou d’élevage, la géographie, le type de chaîne de valeur (de petite taille ou étendue), le degré d’appartenance au secteur formel (ou informel), le niveau d’accès à l’information, etc. De manière générale, les émissions de GES issues de l’élevage sont particulièrement néfastes, tandis que la culture des légumes secs (qui sont capables de fixer l’azote dans le sol) et du manioc présente une empreinte écologique relativement faible. La culture du maïs et la riziculture sont caractérisées par des pratiques non durables liées à la monoculture et ont généralement une forte empreinte en ce qui concerne l’eau. La chaîne de valeur de la mangue génère elle aussi plusieurs conséquences sur le plan environnemental, telles que la dégradation des sols  ; néanmoins, s’agissant d’un produit d’exportation majeur, elle doit souvent se plier à des règles internationales strictes de production et de transformation durables.

Les études de cas montrent qu’il existe en Afrique subsaharienne de nombreuses techniques permettant de réduire les externalités et conséquences environnementales, fondées sur l’intensification durable et la diversification des activités agricoles. La généralisation des techniques durables reste toutefois lente, et doit être accélérée.

Des mesures d’incitation associées à des mécanismes de contrôle et d’application sont indispensables pour créer des systèmes alimentaires durables et résilients

La logique économique selon laquelle l’adoption de pratiques durables tout au long de la chaîne de valeur augmentera la rentabilité (sur le long terme) ne prend pas suffisamment en compte l’équilibre réel entre la hausse du prix des produits issus de l’agriculture durable et celle, fréquemment observée, de leurs coûts de production. Par conséquent, les acteurs de la chaîne de valeur continuent souvent de recourir à des pratiques non durables, parce que l’intérêt économique des pratiques durables, qui intègrent les coûts des externalités et des conséquences négatives, reste flou. Il est donc encore largement possible d’encourager des conditions de marché favorables à l’adoption de pratiques durables tout au long des chaînes de valeur. Toutefois, même lorsque les acteurs de la chaîne de valeur veulent changer leurs pratiques, ils se heurtent à plusieurs obstacles, tels que le manque d’accès aux engrais ou semences biologiques, une faible capacité de négociation de meilleurs prix et un accès limité au marché. En outre, du fait de la dynamique commerciale ou de la demande du marché, le système dans lequel les acteurs de la

chaîne de valeur évoluent favorise des modèles économiques allant à l’encontre de pratiques durables et encourage la monoculture.

Par conséquent, il est nécessaire de mettre en place des mesures incitatives positives qui encouragent la transition vers des systèmes alimentaires durables, mais également la diversification des moyens de subsistance non agricoles et des marchés  ; de même, des mécanismes de contrôle et d’application bien plus stricts doivent être adoptés afin d’aboutir réellement au changement recherché. Ces mesures peuvent être regroupées en quatre catégories : 1) incitation intrinsèque à protéger les moyens de subsistance et à promouvoir les biens publics  ; 2) mesures incitatives politiques et juridiques  ; 3)  mesures incitatives financières  ; 4)  demande du marché et arrangements de marché. Selon leur rôle au sein des chaînes de valeur, leurs divers acteurs peuvent soit créer des mesures d’incitation, soit en bénéficier.

Du fait de son exposition à divers risques, tels que la variabilité du climat, les nuisibles et la volatilité des prix, l’investissement dans le secteur agricole est peu attractif. Les secteurs public et privé sont en mesure d’atténuer ces risques en proposant des garanties d’emprunt, en finançant la chaîne de valeur et en mettant en place des systèmes d’assurance. Ils peuvent également fournir des informations sur les marchés au moyen d’actions ciblées qui favorisent la résilience de la chaîne de valeur. Le secteur public peut par ailleurs mettre en place un cadre réglementaire et politique adéquat et fournir les mesures d’incitation requises.

Perspectives d’avenir : un cadre d’action articulé autour de quatre piliers

Afin de tirer parti des nombreux enseignements dégagés et d’assurer la transition nécessaire vers des chaînes de valeur alimentaires durables et résilientes, il est indispensable d’entreprendre des actions systématiques, intersectorielles et applicables à grande échelle. Dans cette optique, la présente étude propose un vaste «  cadre d’action  » articulé autour de quatre domaines d’intervention, ou piliers, qui se renforcent mutuellement et encouragent tous la création de systèmes alimentaires durables et résilients :

• Le pilier « information » sensibilise les acteurs de la chaîne de valeur, en particulier les petits agriculteurs et les PME, et leur fournit les connaissances, la technologie et l’expertise nécessaires pour mettre en place des systèmes et des chaînes de valeur alimentaires durables et résilients. Ce premier pilier se rapporte également aux systèmes et aux réseaux de communication – y compris l’éducation et les médias – qui permettent de consolider, d’harmoniser et de partager des

RÉSUMÉ ANALYTIQUE

Page 16: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

xiv

informations et des connaissances, et de suivre les progrès accomplis.

• Le pilier «  ressources  » concerne les moyens financiers publics et privés requis tout au long de la chaîne de valeur pour renforcer sa durabilité environnementale et sa résilience : mesures visant à rendre les chaînes de valeur plus respectueuses de l’environnement, financements innovants, systèmes bancaires et de dons, microfinancement, etc.

• Les «  politiques  », ainsi que les lois et réglementations associées, jouent un rôle clé dans l’élimination des obstacles à la durabilité et à la résilience des chaînes de valeur alimentaires, tels qu’un cadre réglementaire insuffisant ou des procédures administratives complexes. Il peut s’agir aussi bien de politiques publiques que de réglementations privées.

• Le «  soutien à la mise en œuvre  » contribue, grâce au renforcement des capacités et à une assistance technique, à concrétiser les modèles systémiques, afin de créer des chaînes de valeur alimentaires durables et résilientes. En d’autres termes, ce pilier permet de mettre en place de nouvelles initiatives et de trouver de nouveaux intermédiaires et/ou de renforcer les capacités de soutien à la mise en œuvre dont disposent les acteurs ou les organismes existants.

Le développement des infrastructures  (par exemple, des routes en bon état) et la facilitation des investissements infrastructurels en faveur de la durabilité et de la résilience sont d’autres aspects importants de ce pilier.

La mise en œuvre des actions clés de chacun des quatre piliers nécessite une plateforme multipartite inclusive, axée sur l’action collective, visant à faciliter la transition vers des systèmes et des chaînes alimentaires durables et résilients. Cette plateforme permettrait à tous les acteurs de la chaîne de valeur d’échanger des informations, de promouvoir des solutions innovantes, de planifier des stratégies communes visant à définir les priorités, de mener des actions de plaidoyer, d’influencer les parties prenantes, d’assurer le suivi et l’évaluation, et de veiller à la mise en œuvre de politiques et au respect du principe de responsabilité mutuelle.

La mise en place et la coordination efficace d’une plateforme multipartite, qui aborde les problèmes systémiques et dont les composantes se renforcent mutuellement, reposent sur une approche logique consistant à : 1) cartographier les acteurs de la chaîne de valeur et déterminer leurs relations ; 2) répertorier les goulets d’étranglement et identifier les conditions et les possibilités en matière de changement ; et 3) élaborer un plan d’action collectif et mettre au point des interventions par groupe d’acteurs (voir la figure 1).

Mise en œuvre exhaustive des quatre piliers du cadre d’action par le biais d’une plateforme multipartite (compilée par les auteurs)

FIGURE 1

Quatre piliers

Plateforme multipartite1 Cartographier les acteurs de la chaîne de valeur et déterminer leurs relations

2Répertorier les goulets d’étranglement et identifier les conditions et les possibilités en matière de changement

3Élaborer un plan d’action collectif et mettre au point des interventionspar groupe d’acteurs

Information Ressources Politiques Soutien à la mise en œuvre

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

Page 17: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

1

Des enjeux mondiaux et régionaux

LA POPULATION MONDIALE DEVRAIT connaître une forte hausse et passer de 7  milliards de personnes aujourd’hui à 9  milliards en 2050.

Trois  milliards de personnes supplémentaires devraient rejoindre la classe moyenne. Les zones urbaines des pays en développement absorberont la majorité de cette croissance démographique  : près de 70 % de la population vivra en ville d’ici à 2050. Après l’Asie, l’Afrique est le continent qui connaît l’urbanisation la plus rapide1.

Ces tendances s’accompagneront d’une forte hausse de la demande en énergie, en moyens de transport, en bâtiments, en eau et, bien sûr, en produits alimentaires. Au rythme actuel auquel l’humanité exploite les services et les ressources écologiques de la Terre  (ce que l’on appelle communément l’empreinte écologique), nous consommons déjà 1,6  fois la quantité de ressources que la planète peut produire. Les pratiques actuelles ne sont donc pas viables2. Bien que relativement faible, l'empreinte écologique par personne sur le continent a augmenté de 240 % entre 1961 et 2008 en raison de la croissance démographique et de la hausse de la consommation dans quelques pays. Par conséquent, sur le continent, l’empreinte écologique moyenne par habitant approche rapidement de la capacité biologique de la Terre disponible à l’intérieur de ses frontières, qui est égale à 1,5 hectare global par personne (BAfD et WWF, 2012). En outre, le chômage ne cesse d’augmenter en Afrique, en particulier chez les jeunes (en Afrique subsaharienne, le taux de chômage des jeunes était de 10,9 % en 2016 ; OIT, 2016). Enfin, le continent affiche un taux d’émigration de 1,5 % (tandis que la moyenne mondiale n’est que de 1 %), soit l’un des taux les plus élevés du monde. Cette tendance devrait encore s’accentuer3.

Par ailleurs, la fragmentation du marché et le manque d’intégration commerciale en Afrique subsaharienne, ainsi que la place de la région dans le système de commerce mondial, ne sont pas propices au développement durable. Une logistique commerciale coûteuse, y compris les obstacles non tarifaires, de mauvaises infrastructures  (routes, transport ferroviaire, ports, communications, énergie et eau), des incohérences ou des insuffisances politiques et réglementaires ainsi que les conditions géographiques sont les principales causes de ces problèmes commerciaux. Un autre défi auquel font face de

1 Voir : https://www.brookings.edu/blog/africa-in-focus/2015/12/30/foresight-africa-2016-urbanization-in-the-african-context/. 2 En d’autres termes, l’humanité a besoin de l’équivalent de 1,6 Terre pour produire l’ensemble des ressources qu’elle utilise et absorber l’ensemble des déchets

qu’elle génère. Voir : http://www.footprintnetwork.org/our-work/ecological-footprint/. 3 Voir : http://www.ilo.org/addisababa/media-centre/pr/WCMS_444474/lang--en/index.htm. 4 La demande alimentaire devrait augmenter de 70 % d’ici la moitié du siècle.5 Dans cette étude, les externalités et les conséquences environnementales sont associées. Les « conséquences environnementales » désignent les

conséquences (directes) des pratiques non durables, telles que la baisse des rendements due à l’épuisement des éléments nutritifs, la baisse de la productivité et même la mortalité du bétail due au manque de possibilités de pâturage causé par le surpeuplement. Une « externalité » se rapporte aux conséquences d’une activité économique subies par des tiers non concernés. On parle d’« externalité environnementale » quand l’externalité a des effets sur l’environnement naturel, par exemple la pollution. Il peut également exister des externalités positives, mais elles ne sont pas examinées dans cette étude. Voir : www.investopedia.com.

nombreux pays d’Afrique subsaharienne concerne l’importation massive de produits industrialisés à bas prix (p. ex., pétrole raffiné, véhicules) et de denrées alimentaires (p. ex., grandes quantités de riz importées d’Asie en Afrique de l’Ouest) provenant d’autres pays en développement. Ces produits concurrencent de plus en plus la production nationale, ce qui a des conséquences négatives sur la fabrication et la production agroalimentaire locale  (Chea, 2012  ; Torres et van Seters, 2016). L’Afrique de l’Ouest, par exemple, affiche une balance commerciale négative des produits alimentaires, qui a empiré rapidement au cours des dix dernières années. Les recettes d’exportation ont permis à la région de financer une part croissante des denrées alimentaires importées, y compris le riz, le blé, la viande et les légumes. Il en résulte une situation paradoxale  : cette région, qui possède pourtant un potentiel de production alimentaire exceptionnel, importe de plus en plus de denrées. Les facteurs évoqués précédemment peuvent expliquer cette tendance. En outre, plusieurs problèmes continuent d’entraver la production alimentaire locale, notamment l’accès restreint aux principaux intrants, le manque de sécurisation des droits fonciers, un accès limité aux ressources hydriques en raison de l’imprévisibilité du climat et du faible développement de l’irrigation, et des technologies de production limitées (Torres et van Seters, 2016).

Le défi mondial qui nous attend consiste à trouver un moyen durable de répondre à la demande alimentaire toujours plus importante d'une population en pleine croissance4. Cela est plus facile à dire qu’à faire, surtout en Afrique subsaharienne où il est extrêmement urgent de fournir à la population croissante une nourriture en quantité suffisante, de manière durable. Cette région est régulièrement en proie à un déficit alimentaire chronique, à des rendements agricoles extrêmement faibles et à une mauvaise qualité des sols, ce qui aggrave les problèmes de sous-alimentation et d’extrême pauvreté. En outre, les ménages dépendent directement de l’agriculture pluviale, qui constitue leur principale source de revenus.

Parallèlement, l’agriculture telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui nuit à l’environnement. En Afrique subsaharienne, un grand nombre des pratiques de production agricole et des modèles économiques génère des externalités et des conséquences environnementales négatives5. Ils mettent l’environnement à rude épreuve en consommant plus que sa capacité de régénération et d’absorption, ce qui nuit aux écosystèmes. Les répercussions sont multiples  : perte de biodiversité,

INTRODUCTION

Page 18: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

2

conversion des terres et déforestation, émissions de GES, érosion et dégradation des sols, épuisement des ressources en eau, pollution due aux produits chimiques, gaspillage alimentaire, etc. L’étape de production n’est toutefois pas la seule en cause  : les activités des autres acteurs de la chaîne de valeur, y compris les fournisseurs d’intrants, les négociants, les transformateurs des denrées alimentaires, les détaillants et les consommateurs, sont aussi à l’origine d’externalités et de conséquences environnementales négatives. Par exemple, les fabricants d’engrais chimiques provoquent des dommages environnementaux en participant à la dégradation des sols. Par conséquent, toutes les pratiques de la chaîne de valeur peuvent avoir des effets négatifs sur les activités agroalimentaires. De plus, le changement climatique et la variabilité du climat exacerberont encore davantage les risques auxquels le secteur agricole est exposé. En Afrique subsaharienne, l’agriculture est dominée par des petites exploitations qui ne disposent pas des ressources et des capacités suffisantes pour s’adapter, et est caractérisée par un manque de mécanisation et par un accès restreint aux marchés. Le changement climatique et la variabilité du climat, qui entraînent une hausse des températures ou favorisent les phénomènes météorologiques extrêmes comme les sécheresses ou les inondations, peuvent avoir un impact sur l’ensemble de la chaîne de valeur agroalimentaire, de la production à la consommation du produit final en passant par les étapes de transformation et de commercialisation.

Par ailleurs, en Afrique subsaharienne, le secteur informel domine la production alimentaire et toutes les autres activités de la chaîne de valeur, y compris les échanges commerciaux (transfrontaliers). Les difficultés qui en découlent sont multiples : les données recueillies peuvent ne pas inclure et représenter pleinement le secteur informel, ce qui complique l’élaboration et la mise en œuvre de politiques inclusives et efficaces. Les statistiques officielles omettent de nombreux aspects des véritables modes de production, de transformation, de consommation et d’échanges commerciaux, qui devraient pourtant être pris en considération. Globalement, les politiques et les programmes qui cherchent à soutenir le développement de chaînes de valeur alimentaires durables ne visent souvent pas le secteur informel, qui emploie généralement les personnes les plus pauvres et les plus vulnérables, principalement les femmes (Torres et van Seters, 2016).

L’Afrique possède la plus grande surface de terres arables non cultivées du monde  (202 millions d’hectares), soit près de la moitié de la surface mondiale totale. Pourtant, ce continent est bien moins productif que les autres régions en développement : les rendements ne s’élèvent qu’à 56  % de la moyenne mondiale (BAfD, 2016). En fait, la majeure partie de la croissance

6 Voir : https://sustainabledevelopment.un.org/?page=view&nr=164&type=230&menu=2059.7 Voir : http://www.aaainitiative.org/fr.

agricole de l’Afrique subsaharienne peut être attribuée à l’expansion des terres cultivées plutôt qu’à une hausse de la productivité agricole. Bien qu’il soit possible de cultiver davantage de terres, toute expansion entraîne inévitablement la dégradation des écosystèmes naturels. De plus, des études récentes montrent que la superficie de terres fertiles susceptibles d’accueillir de nouvelles cultures pourrait être bien inférieure aux estimations antérieures  (Chamberlin et  al., 2014). Par conséquent, des investissements accrus et durables sont nécessaires afin d’augmenter durablement la productivité agricole en Afrique subsaharienne. En d’autres termes, il faut une intensification durable de l’agriculture. Cette stratégie nécessiterait de réduire au maximum les obstacles qui entravent l’adoption des technologies appropriées, de mettre l’accent sur l’utilisation durable de l’eau grâce à l’irrigation et d’appliquer les bonnes pratiques agricoles, tout en favorisant l’adaptation au changement climatique et en atténuant les effets néfastes de l’agriculture sur l’environnement (AGRA, 2016). C’est le seul moyen d’améliorer les moyens de subsistance des populations rurales, mais cela suppose de repenser sérieusement le développement agricole : les principes durables doivent ouvrir la voie à l’amélioration de la productivité  –  autrement dit, le capital naturel et social doit se trouver au cœur des décisions d’investissement afin de garantir la durabilité et la résilience sur le long terme (Rockström et al., 2016).

Des programmes mondiaux et régionaux

La présente étude s’inscrit dans le contexte global du Programme mondial de développement durable à l’horizon 2030 et des objectifs de développement durable  (ODD) associés, et se rapporte en particulier à l’objectif 2  visant à «  éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir l’agriculture durable  »6. Elle va également dans le sens des objectifs de la Déclaration de Paris, qui résulte des négociations mondiales sur le changement climatique menées sous l’égide de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques  (CCNUCC). La Déclaration de Paris insiste particulièrement sur la vulnérabilité de l’Afrique. En outre, lors de la dernière conférence des parties à la CCNUCC organisée à Marrakech (Maroc) en novembre 2016, l’Initiative pour l’adaptation de l’agriculture africaine (AAA) a été lancée, mettant l’accent sur trois termes clés – « agriculture », « Afrique » et « adaptation »7.

La présente étude s’appuie également sur les programmes menés en Afrique à l’échelle continentale et régionale, et notamment sur la Déclaration de Malabo sur la croissance et la transformation accélérées de l’agriculture en Afrique pour une

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

Page 19: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

3

prospérité partagée et de meilleures conditions de vie de l’Union africaine (UA), qui vise à améliorer la résilience des moyens de subsistance et des systèmes de production et à lutter contre la dégradation des écosystèmes grâce à des mesures d’adaptation et d’atténuation destinées à réduire les émissions de GES8. La présente étude examine également les enseignements tirés et les nouvelles opportunités émergeant d’autres initiatives africaines soutenues par le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) de l’UA, telles que le Programme détaillé pour le développement de l’agriculture africaine  (PDDAA), le Partenariat TerrAfrica et l’initiative de la Grande muraille verte pour le Sahara et le Sahel (IGMVSS) de la Commission de l’Union africaine (AUC). Dans le même ordre d’idées, les initiatives qui encouragent spécifiquement les investissements du secteur privé dans l’agriculture, telles que le partenariat Grow Africa, ont aussi leur importance. Ce Partenariat a été créé conjointement par l’UA, le NEPAD et le Forum économique mondial en 2011 ; il s’agit d’une plateforme réunissant plus de 200  entreprises et gouvernements de 12  pays. Les investissements doivent tenir compte des préoccupations environnementales, sociales et liées à la gouvernance9. D’autre part, cette étude s’inscrit dans le cadre de l’Alliance globale pour la résilience (AGIR) au Sahel et en Afrique de l’Ouest, qui favorise plus de synergie, de cohérence et d’efficacité au service des initiatives de résilience, tout en essayant d’éliminer la faim. Elle est placée sous le leadership politique et technique de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest  (CEDEAO), de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et du Comité permanent inter-États de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (CILSS)10.

Enfin, la présente étude s’aligne sur les objectifs du Fonds pour l’environnement mondial  (FEM). En 2015, le FEM a lancé un programme intitulé «  Encourager la durabilité et la résilience en faveur de la sécurité alimentaire en Afrique subsaharienne – une approche intégrée (Programme IAP) », qui vise spécifiquement à préserver les services écosystémiques qui sous-tendent la sécurité alimentaire et nutritionnelle  (FEM-6). Le FEM applique une approche intégrée axée tout particulièrement sur le secteur privé, qui joue un rôle moteur dans la promotion de la durabilité et de la résilience dans les chaînes de valeur alimentaires. Ce programme a également pour but d’aider les petits exploitants à renforcer leurs pratiques de gestion des sols, à bénéficier d’un meilleur accès aux semences résistant à la sécheresse, à ajuster les périodes de plantation et les types d’espèces cultivées, et à améliorer la biodiversité agricole dans leur exploitation. En outre, la septième reconstitution des ressources de la Caisse du FEM  (FEM-7) est en cours11.

8 Voir : https://au.int/sites/default/files/documents/31247-doc-malabo_declaration_2014_11_26.pdf. 9 Voir : www.growafrica.com. 10 Voir : http://www.oecd.org/fr/sites/rpca/agir/. 11 La première réunion officielle du FEM-7 s’est tenue à Paris du 28 au 30 mars 2017. 12 Voir : www.thegef.org.

Le FEM-7 restera axé sur la protection des services écosystémiques et la gestion des externalités et conséquences négatives, et transformera ainsi les systèmes alimentaires. Cette approche exige d’aider les pays à lutter contre les risques biophysiques qui menacent les services écosystémiques dans les systèmes agroécologiques et dans l’ensemble des chaînes de valeur alimentaires, mais aussi de fournir l’appui politique, socio-économique et institutionnel requis pour empêcher une mauvaise utilisation des terres. Le FEM-7 vise également à aligner les financements environnementaux afin de répondre à la demande de renforcement de la durabilité des chaînes de valeur alimentaires. Ces financements encourageront la mise en place d’approches innovantes qui améliorent la productivité des cultures et de l’élevage sans mettre en danger les services écosystémiques, mais également le recours aux énergies renouvelables et aux technologies à rendement énergétique élevé dans les chaînes de valeur alimentaires (p. ex, entreposage après récolte pour diminuer les pertes)12.

Objectifs

Les objectifs de cette étude sont doubles :

1 Cette étude recense les bonnes pratiques devant être adoptées pour permettre la transition vers des chaînes de valeur alimentaires durables et résilientes en Afrique subsaharienne, en s’appuyant sur l’examen des externalités et des conséquences environnementales négatives des activités des chaînes de valeurs alimentaires existantes. Les chaînes de valeur sélectionnées pour cette étude sont celles du riz, de l’élevage (viande et produits laitiers), du manioc, du maïs, des légumes secs et de la mangue. Ces chaînes de valeur ont été choisies en raison de leur importance sociale, économique et environnementale en Afrique subsaharienne. Chacune d’entre elles est en outre exposée à des risques climatiques considérables.

2 Cette étude examine les mesures d’incitation et les mécanismes de mise en application que les différentes parties prenantes peuvent adopter pour renforcer la durabilité environnementale et la résilience des chaînes de valeur alimentaires en Afrique subsaharienne, en s’appuyant sur les enseignements tirés des échecs et des succès passés. Elle met particulièrement l’accent sur le secteur privé, et plus précisément sur les petits exploitants et les petites et moyennes entreprises (PME), mais des exemples de multinationales sont aussi présentés.

INTRODUCTION

Page 20: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

4

Cette étude pratique définit des domaines d’intervention concrets et axés sur l’action, articulés sous forme de quatre piliers. Elle met en avant des bonnes pratiques fondées sur des données factuelles et identifie les cadres pratiques, les points de départ spécifiques et les mesures d’incitation qui favorisent l’adoption de ces pratiques. Ce faisant, l’étude contribue au débat sur les moyens d’assurer la transition indispensable vers des systèmes alimentaires plus durables. Le concept de système alimentaire durable tient à la fois compte de la salubrité de l’environnement, de l’équité sociale et de la santé humaine, ainsi que de la vitalité économique des systèmes alimentaires13.

Approche, méthodologie et public cible

Cette étude repose sur une approche par chaîne de valeur, ou dite « de la ferme à l’assiette ». La réflexion et la pratique dans le domaine du développement s’appuient de plus en plus sur ce type d’approche, car elle prend en considération l’ensemble du système, ce qui permet d’identifier les problèmes fondamentaux et de trouver des solutions innovantes14. Ces derniers temps, la notion de « chaîne de valeur alimentaire durable » est de plus en plus populaire. Il s’agit de « l’ensemble des exploitations agricoles et des entreprises, et leurs activités successives et coordonnées d’ajout de valeur, qui produisent des matières premières d’origine agricole et les transforment en produits alimentaires, lesquels sont vendus à des consommateurs finaux et éliminés après utilisation, d’une façon qui soit rentable d’un bout à l’autre, qui ait de larges effets positifs pour la société et qui n’épuise pas de façon permanente les ressources naturelles  »  (FAO, 2014  : p.  6). Contrairement aux concepts traditionnels de chaîne de produits ou de chaîne d’approvisionnement, la chaîne de valeur alimentaire durable met en exergue le fait que la valeur ajoutée et la durabilité sont des mesures de la performance explicites et multidimensionnelles, évaluées au niveau global (FAO, 2014).

Cette étude repose donc sur cette définition de la chaîne de valeur alimentaire durable et suit une logique similaire, selon laquelle la durabilité de la chaîne de valeur revêt trois dimensions  : économique, sociale et environnementale, bien que l’accent soit surtout mis sur la dimension

13 Voir : http://staging.unep.org/10yfp/Programmes/ProgrammeConsultationandCurrentStatus/Sustainablefoodsystems/tabid/1036781/Default.aspx. 14 Le concept « de la ferme à l’assiette » fait référence au parcours d’un produit alimentaire tout au long de la chaîne, des acteurs situés en amont de la chaîne

(agriculteurs s’occupant de la culture et de la récolte/moisson du produit) au marché, en passant par plusieurs intermédiaires, y compris les organisations de producteurs, les transformateurs, les transporteurs, les grossistes et les détaillants, et jusqu’aux acteurs en aval de la chaîne, à savoir les consommateurs (FAO, 2014). On entend par chaîne de valeur une « série d’activités commerciales associées (fonctions), allant de la fourniture d’intrants spécifiques destinés à un produit donné à la consommation finale, en passant par la production primaire, la transformation et la commercialisation. Elle inclut l’ensemble des entreprises qui participent à ces activités : producteurs, transformateurs, négociants et distributeurs d’un produit spécifique. » Centre de service régional pour l’Afrique du PNUD, unité Secteur privé AFIM. 2015. Towards Sustainable and Resilient Food Value Chains. IAP Launch 2015 - Addis Ababa. Présentation PowerPoint.

15 Voir : http://img.teebweb.org/wp-content/uploads/2016/01/TEEBAgFood_Interim_Report_2015_web.pdf, p. x-xi. 16 Voir par exemple : http://dapa.ciat.cgiar.org/announcing-a-new-value-chains-for-nutrition-project-for-2016-2018/.

environnementale  (FAO, 2014). Pour chaque chaîne de valeur, la présente étude examinera les étapes de préproduction, de production et de postproduction, et tiendra ainsi compte de l’ensemble des acteurs participant à la réduction des externalités et conséquences négatives, y compris les organisations de la société civile  (ONG, organisations d’agriculteurs), les agriculteurs, les citoyens, le secteur agroalimentaire et les entités publiques15.

À terme, ce type d’approche systémique permet d’établir des liens entre les différents secteurs et domaines politiques, entre les niveaux d’intervention et entre les parties prenantes. Ainsi, cette approche permet d’examiner pour chaque chaîne de valeur les liens de plus en plus étroits entre la coopération au service du développement, les échanges commerciaux, la diplomatie économique et la durabilité environnementale, mais aussi entre les différents domaines politiques, notamment l’agriculture, le commerce, la nutrition et le changement climatique. Ensuite, elle permet d’établir des liens entre les niveaux d’intervention à l’échelle mondiale, régionale, nationale et locale. Enfin, elle rapproche les différentes parties prenantes, y compris le secteur public et le secteur privé, les petits exploitants et les multinationales.

Par ailleurs, le développement de chaînes de valeur alimentaires durables implique des considérations transversales, y compris la prise en compte des savoirs autochtones et des disparités entre les sexes dans les chaînes de valeur. De plus, l’évolution du régime alimentaire à l’échelle mondiale participe considérablement à la dégradation de l’environnement et à la pression exercée sur les ressources  : les régimes alimentaires traditionnels laissent place à des régimes plus riches en sucre, en matière grasse, en huile et en viande, qui non seulement entraînent des maladies chroniques non transmissibles, mais augmentent également les émissions et la déforestation. Par conséquent, le développement de chaînes de valeur qui ciblent à la fois la durabilité environnementale et la résilience et qui garantissent la sécurité nutritionnelle est indispensable à l’avenir16. Faire en sorte que les chaînes de valeur tiennent davantage compte de la nutrition peut contribuer à améliorer la qualité des produits alimentaires disponibles, acceptables et accessibles sur le plan financier. Ainsi, la valeur nutritionnelle de chaque denrée sera également abordée.

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

Page 21: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

5

Sur le plan méthodologique, la présente étude s’appuie sur quatre sources de données :

1 La recherche documentaire, y compris des études universitaires et d’autres travaux de recherche, ainsi que des études pratiques menées par des organismes des Nations Unies ou le secteur privé. La présente étude ne réalise pas d’analyses quantitatives formelles.

2 Des études de cas, qui mettent en avant de bonnes pratiques permettant de renforcer la durabilité environnementale et la résilience. Il s’agit principalement d’initiatives menées dans 12 pays d’Afrique subsaharienne situés en zone aride : cinq pays d’Afrique de l’Ouest  (Burkina Faso, Ghana, Niger, Nigéria et Sénégal), cinq pays d’Afrique de l’Est  (Burundi, Éthiopie, Kenya, Ouganda et Tanzanie) et deux pays d’Afrique australe  (Malawi, Swaziland). Les zones arides incluent des terres arides et semi-arides et des zones subhumides sèches  (voir Annexes, figure  A1). En Afrique, ces terres représentent 43  % des terres habitées et 268 millions de personnes y vivent (40 % de la population du continent) (IIED et SOS Sahel, 2010). C’est dans ces régions arides que la dégradation de l’environnement menace le plus les petites exploitations agricoles. Les agriculteurs doivent donc adopter de toute urgence de bonnes pratiques favorisant la durabilité et la résilience, telles que des mesures de conservation des eaux et des sols, la diversification des terres agricoles, l’agroforesterie et la gestion intégrée des cultures et du bétail. Néanmoins, beaucoup de petits exploitants sont toujours privés de droits de propriété et souffrent de l’insécurité foncière. Ces problèmes ont des effets négatifs sur les choix d’investissement foncier, qui influencent à leur tour la productivité agricole, les moyens de subsistance et les initiatives de conservation.

3 Des entretiens avec des spécialistes situés principalement dans les 12  pays d’Afrique subsaharienne mentionnés précédemment, apportant un éclairage sur les pratiques les plus récentes adoptées sur le terrain.

4 Un atelier de validation par des spécialistes, qui s’est tenu à Debre Zeyit  (Éthiopie), les 9  et 10 mai 2017  ; il visait à présenter, réviser, analyser et valider le projet d’étude afin de le finaliser sur la base des retours formulés. Cet atelier de deux jours a été organisé afin d’encourager au maximum le dialogue, le débat et l’échange entre tous les participants. Des expériences sur le terrain ont étayé les discussions, générant des interactions entre des acteurs très différents. Cet atelier sur invitation a réuni environ 25 spécialistes issus d’horizons variés, y compris des pouvoirs publics, de communautés économiques régionales, d’organisations d’agriculteurs, du secteur privé  (représentants de grandes entreprises, mais aussi de petites et moyennes entreprises),

de la société civile, d’organisations spécialisées, de partenaires de développement et d’instituts de recherche.

La présente étude s’adresse à un large panel d’acteurs  –  personnel technique des administrations, spécialistes, bailleurs de fonds nationaux, organismes des Nations Unies, acteurs du secteur privé, chercheurs, personnel d’organisations non gouvernementales  (ONG), universités ou groupes de réflexion gouvernementaux – qui veulent s’appuyer sur des arguments convaincants pour plaider en faveur de choix d’investissements, de gestion et de politiques intégrés et innovants, qui favorisent la mise en place de chaînes de valeur alimentaires durables et résilientes. 

Structure

La présente étude s’articule autour de cinq chapitres :

Le chapitre  1 examine la pertinence socio-économique et les politiques liées aux six chaînes de valeur sélectionnées. Il présente également les politiques et cadres les plus importants à l’échelle continentale, régionale et nationale visant à promouvoir des chaînes de valeur alimentaires durables et résilientes en Afrique subsaharienne, et analyse ce qui a fonctionné ou non.

Le chapitre  2 fournit une vue d’ensemble des approches et outils les plus récents visant à mesurer les externalités et conséquences environnementales des chaînes de valeur alimentaires, ainsi que des pratiques permettant de surmonter ces conséquences et externalités.

Le chapitre  3 évoque les principales externalités et conséquences environnementales négatives des six chaînes de valeur sélectionnées et présente les bonnes pratiques permettant de les surmonter.

Le chapitre  4 recense les mesures d’incitation et les mécanismes de mise en application majeurs encourageant les principaux acteurs des chaînes de valeur à adopter des pratiques durables et résilientes.

Le chapitre  5 présente un «  cadre d’action articulé autour de quatre piliers  » s’appuyant sur les enseignements tirés des chapitres précédents. Ces quatre piliers sont composés d’actions clés pour chaque catégorie d’acteurs de la chaîne de valeur, mises en œuvre au moyen d’une plateforme multipartite. Enfin, ce chapitre  propose trois recommandations supplémentaires pour favoriser la mise en place de systèmes alimentaires durables.

INTRODUCTION

Page 22: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

Cadres et politiques visant à promouvoir des chaînes de valeur alimentaires durables et résilientes en Afrique subsaharienne

CHAPITRE 1

Page 23: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

7

CADRES ET POLITIQUES VISANT à PROMOUVOIR DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES DURABLES ET RÉSILIENTES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE

CE CHAPITRE CONTIENT TROIS PARTIES. La première analyse la pertinence socio-économique des six chaînes de valeur sélectionnées : élevage (viande et

produits laitiers), riz, manioc, maïs, légumes secs et mangue (qui ne sont pas présentées par ordre de priorité). Plus concrètement, une attention particulière est accordée à la production, à l’utilisation des terres, aux modes de consommation et aux obstacles freinant le développement. Cette partie examine également les politiques en vigueur ainsi que les choix stratégiques réalisés à l’échelle continentale, régionale et nationale  (p.  ex., priorité accordée à la chaîne de valeur dans les politiques agricoles) concernant les six chaînes de valeur étudiées. Pour conclure, elle énumère les difficultés majeures qui se présentent tout au long des six chaînes de valeur. La deuxième partie de ce chapitre fournit une vue d’ensemble des politiques et cadres continentaux et régionaux qui favorisent une agriculture durable et résiliente en Afrique. Le degré de mise en œuvre réelle et l’impact de ces cadres et politiques sont également évalués dans cette partie. Enfin, la dernière partie présente les principales solutions permettant de remédier aux échecs des politiques.

La présente étude se penche sur six chaînes de valeur : élevage (viande et produits laitiers), riz, manioc, maïs, légumes secs et mangue. Ces chaînes de valeur ont été choisies en raison de leur pertinence socio-économique en Afrique subsaharienne ainsi que de l’attention politique croissante dont elles font l’objet depuis plusieurs années.

Ces six chaînes de valeur font face à divers obstacles à chacune de leurs étapes, de la fourniture des intrants à la consommation finale. Ces obstacles incluent, à des niveaux d’intensité variables : une faible production et une faible qualité des produits, des maladies et nuisibles, un manque de considération des aspects écologiques, des effets négatifs sur l’environnement et liés au changement climatique, la variabilité du climat, des liens insuffisants avec les marchés et un manque d’intégration du secteur informel dans les échanges commerciaux formels transfrontaliers.

Plusieurs politiques visant à surmonter ces obstacles et à promouvoir la sécurité alimentaire, la croissance agricole, le développement durable et la protection de l’environnement ont vu le jour en Afrique subsaharienne à différents niveaux stratégiques. Toutefois, la mise en œuvre et la mise en application de ces politiques sont insuffisantes. La « durabilité » et la « résilience » sont plutôt vues comme des aspects complémentaires au lieu de se trouver au cœur des stratégies de développement de la chaîne de valeur agroalimentaire.

Plusieurs facteurs expliquent l’absence de progrès vers la mise en place de chaînes de valeur alimentaires durables et résilientes : un manque de connaissances, de données, de compétences, d’accès aux intrants, d’organisation et de financement, ainsi que l’instabilité du cadre politique et une certaine contradiction dans l’élaboration des politiques.

Pour renforcer l’efficacité des politiques, il est important de commencer par élaborer des politiques appropriées, tout en mettant l’accent sur leur suivi et en favorisant l’adaptation constante et la reformulation des politiques. La marche à suivre consiste à garantir à la fois cohérence, constance et synergie entre les politiques.

MESSAGES CLÉS

Importance socio-économique des six chaînes de valeur alimentaires sélectionnées

Importance socio-économique de la chaîne de valeur de l’élevage

En Afrique, le secteur de l’élevage contribue à hauteur de 30 à 50  % au PIB agricole, et cette part devrait encore augmenter à l’avenir  (UA, 2015). De plus, selon l’Institut de Stockholm pour l’environnement  (2015), la consommation mondiale de produits d’origine animale devrait doubler d’ici à 2050 en raison de la croissance démographique continue, de la hausse de la prospérité et de l’urbanisation. La majorité de cette augmentation concernera les pays en développement, dont l’Afrique subsaharienne. Ces pays sont également ceux qui présentent le

Page 24: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

8

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

potentiel d’amélioration de la productivité et de la production le plus élevé. On estime que les pays en développement assureront les trois quarts de la production mondiale de viande et les deux tiers de la production mondiale de lait d’ici 2050. Par conséquent, une grande partie de la hausse de la demande de cultures sur cette période concernera l’alimentation du bétail  (SEI, 2015). D’un point de vue nutritionnel, l’élevage est une source majeure de protéines (Safriel et Adeel, 2005).

Cette évolution rapide du secteur due à la hausse de la demande nécessite une intensification de la production animale. Cela permettrait aux petits exploitants disposant de ressources limitées, en particulier en Afrique subsaharienne, d’améliorer leurs moyens de subsistance et leurs revenus. Depuis des années, la plupart des pays d’Afrique subsaharienne connaissent une forte expansion des pâturages du bétail vers des parcours naturels. L’élevage est aujourd’hui une activité économique majeure sur ces parcours, en particulier dans les régions arides où vit 40  % de la population d’Afrique  (IIED et SOS Sahel, 2010). Sur les terres arides d’Afrique subsaharienne, les activités économiques sont généralement limitées en raison des conditions agroclimatiques. Pour faire face aux risques climatiques et environnementaux, les populations vivant sur ces terres arides ont développé des capacités de résilience fondées sur des savoirs évolutifs. Elles s’appuient sur de nombreuses variétés et espèces sauvages, et leurs cultures et bétails sont le fruit d’une longue sélection visant à les adapter aux conditions locales  (ONU, 2011). Dans les régions arides, l’élevage du bétail se fait principalement selon des systèmes pastoraux ou agropastoraux. Les systèmes pastoraux, qui reposent sur la mobilité des troupeaux, optimisent l’utilisation des ressources, car les précipitations sont très variables. Dans les régions arides, la mobilité des troupeaux est également indispensable au commerce  : les marchés où les éleveurs peuvent obtenir les meilleurs prix pour leurs animaux se trouvent souvent loin des meilleures zones de production (ONU, 2011).

Cependant, la pression croissante exercée sur les parcours et les terres arides, en particulier, aggravée par le changement climatique et la variabilité du climat, augmente les conflits relatifs aux ressources naturelles  (notamment la terre et l’eau) et à l’utilisation des terres. En outre, le remplacement des terres pastorales par des terres cultivables a exacerbé les pressions et les conflits liés à l’utilisation des parcours et appauvri la biodiversité de ces derniers. Ces contraintes seront accentuées par

17 La Commission de l’Union africaine a été chargée, par décision de la vingt-quatrième session ordinaire du Conseil exécutif (Addis-Abeba, janvier 2014), de diriger et de coordonner l’élaboration d’une Stratégie de développement de l’élevage pour l’Afrique (LiDeSA). Cette décision s’inscrit dans le cadre des recommandations de la Neuvième Conférence ministérielle de l’Union africaine sur les ressources animales, qui s’est tenue à Abidjan, en Côte d’Ivoire, au mois d’avril 2013 (UA, 2015).

18 Contexte : le PDDAA définit des options stratégiques et des activités régionales pour le développement du pastoralisme. Le cadre stratégique de l’Union Africaine pour le pastoralisme en Afrique (2011) a été la première initiative politique continentale visant à assurer, protéger et améliorer la vie, la subsistance et les droits des pasteurs africains. L’Alliance globale pour la résilience au Sahel et en Afrique de l’Ouest (AGIR) place le pastoralisme parmi ses grandes priorités, de même que les stratégies nationales régionales et internationales visant la stabilisation et le développement à long terme des espaces sahélo-sahariens. La Déclaration de N’Djamena adoptée en mai 2013 constitue une référence majeure, qui fait la synthèse des cadres existants et définit les axes prioritaires d’une politique régionale d’appui au pastoralisme associant étroitement les enjeux de développement et de sécurité. (Déclaration de Nouakchott, accessible en ligne : http://www.rr-africa.oie.int/docspdf/fr/2013/NOUAKCHOTT.pdf )

l’accroissement démographique, l’augmentation de la prospérité et l’évolution des régimes alimentaires, qui entraîne une hausse de la demande en viande et en lait (Alkemade et al., 2013).

Ces dernières années, les responsables politiques africains ont reconnu qu’il était nécessaire d’améliorer la production animale afin de répondre à la demande accrue d’un groupe croissant de consommateurs africains vivant en ville. On estime que le secteur de l’élevage en Afrique subsaharienne est à même d’assurer à la fois la croissance portée par l’agriculture et la transformation socio-économique voulues par la Déclaration de Malabo de l’UA, adoptée en juin 2014 (UA, 2015). Ainsi, la Commission de l’Union africaine, reconnaissant les enjeux et les opportunités du secteur, a mis au point une Stratégie de développement de l’élevage pour l’Afrique (LiDeSA) avec le soutien de la Fondation Bill et Melinda Gates17.

La LiDeSA vise à transformer le secteur de l’élevage en tirant parti de son potentiel sous-exploité (voir Annexes, encadré A1 pour une présentation détaillée des stratégies de la LiDeSA). Les mesures de cette stratégie, qui se déroulera sur une période de 20 ans (2015-2035), visent à « [soutenir] la résilience [et à lutter] contre la dégradation de l’environnement  ». Les résultats escomptés incluent «  l’amélioration des services écosystémiques  » grâce à la «  diversification des activités de l’élevage  »  (Stratégie 6.2.6.2)  et au développement d’un « environnement favorable et [à la promotion de] l’innovation, [de] mesures incitatives et [de] partenariats pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, la dégradation et d’autres impacts négatifs  »  (Stratégie  6.2.7.1)  (UA, 2015). Par ailleurs, la LiDeSA s’aligne sur d’autres stratégies, lignes directrices et cadres politiques régionaux visant à soutenir le secteur de l’élevage. Elle est également conforme au PDDAA à l’échelle du continent, des communautés économiques régionales et des États membres.

Dans la CEDEAO, par exemple, le développement du secteur de l’élevage est un axe prioritaire des deux politiques agricoles régionales, à savoir la Politique agricole de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest  (ECOWAP) et la Politique industrielle commune de l’Afrique de l’Ouest (PICAO). Étant donné que le pastoralisme constitue le principal système d’élevage de la région, des déclarations et des programmes spécifiques ont été adoptés pour appuyer la transhumance. La Déclaration de Nouakchott sur le pastoralisme18, intitulée

Page 25: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

9

CADRES ET POLITIQUES VISANT à PROMOUVOIR DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES DURABLES ET RÉSILIENTES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE

«  Mobilisons ensemble un effort ambitieux pour un pastoralisme sans frontières », a été adoptée en octobre 2013 en vue de soutenir les sociétés pastorales sahélo-sahariennes. Actuellement, de vastes programmes comme l’AGIR et le Projet régional d’appui au pastoralisme au Sahel (PRAPS) sont mis en œuvre dans la région pour soutenir le pastoralisme  ; d’autres initiatives sont en cours d’élaboration afin de les compléter, comme le Programme régional d’investissement en faveur de l’élevage et du pastoralisme dans les pays côtiers  (PRIDEC) et le Programme régional de dialogue et d’investissement pour le pastoralisme et la transhumance au Sahel et dans les pays côtiers d’Afrique de l’Ouest  (PREDIP). Les pays ont également mis en place leurs propres stratégies ou plans nationaux de développement de l’élevage19.

Importance socio-économique de la chaîne de valeur du riz

Dans la majorité des pays d’Afrique, une grande partie du régime alimentaire repose sur le riz : au cours des vingt dernières années, la consommation de riz par personne en Afrique saharienne a augmenté de plus de 50 %20. La demande s’accentue en raison de la croissance démographique, de la hausse des revenus et de l’évolution des préférences des consommateurs en faveur du riz, en particulier en milieu urbain.

En Afrique subsaharienne, le riz est cultivé dans différentes zones agroécologiques allant des forêts humides au Sahel. Les trois systèmes rizicoles majeurs sont la riziculture pluviale de coteau sur des plateaux et des terrains en pente (44 % de la superficie), la riziculture pluviale en zones de basse altitude dans des fonds de vallée et des plaines d’inondation  (31  %) et les systèmes irrigués avec une maîtrise de l’eau relativement correcte dans les deltas et les plaines d’inondation (12 %). Ces trois systèmes existent dans les différentes zones agroécologiques  (Defoer et al., s.d.). Néanmoins, ils génèrent tous de faibles rendements, notamment en raison de l’utilisation minime d’intrants, de l’ancienneté des variétés cultivées, de la mauvaise qualité des semences et de l’appui stratégique insuffisant, entre autres, qui caractérisent ces systèmes (voir Annexes, figure A2 : Zones rizicoles)21.

19 Voir par exemple : ministère de l’Agriculture, de l’Élevage et de la Pêche, République du Kenya, 2013. 20 Voir : http://irri.org/rice-today/trends-in-global-rice-consumption. D’après ReliefWeb (2006), la consommation de riz a augmenté de 4,4 % par an entre 1961 et

2003 (http://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/D3F791683E9E280C852571FB0057A7F7-cgiar-rice-sept2006.pdf ).t21 Cette section ne se penche pas seulement sur les terres arides, car il est plus logique de cultiver le riz en dehors de ces zones. 22 Dans 12 pays d’Afrique pilotes, des SNDR ont été élaborées avec l’appui de la Coalition pour le développement de la riziculture en Afrique (CARD) (budget de 143,7

millions de dollars), lancée par l’Agence japonaise de coopération internationale (AJCI) en partenariat avec l’Alliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA) en mai 2008. La CARD est une nouvelle initiative globale visant à appuyer l’action des pays africains ; l’objectif est de doubler la production de riz en Afrique en une dizaine d’années. La CARD est également un groupe consultatif composé de donateurs, d’instituts de recherche et d’autres organisations pertinentes, visant à collaborer avec les pays africains producteurs de riz.

23 Les six pays où le manioc est le plus cultivé à l’heure actuelle sont le Congo, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Nigéria, l’Ouganda et la Tanzanie. La superficie des champs de manioc a pratiquement triplé au Ghana et au Nigéria entre 1961 et 1999. Voir http://www.fao.org/docrep/009/a0154e/A0154E02.htm.

À l’exception de quelques pays qui ont atteint l’autosuffisance en matière de production de riz ou qui en sont proches, comme le Mali, l’Ouganda et la Tanzanie, les besoins dépassent la production  ; de grandes quantités de riz sont donc importées pour satisfaire la demande. Bien qu'il soit le plus gros producteur de riz d’Afrique de l’Ouest, le Nigéria est aussi le plus gros importateur de la région (Haggblade et  al., 2012). L’Afrique, et en particulier l’Afrique de l’Ouest, est en mesure d’accroître la production de riz afin de répondre aux besoins, mais de nombreux obstacles se posent, notamment une pénurie d’eau accrue et l’explosion de la demande en riz, satisfaite au moyen de produits à bas prix importés d’Asie (voir Annexes, figure A3 : La production rizicole en Afrique subsaharienne).

L’importance croissante du riz est manifeste dans les politiques de planification stratégique de la sécurité alimentaire mises en place dans de nombreux pays. L’Afrique de l’Ouest produit 64 % du riz cultivé en Afrique subsaharienne. Le secteur rizicole est donc un axe prioritaire des politiques agricoles régionales d’Afrique de l’Ouest, y compris de l’ECOWAP. L’offensive régionale pour le développement de la riziculture, dirigée par la CEDEAO, vise à doubler la production de riz entre 2010 et 2020. Elle s’articule autour de stratégies nationales de développement de la riziculture (SNDR)22.

Importance socio-économique de la chaîne de valeur du manioc

Depuis le début des années 1960, la production de manioc en Afrique a plus que triplé, faisant du continent l’un des plus gros producteurs du monde  (Oakland Institute et AFSA, 2014)23. C’est un constat positif, car le manioc possède plusieurs caractéristiques majeures susceptibles de contribuer à surmonter les nombreux obstacles à la sécurité alimentaire en Afrique subsaharienne  : tout d’abord, le manioc constitue une culture de réserve, puisque la plante peut rester dans le sol et être récoltée en fonction des besoins  (jusqu’à 24 mois après la plantation)  (Barratt et  al., 2006). Le manioc pousse également bien dans les sols pauvres et sa culture nécessite une main-d’œuvre limitée. Ensuite, il est cultivé dans le cadre d’une agriculture de subsistance, en général par de petits

Page 26: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

10

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

exploitants qui vendent les surplus récoltés (Soule et al., 2013). Parallèlement, néanmoins, on constate une augmentation de l’utilisation du manioc à des fins industrielles  (p.  ex. amidon, papier, textile, industrie pharmaceutique, éthanol)  (Abass et  al., 2013  ; FAO, 2015)  et comme fourrage  (FAO, 2015). Troisièmement, le manioc est relativement bon marché par rapport à d’autres cultures  : certaines formes transformées du manioc, comme le gari, sont moins chères et plus rapides à préparer que le riz, par exemple. Enfin, le manioc est très nutritif : riche en glucides, il occupe une place essentielle dans le régime alimentaire en Afrique subsaharienne. Il apporte presque deux fois plus de calories que la pomme de terre et est peut-être l’un des aliments possédant la plus grande teneur en calories parmi l’ensemble des racines et tubercules riches en amidon cultivés en zone tropicale. Ses feuilles sont en outre riches en protéines et peuvent être consommées comme légume  (Barratt et  al., 2006). Généralement, la transformation du manioc a lieu à deux niveaux  : à l’échelle micro-industrielle pour la production de denrées telles que le gari ou la farine, et à l’échelle industrielle pour l’extraction d’amidon, l’alimentation animale, etc.  (voir Annexes, figure A4 pour une présentation de la structure de la chaîne de valeur du manioc au Nigéria) (FAO, 2015).

En Afrique subsaharienne, le manioc est généralement commercialisé de manière informelle à l’intérieur des pays et

24 L’Association pour le renforcement de la recherche agricole en Afrique orientale et centrale (ASARECA) a récemment mis au point un système de normes s’appliquant à un certain nombre de formes transformées du manioc dans la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) ; voir http://www.eac-quality.net/.

25 Voir http://projects.nri.org/gcpmd/files/3_Anga_paper.pdf. En outre, les investissements dans le secteur du manioc en Afrique devraient augmenter, une tendance confirmée par la 2e Conférence mondiale sur le manioc en Afrique (Cassava World Africa Conference) qui s’est tenue les 1er et 2 mars 2016 à Accra (Ghana). Voir http://www.fanrpan.org/documents/d01903/.

dans de nombreuses zones frontalières. Ce caractère informel et le fait que les petits exploitants d’Afrique subsaharienne soient si dispersés engendrent des problèmes de sensibilisation et font qu'il est souvent impossible d’appliquer les normes environnementales dans ce secteur24. Toutefois, depuis quelques années, le manioc fait l’objet d’un important regain d’intérêt de la part des responsables politiques d’Afrique subsaharienne, qui souhaitent « formaliser » le secteur. Ce nouveau virage est incarné par la Stratégie mondiale de développement du manioc et le Plan d’application associé, lancés par la FAO et le Fonds international de développement agricole (FIDA) en 2000 en collaboration avec l’Institut international d’agriculture tropicale  (IITA) et d’autres instituts de recherche. Cette initiative a permis d’améliorer les moyens de subsistance des populations pauvres et rurales grâce à des interventions menées dans la chaîne de valeur du manioc (Abass et al., 2013). En 2005, l’Initiative panafricaine sur le manioc du NEPAD a été lancée afin de promouvoir le manioc comme levier de lutte contre la pauvreté en Afrique d’ici à 2015, en augmentant les investissements privés dans cette filière25.

Les communautés économiques régionales ont également mis au point des stratégies de développement du secteur du manioc. Par exemple, le Programme du pôle manioc, lancé par le Marché commun de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique australe  (COMESA)  (2011-2015), a appuyé la formation de

©M

ariola Acosta

Page 27: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

11

CADRES ET POLITIQUES VISANT à PROMOUVOIR DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES DURABLES ET RÉSILIENTES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE

pôles du manioc à l’échelle régionale et nationale en vue de stimuler la création d’emplois et les échanges intrarégionaux. Ce programme a entraîné une hausse de la production dans les pays où il a été mis en œuvre, notamment au Burundi et au Kenya, et a contribué à la promotion du manioc dans les plans nationaux d’investissement agricole  (PNIA)26. Pourtant, pendant des dizaines d’années, les gouvernements des pays d’Afrique de l’Est et d’Afrique australe ont largement subventionné la production de maïs au détriment du manioc, comme expliqué dans la section suivante. Finalement, pour faire face aux sécheresses qui ont sévi dans les années 1980, les gouvernements du Malawi et de Zambie ont commencé à abandonner la culture exclusive de maïs pour produire également du manioc, avec l’aide de l’IITA  (Abass et  al., 2013)27. Contrairement aux pays d’Afrique australe et d’Afrique de l’Est, le manioc est plus fréquemment cultivé et consommé en Afrique de l’Ouest et centrale ; le Nigéria est le plus gros producteur (GIZ, 2013).

Importance socio-économique de la chaîne de valeur du maïs

Le maïs est un aliment de base dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne. Il représente 30  % de la superficie céréalière totale de la région : 19 % en Afrique de l’Ouest, 61 % en Afrique centrale, 29 % en Afrique de l’Est et 65 % en Afrique australe (voir Annexes, figure  A5 pour une carte des zones de culture du maïs en Afrique subsaharienne). Le maïs est particulièrement important en Afrique australe, où il représente plus de 30 % des calories et protéines totales consommées (FAO, 2010).

Pendant des dizaines d’années, le sous-secteur du maïs en Afrique subsaharienne a bénéficié d’une attention soutenue de la part des pouvoirs publics. Bien que le maïs soit inclus dans pratiquement tous les plans d’investissement agricole des États membres du COMESA, notamment du Kenya28, du Malawi29 et de l’Ouganda30, les rendements en Afrique subsaharienne restent les plus faibles du monde, s’élevant à environ deux tonnes par hectare, contre presque dix tonnes en Amérique du Nord31. Ces difficultés sont souvent dues à des problèmes de production (p. ex., maladies et nuisibles) et aux contraintes des marchés (p. ex., prix bas). Dans certains pays, comme le Malawi et la Zambie, une trop forte dépendance au maïs, engendrée par l’appui marqué des pouvoirs publics, a entraîné des pénuries ; c’est pourquoi les taux de malnutrition sont extrêmement élevés dans ces pays. Heureusement, les subventions élevées octroyées pour la culture du maïs ont peu à peu été abandonnées ces

26 Entretiens avec diverses parties prenantes au Malawi, en RDC et en Zambie, février 2016. 27 Voir également ftp.fao.org/docrep/fao/008/ae748e/ae748e00.pdf.28 Voir : http://www.nepad.org/sites/default/files/kenya-investment-plan-aug-14-2010.pdf.29 Voir : http://www.nepad.org/sites/default/files/Investment-plan-Malawi.pdf30 Voir : http://budget.go.ug/budget/sites/default/files/National%20Budget%20docs/PUBLIC%20INVESTMENT%20PLAN%20FY%202014-15%20-%20%202016-17.pdf31 Voir http://www.economist.com/news/middle-east-and-africa/21665005-small-farmers-africa-need-produce-more-happily-easier-it.

dernières années. Elles ont été remplacées par des politiques favorisant la diversification des cultures (p. ex., maïs-manioc ou soja-maïs), qui ont suscité un regain d’intérêt politique et social pour l’association du maïs et d’autres cultures, entraînant ainsi l’abandon progressif de la culture exclusive du maïs.

D’après une note d’information publiée par Oxfam concernant la culture du maïs en Afrique australe  (septembre 2016) et citant Paul Dorosh, Simon Dradri et Steven Haggblade, les dysfonctionnements du marché sont principalement dus à la méfiance mutuelle des pouvoirs publics et des négociants du secteur privé et au manque de coopération entre ces derniers : les responsables politiques craignent que l’État perde le contrôle des réserves de maïs et des prix – ces derniers constituant un sujet délicat sur le plan politique. Dans le même temps, les négociants ont du mal à anticiper les actions des pouvoirs publics (Oxfam, 2016). Par conséquent, il convient de renforcer le dialogue politique afin de créer un environnement plus favorable à la mise en place d’une chaîne de valeur du maïs durable et résiliente (FIDA, 2014).

Importance socio-économique de la chaîne de valeur des légumes secs

Les légumes secs sont des graines comestibles issues de plantes appartenant à la famille des légumineuses. Ces graines existent sous de nombreuses formes et tailles  ; elles ont pour point commun d’être contenues dans des gousses et de pouvoir être séchées et conservées pendant de longues périodes sans devoir être réfrigérées. Parmi les légumes secs les plus connus figurent les haricots, les pois et les pois chiches, les fèves, les niébés  (haricots à œil noir), les lentilles et les pois d’Angole. Le soja et l’arachide font également partie de la famille des légumineuses à graines, mais puisqu’ils sont principalement utilisés pour l’extraction d’huile, la FAO les considère comme des graines oléagineuses et non comme des légumes secs  (Nedumaran et  al., 2015  ; voir Annexes, encadré  A2 pour une présentation détaillée des principaux légumes secs et légumineuses à graines).

Les légumes secs sont réputés pour leur valeur nutritionnelle : ils constituent une importante source de protéines et apportent d’autres micronutriments essentiels tels que les vitamines et le fer  (De Jager, 2013). Mais les légumes secs ont d’autres avantages : ils s’adaptent à toutes les conditions agroclimatiques existant en Afrique subsaharienne et peuvent être cultivés aussi

Page 28: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

12

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

bien dans des climats subtropicaux que tempérés (voir Annexes, figure  A6  : Comparaison des systèmes de production utilisés pour la culture des légumes secs et des céréales). De nombreux légumes secs résistent à la sécheresse  ; en outre, du fait de leur capacité à fixer l’azote atmosphérique dans le sol, ils sont généralement peu exigeants quant à la qualité du sol.

Parmi les régions en développement, l’Afrique subsaharienne a contribué à plus de 50  % de la hausse de la production de légumes secs au cours des 14 dernières années, grâce à un taux de croissance global de la production de 1,8  % par an. Cela signifie que l’accroissement de la production a été plus important en Afrique subsaharienne qu’en Amérique latine et dans les Caraïbes et qu’en Asie du Sud, qui sont les deux régions du monde qui produisent le plus de légumes secs. Le taux élevé de croissance de la production de niébés a largement contribué à l’obtention d’un tel résultat en Afrique subsaharienne (Akibode et Maredia, 2011). Dans cette partie du continent, le niébé est majoritairement produit dans les régions arides d’Afrique de l’Ouest et au Nigéria. Bien que ce légume sec soit principalement cultivé comme plante fourragère au Niger et au Mali, c’est un aliment de base au Nigéria et en Afrique de l’Est. Les haricots à œil noir sont souvent cultivés de manière intercalaire avec le millet ou d’autres plantes de plus grande taille. Selon l’UNCCD (2009) : « la production de haricots s’impose peu à peu comme une importante source de revenus, en particulier près des marchés urbains où la population utilise de plus en plus ces denrées comme source de protéines bon marché  ». Parmi les autres légumes secs couramment cultivés sur les terres arides d’Afrique subsaharienne figurent les pois d’Angole et les pois chiches32.

Compte tenu des caractéristiques exceptionnelles des légumes secs, l’attention des responsables politiques à leur égard n’a de cesse d’augmenter. La 68e Assemblée générale des Nations Unies a proclamé 2016 Année internationale des légumineuses, afin d’attirer l’attention sur les nombreux bénéfices des légumes secs33. Par ailleurs, le PDDAA insiste sur la nécessité d’intégrer à l’alimentation des produits riches en micronutriments, tels que les légumes secs  (NEPAD, 2009). Le COMESA a établi un certain nombre de normes concernant des produits agricoles, y compris les haricots, en vue de faciliter les échanges intrarégionaux  (normes du COMESA), tandis que la CEDEAO souligne l’importance des légumineuses pour leur résilience au changement climatique34. Néanmoins, les légumes secs ne figurent pas parmi les chaînes de valeur prioritaires de l’ECOWAP, la stratégie régionale de la CEDEAO.

32 Voir http://grainlegumes.cgiar.org/the-pulse-of-the-drylands/. 33 Voir http://www.fao.org/pulses-2016/fr/. 34 Voir http://climatechange.ecowas-agriculture.org/node/49. 35 Les variétés améliorées commencent à produire des fruits au cours de la 3e année de plantation et à générer des rendements commerciaux au bout de cinq ans. Au

bout de neuf ans, un manguier peut produire entre 250 et 600 kg de fruits en fonction de la variété et de la saison (CIRAF, 2007 : p. 52-53). 36 Au-dessus de 1 200 mètres, les manguiers sont plus vulnérables aux maladies.

Malgré un intérêt croissant sur le plan politique, les investissements dans les légumes secs restent faibles par rapport aux céréales de base telles que le blé, le riz et le maïs  (Cook, 2016). Seul l’Ouganda a désigné les haricots comme chaîne de valeur agricole stratégique dans son PNIA. Toutefois, certains pays, comme l’Éthiopie et le Kenya, accordent une attention croissante au secteur des légumes secs. Par exemple, en Éthiopie, l’Agence de transformation agricole (Agricultural Transformation Agency) aide les producteurs de légumineuses à augmenter leur production et à accéder au marché. L’Éthiopie est en train de s’imposer rapidement comme un producteur et un exportateur majeur de légumes secs, principalement de pois chiches et de fèves (Kissinger, 2016). Les chaînes de valeur des légumes secs se composent à la fois de grandes fermes commerciales reliées aux marchés de produits internationaux et de petites exploitations de subsistance qui ne vendent que les surplus.

Importance socio-économique de la chaîne de valeur de la mangue

La mangue, produit de grande valeur sur les marchés internationaux et apprécié pour son aspect attrayant et son bon goût, a été introduite en Afrique de l’Est au XIVe siècle. Toutefois, avant 1980, les agriculteurs africains produisaient des variétés de qualité inférieure, qui possédaient donc un faible potentiel de commercialisation, et qu’il était par ailleurs difficile de cultiver de manière intercalaire. Depuis, les agriculteurs bénéficient de nouveaux résultats de recherche et produisent des variétés de meilleure qualité, plus faciles à commercialiser (CIRAF, 2007)35. Aujourd’hui, la mangue est en outre un aliment très nutritif, en particulier pour les enfants : c’est une bonne source de vitamines A et C et elle contient de petites quantités de calcium et de fer, entre autres (Rice et al., 1991, cité par CIRAF, 2007).

Les mangues poussent bien dans les basses-terres comme dans les zones de moyenne altitude, idéalement en dessous de 1 000 mètres. Une fois que le manguier est bien implanté, c’est un arbre qui résiste bien à la sécheresse, en particulier quand ses racines pivotantes atteignent la surface libre d’une nappe36. Les mangues poussent mieux à une température moyenne comprise entre 15 et 30 °C. Lorsque la température est inférieure à 15 °C, la croissance ralentit et la qualité des fruits diminue (CIRAF, 2007). Dans de nombreuses régions arides, les manguiers sont cultivés dans des zones où les précipitations sont rares, dans des oasis et, souvent, dans des systèmes irrigués. C’est toutefois dans les zones agroclimatiques tropicales humides ou subtropicales

Page 29: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

13

CADRES ET POLITIQUES VISANT à PROMOUVOIR DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES DURABLES ET RÉSILIENTES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE

semi-arides, avec une saison sèche durant au moins trois ou quatre mois, que les manguiers poussent le mieux. Les mangues ont une grande valeur sur les marchés internationaux et les racines profondes des manguiers leur permettent de supporter de faibles précipitations.

À l’échelle mondiale, le Nigéria se classe au neuvième rang des principaux pays producteurs de mangues  (voir Annexes, tableau A1 pour une présentation des premiers pays producteurs de mangues dans le monde). La production a également augmenté dans les autres pays d’Afrique subsaharienne  : au Kenya, la production de la mangue  (associée à celle du mangoustan et de la goyave) a augmenté d’environ 65 % entre 2007 et 2011 (de 384 461 tonnes/an à 636 585 tonnes/an). Par ailleurs, les mangues sont des produits de grande valeur sur les marchés internationaux. Parmi les principaux exportateurs de mangues en Afrique subsaharienne figurent l’Afrique du Sud, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Mali (CCI, 2014). D’importants volumes sont exportés dans les pays industrialisés, y compris sur le marché européen. Pourtant, il est assez difficile de commercialiser les mangues fraîches en raison de leur fragilité, en particulier lors du transport. Néanmoins, les formes transformées de la mangue, surtout la pulpe et la mangue séchée, sont très appréciées sur les marchés (FiBL, 2011).

Malgré la grande valeur commerciale de la mangue, la consommation de ce fruit sur le marché local d’Afrique subsaharienne reste plus importante que le volume exporté et le fort potentiel commercial existant à l’échelle régionale n’a pas encore été exploité. Par exemple, au Kenya, plus de 95  % de la production totale est consommée localement et 1  % seulement de la production est exportée au niveau régional  (Ouko, 1997, cité par CIRAF, 2007). Le programme «  Intensification du commerce intra-africain  » de l’Union africaine (UA) vise à promouvoir le commerce intrarégional en renforçant les institutions sectorielles ou axées sur les produits ainsi que la compétitivité des entreprises des chaînes de valeur agroalimentaires. Il inclut une composante d’aide au commerce, qui vise à consolider en priorité les liens avec la chaîne de valeur à l’intérieur des régions. Certaines communautés économiques régionales ont également commencé à s’intéresser de près à la mangue en raison de son potentiel d’exportation. Elle est par exemple considérée comme un produit prioritaire parmi les États membres du COMESA37.

37 Voir http://caadp.net/pdf/Investment%20plan%20-%20Malawi.pdf.

Difficultés communes aux six chaînes de valeur alimentaires sélectionnées

Les six chaînes de valeur font toutes face à divers obstacles à chacune de leurs étapes, de la fourniture des intrants à la consommation finale. Les principales difficultés rencontrées sont les suivantes :

• Absence de rendements élevés et faible tolérance/résistance des variétés/espèces aux nuisibles ;

• Mauvaise qualité des produits ;

• Intrants insuffisants ;

• Manque de considération des aspects écologiques ;

• Effets négatifs sur l’environnement et liés au changement climatique, et variabilité du climat ;

• Incapacité des petits producteurs à répondre aux exigences des acheteurs comme les détaillants, les intermédiaires ou les transformateurs (en raison d’une faible production et d’une mauvaise qualité des produits) ;

• Manque d’intégration des PME du secteur informel au sein des chaînes de valeur transfrontalières existantes ;

• Mauvaise gestion après récolte et liens insuffisants avec les marchés.

Cette liste n’est pas exhaustive et les niveaux de gravité et d’intensité varient d’une chaîne de valeur à une autre, en fonction du produit alimentaire concerné et d’autres facteurs tels que les conditions géographiques ou les infrastructures.

Page 30: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

14

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

Politiques et cadres africains promouvant des chaînes de valeur alimentaires durables et résilientes

Stratégies et politiques en faveur de la sécurité alimentaire et de la croissance agricole

La première grande initiative faisant de la sécurité alimentaire une priorité date de 2003, lorsque les chefs d’État et de gouvernement africains ont adopté le PDDAA, qui reconnaît le rôle joué par les petits exploitants dans la lutte contre la pauvreté. Les produits alimentaires considérés comme stratégiques incluent le riz, les légumineuses, le maïs, le bœuf, les produits laitiers, la volaille, les produits de la pêche, le manioc, le sorgho et le millet38. La présente étude porte sur cinq d’entre eux. En 2003, les chefs d’État et de gouvernement africains se sont également réunis à Maputo et ont adopté la Déclaration de Maputo, affirmant que « la mise en œuvre du PDDAA [était] une question d’urgence » (Conférence de l’Union africaine, citée par Poulton et al., 2014). Le PDDAA est mis en œuvre au moyen de plans d’investissement et de pactes de partenariat régionaux et nationaux. Dans ces pactes et plans, les États membres s’engagent à allouer au moins 10  % de leur budget national au secteur agricole afin d’atteindre une croissance agricole d’au moins 6 % par an. Le NEPAD, fondé en 2002, est chargé de coordonner la mise en œuvre du PDDAA.

En 2014, l’UA a adopté la Déclaration de Malabo sur la croissance et la transformation accélérées de l’agriculture en Afrique pour une prospérité partagée et de meilleures conditions de vie, visant à améliorer la résilience des moyens de subsistance et des systèmes de production d’ici 202539. Avec la Déclaration de Malabo, les chefs d’État et de gouvernement africains ont renouvelé les engagements qu’ils avaient pris dans le cadre du PDDAA. Pourtant, depuis 2003, seuls 13 pays sur 54 ont atteint ou dépassé la cible de 10  % de dépenses publiques sur une année ou plus  ; de manière générale, la production agricole a augmenté, mais elle est restée bien en dessous des 6  % de croissance annuelle ciblée40. La Déclaration de Malabo est

38 Voir : http://www.commit4africa.org/content/au-resolution-abuja-food-security-summit-2006.39 Voir : https://au.int/sites/default/files/documents/31006-doc-malabo_declaration_2014_11_26-.pdf. La Déclaration de Malabo est incontestablement le cadre

adéquat pour essayer d’atteindre les objectifs du PDDAA, mais elle envisage la transformation de l’agriculture de manière plus large : le PDDAA fait partie de la transformation de l’agriculture, mais la Déclaration de Malabo inclut, outre le PDDAA, la question du financement, des objectifs visant à éliminer la faim et la pauvreté, l’intensification du commerce intra-africain ainsi que la question de la résilience, de la responsabilité et des résultats (Poulton et al., 2014).

40 Voir : http://www.resakss.org/.41 Voir : http://agenda2063.au.int/.

alignée sur l’Agenda 2063 de l’UA, qui cherche à susciter une transformation socio-économique positive. L’Agenda 2063 est un cadre global visant à favoriser le développement de l’Afrique au cours des cinquante prochaines années. Il aspire à un continent fondé sur la croissance inclusive et le développement durable  (aspiration 1 sur 7). L’Agenda encourage également l’utilisation et la gestion durables des « ressources en eau pour le développement socio-économique »41.

Dans le cadre de résultats du PDDAA comme dans la Déclaration de Malabo, l’accent est mis sur l’augmentation de la production agricole et sur le développement inclusif  ; la durabilité et la résilience sont mentionnées, mais ne sont pas envisagées comme les points de départ de l’augmentation de la production. Toutefois, il importe que ces types de politiques et cadres continentaux encouragent la durabilité et la résilience des chaînes de valeur et de l’agriculture (UA, 2016). S’ils ne sont pas assortis d’un engagement en faveur de la durabilité, les objectifs de croissance agricole auront un effet négatif sur le développement à long terme des pays d’Afrique subsaharienne, car ils ne prendront pas en compte les écosystèmes et provoqueront toute sorte de dégradations environnementales, notamment sur le terrain. Si les engagements du cadre de résultats du PDDAA et de la Déclaration de Malabo garantissaient qu’un certain pourcentage de la production agricole se fasse de manière « durable », l’impact pourrait être plus positif.

Stratégies et politiques environnementales et climatiquement rationnelles

En Afrique subsaharienne, au niveau continental, régional et national, des mesures ont été prises pour éviter les effets néfastes de la dégradation à court terme de l’environnement, y compris la dégradation des terres et le changement climatique durable. À l’échelle du continent, l’UA a lancé le Plan d’action de l’initiative du NEPAD pour l’environnement. Celui-ci identifie 11 enjeux environnementaux essentiels à l’échelle régionale, qui sont également considérés comme des axes programmatiques prioritaires pour la coopération environnementale régionale  : 1)  la lutte contre la dégradation des terres, la sécheresse et la désertification  ; 2)  la conservation et l’utilisation durable des ressources marines, côtières et d’eau douce (y compris les zones humides) ; 3) la prévention, le contrôle et la gestion des espèces exotiques envahissantes  ; 4)  l’adaptation au changement climatique et l’atténuation de ses effets ; 5)  la conservation ou la gestion des ressources naturelles transfrontières ; 6) la gestion

Page 31: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

15

CADRES ET POLITIQUES VISANT à PROMOUVOIR DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES DURABLES ET RÉSILIENTES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE

de l’héritage culturel  ; 7)  la gestion durable des ressources non renouvelables  (souterraines)  ; 8) la gestion durable des villes  ; 9)  la gestion intégrée des déchets et la lutte contre la pollution ; 10) la production et la consommation de ressources énergétiques durables ; 11) la lutte contre les effets négatifs de la dynamique de la population (y compris le VIH/sida et les conflits armés) sur l’environnement42.

La plupart des autres acteurs régionaux, tels que la Banque africaine de développement  (BAfD), le PNUD, le PNUE et la Banque mondiale, ont fait des questions environnementales un axe prioritaire de leurs stratégies. Nous pouvons citer par exemple la stratégie environnementale régionale de la BAfD, la stratégie environnementale pour l’Afrique de la Banque mondiale et l’Initiative Pauvreté-Environnement du PNUD/PNUE (Ekbom, 2009).

D’autres interventions visent à appuyer le développement économique et la gestion des ressources naturelles de manière durable et résiliente dans les régions vulnérables, en construisant des infrastructures résistant aux phénomènes météorologiques extrêmes, par exemple. Généralement, les principaux domaines d’intervention concernent la lutte contre la dégradation des terres et la désertification ainsi que la préservation des écosystèmes. L’une des initiatives majeures est le Partenariat TerrAfrica, qui lève des fonds pour mettre à niveau la gestion durable des terres  (GDT) en

42 Voir : http://www.nepad.org/resource/action-plan-environment-initiative-0.43 Voir www.terrafrica.org : le Partenariat TerrAfrica, soutenu par le NEPAD, lève des fonds pour mettre à niveau la gestion durable des terres en Afrique subsaharienne.

Cette initiative régionale vise à appuyer les pays d’Afrique dans le développement d’initiatives programmatiques afin d’atteindre cet objectif. TerrAfrica œuvre également à améliorer la coordination entre les gouvernements africains, la communauté de développement internationale et d’autres parties prenantes. Le programme contribue à l’atteinte des objectifs du PDDAA et du Plan d’action de l’Initiative du NEPAD pour l’environnement. Voir http://www.nepad.org/fr/programme/terrafrica.

44 Des exemples concrets de techniques de GDT sont présentés dans le chapitre 3, y compris la conservation des sols, la gestion améliorée de l’eau, la diversification des systèmes agricoles et l’agroforesterie.

Afrique subsaharienne43. TerrAfrica, lancé en 2005 pour une période de 12 ans, vise à « généraliser et améliorer la GDT en renforçant les environnements favorables, afin de déployer et de financer des stratégies de GDT efficaces menées par le pays » (www.terrafrica.org). La GDT est un «  ensemble de pratiques fondées sur des savoirs existants, qui aide à intégrer la gestion des terres, de l’eau, de la biodiversité et de l’environnement (y compris les externalités liées aux intrants et aux produits) afin de répondre à la demande alimentaire croissante, tout en soutenant les moyens de subsistance et les services écosystémiques. La GDT est indispensable pour répondre aux exigences d’une population croissante. Une gestion des terres inappropriée peut provoquer une dégradation des terres et réduire considérablement les fonctions de production et de service (niches écologiques, hydrologie, stockage du carbone) des bassins hydrographiques et des paysages  » (Banque mondiale, 2006). En résumé, la GDT prend en compte la gestion des sols, de l’eau et des ressources animales et végétales44.

La Stratégie régionale africaine pour la réduction des risques de catastrophe est une autre initiative mise en place. Les pays d’Afrique contribuent également à l’atténuation des émissions, notamment grâce à l’adoption de technologies énergétiques à faible émission de carbone et de mesures visant à réduire la déforestation et la dégradation des forêts, en particulier dans le cadre du programme sur la réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts (REDD+).

© Phil Behan/U

N Photo/PA

M

Page 32: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

16

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

L’initiative de la Grande muraille verte pour le Sahara et le Sahel (IGMVSS) est un autre projet ambitieux, mis au point par l’UA et mené par 11 pays situés au sud du Sahara45. Cette initiative vise à lutter contre la dégradation des terres et la désertification et à promouvoir le développement économique et social. Le but était initialement de créer une bande de végétation de 15 kilomètres de large traversant tout le continent, du Sénégal à Djibouti ; au fil du temps, ses objectifs se sont élargis et incluent aujourd’hui la réduction de la pauvreté et la sécurité alimentaire. Selon Tondel et al. (2015), « depuis le début de la mise en œuvre de cette initiative en 2011, une stratégie régionale ainsi que des plans d’action nationaux et transnationaux ont été adoptés au Burkina Faso, au Mali et au Niger. L’IGMVSS a réussi à sensibiliser le public aux enjeux de la GDT et à attirer des soutiens africains et internationaux (y compris des financements internationaux de l’action climatique et un financement du FEM)  », mais son application concrète est lente  (Tondel et  al., 2015). Ceci s’explique par plusieurs facteurs, notamment le fait que l’organisme responsable de la mise en œuvre est différent dans chacun des 11 pays. Par exemple, à Djibouti, cet organisme est placé sous l’égide du ministère de l’Environnement, dont les ressources sont limitées  ; dans d’autres pays, au contraire, un organisme indépendant a été créé à l’échelle gouvernementale et bénéficie de plus de ressources d’origine variée46.

45 Thomas Sankara, à l’époque chef d’État du Burkina Faso, a initialement proposé la mise en place de l’IGMVSS dans les années 1980 afin d’enrayer la progression du Sahara. Cette idée a refait surface environ 20 ans plus tard : le président du Nigéria, Olusegun Obasanjo, l’a présentée à l’Union africaine (UA) en 2005 lors d’un sommet de la Communauté des États sahélo-sahariens. Les chefs d’État et de gouvernement de l’UA ont adopté l’IGMVSS en tant que programme panafricain en 2007, et les Nations Unies l’ont adoptée en 2011 (communications personnelles avec un responsable de la Commission de l’Union africaine, juin 2014).

46 Entretien avec le directeur adjoint de l’initiative de la Grande muraille verte, Djibouti, 12 octobre 2016, Nairobi (Kenya).47 Pour plus d’information, voir www.thegef.org.48 Voir https://www.thegef.org/topics/integrated-approach-pilots.

En outre, le Fonds pour l’environnement mondial  (FEM) a lancé une Approche pilote intégrée  (API)  intitulée «  Encourager la durabilité et la résilience en faveur de la sécurité alimentaire en Afrique subsaharienne  »  (Fostering Sustainability and Resilience for Food Security in Sub-Saharan Africa), axée tout particulièrement sur la protection des ressources naturelles  –  terres, eau, sols, arbres et ressources génétiques  –  essentielles pour assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Ce programme envisage la gestion de ces ressources dans l’agriculture paysanne selon une perspective globale, et vise ainsi à aider les petits producteurs à améliorer la gestion de la santé du sol, à bénéficier d’un meilleur accès aux semences résistant à la sécheresse, à ajuster les périodes de plantation et les types d’espèces cultivées, et à améliorer la biodiversité agricole dans leur exploitation47. La septième reconstitution des ressources de la Caisse du FEM (FEM-7) est en cours au moment de la rédaction de la présente étude. Le FEM-7 constituera un important point d’ancrage pour les chaînes de valeur des 12 pays de l’API48.

À l’échelle régionale, les principales communautés économiques régionales ont mis au point des stratégies environnementales, y compris la CEDEAO, le COMESA, la Communauté économique des États de l’Afrique centrale  (CEEAC), la Communauté de

©Fred N

oy/UN

Photo

Page 33: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

17

CADRES ET POLITIQUES VISANT à PROMOUVOIR DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES DURABLES ET RÉSILIENTES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE

développement de l’Afrique australe (SADC) et la Communauté d’Afrique de l’Est  (CAE). La coopération régionale en matière d’environnement progresse grâce au renforcement du leadership panafricain (p. ex., création de l’UA et du NEPAD) et à l’attribution de responsabilités régionales par l’intermédiaire des communautés économiques régionales. Des progrès ont surtout été accomplis en matière d’élaboration de politiques et de stratégies, mais aussi concernant le financement. En revanche, ils sont plus modestes sur le plan de la mise en œuvre effective sur le terrain (Ekbom, 2009).

Les avancées varient d’une région à l’autre. Selon Ekbom (2009), «  les États membres de la SADC sont sans doute ceux qui ont accompli le plus de progrès. Ils se sont engagés en faveur du développement durable et entendent jouer un rôle actif dans la négociation et la ratification de grands accords environnementaux multilatéraux. Les documents d’orientation majeurs de la SADC sont le Document politique et stratégique sur l’environnement et le développement durable (Environment and Sustainable Development Policy and Strategy Document) et le Protocole sur l’environnement (Protocol on the Environment). En matière de développement durable, l’objectif, tel qu’exprimé par le Plan stratégique indicatif de développement régional de la SADC, est d’intégrer les enjeux environnementaux et du développement durable à l’ensemble des politiques, activités et programmes sectoriels, tant au niveau national que régional. Bien que le degré et la qualité de la mise en œuvre n’aient pas encore été évalués précisément, la SADC se montre très active et ambitieuse quant à l’intégration des enjeux environnementaux et climatiques dans ses actions de développement. Les plans et engagements de la SADC représentent un défi de taille, mais ils témoignent de la volonté de la Communauté à cet égard » (Ekbom, 2009).

Enfin, les politiques et stratégies liées au changement climatique progressent en Afrique subsaharienne. Que ce soit au niveau continental, régional ou national, les responsables politiques africains s’efforcent d’intégrer la question du changement climatique aux politiques agricoles, en employant généralement la notion d’agriculture intelligente face au climat (AIC). En 2009, lors d’un sommet organisé au Zimbabwe, les chefs d’État et de gouvernement du COMESA ont adopté un Cadre régional sur le changement climatique  (Regional Framework on Climate Change) visant à promouvoir le rôle de l’agriculture, de la sylviculture et de l’utilisation des terres dans l’adaptation au changement climatique et dans l’atténuation de ses effets. Dans ce contexte, le COMESA a mis en place des programmes de formation concernant le financement de l’action climatique. Par ailleurs, le Pacte régional du PDDAA, signé en 2014, encourage explicitement l’agriculture intelligente face au climat. En 2015, le COMESA a créé le « Partenariat du COMESA pour une agriculture

49 Voir http://csa.octoplus.co.za/.

intelligente face au climat », afin d’aider les gouvernements à mettre en place des programmes d’AIC nationaux dans leurs pays respectifs. Madagascar a été l’un des premiers pays à élaborer un tel programme.

On estime en outre que la CEDEAO est elle aussi à l’avant-garde des politiques régionales en matière d’AIC. Par exemple, selon Knaepen et al. (2015), le Programme régional d’investissement agricole (PRIA) de la CEDEAO « inclut un objectif spécifique lié à l’adaptation au changement climatique et à l’atténuation de ses effets. En juin 2015, la CEDEAO a organisé un forum régional sur l’AIC réunissant différents acteurs à Bamako, au Mali, afin d’intégrer pleinement l’AIC à la mise en œuvre de l’ECOWAP. [...] Ce forum a jeté les bases d’un cadre d’intervention, de financement, de suivi et d’évaluation. Une Alliance ouest-africaine pour l’AIC réunissant l’ensemble des acteurs concernés a également été créée pour transposer pleinement ce cadre à l’échelle régionale ». L’objectif de cette Alliance est notamment d’aider à intégrer la question du changement climatique à des plans, dont les PNIA (Knaepen et al., 2015). Au niveau national, la notion d’agriculture intelligente face au climat n’est plus l’apanage du jargon scientifique et est aujourd’hui reprise dans les principaux discours politiques, en particulier concernant l’intégration de l’adaptation au changement climatique dans les cadres et interventions agricoles, notamment dans les PNIA du PDDAA. En outre, l’UA aspire à ce que 25 millions de petits exploitants adoptent des pratiques d’AIC d’ici à 2025 (Vision 25×25) ; ce projet sera mis en œuvre par l’Alliance africaine pour l’agriculture intelligente face au climat  (ACSAA) sous l’égide du NEPAD, qui vise à aligner les politiques d’AIC sur l’ensemble du continent49.

Principaux obstacles à la mise en œuvre des politiques

Malgré ces mesures, des difficultés de mise en œuvre et de mise en application entravent l’adoption de pratiques agricoles durables, résilientes et résistantes au changement climatique. Elles sont souvent dues aux problèmes suivants :

1 Un manque de connaissances, de données, de compétences et d’accès aux intrants : les agriculteurs ne peuvent pas toujours accéder aux savoirs relatifs aux pratiques durables et résilientes, ni aux intrants et aux équipements tels que machines, graines ou plants, races améliorées et engrais. L’adoption de pratiques durables et résilientes n’est possible que si l’accès aux marchés des intrants et des produits est assuré. Par ailleurs, le manque de compétences est souvent lié au manque de connaissances, mais il peut aussi être dû à une faible disponibilité de la main-d’œuvre, qui dépend de la santé des travailleurs et de la concurrence avec d’autres activités rémunératrices.

Page 34: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

18

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

Six étapes pour améliorer l’efficacité des politiques

1 Élaboration de la politique en fonction du contexte local

2 Mise en œuvre de la politique

3 Mise en application de la politique

4 Suivi de la politique

5 Évaluation de la politique

6 Reformulation et modification de la politique

ENCADRÉ 1

2 Un manque d’organisation et une faible capacité de négociation  : bien souvent, les agriculteurs et les autres acteurs de la chaîne de valeur, tels que les transformateurs, ne sont pas assez organisés, ce qui a des conséquences diverses sur le développement durable. Par exemple, en restant isolés, les agriculteurs n’ont pas les moyens de faire certains investissements, tels que l’installation d’équipements de stockage d’eau pour leurs champs. Par ailleurs, les associations ou coopératives existantes n’ont pas suffisamment de poids pour faire face aux plus gros acteurs de la chaîne et leur capacité de négociation n’est pas suffisante.

3 Un manque de financement  : par rapport aux agriculteurs commerciaux ou possédant de grandes exploitations, qui bénéficient d’un niveau élevé de mécanisation, les petits producteurs pratiquant une agriculture de subsistance et les petites et moyennes entreprises  (p. ex. les fabricants de machines agricoles) disposent de ressources plus limitées pour moderniser leurs pratiques et services et procéder aux investissements requis. Par conséquent, les obstacles à l’investissement initial doivent être éliminés, ce qui peut nécessiter une assistance extérieure, en particulier quand les bénéfices sont principalement réalisés sur le long terme. Ainsi, tout appui matériel et financier doit reposer sur les ressources actuellement disponibles. Les exploitants pauvres et marginalisés doivent faire l’objet d’une attention toute particulière.

4 L’incohérence des politiques  : il a été signalé que certains groupes de pression influençaient les règles et politiques à leur avantage, mais au détriment d’autres acteurs plus vulnérables comme les agriculteurs. Il arrive également que les politiques changent brusquement, ce qui embrouille les acteurs de la chaîne de valeur. Par exemple, au Malawi, en 2015, une sécheresse prolongée a poussé le gouvernement à promouvoir activement la culture du manioc et à encourager les investissements dans ce secteur. Toutefois, début 2017, l’attention des responsables politiques s’est de nouveau portée sur le maïs, créant un climat d’incertitude politique pour les agriculteurs qui avaient investi dans la culture et la production de manioc. De plus, bien souvent, les politiques relatives à la croissance agricole  (p.  ex., les politiques du PDDAA de l’UA) ne correspondent pas aux objectifs de gestion des ressources naturelles des cibles de croissance durable50. Par ailleurs, les différents labels, les multiples messages et les engagements des divers organismes, associations, conventions, etc., à l’échelle régionale et internationale, peuvent également semer la confusion. En résumé, les problèmes persistent et les politiques échouent à cause de l’incohérence de ces dernières, à la fois au niveau horizontal  (incohérence transversale ou intersectorielle,

50 Sur la base des informations recueillies lors de l’atelier de validation par des spécialistes du PNUD/FEM, organisé à Debre Zeyit (Éthiopie) les 9 et 10 mai 2017.

c’est-à-dire un manque de coordination politique entre différents piliers ou secteurs) et vertical (incohérence politique entre des niveaux hiérarchiques différents).

Solutions permettant de remédier aux échecs des politiques

Pour surmonter ces difficultés, il est impératif d’analyser précisément les coûts et les avantages  (à la fois sur le plan monétaire et non monétaire) ainsi que les bénéfices à court et à long terme. Néanmoins, outre les coûts et les avantages, l’accès aux intrants, aux marchés et au savoir, d’autres éléments contribuent à l’amélioration des moyens de subsistance  : les pratiques doivent être acceptables sur le plan social et culturel, suffisamment souples pour permettre l’adaptation et l’innovation à l’échelle locale, et considérées comme un moyen d’apporter de la valeur à la terre et de gagner en qualité de vie (Liniger et al., 2011).

Par ailleurs, il est possible d’améliorer la mise en œuvre et la mise en application des politiques au moyen d’une approche en six étapes, qui commence par l’élaboration de politiques appropriées, met l’accent sur leur suivi, veille à leur cohérence et permet de reformuler les politiques si nécessaire (encadré 1). Il est essentiel de tenir compte de l’économie politique à chacune des six étapes.

Page 35: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

19

CADRES ET POLITIQUES VISANT à PROMOUVOIR DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES DURABLES ET RÉSILIENTES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE

Enfin, trois conditions contribuent à l’efficacité de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques : idéalement, il convient de trouver un équilibre entre cohérence, constance et synergie entre les politiques, comme le montre la figure 2. La première exigence, la «  cohérence entre les politiques  », se rapporte à l’importance d’aligner les différentes politiques, par exemple les politiques environnementales et agricoles. La cohérence verticale et horizontale est également un aspect crucial  (voir plus haut). La deuxième condition, la «  constance entre les politiques  », repose sur la constance entre les politiques à court et à long terme, et cherche à éviter toute instabilité au niveau du cadre politique. Enfin, les «  synergies entre les politiques » concernent les actions conjointes ou coordonnées visant à améliorer l’impact et l’efficacité des politiques  ; par exemple, il peut s’agir du travail d’élaboration d’une politique mené conjointement par plusieurs départements et cabinets ministériels qui ne coopèrent généralement pas.

Trois conditions contribuant à l’efficacité de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques

Source : atelier de validation par des spécialistes du PNUD/FEM, organisé à Debre Zeyit, en Éthiopie, les 9 et 10 mai 2017

FIGURE 2

Cohérence entre les

politiques

Constanceentre les

politiques

Synergiesentre les

politiques

©H

arandane Dicko/U

N Photo

Page 36: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

Approches et outils visant à mesurer les externalités et conséquences environnementales des chaînes de valeur alimentaires, et bonnes pratiques permettant de les surmonter

CHAPITRE 2

Page 37: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

21

TOUT AU LONG DE LA CHAÎNE DE VALEUR alimentaire, les activités humaines  –  notamment l’utilisation de pesticides chimiques, le défrichement, la

monoculture, l’absence de traitement des eaux usées agricoles contenant des pesticides et le transport de denrées dans des camions polluants – entraînent des externalités et conséquences environnementales négatives pour l’agriculture : la biodiversité disparaît à un rythme sans précédent, les sols subissent des dommages irréversibles, l’eau douce se fait de plus en plus rare et le climat change (Kueffer et al., 2012)51. Inévitablement, tout ceci se répercute de manière négative sur les systèmes alimentaires. En outre, des obstacles institutionnels et politiques, tels que l’absence de mesures incitatives et de services de

51 Il convient néanmoins de noter que les facteurs environnementaux peuvent aussi créer des opportunités (p. ex., types de sols appropriés, eau utilisée à des fins d’irrigation ou de transformation, changement climatique permettant de cultiver de nouvelles espèces) (FIDA, 2014). Cette étude se penche en premier lieu sur les facteurs environnementaux créant des risques (p. ex., dégradation des terres, perte de biodiversité, pollution).

vulgarisation, entravent la promotion d’une agriculture durable et résiliente.

Avant de chercher des solutions visant à surmonter ces externalités et conséquences négatives, nous devons les mesurer. Toutefois, en raison de la quantité d’études portant sur les approches et outils de mesure, et des nombreux points de départ très différents, il est difficile d’avoir une vue d’ensemble de la situation. Compte tenu de la grande complexité des systèmes alimentaires et des nombreuses externalités et conséquences environnementales générées, il n’existe pas d’ensemble standard et «  prêt à l’emploi  » d’approches ou d’outils permettant de mesurer ces dernières.

Il existe de nombreux outils d’évaluation technique permettant de mesurer les externalités et conséquences environnementales négatives spécifiques des chaînes de valeur alimentaires, telles que les émissions de GES et l’épuisement des ressources en eau. Les approches systémiques sont de plus en plus utilisées, comme l’analyse du cycle de vie (ACV) qui permet de mesurer les externalités et conséquences environnementales de l’ensemble de la chaîne de valeur alimentaire, de l’étape de préproduction à la postproduction.

Ces dernières années, les analyses coût-efficacité se sont révélées de plus en plus importantes pour renforcer la durabilité environnementale et la résilience des chaînes de valeur alimentaires ; ces méthodes ne se limitent pas à des mesures techniques et tiennent compte du contexte institutionnel, politique et socio-économique. Par exemple, l’analyse de scénario ciblée (Targeted Scenario Analysis – TSA) du PNUD examine la valeur des services écosystémiques pour en tenir compte lors de la prise de décision. Des méthodes plus anciennes telles que l’évaluation de l’impact sur l’environnement (EIE) figurent en outre dans la législation de nombreux pays d’Afrique subsaharienne. Néanmoins, leur mise en œuvre est difficile et il est même peu probable que l’EIE puisse être un outil pratique pour les petits exploitants, car ils travaillent souvent dans le secteur informel.

Plusieurs obstacles entravent l’utilisation des outils de mesure, le recueil de données et la compilation de statistiques, ainsi que la recherche en Afrique subsaharienne ; par exemple, les données peuvent être faussées, car produites dans l’intérêt de l’institution qui commande l’étude. En outre, les petits agriculteurs ne s’approprient pas assez les projets de recherche et n’y prennent pas suffisamment part, et les mécanismes de surveillance des données sont insuffisants.

Il est possible de passer à des chaînes de valeur alimentaires durables et résilientes au moyen de trois lignes d’action : la diversification des activités agricoles ; l’intensification durable de l’agriculture ; la diversification des moyens de subsistance non agricoles et des marchés. Ces lignes d’action promeuvent un changement de paradigme, qui considère la durabilité comme point de départ de la croissance agricole et de chaînes de valeur alimentaires durables. Grâce à ces lignes d’action concrètes, les agriculteurs et les autres acteurs de la chaîne de valeur peuvent recourir à un vaste éventail de techniques favorisant la transition vers des chaînes de valeur alimentaires durables et résilientes, et s’appuyer notamment sur les techniques de gestion durable des terres (p. ex., gestion améliorée de l’eau), de gestion intégrée des paysages (p. ex., gestion des paysages basée sur la gestion des forêts) et sur l’agriculture intelligente face au climat (p. ex., agroforesterie).

MESSAGES CLÉS

APPROCHES ET OUTILS VISANT à MESURER LES EXTERNALITÉS ET CONSÉQUENCES ENVIRONNEMENTALES DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES, ET BONNES PRATIQUES PERMETTANT DE LES SURMONTER

Page 38: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

22

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

En outre, pour compliquer encore les choses, toutes les étapes de la chaîne de valeur entraînent des externalités et conséquences environnementales liées et parfois différentes. Reynolds et al.  (2011) distinguent trois étapes de la chaîne de valeur et examinent les principaux types d’externalités et de conséquences environnementales découlant des différentes pratiques agricoles à chacune de ces étapes :

1 Préproduction  : comprend le choix du site et du terrain, le défrichement, le travail du sol et d’autres pratiques de préparation des terres en vue de la plantation ;

2 Production  : comprend l’utilisation d’intrants synthétiques et naturels pour le développement de la production végétale  (éléments nutritifs, eau, produits agrochimiques) ainsi que les conséquences des stratégies de lutte contre les nuisibles et de la gestion de l’eau et des éléments nutritifs ;

3 Postproduction  : comprend l’évacuation des résidus de récolte et des autres déchets, ainsi que la pollution issue du transport, de la transformation et du stockage des récoltes. Dans la présente étude, l’aspect commercial – y compris les pertes, les déchets, les certifications et les normes – est inclus dans cette troisième étape.

Chacune de ces étapes génère de nombreuses externalités et conséquences négatives, mais la présente étude examine en particulier les émissions de gaz à effet de serre (GES), la pollution de l’eau et l’épuisement des ressources en eau, l’érosion des sols et la perte de biodiversité. Ces principales conséquences et externalités sont examinées plus en détail pour chaque chaîne de valeur dans le chapitre 3, mais d’autres impacts sont également mentionnés, comme la consommation d’énergie, le cycle des éléments nutritifs52 ou la pollution due aux pesticides, lorsqu’ils s’appliquent.

L’objectif de ce chapitre est double. Il vise d’une part à décrire et à résumer les principales approches et méthodes actuellement utilisées pour mesurer les externalités et conséquences environnementales des chaînes de valeur alimentaires. Une distinction est établie entre les approches systémiques qui examinent les externalités et conséquences environnementales tout au long de la chaîne de valeur, comme l’analyse du cycle de vie (ACV), et les outils techniques qui mesurent une externalité précise. D’autre part, ce chapitre  vise à donner un aperçu des actions recommandées pour faire face aux externalités et aux conséquences environnementales identifiées.

52 Le processus chimique nécessaire à la fabrication d’engrais azotés (qui sont généralement constitués d’ammoniaque) consomme énormément d’énergie. L’utilisation d’engrais azotés sur les terres agricoles libère des gaz qui produisent du protoxyde d’azote atmosphérique, un des principaux GES contribuant au changement climatique mondial. Dans les pays en développement, l’utilisation abusive d’azote est l’un des principaux facteurs de pollution des systèmes agricoles. En raison de leur faible efficacité d’absorption, les engrais azotés entraînent également une hausse de la concentration de nitrates dans l’eau et une augmentation des zones mortes dans les eaux côtières du monde entier (Mulvaney et al. 2009).

53 Les neuf cadres examinés sont les suivants : Vital Signs (systèmes de suivi africains), le logiciel RISE (Response-Inducing Sustainability Evaluation), AgBalance, l’analyse du cycle de vie (ACV), l’initiative internationale Observatoire des agricultures du monde (World Agricultural Watch – WAW), l’indice de viabilité environnementale (ESI), l’évaluation des performances durables (Sustainable Performance Assessment – SPA), MESMIS et GAIA (SEI, 2015).

Trois lignes d’action favorisant le passage à des chaînes de valeur alimentaires durables et résilientes sont présentées, suivies par des approches et techniques pouvant être rassemblées sous le qualificatif d’« agriculture durable » – à savoir, plus précisément, la gestion durable des terres, la gestion intégrée des paysages et l’agriculture intelligente face au climat.

Approches et outils de mesure

Ces dernières décennies, le nombre d’approches systémiques permettant d’évaluer les conséquences environnementales et la performance durable de la production agricole a augmenté de manière régulière (van der Werf et Petit, 2002, cités par SEI, 2015). Plus récemment, les conséquences environnementales de l’élevage, en particulier, ont fait l’objet d’une attention accrue. L’Institut de Stockholm pour l’environnement  (SEI)  (2015)  a mené une analyse documentaire intéressante de 50 cadres destinés à évaluer la durabilité environnementale des systèmes d’élevage, et a examiné neuf d’entre eux plus en détail  (voir Annexes, encadré  A3 et tableau  A2, pour un résumé de ces travaux). Ces neuf cadres (tous des outils d’évaluation rapide) devaient répondre à au moins deux des critères de sélection suivants (SEI, 2015)53 : couvrir plusieurs types de conséquences environnementales mesurées par des indicateurs spécifiques, porter sur plusieurs échelles spatiales et temporelles, et cibler un large public.

L’analyse du cycle de vie : mesures techniques de l’ensemble de la chaîne de valeur

L’analyse du cycle de vie (ACV), également examinée dans l’étude de l’Institut de Stockholm pour l’environnement mentionnée précédemment, vise à évaluer les externalités et conséquences environnementales de l’ensemble d’une chaîne de valeur. En raison de son approche globale, cette méthode est de plus en plus utilisée depuis quelques années. Nous avons donc décidé de l’étudier plus en détail dans ce document. Elle est employée pour évaluer la chaîne de valeur de l’élevage (Fraval, 2014, cité par SEI, 2015), mais également celle de plusieurs cultures, comme le riz (Suenaga et al., 2016). Selon le SEI (2015), « puisque l’analyse du cycle de vie examine l’ensemble de la chaîne de valeur, elle

Page 39: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

23

met également en exergue d’autres types de conséquences portant sur le transport, la transformation, la consommation, les pertes et la réutilisation tout au long de la chaîne de valeur du produit  »54. Plus concrètement, l’analyse du cycle de vie permet de mesurer les neuf principales conséquences environnementales suivantes (Fraval, 2014)55 :

1 Émissions de gaz à effet de serre ;

2 Consommation d’énergie ;

3 Pollution et consommation de l’eau ;

4 Perte de biodiversité ;

5 Cycle des éléments nutritifs, principalement de l’azote et du phosphore ;

6 Utilisation des terres ;

7 Changement d’occupation des sols ;

8 Déchets et émissions ;

9 Écotoxicité.

Plusieurs unités sont utilisées pour mesurer ces conséquences. Par exemple, on mesure les émissions de GES en équivalent CO2 par kilogramme de produit et au moyen de la gestion du fumier. En ce qui concerne la consommation d’énergie, plusieurs approches méthodologiques existent, comme les évaluations énergétiques qui prennent en considération l’utilisation de combustibles fossiles et relient la consommation d’énergie aux conséquences environnementales. La biodiversité, quant à elle, est mesurée à l’aide d’un grand nombre d’indicateurs, y compris la proportion d’aires protégées ou d’espèces protégées. Par ailleurs, la méthode d’analyse du cycle de vie a récemment été utilisée dans le cadre de l’élaboration d’une norme ISO relative à l’évaluation de l’impact sur l’environnement (normes ISO 14040 et 14044), permettant d’examiner les chaînes de valeur agricoles comme celle du riz (Fraval, 2014). Enfin, l’analyse du cycle de vie

54 Voir : https://sustainabledevelopment.un.org/content/documents/9429GSDR_2016_Brief_LCA_Suenaga.pdf.55 Fraval (2014) a étudié 70 analyses du cycle de vie portant sur l’élevage, la pêche et l’aquaculture ; dix d’entre elles concernaient des pays en développement.

Il a découvert plusieurs lacunes dans leur mise en œuvre : les méthodes de modélisation, de sélection des indicateurs, d’allocation des impacts et d’intégration de l’analyse de sensibilité ne sont pas encore suffisamment définies, en particulier dans les pays en développement, où les progrès peuvent être rapides et les mesures de protection de l’environnement limitées. Plus généralement, ceci est dû à l’absence de données précises concernant les activités directes ou indirectes, au manque de modélisation de systèmes spécifiques, à l’expertise limitée ainsi qu’aux contraintes temporelles ou financières (voir https://ilri-cleaned.wikispaces.com/file/view/1009CLEANEDReviewLCAlstockfish.pdf ; voir également Annexes, figure A6).

56 Voir : http://www.fao.org/gleam/model-description/fr/. 57 Le modèle du FIDA se concentre sur trois étapes clés de la chaîne de valeur : la fourniture d’intrants, la production agricole et la postproduction (stockage,

transformation, transport et vente au détail). Pour chaque élément appartenant à chacune des étapes (p. ex., les semences, les aliments pour animaux, les services financiers, etc., à l’étape de « fournitures d’intrants »), les risques climatiques ont été identifiés et les interventions requises pour gérer ces risques sont énumérées (FIDA, 2015 ; voir Annexes, tableau A3).

58 Voir : http://www.fao.org/gleam/fr/ et le webinaire suivant sur l’utilisation du modèle GLEAM : https://www.youtube.com/watch?v=jBaFcCje3nU. 59 Pour en savoir plus, voir : http://www.saiplatform.org/activities/alias/sustainabilityindicators/SPA. 60 Voir : http://www.environmentalfootprints.org/mriohome.

évalue les différentes possibilités d’intervention susceptibles d’améliorer les externalités et conséquences négatives. Elle peut ainsi fournir des informations aux parties prenantes et permet d’orienter la prise de décision56.

Le modèle mondial d’évaluation de l’élevage et de l’environnement  (Global Livestock Environmental Assessment Model  –  GLEAM) est une méthode d’analyse du cycle de vie qui vise à identifier les externalités et conséquences environnementales négatives dans la chaîne de valeur de l’élevage et qui se concentre particulièrement sur la mesure des émissions de GES57. Le modèle GLEAM peut donc évaluer l’impact du secteur de l’élevage à l’échelle mondiale. Toutefois, un grand nombre de ces impacts découlent de facteurs sociaux et environnementaux locaux ou nationaux. Ainsi, les moyennes et indicateurs mondiaux sont généralement trompeurs et n’aident pas suffisamment à comprendre les véritables problèmes et à déterminer comment y remédier. Le modèle GLEAM repose sur une modélisation spatialement explicite de la distribution des animaux d’élevage. Il estime les émissions de GES à chaque étape de production au moyen du logiciel Excel. En s’appuyant sur ses résultats, le modèle contribue à l’élaboration de scénarios d’adaptation et d’atténuation : ainsi, en utilisant GLEAM, la FAO a découvert que certaines interventions permettaient aux éleveurs d’augmenter la production tout en réduisant les émissions de près d’un tiers. Le modèle GLEAM est actuellement utilisé dans le cadre de nombreux projets nationaux et internationaux, y compris des initiatives d’agriculture intelligente face au climat au Malawi et au Niger58.

L’évaluation des performances durables  (Sustainable Performance Assessment – SPA) est un autre outil important  ; il s’agit d’un cadre multidimensionnel global, rapide et facile à utiliser. Il mesure, entre autres, l’indicateur de production (kg de CO2/unité) et les intrants de l’agriculteur (kg d’engrais)59. Enfin, le modèle de données d’entrées-sorties multirégionales (multi-regional input-output data  –  MRIO), axé sur les empreintes écologiques, adopte également une approche globale. Il permet notamment de mesurer l’intensité de la pression exercée sur l’environnement par unité de production économique ainsi que l’empreinte écologique de la demande finale60.

APPROCHES ET OUTILS VISANT à MESURER LES EXTERNALITÉS ET CONSÉQUENCES ENVIRONNEMENTALES DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES, ET BONNES PRATIQUES PERMETTANT DE LES SURMONTER

Page 40: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

24

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

Outils permettant de mesurer des externalités et conséquences environnementales spécifiques

Les chercheurs ont mis au point de nombreux outils techniques destinés à mesurer une externalité environnementale négative précise, comme l’érosion des sols ou la perte de biodiversité. Dans ce paragraphe, nous examinons plusieurs outils fréquemment utilisés dans cette étude pour mesurer les principales externalités et conséquences environnementales abordées dans cette étude.

Les émissions de GES sont l’externalité environnementale négative la plus couramment mesurée61. Par exemple, l’outil de bilan carbone ex ante mis au point par la FAO, EX-ACT (Ex-ante Carbon-balance tool)62, vise à estimer l’impact des politiques, programmes et projets de développement agricole et forestier sur le bilan carbone. Il s’agit notamment de projets favorisant l’atténuation du changement climatique, encourageant une gestion durable et résiliente de l’eau ou des terres, ou portant sur la sécurité alimentaire. Cet outil aide les concepteurs de projets à privilégier des actions qui présentent d’importants bénéfices sur le plan économique et en matière d’atténuation du changement climatique. Le bilan carbone correspond au bilan net de toutes les émissions de GES émises ou stockées lors de la mise en œuvre d’un projet, par rapport à un scénario de maintien du statu quo. L’outil EX-ACT est économique et nécessite peu de données  ; il s’agit d’un fichier Microsoft Excel dans lequel l’utilisateur renseigne des données de base sur les activités de la chaîne de valeur agricole  (p. ex., transformation, transport), qui peuvent aider à trouver les informations requises. L’outil EX-ACT est principalement utilisé dans le cadre de projets, mais il peut facilement être transposé à l’échelle programmatique/sectorielle et servir à l’analyse de politiques. L’équipe de la FAO chargée du développement d’EX-ACT élabore actuellement une nouvelle version de cet outil, qui fournira une analyse des bénéfices associés des chaînes de valeur concernant les émissions de GES, la résilience climatique et les revenus63.

Par ailleurs, plusieurs outils permettent d’examiner les processus géomorphologiques liés à l’érosion des sols  (Boix-Fayos

61 D’autres outils permettent de mesurer les émissions de GES : l’outil Mitigation Options Tool, voir : https://ccafs.cgiar.org/mitigation-options-tool-agriculture-0#.WBBfDVcQjBK), l’outil Small-Holder Agriculture Monitoring and Baseline Assessment Tool, l’outil Cool Farm (voir https://coolfarmtool.org), l’outil Standard Assessment of Agricultural Mitigation Potential and Livelihoods – SAMPLES (voir http://samples.ccafs.cgiar.org/measurement-methods-overview/) ou encore l’analyse de l’empreinte écologique (Ecological Footprint Analysis – EFA ; voir http://www.footprintnetwork.org/en/index.php/GFN/page/footprint_basics_overview/).

62 Voir : http://www.fao.org/tc/exact/ex-act-home/fr/.63 Voir : http://www.fao.org/fileadmin/templates/ex_act/pdf/Flyer/Flyer_EXACT_VC_DRAFT3.pdf.64 Voir également l’étude « Methodological Tools for Assessing Productivity of Water in Agriculture and Interacting Systems with Respect to Tanzania and Ethiopia »,

menée par SWMRG, Morogoro (Tanzanie) (2004) : http://www.iwmi.cgiar.org/assessment/files_new/research_projects/Sokoine_Literature%20Report.pdf. 65 Il est intéressant de mentionner les activités du FEM visant à promouvoir la conservation et l’amélioration des stocks de carbone grâce à la gestion durable de

l’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de la foresterie (UTCATF). Les activités liées à l’UTCATF incluent l’augmentation du boisement et du reboisement, la création de mesures d’incitation positives encourageant la gestion durable des forêts, etc. Ces activités se font en synergie avec les projets relatifs à la biodiversité et à la lutte contre la dégradation des terres. Voir : https://www.thegef.org/sites/default/files/publications/LULUCF_brochure_web_version_%281%29_0.pdf.

66 La CDB est un traité multilatéral qui vise à élaborer des stratégies nationales en faveur de la conservation et de l’utilisation durable de la diversité biologique (entré en vigueur en 1993). Voir : https://www.cbd.int/gbo3/?pub=6667&section=6711.

et al., 2006). Hsieh et al.  (2009) ont mis au point une méthode fondée sur la technique du filet, qui permet de quantifier la redistribution du sol érodé sur un terrain  : les filets sont en contact étroit avec la surface du sol et permettent ainsi à l’eau et à un volume négligeable de particules de terre de s’infiltrer au fond du filet. Les caractéristiques spatiales et temporelles de l’érosion du sol et les mouvements d’éléments nutritifs associés mis au jour grâce à la technique du filet sont prometteurs : cette méthode fournit des informations précieuses sur l’érosion des sols sur les terres agricoles et naturelles (Hsieh et al., 2009).

Troisièmement, l’un des moyens de mesurer l’efficience d’utilisation de l’eau consiste à mesurer le rapport entre la quantité de biomasse totale produite ou le rendement en grain obtenu et la quantité d’eau fournie sur une base quotidienne ou saisonnière. C’est une méthode couramment utilisée parmi les agronomes  (Sinclair et  al., 1984, cités par Sharma et  al., 2015). L’efficience d’utilisation de l’eau peut aussi être mesurée à partir du système d’irrigation. Cette méthode repose sur la comptabilité de l’eau, qui prend en compte les pertes qui se produisent à chaque étape à mesure que l’eau est transportée du réservoir jusqu’à l’exploitation, est utilisée dans la ferme, stockée dans le sol et finalement consommée par la plante pour la production finale  (Barrett Purcell & Associates, 1999, cités par Sharma et al., 2015). En fonction de la zone d’intérêt, il est possible de mesurer l’efficacité : du transport de l’eau, de l’utilisation de l’eau, de l’utilisation de l’eau d’irrigation et de la consommation d’eau des cultures (Barrett Purcell & Associates, 1999, cités par Sharma et al., 2015)64.

Quatrièmement, depuis cinquante ans, la conversion des terres, la plupart du temps à des fins agricoles, est la cause la plus importante de perte de biodiversité  (Loh, 2015)65. Pour mesurer la perte de biodiversité, il est essentiel d’examiner les cinq facteurs ayant le plus fort impact sur cette dernière, définis par la Convention sur la diversité biologique  (CDB)  : dégradation et destruction des habitats  ; surexploitation et utilisation non durable des ressources  ; changement climatique  ; accumulation excessive de nutriments et autres formes de pollution  ; espèces exotiques envahissantes66. Afin de mesurer la perte de biodiversité, les Objectifs d’Aichi

Page 41: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

25

pour la biodiversité, mis en œuvre dans le cadre du Plan stratégique 2011-2020 pour la diversité biologique, fixent un certain nombre de cibles adoptées par les États membres de la CDB67. En outre, l’initiative pour les indicateurs d’impact sur la biodiversité de la production de produits de base (Initiative for Biodiversity Impact Indicators for Commodity Production) a été lancée par la CBD en 2014. Son objectif est de compiler, pour l’agriculture, un ensemble transversal d’indicateurs génériques d’impact sur la biodiversité, portant sur les produits agricoles de base  (cultures). Il peut être utilisé par des organisations du secteur public comme du secteur privé, ainsi que par des organismes de normalisation et de certification, afin d’intégrer à leurs activités le suivi de l’impact sur la biodiversité (Loh, 2015). Ce cadre permet de mesurer les effets de la production agricole sur la biodiversité en analysant sept impacts majeurs, y compris la conversion des habitats naturels et l’érosion des sols. Chaque impact est subdivisé en plusieurs indicateurs. Par exemple, les indicateurs relatifs à l’habitat incluent la diversité des espèces d’arbres, la hauteur de la canopée et le couvert végétal  (Loh, 2015). L’indicateur de biodiversité GAIA Biodiversity Yardstick est un autre exemple d’outil aidant les agriculteurs à mesurer la biodiversité sur leur exploitation ; il permet de mesurer et de comparer la biodiversité grâce à 40 questions réparties sur six thèmes, portant notamment sur les espèces végétales cultivées et la gestion des éléments non productifs se trouvant dans les champs, tels que les cours d’eau68.

Enfin, la Liste rouge des écosystèmes est un guide de planification pratique qui identifie et classe les écosystèmes en fonction de leur état de conservation. Cette liste a été mise au point par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) : il s’agit d’une série de catégories et de critères permettant d’évaluer les risques encourus par les écosystèmes et de se concentrer là où ils sont menacés. C’est un outil particulièrement utile pour obtenir un aperçu de la dégradation et de la destruction des habitats, ainsi que de la surexploitation et de l’utilisation non durable des ressources. Il peut être appliqué à toute échelle géographique, au niveau local comme au niveau national. Il vise à appuyer la conservation et l’utilisation des ressources et à orienter la prise de décision en identifiant les écosystèmes encourant le plus de risques. Il complète la Liste rouge des espèces menacées de l’UICN, qui est l’inventaire mondial le plus complet de l’état de conservation global des espèces végétales

67 Voir : https://www.cbd.int/nbsap/.68 Voir : https://gaia-biodiversity-yardstick.eu.69 Voir : http://www.iucnredlist.org/.70 Voir : http://www.iaia.org/uploads/pdf/principlesEA_1.pdf. On appelle « évaluation stratégique environnementale » les évaluations environnementales relatives à

des plans ou programmes publics.71 Voir : https://www.env.go.jp/earth/coop/coop/document/10-eiae/10-eiae-2.pdf. Introduite à la fin des années 1960 aux États-Unis, l’évaluation de l’impact sur

l’environnement (EIE) a été créée pour concurrencer les techniques d’évaluation économique traditionnelles, critiquées parce qu’elles évaluaient les coûts et les avantages de projets de développement spécifiques sans prendre en compte les conséquences environnementales. Autrement dit, il était difficile de mettre un « prix » sur la dégradation à long terme de l’environnement. Il était donc nécessaire de disposer d’un moyen plus flexible et non monétaire de représenter les pertes et les avantages liés à l’environnement, et l’EIE a apporté les réponses attendues. Depuis son lancement, l’EIE a été intégrée aux lois environnementales de plusieurs pays, y compris celles des Pays-Bas et de la France, ainsi qu’aux activités d’organismes d’aide au développement comme la Banque mondiale et le PNUE (voir : http://unep.ch/etu/publications/eiaman_2edition_toc.htm).

et animales69. Elle s’appuie sur une série de critères pour évaluer le risque d’extinction de milliers d’espèces et de sous-espèces. La Liste rouge des écosystèmes comporte cinq critères permettant d’attribuer aux écosystèmes une catégorie de risque, notamment la « dégradation de l’environnement abiotique » et la « réduction de la distribution » entraînant un appauvrissement du biote indigène caractéristique, une réduction de la diversité des niches, etc. L’application de ces critères permet de classer les écosystèmes en différentes catégories, allant « d’effondré » à « préoccupation mineure », en passant par « en danger critique ». Cependant, la Liste rouge des écosystèmes n’est pas encore beaucoup utilisée en Afrique subsaharienne (UICN, 2016).

Approches ne se limitant pas à la mesure technique des conséquences et externalités

Plusieurs approches, dont l’évaluation de l’impact sur l’environnement (EIE), permettent d’évaluer les conséquences environnementales au préalable – avant la mise en œuvre des programmes ou des politiques – afin d’aider les responsables politiques à mettre au point des réglementations et des actions qui évitent d’entraîner des externalités et conséquences environnementales dans les chaînes de valeur alimentaires en Afrique subsaharienne. L’EIE est définie comme «  le processus d’identification, de prévision, d’évaluation et d’atténuation des différents effets, y compris biophysiques et sociaux, des projets de développement, avant de prendre des engagements ou des décisions importantes »70. L’EIE est réglementée par la législation de nombreux pays. Elle est plus efficace quand elle est mise en œuvre le plus tôt possible, lors de la phase de planification du projet ou de la politique71. En Afrique, presque tous les pays ont adopté des lois environnementales, dont la plupart comportent des exigences particulières relatives à l’EIE. Les organisations régionales ont également élaboré des cadres d’EIE. Par exemple, la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) a publié des « Directives régionales sur l’EIE dans les écosystèmes partagés »  (Regional Guidelines on EIA of Shared Ecosystems) en 2005, qui incluent des projets de gestion de l’eau dans l’agriculture. Nugent (2009) a examiné les mesures de suivi et d’évaluation de l’impact sur l’environnement mises en œuvre dans le secteur de l’aquaculture en Afrique et est arrivé à la conclusion que les réglementations

APPROCHES ET OUTILS VISANT à MESURER LES EXTERNALITÉS ET CONSÉQUENCES ENVIRONNEMENTALES DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES, ET BONNES PRATIQUES PERMETTANT DE LES SURMONTER

Page 42: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

26

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

et mesures élaborées par les décideurs devaient encore être améliorées. Jusqu’à présent, en Afrique, l’EIE n’a été appliquée qu’aux grandes entreprises d’aquaculture intensive, et les petites et moyennes exploitations ont été laissées de côté  (Nugent, 2009). En réalité, il est peu probable que l’EIE puisse être un outil fiable et pratique pour les petits agriculteurs et les exploitations de taille moyenne. De nombreux producteurs exercent leur activité dans un cadre non réglementé, voire dans le secteur informel, et la majorité d’entre eux possèdent uniquement de petites parcelles souvent inférieures à deux hectares. Dans ce contexte, l’évaluation de l’impact sur l’environnement semble davantage être un obstacle qu’une solution.

L’évaluation stratégique environnementale (ESE) est une autre approche souvent confondue avec l’évaluation de l’impact sur l’environnement (EIE). Elles interviennent toutes deux aux étapes de planification et sont des outils explicites sur le plan technique et spatial. Toutefois, l’évaluation de l’impact sur l’environnement est avant tout un instrument technique, tandis que l’évaluation stratégique environnementale est plus politique. Une différence majeure les distingue : l’EIE est centrée sur un seul projet alors que l’ESE examine les impacts cumulés de plusieurs projets de développement72. La Banque mondiale a par exemple commencé à appliquer l’ESE à ses activités au milieu des années 2000. L’un des projets pilotes consistait à mener une ESE de la loi kenyane sur les forêts de 2005. L’objectif était d’éclairer la mise en œuvre de cette loi et d’orienter le dialogue politique entre la Banque mondiale et le gouvernement kenyan sur l’utilisation durable des ressources naturelles. L’ESE a ouvert la voie à un certain nombre de progrès  ; elle a par exemple sensibilisé les parties prenantes à la nécessité d’une collaboration intersectorielle/interministérielle. Toutefois, les effets n’ont été que temporaires et n’ont pas entraîné d’évolution sur le long terme (Banque mondiale, 2011).

En outre, alors que l’EIE et l’ESE se concentrent spécifiquement sur «  l’évaluation environnementale », le FIDA a tenté d’élargir ces analyses en créant des Procédures d’évaluation sociale, environnementale et climatique  (PESEC), utilisées dans les projets/programmes qu’il finance. Les PESEC identifient, évaluent et traitent les principaux risques et mesures de sauvegarde, et sont pleinement intégrées au processus d’amélioration de la qualité73. De même, les Normes environnementales et sociales du PNUD sont entrées en vigueur en 2015 ; elles visent à intégrer la durabilité environnementale et sociale dans les projets et programmes du PNUD74.

72 Voir : http://www.grida.no/graphicslib/detail/difference-between-eia-and-sea_5148.73 Voir : https://www.ifad.org/topic/gef/secap/overview ; et https://www.ifad.org/documents/10180/38a3f8b2-e248-4f09-a0dd-b55086e314a4.74 Voir : http://www.undp.org/content/undp/en/home/librarypage/operations1/undp-social-and-environmental-standards.html.75 Voir : http://img.teebweb.org/wp-content/uploads/2016/01/TEEBAgFood_Interim_Report_2015_web.pdf.76 La classification internationale commune des services écosystémiques (Common International Classification of Ecosystem Services – CICES) distingue trois types

de « services écosystémiques » : services d’approvisionnement, services de régulation et d’entretien et services culturels (TEEB, 2015 : 20). En outre, TEEBAgFood collabore avec les organisations Global Alliance for the Future of Food et Food Tank ; les conclusions de leurs travaux seront diffusées par l’intermédiaire des Nations Unies (TEEB, 2015).

Néanmoins, l’évaluation de l’impact sur l’environnement et l’évaluation stratégique environnementale ne peuvent qu’améliorer de manière minime une évolution globalement négative dans les externalités et conséquences environnementales, puisqu’elles n’encouragent pas un aménagement multisectoriel du territoire ni une plus grande cohérence gouvernementale et politique. Pour que l’agriculture devienne vraiment durable et résiliente, il est nécessaire d’opérer un changement de paradigme, comme nous le verrons plus en détail dans le chapitre suivant.

Par ailleurs, ces dernières années, d’autres méthodes d’évaluation ont vu le jour, permettant une analyse coût-efficacité rapide, fondée sur la connaissance de l’environnement institutionnel, commercial et socio-économique. Ces nouveaux outils peuvent également aider les décideurs, les responsables politiques et les concepteurs de programmes ou de projets à plusieurs niveaux. Parmi ces méthodes figurent l’Économie des écosystèmes et de la biodiversité  (TEEB) et l’analyse de scénario ciblée  (Targeted Scenario Analysis – TSA), examinées plus en détail ci-après.

L’Économie des écosystèmes et de la biodiversité  (TEEB)75 est une initiative mondiale lancée en 2009 par le PNUE, qui aide les décideurs à reconnaître les nombreux bienfaits des écosystèmes et de la biodiversité, tout en démontrant leur valeur économique et en encourageant l’intégration de cette valeur dans la prise de décision (www.teebweb.org)76. Pour résumer, cette initiative répond à la question «  payons-nous le prix juste pour notre nourriture  ?  ». L’initiative TEEB examine les «  systèmes éco-agro-alimentaires  » et prend ainsi en compte l’ensemble de l’écosystème, y compris les terres agricoles, les pâturages, la main-d’œuvre, les infrastructures, la technologie, les politiques, la culture, les institutions et les marchés impliqués à toutes les étapes de la chaîne de valeur. À l’aide d’indicateurs scientifiques, elle mesure : les impacts ; des indicateurs spécifiques aux services écosystémiques nécessaires pour compléter les outils de mesure de la biodiversité existants ; la comptabilité nationale et d’autres systèmes comptables  ; ainsi que de nouvelles méthodes de mesure macroéconomique tenant compte de la valeur des services écosystémiques.

En outre, l’initiative TEEB comprend un axe de travail intitulé « TEEB pour l’agriculture et l’alimentation » (TEEB for Agriculture and Food  –  TEEBAgFood), qui prend en considération les bénéfices et les coûts dissimulés de l’agriculture et des systèmes alimentaires. Cela inclut les impacts sur la qualité de l’eau, les

Page 43: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

27

APPROCHES ET OUTILS VISANT à MESURER LES EXTERNALITÉS ET CONSÉQUENCES ENVIRONNEMENTALES DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES, ET BONNES PRATIQUES PERMETTANT DE LES SURMONTER

émissions et l’innocuité des produits alimentaires, qui ne sont généralement pas pris en compte et sont donc invisibles sur le plan économique. En outre, les analyses incluent les systèmes sociaux, économiques et politiques ; elles portent sur toutes les étapes de la chaîne de valeur, et pas uniquement sur la phase agricole. Par exemple, les impacts des modes de consommation sur la santé sont également analysés. TEEBAgFood a été appliqué aux chaînes de valeur de l’élevage, du riz et du maïs (TEEB, 2015). Toutefois, l’initiative TEEB se concentre avant tout sur les liens entre biodiversité et agriculture. On lui a donc reproché de ne pas prendre en compte le contexte global de l’agriculture durable et résiliente.

L’analyse de scénario ciblée (Targeted Scenario Analysis – TSA) a été créée par le PNUD en 2013 ; elle est en adéquation avec l’initiative TEEB, mais offre un cadre plus récent et élargi. Selon Alpizar et Bovarnick (2013), « la TSA intègre et présente la valeur

des services écosystémiques dans les processus de prise de décision, afin de montrer l’intérêt économique d’opter pour des investissements et des politiques durables  », et peut être appliquée aux chaînes de valeur de l'élevage et agricoles. Grâce à la TSA, les experts qui travaillent avec les gouvernements et les entreprises privées peuvent générer et présenter des données concernant la gestion des écosystèmes qui sont plus adaptées aux choix que doivent faire les décideurs (Alpizar et Bovarnick, 2013). Concrètement, un analyste TSA présente les résultats d’un scénario de maintien du statu  quo et d’interventions de gestion durable des écosystèmes, qui sont évalués au moyen de quatre types de critères (financier, économique, liés à l’emploi et à l’équité) et de leurs indicateurs associés. Par exemple, le critère financier peut être mesuré au moyen de l’évolution de la productivité, du chiffre d’affaires annuel, des coûts d’investissement et du coefficient d’endettement. Les meilleurs indicateurs permettent de montrer les changements que le

©Kate H

olt/AusA

ID

Page 44: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

28

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

scénario de maintien du statu quo et les interventions de gestion durable des écosystèmes peuvent apporter pour chaque critère. Le produit final de la TSA consiste en une présentation équilibrée des différentes conclusions, qui montre au décideur les avantages et les inconvénients d’un mode de développement durable et résilient (Alpizar & Bovarnick, 2013).

Obstacles liés aux outils de mesure, aux données et à la recherche en Afrique subsaharienne

En Afrique subsaharienne, l’utilisation des outils de mesure, le recueil des données, la compilation de statistiques et la recherche se heurtent à de nombreuses difficultés. Ces dernières sont en partie dues au fait que beaucoup d’agriculteurs et d’autres acteurs de la chaîne de valeur évoluent dans le secteur informel, ainsi qu’à d’autres éléments liés aux défis généraux que rencontre la recherche dans la région. D’une part, bien souvent, divers outils ou approches conçus pour mesurer les mêmes externalités et conséquences environnementales produisent des conclusions ou des résultats différents. En réalité, les données et les résultats sont souvent générés dans l’intérêt de l’institut de recherche ou de l’organisme qui commande l’étude et sont donc faussés. Il est indispensable d’harmoniser les outils dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, et ce, à plusieurs niveaux.

D’autre part, les travaux de recherche scientifique menés en Afrique subsaharienne se heurtent à un problème récurrent  : les petits exploitants ne s’approprient pas assez les projets de recherche et n’y prennent pas suffisamment part. Il a été signalé à plusieurs reprises que des agriculteurs avaient «  fait l’objet d’une expérimentation sociale  ». D’un autre côté, les outils encourageant la durabilité doivent être mis au point en coopération avec les utilisateurs finaux, en assurant un renforcement des capacités pour garantir qu’ils sachent comment l’utiliser.

Enfin, en Afrique subsaharienne, des obstacles entravent non seulement la production et l’utilisation de données, mais également l’accès à ces dernières et leur recoupement. En outre, les mécanismes de surveillance des données sont insuffisants,

77 Ce paragraphe repose sur les différentes informations recueillies lors de l’atelier de validation par des spécialistes du PNUD/FEM, organisé à Debre Zeyit, en Éthiopie, les 9 et 10 mai 2017.

78 La Note pratique (2015) intitulée « Évaluation des risques liés au changement climatique dans les projets relatifs à des filières » fait la même distinction. Selon cette Note pratique, les interventions climatiques efficaces incluent les trois éléments suivants : 1) la diversification, soit l’intégration d’un vaste éventail d’options pour élargir le portefeuille de moyens de subsistance, d’activités de production agricole et de gestion environnementale des agriculteurs, comme stratégie de gestion des risques ; 2) la résistance aux aléas climatiques, c’est-à-dire l’intégration d’interventions visant spécifiquement à rendre les étapes essentielles de la chaîne de valeur plus résilientes face au changement climatique, d’une manière qui apporte aux exploitants agricoles des avantages du point de vue des moyens de subsistance et de la résilience ; 3) l’efficience du circuit d’approvisionnement, qui se rapporte à l’établissement de mesures, telles que la réduction des gaspillages, qui améliorent l’efficience, accroissent la rentabilité des exploitations agricoles et des PME de la chaîne de valeur, et génèrent parallèlement des avantages en matière d’atténuation (FIDA, 2015). Ces mesures climatiques peuvent évidemment être adaptées au contexte global de durabilité environnementale et de résilience (voir Annexes, tableau A2).

79 On fait souvent la distinction entre activités agricoles et non agricoles, bien que certains appellent à une diversification unifiée fondée sur une division spatiale et sectorielle (Barret, 2001, cité par la FAO, 2016a).

en particulier à l’échelle locale, niveau auquel la mise en œuvre d’outils ou d’approches fondés sur la fourniture de données spécifiques doit se faire. Souvent, ceci est dû à un manque de capacités des exploitants et de capacités institutionnelles. Par ailleurs, la fragmentation ministérielle, qui n’incite pas au partage des données, aggrave le problème. On manque également d’études de référence, ce qui freine la production de données77.

Lignes d’action et techniques favorisant la création de chaînes de valeur alimentaires durables et résilientes

Trois lignes d’action favorisant le développement de chaînes de valeur alimentaires durables et résilientes

Pour que les petits producteurs parviennent à sortir de la pauvreté et à renforcer leur résilience sans nuire à l’environnement, il est nécessaire de combiner des interventions et des mesures techniques au niveau socio-économique ou institutionnel  (Harris & Orr, 2014). La présente étude recense trois lignes d’action permettant de créer des chaînes de valeur alimentaires durables et résilientes78 :

1 La diversification des activités agricoles  : cette stratégie consiste à conserver plusieurs sources de production et à varier les cultures dans les différents paysages agricoles et au fil du temps. La diversification des activités agricoles peut être temporelle  (p.  ex., rotation des cultures) ou spatiale  (p.  ex., culture intercalaire ou exploitation mixte). Ces types de diversification sont utilisés à l’échelle d’un terrain ou de l’exploitation (contrairement à la diversification des activités non agricoles évoquée au troisième alinéa ci-après)79. Ils permettent aux agriculteurs de s’adapter au changement climatique et à la variabilité du climat, et d’améliorer la productivité de leurs moyens de subsistance.

Page 45: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

29

Des systèmes agricoles diversifiés renforcent la résilience de nombreuses façons, notamment en éliminant les nuisibles et les maladies, en augmentant la production et en protégeant du changement climatique. Le concept de «  systèmes agroécologiques diversifiés  », inventé par le Groupe international d’experts sur les systèmes alimentaires durables  (IPES-Food), est très proche de la notion de « diversification ». Gliessman (2007) définit « l’agroécologie » comme «  la science de l’application des concepts et principes écologiques à la conception et à la gestion de systèmes alimentaires durables  ». L’adoption de «  systèmes agroécologiques diversifiés  » nécessite donc d’abandonner l’agriculture industrielle caractérisée par la monoculture et la dépendance aux intrants chimiques. Même si la plupart des systèmes agricoles d’Afrique subsaharienne incluent différentes formes d’agriculture paysanne ou de subsistance, les systèmes agroécologiques diversifiés peuvent s’appliquer aussi bien aux petits producteurs qu’aux exploitations industrielles. Concrètement, cela signifie utiliser des variétés et des espèces adaptées aux conditions locales, recourir à des systèmes et à des techniques améliorant l’efficacité de la main d’œuvre, maximiser les diverses productions et employer peu d’intrants externes. Fondamentalement, il s’agit de repenser les systèmes agricoles pour optimiser la biodiversité, stimuler des écosystèmes en bonne santé et garantir les moyens de subsistance. Il a été prouvé qu’en matière de production, ces systèmes pouvaient rivaliser avec ceux de l’agriculture industrielle (IPES-Food, 2016).

2 L’intensification durable de l’agriculture  : cette stratégie associe les meilleures pratiques afin d’optimiser la production à partir des intrants – y compris les terres, l’eau et les engrais – et d’améliorer les moyens de subsistance des agriculteurs, tout en réduisant au maximum les externalités et conséquences négatives comme la pollution ou la déforestation. En d’autres termes, cela signifie utiliser plus efficacement les terres disponibles, ce qui nécessite souvent d’accéder à des semences, des variétés et des technologies nouvelles. Dans certains cas, «  l’extensification  », qui désigne l’acquisition de nouvelles terres par les agriculteurs pour augmenter la taille de leur exploitation, est également un moyen viable de sortir de la pauvreté ; toutefois, en Afrique subsaharienne, il est très difficile d’agrandir les fermes existantes sans compromettre fortement les ressources naturelles  (p.  ex., déforestation) (Liniger et al., 2011). Bien que l’intensification durable soit un moyen prometteur de renforcer la sécurité alimentaire, la durabilité environnementale et la résilience, elle ne doit pas se limiter aux technologies de production descendantes  ; il convient d’adopter une approche globale tenant notamment compte des solutions, pratiques et savoirs autochtones  (AGRA, 2016). Cela implique, entre autres, une meilleure utilisation des semences et engrais améliorés. Par ailleurs, dans une étude récente, Rockström et al.  (2016)

affirment qu’il est nécessaire d’utiliser les principes durables comme point de départ de l’amélioration de la productivité, contrairement à l’ancien paradigme consistant à améliorer la productivité agricole tout en réduisant ses impacts environnementaux. En résumé, les auteurs suggèrent «  d’ajouter une nouvelle dimension au développement agricole durable, notamment en gérant le capital naturel de manière à favoriser une productivité à long terme et une résilience socio-écologique à l’échelle des champs, des bassins hydrographiques et des régions, dans des systèmes agricoles fonctionnant dans les limites planétaires, et ce afin de protéger le système terrestre ». Selon cette approche, l’intensification durable de l’agriculture exige de comprendre le contexte politico-économique de la commercialisation de la nourriture et de la fixation des prix, ainsi que l’économie marchande tout au long de la chaîne de valeur, de l’exploitation agricole au consommateur (Rockström et al., 2016).

3 La diversification des moyens de subsistance non agricoles et des marchés  : le passage à des chaînes de valeur alimentaires durables et résilientes nécessitera de mettre en œuvre d’autres solutions que celles axées sur la production, évoquées dans les deux paragraphes précédents. Une troisième ligne d’action majeure consiste à recourir à des moyens de subsistance non agricoles et à diversifier les marchés (p. ex., diversifier les sources de revenus en exerçant un emploi salarié dans d’autres exploitations) à l’échelle du territoire. Riisgaard et al.  (2010) appellent cette stratégie «  amélioration fonctionnelle  », la définissant comme «  une situation dans laquelle les producteurs occupent une nouvelle fonction dans la chaîne de valeur, soit en exerçant des activités en aval (p. ex., calibrage, transformation, regroupement des produits, transport ou publicité) ou en amont (fourniture de services, notamment financiers, ou d’intrants). L’amélioration fonctionnelle entraîne généralement une intégration verticale  (fait pour un acteur d’occuper plusieurs fonctions dans la chaîne de valeur), sauf quand le producteur décide d’abandonner la production primaire pour se concentrer sur sa nouvelle fonction » (Riisgaard et al., 2010, p. 198). Cela peut aider les ménages à se protéger des chocs économiques, environnementaux ou climatiques. Par ailleurs, le surplus de nourriture produite, dû à l’abandon de l’agriculture de subsistance grâce à la diversification des activités, peut être vendu. Par conséquent, des liens doivent être établis entre les fournisseurs d’intrants, les petits producteurs, les transformateurs et les marchés rémunérateurs. La diversification des marchés grâce à la commercialisation consiste à améliorer l’accès des petits exploitants aux marchés et aux chaînes de valeur alimentaires. Indirectement, il s’agit d’une stratégie durable, voire à l’épreuve du changement climatique, car elle permettrait d’améliorer les revenus et de renforcer la résilience des petits producteurs face aux chocs météorologiques  (Harris & Orr, 2014). Pour y parvenir, il est

APPROCHES ET OUTILS VISANT à MESURER LES EXTERNALITÉS ET CONSÉQUENCES ENVIRONNEMENTALES DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES, ET BONNES PRATIQUES PERMETTANT DE LES SURMONTER

Page 46: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

30

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

nécessaire de mettre en place des mesures incitatives et des moyens de les mettre en application. Ces mesures peuvent venir, par exemple, du secteur public, qui s’intéresse aux questions de politiques tarifaires, d’achats publics, d’innocuité des aliments et de normes alimentaires, d’adéquation du crédit et des infrastructures  (CSM, 2016). En résumé, il faut donner aux petits exploitants les moyens de s’affranchir des pratiques agricoles non durables, de renforcer leur résilience et de protéger leurs moyens de subsistance. L’autonomisation doit se produire en parallèle de la sortie de la pauvreté.

Ces trois lignes d’action forment un fil rouge tout au long des deux chapitres suivants, dans lesquels elles deviendront plus concrètes grâce à la présentation d’exemples et d’études de cas provenant de pays d’Afrique subsaharienne. Les deux premières

lignes d’action  –  la diversification des activités agricoles et l’intensification durable de l’agriculture  –  sont fortement axées sur la production et se rapportent plus particulièrement au chapitre  3, qui examine les bonnes pratiques. Ces deux lignes d’action reposent sur des options techniques et des actions concrètes, mais ne s’arrêtent pas là  : elles promeuvent un changement de paradigme qui considère la durabilité comme point de départ du développement agricole. Enfin, la troisième option – la diversification des moyens de subsistance non agricoles et des marchés – vise à créer des liens entre les exploitants, les autres acteurs de la chaîne de valeur et les marchés. Bien que cette stratégie soit également évoquée dans le chapitre 3, elle sera surtout examinée dans le chapitre 4, qui porte sur les mesures d’incitation et les mécanismes de mise en application visant à modifier les comportements.

©Jam

es Kwam

e/PNU

D Som

alie

Page 47: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

31

Différentes techniques permettant de renforcer la durabilité environnementale et la résilience des chaînes de valeur alimentaires

Pour mettre en œuvre ces grandes lignes d’action, il convient d’entreprendre des actions concrètes permettant d’éviter les externalités et conséquences négatives et de créer des chaînes de valeur agroalimentaires durables et résilientes. Ces techniques et interventions sont variées  : il s’agit aussi bien d’actions spécifiques visant à renforcer la résilience face au changement climatique  (p.  ex., équipements de stockage résistant davantage à la chaleur) que d’évolutions majeures porteuses de transformation et de diversification (p. ex., changement radical des systèmes agricoles ou des régimes alimentaires).

Il existe de nombreuses approches et pratiques reconnues favorisant une « agriculture durable et résiliente » et pouvant être rassemblées sous le qualificatif d’«  agriculture durable  ». Tout comme le «  développement durable  », l’agriculture durable apporte des avantages sociaux, environnementaux et économiques. Cette approche part du principe que les systèmes agricoles doivent favoriser la conservation des ressources et le développement social, être compétitifs sur le plan commercial et respectueux de l’environnement (Ikerd, 1990, cité par Knaepen et  al., 2015). L’agriculture durable inclut des pratiques axées spécifiquement sur les systèmes agricoles (p. ex., intensification durable), mais aussi des mesures se rapportant à des approches globales  (p.  ex., gestion intégrée des paysages). Certaines pratiques appuient une agriculture plus naturelle, comme l’agroécologie, tandis que d’autres encouragent une agriculture tournée vers la technologie, comme l’agriculture de précision80. Toutefois, la plupart de ces pratiques sont spécifiques au contexte et évoluent au fil du temps en fonction des nouveaux problèmes émergents et des découvertes scientifiques81.

Lors de la recherche des meilleures approches, techniques et pratiques possible dans les différents contextes et scénarios africains, il est indispensable de développer des complémentarités entre les nombreuses méthodes existantes tout en cherchant à acquérir de nouveaux savoirs et en évitant de s’enfermer dans des débats concernant les définitions et les limites des différentes approches  (Neely et Dixon, 2006, cités par Knaepen et al., 2015). Les paragraphes ci-après présentent trois grandes approches comprenant plusieurs techniques et

80 Se reporter au glossaire pour consulter les définitions de ces approches.81 Voir : http://www.pablotittonell.net/2016/06/green-sustainable-smart-or-ecological/. Pablo Tittonell critique les nombreux néologismes créés pour souligner la

nécessité d’un nouveau modèle agricole mondial. 82 La 68e session de l’Assemblée générale des Nations Unies a proclamé 2015 Année internationale des sols afin d’attirer l’attention de la communauté internationale

sur l’importance d’une gestion durable des sols. Les sols représentent un important puits de méthane : ils peuvent stocker plus de 4 000 milliards de tonnes de carbone, alors que les forêts et l’atmosphère ne stockent respectivement que 360 milliards et 800 milliards de tonnes. En outre, la perte de carbone et d’azote réduit la matière organique du sol, en particulier l’humus, qui améliore considérablement les capacités de rétention d’eau du sol, renforce la résistance naturelle des cultures aux maladies et augmente le potentiel de rendement total. Plusieurs pratiques de gestion et techniques agricoles permettent de régénérer la structure du sol et d’attirer des organismes bénéfiques dans son réseau trophique (voir : http://www.fao.org/soils-2015/fr/).

favorisant le développement de chaînes de valeur alimentaires durables et résilientes.

1 La gestion durable des terres  (GDT) consiste selon GCP et al. (2015) à « gérer une portion de terrain – exploitations agricoles, forêts de production, aires protégées  –  de manière durable et résiliente. Il est nécessaire d’appliquer les techniques de gestion durable des terres à différents terrains pour créer des paysages durables  »  (GCP et  al., 2015). La gestion durable des terres se compose de plusieurs pratiques qui contribuent à préserver et à améliorer les services écosystémiques dans tous les systèmes d’utilisation des terres. C’est un volet important de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification, qui applique les pratiques de gestion durable des terres aux terres arables, aux terres irriguées et aux parcours des régions arides. Ces pratiques permettent de produire davantage sur le même terrain, tout en utilisant plus efficacement les ressources et en réduisant les externalités et conséquences environnementales négatives. La liste des principales interventions est longue et l’on peut globalement les répartir en trois grandes catégories de techniques de gestion :

• La gestion améliorée de l’eau, qui consiste notamment à préparer le sol, à choisir les cultures et à planifier la plantation de manière appropriée afin de réduire le ruissellement et d’utiliser les ressources hydriques disponibles, même en l’absence d’irrigation. Pour remédier aux problèmes d’eau au niveau de la production végétale dans les petites exploitations, il est possible de recourir à l’irrigation et à d’autres pratiques de gestion de l’eau, et d’utiliser des variétés diversifiées et résistantes à la sécheresse, en fonction du contexte local.

• La gestion améliorée des sols82, qui implique notamment de veiller à ce que les agriculteurs n’utilisent pas trop d’engrais et de favoriser la rotation des cultures, les cultures intercalaires avec des légumineuses, un travail limité du sol et l’utilisation des résidus agricoles. Le travail minimum du sol et la conservation des résidus agricoles, en particulier, permettent souvent de réduire l’érosion des sols ainsi que les émissions de GES et de renforcer la fertilité du sol, et peuvent augmenter les rendements. Pour beaucoup de petits producteurs d’Afrique subsaharienne, la rotation des cultures et la culture intercalaire, ainsi que l’utilisation de fumiers organiques et de petites quantités d’intrants de synthèse précis, augmentent

APPROCHES ET OUTILS VISANT à MESURER LES EXTERNALITÉS ET CONSÉQUENCES ENVIRONNEMENTALES DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES, ET BONNES PRATIQUES PERMETTANT DE LES SURMONTER

Page 48: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

32

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

souvent les rendements agricoles et la rentabilité financière des intrants investis, tout en améliorant la stabilité du système alimentaire.

• La lutte intégrée améliorée contre les nuisibles (y compris les maladies et les mauvaises herbes), qui repose principalement sur des interventions favorisant une bonne santé des cultures et limitant les invasions de parasites. Cette technique est de plus en plus efficace et de mieux en mieux acceptée par les agriculteurs  (Reynolds et  al., 2015). Bien entendu, plusieurs approches recourent à ces techniques. La gestion améliorée des sols fait partie intégrante des techniques d’agroécologie, mais est aussi un principe de l’agriculture respectueuse des écosystèmes.

Les techniques de gestion durable des terres permettent également de remédier aux problèmes de résilience, y compris aux conséquences du changement climatique, tout en préservant l’intégrité des écosystèmes afin qu’ils continuent de fournir les biens et services dont l’agriculture dépend (CDE, 2009). Il est nécessaire d’appliquer les techniques de gestion durable des terres à différents terrains pour créer des paysages durables. Néanmoins, la gestion durable des terres se concentre généralement sur un site et sur des groupes d’acteurs précis, plutôt que sur l’ensemble du paysage.

2 La gestion intégrée des paysages va plus loin  : elle considère l’ensemble du paysage comme un moyen de concrétiser les principes définis dans les objectifs de

83 Voir : http://www.unep.org/stories/story/landscape-approach-development.

développement durable des Nations Unies  (GCP et  al., 2015). La notion « d’approche paysagère » n’est pas nouvelle. Pourtant, ces dernières années, son importance n’a cessé de croître et elle est devenue l’un des principaux thèmes des discours politiques nationaux et internationaux. Ceci est dû au fait que cette approche s’appuie sur l’aménagement de l’ensemble du paysage ou de l’écosystème local pour élaborer des projets de développement, ce qui contraste avec les approches sectorielles  (p.  ex., axées sur l’eau, la santé, l’agriculture)83. L’approche paysagère offre des outils permettant d’affecter et de gérer les terres afin d’atteindre des objectifs économiques, sociaux et environnementaux dans des régions où l’agriculture et d’autres utilisations productives des terres concurrencent les objectifs liés à l’environnement et à la biodiversité. Les données montrent que la régénération naturelle gérée par les agriculteurs contribue à la sécurité alimentaire en augmentant le fourrage des animaux, en réduisant la perte de couches arables fertiles et en améliorant les revenus. La diversification des moyens de subsistance locaux favorise l’adaptation à la variabilité du climat. L’approche paysagère, initialement créée par des ONG de conservation et de protection de la biodiversité, est de plus en plus utilisée par les gouvernements et la communauté scientifique. La simplicité des pratiques de gestion intégrée des paysages contribue à leur succès. En Afrique, par exemple, les partenaires de développement encouragent les agriculteurs nigériens à poursuivre leurs pratiques traditionnelles de gestion des forêts, qui favorisent la repousse à partir de souches d’arbres  (la

©M

arco Dorm

ino/UN

Photo

Page 49: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

33

APPROCHES ET OUTILS VISANT à MESURER LES EXTERNALITÉS ET CONSÉQUENCES ENVIRONNEMENTALES DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES, ET BONNES PRATIQUES PERMETTANT DE LES SURMONTER

«  régénération naturelle gérée par les agriculteurs  »). La gestion intégrée des paysages est considérée comme un moyen concret d’atteindre des objectifs de développement durable qui se recoupent, et devrait inciter les partenaires de développement, les investisseurs et les gouvernements à appuyer en priorité le développement intégré local ou adapté au contexte, plutôt que le développement sectoriel (Thaxton, 2015).

3 L’agriculture intelligente face au climat (AIC) est un concept plus récent, qui vise spécifiquement à lutter contre les impacts négatifs du changement climatique, tandis que la gestion durable des terres et la gestion intégrée des paysages prennent en considération les contraintes subies par l’environnement au sens large  (p.  ex., les effets de la pollution). Ce concept développé par la FAO en 2010 est une approche globale qui «  intègre les trois dimensions du développement durable en ciblant à la fois les défis de la sécurité alimentaire et du changement climatique. Il se compose de trois piliers principaux : 1) augmentation durable de la productivité et des revenus agricoles ; 2) adaptation et renforcement de la résilience au changement climatique  ; 3)  réduction des émissions et/ou absorption de gaz à effet de serre où cela est possible » (FAO, 2013, citée par Knaepen et  al., 2015). Il existe un vaste éventail de techniques et de pratiques «  intelligentes face au climat  », certaines d’entre elles contribuant à la sécurité alimentaire, à l’adaptation au

84 Voir : http://simlesa.cimmyt.org/. 85 Voir : https://csa.guide/csa/systems-approaches#article-19.

changement climatique ou à l’atténuation de ses effets, et pouvant être mises en œuvre à l’échelle des exploitations, des paysages ou au niveau institutionnel/politique, comme le montre le tableau A4 en annexe. L’agroforesterie, par exemple, est un système global et climatiquement rationnel qui associe la production à court terme à partir des activités agricoles, y compris les cultures et les pâturages, et la production à long terme grâce aux arbres plantés sur la même parcelle. Les pratiques d’agriculture intelligence face au climat nécessitent des connaissances poussées et des services de vulgarisation solides de grande qualité. Le capital social, les biens publics et les actifs privés sont également des conditions préalables essentielles84. En outre, le Programme sur le changement climatique, l’agriculture et la sécurité alimentaire  (CCAFS) du Consortium des centres internationaux de recherche agronomique  (CGIAR) a élaboré un guide sur l’agriculture intelligente face au climat, qui souligne que la voie à suivre consiste à adopter une approche systémique, incluant l’ensemble des paysages et des écosystèmes, ainsi qu’une approche axée sur la chaîne de valeur : « [...] il est important de favoriser les synergies entre les différents éléments du système, d’analyser les compromis à réaliser et d’agir en conséquence, et de mener une analyse coûts-avantages »85.

Dans le chapitre  3, ces techniques seront illustrées par des études de cas concrètes provenant de pays d’Afrique subsaharienne.

©M

arco Dorm

ino/UN

Photo

Page 50: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

Principales externalités et conséquences environnementales des chaînes de valeur sélectionnées et bonnes pratiques permettant d’y faire face

CHAPITRE 3

Page 51: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

35

PRINCIPALES EXTERNALITÉS ET CONSÉQUENCES ENVIRONNEMENTALES DES CHAÎNES DE VALEUR SÉLECTIONNÉES ET BONNES PRATIQUES PERMETTANT D’Y FAIRE FACE

LES SIX CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES sélectionnées, à savoir celles de l’élevage  (axée sur la viande et les produits laitiers), du riz, du manioc, du maïs,

des légumes secs et de la mangue, ont été choisies en fonction de leur importance socio-économique et politique  (voir chapitre  1), mais aussi en fonction des externalités et conséquences environnementales négatives générées tout au long de la chaîne, y compris les émissions de GES, les effets sur la biodiversité ou le patrimoine écosystémique (terres, qualité des sols, eau [précipitations ou irrigation]). Les externalités et conséquences environnementales examinées concernent les

86 Il convient de noter que les réflexions sur les bonnes pratiques proposées dans ce chapitre concernent principalement la phase de production. Par exemple, dans le paragraphe relatif à l’élevage, la phase de postproduction n’est pas évoquée. Le chapitre 4 donne un aperçu des options permettant de surmonter certains obstacles spécifiques à la phase de postproduction, tels que les problèmes de transport (caractéristiques du secteur de la viande et des produits laitiers).

87 Les chaînes de valeur examinées sont de taille petite (p. ex., le manioc) ou étendue (p. ex. la mangue), mais cette distinction n’est pas toujours faite dans ce chapitre, car ces considérations sortent du cadre de cette étude. Les externalités et conséquences environnementales négatives affectent tous les types de chaînes de valeur, à des niveaux d’intensité variables. D’autres travaux de recherche peuvent s’intéresser de plus près aux différents impacts des chaînes de valeur en fonction de leur taille.

trois étapes de la chaîne de valeur : préproduction, production et postproduction. Cependant, selon les informations disponibles et l’intérêt qu’elle présente, ce chapitre peut se concentrer sur une étape précise86. En outre, les risques liés au changement climatique et la variabilité du climat sont également abordés pour chaque chaîne de valeur, car ces éléments peuvent aider à déterminer les investissements susceptibles d’améliorer les moyens de subsistance. Chaque partie examine les effets du changement climatique et de la variabilité du climat sur les activités de la chaîne de valeur concernée, mais aussi la manière dont ces dernières y contribuent87.

Toutes les activités des six chaînes de valeur alimentaires examinées – celles de l’élevage (axée sur la viande et les produits laitiers), du riz, du manioc, du maïs, des légumes secs et de la mangue – entraînent des externalités et conséquences environnementales négatives, à des niveaux d’intensité variables. Les impacts les plus persistants sont les émissions de GES, la perte de biodiversité, la dégradation des sols, l’épuisement des ressources en eau et les pertes après récolte. La plupart des effets se produisent lors de la phase de production ; bien souvent, ils sont dus à la monoculture et à l’accès limité aux intrants biologiques. Un certain nombre de facteurs peuvent expliquer la variabilité des externalités et des conséquences engendrées, notamment le type de culture ou d’élevage, la géographie, le type de chaîne de valeur (de taille petite ou étendue), le degré d’appartenance au secteur formel (ou informel) de la chaîne de valeur, le niveau d’accès à l’information de l’agriculteur, etc. De manière générale, les émissions de GES issues de l’élevage sont particulièrement néfastes, tandis que la culture des légumes secs et du manioc présente une empreinte écologique relativement faible.

Malgré les nombreux obstacles rencontrés, les études de cas présentées montrent qu’il existe en Afrique subsaharienne un éventail de bonnes pratiques fondées sur l’intensification durable et la diversification des activités agricoles (p. ex., la culture intercalaire ou la rotation des cultures) qui permettent de réduire les externalités et conséquences environnementales. L’adoption de nouvelles techniques reste toutefois lente et limitée. Ceci est dû au fait que les agriculteurs disposant de ressources restreintes ne peuvent pas toujours fournir l’apport de main-d’œuvre qu’exigent ces pratiques (comme dans le cas de l’intensification durable de la culture du riz). En outre, il reste difficile de mesurer les conséquences environnementales, les impacts du changement climatique et la variabilité du climat tout au long des chaînes de valeur ; les connaissances demeurent donc incomplètes. Par ailleurs, les agriculteurs se heurtent à un problème persistant d’accès aux intrants biologiques, aux nouvelles technologies, à l’information et aux marchés.

Des efforts plus importants doivent être entrepris afin de faciliter la transition et de placer la durabilité au cœur du développement agricole. Il convient pour ce faire d’améliorer l’adoption de bonnes pratiques, ce qui nécessite de renforcer le capital social qui fait défaut dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne. Il est également important d’investir davantage dans la recherche – pas seulement dans la découverte de variétés plus résistantes et de meilleure qualité, mais aussi dans l’apprentissage transnational.

MESSAGES CLÉS

Page 52: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

36

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

Pour chaque chaîne de valeur, ce chapitre  présente les externalités et conséquences environnementales négatives les plus importantes et recommande des actions pour y faire face, qui peuvent être regroupées en deux grandes catégories décrites dans le chapitre  2  : l’intensification durable de l’agriculture et la diversification des activités agricoles. Des études de cas, présentées dans des encadrés, sont également examinées ; elles concernent les 12  pays sélectionnés pour l’API du FEM  : cinq pays d’Afrique de l’Ouest (Burkina Faso, Ghana, Niger, Nigéria et Sénégal), cinq pays d’Afrique de l’Est (Burundi, Éthiopie, Kenya, Ouganda et Tanzanie) et deux pays d’Afrique australe (Malawi, Swaziland), l’accent étant mis sur les zones arides de ces pays.

Ce chapitre se conclut par un tableau récapitulant les principales conclusions pour chaque chaîne de valeur.

La chaîne de valeur de l’élevage : gros plan sur les ruminants destinés à la production de viande et de lait

Principales externalités et conséquences environnementales de la chaîne de valeur de l’élevage

En Afrique subsaharienne, l’élevage s’inscrit dans un large éventail de systèmes agricoles  : extensifs  (par exemple le pâturage dans le cas des ruminants ou la recherche de nourriture dans le cas de la volaille et des porcs), intensifs (dans lesquels des milliers d’animaux sont nourris au moyen de rations alimentaires concentrées dans des installations confinées), et de nombreux autres systèmes intermédiaires. Cette diversité des systèmes d’élevage entraîne différentes externalités et conséquences positives et négatives.

Dans cette région, les systèmes d’élevage prédominants sont les petites exploitations mixtes  (cultures-élevage) et pastorales  (élevage uniquement)  (voir tableau 1  ; Thornton et Herrero, 2015), ces dernières étant principalement présentes dans les zones arides.

En Afrique subsaharienne, le développement de l’industrie laitière par les petits exploitants n’en est qu’à ses balbutiements.

88 Responsables de 75 % des émissions mondiales dues aux bovins et autres ruminants et de 56 % de celles causées par les volailles et les porcs, les pays en développement affichent le taux le plus élevé d’émissions de gaz à effet de serre générées par l’élevage (Herrero et al., 2013).

89 D’après une étude publiée en 2008 par le prix Nobel Paul J. Crutzen, la quantité d’émissions de N2O imputables aux engrais azotés dans l’agriculture a été largement sous-estimée, car elles ont vraisemblablement été classées parmi les émissions terrestres et océaniques dans les données de l’Agence de protection de l’environnement. Les niveaux atmosphériques ont augmenté de plus de 15 % depuis 1750 (Crutzen et al., 2008).

À l’heure actuelle, son impact sur l’environnement n’est pas un sujet de préoccupation au niveau local, mais il devrait l’être. Aussi est-il extrêmement urgent de renforcer l’éducation relative à l’amélioration de l’efficacité de la production dans ces systèmes à petite échelle.

émissions de gaz à effet de serre (GeS)

Le secteur de l’élevage contribue dans une large mesure à l’empreinte écologique mondiale, mais ses externalités et conséquences négatives diffèrent au sein des différentes zones agronomiques. Dans le secteur agricole, la plupart des émissions à l’échelle mondiale sont dues à l’élevage (environ 14,5 % de la totalité des émissions de GES dans le monde) et se composent essentiellement de méthane et de protoxyde d’azote (N2O) (TEEB, 2015)88. Bien que le fumier des animaux d’élevage, et dans une moindre mesure, la production de matières premières, constituent des sources directes d’émissions agricoles de N2O, celles-ci sont davantage causées par l’oxydation intensive des fertilisants agricoles que par le secteur de l’élevage lui-même89.

Élevés à la fois pour leur viande et pour leur lait, les bovins sont généralement l’espèce animale responsable de la plupart des émissions, représentant environ 65 % de celles imputables au secteur de l’élevage. Il existe deux principales sources d’émissions de GES, générées lors des étapes de préproduction et de production : pour une large part, la production d’aliments, comprenant le traitement, le transport et le changement d’affectation des terres  ; d’autre part, la production animale, notamment la fermentation entérique (digestion et éructation des ruminants), le stockage et le traitement du fumier, ainsi que la consommation d’énergie nécessaire à ce traitement (Gerber et al., 2013) (voir Annexes, encadré A4 pour des données plus détaillées sur les émissions de GES dues au secteur de l’élevage). En Afrique subsaharienne, la plupart des émissions de GES sont causées par cette deuxième source, car le nourrissage au grain et le traitement industriel des produits de l’élevage sont peu répandus.

Les types d’émissions et de productions animales varient considérablement d’une région du monde à une autre. Les différences reposent sur la part respective occupée par les ruminants dans la totalité du secteur de l’élevage et sur l’intensité des émissions propres à chaque produit. L’Amérique latine et les Caraïbes affichent le plus fort taux d’émissions  (environ 1,3  gigatonne d’équivalent CO2)  et l’Asie orientale arrive en deuxième position  (plus de 1 gigatonne d’équivalent CO2). L’Amérique du Nord et l’Europe occidentale produisent des quantités similaires d’émissions de GES  (plus

Page 53: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

37

PRINCIPALES EXTERNALITÉS ET CONSÉQUENCES ENVIRONNEMENTALES DES CHAÎNES DE VALEUR SÉLECTIONNÉES ET BONNES PRATIQUES PERMETTANT D’Y FAIRE FACE

de 0,6 gigatonne d’équivalent CO2), tandis que l’Afrique subsaharienne représente environ la moitié des émissions de ces deux dernières régions (plus de 0,3 gigatonne d’équivalent CO2)  (Gerber et  al., 2013)90. L’Afrique subsaharienne produit certes moins d’émissions que d’autres régions du monde. Cependant, si les systèmes d’élevage y sont caractérisés par une faible productivité, ils présentent également de plus fortes intensités d’émissions de GES. Ce phénomène s’explique par : la mauvaise qualité de l’alimentation animale ; sa rareté ; le faible potentiel de productivité des animaux, destinés à l’élevage mais également souvent utilisés pour leur puissance de traction et pour pallier les aléas des ménages ; la médiocre digestibilité de la nourriture ; la moindre efficacité des pratiques dans la gestion des troupeaux et l’insuffisance des performances reproductives. En raison de la piètre qualité du fourrage dans les régions pauvres, une vache peut en effet y consommer dix fois plus de nourriture  (essentiellement des graminées) pour produire un kilogramme de protéines, qu’une autre élevée dans des régions plus riches (Gerber et al., 2013). Ainsi, dans des pays tels que l’Éthiopie et la Somalie, les bovins comptabilisent jusqu’à 1 000 kg de carbone pour chaque kilo de protéines produites,

90 Voir Annexes, figure A8 pour une vue d’ensemble de la production animale et des émissions mondiales de GES causées par l’élevage, par produit et par région (Gerber et al., 2013).

91 Bien que l’intensité des émissions dues à la production de lait et de viande des ruminants diffère considérablement (respectivement de 12 à 140 kg et de 58 à jusqu’à plus de 1 000 kg d’équivalent CO2 par kilo de protéine alimentaire animale), elle tend à diminuer à mesure que l’alimentation s’améliore (fig. 5 C et D), jusqu’à ce que l’intensité des émissions des deux produits devienne comparable (Herrero et al., 2013).

sous forme de méthane issu de la fermentation entérique et du fumier, mais aussi en raison d’une plus faible absorption du dioxyde de carbone résultant de la conversion des forêts en pâturages (Walsh, 2013). L’usage répandu des bouses de vache ou du fumier séchés comme combustibles et sources d’énergie constitue un autre facteur de pollution atmosphérique et d’émissions de GES. À l’échelle mondiale, l’Afrique subsaharienne est donc la première zone sensible en ce qui concerne l’intensité des émissions dues à l’élevage. Malgré tout, la plupart des ruminants en Afrique subsaharienne sont élevés pour leur viande, dont la production se caractérise par un plus faible taux d’efficacité alimentaire et de plus fortes intensités d’émissions de GES par rapport à celle du lait, par exemple (Herrero et al., 2013)91.

Toutefois, d’après l’étude réalisée en 2016 par l’Institut international de recherche sur l’élevage (ILRI), les émissions de GES issues des déchets d’élevage en Afrique de l’Est sont sensiblement plus faibles que ce qu’indiquent les estimations mondiales. Des scientifiques ont découvert que certains facteurs d’émissions définis par le Groupe d’experts intergouvernemental

Principaux systèmes agricoles en Afrique subsaharienne (ILRI1, s.d.)

ZONEINTÉGRATION CULTURE/ÉLEVAGE PRINCIPAUX SYSTÈMES AGRICOLES

PRINCIPAUX PRODUITS D’ÉLEVAGE

Humide Cultures uniquement Forêt/arbres à feuillage persistant : racines/céréales (bétail trypanotolérant)

Lait dans les zones périurbaines

Subhumide Cultures-élevage Céréales (maïs/sorgho), élevage Viande, lait, traction animale

Hauts plateaux Cultures-élevage bien intégrés

Céréales (blé/teff), élevage Traction animale, viande, lait

Semi-aride Élevage-cultures Céréales (sorgho/millet), élevage Lait, traction animale

Aride Élevage uniquement Pastoral Lait, viande

1 Voir : http://www.fao.org/wairdocs/ilri/x5462e/x5462e0e.htm. Remarque : bien que la zone humide offre le plus grand potentiel pour la production de fourrage, l’élevage y est actuellement peu développé. Il est essentiellement concentré dans la zone semi-aride, dont la capacité à produire du fourrage tout au long de l’année est pourtant faible.

TABLEAU 1

Page 54: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

38

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

sur l’évolution du climat des Nations Unies (GIEC) surestimaient les émissions de méthane et de protoxyde d’azote dues aux déjections bovines, en raison des pratiques des petits exploitants en Afrique de l’Est  (Odongo, 2016). En effet, les animaux habitués à une nourriture de qualité médiocre ont tendance à développer des systèmes digestifs très efficaces pour tirer le meilleur profit de cette alimentation (Waruru, 2016). Étant donné que les mesures des émissions de GES provenant des systèmes de culture et d’élevage en Afrique subsaharienne sont rares (il n’existe par exemple aucun document de synthèse sur les pratiques en matière d’alimentation animale), les pays africains s’appuient sur les facteurs d’émissions par défaut fournis par le GIEC afin d’élaborer des stratégies de réduction des émissions de GES. Cependant, il est possible que ces facteurs, ainsi que les actions recommandées pour l’atténuation des émissions, ne soient pas applicables aux systèmes agricoles présents en Afrique subsaharienne  (ILRI, 2016)92. Faute de mesures et de données suffisantes, il est donc très difficile de connaître précisément l’ampleur et la répartition spatiale des émissions de GES imputables à l’élevage dans cette région. Également dû au caractère informel du secteur de l’élevage, le manque d’information empêche les pays en développement d’intégrer ce dernier dans les systèmes d’échanges des droits d’émission, ou d’améliorer leurs inventaires nationaux de GES en utilisant des facteurs d’émission spécifiques à chaque pays  (Dickhöfer et al., 2014). Il est donc nécessaire de mener davantage d’études au niveau local afin d’obtenir des données propres à faire l’objet d’un examen international.

perte de biodiversité

Parmi les effets causés par le pâturage du bétail sur les parcours figurent notamment l’élimination de la biomasse93, le piétinement des systèmes racinaires, le remplacement des animaux de pâturage sauvages par les animaux d’élevage, la transmission de maladies du bétail aux animaux sauvages et l’introduction d’espèces invasives destinées au pâturage. Ces actions peuvent, directement ou indirectement, influer sur la biodiversité et les écosystèmes des parcours94. La gravité de leurs incidences dépend d’une combinaison de facteurs, notamment l’étendue des parcours broutés par le bétail, l’intensité du pâturage  (surpâturage), le type de végétation originelle  (les répercussions sont ainsi exacerbées lorsqu’une déforestation est

92 Les recherches effectuées au Centre Mazingira de l’ILRI visent à fournir des informations précises, propres à chaque contexte, sur les conséquences environnementales des systèmes d’élevage actuels, notamment en ce qui concerne le cycle des éléments nutritifs et les émissions de GES, afin d’anticiper une intensification de ces systèmes et d’envisager des possibilités d’atténuer les émissions.

93 L’élevage affecte souvent l’approvisionnement en fourrage, lorsque les espèces fourragères primaires sont remplacées par des variétés peu appétissantes, souvent invasives. La brousse empiète alors sur la végétation prairiale et les populations de termites qui décomposent la litière diminuent, perturbant ainsi le cycle des éléments nutritifs, la production primaire et le stockage du carbone (Zeidler et al., 2002 ; Whitford et Parker, 1989, cités par Safriel et Adeel, 2005).

94 Les zones semi-arides, en particulier les prairies, ont été considérablement affectées par les espèces invasives apportées par l’agriculture, notamment par l’introduction généralisée de variétés de graminées non indigènes pour le pâturage du bétail, telles que le Pennisetum ciliare. Ainsi, on estime que les plantes invasives ont colonisé 10 millions d’hectares (8,28 %) en Afrique du Sud, avec d’importantes répercussions écologiques et économiques (Davies et al., 2012).

95 Il convient de souligner que le surpâturage peut résulter aussi bien du choix des éleveurs ou des pasteurs que de restrictions gouvernementales relatives aux déplacements des troupeaux. En outre, dans certains cas, la multiplication inutile des têtes de bétail, néfaste pour l’environnement, est due à ses retombées positives sur le statut social de l’éleveur ou du pasteur (atelier de validation par des spécialistes du PNUD/FEM, Debre Zeyit, Éthiopie, 9-10 mai 2017).

96 Voir : http://www.agriculture.de/acms1/conf6/ws4lives.htm.

pratiquée en vue du pâturage) et la gestion des terres (Alkemade et al., 2013)95. Parallèlement, dans certains cas, les couloirs ou les itinéraires pastoraux ont une action positive sur les écosystèmes des zones arides et sur la biodiversité : la fréquentation continue des couloirs par le bétail augmente la capacité de dispersion à longue distance des plantes, particulièrement importante dans les zones hyperarides (Davies et al., 2012).

Dégradation des sols

Les conséquences de l’élevage sur les sols sont tout d’abord l’impact physique de l’animal sur ceux-ci lorsqu’il se déplace et réduit la couverture végétale, puis les effets chimiques et biologiques des fèces et de l’urine que l’animal dépose sur le sol, auxquels il est d’autant plus vulnérable qu’il est endommagé. Les animaux de pâturage plus lourds, tels que les bovins, compactent la structure du sol et détruisent la végétation. Ce phénomène est particulièrement marqué dans les systèmes pastoraux, qui reposent sur le déplacement saisonnier des troupeaux en quête de pâturages pour se nourrir. Généralement, les répercussions environnementales sont visibles autour des abreuvoirs, à l’entrée des prairies et dans les endroits où les animaux se rassemblent. La destruction de la structure du sol est néfaste car la végétation ne se régénère pas toujours spontanément après le départ des animaux de pâturage. Les sols compactés deviennent durs et difficiles à cultiver. En outre, un sol sans structure entraîne un mauvais drainage et la stagnation de l’eau après des pluies modérées, tandis que les zones anaérobies dans les sols détrempés encouragent la dénitrification, ce qui implique une perte d’azote (Warren et al., 1986, cités dans Whitmore, s.d.)96.

pollution de l’eau

La contamination de l’eau constitue une autre conséquence environnementale bien visible de l’élevage en Afrique subsaharienne. Dans les systèmes mixtes, elle est due aux infiltrations d’azote et de phosphates dans les masses d’eau et les ressources en eau environnants suite à l’épandage de fumier. L’azote et les phosphates représentent une préoccupation majeure par rapport à la qualité nutritive de l’eau. L’augmentation de la concentration d’azote rend les eaux souterraines impropres à la consommation et peut causer de graves problèmes de santé chez les êtres humains. Elle peut également contribuer à

Page 55: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

39

PRINCIPALES EXTERNALITÉS ET CONSÉQUENCES ENVIRONNEMENTALES DES CHAÎNES DE VALEUR SÉLECTIONNÉES ET BONNES PRATIQUES PERMETTANT D’Y FAIRE FACE

l’eutrophisation des ruisseaux et des lacs. L’usage de pesticides et autres produits chimiques polluants est une autre source de contamination de l’eau (PNUE, 2008)97.

pertes après récolte

Dans la chaîne de valeur de l’élevage, l’étape de postproduction a des externalités et conséquences négatives dans le domaine du transport, de la transformation, de la consommation, des pertes et de la réutilisation tout au long de la chaîne de valeur du produit, lesquels génèrent des déchets écotoxiques et des émissions.

risques liés au changement climatique

Dans les années à venir, le changement climatique est susceptible d’avoir des répercussions considérables sur l’élevage, notamment une réduction significative de la quantité et de la qualité de fourrage disponible, en particulier dans les régions arides, ainsi qu’un stress thermique chez les animaux. Le guide sur l’agriculture intelligente face au climat indique par ailleurs que « des températures plus élevées, un régime pluviométrique changeant et des phénomènes météorologiques extrêmes plus fréquents peuvent aussi influer sur la propagation et la gravité des maladies à transmission vectorielle, accompagnées par l’émergence de nouvelles pathologies »98.

Le changement climatique est encore plus lourd de conséquences dans les zones arides africaines, où le pastoralisme joue un grand rôle environnemental et socio-économique, et qui abritent 59 % du carbone stocké dans les écosystèmes terrestres à l’échelle du continent. Ce chiffre s'élève à 36 % à l'échelle mondiale. En raison d’une gestion médiocre des sols arides, une quantité importante de carbone s’en échappe continuellement. Les sols arides dégradés sont par conséquent loin d’être saturés de carbone, et leur capacité à le stocker peut être très élevée. Les estimations réalisées à l’échelle mondiale montrent que les écosystèmes arides rejettent chaque année entre 0,23 et 0,29  gigatonne de carbone dans l’atmosphère, soit environ 4  % des émissions mondiales toutes sources confondues. Ce phénomène va s’accentuer avec les effets du changement climatique. Toutefois, d’importantes zones d’ombre demeurent quant au potentiel de stockage du carbone des sols arides, aux méthodologies applicables et à la rentabilité des pratiques en la matière pour les petits exploitants agricoles (PNUE, 2008).

Dans le cas des systèmes mixtes cultures-élevage, si les conséquences du changement climatique sur les cultures sont bien connues, ce n’est pas le cas concernant l’élevage. Il

97 Voir : http://www.agriculture.de/acms1/conf6/ws4lives.htm. 98 Voir : https://csa.guide/csa/practices#article-31.99 Cette partie porte essentiellement sur les bovins, et non sur les moutons, les chèvres ou les chameaux, bien que ceux-ci soient également élevés dans certaines

zones arides.100 ILRI, communication personnelle, Directeur du programme Livestock Systems and Environment, 27 octobre 2016.

existe également peu d’informations sur la manière dont les interactions entre cultures et élevage peuvent être affectées par le changement climatique. Des recherches plus approfondies sont nécessaires, car ces interactions sont essentielles pour une intensification, une diversification et une gestion des risques écologiquement durables (Thornton et Herrero, 2015).

Bonnes pratiques pour la chaîne de valeur de l’élevage

intensification durable des systèmes d’élevage mixtes et pastoraux

À condition que les bonnes pratiques existant dans une région donnée soient plus largement partagées, le secteur de l’élevage possède un grand potentiel pour réduire ses externalités et conséquences environnementales et accroître ses avantages mondiaux pour l’environnement99. L’intensification des systèmes d’élevage en Afrique subsaharienne selon des principes durables non seulement augmentera la productivité et le rendement indispensables, mais réduira également les répercussions du secteur sur l’environnement grâce à une utilisation plus efficace des ressources100. Dans les régions à faible efficacité alimentaire et à forte intensité d’émissions telles que l’Afrique subsaharienne, il est possible d’améliorer considérablement l’efficacité de l’élevage grâce à une meilleure alimentation et gestion des animaux, ainsi qu’à une meilleure sélection des races pour optimiser la productivité, si des mesures d’incitation à la production, des investissements et un soutien institutionnel appropriés sont assurés  (Herrero et  al., 2013). C’est pourquoi il convient d’étudier la mise en place d’une alimentation complémentaire, ainsi que de modèles de gestion des troupeaux et du fumier permettant d’optimiser la productivité animale tout en limitant les conséquences environnementales.

Dans les communautés sédentaires pratiquant l’élevage, l’accent doit être mis sur l’utilisation rationnelle des ressources ainsi que sur l’accroissement de la productivité. D’une part, il est urgent d’améliorer la qualité et les techniques d’alimentation animale. Dans le cas des bovins, il s’agit par exemple de mieux gérer les pâturages, d’utiliser des compléments nutritionnels (voir l’encadré 2 pour un exemple d’amélioration des ressources alimentaires) et d’avoir recours à des espèces fourragères et agroforestières plus adaptées. D’autre part, la productivité des pâturages peut être augmentée grâce à l’apport d’engrais azotés et phosphatés, à l’ajustement de la fréquence et de l’intensité du pâturage et, lorsque des

Page 56: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

40

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

ressources en eau sont disponibles, à la pratique de l’irrigation. L’amélioration de la qualité des pâturages et de la productivité offre un moyen facilement accessible d’accroître la production animale, en particulier dans les zones tropicales humides et subhumides, ce qui se traduit par une accélération des taux de

croissance animale, une production laitière plus importante, des premiers vêlages à un âge plus précoce et une hausse des revenus. Cependant, si de telles pratiques améliorent généralement la qualité des pâturages, elles ne réduisent pas toujours les émissions de GES. Ainsi, l’apport d’engrais

Intensification des systèmes d’élevage par le biais de l’amélioration des ressources alimentaires : quand le bétail est nourri avec des feuilles de végétaux ligneux

Pouvant prendre la forme d’arbres, d’arbrisseaux ou d’arbustes, les végétaux ligneux représentent une part importante des ressources fourragères nécessaires à l’élevage. La valeur fourragère de leurs feuilles et de leurs fruits est élevée. Dans les zones arides et semi-arides, elles constituent l’essentiel de l’apport en protéines lors des mois les plus secs. Ainsi, on estime qu’au Sahel, jusqu’à 80 % de l’apport en protéines est fourni par des plantes de la famille des capparacées lors des trois mois les plus secs de l’année1. L’expérience montre que des espèces d’arbres appropriées plantées sur de petites exploitations peuvent parfaitement s’adapter à une grande variété de situations climatiques.

L’un de ces arbres est le Leucaena leucocephala. Les feuilles du Leucaena sont extrêmement nutritives et, données comme complément aux animaux, peuvent augmenter sensiblement leur rendement en viande et en lait par rapport à un régime alimentaire basique de qualité médiocre. Le guide sur l’agriculture intelligente face au climat indique que planter des espèces telles que le Leucaena dans une exploitation mixte et l’utiliser comme complément alimentaire peut accroître la productivité par animal, tout en renforçant la résilience grâce à des effets notables sur les revenus des ménages. Ainsi, donner chaque jour à un animal un kilogramme de feuilles de Leucaena peut quasiment tripler son rendement en lait et sa prise de poids vif (Thornton et Herrero, 2010). Les effets conjugués de l’adoption généralisée de cette solution dans les systèmes d’exploitation mixtes des zones tropicales ont également un potentiel d’atténuation non négligeable, car le régime intensifié pourrait considérablement réduire le nombre de ruminants nécessaires pour répondre à la demande future en lait et en viande (respectivement de 42 et de 52 millions d’animaux en 2030). Parallèlement, les feuilles améliorent le régime des ruminants, la quantité de méthane que produit chaque animal par kilogramme de viande et de lait diminue donc de manière significative. Au niveau local, les difficultés possibles se situent au niveau des ressources en main d’œuvre dont disposent les ménages, de la disponibilité d’un matériel approprié pour effectuer les plantations et du savoir-faire commercial, mais elles ne constituent pas des obstacles insurmontables pour un large recours à cette solution. Plus généralement, les problèmes qui peuvent se poser sont dus au fait que le Leucaena n’est pas une espèce endémique de l’Afrique et que son utilisation excessive risque d’aller à l’encontre de certains objectifs de l’agroforesterie ou de l’agriculture durable, tels que le recours à des espèces indigènes pour favoriser la résilience des écosystèmes et protéger la biodiversité. Une large distribution de cet arbre peut également le rendre particulièrement sensible aux maladies et aux parasites. Erythrina burana est un exemple d’arbre indigène que les fermiers de l’Éthiopie centrale utilisaient pour ombrer les plantations de café. Il est très répandu dans cette partie du monde mais ses propriétés n’ont été découvertes que récemment par les scientifiques. Les buranas fournissent un fourrage nutritif pendant la saison sèche, et leurs feuilles, leurs gousses et même leur écorce sont appréciées des animaux. Ils se multiplient aisément à partir de graines ou de boutures (habituellement longues de 2 m et larges de 10 cm). Cet arbre à usages multiples est donc très important dans l’agroforesterie (Guide sur l’agriculture intelligente face au climat)2.

1 Voir : http://www.fao.org/docrep/003/T0632E/T0632E01.htm. 2 Voir : http://www.fao.org/docrep/003/T0632E/T0632E01.htm.

ENCADRÉ 2

Page 57: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

41

PRINCIPALES EXTERNALITÉS ET CONSÉQUENCES ENVIRONNEMENTALES DES CHAÎNES DE VALEUR SÉLECTIONNÉES ET BONNES PRATIQUES PERMETTANT D’Y FAIRE FACE

azotés dans un système d’élevage à l’herbe peut limiter les émissions de méthane tout en augmentant celles de protoxyde d’azote.

Par ailleurs, des améliorations doivent également être apportées dans le domaine de la santé des animaux, grâce à des programmes de vaccination appropriés, et dans celui des espèces animales, grâce aux progrès génétiques ou en introduisant des bovins issus de croisements  (voir encadré  3 pour un exemple d’amélioration des races bovines). Une bonne gestion du fumier garantit également la récupération et le recyclage des nutriments et de l’énergie, tout en augmentant la productivité des cultures à la fois vivrières et fourragères.

101 « Récemment, de nombreux efforts ont été faits pour remplacer les troupeaux nomades par un élevage sédentaire, la propriété commune par un régime foncier privé, les animaux d’élevage indigènes par des races européennes et pour faire évoluer le pastoralisme d’un système fondé sur la pluralité des espèces et souvent sur les produits laitiers ou à base de fibres, vers la production de viande à partir d’une seule espèce. Ces changements ont eu des résultats néfastes tant sur le plan économique que sur le plan écologique, et la politique d’intensification et de sédentarisation a largement contribué à la dégradation des terres. En réalité, la désignation de ces mesures comme des solutions d’intensification a été remise en cause, étant donné que le pastoralisme est traditionnellement une activité à forte intensité de main d’œuvre. En passant d’un système nomade, à fort coefficient de main d’œuvre, à un modèle de développement sédentaire à fort coefficient de capital, les gouvernements ont affaibli le recours au savoir indigène qui, historiquement, a permis une gestion durable des parcours. Dans certains pays, notamment en Asie occidentale et en Afrique du Nord, les politiques de développement de l’élevage ont également contribué à la dégradation des terres en encourageant l’intensification du capital par des mesures destinées à subventionner l’alimentation animale et d’autres intrants. [...] Elles ont eu pour conséquence une forte détérioration de la biodiversité des parcours, dans certains cas irréversible » (Davies et al., 2012).

Le pastoralisme est souvent considéré comme un système d’élevage efficace et approprié aux régions arides africaines. Il doit donc être encouragé et accompagné d’une gestion des ressources partagées, particulièrement dans ces zones. Bien que dans de nombreux cas, il soit pratiqué au détriment de la biodiversité et des écosystèmes, il existe des solutions pour le gérer de manière efficace et réduire autant que possible ses conséquences et externalités. Elles reposent souvent sur le savoir et les systèmes indigènes.

Dans les conditions environnementales extrêmement variables des zones arides, la mobilité et les différentes tailles de troupeaux constituent des outils de gestion plus appropriés101. Ils font partie

Amélioration des races bovines : des races locales aux bovins issus de croisements

Les races bovines locales élevées dans les pays en développement sont bien adaptées à leur environnement en termes de résistance aux maladies, de tolérance à la chaleur et de faibles besoins nutritionnels. Cependant, la productivité est médiocre et la quantité d’émissions de GES produites par kilogrammes de lait et de viande peut être très élevée. La sélection d’animaux plus productifs est l’une des stratégies qui peut augmenter la productivité et réduire l’intensité des émissions. À cet effet, des chercheurs ont tenté d’utiliser les variations génétiques naturelles existant au sein des populations bovines, afin de créer un bétail produisant moins d’émissions. Mais jusqu’à présent, les résultats ne sont pas concluants.

Les programmes de croisement peuvent apporter des avantages à la fois sur les plans de l’adaptation, de la sécurité alimentaire et de l’atténuation des émissions. Ces stratégies qui tirent parti des races localement adaptées, tolérantes à la chaleur, à une mauvaise nutrition ainsi qu’aux parasites et aux maladies, deviendront de plus en plus utiles à mesure que le climat évolue. Associé à une intensification du régime alimentaire, le croisement des races peut se traduire par des gains d’efficacité significatifs dans la production animale et les émissions de méthane. Son adoption généralisée entraînerait une réduction du nombre d’animaux conservés associée à une augmentation de leur taille et de leur productivité, ce qui aurait un effet positif sur la production de méthane et l’utilisation des terres. Les bêtes issues de croisements produisant davantage de lait et de viande, il est inutile qu’elles soient nombreuses pour répondre à la demande. En 2010, Thornton et Herrero ont évalué les répercussions qu’aurait une adoption à grande échelle (29 % d’ici 2030) d’un bétail issu de croisements sur la production de viande dans les systèmes de parcours et sur la production laitière dans les systèmes mixtes présents en zone tropicale, et ont établi que les plus gros animaux produisent plus du double de lait et de viande par rapport aux races locales.

ENCADRÉ 3

Page 58: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

42

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

de la stratégie de gestion pastorale traditionnelle, qui pourrait être considérablement renforcée grâce à des investissements et des technologies appropriés, par exemple dans le domaine de la localisation des pâturages et des précipitations ou dans l’amélioration de l’accès aux marchés des produits de l’élevage. Les stratégies de l’élevage pastoral et les pratiques de gestion communautaires se sont avérées économiquement et écologiquement rationnelles. Des problèmes tels que le dépassement de la capacité de charge variable des parcours tendent à apparaître lorsque la gouvernance locale s’effondre, que le nomadisme est entravé, et que les investissements favorisent la croissance anarchique du cheptel  (Davies et  al., 2012). Les stratégies de gestion pastorale traditionnelle et les structures indigènes de gouvernance et de dialogue doivent donc être soutenues pour faire face aux litiges générés par le partage des ressources naturelles, pour éviter leur surutilisation, ainsi que la perte de biodiversité et la dégradation des terres/écosystèmes qui en résultent (voir encadré 4 pour des exemples de solutions aux différends nés du pastoralisme entre l’Éthiopie et le Kenya).

La gestion des terres arides et des prairies est également essentielle pour réduire la quantité de carbone libéré continuellement en raison d’une gestion médiocre, et pour restaurer les sols profondément dégradés.

De meilleurs outils décisionnels doivent être élaborés afin d’évaluer les externalités et conséquences environnementales,

et pour parvenir à des arbitrages plus justes, fondés sur des éléments factuels, dans les décisions et les accords relatifs à l’utilisation des terres. Ainsi, dans certains cas, l’accès des troupeaux à certaines zones doit être interdit pour limiter les conflits entre les hommes et la nature.

Diversification des activités agricoles

D’après l’ILRI  (s.d.), les systèmes agricoles mixtes sont une solution privilégiée pour l’utilisation intensive des terres dans de nombreuses régions de l’Afrique subsaharienne (voir Annexes, figure A9 sur la diversité de l’élevage et ses avantages dans la lutte contre le changement climatique). Aussi est-il nécessaire de mieux comprendre les rapports entre cultures et élevage, d’identifier les lacunes dans les connaissances et d’encourager les exploitations mixtes (voir encadré 5 pour une présentation de trois études de cas portant sur ce modèle). Selon Thornton et Herrero (2015), «  les systèmes mixtes permettent de limiter l’épuisement des ressources et les rejets dans l’atmosphère et l’hydrosphère, d’offrir une plus grande diversité de paysages favorisant la biodiversité, et de gagner en souplesse afin de s’adapter aux variations climatiques et socio-économiques  ». L’ILRI (s.d., citant Brumby, 1986) note par ailleurs que « l’intérêt d’adopter ces systèmes réside dans le fait que les sous-produits issus des deux activités sont utilisés dans la même exploitation. La traction animale, le cycle fermé des éléments nutritifs, une meilleure qualité environnementale et l’utilisation de fourrages et d’une alimentation de qualité contribuent globalement à un

Étude de cas : amélioration de la gestion des pâturages grâce au dialogue et à des accords sur le partage des ressources – le cas du pastoralisme entre l’Éthiopie et le Kenya

De tout temps, la sécheresse et des conditions climatiques extrêmes ont provoqué des conflits entre les tribus pastorales des Borana et des Gabra au sujet des pâturages, de l’eau et des ressources naturelles. Créée en 2006 pour faciliter le nomadisme transfrontalier des tribus pastorales entre le sud de l’Éthiopie et le nord du Kenya, l’Oromia Pastoralist Association (OPA) apporte son aide dans la résolution des litiges fonciers, des différends liés aux ressources et dans la levée des obstacles auxquels sont confrontés ces groupes vulnérables dans leur résistance face au changement climatique. Elle aspire à une coexistence pacifique. Le dialogue transfrontière entre les communautés et l’élaboration conjointe de stratégies pour résoudre les dissensions, notamment des « accords réciproques sur l’utilisation des ressources », contribuent à réduire le surpâturage et l’érosion des sols, à améliorer l’accès aux marchés des produits pastoraux, et à renforcer la résilience face au stress climatique. Grâce aux actions de l’association, aucun conflit communautaire n’a été à déplorer lors des dernières années. Ce modèle est en mesure d’être appliqué dans les régions voisines où la rareté des ressources et de l’eau constituent des préoccupations grandissantes, et a déjà été reproduit en Somalie1.

1 Voir : http://oromiapastoralist.org/.

ENCADRÉ 4

Page 59: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

43

PRINCIPALES EXTERNALITÉS ET CONSÉQUENCES ENVIRONNEMENTALES DES CHAÎNES DE VALEUR SÉLECTIONNÉES ET BONNES PRATIQUES PERMETTANT D’Y FAIRE FACE

Trois études de cas sur les systèmes d’exploitation mixtes cultures-élevage

1 - Gestion du fumier et autres pratiques agroécologiques en Afrique de l’Ouest : dans les zones agropastorales du centre et du sud du Sénégal (bassin arachidier), les recherches ont montré qu’il est possible de réduire de moitié la quantité nette d’émissions de GES dues à l’élevage en améliorant le régime alimentaire des animaux, en couvrant de bâches le fumier stocké et en l’enfouissant dans la terre de la parcelle. Ces activités ont cela d’essentiel qu’elles permettent de réduire de moitié la quantité nette d’émissions de GES dues à l’élevage. En outre, dans une région pastorale située au nord du pays, on a découvert que grâce à l’adoption de pratiques agroécologiques, le sol, les arbres et les animaux peuvent capturer assez de carbone pour compenser les émissions produites par les animaux présents sur la zone de captage d’un puits. Par ailleurs, dans les systèmes d’exploitation polycultures-élevage du Burkina Faso et du nord de la Côte d’Ivoire, les principales innovations, destinées à améliorer le stockage du carbone dans le sol, consistent également à appliquer les principes de l’agroécologie (couvert végétal, cultures intercalaires, etc.), à utiliser des engrais organiques et à proposer des modèles de gouvernance des écosystèmes (chartes foncières locales, etc.).

2 - Utilisation du fumier de kraal au Swaziland : parmi les pratiques et les technologies de l’agriculture intelligente face au climat qui sont encouragées, adoptées et mises en œuvre au Swaziland figurent l’agriculture de conservation, l’utilisation du fumier de kraal, l’agroforesterie et la plantation de variétés xérophiles. Le fumier de kraal se compose essentiellement de déjections animales constituées de matière organique issue de résidus de végétaux digérés par le bétail, qui est gardé pendant la nuit dans un enclos appelé « kraal ». Le fumier est ramassé et transporté vers les champs de différentes manières, à l’aide d’une brouette manuelle, d’un tracteur-remorque ou dans des plats portés sur la tête. Près de 23 % des fermiers du Swaziland utilisaient le fumier de kraal, tandis que 27,4 % d’entre eux n’ont recours à aucune forme d’engrais animal. Ce dernier était davantage utilisé par les hommes que par les femmes, et la raison pour laquelle ils se servaient davantage de fumier de kraal que les femmes pouvait être attribuée au fait que ce sont eux qui possèdent généralement le bétail (FAO, 2005, citée par Manyatsi et Mhazo, 2014). D’autres fermiers épandent du crottin de chèvre sur les cultures de grande valeur telles que les légumes. L’un des principaux avantages de l’engrais organique est qu’il apporte des nutriments aux sols. Le fumier de kraal est moins cher que les engrais inorganiques. Il stimule également l’activité de microorganismes qui libèrent les nutriments (Manyatsi et Mhazo, 2014).

3 - Développement durable de l’industrie laitière à petite échelle en Tanzanie, dans le cadre du projet CLEANED–LVC1 (SEI, ILRI, 2014) : le cadre d’évaluation CLEANED-LVC constitue un outil d’étude rapide ex ante des effets probables des interventions programmées dans les systèmes de production halieutique et d’élevage tout au long de la chaîne de valeur. Il a été utilisé en Tanzanie, afin d’explorer divers scénarios possibles pour le développement de l’industrie laitière. Ce pays possède le troisième plus grand cheptel en Afrique, et pratique essentiellement le pâturage extensif, tout en s’orientant de plus en plus vers un élevage plus intensif. La demande en lait s’y accentue et excède déjà l’offre, et la consommation devrait passer de 45 à 100 litres par habitant d’ici 2020. S’il n’est pas réalisé selon une approche durable, l’accroissement de la production nécessaire pour satisfaire la demande pourrait avoir des conséquences environnementales extrêmement négatives. Conformément à la méthodologie CLEANED-LVC, les systèmes de production, les infrastructures et les données environnementales de base relatifs à l’industrie laitière dans les localités de Lushoto et Handeni ont été recensés selon une démarche participative. Des schémas de développement pour les petits producteurs laitiers ont ensuite été étudiés. Les participants aux ateliers ont envisagé deux scénarios : l’augmentation de 1 à 2 litres par jour à 5 à 8 litres par jour dans le cadre de systèmes extensifs, et de 4 à 8 litres par jour à 10 à 15 litres par jour dans le cadre de systèmes plus intensifs. Les discussions ont abordé les hypothèses suivantes : i) amélioration de la quantité et de la diversité de la nourriture donnée au bétail, afin d’accroître son rendement en lait et/ou le nourrir davantage lors de la saison sèche pour maintenir ce rendement tout au long de l’année ; ii) amélioration des races animales pour accroître la productivité ; et iii) amélioration des services d’appui et des infrastructures. La première action, l’amélioration des ressources alimentaires, a été définie comme une priorité, en termes de qualité, de quantité et de préservation du fourrage, tout comme le soutien d’interventions telles que la gestion et la reproduction des troupeaux, et le renforcement de l’appui à l’extension et de la chaîne de commercialisation des produits laitiers.

1 Comprehensive Livestock Environmental Assessment for improved Nutrition, a secured Environment and sustainable Development along Livestock and aquaculture Value Chains. Voir Annexes, figure A7 pour une vue d’ensemble du projet CLEANED-LVC.

ENCADRÉ 5

Page 60: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

44

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

meilleur rendement par animal et par hectare. L’amélioration de la fertilité des sols résulte du volume des composants organiques qui circulent dans le sol et les végétaux, et du fumier qui enrichit le sol à long terme grâce à ses effets rémanents. L’élevage constitue également un moyen rapide d’acquérir des liquidités et encourage l’utilisation des intrants dans l’agriculture, qui à son tour génère de plus hauts niveaux de rendement à la fois des cultures et de l’élevage ». Par ailleurs, des alternatives pour la production d’énergie telles que les biogaz doivent être introduites afin que soit abandonné l’usage des déjections animales séchées comme combustible.

La chaîne de valeur du riz Principales externalités et conséquences environnementales de la chaîne de valeur du riz

Dégradation des sols et épuisement des ressources en eau

Comme il a été expliqué précédemment, les trois systèmes rizicoles majeurs en Afrique subsaharienne sont  : la riziculture pluviale de coteau, la riziculture pluviale en zones de basse altitude et la riziculture irriguée. On peut les trouver dans différents environnements agroécologiques. Globalement, la production de riz en Afrique subsaharienne dépend des systèmes pluviaux, traditionnels et prédominants. Cependant, ils se caractérisent par de faibles rendements ainsi que par des conséquences et des externalités environnementales, en raison notamment de l’utilisation minime d’intrants, de l’ancienneté des variétés cultivées et de la mauvaise qualité des semences lors de l’étape de préproduction, au cours de laquelle on prépare la terre en vue des plantations. Ces inconvénients provoquent une dégradation des sols, rendus moins fertiles, ainsi que des pénuries d’eau et le stress hydrique qui en résulte, en particulier dans les systèmes pluviaux et sur les coteaux, très fragiles.

émissions de GeS

La production de riz a été associée à un éventail d’externalités et de conséquences environnementales diverses et pourtant interdépendantes, telles que de fortes émissions de GES102, une pollution atmosphérique et hydrique (forte pression des adventices et des nuisibles dans la riziculture), ainsi qu’une augmentation constante de la consommation d’eau  (le riz nécessite près de deux fois plus d’eau que les autres cultures céréalières). Les fortes

102 Ainsi, le méthane représente entre 70 et 90 % de la totalité des émissions en Australie et au Japon, et plus de 90 % au Laos (Suenaga, H. et al., 2014).103 En 1992, le Centre du Riz pour l’Afrique (WARDA) et ses partenaires ont lancé un projet d’hybridation interspécifique, dans le but d’associer les qualités

de deux variétés de riz cultivées (O. sativa et O. glaberrima). Grâce au soutien de donateurs japonais et américains, et en collaboration avec de nombreux partenaires, WARDA a développé des lignées interspécifiques dotées de caractéristiques intéressantes, adaptées au contexte africain. En 1999, elles ont été baptisées NERICA (New Rice for Africa), et un an plus tard, WARDA recevait le prestigieux Prix du Roi Baudoin pour la réussite de ses travaux sur ces nouvelles variétés (Norman, J.C. et Kebe, B., s.d.).

émissions de GES constituent une externalité particulièrement importante des rizières situées en zone humide, qui représentent une part infime de la production de riz en Afrique subsaharienne. Le méthane est la principale émission de GES, essentiellement en raison de la décomposition anaérobie de la matière organique dans les rizières saturées en eau des zones humides, par des bactéries génératrices de méthane (Meinzen-Dick et Rosegrant, 2001). D’après Keerthisinghe  (s.d.), on peut considérer que la plupart des rizières sont dégradées d’une manière ou d’une autre. L’envasement en aval, l’épuisement des éléments nutritifs, la pollution par les pesticides, l’acidification, l’alcalinisation, la toxicité et la salinisation des sols, ainsi que d’autres phénomènes, se manifestent sans relâche dans les écosystèmes rizicoles aussi bien irrigués que pluviaux. Ainsi, la riziculture pluviale en zones de basse altitude a imposé de lourdes contraintes aux écosystèmes : elle s’est traduite par la mise en culture des plaines alluviales, la destruction de la mangrove, la modification et l’érosion des berges, la perte de zones humides, la salinisation des sols, les émissions de méthane, l’apparition de maladies dont le paludisme autour des rizières, etc. En outre, dans certains cas, les variétés NERICA (New Rice for Africa), élaborées par le Centre du riz pour l’Afrique et souvent louées comme une solution miracle, ont entraîné une extension de la riziculture, provoquant parallèlement de graves répercussions sur la conversion des écosystèmes arides, la déforestation, la fréquence des incendies, etc.103

pertes après récolte

Les inévitables pertes après récolte, dues aux opérations telles que le séchage, l’usinage et le stockage, constituent la principale externalité de l’étape de postproduction.

risques liés au changement climatique

Globalement, le changement climatique devrait avoir des conséquences probablement négatives sur la production de riz en Afrique subsaharienne, principalement liées à la rareté de l’eau. Il devrait aggraver l’incidence et l’intensité de la sécheresse. La riziculture pluviale, la plus répandue en Afrique subsaharienne, est particulièrement vulnérable, mais les rizières irriguées en zones de basse altitude connaissent elles aussi une concurrence accrue pour l’accès à l’eau. En Afrique, les sécheresses récurrentes affectent déjà près de 80 % des 20 millions d’hectares ayant le potentiel de produire du riz pluvial en zones de basse altitude. D’après l’Institut international de recherche sur le riz  (IIRR), l’absence de pluie pendant une semaine dans les zones rizicoles de coteau et pendant environ deux semaines dans les zones rizicoles de submersion peu profonde situées en basse altitude

Page 61: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

45

PRINCIPALES EXTERNALITÉS ET CONSÉQUENCES ENVIRONNEMENTALES DES CHAÎNES DE VALEUR SÉLECTIONNÉES ET BONNES PRATIQUES PERMETTANT D’Y FAIRE FACE

peut réduire considérablement les rendements en riz, les pertes pouvant représenter jusqu’à 40 % de la production104.

Par ailleurs, des enquêtes réalisées dans plusieurs centaines d’exploitations au cours des dix dernières années montrent que le changement climatique influe fortement sur les maladies et les nuisibles du riz. Les pénuries d’eau, l’irrégularité des précipitations et le stress hydrique qui en résulte accentuent l’intensité de certaines pathologies, dont l’helminthosporiose et la pyriculariose. En outre, l’infestation d’adventices, qui rivalisent avec le riz, devrait augmenter, ce qui constituera un défi majeur pour la pérennité de la production rizicole. Le changement climatique occasionnera d’autres difficultés telles que l’élévation du niveau de la mer et les inondations, qui affecteront à leur tour le taux de salinité des estuaires des fleuves et des rivières à marées. En raison de la salinisation, de la dégradation et du déplacement des rizières vers l’amont, le nombre de parcelles sera considérablement réduit. Dans une telle situation, la conversion des terres et de l’habitat sera la seule solution, dont les conséquences environnementales seront elles aussi négatives105.

Enfin, l’augmentation des niveaux de dioxyde de carbone et des températures influera également sur la production rizicole. Une plus forte concentration de dioxyde de carbone accroît généralement la production de biomasse, mais pas nécessairement le rendement. La hausse des températures peut affaiblir les rendements rizicoles en entraînant la stérilité des fleurs de riz, qui ne produisent alors aucun grain. Elle peut aussi majorer les pertes dues à la respiration, le riz étant alors moins productif. Les recherches menées par l’IIRR indiquent qu’une augmentation des températures nocturnes de 1 °C peut réduire les rendements rizicoles d’environ 10 %.

104 Voir : http://irri.org/. 105 Ibid.

Bonnes pratiques pour la chaîne de valeur du riz

intensification durable

Lors de l’étape de préproduction, l’utilisation de meilleures semences et variétés de riz est fondamental pour obtenir de meilleurs rendements, améliorer la tolérance du riz au stress (engendré notamment par la sécheresse et le sel), réduire sa vulnérabilité par rapport aux nuisibles, et aussi améliorer sa valeur nutritive, pour ne citer que quelques avantages possibles. Comme indiqué précédemment, obtenir des semences de riz de qualité est difficile dans de nombreux pays de l’Afrique subsaharienne. Des projets destinés à renforcer les systèmes d’approvisionnement en semences, financés par des donateurs, sont en cours. Ainsi, en tant que membres du programme de partenariat pour la diffusion de variétés de semences améliorées du CGIAR, le Centre du riz pour l’Afrique et ses partenaires ont mis en place un « projet d’assistance technique pour la diffusion des semences » au Ghana, au Libéria, au Nigéria et au Sénégal. Au Sénégal par exemple, le projet vise à améliorer le système national de certification des semences, en y impliquant le secteur privé  (Centre du riz pour l’Afrique, 2015). Par ailleurs, les variétés de riz NERICA présentent des caractéristiques très positives, telles qu’un faible pourcentage d’éclatement des grains, une compétitivité supérieure par rapport aux adventices, une tolérance à la sécheresse, une résistance aux nuisibles ou aux maladies, et un plus fort potentiel de rendement. De surcroît, la qualité des grains de la plupart des variétés NERICA est souvent meilleure que celle de leurs parents. Toutefois, comme il a déjà été mentionné, il est prouvé que les variétés NERICA ont des conséquences environnementales négatives, telles que la conversion des écosystèmes arides et la déforestation.

©Staton W

inter/UN

Photo

Page 62: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

46

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

L’abandon du riz anaérobie au profit du riz aérobie aura des répercussions sur d’autres processus, tels que le renouvellement de la matière organique des sols, la dynamique des substances nutritives, le stockage du carbone, la productivité des sols, l’écologie des adventices et les émissions de GES. Par conséquent, il est fondamental de prendre en compte tous ces paramètres au moment de définir les pratiques de gestion intégrée pour économiser l’eau  (Cantrell et Hettle, 2004). L’IIRR a recours à la banque internationale de gènes du riz (International Rice Genebank), la collection la plus complète et représentative de la diversité génétique du riz dans le monde. Comptant près de 110  000  variétés différentes, elle constitue un inventaire de gènes dont certaines caractéristiques permettent au riz de faire face au changement climatique106. Il est fondamental de se tenir constamment au fait des dernières découvertes scientifiques sur les variétés nouvelles et les évolutions des techniques culturales. Ainsi, l’IIRR a élaboré une nouvelle variété de riz plus tolérante au sel qui, après avoir subi des essais approfondis, pourrait être disponible pour les agriculteurs en 2017-2018107. De même, une bonne planification de l’utilisation des terres et des régimes de gestion appropriés permettent d’éviter, par exemple, la conversion de précieux écosystèmes naturels, les incendies et la déforestation.

La capacité de développement de la riziculture est largement déterminée par les conditions agroécologiques dans lesquelles le riz peut être produit. Chaque système de production possède son propre potentiel de rendement. Pour soutenir et accroître la production rizicole, il est important d’identifier les systèmes rentables et qui ont le minimum de conséquences sur l’environnement. D’après Defoer et  al.  (s.d.), la riziculture pluviale en zones de basse altitude présente un potentiel très important d’amélioration des rendements, en augmentant la production de riz sans générer davantage d’externalités environnementales  (du fait que ce système repose sur les précipitations). Cependant, des interconnexions existent entre les écosystèmes  (ainsi, l’eau ou les nutriments circulent des coteaux vers les zones de basse altitude), influençant la durabilité écologique des terres agricoles. Dans le cas du riz, différentes méthodes d’intensification durable se sont avérées utiles. Plus précisément, le système de riziculture intensive (SRI) propose un ensemble de pratiques qui permettent d’accroître les rendements, tout en économisant l’eau  (voir encadré  6  : Le SRI au Sénégal et au Kenya). Il a été prouvé que l’un des principaux points de départ pour garantir la durabilité

106 Voir : http://irri.org/our-work/research/genetic-diversity/international-rice-genebank. L’IIRR développe le riz « C4 », doté d’une capacité de photosynthèse amplifiée, qui lui permet de mieux utiliser la lumière du soleil pour transformer le dioxyde de carbone et l’eau en grain. Ce riz pourrait produire jusqu’à 50 % de grains supplémentaires par rapport aux variétés existantes et serait plus économe en eau et en nutriments. Voir : http://c4rice.irri.org/.

107 Voir : http://irri.org/news/119-wild-parent-spawns-super-salt-tolerant-rice.108 D’autres utilisations innovantes sont de plus en plus encouragées. Par exemple, Tata Chemicals, filiale du groupe indien Tata, conçoit en partie et commercialise un

purificateur d’eau fonctionnant à partir de balle de riz. L’élément actif qui purifie l’eau et détruit les germes et les bactéries est de la cendre de balle imprégnée de nanoparticules d’argent. Tata SWACH est un produit peu onéreux (moins de 20 dollars US) et largement utilisé (plus de 400 000 unités et filtres vendus en 2014-2015).

environnementale de la chaîne de valeur du riz est la gestion de l’eau, c’est-à-dire sa maîtrise, sa conservation  (parcelles endiguées, diguettes) et sa collecte (réservoirs, microcaptage). Il est également essentiel d’augmenter la productivité de l’eau, en élaborant des systèmes d’utilisation et des techniques d’irrigation permettant de l’économiser, en optimisant la productivité des masses d’eau partagées, en recyclant l’eau pour l’aquaculture ou l’irrigation, et en développant également des variétés de riz adaptées aux sols arides  (riz aérobie). Des technologies assurant l’efficience d’utilisation de l’eau sont actuellement employées dans la riziculture, telles que la submersion intermittente et la culture du riz dans des conditions aérobies.

Concernant les gaz à effet de serre, il existe des méthodes pour réduire les émissions de méthane des rizières, notamment le drainage de mi-saison  (alternance de cycles d’inondation et d’assèchement), l’introduction de systèmes sans labour, ou l’apport d’amendements aux sols tels que des inhibiteurs de nitrification  (Suenaga et  al., 2016). En outre, les opérations visant à lutter contre les adventices et les nuisibles doivent encourager des pratiques de gestion agricole qui réduisent les conséquences environnementales et/ou augmentent les services écosystémiques. Ainsi, au lieu d’utiliser des herbicides, le désherbage manuel ou la lutte biologique pourraient être adoptés dans certaines zones rizicoles.

Les pertes après récolte dans la chaîne de valeur du riz pourraient également être limitées en utilisant de manière innovante les résidus issus de son usinage. Bien que la paille et la balle de riz soient encore très souvent considérées comme de simples déchets, elles peuvent également servir de nourriture et de litière pour les animaux  (des boulettes de riz à valeur élevée peuvent ainsi être fabriquées à partir de brisures de riz de faible valeur pour nourrir les poissons)108. L’utilisation des résidus d’usinage du riz permet également de réduire les conséquences environnementales de la purification de l’eau en supprimant la nécessité de la faire bouillir, donc de consommer de l’électricité et/ou du gaz de pétrole liquéfié et d’utiliser des produits chimiques néfastes (TEEB, 2015).

Enfin, il est important d’accroître la production rizicole dans les zones de basse altitude, qui possèdent le meilleur potentiel pour augmenter la productivité du riz en Afrique, bien qu’elles ne soient pas toutes adaptées à cette culture. Outre la production agricole  (principalement des systèmes

Page 63: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

47

PRINCIPALES EXTERNALITÉS ET CONSÉQUENCES ENVIRONNEMENTALES DES CHAÎNES DE VALEUR SÉLECTIONNÉES ET BONNES PRATIQUES PERMETTANT D’Y FAIRE FACE

Le SRI au Sénégal et au Kenya

Le Système de riziculture intensive, connu sous le nom de SRI, est un ensemble de pratiques agricoles destinées à accroître la productivité du riz (irrigué) (pour plus d’informations, voir Annexes, encadré A5 : Pratiques recommandées par le Système de riziculture intensive (SRI). Fondé sur une méthodologie agroécologique et climatiquement rationnelle, née à Madagascar dans les années 1980 dans le but d’augmenter la productivité de la riziculture en améliorant la gestion des végétaux, des sols, de l’eau et des nutriments, ce système de production à faible apport d’intrants intègre la technique de la submersion intermittente. Il recommande le repiquage individuel de jeunes plants (âgés de huit à dix jours) et la mise en place d’une irrigation et d’un drainage intermittents afin de préserver l’aération du sol. En outre, il encourage l’usage d’une houe ou d’une sarcleuse rotative mécanique pour aérer le sol et lutter contre les adventices1.

D’après le Centre international des Ressources et des Réseaux SRI de l’université Cornell2, les avantages du SRI ont été démontrés dans plus de 50 pays : une augmentation des rendements de 20 à 100 %, voire plus, jusqu’à 90 % de semences en moins et jusqu’à 50 % d’économie en eau. Le SRI nécessite moins d’engrais et tire profit de ce que possèdent les agriculteurs (semences, fumier). Il n’impose pas forcément l’achat d’intrants supplémentaires et fonctionne avec presque toutes les variétés de riz (bien que certaines réagissent mieux que d’autres). Ses principes et ses pratiques ont été adaptés à la riziculture pluviale ainsi qu’à d’autres cultures, et se sont traduits par une augmentation des rendements et des retombées économiques connexes.

En 2015, une étude menée par l’initiative TEEB concernant la riziculture a comparé le SRI aux méthodes de production conventionnelles. Au Sénégal, les coûts liés à la consommation d’eau dans le cadre des systèmes conventionnels ont ainsi été évalués à 801 dollars US/ha contre 626 dollars US dans le cadre du SRI. Par ailleurs, on estime que les revenus par hectare obtenus avec le SRI (2 422 dollars US/ha) sont plus élevés que ceux générés par les systèmes conventionnels (2 302 dollars US/ha). En adoptant le SRI, la société sénégalaise pourrait réduire les dépenses de santé et les coûts environnementaux liés à la consommation d’eau de près de 11 millions de dollars par an. Parallèlement, la communauté des riziculteurs pourrait voir ses revenus augmenter d’environ 17 millions de dollars grâce à l’amélioration des rendements.

Au Kenya, Bancy M. Mati (s.d.) affirme que les fermiers de Mwea ont démontré que le SRI permet d’économiser l’eau et accroît les rendements rizicoles, qui ont atteint entre 6 et 8,5 tonnes/ha, contre 5 à 6 tonnes/ha habituellement récoltées. Les producteurs ont également remarqué qu’un sac de riz SRI pèse entre 100 et 110 kg contre 80 à 90 kg pour le riz conventionnel, qu’au moment de l’usinage, ses grains se révèlent d’une qualité supérieure, sont plus parfumés et se vendent donc plus facilement. Par ailleurs, le SRI leur permet de procéder à trois opérations de désherbage des parcelles, contre deux dans le cadre de la riziculture conventionnelle, et nécessite moins de semences, réduisant ainsi les coûts de production. De surcroît, il leur fait réaliser des économies d’eau à hauteur de 25 %.

Le changement climatique accentuera la variabilité des précipitations et la concurrence pour l’accès à l’eau et à la terre. Le SRI apparaît comme une nouvelle opportunité d’augmenter la valeur de rendement par goutte d’eau et de réduire la demande d’eau du riz3. Toutefois, il s’est avéré qu’il est difficile à mettre en place pour certains exploitants démunis, car cette méthode requiert un important apport de main d’œuvre supplémentaire. En 2003, Moser et Barrett ont étudié l’adoption du SRI à Madagascar et découvert que ce surcroît de main d’œuvre est nécessaire à une période de l’année où les liquidités sont maigres et la charge de travail déjà très lourde. Dans ce cas précis, les pratiques du SRI, extrêmement saisonnières et à forte intensité de main d’œuvre, n’étaient donc pas appropriées pour les petits exploitants.

1 Voir : https://sriwestafrica.org/sri/. L’Institut de la Banque mondiale a développé pour les agriculteurs un outil multimédia rassemblant les principes fondamentaux du SRI, ses méthodes d’application, ses avantages et inconvénients. Voir : http://siteresources.worldbank.org/WBIWATER/Resources/SRIbrochure.pdf

2 Voir : http://sri.cals.cornell.edu/3 Pour plus d’exemples relatifs au SRI, voir : http://www.slideshare.net/SRI.CORNELL/1602-scaling-up-climate-smart-rice-production-in-west-africa.

ENCADRÉ 6

Page 64: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

48

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

reposant sur la culture du riz, mais aussi des légumes et des fruits, et sur l’élevage), les vallées intérieures apportent aux communautés locales les ressources de la forêt, du fourrage, de la chasse et de la pêche. Elles jouent également un rôle important en tant que tampons pour l’eau et points chauds de la biodiversité. La dégradation des écosystèmes vulnérables, causée par un développement ayant pour seul objectif la production agricole, doit être évitée  (Rodenburg et al., 2013). C’est le cas par exemple pour les zones humides fragiles, qui offrent des services environnementaux et doivent à ce titre être préservées et non pas exploitées pour l’agriculture.

109 Bien que cette étude n’aborde pas la question de l’importance du développement de la riziculture pour atteindre les objectifs de l’agriculture durable, de l’agriculture intelligente face au climat ou de la gestion durable des terres, préférer au riz des céréales telles que le millet et le sorgho peut être une solution plus appropriée aux terres arides dans certaines régions. Certains sols peuvent ainsi être véritablement régénérés en plantant des catégories de graines dures plutôt que du riz. Dans certains cas, une analyse comparative des cycles de vie de ce type doit être prise en considération.

Diversification des activités agricoles

Dans le cas de la production rizicole, la diversification ou pluriculture constitue l’une des principales pistes à explorer. Ainsi, dans les systèmes associant la culture du riz et du blé, le fait de semer le blé après avoir récolté le riz sur un sol non labouré est une pratique intéressante pour économiser de l’eau (Cantrell et Hettle, 2004). La diversification des systèmes culturaux centrés sur le riz en vue d’intégrer la culture des légumes, de modifier la rotation des cultures et de rapprocher ces systèmes de l’élevage ou de la pisciculture est une perspective des plus prometteuses pour renforcer la sécurité alimentaire des ménages, en améliorant les revenus du producteur tout en enrichissant son alimentation d’acides gras essentiels, de vitamines et de minéraux109.

©M

arco Dorm

ino/UN

Photo

Page 65: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

49

PRINCIPALES EXTERNALITÉS ET CONSÉQUENCES ENVIRONNEMENTALES DES CHAÎNES DE VALEUR SÉLECTIONNÉES ET BONNES PRATIQUES PERMETTANT D’Y FAIRE FACE

La chaîne de valeur du manioc Principales externalités et conséquences environnementales de la chaîne de valeur du manioc

pertes avant production

D’après Reynolds et  al.  (2015), il existe relativement peu de publications sur l’intégralité du processus de production du manioc et ses conséquences sur l’environnement. Pour de multiples raisons, dont sa résistance à la sécheresse, le manioc a longtemps été considéré comme une culture écologiquement durable ou inoffensive. On peut dire que traditionnellement, les systèmes alimentaires reposant sur la culture du manioc par de petits exploitants  (ce qui est le cas dans la plupart des pays de l’Afrique subsaharienne) ont moins de répercussions environnementales que les systèmes céréaliers et que les autres chaînes alimentaires dont il est question dans cette étude. Ainsi, il n’y a pas de retombées significatives lors de l’étape de préproduction, car le manioc est connu pour être une culture à faible intensité d’intrants, ne nécessitant que peu d’engrais. Dans de nombreux cas, on le cultive également dans des zones reculées et pauvres. De ce fait, il est tout simplement difficile à obtenir ou trop cher. Aussi les conséquences environnementales liées à une pollution chimique sont-elles limitées. En outre, la production du manioc dépend de la qualité des boutures. Le taux de multiplication des plants est très faible comparé à celui des céréales, qui se reproduisent à partir de graines. De plus, les boutures de manioc sont volumineuses et hautement périssables car elles sèchent en quelques jours, ce qui dans certains cas peut entraîner des pertes avant production110.

Dégradation des sols

La plupart des conséquences et externalités environnementales négatives causées par la production de manioc sont liées à l’utilisation des terres. En Afrique subsaharienne, le manioc occupe habituellement le flanc des collines ou des champs épuisés, par exemple dans des zones exposées à la sécheresse et sur des sols acides où d’autres cultures ne pourraient pousser qu’avec un fort apport d’intrants (Hershey et Howeler, 2000, cités par Reynolds et  al., 2015)111. Malgré l’adaptabilité du manioc au mauvais état des terres, dans de nombreuses régions de l’Afrique subsaharienne, l’épuisement de la fertilité des sols et leur dégradation représentent des difficultés croissantes pour sa culture, y compris dans les champs épuisés. Parallèlement, des signes montrent que le fait de planter du manioc dans

110 Voir : http://www.iita.org/cassava. 111 Du point de vue de la sécurité alimentaire et de l’environnement, cette caractéristique présente plusieurs avantages : le manioc est capable de pousser sur des terres

agricoles épuisées et abandonnées, et il n’est pas nécessaire de convertir de nouvelles terres pour le produire. Toutefois, cet aspect n’est pas le sujet de cette étude.

des terres fertiles peut provoquer l’épuisement des sols et des nutriments (Howeler, 2001).

perte de biodiversité

L’augmentation rapide de la production de manioc, particulièrement au Nigéria, a conduit à une inévitable déforestation par le biais de l’agriculture par défriche-paillis. Elle peut donc indirectement engendrer une perte de biodiversité  : d’après une étude plus ancienne, mais toujours très pertinente, réalisée par McNeely (1992, cité par la FAO, 2003), l’Afrique avait déjà perdu 65  % de l’habitat de sa faune sauvage en 1986, du fait de la conversion des sols en terres agricoles. Ce processus, auquel la production de manioc pour la consommation humaine a clairement contribué, s’est encore accéléré au cours des années 1990. Toutefois, par rapport à la culture à grande échelle des produits d’exportation, tels que l’arachide et le café, les conséquences de la production de manioc à petite échelle ont été moindres (FAO et FIDA, 2001).

émissions de GeS

La transformation traditionnelle du manioc, dans laquelle les femmes jouent un rôle important, est généralement manuelle et demande une forte intensité de main d’œuvre. Cependant, elle se mécanise et se commercialise de plus en plus, impliquant davantage les hommes et générant la diffusion de pratiques non durables. Si elles apportent une valeur ajoutée au niveau local, ces nouvelles technologies s’accompagnent de l’utilisation de combustibles et de son impact sur l’environnement, notamment la pollution de l’eau et de l’air et la dégradation des forêts (prélèvement de bois de chauffage)  (FAO et FIDA, 2001). Plus précisément, la transformation des racines de manioc en aliments nécessite d’acquérir du bois de chauffage et d’utiliser un combustible fossile (pétrole) pour alimenter le tracteur et un petit moteur à combustion interne, ce qui provoque des émissions de GES. La consommation de bois de chauffage engendre également une déforestation et une désertification massives, deux des principales causes du changement climatique (Kolawole, 2014).

pertes après récolte

Les pertes de produits alimentaires apparaissent également lors de l’étape de postproduction  : le manioc est hautement périssable, et donc très vulnérable à la détérioration physiologique qui survient après la récolte. Les méthodes inadéquates d’arrachage  (principalement dues à des pratiques manuelles inefficaces), de stockage et de transformation du manioc constituent des problèmes majeurs, générant des taux élevés de pertes après récolte. Cette production perdue est synonyme

Page 66: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

50

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

de gaspillage, non seulement en termes d’efforts fournis par les agriculteurs, mais aussi de défrichement. Contrairement à la production de manioc elle-même, la transformation qui suit la récolte nécessite une main-d’œuvre considérable, car les racines hautement périssables doivent être traitées rapidement afin de pouvoir être stockées. En outre, certaines variétés contiennent une substance appelée cyanure, qui peut rendre le produit toxique s’il ne reçoit pas un traitement adéquat. Diverses méthodes, telles que le râpage, le séchage au soleil et la fermentation, sont utilisées pour réduire la teneur en cyanure112. Par ailleurs, si elles sont directement rejetées dans l’environnement sans avoir subi un traitement approprié, les eaux résiduaires issues de la transformation du manioc peuvent elles aussi être sources de pollution (Kolawole, 2014).

risques liés au changement climatique

Le manioc est supposé être beaucoup plus résistant face au changement climatique que d’autres cultures de base, car il s’agit d’un tubercule tolérant à la sécheresse : il a démontré un potentiel de résilience particulièrement élevé face à des catastrophes climatiques telles qu’El Niño (Barratt et al., 2006 ; Jarvis et al., 2012).

Bonnes pratiques pour la chaîne de valeur du manioc

intensification durable

D’après AfD et  al.  (2010), il est urgent d’encourager une intensification durable des chaînes d’approvisionnement du manioc, car l’augmentation de la densité démographique et le raccourcissement des périodes de jachère ont conduit à la détérioration des systèmes. De nombreuses technologies existent mais les conditions économiques de leur diffusion font qu’elles ne sont pas souvent mises en œuvre (par exemple, en raison du coût des engrais). Le principal défi à venir est de développer les systèmes de culture du manioc tout en misant sur l’intensification écologique, afin de préserver la fertilité des sols et de maîtriser les espèces invasives. Pour y parvenir, un certain nombre de bonnes pratiques doivent être respectées à chaque étape de la chaîne de valeur.

Premièrement, les techniques issues de l’agriculture de conservation et de l’agroforesterie peuvent être adaptées au manioc. Elles nécessitent généralement peu d’engrais

112 Voir : http://www.iita.org/cassava.113 En 2015, O.B. Ajayi a réalisé des recherches sur les effets du changement climatique sur la production et la rentabilité du manioc dans la région du delta du Niger au

Nigéria. Il a détaillé un certain nombre de stratégies d’adaptation à ce dérèglement, dont le drainage des terres humides pour la culture du manioc, l’utilisation de variétés à maturation précoce, la préservation des boutures pour les plantations et la reforestation (O.B. Ajayi, 2015 : p. 7-8).

114 Le Défi de l’innovation pour le manioc (Cassava Innovation Challenge) lancé en 2016 par la Fondation Rockefeller, conjointement avec Dalberg et l’Institut international d’agriculture tropicale, apportera jusqu’à un million de dollars ainsi qu’une assistance technique afin de trouver des solutions pour accroître la durée de conservation du manioc au Nigéria. Il est encore trop tôt pour avoir une idée des résultats de ce défi, mais ils méritent que l’on s’y intéresse. Pour plus de précisions, voir : https://www.rockefellerfoundation.org/cassavachallenge/.

115 Voir : http://www.iita.org/cassava.

chimiques et d’herbicides pour contrôler la biomasse. D’après AfD et al.  (2010), les recherches menées sur l’application de ces techniques aux racines et aux tubercules sont encourageantes, mais doivent encore être approfondies et leurs résultats plus largement approuvés. L’investissement dans la recherche est fondamental, car le manioc devrait être plus résistant au changement climatique que le maïs et le riz, et pourrait même se substituer aux céréales113.

Deuxièmement, il est essentiel d’utiliser du matériel propre pour effectuer les plantations, afin de gérer les maladies virales du manioc. Mais pour y parvenir, la coordination est indispensable dans plusieurs domaines tels que la surveillance, la gestion intégrée de l’infestation par l’aleurode du manioc, la sélection végétale et les systèmes semenciers  (Legg et  al., 2014). La poursuite des recherches, telles que celle actuellement menée par l’Institut international d’agriculture tropicale, doit être vivement encouragée.

Troisièmement, l’amélioration de la conservation des racines dans le sol, des pratiques de récolte et de stockage, et des méthodes de transformation est particulièrement utile pour réduire les pertes après récolte114. En ce qui concerne les dernières, il existe de nombreuses techniques traditionnelles de transformation du manioc, qui en font un produit peu coûteux et facile à utiliser pour le consommateur final. Toutefois, les avancées dépendront de la diffusion de petits équipements de transformation mécaniques afin d’accroître la qualité et la productivité de la main-d’œuvre. Au Nigéria par exemple, l’introduction de râpes mécaniques pour la préparation du gari a permis aux femmes de consacrer moins de temps à la fermentation du manioc et de se concentrer davantage sur la production, générant ainsi de meilleurs rendements (Nweke, 2004, cité par AfD et al., 2010).

Diversification des activités agricoles

La diversification par la culture «  intercalaire  » du manioc et d’autres espèces est fondamentale pour gérer les externalités et conséquences environnementales liées à la chaîne de valeur de ce tubercule : il peut être associé à des arbres et des arbustes, ainsi qu’à des légumes, des cultures de plantation (telles que le cocotier, le palmier à huile et le caféier), de l’igname, de la patate douce et du melon115. Parmi les nombreuses pratiques existantes, il semble que la culture intercalaire du manioc et du maïs soit en train de gagner du terrain. Par ailleurs, l’association du manioc et des légumes secs devient de plus en plus répandue  (voir

Page 67: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

51

PRINCIPALES EXTERNALITÉS ET CONSÉQUENCES ENVIRONNEMENTALES DES CHAÎNES DE VALEUR SÉLECTIONNÉES ET BONNES PRATIQUES PERMETTANT D’Y FAIRE FACE

encadré 7 pour plus de précisions sur la culture intercalaire du manioc et des légumineuses à graines au Nigéria), notamment parce que les légumes secs sont connus pour favoriser l’apport d’azote nécessaire au manioc (voir La chaîne de valeur des légumes secs, page 54). Également appelée « agroforesterie », la culture intercalaire réalisée avec des arbres et des arbustes permet aux agriculteurs de recueillir les bénéfices d’une récolte, tandis que les autres espèces cultivées ou les arbres plantés continuent à pousser et à mûrir (Ferment et al., 2008, Fermont, 2009, cités par Reynolds et al., 2015 ; Jarvis et al., 2012)116.

La chaîne de valeur du maïsPrincipales externalités et conséquences environnementales de la chaîne de valeur du maïs

émissions de GeS

Lors de l’étape de préproduction, l’utilisation relativement répandue et croissante d’engrais synthétiques dans la culture du maïs est responsable de l’émission de GES, à la fois lors de la fabrication de ces engrais et lors de leur usage. Cependant, en Afrique subsaharienne, ces conséquences restent localisées, car dans la plupart des cas, les engrais et les pesticides sont

116 Voir : http://www.worldagroforestry.org/news/agroforestry-potential-nigeria. Pour plus d’informations sur la culture intercalaire des arbres et du manioc dans la province de Java occidental, voir : http://blog.cifor.org/41242/switching-swidden-to-agroforestry-a-small-intervention-with-big-potential-in-west-java?fnl=en.

sous-utilisés  (Reay et  al., 2012, cité par Reynolds et  al., 2015). Néanmoins, le défrichement lié au maïs, toujours pratiqué dans plusieurs grands pays africains tels que l’Éthiopie, le Nigéria et le Soudan, génère également des émissions de GES (Fargione et al., 2008 ; Phalan et al., 2013, cités par Reynolds et al., 2015).

Dégradation des sols et perte de biodiversité

Lors de l’étape de production, la monoculture du maïs et des pratiques de gestion non durables entraînent l’infertilité des sols et des pénuries de nutriments. La monoculture du maïs a pour autres externalités et conséquences environnementales le défrichement et la dégradation des terres, qui provoquent à leur tour la disparition de l’habitat sauvage et de la biodiversité. Parallèlement, l’infertilité des sols et les pénuries de nutriments constituent les plus grandes entraves aux rendements du maïs en Afrique subsaharienne (Mueller et al., 2012, cité par Reynolds et al., 2015).

Maladies, nuisibles et adventices

Les maladies et les nuisibles comptent parmi les principaux obstacles qui limitent la productivité du maïs dans les systèmes de petites exploitations en Afrique subsaharienne. Il s’agit notamment du mildiou, de la maladie des taches grises, de la rouille et du virus de la striure du maïs. Ce dernier a causé des pertes majeures lors d’une vaste flambée épidémique survenue

La culture intercalaire du manioc et d’autres espèces au Nigéria

D’après la FAO (2013), associer le manioc à des légumineuses à graines (telles que le haricot, l’arachide ou le niébé) peut lui apporter l’azote dont il a besoin. Il peut aussi bénéficier des rotations effectuées avec des légumineuses à graines, dans des zones marginales où il constitue la culture principale. Des recherches menées au Nigéria montrent que la culture intercalaire du manioc et du soja pendant deux ans a généré une augmentation du rendement de 10 à 23 %, grâce à l’incorporation des résidus de soja à la terre1.

Par ailleurs, la culture intercalaire limite le risque de perdre l’intégralité d’une récolte. Ainsi, sans le sud-ouest du Nigéria, le maïs et le manioc sont souvent plantés lors de la première des deux saisons des pluies annuelles. Le maïs est récolté à l’occasion d’une brève accalmie entre les précipitations, alors que le manioc est laissé seul en terre. Comme les deux cultures présentent des complexes de nuisibles et de maladies différents, et n’ont pas les mêmes besoins végétatifs, si l’une échoue, l’autre peut survivre. Certains agriculteurs tentent même une deuxième récolte de maïs – plus hasardeuse que celle du manioc – qui, si elle réussit, leur apporte un bonus (FAO, 2013).

1 Pour d’autres pratiques telles que la fumure verte ou les cultures en couloirs, adoptées dans d’autres endroits du monde, voir : http://www.fao.org/ag/save-and-grow/cassava/en/5/index.html.

ENCADRÉ 7

Page 68: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

52

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

dans les années 1970 dans de nombreux pays de l’Afrique subsaharienne117. Plus récemment, la nécrose létale du maïs a provoqué d’importants dégâts. Les chenilles processionnaires et les foreurs du maïs, ainsi que des adventices nuisibles telles que la striga, peuvent également occasionner des dommages à grande échelle (Pingali et Pandey, 2000).

pertes après récolte

Lors de l’étape de postproduction, les céréales telles que le maïs connaissent des pertes significatives lorsqu’elles sont stockées de manière traditionnelle, à cause de nombreux nuisibles et maladies. Toutefois, les pertes après récolte peuvent également survenir à d’autres étapes de la chaîne de valeur, notamment lors du transport, du battage, du séchage ou de l’usinage (Tefera 2012, cité par Reynolds et al., 2015).

risques liés au changement climatique

En Afrique subsaharienne, la productivité du maïs a toujours été faible, car cette céréale est principalement cultivée dans le cadre de systèmes de petites exploitations et dans des conditions pluviales, ce qui la rend extrêmement vulnérable à la variabilité et au changement climatiques. Des modifications même minimes dans le régime ou la quantité des précipitations peuvent entraîner des pertes de rendement considérables (Reynolds et al., 2015). En outre, la faiblesse générale des rendements dans cette région est souvent associée au stress causé par la sécheresse, à la médiocre fertilité des sols, aux adventices, aux nuisibles, aux maladies, à la disponibilité et à l’utilisation limitées des intrants et à des semences inappropriées (Adger et al., 2007, cité par Cairns et al., 2013). Le futur changement climatique est susceptible d’exacerber ces conditions. Il pourra donc être particulièrement préjudiciable aux rendements du maïs en Afrique subsaharienne  (plus qu’à ceux du manioc par exemple), en provoquant un durcissement des contraintes biotiques et abiotiques, notamment une hausse des températures et une aggravation de la sécheresse et des infestations, et en limitant les zones où le maïs peut être cultivé  (Reynolds et  al., 2015). En résumé, les dérèglements climatiques actuels et à venir représentent donc un défi encore plus difficile à relever, étant donné que leurs probables conséquences iront au-delà de ce que les agriculteurs ont connu jusqu’à présent (Adger et al., 2007, cité par Cairns et al., 2013).

Bonnes pratiques pour la chaîne de valeur du maïs

intensification durable

Un grand nombre de recherches ont été réalisées sur l’intensification durable des systèmes fondés sur la culture du

117 Voir : www.iita.org.

maïs en Afrique subsaharienne. Il existe un grand nombre de bonnes pratiques et de technologies pour gérer les conséquences environnementales de ces systèmes  (Pretty et  al., 2011), notamment :

• les méthodes de conservation des sols et de l’eau : au Burkina Faso, des agriculteurs ont doublé leurs rendements en grains en utilisant des techniques de récupération des eaux de pluie telles que les diguettes en pierre et les cuvettes de plantation. Pratiquée à l’échelle de la communauté, la collecte des eaux pluviales peut recharger les nappes souterraines et restaurer l’écoulement fluvial (GCP et al., 2015) ;

• la gestion intégrée des nutriments  (voir l’exemple en Asie du Sud dans Timsina et al., 2010) et la gestion améliorée des terres agricoles présentant différents états nutritionnels, qui a été testée au Kenya et au Zimbabwe  (Tittonell et  al., 2008). L’expérience passée a démontré que la conjugaison de l’utilisation de nouvelles variétés et de solutions de gestion améliorée peut compenser les pertes de rendement jusqu’à 40  %. D’une façon générale, des éléments extrêmement probants indiquent que les efforts entrepris pour améliorer la gestion des sols  (travail minimum du sol, conservation des résidus agricoles et culture intercalaire) peuvent réduire l’érosion de ceux-ci et leurs pertes en nutriments. Néanmoins, l’adoption des techniques de l’agriculture de conservation reste lente et limitée en Afrique subsaharienne (Bossio et al., 2010 ; Erenstein et al., 2012, cités par Reynolds et al., 2015). Par ailleurs, on a constaté en Zambie que dans les systèmes reposant sur l’agriculture de conservation et pratiquant la rotation des cultures, les rendements du maïs étaient supérieurs de 50 % à ceux obtenus dans les systèmes de culture conventionnels. Ces systèmes ont également permis de réduire l’érosion des sols, les intrants chimiques et la consommation d’énergie (GCP et al., 2015) ;

• l’amélioration des variétés et des techniques de gestion  : d’après Cairns et  al.  (2013), les stratégies d’adaptation au changement climatique dans les systèmes de culture du maïs en Afrique subsaharienne sont susceptibles d’intégrer un germoplasme amélioré, tolérant à la sécheresse et à la chaleur, ainsi que des pratiques de gestion améliorées. Comme l’indiquent Cairns et  al. (2013), «  l'adaptation aux futures conditions climatiques exige d’être capable de prévoir précisément les scénarios climatiques à venir afin de définir des réponses agricoles appropriées et de fixer les priorités stratégiques  ». Malgré les progrès réalisés dans la sélection d’un maïs plus tolérant à la sécheresse et aux températures élevées, il reste encore de nombreuses améliorations à apporter, car la production de maïs en Afrique subsaharienne risque d’être fortement perturbée par le stress abiotique (Reynolds et al., 2015).

Page 69: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

53

PRINCIPALES EXTERNALITÉS ET CONSÉQUENCES ENVIRONNEMENTALES DES CHAÎNES DE VALEUR SÉLECTIONNÉES ET BONNES PRATIQUES PERMETTANT D’Y FAIRE FACE

Plus largement, les pratiques agroécologiques et agroforestières offrent des solutions  : ensemble de pratiques stratégiques de gestion intégrée des paysages, l’agroécologie repose sur la biologie et sur des systèmes intégrés d’exploitation associant les sols, les végétaux et les animaux afin de non seulement créer des cultures, des plantations d’arbres et un élevage fondés sur la durabilité, mais aussi garantir une eau propre, réduire la pollution et protéger la biodiversité. L’agroforesterie au Malawi a permis d’augmenter les rendements

118 Voir : www.cimmyt.org.

du maïs d’environ 50 %, grâce à la plantation sur les exploitations d’un arbre fixateur d’azote appelé Faidherbia albida (GCP et al., 2015). Parmi les pratiques de gestion écologique des nuisibles figurent la stratégie push-pull pour lutter contre le foreur du maïs et la striga, le contrôle biologique du foreur du maïs, la construction de structures de stockage hermétique pour réduire les pertes après récolte et le développement de la résistance des plantes hôtes face aux ravageurs des greniers et aux maladies graves telles que la nécrose létale du maïs118.

L’intensification durable des systèmes de culture intercalaire du maïs et des légumineuses en faveur de la sécurité alimentaire en Afrique de l’Est et en Afrique australe (SIMLESA) : gros plan sur l’Éthiopie, le Kenya, le Malawi, le Mozambique et la Tanzanie

SIMLESA est une initiative lancée en 2008 par le Centre international pour l’amélioration du maïs et du blé (CIMMYT), conjointement avec le gouvernement australien et d’autres partenaires tels que la FAO et le CGIAR. Elle a pour objectif d’accroître la sécurité alimentaire et la productivité des ménages ruraux possédant une exploitation dans le contexte du changement climatique, à travers le développement de systèmes de cultures intercalaires plus résilients, rentables et durables. Elle s’intéresse particulièrement aux systèmes agricoles associant le maïs et les légumineuses en Éthiopie, au Kenya, en Tanzanie, au Mozambique et au Malawi.

Pour de nombreux ménages ruraux, la sécurité alimentaire dépend du renforcement de la productivité, en conjuguant l’amélioration des variétés de maïs utilisées et l’adoption de pratiques d’intensification durable correctement ciblées. SIMLESA veille à ce que les actions entreprises maximisent la productivité, les revenus, la résilience et la durabilité au niveau des exploitations de ces systèmes, et s’appuient sur les ressources propres des agriculteurs et sur des chaînes de valeur réalistes à long terme. Son travail consiste essentiellement à nouer des partenariats solides avec des acteurs pertinents, afin d’introduire un maïs tolérant à la sécheresse, des variétés de légumineuses plus productives, des technologies après récolte et des méthodes d’assurances gérées par téléphone portable.

Grâce à la sélection végétale conventionnelle, le Centre international pour l’amélioration du maïs et du blé a réalisé des progrès considérables dans le développement d’un maïs tolérant à la sécheresse, qu’il a largement testé et diffusé dans des régions africaines enclines à l’aridité. Les scientifiques du CIMMYT pensent qu’ils peuvent encore l’améliorer en ayant recours aux techniques de la biologique moléculaire. Avec l’aide d’une carte du génome associant les données relatives à différents types de maïs tropical dans des environnements variés, ils sont en train d’identifier les « points chauds » génétiques du maïs, autrement dit les séquences chromosomiques qui rendent cette céréale tolérante à la sécheresse.

Ces travaux revêtent un caractère décisif à la lumière d’une récente étude menée conjointement par le Centre international d’agriculture tropicale (CIAT) et l’Institut international de recherche sur l’élevage (ILRI), portant sur les probables conséquences du changement climatique sur les rendements du maïs en Afrique et en Amérique latine dans les décennies à venir. Cette étude prévoit, dans certaines régions de l’Afrique australe, une baisse drastique des rendements, qui nécessitera des ajustements d’envergure dans les systèmes fondés sur la culture du maïs1.

1 Voir : http://www.cimmyt.org/strategic-plan-2017-2022/

ENCADRÉ 8

Page 70: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

54

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

Diversification des activités agricoles

Comme c’est le cas pour d’autres cultures ainsi que pour le secteur spécifique de l’élevage, il est recommandé d’associer le maïs à d’autres cultures. Plus concrètement, cette diversification peut être réalisée grâce à la plantation intercalaire ou en rotation du maïs et d’arbres et arbustes de la famille des légumineuses, ou de légumineuses annuelles  (Pretty et  al., 2011), ou en incorporant les résidus de légumineuses à la terre où le maïs est cultivé (Mapfumo et al., 2005). L’encadré 8 présente une étude de cas portant sur des systèmes de culture intercalaire du maïs et des légumineuses instaurés dans plusieurs pays de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique australe, qui ont généré un accroissement durable des rendements.

La chaîne de valeur des légumes secs

Principales externalités et conséquences environnementales de la chaîne de valeur des légumes secs

Il existe une grande variété de légumes secs partageant des caractéristiques communes qui en font une «  superplante pour le développement durable  ». En effet, ces végétaux ne présentent qu’un nombre relativement faible d’externalités et de conséquences environnementales119 négatives. Ils en produisent toutefois quelques-unes, dont l’intensité dépend en grande partie du type de légume sec, du système agricole utilisé et de l’environnement agroécologique120.

utilisation d’engrais

Les légumes secs possèdent la faculté unique de fixer l’azote dans le sol, mais le manque d’azote dans certains sols peu fertiles en Afrique subsaharienne représente en réalité l’un des principaux facteurs limitant leur productivité dans la région. Pour remédier à ce problème, les agriculteurs utilisent des engrais de couverture, qui peuvent à leur tour nuire à la fertilité du sol et aux récoltes. Il est donc essentiel de procéder à une analyse détaillée des caractéristiques du sol pour tirer le meilleur parti des engrais utilisés et de l’intégration des légumes secs dans les systèmes agricoles. La capacité de ces plantes à fixer l’azote est particulièrement utile dans les régions en développement du continent africain, où l’accès des petits exploitants à des engrais azotés est souvent limité, et où les prix sont beaucoup plus

119 Voir : http://peoplefoodandnature.org/blog/pulses-celebrated-internationally-as-a-super-crop-for-sustainability/120 Par manque de place, nous ne pouvons différencier les variétés de légumes secs dans cette étude.

élevés qu’en Asie, en raison du coût du transport et du fait qu’ils sont distribués et vendus en petites quantités.

Dégradation des sols et épuisement des ressources en eau

L’exploitation des terres et de l’eau pour la culture des légumes secs peut avoir des externalités et conséquences environnementales négatives, qui sont toutefois moins importantes que celles produites par bon nombre d’autres cultures. La monoculture du soja, par exemple, peut entraîner un stress hydrique et la dégradation des sols. La hausse de la production de soja en Afrique subsaharienne pose des problèmes non seulement environnementaux, mais aussi socio-économiques.

perte de biodiversité

Le changement d’affectation des terres dû à la production accrue de légumes secs, tels que le soja, dans les écosystèmes fragiles de l’Afrique subsaharienne, peut accélérer la déforestation et entraîner une perte de biodiversité  (Gasparri et  al., 2015). Les savanes et forêts sèches de l’Afrique australe, qui présentent une grande diversité biologique, se prêtent bien à la production du soja (Beale et al., 2013).

pertes après récolte

Les pertes de légumes secs après récolte sont relativement faibles. En effet, les agriculteurs maîtrisent bien la procédure de séchage, qui relève du savoir traditionnel. Le manque de structures et de techniques de stockage adaptées peut toutefois causer d’importantes pertes après récolte, principalement en ce qui concerne les arachides et les haricots communs. Ces cultures sont particulièrement vulnérables aux aflatoxines et aux charançons en l’absence de stockage adéquat.

risques liés au changement climatique

Les modèles climatiques établis n’ont effectué que peu d’estimations des conséquences du changement climatique sur les récoltes de légumes secs et les surfaces cultivées. Compte tenu de la grande variété de légumes secs utilisés dans les systèmes agricoles, le changement climatique aura des conséquences très variables sur les chaînes de valeur concernées, et notamment sur la production et les récoltes. Ces denrées étant généralement cultivées dans le cadre de systèmes de culture pluviale, elles sont en effet plus vulnérables aux sécheresses soudaines et aux précipitations imprévisibles  (Bahl, 2015). Les sécheresses, la chaleur et la mauvaise fertilité du sol (p. ex., faibles niveaux

Page 71: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

55

PRINCIPALES EXTERNALITÉS ET CONSÉQUENCES ENVIRONNEMENTALES DES CHAÎNES DE VALEUR SÉLECTIONNÉES ET BONNES PRATIQUES PERMETTANT D’Y FAIRE FACE

de phosphore) empêchent les légumes secs de fixer l’azote correctement. Pourtant, l’usage avisé de différentes variétés de légumes secs peut renforcer la résilience des systèmes agricoles face au climat.

Tous les légumes secs ne subissent pas le changement climatique de la même manière  : les températures élevées et le manque d’humidité peuvent entraîner une sécheresse aux phases décisives de la floraison et de la croissance  ; les pluies fortes et intermittentes sont quant à elles à l’origine de bigarrures sur le pois d’Angole (Vadez et al., 2012). Ces derniers, de même que les lentilles et les arachides, souffrent moins de la sécheresse que d’autres légumineuses comme le niébé et le soja vert, également connu sous le nom de haricot mung (Daryanto, 2015)121. Les modèles climatiques établis par Ramirez-Villegas et Thornton (2015) prévoient une réduction de 30 à 50 % des zones adaptées à la culture du haricot commun dans de nombreuses régions. Cette même étude indique par ailleurs que certains scénarios du changement climatique sont favorables à la culture des arachides en Afrique de l’Est, et peuvent s’avérer bénéfiques pour les récoltes et superficies adaptées à ce type de culture déjà présentes en Afrique de l’Ouest. Adhikari et al. (2015) montrent quant à eux qu’une baisse de la production de soja de l’ordre de 45 % est à prévoir.

Les systèmes de culture mixte (céréales/légumes secs/bétail) ou de rotation des cultures sont fortement reliés  ; les problèmes

121 Daryanto S., Wang L., Jacinthe P.-A. 2015. Global Synthesis of Drought Effects on Food Legume Production. PLoS ONE 10(6) : e0127401.

tels que les sécheresses, le manque de nutrition des sols et les nuisibles interagissent les uns avec les autres. Les répercussions du changement climatique sur ces systèmes complexes et interconnectés doivent faire l’objet de recherches plus approfondies.

Bonnes pratiques pour la chaîne de valeur des légumes secs

intensification durable

Les légumes secs sont souvent considérés comme des «  cultures adaptées au changement climatique  », parce qu’ils peuvent aider les petits agriculteurs des régions arides ou semi-arides à résister à la variabilité du climat. C’est pourquoi l’intensification durable des cultures de légumes secs est essentielle en Afrique subsaharienne. Les pratiques de l’agriculture de conservation favorisent la culture des légumes secs  : elles se fondent sur les principes de bouleversement minimal du sol, de couverture permanente du sol et de rotation des cultures, les légumes secs jouant alors un rôle essentiel en tant que fixateurs d’azote. L’agriculture de conservation permet d’économiser la main-d’œuvre, de réduire l’érosion et donc la dégradation des sols, et d’atténuer les conséquences des précipitations imprévisibles et des périodes de sécheresse. Elle présente toutefois un inconvénient  : le passage à une

©O

umou Sow

/PNU

D M

auritanie

Page 72: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

56

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

agriculture de conservation peut en effet causer, dans un premier temps, l’apparition de nombreuses adventices. Les investissements importants liés à la main-d’œuvre recrutée pour le désherbage manuel représentent un autre problème de taille pour les agriculteurs. De meilleures informations sur les herbicides et un accès facilité à ces produits peuvent néanmoins renforcer l’attrait du passage à l’agriculture de conservation et notamment à l’intégration des légumes secs dans la rotation des cultures (SIMLESA, 2015).

Les pratiques d’intensification durable présentent des avantages pour les petits producteurs de légumes secs. C’est pourquoi il convient d’investir davantage dans l’accès durable à des intrants tels que semences améliorées, rhizobactéries et engrais à base de phosphore, mais aussi sur la fourniture d’une aide à la prise de décisions éclairées, sur l’adoption de politiques promouvant la production de légumes secs et sur le renforcement des marchés

de ces derniers. Pour prendre leurs décisions, les agriculteurs doivent avoir accès, entre autres, à des informations fiables sur les bonnes pratiques, les technologies et les avantages nutritionnels de la production de légumes secs. Ils ont également besoin d’accéder aux informations diffusées par les agences météorologiques, surtout en cas de modification des conditions météorologiques. Ils doivent être renseignés sur la rentabilité à long terme de l’intégration des légumes secs dans les systèmes agricoles, en tenant compte de leurs effets positifs sur les rendements des autres cultures, mais aussi de la hausse (perçue) du coût de la main-d’œuvre et des risques liés aux nuisibles. Les secteurs public et privé doivent travailler ensemble dans le cadre de projets tels que N2Africa (encadré 9) pour faciliter l’accès durable des agriculteurs aux intrants, aux technologies et aux informations.

Enfin, le renforcement des liens entre petits producteurs et marchés, de même que l’amélioration de l’accessibilité,

Le projet N2Africa : des partenariats public-privé au service des technologies durables pour la culture des légumes secs

Le projet N2Africa est dirigé par l’université de Wageningue, aux Pays-Bas, en partenariat avec l’IITA, l’ILRI et des partenaires nationaux de 11 pays d’Afrique subsaharienne. Il vise à fournir et à diffuser des technologies inoculantes améliorées de fixation de l’azote et des techniques perfectionnées de production des légumes secs, à l’aide par exemple d’engrais à base de phosphore. Il collabore avec des partenaires des secteurs public et privé afin de renforcer la fourniture durable de ces intrants. Le processus symbiotique établi entre les bactéries et les systèmes racinaires des légumes secs peut être optimisé grâce à l’inoculation d’une bactérie spécifique, le rhizobium, à une plante. Les engrais à base de phosphore et l’inoculation améliorent alors la fixation biologique de l’azote et augmentent le rendement en grains des légumes secs et des céréales. L’optimisation des techniques de gestion des cultures et des parcelles (p. ex., gestion de l’eau et des sols, désherbage) revêt également une grande importance. Par ailleurs, le projet met de plus en plus l’accent sur « la prise en compte des questions de parité par les outils qui allègent le besoin en main-d’œuvre avant et après la récolte, et sur la valeur ajoutée au niveau des ménages et des PME ». (http://www.n2africa.org/content/n2africa-partnerships)

En Éthiopie, l’équipe du projet N2Africa collabore avec Bale Green, une grande exploitation commerciale qui produit à grande échelle semi-mécanisée des pois chiches en assolement avec le blé et le teff (une céréale locale). Le partenariat intervient auprès de 90 000 petits ménages agricoles rassemblés sous forme d’organisations de producteurs, afin de leur fournir des semences améliorées de pois chiches, des engrais et des inoculants. Il regroupe également des entreprises produisant des inoculants à base de rhizobium, des organisations publiques de recherche et de vulgarisation, ainsi que des partenaires de développement. Les exploitants sont formés aux techniques agricoles et pratiques de production améliorées, tandis qu’ACOS, un grand exportateur de légumes secs, et Guts Agro, une entreprise de transformation alimentaire, garantissent le marché de production1. Lors de la première phase du projet N2Africa, plus de 230 000 agriculteurs ont évalué et employé des variétés améliorées de légumineuses à graines, les inoculants, ainsi qu’un engrais spécifique à ce type de culture. La deuxième phase, qui a pour objectif d’atteindre plus de 500 000 petits exploitants, se poursuivra jusqu’en 2019 (Sopov et al., 2015).

1 Voir : http://www.n2africa.org/content/n2africa-partnerships.

ENCADRÉ 9

Page 73: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

57

PRINCIPALES EXTERNALITÉS ET CONSÉQUENCES ENVIRONNEMENTALES DES CHAÎNES DE VALEUR SÉLECTIONNÉES ET BONNES PRATIQUES PERMETTANT D’Y FAIRE FACE

notamment financière, de variétés améliorées, peuvent inciter les agriculteurs à cultiver des légumes secs et augmenter ainsi les récoltes et la rentabilité. La sensibilisation des consommateurs aux bienfaits nutritionnels des légumes secs offre de nombreuses occasions de consolider les marchés correspondants. La promotion et la diffusion de technologies facilitant leur cuisson peuvent quant à elles favoriser leur introduction dans les régimes locaux. Les activités de transformation des légumes secs en vue de leur vente sur les marchés urbains d’aliments sains et prêts à la consommation, actuellement en plein essor, sont susceptibles d’avoir une certaine valeur ajoutée  (voir l’encadré 10 : Enseignements tirés du projet Tropical Legumes).

Les légumes secs, souvent produits par les femmes, représentent également une culture commerciale importante destinée aux marchés locaux, régionaux et internationaux. Considérés en Afrique de l’Ouest et en Afrique de l’Est comme une culture typiquement féminine, ils ne constituent pas la principale culture génératrice de revenus. Ingrédients de soupes et sauces protéinées accompagnant le principal aliment de base et sources de revenus issus de la vente de la production excédentaire par les femmes, ils contribuent toutefois largement à l’amélioration de la nutrition, de l’éducation et de la satisfaction des besoins fondamentaux des ménages. Les investissements effectués en vue de la modernisation de la chaîne de valeur des légumes secs peuvent entraîner une perte d’autonomie des femmes en matière de production, de transformation et de vente des légumes secs, et avoir ainsi d’éventuelles répercussions

Enseignements tirés du projet Tropical Legumes au Burkina Faso, en Éthiopie, au Nigéria et en Tanzanie

Le projet Tropical Legumes, financé par la Fondation Bill et Melinda Gates, est issu d’un partenariat entre trois organisations du Consortium des centres internationaux de recherche agronomique (CGIAR) – y compris l’Institut international de recherche sur les cultures des zones tropicales semi-arides, ICRISAT, qui le pilote – et des instituts de recherche nationaux du Burkina Faso, de l’Éthiopie, du Nigéria et de la Tanzanie. Il vise à créer des variétés améliorées de légumes secs, qu’il met ensuite à la disposition des agriculteurs. Le projet, axé sur les régions semi-arides, porte principalement sur les légumes secs (pois chiches, pois d’Angole) et légumineuses (arachides) des zones arides. Il investit dans la conservation, l’analyse et la sélection de variétés de légumes secs, ainsi que dans la recherche sur les pratiques de gestion agricole, la transformation et les débouchés agroalimentaires, dans le but ultime d’améliorer la performance des programmes de sélection végétale en matière de création de nouvelles variétés. Ces variétés améliorées sont élaborées pour répondre aux défis qui apparaîtront à mesure de l’évolution du changement climatique. Par exemple, une variété de haricots de Lima à haut rendement et tolérants à la sécheresse a été introduite en Tanzanie et a bien mieux résisté à la grande sécheresse des saisons dernières que les variétés locales1. D’importantes améliorations de la productivité et de la production, liées à la substitution rapide des nouvelles variétés aux anciennes dans les zones d’intervention du projet, ont été observées à l’échelle nationale. À noter également, l’apparition de modèles réalistes et efficaces de production de différentes catégories de semences et l’autonomisation des femmes en matière de production et de vente de semences de légumineuses. Le projet estime avoir suscité la production et la distribution de plus de 200 000 tonnes de semences améliorées de légumes secs dans ses zones d’intervention. Le principal défi sera de maintenir ces progrès une fois le projet terminé (Ehlers, 2016).

1 Voir : http://tropicallegumes.icrisat.org/bean-power-finger-on-the-pulse-of-a-drought-resilient-future/.

ENCADRÉ 10

©A

lbert Gonzalez Farran

Page 74: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

58

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

négatives sur les revenus et la nutrition des ménages. Les programmes visant à renforcer la chaîne de valeur des légumes secs doivent donc s’accompagner d’un suivi étroit de leurs effets sur le rôle des femmes122.

L’augmentation des rendements de légumes secs passe nécessairement par l’adaptation des stratégies aux différents types d’agriculteurs. Une fois autonomisés grâce au renforcement des organisations, les petits exploitants pourront bénéficier d’économies d’échelle pour la commercialisation et la transformation. L’amélioration des connaissances sur les pratiques et technologies agricoles contribue à l’intensification de la production sur les surfaces cultivées existantes. Les agriculteurs ayant des ressources à investir et la possibilité de vendre leur production peuvent choisir de cultiver des variétés améliorées de légumes secs, qui offrent un meilleur rendement, sont plus précoces, mûrissent plus rapidement et nécessitent moins d’eau que les variétés locales. Les petits exploitants ont

122 Voir : http://grainlegumes.cgiar.org/women-and-youth-in-pulse-value-chains-opportunities-for-inclusion-of-smallholders/123 La rotation des cultures se définit comme la culture successive de différents produits dans un ordre spécifique sur une même parcelle, afin d'éviter l'épuisement du

sol, d'interrompre les cycles de vie des nuisibles et de détruire leurs habitats.

par ailleurs besoin de moyens et d’installations de meilleure qualité pour la phase de postproduction, tels que des lieux d’entreposage et du matériel de conditionnement, pour lutter contre les attaques de charançons et autres nuisibles  (voir l’encadré 11 sur le projet PICS).

Diversification des activités agricoles

La rotation des cultures ou l’intégration des légumes secs dans l’assolement sont des stratégies bien connues de réduction des externalités et conséquences environnementales et d’augmentation durable de la productivité et de la rentabilité des systèmes agricoles123. L’intégration des légumes secs dans les systèmes agricoles est susceptible d’augmenter le revenu général des exploitants, d’améliorer la fertilité et la composition du sol, et d’optimiser la gestion efficace de l’eau (notamment en réduisant l’évaporation) et les rendements des cultures suivantes. Le pois chiche et le pois d’Angole en particulier sont connus pour leur utilisation rationnelle de l’eau. Ces cultures poussent souvent grâce à l’humidité résiduelle des sols, optimisant ainsi les ressources hydriques (Gasparri et al., 2015).

Comme expliqué précédemment, les légumes secs ont la capacité unique de fixer l’azote atmosphérique dans le sol. Avec l’aide de bactéries fixatrices d’azote présentes dans les nodules racinaires, les « rhizobactéries », ils sont capables de fabriquer leur propre engrais azoté. Les graines de légumes secs contiennent deux ou trois fois plus d’azote protéique que les graines de céréales du fait de ce processus symbiotique. À la mort de la plante, l’azote produit se maintient dans le sol et nourrit les autres plantes. En réalité, la pratique de la culture intercalaire constituée de céréales et de légumes secs est aussi ancienne que l’agriculture elle-même. Elle contribue à l’intensification de l’exploitation agricole, en multipliant le rendement total des produits cultivés sur une même parcelle  (Titonell et Giller, 2013). Au Ghana, les études menées dans des zones agroécologiques exclusivement forestières et combinant forêt et savane ont montré que la culture intercalaire de pois d’Angole et de maïs pouvait accroître les récoltes de maïs à hauteur de 75-200 % (Adjei-Nsiah, 2012). Les céréales cultivées soit en même temps qu’un légume sec, soit juste après sur une même parcelle, profitent de l’azote généré par ce dernier. Les agriculteurs peuvent alors réduire leur consommation d’engrais azotés, qui constituent l’un des produits agrochimiques les plus polluants et les plus énergivores utilisés dans le secteur agricole. L’intégration de légumes secs dans la rotation des cultures réduit la consommation de combustibles fossiles dans la fabrication, le transport et la distribution d’engrais azotés, de même que les émissions de protoxyde d’azote provenant des sols. Le processus chimique de production d’engrais azotés  (généralement fabriqués à partir d’ammoniaque) est très énergivore. Le gaz

Réduire les pertes après récolte grâce au projet de l’université de Purdue sur le stockage amélioré des cultures (Purdue Improved Crops Storage – PICS)

Le projet de l’université de Purdue (Indiana, États-Unis) sur le stockage amélioré des cultures, lancé en 2007, est actuellement dans sa troisième phase (PICS 3). Il vise à favoriser le stockage amélioré du niébé, des haricots communs et des céréales pour les petits exploitants. Les sacs PICS permettent de diminuer sensiblement les pertes après récolte dues aux infestations de charançons et autres nuisibles. Grâce à la mise en place d’un modèle public-privé de livraison durable, ils sont facilement accessibles, y compris financièrement, et ce même dans les zones reculées. Ils favorisent par ailleurs l’emploi dans les fabriques locales, mais aussi pour les commerçants et entrepreneurs qui les distribuent en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, y compris au Ghana et en Ouganda1.

1 Voir : https://ag.purdue.edu/ipia/pics/Pages/home.aspx.

ENCADRÉ 11

Page 75: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

59

PRINCIPALES EXTERNALITÉS ET CONSÉQUENCES ENVIRONNEMENTALES DES CHAÎNES DE VALEUR SÉLECTIONNÉES ET BONNES PRATIQUES PERMETTANT D’Y FAIRE FACE

rejeté lors de l’absorption de ces engrais par le sol, appelé protoxyde d’azote atmosphérique, est un important gaz à effet de serre (Koroma et al., 2016).

Les légumes secs peuvent souvent stimuler les microbes présents dans le sol et réduire ainsi le risque de maladies végétales et le recours aux pesticides. La rotation des légumes secs et autres légumineuses à graines avec des céréales et d’autres cultures peut rompre le cycle de vie des nuisibles couramment présents dans les monocultures et est essentielle à l’agriculture de conservation et à l’agriculture intelligente face au climat. Les légumineuses arbustives pérennes telles que le pois d’Angole sont par exemple souvent utilisées dans les stratégies d’agroforesterie.

La chaîne de valeur de la mangue

Principales externalités et conséquences environnementales de la chaîne de valeur de la mangue

Par opposition aux cinq chaînes de valeur étudiées précédemment, la mangue, notamment transformée, représente un important produit d’exportation de plusieurs pays d’Afrique subsaharienne. Si tous les cas étudiés ci-dessus ont montré que les agriculteurs avaient souvent pour préoccupation première l’optimisation de leurs revenus pour répondre à la demande des ménages, suscitant ainsi des préoccupations sur le plan environnemental, la production de mangues est quant à elle souvent encadrée par des règles sociales et environnementales strictes124. Par exemple, une certaine part des exportations du Ghana est destinée au marché européen, et le processus s’inscrit dans le cadre de la certification mondiale des Bonnes pratiques agricoles  (BPA), une norme privée fixée par les principales chaînes européennes de vente au détail. La norme BPA est principalement conçue pour rassurer le consommateur européen sur les conditions de production locale des denrées alimentaires, en matière notamment de minimisation des répercussions environnementales négatives de l’exploitation agricole, de réduction de la consommation d’intrants chimiques et de gestion responsable de la santé et de la sécurité des travailleurs. Elle s’intéresse également de près à la traçabilité125. C’est pourquoi les externalités et conséquences environnementales négatives sont généralement réduites, du moins dans les grandes exploitations commerciales.

124 On compte généralement trois catégories de chaînes de valeur de la mangue : 1) la chaîne de valeur traditionnelle de mangue fraîche destinée aux marchés locaux ; 2) la chaîne de valeur moderne urbaine/de transformation de mangue fraîche destinée aux marchés urbains modernes ou de mangue transformée (séchée/jus) destinée aux marchés d'exportation ; 3) la chaîne de valeur d'exportation de mangue fraîche, coupée ou non (van Melle et Buschmann, 2013).

125 Voir : http://www.intracen.org/uploadedFiles/intracenorg/Content/About_ITC/Where_are_we_working/Multi-country_programmes/Pact_II/National%20mango%20study%20-%20Ghana.pdf.

126 Voir : http://www.nda.agric.za/docs/Infopaks/mango.htm.

Dégradation des sols

Le manguier possède des racines pivotantes, ce qui signifie qu’il est en forte concurrence pour les nutriments avec les autres cultures présentes sur la même parcelle. Ceci entraîne une baisse de la fertilité du sol ainsi qu’une faible productivité des autres cultures, et peut aller jusqu’à empêcher la croissance de ces dernières (Honja, 2014).

Déficits en eau

Le manguier est bien adapté à bon nombre d’environnements tropicaux et subtropicaux. La mangue peut également être cultivée dans des conditions arides  : dans certaines régions, la déshydratation due à la transpiration et à l’évaporation est si faible  (en raison de l’humidité, des températures et des précipitations) que le sol demeure suffisamment humide toute l’année pour prévenir le flétrissement de l’arbre. Il peut alors tout à fait pousser dans des conditions arides, à condition que le sol soit en mesure de retenir l’humidité en prévision des périodes plus sèches126. Le manguier est donc considéré comme tolérant à la sécheresse, et peut survivre plusieurs mois en l’absence de pluie ou d’irrigation. Toutefois, les déficits en eau pendant le cycle de reproduction peuvent avoir des effets négatifs sur la rétention et les premières phases de croissance des fruits. En cas d’irrigation, la surconsommation d’eau entraîne des externalités environnementales négatives (Carr, 2014).

Gestion médiocre entraînant l’apparition de nuisibles et de maladies

Pendant la phase de production, le manguier peut subir les conséquences d’une mauvaise gestion du verger. Les petites exploitations, en particulier, laissent les manguiers pousser librement, ce qui rend difficile la lutte efficace contre les nuisibles et les maladies, la récolte et d’autres opérations sur le terrain. Le manguier est principalement touché par deux nuisibles, le charançon du noyau et la mouche des fruits, et deux maladies, l’oïdium et l’anthracnose (Mugwe et al., 1998, cité par CIRAF, 2007). En Afrique subsaharienne, les manguiers sont généralement dispersés dans les jardins, allant de 2 à 100 arbres par ménage, sauf dans les exploitations commerciales ou de grande envergure. La mangue est par conséquent négligée en termes de gestion et de durabilité, mais retrouve toute son importance au moment de la saison des récoltes. Par ailleurs, la monoculture de la mangue entraîne l’érosion des sols et une perte de biodiversité.

Page 76: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

60

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

pertes après récolte

Les pertes après récolte de mangues sont très nombreuses : le problème répandu des fruits endommagés résulte d’une faible gestion des nuisibles et des maladies, de mauvaises pratiques agricoles et de la grande périssabilité de la mangue. Les pertes après la récolte sont importantes, notamment pendant la haute saison, en raison de la faible capacité de stockage et de transformation des fruits. De plus, le processus de transformation de la mangue produit environ 40-50 % de sous-produits (peau, amande) qui sont souvent gaspillés127. Le gaspillage est aggravé par la mauvaise qualité des routes et des infrastructures de transport vers les marchés (FiBL, 2009).

risques liés au changement climatique

Contrairement à la plupart des chaînes de valeur étudiées ci-dessus, le manguier a connu une hausse de 1,6 % en moyenne de son adaptabilité climatique, 26 % seulement des zones adaptées à la production de mangue dans le monde essuyant les effets négatifs du changement climatique. Celui-ci devrait toutefois entraîner une floraison précoce ou retardée du manguier. Dans un climat subtropical, une floraison précoce peut entraîner une faible nouaison liée à l’apparition d’anomalies dues aux faibles températures nocturnes. La floraison retardée réduit elle aussi la nouaison, qui s’explique cette fois par une pseudo-nouaison générant des problèmes de formation des grappes. En outre, les fortes températures pendant le développement de la panicule peuvent favoriser une croissance rapide, et réduire la période de disponibilité des fleurs hermaphrodites en vue de la pollinisation pouvant produire des fruits de qualité (FiBL, 2009)128. Enfin, les vents forts peuvent eux aussi être à l’origine de pertes de fleurs et de fruits.

Globalement, il est très difficile de prédire avec précision les effets du changement climatique sur les cultures horticoles à l’échelle régionale. Il est extrêmement complexe d’améliorer l’adaptation des systèmes tropicaux de production à des conditions en pleine évolution, car cela supposerait de déployer des efforts intégrés et de mettre en place une stratégie efficace et efficiente visant à créer des technologies capables d’atténuer les effets du changement climatique sur différentes cultures et systèmes de production. L’élaboration de modèles solides et validés de simulation des cultures est pour cela impérative. Il n’existe que peu de modèles de simulation de bonne qualité propres aux cultures horticoles. La nature pérenne des gros arbres fruitiers et des arbustes pose problème pour l’étude des effets directs des différents facteurs de croissance, de développement et de rendement en environnement contrôlé. Il est par conséquent nécessaire de mettre en place des méthodes

127 Voir : http://www.feedipedia.org/node/516.128 Voir : http://peoplefoodandnature.org/wp-content/uploads/2015/08/TropicalFruitTreeSpecies.pdf.129 Ibid.

innovantes pour élaborer des modèles de simulation propres aux cultures horticoles importantes telles que la mangue, les agrumes, la banane, la pomme, la goyave et la noix de coco. Une fois ces modèles disponibles, la vulnérabilité des superficies utilisées pour ces cultures horticoles selon différents scénarios de changement climatique pourra faire l’objet de prévisions, et de nouvelles zones destinées à la modification des espèces et des variétés/cultivars pourront être identifiées (Sthapit, B. et al. 2012, p. 39)129.

Bonnes pratiques pour la chaîne de valeur de la mangue

intensification durable

Peu de recherches ont été menées sur les externalités et conséquences environnementales de la mangue en Afrique subsaharienne par rapport aux autres chaînes de valeur abordées précédemment, à l’exception du manioc. Globalement, le sous-secteur de la mangue n’est pas considéré comme produisant des externalités et conséquences environnementales négatives, contrairement aux chaînes de valeur du riz ou de l’élevage par exemple. Il est intéressant de noter que la culture du manguier peut aider à surmonter les externalités et conséquences environnementales négatives d’autres cultures ou de l’élevage. Ceci peut s’expliquer par le fait que la plantation d’arbres fait partie intégrante des pratiques agroforestières.

L’expansion de nouvelles cultures, comme la mangue, peut donc entraîner une intensification durable des autres cultures. Au Sénégal, au Mali, au Burkina Faso et au Bénin, les efforts conjugués de gestion intégrée des plantes et des nuisibles ont entraîné l’adoption de nombreuses stratégies d’intensification durable, telles que l’expansion de nouvelles cultures (mangue, niébé et sésame), la lutte contre les nuisibles, le développement des planches de semis, l’usage du compost et la création d’équipes de commercialisation  (Settle et Hama Garba, 2011, cité par Pretty et al., 2011, p. 12).

Les nouvelles variétés jouent un rôle clé pour l’intensification durable, comme le montre l’encadré 12, qui explique comment la culture de la mangue a permis aux agriculteurs kenyans d’abandonner petit à petit la production de charbon, et présente ses avantages en matière d’atténuation des effets du changement climatique. Il est également important de diffuser ces nouvelles pratiques et de trouver des solutions pour favoriser leur adoption par les agriculteurs. L’encadré  13 explique comment le Centre international pour la recherche en agroforesterie (CIRAF) a réussi à développer à grande échelle les stratégies de production de

Page 77: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

61

PRINCIPALES EXTERNALITÉS ET CONSÉQUENCES ENVIRONNEMENTALES DES CHAÎNES DE VALEUR SÉLECTIONNÉES ET BONNES PRATIQUES PERMETTANT D’Y FAIRE FACE

mangues au Kenya. Il conviendrait par ailleurs de bien relier les petits exploitants aux chaînes d’approvisionnement mondiales, ce qui peut être facilité par des formations et la création de collectifs ou de coopératives de producteurs (voir l’encadré 14 sur le projet Nurture de Coca-Cola, qui regroupe et forme les producteurs). Enfin, il faudrait prévoir une aide au développement du système logistique de la chaîne du froid, afin de lutter contre les pertes après récolte tout au long de la chaîne de valeur130.

Diversification des activités agricoles

La diversification représente la meilleure solution pour renforcer la durabilité environnementale et la résilience du sous-secteur de la mangue. Elle peut se présenter sous trois formes  : 1)  cultures intercalaires ; 2) plantation de manguiers en bordure des champs cultivés  ; 3)  intégration de la production de mangues dans les systèmes agroforestier ou sylvopastoral (FiBL, 2011).

130 Commentaire d'un participant à l'atelier de validation par des spécialistes du PNUD/FEM, Debre Zeyit, Éthiopie, 9-10 mai 2017.

Déploiement à grande échelle des stratégies de promotion de la mangue au Kenya

Les quantités de mangues produites sont de plus en plus importantes, notamment dans les régions côtières du Kenya. Les initiatives locales réussies ont été déployées à grande échelle grâce à plusieurs stratégies consistant notamment à distribuer du matériel végétal, à former les agriculteurs et à leur fournir une aide à la commercialisation. Tout d’abord, les producteurs des zones semi-arides sont pauvres et n’ont pas les moyens d’acheter les jeunes plants de manguiers greffés. Les organismes de promotion leur ont donc appris à produire leurs propres plants de façon durable, augmentant ainsi leur résilience. Certains ont même été en mesure d’en vendre aux autres agriculteurs de la région. Une autre stratégie a été mise en place, consistant à fournir des plants aux paysans à des prix subventionnés, souvent grâce aux groupes d’entraide à la production et à la commercialisation, qui ont permis d’augmenter le pouvoir de négociation des agriculteurs afin d’améliorer leur accès aux marchés. Deuxièmement, la formation s’est adressée dans un premier temps à des agents de vulgarisation, qui ont appris à propager et à gérer les arbres. Ces formateurs ont pu à leur tour transmettre leurs connaissances à d’autres agriculteurs, une approche qui a été utilisée dans d’autres projets tels que le projet d’intégration des produits arboricoles dans les systèmes agricoles (Integration of Tree Crops into Farming Systems Project). Enfin, des équipes de commercialisation, dotées de comités responsables de la recherche de marchés, ont été formées. Elles ont pour mission de fournir des conseils aux agriculteurs sur les prix et sur les techniques permettant d’obtenir des produits de qualité et de gérer les fruits. Par exemple, l’initiative de développement agricole de Kamurugu (Kamurugu Agricultural Development Initiative), mise en œuvre à Mbeere, a récemment créé un centre de ressources visant à former les groupes de producteurs, par le biais de démonstrations, sur les techniques de séchage de la mangue à l’aide de séchoirs solaires (CIRAF, 2007).

ENCADRÉ 13

Kenya : de nouvelles variétés de mangues pour un développement durable et résilient

La recherche montre que la production de mangues s’est substituée à la fabrication de charbon dans certaines régions arides du Kenya. En effet, la production de charbon est devenue de plus en plus difficile, la demande de bois privant la nature de ses arbres mûrs et le charbon nécessitant l’exploitation d’arbres plus jeunes. Par ailleurs, le gouvernement interdit l’exploitation forestière et réglemente ces pratiques. La mangue s’est alors transformée en une culture commerciale fiable, la culture des céréales étant devenue extrêmement compliquée, en raison de l’imprévisibilité météorologique. Le Kenya Agricultural Research Institute a par conséquent introduit des variétés de mangues pouvant pousser en zone aride et produire dix fois plus de fruits que les variétés conventionnelles. En outre, les manguiers, comme tous les arbres, font office de puits, absorbant le dioxyde de carbone de l’atmosphère. La culture de la mangue ne peut toutefois à elle seule subvenir à tous les besoins des ménages, qui doivent mélanger culture fruitière et cultures de base1.

1 Voir : http://africacenter.colostate.edu/content/arid-kenya-swaps-charcoal-burning-mango-farming.

ENCADRÉ 12

Page 78: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

62

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

Tout d’abord, il est possible d’associer culture de la mangue et culture de légumineuses à graines telles que haricots, pois d’Angole, soja vert et niébé, afin que les manguiers profitent de l’azote fixé par les légumes secs et pour favoriser la fertilité du sol. La culture intercalaire peut également être appliquée à d’autres arbres fruitiers, tels que le papayer ou le goyavier. Une fois les graines récoltées, les résidus de légumineuses sont utilisés comme paillis pour les manguiers, améliorant ainsi la fertilité du sol et favorisant la conservation de l’humidité. Toutefois, les manguiers produisent une ombre étendue, qui n’est pas idéale pour les cultures demandant beaucoup de lumière comme le sorgho ou le millet. Les agriculteurs ont par conséquent commencé à faire pousser des variétés naines améliorées, qui interagissent avec les autres cultures de façon moins nocive que les variétés traditionnelles, locales, qui développent des couronnes imposantes. Dans les zones semi-arides, le fumier des animaux est l’intrant le plus communément utilisé pour fertiliser les manguiers et autres cultures. Peu d’engrais non organiques sont utilisés. Les arbres et les cultures partagent le fumier de façon synergique, car les cultures alimentaires ayant un système racinaire peu profond utilisent les nutriments que les racines des manguiers ne peuvent atteindre (CIRAF, 2007). L’encadré 15 illustre les efforts déployés par l’entreprise Malawi Mangoes

pour passer à un modèle de production durable et résilient, en utilisant par exemple les résidus et déchets agricoles comme engrais organiques.

Deuxièmement, les manguiers plantés en bordure de parcelle peuvent favoriser la diversification sur l’exploitation, et protéger le sol et les autres cultures contre le vent, augmentant à terme les revenus du producteur (FiBL, 2009). Il a été par ailleurs prouvé que les arbres fruitiers constituaient un moyen fondamental de défense contre la désertification. Leur feuillage protège le sol des effets du vent et des fortes pluies. Les zones en pente sont adaptées à la culture d’arbres fruitiers, puisqu’ils réduisent l’érosion et ajoutent de la matière organique. La construction de banquettes transversales permet de retenir l’eau afin de réduire les risques liés à la sécheresse, et est renforcée par le système racinaire profond et pérenne des arbres. Des légumes et autres denrées peuvent être cultivés entre les rangées de manguiers pour apporter des revenus pendant les premières années en attendant que les arbres produisent des fruits. De plus, les cultures fruitières de grande valeur fournissent des liquidités aux agriculteurs, qui peuvent alors prendre des mesures supplémentaires telles qu’aménagement de terrasses, nivellement et paillage, qui préservent la terre. De nombreux

Kenya et Ouganda : Coca-Cola se fixe l’objectif d’une valeur partagée avec les petits producteurs de mangues

Certaines multinationales, telles que Coca-Cola, s’attachent à faire la promotion des chaînes de valeur durables et résilientes. L’entreprise, en partenariat avec la Fondation Bill et Melinda Gates, a lancé le projet Nurture (2010-2014)dans l’objectif de doubler le revenu moyen de 50 000 petits producteurs de mangues et de fruits de la passion au Kenya et en Ouganda, et de les aider à s’intégrer dans sa chaîne d’approvisionnement1. Ce programme de partenariat d’une valeur de 11,5 millions de dollars a formé ces petits producteurs fruitiers aux pratiques agronomiques améliorées, travaillant en collaboration avec des institutions financières pour faciliter leur accès au crédit et tissant des liens avec les marchés. Le projet favorise ainsi l’augmentation du volume de fruits produits tout en suscitant des effets positifs sur les plans social, économique et environnemental pour les communautés productrices de fruits. Pour cela, le projet a notamment créé des collectifs d’agriculteurs portant le nom de groupes commerciaux de producteurs (Producer Business Group), qui avaient pour objectif de renforcer les réseaux locaux d’agriculteurs, d’augmenter l’efficacité des programmes de formation et d’améliorer l’économie des interactions avec les marchés.

Le projet Nurture s’inscrit dans la vision de Coca-Cola pour l’année 2020 visant à tripler ses activités mondiales de distribution de jus. Au Kenya et en Ouganda, il a adopté une approche innovante pour encourager cette croissance, en établissant une source locale d’ingrédients pour les jus proposés dans le portefeuille de boissons de l’entreprise. Il a mobilisé et formé près de 40 000 petits producteurs, dont 17 000 femmes, et facilité la vente de plus de 18 000 tonnes de fruits frais (SAI Platform)2.

1 Voir : http://www.coca-colacompany.com/coca-cola-unbottled/coca-cola-and-african-farmers-produce-shared-value-through-mango.2 Voir : http://www.saiplatform.org/projects/70/98/Project-Nurture-Sustainable-Mango-Production-in-East-Africa.

ENCADRÉ 14

Page 79: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

63

PRINCIPALES EXTERNALITÉS ET CONSÉQUENCES ENVIRONNEMENTALES DES CHAÎNES DE VALEUR SÉLECTIONNÉES ET BONNES PRATIQUES PERMETTANT D’Y FAIRE FACE

fruits mûrissent pendant la saison sèche, alors que les autres sources de revenus se font rares, augmentant ainsi l’emploi à l’année et la valeur marchande (UNCCD, 2009).

Troisièmement, outre le manguier, les systèmes agroforestiers peuvent inclure d’autres cultures comme la banane, la papaye ou encore le cacao. Dans les systèmes sylvopastoraux, les animaux peuvent être autorisés à paître dans les plantations de manguiers (FiBL, 2009).

Comme indiqué précédemment, il n’existe que peu de modèles de simulation de qualité liés au changement climatique et portant spécifiquement sur les cultures horticoles131. La géographie des cultures est susceptible d’évoluer avec le temps, et une région

131 Voir : http://peoplefoodandnature.org/wp-content/uploads/2015/08/TropicalFruitTreeSpecies.pdf.

produisant aujourd’hui des oignons pourra être à l’avenir adaptée à la production de mangues. Le ciblage des variétés est donc nécessaire, de même que l’analyse coût/bénéfices évaluant s’il y a lieu de développer une nouvelle variété résistante au climat ou si les cultures peuvent aisément être remplacées.

Tableau récapitulatif Le tableau 2 présente les critères de sélection, les externalités et conséquences environnementales et les risques ou impacts liés au changement climatique, ainsi que les bonnes pratiques pour en venir à bout.

Le modèle de production agricole durable de Malawi Mangoes

Afin d’éviter la monoculture, qui entraîne une dégradation des sols et une perte de biodiversité, Malawi Mangoes a adopté la norme Rainforest Alliance (RA) pour ses plantations : le processus de certification RA commence dès la phase initiale d’acquisition des terres, permettant ainsi d’effectuer des évaluations de l’impact sur l’environnement. Tous les employés de l’entreprise ont été informés de l’importance de l’agriculture durable et résiliente. Malawi Mangoes est aujourd’hui la seule entreprise africaine produisant des bananes et des mangues certifiées RA. Plus concrètement, l’entreprise a adopté les mesures suivantes : utilisation des résidus agricoles et de la matière organique des déchets issus des usines de transformation pour réduire la dépendance à long terme aux engrais synthétiques ; utilisation de matériel végétal certifié et de mesures solides telles que zones de protection et pépinières protégées afin de réduire au maximum les risques de maladies sur site ; et rotation fréquente avec les cultures de bananes afin d’encourager la reconstitution de la fertilité et de réduire l’apparition de nuisibles et de maladies à long terme1.

1 Voir : http://malawimangoes.com/certifications/.

ENCADRÉ 15

©A

llan Rickman

Page 80: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

64

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

Critères de sélection, externalités et conséquences environnementales, impacts liés au changement climatique, bonnes pratiques et exemples de pays concernés, par chaîne de valeur sélectionnée (compilé par les auteurs)

CV*CRITÈRES DE SÉLECTION

EXTERNALITÉS/CONSÉQUENCES ENVIRONNEMENTALES NÉGATIVES BONNES PRATIQUES PAYS

Élevage (viande et produits laitiers)

Contribution au PIB ; pressions exercées sur les ressources naturelles ; attention soutenue de la part des pouvoirs publics

Existence de systèmes agricoles variés ayant des externalités/conséquences environnementales différentes ; fortes émissions de GES dans les systèmes à faible productivité ; perte de biodiversité ; détérioration des sols ; contamination de l’eau ; fortes répercussions liées au changement climatique (émissions de GES), mais nécessité de collecter des données plus précises à ce propos

Intensification durable grâce à l’amélioration de l’alimentation du bétail, de la reproduction (p. ex. croisement), de la gestion et de l’utilisation efficace des ressources ; recours à des stratégies de gestion pastorale traditionnelles, et à des structures autochtones de gouvernance et de dialogue ; diversification axée sur les systèmes agricoles mixtes agriculture/élevage

Sénégal, Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Tanzanie, Swaziland, Éthiopie, Kenya

Riz Aliment de base ; attention soutenue de la part des pouvoirs publics (en vue de l’autosuffisance nationale)

Différentes zones agroécologiques destinées à la culture du riz ; émissions de GES ; pollution de l’eau ; pollution de l’air ; gaspillage après récolte ; impact du changement climatique élevé, en particulier dans les systèmes de culture pluviale, notamment l’augmentation des maladies et des adventices, qui entraînent une baisse des récoltes

Intensification durable grâce à l’introduction de meilleures semences et variétés de riz, gestion améliorée de l’eau (p. ex. système d’intensification du riz), systèmes de labour zéro, utilisation des résidus d’usinage du riz pour la nourriture et la litière des animaux ; diversification des activités agricoles (p. ex. cultures intercalaires de riz et de blé)

Sénégal, Kenya

Manioc

Culture assurant la sécurité alimentaire ; forte résistance à la sécheresse ; attention accrue de la part des pouvoirs publics

Culture nécessitant peu d’intrants, mais pertes avant la production : dégradation et perte de fertilité des sols ; perte de biodiversité due à la déforestation ; méthodes de transformation générant des émissions de GES ; pertes après récolte (p. ex. déchets) ; impact du changement climatique limité, le manioc présentant une forte résilience

Intensification durable grâce à l’agriculture de conservation et les techniques d’agroforesterie, à l’utilisation de matériel végétal propre et au recours à des techniques de stockage améliorées ; diversification des activités agricoles grâce à la culture intercalaire associant le manioc au maïs, aux légumineuses et aux arbres

Nigéria

Maïs

Culture assurant la sécurité alimentaire (aliment de base) ; attention soutenue de la part des pouvoirs publics

Défrichement et utilisation d’engrais favorisant les émissions de GES et la perte de biodiversité ; la monoculture entraîne l’érosion du sol et la pénurie de nutriments ; nuisibles et maladies causant des pertes ; impact du changement climatique élevé, le maïs ne poussant que dans des systèmes d’agriculture pluviale

Intensification durable grâce à des méthodes améliorées de conservation des sols et de l’eau, à la gestion intégrée des nutriments, au recours à des variétés de meilleure qualité et à des techniques de gestion améliorées, et aux pratiques agroécologiques et agroforestières ; diversification par la culture intercalaire et la rotation légumes secs/maïs

Éthiopie, Kenya, Tanzanie, Malawi

Légumes secs

Résistants à la sécheresse ; très adaptables ; nutritifs ; attention croissante de la part des pouvoirs publics

Utilisation d’engrais sur les sols peu fertiles ; dégradation des terres, stress hydrique, déforestation et perte de biodiversité due à la monoculture (p. ex. soja) ; pertes après récolte, nuisibles et maladies ; impact du changement climatique limité, mais varie en fonction des variétés

Intensification durable grâce aux pratiques agricoles de conservation ; la réussite dépend de l’accès des agriculteurs aux intrants, aux technologies, aux informations, aux marchés, à des organisations fortes et à de meilleures installations après récolte ; diversification des activités agricoles grâce à la rotation des cultures et aux cultures intercalaires entre légumes secs et céréales aux fins de fixation de l’azote et de réduction des maladies végétales et de l’utilisation de pesticides

Éthiopie, Nigéria, Burkina Faso, Tanzanie, Ghana, Ouganda

Mangue

Nutritif ; fort potentiel d’exportation, menant à une production soumise à des règles environnementales strictes ; pousse bien dans les zones arides

Répercussions sur l’utilisation de l’eau ; nuisibles et maladies ; pertes après récolte ; les manguiers peuvent être sensibles à la variabilité du climat, ce qui peut avoir un impact sur la floraison et la fructification

Utilisation des manguiers dans le cadre de pratiques agroforestières, menant à une intensification durable ; introduction de nouvelles variétés ; importance de tisser des liens entre les agriculteurs ayant une production importante et les marchés (internationaux) ; diversification : 1) cultures intercalaires avec les légumineuses et d’autres cultures arboricoles ; 2) utilisation de manguiers en bordure de parcelle ; 3) techniques d’agroforesterie

Kenya, Ouganda, Malawi

TABLEAU 2

* CV = Chaîne de valeur

Page 81: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

65

MESURES INCITATIVES à L’AMÉLIORATION DE LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET DE LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES à L’INTENTION DES SECTEURS PUBLIC ET PRIVÉ

Mesures incitatives à l’amélioration de la durabilité environnementale et de la résilience des chaînes de valeur alimentaires à l’intention des secteurs public et privé

CHAPITRE 4

Page 82: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

66

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

LES RÉPERCUSSIONS SOCIO-ÉCONOMIQUES directes de la perte de services écosystémiques sont systématiquement sous-estimées. La visibilité sociétale

accrue de la valeur de ces services génère un socle de données factuelles ouvrant la voie à des solutions d’amélioration de la durabilité des systèmes alimentaires plus ciblées et plus rentables, comme en témoignent les exemples de l’Économie des écosystèmes et de la biodiversité (TEEB) et de l’analyse de scénario ciblée  (TSA) présentés au chapitre  2. Cependant, la transition vers des chaînes de valeur plus durables et résilientes requiert un effort concerté de la part de tous leurs acteurs, publics comme privés. Le présent chapitre expose les mesures susceptibles d’inciter les parties prenantes de certaines chaînes de valeur à adopter des pratiques plus durables et résilientes. Il examine notamment les coûts et les avantages qui détermineront les avantages nets potentiels (la « carotte » de l’approche de la « carotte et du bâton ») d’une transition vers ce type de pratiques. Les mesures incitatives ne modifient cependant pas toujours les comportements. Le non-respect d’une nouvelle réglementation

relative à la production durable et résiliente pourra ainsi conduire à recourir à des mécanismes de contrôle et d’application de la loi (le « bâton ») (Byiers et Bessems, 2015). La question est donc la suivante : quelles mesures incitatives ont fonctionné, lesquelles ont échoué et pourquoi ? La demande des consommateurs en faveur de pratiques plus durables et résilientes peut-elle influer sur le comportement des entreprises, par exemple ?

Du point de vue de la logique économique et des analyses coûts-avantages, la hausse du taux de rentabilité financière constitue la principale incitation à changer de comportement. À cet égard, les modèles de calcul de la rentabilité des investissements dans la durabilité environnementale et la résilience se multiplient. Ainsi, le Forum économique mondial a identifié un angle d’approche des activités de production, le «  triple avantage pour la chaîne d’approvisionnement  »  («  triple supply chain advantage  »), qui se rapporte à la capacité qu’ont les grandes entreprises ou les multinationales d’accroître leurs bénéfices tout en protégeant l’environnement et en œuvrant pour le

La logique économique selon laquelle l’adoption de pratiques durables tout au long de la chaîne de valeur augmentera la rentabilité (à long terme) ne prend pas suffisamment en compte l’équilibre réel entre la hausse du prix des produits issus de l’agriculture durable et celle, fréquemment observée, de leurs coûts de production. Par conséquent, les acteurs de la chaîne de valeur continuent souvent à recourir à des pratiques non durables, parce que l’intérêt économique des pratiques durables doit être clarifié, en intégrant les coûts des externalités et des conséquences négatives. Toutefois, même si les agriculteurs et les autres micro, petites et moyennes entreprises comprennent les avantages de l’adoption de pratiques durables, ils se heurtent à de nombreux obstacles tels que le manque d’accès de base aux engrais ou semences biologiques, la faible capacité d’organisation et de négociation de meilleurs prix, un accès limité au marché et une absence de protection de la part des pouvoirs publics. De plus, dans la chaîne de valeur alimentaire, le pouvoir est concentré entre les mains d’un groupe restreint de supermarchés et de multinationales. En outre, le système dans lequel leurs acteurs évoluent exerce un effet dissuasif, défavorable à l’adoption de pratiques durables, ce, en raison de la dynamique commerciale ou de la demande du marché, qui encouragent la monoculture, par exemple.

Par conséquent, il est nécessaire de mettre en place des mesures incitatives positives qui encouragent la transition vers des systèmes alimentaires durables et même, dans certains cas, des mécanismes de contrôle et de mise en application doivent être adoptés afin d’aboutir réellement au changement recherché. Ces mesures se regroupent en quatre catégories : 1) incitation intrinsèque à protéger les moyens de subsistance et à promouvoir les biens publics ; 2) mesures incitatives politiques et juridiques ; 3) mesures incitatives financières ; 4) demande du marché et arrangements de marché. Selon leur rôle au sein des chaînes de valeur, leurs divers acteurs peuvent soit créer des mesures d’incitation, soit en bénéficier.

Du fait de son exposition à divers risques, tels que la variabilité du climat, les nuisibles, les maladies et la volatilité des prix, l’investissement dans le secteur agricole est peu attractif. Les secteurs public et privé sont en mesure d’atténuer ces risques en proposant, entre autres, des garanties d’emprunts, en finançant la chaîne de valeur et en mettant en place des systèmes d’assurance.

Le secteur public a un rôle essentiel à jouer : il peut en effet mettre en place un cadre réglementaire et politique adéquat, fournir des mesures incitatives financières ainsi que produire et diffuser des informations sur les marchés au moyen d’actions ciblées visant à encourager la coopération entre les acteurs publics et privés.

MESSAGES CLÉS

Page 83: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

67

bien de la société132. Cette approche va dans le même sens que les concepts de « valeur partagée » et « d’entreprises sociales ».

Cependant, la logique économique selon laquelle la transition de pratiques non durables vers des pratiques durables augmentera la rentabilité  (à long terme) ne prend pas suffisamment en compte l’équilibre réel entre la hausse du prix des produits issus de l’agriculture durable et celle, fréquemment observée, de leurs coûts de production. En outre, des éléments tels que la « cohésion sociétale » et la « protection des biens publics » constituent eux aussi des incitations cruciales pour des acteurs clés tels que les autorités locales et les communautés agricoles. Par conséquent, afin de guider la transition indispensable évoquée dans l’ensemble de la présente étude, les analyses coûts-avantages doivent s’appuyer sur une meilleure connaissance de ces incitations. De manière générale, l’investissement dans l’agriculture durable et résiliente pose de grandes difficultés aux petits agriculteurs et aux autres micro, petites et moyennes entreprises (MPME). Même s’ils comprennent que ces pratiques amélioreront la rentabilité133, ils se heurtent à une multitude de risques et d’obstacles  : une baisse potentielle des marges du fait d’investissements soutenus  ; un manque d’accès de base aux engrais ou aux semences biologiques ; une faible capacité de négociation de meilleurs prix  ; une absence de protection réglementaire  (p.  ex., par le biais de la certification) entravant l’adoption de ces pratiques et leur déploiement à grande échelle ; une différenciation des marchés alimentaires locaux et nationaux insuffisante pour garantir des prix avantageux (et des bénéfices adéquats) aux producteurs et aux entreprises qui font le choix de la durabilité. De plus, le fait qu’en Afrique subsaharienne de nombreuses activités des chaînes de valeur relèvent de l’économie informelle complique l’introduction de pratiques durables auprès de leurs nombreux acteurs vulnérables tels que les agriculteurs et les transformateurs.

Ce chapitre examine les différents types de mesures incitatives susceptibles de convaincre ou de décourager les acteurs de certaines chaînes de valeur d’adopter des pratiques plus durables sur le plan environnemental et plus résilientes. Il s’appuie sur les

132 Les grandes multinationales intègrent de plus en plus fréquemment la durabilité environnementale dans le développement de leur chaîne d’approvisionnement. Le Forum économique mondial a élaboré le concept de « triple avantage pour les chaînes d’approvisionnement » qui permet aux entreprises d’être rentables tout en œuvrant pour le bien de la société et de l’environnement. Concrètement, il a sélectionné 31 pratiques éprouvées permettant de réaliser ce triple avantage (p. ex., diminuer le poids et la taille du matériau d’emballage à l’étape du conditionnement ou utiliser des carburants alternatifs dans les véhicules chargés de la distribution). La mise en œuvre de ces pratiques présente des avantages environnementaux tels qu’une réduction du gaz carbonique de 13 à 22 % sur l’empreinte totale des entreprises. À long terme, le triple avantage entraîne la croissance du revenu, la baisse des coûts, une meilleure image et l’atténuation des risques. Voir : https://www.weforum.org/reports/beyond-supply-chains-empowering-responsible-value-chains.

133 Le chapitre 3 présente de nombreuses pratiques durables et résilientes qui se sont traduites par une hausse des rendements et des revenus. Ainsi, l’encadré 3 explique que la plantation sur les exploitations de Leucaena, un arbre qui accroît le stockage du carbone dans le sol et dont le feuillage peut servir de fourrage pour le bétail, a conduit à une augmentation du revenu des ménages. Il aborde également l’utilisation efficiente de ressources qui entraîne une augmentation de la production et du revenu.

134 Ce chapitre s’intéresse principalement à l’étape de production des chaînes de valeur parce qu’elle est la plus propice à l’amélioration de la durabilité, comme exposé en détail au chapitre 3.

135 La définition des catégories de mesures incitatives repose en partie sur les travaux de l’Institut international pour l’environnement et le développement (IIED) et son initiative de recherche baptisée « Shaping Sustainable Markets » qui a pour but d’explorer les modalités d’utilisation des règles formelles et informelles régissant les marchés, appelées Mécanismes de gouvernance des marchés (MGM). L’IIED en a défini quatre types : économique, réglementaire, coopération et information (voir : http://shapingsustainablemarkets.iied.org/ ; voir Annexes, figure A11. Les catégories s’inspirent également du travail mené par la FAO et l’INRA (2016) sur les « marchés innovants pour pour une agriculture durable », qui étudie la nature des innovations institutionnelles conduisant à la création de marchés locaux pour les produits issus de l’agriculture durable (FAO/INRA, 2016).

exemples évoqués dans les chapitres précédents pour montrer comment certaines de ces incitations ont contribué ou non à l’adoption de pratiques plus durables et résilientes.

Catégories de mesures incitatives proposées aux différents acteurs des chaînes de valeurLa transition vers des chaînes de valeur alimentaires plus durables et résilientes requiert les efforts combinés des diverses parties prenantes intervenant dans l’ensemble des activités qui vont du producteur au consommateur. Afin de rendre les systèmes alimentaires durables, résilients et inclusifs, il est important de comprendre le rôle que jouent les différents acteurs des chaînes de valeur ainsi que les incitations qu’il est possible et nécessaire de modifier pour faciliter l’adoption de pratiques agricoles durables et résilientes134. Du fait de la diversité des contraintes qui pèsent sur l’amélioration de la durabilité et de la résilience des filières, les interventions requises pour modifier les mesures incitatives de manière à ce qu’elles entraînent un changement effectif sont complexes. Elles peuvent prendre plusieurs formes. Ainsi, les incitations financières émanant des banques ou les incitations politiques émanant des pouvoirs publics requièrent souvent une coordination pour résoudre les problèmes que pose l’action collective. Ce chapitre répond aux questions suivantes : quelles mesures incitatives sont susceptibles de convaincre les fournisseurs de semences, les agriculteurs, les transformateurs, les détaillants, les transporteurs, les banques, les autorités nationales, les partenaires de développement, etc., d’adopter des pratiques plus durables et résilientes ? Quels mécanismes ont été mis en place pour assurer la durabilité de la production alimentaire en Afrique subsaharienne ?

L’encadré 16 ci-après présente les quatre catégories d’incitations évoquées plus haut135.

MESURES INCITATIVES à L’AMÉLIORATION DE LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET DE LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES à L’INTENTION DES SECTEURS PUBLIC ET PRIVÉ

Page 84: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

68

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

Les quatre catégories d’incitations

ENCADRÉ 16

CA

GO

RIE

1C

AT

ÉG

OR

IE 2

CA

GO

RIE

3 Mesures incitatives financières : toutes mesures diminuant le coût des intrants et d’autres services (p. ex., transport) telles que subventions et tarifs spéciaux pour les acteurs qui adoptent des pratiques durables et résilientes ou les augmentant pour les autres. Il peut s’agir de mécanismes de réduction des risques inhérents aux investissements dans l’agriculture durable positifs (p ex., paiement des services écosystémiques) ou négatifs (p. ex., taxes carbone), à savoir :

• Taxation des pratiques non durables visant à en accroître le coût afin d’encourager les consommateurs et les producteurs à adopter des pratiques plus durables et résilientes ;

Mesures incitatives politiques et juridiques : encourager les acteurs du secteur privé à adopter des pratiques durables et résilientes et à les déployer à grande échelle, le cas échéant, requiert l’appui du secteur public. Cela nécessite la mise en place d’un environnement réglementaire, politique et juridique favorable qui légitime ces pratiques le long de la chaîne de valeur. Selon un rapport FAO/INRA (2016), la légitimation des nouvelles pratiques constitue le rôle majeur des acteurs publics aux échelons international, national ou local. Celle-ci découle des actions suivantes :

• Contrôle environnemental et mise en application : activités d’inspection du respect par le secteur privé des règles et des règlements relatifs à la durabilité environnementale et à la résilience menées par le secteur public. Ces mesures juridiquement contraignantes sont définies par les gouvernements afin de promouvoir des chaînes de valeur agroalimentaires durables et résilientes. Les conséquences juridiques sanctionnant leur non-respect motivent le changement de comportement ;

• Normes, règles et principes : ces autres mesures de légitimation reposent sur des procédures de conformité (p. ex., principe du pollueur payeur). Il peut également s’agir de directives volontaires ou de principes non juridiques, tels que les Principes pour un investissement responsable dans l’agriculture et les systèmes alimentaires approuvés en 2014 par le Comité de la sécurité alimentaire mondiale de la FAO.

Incitation intrinsèque à protéger les moyens de subsistance et à promouvoir les biens publics : le renforcement de la résilience ou le choix d’adopter (ou non) des pratiques résilientes et durables sur le plan environnemental dépend de l’« incitation intrinsèque » à court ou long terme.

• À court terme, cette motivation peut s’ancrer dans des traditions spirituelles et/ou culturelles (p. ex., perception du risque à différentes échelles et sur différentes durées), dans les systèmes économiques locaux et dans les pratiques locales de gestion des terres. Elle peut aussi reposer sur la « valeur ajoutée », c’est-à-dire sur les bénéfices futurs potentiels d’un investissement dans l’agriculture durable plutôt que dans les pratiques existantes, ou bien sur la compréhension que la mécanisation ou de nouvelles techniques durables et résilientes diminueront les besoins de main-d’œuvre (p. ex., exploitation mécanique). En d’autres termes, le choix de changer de comportement relève de la motivation personnelle.

• À long terme, le secteur public (c’est-à-dire les élites politiques) est motivé par la nécessité d’assurer la viabilité des moyens de subsistance sur la durée. Les acteurs publics visent la « survie politique », basée sur la cohésion sociale. Si la mauvaise gestion des ressources naturelles conduit à en négliger la base productive, le secteur public perd sa légitimité. Comme il dépend de l’appui (rural, populaire) de ses choix politiques ou à ses politiques, il veut être « reconnu par la population ».

Page 85: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

69

CA

GO

RIE

3C

AT

ÉG

OR

IE 4 Demande du marché et arrangements de marché : cette catégorie nécessite de fournir les niveaux minimaux de qualité

et de quantité des produits que requiert la satisfaction de la demande du marché. Régie par les règles du marché, elle repose sur les informations sur les marchés, sur les attentes et les préférences des acheteurs ainsi que sur les arrangements de marché (p. ex., institutions créant ou augmentant la demande). Elle comprend :

• Règles du marché : les agriculteurs et d’autres acteurs privés peuvent renforcer leur capacité de négociation sur les marchés nouveaux ou existants des denrées alimentaires issues d’une production durable grâce à la mise en place de plateformes et à la certification de la durabilité. Ces plateformes peuvent prendre les formes suivantes :

• Comités de courtage regroupant des agriculteurs, des consommateurs, des intermédiaires et d’autres acteurs des chaînes de valeur tels que des comités de fixation des prix semi-formels. Il est également possible d’intégrer un système participatif de garanties dans les normes nationales ainsi que de recourir à des accords volontaires et des partenariats fondés sur l’intention d’améliorer la durabilité environnementale, p. ex., des « plateformes renforçant la confiance dans les chaînes de valeur » aptes à adapter les lois et les cadres nationaux et internationaux aux réalités locales (afin que les incitations fonctionnent correctement au niveau local) telles que des partenariats public-privé ;

• Plateformes d’innovation multi-acteurs ou agriculture soutenue par les communautés.

Ces types de plateformes de dialogue peuvent favoriser la mise en application des mesures incitatives, p. ex., en poussant à créer des normes et des accords volontaires ou à sensibiliser les agriculteurs. En outre, les règles fixées par les autorités aux programmes de marchés publics, qui comprennent également la création de filières commerciales accordant la priorité à des produits durables, conduisent à définir et à mettre en œuvre des politiques d’achats qui promeuvent des résultats sociaux et environnementaux positifs ou limitent les externalités et les conséquences négatives. Parce qu’elles fondent les décisions d’achats sur des critères non monétaires, ces politiques modifient le rôle des signaux de prix sur le marché. Enfin, les droits de propriété jouent un rôle crucial : le fait de pouvoir se déclarer « propriétaires » des ressources naturelles dans lesquelles ils investissent incite les acteurs privés des chaînes de valeur à investir dans des pratiques durables et résilientes (p. ex., importance de la gestion décentralisée des ressources naturelles).

• Informations sur les marchés : il s’agit des informations types relatives à la demande de produits alimentaires ainsi que de celles susceptibles de modifier le comportement des acteurs du marché (persuader plutôt que contraindre), notamment celui des consommateurs et des investisseurs, mais aussi celui des producteurs, entre autres par le biais de la certification et de normes volontaires privées. Il peut également s’agir de renseignements sur les services d’informations climatiques ou financières (p. ex., crédit, épargne et assurance, systèmes fournissant des indications sur les prix, l’offre et la demande de divers produits de base ou bien programmes de sensibilisation des consommateurs).

• Prêts, dons et subventions ou versements aux entreprises et à d’autres organisations afin d’abaisser le coût de l’adoption de pratiques durables et résilientes de production et/ou de consommation des biens et des services. Les subventions peuvent être directes (p. ex., dons, crédits ou financement des chaînes de valeur) ou indirectes (p. ex., exonération fiscale ou fourniture de marchandises à un prix inférieur à celui du marché) ;

• Marché du carbone/systèmes de plafonnement et d’échange fournissant des incitations économiques (prix) à réduire la pollution ;

• Financement environnemental conditionnel comprenant le paiement des services environnementaux et des compensations potentielles (p. ex., paiement des services écosystémiques) ;

• Fonds d’investissement responsable : mécanismes d’allocation de flux financiers privés à visée sociale et/ou environnementale.

MESURES INCITATIVES à L’AMÉLIORATION DE LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET DE LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES à L’INTENTION DES SECTEURS PUBLIC ET PRIVÉ

Page 86: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

70

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

Tous les acteurs, privés ou publics, des chaînes de valeur peuvent créer des mesures incitatives ou dissuasives à l’adoption de méthodes durables et résilientes ou en bénéficier. Les politiques et organismes publics notamment sont en mesure de favoriser les actions positives du secteur privé grâce à des réglementations et des normes, à la gestion des connaissances, à la vulgarisation, à des institutions de gestion des risques, à des mécanismes de financement (p. ex., mécanisme de financement innovants, financement des chaînes de valeur) et à la stabilité du droit aux ressources pour les petits agriculteurs, notamment  (FIDA, 2016). Ce point est important car l’abandon de pratiques non durables au profit de pratiques durables est difficile. En effet, divers acteurs des chaînes de valeur tendent à perpétuer les pratiques non durables existantes pour deux raisons  : premièrement, la production durable ne se traduit pas toujours par une hausse des bénéfices ou bien les investissements dans la production durable ne garantissent pas une hausse des bénéfices  (au moins à court terme). Deuxièmement, le système dans lequel les acteurs des chaînes de valeur évoluent exerce un effet dissuasif, défavorable aux pratiques durables, ce, en raison de la dynamique commerciale ou de la demande du marché, qui encouragent la monoculture, par exemple. En outre, même en étant conscients du gain de rentabilité potentiel des pratiques durables et résilientes, les acteurs privés se heurtent à des obstacles et à des risques tels que l’absence d’un accès de base aux intrants, un manque de capacité de négociation, la forte concentration des filières alimentaires qui confère un grand pouvoir aux directeurs de supermarchés et aux multinationales, des traditions culturelles profondément ancrées, etc.

Comme l’illustrent les exemples du chapitre  3, les chaînes de valeur sont des réseaux complexes d’acteurs dont les intérêts, les besoins et les limitations diffèrent. Dans un souci de simplification, nous en répartissons les parties prenantes en différents groupes fondés sur leur rôle principal (fourniture d’intrants, production et demande) afin d’examiner les mesures incitatives spécifiques à chacun d’entre eux. Cette différenciation fait apparaître quelques-unes de leurs incitations majeures puisque celles-ci diffèrent en fonction de leur rôle respectif. Les sections suivantes abordent les incitations clés et les limitations de chaque catégorie d’acteurs des chaînes de valeur et les illustrent à l’aide d’études de cas concrets et d’exemples. Un tableau récapitulatif figure à la fin de ce chapitre.

136 Les semences hybrides proviennent de végétaux issus de pollinisations croisées. Elles prédominent dans l’agriculture et constituent l’un des principaux facteurs à l’origine de la hausse spectaculaire de la production agricole au cours de la deuxième moitié du XXe siècle. À l’inverse, les semences à pollinisation libre proviennent de la pollinisation naturelle par le vent, les oiseaux ou les insectes qui entraîne des variations naturelles entre les végétaux. Leur qualité est généralement inférieure à celle des semences hybrides. Voir : http://www.i-sis.org.uk/hybridSeed.php.

Mesures incitatives à l’intention des acteurs du secteur privé de la chaîne de valeur

Mesures incitatives à l’intention des fournisseurs d’intrants

Fournisseurs de semences, d’engrais et de technologies

En dépit de l’engagement politique théorique à améliorer la sécurité alimentaire en Afrique subsaharienne évoqué au chapitre  1, les agriculteurs de cette région pâtissent systématiquement d’un manque d’accès aux intrants qui les empêche de modifier leurs pratiques et d’adopter des méthodes plus durables et résilientes. Les semences hybrides résilientes136, les engrais biologiques et les nouvelles technologies demeurent hors de leur portée. Ces intrants sont souvent onéreux ou indisponibles en raison de l’incapacité de l’infrastructure à soutenir un système semencier formel et de l’accès limité des petits agriculteurs aux marchés des intrants et des produits. Cependant, même lorsqu’ils sont accessibles, il est important que ces intrants ne génèrent pas d’externalités et de conséquences environnementales négatives : le recours à de grandes quantités d’engrais chimiques et de pesticides, d’hybrides génétiquement modifiés ou obsolètes et de semences à pollinisation libre anciennes ainsi qu’à des technologies de mauvaise qualité porte préjudice à l’environnement à long terme. Mais la rentabilité de l’adoption d’intrants améliorés  (respectueux de l’environnement ou autres) dépend de leur coût  (engrais, pesticides, matériel végétal et, plus important encore, main-d’œuvre) par rapport aux prix des produits alimentaires en vigueur sur le marché et à ceux d’autres biens éventuellement en concurrence avec eux en termes de ressources en main-d’œuvre des ménages.

Les fournisseurs d’intrants, tels que les producteurs de semences et les fournisseurs d’engrais, jouent clairement un rôle important : ils peuvent non seulement fournir des semences ou des engrais biologiques de qualité mais aussi former les agriculteurs et les aider à les utiliser. Ils sont également en mesure de soutenir le fonctionnement efficient des marchés locaux des intrants et de lutter contre le marché des intrants contrefaits. Enfin, ils peuvent collaborer avec les autorités locales, les donateurs, les scientifiques et les communautés afin de rationaliser les

Page 87: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

71

MESURES INCITATIVES à L’AMÉLIORATION DE LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET DE LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES à L’INTENTION DES SECTEURS PUBLIC ET PRIVÉ

services logistiques et d’intrants dans le but d’ouvrir un espace matériel et institutionnel autorisant l’émergence, l’adoption et le développement des nouvelles formes d’intrants.

Mais quelles mesures incitatives sont susceptibles de convaincre les fournisseurs d’intrants de s’engager sur la voie d’une durabilité accrue ? Ils peuvent être motivés par l’idée que ne pas investir dans des semences hybrides ou des engrais biologiques risque de mettre en péril l’environnement et donc les moyens de subsistance des communautés (catégorie 1). En outre, investir dans des intrants durables et résilients peut susciter de nouvelles opportunités commerciales (demande du marché) (catégorie 4). Dans le même temps, ils opèrent dans un environnement réglementaire et politique qui fixe les règles formelles de leur engagement, telles que le cadre de responsabilité sociale des entreprises (catégorie 2).

Les agriculteurs qui achètent des variétés améliorées, comme de nouvelles semences hybrides, sont souvent motivés par l’attente d’une hausse des rendements et de leur revenu, comme l’illustrent les études de cas relatives à l’Afrique subsaharienne objet de l’encadré 17.

La fourniture de nouvelles technologies d’agriculture durable et résiliente par des acteurs publics ou privés constitue une autre incitation importante pour les agriculteurs. Dans les zones arides, le renforcement de la résilience requiert des technologies nouvelles et adaptées pour faire face aux défis que posent l’aggravation des sécheresses et les précipitations irrégulières

imputables aux changements climatiques  (techniques de gestion de l’eau à faible coût ou autres types de systèmes d’irrigation, par exemple). L’encadré  18 explique comment la conviction des producteurs ghanéens du faible risque et de l’intérêt du changement a concouru à la réussite de l’initiative d’urgence en faveur du riz menée dans leur pays. Il attire également l’attention sur le rôle majeur de la diffusion entre agriculteurs des connaissances et des technologies  (catégories 1, 4).

En dépit de ces réussites, Tittonell et Giller (2013) préviennent que le mouvement d’intensification durable de l’agriculture africaine engendré par la promotion du recours aux engrais minéraux, aux semences hybrides, à de nouvelles cultures, à des méthodes d’irrigation, etc., risque d’avoir l’effet contraire à celui escompté : toutes ces techniques requièrent un investissement important dans des intrants dont l’adoption a été considérablement freinée par le faible développement des marchés des intrants et des produits, mais aussi souvent par la performance médiocre des technologies dans le contexte africain ou leur incapacité à s’intégrer aux systèmes utilisés par les petits agriculteurs. Les auteurs arguent donc que « des approches intégrées de la fertilité des sols et de la gestion des nuisibles ou des cultures s’appuyant sur les connaissances locales » constituent la voie à suivre. En d’autres termes : « L’Afrique a besoin d’une stratégie d’intensification durable de son agriculture qui lui soit propre, qui exploite les processus écologiques et garantisse un usage efficient des intrants externes limités.  »  (Tittonell et Giller, 2013, p. 77)

©H

arandane Dicko/U

N Photo

Page 88: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

72

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

Adoption de semences hybrides dans le but d’augmenter la production de maïs : cas de pays d’Afrique subsaharienne

La production de maïs s’accommode de diverses conditions climatiques, mais ses rendements sont faibles en Afrique subsaharienne : l’Afrique représente 15 % de la surface mondiale totale cultivée en maïs mais moins de 5 % de sa récolte mondiale (Grassini et al., 2013, cité par Gaffney et al., 2016).

Une étude récente de Gaffney et al. (2016) explique que l’association de semences hybrides et d’avancées technologiques peut améliorer l’efficacité de la production de cultures hybrides de qualité en Afrique. Les semences hybrides de cultures comme le maïs jouent un rôle important dans la réalisation des objectifs de sécurité alimentaire et de durabilité agricole en Afrique subsaharienne1. Au Nigéria, les maïs hybrides ont été introduits sur le marché au cours des récentes décennies. L’avantage en matière de rendement des premiers hybrides commercialisés a été de 29 % pour le maïs blanc et de 15 % pour le maïs jaune (Badu-Apraku et al., 2001, cité par Gaffney et al., 2016). Au Kenya également, le revenu des ménages de producteurs de maïs hybride a progressé, la valeur de leurs actifs totaux s’est accrue et leur niveau de pauvreté a été inférieur à celui des cultivateurs de variétés à pollinisation libre (Mathenge et al. 2014, cité par Gaffney et al., 2016). Au Zimbabwe, les petits agriculteurs, qui plantaient des hybrides depuis les années 1960, sont revenus à des variétés à pollinisation libre et à des hybrides anciens pendant les périodes d’instabilité du pays, ce qui s’est traduit par une baisse de productivité à la fin des années 1990. L’étude a conclu que les agriculteurs n’avaient pas besoin de subventions pour adopter les semences hybrides, mais d’une stabilité politique et économique propice à la recherche, à la capacité de production et à une large disponibilité de ces intrants (Leiman et Behar, 2011, cité par Gaffney et al., 2016).

Le succès du maïs hybride en Afrique subsaharienne est plus imputable à l’appui des gouvernements et à leurs politiques qu’à la technologie. Cependant, le manque d’engagement politique à soutenir le système semencier formel demeure un obstacle. Plus précisément, les incohérences persistantes des multiples règlements et réglementations nationaux sur les semences qui entravent les économies d’échelle et la libre circulation de ces intrants sur de vastes zones géographiques constituent le véritable problème. De fait, la complexité des cadres réglementaires peut ralentir la commercialisation de nouvelles semences hybrides. Ainsi, au Kenya, jusqu’en 2004, l’organisation semi-publique Kenya Seed Company assurait environ 86 % des ventes de semences de maïs et continuait à proposer des semences hybrides anciennes (Ariga et Jayne, 2010, cité par Gaffney et al., 2016). Au Ghana, des variétés améliorées de maïs et des hybrides ont été commercialisés, mais en l’absence de système semencier formel, l’offre était limitée et la distribution laissait à désirer (Sugri et al., 2013, cité par Gaffney et al., 2016). Le recyclage de ces variétés par les agriculteurs au fil de nombreuses générations a entraîné une contamination, une dégénérescence et une ségrégation qui en ont limité les performances à long terme (Gaffney et al., 2016).

Ces dernières années, plusieurs nouvelles initiatives de promotion des semences hybrides ont été couronnées de succès : une initiative de l’Alliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA) baptisée Programme des systèmes semenciers pour l’Afrique (PASS) s’est efforcée de renforcer la chaîne de valeur, notamment en investissant dans des phytogénéticiens et en formant les négociants en produits agricoles qui vendent des semences. Ce programme est parvenu, entre autres, à développer 464 variétés améliorées de 15 cultures importantes et à augmenter la production de semences (AGRA, 2014, cité par Gaffney et al., 2016). De plus, de nombreux programmes nationaux, des petites sociétés semencières et des instituts de recherche comme le CGIAR travaillent à l’amélioration des systèmes semenciers africains.

1 Aux États-Unis, l’adoption d’hybrides de maïs a fait bondir le rendement à 10 t/ha en moyenne (Holland, 2009 et USDA NASS, 2015, cités par Gaffney et al., 2016). En outre, ces cultures permettent une transformation plus efficiente du rendement des nutriments en azote, phosphore et potassium (Ciampitti et Vyn, 2014, cité par Gaffney et al., 2016) et ont contribué à réduire la perte de nutriments et le volume des émissions de gaz à effet de serre par rapport aux grandes régions céréalières d’autres pays dans le monde (West et al., 2014, cité par Gaffney et al., 2016).

ENCADRÉ 17

Page 89: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

73

MESURES INCITATIVES à L’AMÉLIORATION DE LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET DE LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES à L’INTENTION DES SECTEURS PUBLIC ET PRIVÉ

Gain de productivité grâce à l’accès accru des riziculteurs aux technologies : cas du Ghana

Au Ghana, la crise mondiale du riz de 2008 a conduit à lancer un projet de deux ans baptisé Initiative d’urgence en faveur du riz (ERIP) visant à augmenter la productivité de cette culture et auquel ont collaboré, entre autres, USAID (Agence des États-Unis pour le développement international), l’International Fertilizer Development Centre (IFDC), AfricaRice et le ministère des Affaires étrangères. Ce projet a joué un rôle de catalyseur : la mise à la disposition des riziculteurs de variétés et de technologies de production améliorées (p. ex., technologies après récolte) les a aidés à augmenter le rendement (leur revenu a doublé) et à pratiquer une gestion intégrée de la fertilité des sols. Il leur a également permis de diversifier leurs cultures : certains producteurs de maïs se sont ainsi lancés dans la riziculture. Il a aussi été à l’origine de progrès remarquables en matière de renforcement des partenariats entre les organisations agricoles, le secteur privé et des ONG. La rapidité avec laquelle les agriculteurs ont adopté les nouvelles variétés et les nouvelles technologies apporte la preuve que les producteurs sont prêts à évoluer lorsqu’ils comprennent qu’il y va de leur intérêt (p. ex., hausse des rendements, meilleure qualité gustative, maturité précoce, facilité de stockage) et que le risque est raisonnable.

L’ERIP a fait appel à diverses méthodes de diffusion des connaissances et des technologies, telles que des sessions annuelles de plantation, des démonstrations participatives de gestion des engrais dans les exploitations, des cours de formation des formateurs et la coopération avec le personnel de vulgarisation et les organisations de développement. Cependant, certains groupes de producteurs, notamment dans les régions isolées, demeuraient privés d’accès aux semences, aux nouvelles technologies et aux informations. Le projet s’est donc efforcé de les atteindre par le biais de programmes de sensibilisation faisant appel aux radios rurales et à des diffusions audiovisuelles.

La volonté et le désir des producteurs bénéficiaires de communiquer les informations relatives aux nouvelles technologies aux agriculteurs qui ne participaient pas directement au projet ont constitué l’un de ses effets indirects importants. La diffusion des technologies entre agriculteurs s’appuie sur les méthodes de transfert traditionnelles de leur profession et sur la constatation que, même s’ils ont le choix de sources d’information, ils préfèrent se tourner d’abord vers d’autres producteurs. Autrement dit, en matière de diffusion de nouvelles technologies, les mécanismes autochtones de transfert entre agriculteurs pourraient avoir une plus grande incidence que les initiatives émanant d’acteurs publics ou privés.

Enfin, des mesures incitatives relevant des politiques ont également été fournies : une récente politique de restriction des importations de riz, qui a doté les agents de vulgarisation de nouvelles connaissances en matière de pratiques de production agricole, a donné un coup de pouce à la promotion de technologies rizicoles améliorées. Afin de faciliter davantage l’adoption, il convient d’établir des liens adaptés entre les producteurs, les agents de vulgarisation, les ONG, les transformateurs et les fournisseurs de crédit (Buah et al., 2011).

ENCADRÉ 18

©M

arco Dorm

ino/UN

Photo

Page 90: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

74

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

Accès au financement fourni par les banques, les investisseurs ou d’autres types de services financiers : risques, garanties d’emprunts, financement des chaînes de valeur et programmes d’assurance

L’agriculture est exposée à divers risques, qui vont de la variabilité du climat, des nuisibles et des maladies à la volatilité des prix sur les marchés des produits et des intrants. Cette spécificité en fait un secteur peu attractif pour les investisseurs et les institutions financières. L’inclusion d’une incitation à investir dépassant la rentabilité financière telle que l’impact social ou environnemental constitue l’une des approches envisageables  (catégorie 2). En effet, les ménages agricoles pauvres qui dépendent de la pluviométrie et subissent les imperfections du marché sont particulièrement vulnérables. Les risques sont encore plus importants pour eux car ils n’ont pas les moyens de les gérer efficacement, p. ex. en investissant dans l’irrigation, en souscrivant à une assurance ou en faisant appel au crédit pour améliorer leur revenu et leur consommation. Les tendances montrent néanmoins que les garanties d’emprunt, les mécanismes de financement de la chaîne de valeur, les assurances et les investissements à impact social et environnemental permettent de plus en plus fréquemment aux petits agriculteurs et à d’autres types de MPME d’investir dans l’agriculture durable et résiliente et d’améliorer leurs moyens de subsistance.

Les fournisseurs d’intrants financiers réagissent favorablement à diverses incitations : pour les organisations de soutien publiques internationales, il s’agira du but global de promouvoir les biens publics en protégeant les moyens de subsistance à court ou long terme (catégorie 1), alors que le secteur privé sera motivé par de nouvelles opportunités d’affaires basées sur la demande du marché, les réglementations, les politiques ou les mécanismes de financement novateurs émanant du gouvernement ainsi que par la création de plateformes de toute nature susceptibles de renforcer la confiance et de garantir la rentabilité (catégories 3  et 4).

Premièrement, les prêts constituent un outil important de promotion des chaînes de valeur alimentaires durables et résilientes  : ils facilitent le déploiement à grande échelle, la mise en œuvre et le développement du marché et permettent ainsi à un secteur d’atteindre à long terme son autosuffisance financière. Les prêts destinés au financement environnemental comprennent aussi bien les investissements de plusieurs millions de dollars de la Banque mondiale dans des projets énergétiques nationaux que des programmes de microfinance accordant des prêts de faible montant à des agriculteurs  (PNUD, 2013).

137 Voir : http://www.ifc.org/wps/wcm/connect/topics_ext_content/ifc_external_corporate_site/ifc+sustainability/our+approach/risk+management/performance+standards/environmental+and+social+performance+standards+and+guidance+notes#2012.

138 Voir les travaux de la banque Triodos en Tanzanie : https://www.triodos.com/en/about-triodos-bank/what-we-do/our-expertise-overview/.

Dans le premier cas, les faits montrent que les investisseurs étrangers, motivés par les principes de responsabilité sociale et de nouvelles opportunités d’affaires  (catégories 1, 3  et 4), interviennent de plus en plus dans l’agriculture africaine. Ainsi, la Société financière internationale (IFC), l’organisation du Groupe de la Banque mondiale dédiée au développement du secteur privé, œuvre à la mise en place de chaînes d’approvisionnement inclusives et cible notamment les petits agriculteurs par le biais du Programme mondial sur l’agriculture et la sécurité alimentaire  (GAFSP). Lancé en 2010, celui-ci a convaincu des donateurs, tels que le Japon et les Pays-Bas, d’investir dans l’agriculture dans le but de réduire la pauvreté et d’améliorer la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Il se consacre principalement à l’amélioration de l’accès des petits agriculteurs au financement, aux technologies, à l’expertise et aux intrants afin de leur ouvrir les marchés. Pour inciter les sociétés du secteur privé ou les banques commerciales à investir dans l’agriculture, il recourt à des instruments tels que l’association de plusieurs produits financiers et de faibles taux d’intérêt. Chaque investissement effectué doit également satisfaire à certaines normes environnementales et sociales137. Cependant, les investissements ne constituent pas une garantie de succès : au Malawi, le GAFSP a investi au total 10 millions de dollars dans la filière de la mangue, mais les problèmes rencontrés par les plantations de bananiers et les retards de livraison des mangues ont suscité des doutes quant à la réussite future de ce programme.

Des initiatives prometteuses de prêts de faible montant apparaissent en Afrique subsaharienne, comme illustré plus loin. L’efficacité des prêts est optimale lorsque le marché constitue le point d’entrée principal, ce qui garantit de futurs contrats. Mais ce n’est pas toujours le cas pour les maillons les plus vulnérables des chaînes de valeur  : les agriculteurs continuent à avoir beaucoup de mal à accéder au crédit parce que les institutions locales hésitent à accorder des prêts à la production agricole ou en sont incapables. L’appui de partenaires de développement ou d’autres garanties financières peut atténuer ce problème, mais l’incertitude et le risque inhérents à l’agriculture en font un secteur non attractif pour les institutions de prêt138.

Deuxièmement, les faits montrent que le financement des chaînes de valeur constitue un outil important de réduction des risques  : il consiste à ce qu’une ou plusieurs institutions financières entrent dans la chaîne de valeur et proposent des services financiers exploitant les relations entre ses différents maillons  (les négociants, les transformateurs, les fournisseurs d’intrants et les exportateurs consentent aux producteurs des prêts à court terme liés à la vente ultérieure de leurs produits).

Page 91: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

75

Ce type de prêts aux chaînes de valeur parvient aux petits agriculteurs sous la forme de prêts de faible ou très faible montant (PNUD, 2013), comme l’illustre l’exemple de la filière du soja éthiopienne (encadré 19). Autres exemples de financement des chaînes de valeur  : le capital-investissement  (une banque ou un autre investisseur acquiert des parts d’une entreprise afin de lui apporter un capital qu’elle pourra à son tour investir) ou le crédit-bail  (une société de crédit-bail fournit, sur une base contractuelle, à l’agriculteur [ou à un autre emprunteur] de l’équipement pour plusieurs années et l’emprunteur rembourse le crédit en mensualités). À la fin de la période de bail, soit le bailleur récupère l’équipement, soit il propose à l’agriculteur de le lui vendre. Le crédit-bail est moins risqué que le prêt parce que le propriétaire de l’équipement peut en reprendre aisément possession en cas de défaillance du producteur. À l’inverse, les

contraintes juridiques et la faiblesse des systèmes judiciaires pourront compliquer la récupération de la caution garantissant le prêt (KIT et IIRR, 2010).

Cependant, l’efficacité du financement des chaînes de valeur dépend de l’existence d’une demande forte et d’un accès au marché. L’efficacité des programmes de prêts et de financement des chaînes de valeur se heurte à d’autres contraintes, notamment l’inadéquation de l’infrastructure financière, la corruption et la non-prise en compte des risques inhérents à un secteur dépendant des conditions météorologiques. De plus, les dispositifs de microfinance favorisent généralement les hommes alors que les femmes sont plus nombreuses dans le secteur agricole (WorldWatch, State of the World, 2011, cité par le PNUD, 2013).

Financement de la chaîne de valeur du soja dans la zone Jimma en Éthiopie

Les agriculteurs de la zone Jimma dans la région Oromia au sud-ouest de l’Éthiopie rencontrent de multiples difficultés : outre la pauvreté du sol, un grand nombre d’entre eux cultive du maïs, l’aliment de base local, année après année. Ils n’ont pas les moyens d’acheter des intrants tels que semences et engrais, ne disposent pas d’un accès au marché pour écouler leur surplus et ne possèdent pas les compétences requises pour le vendre. Avec des intérêts annuels pouvant atteindre 120 %, emprunter de l’argent est onéreux. Ceux qui possèdent quelques têtes de bétail n’en tirent pas une bonne production laitière car le cheptel n’est pas de bonne qualité. En revanche, la culture du soja est prometteuse : ce légume sec est bien adapté aux sols locaux et en améliore la fertilité en fixant l’azote. Il peut également servir à la production de lait de soja, pour lequel il existe aussi un marché à Jimma.

Par conséquent, l’ONG éthiopienne Facilitator for Change Ethiopia (FCE) et le Centre de recherche agricole de Jimma œuvrent conjointement à la promotion du soja dans cette zone et s’efforcent d’y populariser cette culture depuis 2006. Forte de l’appui et de la participation du gouvernement éthiopien, FCE a joué un rôle essentiel dans la mise en place et le renforcement de la chaîne de valeur et de ses principaux acteurs (agriculteurs, organisations de commercialisation des producteurs, groupes d’entraide informels de femmes pauvres, détaillants et consommateurs) grâce à la fourniture de formation, de capital d’amorçage, d’appui matériel, d’assistance technique et d’aide au renforcement des capacités.

L’institution Harbu Microfinance a dispensé divers services financiers à la chaîne de valeur du soja : prêts aux agriculteurs dans le but d’acheter des semences et des engrais, prêts de fonds de roulement aux organisations de commercialisation de producteurs et prêts et crédit-bail à des associations de femmes. La coopération triangulaire entre l’appui au développement dispensé par FCE, les services financiers de Harbu Microfinance et les liens commerciaux fiables entre les agriculteurs et les associations de femmes, principalement présentes dans la transformation, a permis d’atténuer la plupart des risques du financement de cette filière. Sans cette architecture institutionnelle et ces interconnexions, les risques et les coûts seraient trop élevés et elle ne fonctionnerait pas correctement.

Ce projet a généré de multiples avantages : le fait que les agriculteurs de Jimma, ne dépendant plus d’une unique culture (le maïs), aient pu diversifier leurs moyens de subsistance grâce à des activités non agricoles (chapitre 2) a permis de réduire la pauvreté, de renforcer les liens entre zones rurales et urbaines, d’améliorer la nutrition et d’autonomiser les agriculteurs et les femmes (KIT et IIRR, 2010, p. 164-173).

ENCADRÉ 19

MESURES INCITATIVES à L’AMÉLIORATION DE LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET DE LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES à L’INTENTION DES SECTEURS PUBLIC ET PRIVÉ

Page 92: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

76

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

Troisièmement, les systèmes d’assurance, qui se multiplient en Afrique subsaharienne, constituent un outil majeur d’atténuation du risque pour les ménages vulnérables. Ainsi, les agriculteurs assurés d’être indemnisés des pertes dues à des événements climatiques extrêmes sont plus susceptibles d’investir dans une approche plus durable et résiliente. Très souvent, la mise en place de ces programmes requiert la collaboration entre divers partenaires, dont des compagnies d’assurance privées et des institutions publiques. L’encadré 20 présente le programme d’assurance bétail indexée (IBLI) en place au Kenya.

Cependant, le marché de l’assurance comporte encore des limites, comme le montre l’exemple de la Mutuelle panafricaine de gestion des risques  (ARC). Initiative de l’Union africaine, l’ARC est chargée du financement au niveau des États du secours en cas de catastrophe. Pourtant, les inexactitudes des modèles climatiques bloquent le versement des indemnités au Malawi, victime d’une grave sécheresse de longue durée139. L’instauration de la confiance et le respect de l’obligation d’indemnisation constituent donc des facteurs de réussite essentiels.

Quatrièmement, le secteur de l’investissement à impact social et environnemental a enregistré une croissance régulière ces dernières années. Ce type d’investissement consiste à allouer des capitaux à des entreprises, des fonds et/ou des organisations

139 Voir : http://www.economist.com/news/finance-and-economics/21705856-worthy-insurance-scheme-goes-awry-arcs-covenant.

afin d’en tirer une rentabilité financière et un impact environnemental et/ou social positif. Concrètement, il constitue un complément potentiel aux dépenses publiques et à l’aide publique au développement  (APD) en attirant les capitaux et les compétences du secteur privé afin de réduire la vulnérabilité des économies africaines aux chocs externes et d’apporter une solution axée sur le marché à leurs besoins socio-économiques. Le secteur agricole, et notamment souvent ses PME, constitue l’une des principales cibles de ce type d’investissement en Afrique subsaharienne, (PNUD, 2015).

Enfin, dans cette région, le marché du crédit n’obéit pas à la même logique que dans les pays industrialisés  : accorder des prêts monétaires à rembourser assortis d’un  (faible) intérêt ne constitue pas une pratique courante. En pratique, les agriculteurs et les petits négociants d’Afrique subsaharienne, qui n’ont accès ni aux prêts ni à d’autres types de crédit, finissent par troquer leur propre travail contre l’accès aux intrants. En effet, l’agriculteur sera plus susceptible de rembourser le prêt en associant le versement d’un pourcentage donné du montant emprunté à des heures de travail ou une partie de ses terres. Tout système d’intrants doit tenir compte des spécificités de leurs modalités de remboursement. Par conséquent, l’échange d’un travail physique contre une assurance est apparu comme une mesure incitative à « la souscription » à une assurance pour les agriculteurs. Ainsi, la compagnie d’assurance Swiss Re a lancé en

Comment assurer les pertes de bétail résultant d’événements climatiques ?

Les dispositifs d’assurance des pertes de bétail sont plus récents que ceux relatifs aux pertes de culture ou de rendement. En 2008, l’Institut international de recherche sur l’élevage (ILRI, membre du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale [CGIAR]) a lancé le mécanisme d’assurance bétail indexée (IBLI) dans deux régions pilotes du Kenya et d’Éthiopie. Celui-ci s’appuie sur des images satellitaires (disponibles depuis 2000) pour mesurer les terres disponibles, divers indicateurs en rapport avec l’état de la végétation, etc., et verser aux éleveurs assurés des fonds leur permettant d’acheter du fourrage et de l’eau pour leur bétail en période de grave sécheresse. Le fait que les agriculteurs ne soient pas assurés individuellement, mais sur la base d’« unités d’assurance » (p. ex., 100 km²) diminue aussi les coûts de transaction. L’IBLI collabore également avec des compagnies d’assurance locales telles que Takaful1 afin de les aider à proposer des contrats d’assurance dans les régions isolées.

Pour mettre le projet en place, il a fallu collecter auprès des ménages de chaque région pilote des renseignements tels que la taille du cheptel, l’état de santé des animaux et des données socio-économiques. Ce travail prend énormément de temps et le déploiement à grande échelle de mécanismes de ce type présente un véritable défi2.

1 Voir : http://www.islamic-banking.com/takaful_insurance.aspx.2 Voir : https://ibli.ilri.org/2016/10/12/characterizing-regional-suitability-for-index-based-livestock-insurance/ ; entretien avec des experts d’IBLI, ILRI,

14 octobre 2016, Nairobi, Kenya.

ENCADRÉ 20

Page 93: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

77

MESURES INCITATIVES à L’AMÉLIORATION DE LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET DE LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES à L’INTENTION DES SECTEURS PUBLIC ET PRIVÉ

Éthiopie, en partenariat avec Oxfam America, le projet Horn of Africa Risk Transfer for Adaptation qui permet aux agriculteurs pauvres en liquidités de travailler pour payer leurs primes d’assurance en participant à des projets communautaires de réduction des risques et de renforcement de la résilience face au changement climatique140.

Mesures incitatives à l’intention des producteurs

Agriculteurs

Les petits agriculteurs d’Afrique subsaharienne, une région caractérisée par l’insécurité alimentaire, sont systématiquement confrontés à deux obstacles majeurs à la production : la faible fertilité des sols et leur pauvreté en nutriments. L’abandon de méthodes improductives se heurte à diverses contraintes :

• Contraintes liées à la motivation intrinsèque : survie comme source première de motivation, au détriment des ressources naturelles  ; traditions culturelles profondément ancrées  ; manque de capacités financières ou organisationnelles pour changer de modèles de production  ; incitations à court terme plus motivantes  ; surcroît de difficultés pour les femmes en matière de mobilité et d’accès aux actifs, aux ressources productives, aux informations sur le marché et aux terres (droits fonciers). Bien que les femmes soient considérées comme de meilleures « gardiennes de l’environnement », ces facteurs défavorables renforcent leur difficulté à accéder à des marchés de niche rentables, à augmenter leur revenu et à appliquer des pratiques durables et résilientes.

140 Pour plus de détails, voir : https://policy-practice.oxfamamerica.org/work/rural-resilience/r4/.

• Contraintes d’ordre politique et juridique : absence de soutien institutionnel et d’action du gouvernement, p. ex., certification, labels, obligations de commercialisation durable ; absence de services de vulgarisation.

• Contraintes financières : absence d’accès aux intrants agricoles biologiques, besoins intensifs en main-d’œuvre en raison du manque de mécanisation ; absence de capitaux à investir dans la mise en place de sols productifs dans les environnements difficiles.

• Contraintes liées au marché  : ignorance de la demande de produits biologiques/durables  ; manque d’accès au marché en raison de contraintes infrastructurelles telles que l’absence ou l’inadéquation des routes, des abattoirs, des installations de transformation et de fabrication (qui augmente les coûts de transaction, aggrave l’asymétrie des informations entre les producteurs et les négociants et décourage l’investissement dans la transformation) ainsi qu’incapacité à respecter les normes de qualité et de quantité du marché formel  ; petite taille et fragmentation croissante des exploitations  ; indisponibilité ou absence de moyens pour participer à des plateformes de partage d’informations  ; absence d’infrastructures publiques pour la logistique de la chaîne de valeur ; écart entre la recherche et son application (incapacité à respecter les normes de qualité et de quantité).

En dépit de ces limites, les petits agriculteurs d’Afrique subsaharienne s’adaptent depuis des siècles aux changements environnementaux et climatiques. Très souvent, les connaissances autochtones leur permettent déjà de pratiquer une agriculture durable et résiliente  : ils utilisent des intrants

©JC M

cIlwaine/U

N Photo

Page 94: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

78

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

biologiques et des techniques de polyculture par nécessité historique, même si potentiellement la productivité est faible et l’aptitude à la commercialisation limitée. Ces pratiques sont intrinsèquement motivées par la survie et la récolte des fruits de la nature, ce qui n’est possible qu’en vivant en harmonie avec elle et en protégeant les ressources naturelles (catégorie 1). On pourrait donc dire que, pour eux, la seule incitation externe à changer de comportement est l’augmentation de la productivité de manière durable et résiliente. L’encadré 21 fournit un exemple de connaissances autochtones  : il décrit la technique de couverture permanente du sol à l’aide de végétaux indigènes développée localement par les agriculteurs d’Afrique de l’Ouest et en explique les limites.

Bien que les techniques autochtones puissent souvent être qualifiées de « durables » ou d’«  intelligentes face au climat », les efforts des agriculteurs sont systématiquement contrecarrés par le manque d’intrants ou d’accès au marché qui entrave l’adoption plus systématique de pratiques durables et résilientes et la sortie d’une agriculture de subsistance. Ainsi, au Burkina Faso, les producteurs recourent fréquemment au «  zaï  », une approche traditionnelle de restauration des terres arides dégradées (habituellement cultivées en sorgho et en millet) qui concentre les eaux de ruissellement et les matières organiques dans des microbassins. Cette technique demande énormément de main-d’œuvre, mais des scientifiques de l’Institut national de la recherche environnementale et agricole du Burkina Faso ont recommandé l’utilisation d’un «  zaï mécanique  » qui consiste à creuser les fosses à l’aide d’outils tractés par des animaux. Cette solution peut réduire de plus de 90  % le temps requis pour creuser les fosses (Zougmoré et  al., 2014). Elle présente également des avantages économiques plus élevés  (165 000 CFA contre 17 000 CFA seulement par hectare avec le «  zaï  » manuel). Cependant, elle est trop onéreuse pour la plupart des agriculteurs. Il conviendrait donc de renforcer les capacités locales des communautés en matière de fabrication et de vente de matériel agricole de base ainsi que de production d’un compost de bonne qualité pour compenser la disponibilité limitée de fumier animal  (Zougmoré et  al., 2014). Un appui financier est nécessaire. L’exemple du système de riziculture intensive (SRI) a déjà été présenté au chapitre 3 : les producteurs les plus pauvres n’ont pas été en mesure de fournir la main-d’œuvre supplémentaire requise car, comme l’ont montré des études effectuées à Madagascar, celle-ci devient indispensable à la période de l’année où les liquidités sont faibles et l’intensité de main-d’œuvre déjà élevée. Par conséquent, dans ces situations, les pratiques du SRI ne convenaient pas aux petits agriculteurs pauvres en raison de leur nature saisonnière et de leur forte intensité de main-d’œuvre (Moser et Barrett, 2003).

La diversification des moyens de subsistance non agricoles et des marchés, y compris par l’accès des petits agriculteurs

aux marchés des intrants et des produits, constitue une mesure de durabilité  (ou intelligente face au climat)  (voir chapitre 2) (catégorie 4). Les faits montrent que les agriculteurs qui bénéficient d’un accès accru à ces marchés utilisent davantage et de manière plus diversifiée des intrants comme les engrais  (biologiques) et accroissent leur productivité. Le renforcement de la qualité et de la fourniture des services d’information est également crucial, notamment parce que les pratiques durables et résilientes varient selon les endroits. Le secteur public joue un rôle essentiel dans l’accès des agriculteurs au marché (voir section Mesures à la disposition du secteur public pour inciter le secteur privé à intervenir, page 84).

Richesse du savoir autochtone : choix entre alimentation du bétail et fumier au Burkina Faso

Un article de mars 2015 du magazine Farming Matters explique que les agriculteurs d’Afrique de l’Ouest utilisent depuis longtemps des techniques agronomiques comme le travail minimum du sol, la diversification des cultures, les diguettes en pierre et les paillis1. La couverture permanente du sol afin d’en accroître la fertilité (l’un des trois principes de l’agriculture de conservation) y est également pratiquée. Les résidus de récolte peuvent servir à cette fin, mais sont consacrés en premier lieu à l’alimentation animale. Constatant que les rendements stagnaient ou diminuaient en raison de la dégradation de la qualité des sols, des agriculteurs de Yilou, un village situé sur le plateau central du Burkina Faso, ont résolu le problème en recourant à des espèces végétales impropres au fourrage : ils ont donc commencé à utiliser les branches de buissons indigènes comme le Piliostigma thonningii (« arbre pied de chameau ») qui poussent aux environs. Cette nouvelle approche de défriche-paillis donne un coup de pouce au processus de reconstitution des matières organiques du sol. Grâce à cette initiative, les rendements (du sorgho en l’occurrence) ont augmenté. Cependant, la diffusion et le développement de cette technique nécessitent de poursuivre des travaux de recherche pratiques.

1 Voir : http://www.fao.org/family-farming/detail/en/c/326204/.

ENCADRÉ 21

Page 95: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

79

La hausse de la rentabilité promise par l’analyse coûts-avantages est souvent considérée comme une incitation majeure pour les agriculteurs  : s’ils savent que l’investissement dans une agriculture durable et résiliente se traduira par une hausse des rendements et de la rentabilité, il est probable qu’ils le consentiront  (catégorie 4). Cela se vérifie dans certains cas  : l’étude consacrée au maïs au Swaziland  (encadré  22)  montre que des pratiques plus résilientes peuvent entraîner une hausse des rendements, mais les cas de réussite demeurent limités parce que la réalité est plus complexe que la simple logique économique. En raison des relations de causalité entre les différents niveaux  (local, national, régional, continental, mondial), l’analyse coûts-avantages au niveau local  (c’est-à-dire la preuve d’une hausse du taux de rentabilité découlant d’investissements dans des pratiques durables) ne constitue au mieux qu’un facteur parmi d’autres : « Des pratiques améliorées augmentant les rendements à grande échelle modifieront l’équilibre entre l’offre et la demande et, dans la plupart des cas, réduiront les prix à la production, ce qui rendra l’adoption des nouvelles pratiques moins attractive. Cela pourrait expliquer les faibles taux d’adoption d’innovations comme les semences résistantes à la sécheresse en Afrique subsaharienne, par exemple. » (FIDA, 2016, p. 47-49.)

Afin de constituer un outil de décision utile, l’évaluation économique doit aller plus loin que l’analyse coûts-avantages et intégrer une compréhension plus nuancée des facteurs incitatifs au changement de comportement (catégorie 1). En effet, outre les actifs physiques existants, les flux de trésorerie et les signaux du marché, la famille, la culture, le régime foncier, la politique locale et la perception des risques influent sur les décisions des petits agriculteurs. De ce fait, diverses autres approches relevant de l’« analyse des comportements adaptatifs »  (ACA) peuvent affiner la capacité de l’analyse coûts-avantages à cibler les investissements efficaces (FIDA, 2016). Le FIDA (2016) en donne l’exemple suivant : en dépit des avantages avérés en termes de rentabilité de la pratique de l’inondation et de l’assèchement alternés, les riziculteurs ont mis du temps à l’adopter, entre autres, parce que sa diffusion n’a pas été menée de front avec une gestion consolidée des terres. En effet, les producteurs qui concluent une forme quelconque d’accord de gestion collective des terres sont mieux à même de réduire les coûts et d’innover. De plus, les femmes sont fréquemment exclues des institutions de gestion de l’eau et des services de vulgarisation (Basak, 2016 et IRRI, 2016, cités par le FIDA, 2016, p. 46).

Stratégies d’adaptation de la culture du maïs entraînant une hausse du taux de rentabilité : cas du Swaziland

Shongwe et al. (2013) ont effectué l’analyse coûts-avantages de stratégies d’adaptation au changement climatique sur des systèmes de production agricole dans une région spécifique du Swaziland, à savoir, entre autres, l’introduction de variétés résistantes à la sécheresse, le changement de cultures, l’irrigation, la rotation des cultures, la plantation précoce et les cultures intercalaires. Leur étude a montré que le taux interne de rentabilité augmentait de manière importante chez les agriculteurs qui avaient remplacé le maïs par des cultures tolérantes à la sécheresse comme les haricots secs : de 23,7 % pour ceux qui étaient passés du maïs aux haricots secs et de 72,4 % pour ceux qui avaient abandonné le maïs pour l’arachide, par exemple. Ces cultures résistantes à la sécheresse étant également commercialisables, les producteurs ont pu les vendre, ce qui leur a permis d’acheter du maïs, leur aliment de base. De plus, les agriculteurs qui ont irrigué ont engrangé un revenu supérieur à ceux qui ne l’avaient pas fait. Cependant, les agriculteurs de subsistance, dans l’incapacité de payer le coût initial élevé de mise en place d’une infrastructure d’irrigation, avaient besoin de prêts et de crédit. Dans la région du Swaziland étudiée, ces services n’étaient pas faciles à obtenir parce que les producteurs ne disposaient pas de caution et que l’absence de cours d’eau important dans la zone rendait l’irrigation trop coûteuse. Par conséquent, les ménages avaient besoin d’interventions des pouvoirs publics pour atténuer le coût de la construction de systèmes d’irrigation. Une autre étude a montré que la rotation de l’arachide et du maïs entraînait une augmentation considérable du taux interne de rentabilité (entre 72 et 96,2 %). Finalement, elle a conclu que le gouvernement joue un rôle indispensable d’appui aux petits agriculteurs, non seulement par le biais de la fourniture des infrastructures d’irrigation, mais aussi par celui du renforcement des services de vulgarisation et le subventionnement des intrants agricoles afin d’améliorer la production (Shongwe et al., 2013).

ENCADRÉ 22

MESURES INCITATIVES à L’AMÉLIORATION DE LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET DE LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES à L’INTENTION DES SECTEURS PUBLIC ET PRIVÉ

Page 96: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

80

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

L’hypothèse du maintien de conditions standard dans le temps constitue un autre point faible de l’analyse coûts-avantages classique. L’aversion au risque est souvent considérée comme une caractéristique des petits agriculteurs : ils préfèrent éviter les pertes les mauvaises années plutôt que maximiser les gains les bonnes années. En d’autres termes, leur volonté d’innover dépend des performances de la nouvelle pratique ou technologie lors des bonnes, moyennes et mauvaises années. Par conséquent, l’analyse du risque, qui pourra consister à tester leur comportement ou leurs préférences lors des variations climatiques présentes et futures, améliorera la qualité des évaluations économiques (FIDA, 2016).

Enfin, le mode de conception et de fourniture des interventions de renforcement de la résilience en détermine le niveau d’adoption. La collaboration avec les institutions locales et l’appropriation par la population concernée constituent souvent la clé du succès. Les approches communautaires ont amélioré les taux d’adoption. Les investissements du Programme d’adaptation de l’agriculture paysanne (ASAP) du FIDA ont donc pour objectif d’aider les institutions locales à gérer l’adaptation au changement climatique et de créer les infrastructures ou le matériel technologique nécessaires141.

Grandes entreprises et multinationales

Les grandes entreprises et les multinationales manifestent un intérêt croissant pour l’investissement dans des chaînes de valeur durables et résilientes. Ces acteurs jouent un rôle important dans la promotion de pratiques durables et résilientes dans l’ensemble de la filière agricole, comme en témoignent les près de 4 000 milliards de dollars US de chiffre d’affaires annuel de la vente au détail de denrées alimentaires dans le monde (USDA, 2016). En comparaison avec le financement climatique public dans la région (35 milliards de dollars US par an tous secteurs confondus)  (ODI et Heinrich Böll Stiftung, 2016), ce chiffre est révélateur du poids financier du secteur agroalimentaire. Le concept de « valeur exposée » constitue une incitation majeure pour les acteurs privés des chaînes de valeur car il s’agit de la part de leur production ou de leur approvisionnement que les effets du changement climatique risquent d’endommager ou de détruire (catégorie 1) (FIDA, 2016, p. 50).

Contrairement aux petits agriculteurs pauvres d’Afrique subsaharienne, les multinationales ont les moyens d’investir dans des pratiques durables sur la base d’une planification à long terme. Une analyse effectuée en 2015 par PricewaterhouseCoopers indique qu’en 2012, on estimait à 32 % la perte annuelle potentielle de récolte des trois cultures

141 Voir : https://www.ifad.org/topic/asap/overview. 142 Voir l’initiative de financement du PNUE : http://www.unepfi.org/.143 Voir : http://www.eolss.net/sample-chapters/c14/E1-34-09.pdf.

majeures mentionnées dans le Cinquième Rapport d’évaluation du GIEC (riz, maïs et blé). D’ici 2050, ce chiffre pourrait passer à 41 % (WBCSD, 2015, cité par le FIDA, 2016). Les autres incitations sont les mécanismes fondés sur le marché exposés à la section Catégories de mesures incitatives proposées aux différents acteurs des chaînes de valeur, page 67, à savoir :

• les politiques gouvernementales telles que les normes de gestion environnementale ISO 14000 et l’écoétiquetage (catégorie 2) ;

• l’opinion publique, car une image publique négative peut ternir la réputation d’une société et éroder sa part de marché (catégorie 4) ;

• les institutions financières et les compagnies d’assurance, qui peuvent également avoir un intérêt financier à veiller à ce que les entreprises intègrent l’environnement et la durabilité dans leur prise de décision de base (catégorie 3)142 ;

• l’agriculture durable et résiliente, qui est également susceptible de générer de nouvelles opportunités et de nouveaux marchés  : par exemple, les multinationales collaborent avec leurs petits et moyens fournisseurs à l’amélioration des normes environnementales et sociales de leur chaîne d’approvisionnement (catégorie 4)143.

Collecteurs et transformateurs

Deux possibilités coexistent  : soit les petits agriculteurs se chargent de la transformation sur leur exploitation, soit des intermédiaires collectent, transforment  (meuniers, p.  ex.), conditionnent et vendent les produits. Souvent mieux au fait de la demande du marché et plus sensible à la pression des consommateurs, ce second groupe de «  producteurs  » peut adopter des pratiques durables et résilientes. Ses acteurs sont en mesure d’introduire des techniques utilisant des énergies renouvelables dans leurs sites de transformation et de partager avec les agriculteurs leurs connaissances en matière de pratiques durables et résilientes face au changement climatique.

Endossant les rôles d’investisseurs ou de cofinanceurs, des MPME européennes commencent à lancer des initiatives business-to-business (B2B) en direction de sociétés équivalentes de pays en développement. Ainsi, afin de mettre un terme aux pertes après récolte, la société belge Wakati fournit aux petits agriculteurs de régions isolées  (p.  ex. avec l’aide d’ONG) des techniques de conservation des denrées alimentaires à faible coût faisant appel à l’énergie solaire. Dans le cadre de son projet pilote en

Page 97: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

81

MESURES INCITATIVES à L’AMÉLIORATION DE LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET DE LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES à L’INTENTION DES SECTEURS PUBLIC ET PRIVÉ

Ouganda, des petits producteurs de mangues ont vu leurs pertes après récolte diminuer de 50 %, ce qui leur a permis de vendre des fruits frais sur le marché et d’accroître leur revenu144.

Il ne s’agit que d’un exemple parmi un nombre croissant d’autres, mais les initiatives B2B du secteur privé visant à soutenir les capacités en matière d’approvisionnement et de durabilité des petits producteurs et transformateurs d’Afrique subsaharienne demeurent néanmoins largement insuffisantes en raison des risques inhérents à la production agricole (p. ex., conditions météorologiques et environnementales), des risques élevés propres à la production des petits agriculteurs  (p.  ex., absence d’approvisionnement continu) et du coût supérieur des activités commerciales sur les petits marchés ruraux. Le défi à relever consiste à comprendre précisément comment déployer à grande échelle les bonnes pratiques existantes en matière de B2B et augmenter l’investissement dans le secteur rural d’Afrique subsaharienne de manière à améliorer la production et la sécurité alimentaire tout en tenant compte des externalités et des conséquences environnementales ainsi que du changement climatique.

Détaillants, négociants, transporteurs et supermarchés

La demande des consommateurs en faveur de denrées biologiques et issues de l’agriculture durable incite les revendeurs et les supermarchés à diversifier et à augmenter le nombre de produits proposés dans les rayons des magasins. Les revendeurs, les négociants et les supermarchés jouent

144 Voir : www.wakati.co.

donc un rôle important parce qu’ils peuvent adopter des normes de durabilité ou des programmes de certification et encourager les agriculteurs à faire de même en contrepartie de prix plus avantageux. L’une des approches possibles consiste à aider les agriculteurs à s’organiser afin qu’ils puissent accéder au financement des investissements dans le matériel et les technologies. Ces acteurs peuvent également soutenir le coinvestissement dans la formation des négociants, des transformateurs et des fournisseurs à des technologies et des pratiques durables et résilientes  (FIDA, 2016) et optimiser les systèmes afin de réduire le gaspillage à différents maillons de la chaîne de valeur, p.  ex., en améliorant les installations de stockage ou les systèmes de réfrigération des camions.

En Afrique subsaharienne, le secteur du transport des produits alimentaires se caractérise par une forte consommation d’énergie et des émissions élevées de gaz à effet de serre. Les études rapportent que la plupart des transporteurs/chauffeurs routiers utilisent des véhicules d’occasion non immatriculés et non conformes aux normes automobiles. En raison des conditions dominantes du marché, les chauffeurs routiers informels de Côte d’Ivoire et du Burkina Faso tendent à avoir d’autres métiers et à exercer leur activité à des prix atteignant à peine le seuil de rentabilité, ce qui les contraint à surcharger les véhicules et à utiliser des camions en mauvais état. Au Burkina Faso, des systèmes d’allègement fiscal ont été appliqués aux véhicules importés afin d’inciter à renouveler le parc et à le mettre en conformité avec les normes environnementales. En Côte d’Ivoire, un fonds de garantie créé par l’État en 2009 a

©G

iacomo Pirozzi/PN

UD

Burkina

Page 98: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

82

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

été transformé en entreprise commerciale afin que le secteur financier reprenne confiance dans l’industrie du transport et élabore un modèle durable d’appui au financement du renouvellement du parc. Les fonds mutuels de garantie peuvent apporter un soutien mais celui-ci doit être équilibré par une réduction des risques  : les chauffeurs et les entrepreneurs sont en mesure de prouver qu’ils possèdent les compétences requises en matière de gestion et de conduite automobile et opèrent dans un environnement commercial où le marché du fret est transparent et libéralisé (Saana Consulting, 2016, p. 20).

Dynamique hommes-femmes dans les chaînes de valeur alimentaires

Dans l’agriculture, les femmes constituent une main-d’œuvre essentielle mais souvent invisible : en Afrique subsaharienne, la production des denrées alimentaires est majoritairement le fait des femmes. Cependant, des pratiques sexistes discriminatoires interdisent aux agricultrices l’égalité d’accès aux ressources, notamment aux terres et au crédit. Pourtant, les faits montrent que l’autonomisation des femmes grâce à l’augmentation de leur capital humain et financier constitue une approche efficace de réduction de la pauvreté et de l’insécurité alimentaire145. Les femmes se sont avérées de meilleures «  gardiennes de l’environnement  » pour diverses raisons telles que leur rôle traditionnel dans l’agriculture. Le développement de chaînes de valeur tenant compte des disparités entre les sexes peut également constituer une façon d’en améliorer la durabilité et la résilience, à condition de surmonter plusieurs obstacles, comme le montre le cas de l’intensification durable de la production laitière au Kenya (encadré 23). La voie à suivre consiste à proposer des services et des produits  (p. ex., formation professionnelle, développement des compétences commerciales, machines de transformation à petite échelle) répondant aux besoins des groupes de femmes et à leur capacité à les acquérir et à les utiliser, mais aussi à comprendre la contribution des femmes au développement des chaînes de valeur afin d’élaborer des stratégies de responsabilité sociale des entreprises qui y soient sensibles et améliorent la place des femmes au sein des chaînes de valeur (FIDA, 2014, p. 19)146.

Il convient cependant de noter que, lorsque les politiques ou les programmes ciblent des chaînes de valeur dans lesquelles les femmes jouent un rôle important  (p.  ex., la production laitière en Afrique de l’Est ou les légumes secs en Afrique de

145 En général cependant, les données fiables sur le rôle et l'autonomisation des femmes demeurent rares. L’indice d’autonomisation des femmes dans l’agriculture (WEAI) s'efforce d'y remédier et en rend compte dans cinq domaines : décisions relatives à la production agricole, accès aux ressources productives et pouvoir de décision les concernant, contrôle de l'utilisation du revenu, leadership dans la communauté, allocation du temps. Il s'agit du premier outil exhaustif et standardisé qui mesure directement l'autonomisation des femmes et leur niveau d'inclusion dans le secteur agricole. Il a été lancé en février 2012 par l’IFPRI, l’Oxford Poverty and Human Development Initiative (OPHI) et l'initiative Feed the Future d’USAID (voir : https://www.ifpri.org/topic/weai-resource-center).

146 Le guide Gender in Agriculture Sourcebook publié par la Banque mondiale (2009) s’appuie sur plusieurs études de cas concrets menées en Afrique subsaharienne pour expliquer les liens entre le genre et la gouvernance, la finance rurale, les politiques foncières, les marchés agricoles, la gestion de l'eau, l’éducation, la main-d'œuvre agricole, l’agriculture, etc. Voir également : http://www.ifpri.org/publication/gender-agriculture.

147 Voir : http://grainlegumes.cgiar.org/women-and-youth-in-pulse-value-chains-opportunities-for-inclusion-of-smallholders/.

l’Ouest, qui constituent des composants nutritionnels majeurs du régime alimentaire des ménages et une source de revenus grâce à la vente et/ou la transformation à petite échelle), la « modernisation » ou l’« introduction de nouvelles techniques » pourrait exercer un impact négatif sur le contrôle qu’elles exercent sur la chaîne de valeur : celui-ci risque en effet de passer aux mains des hommes de leurs communautés à mesure que les filières se développent, ce qui pourrait avoir un effet domino sur la situation nutritionnelle des familles et l’investissement dans l’éducation.

Il est donc crucial de comprendre l’écosystème économique parce que la modernisation des chaînes de valeur peut avoir des effets à la fois positifs et négatifs sur le revenu et l’alimentation des ménages. Le CIRAD et le CGIAR appellent à surveiller étroitement les programmes relatifs aux chaînes de valeur afin de corriger les interventions et d’éviter des effets négatifs involontaires sur la situation économique et la nutrition des familles147.

La « demande » comme incitation majeure : le rôle des consommateurs

Parce qu’ils créent et déterminent la demande du marché  (catégorie 4)  et qu’ils pèsent sur les prix ainsi que sur les choix de type de production et de transport, les consommateurs se trouvent en position d’impulser la production durable des denrées alimentaires. C’est pourquoi les transporteurs  (p.  ex., des multinationales comme Cargills) et les détaillants (supermarchés) influent de plus en plus sur les caractéristiques de production de ces produits. Cependant, les consommateurs ne peuvent choisir que s’ils ont les moyens de leurs choix inspirés par le souci du bien-être et de la protection de l’environnement  (catégorie 1). En général, dans les pays d’Afrique subsaharienne où sévit l’insécurité alimentaire, leur pression est moindre et presque insignifiante par rapport à l’Europe ou à l’Amérique du Nord. Cependant, la classe moyenne qui se développe dans cette région, notamment dans les villes, préfère les produits biologiques/durables pour des raisons de santé (qualité et alimentation) et de prix.

Les consommateurs achètent des produits issus de l’agriculture durable en raison de leur avantage comparatif par rapport aux produits classiques, au premier chef en matière de

Page 99: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

83

qualité. Ils privilégient des aliments sains produits à l’aide de pratiques sûres parce qu’ils ne veulent pas courir le risque de consommer des résidus d’intrants chimiques. Dans certains cas, l’emploi excessif de pesticides par l’agriculture classique a soulevé des inquiétudes à l’échelle nationale. Par conséquent, le concept de «  sécurité sanitaire des aliments  » est attractif pour les consommateurs qui recherchent les denrées les moins dangereuses possible pour leur santé. Ainsi, en Ouganda, la notion de sécurité s’est exprimée à la fois en matière de sécurité sanitaire des aliments et de sécurité des agriculteurs contraints de manipuler des intrants synthétiques (FAO/INRA, 2016, p. 359). En dépit d’initiatives de ce type, la majorité des consommateurs d’Afrique de l’Ouest, notamment urbains, préfère le riz parfumé importé d’Asie au riz local de qualité inférieure. Toutefois, compte tenu de l’énorme empreinte carbone qu’engendre le transport depuis la lointaine Asie, toute mesure encourageant l’augmentation de la production locale en Afrique subsaharienne est importante car elle diminuera l’empreinte

148 Voir : http://www.teebweb.org.

du commerce alimentaire mondial. De plus, la prolifération des produits certifiés biologiques constatée en Amérique latine, en Amérique du Nord, en Asie et en Europe atteste une évolution des préférences des consommateurs. Les études montrent que la majorité d’entre eux fait davantage confiance aux sociétés qui autorisent la vérification de leurs pratiques d’approvisionnement par des organismes indépendants. Des campagnes menées par des organisations non gouvernementales ont donné naissance à des programmes de labellisation, dont le café certifié Rainforest Alliance constitue un exemple148.

Le second avantage que recherche le consommateur est le prix abordable des produits biologiques/issus de l’agriculture durable. L’encadré 24 présente les enseignements du modèle Songhaï de production intégrée appliqué au Bénin concernant l’importance de la qualité des aliments et de l’attractivité de leurs prix.

Dynamique hommes-femmes dans l’intensification durable de la production laitière au Kenya

L’augmentation considérable de la consommation de lait au Kenya ces dernières années a créé de nouveaux emplois et de nouvelles opportunités de génération de revenu pour les producteurs laitiers de la chaîne de valeur de l’élevage. De plus en plus populaire depuis quelques années, l’intensification de la production laitière apparaît dotée d’un potentiel d’atténuation du changement climatique. Elle fait intervenir diverses nouvelles pratiques telles que l’introduction de vaches à haut rendement ainsi que des stratégies complémentaires de production d’aliments et d’alimentation du bétail, notamment un fourrage amélioré et une lutte plus efficace contre les maladies.

Le passage à l’intensification durable de la production laitière requiert d’accéder à des connaissances techniques complexes et à des services tels que la vulgarisation, le crédit et la médecine vétérinaire. Il comporte des implications fortes en termes de rapports hommes-femmes et de main-d’œuvre car il induit une évolution des rôles traditionnellement dévolus à chaque sexe au sein des ménages. Cependant, les femmes n’y ont généralement pas accès car elles constituent rarement la cible des programmes de vulgarisation et de développement de la production laitière. En revanche, lorsque ces programmes s’adressent à elles et qu’elles se familiarisent avec les pratiques d’intensification et leurs avantages, elles sont disposées à adopter des pratiques de gestion durable et à trouver des solutions efficaces aux contraintes qu’elles rencontrent communément, telles que la location de terres afin de produire davantage de fourrage et d’accéder à d’autres variétés fourragères. Cependant, plusieurs services de vulgarisation tenant compte des disparités entre les sexes sont apparus récemment au Kenya. Tous sont des initiatives d’organisations liées au gouvernement ou de partenaires de développement comme la FAO. Ainsi, la Kenya Women’s Veterinary Association a collaboré avec les pouvoirs publics au renforcement des capacités des femmes en matière de gestion du bétail et des maladies améliorant ainsi leur aptitude à contrôler certaines pathologies grâce à la création de groupes de femmes (Gallina, 2016).

ENCADRÉ 23

MESURES INCITATIVES à L’AMÉLIORATION DE LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET DE LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES à L’INTENTION DES SECTEURS PUBLIC ET PRIVÉ

Page 100: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

84

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

tarifs de soutien ; 3) produire et diffuser des informations sur le marché, p. ex., en mettant en relation l’offre et la demande, en créant des normes privées volontaires, en menant des actions ciblées d’incitation à la coopération telles que des partenariats public-privé (PPP) de renforcement des capacités afin de réduire le risque financier des investissements dans la durabilité.

À l’instar du secteur privé, le secteur public est motivé par le concept de «  valeur exposée  » car assurer la durabilité et la résilience est rentable à long terme  : la prévention des catastrophes, l’amélioration de la nutrition et de la santé de la population, la disponibilité accrue des services écosystémiques pour le développement économique futur et la jeunesse, etc., engendrent des sociétés prospères. Par conséquent, les décideurs doivent évaluer les investissements en fonction de leur niveau de risque afin d’en garantir la rentabilité financière, mais aussi l’inclusion sociale ainsi que la durabilité environnementale et la résilience (catégorie 1).

Aider les agriculteurs les plus vulnérables à effectuer la transition vers la durabilité est particulièrement pertinent car ils ont des objectifs de rentabilité à court terme et disposent souvent de moyens financiers et de capacités d’évolution moindres. Concrètement, les gouvernements sont parfaitement positionnés pour créer un environnement favorable :

• Ils peuvent donner accès aux agriculteurs à des semences de qualité, à des engrais biologiques et à des technologies innovantes. Ils peuvent notamment jouer un rôle clé dans l’élimination des obstacles à la mise en œuvre réussie d’un système semencier formel et au déploiement de programmes de sélection hybride efficaces. Le système semencier formel regroupe les activités de recherche et de sélection ainsi que l’augmentation encadrée des semences de souche, parentales et certifiées, souvent par le biais d’accords contractuels avec les agriculteurs, suivies de la commercialisation et de la distribution des semences améliorées aux producteurs et souvent aux utilisateurs finaux des céréales  (meuniers, engraisseurs de bétail ou fabricants d’aliments à usage humain et animal, etc.). Combinées à des pratiques agronomiques améliorées (p. ex., engrais biologiques, densité de peuplement optimale, préparation des terres, gestion des nuisibles et caractéristiques transgéniques de tolérance aux herbicides et de lutte contre les insectes), les cultures hybrides ont contribué à maximiser le potentiel de production et de rendement agricoles (catégories 3 et 4).

• Ils peuvent mettre en place des infrastructures et des services résilients face au changement climatique afin d’abaisser les coûts de transaction de l’acquisition des intrants, de la commercialisation des produits et de l’accès aux services écosystémiques en établissant un lien entre la recherche et la vulgarisation (catégories 3 et 4).

Mesures à la disposition du secteur public pour inciter le secteur privé à intervenir

Moyens à la disposition du secteur public susceptibles de favoriser la mise en place de chaînes de valeur alimentaires durables et résilientes

Gouvernements

Les gouvernements sont en mesure de renforcer ou d’affaiblir les mesures incitatives. En cas de non-conformité, ils peuvent aussi faire appliquer les politiques  (p.  ex., en recourant au contrôle et à la sanction). Ils savent également si les capacités techniques, financières, infrastructurelles et institutionnelles existantes sont aptes à atténuer le risque et à assurer une rentabilité acceptable. En d’autres termes, les gouvernements doivent : 1) créer un environnement politique et réglementaire favorable fondé sur des lois, des réglementations, des normes et des politiques fiscales  ; 2) fournir des incitations financières telles que des mécanismes de financement mixte des prêts et des dons, des systèmes d’assurance basés sur le marché ou des

Modèle Songhaï de production intégrée appliqué au Bénin

Au Bénin, le modèle Songhaï avait pour but de résoudre les problèmes de durabilité environnementale, sociale et économique. Sa création au milieu des années 1980 visait à former les agriculteurs (p. ex., à l’utilisation du fumier des kraals), à développer des services de vulgarisation, à donner accès aux intrants aux agriculteurs et à d’autres producteurs (p. ex., semences de qualité) et à diffuser leurs activités par le biais de divers canaux de communication comme la radio. Ce faisant, ce modèle a créé une demande des consommateurs pour des produits biologiques/issus de l’agriculture durable. Ces produits se reconnaissent au label Songhaï et certains portent la mention « bio » (FAO/INRA, 2016, p. 259-279).

ENCADRÉ 24

Page 101: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

85

• Ils peuvent investir dans le renforcement des capacités locales en matière de recherche (catégorie 4).

• Ils peuvent élaborer des programmes de protection sociale dont l’importance augmentera avec la variabilité du climat (catégorie 2).

• Les décideurs sont en mesure d’améliorer la reconnaissance et la protection juridiques des droits fonciers locaux et coutumiers, notamment grâce à l’amélioration des registres et des archives fonciers, parce que cela est susceptible d’inciter les agriculteurs à investir dans des technologies intelligentes face au climat rentables à long terme (catégories 2 et 4).

• Ils peuvent créer un environnement réglementaire et politique favorable : les investisseurs et les sociétés de développement de projets hésitent souvent à investir dans l’agriculture africaine, non seulement parce qu’elle dépend des conditions climatiques, mais aussi parce qu’en Afrique subsaharienne la réglementation, les orientations et l’appui financiers sont en retard (catégorie 2).

• Le secteur public peut utiliser divers instruments économiques et financiers pour inciter ou dissuader les acteurs du secteur privé tels que taxes, subventions et tarifs, paiements  (p.  ex., paiement des services écosystémiques), financement mixte et autres formes de financement novateur, dons, systèmes de gestion des finances publiques, investissements dans des infrastructures écologiques, financement environnemental conditionnel, création de fonds d’investissement, etc. (catégorie 3).

Garrett (2016) a élaboré à l’intention du secteur public un modèle utile à l’élaboration des politiques comportant quatre catégories d’incitations relatives aux services écosystémiques allant de réglementaires à volontaires dans lesquelles s’inscrivent les réglementations obligatoires, les réglementations flexibles et les investissements volontaires associés ou non aux intrants (voir Annexes, figure A10).

À chaque catégorie correspondent des incitations spécifiques. Ainsi, les taxes environnementales ou vertes et les obligations écosystémiques constituent des mesures obligatoires susceptibles de modifier les pratiques existantes d’utilisation des terres. Les subventions, quant à elles, sont un exemple de réglementations flexibles  : les gouvernements peuvent les accorder aux agriculteurs qui appliquent des pratiques durables de gestion des terres ou bien les pratiques favorables à la biodiversité peuvent donner lieu à des compensations négociables sur les marchés de réduction des émissions. Le paiement des services écosystémiques relève de la troisième catégorie, à savoir les

149 Pour plus de détails, voir : http://www.fao.org/in-action/incentives-for-ecosystem-services/toolkit/sources-of-incentives/fr/.

investissements volontaires associés aux intrants. Enfin, les investissements volontaires dissociés des intrants sont, par exemple, les versements pour des services écosystémiques tels que des projets de protection ou de restauration (p. ex., aide à des projets communautaires)149. D’autres mesures incitatives peuvent être flexibles ou volontaires mais associées aux intrants, telles que labels, certification des produits, normes environnementales et régimes de responsabilité. Elles fonctionnent mieux lorsqu’elles sont liées à des mécanismes de tarification et d’indemnisation fondés, par exemple, sur le « principe du pollueur payeur » visant à modifier le statu quo qui aboutit souvent à ce que la société paie le prix des mauvaises pratiques. Elles peuvent aussi servir à réformer les subventions dangereuses pour l’environnement – de nombreuses subventions à la production ou à la consommation encouragent directement ou indirectement la consommation de combustibles fossiles.

Cette section traite des incitations financières les plus courantes : 1) subventions, tarifs et taxes ; 2) prêts ; 3) paiements et marchés récompensant les avantages réalisés ; 4) financement novateur tel que mécanismes de financement mixte.

1 Les subventions et les tarifs «  intelligents face au marché  » qui visent à appuyer le développement de la demande et la participation aux marchés d’intrants à l’aide de bons et de dons, peuvent permettre aux gouvernements d’adapter une mesure incitative aux attentes des consommateurs  (FAO, 2011). En d’autres termes, les subventions étant susceptibles d’abaisser le prix, elles risquent d’exercer un impact positif sur la consommation. Mais elles peuvent également avoir des effets négatifs  : l’Afrique subsaharienne donne l’exemple du subventionnement élevé de certaines cultures  (lorsque les fournisseurs de semences en bénéficient) au détriment de pratiques de polyculture durables. Ainsi, au Malawi et en Zambie, où le maïs constitue l’aliment de base, le gouvernement, mu par des préoccupations politiques au regard de la dépendance élevée de la population vis-à-vis du maïs, en a subventionné la production pendant des décennies, ce qui a entraîné une surdépendance sur cette céréale. Cette situation a provoqué des pénuries et d’autres externalités et conséquences environnementales négatives liées à la monoculture mentionnées au chapitre  3. Les politiques récentes de diversification agricole ont réactivé l’intérêt politique et social pour d’autres cultures comme le manioc. Les chiffres montrent une augmentation de la demande et de l’offre de cette plante dans la région depuis quelques années. En outre, les taxes peuvent décourager la production de produits non issus de pratiques durables pour des raisons environnementales (p. ex., production du riz dans des régions fréquemment touchées par la sécheresse), sociales ou sanitaires (p. ex., viande rouge pour la santé publique). Selon une étude de l’Institut international

MESURES INCITATIVES à L’AMÉLIORATION DE LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET DE LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES à L’INTENTION DES SECTEURS PUBLIC ET PRIVÉ

Page 102: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

86

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI) et de l’Oxford Martin School sur les conséquences potentielles et les arbitrages liés à l’application de taxes carbone aux produits alimentaires, celles-ci ont systématiquement augmenté les prix, diminué la consommation, fini par réduire les émissions de carbone et atténué l’impact sur la santé du fait de la moindre consommation des produits concernés. Notamment dans les pays industrialisés, une taxe carbone sur la production de viande, par exemple, a des conséquences positives sur l’environnement et la santé. Cependant, dans les pays pauvres, la hausse des prix de la nourriture multiplierait le nombre de victimes de l’insécurité alimentaire. Par ailleurs, des études montrent que le changement climatique lui-même entraînera probablement des hausses de prix égales à celles modélisées dans le scénario de taxation intégrale avec pour conséquence un nombre significatif de décès liés au climat dans le monde. De ce fait, il convient d’approfondir la recherche afin d’apporter la preuve du potentiel gagnant-gagnant de la taxation de la viande rouge, notamment dans les pays en développement150.

2 En Afrique subsaharienne, le financement public constitue actuellement la principale source de prêts bancaires aux petits agriculteurs. Le montant total des prêts aux petits producteurs s’élève à 56  milliards de dollars US, dont 25  milliards consentis par des institutions financières informelles/communautaires et 17 milliards directement par des acteurs des chaînes de valeur  (qui ont eux-mêmes eu recours à trois sources de financement de ces fonds  : leurs propres capitaux, des emprunts à des banques publiques et des obligations ou des prêts émis par le marché privé)151. Cependant, en dépit de son importance, l’octroi de prêts par les banques d’État présente des limites : même dans les hypothèses les plus optimistes (les acteurs privés n’auraient pas financé l’agriculture sans l’appui du financement public), chaque dollar de financement ou de prêt public ne débloque qu’environ 10 cents de financement privé. Il est probable que les banques commerciales auraient accordé le faible montant de prêts agricoles qu’elles consentent déjà et, en termes nets, le financement public a peut-être même mis hors-jeu le financement commercial  (p.  ex., parce que les banques

150 Voir : http://pim.cgiar.org/2016/11/22/taxing-red-meat-may-cut-emissions-and-disease/. 151 En revanche, les prêts consentis par des institutions financières formelles ne s'élèvent qu'à 14 milliards de dollars US dont environ 9 milliards proviennent de

banques d'État, 3 milliards d'institutions de microfinance, 1 milliard de banques commerciales (la plupart par le biais du financement des chaînes de valeur et du crédit-stockage), 350 millions de prêteurs sociaux et un montant plus faible d'organisations non gouvernementales. Voir : http://blending4ag.org/fr/a-propos-de.html.

152 Aux fins de la rédaction du présent guide, plus de 100 études de cas de financement environnemental dans plus de 30 pays en développement ont été passées en revue pour quatre secteurs : énergie favorable aux pauvres, zones protégées, agriculture durable et foresterie durable (PNUD, 2013a). Cependant, dans la plupart des cas, seuls trois outils (prêts, redevances et subventions) sont fréquemment utilisés. Voir : http://www.undp.org/content/gcp/en/home/library/reports/international-guidebook-of-environmental-finance-tools.html.

153 Les « dons » relèvent souvent de la catégorie « outils de financement environnemental » mais ne sont pas abordés dans cette étude, qui s'intéresse principalement aux prêts.

154 La protection des habitats ou des forêts et l’incitation à les restaurer nécessitent souvent des flux financiers issus de la perception de redevances auprès des utilisateurs, p. ex., les touristes, visant à en encourager la préservation (PNUD, 2013a).

155 Pour en savoir plus sur un système de paiement des services écosystémiques performant, voir : TEEB, 2015 : 55.

ne peuvent pas s’aligner sur les taux bonifiés). Rien ne laisse clairement supposer qu’à l’heure actuelle le financement public constitue une incitation forte à financer les petits agriculteurs pour les entreprises participant aux chaînes de valeur. Néanmoins, comme l’explique l’encadré  25, des initiatives de financement novateur par le biais d’obligations vertes sont en train d’apparaître.

3 Diverses options telles que des paiements et la création de marchés permettent de récompenser la génération d’avantages  : en 2013, le PNUD a publié le document International Guidebook of Environmental Finance Tools152 qui présente huit mécanismes clés de la finance du carbone : redevances, prêts, paiements des services écosystémiques et mécanismes fondés sur le marché, mécanisme de développement propre et réductions volontaires des émissions, subventions et taxes153. Selon ce document, dans le cas de l’agriculture durable et résiliente (cultures et élevage inclus), les prêts et les redevances prédominent et le paiement des services écosystémiques  (PSE) et d’autres mécanismes fondés sur le marché  (MFM) sont rarement utilisés. En revanche, ils sont plus courants dans les zones protégées où se pratique une foresterie durable154. En dépit des sommes considérables investies dans le PSE, les revenus tardent à atteindre les niveaux escomptés155. Ce type de transaction vise un changement comportemental individuel maximisant la protection de l’environnement, p. ex., s’abstenir de cultiver les terres protégées. En général, les MFM s’utilisent à grande échelle. Ils sont volontaires ou non et potentiellement durables sur le plan financier à long terme. Mais l’expérience montre que le flux de revenu qu’ils génèrent est sensible aux tendances mondiales  (p. ex., sécheresses) et aux fortes fluctuations des prix, ce qui en fait un outil à risque.

4 Des modalités de financement innovantes telles que les mécanismes de financement mixte, sont de plus en plus prisées. Il s’agit de structures hybrides qui combinent des capitaux publics, privés et parfois philanthropiques  : les capitaux non commerciaux amortissent les pertes en premier dans l’intention d’attirer des volumes de financement privé plus importants sur les marchés à haut risque et à la rentabilité

Page 103: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

87

financière incertaine, mais susceptibles d’exercer un impact social positif majeur156. Jusqu’à présent, les gouvernements et les acteurs privés d’Afrique subsaharienne ont peu recouru à ce type de financement. Les partenaires de développement en ont tiré les premiers enseignements. Ainsi, le Danish Climate Investment Fund fournit du capital-risque à des projets liés au climat sur les marchés émergents et pionniers tout en promouvant l’utilisation de technologies climatiques danoises. Soutenu par le gouvernement du Danemark, il a réussi à catalyser des capitaux privés provenant de fonds de pension nationaux. Il escompte une rentabilité annuelle de 12 %, y compris un rendement privilégié pour les investisseurs privés, et investira dans des projets de réduction des émissions

156 Voir : https://www.growafrica.com/groups/blended-finance-can-unlock-agriculture-potential-africa-0.157 Voir : http://dalberg.com/blog/?p=3565.

de gaz à effet de serre  (énergies renouvelables, efficience énergétique), ainsi que dans des initiatives aidant les communautés à améliorer leur résilience face au changement climatique  (gestion des zones côtières et préparation aux catastrophes, p. ex.)157.

Le potentiel des systèmes participatifs de garantie, des plateformes d’innovation multi-acteurs et de l’agriculture communautaire ne doit pas être sous-estimé. Ces innovations institutionnelles jouent un rôle essentiel dans à la transition vers des systèmes alimentaires durables et résilients. Elles émanent souvent du secteur privé ou d’organisations de recherche (p. ex., création par l’ILRI de plateformes d’innovation en Tanzanie)

Un mode de financement novateur : les obligations paysage

Les obligations sont un type de produit financier qui permet à l’« émetteur » de percevoir une somme forfaitaire, appelée « principal », tout en s’engageant à rembourser l’investisseur, avec versement d’intérêts, à une date ultérieure. Les obligations paysage sont une solution nouvelle et innovante pour encourager sur les marchés financiers des investissements privés à grande échelle vers le paysage durable. Elles peuvent permettre de combler le vide entre le financement disponible pour des projets précis et celui qui est nécessaire à un investissement coordonné au niveau du paysage.

Le projet Unlocking Forest Finance (UFF) dirigé par le Global Canopy Programme intervient au niveau infranational (p. ex., dans l’État brésilien d’Acre, mais pas encore en Afrique subsaharienne) afin de mettre un terme à la conversion des forêts tropicales et de faciliter la transition vers des modes de développement durables tout en générant un retour sur investissement financier, environnemental et social. Ses activités suivent une approche intégrée englobant la chaîne de valeur, la conservation et les moyens de subsistance. Le coût total des investissements se chiffre en centaines de millions de dollars US. Le projet regroupe ensuite les sous-projets au sein d’un mécanisme d’investissement coordonné qui associe émission d’obligations, investissement public et outils d’atténuation des risques1.

Les obligations peuvent être émises par des institutions de financement du développement qui prêtent directement à des intermédiaires investissant dans des projets agroforestiers en combinaison avec le financement climatique et les fonds de donateurs ciblant l’assistance technique et la formation. Le retour sur investissement du portefeuille de projets consolidé peut permettre de rembourser les obligations. La réussite de cette approche dépend d’une condition importante, à savoir la création d’un consortium de partenaires de mise en œuvre potentiels tels que des banques locales, des autorités régionales, des organisations de producteurs et des associations communautaires. L’objectif ultime est que ce consortium, mené par des gouvernements régionaux, permette aux partenaires d’accéder à de plus gros volumes de capitaux à investir dans le développement durable (GCP et al., 2015, p. 120).

1 Voir : http://financingsustainablelandscapes.org/.

ENCADRÉ 25

MESURES INCITATIVES à L’AMÉLIORATION DE LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET DE LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES à L’INTENTION DES SECTEURS PUBLIC ET PRIVÉ

Page 104: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

88

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

mais nécessitent l’appui de politiques158. Les plateformes d’innovation agricole qui obtiennent de bons résultats sont des alliances structurées à visée commerciale formées par des acteurs institutionnels cherchant à obtenir et à conserver des avantages mutuels159. Chacun d’entre eux en tire des avantages clairs basés sur son rôle crucial et unique  : commercialisation, crédit, investissement, nouvelles technologies agricoles, baisse du coût des intrants et interaction avec les responsables des politiques. Leur collaboration donne naissance à des solutions personnalisées qui s’attaquent simultanément aux contraintes fondamentales de l’agriculture. De plus, les résultats d’études consacrées à des sites participant au programme SIMLESA montrent que les agriculteurs qui fonctionnent collectivement sont plus susceptibles d’adopter des pratiques d’intensification durable. Les plateformes d’innovation sont essentielles pour leur déploiement à grande échelle durable et efficace dans les populations difficiles d’accès des régions isolées. En outre, il est important de donner de nouveaux outils aux agents de vulgarisation afin de renforcer leurs capacités en matière de facilitation des plateformes d’innovation et d’incorporer cette approche dans le processus de budgétisation et de planification. Il convient aussi de consolider le cadre juridique de l’action collective et de s’assurer que le programme de l’enseignement agricole garantit le renforcement des capacités en matière de plateformes d’innovation. Enfin, des filets de sécurité sont susceptibles de rassurer les producteurs et de les inciter à essayer de nouvelles variétés de cultures et de nouvelles pratiques agricoles160.

Dans les environnements institutionnels faibles, on impute souvent au « manque de volonté politique » ou à des « capacités limitées » l’absence de progrès en matière de mise en application et d’adoption des politiques et des normes. Cela vaut pour de nombreux domaines de politiques, mais s’avère particulièrement pertinent pour celles qui promeuvent la durabilité avec comme objectif un changement à long terme dont les avantages sont difficiles à définir ou très diffus161. Dans les systèmes politiques hiérarchiques d’Afrique subsaharienne, il est donc crucial que les plus hauts dirigeants participent au processus et soient convaincus de ces avantages. En d’autres termes, la réussite des

158 Pour plus de détails, voir : FAO (2016) http://www.fao.org/documents/card/fr/c/0c18221f-81d6-4f70-90d0-fbb2f4e189f9/.159 Selon Corbeels et al. (2014), l'adoption de techniques d’agriculture de conservation a été lente pour deux raisons : les rendements n’augmentent pas

immédiatement et les agriculteurs ont habituellement des horizons à court terme. En outre, les projets d'agriculture de conservation ciblent souvent des interventions agronomiques à l'échelle des terres cultivées sans tenir compte de celles de l'exploitation, du village et de la région, ce qui complique la bonne gestion des problèmes qui surviennent à ces niveaux. Il est donc important d'adopter une approche multipartite fondée sur un réseau innovant regroupant des agriculteurs, des agents de vulgarisation, des chercheurs, des fournisseurs d'intrants, des prestataires de services, des négociants et des décideurs, susceptible de générer des synergies d'apprentissage conjoint favorables à l’élaboration de pratiques d'agriculture de conservation viables (Corbeels et al., 2014).

160 Voir : http://simlesa.cimmyt.org/. 161 La « volonté politique » englobe divers aspects du règlement politique national et des intérêts clés qui influent finalement sur la manière dont les parties

prenantes politiques participent aux différents débats sur les stratégies et à la mise en œuvre de celles-ci. L'étude des interactions, dans un contexte donné, entre les dirigeants, les élites et ceux qui les suivent visant à régler les problèmes d'action collective tout en s'efforçant de protéger leurs partenaires politiques (p. ex., Khan, 2012) fournit des idées utiles aux réformateurs et aux acteurs externes qui espèrent promouvoir des réformes. Ce type d'analyse considère la survie politique comme la motivation majeure des élites dirigeantes (souvent des coalitions au pouvoir). Elle sous-tend la logique décisionnelle et les choix de politiques d'aide du secteur public au secteur productif (Moore et Schmitz, 2008 ; Khan, 2012 ; Whitfield et Therkildsen, 2011), et, ce faisant, influe sur la volonté des États de contrôler ou de mettre en application les réglementations, dans le but d'imposer des normes environnementales, par exemple. Confrontés au choix entre leur propre survie politique et les intérêts à long terme de stabilité et de développement collectif au niveau national ou régional, les gouvernements de nombreux pays tendent à accorder la priorité à la première option et à procéder de manière susceptible de saper ou de compromettre la seconde.

interventions dépend souvent de l’implication des échelons politiques supérieurs, ce qui limite le pouvoir de négociation des divisions ou des entités moins influentes tels que le ministère de l’Élevage ou de l’Environnement et leur aptitude à faire évoluer les choses.

Organisations de la société civile, organisations d’agriculteurs et groupes de jeunes

Les organisations de la société civile et d’agriculteurs peuvent plaider en faveur de l’adoption et de la mise en œuvre de programmes, de politiques et de pratiques favorables à la durabilité environnementale des chaînes de valeur. Les groupes de jeunes, qui pourraient prendre une part de plus en plus active dans le secteur agroalimentaire en Afrique subsaharienne, sont eux aussi en position d’exiger et d’appliquer des modèles de développement agricole productifs, durables et inclusifs.

Mesures incitatives politiques et réglementaires en Afrique subsaharienne

Au niveau continental

En Afrique subsaharienne, l’Union africaine, les communautés économiques régionales et les gouvernements nationaux mettent en place des mesures incitatives politiques et réglementaires. L’Union africaine fixe les objectifs politiques globaux ou choisit les approches à adopter à l’échelon continental. Elle tend à définir de plus en plus fréquemment les objectifs relatifs au passage de l’Afrique à une agriculture durable et résiliente (voir chapitre 1). L’un des premiers jalons en la matière remonte au 13e Sommet de l’Union africaine de Syrte  (Libye) en 2009. À cette occasion, l’accent mis par les dirigeants africains sur l’urgence de réaliser les multiples objectifs de la sécurité alimentaire, du développement et du changement climatique a conduit à l’adoption en 2010 du Cadre d’adaptation-atténuation du changement climatique dans l’agriculture (Agriculture Climate Change Adaptation-Mitigation

Page 105: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

89

Framework) de l’AUC-NEPAD, en réponse à l’absence de dimension relative au «  changement climatique  » dans la déclaration de Maputo  (2003). Ce cadre pose un ensemble de principes, d’actions, de rôles, de responsabilités et de recommandations de financement visant à guider l’engagement de l’Afrique et des pays africains à la mise en œuvre de programmes d’adaptation et d’atténuation du changement climatique dans le secteur agricole (Knaepen et al., 2015, p. 5). La déclaration de Malabo de 2014 annonçait également un nouvel «  objectif d’agriculture intelligente face au climat  » pour les pays africains (voir chapitre 1). Enfin, l’Union africaine attire l’attention sur certaines des chaînes de valeur majeures abordées dans la présente étude. Depuis quelques années, elle s’intéresse de plus en plus à la promotion du manioc en raison de ses avantages relatifs (sa résistance à la sécheresse, p. ex.) qui en font une culture majeure pour assurer la sécurité alimentaire du continent. En octobre 2016 elle a organisé à Kigali (Rwanda) un atelier régional sur le développement de la chaîne de valeur du manioc afin de discuter des questions de transformation et d’accès au marché par les PME162. Convaincue du potentiel socioéconomique de cette culture, l’Union africaine encouragera désormais ses États Membres à y sensibiliser leur population car de nombreuses industries l’utilisent  (boissons, confiserie, boulangerie et industrie minière, entre autres). Cette initiative étant très récente, il est prématuré d’en évaluer l’efficacité.

En dépit des intentions prometteuses des initiatives de l’Union africaine, des problèmes demeurent  : l’absence générale de coordination verticale entre les niveaux continental, régional et national entraîne des disparités dans la mise en œuvre de ses initiatives, une situation souvent imputable à des lacunes bureaucratiques complexes. La Commission de l’Union africaine a également entrepris un effort notable d’harmonisation mais, finalement, la responsabilité de la mise en œuvre relève de l’échelon national. À ce problème de coordination vient s’ajouter sa faible capacité à agir en conséquence des nouvelles informations sur le changement climatique et de l’ensemble des développements et des programmes régionaux et nationaux consacrés à l’agriculture intelligente face au climat. De nombreux observateurs la considèrent comme dotée d’un faible pouvoir de traction, alors qu’elle pourrait soutenir plus efficacement le leadership et les initiatives nationaux et régionaux de diverses manières (Knaepen et al., 2015, p. 8).

Au niveau régional

Les communautés économiques régionales africaines ou d’autres organisations régionales ont élaboré des mesures incitatives politiques et réglementaires visant à promouvoir

162 Voir : http://au.int/en/pressreleases/31551/beyond-policy-making-african-union-commission-field-get-grounding-agro-allied-industries.163 Voir : www.comesa.int.164 Voir : http://allafrica.com/stories/201006030265.html.

des pratiques agricoles durables et résilientes. Ainsi, la CEDEAO a mis en place divers instruments, notamment la Politique agricole de la communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (ECOWAP) et le plan d’investissement agricole régional qui en a découlé, afin de soutenir une agriculture durable et résiliente fondée sur des exploitations familiales efficaces et efficientes ainsi que sur la promotion des entreprises agricoles grâce à l’implication du secteur privé. Les communautés économiques régionales s’efforcent également de plus en plus fréquemment d’aligner les agendas des politiques relatives à l’eau, à l’agriculture et au commerce (encadré 25). En outre, le Marché commun de l’Afrique orientale et de l’Afrique australe (COMESA) fait avancer l’harmonisation des lois sur les semences par le biais de son plan de mise en œuvre de l’harmonisation en matière de semences (Seed Harmonization Implementation Plan, COM-SHIP). Ayant pris conscience des disparités réglementaires entre les différents pays et des obstacles artificiels auxquels se heurtent la sélection, la production et la distribution de semences améliorées, les États membres du COMESA ont créé un système d’homologation régional. Le but du plan d’harmonisation est la création d’une industrie semencière dynamique et à forte croissance entraînant l’amélioration des rendements de 80 millions de petits agriculteurs dans 19 pays. Les producteurs et les sélectionneurs de semences enregistrent leur variété dans le catalogue du COMESA, ce qui permet de les commercialiser dans ses 19 États membres163.

Au niveau national

Les plans nationaux d’investissement dans l’agriculture intègrent de plus en plus souvent des pratiques agricoles intelligentes face au climat. Ainsi, la politique agricole nationale ougandaise (septembre 2013) donne l’exemple d’une tendance croissante à la mise en place de partenariats public-privé ainsi qu’à un usage et une gestion durables des ressources agricoles. Les communautés économiques régionales peuvent également définir des réglementations commerciales favorables au négoce de certains produits alimentaires. Par exemple, la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) a élaboré des normes de qualité pour le manioc afin de promouvoir les échanges commerciaux entre ses cinq États membres164. Il s’agit d’une évolution positive parce que le commerce du manioc est habituellement informel. Il est toutefois impossible d’appliquer des normes environnementales aux denrées alimentaires produites dans le secteur informel. Les progrès et le pouvoir de traction des communautés économiques régionales demeurent limités (Knaepen et al., 2015), entre autres du fait de la segmentation des agendas politiques régionaux, comme l’illustre le cas de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) (encadré 26).

MESURES INCITATIVES à L’AMÉLIORATION DE LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET DE LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES à L’INTENTION DES SECTEURS PUBLIC ET PRIVÉ

Page 106: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

90

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

La fragmentation des agendas politiques : un obstacle majeur

La production agricole et les chaînes de valeur dépendent fortement des services écosystémiques (jusqu’à 70 % des ressources en eau douce sont utilisées dans l’agriculture, p. ex.). Les modes d’organisation des chaînes de valeur, l’impact environnemental de leurs différents maillons (préproduction, production et postproduction) ainsi que les modalités commerciales applicables aux produits agricoles (localement, régionalement ou internationalement) influent de fait sur les écosystèmes1. Les politiques régionales de l’eau de la SADC ont reconnu l’importance de cette ressource pour la production agricole et la promotion du commerce intrarégional. On en est ainsi arrivé à conceptualiser l’eau comme un « avantage comparatif en matière de disponibilité des ressources en eau » des pays ou comme un contenu hydrique « inhérent » aux diverses étapes de la chaîne de production des biens et des services agricoles et autres échangés (Rampa et van Wyk, 2014, p. ix). Rampa et van Wyk (2014) ont étudié l’importance de la gestion améliorée des eaux agricoles pour la réalisation de la sécurité alimentaire dans la région de la SADC. Ils ont découvert que la sécurité alimentaire régionale tirerait notamment profit de l’alignement des agendas du développement dans les secteurs de l’eau, de l’agriculture et du commerce, actuellement fragmentés, parce que l’agriculture constitue le plus gros consommateur d’eau de la région et que l’alimentation et les moyens de subsistance de la majorité de la population de la SADC en dépendent. La politique agricole régionale de la SADC considère déjà les ressources en eaux agricoles comme une question essentielle, mais une meilleure harmonisation des trois agendas (eau, agriculture et commerce) s’impose néanmoins, laquelle pourrait être renforcée et appliquée à la plupart des principaux objectifs prioritaires de la politique à savoir : 1) amélioration, durabilité et résilience de la production, de la productivité et de la compétitivité de l’agriculture ; 2) facilitation de l’accès aux échanges commerciaux et aux marchés régionaux et internationaux ; 3) renforcement de l’engagement et de l’investissement des secteurs privé et public dans les chaînes de valeur agricoles. Il est de bon augure que les politiques régionales de l’eau de la SADC aient reconnu l’importance de cette ressource pour la production agricole et de la promotion du commerce intrarégional (voir Annexes, figure A11 : Eau, agriculture et commerce : une synergie sectorielle triangulaire potentielle au service de la sécurité alimentaire régionale dans la SADC).

Cependant, dans la SADC, mais aussi au-delà, un écart demeure entre la dynamique et les règles commerciales et leur durabilité environnementale et leur résilience éventuelles futures. La Déclaration ministérielle de Nairobi adoptée le 19 décembre 2015 (10e session de l’OMC) pourrait permettre aux pays d’établir le lien entre normes environnementales et commerce, sur un pied d’égalité2. En outre, les négociations en cours sur la zone de libre-échange continentale africaine peuvent également constituer des points d’entrée [nécessite une forte amélioration]3.

1 Se reporter au débat sur l’« empreinte eau des échanges commerciaux » : http://waterfootprint.org/en/water-footprint/national-water-footprint/virtual-water-trade/.

2 Voir : https://www.wto.org/french/thewto_f/minist_f/mc10_f/nairobipackage_f.htm.3 Voir également : https://www.wto.org/english/res_e/booksp_e/aid4tradeglobalvalue13_e.pdf.

ENCADRÉ 26

©A

lbert Gonzalez Farran/U

N Photo

Page 107: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

91

Dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, les mesures incitatives prises par les gouvernements sont susceptibles d’influer plus directement sur le changement que celles mises en place par l’Union africaine et les communautés économiques régionales. Néanmoins, le soutien des pouvoirs publics peut aussi s’avérer contre-productif. Selon Reij et Winterbottom (2015), les autorités de nombreux pays d’Afrique australe, à l’instar de celles du Malawi, subventionnent les engrais afin d’en abaisser le coût pour les agriculteurs. Or, en pratique, ces intrants ne parviennent pas toujours aux producteurs des régions isolées. Et, même s’ils les atteignent, ils n’augmentent pas systématiquement les rendements agricoles parce que leur efficacité dépend de la quantité de matière organique dans le sol, actuellement faible dans de nombreux endroits (Reij et Winterbottom, 2015, p. 24). En revanche, la restauration de la flore, une pratique agroforestière consistant à planter des arbres directement dans les champs et les systèmes d’élevage à l’herbe afin de maintenir un couvert végétal permanent, a donné les résultats escomptés au Niger : depuis 1985, les agriculteurs ont reverdi 5 millions d’hectares, soit près de 50 % de la superficie cultivée totale du pays. Cette réussite s’explique en partie par le fait que, grâce aux réformes des années 1990 en faveur de la gestion décentralisée des ressources naturelles, les agriculteurs détiennent le droit exclusif et juridiquement attesté d’utiliser les arbres et d’en tirer profit (Reij et Winterbottom, 2015).

En matière agricole, les gouvernements des pays d’Afrique de l’Est et d’Afrique australe ont fortement subventionné la production de maïs pendant des décennies, au détriment du manioc. Du fait de cette approche unilatérale, la production de maïs n’a pas toujours répondu à la demande. Ces subventions ont été progressivement supprimées au cours des dernières années. Suite aux sécheresses des années 1980, les gouvernements de Zambie et du Malawi ont commencé à promouvoir le manioc pour un grand nombre des raisons évoquées plus haut (sa résistance à la sécheresse, p. ex.). Avec l’aide de l’Institut international d’agriculture tropicale (IITA), ils ont commencé à abandonner la monoculture du maïs (Abass et  al., 2013)165. Contrairement à l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe, l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale ont généralisé

165 Voir également : ftp.fao.org/docrep/fao/008/ae748e/ae748e00.pdf.166 Voir : http://ncgaonline.org/. Dans d'autres pays également, le manioc a suscité un intérêt accru : ainsi, au début des années 1990, le gouvernement du Malawi

et des ONG ont lancé l’initiative Accelerated Multiplication and Distribution of Cassava and Sweet Potato Planting Materials as a Drought Recovery Measure in Malawi (Multiplication et distribution accélérées du matériel végétal du manioc et de la patate douce en guise de mesure de redressement après la sécheresse au Malawi) qui a débouché sur l’adoption rapide du manioc grâce à la multiplication du matériel végétal. Le Département de la recherche agricole possède un comité technique dédié au manioc. Le principal goulet d'étranglement auquel il est confronté, comme d'autres entités du Malawi, est la discontinuité du financement. Le Centre international de la pomme de terre dispose d’un Département des racines et des tubercules qui accueille la plateforme nationale sur le manioc (2010). Celle-ci a atteint plusieurs objectifs, notamment la réalisation d’une étude nationale de faisabilité sur l'amidon de manioc et le réengagement du secteur privé. L'approche sectorielle de l'agriculture du Malawi met en avant l’investissement dans le manioc en tant que culture susceptible d’améliorer la sécurité alimentaire (gouvernement du Malawi, 2010). En raison de sa résistance à la sécheresse, le gouvernement est en train de déployer un programme de production du manioc dans plusieurs districts cibles. En outre, la politique agricole nationale ayant été critiquée pour sa dépendance excessive sur le maïs comme aliment de base, la promotion du manioc fait l’objet d’une attention accrue, bien que les choses avancent lentement. Des organisations de recherche, des ONG et des acteurs privés font campagne en faveur de l'adoption du manioc dans le prochain plan d'investissement agricole national (2016–2021) (entretien avec le coordonnateur du PDDAA, ministère de l'Agriculture, Lilongwe, Malawi, 17 février 2016).

167 Voir : https://www.ft.com/content/7c051676-5dc8-11e3-95bd-00144feabdc0.

la production et la consommation de manioc  : le Nigéria en est le plus gros producteur  –  selon FAO STAT (2010) cité par la GIZ  (2013), environ 3,5 millions d’hectares y sont consacrés dans ce pays – avec 46 millions de tonnes en 2007, par exemple. Les Nigérians tendent à être convaincus de la viabilité élevée de cette culture, susceptible d’«  injecter 10 000  milliards de nairas dans l’économie » (voir encadré 27)166. Cependant, même si de nombreux pays d’Afrique subsaharienne commencent à partager cette conviction, les gouvernements africains et les donateurs occidentaux l’ont longtemps négligée167. Pourtant, la progression de la demande urbaine de manioc prédite par la FAO (2015) renforcera le potentiel d’amélioration du revenu des petits et moyens transformateurs qui, pour y répondre, investiront dans l’amélioration de la qualité, de la sécurité sanitaire et du conditionnement. La concrétisation de ce potentiel nécessitera des investissements importants et la mise en place de mesures incitatives supplémentaires par les pouvoirs publics.

Dans le secteur de l’élevage, les gouvernements n’ont pas non plus toujours réussi à créer un environnement propice pour le secteur privé : « [...] Les investissements passés des secteurs privé et public dans le développement du secteur de l’élevage ont très souvent servi à financer des projets sans souci de coordination et n’ont que peu tenu compte du développement institutionnel à long terme. En outre, les investissements privés dans ce secteur, qui auraient dû accélérer une croissance équitable, stimuler le développement d’autres branches d’activité et galvaniser une transformation socioéconomique généralisée ont été freinés par un environnement politique défavorable, l’absence d’une infrastructure appropriée et le manque de fiabilité des approvisionnements des intrants et des services essentiels. Cette situation a nui à la compétitivité du secteur et en a détourné les investisseurs  »  (Commission de l’Union africaine, Département de l’économie rurale et de l’agriculture, 2015, p.  12). À l’inverse, avec l’introduction, en collaboration avec des compagnies d’assurances privées, d’un programme d’assurance du bétail gratuit pour les agriculteurs, le Kenya donne l’exemple d’une initiative gouvernementale prometteuse (voir encadré 28).

MESURES INCITATIVES à L’AMÉLIORATION DE LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET DE LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES à L’INTENTION DES SECTEURS PUBLIC ET PRIVÉ

Page 108: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

92

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

Mesures incitatives prises par les partenaires de développement afin d’encourager le secteur privé à intervenir en Afrique subsaharienne

Les partenaires de développement multilatéraux et bilatéraux ont des rôles importants à jouer dans la proposition de mesures susceptibles d’inciter le secteur privé à intervenir. Concrètement, ils peuvent mener les actions suivantes :

• renforcer la capacité des acteurs de la chaîne de valeur à gérer les effets et les risques environnementaux en les sensibilisant à ces risques et à ces impacts et en leur fournissant une assistance technique à leur analyse (catégorie 1 et 3) ;

• nouer des partenariats avec les autorités locales et/ou le secteur privé afin de faciliter l’accès à des ressources cruciales pour les activités de la chaîne de valeur telles que l’eau, ainsi que leur gestion efficiente (catégorie 4) ;

• rendre l’environnement encore plus favorable en intégrant l’approche par chaîne de valeur et la gestion de la durabilité environnementale et de la résilience dans des politiques et des systèmes élargis. À cet égard, l’existence et l’efficacité de programmes de protection sociale et de systèmes de gestion des risques environnementaux sont cruciales (catégorie 2) ;

• promouvoir le partage des connaissances afin d’assurer l’alignement des approches du secteur privé en matière

Promotion du manioc au Nigéria : échecs et réussites

Le Nigéria doit sa place de premier producteur de manioc à des variétés améliorées : depuis le milieu des années 1970, l’IITA situé à Ibadan (Nigéria) s’est spécialisé dans le développement d’une nouvelle variété de manioc résiliente dotée d’une plus grande résistance aux virus et à la cochenille, qui a permis une amélioration de 40 % du rendement. Le manioc est également très apprécié pour sa résistance à la sécheresse dans les zones arides du pays. L’IITA a de plus concentré ses travaux de recherche sur l’amélioration de technologies de transformation à petite échelle telles que la mécanisation des écorceuses et des déchiqueteuses grâce à laquelle la rentabilité économique des petits agriculteurs a progressé. La diffusion de ces solutions de l’IITA au Nigéria a commencé en 1997 (FAO, 2015). Cependant, les tentatives de passage à l’échelle supérieure des activités de transformation se sont heurtées à des difficultés, principalement au niveau du regroupement et de la coordination de l’offre. Les usines ne fonctionnent en général pas à plus de 40 % de leur capacité en raison des volumes insuffisants de racines fournis. Les partenaires de développement renforcent leurs efforts pour résoudre ce problème d’approvisionnement : ainsi, en 2009, USAID a joint ses forces à celles de l’ITTA et d’Ekha Agro Processing, Ltd., le plus gros producteur nigérian de sirop de glucose, afin de regrouper un grand nombre d’agriculteurs, mais la capacité de l’entreprise n’est passée que de 10 à 50 % (FAO, 2015).

L’amélioration de la recherche consacrée au manioc s’est déroulée parallèlement à des décisions politiques de promotion de cette culture : en 2005, l’initiative présidentielle sur la production et l’exportation du manioc a été convenue. Elle avait entre autres pour objectif d’ajouter au pain 10 % de farine de manioc de haute qualité afin de diminuer la dépendance du pays sur le blé importé. Les agriculteurs ont engagé des investissements importants dans la transformation du manioc mais malheureusement les boulangers ont hésité à remplacer le blé par cette farine par crainte d’un contrôle qualité insuffisant. Les agriculteurs se sont donc retrouvés sans marché où écouler leur surcroît de production. En 2010, l’initiative était considérée comme un échec. Depuis lors, le gouvernement a fortement investi dans un contrôle qualité plus strict et imposé une taxe supplémentaire ad valorem de 65 % au blé importé. Le but n’est pas seulement d’utiliser la farine de manioc dans les produits boulangers, mais aussi de commencer à produire de l’alcool à base de manioc. Des problèmes demeurent néanmoins parce que la vente officieuse est généralisée et que de nombreux agriculteurs considèrent comme facultatif le respect des dispositions contractuelles. En outre, la coordination entre les agriculteurs et les transformateurs demeure limitée. Le lancement en 2013 par le brasseur SAB-Miller de la production d’une bière au manioc au Nigéria constitue un test majeur de l’aptitude à améliorer la conception des arrangements contractuels (FAO, 2015, p. 233).

ENCADRÉ 27

Page 109: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

93

d’agriculture durable et résiliente sur les normes et les méthodes internationales, comme les indicateurs des ODD. Par exemple, le financement international de la lutte contre le changement climatique et de l’utilisation des terres et d’autres types de programmes des donateurs peuvent harmoniser leurs critères de candidature, convenir de paramètres de

168 Voir : http://www.biodiversityfinance.net/.169 Voir : http://www.bwinditrust.ug/.

mesure communs et partager les outils de suivi afin de faciliter l’accès au financement et de faire participer plus activement les entreprises et les petits agriculteurs (catégorie 2) ;

• générer des données factuelles sur les coûts et les avantages de l’investissement dans des pratiques durables sur le plan environnemental et résilientes et le renforcement des capacités nationales en matière de systèmes de suivi et de rapports. Ces autres rôles essentiels des partenaires de développement permettent le suivi indépendant de la performance du secteur privé en matière d’adaptation au changement climatique et d’atténuation de ses effets (FIDA, 2016) ;

• outre les rôles des partenaires de développement en matière de réglementation, de partage des connaissances et de renforcement des capacités, fournir des incitations financières telles que des dons et des prêts ou encourager le financement novateur grâce, par exemple, au financement mixte et à l’investissement dans des infrastructures écologiques (catégorie 3).

Le PNUD coordonne l’Initiative de financement de la biodiversité  (BIOFIN) qui vise à résoudre les problèmes de financement de la biodiversité de manière exhaustive et innovante  (2012–2018). Elle permet aux pays de quantifier les dépenses qu’ils consacrent actuellement à la biodiversité, d’évaluer leurs besoins financiers puis d’identifier les solutions de financement les plus susceptibles d’augmenter les investissements dans la biodiversité. Pour ce faire, elle collabore avec leurs ministres des Finances, de l’Économie, de la Planification et de l’Environnement et fait participer le secteur privé168. Ainsi, l’Ouganda est en train d’élaborer une stratégie financière globale en faveur de la conservation qui s’appuiera sur les travaux du Bwindi Mgahinga Conservation Trust  (BMCT) fondé en 1994 pour financer le développement durable dans deux zones protégées. Ces fonds ont, entre autres, aidé des projets de recherche écologique et de développement des communautés. Actuellement, le BMCT et le secteur privé collaborent à un projet de 2,1 millions d’euros visant à fournir de l’eau potable sûre et à promouvoir l’utilisation durable de cette ressource169.

Les acteurs de l’APD accordent une attention croissante aux possibilités d’utiliser le financement public dans le but de mobiliser le financement d’autres sources. L’idée selon laquelle il est plus efficace d’utiliser le financement public pour exercer un effet de levier et débloquer le financement privé que pour financer l’ensemble d’un projet ou d’une transaction n’est pas nouvelle. Ce concept  (souvent concrétisé par des partenariats

Programme d’assurance du bétail du gouvernement kenyan

Le gouvernement kenyan a lancé en 2015 le Kenya Livestock Insurance Programme (Programme d’assurance du bétail, KLIP), une initiative prometteuse de généralisation de l’assurance : l’achat d’assurance sécheresse à des compagnies privées pour le compte des pasteurs vulnérables a donné lieu à l’un des premiers partenariats public-privé. Des données satellitaires servent à estimer la disponibilité des pâturages sur le terrain et déclenchent les indemnisations aux pasteurs lorsque celle-ci diminue. Le KLIP est un programme social : il est gratuit pour les agriculteurs qui possèdent jusqu’à cinq vaches. Au-delà, ils doivent payer l’assurance. Cependant, ses critiques craignent que la mise en place d’un « système d’assurance gratuit » pose problème : de nombreux agriculteurs ne savent peut-être pas qu’ils sont couverts et l’expérience de l’assurance dans les pays en développement a montré que de faibles contributions sensibilisent les bénéficiaires. Les agriculteurs risquent également de devenir dépendants du dispositif, auquel cas un programme d’assurance kenyan autonome (à présent parrainé par la Banque mondiale et d’autres partenaires de développement) pourrait s’avérer plus viable1.

1 Entretien avec des experts de l’IBLI (ILRI), 14 octobre 2016, Nairobi, Kenya. Le programme kenyan d'assurance et de gestion des risques agricoles (Kenya Agricultural Insurance and Risk Management Programme) introduit en mars 2016 est similaire à l’IBLI et s'appuie sur l’approche du « rendement par zone ». Les régions agricoles sont ainsi divisées en unités d’assurance : si la production moyenne de l'une des unités descend en-dessous d'un certain seuil, tous ses agriculteurs assurés sont indemnisés. Il est trop tôt pour évaluer l'efficacité de cette approche, mais la Banque mondiale, qui appuie ce programme, envisage de l’appliquer dans 33 pays d'ici 2020. Voir : http://www.worldbank.org/en/news/press-release/2016/03/12/kenyan-farmers-to-benefit-from-innovative-insurance-program.

ENCADRÉ 28

MESURES INCITATIVES à L’AMÉLIORATION DE LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET DE LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES à L’INTENTION DES SECTEURS PUBLIC ET PRIVÉ

Page 110: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

94

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

public-privé) est activement développé depuis les années 1990 dans le domaine des infrastructures. Rebaptisé financement mixte, il a suscité un regain d’intérêt ces dernières années grâce à l’Initiative de refonte du financement du développement (IRFD) de l’Organisation de coopération et de développement économiques  (OCDE) et du Forum économique mondial qui promeut le financement mixte en tant qu’approche de coopération entre les secteurs public et privé. Ces initiatives peuvent aider à « catalyser les capitaux nationaux et étrangers à beaucoup plus grande échelle en atténuant les risques qui empêchent les investisseurs de saisir des opportunités d’investissement dans l’infrastructure et l’industrie au demeurant attrayantes  » (Financial Tribune, 2015). Le financement mixte couvre à la fois l’investissement et le financement du fonds de roulement/des activités commerciales, puisque les agriculteurs et d’autres acteurs de la chaîne de valeur les considèrent comme complémentaires et que la logique du financement mixte peut s’appliquer aux deux. Pour séduire le secteur privé, il suffit que les systèmes de financement soient simples, disposés à prendre en compte les retours, dotés d’une gouvernance transparente, géographiquement capables d’adapter la couverture de la chaîne de valeur du programme à celle de l’entreprise du secteur privé et assortis de critères de coinvestissement clairs ainsi que de garanties quant à l’effet de levier susceptible d’en résulter (FIDA, 2016, p. 52).

En octobre 2014, le Comité de la sécurité alimentaire mondiale (comité de la FAO) a approuvé les Principes pour un investissement responsable dans l’agriculture et les systèmes alimentaires (RAI). Le principe 6 « Conserver et gérer de manière durable les ressources naturelles, renforcer la résilience et réduire les risques de catastrophe  » lie l’investissement responsable dans l’agriculture à la prise de mesures voulues pour réduire et/ou éliminer les émissions de gaz à effet de serre170.

Cependant, la discussion du rôle spécifique des partenaires de développement ne doit pas négliger les problèmes que soulèvent les mesures incitatives liées à l’aide et les réactions de leurs bénéficiaires. Il se peut en effet que les gouvernements s’adaptent aux préférences des donateurs même si elles ne correspondent pas à celles des bénéficiaires. Il est également possible qu’en résultent des réformes institutionnelles qui imitent les modèles de bonnes pratiques des donateurs. Les décideurs des pays bénéficiaires pourront présenter aux donateurs le cadre des réformes qu’ils envisagent pour améliorer la durabilité sans nécessairement mener les tâches difficiles et coûteuses qu’implique l’amélioration de leur fonctionnement dans la pratique. Des attentes irréalistes quant à la nature des réformes institutionnelles fondent souvent les stratégies d’aide des donateurs, comme si ces réformes n’étaient que des mesures technocratiques  (alors qu’elles requièrent en réalité

170 http://www.fao.org/3/a-au866f.pdf.

d’associer leadership et engagement politique et de disposer de capacités managériales/organisationnelles) et comme si tout était prioritaire (en l’absence de choix, rien ne se fait). Ce type de pratiques engendre ce qu’Andrews et al. appellent des « capability traps » (pièges des capacités) (Pritchett et al., 2012 ; Andrews, 2013). Dans cette dynamique, les gouvernements, mais aussi les organisations intergouvernementales ou internationales, «  adoptent constamment des ‘réformes’ afin d’assurer des flux permanents de financement externe sans pour autant que leur légitimité s’améliore  »  (Andrews et  al., 2012, p. 3).

Tableau récapitulatifLe tableau  3 reprend les différents points évoqués dans le présent chapitre  : principaux acteurs de la chaîne de valeur du secteur privé, incitations clés, obstacles à l’adoption de pratiques durables et résilientes, exemples de la transition des chaînes de valeur de différents pays vers des pratiques durables et résilientes et contraintes auxquelles celles-ci se heurtent. Comme indiqué précédemment, les chaînes de valeur sont complexes  : par exemple, les chaînes des intrants et des produits comptent habituellement plusieurs filières susceptibles de fournir plusieurs marchés de consommation finale. Afin de simplifier l’analyse, nous distinguons entre 1) les acteurs qui fournissent diverses formes d’intrants tels que les semences, les engrais, les nouvelles technologies ou différents types de crédits ; 2) les acteurs responsables de la « production » en tant que telle, notamment les petits agriculteurs  ; 3)  les consommateurs qui achètent les denrées alimentaires. Les quatre catégories de mesures incitatives suivent le même ordre que dans l’encadré 16.

Page 111: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

95

Cartographie des principaux acteurs privés des chaînes de valeur, des mesures les incitant à adopter des pratiques durables et résilientes, des obstacles à l’adoption de pratiques durables et résilientes et exemples de chaînes de valeur (compilée par les auteurs)ACTEURS DES CV* INCITATIONS OBSTACLES EXEMPLES

Intrants (semences, engrais et

technologies)

Intrinsèques : survie de l’activité Monoculture

Fragmentation des agendas politiques

Absence de mécanismes de mise en application

Absence de marché

Ghana, Initiative d’urgence en faveur du riz (ERIP) : le faible risque, les nouvelles techniques (p. ex., polyculture) et les variétés améliorées permettent la réussite du projet. La communication par le biais d’émissions de radio et le partage des connaissances entre agriculteurs jouent un rôle essentiel.

Politiques/juridiques : contrôle environnemental et mise en application par le gouvernement (p. ex., sanctions en cas de non-conformité)

Financières : financement environnemental conditionnel, fonds d’investissement

Demande du marché/arrangements de marché : opportunités commerciales, plateformes innovantes, marchés publics

Banques/investisseurs/services financiers

Intrinsèques : protection des biens publics, survie de l’activité

Niveau de risque des investissements

Incapacité à réaliser des bénéfices

Inadéquation de l’infrastructure financière, corruption

Kenya, Éthiopie – mécanisme d’assurance bétail indexée (IBLI) de l’ILRI : en cas de sécheresse les pasteurs perçoivent des fonds pour acheter de la nourriture/de l’eau.

Éthiopie – financement de la chaîne de valeur du soja dans la zone Jimma avec la participation de parties prenantes clés de la chaîne de valeur.

Éthiopie – assurance en échange de travail manuel fournie par Swiss Re en collaboration avec Oxfam.

Politiques/juridiques : mise en application de la réglementation environnementale

Financières : financement environnemental conditionnel, fonds d’investissement

Demande du marché/arrangements de marché : opportunités commerciales, plateformes innovantes, marchés publics

Agriculteurs

Intrinsèques : pratiques traditionnelles, systèmes de gouvernance locaux, culture ; protection des biens publics ; survie de l’activité (dans certains cas)

Absence d’information sur la demande de produits alimentaires biologiques

Absence d’accès aux intrants pour adopter de nouvelles pratiques

Manque d’adhésion politique à la promotion de pratiques durables et résilientes

Objectifs de rentabilité à court terme et changement de comportement en fonction du temps et de l’échelle, comportement d’aversion au risque

Niger : pratiques agroforestières couronnées de succès grâce à la gestion décentralisée des ressources naturelles (depuis les années 1990).

Burkina Faso : pratique du défriche-paillis pour reconstituer la matière organique du sol (connaissances autochtones) mais obstacles au déploiement à grande échelle des expériences.

Burkina Faso : « zaï » mécanique inabordable pour les agriculteurs.

Madagascar : échec du SRI parce que les agriculteurs ont besoin de la main-d’œuvre pour d’autres tâches.

Swaziland : l’adaptation au maïs entraîne une hausse de la rentabilité.

Kenya : autonomisation des productrices laitières.

Nigéria : promotion du manioc par le gouvernement.

Politiques/juridiques : contrôle environnemental et mise en application ; normes, règles et principes ; droits juridiques (p. ex., droits de propriété)

Financières : accès au financement (p. ex., microcrédit)

Demande du marché/arrangements de marché : opportunités commerciales, plateformes innovantes (p.ex., système participatif de garanties) ; marchés publics

Consomm

ateurs

Intrinsèques : protection de l’environnement Absence de sensibilisation du public

Absence de choix

Prix

Bénin : le modèle Songhaï de production intégrée a donné naissance à une base de consommateurs pour les aliments biologiques. Politiques/juridiques : normes de durabilité

basées sur l’écoétiquetage et autres formes de sensibilisation du public aux processus de production durables

Financières : taxes, subventions

Demande du marché/arrangements de marché : normes de durabilité, écoétiquetage et autres mécanismes de certification

TABLEAU 3

* CV = Chaîne de valeur

MESURES INCITATIVES à L’AMÉLIORATION DE LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET DE LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES à L’INTENTION DES SECTEURS PUBLIC ET PRIVÉ

Page 112: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

96

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

Conclusion : un cadre d’action articulé autour de quatre piliers

CHAPITRE 5

Page 113: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

97

CONCLUSION : UN CADRE D’ACTION ARTICULÉ AUTOUR DE QUATRE PILIERS

CES DERNIÈRES ANNÉES, DIFFÉRENTES politiques de promotion d’une agriculture durable, résiliente et intelligente face au climat ont vu le jour

en Afrique subsaharienne. Elles n’ont pourtant pas toujours débouché sur les changements nécessaires visés. Cet échec est souvent lié à un manque de connaissances, de recherches et de données, à une mauvaise organisation, à l’incohérence des politiques et à l’insuffisance des moyens financiers  (voir chapitre  1). À la définition de méthodes de lutte contre les conséquences et les externalités environnementales négatives des chaînes de valeur alimentaires doivent précéder la mesure et l’examen de ces dernières. Parmi les nombreux outils et stratégies disponibles pour l’évaluation de chaque impact, les approches systémiques permettant de mesurer les externalités et les conséquences négatives tout au long de la chaîne de valeur alimentaire gagnent en popularité. Une fois les causes de ces conséquences et externalités établies, il est possible d’y trouver des solutions. Trois lignes d’action permettent d’évoluer vers des chaînes de valeur pérennes et résilientes sur le plan environnemental et, à terme, d’obtenir des systèmes alimentaires durables se manifestant notamment par la diversification de la production agricole, l’intensification durable de l’agriculture, et la diversification des moyens de subsistance non agricoles et des marchés. Ces lignes d’action peuvent être mises en œuvre par le biais de bonnes pratiques existantes inspirées de la gestion durable des terres, de la gestion intégrée des paysages, et de l’agriculture intelligente face au climat  (voir chapitre  2). La présente étude a porté en particulier sur les conséquences et les externalités environnementales négatives des chaînes de valeur de l’élevage  (production de viande et de laitages), du riz, du manioc, du maïs, des légumes secs et des mangues, et ce, notamment sur les émissions de gaz à effet de serre, la perte de la biodiversité, la dégradation des sols, l’épuisement des ressources en eau et les pertes après récolte. Pour chacune de ces chaînes de valeur, elle présente en outre des bonnes pratiques favorisant l’intensification durable et la diversification

de la production agricole. Bien que les exemples ne manquent pas, les chaînes de valeur alimentaires durables et résilientes font encore figure d’exception en Afrique subsaharienne  (voir chapitre 3). La mise en place de ces chaînes de valeur et, à terme, de systèmes alimentaires durables, est entravée par le flou qui entoure l’intérêt économique des pratiques durables intégrant les coûts des externalités et des conséquences négatives. Les acteurs des chaînes de valeur alimentaires, même s’ils désirent malgré tout se tourner vers des pratiques durables et résilientes sur le plan environnemental et assurer la diversification des moyens de subsistance non agricoles et des marchés, se heurtent à de nombreux obstacles. Les engrais biologiques, notamment, sont difficiles à se procurer et l’accessibilité du marché, limitée. En outre, le système dans lequel évoluent les acteurs de ces chaînes de valeur repose sur des modèles économiques enrayant l’adoption de pratiques plus durables : les dynamiques commerciales, le pouvoir des acteurs de la distribution et de la transformation au sein de la chaîne de valeur, et la demande du marché favorisent une production standardisée, les grosses quantités plutôt que la qualité  (excepté pour les marchés de niche) et la nécessité d’augmenter les profits en réduisant les coûts. Des pratiques non durables, telles que la monoculture, se trouvent ainsi encouragées. Des mesures incitatives positives sont nécessaires pour assurer la promotion efficace des chaînes de valeur alimentaires durables et résilientes, ainsi que le renforcement des mécanismes de contrôle et de mise en œuvre garantissant l’impact positif desdites mesures. Ces mesures incitatives ont été réparties en quatre catégories  : 1)  l’incitation intrinsèque de la protection des moyens de subsistance et de la promotion des biens publics ; 2) les mesures incitatives politiques et juridiques  ; 3)  les mesures incitatives financières  ; 4)  la demande du marché et arrangements de marché. Toutefois, le secteur de l’agriculture demeurant exposé à divers risques, notamment aux variations météorologiques, aux nuisibles et à la volatilité des prix, il est moins intéressant d’investir dans ce domaine, surtout dans l’agriculture durable

©JC M

cIlwaine/U

N Photo

Page 114: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

98

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

ou intelligente face au climat. Les secteurs public et privé jouent finalement un rôle crucial dans l’atténuation de ces risques, à laquelle ils peuvent contribuer par le biais de prêts, de financements en faveur de la chaîne de valeur et de systèmes d’assurance (voir chapitre 4).

Des piliers concrets centrés sur l’action

La présente conclusion met l’accent sur quatre piliers ou domaines d’intervention susceptibles de promouvoir et de généraliser les pratiques qui favorisent la durabilité et la résilience environnementales des chaînes de valeur agroalimentaires en se renforçant mutuellement et en mettant en application les mesures incitatives nécessaires. Ces pratiques peuvent être associées au sein d’un vaste cadre d’application articulé autour de quatre piliers relatifs à l’information, aux ressources, aux politiques et au soutien à la mise en œuvre :

• Le pilier «  information » sensibilise les acteurs de la chaîne de valeur, en particulier les petits agriculteurs et les PME, et leur fournit les connaissances, la technologie et l’expertise nécessaires pour mettre en place des systèmes et des chaînes de valeur alimentaires durables et résilients. Ce premier pilier se rapporte également aux systèmes et aux réseaux de communication – y compris l’éducation et les médias – qui permettent de consolider, d’harmoniser et de partager des informations et des connaissances, et de suivre les progrès accomplis.

• Le pilier «  ressources  » concerne les moyens financiers publics et privés requis tout au long de la chaîne de valeur pour renforcer sa durabilité environnementale et sa résilience : mesures visant à rendre les chaînes de valeur plus respectueuses de l’environnement, financements innovants, systèmes bancaires et de dons, microfinancement, etc.

• Les «  politiques  », ainsi que les lois et réglementations associées, jouent un rôle clé dans l’élimination des obstacles à la durabilité et à la résilience des chaînes de valeur alimentaires, tels qu’un cadre réglementaire insuffisant ou des procédures administratives complexes. Il peut s’agir aussi bien de politiques publiques que de réglementations privées.

• Le «  soutien à la mise en oeuvre  » contribue, grâce au renforcement des capacités et à une assistance technique, à concrétiser les modèles systémiques, afin de créer des chaînes de valeur alimentaires durables et résilientes. En d’autres termes, ce pilier permet de mettre en place de nouvelles initiatives et de trouver de nouveaux intermédiaires et/ou

de renforcer les capacités de soutien à la mise en oeuvre dont disposent les acteurs ou les organismes existants. Le développement des infrastructures (par exemple, des routes en bon état) et la facilitation des investissements infrastructurels en faveur de la durabilité et de la résilience sont d’autres aspects importants de ce pilier.

La transition vers des chaînes de valeur alimentaires durables et résilientes consiste en un processus itératif fondé sur quatre piliers. Ce processus, représenté par la figure 3, n’est pas linéaire. Il s’agit d’un modèle idéal et recommandé qui, s’il est appliqué correctement, peut garantir la bonne transition vers des chaînes de valeur alimentaires durables et résilientes et, à terme, vers des systèmes alimentaires durables. Pour chacun des piliers, il existe des points d’entrée au changement et à des solutions pratiques. Ils ne sont pas nécessairement circonscrits à un produit ou à une zone géographique spécifique, mais fondés sur les principaux besoins mis en lumière dans les précédents chapitres. Les sections qui suivent évoquent ces quatre piliers et détaillent les interventions clés requises par chacun d’entre eux. Elles établissent par ailleurs des distinctions entre les rôles des différents acteurs clés de la chaîne de valeur, tels que les entreprises, les gouvernements, les OSC et les instituts de recherche. Les interventions clés citées ne sont pas exhaustives.

À terme, les interventions menées au titre de chacun de ces piliers sont toutes susceptibles de pousser les acteurs à mettre en œuvre des solutions pour une chaîne de valeur alimentaire durable et résiliente et, plus généralement, pour obtenir des systèmes alimentaires durables. La dernière étape clé consistera à les réunir grâce à une mobilisation multipartite ou, plus précisément, à une « plateforme multipartite » inclusive, laquelle permettra à l’ensemble des acteurs et des parties prenantes de la chaîne de valeur, publics comme privés, de constamment s’engager dans un processus collectif promouvant l’innovation, élaborant des stratégies communes de définition des priorités, de lobbying, d’exercice de l’influence, de suivi, d’apprentissage et d’évaluation, et garantissant la mise en œuvre des politiques et de la responsabilité mutuelle. Le fonctionnement et la mise en place d’une plateforme multipartite sont expliquées en fin de chapitre.

Information

Ce premier pilier est un appel à l’information, à l’accès aux connaissances et à la conduite de recherches pertinentes, à la sensibilisation et à la mise en place de réseaux de technologies et de communications, lesquels sont au fondement de toute activité de chaîne de valeur alimentaire durable et résiliente.

La génération de statistiques et la collecte, la contextualisation et l’accessibilité générale des données représentent des défis considérables dans les pays d’Afrique subsaharienne. En outre,

Page 115: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

99

CONCLUSION : UN CADRE D’ACTION ARTICULÉ AUTOUR DE QUATRE PILIERS

de nombreux acteurs de la chaîne de valeur, notamment les petits agriculteurs, n’ont pas accès à l’information, aux nouvelles connaissances et aux derniers résultats de la recherche qui mettent notamment au jour les bénéfices à long terme de l’investissement dans les pratiques agricoles durables. Parallèlement, les décideurs ont rarement connaissance du savoir et des bonnes pratiques autochtones. On observe par ailleurs l’absence d’information et d’intermédiaires, par exemple de sociétés de conseil, de groupes de réflexion ou d’organismes de recherche.

Chaque acteur et chaque institution intervenant dans la chaîne de valeur a un rôle à jouer en matière de génération de connaissances, de partage des données, et de mise en lien des petits agriculteurs et des autres acteurs défavorisés de la chaîne de valeur avec les connaissances, les nouvelles technologies et les données. Les interventions clés énumérées ci-après dans le tableau 4 doivent être entreprises par les différents acteurs concernés pour renforcer, harmoniser et partager l’information, tout en assurant le suivi des progrès dont peuvent bénéficier, à terme, les petits agriculteurs et les MPME171.

171 Cette liste d’actions prioritaires par groupe d’acteurs, ainsi que les autres listes présentées sous chaque pilliers, ne sont pas exhaustives.

Ressources

Les petits agriculteurs d’Afrique subsaharienne sont à l’origine de la majeure partie de la production agricole africaine. Ils se heurtent pourtant à de nombreux obstacles  : notamment, les prêts et les mécanismes de financement des partenaires de développement leur sont difficilement accessibles, et les systèmes d’assurance, inexistants. Les ressources désignent les ressources financières publiques et privées requises tout au long de la chaîne de valeur pour renforcer sa durabilité environnementale et sa résilience. Il s’agit notamment de financements innovants, de microfinancements, de systèmes bancaires et de dons, d’investissements «  verts  » et de financements incitatifs en faveur d’une participation efficace, qui sont surtout destinés aux petits agriculteurs et aux PME intermédiaires. Le tableau 5 présente les actions clés par groupe d’acteurs contribuant au pilier « ressources ».

Quatre piliers du cadre d’action pour renforcer la durabilité environnementale et la résilience des chaînes de valeur alimentaires (réalisée par les auteurs)

FIGURE 3

Information

Ressources Politiques

Soutien à lamise en œuvre

Page 116: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

100

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

Possibilités de contribuer au pilier « information », par acteur

TYPE D’ACTEUR ACTIONS CLÉS

Médias Organiser des campagnes de promotion du développement et des pratiques durables de plus grande ampleur.

Entreprises 1 En collaboration avec la communauté scientifique, réaliser l’analyse de rentabilisation des pratiques durables.

2 Fournir des services spécialisés d’étude de marché pour le marché des personnes à faible revenu.

3 Fournir des licences de technologies permettant le développement d’entreprises inclusives à l’échelle locale.

Gouvernement 1 Intégrer la « durabilité environnementale » aux programmes scolaires.

2 Renforcer et mettre en œuvre l’évaluation de l’impact sur l’environnement (EIE).

3 Harmoniser les résultats de la recherche.

4 Jouer un rôle de vulgarisateur en diffusant les informations, notamment en rendant les données du marché (p. ex. celles issues des enquêtes auprès des ménages) accessibles au secteur privé.

5 Encourager les instituts de recherche publics à collaborer avec le secteur privé, et créer des systèmes de récompense pour promouvoir des systèmes alimentaires durables et résilients (les partenariats public-privé et les « recherches axées sur l’action » sont essentiels à la réalisation de ces cinq ensembles d’objectifs).

Partenaires de développement

1 Financer des études de marché et la recherche sur les mérites des cadres intégrés innovants tels que la gestion durable des terres, la gestion intégrée des paysages ou l’agriculture intelligente face au climat.

2 Organiser des ateliers, des dialogues politiques et des plateformes public-privé pour la diffusion d’informations.

3 Fournir un soutien technique et promouvoir le transfert de technologies.

4 Partager les enseignements tirés à travers les pays.

5 Mettre au point des procédures flexibles.

Organisations de la société civile

1 Partager les intérêts et les produits des partenaires de développement et des gouvernements à l’échelle locale, tout en assurant le lien avec les connaissances locales.

2 Élargir la diffusion et les coopérations par le biais des plateformes public-privé.

Communauté scientifique et institutions universitaires

1 Générer des connaissances localisées sur les pratiques relatives aux activités des chaînes de valeur alimentaires durables et sur les acteurs y contribuant (recherche axée sur l’action).

2 Mettre en lumière les « coûts de l’inaction » en ce qui concerne les pratiques non durables.

3 Soutenir les projets collaboratifs entre la recherche et le développement.

4 Fournir une formation théorique et pratique à ce type d’activités.

5 Mener des recherches fondées sur des données factuelles. La recherche et la génération de connaissances doivent tout particulièrement étayer l’analyse de rentabilisation des pratiques durables, notamment par le biais d’un examen systématique des résultats positifs des pratiques durables et par la génération de données volumineuses et transparentes permettant d’identifier les manques de connaissances et d’y remédier.

6 Harmoniser les différents résultats de la recherche.

TABLEAU 4

Page 117: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

101

CONCLUSION : UN CADRE D’ACTION ARTICULÉ AUTOUR DE QUATRE PILIERS

Possibilités de contribuer au pilier « ressources », par acteur

TYPE D’ACTEUR ACTIONS CLÉS

Gouvernements 1 Investir dans la transformation durable de l’agriculture, notamment en garantissant l’affectation des 10 % d’investissements requis par la Déclaration de Malabo au développement de l’agriculture durable.

2 Encourager les financements fondés sur des données factuelles (le Partenariat pour la lutte contre l’aflatoxine de l’Union africaine, p. ex., a atteint ses objectifs en s’appuyant sur les données relatives aux effets sanitaires de ce composé).

Gouvernements et partenaires de développement

1 Face au déclin de l’aide publique au développement (APD), utiliser les ressources publiques pour stimuler l’investissement privé en finançant les infrastructures routières ou d’irrigation. L’objectif est de générer des bénéfices pour les petits agriculteurs et, ainsi, de créer un environnement propice à l’investissement durable, à la valeur ajoutée et aux échanges commerciaux.

2 Porter une attention particulière aux mécanismes de financement tout au long de la chaîne de valeur, par exemple en s’appuyant sur le principe du pollueur-payeur et sur les paiements des services écosystémiques (PSE) pour développer les chaînes de valeur (les PSE permettent de combiner actions publiques et privées).

3 Fournir des instruments d’atténuation des risques, notamment des prêts ou des systèmes d’assurance

4 Contribuer à l’établissement de synergies entre l’agriculture et le financement de la lutte contre le changement climatique. En effet, l’agriculture et l’alimentation sont non seulement affectées par le changement climatique, mais elles y contribuent (l’encadré 29 détaille l’exemple du Fonds vert pour le climat).

Entreprises 1 Cofinancer les mécanismes de financement durables et lancer de nouvelles techniques de production, de transformation et de commercialisation.

2 Généraliser le partage de frais dans le secteur privé.

3 S’impliquer dans le financement des chaînes de valeur (l’agriculture sous contrat, p. ex., peut constituer une garantie aux yeux des banques) et fournir d’autres outils d’atténuation des risques.

4 Réaliser des investissements directs étrangers (IDE) dans l’agriculture africaine, lesquels ont augmenté ces dernières années, tout en veillant à ce que l’ensemble des instruments financiers et politiques en faveur de l’investissement privé en Afrique subsaharienne respectent les trois directives suivantes : i) les Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers, ii) les Principes pour un investissement responsable dans l’agriculture et les systèmes alimentaires (RAI) et iii) le Guide OCDE-FAO pour des filières agricoles responsables (Mackie et al., 2017)1.

Secteur financier

1 S’investir dans les prêts écologiquement responsables, notamment par le biais d’organismes de formation à ce type de prêts et la mise au point de nouvelles bonnes pratiques.

2 Établir des lignes de crédit vertes et des mécanismes de microcrédit, notamment pour les secteurs de la gestion des déchets et du transport.

3 Investir dans l’ensemble de la chaîne de valeur, et non seulement dans la phase de production, par le biais de mécanismes de financement et fournir d’autres outils d’atténuation des risques, tels que des systèmes d’assurances.

TABLEAU 5

1 Le respect de ces directives est essentiel. En effet, ces dernières années, les IDE ont suscité des inquiétudes en ne générant pas les bénéfices escomptés. Dans certains cas, ils ont fait l’objet de controverses autour de l’accaparement de terres, de conséquences environnementales négatives et des mauvaises conditions de travail subies par les agriculteurs locaux (Mackie et al., 2017).

Page 118: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

102

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

Politiques

Les politiques et réglementations et, partant, la volonté politique et les principes de bonne gouvernance visant à garantir la mise en œuvre créent un environnement propice nécessaire pour mettre en place des mesures incitatives en faveur de la transition vers des chaînes de valeur et systèmes alimentaires durables. Ils jouent un rôle essentiel quant à l’élimination des obstacles à la durabilité et à la résilience des chaînes de valeur alimentaires, tels que les mauvaises conditions réglementaires et la lourdeur des procédures administratives. Le secteur public joue un rôle crucial dans l’élaboration et la mise en œuvre de cadres politiques et réglementaires, mais les autres acteurs,

tels que le secteur privé, ne sont pas en reste. Le tableau  6 fournit une vue d’ensemble des interventions clés par groupe d’acteurs.

Les politiques et les réglementations doivent parfois être accompagnés de mécanismes de mise en œuvre visant à entraîner des changements positifs, et notamment à surmonter les barrières commerciales ou à renforcer la mécanisation. La flexibilité constitue en outre un élément important : tout cadre politique doit permettre l’adaptation itérative de la résolution de problèmes  (voir section  Solutions permettant de remédier aux échecs des politiques, page 18.)

Le Fonds vert pour le climat : financer le complexe climat-agriculture

Le Fonds vert pour le climat (FVC), dont l’objectif consiste à mobiliser 100 milliards de dollars d’ici à 2020, donne les moyens d’obtenir ces synergies : une part spécifique du Fonds doit officiellement être affectée à « la réalisation d’une agriculture durable et résiliente » (l’agriculture intelligente face au climat fait partie des quatre domaines prioritaires du FVC)1. Les plus gros contributeurs aux mécanismes de financement de la CCNUCC, notamment l’Union européenne et le G7, ont été en mesure de s’engager à allouer une part convenue du FVC aux chaînes de valeur alimentaires durables et résilientes dans les pays en développement (nombre des pays les plus vulnérables face au changement climatique se situent en Afrique, tout en ne bénéficiant que d’un pourcentage relativement faible des financements climatiques internationaux, dont seule une fraction est dédiée à l’agriculture)2. Un engagement a été pris spécifiquement pour faciliter l’affectation d’une part du FVC au soutien du décaissement stratégique et efficace des 30 milliards de dollars appelés à être mobilisés dans le cadre de l’Initiative pour l’adaptation de l’agriculture africaine, lancée lors de la COP22 en novembre 20163. Bien que le FVC puisse constituer un point de départ aux financements climatiques dans le domaine de l’agriculture en Afrique subsaharienne, dans les faits, les engagements et les décaissements de financements climatiques n’ont pas été à la hauteur des espérances. Les retards peuvent s’expliquer par l’écart entre les besoins des pays d’Afrique subsaharienne (adaptation) et ceux des pays industrialisés (atténuation). Les partenaires de développement et les gouvernements doivent veiller à ce qu’une part du FVC soit affectée à l’adaptation agricole en Afrique. Ils exercent deux fonctions : le financement et le plaidoyer.

1 L’objectif du Fonds vert pour le climat (FVC), lancé à l’occasion de la Conférence de Cancún sur le changement climatique en 2010, est de mobiliser 100 milliards de dollars d’ici à 2020. Ce financement serait partagé également entre atténuation et adaptation. La première cible de capitalisation de 10 milliards de dollars pour le moment été atteinte. Voir : http://www.climatefundsupdate.org/listing/green-climate-fund. Le FVC concentrera ses efforts sur l’agriculture intelligente face au climat, étant donné sa capacité à contribuer au développement agricole et à la sécurité alimentaire. Il peut également impliquer les acteurs communautaires et du secteur privé (en mettant en outre l’accent sur les femmes) et encourager les entreprises de l’industrie agroalimentaire et les plus gros producteurs à soutenir les mesures d’atténuation et des avantages plus généraux en matière de sécurité alimentaire (FVC, 2015).

2 Certains pays africains ont obtenu un financement du FVC, notamment le Malawi qui recevra 12,3 millions de dollars en vue de généraliser le recours à des systèmes d’information climatologique et d’alerte rapide, modernisés, lesquels joueront un rôle essentiel pour les 85 % de la population dont les moyens de subsistance reposent sur l’agriculture. Le Sénégal bénéficiera de 7,6 millions de dollars pour améliorer la résilience des écosystèmes et des communautés par le biais de la restauration des capacités productives des terres salinisées. Pour en savoir plus : http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/climat/paris-2015-cop21/.

3 Si les financements climatiques internationaux présentent un fort potentiel, il se caractérisent également par un certain nombre de goulets d’étranglement. Lors de la COP22 (tenue à Marrakech, au Maroc, en décembre 2016), un accord a été trouvé sur le lancement de nouveaux outils de financement (p. ex. le Fonds d'investissement de Marrakech pour l'adaptation), mais aucune décision majeure n’a été prise en ce qui concerne la résolution des trois principaux problèmes affectant le financement climatique : 1) Qui, parmi les différents secteurs et groupes de parties prenantes, bénéficiera des ressources accrues destinées à l’adaptation et à l’atténuation du changement climatique (c’est-à-dire : quelle sera la part allouée aux petits agriculteurs d’Afrique subsaharienne) ? 2) Qui contribuera à l’objectif colossal de l’Accord de Paris et comment ces fonds seront-ils employés ? 3) Quels mécanismes financiers et procédures de décaissement doivent être utilisées pour les financements climatiques (compte tenu, notamment, des plaintes formulées par les gouvernements africains et les associations d'agriculteurs concernant la lourdeur des procédures actuelles, qui rend ces fonds inaccessibles) ? (Rampa, 2016).

ENCADRÉ 29

Page 119: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

103

CONCLUSION : UN CADRE D’ACTION ARTICULÉ AUTOUR DE QUATRE PILIERS

Possibilités de contribuer au pilier « politiques », par acteurTYPE D’ACTEUR INTERVENTIONS CLÉS

Gouvernement 1 Formuler et mettre en œuvre les politiques adéquates, notamment : la passation de marchés publics (verts), l’attribution de subventions intelligentes, des systèmes de certification durables (p. ex. des systèmes participatifs de garanties, ou PGS), des politiques commerciales (p. ex. la substitution des importations, le raccourcissement des chaînes de valeur, l’augmentation des droits de douane). L’objectif est d’ouvrir la voie à un vaste ensemble de bénéfices, tels que le renforcement de la fixation des prix, la production d’électricité verte hors réseau à petite échelle, le renforcement des normes de qualité entraînant un avantage comparatif pour faire face à la concurrence des prix et la création de politiques fiscales favorisant les pratiques durables.

2 Encourager la création d’entreprises durables par l’externalisation de services tels que la collecte de déchets.3 Approuver et encourager les stratégies commerciales innovantes dans le secteur privé.4 Déployer le plaidoyer (p. ex. en provenance du Premier ministre).5 Encourager le dialogue entre les secteurs de l’agriculture et du changement climatique (voir ’encadré 30 pour

comprendre comment l’agriculture est intégrée aux plans climat en Afrique subsaharienne).

Partenaires de développement

1 Collaborer avec les gouvernements d’Afrique subsaharienne (p. ex. par le biais d’un dialogue politique) aux niveaux régional, national et local pour élaborer des politiques transparentes (p. ex. des conseils techniques) et veiller à leur mise en œuvre et à leur suivi continu.

2 Soutenir le développement du suivi local et des organismes de certification en faveur de chaînes de valeur alimentaires durables et résilientes.

Organisations de la société civile

Soutenir et appliquer des normes et des systèmes de certification.

Entreprises 1 Stimuler des pratiques durables et résilientes par l’établissement et l’application de normes favorables (p. ex. par des systèmes participatifs de garanties).

2 Établir des mesures incitatives à destination des entreprises afin d’orienter et de favoriser la collaboration avec le marché informel (p. ex. par le biais de politiques d’achat).

TABLEAU 6

Intégration de l’agriculture aux plans climat des pays d’Afrique subsaharienne

Dans les pays d’Afrique subsaharienne, les cadres politiques agricole et climatique ont connu des évolutions positives : avec le soutien de la FAO et du PNUD, l’agriculture est progressivement intégrée aux processus des Plans nationaux d’adaptation (PNA). L’objectif, à terme, est d’inclure des mesures d’adaptation de l’agriculture au changement climatique dans les processus nationaux de planification et de budgétisation. En Afrique subsaharienne, l’initiative de la FAO et du PNUD a jusqu’ici été mise en œuvre au Kenya, en Ouganda et en Zambie1. En outre, la majorité des plans nationaux d’action post-2020 pour le climat s’inscrivant dans les contributions prévues déterminées au niveau national réservent à l’agriculture un rôle clé dans la réalisation des objectifs nationaux d’atténuation et d’adaptation2. Ce phénomène met en évidence la place centrale qu’occupent les secteurs agricoles, notamment ceux de la culture et de l’élevage, dans la réponse à apporter au changement climatique et dans le développement durable. La contribution de l’agriculture intelligente face au climat tant à l’atténuation qu’à l’adaptation est souvent mise en avant. Dans les faits, 32 pays, dont 40 % des pays les moins avancés, mentionnent ce type d’agriculture dans leur contribution prévue déterminée au niveau national. Les pays expliquent également par quels moyens ils procèderont à l’adaptation au changement climatique ou à son atténuation. L’Ouganda, par exemple, a évoqué le recours à la microfinance pour adapter les secteurs de la culture et de l’élevage au changement climatique. Dans le cadre de l’adaptation, il développera également la valeur ajoutée des produits (grâce à la diversification), la manutention et le stockage après récolte ainsi que l’accessibilité des marchés. Toutefois, l’Ouganda, comme d’autres pays d’Afrique subsaharienne, ne sera pas en mesure d’atteindre ces objectifs sans le soutien de la communauté internationale (FAO, 2016d).

1 Voir : https://www.cordaid.org/en/publications/learning-and-earning-how-value-chain-clearing-alliance-strengthens-farmer-entrepreneurship-ethiopia/.2 Dans la description de leur contribution à l’atténuation, 89 % de l’ensemble des pays évoquent l’agriculture et/ou l’utilisation des terres, le changement

d'affectation des terres et la foresterie (UTCATF). La quasi-totalité des pays incluant l’adaptation dans leur contribution prévue déterminée au niveau national définissent par ailleurs des domaines devant être ciblés en priorité par les interventions d’adaptation et/ou d’atténuation dans le secteur de l’agriculture. Soixante-quatorze pays évoquent la question des ressources en eau dans le cadre de l’adaptation des secteurs agricoles et 54 d’entre eux estiment que l’insécurité alimentaire et la malnutrition font partie des principaux risques associés au changement climatique. Le potentiel du secteur de l’agriculture en matière de création de synergies est également mis en lumière par plusieurs pays (FAO, 2016d).

ENCADRÉ 30

Page 120: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

104

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

Soutien à la mise en œuvre

Le soutien à la mise en œuvre, qui repose sur le renforcement des capacités et l’assistance technique, contribue à concrétiser sur le terrain les modèles systémiques visant à obtenir des chaînes de valeur durables et résilientes sur le plan environnemental. Dans les faits, il encourage la mise en place de nouveaux intermédiaires et initiatives, et/ou le renforcement des capacités de soutien à la mise en œuvre des acteurs ou des organismes en place. En outre, le développement des infrastructures, ou,

plus concrètement, d’axes transformateurs et d’une logistique adaptée (p. ex. des routes en bon état et des moyens de transport fluides garantissant la préservation qualitative des produits frais), constitue l’un des aspects essentiels du soutien à la mise en œuvre. Ce dernier peut également désigner la promotion des investissements dans l’infrastructure et l’atténuation des risques associés dans une optique de durabilité et de résilience. Le tableau 7 fournit une vue d’ensemble des interventions clés par type d’acteur.

Possibilités de contribuer au pilier « soutien à la mise en œuvre », par acteur

TYPE D’ACTEUR ACTIONS CLÉS

Gouvernement 1 Créer des cadres favorisant la collaboration des organismes publics, notamment des services de vulgarisation, avec le secteur privé.

2 Encourager la mise en place de collectifs d’agriculteurs et favoriser le déploiement à grande échelle des pratiques locales.

3 Investir dans le développement des infrastructures et des axes de transport à différents niveaux (régional, national, local) par le biais d’une collaboration entre secteurs public et privé.

Partenaires de développement

1 Jouer un rôle clé dans la création de mesures incitatives par le renforcement des capacités des acteurs de la chaîne de valeur, notamment les agriculteurs (l’encadré 31 fournit des exemples issus du Fonds mondial pour l’environnement et de ses partenaires) et les fournisseurs de semences biologiques, par le financement et la promotion de plateformes d’action collective, par l’élaboration de normes ou en investissant dans des infrastructures de marché plus durables et résilientes.

2 Investir dans le développement des infrastructures (p. ex. dans le cadre d’une coopération public-privé).3 Fournir aux acteurs de la chaîne de valeur des technologies durables et résilientes sur le plan

environnemental ainsi que des formations sur la manière de s’en servir.

Organisations de la société civile

1 Renforcer les capacités des acteurs de la chaîne de valeur, notamment les plus vulnérables d’entre eux (femmes, petits agriculteurs, transformateurs locaux), pour leur permettre d’utiliser des techniques plus durables (p. ex. contribuer à améliorer l’accès aux technologies les plus récentes).

2 Aider les acteurs de la chaîne de valeur à intégrer le marché.3 Plaider en faveur du développement de meilleures infrastructures et de l’innovation technologiques (ou

investir dans ces domaines).

Entreprises 1 Lancer de nouvelles technologies favorisant la durabilité.2 Investir dans le développement des infrastructures en coordination ou en collaboration avec le secteur

public.3 Créer par essaimage des petites et moyennes entreprises fournissant des services de soutien

environnemental.4 Mettre au point des services informatiques facilitant les opérations commerciales dans les

communautés démunies tout en soutenant les pratiques environnementales.

Organismes de recherche

Organiser des formations et assister les services de vulgarisation.

TABLEAU 7

Page 121: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

105

CONCLUSION : UN CADRE D’ACTION ARTICULÉ AUTOUR DE QUATRE PILIERS

Le Fonds mondial pour l’environnement et ses partenaires : renforcement des capacités dans le bassin de la rivière Kagera et en Éthiopie

Le Fonds mondial pour l’environnement (FEM) s’investit de longue date dans le complexe formé par l’agriculture, l’environnement et le changement climatique, notamment par le biais de projets portant sur l’agrobiodiversité, la gestion de l’eau et la dégradation des sols. Grâce aux financements du FEM, des agriculteurs du bassin de la Kagera transforment par exemple des zones dégradées en terre productive : grâce à des écoles pratiques d’agriculture innovantes et à la mise en œuvre d’approches diagnostiques participatives au niveau du paysage, les communautés ont analysé et agi sur leurs terres, leur eau et leurs besoins de subsistance. Le Programme de gestion transfrontalière des agroécosystèmes du bassin de la Kagera intervient auprès des agriculteurs locaux dépendant des ressources du bassin de la rivière, auxquelles ont recours quatre pays : le Burundi, l’Ouganda, le Rwanda et la Tanzanie. Les agriculteurs acquièrent des techniques de gestion intégrée de la fertilité des sols, de gestion de la coordination de la culture et de l’élevage, etc. Plus de 3 000 hommes et femmes sont désormais diplômés d’écoles pratiques et contribuent, à leur échelle, au renforcement de la résilience de leurs communautés. Il est essentiel de s’inspirer de ces expériences1.

Le cadre d’évaluation de la résilience, de l’adaptation et de la transformation (Resilience, Adaptation, and Transformation Assessment [RAPTA] Framework) constitue un autre exemple pertinent : il a été conçu pour guider la mise en pratique (ou intégration) de ces trois concepts (la résilience, l’adaptation et la transformation) dans le cadre de la planification et de la mise en œuvre des projets de développement durable, l’objectif étant d’obtenir un changement et une transformation systémiques. Les sept composantes du RAPTA sont les suivantes : détermination de la portée, mobilisation et gouvernance ; théorie du changement ; description du système ; évaluation du système ; options et orientations ; et apprentissage. Ce cadre peut être appliqué dans différents contextes et situations. Il a été éprouvé en 2016 pour soutenir la conception de deux programmes promouvant la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance durables en Éthiopie. Le Centre de résilience de Stockholm (Stockholm Resilience Centre, SCR) et le PNUD ont contribué à l’évaluation de cette approche à l’échelle nationale en soutenant l’élaboration d’un document de projet du pilote de l’approche intégrée de la sécurité alimentaire du FEM (Food Security IAP), mais également à l’échelle locale en intervenant auprès de la communauté Telecho dans le district de Welmera, dans la région d’Oromia en Éthiopie. Dans ce dernier cas, l’un des objectifs consistait à renforcer les capacités des membres de la communauté en matière de conception, de mise en œuvre et d’évaluation de la résilience, de l’adaptation et de la transformation. Pour atteindre cet objectif, plusieurs ateliers multipartites ont été organisés, notamment des ateliers de familiarisation, de conception de projets et d’exploration des différentes options et orientations. Lors de ce dernier atelier, les participants devaient identifier 1) les interventions clés et 2) pour quels acteurs (p. ex. les agriculteurs ou les ménages dirigés par des femmes) ces interventions étaient décisives. L’une des solutions concrètes mise en avant consistait à établir des moyens de subsistance non agricoles, notamment pour les personnes ne possédant pas de terres et pour les ménages dirigés par des femmes. Ainsi, la pression exercée sur l’environnement du fait de la subdivision des terres pourrait être allégée. D’autres orientations visant l’évaluation de la résilience, de l’adaptation et de la transformation ont émergé : améliorer la résilience de la production agricole pluviale tout en renforçant les systèmes d’irrigation à petite échelle et la spécialisation dans l’horticulture et l’apiculture, ainsi qu’obtenir des emplois décents pour les personnes sans terres et les jeunes.

1 Pour en savoir plus : www.thegef.org.

ENCADRÉ 31

©Rod W

addington

Page 122: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

106

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

Une plateforme multipartite pour connecter les quatre piliers

La mise en oeuvre des actions clés de chacun des quatre piliers nécessite une plateforme multipartite inclusive, axée sur l’action collective, visant à faciliter la transition vers des systèmes et des chaînes alimentaires durables et résilients. Cette plateforme permettra à tous les acteurs de la chaîne de valeur d’échanger des informations, de promouvoir des solutions innovantes, de planifier des stratégies communes visant à définir les priorités, de mener des actions de plaidoyer, d’influencer les parties prenantes, d’assurer le suivi et l’évaluation, et de veiller à la mise en oeuvre de politiques et au respect du principe de responsabilité mutuelle. L’établissement d’objectifs et de délais réalistes, ainsi que l’organisation de consultations régulières afin d’examiner l’évolution des résultats, constitue une condition essentielle favorisant l’amélioration du processus de développement et les capacités de long terme. La plateforme multipartite doit également permettre la prestation d’une formation continue.

La mise en place et la coordination efficace d’une plateforme multipartite, qui aborde les problèmes systémiques et dont les composantes se renforcent mutuellement, reposent sur une approche logique consistant à : 1) cartographier les acteurs de

la chaîne de valeur et déterminer leurs relations ; 2) répertorier les goulets d’étranglement et identifier les conditions et les possibilités en matière de changement ; et 3) élaborer un plan d’action collectif et mettre au point des interventions par groupe d’acteurs (voir figure 4).

étape 1 – Cartographier les acteurs de la chaîne de valeur et déterminer leurs relations

La première étape du processus d’instauration d’une plateforme multipartite consiste à comprendre qui est impliqué dans les activités de la chaîne de valeur et comment ces différents acteurs sont liés les uns aux autres en matière de flux d’information, d’accès à l’information et aux ressources, etc.

Les groupements d’acteurs qui s’ensuivent peuvent prendre différentes formes  : il peut s’agir d’une alliance commerciale inclusive ou d’un autre type d’association sectorielle, ou encore d’un dialogue public-privé. Il importe que ces types de plateformes et d’alliances contribuent à un projet et à un ensemble d’objectifs clairement définis. Par exemple, dans le cadre du Programme régional d’investissement agricole  II  (PRIA  II) du Marché commun de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique australe  (COMESA), lequel vise à éliminer les

Mise en œuvre exhaustive des quatre piliers du cadre d’action par le biais d’une plateforme multipartite (compilée par les auteurs)

FIGURE 4

Quatre piliers

Plateforme multipartite1 Cartographier les acteurs de la chaîne de valeur et déterminer leurs relations

2Répertorier les goulets d’étranglement et identifier les conditions et les possibilités en matière de changement

3Élaborer un plan d’action collectif et mettre au point des interventionspar groupe d’acteurs

Information Ressources Politiques Soutien à la mise en œuvre

Page 123: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

107

CONCLUSION : UN CADRE D’ACTION ARTICULÉ AUTOUR DE QUATRE PILIERS

obstacles au commerce agricole et à mettre les agriculteurs en lien avec les marchés, les échanges ont été encouragés par le biais de dialogues public-privé. Ces derniers étaient axés sur les goulets d’étranglement et visaient à proposer un mécanisme garantissant la transparence et la redevabilité, clarifiant les droits fonciers, mobilisant les petits agriculteurs dans la conception et l’élaboration de projets et veillant à ce que les pratiques des investisseurs respectent les normes internationales les plus exigeantes en la matière. Bien qu’il existe un risque de manque d’inclusivité, l’organisation d’un dialogue public-privé inclusif donne aux petits agriculteurs l’occasion de se faire entendre. Les alliances éthiopiennes d’apprentissage de la chaîne de valeur constituent un autre exemple de plateforme multipartite : des groupes spécifiques d’agriculteurs étaient invités à participer à des formations, notamment pratiques, et à partager leurs expériences. Les expériences de terrain étaient ensuite relayées à des niveaux politiques supérieurs, dont le bureau du Premier ministre. Une composante importante de cette intervention était dédiée au suivi et requérait de la part des différents ministères des retours assortis d’une échéance172.

étape 2 – répertorier les goulets d’étranglement et identifier les conditions et les possibilités en matière de changement

Cette deuxième étape vise à identifier les principaux problèmes et goulets d’étranglement rencontrés par les différents acteurs tout au long de la chaîne de valeur. Il convient également de se souvenir que la plupart des goulets d’étranglement sont issus des rapports de force asymétriques régissant les chaînes de valeur agroalimentaires  : les décisions relatives aux exigences de performance  (p.  ex. normes qualitatives), les divisions fonctionnelles du travail et la fixation des prix sont en général le fait d’un groupe d’acteurs puissants, souvent de gros détaillants et transformateurs, et transmis ensuite aux acteurs vulnérables que sont les petits agriculteurs, les MPME et les négociants. Cette dynamique impose de fortes restrictions à la marge de manœuvre de certains acteurs. Par exemple, face à des normes qualitatives strictes et à des pressions tarifaires, les gros agriculteurs peuvent décider unilatéralement de restructurer leur méthode de sourçage au détriment des travailleurs, transférant ainsi les coûts et les risques sur les acteurs les plus vulnérables.

Les plateformes multipartites peuvent être mises à profit pour stimuler une discussion franche sur les goulets d’étranglement auxquels se heurtent les acteurs de la chaîne de valeur et sur les réformes politiques et investissements requis pour surmonter les principaux obstacles au développement de chaînes de valeur pérennes, durables et résilientes en Afrique subsaharienne, ainsi que sur les rôles adéquats de chaque partie prenante en ce qui concerne le soutien de ces interventions  (voir étape 3).

172 Voir : https://www.cordaid.org/en/publications/learning-and-earning-how-value-chain-clearing-alliance-strengthens-farmer-entrepreneurship-ethiopia/.

L’avantage de cette approche réside dans sa capacité à renforcer la confiance entre les parties prenantes et, ainsi, à leur permettre d’identifier et de mettre en œuvre les actions clés nécessaires pour promouvoir des pratiques durables et résilientes au sein des chaînes de valeur alimentaires.

étape 3 – élaborer un plan d’action collectif et mettre au point des interventions par groupe d’acteurs

Comme mentionné plus haut, une plateforme multipartite doit être tournée vers l’action. Les plateformes et alliances doivent créer un espace pour discuter des méthodes participatives des agriculteurs et des obstacles auxquels ils font face, trouver des solutions, faire preuve d’innovation et stimuler les transferts de connaissances et de technologies. À partir de ces exercices, les différents acteurs peuvent convenir d’un projet et d’objectifs communs, et mettre au point un plan d’action collectif ainsi qu’une stratégie commune de définition des priorités, de lobbying, d’influence et de suivi et d’évaluation. L’engagement multipartite peut favoriser le renforcement des capacités grâce à la diffusion de nouvelles informations sur la résilience, les phénomènes météorologiques, les nouvelles semences biologiques, etc. auprès des agriculteurs par le biais de différentes voies de communication  (par exemple par réseau mobile). Chaque intervention doit veiller à ce que les petits agriculteurs soient au centre des mesures prises, de façon à ce que les services de recherche, de développement et de vulgarisation répondent à leurs besoins. C’est pourquoi dans les deux cas, la stratégie consiste à renforcer l’intérêt qu’ont les acteurs les plus puissants dans les conditions de travail des producteurs.

En outre, les dix principes directeurs orientant le développement de chaînes de valeur alimentaires durables, comme le définit la FAO  (2014), constituent un cadre utile à l’identification des stratégies politiques, programmatiques ou de projet adéquates pour obtenir des chaînes de valeur alimentaires durables dans un pays donné. Non seulement ce cadre réduit les externalités environnementales, mais il contribue à augmenter les salaires, les bénéfices nets des propriétaires, les recettes fiscales et le surplus du consommateur. Ces dix principes, qui comprennent la durabilité économique, sociale et environnementale et les approches axées sur le marché final et sur la gouvernance, sont répartis entre trois phases clés du développement de chaînes de valeur alimentaires durables  : mesure, compréhension et amélioration de la performance  (FAO, 2014). Ils peuvent orienter la conception d’un plan d’action collective et constituer un bon point de départ à la transition vers des systèmes alimentaires durables dans lesquels les différentes chaînes de valeur présentes à l’échelle nationale seraient intégrées en un unique ensemble. Cette approche se traduit notamment par les recherches menées sur le potentiel associé à la culture

Page 124: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

108

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

coordonnée d’espèces négligées et sous-exploitées  (ENSE) et de plantes plus conventionnelles, à la production massive et bénéficiant d’un large soutien, telles que le maïs ou le riz. En outre, les interventions ont davantage de chances de réussir si les paysages sont pris en compte, ce qui permet d’adopter une perspective systémique plus large que l’échelle de l’exploitation agricole. Différentes lacunes dans les connaissances peuvent être comblées par le biais de l’approche paysagère, notamment en ce qui concerne les sciences et les savoirs traditionnels  (autochtones), les recherches et les données sur le comportement des consommateurs, et la combinaison des agricultures conventionnelle et biologique.

Selon Reij et Winterbottom  (2015), la voie à suivre consiste à partir de la base et déployer les initiatives locales à plus grande échelle  : il s’agit de lancer un mouvement populaire qui enclencherait le processus  (Reij et Winterbottom, 2015, p.  34) et témoignerait du succès des pratiques durables et résilientes. Concrètement, les producteurs seront en mesure d’améliorer leur performance et leur rendement par le biais d’interventions collectives, telles que la certification groupée selon une norme de durabilité, la commercialisation conjointe de leurs produits, ou la création d’associations plus importantes pour défendre leurs intérêts. Il s’agit là d’une condition préalable à l’amélioration de la performance, des liens et de l’accès aux ressources.

Enfin, cette plateforme doit favoriser une collaboration approfondie en interne et le perfectionnement de l’assistance technique fournie par les organismes et programmes des Nations Unies intervenant sur le complexe développement, environnement et résilience pour proposer des solutions efficaces dans la région (le PNUD, le PNUE, la FAO, l’Organisation

des Nations Unies pour le développement industriel [ONUDI], le Programme alimentaire mondial [PAM] et l’Organisation météorologique mondiale [OMM], notamment).

Un appel à l’actionEn vue de faire progresser le « cadre d’action » et de soutenir la nécessaire transition vers des chaînes de valeur alimentaires durables et résilientes en Afrique subsaharienne, tous les acteurs de ces chaînes de valeur doivent s’impliquer dans une coopération et une coordination renforcées par le biais d’une plateforme multipartite. Cette plateforme favorise le partage d’informations, la mise au point de politiques et de réglementations adaptées  (et donc de mesures incitatives adéquates), la fourniture de différents types de ressources et le soutien à la mise en œuvre  (notamment par le biais du renforcement de la responsabilité mutuelle). À partir des enseignements tirés de la présente étude, les trois recommandations supplémentaires ci-dessous s’imposent.

• Il est essentiel de poursuivre et d’élargir les recherches factuelles sur les principales chaînes de valeur alimentaires d’Afrique subsaharienne afin d’obtenir une mise en application plus globale des principes sous-tendant les chaînes de valeurs agroalimentaires et les systèmes alimentaires durables et résilients. Les nombreuses études de cas évoquées ici montrent que les techniques et méthodes durables, résilientes et adaptées au climat sont encore très rares dans les pays d’Afrique subsaharienne. Des recherches approfondies permettront ainsi d’analyser les caractéristiques communes à ces interventions souvent similaires, de façon

©Isaac Billy/U

N Photo

Page 125: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

109

CONCLUSION : UN CADRE D’ACTION ARTICULÉ AUTOUR DE QUATRE PILIERS

à optimiser la production dans de nouvelles conditions et à élaborer une base de données des options disponibles pour cette région. Par exemple, les systèmes d’exploitation mixte ont été évoqués au titre d’option viable pour le secteur de l’élevage. Des recherches supplémentaires doivent toutefois être menées sur les options disponibles en matière de pastoralisme  (nomade) lorsque les sols et le manque d’eau ne permettent pas l’exploitation agricole des terres. L’examen d’autres options  (telles que l’alimentation complémentaire, l’instauration de nouveaux points d’eau et le compartimentage), ainsi que des avantages et inconvénients de la promotion des systèmes traditionnels de gestion des parcours, peut être approfondi. En raison de la vue d’ensemble dont elles disposent, l’Union africaine et les Communautés économiques régionales, notamment, ont un rôle essentiel à jouer dans la compensation de ces lacunes en matière de connaissances.

• La façon dont la commercialisation renforcée des produits alimentaires peut être utilisée efficacement aux fins de la transition vers des systèmes alimentaires durables doit faire l’objet d’analyses plus approfondies. Par exemple, les grandes entreprises peuvent soutenir le développement durable des PME fournissant des services d’appui. Elles peuvent également mettre au point des systèmes informatiques facilitant les opérations commerciales dans les communautés à faible revenu. Si la question des bonnes pratiques a été traitée dans le cadre de cette étude, la prochaine étape consiste à mener une analyse plus approfondie des mécanismes requis dans le cadre de leur application générale. L’élaboration de mesures appropriées de ce type nécessitera l’expérimentation de nouveaux liens institutionnels entre les acteurs des secteurs public et privé.

• Des analyses d’économie politique (AEP) plus approfondies sont nécessaires pour appréhender la robustesse des mesures incitatives, ainsi que leur potentiel en matière de modification des comportements. Cette affirmation est particulièrement pertinente dans le domaine complexe de la durabilité environnementale, de la résilience, ainsi que des chaînes de valeur et des systèmes alimentaires, lequel implique un vaste ensemble d’acteurs aux intérêts divergents, une culture, des normes et des processus décisionnels complexes, la nécessité d’un apprentissage ascendant et descendant, etc. Pour adopter une approche innovante des AEP, il convient de recourir à cinq grilles d’analyses différentes. Ces grilles permettent de systématiser les informations et les données de façon à analyser les vecteurs et les contraintes propres à des domaines spécifiques à partir 1) des facteurs fondamentaux et structurels ; 2) des aspects institutionnels formels et informels ; 3) des différents acteurs et de leurs intérêts  ; 4) des caractéristiques spécifiques au secteur  ; et 5) des facteurs et influences externes. Cette approche globale abordant notamment les questions des relations entre acteurs, des dynamiques et des possibilités de changement est particulièrement pertinente compte tenu de la grande complexité qui caractérise la transition vers des chaînes de valeur alimentaires durables et résilientes en Afrique subsaharienne  (Byiers, Vanheukelom et Kingombe, 2015). En d’autres termes, il sera judicieux de recourir aux AEP pour répondre à une question clé qui mérite d’être examinée davantage : comment mettre les agriculteurs en lien avec les marchés dans le cadre de leurs chaînes de valeur spécifiques, tout en tenant compte de la complexité du contexte propre à chacun des pays d’Afrique subsaharienne ?

©H

arandane Dicko/U

N Photo

Page 126: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

110

Abass, A. B. et al. 2013. Potential for Commercial Production and Marketing of Cassava: Experiences from the Small-scale Cassava Processing Project in East and Southern Africa. Ibadan, Nigéria : IITA. www.iita.org.

Adjei-Nsiah, S. 2012. Role of Pigeonpea Cultivation on Soil Fertility and Farming System Sustainability in Ghana. In : International Journal of Agronomy. Vol. 2012, p. 1-8.

Agence européenne pour l’environnement. 2012. Streamlining European Biodiversity Indicators 2020: Building a Future on Lessons Learnt from the SEBI 2010 Process. Rapport technique de l’AEE, no 11.

Agence française de développement, CIRAD, FIDA. 2010. Cadre opérationnel d’intervention pour un développement des cultures vivrières pluviales en Afrique de l’Ouest et du Centre. Éléments d’analyse et de propositions. http://www.fidafrique.net/IMG/pdf/CVPaout2010.pdf.

Agricultural Transformation Agency (ATA). (s.d.). Agricultural Transformation Agenda Progress Report GTP I: 2011-15 in the GTP I period. www.ata.gov.et.

Ajayi, J. O. 2015. Effects of Climate Change on the Production and Profitability of Cassava in the Niger Delta Region in Nigeria. In : Agris on-line Papers in Economics and Informatics. Vol. 7, 2e édition, p. 3-11.

Akibode, S. et M. Maredia. 2011. Global and Regional Trends in Production, Trade and Consumption of Food Legume Crops. Rapport soumis au Standing Panel on Impact Assessment (SPIA). Michigan : Department of Agricultural, Food and Resource Economics, Michigan State University.

Alkemade, R. et al. 2012. Assessing the Impacts of Livestock Production on Biodiversity in Rangeland Ecosystems. In : Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America. Vol. 110, no 52, p. 20900-20905.

Alliance for a Green Revolution in Africa (AGRA). 2016. Africa Agriculture Status Report 2016 – Progress towards Agricultural Transformation in Africa. https://agra.org/aasr2016/.

Alpizar, F. et A. Bovarnick. 2013. Targeted Scenario Analysis: A New Approach to Capturing and Presenting Ecosystem Service Values for Decision Making. PNUD.

Andrews, M. 2013. The Limits of Institutional Reform in Development. New York : Cambridge University Press.

Andrews, M., L. Pritchett, et M. Woolcock. 2012. Escaping Capability Traps through Problem-Driven Iterative Adaptation (PDIA). Document de travail no 299 du Center for Global Development de l’université d’Harvard.

Ashburner, J., T. Friedrich et J. Benites. 2002. Opportunities and Constraints for Conservation Agriculture in Africa. www.fao.org.

Bahl, P. N. 2015. Climate Change and Pulses: Approaches to Combat its Impact. In : Agricultural Research. Vol. 4, no 103.

Banque africaine de développement. 2016. Nourrir l’Afrique. Stratégie pour la transformation de l’agriculture africaine, 2016-2025. Abidjan, Côte d’Ivoire : Banque africaine de développement.

Banque africaine de développement, WWF. 2012. Rapport sur l’empreinte écologique de l’Afrique. Infrastructures vertes pour la sécurité écologique de l’Afrique. Banque africaine de développement et Fonds mondial pour la conservation de la nature (WWF).

Banque mondiale. 2006. Sustainable Land Management. Challenges, opportunities, and trade-offs. Washington, DC : Banque internationale pour la reconstruction et le développement (Banque mondiale).

Banque mondiale. 2009. Gender in Agriculture - Sourcebook. Washington DC : Banque internationale pour la reconstruction et le développement (Banque mondiale).

Banque mondiale. 2011. Strategic Environmental Assessment in Policy and Sector Reform – Conceptual Model and Operational Guidance. Washington DC : Banque internationale pour la reconstruction et le développement (Banque mondiale).

Barratt, N. et al. 2006. Cassava as Drought Insurance: Food Security Implications of Cassava Trials in Central Zambia. In : Agrekon. Vol. 45, no 1, p. 106-123.

Bekele-Tesemma, Azene. 2007. Profitable Agroforestry Innovations for Eastern Africa: Experience from 10 agroclimatic zones of Ethiopia, India, Kenya, Tanzania and Uganda. Unité de la gestion régionale des terres (Regional Land Management Unit) (projet RELMA-in ICRAF), Centre international pour la recherche en agroforesterie.

Boix-Fayos, C. et al. 2006. Measuring Soil Erosion by Field Plots: Understanding the Sources of Variation. In : Earth-Science Reviews. Vol. 78, p. 267-285.

Bryan, E. et al. 2013. Can Agriculture Support Climate Change Adaptation, Greenhouse Gas Mitigation and Rural Livelihoods? Insights from Kenya. In : Climatic Change. Vol. 118, p. 151-165.

Buah, S., S. K. Nutsugah, R.A.L Kanton, et K. Ndiaye. 2011. Enhancing Farmers’ Access to Technology for Increased Rice Productivity in Ghana. In : African Journal of Agricultural Research. Vol. 6, n° 19, p. 4455-4466.

Byiers, B. et J. Bessems. 2015. Costs If You Do, Costs If You Don’t: Promoting Responsible Business and Reporting – Challenges for Policy Makers. Document de réflexion 176. Maastricht : Centre européen de gestion des politiques de développement.

Byiers, B, J. Vanheukelom et C. Kingombe. 2015. A Five Lenses Framework for Analyzing the Political Economy in Regional Integration. Banque africaine de développement, Africa Economic Brief, Vol. 6, no 3.

Cairns, J. E. et al. 2013. Adapting maize production to climate change in sub-Saharan Africa. In : Food Security. Vol. 5, no 3 : p. 345–360.

Carr, M. K. V. 2014. The Water Relations and Irrigation Requirements of Mango (Mangifera indica L.): A Review. In : Experimental Agriculture. Vol. 50, no 1 : p. 1-23.

CDE. 2009. Benefits of Sustainable Land Management. Centre for Development and Environment. http://www.unccd.int/.

CEDEAO. (s.d.). Les légumineuses : les plus solides aux changements climatiques. http://climatechange.ecowas-agriculture.org/node/49

CEDEAO. (s.d.). Codex Standard for Certain Pulses. http://www.fao.org/fao-who-codexalimentarius/codex-home/en/

Centre du riz pour l’Afrique (AfricaRice). 2016. African Rice Center (AfricaRice) Annual Report 2015: Investing in Rice Research and Innovation for Africa. Abidjan, Côte d’Ivoire.

Chamberlin, J., T. S. Jayne et D. Headey. 2014. Scarcity amidst abundance? Reassessing the potential for cropland expansion in Africa. In : Food Policy. Vol. 48 : p. 51-65.

Chea. A. C. 2012. Sub-Saharan Africa and Global Trade: What Sub-Saharan Africa Needs to Do to Maximize the Benefits from Global Trade Integration, Increase Economic Growth and Reduce Poverty? In : International Journal of Academic Research in Business and Social Science. Vol. 2, no 4: p. 359-384.

BIBLIOGRAPHIE

Page 127: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

111

Centre du commerce international (CCI). 2014. Kenya: Road Map for Developing & Strengthening the Processed Mango Sector. www.intracen.org.

CIRAD. 2016. Afrique de l’Ouest : des pratiques innovantes pour restaurer la fertilité des sols et séquestrer le carbone. www.cirad.fr.

Commission européenne – Centre commun de recherches – Institut pour l’environnement et la durabilité. 2010. International Reference Life Cycle Data System (ILCD) Handbook - Framework and Requirements for Life Cycle Impact Assessment Models and Indicators. Première édition, mars 2010. EUR 24586 EN. Luxembourg. Office des publications de l’Union européenne.

Commission mondiale sur l’environnement et le développement. 1987. Notre avenir à tous. Oxford : Oxford University Press (pour la version anglaise).

Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification. 2009. Atlas des produits des zones arides d’Afrique. www.unccd.int.

Cook, D. 2016. Presentation at Pulses (Webinar): The Heroes of Nutrition and Agricultural Sustainability. Douglas-cook_securenutrition-bbl_pulses_october-2016.

Corbeels, M. et al. 2014. Understanding the Impact and Adoption of Conservation Agriculture in Africa: A Multi-Scale Analysis. In : Agriculture, Ecosystems and Environment. Vol. 187 : p. 155-170.

Crutzen, P. J., A. R. Mosier, K.A. Smith et W. Winiwarter. 2008. N2O Release from Agro-biofuel Production Negates Global Warming Reduction by Replacing Fossil Fuels. In : Atmospheric Chemistry and Physics, no 8 : p. 389-395

Daly, H. E. 1990. Toward some operational principles of sustainable development. In : Ecological Economics, no 2 : p. 1-6.

Daryanto S., L. Wang and P.-A. Jacinthe. 2015. Global Synthesis of Drought Effects on Food Legume Production. In : PLoS ONE. Vol. 10, no 6: p. 1-16.

Davies J. et al. 2012. Conservation de la biodiversité des zones arides. Union internationale pour la conservation de la nature et des ressources naturelles (UICN).

Defoer, T. et al. (s.d.) Rice-based production systems for food security and poverty alleviation in sub-Saharan Africa. www.fao.org.

De Jager, I. 2013. Literature study: Nutritional benefits of legume consumption at household level in rural areas of sub-Saharan Africa, www.N2Africa.org.

De Vries, M., C. E. van Middelaar et I. J. M. de Boer. 2015. Comparing environmental impacts of beef production systems: A review of life cycle assessments. In : Livestock Science. Vol. 178 : p. 279-288.

Dickhöfer, U., K. Butterbach-Bahl et D. Pelster. 2014. What is Needed for Reducing the Greenhouse Gas Footprint? In : Rural21. Vol. 48, no 4 : p. 31-33.

Downs, S. et J. Fanzo. 2015. Chapter 1.3: Managing Value Chains for Improved Nutrition. https://www.karger.com/Article/Pdf/452374.

Ehlers, J. 2016. Giving smallholders in Africa a stronger pulse! http://iyp2016.org/news/268-giving-smallholders-in-africa-a-stronger-pulse

Eisler, M. et al. 2014. Agriculture: Steps to sustainable livestock. In : Nature. Vol. 507, no 7490.

Ekbom, A. 2009. Africa Environment and Climate Change Policy Brief. Brief written at the request of SIDA by A. Ekbom, faculté des sciences économiques, université de Göteborg.

FAO. 2006. L’ombre portée de l’élevage. Impacts environnementaux et options pour leur atténuation. Rome : FAO.

FAO. 2010. Greenhouse Gas Emissions from the Dairy Sector: A Life Cycle Assessment. Rome : FAO

FAO. 2010. Base de données statistiques de la FAO. Rome : FAO.

FAO. 2013. Produire plus avec moins : le manioc. Guide pour une intensification durable de la production. Rome : FAO.

FAO. 2014. Développer des chaînes de valeur alimentaires durables. Principes directeurs. Rome : FAO.

FAO. 2015. Croissance agricole en Afrique de l’Ouest. Facteurs déterminants de marché et de politique. Rome : FAO.

FAO. 2016a. Diversification under Climate Variability as part of a CSA Strategy in Rural Zambia. Document de travail no 16-17 de la Division de l’économie du développement agricole. Rome : FAO.

FAO. 2016b. How Do Markets Encourage the Adoption of Sustainable Practices? The Role of Institutional Innovations in Developing Countries. Rome : FAO.

FAO. 2016c. Le développement agricole durable au service de la sécurité alimentaire et de nutrition. Un rapport du Groupe d’experts de haut niveau pour la sécurité alimentaire et la nutrition. Rome : FAO.

FAO. 2016d. The Agriculture Sectors in the Intended Nationally Determined Contributions. Une analyse de Strohmaier, R., J. Rioux, A. Seggel, A. Meybeck, M. Bernoux, M. Salvatore, J. Miranda, et A. Agostini (dir.). Document de travail no 62 du Département de la gestion des ressources naturelles et de l'environnement. Rome : FAO.

FAO. 2016e. La situation mondiale de l’alimentation et de l’agriculture. www.fao.org.

FAO et FIDA. 2001. Strategic Environmental Assessment: An Assessment of the Impact of Cassava Production and Processing on the Environment and Biodiversity. Rome : FAO et FIDA.

FAO/INRA. 2016. Innovative Markets for Sustainable Agriculture: How Innovations in Market Institutions Encourage Sustainable Agriculture in Developing Countries. A. Loconto, A.S. Poisot et P. Santacoloma (dir.). Rome, Italie : FAO/INRA

FIDA. 2007. Value Chains, Linking Producers to the Markets. Livestock Thematic Papers: Tools for Project Design. Rome : IFAD.

FIDA. 2014. Note pratique. Projets de développement des filières agricoles. Pour une insertion durable des petits producteurs dans les filières agricoles.

FIDA. 2016. The Economic Advantage: Assessing the Value of Climate-Change Actions in Agriculture. Rome : FIDA.

Fiksel, J. 2003. Designing Resilient, Sustainable Systems. In : Environmental Science and Technology. Vol. 37 : p. 5330-5339.

Financial Tribune. 2015. WEF to Unlock Billions to Realize UN Goals. https://financialtribune.com/articles/world-economy/21390/wef-to-unlock-billions-to-realize-un-goals

Fonds vert pour le climat. 2015. Analysis of the Expected Role and Impact of the Green Climate Fund. www.gcfund.org

Gaffney, J. et al. 2016. Robust Seed Systems, Emerging Technologies, and Hybrid Crops for Africa. In : Global Food Security. Vol. 9 : p. 36-44.

Gallina A. 2016. Gender dynamics in dairy production in Kenya: A literature review. Document de travail du CCAFS no 182. Programme de recherche du CGIAR sur le changement climatique, l’agriculture et la sécurité alimentaire (CCAFS). Copenhague, Danemark. www.ccafs.cgiar.org.

Garrett, L. et B. Neves. 2016. Incentives for Ecosystem Services: Spectrum. FAO : Rome.

Page 128: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

112

Gasparri, N. I. et al. 2016. The Emerging Soybean Production Frontier in Southern Africa: Conservation Challenges and the Role of South-South Telecouplings. In : Conservation Letters. Vol. 9 : p. 21-31.

Global Canopy Programme (GCP), Ecoagriculture Partners, Sustainable Trade Initiative (IDH), The Nature Conservancy (TNC) et Fonds mondial pour la nature (WWF). 2015. Le Petit livre des paysages durables. Assurer un développement durable par la gestion intégrée du paysage. http://globalcanopy.org/.

Gerber, P. J. et al. 2013. Lutter contre le changement climatique grâce à l’élevage – Une évaluation des émissions et des opportunités d’atténuation au niveau mondial. Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), Rome.

GIZ. 2013. The Ecological Footprint of Cassava and Maize Post-Harvest-Losses in Nigeria - A Life Cycle Assessment. Bonn : Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ).

Gliessman, S. R., 2006. Agroecology: The Ecology of Sustainable Food Systems. Deuxième édition. CRC Press.

Global Pulse Confederation. (s.d.). The Many Nutritional Benefits of Pulses. http://iyp2016.org/resources/documents/factsheets

Gomez, M. I. et al. 2011. Research Principles for Developing Country Food Value Chains. In : Science. Vol. 332, n° 6034 : p. -1155.

Haggblade, S. et al. 2012. Staple Food Market Sheds in West Africa. Document de travail no 121 du Center for Advanced study of International Development, Michigan State University, East Lansing.

Harris, D. et A. Orr. 2014. Is Rainfed Agriculture Really a Pathway from Poverty? In: Agricultural Systems. Vol. 123 : p. 84-96.

Hellin, J. et M. Meijer. 2006. Guidelines for Value Chain Analysis. www.fao.org.

Herrero, M. et al. 2013. Biomass use production, feed efficiencies, and greenhouse gas emissions from global livestock system. In : Proceedings of the National Academy of Sciences. Vol. 110, no 52 : p. 20888-20893.

Honja, T. 2014. Review of Mango Value Chain in Ethiopia. In : Journal of Biology, Agriculture and Healthcare. Vol. 4, no 25 : p. 230-239.

Howeler, R. H. 2001. Nutrient Inputs and Losses in Cassava-based Cropping Systems - Examples from Vietnam and Thailand. Document de travail de l’International Workshop on Nutrient Balances for Sustainable Agricultural Production and Natural Resource Management in Southeast Asia, Bangkok, Thaïlande. www.ciat-library.ciat.cgiar.org.

Hsieh, Y. P., K. T. Grant et G.C. Bugna. 2009. A Field Method for Soil Erosion Measurements in Agricultural and Natural Lands. In : Journal of Soil and Water Conservation. Vol. 64, no 6: p. 374-382.

Huyn B. L. et al. 2014. Genomic resources applied to marker-assisted breeding in cowpeas. http://www.slideshare.net/GCProgramme/pag-xxii-cowpea-molecular-breeding-huynh-et-al/3

IIED et SOS Sahel. 2010. Modernité, mobilité. L’avenir de l’élevage dans les zones arides d’Afrique. Institut international pour l’environnement et le développement (IIED) et SOS Sahel UK.

Institut de la Banque mondiale (s.d.). Sustainable Rice Intensification (SRI): Achieving more with less. A new way of rice cultivation. Washington DC : Banque internationale pour la reconstruction et le développement (Banque mondiale).

Institut de recherche de l’agriculture biologique (FiBL). 2009. African Organic Agriculture Training Manual. A Resource Manual for Trainers.

Institut international de recherche sur l’élevage (ILRI). (s.d.). Mixed farming systems in sub-Saharan Africa. http://www.fao.org/wairdocs/ilri/x5462e/x5462e0e.htm

IPES-Food. 2016. From Uniformity to Diversity: A Paradigm Shift from Industrial Agriculture to Diversified Agroecological Systems. International Panel of Experts on Sustainable Food Systems. www.ipes-food.org.

Jarvis, A. et al. 2012. Is Cassava the Answer to African Climate Change Adaptation? In : Tropical Plant Biology. Vol. 5, no 1 : p. 9-29.

Kaul, I., I. Grunberg et M. Stern (dir.). 1999. Global Public Goods: International Cooperation in the 21st Century. New York et Oxford : Oxford University Press pour le PNUD.

Keerthisinghe, G. (s.d.). Stratégies régionales pour les systèmes rizicoles durables en Asie et dans le Pacifique : enjeux et perspectives. www.fao.org.

Khan, M. 2012. The Political Economy of Inclusive Growth. In : OCDE et Banque mondiale (dir.) Promoting Inclusive Growth: Challenges and Politics. Paris : OCDE.

Kissinger, G. 2016. Pulse crops and sustainability: A framework to evaluate multiple benefits.

KIT et IIRR. 2010. Value Chain Finance: Beyond Microfinance for Rural Entrepreneurs. Amsterdam: Royal Tropical Institute ; Nairobi : International Institute of Rural Reconstruction (IIRR).

Knaepen, H., C. Torres et F. Rampa. 2015. Making agriculture in Africa climate-smart: From continental policies to local practices. Note de synthèse 80. Maastricht : Centre européen de gestion des politiques de développement.

Kolawole, O. P. 2014. Cassava Processing and the Environmental Effect. Forum mondial de la durabilité 2014. Compte-rendu de la conférence. Quatrième forum mondial de la durabilité (1-30 novembre 2014).

Koroma, S. et al. 2016. Promoting regional trade in pulses in the Horn of Africa. Accra : FAO.

Kueffer, C. et al. 2012. Enabling Effective Problem-oriented Research for Sustainable Development. In : Ecology and Society. Vol. 17, no 4 : article 8.

Legg, J. et al. 2014. A Global Alliance Declaring War on Cassava Viruses in Africa. In : Food Security. Vol. 6 : no 2 : p. 231-248.

Liniger, H. P., R. Mekdaschi Studer, C. Hauert et M. Gurtner. 2011. La pratique de la gestion durable des terres. Directives et bonnes pratiques pour l’Afrique subsaharienne. TerrAfrica, Étude mondiale des approches et des technologies de conservation (WOCAT) et Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO).

Loh, J. 2015. Initiative for Biodiversity Impact Indicators for Commodity Production. Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique (SCBD), Mainstreaming, Partnerships and Outreach (MPO) Division. www.cbd.int.

Mackie, J., M. Deneckere et G. Galeazzi. 2017. Des moyens à la hauteur des priorités. Enjeux pour les relations Afrique-UE en 2017. Challenges Paper n° 8. Maastricht : Centre européen de gestion des politiques de développement.

Manyatsi, A. M. et N. Mhazo. 2014. A Comprehensive Scoping and Assessment Study of Climate Smart Agriculture Policies in Swaziland. www.fanrpan.org.

Mapfumo, P., F. Mtambanengwe, K. Giller et S. Mpepereki. 2005. Tapping indigenous herbaceous legumes for soil fertility management by resource-poor farmers in Zimbabwe. www.wur.nl.

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

Page 129: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

113

Maredia, M. 2012. Global Pulse Production and Consumption Trends: The Potential of Pulses to Achieve ‘Feed the Future’ Food and Nutritional Security Goals. Présentation réalisée à l’occasion de la réunion des chercheurs de l’initiative Global Pulse (Global Pulse Researchers Meeting), Rwanda, 13-19 février 2012.

Maru Y. et al. 2017. Making ‘resilience’, ‘adaptation’ and ‘transformation’ real for the design of sustainable development projects: piloting the Resilience, Adaptation Pathways and Transformation Assessment (RAPTA) framework in Ethiopia. Australie : Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation (CSIRO).

Mati, Bancy M. (s.d.). System of Rice Intensification (SRI): Growing More Rice while Saving on Water. http://sri.cals.cornell.edu/countries/kenya/extmats/Kenya_SRI_Manual2012.pdf

Mbanasor, J. et al. 2015. Impact of Climate Change on the Productivity of Cassava in Nigeria. In : Journal of Agriculture and Environmental Sciences. Vol. 4, no 1 : p. 138-147.

Mécanisme de la Société Civile (MSC). 2016. L’établissement de liens entre les petits exploitants et les marchés. Un guide analytique. http://www.csm4cfs.org/.

Ministère de l’Agriculture, République du Kenya. 2013. Strategic Plan 2013–2017 (Revised 2015). www.kilimo.go.ke.

Moore, M. et H. Schmitz. 2008. Idealism, Realism and the Investment Climate in Development Countries. Document de travail no 307. Brighton : Institute of Development Studies (IDS).

Moser, C. et C. Barrett. 2003. The disappointing adoption dynamics of a yield-increasing, low external-input technology: the case of SRI in Madagascar. In : Agricultural Systems. Vol. 76, no 3 : p. 1085-1100.

Mulvaney, R. L., S. A. Khan et T. R. Ellsworth. The Browning of the Green Revolution. Urbana : université de l’Illinois.

Nations Unies. 2011. Global Drylands: A UN System-Wide Response. www.unccd.int.

Nedumaran, S. et al. 2015. Grain Legumes Production, Consumption and Trade Trends in Developing Countries. Document de travail no 60. Programme de recherche de l’ICRISAT sur les marchés, les institutions et les politiques. Patancheru 502 324, Telangana, Inde : Institut international de recherche sur les cultures des zones tropicales semi-arides (ICRISAT).

NEPAD, 2009. CAADP Pillar III Framework for African Food Security (FAFS). www.nepad-caadp.net

NEPAD, 2010. Growth and Food Security Through Increased Agricultural Productivity and Trade. A Medium-Term Investment Plan for Kenya’s Agricultural Sector: 2010–2015. www.nepad-caadp.net.

Norman, J. C. et B. Kebe. African smallholder farmers: rice production and sustainable livelihoods. www.fao.org.

Nugent, C. 2009. Review of environmental impact assessment and monitoring in aquaculture in Africa. In : FAO. Environmental impact assessment and monitoring in aquaculture. Document technique sur les pêches et l’aquaculture no 527. Rome : FAO.

Oakland Institute et Alliance pour la souveraineté alimentaire en Afrique (AFSA). 2014. Pour lutter contre la sécheresse, le Malawi et la Zambie optent pour le manioc. Agroecology Case Studies. www.afsafrica.org.

Obayelu, O. A., O. O. Akintunde, et A.E. Obayelu. 2015. Determinants of On-farm Cassava Biodiversity in Ogun State, Nigeria. In : International Journal of Biodiversity Science, Ecosystem Services & Management. Vol. 11, no 4 : p. 298-308.

OCDE/FAO. 2016. Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO, 2016-2025. Paris : Éditions OCDE.

Odongo, D. 2016. Greenhouse Gas Emissions from African Cattle Excreta Less than Estimated. Mazingira.ilri.org.

OIT. 2016. World Employment and Social Outlook 2016: Trends for Youth. Genève : Organisation internationale du Travail (OIT).

Oxfam. 2016. Making Maize Markets Work for All in Southern Africa. Document d'information d'Oxfam. www.oxfam.org.

PNUD. 2013a. International Guidebook of Environmental Finance Tools. A Sectoral Approach: Protected Areas, Sustainable Forests, Sustainable Agriculture and Pro-Poor Energy. www.undp.org.

PNUD. 2013b. Révéler les richesses caches de l’Afrique : créer des entreprises inclusives pour une prospérité partagée. www.undp.org.

PNUD. 2015. Investissement d’impact en Afrique : Tendances, contraintes et opportunités. Addis-Abeba : Centre de service régional pour l’Afrique du Programme des Nations Unies pour le développement.

PNUE. 2008. Carbon in drylands: desertification, climate change and carbon finance. www.unep.org.

Poulton, C. et al. 2014. The Comprehensive Africa Agriculture Development Programme (CAADP): Political Incentives, Value Added and Ways Forward. Document de travail 077. www.future-agricultures.org.

Pretty, J., C. Toulmin et S. Williams. 2011. Sustainable intensification in African agriculture. In: International Journal of Agricultural Sustainability. Vol. 9, no 1 : p 5-24.

Ramirez-Villegas, J. et P. K. Thornton. 2015. Document de travail du CCAFS no 119. Programme de recherche du CGIAR sur le changement climatique, l’agriculture et la sécurité alimentaire (CCAFS). Copenhague, Danemark. www.ccafs.cgiar.org.

Rampa, F. 2016. Stuck in the middle: agriculture and climate change at COP22. Blog Talking Points du Centre européen de gestion des politiques de développement, 23 septembre 2016. Maastricht : Centre européen de gestion des politiques de développement.

Rampa, F. et L.-A. Van Wyk. 2014. Regional food security and water in SADC: The potential for sectoral-synergies within CAADP for the implementation of the SADC Regional Agricultural Policy. Centre européen de gestion des politiques de développement. Document de réflexion 159. Maastricht : Centre européen de gestion des politiques de développement.

Reij, C. et R. Winterbottom. 2015. Mise à l’échelle du reverdissement : six étapes vers le succès – Une approche pratique pour la restauration des forêts et des paysages. World resources Institute. www.wri.org.

Reynolds, T.W. et al. 2015. Environmental Impacts and Constraints Associated with the Production of Major Food Crops in Sub-Saharan Africa and South Asia. In : Food Security. Vol. 7, no 4 : p. 795-822.

Riisgaard, L. et al. 2010. Integrating Poverty and Environmental Concerns into Value-Chain Analysis: A Strategic Framework and Practical Guide. In : Development Policy Review. Vol. 28, no 2 : p. 195-216.

Rockström, J. et al. 2017. Sustainable Intensification of Agriculture for Human Prosperity and Global Sustainability. In : Ambio. Vol. 46, no 1 : p. 4-17.

Rodenburg, J. et al. 2013. Sustainable rice production in African inland valleys: Seizing regional potentials through local approaches. In : Agricultural Systems. http://dx.doi.org/10.1016/j.agsy.2013.09.004.

Royal Society. 2009. Reaping the Benefits: Science and the Sustainable Intensification of Global Agriculture. Londres, Royaume-Uni : Royal Society.

BIBLIOGRAPHIE

Page 130: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

114

Saana Consulting. 2016. Part 2: Political Economy Analysis - Transport and Port Sectors. Accelerating Trade in West Africa (ATWA) Stage 2 Report. Danida/Ministère des Affaires étrangères néerlandais.

Safriel, U. et Z. Adeel. 2005. Dryland Systems. In: Ecosystems and Human Well-Being: Conseil d’administration de l’évaluation des écosystèmes pour le millénaire, p. 623-662. www.unep.org.

SEI. 2015. A Review of Environmental Impact Assessment Frameworks for Livestock Production Systems. Stockholm : Stockholm Environment Institute (SEI). www.sei-international.org.

Sharma, B., D. Molden. et S. Cook. 2015. Water-Use Efficiency in Agriculture: Measurement, Current Situation and Trends. In : Documents de travail IDEAS du RePEc, 2015. St-Louis : IWMI Books, rapport.

Shongwe P., M. B. Masuku et A. M. Manyatsi. 2013. Cost Benefit Analysis of Climate Change Adaptation Strategies on Crop Production Systems: A Case of Mpolonjeni Area Development Programme (ADP) in Swaziland. In : Sustainable Agriculture Research. Vol. 3, no 1 : p. 37-49.

Silici, L. 2014. Agro-ecology: What it is, what it has to offer, and how agroecological practices could be more widely adopted. Document de réflexion de l'IIED. Londres : Institut international pour l’environnement et le développement (IIED).

Snapp, S. S. et al. 2010. Biodiversity can support a greener revolution in Africa. In : PNAS. Vol. 107, no 48 : p. 20840-20845.

Sopov, M. et al. 2015. Investment Opportunities in the Ethiopian Soy Sub-Sector. Rapport sur les possibilités commerciales Soy #9 rédigé à l’occasion de l’événement commercial Éthiopie-Pays-Bas, 5-6 novembre 2015, Ryswick, Pays-Bas.

Sthapit, B., V. Ramanatha Rao et S. Sthapit. 2012. Tropical Fruit Tree Species and Climate Change. Bioversity International, New Delhi, Inde.

Suenaga, H., D.K.Y. Tan et P.M. Brock. 2016. Towards a Greener Rice Production System in Developed and Developing Nations (with the Example of Lao PDR, Japan and Australia). Résumé pour le Rapport mondial sur le développement durable (GSDR). Université de Sydney et Département du secteur primaire de Nouvelle-Galles du Sud (NSW Department of Primary Industries).

TEEB. 2015. TEEB for Agriculture & Food: interim report. Programme des Nations Unies pour l’environnement, Genève, Suisse.

Thaxton, M. et al. 2015. Landscape Partnerships for Sustainable Development: Achieving the SDGs through Integrated Landscape Management. A White Paper to discuss the benefits of using ILM as a key means of implementation of the Sustainable Development Goals, produced by the Landscapes for People, Food and Nature Initiative.

Tittonell, P. et K. E. Giller. 2013. When yield gaps are poverty traps: The paradigm of ecological intensification in African smallholder agriculture. In : Field Crops Research. Vol. 143, no 1 : p. 76-90.

Tittonell, P. et al. 2008. Yield gaps, nutrient use efficiencies and response to fertilisers by maize across heterogeneous smallholder farms of western Kenya. In : Plant Soil. Vol. 313, no 1 : p. 19-37.

Thornton, P. et M. Herrero. 2015. Adapting to climate change in the mixed crop and livestock farming systems in sub-Saharan Africa. In : Nature Climate Change, no 5 : p. 830-836 (2015) doi:10.1038/nclimate2754

Tondel, F., H. Knaepen et L.-A. Van Wyk. 2015. Africa and Europe combatting climate change: Towards a common agenda in 2015. Document de réflexion 177. Maastricht : Centre européen de gestion des politiques de développement.

Torres, C., J. van Seters. 2016. Overview of trade and barriers to trade in West Africa: Insights in political economy dynamics, with particular focus on agricultural and food trade. Document de réflexion 195. Maastricht : Centre européen de gestion des politiques de développement.

UICN. 2016. An Introduction to the IUCN Red List of Ecosystems: The Categories and Criteria for Assessing Risks to Ecosystems. Gland, Suisse : Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

Union africaine. 2015. The Livestock Development Strategy for Africa (LiDeSA) 2015 – 2035: The Roadmap to a Successful Livestock Sector. Département de l’économie rurale et de l’agriculture de la Commission de l’Union africaine. http://www.au-ibar.org.

Union africaine. 2016. Directives. Mise en œuvre du PDDAA Pays sous la Déclaration de Malabo. www.au.int.

Vadez, J. B. et al. 2012. Adaptation of grain legumes to climate change: a review. Agronomy for Sustainable Development. Springer Verlag/EDP Sciences/INRA. Vol. 32, no 1, p. 31-44.

Van den Broek, et al. 2014. Legume Value-Chains in Ethiopia - Landscaping Study. Document préparé par Resilience et Shayashone au nom de la Fondation Bill & Melinda Gates.

van Melle, C. et S. Buschmann. 2013. Chapitre 10 : Analyse comparative des chaînes de valeur de la mangue au Bénin, au Ghana et au Burkina Faso. In : Reconstruire le potentiel alimentaire de l’Afrique de l’Ouest, A. Elbehri (dir.). Rome : FAO/IFAD.

Walsh, B. 2013. The Triple Whopper Environmental Impact of Global Meat Production. science.time.com.

Waruru, M. 2016. Taking Stock of Africa’s Livestock Emissions. www.celep.info.

Weiler, V. et al. 2014. Handling Multi-Functionality of Livestock in a Life Cycle Assessment: The Case of Smallholder Dairying in Kenya. In : Current Opinion in Environmental Sustainability. Vol. 8 : p. 29-38.

Whitfield, L. et O. Therkildsen. 2011. What drives States to support the development of productive sectors? Strategies ruling elites pursue for political survival and their policy implications. Document de travail no 15 du Danish Institute for International Studies (DIIS). Copenhague : DIIS.

Zougmoré, R., A. Jalloh et A. Tioro. 2014. Climate-smart soil water and nutrient management options in semiarid West Africa: A review of evidence and analysis of stone bunds and zaï techniques. In : Agriculture and Food Security. Vol. 3, no 16 : p. 1-8.

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

Page 131: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

115

Agriculture de conservation  : elle permet à la nature de se régénérer et de préserver la structure des sols, améliorant ainsi la disponibilité de l’eau et des nutriments nécessaires aux plantes et réduisant l’érosion des sols. Elle contribue en outre notamment à réduire les coûts induits par l’utilisation de machines ainsi que les besoins en produits agrochimiques (Banque mondiale, 2012  ; FAO, 2013). Elle optimise également l’efficience de l’utilisation des ressources en eau, restreint la pollution des sols et de l’eau et fait chuter les émissions de GES (Dumanski et al., 2006), augmente la quantité de matière organique présente dans le sol, améliorer la fertilité des sols et stimule leur activité microbienne (FAO, 2001).

Agriculture intelligente face au climat  (AIC)  : approche holistique tenant compte des trois dimensions du développement durable dans le cadre du traitement conjoint des questions de sécurité alimentaire et des défis associés au changement climatique. Elle repose sur trois fondements interdépendants  : 1)  l’amélioration durable de la productivité et des revenus agricoles ; 2) l’adaptation et le renforcement de la résilience face au changement climatique ; et 3) la réduction et/ou l’élimination des émissions de gaz à effet de serre, dans la mesure du possible (FAO, 2013).

Agroécologie : application de concepts et principes écologiques à la conception et à la gestion d’agroécosystèmes durables. L’agroécologie repose sur trois fondements  : une discipline scientifique impliquant l’étude holistique des agroécosystèmes ; un ensemble de principes et de pratiques visant à améliorer la résilience et la durabilité écologique, socio-économique et culturelle des systèmes d’exploitation agricole ; un mouvement dont l’objectif consiste à explorer une nouvelle approche de l’agriculture et de sa place au sein de la société (Silici, 2014).

Biens publics mondiaux  (BPM)  : bien ou service qui se caractérise par la non-rivalité (sa consommation par un individu n’empêche pas la consommation par un autre) et par la non-exclusion des bénéfices (personne ne peut se voir refuser l’accès à ce bien). La nature publique des BPM est donc très forte. Pour être mondial, un bien public doit par ailleurs générer des bénéfices universels (en termes de pays, de populations et de générations) (Kaul et al., 1999).

Chaîne de valeur (agriculture) : ensemble vertical d’entreprises collaborant à des degrés divers dans le cadre des activités nécessaires à l’approvisionnement d’un produit, depuis sa production à sa mise sur le marché  (FIDA, 2014). En d’autres termes, une chaîne de valeur agricole est constituée de l’ensemble des biens et services nécessaires à l’évolution d’un produit agricole depuis l’exploitation agricole au consommateur final (pour en savoir plus : http://img.teebweb.org).

Chaîne de valeur alimentaire durable  : ensemble des exploitations agricoles et entreprises, et leurs activités successives et coordonnées d’ajout de valeur, qui produisent des matières premières d’origine agricole et les transforment en des produits alimentaires, lesquels sont vendus à des consommateurs finaux et éliminés après utilisation, d’une façon qui soit rentable, d’un bout à l’autre, qui ait de larges effets positifs pour la société et qui n’épuise pas de façon permanente les ressources naturelles (FAO, 2014, p. vii).

Développement durable  : développement répondant aux besoins actuels sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire à leurs propres besoins (Commission mondiale sur l’environnement et le développement, 1987).

Diversification : entretien de plusieurs sources de production et d’une production variée à travers les paysages agricoles et les saisons (IPES-Food, 2016).

Durabilité environnementale : taux d’exploitation de ressources renouvelables, de pollution générée et d’appauvrissement des ressources non renouvelables pour être poursuivie indéfiniment (Daly, 1990).

Écosytème (également appelé système écologique) : ensemble des organismes, notamment les plantes, animaux et autres êtres vivants, évoluant dans un espace donné et qui, en relation avec leur environnement  (ou biotope), forment une vaste unité. Ensemble, ces composantes et leurs interactions et relations mutuelles constituent un ensemble dynamique et complexe fonctionnant comme une «  unité écologique  », dont les caractéristiques excèdent celles de composantes individuelles. Aucun organisme n’est en mesure de survivre par lui-même sans l’intervention d’autres organismes.

Empreinte écologique  : mesure de la surface terrestre et aquatique biologiquement productive nécessaire pour régénérer les ressources consommées par un individu, une population ou une activité et absorber les déchets correspondants, en fonction des techniques et des pratiques de gestion utilisées. Cette surface est exprimée en hectares globaux (hectares dont la productivité biologique correspond à la moyenne mondiale) (pour en savoir plus : http://www.footprintnetwork.org/).

Évaluation de l’impact sur l’environnement  (EIE)  : processus d’identification, de prévision, d’évaluation et d’atténuation des conséquences biophysiques et sociales  (et de tout autre effet pertinent) des mesures de développement proposées avant toute prise de décision ou d’engagement majeurs  (pour en savoir plus : http://www.iaia.org/).

GLOSSAIRE

Page 132: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

116

Évaluation stratégique environnementale  (ESE)  : procédure systématique de soutien à la prise de décision visant à garantir la prise en compte effective des questions environnementales et des autres problématiques associées à la durabilité lors de l’élaboration de politiques, de plans et de programmes.

Externalité  : situation dans laquelle 1)  les actions d’un agent économique au sein de la société ont un coût ou génèrent des bénéfices pour d’autres agents de la société et 2) ces coûts ou bénéfices ne sont pas pleinement compensés et donc non pris en compte dans le processus décisionnel de l’agent concerné. On parle d’« externalité environnementale » lorsque ces coûts et bénéfices affectent le milieu naturel (p. ex. dans le cadre d’une contamination des sols ou de l’air).

Gestion durable des terres (GDT) : ensemble des pratiques et technologies visant à coordonner la gestion des terres, de l’eau, de la biodiversité et d’autres ressources environnementales dans l’optique de répondre aux besoins des hommes, tout en garantissant la viabilité à long terme des services et des moyens de subsistance écosystémiques (Liniger et al., 2011).

Intensification durable  : processus par lequel les rendements sont décuplés sans conséquence environnementale négative et sans cultiver davantage de terres. En raison du principe selon lequel aucune technique ou technologie ne doit être exclue  (Royal Society, 2009, p. ix), ce processus implique un ensemble diversifié de pratiques agricoles, des méthodes agroécologiques aux pratiques utilisées dans le cadre de l’agriculture commerciale, en passant par les biotechnologies.

Résilience  (des écosystèmes)  : la capacité à fonctionner et à fournir des services écosystémiques essentiels dans des conditions évolutives (Duru et Therond, 2014).

Services écosystémiques  : l’Évaluation des écosystèmes pour le millénaire a défini, au début des années 2000, les services écosystémiques comme les bénéfices que l’homme tire des écosystèmes. Elle a réparti ces services en quatre catégories  : les services d’approvisionnement, notamment la production de nourriture et les ressources en eau ; les services de régulation, notamment du climat et des maladies  ; les services d’auto-entretien, tels que le développement de cycles nutritionnels et la pollinisation des cultures  ; et les services culturels, y compris les bénéfices spirituels et d’agrément. Afin d’étayer le processus décisionnel, de nombreux écosystèmes se sont vus assigner une valeur économique  (pour en savoir plus  : http://www.millenniumassessment.org/fr/index.html).

Système alimentaire agroécologique  : terme générique désignant le vaste complexe interactif que forment les écosystèmes, les terres agricoles, les pâturages, le travail, les infrastructures, les technologies, les politiques, la culture, les traditions et les institutions (y compris les marchés) impliqués à divers titres dans la production, la transformation, la distribution et la consommation de nourriture (TEEB, 2015).

Système alimentaire durable  : système alimentaire vecteur de sécurité alimentaire et d’alimentation pour tous sans compromettre les fondements économiques, sociaux et environnementaux de la production de nourriture et de l’alimentation des générations futures  (pour en savoir plus  : www.unep.org).

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

Page 133: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

117

Carte des zones arides en Afrique

Source : http://www.fao.org/3/a-i5616e.pdf, p. 2.

FIGURE A1

Monrovia

Soudan

Soudandu Sud

Nigéria

Namibie

Libye

Tchad

Afrique du Sud

République-Uniede Tanzanie

Maroc

Zambie

Républiquecentrafricaine

Tunisie

Ouganda

Côte- D'ivoire

Libéria

Sierra Leone

Burkina FasoGambie

Cameroun

Guinée équatoriale

Saharaoccidental

Maurice

Cabo VerdeÉrythrée

Congo

Niger

Gabon

Mali

Cabinda

Mauritanie

Botswana

Swaziland

Lesotho

Malawi

Burundi

Rwanda

Zimbabwe

Djibouti

Kenya

Comores

Seychelles

Angola

Algérie

Sénégal

Guinée-Bissau Guinée

Égypte

Éthiopie

Bénin

Togo

Ghana

Mozambique

Madagascar

Somalie

République démocratique du Congo

ANNEXES CHAPITRE 1

Zones rizicoles

Source : Defoer, T. et al. (s.d.).

FIGURE A2

Coteaux

Continuum coteaux – zones de basse altitude Continuum riziculture intensive riziculture irriguée

Source d’eau principale

Nappe phréatique

Zone agroécologique

Talus hydromorphes

Zones de basse altitude

Riziculture intensifiée (basse altitude)

Riziculture irriguée (basse altitude)

Précipitations Précipitations et nappe phréatique

Précipitations et nappe phréatique et eaux de crue

Eaux de crue contrôlées

Irrigation

De la savane guinéenne à la zone de forêt humide

De la savane guinéenne à la zone de forêt humide

De la savane soudanaise à la zone de forêt humide

De la savane soudanaise à la zone de forêt humide

Du Sahel à la zone de forêt humide

Zone aride (P/ETP = 0,05 – 0,20)

Zone semi-aride (P/ETP = 0,20 – 0,50)

Zone subhumide sèche (P/ETP = 0,50 – 0,65)

Zones présumées arides exclues

Page 134: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

118

Stratégies à mettre en œuvre dans le cadre de la Stratégie de développement de l’élevage pour l’Afrique (LiDeSa) en matière de durabilité environnementale (Union africaine, 2015)

Stratégie 6.1.4.1 : Élaborer et mettre en œuvre des politiques protégeant les biens publics des externalités négatives. Il est essentiel de mettre en place un mécanisme de suivi de ces effets défavorables. Les politiques d’investissement doivent en outre prévoir des dispositions visant à préserver les biens publics susceptibles d’être mis en danger.

Stratégie 6.2.3.1 : Redéfinition et évaluation des avantages potentiels et comparatifs des différentes zones agroécologiques de façon à obtenir une adaptation optimale aux systèmes et aux environnements de production à l’échelle nationale et régionale. Cette stratégie peut inclure la promotion de produits « biologiques » dérivés d’espèces autochtones. Les échanges commerciaux intrarégionaux peuvent favoriser l’utilisation optimale des zones d’élevage intensif aux fins de l’approvisionnement des zones non adaptées à la production animale mais où la demande de produits animaux est forte.

Stratégie 6.2.3.2 : La sécurisation de l’accès aux ressources naturelles (pâturages et ressources en eau) est cruciale en matière d’élevage à l’échelle nationale et régionale. La mobilité constitue une condition essentielle de l’élevage pastoral. La mobilité, la gestion holistique des ressources et la gestion communautaire des méthodes de pâturage formeront des caractéristiques importantes de ce type d’initiatives.

Stratégie 6.2.6.2 : Création d’un environnement favorable et de mesures d’incitation à la diversification des moyens de subsistance reposant sur l’élevage et aux méthodes de transition productives et durables vers des moyens de subsistance alternatifs. Des options de moyens de subsistance complémentaires doivent être examinées, selon l’exemple des programmes de conservation communautaires générant des revenus complémentaires issus du tourisme grâce à la gestion coordonnée de l’élevage et de la faune.

Stratégie 6.2.7.1 : Instaurer un environnement favorable et promouvoir l’innovation, les mesures incitatives et les partenariats visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, la dégradation des sols et toute autre conséquence négative. La gestion des parcours est un véritable défi en l’absence de structures de gouvernance contrôlées par et pour les propriétaires de bétail. Les sites de conservation du nord du Kenya, le programme de gestion communautaire des ressources autochtones (CAMPFIRE) au Zimbabwe et les zones namibiennes de gestion communautaire de la faune et du bétail sont de bons exemples de structures de gouvernances efficaces et d’accords de partenariat favorisant l’instauration d’un environnement propice à la gestion durable et progressive des terres de parcours.

Stratégie 6.2.7.2 : Création d’un environnement propice à l’institutionnalisation et au lancement de mesures incitatives favorisant l’optimisation des services écosystémiques fournis par le bétail1, notamment les services de biodiversité, les crédits carbone, le recyclage des nutriments et la contribution aux systèmes de réalimentation des ressources en eau. Les systèmes de conservation gérés à l’échelle communautaire fournissent des enseignements précieux sur la méthode d’institutionnalisation et de lancement de ces mesures, notamment en ce qui concerne la conservation et l’amélioration de la biodiversité floristique et faunistique, les moyens d’optimisation du stockage du carbone permettant de gagner des crédits carbone, l’augmentation de la productivité des parcours par le biais du recyclage de nutriments et de la restauration du couvert végétal pour soutenir les systèmes de réalimentation en eau.

1 L’émergence de marchés de stockage du carbone représente une occasion d’améliorer à la fois la productivité des parcours, ainsi que des services écosystémiques fournis, et, de cette façon, de rapporter des crédits carbone. La rémunération des services écosystémiques est également source d’opportunités, pour les communautés vivant dans les zones arides et semi-arides, de profiter de l’environnement et de veiller à la gestion durable de ce dernier (Union africaine, 2015).

ENCADRÉ A1

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

Page 135: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

119

La production rizicole en Afrique subsaharienne

Source : université de Cornell, http://www.slideshare.net/SRI.CORNELL/1602-scaling-up-climate-smart-rice-production-in-west-africa

FIGURE A3

Structure de la chaîne de valeur du manioc au Nigéria

1 L’épluchage et le lavage des racines sont inclus dans toutes les transformations ci-dessus.Source : gouvernement fédéral du Nigéria, 2006, cité par la FAO, 2015.

FIGURE A4

Racines de manioc fraîches

Transformation traditionnelle africaine des aliments (râpage, pressage, tamisage, cuisson)

Boulangerie et pâtisserie

Extrusion de granulés

Dernière distillation (distilleries)

Bouillons d’aliments transformés

Industrie textile

Industrie pharmaceutique

Dextrine Papier et bois

Gari, lafun, fufu

Production de farine (découpage, séchage, broyage)

Production de cossettes (découpage, séchage)

Production d’éthanol brut (liquéfaction, saccharification, fermentation, distillation)

Production d’amidon natif (filtrage, décantation, lessivage de l’amidon, séchage, broyage)

Transformation

Transport logistique Transport, manutention, conditionnement, qualité et qualité du stockage

Première transformation1Matière première Seconde transformation Commercialisation

Autres amidons modifiés

Soupes, sauces, saucisses

Vêtements

Pilules, gélules et sirops

Meubles

Autres industries

Pains, confiseries, gâteaux, glaces

Alimentation animale

Carburant à l’éthanol, autres industriesBoissons, industrie pharmaceutique

ANNEXES

Chaque point représente 20 000 tonnes

Page 136: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

120

Principales zones de culture du maïs en Afrique subsaharienne

Source : http://aciar.gov.au/files/mn-158/s5_4-maize-sub-saharan-africa.html

FIGURE A5

Nigéria

Afrique du Sud

République-Unie de Tanzanie

Zambie

Ouganda

Burkina Faso

Cameroun

Mali

Malawi

Burundi

Rwanda

Zimbabwe

Kenya

Angola

Éthiopie

Républiquedémocratique

du Congo

Mozambique

Comparaison des systèmes de production utilisés pour la culture des légumes secs et des céréales (en millions d’hectares)

Source : HarvestChoice [base de données SPAM, vers 2000], dans : Maredia, 2012)

FIGURE A6

Légumessecs

0Part

en

pour

cent

age

de la

sur

face

réco

ltée 100

75

25

50

Céréales

Pays en développement

Paysdéveloppés

Monde

Légumessecs

Céréales Légumessecs

Céréales

Pluvial, à faible intensité d'intrants

43,15 178,03 3,08 18,09 46,24 196,13

Pluvial, à forte intensité d'intrants

8,45 113,21 5,02 153,2 13,47 266,41

Irrigué 7,31 174,76 0,7 17,06 8,01 191,82

Principaux pays producteurs de mangues dans le monde (CCI, 2014)

RANG PAYS PRODUCTION (TONNES)

1 Inde 15 188 000

2 Chine continentale 4 350 000

3 Thaïlande 2 600 000

4 Indonésie 2 131 139

5 Pakistan 1 888 449

6 Mexique 1 827 314

7 Brésil 1 249 521

8 Bangladesh 889 176

9 Nigéria 850 000

10 Philippines 800 551

TABLEAU A1

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

Zone de culture du maïs en Afrique de l’Ouest

Zone de culture du maïs en Afrique centrale

Zone de culture du maïs en Afrique de l’Est

Zone de culture du maïs en Afrique australe

Page 137: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

121

Vue d’ensemble des principaux légumes secs

Le principal légume sec en Afrique est le niébé, qui représente plus de 95 % de la production mondiale totale. Il est principalement cultivé par de petits agriculteurs dans les zones tropicales semi-arides (savanes exposées à la sécheresse et Sahel), dont il supporte bien les fortes températures, les faibles précipitations et la pauvreté des sols1. Le Nigéria est le plus gros producteur de niébé au monde. Avec 4 millions de tonnes annuelles entre 2012 et 2014 (selon FAOstat), il est responsable de plus de la moitié de la production mondiale. La vente de fourrage de niébé pendant la saison sèche représente une augmentation de 25 % du revenu annuel des agriculteurs nigérians. La fabrication à petite échelle et la vente d’en-cas à base de niébé et de gousses vertes de niébé constituent par ailleurs une source de revenus importante pour les femmes2.

Les haricots constituent l’autre légume sec le plus cultivé en Afrique subsaharienne (Nedumaran, 2015) : il s’agit de l’aliment de base de plus 200 millions de personnes dans cette région3. Leur production est concentrée en Afrique de l’Est, notamment en Tanzanie, qui en est le plus gros producteur. La production et les rendements rwandais et éthiopiens progressent cependant à vive allure4 (FAOSTAT). Les supermarchés kényans qui voient le jour dans les grandes villes de la région s’approvisionnent essentiellement en Éthiopie en ce qui concerne les légumes secs (Van den Broek, 2014). Si les rendements de la culture des haricots communs sont en général très faibles, ils ont augmenté ces dernières années. Cette hausse résulte en partie du travail réalisé par l’Alliance panafricaine de recherche sur le haricot (Pan-Africa Bean Research Alliance, PABRA), qui réunit des centres du CGIAR et des instituts de recherche nationaux autour de la mise au point de haricots grimpants à haut rendement bien adaptés aux zones chaudes de basse altitude. Au Rwanda, ces recherches ont débouché sur une production excédentaire ainsi que sur l’instauration d’une nouvelle chaîne de valeur propre à ces variétés améliorées de haricots grimpants. « Il existe [en outre] trois principaux systèmes de production du haricot commun, le plus répandu étant l’agriculture de semi-subsistance, dans le cadre de laquelle les haricots sont intégrés à des systèmes de polyculture l’associant au maïs et au manioc, par exemple. Les exploitations agricoles commerciales, notamment dans la vallée du Rift et, parfois, au Malawi et en Tanzanie, utilisent des systèmes de production à forte productivité. Les systèmes reposant fortement sur l’agriculture de subsistance sont également répandus, par exemple dans l’est du Kenya » (Katungi, 2009, p. 28). L’intégration des haricots dans les systèmes de polyculture l’associant au maïs et au manioc est courante en Afrique de l’Est et australe. Le maïs, le manioc et les haricots constituent tous des aliments de base principaux. Elles sont généralement produites dans le cadre de petites exploitations combinant production végétale et animale et dans des conditions d’agriculture pluviale. Selon le Programme de recherche du CGIAR sur le changement climatique, l’agriculture et la sécurité alimentaire (CCAFS), ce type de système agricole est vulnérable à la variabilité du climat, notamment parce que le maïs et les haricots sont relativement sensibles au changement climatique5.

La fève est cultivée dans les régions subtropicales et tempérées. En Afrique, il s’agit surtout de l’Égypte, de l’Éthiopie et du Soudan, en haute altitude. L’Éthiopie est le second plus gros producteur au monde après la Chine. Avec plus de 920 000 tonnes produites entre 2012 et 2014, elle est responsable de 21 % de la production mondiale de fèves. L’urbanisation est l’un des principaux facteurs de l’augmentation de la demande de fèves au Soudan. Les classes moyennes urbaines, en pleine expansion, ont conscience des bienfaits sur la santé que présentent les légumes secs,

1 La variété de niébé la plus connue est également appelée « black eyed pea » en anglais. Il existe toutefois de nombreuses autres variétés. Le haricot, long et fin, est lui aussi utilisé, et les feuilles sont riches en protéines azotées. Le niébé est bien adapté aux régions tropicales dont les sols sont de mauvaise qualité. Il peut être cultivé dans des sols constitués à 85 % de sable et pauvres en phosphore et en matière organique. Le niébé supporte mieux la sécheresse et la chaleur que les autres légumes secs. Également tolérant à l’ombre, il se prête bien à la culture intercalaire avec différentes céréales et d’autres cultures telles que le maïs, le millet, le sorgho, la canne à sucre et le coton. Il joue aussi un rôle important quant au couvert végétal ainsi qu’en matière de réduction des pertes d’humidité, des adventices et de l’érosion des sols. Il peut être récolté à l’état de gousses vertes jeunes ou matures ou une fois les gousses sèches. Les pieds, tiges, et feuilles de niébé peuvent servir à nourrir les animaux et sont souvent stockés pour pouvoir être utilisés pendant la saison sèche. Pour en savoir plus : http://www.iita.org/cowpea.

2 Voir : http://www.cgiar.org/our-strategy/crop-factsheets/cowpea/ ; http://www.iita.org/cowpea.3 Voir : http://www.cgiar.org/our-strategy/crop-factsheets/beans/.4 Voir : faostat.fao.org.5 Voir : https://ccafs.cgiar.org/participatory-evaluation-and-application-climate-smart-agriculture-practices.

ENCADRÉ A2

ANNEXES

Page 138: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

122

favorisant la progression de leur consommation. La plupart des flux régionaux vont d’Éthiopie au Soudan et leur valeur est estimée à 17 millions de dollars (Trade Map, CCI).

Les pois chiches comptent parmi les légumes secs les plus nutritifs et sont plus riches en protéines que la plupart d’entre eux. À l’échelle mondiale, il s’agit du deuxième légume sec le plus cultivé en termes d’étendue agricole et du troisième en termes de production. À l’origine, les pois chiches étaient cultivés dans les régions tempérées, mais de nouvelles variétés sont adaptées aux climats tropicaux et subtropicaux d’Afrique6. En Éthiopie, ils sont cultivés dans le cadre d’exploitations combinant production végétale et animale, généralement en rotation avec le blé ou le teff, céréale la plus répandue en Éthiopie. Du fait du peu de main-d’œuvre requise et de ses rendements relativement élevés, c’est une plante appréciée des petits agriculteurs éthiopiens, à la fois en culture vivrière et commerciale. On estime que 40 % de la production est consommée par les exploitants eux-mêmes, 10 % est conservée au titre de semence pour la saison suivante, et 50 % est vendue sur les marchés centraux et régionaux (Van den Broek, 2014).

Le soja est le légume sec le plus cultivé au monde, avec une production annuelle de 276 millions de tonnes entre 2012 et 2014. Seule une faible part de la production totale est directement consommée, la plupart étant transformée pour produire de l’huile, de la farine ou des tourteaux de soja. L’huile de soja est l’une des huiles de cuisson les plus utilisées. La farine de soja est la principale source de protéine dans le monde et un composé majeur de l’alimentation animale. La production africaine fait pâle figure au regard de la capacité de production des Amériques : ensemble, les États-Unis, le Brésil et l’Argentine sont responsables de millions de tonnes, soit 4 % de la production annuelle. La production de soja suscite toutefois un intérêt croissant en Afrique. Selon des chiffres récents de l’ICRISAT, le Nigéria produit désormais plus de soja que l’Afrique du Sud. Les données Trade Map montrent que l’Éthiopie était le plus gros exportateur africain de soja en 2015.

Le soja est l’un des rares légumes secs ayant fait l’objet d’une attention considérable de la part de la recherche et du développement agronomiques. Les variétés de soja résistantes à la sécheresse et à la chaleur ont connu un succès respectable en Afrique subsaharienne. Grâce à ces innovations et à la croissance du marché, les rendements et la production de soja ont augmenté en Afrique au cours des dernières années : le Nigéria et l’Afrique du Sud ont été de relativement gros producteurs en la matière. Les zones de croissance se situent en Afrique australe, dans des pays tels que le Burundi, le Malawi, la République démocratique du Congo, le Rwanda, la Zambie et le Zimbabwe. Le marché local du soja dans des pays tels que le Nigéria reste toutefois faible : peu de personnes sachant comment transformer ou cuisiner les graines de soja, les agriculteurs ont peu de raisons de les cultiver. L’Institut international d’agriculture tropicale (IITA) encourage la consommation de soja et a adapté ses techniques agricoles de façon à réduire la main-d’œuvre. Il a également mis au point des machines pour la transformation du soja, ainsi qu’un nombre important de produits alimentaires à base de soja. La consommation et la production de soja, tout comme les revenus des fabricants, ont par conséquent augmenté7.

Enfin, l’arachide est la cinquième plante la plus cultivée en Afrique subsaharienne après le maïs, le sorgho, le millet et le manioc. Le Nigéria est le principal producteur d’arachide en Afrique. L’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale sont responsables de 70 % de la production africaine totale. Sur l’ensemble du continent africain, cette production s’élevait à 11 millions de tonnes entre 2008 et 20138. Cependant, après des années de croissance constante, les rendements de l’arachide ont rapidement décliné ces dernières années en Afrique subsaharienne, notamment en raison de précipitations irrégulières et des sécheresses terminales. L’aflatoxine est l’un des principaux problèmes rencontrés dans la production et la gestion après récolte de l’arachide. Elle affecte ses exportations et la sécurité alimentaire. Selon les recherches internationales en matière d’agriculture, environ un tiers de la production mondiale d’arachide est consommé directement, les deux tiers restants servant à la production d’huile (laquelle est utilisée en cuisson et connaît de nombreuses applications industrielles). Les résidus du processus d’extraction de l’huile sont utilisés aux fins de l’alimentation animale et en tant qu’engrais. Les tiges et les feuilles de l’arachide servent de fourrage. L’arachide est communément cultivée en rotation avec le coton, le maïs, le sorgho et d’autres céréales.

6 Voir : http://www.cgiar.org/our-strategy/crop-factsheets/chickpea/. 7 Voir : http://www.iita.org/soybean.8 Voir : http://harvestchoice.org/commodities/groundnut.

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

Page 139: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

123

Examen des cadres d’évaluation de l’impact sur l’environnement des systèmes d’élevage par le Stockholm Environment Institute (SEI, 2015)

Le Stockholm Environment Institute (SEI) a conduit en 2015 une analyse documentaire des cadres d’évaluation de l’impact sur l’environnement des systèmes d’élevage et d’agriculture. Il a identifié 50 cadres, dont neuf permettaient de mesurer neuf dimensions clés de l’impact sur l’environnement : 1) émissions de gaz à effet de serre ; 2) consommation d’énergie ; 3) consommation et pollution de l’eau ; 4) perte de biodiversité ; 5) cycles nutritionnels, notamment de l’azote et du phosphore ; 6) utilisation des terres ; 7) modifications du couvert végétal ; 8) génération de déchets et d’émission ; 9) écotoxicité.

En outre, parmi ces 50 cadres, 28 sont des cadres généraux, dix sont spécifiques à une dimension (c’est-à-dire qu’ils traitent d’un seul aspect de l’impact sur l’environnement) et douze sont des cadres de modélisation. Un peu plus de la moitié des cadres identifiés (26) sont appliqués à des études de cas menées dans des pays en développement.

Les auteurs ont identifié trois lacunes importantes de la recherche : premièrement, il existe un besoin important de méthodes d’évaluation efficaces centrées sur les chaînes de valeur de l’élevage et leur impact environnemental. En effet, il existe rarement un consensus sur la façon de traiter certains de ces impacts. C’est notamment le cas de l’impact sur l’eau : s’agit d’établir une distinction entre l’évaluation de la qualité de l’eau et sa quantité, car des méthodes et des indicateurs différents sont utilisés pour ces deux aspects. Dans le cadre de l’analyse du cycle de vie, par exemple, la consommation d’eau est mesurée à partir d’indicateurs associés au stress hydrique à l’échelle locale basés sur un indice de stress hydrique spécifiquement local pour mettre en lien les calculs avec la quantité d’eau utilisée localement. La qualité de l’eau est ensuite évaluée en termes d’utilisation de pesticides, d’engrais et d’équilibre nutritif dans la production. Deuxièmement, des évaluations ex ante sont également nécessaires. Elles peuvent servir à identifier les résultats et les arbitrages désirables et à définir un niveau de référence pour les systèmes de projection en cours de développement en matière d’élevage et, partant, aident les législateurs et les décideurs, ainsi que les investisseurs à discerner les impacts, les arbitrages et les bénéfices associés des évolutions proposées. Le TEEB vise toutefois à combler ces lacunes dans la recherche. Troisièmement, aucun des 50 cadres en question ne peut saisir l’intégralité des impacts engendrés par l’élevage. C’est pourquoi il est nécessaire de mieux comprendre les liens entre les chaînes de valeur de l’élevage et les paysages locaux, régionaux et mondiaux afin de faire de l’augmentation durable de la production animale un projet réaliste.

La voie à suivre consiste à mettre en place des évaluations holistiques (c’est-à-dire reposant sur l’approche systémique mentionnée dans la section 2.1) des conséquences environnementales et de la durabilité de l’élevage et des chaînes de valeurs agricoles : elles doivent refléter tous les impacts environnementaux et les mesurer à différentes échelles temporelles et spatiales1. La difficulté consistera à faire correspondre différentes méthodes avec différentes données d’entrée et de sortie en vue de générer des résultats à la fois simples à analyser et comparables. Pour qu’un cadre évalue avec succès les impacts environnementaux de l’élevage, il doit en outre comporter les éléments suivants : 1) un objectif et une raison d’être clairement définis ; 2) un ensemble d’objectifs mesurables tenant compte de différentes échelles temporelles et spatiales ; 3) des indicateurs permettant de mesurer la concrétisation des objectifs ; 4) une présentation claire et lisible des produits pouvant faire l’objet d’une comparaison avec les autres évaluations (p. ex. à l’aide de graphiques ou d’infographies), facile à comprendre par le public cible et les autres parties visées ; 5) des informations claires sur le point focal sélectionné pour la méthode d’évaluation en question, la raison pour

1 La plupart des méthodes examinent l’échelle régionale et/ou mondiale, les exploitations agricoles, ou les produits. Certains outils d’évaluation sont conçus pour être utilisés à l’échelle nationale ou mondiale. C’est notamment le cas de l’Indice de durabilité environnementale (IDE) ou de l’Observatoire des agricultures du monde (World Agricultural Watch, WAW). D’autres ont été mis au point pour faciliter la gestion des exploitations agricoles, à l’exemple du RISE (Response-Inducing Sustainability Evaluation) et du SPA (Sustainable Performance Assessment). D’autres encore, tels que le Fieldprint Calculator et la plupart des cadres d’analyse du cycle de vie, visent à évaluer l’impact environnemental d’un produit (SEI, 2015 : 10).

ENCADRÉ A3

ANNEXES CHAPITRE 2

Page 140: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

124

laquelle les évaluations de l’impact sur l’environnement ont été choisies, les méthodes et les indicateurs utilisés et la raison pour laquelle ils ont été choisis. Enfin, le cadre d’analyse forces motrices – pressions – état – impact – réponses (DPSIR)2 et la méthodologie d’analyse du cycle de vie (LCA) constituent deux cadres prometteurs souvent mentionnés dans cette étude. L’analyse du cycle de vie est évoquée ci-dessous.

L’étude du SEI a été menée dans le cadre du projet CLEANED – LVC (Comprehensive Livestock Environmental Assessment for improved Nutrition, a secured Environment and sustainable Development along Livestock and aquaculture Value Chains). Ce projet a été conçu pour fournir un outil d’évaluation rapide permettant d’identifier les impacts probables des interventions prévues en ce qui concerne les systèmes d’élevage de bétail et de poissons (p. ex. la pression engendrée par l’élevage sur les sols et sur l’eau). Ce type d’outil peut venir étayer les processus décisionnels et avoir un effet positif sur l’alimentation et sur la sécurité alimentaire, tout en préservant les ressources naturelles pour l’avenir. En outre, cet outil d’évaluation rapide porte sur l’ensemble de la chaîne de valeur. Le calcul de l’impact met l’accent sur les premières étapes de la production, la plupart des impacts environnementaux des chaînes de valeur de l’élevage pouvant être observés au sein même des exploitations. Une estimation des pertes alimentaires totales au cours des étapes ultérieures sera utilisée pour optimiser l’efficacité des écosystèmes et, ainsi, influera sur l’ampleur des impacts environnementaux. Le cadre du projet CLEANED - LVC peut être utilisé de différentes manières, notamment pour identifier les conséquences potentielles de la mise en œuvre de technologies spécifiques et pour réaliser une évaluation rapide des impacts d’un ensemble d’interventions, ou pour associer ces interventions à des modèles de changement mondiaux ou régionaux.

2 Voir : https://www.oecd.org/tad/sustainable-agriculture/40680869.pdf et https://www.oecd.org/env/indicators-modelling-outlooks/24993546.pdf.

Projet CLEANED – LVC (Comprehensive Livestock Environmental Assessment for improved Nutrition, a secured Environment and sustainable Development along Livestock and aquaculture Value Chains)

Lieu Déterminer le lieu

Décrire le système

Décrire les interventions

Calculer les incidences probables pourl’ensemble de la chaîne de valeur :• eau• sol• biodiversité• gaz à e et de serre• pertes

Décrire les pratiques et la chaîne de valeurPar exemple pâturage, marché rural

Étap

e 1 Élevage/aquaculture

Intervention 1

Intervention 2

Intervention 3

Étap

e 2

Flux opérationnel du cadre d’évaluation environnementale CLEANED

Calculer les données environnementales de base pour l’ensemble de la chaîne de valeur

ex ante

Source : https://www.ilri.org/cleaned

FIGURE A7

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

Page 141: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

125

Les neuf cadres évalués en détail (SEI, 2015)

DISPOSITIFORGANISME ET/OU DATE DE CRÉATION OBJECTIF OU RAISON D’ÊTRE MISE EN ŒUVRE

Vital Signs, système de suivi africain (Scholes, Palm et Andelman, 2013 ; Vital-Signs, 2014)

Conservation International (CI), le Conseil pour la recherche scientifique et industrielle (CSIR) en Afrique du Sud et l’Institut de la Terre (EI) de l’université de Columbia.

Faire en sorte que les progrès de la production alimentaire contribuent à la promotion de moyens de subsistance résilients et à la préservation des écosystèmes naturels.

Lancement initial dans cinq pays d’Afrique : l’Éthiopie, le Ghana, le Mozambique, l’Ouganda et la Tanzanie.

Logiciel RISE (Response-Inducing Sustainability Evaluation) (Grenz et al., 2009 ; Häni et al., 2003 ; Häni et al., 2006 ; Häni, Stämpfli, Tello et al., s.d.)

La Haute école spécialisée bernoise, en partenariat avec Nestlé, l’Institut de recherche de l’agriculture biologique, le Fonds Danone pour l’écosystème, l’Office fédéral suisse de l’agriculture, l’Office fédéral suisse de l’énergie et Capacity Building International (GIZ)

Méthode d’évaluation de la durabilité des opérations agricoles fondée sur des indicateurs et des entretiens.

Le logiciel RISE a déjà été utilisé par plus de 1 400 exploitations agricoles et laitières dans plus de 40 pays.

AgBalance (AgBalance, 2012 ; Schoeneboom, Saling et Gipmans, 2012)

BASF AgBalance est un outil permettant d’évaluer la durabilité des produits et des processus agricoles.

Nombre d’utilisations inconnu, mais l’outil a été élaboré à partir de plusieurs centaines d’études de cas antérieures.

Analyse du cycle de vie (ACV) (Bauman et Tillman, 2004 ; Cederberg, Flygsjö et Ericson, 2007 ; Cederberg, Henriksson et Berglund, 2013 ; De Boer, 2003 ; De Boer et al., 2011 ; De Boer et al., 2012 ; De Bries et De Boer, 2010 ; Flygsjö, Cederberg, Henriksson et Ledgard, 2012 ; Fraval, 2014 ; Thomassen, Dalgaard, Heijungs et De Boer, 2008 ; Vellinga et al., 2013)

Ian Boustead a publié en 1979 le premier livre sur l’analyse du cycle de vie.

Méthode exhaustive pour évaluer l’impact environnemental d’un produit pendant tout son cycle de vie, qui prend en compte deux types d’incidences sur l’environnement : 1) l’utilisation des ressources et 2) les émissions polluantes.

Inconnue : il s’agit d’une méthode normalisée. 70 articles relatifs à des analyses du cycle de vie portant sur le bétail ont été répertoriés (Fraval, 2014).

Observatoire des agricultures du monde (CIRAD, 2011 ; FAO, 2012b ; George, Bosc, Even, Belieres et Bessou, 2012)

La FAO, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) et le gouvernement français, avec la participation du Fonds international de développement agricole (FIDA)

L’objectif principal de cette initiative est d’intégrer les dynamiques et les performances comparées des différents types d’agriculture au débat politique, en termes de production et de durabilité économique, sociale et environnementale aux niveaux local et mondial, tout en tenant compte des évolutions prévues.

Exploitations à Madagascar, au Mali et au Viet Nam

Indice de viabilité environnementale (ESI) (Esty, Levy, Srebotnjak et de Sherbinin, 2005, 2005a, 2005b, 2005c)

Centre de droit et de politiques environnementaux de Yale, Centre pour un réseau international d’information sur les sciences de la Terre (CIESIN)

L’indice de viabilité environnementale (ESI) mesure l’ensemble des progrès accomplis en vue d’une gestion durable de l’environnement par chaque pays grâce à une série d’indicateurs élaborés à partir d’ensembles de données sous-jacents.

Évaluations mondiales, de tous les pays

Évaluation des performances durables (Sustainable Performance Assessment, SPA) (Elferink et al., 2012 ; Kuneman et al., 2014 ; SAI, 2010)

Initiative pour le développement durable dans l’agriculture (SAI), 2010

Plan pour un ensemble d’indicateurs relatifs à des questions précises concernant la durabilité, qui vise à faire connaître aux agriculteurs l’impact de leurs pratiques pour les aider à les rendre plus durables.

Pas encore mise en œuvre

MESMIS (López-Ridaura, van Keulen, van Ittersum et Leffelaar, 2005a, 2005b ; López-Ridaura, Masera et Astier, 2002 ; Speelman, López-Ridaura, Colomer, Astier et Masera, 2007)

Groupe interdisciplinaire pour la technologie rurale

Cadre systémique, participatif, interdisciplinaire et flexible pour l’évaluation de la durabilité, qui propose des lignes directrices pour le choix d’indicateurs environnementaux, sociaux et économiques spécifiques, orientés vers les principaux facteurs qui déterminent les performances des systèmes.

Plus de 20 études de cas au Mexique et en Amérique latine

GAIA (CLM, 2012 et 2014) CLM, 2012 Étalon permettant de mesurer la biodiversité et d’établir des comparaisons.

Inconnue : outil en ligne gratuit

TABLEAU A2

ANNEXES

Page 142: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

126

Liste des interventions sur la chaîne de valeur pouvant bénéficier à la résilience face au changement climatique (FIDA, 2015)

INTERVENTIONS SUR LA CHAÎNE DE VALEUR ET RÉSULTATS

PROBLÈMES LIÉS AUX RISQUES CLIMATIQUES

POSSIBILITÉS POUR LA GESTION DES RISQUES CLIMATIQUES

INTRANTS

Semences La productivité des variétés à haut rendement risque d’être affectée par la hausse des températures, de l’humidité et de la salinité ; certaines variétés de semences hybrides dégradent les sols à long terme.

Rendre possible l’utilisation de variétés spécifiques adaptées au climat (p. ex. résistantes à la chaleur ou à la submersion) quand elles existent ; préserver la diversité des espèces, y compris les espèces sauvages apparentées, grâce à des banques de semences (GCRAI, 2013) ; tester différentes semences dans différentes conditions.

Engrais Ils ont généralement un effet bénéfique dans les systèmes à faible intensité d’intrants, mais peuvent accroître la variabilité des rendements d’une année à l’autre ; il faut arbitrer en tenant compte des émissions.

Intégrer les conseils en matière d’engrais et l’apport d’engrais dans une gestion plus vaste du sol (FAO, 2013, module 4) ; pratiquer une agriculture de précision.

Alimentation des animaux et choix des races

La qualité de l’alimentation contribue à la réduction des émissions, mais des animaux de plus grande taille et mieux nourris risquent d’être plus vulnérables au stress hydrique lié au changement climatique.

Évaluer la résistance à la chaleur ainsi que les exigences en termes de stabulation et d’alimentation du bétail dont l’élevage est considéré (FAO, 2013, module 8).

Gestion des nuisibles Le risque que des nuisibles ou des maladies frappent les cultures (p. ex. le foreur du maïs, les aleurodes des tomates, la cochenille du manioc) ou le bétail (p. ex. les tiques du bétail) pourrait augmenter.

Promouvoir la gestion intégrée des nuisibles (p. ex. par les méthodes d’attraction et de répulsion [Minja, 2006]) ; mettre au point des systèmes de suivi, de connaissances et de recherche appliquée pour les nuisibles et les maladies qui s’attaquent aux cultures, au bétail et aux poissons.

Services d’information Les prévisions climatiques permettent de prendre de meilleures décisions concernant le calendrier de plantation, de l’utilisation d’engrais ou de pesticides et des récoltes, mais aussi le choix des variétés, l’apport de main-d’œuvre et l’emplacement des plantations et des pâturages.

Favoriser la génération de prévisions saisonnières et à court terme dans des formats accessibles aux agriculteurs et qu’ils peuvent utiliser (Tall, 2013) ; renforcer les systèmes d’alerte rapide ; investir dans les capacités nationales en matière de modélisation de l’impact du changement climatique à l’échelle locale (PMRC, 2013 ; CCAFS, 2013) et de planification par scénarios.

Services financiers Le manque de capitaux de départ peut constituer un obstacle majeur à l’adoption de pratiques résilientes face au changement climatique par les agriculteurs.

Étudier les canaux de financement en vue de réduire les risques associés à l’innovation (p. ex. microfinancement, programmes de petites subventions, assurance météorologique indexée) (PAM et FIDA, 2011)

Outils et équipement Les phénomènes météorologiques extrêmes risquent d’endommager les outils et les équipements (p. ex. les réservoirs d’eau, les canaux d’irrigation, les pompes, les générateurs, les véhicules, les entrepôts de semences).

Utiliser, partout où c’est possible, des systèmes à faible coût et à haut rendement (p. ex. la récupération des eaux de pluie associée à l’irrigation avec des eaux de surface) ; mettre en place des systèmes d’alerte rapide ; faire de la protection une priorité pour le choix des emplacements et l’entreposage des semences, des outils, des véhicules, des carburants et des infrastructures énergétiques.

PRODUCTION AGRICOLE

Gestion du sol La hausse des températures, de l’évaporation de l’humidité du sol et des effets destructeurs de l’alternance entre des périodes de sécheresse et des pluies abondantes intensifie l’érosion des sols et réduit leur teneur en matières organiques.

Mettre en place des mesures de lutte contre l’érosion des sols (p. ex. cultures en terrasses, diguettes, drainage, agroforesterie, culture de vivaces) ; accroître la teneur en carbone des sols et améliorer la gestion des matières organiques du sol ; réhabiliter les terres dégradées (FAO, 2013, module 4).

Gestion de l’eau L’évapotranspiration des cultures augmente ; la quantité d’eau contenue dans le sol diminue ; les pluies ne tombent plus au même moment ni dans les mêmes quantités ; le débit des rivières se fait plus variable ; les nappes phréatiques se remplissent moins ; le niveau de la mer est modifié ; la salinité des sols et des nappes phréatiques augmente.

Adopter des mesures de conservation et d’utilisation rationnelle de l’eau telles que la collecte d’eau, des infrastructures d’irrigation efficaces, des barrages, la gestion des crues et le drainage ; contribuer à la restauration des habitats des rives ; réaliser un suivi des ressources en eau et de la salinité ; mettre en place des systèmes de répartition de l’eau (FAO, 2013, module 3).

TABLEAU A3

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

Page 143: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

127

INTERVENTIONS SUR LA CHAÎNE DE VALEUR ET RÉSULTATS

PROBLÈMES LIÉS AUX RISQUES CLIMATIQUES

POSSIBILITÉS POUR LA GESTION DES RISQUES CLIMATIQUES

INTRANTS

PRODUCTION AGRICOLE suite

Énergie utilisée par les exploitations

La mécanisation entraîne une hausse des émissions si des combustibles fossiles servent de source d’énergie ; l’utilisation de bois de chauffage est une cause de déforestation et d’érosion.

Réaliser des analyses d’arbitrages (FAO, 2011 ; FAO, 2013, module 5) ; mettre en place des sources d’énergie renouvelables (p. ex. énergie solaire pour le chauffage, le refroidissement, le séchage, le pompage, petites éoliennes, digesteurs de biogaz)

Diversification Les monocultures sont plus susceptibles de subir des pertes catastrophiques en raison de conditions climatiques extrêmes que les systèmes diversifiés.

Étudier les possibilités pour l’intensification durable et la diversification des systèmes de culture grâce à la rotation des cultures (p. ex. culture de base/horticulture), aux cultures intercalaires, à l’agroforesterie ou aux systèmes mêlant cultures et élevage (FAO, 2013, module 6)

Bétail Les pâturages deviennent moins productifs ; la mortalité du bétail augmente à cause du stress thermique ; l’érosion détruit des pâturages productifs ; les infrastructures d’élevage sont dégradées ; la qualité du fourrage baisse.

Mettre en place des systèmes agricoles hybrides mêlant cultures et élevage ; encourager la restauration des pâturages ; diversifier les races de bétail ; améliorer la gestion des parcours ; rendre les infrastructures d’élevage plus résilientes face au changement climatique ; accroître l’efficacité de la production (FAO, 2013, module 8).

Pêche et aquaculture La salinité des réservoirs naturels change ; le réchauffement des eaux entraîne le déplacement des stocks de poissons ; les migrations modifient la biodiversité.

Améliorer l’efficacité de la production et la gestion de l’alimentation (FAO, 2013, module 10) ; diversifier l’aquaculture ; mettre en place des systèmes hybrides mêlant agriculture et aquaculture ou élevage et aquaculture, ainsi que des systèmes mêlant agriculture, sylviculture et aquaculture.

Infrastructures de production

Les sites de production de la chaîne de valeur sont à certains endroits (p. ex. champs, serres, installations d’élevage) plus exposés aux inondations, aux feux de forêt et aux vents forts.

Mettre en place des structures de gestion des risques au niveau des exploitations (p. ex. brise-vent, digues de maîtrise des crues, pare-feu) ; en équiper les infrastructures sensibles existantes ou les déplacer ; créer des zones tampons (p. ex. zones humides, ceintures vertes, systèmes de décrue).

Gestion des paysages Les résultats positifs de la chaîne de valeur (p. ex. augmentation des salaires) risquent d’inciter à défricher plus de terres et à utiliser l’eau de manière non durable, portant ainsi atteinte au microclimat et à l’hydrologie locaux et aggravant les aléas climatiques.

Collaborer à l’élaboration de cartes et à la planification de l’utilisation des terres ; mettre en œuvre un suivi des paysages par télédétection ; ne négliger aucune mesure incitative (financière, réglementaire, etc.) en vue d’une gestion durable de l’environnement dans la zone d’intervention du projet (FAO, 2013, module 9)

Socle de compétences des agriculteurs et institutions locales

Les connaissances et les capacités locales sont essentielles à la gestion de la production dans un contexte de changements rapides.

Investir dans les capacités locales de planification, de suivi, de prise de décisions et de gestion financière ; transférer le contrôle aux institutions locales ; offrir des formations sur les problèmes liés au changement climatique ; soutenir la recherche et les systèmes de connaissances des agriculteurs ; faire participer les petits exploitants au dialogue sur les politiques et à des exercices de création de scénarios.

POSTPRODUCTION : ENTREPOSAGE, TRANSFORMATION, TRANSPORT ET COMMERCIALISATION

Gestion après récolte Les pertes en termes de volume des récoltes augmentent ; la hausse des températures, de l’humidité, des nuisibles et des maladies réduit la sécurité, la qualité des produits commercialisés et leur valeur nutritionnelle.

Inciter à prendre des mesures pour la réduction des déchets et à valoriser les sous-produits (FAO, 2013, module 11) ; créer des sources d’énergie renouvelables pour répondre aux exigences changeantes liées au refroidissement, au séchage, à l’usinage et au battage.

Emplacement des sites de transformation

Les sites de transformation risquent d’être endommagés par des événements climatiques extrêmes (p. ex. inondations, vagues de chaleur, tempêtes) et l’évolution des conditions climatiques pourrait rendre certains sites superflus ou faire augmenter les coûts de transport.

Utiliser des cartes indiquant l’exposition aux aléas et les cultures adaptées pour déterminer l’emplacement des sites de transformation ; doter les sites existants d’infrastructures protectrices ; les assurer contre les événements climatiques extrêmes.

ANNEXES

Page 144: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

128

Les trois piliers de l’agriculture intelligente face au climat (WorldFish, 2015 ; adaptation de Knaepen et al., 2015)

SÉCURITÉ ALIMENTAIRE (AMÉLIORATION DURABLE DE LA PRODUCTIVITÉ)

ADAPTATION (RENFORCEMENT DE LA RÉSILIENCE)

ATTÉNUATION (RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE ET AMÉLIORATION DE LEUR ABSORPTION)

Questions relatives à l’agriculture

Intensification durable

Agriculture intégrée

Meilleure gestion des nutriments et de l’eau

Agriculture de conservation

Ajustement des calendriers de culture

Diversification des cultivars ainsi que des espèces et souches animales

Gestion intégrée des nuisibles, des maladies et des adventices

Agriculture de précision

Amélioration du stockage du carbone dans les sols et accroissement du nombre de moyens de stockage (travail de conservation du sol, cultures de couverture, rotation des cultures)

Questions relatives aux paysages et aux régions

Approche tenant compte des paysages

Restauration des terres agricoles, des zones humides et des forêts dégradées

Agriculture respectueuse des écosystèmes (pour l’amélioration des services écosystémiques)

Agroforesterie (donner plus d’importance au rôle joué par les forêts)

Agroécologie

Questions relatives aux institutions et aux politiques

Renforcement des liens entre la science et les politiques

Généralisation de l’agriculture intelligente face au climat dans les cadres d’action pour le développement agricole

Compromis entre la diversification et la spécialisation

Égalité des sexes, participation des jeunes et réduction des inégalités

Amélioration des systèmes d’information météorologique et des services de conseil

Autonomisation des femmes et des pauvres

Financement, mécanismes d’assurance et dispositifs de protection pour les pauvres

Mesures incitatives pour une atténuation favorable aux pauvres

TABLEAU A4

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

Page 145: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

129

ANNEXES CHAPITRE 3

En chiffres : les émissions de GES induites par l’élevage (FAO, 2016c)

Total des émissions induites par l’élevage à l’échelle mondiale : 7,1 gigatonnes d’équivalent CO2 par an, soit 14,5 % de l’ensemble des émissions de GES anthropiques. Ce chiffre vient confirmer l’examen précédent de la FAO, L’ombre portée de l’élevage, publié en 2006. Il est toutefois fondé sur une analyse bien plus détaillée et sur des ensembles de données améliorés. Ces deux chiffres ne sont pas comparables, puisqu’ils se réfèrent à des périodes et à des sources différentes.

Les bovins (élevés à la fois pour la production de viande de bœuf et de lait, ainsi que pour ses produits non comestibles tels que le fumier et la traction animale) sont l’espèce animale responsable de la majeure partie des émissions (environ 65 % des émissions du secteur de l’élevage).

En matière d’activités, la production et la transformation (y compris les changements dans l’utilisation des sols) d’aliments pour animaux et la fermentation entérique des ruminants sont les deux principales sources d'émissions, avec respectivement 45 et 39 % des émissions totales du secteur. Le stockage et le traitement des effluents d'élevage sont responsables de 10 % des émissions, et les 6 % restants proviennent de la transformation et du transport des produits d'origine animale.

La consommation d’énergies fossiles tout au long des chaînes de valeurs impliquées dans l’ensemble des activités et espèces animales est à l’origine de 20 % des émissions du secteur de l’élevage.

En matière de produits, la viande de bœuf et le lait de vache sont les principaux émetteurs de gaz à effets de serre, avec respectivement 41 et 20 % des émissions totales du secteur (ces chiffres ne tiennent pas compte des émissions issues du fumier de vache et du bétail utilisé pour la traction animale).

Viennent ensuite la viande de porc (9 % des émissions), le lait et la viande de buffle (8 %), le poulet et les œufs de poule (8 %), et la viande et le lait de petits ruminants (6 %). Les émissions restantes sont issues d’autres espèces de volaille et de produits non comestibles.

L’intensité des émissions (c’est-à-dire les émissions par unité produite) varie d’un produit à l’autre. Elle est la plus élevée chez le bœuf (presque 300 kg d’équivalent CO2 par kilogramme de protéines produit), suivi de la viande et du lait des petits ruminants (respectivement 165 et 112 kg d’équivalent CO2 par kilogramme). L’intensité mondiale des émissions induites par le lait de bovins, les produits du poulet et le porc est plus faible (inférieure à 100 kg d’équivalent CO2 par kilogramme). À l’échelle sous-mondiale, l’intensité des émissions associée à chaque type de produit est extrêmement variable du fait des divers pratiques et intrants employés dans leur production à travers le monde.

Les émissions entériques et la production d’aliments pour animaux (notamment les dépôts de fumier sur les pâturages) sont les principales sources d’émissions induites par l’élevage des ruminants. En ce qui concerne la chaîne de valeur du porc, la majeure partie des émissions est associée à l’approvisionnement en aliments pour animaux et au stockage et au traitement des effluents d’élevage, tandis que l’approvisionnement en aliments pour animaux constitue la principale source d’émissions dans la production de volailles, suivie de la consommation d’énergie.

Environ 44 % des émissions du secteur de l’élevage sont constituées de méthane (CH4), le reste étant formé à parts presque égales de protoxyde d’azote (N2O, 29 %) et de dioxyde de carbone (CO2, 27 %).

ENCADRÉ A4

Page 146: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

130

Émissions de GES issues de l’élevage, par produit et par région

Source : Global Livestock Environmental Assessment Model [GLEAM], cité par Gerbert et al., 2013

FIGURE A8

Am

ériq

ue la

tine

et C

araï

bes

0

200

400

600

800

1 000

1 200

1 400 16

14

12

10

8

6

4

2

0

Asi

e de

l’Es

t et

du S

ud-E

st

Euro

pe d

e l’E

st

Am

ériq

ue d

u N

ord

Océ

anie

Fédé

ratio

n de

Rus

sie

Asi

e du

Sud

Afr

ique

sub

saha

rienn

e

Afr

ique

du

Nor

det

du

Nor

d-Es

t

Mill

ions

de

tonn

es d

e pr

otéi

nes

Mill

ions

de

tonn

es d

’équ

ival

ent C

O2

Am

ériq

ue la

tine

et C

araï

bes

Asi

e de

l’Es

t et

du S

ud-E

st

Euro

pe d

e l’E

st

Am

ériq

ue d

u N

ord

Océ

anie

Fédé

ratio

n de

Rus

sie

Asi

e du

Sud

Afr

ique

sub

saha

rienn

e

Afr

ique

du

Nor

det

du

Nor

d-Es

t

Euro

pe d

e l’O

uest

Euro

pe d

e l’O

uest

Bovins (viande) Bovins (lait) Porc Poulet Petits ruminants (lait et viande)

Pratiques recommandées par le Système de riziculture intensive (SRI)Le fonctionnement optimal du SRI est garanti lorsque les sept pratiques rizicoles suivantes sont combinées :

1 Utiliser de jeunes plants, c’est-à-dire âgés de 8 à 12 jours (maximum 15) de façon à optimiser le potentiel de croissance de la plante.

2 Éviter de traumatiser les racines. Les repiquer rapidement à faible profondeur (1 à 2 cm). Éviter l’inversion des racines pour ne pas retarder la pousse après repiquage.

3 Repiquer un pied par poquet (au lieu de trois à cinq tel qu’habituellement) (ngundi). Planter en lignes et en carré.

4 Dans l’idéal, espacer les plants davantage (de 25 x 25 cm). Lorsqu’ils sont mieux espacés et seuls par poquet, les plants disposent de davantage de lumière, d’air et de nutriments. Les racines et les houppiers peuvent ainsi pousser plus rapidement, les tiges sont renforcées et davantage de talles se forment.

5 Ne pas inonder le sol constamment. Conserver un degré d’humidité suffisant ou pratiquer l’intermittence de l’eau et de la sécheresse afin de permettre au sol de retenir de l’air. Il a été prouvé scientifiquement que cette méthode permettait aux racines de se développer davantage en raison de la présence d’oxygène dans le sol, laquelle conduit à une meilleure absorption des nutriments, des plantes plus saines et des graines de meilleure qualité.

6. Le sarclage est de préférence réalisé à l’aide d’une simple sarcleuse mécanique (rotative). Ce type de sarclage permet d’aérer le sol, tout en mélangeant les mauvaises à la terre de façon à obtenir un engrais vert.

7 Augmenter la matière organique dans le sol autant que possible par l’application de compost, de paillis ou de fumier. Des engrais chimiques peuvent être utilisés dans le cadre des SRI, mais ils ne permettent pas d’obtenir les meilleurs résultats.

ENCADRÉ A5

RENFORCER LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA RÉSILIENCE DES CHAÎNES DE VALEUR ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : OPTIONS ET POSSIBILITÉS

Page 147: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

131

La diversité de l’élevage contribue à faire face au changement climatique

Source : FAO, 2016c.

FIGURE A9

Quels sont les avantages pour la population ?

Decreased physical well-being and life quality

Loss of incomeDecreased food availability

Diminution du bien-être physique et de la qualité de vie

Perte de revenus

Moins bonne disponibilité des aliments

Prendre conscience de l’importance de la diversité des ressources génétiques du bétail

Comprendre que les éleveurs et les pasteurs sont responsables de la protection de la diversité du bétail

Préférer les produits et les services des races locales

Encourager les institutions à préserver la diversité génétique du bétail pour l’avenir

58 % sont insu�samment documentées

sont menacées d’extinction17 %

En cas de perte de la diversité de l’élevage...

Que pouvons-nous faire ?

La diversité des espèces de bétail est menacée

Près de 100 races d’animaux d’élevage ont disparu entre 2000 et 2014.

Se contenter d’un fourrage de mauvaise qualité

Résister aux températures extrêmes

Résister aux maladies ou être immunisé contre elles

Parcourir de longues distances pour trouver de l’eau ou de la nourriture

Résister à la sécheresse

Produire de la viande, des œufs ou du lait même dans des conditions di�ciles

Caractéristiques du bétail favorables à l’adaptation

Accroître la résilience face aux risques, notamment à la sécheresse, aux inondations et aux maladies

Permettre l’exploitation de terres non cultivables

Permettre l’implantation d’espèces ou de races mieux adaptées aux conditions climatiques di�ciles

Façonner et entretenir les paysages grâce au pâturage et à la fertilisation des sols par le fumier, tout en préservant la biodiversité

Fournir des sources de revenus et de nourriture diversifiées pour des millions de personnes

Diminution de la résilience face au changement climatique

La « diversité de l’élevage » et les « ressources génétiques » font référence aux 38 espèces d’oiseaux et de mammifères domestiqués, dont plus de 8 800 races sont actuellement utilisées pour la production alimentaire et l’agriculture.

ANNEXES

Page 148: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

132

Vue d’ensemble des mesures incitatives en faveur des services écosystémiques

Source : Garrett, 2016.

FIGURE A10

Réglementations obligatoires

Investissementsvolontaires

non associésaux intrants

Réglementationsflexibles

Investissementsvolontaires

associésaux intrants

Éventail des mesures d’incitation

Concessions de conservation

Paiement direct des services écosystémiques

Interdiction d’usage

Taxes et frais

Droits d’usage des propriétés

Mises en jachère obligatoires

Subventions

Servitudes de conservation

Permis et quotas

Marchés publics écologiques

Mises en jachère volontaires

Étiquetage commercial : certificats et normes

Responsabilité sociale d’entreprise (RSE)

Compensations

Normes culturelles et sociales

Versements pour desservices écosystémiques

Étiquetage commercialsans certificats ni normes

ANNEXES CHAPITRE 4

Eau, agriculture et commerce : une synergie sectorielle triangulaire potentielle au service de la sécurité alimentaire régionale dans la SADC

Source : Rampa & Van Wyk, 2014.

FIGURE A11

Agriculture

Commerce

Eau

Sécurité alimentaire régionale (PAR de la SADC)

Irrigation et infrastructures

Agriculture durable

Systèmes hydrauliquespolyvalents

Les incohérences verticales et horizontales font obstacle à la sécurité alimentaire régionale

Coopération régionale grâce à l’amélioration de la GTRE pour l’agriculture

Commerced’eau

virtuelle

Comptabilité économique

de l’eau

Empreinte sur les ressources

en eau

Barrières commerciales

GEA à l’échelle locale rarement incluse dans

les politiques de la SADC

Grand nombre d’acteurs dont les intérêts di�èrent et dont les initiatives sont

redondantes ou conflictuelles

Amélioration de l’intégration des modèles régionaux

aux politiques nationales

Analyse politico-économique des situations nationales pour

informer les modèles régionaux

SADC Communauté de développement de l’Afrique australePAR Politique agricole régionaleGEA Gestion des eaux agricolesSA Sécurité alimentaireGTRE Gestion transfrontalière des ressources en eau

Synergies potentielles/ Effet du PDDAA

Goulets d’étranglement empêchant la région d’atteindre la SA

Rapprochement des acteurs et des secteurs

Page 149: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

133

Cette étude a été conçue, mise en œuvre et commandée par le programme des nations unies pour le développement (pnuD), le centre régional de service pour l’Afrique (RSCA), Inclusive Growth & Sustainable

Development Cluster, l’Unité Secteur privé et le Fonds pour l’environnement mondial (FeM).

Pascale Bonzom, Phemo Karen Kgomotso, David Müller et Gemechu Berhanu ont fait partie de l’équipe du pnuD, menée par Tomas Sales.

L’équipe du FeM, menée par Mohamed Imam Bakarr, compte Asha Bobb-Semple.

Ces équipes ont bénéficié du soutien groupe d’action et de réflexion eCDpM (Centre européen de gestion des politiques de développement). Nous tenons à remercier Hanne Knaepen et Francesco Rampa,

auteurs de cette étude, ainsi que Carmen Torres et Paulina Bizzotto Molina.

Nous remercions également les différents experts qui ont apporté une contribution précieuse, dans divers domaines, à la présente étude par le biais d’entretiens ou dans le cadre de leur participation à l’atelier de

validation par des spécialistes, lequel a eu lieu en mai 2017 à Debre Zeyit, en Éthiopie.

REMERCIEMENTS

Synergies potentielles/ Effet du PDDAA

Goulets d’étranglement empêchant la région d’atteindre la SA

Rapprochement des acteurs et des secteurs

Page 150: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé
Page 151: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

Renforcer la durabilité environnementale et la résilience des chaînes de valeur alimentaires en Afrique subsaharienne : options et possibilités

Août 2017

Les opinions et recommandations exprimées dans ce rapport ne représentent pas nécessairement celles du FEM, du PNUD ou de leurs États membres. Les frontières et les appellations indiquées sur la carte

n’impliquent ni reconnaissance ni acceptation officielle de la part de l’Organisation des Nations Unies.

Pour de plus amples informations :www.undp.org/africa/privatesector

Copyright © 2017

Programme des Nations Unies pour le développementOne United Nations Plaza, New York, NY 10017, États-Unis

Tous droits réservés. Aucun passage de cette publication ne peut être reproduit, stocké dans un système de recherche documentaire ou transmis, sous aucune forme et par aucun moyen, qu’il soit électronique, mécanique, par photocopie ou autre, sans l’autorisation préalable du PNUD.

Conception : Strategic Agenda UK LTD

Page 152: Au service des peuples et des nations Renforcer la ......M. Lamin M. Manneh Dr Gustavo A. B. da Fonseca. v Avant-propos iii Encadrés, figures et tableaux vii Acronymes ix Résumé

Au service des peuples

et des nations

Programme des Nations Unies pour le développementOne United Nations PlazaNew York, NY 10017, États-Unis

www.undp.org/africa/privatesector

Banque mondiale1818 H Street NWWashington, DC 20433, USA

www.thegef.org

Renforcer la durabilité environnementale et la résilience des chaînes de valeur alim

entaires en Afrique subsaharienne : options et possibilités