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Au nom de Dieu Revue des Études de la Langue Française Revue semestrielle de la Faculté des Langues Étrangères de l'Université d'Ispahan Sixième année, N° 10 Printemps-Été 2014, ISSN 2008- 6571 ISSN électronique 2322-469X Cette revue est indexée dans: Ulrichsweb: global serials directory http://ulrichsweb.serialssolutions.com Doaj: Directory of Open Access Journals http://www.doaj.org IslamicWord Science Citation Center http://www.ISC.gov.ir SID: Scientific Information Database http://www.SID.ir Journals Database (Magiran) http://www.magiran.com Ministry of Science, Research and Technology http://www.msrt.ir BJM Electronic Database http://www.uijs.ui.ac.ir/relf Centre d’études informatiques des sciences islamiques http://www.noormags.com

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Au nom de Dieu

Revue des Études de la Langue Française

Revue semestrielle de la Faculté des Langues Étrangères de l'Université d'Ispahan

Sixième année, N° 10 Printemps-Été 2014, ISSN 2008- 6571

ISSN électronique 2322-469X

Cette revue est indexée dans:

Ulrichsweb: global serials directory http://ulrichsweb.serialssolutions.com Doaj: Directory of Open Access Journals http://www.doaj.org IslamicWord Science Citation Center http://www.ISC.gov.ir SID: Scientific Information Database http://www.SID.ir Journals Database (Magiran) http://www.magiran.com Ministry of Science, Research and Technology http://www.msrt.ir BJM Electronic Database http://www.uijs.ui.ac.ir/relf Centre d’études informatiques des sciences islamiques http://www.noormags.com

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Instructions éditoriales

1. Revue des Études de la Langue Française publie des articles en français, dans des domaines comme la littérature, la linguistique, la didactique des langues, les théories littéraires et la traductologie.

2. Revue des Études de la Langue Française est semestrielle. 3. Les articles devront être inédits (ne pas avoir été déjà publiés ou soumis à une autre revue). 4. La soumission se fait uniquement en ligne: www.uijs.ui.ac.ir/relf. 5. L'article doit comprendre: le résumé, les mots clés, l’introduction, le développement, la

conclusion et la bibliographie, avec le résumé en anglais et en persan. 6. L'article doit faire entre 4500 et 7000 mots. Il sera précédé d’un résumé en français (de 150 à

200 mots) avec 5 à 7 mots clés, et de sa traduction en anglais et en persan (pour les auteurs qui ne connaissent pas le persan, l’éditorial s’en prendra la charge).

7. L'article doit être présenté sous Word, Times New Roman 12 et 1.5 d’interligne pour le corps du texte.

8. Les citations de plus de 4 lignes feront l'objet d'un paragraphe séparé et elles seront mises en retrait par rapport à la marge de gauche et seront mises entre guillemets. Elles devront être en caractère 10 et en interligne single.

9. L'auteur utilisera des italiques pour citer des mots ou des phrases dans une autre langue que le français et en fournira la traduction.

10. L'auteur utilisera des italiques dans le cas d'ouvrages cités dans le texte. 11. La bibliographie sera située à la fin de l'article et sera précédée par la mention Bibliographie. 12. L'auteur utilisera le protocole APA. Les articles ne satisfaisant pas à ce protocole ne seront pas

examinés. Livres: Mounin, G. (2008). Les problèmes théoriques de la traduction. Paris: Gallimard. Articles: Thoiron, Ph. & Béjoint, H. (2010). La terminologie, une question de termes?. Meta, 55/1: 105-118. Sitographie: Rheaume, J. (1998). Apprivoiser la technologie éducative, éléments de cours. http://www.fse.ulaval.ca/fac/ten/tv/plxx135.html#bib. Consulté le 20 mai 2001.

13. Les ouvrages d’un même auteur parus dans la même année seront distingués par des lettres minuscules (a, b, c) juste après la date de publication.

14. La référence des citations dans le texte: «Chaque langue structure la réalité à sa façon et, par là même, établit les éléments de la réalité qui sont particuliers à cette langue donnée» (Mounin, 2008: 44).

15. Les notes en bas de page seront placées au bas de chaque page et non à la fin de l'article. Elles doivent être situées immédiatement après le passage auquel elles renvoient et avant la ponctuation. Les notes en bas de page seront numérotées consécutivement en chiffres arabes. Elles ne devront pas être utilisées pour citer des références bibliographiques, mais pour faire des commentaires substantiels susceptibles d'éclairer un point.

16. Tous les articles seront soumis à des évaluations sur une base anonyme. 17. La Rédaction de la Revue se réserve le droit de refuser ou d’apporter des corrections aux

textes lors de leur évaluation.

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Revue des Études de la Langue Française Revue semestrielle de la Faculté des Langues Étrangères de l'Université d'Ispahan

Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014 ISSN 2008- 6571

ISSN électronique 2322-469X

Directeur: Shokrian Zeini, Mohammad Javad [email protected]

Rédacteur en chef: Gashmardi, Mahmoud Reza [email protected]

Directeur-adjoint: Salimikouchi, Ebrahim [email protected]

Directrice exécutive: Kazemi, Nadia 03137932115

Éditrice: Azimi Meibodi, Nazita [email protected]

Éditeur des résumés anglais: Shahnazri, Mohammad Taghi [email protected]

Mise en page par: Abrary, Tayebeh 03137932115

Comité de rédaction

Abassi, Ali Maître de conférences Université Shahid Beheshti,Téhéran, Iran

Asghari Tabrizi, Akbar Professeur émérite Université d'Ispahan, Ispahan, Iran

Beikbaghban, Hossein Professeur émérite UMB, Strasbourg, France

Djavari, Mohammad Hossein Professeur Université de Tabriz, Tabriz, Iran

Foroughi, Hassan Professeur Université Shahid Chamran, Ahvaz, Iran

Gashmardi, Mahmoud Reza Maître de conférences Université d'Ispahan, Ispahan, Iran

Raguet, Christine Professeur Université de la Sorbonne Nouvelle (Paris III), France

Salimikouchi, Ebrahim Professeur assistant Université d'Ispahan, Ispahan, Itan

Shaïri, Hamid-Réza Maître de conférences Université Tarbiat Modares, Téhéran, Iran

Adresse postale : Revue des Études de la Langue Française, Faculté des Langues Étrangères de

l'Université d'Ispahan. Université d'Ispahan, Ispahan, Iran. C.P : 81744- 73441

Téléphone: 0098 3137932115 Télécopie: 0098 3136687391 Adresse électronique: www.uijs.ui.ac.ir/relf

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TTaabbllee ddeess mmaattiièèrreess

Enseignement explicite des stratégies de lecture en classe du FLE en Iran A. Assadnejad, R. Letafati, H. Foroughi & H-R. Shairi

1 - 16

Réalité et poéticité à travers l’écriture djebarienne de la guerre dans Les Enfants du nouveau monde F. Alavi & Z. Rezvantalab

17 - 36

L’incipit dans les contes philosophiques de François Voltaire: Etude sélective de Candide et Micromégas N. Azimi-Meibodi & M. Ziaee

37 - 48

Le Lac de Lamartine: un éternel retour vers l’espace de rencontre A. Ghiasizarch & F.Yecta Mard

49 - 60

De l’imaginaire dans l’imitation littéraire J. F. R. Gnayoro

61 - 74

Étude comparative du "Perfectionnisme", chezMowlânâet Alfred de Vigny M. MahdaviZadeh

75 - 90

Abstracts Résumés en persan

91

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_____________________________________

*[email protected]

**[email protected]

***[email protected]

**** [email protected]

Enseignement explicite des stratégies de lecture

en classe du FLE en Iran

Assadnejad, Azam*

Doctorante à l'université TarbiatModares, Téhéran, Iran

Letafati, Roya**

Maître de conférences, Université TarbiatModares, Téhéran, Iran

Foroughi, Hassan***

Professeur, Université ShahidChamran, Ahvaz, Iran

Shairi, Hamid Reza****

Maître de conférences, Université TarbiatModares, Téhéran, Iran

Reçu: 04.03.2013 Accepté: 26.10.2013

Résumé

En didactique du FLE, la lecture est considérée comme l’une des compétences majeures à acquérir par

les apprenants. Les cours de lecture ont pour objectif de développer les stratégies de lecture des apprenants

et à les rendre capables d’établir une communication écrite à partir d’un texte. Cependant les expériences

nous montrent que la plupart du temps l’enseignement de la lecture en langue étrangère en Iran est mis au

service d’autres compétences et il ne met pas à la disposition des apprenants les outils nécessaires pour

mieux explorer le texte. Cet article s’intéresse à l’enseignement des stratégies de lecture d’une façon

explicite au cours du FLE en Iran. Notre recherche montre que l’enseignement explicite des stratégies de

lecture peut aider les apprenants iraniens du FLE à surmonter leurs difficultés de compréhension et les

orienter vers l’autonomie. Il est à noter que, dans un tel enseignement, l’enseignant joue un rôle

significatif.

Mots clés: didactique du FLE, compétences, stratégies de lecture, enseignement explicite, cours de

lecture.

Introduction

Selon Chauveau (1990: 31), Giasson

(1995:152), Pierre (2003:12) "Lire, c’est

comprendre" et la lecture constitue l’une des

compétences principales vers lesquelles est

orienté tout l’enseignement du FLE. De ce

fait, il faut considérer le cours de lecture

comme l’un des cours fondamentaux en

didactique de langue étrangère pour les

apprenants et également pour les enseignants

du FLE. C’est grâce à ce cours que les

apprenants peuvent apprendre plusieurs

choses: les genres et les types de textes, les

formes d’écrit et d’expression, les règles

grammaticales, les différents emplois des

mots et leurs sens dans le contexte. C’est

dans ce cours qu’ils doivent apprendre

comment activer et mobiliser leurs

connaissances antérieures concernant un

sujet et faire un bon choix parmi les

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stratégies de lecture afin d’arriver au sens du

texte.

Les expériences sur le processus de lecture

montrent que les étudiants ne savent pas

comment se tirer d’affaire quand ils

rencontrent un problème en lecture. Certains

manquent de stratégies de lecture, d’autres

utilisent des stratégies dysfonctionnelles ou

s’en tiennent à une seule stratégie. Malgré

cette situation, les pratiques des enseignants

demeurent largement traditionnelles en se

préoccupant essentiellement de

l’enseignement des connaissances

déclaratives.

Dans cet article, nous nous proposons de

répondre à la question suivante:

l’enseignement systématique et explicite des

stratégies de lecture peut-il aider le lecteur

débutant en classe du FLE à surmonter ses

difficultés de compréhension en lecture?

Nous partons de cette hypothèse que cet

enseignement explicite des stratégies de

lecture permet aux apprenants iraniens du

FLE de mieux saisir le sens du texte et les

conduit vers une sorte d’autonomie. Notre

objectif est de démontrer la nécessité de

l’enseignement systématique des stratégies

de lecture en classe du FLE et de préciser la

manière dont les stratégies de lecture

devraient être enseignées.

Pour cerner le cadre théorique de cette

recherche, nous commencerons par définir

ce qu’est une stratégie. Nous établirons

ensuite la distinction entre les stratégies

d’apprentissage et les stratégies

d’enseignement. Nous soulignerons la

pertinence de l’enseignement des stratégies

de lecture et finalement nous énumérerons

les différentes caractéristiques du bon et

mauvais lecteur et nous parlerons du rôle de

l’enseignant dans un cours de lecture.

Dans cette étude, nous avons donné

également place à une recherche

expérimentale. Celle-ci a été effectuée dans

les cours de lecture de textes simples avec

les étudiants en première année du

département français de la faculté des

Sciences Humaines de l’Université

ShahidBeheshti à Téhéran1.

1. Qu’est-ce qu’une stratégie?

Depuis une trentaine d’années, les

recherches dans le domaine de la

compréhension en lecture ont connu un essor

remarquable. Durant ces années, la

définition de stratégie a beaucoup évolué.

Pressely et Harris la définissent comme une

opération cognitive ou métacognitive

complexe qui permet d’atteindre un but

1. Ici, nous tenons à remercier notre collègue

Monsieur le Docteur Abassi qui nous a permis de

réaliser cette enquête dans ce département.

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Enseignement explicite des stratégies de lecture en classe … / 3

déterminé à l’aide d’une suite d’actions

réalisées de manière consciente ou non

(2006:268). Pour Legendre, la stratégie, au

sens plus général, signifie une «manière de

procéder pour atteindre un but spécifique»

(1993:1184). Au sens spécialisé, il s’agit

d’un«plan général et bien établi, composé

d’un ensemble d’opérations ingénieuses et

agencées habilement, en vue de favoriser au

mieux l’atteinte d’un but compte tenu d’une

situation dont les principaux paramètres sont

connus» (Legendre, 1993:1184). Tardif

pense que les stratégies sont des

connaissances. Elles peuvent donc être

apprises et emmagasinées dans la mémoire à

long terme des apprenants. En didactique des

langues, on peut, selon Tardif, parler de deux

types de stratégies: les stratégies

d’apprentissage et les stratégies

d’enseignement. Les premières sont

appliquées par les apprenants et les secondes

par les enseignants (1992: 50).

1.1 Les stratégies d’apprentissage

Selon Legendre, une stratégie

d’apprentissage est un «ensemble

d’opérations et de ressources pédagogiques,

planifié par le sujet dans le but de favoriser

au mieux l’atteinte d’objectifs dans une

situation pédagogique» (1993:1185). Paul

Cyr répartit les stratégies d’apprentissage en

trois grandes catégories: les stratégies

métacognitives, les stratégies cognitives et

les stratégies socio-affectives. «Les

stratégies métacognitives consistent

essentiellement à réfléchir sur le processus

d’apprentissage, à comprendre les conditions

qui le favorisent(…). Les stratégies

cognitives impliquent une interaction entre

l’apprenant et la matière à l’étude(…). Les

stratégies socio-affectives impliquent une

interaction avec les autres (locuteurs natifs

ou pairs)» (1998:42-55). Chacune de ces

stratégies se subdivisent en plusieurs sous-

catégories. Les stratégies d’apprentissage

sont généralement conscientes, automatisées

et observables à travers le comportement

scolaire des apprenants, Ces stratégies sont

modifiables et peuvent donc être

parfaitement enseignées.

1.2 Les stratégies d’enseignement

Les stratégies d’apprentissage et les

stratégies d’enseignement sont considérées

comme des stratégies pédagogiques;

cependant il ne faut pas les confondre.

Legendre définit les stratégies

d’enseignement comme un «ensemble

d’opérations et de ressources pédagogiques,

planifié par l’éducateur pour un sujet autre

que lui-même» (1993:1185). Pour que les

stratégies d’enseignement soient efficaces, il

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4/ Revue des Études de la Langue Française, Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

faut les adapter aux besoins, aux styles

d’apprentissage et aux caractéristiques des

apprenants. Il est aussi indispensable que ces

stratégies soient variées pour éviter tout effet

de saturation. Elles doivent enfin

progressivement céder le pas aux stratégies

d’apprentissage afin de permettre aux

apprenants de devenir plus autonomes.

2. L’enseignement explicite des stratégies

Pour Cyr, l’enseignement d’une stratégie

doit se composer de trois phases: phase

cognitive (acquisition de la stratégie), phase

associative (intégration de la stratégie) et

phase de l’autonomisation (réutilisation de la

stratégie). La démarche de cet enseignement

comprend plusieurs étapes: la détermination

des stratégies utilisées, la présentation de la

stratégie à enseigner, le modelage de cette

stratégie par l’enseignant, l’application de la

stratégie par les apprenants avec l’aide de

l’enseignant puis de façon autonome et

l’établissement du lien entre l’utilisation des

stratégies et la motivation (1996:108-110).

En ce qui concerne l’enseignement des

stratégies, Chamot, Barnhardt, El-Dinary et

Robbins proposent un modèle appelé

CALLA(Cognitive AcademicLanguage

Learning Approach)se composant de cinq

étapes: la préparation, la présentation, la

pratique, l’évaluation et l’expansion (1999:

43-44).

Au cours de la phase de préparation, les

apprenants sont amenés à identifier les

stratégies qu’ils utilisent. Pendant la phase

de présentation, l’enseignant nomme la

stratégie d’apprentissage, en explique les

caractéristiques et l’utilité, indique quand,

comment et pourquoi il faut l’utiliser. Durant

la phase de pratique, les apprenants

s’exercent à l’utilisation de la stratégie en

accomplissant une tâche d’apprentissage

authentique le plus souvent en petits

groupes. Pendant ce temps, l’enseignant

circule entre les groupes, fait des suggestions

et donne des rétroactions. Au cours de la

phase d’évaluation, l’enseignant incite les

apprenants à développer leur conscience

métacognitive en leur offrant l’occasion

d’autoévaluer le degré d’efficacité de

l’utilisation qu’ils viennent de faire de la

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Enseignement explicite des stratégies de lecture en classe … / 5

stratégie. Durant la phase d’expansion, les

apprenants appliquent la stratégie

d’apprentissage de façon autonome et sont

encouragés à l’utiliser dans d’autres tâches

scolaires ainsi que dans leur vie quotidienne.

Dans cette démarche, l’enseignant et

l’apprenant doivent assumer des tâches et

des responsabilités tout au long de

l’enseignement stratégique.

3. Stratégies de lecture

Avant de parler des stratégies de lecture, il

nous semble indispensable de définir l’acte

de lire et d’en présenter très brièvement ses

principales caractéristiques.

Il existe une multiple définition de la

lecture. Legendre définit la lecture comme

une «activité perceptivo-visuelle et

intellectuelle qui permet de décoder le sens

d’un texte par la reconstruction du message

encodé sous forme d’informations

graphiques» (1993:787). Pour Perfetti, la

lecture est «un ensemble de processus

permettant d’extraire la signification du

texte». Et cet ensemble inclut «aussi bien

l’identification des mots que la

compréhension» (1989:62). «L’intérêt des

chercheurs, comme U. Eco souligne, est

progressivement passé du texte au lecteur

comme jadis de l’auteur au texte» (Picard,

1987:10).

Wolfgang Iser, dans son Acte de lecture

met en œuvre la notion du lecteur virtuel et

implicite qui coopère avec l’auteur dans la

création d’œuvre littéraire. Iser se concentre

sur cette instance lectrice et le rapport

qu’elle entretient avec le texte. Pour lui,

c’est l’acte de lecture qui compte et non le

texte. La lecture est considérée comme la

création même; c’est-à-dire le fruit des

processus cognitifs mobilisés par le lecteur

(1985:49).

Mais quelle que soit la définition, l’acte de

lire ne peut être considéré comme accompli

que lorsque la compréhension du texte à lire

est atteinte. Cette compréhension dépend des

informations stockées dans la mémoire du

lecteur et celles qui figurent dans le texte à

lire. Pour Goodman, « [...] le but de la

lecture est la construction du sens en réponse

au texte. [...] Cela requiert l’utilisation

interactive des indices grapho-phonétiques,

syntaxiques et sémantiques [...]» (1981:477).

La lecture est un acte discontinu et

solitaire. Discontinu car le lecteur peut

s’arrêter et continuer sa lecture quand il veut,

solitaire parce que l’émetteur est absent.

Cependant selon Annie Rouxel, cet acte peut

devenir une activité collective "dans laquelle

le dialogue avec le texte se nourrit des

échanges entre élèves" (1996:54).

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6/ Revue des Études de la Langue Française, Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

La majorité des définitions actuelles de la

lecture s’accordent sur le fait que la lecture

est un processus à la fois actif, interactif et

stratégique. Ainsi, pour être efficace, la

stratégie de lecture ne doit pas être la même

selon qu’on lit un texte pour son propre

plaisir, pour chercher une information

précise, pour répondre à une tâche scolaire,

qu’on parcourt une liste d’épicerie ou qu’on

cherche un mot dans le dictionnaire.

En ce qui concerne les stratégies de

lecture, plusieurs auteurs et didacticiens

(Moirand:1979, Giasson:1998, artinez:2004,

Van Grunderbeek:1994) en ont parlé.

«Comment le lecteur lit ce qu’il lit.» est la

définition que Sophie Moirand donne de la

stratégie (1979:19). Selon Giasson, une

stratégie de lecture est "un moyen ou une

combinaison de moyens que le lecteur met

en œuvre consciemment pour comprendre un

texte" (1998:12).

Pour Van Grunderbeek, les stratégies de

lecture peuvent se diviser en trois ensembles:

celles qui servent à l’identification des mots,

celles qui sont utilisées lors de la

compréhension du texte et celles dont le bon

lecteur se sert pour répondre à un but et qui

montrent sa capacité d’adaptation en tant que

lecteur à la situation (1994:35).

Il est évident que la stratégie de lecture

diffère, chez le lecteur habile, en fonction du

support utilisé et du but recherché. On n’a

pas la même façon de lire lorsqu’on cherche

un numéro de téléphone dans un annuaire ou

lorsqu’on lit un roman. Notre connaissance

des genres littéraires, des modes

d’énonciation et des différents supports nous

permet d’adapter notre stratégie de lecture au

but recherché. Il y a en quelque sorte une

interaction entre le lecteur et le texte. Le

choix de telle stratégie ou une autre dépend

fortement de notre objectif de lecture. En

effet, les stratégies peuvent être utilisées

avant, au cours et après la lecture.

Il est à noter que Claudine Lachapelle

(2006) a recueilli cinquante-huit stratégies

de lecture dans un livre intitulé les stratégies

de compréhension en lecture dans lequel elle

explique le temps et la manière et la raison

de l’utilisation de chaque stratégie.

4. Enseignement explicite des stratégies de

lecture

L’enseignement explicite est considéré

comme un moyen de montrer aux étudiants

comment utiliser les stratégies de lecture.

Les stratégies de lecture doivent être

enseignées, car elles ne se développent pas

spontanément chez tous les lecteurs

débutants. Même lorsqu’ils disposent des

connaissances linguistiques et textuelles

nécessaires, les lecteurs débutants démunis

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Enseignement explicite des stratégies de lecture en classe … / 7

de stratégies de lecture ou recourant à des

stratégies dysfonctionnelles ne réussiront

sans doute pas à améliorer efficacement la

qualité de leur compréhension. Beaucoup de

lecteurs débutants ne pourront utiliser des

stratégies de lecture que si on les leur

enseigne explicitement et systématiquement.

Giasson pense que l’objectif d’un

enseignement explicite des stratégies

est«d’aider les élèves à développer des

ressources cognitives, affectives et

métacognitives pour approcher la lecture

d’une façon plus articulée. Il s’agit

d’enseigner aux élèves non seulement

COMMENT utiliser une stratégie, mais

également POURQUOI et QUAND

l’utiliser» (1998:12).

Van Grunderbeeck a montré que lorsqu’on

privilégie l’enseignement d’une seule

stratégie, non seulement cela rend l’élève

dépendant de l’enseignant, mais contribue

aussi à l’enfermer dans une définition

étriquée et erronée de ce que lire veut dire.

Lire, ce n’est pas seulement «dire les sons

qui correspondent aux lettres» (stratégie

axée sur le déchiffrage), «dire une histoire»

(stratégie axée sur le sens), ni «dire des mots

qui ne présentent pas forcément de lien»

(stratégie axée sur la reconnaissance

globale). L’enseignement d’une variété de

stratégies est alors conseillé (1994:29).

5. Caractéristiques des bons et mauvais

lecteurs

Après avoir défini la notion de "stratégie

de lecture", voyons ce qui distingue les

lecteurs stratégiques de non stratégiques.

Le lecteur stratégique est un lecteur

flexible et actif dans son processus de lecture

car il est capable de varier les stratégies en

fonction de son but, des difficultés

rencontrées et du degré de difficulté du texte.

Tandis que le lecteur non stratégique se

caractérise par son manque de clarté

cognitive, sa tendance à n’utiliser qu’une

stratégie en situation de lecture, sa rigidité

cognitive et sa dépendance à l’égard de

l’enseignant.

Le lecteur stratégique se pose

continuellement des questions, planifie sa

lecture. Lorsqu’il rencontre un problème en

cours de sa lecture, il est capable de

reconnaître qu’il y a une perte de

compréhension et de choisir le moyen qui

convient le mieux pour récupérer le sens du

texte. Au contraire, le lecteur non stratégique

ne réalise pas qu’il vient de perdre le fil du

texte; quand il s’en tient compte, il ne

connaît pas les stratégies susceptibles de

l’aider à solutionner son problème; même

s’il connaît une stratégie convenable, il ne

sait pas toujours s’en servir correctement.

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8/ Revue des Études de la Langue Française, Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

Le résultat d’une étude menée par J.P.

Martinez au niveau secondaire montre que

les mauvais lecteurs sont ceux qui ont aussi

le plus de difficultés à s’autoquestionner et à

expliciter leur démarche cognitive. En ce qui

concerne, l’utilisation des stratégies de

lecture en fonction de l’intention de lecture

et des différents types de discours, ils

utilisent presque toujours la même stratégie

sans tenir compte de l’intention de lecture ni

du traitement des informations que celle-ci

requiert. Ils ont de la difficulté à activer leurs

connaissances antérieures par manque ou

méconnaissance de leur utilité. Ils éprouvent

des difficultés d’anticipation, d’inférence,

d’interprétation et de compréhension de

différentes structures de textes (2004:1).

Selon Martinez, une des principales

caractéristiques du lecteur accompli

est«l’utilisation d’une variété de stratégies

en fonction de son intention et du type de

discours. Il se reconnaît aussi par sa

conscience explicite des stratégies, à sa

capacité à les verbaliser et à son habileté à

activer ses connaissances antérieures» (2004:

2).

Romainville pense que «L’apprenant

efficace ne serait donc pas nécessairement

celui qui dispose de telle ou telle stratégie

mais bien celui qui exerce sur ces propres

manières d’apprendre une réflexion lui

permettant de les adapter» (1993:62).

Il semble que la différence majeure entre

ces différents lecteurs serait dans la capacité

plus ou moins grande d’activation des

connaissances antérieures et de leur

adaptation à la situation (Cyr, 1998: 110-

112).

6. Le rôle de l’enseignant dans un

enseignement stratégique

Le rôle de l’enseignant est très important.

Selon Giasson, l’enseignant joue le rôle de «

lecteur accompli pouvant servir de modèle et

de guide pour ses élèves » (1990:27). C’est

celui qui doit encourager les

étudiants/apprenants à construire le sens en

se servant des stratégies qui rendent facile

l’accès au sens. Parmi les différents rôles

que Tardif attribue à l’enseignant

stratégique, il conviendrait de souligner

particulièrement celui de modèle.

L’enseignant est censé être le seul lecteur

expert en classe, il se doit donc de jouer son

rôle de modèle afin d’amener ses apprenants

à acquérir des stratégies de lecture efficaces

et favoriser leur autonomie (Tardif, 1992,

cité par Cyr, 1998:116).

Les enseignants devraient enseigner les

stratégies d’apprentissage en adoptant une

démarche pertinente et efficace.

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Enseignement explicite des stratégies de lecture en classe … / 9

L’enseignant en classe de lecture«doit aller

plus loin que le simple fait de poser des

questions ou de faire répéter des tâches de

lecture par les élèves. Il [doit] ajouter une

fonction explicative [à ses pratiques, celle

de] dire aux élèves pourquoi une réponse

n’est pas adéquate et comment on peut

utiliser des stratégies pour arriver à des

réponses meilleures» (Giasson, 1990: 27).

Selon Van Grunderbeeck, au début de la

leçon, l’enseignant doit offrir un soutien

maximal aux apprenants mais au fur et à

mesure il doit partager la responsabilité avec

eux; pour arriver à transmettre la complète

responsabilité de lecture. Cela signifie que

les apprenants maîtrisent les stratégies de

lecture et les utilisent de façon autonome

(2004:129-130).

7. Le cours de lecture en FLE en Iran

Constituant une des compétences

principales dans l’apprentissage et

l’enseignement du FLE, «la lecture permet

aux élèves d’enrichir leurs connaissances

lexicales, en leur offrant la possibilité

d’utiliser spontanément le français et en leur

permettant, en même temps, de s’habituer à

une nouvelle manière de penser et de

s’exprimer en français» (Cornea, 2010: 112).

Le but du cours de lecture est alors de

développer les stratégies de lecture des

apprenants et de les rendre capables de

réaliser une situation de communication

écrite à partir d’un texte et de leur assurer

une autonomie progressive en matière de

lecture. «L’essentiel est surtout que les

élèves soient devenus, de temps à autre, des

lecteurs critiques, acteurs et producteurs de

sens, et qu’ils y aient trouvé du plaisir»

(Barjolle, 2002:47-48).

Afin d’avoir une vision plus nette du

déroulement des cours de lecture et de la

compréhension en FLE en Iran, on a fait des

observations dans les différentes universités

de Téhéran comme ShahidBefeshti, Azad,

Allameh et Téhéran. Suite à ces

observations, on a pu constater que la lecture

en langue étrangère est très souvent mise au

service d’autres compétences. Ces cours se

transforment en général en cours de

grammaire, de lexique et même de

traduction et l’enseignement des stratégies

de lecture n’est jamais abordé en classe de

lecture. La plupart du temps, les

étudiants/apprenants sont invités à lire un

texte, à chercher le sens desmots nouveaux,

à traduire le texte en persan et quelquefois de

répondre aux questions de l’enseignant. Les

enseignants lisent le texte eux-mêmes,

corrigent la prononciation des étudiants. Ils

ne mettent pas à la disposition des étudiants

des stratégies de lecture afin de les aider à

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10/ Revue des Études de la Langue Française, Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

saisir le sens du texte d’une façon autre que

la traduction mot à mot.

8. La partie expérimentale

Afin d’examiner notre problématique, on a

essayé de choisir trois textes intéressants et

identiques au niveau linguistique et

sémantique (annexe 1,2 et 3). On a abordé le

premier texte d’une façon traditionnelle en

classe et les deux autres en utilisant les

stratégies de lecture.

Pour cette recherche, on a sélectionné ces

quatre stratégies de lecture:

Faire un survol du texte

Faire des prédictions

Poser des questions

Résumer un texte

Il est à noter que les 23

étudiants/apprenants du FLE participant dans

cette recherche étaient en première année de

leurs études universitaires et ont déjà passé à

peu près 220 heures de français.

8.1 Le déroulement du cours de lecture en

FLE d’une façon traditionnelle

L’enseignante distribue le texte et

demande aux étudiants de le lire

silencieusement. Dans la deuxième étape,

l’enseignante, elle-même, lit le texte et

explique les mots et en donne des

synonymes et des contraires. Ensuite, elle

fait lire le texte à quelques étudiants et

corrige leur prononciation. Dans la dernière

étape, l’enseignante demande à tous les

étudiants de répondre aux questions du texte.

L’enseignante demande aux étudiants de

résumer le texte.

Après avoir analysé et vérifié les réponses

des étudiants, nous avons constaté que seule

la quasi moitié des étudiants ont réussi à

répondre correctement à toutes les questions.

La majorité d’entre eux n’ont pas utilisé

leurs propres phrases et ont copié les phrases

du texte.

8.2 Le déroulement du cours de lecture

basé sur l’enseignement des stratégies

Le modèle de l’enseignement des

stratégies de lecture que nous avons adopté

pour notre recherche résulte d’une synthèse

des modèles proposés par Cyr (1996:149) et

Chamotet al. (1999:43-44). Nous avons ainsi

retenu cinq phases principales: présentation

de la stratégie, démonstration de la stratégie

par modelage, application de la stratégie par

les apprenants guidés par l’enseignant, puis

sans l’aide de celui-ci et enfin l’évaluation

de la stratégie accompagnée d’une

rétroaction positive. Cette démarche respecte

les trois phases principales de la construction

du savoir: la phase cognitive (acquisition), la

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Enseignement explicite des stratégies de lecture en classe … / 11

phase associative (intégration) et la phase de

l’autonomisation (réutilisation).

Présentation des stratégies

L’enseignante note au tableau les

stratégies, explique leur utilité d’une façon

explicite, indique quand, comment et

pourquoi il faut les utiliser.

Modelage des stratégies

C’est au cours de cette phase que

l’enseignante joue son rôle de modèle et de

lecteur expert. Après avoir distribué le texte,

elle écrit un paragraphe du texte au tableau,

puis procède à sa lecture en montrant de

façon précise et détaillée comment elle

utilise les stratégies présentées pour accéder

au sens de ce texte.

Application des stratégies par les

étudiants avec l’aide de l’enseignante

L’expérimentation des stratégies par les

étudiants se fait en deux étapes: d’abord

avec l’aide de l’enseignante, puis sans l’aide

directe de celle-ci. Au cours de la première

étape, l’application des stratégies se fait de

façon collective. Tous les étudiants

participent à la lecture du texte.

L’enseignante confirme ou refuse les

réponses et donne de plus amples

explications ou clarifications sur l’utilisation

de la stratégie par les étudiants.

Application des stratégies par les

étudiants sans l’aide directe de

l’enseignant

Au cours de cette phase, un troisième texte

est donné aux étudiants et ceux-ci doivent

appliquer individuellement les mêmes

stratégies travaillés avec les deux autres

textes. Dans cette phase, l’enseignante

préfère ne pas intervenir directement mais

elle aide les étudiants s’ils rencontrent des

problèmes.

Évaluation des stratégies

Pendant cette dernière phase, l’enseignante

vérifie les réponses des étudiants afin de

s’informer sur le degré d’efficacité des

stratégies travaillées dans la classe.

9. L’analyse des résultats

Après avoir analysé et vérifié les copies

des étudiants, on a constaté que80% de ces

étudiants ont répondu correctement aux

questions et presque tous se sont servis des

stratégies. Alors, nous nous sommes rendu

compte que cette démarche a apporté des

changements chez les étudiantsdu point de

vue cognitif, métacognitif, personnel et

social:

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12/ Revue des Études de la Langue Française, Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

Dimensions cognitive etmétacognitive

Les étudiants travaillent davantage

sur le texte à lire;

Les étudiants sont capables de

nommer les stratégies utilisées;

Certains sont plus autonomes dans

l’utilisation des stratégies de lecture.

Dimensions personnelleetsociale

Les étudiants sont plus motivés à lire

et ils sont plus fiers de ce qu’ils font;

Les étudiants ont le sentiment que

leur opinion est important;

Il y a amélioration de leur estime et

de leur confiance en soi;

Cette démarche permet une bonne

collaboration entre les étudiants.

Les résultats obtenus montrent l’efficacité

de cette démarche dans les cours de lecture

en FLE. On peut conclure que

l’enseignement explicite des stratégies de

lecture permet aux apprenants iraniens de

mieux explorer le texte.

Conclusion

L’enseignement explicite et systématique

des stratégies de lecture est incontournable,

car les stratégies ne se développent pas

spontanément chez tous les apprenants.

Notre recherche qui avait pour but de doter

les lecteurs débutants de stratégies de lecture

a vérifié l’efficacité de l’enseignement des

stratégies de lecture quant à l’amélioration

des résultats des sujets. Les résultats obtenus

nous permettent donc de répondre par

l’affirmative à notre question de recherche:

oui, l’enseignement des stratégies de lecture

peut aider les apprentis lecteurs à surmonter

leurs difficultés en lecture.

L’enseignement de stratégies de lecture,

c’est-à-dire, les moyens dont le lecteur se

sert consciemment pour mieux comprendre

un texte, est la clé dans l’interaction entre

enseignant et apprenant pour que ce dernier

puisse, progressivement, devenir un lecteur

autonome et pour goûter le plaisir du texte.

Cependant, il faut savoir que les stratégies

ne sont qu’un outil dans la poursuite des

objectifs de lecture. Si on enseigne des

stratégies aux apprenants, c’est

essentiellement pour qu’ils les utilisent dans

leurs lectures personnelles: il faut donc en

parallèle s’assurer que les apprenants lisent

régulièrement et développer chez eux le goût

de lire. Dans cette situation, le rôle de

l’enseignant est très important dans la

mesure où il devrait non seulement procéder

à un enseignement systématique du

processus de lecture, mais aussi jouer le rôle

du lecteur expert et donc de modèle dans sa

classe.

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Enseignement explicite des stratégies de lecture en classe … / 13

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Annexe1

Le crayon et la feuille de papier

Une feuille de papier était amoureuse d’un

crayon.

- Ecris-moi quelque chose de gentil, lui

demandait-elle souvent d’une voix

suppliante.

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14/ Revue des Études de la Langue Française, Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

Le crayon, apitoyé par cette mine de papier

mâché, était fort ennuyé. Qu’écrire ? Il

l’ignorait. Lui qui ne savait même pas

lire…

La feuille de papier lui suggéra de faire un

dessin.

Mais la gomme qui passait par là entendit la

conversation. Elle aussi était amoureuse du

crayon et n’entendait pas s’effacer devant

sa rivale. Elle ne dit rien. Le crayon, après

s’être passablement creusé la tête – et taillé

la mine –, fit un beau dessin en

s’appliquant beaucoup et en tirant la

langue.

La gomme l’effaça aussitôt.

La feuille de papier demanda au crayon ce

qu’il avait dessiné. La gomme n’était pas

très fière. Il commença :

- J’avais dessiné…

Mais, déjà, la gomme effaçait le mot que le

crayon s’employait à tracer. Celui-ci en fut

si fâché qu’il recommença et recommença

encore. A tel point que son chapeau taille-

crayon n’en finissait pas de tourner sur sa

tête. Et la gomme effaçait, effaçait sans

relâche…

Elle effaça si bien que le crayon fut vite usé.

C’est depuis cette époque que la feuille de

papier et la gomme ne s’échangent plus un

mot.

1. Quels sont les personnages du récit?

2. Quels personnages s’opposent? Pourquoi?

3. Que devient le crayon?

Annexe 2

PARAPLUIE

Grand-mère a perdu son parapluie. Elle

part à sa recherche. Son petit - fils la suit

Je propose de la suivre. Perdre un parapluie, ça

n’est pas la fin du monde, mais perdre

une grand-mère, c’est déjà plus ennuyeux.

Elle est dans la rue. Un taxi passe. Elle lève le

bras. Il s’arrête.

— C’est pour où ? demande le chauffeur.

— Mon parapluie.

— Pardon ?

— Mon parapluie.

— Montparapluie ? Voyons, Montparnasse,

Montmartre, d’accord. Mais Montparapluie ?

Où ça se trouve, ça ?

Grand-mère s’explique. Alors le chauffeur

rouspète, se fâche, et la voiture s’enfuit.

— Il n’est pas gracieux, constate Grand-mère.

J'essaie de lui expliquer :

— Paris est trop grand.

— Tu es comme ton père, toi, tout de suite

découragé.

Pierre Louki, Papa brûle les planches, Bordas

1. Quels sont les personnages du récit?

2. Posez trois questions au texte?

Annexe 3

Le survêtement

Depuis ce matin, Julie a un nouveau

survêtement. Il est bleu comme la mer, avec

une dizaine de poissons multicolores qui

semblent nager dans le tissu. Julie l’aime

tellement qu’elle ne l’a pas quitté de la

journée ! Le soir venu, la demoiselle dépose

le beau vêtement sur une chaise puis elle se

couche et s’endort. Tout à coup, un petit

bruit discret. Quelqu’un pousse la porte et

pénètre dans la chambre de la fillette. C’est

Grobêta, le chat. Il a réussi à s’échapper de

la cuisine où il dort habituellement. Soudain,

ses grands yeux verts tombent sur les

appétissants poissons immobilisés dans le

tissu bleu.

– Quelle chance, pense Grobêta. Voici un bel

aquarium pour moi tout seul ! Je vais me

régaler.

Le matou bondit et plante ses griffes dans un

beau saumon.

Horreur ! La bête se débat et Grobêta s’empêtre

dans les manches du survêtement. Il tombe

de la chaise et roule jusqu'au pied du lit de

Julie. Celle-ci se réveille en sursaut et allume

la lumière.

– Va-t-en, gros bêta ! crie la jeune maîtresse,

furieuse. S’il y a un chat qui porte bien son

nom, c’est toi !

Le chat s’en va et Julie décide de changer ses

habitudes. Désormais, elle rangera sa

chambre. Son survêtement bien sûr, mais

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Enseignement explicite des stratégies de lecture en classe … / 15

aussi ses chaussons en forme de souris et son

cartable parce qu’il y a des oiseaux dessinés

dessus. On n’est jamais assez prudent avec

un gros bêta à la maison !

1. Quels sont les personnages du récit?

2. Trouvez tous les mots qui désignent Julie?

3. Trouvez le nom de quelques animaux?

4. Posez trois questions au texte?

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16/ Revue des Études de la Langue Française, Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

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Réalité et poéticité à travers l’écriture djebarienne de la guerre dans Les Enfants du

nouveau monde

Alavi, Farideh

*

Maître de conférences, Université de Téhéran, Téhéran, Iran

Rezvantalab, Zeinab**

Doctorante, Université de Téhéran, Téhéran, Iran

Reçu: 03.10.2013 Accepté: 01.03.2014

Résumé:

Le contexte de la guerre d'indépendance en Algérie a créé une thématique nouvelle dans la littérature

maghrébine de langue française. Les images de la guerre paraissent comme le support de cette thématique

que nous essaierons d'analyser dans cet article, à travers l'étude d'un des plus édifiants romans de guerre,

soit Les Enfants du nouveau monde. Assia Djebar dessine dans cette œuvre un tableau saisissant de la vie

quotidienne du peuple algérien durant la guerre, et les conséquences qu'elle a eues sur le destin des gens

issus de différentes couches sociales. Son récit est apte à refléter la diversité des points de vue sur la

guerre, par la multitude de personnages présentés. Cependant, l’importance que Djebar donne aux détails

n’obéit pas à un souci d’objectivité, car ce roman n’est pas à identifier à un véritable document historique ;

sa représentation n’obéit pas non plus à une esthétique expressive ou à une forme gratuite de l’art de

l’écrit; sa véritable portée consiste à avoir trouvé un cadre littéraire idéal pour l’évocation de la réalité de

la guerre dans un de ses multiples visages. Conformément à la perspective sociocritique, adoptée, l’on

s’attachera à percevoir l’idéologie qui découle de cette représentation poétique de la réalité guerrière.

Mots-clés: Assia Djebar, Les Enfants du nouveau monde, guerre, spectacle, réalisme poétique, réalisme

psychologique, idéologie, sociocritique.

Introduction:

Depuis 1958, où Malek Haddad a écrit le

premier roman inspiré par la guerre

d'indépendance algérienne1 (1954-1962), la

critique littéraire n’a de cesse de saluer

l’originalité des romanciers qui feraient de

cette guerre et de sa mémoire le cadre ou

l’objet de leur fiction. Alors que certains

critiques se plaisent à relever l’absence

d’œuvre majeur qui- « à l’égale d’À l’ouest

rien de nouveau, Le Feu ou Voyage au bout

*[email protected]

**[email protected]

1 Ce roman est intitulé La Dernière impression ; il est

publié aux éditions Julliard à Paris.

de la nuit pour la Grande Guerre »

(Milkovitch-Rioux, 2012:12) - porterait la

postérité de la guerre de libération, d’autres

se disent frappés par la permanence et la

vitalité des représentations du conflit

qu’offre la littérature algérienne de langue

française. En 1996, Benjamin Stora recensait

en Algérie et en France plus de deux mille

œuvres relatives à la guerre d’Algérie2,

auxquelles s’ajoutent des titres dans

l’actualité éditoriale la plus récente. L’œuvre

des plus grands écrivains algériens s’est ainsi

2

Voir: Stora, Benjamin, Imaginaires de guerre,

Algérie-Viêt Nam en France et aux États-Unis, Paris,

La Découverte, 1997.

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18/ Revue des Études de la Langue Française, Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

construite en référence à cet événement

majeur de l’histoire nationale, des fondateurs

à la génération contemporaine, « la guerre

de libération ayant habité, d’une manière ou

d’une autre, l’imaginaire de tous.» (Chaulet-

Achour, 1990: 110)

Dans ce travail, nous allons analyser

l’image de cette guerre, telle qu’elle a été

abordée par la célèbre écrivaine algérienne

d’expression française, Assia Djebar3. Les

Enfants du nouveau monde est un roman qui

suscite un intérêt artistique particulier, car il

a pu créer l’image d’une guerre/spectacle par

une théâtralité, qui au-delà de son originalité,

est une représentation de la guerre dans ses

conséquences les plus immédiates sur la vie

sociale dans le conditionnement qu’elle

instaure et dans le sentiment d’absurdité

qu’elle développe.

Une vision ludique du monde pourrait

interpréter la guerre comme un jeu,

autrement dit un effacement des limites du

paradoxe entre les liens de cette réalité avec

la théâtralité. Mais cette conception

philosophique ne semble pas être celle

d’Assia Djebar, car il nous apparaît que sa

notion de guerre/spectacle a surtout une

3

Assia Djebar est considérée comme l’une des

auteures les plus influentes du Maghreb. Elle est élue

à l’Académie française en 2005. Ses œuvres ont été

traduites dans 21 langues. Assia Djebar vit en France

et aux États-Unis, où elle enseigne la littérature

française.

dimension psychologique; elle est en effet la

manifestation littéraire d’une profonde

analyse de la psychologie de la guerre qui se

concrétise dans ses plus infimes nuances :

attente et angoisse, ou enthousiasme et

espoir. La vision d’Assia Djebar peut

s’insérer dans le cadre d’une analyse psycho-

sociale puisque la psychologie de la guerre

s’exerce sur la société.

Dans le sens d’un souci méthodologique, il

serait nécessaire de préciser que selon Pierre

V. Zima, l’une des figures phares de la

sociocritique moderne :« aucune théorie de

la littérature, qu’elle soit psychanalytique,

sémiotique, féministe ou marxiste, ne saurait

se passer d’un certain engagement

idéologique, d’une certaine motivation

politique.» (Zima, 1999: 17) De même, toute

œuvre littéraire a « partie liée avec un

système de valeurs, une vision du monde »

(Sapiro, 2007: article consulté en ligne), et

peut « exprimer le point de vue des

dominants ou celui des dominés dans la

société » (Sapiro, 2007: article consulté en

ligne). On considère donc qu’une tendance

idéologique déterminante constitue le ressort

de la création littéraire chez Assia Djebar, et

la motive pour s’engager dans la littérature

de combat, dont Les Enfants du nouveau

monde est un exemple édifiant. Or, l’œuvre

djebarienne se présente à la fois comme un

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Réalité et poéticité à travers l’écriture djebarienne …/ 19

reflet et une critique consciente du discours

idéologique dominant de l’époque. L'analyse

du texte littéraire, dans la perspective

sociocritique de Zima, comprend deux

opérations majeures: Situer d’abord le texte

dans la situation sociolinguistique qui l’a vu

naître, puis l’identifier, pour que l’analyse

soit concrète, l’idéologie que le roman

absorbe sous forme d’un discours littéraire

pour en faire la critique. Zima pense

l’idéologie sur le plan discursif en tant que

structure sémantique et narrative. Sous cette

forme, elle pourra enfin être reliée aux

mécanismes du texte littéraire. Donc,

conformément à une définition opératoire, «

l’idéologie […] doit être conçue comme un

discours issu d’un sociolecte4 particulier »

(Zima, 1985: 147). Notons que le discours

est entendu dans le sens d’un ensemble de

manifestations textuelles. La perspective

sociocritique adoptée par cette recherche

s’intéresse donc à décrire les manifestations

de l’idéologie inscrite dans les différents

phénomènes textuels. Rappelons que d’après

Pierre V. Zima, « la question de savoir ce

que l’œuvre exprime au niveau idéel est

stérile, vu que l’aspect essentiel de la

4 Le sociolecte peut être défini comme «un langage

collectif marqué par un lexique, une sémantique et un

faire taxinomique particuliers qui peuvent engendrer

des parcours narratifs ou discours plus ou moins

cohérents.», (Popvic, 2011: 21).

production littéraire est le comment,

l’écriture » (Zima, 1978: 13).

Cet article essaie donc, dans un premier

temps, de comprendre comment l’image de

la guerre est présentée dans cette œuvre dite

littéraire? Et si l’on prétend que ce roman

adopte pour une vision réaliste de la guerre,

il faudrait montrer en quoi se distingue-t-il

d’un document historique s’attachant à

l’exactitude des faits réels? Dans un second

temps, il serait intéressant de savoir quelle

idéologie est-elle véhiculée à travers cette

image de la guerre?

Spectacle de la guerre

Dans Les Enfants du nouveau monde, un

narrateur extra-hétéréodiégétique nous

raconte les évènements de la vie des

habitants d’une petite ville algérienne5, au

pied de la montagne, pendant une journée du

printemps 1956. Ce texte romanesque, qui se

construit sur l’entrecroisement de plusieurs

existences, intègre de nombreuses analepses

emboîtées, éclairant le passé des

personnages et permettant de constater leur

évolution. Le roman offre donc une vaste

fresque de la société algérienne de l’époque,

où la diversité des tableaux et la multiplicité

5 Lors d’un entretien avec Wadi Bouzar, publié en

1984 dans Lectures maghrébines, Assia Djebar révèle

qu’elle a créé cette ville à l’image de Blida, où elle

avait passé le collège.

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20/ Revue des Études de la Langue Française, Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

des acteurs permettent d’éviter le

schématisme sur le plan politique, et de

refléter les différents opinions et prises de

position des couches sociales variées vis-à-

vis de la guerre.

Notons que parmi les sociocriticiens, Zima

est celui qui attache la plus grande

importance à la qualité littéraire du texte,

autrement dit à la notion de littérarité, tout en

la mettant en rapport avec la socialité. En

effet, Zima souligne que «le texte est à la

fois autonome et fait social» (Zima, 1978:

297). Or, l’on ne trouve pas ce caractère

double du texte dans le soi-disant contenu

des œuvres littéraires, mais justement dans

l’écriture : «Ce n’est pas la question: Que dit

le texte? Que devrait se poser le sociologue,

mais la question: Comment dit le texte? (au

niveau narratif, syntaxique, etc.). C’est sur le

plan du comment de l’écriture que se

manifeste le sens social » (Djebar, 1962: 56)

En effet, pour dégager le sens social de ce

roman de guerre et découvrir l’idéologie

mise en valeur par l’écrivaine, nous devrions

nous attacher à l’étude de cette œuvre sur

trois plans: lexical, sémantique et narratif.

Assia Djebar situe l’intrigue de son roman

à un moment, où la guerre d’Algérie a pris

des dimensions sérieuses. La fin des années

cinquante et le début des années soixante

correspondent, en effet, à une période où

combattants algériens et colonialistes

français sont engagés à fond dans la guerre.

Ainsi, le narrateur parle d’emblée de «ces

jours de grande opération » (Djebar, 1962:

14)6. La bataille, pourtant si lointaine, a ses

retombées sur les habitants de la ville, car

bien que les attaques aériennes des

parachutistes sur la montagne aient pour

objectif les maquisards en premier lieu, un

incident peut survenir à tout moment en

ville, par l’éclat d’un obus ou le jet de ses

restes sur la terrasse ou dans la cour d’une

maison. Un obus tout entier peut tomber7 et

causer des victimes parmi les habitants de la

ville: les enfants, les vieux, ou les femmes

sans défense: «Cela s’est produit à maintes

reprises, la dernière fois, en tuant la vieille

Aicha qui était accroupie dans la cour, à la

porte de sa chambre…» (Djebar, 1962: 15)

L’image de la guerre se dessine alors sur la

terre et sur le ciel algérien:

«Les avions, points noirs dont on distingue de là les

courbes et le sillage blanc du vol, arabesques

éphémères que le hasard semble tracer, comme une

écriture mystérieuse mais qui tue.» (Djebar, 1962: 14)

6 Ce roman a été publié pour la première fois en 1962,

aux éditions Julliard, à Paris; mais faute d’accès à

cette édition originale, nous nous rapportons à une

réédition récente du livre; ainsi nos références seront-

elles conformes à la publication présentée en 2012, à

Paris, par les éditions Points, Collection «Signature»,

N°P2781. 7 «L’obus était tombé», (Djebar, 1962:15).

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Réalité et poéticité à travers l’écriture djebarienne …/ 21

La réponse des canons, ajoutée à

l’intervention des avions, dessine des

mouvements verticaux de va-et-vient, mais

toutes ces attaques se répercutent sur les

gens, donc sur la position horizontale qui

s’ébranle et se brise en multiples

mouvements créés par la fuite des habitants

paniqués à la recherche d’un abri, par le

cloisonnement des portes, ou une nouvelle

réaction des habitants à la vue d’un avion

ennemi abattu.

Les habitants de la ville assistent

impuissants au déroulement de la guerre sur

la montagne, si bien que celle-ci devient

pour eux une sorte de «spectacle». La

terminologie du «spectacle de la guerre»

n’est pas une invention de notre part, car

Assia Djebar, elle-même, l’utilise de façon

presque permanente. Tout au début du

roman, le narrateur dit que les femmes se

mettent à: «contempler avec calme le

spectacle qu’avait annoncé la garde, et qui

commence: la montagne dans les feux de la

lutte» (Djebar, 1962: 13)

Elles voient la scène «par la porte au rideau

soulevé» (Djebar, 1962: 14) ; à la même

page, le narrateur parle de l'attaque aérienne

qui se serait cachée «sous son masque de jeu

immense dessiné dans l’espace» (Djebar,

1962: 14): ce sont autant d’expressions qui

font partie du champ lexical du «spectacle»

et qui inspirent l’idée d’assimilation de la

guerre au «théâtre». D’autre part, le

narrateur nous avertit que «Le spectacle peut

durer une journée entière» (Djebar, 1962:

14).

Assia Djebar renforce cette idée de la

guerre/spectacle ou de la guerre/théâtre à

travers la répétition de ces termes dans

plusieurs autres passages: à la page 15: « ces

jours de spectacle qui surviennent assez

régulièrement», à la page 18: «au théâtre de

feu qui se déploie», à la page 20: « quand ce

jour-là le spectacle commence », à la page

22: «les femmes […] fascinés par les

dernières fusées du spectacle», à la page 60:

«elle assistait au spectacle sans curiosité

excessive», etc. D’autres éléments du

spectacle et du jeu sont ajoutés à la page 69:

«[…] le spectacle commence, comme dans

un cirque immense devant le public féminin

du quartier ». (Djebar, 1962: 69)

Comme des spectateurs attentionnés qui

assistent au déroulement d’une pièce de

théâtre ou au défilement des images d’un

film, les habitants de la ville s’émeuvent

pour leurs héros. Ils nous offrent l’esquisse

d’une psychologie du spectacle, bien que ce

spectacle soit d’un genre assez particulier.

La scène de ce théâtre de la guerre, c’est la

montagne, qui «devient le front de l’ennemi

caché» (Djebar, 1962: 19). Le public de la

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22/ Revue des Études de la Langue Française, Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

guerre/spectacle est surtout composé

de femmes. Les femmes, qui donnent

l’impression au premier abord d’être

enfermées dans un monde clos, réagissent - à

leur manière bien sûr - pourtant rapidement

au spectacle si motivant que leur offre la

montagne. Bien que la scène soit assez loin

d’elle, les réactions des femmes sont vives et

presque instinctives. Ainsi, les femmes

apparaissent comme des spectatrices qui

participent activement à l’ébauche d’une

atmosphère de guerre/spectacle créée par un

geste, une parole, ou une interjection, telle

que l’expression «Ah Dieu!» (Djebar, 1962:

14), criée par une femme au passage d’un

avion, se préparant à larguer des

bombes dans les rangs des maquisards ; ou

encore, la phrase traduisant le désespoir et la

douleur d’une femme : «La mort, il a apporté

la mort, le maudit! » (Djebar, 1962: 14) .

De même, lors des ratissages fréquents, les

femmes commentent les hostilités dehors,

soutiennent et encouragent les leurs,

quoiqu’à distance. Il s’agit selon l’auteure

d’un «chœur», encore un terme propre à la

représentation théâtrale:

«Dans chaque maison où vivent ordinairement

quatre à cinq familles, une famille par chambre, il se

trouve toujours une femme, jeune, vieille, peu

importe, qui prend la direction du choeur:

exclamations, soupirs, silences gémissants quand la

montagne saigne et fume, couplets passionnés: - «

Cette fois, ils ne les auront pas! – «Quand il y a tant

d’avions et qu’ils sont tous massés ainsi sur un même

lieu, c’est un douar qu’ils bombardent! » (Djebar,

1962: 14)

Le lecteur/spectateur imagine plutôt,

intercepte les faits, et les observe à travers le

comportement des femmes dans le

déroulement de la guerre; si bien qu’au point

de vue formel du roman, les femmes elles-

mêmes s’offrent à leur tour au spectacle,

puisqu’elles sont un miroir de la guerre qui a

lieu sur la montagne, et à défaut de

descriptions concrètes sur la guerre, le

lecteur/spectateur saisit une image, qui n’est

peut-être pas complète, mais qui lui donne

quand même une idée générale de ce qui se

passe sur la scène de la montagne, et cela

uniquement par les paroles ou les gestes des

femmes. Les réactions des femmes sont

immédiates et se déclenchent dès l’annonce

de l’évènement/spectacle. Le spectacle se

déroule une ou deux fois par mois, mais il

est régulier, il crée donc une certaine

habitude, laquelle devient un

conditionnement pour les femmes cloîtrées

dans leurs maisons. Les femmes baignent

dans une sorte de psychologie astreignante,

et réagissent presque mécaniquement à

l’évènement.

En effet, la scène se répète inlassablement

de la façon suivante: l’annonce de

l’évènement, la panique, les femmes

réalisent ce qui se passe, s’enferment dans

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Réalité et poéticité à travers l’écriture djebarienne …/ 23

leurs maisons et assistent de loin au

spectacle…, ainsi de suite. Une certaine

psychose de guerre agit même au niveau de

leur affectivité et c’est tantôt l’attente

angoissée puis l’espoir, la joie,

l’enthousiasme quand un avion ennemi est

abattu:

«Regardez, les nôtres répondent! (un hourra) Oui,

vous avez vu, vous avez bien vu n’est-ce pas, ils

viennent d’abattre un avion. Un avion, vous avez bien

vu! (et l’une d’elles oublie toute prudence, sort dans

la cour, danse d’allégresse.) Un avion abattu par nos

combattants! Faut-il qu’ils visent bien!» (Djebar,

1962: 14)

D’ailleurs, cette scène pourrait être

interprétée comme une sorte de mise en

abîme où Djebar met en scène la distance

géographique qui la séparait elle-même du

théâtre des combats. C’est comme si en

écrivant, Assia Djebar- qui se trouvait à

Casablanca au moment de la rédaction du

roman-, avait essayé de faire la même chose:

soutenir son peuple dans la lutte pour

l’indépendance, sans accomplir elle-même

pour autant des actes révolutionnaires. De

cette façon, la littérature peut soutenir le

courage des autres, comme le font ces

femmes cloîtrées.

Dans une atmosphère de psychose et de

peur continuelle, la joie et l’enthousiasme

sont des soulagements pour ces femmes, car

aussitôt la terreur de la guerre, même dans

les moments de répit, va reprendre.

L’analyse de la psychologie des femmes face

au spectacle de la guerre est fine, cela

pourrait être comparé- toute proportion

gardée- aux effets que pourrait avoir une

pièce de théâtre passionnante ou un film à

suspens sur des spectateurs attentifs au

déroulement de chaque scène ou de chaque

image.

Le spectacle n’est pas toujours de tout

repos car les pauvres spectatrices, dans

l’imprudence d’un moment, par un mauvais

coup du sort peuvent être à la merci de coups

de feu, d’obus atteignant les demeures, on ne

sait trop comment. Nous avons déjà cité

l’exemple d’Aicha, qui meurt sous un obus

tombé soudainement dans cour de la maison.

Cette tragédie a même conditionné les

femmes et entraîné, à chaque fois où une

nouvelle imprudence est commise, la

remémorisation de la mort de la vieille.

La guerre/spectacle conditionne la

psychologie des femmes, mais celle des

hommes aussi, non pas ceux qui sont sur la

montagne, plutôt véritables acteurs du drame

et donc se donnant réellement au spectacle,

mais ceux qui sont restés en ville. Ceux-là

subissent aussi les retombées de la guerre, au

même titre que les femmes ou beaucoup plus

intensément; les arrestations, les

interpellations, les interrogatoires, les

humiliations quotidiennes, ce sont eux qui

les subissent le plus souvent. Nous en avons

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24/ Revue des Études de la Langue Française, Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

un exemple, lors d’une opération de

vérification d’identité:

«Un officier s’approche, fait un choix parmi les

suspects d’être suspects; derrière lui, un soldat, la face

durcie de haine («trois des nôtres sont morts

aujourd’hui dans cette sale guerre, pense-t-il, trois, ce

matin encore») s’arrête: il a envie lui aussi de tuer, là,

en plein midi, ces vieux qui tremblent, silhouettes

dérisoires.» (Djebar, 1962: 18)

Pour ainsi dire, les hommes qui sont restés

en ville portent en eux-mêmes les empreintes

de la guerre: la peur les saisit tous les jours,

ils subissent les pires sévices de la part des

soldats qui forment des barrages partout. Tel

cet homme humilié par un soldat: «Debout!

Chien! Fils de chien!, gronde le soldat qui,

de ce pays, a pris les insultes et la passion.»

(Djebar, 1962: 19)

Comme les femmes qui réagissent au

spectacle que leur offre la montagne, les

hommes représentent à leur tour, une sorte

de miroir de la guerre. Ils sont un miroir à

travers lequel on est forcé de croire à la

terrifiante présence de la guerre. A travers

les hommes, les femmes saisissent toute la

peur que la guerre engendre dans la

psychologie de tout être humain désarmé:

«[Leur mari]… secoué sans doute d’une peur

qu’il doit s’efforcer de ne point révéler, mais

que l’épouse retrouve en lui, le soir»

(Djebar, 1962: 16).

La peur, image/sentiment qui se dévoile,

cache néanmoins «la conscience farouche

des jours présents, la solidarité avec ceux de

la montagne, l’espoir de la victoire», «la

haine et le désir de revanche» (Djebar, 1962:

16).

L’idée de guerre/spectacle, ne s’arrête pas

d’ailleurs à ce niveau, car des éléments

visuels qui se trouvent dans le roman la

consolident, en l’occurrence le regard, la

manifestation la plus évidente du visuel, est

condition nécessaire pour l’achèvement d’un

spectacle. L’on peut ainsi relever dans le

texte des expressions ou des mots qui

évoquent ce regard: «les yeux éblouis par le

soleil», «sa femme […] ne fait plus rien

d’autre que regarder» (Djebar, 1962: 16),

«l’homme ne lui rend pas son regard», «elle

regarde, elle voit tout… autrefois, elle ne

voyait rien » (Djebar, 1962: 19). En parlant

des premières fumées sur la montagne, le

narrateur nous dit que Chérifa «n’a même

pas besoin de monter sur la terrasse pour les

voir» (Djebar, 1962: 20). Les chambres,

elles-mêmes ont des yeux par leurs portes

entrouvertes, leurs rideaux soulevés.

Le regard est l’élément qui enregistre

l’image, cependant le regard, humain par

surcroît, n’est pas une simple mécanique

dénuée de toute vie ; comme pour tout

spectacle, le regard exige l’aide d’autres

éléments sensitifs ou imaginatifs ; c'est

pourquoi les femmes tout en ayant «les yeux

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Réalité et poéticité à travers l’écriture djebarienne …/ 25

grands ouverts, le regard fixe» (Djebar,

1962: 16) imaginent la peur de leurs maris.

Cette peur, imaginée et sentie, qui se traduit

chez l’homme par un «bref tressaillement de

surface» (Djebar, 1962: 16), ne peut pour

autant échapper à personne, puisque «chaque

membre de la famille, au dîner où l’on se

regroupe, le sent sans avoir besoin de

l’expliquer» (Djebar, 1962: 16).

L’imagination et le sens agissent

harmonieusement, lorsque les femmes

veillent sur le corps de la vieille défunte, et

ainsi «le parfum [qui] envahit la chambre,

chasse les odeurs qu’elles peuvent toutes

imaginer de la guerre : de sa poudre, de ses

cris, du sang qui sèche» (Djebar, 1962: 23).

Dans un autre passage, l’élément du rêve

entre également en jeu, et l’homme face au

soldat «s’applique à oublier sa peur en

rêvant, yeux bien ouverts malgré la vive

lumière, au théâtre de feu qui se déploie»

(Djebar, 1962: 18)

I. Vision réaliste et poétique de la guerre

«[…] il me semble possible de trouver le

commun dénominateur des «réalismes»: à

savoir l’idée (ou le préjugé) que la littérature

réaliste contribue à mieux comprendre le

réel, qu’elle a donc une valeur cognitive

(théorique, scientifique, critique ou

didactique).» (Zima, 1985: 88)

1. Réalisme poétique

Le spectacle que nous offre Assia Djebar

de la guerre est en fait le drame réel que les

Algériens vivent quotidiennement tant dans

la ville que dans la campagne. Les

interventions de la garde, les attaques

aériennes, les ripostes des maquisards, la

classique vérification d’identité,

l’encerclement des quartiers, les rafles, les

couvre-feux sont les éléments réels d’un

spectacle quotidien que Djebar a essayé de

rendre dans ses moindres détails.

Le fait de retrouver les éléments de la

réalité de la guerre importe peu en lui-même,

et ce niveau de réalisme ne peut être pris en

considération que par la manière avec

laquelle il est exprimé, car la lecture d’un

roman sur la guerre diffère d’un livre

d’histoire ou d’un document sur le même

thème, où l’on s’attende normalement à se

trouver face à des détails qui ont eu

réellement lieu. Le roman, tout en intégrant

la réalité dans son texte, est appelé à décrire

cette réalité et à l’interpréter d’un point de

vue littéraire avec tout ce qu’il comporte de

subjectivité et de parti-pris de la part de

l’auteur. Ainsi, les éléments de la réalité,

tout en étant intégrés au roman, comme des

détails dont on ne peut douter, subissent les

contraintes psycho-littéraires de l’auteur, qui

s’applique à présenter une vision poétique de

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26/ Revue des Études de la Langue Française, Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

la guerre à travers la métaphorisation, la

personnification, l’identification, la présence

de sons, de lumières et de couleurs. Par

exemple, dans le passage «[…] ces demeures

qu’on croit toujours aveugles mais qui

bâillent désormais à la guerre» (Djebar,

1962: 14), les demeures occupées par les

habitants sont personnifiées et sont

représentées comme des spectateurs

concernés par le théâtre de la guerre. En

effet, Djebar a choisi de recourir à la

rhétorique pour parler des habitants, elle a

donc remplacé le contenu par le contenant;

les demeures qui donnent l’impression de

l’ouverture expriment en réalité l’attention

des habitants à l’intervention des avions.

Un autre élément qui est personnifié à

plusieurs reprises dans le roman, et qui

apparaît à l’instar d’un être doué de vie et de

sens, c’est la montagne: «la montagne saigne

et fume » (Djebar, 1962: 14), « la montagne

qui souffre» (Djebar, 1962: 119), «la

montagne reprend sa nudité orgueilleuse »

(Djebar, 1962: 16). La montagne se

distingue par la réalité historique qu’elle

évoque, par son importance en tant que

centre stratégique et refuge pour les

maquisards et les Algériens proches de la

lutte.

Tout au long du roman, nous pouvons

constater que la tendance au niveau de la

personnification de la montagne est forte, si

bien que ses caractéristiques premières,

c’est-à-dire la montagne en tant que présence

physique, en tant que forme de relief

exploité à bon escient par les maquisards

«s’éclipse» au profit d’une humanisation qui

la confond à un être pourvu de sentiments.

La montagne qui est proche de la ville

s’offre comme une scène où se déroule la

lutte ; de loin les habitants ne peuvent voir

que les effets (fumées, feux), alors que les

occupants de la montagne sont invisibles:

«les combattants de la montagne» (Djebar,

1962: 15), expression qui particularise les

combattants et qui les différencie des autres.

Les combattants de la montagne sont

entourés d’un certain mystère: «ceux de la

montagne» (Djebar, 1962: 16) D’ailleurs, ce

mystère se confirme par le secret qui entoure

tout départ à la montagne, sorte de passage à

un autre monde: «Il y a un autre départ pour

le maquis cette nuit, sans doute» (Djebar,

1962: 203).

La montagne est l’image même de la

guerre («la guerre, la montagne»); elle

s’identifie au maquis, ainsi « monter au

maquis » signifie monter à la montagne. Aux

yeux d’un soldat français, la montagne est un

signe d’hostilité: «la montagne, en face de

lui, striée de temps en temps d’éclairs, de

fumées blanchâtres devient le front de

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Réalité et poéticité à travers l’écriture djebarienne …/ 27

l’ennemi caché» (Djebar, 1962: 19). Elle

devient complice de l’ennemi, et se confond

avec lui. C’est une identification née d’une

confusion des sentiments et de la vue, une

forme de rhétorique de l’esprit qui prend le

contenu (c’est-à-dire les combattants) pour le

contenant (c’est-à-dire la montagne).

La personnification de la montagne peut

être aussi saisie à travers les sentiments de

Lila. En effet, Lila la femme entretient des

rapports de jalousie avec la montagne/

femme qui lui a «pris» Ali, et qui est

possessive et exigeante car elle pose ses

conditions ; celui qu’elle accepte doit avoir

des qualités: «[…] les yeux d’un Ali mûri et

grave, un homme véritable tel que la

montagne qui le lui avait ensuite pris,

l’exigeait.» (Djebar, 1962: 153)

La montagne est entourée d’une enveloppe

de mystères et de secrets qui l’élèvent au

mythe, d’une richesse de sentiments qui la

rapproche des êtres, mais c’est sans doute sa

symbolique révolutionnaire qui est la plus

édifiante, car le combat de la montagne, c’est

le combat de l’Algérie toute entière.

La guerre implique la violence, or la

violence (physique) fait souvent couler le

sang; celui-ci outre sa couleur rouge,

inspirant la mort ou la blessure mortelle, est

intégré dans plusieurs images sans doute

classiques: «cette journée de sang » (Djebar,

1962: 171) ou «du sang qui sèche» (Djebar,

1962: 23). Ces images sont accentuées chez

Djebar par une tendance à la représentation

de l’horreur.

L’horreur fait jour dans l’expression de la

mort qui s’infiltre progressivement: «[…] la

guerre tissait pernicieusement ses fils: ceux

du piège et de la mort» (Djebar, 1962: 63).

Le fil tissé inspire l’idée d’une progression

lente, mais sûre et malfaisante. L’univers de

violence prend des caractéristiques

particulières, et l’on peut remarquer

l’assimilation de la violence au feu, dans des

expressions telles que «l’enfer» et «le

brasier», annoncée et confirmée dès le début

du roman par l’image de «la montagne dans

les feux de la lutte» (Djebar, 1962: 13).

Ainsi, la réalité se trouve remaniée, du

moins dans sa forme, par les images et les

expressions métaphoriques de l’auteur.

Djebar crée donc une sorte d’enveloppe

littéraire qu’il faut dépouiller pour retrouver

le fait réel brut.

Il est à souligner que si nous retrouvons les

éléments d’une vision poétique sur la guerre

dans Les Enfants du nouveau monde, ceci ne

peut pas être expliqué uniquement par les

techniques de la poétique française, car

Assia Djebar, bien qu’elle soit écrivain

francophone, appartient à une double culture

et s’inspire largement de la rhétorique arabo-

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28/ Revue des Études de la Langue Française, Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

musulmane, où la poésie est une tradition

séculaire. En outre, nous ne pouvons

négliger l’importance de la littérature orale8.

Ces deux éléments culturels ont sans doute

été d’un grand apport pour Assia Djebar, car

ils autorisent l’interaction du propre et du

figuré et la variation des rapports de sens.

Les images poétiques de la guerre chez

Djebar peuvent donc être expliquées par

l’influence de la poésie orale kabyle où

l’imagination et le sens de l’exagération

proviennent d’une nécessité culturelle.

En outre, le réalisme poétique justifie la

question du rapport entre la culture et la

littérature. Conçue dans ce rapport, la

littérature développée chez Djebar est une

revalorisation des formes d’expression

artistique populaire de l’Algérie

combattante. La question du rapport entre la

culture et littérature nous amène à penser à

l’idée d'une littérature politique où l’on peut

lire la volonté de l’affirmation d’une identité,

et donc dans le contexte historique de

l’Algérie, de schémas culturels et artistiques

qui veulent s’imposer en participant d’une

8 Cette question a bien été soulignée par Jean Déjeux,

dans sa recherche sur la littérature algérienne: «Dans

un pays où la culture orale est encore développée, où

l’on boit la parole et où le plaisir d’entendre ce qui

coule de source est toujours apprécié, on ne peut

passer sous silence la grande tradition de poésie orale,

en arabe, et en berbère qui demeure vivante.» (Déjeux,

1975: 117)

certaine façon au rejet de la domination de

l’autre.

2. Réalisme dans la description des mœurs

et de la vie quotidienne

Ce réalisme se manifeste par la tendance

de l’auteur à décrire les évènements avec

force détails, comme par exemple l’agitation

que Djebar peint de la façon suivante : «[…]

l’agitation des jours qui avaient suivi: un

attentat en plein centre, deux rafles, une

vaste opération de contrôle» (Djebar, 1962:

21)

Ces descriptions précises des évènements

sont menées dans le but de présenter une

atmosphère de guerre, car l’auteure entend

installer une sorte de décor pour préciser que

la vie de tous les jours continue, et que les

traditions sont plus ou moins respectées

malgré la situation de guerre qui règne dans

la ville.

Ainsi, à la mort d’une parente, l’obligation

est d’appliquer les rites funéraires: « les plats

de couscous à offrir aux pauvres» (Djebar,

1962: 21), l’enterrement avec tout ce qu’il

comporte comme cérémonies (le cortège

dans la rue) et qu’un gendarme critique:

«Tas de cérémonies inutiles… on devrait

interdire tout attroupement de nos jours,

même pour leurs morts.» (Djebar, 1962: 49)

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Réalité et poéticité à travers l’écriture djebarienne …/ 29

Assia Djebar décrit la vie quotidienne et

les mœurs des Algériens dans «le vieux

quartier arabe» (Djebar, 1962: 121), ses

«cafés maures» (Djebar, 1962: 121),

l’ambiance qui s’empare d’eux, le

comportement des gens qui les fréquentent.

Elle nous parle également de la vie dans la

partie européenne de la ville, les rapports

entre musulmans et européens, l’atmosphère

qui domine dans les «cafés européens»

(Djebar, 1962: 127): « Quelques musulmans

les fréquentent- la ville les distingue, parce

qu’ils boivent de l’alcool- mais ils ne restent

alors que devant le bar, et seuls.» (Djebar,

1962: 127)

L’auteure donne à son lecteur l’occasion

de découvrir les problèmes des appelés

européens pendant la guerre, en insérant au

sein de son roman le récit du soldat français

trompé par sa femme. En outre, nous

pouvons remarquer d’autres histoires

individuelles concernant d’autres

personnages, qui reflètent une vie sociale

influencée par le contexte de la guerre. Par

exemple, l’enrichissement de certains

Algériens opportunistes pendant la période

du combat, est évoqué à travers le portrait de

l’ancien mari de Chérifa:

«[…] ces années de lutte où il avait volé, nargué,

triché avec ses concitoyens, y compris les Européens

qu’il connaissait : son avocat, le fondé de pouvoir de

la banque, le petit colon espagnol dont il achetait

chaque année la récolte d’olives.» (Djebar, 1962: 26)

Un autre trait caractéristique des sociétés

en difficulté, soit une certaine mentalité

obsédée par la réussite, est illustrée par

l’avenir que la famille de Bachir envisage

pour lui: «Son père, depuis le début des

troubles et des répressions, l’a éloigné par

prudence. C’est son seul fils; il s’est mis en

tête d’en faire un médecin.» (Djebar, 1962:

50)

Parler de la vie quotidienne et des mœurs

pendant la guerre, c’est aussi parler de

l’interaction qui existe entre la situation

sociale et la conjoncture, c’est-à-dire parler

du conditionnement de la vie de la

population. Dans Les Enfants du nouveau

monde, la vie est déterminée par la guerre

presque fatalement; c’est le cas de l’amour

inachevé entre Ali et Lila, le cas de Bachir

qui pense à l’engagement et forcément à

l’interruption de ses études, mais l’exemple

le plus édifiant est exprimé par les pensées

rapportées au style indirect libre de l'homme

dont les enfants grandissent dans la guerre et

existent par la guerre: «Et ses enfants: l’aîné

grandit si vite; treize ans maintenant ; encore

deux ans, encore trois, puis la montagne

l’appellera» (Djebar, 1962: 19)

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30/ Revue des Études de la Langue Française, Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

3. Réalisme psychologique

La guerre crée des rapports nouveaux,

encourage les arrivistes et les fonctions

parasitaires, dégrade les mœurs; et d’autre

part, elle conditionne les gens sur le plan

psychologique. Le passage suivant reflète

assez bien la psychologie de la guerre, telle

qu’elle a été soigneusement peinte par Assia

Djebar dans son roman:

«Les attentats, les arrestations se multipliaient, ces

derniers mois, dans la capitale. Ainsi commençait une

ère nouvelle: tout le monde dehors se surprenait à

marcher avec plus de hâte, mais en veillant à n’en rien

laisser paraître. Les rues de la vielle devenaient, en

plein jour, des tunnels ; un étranger, dans la foule

prenait le visage de l’ennemi […] En dépit de

quelques entractes de la vie ordinaire, partout la

guerre tissait pernicieusement ses fils : ceux du piège

et de la mort, craignaient les uns, et les autres?... Les

autres tremblaient aussi, mais osaient espérer quand

ils percevaient quelque fois comme un vent de

l’avenir.» (Djebar, 1962: 63)

Les réactions des femmes illustrent

également cette psychologie de la guerre.

Les femmes, tout en vivant dans le monde

clos de leurs maisons, réagissent à la guerre

comme si elles étaient ses véritables acteurs

par un processus d’identification. Elles

construisent ainsi l’écran d’une psychologie

concrétisée. A force de l’habitude, leurs

réactions deviennent instinctives,

mécaniques à l’annonce de l’évènement,

tantôt c’est la peur, tantôt la colère contre

l’ennemi, tantôt l’attente angoissante puis

l’espoir, l’enthousiasme ou la joie à la vue

d’une quelconque réussite de leurs

compatriotes.

Par ailleurs, le réalisme psychologique

apparaît dans le comportement de certains

personnages, telle Lila qui veut «faire»

comme Ali, c’est-à-dire s’engager, tel Bachir

qui se pose des questions sur la finalité de

ses études en cette période cruciale de la

guerre. Les monologues qu’entretiennent ces

deux personnages, chacun de son côté, sont

particulièrement éclairants quant à la

psychologie qui les conditionne. Bachir,

c’est l’adolescent qui ne résiste pas à

l’ambiance psycho-sociale régnant dans son

pays en guerre ; il se demande:

«Maintenant, que signifient pour moi les

études et le reste? Rien… Je veux agir comme

les autres, comme les frères (c’est la première

fois qu’il emploie le langage des militants, il

rougit légèrement, en espérant que l’autre n’a

rien remarqué.)» (Djebar, 1962: 177)

L’on peut comprendre que sa personnalité

est troublée car l’engagement est pour lui

une dure épreuve; la nouvelle voie qu’il s’est

tracée est difficile, aussi passe-t-il par des

étapes de mutation psychologique

nécessaire. « (Il bafouille, hésite- impuissant

et le ressentant douloureusement- de ne

savoir exprimer l’acheminement de sa

certitude neuve) » (Djebar, 1962: 178), enfin

il prend sa décision: «Je monterai au maquis,

[…] c’est cela, je monterai! Pour certains,

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Réalité et poéticité à travers l’écriture djebarienne …/ 31

aller à la guerre est un devoir, et pour

d’autres, un départ héroïque. Pour moi, c’est

un besoin… une chance…» (Djebar, 1962:

255)

Lila montre, elle aussi, dans ses

monologues, une mutation psychologique

causée par la guerre. Cette évolution se fait

progressivement, à commencer par ses

doutes: « La philosophie! A quoi pourrait-

elle servir, à présent? Bien plus, elle avait en

horreur maintenant cette science à

apprendre. » (Djebar, 1962: 65)

Elle passe par une période très critique, en

pensant à l’absence d’Ali : « Il faut que je lui

parle ! Je veux partir, s’il doit partir. Je veux

participer […] Cela ne peut durer» (Djebar,

1962: 66).

Mais c’est le départ d’Ali, et Lila de penser

avec tristesse par l’intermédiaire du

narrateur: « Pourquoi n’avait-elle pas été

près de lui, en lui, quand il avait dû se parler

ainsi? » (Djebar, 1962: 256)

Finalement, c’est la révolution qui prend le

dessus sur l’amour ; Ali est au maquis et Lila

est en prison, et c’est paradoxalement là,

qu’elle sent enfin la quiétude et le bonheur,

puisque l’engagement lui donne le sentiment

d’une pleine existence: «Quelle chance!, se

dira-t-elle ensuite, bien plus tard, dans la

cellule qu’elle partagera avec Salima»

(Djebar, 1962: 271)

Idéologie de la guerre

Si nous nous sommes concentrés jusque-là

sur le texte même du roman djebarien, c’est

parce la perspective sociocritique de Pierre

V. Zima s’attache surtout à décrire les

manifestations de l’idéologie inscrite dans

les différents phénomènes textuels.

Rappelons que conformément à cette

méthodologie, la notion de l’idéologie doit

être conçue comme une pratique discursive,

et doit donc être examinée en s’appuyant sur

un support textuel. En effet, la sociologie du

texte tente de représenter les différents

niveaux textuels comme des structures à la

fois linguistiques et sociales. Après avoir

abordé les niveaux sémantiques et

syntaxiques (narratifs), et examiné leurs

rapports dialectiques, nous pouvons nous

attacher à déceler l’idéologie que ces

éléments textuels soutiennent et mettent en

valeur.

La guerre de libération algérienne, telle

qu’elle a été décrite par Assia Djebar dans ce

roman, entraîne des séparations de couples et

des changements soudains dans la vie des

personnages, ce qui fait penser à la dureté

que la guerre inspire et à ses inévitables

conséquences sur l’existence. Considéré

dans ce contexte, la guerre d’Algérie suscite

une réflexion sur la notion de guerre dans

l’absolu. Si une guerre dont l’objectif est

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32/ Revue des Études de la Langue Française, Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

noble n’a pas besoin d’être justifiée,

puisqu’elle ne pose pas de dilemme au

niveau de l’engagement vu qu’elle s’impose

comme un impératif; sa nécessité d’un point

de vue absolu peut toujours devenir

problématique. L’adhésion à un projet

n’exige pas nécessairement sa sacralisation.

Nous pouvons remarquer dans ce sens une

certaine particularité dans la présentation de

l’image de la guerre dans Les Enfants du

nouveau monde, dont l’auteur malgré le fait

d’insister sur l’engagement de ses

personnages, a gardé un œil critique sur la

guerre, en l’insérant dans le cadre combien

trompeur du spectacle. La notion de

guerre/spectacle offre en effet une horrible

vision du déroulement des événements. La

guerre provoque la peur, la terreur, et

l’aversion tant du côté des spectateurs que du

côté des acteurs de cette tragédie. Notons par

exemple, d'un point de vue lexical, que le

mot «peur» est répété maintes fois; l’on peut

retenir les phrases suivantes où figure ce

terme:

«Il s’applique à oublier sa peur.» (Djebar,

1962: 18)

«La peur s’infiltrait partout.» (Djebar,

1962: 63)

«[…] Reste, j’ai peur!» (Djebar, 1962: 71)

Même, du côté des combattants qui veulent

défendre l’intégrité territoriale de leur pays

et l’indépendance de leur peuple, la

participation à la guerre ou son spectacle

n’implique pas une entière approbation, ainsi

ils l’évoquent en terme de la «sale guerre»

ou de la «maudite guerre». Le dualisme que

suscite toute guerre juste n'est pas

schématique, ainsi nous ne pouvons pas

relever avec évidence une distinction

stéréotypée entre les bons et les mauvais, ou

entre les «pacifiques» qui n’aiment pas la

guerre, et les «méchants» assoiffés de

violence.

Ceci pour dire que la vision de Djebar

porte en elle des symptômes d’aversion pour

la guerre qui ne sont sans doute pas exposés

clairement mais que nous pouvons déduire

de ses tendances à la nuance. Les héros

existent dans le camp des opprimés, mais il

faut également noter la présence d’Algériens

corrompus par le pouvoir des colonisateurs,

prenons à cet égard l’exemple du harki

Hakim, qui étant lui-même d’origine

algérienne collabore pourtant avec les

Français en torturant ses compatriotes

résistants. Ces nuances ne sont pas le fruit de

l’imagination, car les types de personnages

d’Assia Djebar reflètent la réalité, et le

paradoxe dans leur engagement pour l'un ou

l’autre camp n’a pour but que de respecter

cette réalité. C’est la situation propre de la

guerre qui a fait que des individus d’une

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Réalité et poéticité à travers l’écriture djebarienne …/ 33

même nation se retrouvent ennemis; autant

dire que Djebar dévoile peut-être

intentionnellement les contradictions

inhumaines nées de la guerre. C’est donc à

une sorte de démystification de la guerre que

Djebar s’est attelée sans pourtant

transgresser le sens de son engagement dans

la lutte de ses compatriotes.

En effet, la vision d’Assia Djebar,

exprimée à travers son roman, porte

implicitement ou explicitement selon les

divers passages, une condamnation de la

guerre dans sa signification la plus absolue.

D’ailleurs, la guerre d’Algérie elle-même,

malgré sa nécessité impérative est

douloureusement ressentie par cette

écrivaine, de par ses aspects négatifs. A

certains égards, cette douleur peut paraître

affective, par exemple au niveau de

l’expérience amoureuse, où la guerre

entraîne des ruptures intimes comme celle

entre Ali et Lila, ou au niveau de l’instinct

de conservation qui se manifeste devant la

menace et qui se traduit par les images de la

mort et de la destruction. La guerre de

libération interprétée comme une entreprise

légitime est elle aussi chargée d’un poids

émotionnel illustré par les images de l’auto-

satisfaction ou de la compensation:

l’héroïsme, le sacrifice, sublimés, sacrifiés,

etc., par exemple dans le cas du personnage

de Mahmoud; l’engagement de certains

personnages dans la guerre de libération par

exemple est accompli au détriment des

intérêts individuels.

Cependant, cette douleur ne peut se situer

en aucun cas dans le cadre d’un humanisme

pur. Accordant une importance primordiale à

l’idéologie dans sa sociocritique, Zima

précise que «l’idéologie […] doit être

conçue comme un discours issu d’un

sociolecte particulier» (Zima, 1985: 147). Il

constate qu’il ne s’agit pas de considérer la

totalité d’une situation linguistique, mais de

rendre compte de la situation «telle qu’elle a

été vécue par l’auteur en question et par les

écrivains qu’il connaissait, critiquait ou

appuyait» (Djebar, 1962: 143). Tenant

compte du modèle de Zima, on remarque

que la vision de ces écrivains est

nécessairement politique, car toute guerre de

libération symbolise un idéal, et cet idéal

peut s’élargir, devenir institutionnel, ou

même évoluer vers une idéologie complète

fonctionnant comme un support à une

politique bien définie. Toute guerre de

libération exige une idéologie de combat: en

principe une idéologie nationaliste qui

consolide ou rénove les valeurs et d’ailleurs

toute guerre légitime ou non appelle à la

justification.

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34/ Revue des Études de la Langue Française, Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

Du côté français, les intellectuels

favorables à la consolidation du colonialisme

par la force parlaient au nom des droits

légitimes comme l’ont déjà fait les

prometteurs des expéditions coloniales du

XIXe siècle. L’expédition coloniale a eu sa

propre idéologie pour se justifier: le

colonialisme se référait à un prétexte

civilisateur et humanitaire pour dominer les

autres peuples dits «arriérés».

Du côté algérien, nous pouvons considérer

les écrivains favorables à la guerre de

libération comme les porte-paroles de

l’idéologie nationaliste née en faveur de

l’éveil des sentiments patriotiques et par

réaction à l’idéologie de «l’Algérie

française». La conscience de l’appartenance

à une nation autre que celle imposée par le

colonialisme se manifeste dans la quasi-

totalité des œuvres d’écrivains algériens,

entre autres celles d’Assia Djebar. La

revalorisation des valeurs de cette nation se

lit à travers la tentative djebarienne de

donner une image saisissante du passé de

l’Algérie, signe de l’authenticité.

L’importance qu’elle accorde à la culture

populaire va aussi dans le sens d’une

sensibilisation aux valeurs réelles de la

nation, issue du fin fond de la patrie.

D’ailleurs, l’écrivaine dévoilera plus tard, de

façon explicite son intention de «faire

réaffleurer les cultures traditionnelles mises

au ban, maltraiteés, longtemps méprisées, les

inscrire, elles, dans un texte nouveau »

(Djebar, 1999: 29). La même tendance se

retrouve dans la recherche d’une identité,

illustrée dans Les Enfants du nouveau monde

notamment à travers cette réflexion de

Khaled: «Dans notre histoire […] nous

avons toujours eu à résister ; ce peuple s’est

toujours formé en se jetant dans le combat,

ou en se formant dans l’orgueil…» (Djebar,

1962: 217)

D’autre part, l’idéologie nationaliste

s’exprime dans Les Enfants du nouveau

monde, également à travers les actes de

plusieurs personnages qui s’engagent dans la

guerre de libération, au détriment de leurs

intérêts individuels. Ils sont convaincus que

la cause défendue par la Révolution est juste

et qu’il faut faire des sacrifices pour sauver

l’avenir du pays. Tout ceci nous mène à

déduire que cette œuvre sur la guerre n’est

pas une simple description de la guerre, car

Djebar ne prend pas celle-ci que comme un

prétexte favorable pour écrire. Ce qu’elle a

écrit est surtout le résultat logique de ses

préoccupations patriotiques. Par là même,

nous pouvons constater que dans une

certaine mesure la littérature maghrébine

d’expression française a une fondation

idéologique qui s’inscrit dans un réel parti

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Réalité et poéticité à travers l’écriture djebarienne …/ 35

pris des objectifs de la guerre de libération.9

Retenons à ce propos cette interprétation de

Ghani Merad:

«La littérature algérienne est un hymne profond à la

gloire de l’Algérie martyre, de l’Algérie en lutte pour

se retrouver et se reconstruire, pour former un tout uni

et libre, c’est une vaste quête de la personnalité, la

recherche d’un "moi" enraciné dans l’Histoire et

projeté vers un avenir, l’espoir d'un "nous" national. »

(Merad, 1976:105)

Conclusion:

Assia Djebar a contribué à contourner la

guerre d’Algérie dans ses nuances. L’image

de la guerre reflétée par Les Enfants du

nouveau monde est teintée d’une vision

poétique et porteuse d’une charge

psychologique. Dans sa description réaliste

des plus infimes détails du spectacle de la

guerre, Assia Djebar a dépassé le seuil du

réalisme et atteint l’originalité en adoptant

les notions de réalisme psychologique et de

réalisme poétique. Sa tentative s’inscrit dans

une progression vers l’harmonisation de

l’écrit et du social, ainsi que vers

l’établissement d’un rapport équilibré entre

la part de fiction et celle de réalité au sein de

l’œuvre littéraire.

L’image de la guerre qu’Assia Djebar

exprime dans son roman est également

teintée d’une idéologie nationaliste, dans le

9 Voir à ce propos l’approche socio-historique de Jean

Déjeux dans Littérature maghrébine de langue

française: introduction générale et auteurs, chapitre I,

panorama rétrospectif.

sens où les interprétations de l’auteur sont

dirigées vers la dénonciation du colonialisme

et de la violence qu’elle a engendrée par la

guerre, ainsi que le rejet de la culture

étrangère pour et par l’affirmation de valeurs

authentiquement algériennes. Pourtant,

Djebar ne se lance pas dans une ample

justification, ni une entière légitimation de la

lutte pour la libération. Elle procède même à

une démystification et une désacralisation de

la guerre, en dénonçant les conséquences

néfastes d’une telle situation sur l’existence

des hommes et des femmes qui la subissent.

Nous pouvons donc dire que Les Enfants du

nouveau monde offre un véritable miroir

réflexif, car en plus d’un événement qu’elle

perpétue, elle enrichit considérablement la

signification philosophique de la guerre.

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Publisud.

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_______________________________________________

*[email protected]

** [email protected]

L’incipit dans les contes philosophiques de François Voltaire:

Etude sélective de Candide et Micromégas

Azimi-Meibodi, Nazita*

Maître assistante, Université d’Ispahan, Ispahan, Iran

Ziaee, Malihe **

Etudiante en Master II, Université d’Ispahan, Ispahan, Iran

Reçu: 29.11.2013 Accepté: 26.10.2014

Résumé

Comment les premiers mots d’un roman conduisent le lecteur vers son contenu? Comment l’écrivain

enchaine l’esprit du lecteur avec l’inattendu auquel il serait confronté dans sa lecture? C’est l’incipit qui

assume ce rôle inévitable pour diriger le lecteur. L’objectif du présent article est de répondre à ces

questions et ainsi de démontrer à travers les contes Micromégas et Candide de quelle façon Voltaire,

comme un conteur, grâce à l’incipit, répond aux différentes questions posées par le lecteur. Il peut ainsi

découvrir déjà au début de l’histoire un événement ou un sujet important qui va éclairer un ensemble plus

grand d’événements ou de sujets formant le nœud du conte. Le présent travail envisage d’étudier par quels

procédés techniques, grammaticaux ou autres, Voltaire évoque sa philosophie ainsi que les thèmes

ironique et satirique lorsqu’il conduit le lecteur sur terre ou quand il l’amène dans la fantaisie des univers

imaginaires des planètes, par exemple, et ceci à travers les incipit des récits de voyage extraordinaires.

Mots clés: Incipit, conte, ironie, Voltaire, Micromégas, Candide.

Introduction

À lire la toute première phrase, l’«incipit»,

des contes de Voltaire on a ce sentiment de

pouvoir tout deviner. Mais est-ce vraiment

de la sorte? Est-ce vraiment de la sorte en ce

qui concerne tous les contes de Voltaire? Ou

bien encore est-ce de la sorte en ce qui

concerne tous les écrits constituant une étude

plus vaste sur le sujet posé plus haut. Voici

ce qui constitue l’objet de cet article.

À travers deux des contes philosophiques

de Voltaire; Micromégas et Candide, le

présent travail s’occupe donc de l’étude des

incipit et prend en considération comment se

présentent ces incipit pour trouver

éventuellement des points communs et des

croisements. Il cherche à étudier si l’auteur

vise dès le début le contenu et la fin de son

œuvre, si dès le début, les mots de l’incipit

ont l’intention de nous conduire vers le sens

et le contenu de ce qui va suivre ou bien

faudrait-il attendre la fin de la lecture de

l’œuvre pour en comprendre le sens.

Plusieurs fonctions peuvent se dégager

d’après la lecture d’un incipit; ce dernier a

également une valeur d’annonce et

programme la suite du texte. En effet, il

définit le genre du texte littéraire que nous

avons en mains (roman épistolaire, roman

réaliste, etc) et les choix de narration (point

de vue, vocabulaire, registre de langue, etc)

de l’auteur ; il accroche et séduit le lecteur ;

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38/ Revue des Études de la Langue Française , Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

attire son attention en s’adressant

directement à lui. Différents signes

annonciateurs du genre littéraire aussi, tel «Il

était une fois», apparaissent en général, dans

l’incipit.

Définitions

Le terme «incipit» vient du verbe latin

incipire = commencer, premier mot d’une

œuvre, ou d’un manuscrit. L’incipit sert à

désigner le commencement d’un roman par

les premiers mots à la première unité voire

même premier paragraphe. (Goelzer, 1966:

125)

Andrea Del Lungo à propos de l’incipit

écrit: « cette frontière-seuil est également

l’espace d’une rencontre entre auteur et

lecteur, lieu de concentration du désir et de

l’attente, endroit stratégique où les actants de

la communication se définissent» (2005: 10).

Dans le seul domaine du roman, Del lungo a

désigné, par ce terme, la première phrase du

texte, aussi nommée «phrase-seuil» ».

Hamon, dans son article, cite Aragon qui,

dans son ouvrage intitulé Je n’ai pas appris

à écrire, ou les incipit1 (1969), considère la

première phrase comme étant le fil

conducteur de tout le roman et fait

remarquer que tout le texte est en fait,

l’exploration et la découverte des moyens

1 Incipit au pluriel peut s'écrire avec ou sans "s".

linguistiques qui se représentent dans les

phrases seuils. Par élargissement du sens, il

désigne aujourd’hui le plus souvent le début

de l’ouvrage, de longueur variable selon les

nécessités de composition qui le découpent.

Selon différents chercheurs, il peut ne durer

que quelques phrases, mais peut aussi

comprendre plusieurs pages comme chez

Balzac. C’est donc une mise en relief de la

difficulté à aborder. Il donne des

informations sur le lieu et l’époque du récit,

les personnages et l’intrigue. Ainsi, selon

Peyroutet «le début d’un récit doit être une

véritable accroche» (Peyroutet, 2005: 5).

Pierre Simonet définit l’incipit de la façon

qui suit: l’incipit est le début d’un texte

comme un apéritif qui ouvre l’appétit et qui

donne l’envie de continuer la lecture, la

dégustation, de poursuivre jusqu’à la

dernière ligne. (Anthologie des premières

phrases: 2009: 73).

L’incipit d’un récit répond généralement à

trois caractéristiques: - il informe, intéresse

et noue le pacte ou le contrat de lecture ; -

l’incipit avance par divers procédés

techniques. Par exemple dans le cas de

Micromégas, on peut noter l’utilisation

d’une des figures de style telle l’oxymore

qui revient au choix du titre-même, c’est-à-

dire Micromégas ; - l’incipit crée un monde

fictif en donnant des informations sur les

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L’incipit dans les contes philosophiques de François … / 39

personnages, le lieu et le temps. Des

descriptions mêlées à la narration répondent

aux différentes questions permettant au

lecteur de découvrir dans l’histoire un

événement important qui va éclairer un

ensemble d’événements formant le nœud

d’un conte ou d’un roman. Il existe quatre

types d’incipit:

1- statique: informatif et très fréquent.

Informatif parce que par exemple Balzac

dans ses romans réalistes décrit avec une très

grande précision le décor de l’histoire, les

personnages mais aussi le contexte

historique, social, politique et économique

de l’action. La multitude des détails suspend

l’action et met le lecteur en état d’attente.

2- progressif: épanche petit à petit des

informations mais ne répond pas à toutes les

questions que peut se poser le lecteur mais

lui donne le goût de continuer, ce qui est le

cas dans les contes que nous avons choisis.

3- dynamique: jette le lecteur dans une

histoire qui a déjà commencée, sans

explication préalable sur la situation, ni les

personnages, ni le lieu ni le moment de

l’action.

4- suspensif: donne peu d’informations

et cherche à dérouter le lecteur. (Del Lungo,

2003: 139).

Fonctions de conte

Ainsi, en évoquant les fonctions que

l’incipit remplit dans une œuvre et en les

étudiant particulièrement dans les deux

contes philosophiques de François Voltaire,

nous avons comme objectif de répondre,

dans cet article, aux questions posées plus

haut. Nous essayerons d’expliquer comment

l’incipit est formé et représenté dans ces

deux contes? Quelles fonctions a-t-il dans la

formation et la représentation d’un conte

philosophique, ainsi que sa forme critique et

satirique?

Cette dernière question est directement liée

à la définition du conte philosophique qui est

une histoire fictive, produite par l’auteur

dans le but de peindre une critique de la

société et du pouvoir, le plus souvent

fustigée dans toutes ses dimensions (mœurs

de vie mondaine et rurale, pouvoir politique,

arts, intolérance religieuse et étude du

lexique). Étant également une manière pour

les philosophes de défendre leurs idées, ce

genre a été particulièrement utilisé par les

philosophes des Lumières, notamment

Voltaire, dans Candide.

Voltaire invite le lecteur à prendre

conscience des vices humaines et de la

possibilité de présence du mal sur la terre

dans Candide, ce qui donne aussi une

dimension satirique à l’œuvre déjà évident

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40/ Revue des Études de la Langue Française , Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

dans l’incipit. Le conte devient un moyen

plaisant pour faire réfléchir le lecteur sur la

place de l’homme dans l’univers, en

réunissant la fiction et les morales

philosophiques des Lumières. Les héros de

Voltaire tels Candide, Zadig, Micromégas,

l’Ingénu sont parés de traits de caractères

enviables. On pourra donc lire ce texte à

plusieurs degrés en fonction desquels

l’histoire sera plus ou moins significative et

profonde. Mais qui dit philosophie dit

normalement haut degré d’abstraction

introduit par un incipit envisageant une

critique et de dénoncer le dysfonctionnement

de la société. Les visées des contes

voltairiens sont donc doubles:

philosophiques et satiriques avec toujours

une dimension critique.

Le lecteur ne sachant rien à l’avance de

l’histoire qu’il entreprend ne dispose que du

tremplin des premiers mots de l’incipit. À la

place de l’auteur, la phrase-seuil va orienter

le lecteur vers le déroulement du texte. Une

série de métaphores tout au long du texte,

suivant la fonction générative de l’incipit

oriente le lecteur sur une route qui conduit

l’esprit à une attente sur la suite du récit. «Il

est le point de départ […]. La fonction de

l’incipit est d’indiquer que le texte n’existe

que par la lecture qu’on en fait». (Béguin,

2002: 5). Il est claire qu’une seule et unique

lecture ne découle pas d’un texte précis mais

au contraire il y en a des bornes basées,

selon Andrea Del Lungo, sur «la recherche

d’un effet de clôture ou d’une fracture dans

le texte, soit formelle soit thématique, isolant

la première unité.» (Del Lungo, 1993: 135-

136).

Analyse des données:

Le premier conte étudié, ayant pour titre

Micromégas et pour sous-titre histoire

philosophique, désigne bien le genre du

texte. Tandis qu’au premier regard,

Micromégas est un conte court dont l’action,

toujours relatée au passé, se situe sur la

Terre, le conte est d’abord un mélange

étonnant d’astronomie, de réflexion

philosophique, scientifique, littéraire et

mondaine avec un caractère impulsif.

Micromégas est un géant savant habitant la

planète Sirius. À la suite des travaux

scientifiques contestés par le clergé de sa

planète, il est contraint à l’exil. Il voyage sur

la Terre et entre en relation avec les

hommes. Il écoute les partisans de différents

philosophes exposer leurs systèmes. Il les

considère comme des petites mites qui

décident de tout avec assurance. Micromégas

les quitte, un peu fâché de voir que les

infiniments petits ont un orgueil presque

infiniment grand.

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L’incipit dans les contes philosophiques de François … / 41

Voici l’incipit de Micromégas: «Dans une

de ces planètes qui tournent autour de

l’étoile nommée Sirius, il y avait un jeune

homme de beaucoup d’esprit, que j’ai

l’honneur de connaître dans le dernier

voyage qu’il fit sur notre petit fourmilière; il

s’appelait Micromégas, nom qui convient

fort à tous les grands» (2000: 2). Il s’étend

presque sur cinq lignes dans l’édition citée

dans la bibliographie de cet article. Cet

incipit contient des éléments qui, comme

dans les définitions, se terminent par la

présentation du héros, de l’endroit, et un peu

plus loin de l’époque de notre conte.

Pour l’analyse de l’incipit de notre premier

conte «Micromégas» commençons déjà par

le titre: Une des leçons de ce conte est que

tout être existe toujours entre deux infinis.

Même le géant Micromégas est un «grand-

petit». Peu importe alors la taille apparente,

toute créature est un milieu entre le tout et le

rien. C’est un nom composé de deux mots

antonymes opposés directement par le sens ;

Micro-mégas; petit-grand, c’est donc un

oxymore. Comme beaucoup de personnages

imaginés par Voltaire, Micromégas est doté

d’un nom fantaisiste, destiné à produire

quelque effet comique. Précisons sur

l’étymologie du mot qui est un nom propre

concluant le thème du conte philosophique.

Micromégas se compose de deux éléments

d’origines grecques ; «micros» qui signifie

petit et «mégas» qui signifie grand où en

somme on voit un paradoxe. Leur

association fait une comparaison fondée sur

la relativité des dimensions. Un nom propre

aux sens scientifiques dans lequel est inscrite

l’idée de cette histoire que chaque être et

chaque idée dans l’univers, qu’il soit Sirien,

Saturnien ou Terrien, apparaît comme une

balance entre le micron et le méga.

(Debailly, 1992: 16)

Rappelons que Voltaire a pour but premier

de critiquer et banaliser la société de son

temps et dans cet objectif il adopte un ton

ironique. C’est pourquoi il se sert aussi d’un

datif éthique tel «ces», adjectif démonstratif

dans «ces planètes» (Maingueneau, 1999:

27). Ainsi, sachant qu’un adjectif

démonstratif avec un rôle de déictique sert à

montrer ce qui est présent dans l’espace et le

temps ainsi que son omniprésence. L’intérêt

de ce datif est dans le fait que cette planète

n’existe pas dans le présent de la lecture ni

dans la réalité mais de cette façon Voltaire se

sert de ce démonstratif pour créer un effet de

réel dans son conte. Voltaire montre ainsi sa

propre pensé à l’aide de la critique et de

l’ironie continuelle qu’il adopte envers la

société de l’époque.

Quant à l’emploi de «il y a», il est à penser

que c’est pour insister sur le caractère fort et

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42/ Revue des Études de la Langue Française , Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

fictionnel du conte, que l’auteur emploie

dans l’incipit. L’expression «il y avait» est

un marque de rupture avec le monde

ordinaire, actuel ainsi que le temps du

narrateur «je» qui vient deux lignes plus

loin. Il faut signaler cependant que

l’affirmation de la réalité est quelquefois

utilisée, au cours du conte, en tant que

moyen de fixer l’attention du lecteur et lui

donner l’impression de rencontrer la vérité

au milieu des inventions les plus

fantastiques. Le conteur se présente alors

comme un défendeur ironique entre le

monde réel qui ramène le lecteur sur Terre et

l’univers imaginaire qui est un récit de

voyage extraordinaire inventé. L’époque est

un temps du passé mais pas définissable et le

temps du récit est à l’imparfait, au passé

simple et au passé composé.

Micromégas est aussi présenté comme un

savant qui était «un jeune homme avec

beaucoup d’esprit.» Le début du chapitre

présente le héros Micromégas qui est, en

même temps, un géant et un savant habitant

de Sirius. Cet extrait relate la cause de l’exil

de Micromégas qui va être à l’origine de son

voyage interplanétaire. Il est exilé et en

voyage. C’est en lisant le reste du conte

qu’on s’aperçoit qu’il est en exil pour avoir

écrit un livre scientifique. L’évolution

d’exclusion dont il est victime, ainsi que le

désir de compléter son éducation par lui-

même, font de Micromégas un voyageur

actif d'une curiosité infinie et ayant la

volonté de se faire une idée aussi juste et

lucide que possible de la vie. L’idée de

relativité de ce conte est exprimée par une

périphrase péjorative d’une façon très

frappante et très signifiante dans l’incipit

«sur notre petite fourmilière» qui désigne la

Terre. Déjà «petite» exprime l’idée de

relativité et ce qui est plus important

demeure dans l’emploi du terme

«fourmilière». Petit Robert définit

fourmilière de deux façons suivantes: (Petit

Robert: 2009, 665)

1- Habitation commune, souvent de

plusieurs étages, pourvus de galeries, de

loges, etc., où vivent les fourmis. 2- Lieu où

vit et s’agite une multitude de personnes.

L’une et l’autre de ces deux définitions

nous conduisent à l’idée de Voltaire qui étale

un ensemble de gens ressemblant à des

fourmis qui font jours et nuits la même chose

sans grande réflexion. Les philosophes

participant à la conversation avec

Micromégas ne peuvent le satisfaire et lui

donner de réponse raisonnable aux notionss

demandées. Il reprend encore une fois l’idée

de «fourmilière» et des fourmis qui font sans

cesse la même chose sans réfléchir et sans

arrêt. Remarquons que la fourmi est

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L’incipit dans les contes philosophiques de François … / 43

également le symbole de petitesse. L’auteur

nous dirige déjà vers les chapitres qui

suivent, où le héros se met à rire à cause de

cet excès de petitesse des habitants de notre

planète, où il ressent de la pitié pour la

petitesse de la race humaine. Cette

métaphore employée par Voltaire dans

Micromégas à côté de château de monsieur

baron Thunder-ten-tronckh dans Candide

revient à la même idée. Ainsi Voltaire se sert

de cette occasion pour se moquer de tous les

habitants prétentieux et surtout les dirigeants

de la terre.

Avant toute chose, l’incipit met en avant

un univers de conte traditionnel, illustré

dans le texte par les formules du conte, les

éléments spatio-temporels et les poncifs,

ainsi que des personnages représentatifs de

ce genre très codé, qui fait partie des

références culturelles du lecteur. C’est

pourquoi la réception et l’interprétation du

texte seraient différentes selon le lecteur et

l’époque. Plusieurs lecteurs appellent donc

plusieurs lectures.

Passons maintenant à Candide autre conte

philosophique de Voltaire qui dépeint un

monde où le mal est une réalité qui nous

accompagne partout. «Candide est un jeune

garçon à qui la nature avait donné les mœurs

les plus douces», sans expérience comme il

est, pense qu’ailleurs la vie est meilleure.

Notre héros va en fait être détrompé par

Pangloss (pan, «tout» ; gloss, «gloser») qui

est un philosophe, maître de Candide. Dans

ce conte, le monde n’est pas fait pour les

idéalistes, la réalité est détestable, la bonne

volonté et l’honnêteté sont méprisées.

Candide va en fait connaître l’amère

expérience de n’être qu’un jeune

métaphysicien analphabète des événements

de ce monde. (Gaillard, 1992: 25)

L’incipit est ce qui suit Candide, le titre:

«Il y avait en Vestphalie, dans le château de

monsieur baron Thunder-ten-tronckh, un

jeune garçon à qui la nature avait donné les

mœurs les plus douces» (1991: 2).

De même que pour Micromégas, pour

démarrer le récit, dans Candide, Voltaire à

recours tout d’abord à la formule

traditionnelle du conte: «Il y avait en

Vestphalie». La description du lieu en fait

une petite société, un endroit merveilleux,

coupé du monde et de la réalité. Les

personnages sont mis en scène dans un lieu

imprécis: «Vestphalie», qui, dans le conte,

est un pays peu connu et considéré comme

un lieu digne de conte de fée. .Quant au nom

du château: « Thunder-ten-tronckh», c’est un

nom fantaisie inventé par Voltaire pour se

moquer de la langue allemande dont il

trouvait les sonorités trop dures et peu

élégantes, inharmoniques et ironiques

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44/ Revue des Études de la Langue Française , Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

relevant de l’imagination. On se situe donc

dans un monde qui semble lointain, voire

imaginaire: monde d’un conte. Le récit

débute en Vestphalie pour se dérouler

ensuite dans un château, le château de

monsieur baron Thunder-ten-tronckh. Avec

ce choix de la ville de Vestphalie et le nom

de château et de son propriétaire, Voltaire

choisit l’intemporalité propre à l’univers du

conte et l’absence de toute précision pour

créer plus d’irréalité. L’univers qu’il

construit est fantasmatique et permet de

placer une philosophie au centre de ce petit

monde.

La présence d’un certain nombre de

grincements à l’oreille tel le nom du château

invite à une lecture ironique du texte pour

montrer que derrière cette façade idyllique le

monde du baron n’est pas ce qu’il semble

être. Cet incipit dévoile donc plus encore cet

univers merveilleux et l’ironise de plus en

plus. L’allitération en « t » du nom Thunder-

ten-tronckh montre la dureté du nom du

baron qui annonce déjà sa cruauté puisque

plus tard il va chasser Candide de son

château. « Thunder »= le foudre.

Le baron de Thunder-ten-tronkh, évoqué

en premier lieu par son nom et son château

quatre lignes plus loin, apparaît comme

maître de maison et digne de respect dont il

profite. Le château, symbole du bonheur

pour Candide, servira de référence pour son

apprentissage

Le conte est présenté sous forme d’une

description à l’imparfait, avec par exemple:

«avait» comme forme verbale dans l’incipit.

L’incipit est dominé par l’imparfait ce qui

souligne la vocation de tout incipit, c’est-à-

dire la continuité ainsi que l’annonce du

reste du récit. Il s’agit de présenter la

situation initiale l’élément perturbateur et la

succession des actions viendra ensuite avec

l’utilisation du passé simple. (Grevisse,

2011: 185)

Les interventions directes du narrateur se

voient lorsqu’il dit «je croix», pour cette

raison qu’on le nommait Candide. De l’autre

côté il insiste sur sa simplicité et sa douceur

avec l’utilisation du superlatif «le plus

simple».Ainsi les phénomènes de

renchérissement et d’insistance vont dans ce

sens et donnent à l’ironie un ton bien plus

fort déjà dans l’incipit. Du point de vue

grammaticale, l’expression: «les plus

douces» est un descriptif comparatif. De

même, l’incipit est littéralement envahi par

une caractérisation positive passant par une

description qui présente sous un aspect

favorable et sa version méliorative envers

son personnage principal Candide: «un jeune

garçon à qui la nature avait donné les mœurs

les plus douces» comme vient dans l’incipit.

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L’incipit dans les contes philosophiques de François … / 45

Voltaire présente Candide par une

périphrase tel qu’un jeune homme à qui la

nature avait donné les mœurs les plus

douces. De plus, on note une complète

coïncidence entre son apparence et son

caractère sans complexité et que sa

physionomie annonçait son âme.

Contrairement au Candide les autres

personnages de Voltaire sont assez peu

décrits. Il les résume en général à une

caractéristique principale et les rapproche à

des types réduits sans aucune nuance et

complexité.

L’intervention du narrateur et le fait qu’il

«croit» qu’on le nommait Candide conduit le

lecteur à l’idée que le monde présenté n’est

peut-être pas aussi simple et caricaturale

qu’une lecture au premier degré le laisse

entendre.

Quant à la présentation du baron, elle se

fait deux phrases plus loin que l’incipit; la

phrase décrit tout son bien. Son pouvoir est

mis en relief et lui donne une apparence de

richesse qui fait de lui un personnage

important. Monsieur le baron «était un des

plus puissants seigneurs de la Vestphalie, car

son château avait une porte et des fenêtres.

Sa grande salle même était ornée d’une

tapisserie.» Le lecteur est donc entraîné dans

un univers merveilleux où tout va pour le

mieux ; mais quelques éléments inattendus

comme guerre et tremblent de terre le

mettent sur la voie d’une distorsion dans

l’harmonie générale.

Alors, peut-on dire que l’incipit de

Candide, est effectivement l’image du reste

de l’œuvre, reprend de nombreux éléments

du conte traditionnel tels le merveilleux, le

dépassement spatial et temporel, la fiction et

le langage du conte ; (il y avait, il était une

fois, dans un château, …) pour mieux les

subvertir. En effet, le langage du conte, avec

ses formules, ses superlatifs et son

vocabulaire mélioratif, un contexte irréel et

indéfini ou des personnages caricaturaux qui

ne sont que des types, est surtout le lieu de la

dénonciation des apparences trompeuses. La

dénonciation se fait par le choix d’un ton

ironique dont les noms, et les interventions

du narrateur sont des d’indices. L’ouverture

de ce conte nous dirige vers l’aventure d’un

jeune homme lucide mais intelligent. (Ziaee,

2011).

Conclusion:

L’incipit constitue ainsi la cohérence de

l’ensemble du texte par un glissement qui est

en même temps un recommencement et un

déplacement, un mouvement à la fois du

temps et de l’espace. Si l’incipit se maintient

tout au long du texte, et garantit le maintien

du texte, ce n’est plus un thème ou un cadre

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46/ Revue des Études de la Langue Française , Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

immuable, mais comme l’exigence de

l’ouverture de chaque thème et de chacun

des cadrages successifs sur le devenir qui les

transforme et les absorbe dans la continuité

d’un sens en procès.

Nous avons essayé, d’aborder la question

dans l’écriture philosophique de Voltaire et

d’examiner particulièrement, le rôle de

l’incipit dans la structure des contes

fantastiques et philosophiques de cet auteur.

Cette étude affirme bien que l’incipit en tant

qu’un lieu spécifique du récit possède une

place déterminante dans la mesure où

l’histoire reprend l’existence, mais aussi et

surtout comme une note indiquant l’essentiel

de cette œuvre littéraire, un extrait résumé de

ce qui suit. L’incipit élabore les éléments

caractéristiques du discours et reflète ainsi ce

que le lecteur doit attendre du récit. Dans le

cas des deux contes étudiés, c’est en effet

dans l’incipit que se manifestent l’ironie et la

philosophie de Voltaire et se déploie son

souci pour l’élaboration de sa critique par

l’ironie. C’est à partir de l’analyse des

éléments du cadre spatio-temporel et celle de

l’apparition des personnages exposés dans

l’incipit qu’on connaît la particularité de

l’univers parodique de Voltaire.

Dans les deux contes étudiés l’incipit est

dominé par l’imparfait élément qui souligne

sa vocation et l’annonce du reste du récit

ainsi que la description d’un monde figé.

Les incipit de ces deux contes voltairiens

ainsi qu’Ingénu, Zadig et autres, nous

permettent de démontrer comment dans les

contes voltairiens l’incipit est l’image du

reste du conte. La formule d’ouverture « un

jour», donne à la rêverie, ouvre le récit,

entraîne le lecteur dans un pays lointain et

imaginaire. On trouve le caractère

merveilleux du récit dans l’ouverture.

Candide, et Micromégas, sont tous les deux

des personnages stéréotypés. Mauvais, ou

bon exprimée clairement parfois par l’ironie

dans l’incipit. On voit bien que, pour inspirer

sa philosophie, partout Voltaire se moque

gentiment de ses personnages.

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Paris: Éditions du Seuil.

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48/ Revue des Études de la Langue Française , Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

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______________________________________________

* [email protected]

** [email protected]

Le Lac de Lamartine: un éternel retour vers l’espace de rencontre

Ghiasizarch, Abolghasem

*

Maître-Assistant, Université Internationale d’Imam Khomeini, Qazvin, Iran

Yecta Mard, Fatemeh**

Master II en littérature française, Université Ferdowsi de Mashhad, Mashhad, Iran

Reçu: 12.09.2013 Accepté: 23.08.2014

Résumé:

La rencontre comme tout acte humain se réalise au sein de l'espace. L’espace de rencontre en

tant qu’un espace social influence les gens et guide leurs sentiments et leurs actions. Cet espace

qui a une présence remarquable dans la littérature, suscite un comportement particulier

comparable au comportement dans «l’espace sacré». Ce travail de recherche a pour objectif de

vérifier l’espace de rencontre dans Le Lac de Lamartine, afin de montrer le comportement de

l’homme dans cet espace. En une première étape, la théorie de «l’espace social» de Di Méo &

Buléon, nous permet d’étudier la manière dont l’espace de rencontre influence les gens. Puis, en

vue de saisir ce comportement dans Le Lac de Lamartine, nous faisons appel à la mythocritique.

Mots-clés: Espace social, espace de rencontre, le Lac de Lamartine, l’éternel retour,

mythocritique.

Introduction

La rencontre est le commencement d’une

relation interpersonnelle qui débouche

généralement sur une relation durable

comme le mariage. Dans ce sens, c’est un

événement capable de «provoquer le

changement» (Duteille, 2002: 83) et

d’influencer la destiné des gens. Étant un

acte social, elle a une présence remarquable

dans la littérature.

Dans le monde littéraire, la rencontre est

un élément important dans le processus du

récit. Le caractère «destinal» (Duteille,

2002: 84) de la rencontre s’implique

également dans la littérature. La rencontre

avec la rose donne à la vie monotone du

Petit Prince une nouvelle direction elle est à

l’origine de son voyage initiatique. Dans

L’Amant de Duras, la rencontre avec le

Chinois permet à la petite fille de se séparer

de sa famille. Elle est à l’origine de sa

libération familiale. Dans ce sens, il n’est

pas étonnant que «l’espace de rencontre», là

où cet événement s’est manifesté pour la

première fois, soit un lieu spécial dans la

pensée de ceux qui se rencontrent. Dans la

littérature, «l’espace de rencontre» n’est pas

proprement un espace géographique. C’est

un espace fonctionnant qui exige un

comportement particulier.

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50/ Revue des Études de la Langue Française, Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

Les sociologues comme Bozon et Héran en

considérant l’espace comme un simple

espace social (Bozon & Héran, 1988: 121-

150), ont consacré leurs travaux à la

possibilité de se rencontrer au sein des

espaces (Bozon & Héran, 2006) et non pas

au comportement dans l’espace de rencontre.

Mircea Eliade, dans son livre Le sacré et le

profane en décrivant «l’espace sacré»

mentionne les endroits comme« le paysage

natal [ou] le site des premières amours»

(Eliade, 1965: 27-28) qui ont le même statut

qu’un « espace sacré » et qui sont considérés

comme «les "lieux saints" de [l’] Univers

privé» (Eliade, 1965: 27-28). Pourtant, les

œuvres d’Eliade appartiennent au domaine

de l’anthropologie et ne s’intéressent pas à la

littérature.

Ce travail est une étude littéraire qui en

s’appuyant sur la théorie d’Eliade cherche à

répondre à une question principale: le

comportement dans un «espace de

rencontre» ressemble-t-il à celui du primitif

dans un «espace sacré»? Tout comme un

espace sacré, l’espace de rencontre a-t-il un

rôle dans la répétition de la rencontre?

Pour répondre aux questions proposées, en

nous référant à la théorie de «l’espace

social» de Guy Di Méo & Pascal Buléon,

nous nous efforcerons tout d’abord de définir

l’espace de rencontre et de montrer la

manière dont cet espace influence les gens et

guide leurs sentiments et leurs actions. Puis,

en vue de saisir le comportement dans

l’espace sacré, nous allons faire appel au

mythe de l’éternel retour d’Eliade. Enfin,

nous tâcherons, d’appliquer les théories

d’Eliade à notre corpus, afin de montrer le

même comportement dans l’espace de

rencontre.

Espace de rencontre: un espace social

L’espace se trouve parmi des réalités

indéniables d’ici-bas. Tout ce qui existe dans

le monde, se trouve dans l’espace. Du latin

spatium, l’espace représente une «étendue

indéfinie qui contient et entoure tous les

objets » (Nouveau Larousse encyclopédique,

2001). Pourtant, le mot espace appartient à

plusieurs domaines de définition. La

physique, la philosophie, les sciences

géographiques et sociales etc., présente

chacun une définition de l’espace.

«L’espace de rencontre» est à la base, un

espace géographique. L’espace

géographique représente une réalité qui

«donne place et forme aux choses, établit des

distances séparatives entre elles et les relie»

(Di Méo & Buléon, 2005: 22). Il est là où

nous existons. Un continent et même un pays

sont considérés comme des espaces

géographiques. Chaque espace possède ses

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Le Lac de Lamartine: un éternel retour vers l’espace … / 51

propres caractéristiques climatiques,

naturelles etc., qui le caractérisent et le

distinguent des autres espaces. Ces

caractéristiques qui forment l’identité1 de

chaque espace guident le comportement

d’une société: « […] l’espace géographique

est sollicité en tant que véritable ressource. Il

confère une tonalité spécifique aux pratiques

sociales» (Di Méo & Buléon, 2005: 36).

Les groupes humains appartenant à un

espace désertique ne possèdent ni la même

culture, ni les mêmes rites ou

comportements que ceux qui appartiennent

au pôle sud. Les particularités géographiques

d’un espace de rencontre, par exemple celles

d’un lac ou d’une rue, exercent également

leurs propres influences. Pourtant, ce n’est

pas seulement l’espace qui nous influence.

L’homme par ses pratiques sociales et par

ses relations change à son tour l’image de

l’espace géographique. La rencontre est l’un

de ces actions.

La rencontre est le fait de «se trouver pour

la première fois en présence de quelqu’un,

débouchant généralement sur une relation

1 Selon Di Méo & Buléon, l’identité «renvoie la

personne qu’elle désigne à un monde géographique

particulier, fort de ses caractéristiques ethniques,

régionales, nationales ou locales, physiques et

humaines, etc.» (Di Méo & Buléon, 2005: 42) Dans

ce sens, l’identité en tant qu’«un facteur explicatif

majeur des conduites et des représentations de

chacun» (Ibid: 42), a une dimension géographique et

elle semble ainsi intimement liée à l’espace.

durable, fructueuse, amicale, amoureuse»2.

Cette définition met l’accent sur une relation

avec autrui, avec quelqu’un d’autre. En

créant la communication, la rencontre se

charge d’un sens social. La réalisation d’une

pratique sociale3 transforme l’espace

géographique à un espace social.

Les individus et les groupes humains se

situant dans l’espace, tissent des liens

affectifs, fonctionnels, économiques,

politiques ou même imaginaires avec les

espaces. D’une part, ils font apparaître des

rapports spatiaux (d’usage, affectifs ou

stratégique, etc.) et d’autre part ils

produisent leurs rapports sociaux (de travail,

ou d’amitié, etc.). Ainsi ces « rapports de

rapports », sociaux et spatiaux au sens utilisé

par Di Méo et Buléon mènent à la formation

de l’espace social:

« […] au total, ce sont ces "rapports de rapports",

sociaux et spatiaux, qui définissent une grande variété

de "combinaisons spatiales". Ces dernières, riches de

leurs productions matérielles et paysagères, décrivent

l’espace social dans sa forme générique comme dans

ses déclinaisons plus singulières (les espaces

sociaux), lieux et territoires» (Di Méo & Buléon,

2005: 4).

2 Centre National de Ressources Textuelles et

Lexicales disponible sur:

<http://www.cnrtl.fr/definition.> (consulté le

12/8/2012). 3 Di Méo & Buléon considèrent «tous les

déplacements, toutes les fréquentations concrètes de

lieux, tous les actes spatialisés que l’individu mène

dans son milieu» comme les pratiques sociales. Selon

eux « […] les pratiques sociales créent une

communication, mais aussi une médiation

interindividuelle» (Di Méo & Buléon, 2005: 40).

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52/ Revue des Études de la Langue Française, Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

L’espace social, «expression du rapport

des hommes aux lieux» (Bailly, 2009: 430),

se forme lorsque les pratiques humaines

conduisent à l’apparition d’un lien entre

l’homme et l’espace. Ce lien charge l’espace

d’une nouvelle identité et rend capable les

espaces sociaux, d’agir sur les

comportements humains. La manière dont

l’homme agit dans une bibliothèque est bien

différente de celle dont il agit dans un

sanctuaire. Le comportement change selon

ce que l’on trouve dans un espace de

rencontre, un espace chargé de souvenirs ou

un «nulle part»4 d’après Marc Augé.

«L’espace de rencontre» est l’expression

d’un rapport (affectif) à l’espace. L’espace

où l’on a rencontré un ami ou un amour est

un lieu plein de souvenirs qui pourrait

donner l’opportunité de vivre un passé. Il est

important de savoir qu’un lac, une rue ou

n’importe quel espace, dès le moment où s’y

réalise l’événement de rencontre, change son

image primaire pour les gens qui s’y

rencontrent. Le lac devient un «espace de

rencontre». Il se sépare des autres espaces

quotidiens et devient chargé de l’identité et

«qualitativement différent» (Eliade, 1957:

4 Pour Marc Augé un « non-lieu » est un espace «

où la relation de l’homme au lieu est réduite à

minima, à l’expérience du seul regard. C’est un 'nulle

part' codifié, sans lien à l’histoire, sans pratiques

possibles entre les hommes, sans identité […] il n’y a

plus ni pratique sociale ni expérience d’habiter la

terre » (Bailly, 2009: 426).

25) pour celui qui noue ce lien avec l’espace,

autrement dit, il devient une réserve des

images et des souvenirs privés. Dès lors, il

est capable de provoquer le sentiment et de

susciter un comportement particulier.

L’espace a une place importante dans

l’imaginaire de l’homme. Les églises, les

cafés, etc., se reflètent dans les peintures. La

littérature aussi comme l’image du monde

psychique et sociale des êtres humains, est

remplie d’espaces sociaux. À propos de

processus «vectorielle» du récit Philippe

Walter explique les quatre vecteurs: le

temps, l’espace, le personnage et

l’événement comme la base d’un récit

narratif. Selon lui, les indices spatio-

temporels «encadrent l’action elle-même et

servent de décor aux personnages» (Walter,

2008: 8). Tout événement se réalise au sein

de l’espace. Sans espace, on n’est ni capable

d’imaginer ni de raconter un événement ou

un souvenir.

«L’espace de rencontre» a toujours eu une

présence remarquable dans les œuvres

littéraires. Cet espace existe depuis des récits

mythiques très anciens tels que Psyché ou

Narcisse. Ainsi est-il présent dans la pensée

et l’imagination de l’homme. C’est bien le

fait d’imaginer un «espace de rencontre» qui

conduit à l’apparition du Pont Mirabeau

d’Apollinaire :

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Le Lac de Lamartine: un éternel retour vers l’espace … / 53

« Sous le pont Mirabeau coule la Seine

Et nos amours

Faut-il qu’il m’en souvienne

La joie venait toujours après la peine »

(Apollinaire, 1920: 16)

Apollinaire y dessine une rencontre sur le

pont. Dans le monde réel, il y recourrait à

plusieurs reprises pour rencontrer l’être

aimé. Dans ce poème, cet espace se

manifeste chez lui. Donc, ne pourrait-il pas

être considéré comme un autre retour à cet

espace?

En étudiant l’espace de rencontre dans les

mythes ainsi que dans les différentes œuvres

littéraires, nous avons observé que le

comportement de l’homme envers cet espace

est invariable. Tout comme un «espace

sacré» (Eliade, 1965), l’homme fait un

«éternel retour» (Eliade, 1969) vers

«l’espace de rencontre» afin de réaliser une

autre rencontre. Avant de repérer ce

comportement dans Le Lac de Lamartine, il

nous semble nécessaire de définir ce qui est

un éternel retour.

Le mythe de l’éternel retour

Le mythe de l’éternel retour qui se définit

par la répétition éternel d’un geste ou d’un

événement est considéré selon Eliade

comme la tentation de l’homme archaïque

pour annuler le temps et «ancrer» dans un

temps «glorieux, primordial» (Eliade, 1957:

34).

Selon Eliade, les mythes vu qu’ils

constituent «l’Histoire des actes des Etres

surnaturels» (Eliade, 1963: 32) se réalisent

dans un «espace sacré»5 c’est-à-dire

«sanctifié» (Eliade, 1965: 55) par la

présence des dieux. Désireux d’être «tout

près de ses dieux» (Eliade, 1965: 81), le

primitif essaie de se situer toujours dans cet

espace, par un «éternel retour» vers l’espace

sacré où l’événement s’est manifesté par les

êtres surnaturels. Pour ce faire, le souvenir

de l’événement joue un rôle considérable. Ils

répètent périodiquement les événements

mythiques.

Les mythes selon Eliade, sont des

événements primordiaux qui se sont passés

«au commencement du Temps» (Eliade,

1957: 22). Ils racontent la création du monde

et l’histoire de toute création (comme la

création d’un amour). De la première danse à

la première chasse, les mythes s’occupent

5 Selon Eliade l’espace sacré se crée par

l’apparition d’une «hiérophanie», par la réalisation

d’un événement spécial: «tout espace sacré implique

une hiérophanie, une irruption du sacré qui a pour

effet de détacher un territoire du milieu cosmique

environnant et de le rendre qualitativement différent.

[…] D’après la légende, le marabout qui fonda El-

Hemel à la fin du XVIe

siècle s’arrêta pour passer la

nuit près de la source et planta un bâton en terre. Le

lendemain, voulant la reprendre pour continuer sa

route, il trouva qu’il avait pris racine et que des

bourgeons avaient poussé. Il y vit l’indice de la

volonté de Dieu et fixa sa demeure en cet endroit»

(Eliade, 1965: 29-30).

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54/ Revue des Études de la Langue Française, Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

des commencements et ainsi se déroulent

selon Eliade dans le «temps fabuleux» des

commencements, dans un temps précis, « in

illo tempore » (Eliade, 1957: 21). Ce temps

mythique qui «ne coule pas», qui ne

constitue pas comme un temps fléché et une

durée «irréversible» (Di Méo & Buléon,

2005: 17-18) est infiniment «récupérable»

(Eliade, 1965: 64) par la répétition de

l’événement.

Par la répétition rituelle du mythe ou

simplement en le racontant dans un espace,

le primitif arrive en première étape à le «

transformer symboliquement » (Eliade,

1965: 33) en espace «sacré» : l’endroit où

l’événement mythique s’est réalisée par les

dieux. Pourtant, par ce retour à l’espace, le

primitif arrive également à «épuiser»

(Eliade, 1957: 53) la durée en « la

parcourant à rebours» (Eliade, 1957: 53) et à

rejoindre «l’instant mythique a-temporel »

(Eliade, 1969: 93) du commencement où a

eu lieu la révélation de l’événement:

«Par la répétition de l’acte cosmogonique, le temps

concret, dans lequel s’effectue la construction, est

projeté dans le temps mythique, in illo tempore où la

fondation du monde a eu lieu. Ainsi sont assurées la

réalité et la durée d’une construction, non seulement

par la transformation de l’espace profane en un

espace transcendant («le Centre»), mais aussi par la

transformation du temps concret en temps mythique»

(Eliade, 1957: 33-34).

En fait, le souvenir de l’événement a un

rôle important. Par la répétition du mythe le

primitif «réactualise» (Eliade, 1957:47) le

souvenir et devient «contemporain de

l’événement» (Eliade, 1957: 50). Il se trouve

dans l’espace-temps où a lieu la révélation

de l’événement mythique. Cela lui permet de

retrouver «la présence des dieux» (Eliade,

1965: 94) et de les rencontrer.

La rencontre comme tout acte humain a

besoin d’un espace pour se réaliser. Par

exemple, on ne peut pas rencontrer un ami

n’importe où. Lorsqu’il se trouve à

l’université et quand on est chez soi, la

rencontre ne va pas se réaliser. Selon Henri

Bergson, la transition dans l’espace est

toujours liée à la durée et au temps (Bergson,

1968: 41). La rencontre ne se réalise que

dans un espace-temps précis.

Eliade tout en définissant l’espace sacré

indique que la réalisation d’un événement

spécial peut transformer un espace ordinaire

à un lieu spécial. Pour lui l’apparition d’un

signe quelconque suffit pour indiquer cette

spécialité. À l’échelle collective, on peut

trouver bien des espaces qui sont considérés

comme spéciaux: les mosquées, les

sanctuaires etc., qui se détachent des autres

espaces quotidiens et exigent un

comportement particulier et respectueux.

À l’échelle individuelle, la première

rencontre est capable de rendre spécial un

lieu ou un espace ordinaire dans la tête ou

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Le Lac de Lamartine: un éternel retour vers l’espace … / 55

dans les souvenirs de quelqu’un. Selon

Eliade:

«Il subsiste des endroits privilégiés, qualitativement

différents des autres: le paysage natal, le site des

premières amours, ou une rue ou un coin de la

première ville étrangère visitée dans la jeunesse. Tous

ces lieux gardent, même pour l’homme le plus

franchement non-religieux, une qualité

exceptionnelle, "unique": ce sont les "lieux saints" de

son Univers privé, comme si cet être non-religieux

avait eu la révélation d’une autre réalité que celle à

laquelle il participe par son existence quotidienne»

(Eliade, 1965: 27-28).

Selon notre hypothèse, l’espace de

rencontre fonctionne de la même façon

qu’un espace «sacré». L’étude de cet espace

dans les œuvres littéraires montre que dans

les cas différents, les gens, pour réaliser une

autre rencontre, retournent au même espace

dans lequel ils se sont rencontrés pour la

première fois.

Pour bien préciser notre point de vue, nous

étudions l’espace de rencontre dans Le Lac

de Lamartine, un poème inspiré de

l’expérience personnelle du poète, dans

lequel la femme aimée est morte. Ce poème

est, nous semble-il, un exemple assez clair

du retour vers «l’espace de rencontre».

Etude de l’espace de rencontre dans Le

Lac de Lamartine

Alphonse de Lamartine est le poète

romantique du dix-neuvième siècle. Sa vie

est marquée par l’amour qu’il éprouve pour

«Julie Charles» (Berveiller, 1951: 22), qu’il

nomme «Elvire» (Doumic, 1912: 40), une

jeune femme mariée gravement malade qu’il

rencontre à «Aix-les-Bains» (Doumic, 1912:

39). Lamartine rencontre encore la femme

aimée en hiver à Paris, mais l’attend en vain

à Aix l’année suivante. Elvire meurt à Paris

en décembre. La souffrance qu’il éprouve à

la suite de sa mort est immense et la douleur

de cette expérience est la source

d’inspiration de son recueil le plus célèbre:

les méditations poétiques (1820). Le Lac est

le dixième poème et «la merveille»

(Doumic, 1912: 119) de ce recueil.

Ne pouvant vivre que dans la présence

d’Elvire, Lamartine retourne au lac, un

espace qui lui est cher parce que l’année

précédent il y a fait la connaissance de la

femme aimée. Le lac participe ainsi à la

présence d’Elvire. Il écrit les premières

strophes de ce poème «sur le rocher même

qui domine L’abbaye d’Hautecombe et le

lac» (Berveiller, 1951: 22). Son apostrophe

au lac «regarde! Je viens seul m’asseoir»

(vers 7) montre bien que Lamartine comme

Moshiri6 «passe de nouveau» par cet espace

de rencontre: «Sans toi, dans une nuit claire,

j’ai de nouveau passé par cette rue-là7»

(Mochiri, 1990: 104).

6 Faraydoun Mochiri, poète contemporain iranien.

7 ]...[بی تو، مهتاب شبی، باز از آن کوچه گذشتم

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56/ Revue des Études de la Langue Française, Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

Par le retour au lac le poète se sent tout

d’abord «angoissé» (Eliade, 1957: 39)

devant l’irréversibilité du temps. «À la

recherche du temps perdu», il aspire dès la

première strophe, de pouvoir «ancrer» sur

ses moments de bonheurs:

« Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,

Dans la nuit éternelle emportés sans retour,

Ne pourrons-nous jamais sur l’océan des âges

Jeter l’ancre un seul jour ? »

Par ce désir de «récupérer» un temps

«glorieux, primordial», Lamartine ne

cherche qu’une autre rencontre avec la bien

aimée. Voilà pourquoi, il répète sans se

rendre compte, le comportement du primitif:

il retourne à l’espace de rencontre où a lieu

la révélation de l’événement.

Ce lac n’est plus le même espace où il a

rencontré sa bien-aimée. Par le passage du

temps. Lamartine se trouve maintenant dans

un autre espace-temps où la bien-aimée

n’existe plus. la fuite du temps «efface» les

«moments d’ivresse». Elvire est morte et des

merveilleux moments de leur vie, il ne reste

dans cet espace que les souvenirs et les

images.

Ses «extases sublimes» ne disparaissent

pas tout entières: «elles prêtent à la nature

une âme, reflet de la nôtre» (Doumic, 1912:

121). La trace de souvenir reste encore sur la

«pierre» où Elvire s’est assise, sur les «flots»

du lac, sur «l’écume» de ses «ondes» et sur

tous les éléments de la nature qui sont les

témoins de leur présence dans le lac. Le lac

est «miroir d’un passé à la fois heureux et

douloureux» (Benet, 2000: 62). Il est celui

qui a «regardé» l’événement, de ce fait, lui

seul peut en rappeler le souvenir et le

restituer. C’est en traversant la rue que pour

Moshiri:

« Le jardin de mille souvenirs sourit,

Le parfum de mille souvenirs se fit sentir »8

Lamartine se situe aux mêmes endroits

qu’il a visités autrefois avec Elvire. Tout

comme le primitif qui répète par un rituel

«l’œuvre exemplaire des dieux» (Eliade,

1965: 35), et se faisant se situe

symboliquement dans l’espace sacré,

Lamartine refait «les gestes» d’Elvire: il se

trouve près des mêmes «flots chéris», s’assit

sur la même «pierre» où Elvire s’était assis

l’année précédente et tout comme un rituel il

«reconstruit» (Eliade, 1965: 26) l’espace de

rencontre:

« Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes,

Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés,

Ainsi le vent jetait l’écume de tes ondes

Sur ses pieds adorés. »

l’événement revient avec force et le poète

L’utilisation de l’imparfait (vers 9-12) qui

sert à décrire la scène de rencontre et la

répétition de l’adverbe «ainsi» qui signale la

8 ]...[باغ صد خاطره خندید، عطر صد خاطره پیچید

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Le Lac de Lamartine: un éternel retour vers l’espace … / 57

similarité des situations spatiales montrent la

tentation de Lamartine d’«homologuer»

(Eliade, 1965: 51) le lac à l’espace de

rencontre de se situer dans un espace

«sanctifié» par la présence d’Elvire:

Lamartine se souvient de la femme aimée

lorsque «le vent» jette «l’écume sur ses

pied».

La présence au cadre de l’événement et la

répétition des «gestes» d’Elvire n’ont pour le

fonctionnement que «remémorer» (Eliade,

1963: 33) la rencontre. Au vers 13 à 20, le

souvenir de s’adressant au lac, lui raconte le

récit de la nuit de la rencontre:

« un soir, t’en souvient-il? Nous voguions en

silence; On n’entendait au loin, sur l’onde et sous

les cieux,

Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence

Tes flots harmonieux. »

Cependant, par la «reproduction» (Eliade,

1965: 32) des gestes d’Elvire et par la

narration de l’événement le poète ne se situe

seulement dans l’espace où l’événement

s’est manifesté pour la première fois. Cette

remémoration constitue une répétition et

donc «une réactualisation de "ce temps-là"»

(Eliade, 1969: 42).

C’est en racontant ce récit que Lamartine

entend «tout à coup» «la voix» d’Elvire. La

«remémoration» de la rencontre réactualise

le souvenir de la femme aimée et le poète

«vit» (Eliade, 1963: 33) l’événement. Dans

les vers 21 à 36 c’est le présent qui fait naître

le souvenir. La prière d’Elvire semble en

train de se réaliser dans le présent.

L’utilisation du temps présent pour réciter la

nuit de la rencontre montre bien que

l’événement se déroule dans un temps qui

n’est ni passé ni présent mais un temps

mythique primordial rendu présent: un

continuel présent «récupérable» dès que

Lamartine revient au lac, à l’espace de

rencontre.

La fonction de l’espace de rencontre n’est

pas de conserver le souvenir mais de projeter

Lamartine là où la rencontre est en train de

s’effectuer, au temps «fabuleux du

commencement» d’un amour. La rencontre

sera ainsi réactualisée voire revécu et

Lamartine «retrouve la présence» de la

femme aimée et vivre tout près d’elle. On

peut le considérer comme une autre

rencontre, ou bien un éternel retourne à

l’espace de rencontre.

Lamartine souhaite délivrer son amour du

temps et le rendre éternel. Le rôle de

l’espace semble être bien décisif dans ce

sens. Les événements s’attachent aux

espaces pour assurer leurs répétitions voire

leurs résistances. C’est pourquoi il confie

son souvenir au lac et tous les éléments de la

nature. Dans les vers 49 à 52 il apostrophe le

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58/ Revue des Études de la Langue Française, Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

lac et les éléments qui l’entoure de garder

«au moins le souvenir» de la nuit de la

rencontre. Il désire que les «orages», les

«coteaux», «les sapins» le «zéphyr» et «le

vent» soient marqué par l’histoire de son

amour que tout rappelle leur histoire.

C’est la nature que le temps « épargne ».

En confiant le souvenir au lac, le fait d’avoir

aimé puisse être répété et réactualisé

éternellement. Le poète réussit de cette

manière, dans sa lutte contre le temps.

Lamartine retourne physiquement vers

l’espace de rencontre où les souvenirs

d’amour y «flottent et s’y éternisent»

(Doumic, 1912: 121). La présence dans

l’espace restitue le souvenir et lui permet de

reconstruire la rencontre. Il se projette ainsi

dans le temps où l’événement s’est manifesté

pour la première fois. Il devient

«contemporain de l’événement» et une autre

rencontre se réalise.

Conclusion

L’espace de rencontre est un «espace

social» qui se crée par l’apparition d’un lien

(affectif) entre l’homme et l’espace. La

réalisation de l’événement de rencontre le

charge d’une identité pour celui qui a noué

ce lien avec l’espace. Dès lors, il participe

comme une église à un autre espace que les

espaces quotidiens où il vit. L’étude de

l’espace de rencontre dans Le Lac de

Lamartine nous a montré que la structure de

cet espace ressemble à celle de l’espace

sacré. La réalisation d’un événement spécial,

l’apparition d’un espace qualitativement

différent des autres et la tentation du poète

de se mouvoir dans cet espace constituent les

notes essentielles de l’expérience de l’espace

sacré.

L’espace de rencontre a un rôle décisif

dans la répétition de rencontre. La rencontre

se déroule dans un éternel présent. Cela lui

permet d’être vécue infiniment. Pour

rejoindre ce temps mythique, pour vivre

l’événement et afin de réaliser une autre

rencontre il suffit de retourner vers l’espace

de rencontre. Cet «éternel retour» se fait par

la réactualisation de souvenir de la

rencontre.

Tout comme un «espace sacré», l’homme

fait «un éternel retour» vers cet espace afin

de réaliser une autre rencontre. Comme le

primitif qui par la répétition rituelle des

mythes arrive à «réactualiser» l’événement

et ce faisant, il participe à «la présence des

dieux» et des êtres surnaturels, le retour du

Lamartine vers «l’espace de rencontre»,

réactualise le souvenir d’Elvire et réalise une

autre rencontre.

Dans tous ces cas, l’être aimé ainsi que son

image restent encore dans l’espace de

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Le Lac de Lamartine: un éternel retour vers l’espace … / 59

rencontre.9 Ainsi, en se trouvant

physiquement ou mentalement dans l’espace

de rencontre, cette image traverse la pensé et

une autre rencontre se réalise: la rencontre se

fait avec l’image de l’être aimé. En tout cas,

pour réaliser une autre rencontre, il faut

retourner physiquement ou mentalement à la

source, à la première place, à l’espace de

rencontre.

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*[email protected]

De l’imaginaire dans l’imitation littéraire

Gnayoro, Jean Florent Romaric*

Maître assistante,UniversitéPeleforo GonCoulibaly

Reçu: 10.12.2013 Accepté:23.06.2014

Résumé:

La trace du réel dans l’imitation littéraire se perçoit dans l’acte d’écriture où s’exprime la possibilité

qu’a l’auteur de créer un monde fictif. À ce sujet, l’imagination qui est, ici, sollicitée, devient intéressante

à explorer. À ce titre, la méthode utilisée pour construire cet imaginaire, bien souvent, fait appel à certains

fragments présents dans la réalité. D’où la question de la trace de cette dernière qui se présente en

littérature, telle une imitation. Le langage, mis en action dans l’imitation littéraire provoque le sens à

découvrir. C’est comme un décryptage à faire en psychanalyse. La portée linguistique chez les artistes

concourent, à revisiter le monde en établissant un rapport avec un univers interne à eux-mêmes et sous-

tendu par une pensée soutenue par l’imaginaire. La trace, au sens de Pierce, ramène à l’idée d’indice,

d’empreinte. Mais quelle est la limite entre l’objet naturel «réel» et l’imitation qui en est la trace? Quelles

techniques stylistiques sont utilisées dans l’imitation?

Mots-clés: Trace, imitation, réel, imaginaire, littéraire, écriture, langage, subjectivité.

Introduction

L’acte d’écriture passe invariablement par

une volonté d’exprimer l’intériorité selon

l’inspiration créatrice qui domine selon

l’expression heureuse de Gaston Bachelard:

«La manière dont on imagine est souvent

plus instructive que ce qu’on imagine ».

(Bachelard, 1949: 58). C’est à ce niveau

qu’intervient encore l’inspiration sur laquelle

Claude Roy insiste quant à sa manifestation

dans l’œuvre et dans son apport des plus

essentiels. «Mais l’essentiel, ce n’est pas ce

qu’elle est, non plus que ce qu’est celui qui

l’aime: c’est cette expérience de bonheur

que sa rencontre suscite». (Roy, 1993: 162).

L’inspiration, de surcroît, chez Jérôme

Duhamel attire l’attention sur la causalité

inhérente à un tel phénomène nécessaire bien

souvent dans l’imitation. «L’écrivain se

prend alors pour matière de son œuvre dont

il est en quelque sorte le sujet unique ».

(Glaudes, Reuter, 1998: 83). Cela étant, pour

Duhamel,

« Aussitôt, les idées se bousculent, qui sont autant

de pistes à suivre, de domaines à explorer: parler de la

littérature, bien sûr, de ce qu’elle est ou fut, de ses

moyens et de ses buts, de ses errances ou de ses

fulgurances, mais évoquer aussi les douleurs et joies

de l’écriture, mais s’attarder sur les bonheurs de la

lecture…(Duhamel, 2003: 8). »

De plus, Philippe Ortel relève également

l’imitation littéraire comme participant d’un

dispositif. Il ramène la situation à une

procédure pour présenter d’une certaine

manière les choses. En fait, l’imitation sur

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62/ Revue des Études de la Langue Française, Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

laquelle il se penche, ici, est le lieu d’une

récupération d’éléments donnés en spectacle,

d’une certaine façon. Cependant, là où le

dispositif semble s’inscrire dans cette

manifestation, il y a ancrage au niveau de

l’objectif visé par l’imitation qui,

foncièrement, découle d’un désir de

communiquer ou d’informer. À ce titre, pour

Philippe Ortel,

« De même, conçue comme dispositif, la

représentation, qu’elle soit textuelle ou visuelle,

manifeste sa capacité à nous informer, à nous

émouvoir ou à nous séduire, comme la rhétorique

avec laquelle elle partage ces fonctions, même si elle

ne s’y réduit pas. (Ortel, 2008: 35). »

On comprend ainsi que la représentation

imitative est en réalité un dispositif destiné à

informer, ce, plus ou moins subjectivement

dans la mesure où elle, bien que plus vaste, à

des traits communs avec la rhétorique qui la

sous-tend par le souci de convaincre et de

séduire. Tel que présenté par Philippe Ortel,

le dispositif qui entre dans le cadre de

l’imitation, va dans le sens spécifiquement

littéraire que lui attribue Philippe Hamon

pour qui,

« La littérature définit donc une sorte d’aire de jeu

pour des partenaires disjoints, mais un jeu non

«gratuit» dans la mesure à la fois où il reformule

règles et normes, où il les suit tout en les réélaborant,

et où il informe et remodèle perpétuellement notre

référence au réel. (Hamon, 1994: 9). »

Partant, l’auteur qui arrive à sentir ce qu’il

dit, s’aventure au cœur de cette conception

de Henri Lefebvre selon laquelle «plus on

examine l’espace et mieux on le considère,

pas seulement avec les yeux et l’intellect,

mais avec tous les sens et le corps total».

(Lefebvre, 1986: 450). Ainsi, «le plaisir

s’accroît d’un environnement naturel et les

éléments du paysage ou du décor contribuent

à fixer de tel moment dans «la mémoire»

poétique des héros». (Salles, 2007: 272).

On ne saurait également éluder la

dimension subjective de l’imitation qui

lorsqu’elle s’applique à un sujet montre

inévitablement une certaine dissemblance

avec son pendant ou son répondant réel.

Aussi, par ricochet, en plus de l’imitation, se

dévoilerait-il la personnalité de l’auteur.

Tout comme l’indique Maurice Blanchot,

« Rien ne commence plus aisément. On écrit pour

faire la leçon au monde tout en recevant l’agréable

renommée. Puis on se prend au jeu, on renonce un

peu au monde, car il faut écrire et l’on ne peut écrire

qu’en se cachant et en s’écartant. (Blanchot, 1959: 62,

63). »

L’écrivain concentre, de ce fait, son

attention sur la transcription de ce qu’il a à

dire au point de se mettre à l’écart, pour

paradoxalement faire une imitation plus ou

moins juste de la société réelle quand bien

même romancée. Pour Blanchot, notamment,

« parler, c’est essentiellement transformer le

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De l’imaginaire dans l’imitation littéraire / 63

visible en invisible, c’est entrer dans un

espace qui n’est pas divisible, dans une

intimité qui existe pourtant hors de soi ».

(Blanchot, 1955: 183). Mais selon Todorov,

« on oublie trop souvent une vérité

élémentaire de toute activité de

connaissance, à savoir que le point de vue

choisi par l’observateur redécoupe et

redéfinit son objet ». (Todorov, 1978: 48).

De plus, les auteurs ne manquent pas

d’impliquer la donnée spatiale au fait de

décrire. À ce titre, c’est encore le sujet

percevant qui impose la droite ligne ou le

champ de vision applicable à l’objet. À ce

propos, Vandeloise estime que

Lorsqu’un locuteur situe un objet par rapport à lui-

même, il est l’origine de référence et trois axes

transversaux sont faciles à trouver. L’axe vertical et

les directions frontale et latérale du locuteur

remplissent généralement ce rôle. (Vandeloise, 1986:

12).

S’ajoute également «une certaine logique

culturelle [qui] implique en effet qu’on

repère ce qu’est ou devient quelque chose

par rapport à la chose déterminée et non

l’inverse ». (Tamba-Mecz, 1981: 126). Il se

trouve d’ores et déjà que le fait d’imiter

implique en plus des dimensions spatiales,

une donnée idéologique qui aurait tendance à

la soutenir. Derrière tout ceci une évidence

est que lorsque l’artiste entreprend cet

exercice d’imitation, il a également l’objectif

de présenter comment est-ce qu’il perçoit le

monde. À ce titre, il soumet à l’intention du

lecteur, pour ainsi dire, son idéologie propre

; ce qui arrive bien souvent à influencer la

manière de voir de l’autre ou de l’Autre au

sens lacanien du terme. On retrouve

notamment cet aspect des choses chez le

romancier, le dramaturge ou le poète qui

réussit tant bien que mal à s’exprimer à

travers la représentation qu’il donne de la

société selon sa conviction personnelle.

Ainsi, l’imitation en elle-même n’est pas

fortuite mais foncièrement significative.

Toutefois, puisqu’il est question de

l’imitation littéraire, il se trouve qu’elle n’est

pas ex nihilo ou créatrice mais bien souvent

liée à une source qu’elle soit réelle ou

imaginaire. Mais avec l’implication de

l’imaginaire, on comprend que l’imitation

littéraire n’est pas une simple reproduction.

Elle n’est pas non plus la re-présentation

sous forme littéraire mais plus un jeu

d’écriture qu’autre chose.

En effet, l’auteur, producteur de fiction, de

dramaturgie ou de poésie, jouerait avec ses

fantasmes en vue de les inscrire dans un

monde imaginaire qui procède ici de

l’imitation littéraire. Nous comprenons ainsi

le terme de l’imitation littéraire sous

l’acception d’un jeu, d’une organisation

imaginaire où l’auteur s’emploie à donner

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64/ Revue des Études de la Langue Française, Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

forme et corps à quelque chose ayant un

correspondant réel ou non. À ce titre,

l’analyse du jeu consistera, pour le lecteur, à

mesurer l’écart entre la forme source que

nous pourrons situer dans le «réel» ou dans

«l’imaginaire» - c’est selon - et la forme

dérivée produite par l’écrivain. Bien sûr,

certaines formes sources ne sont pas toutes

prélevées dans le «réel» pragmatique ; elles

peuvent procéder, de ce fait, d’un imaginaire

collectif ou individuel. Au sens

étymologique, l’imagination dérive du latin

imago, qui signifie «image». L’imagination

est donc la faculté de se représenter des

images. Mais l’image se différentie de la

chose réelle quand bien même il y ait une

ressemblance. De ce point de vue, l’image

peut induire en erreur, puisqu’elle se fait

passer pour une chose qui n’est pas elle.

Par ailleurs, il ne faut pas croire que

l’imagination soit une simple image plus ou

moins modifiée du réel. Elle est également

du ressort d’une représentation qui fait

intervenir l’intellect. Il peut s’agir selon les

cas de reproduire la réalité comme telle, de

la modifier largement ou d’aider à s’y

retrouver. Concernant le monde imaginaire,

il est en rapport avec la manière dont se

présentent certaines représentations qui en

donnent un aperçu. Mais, le monde

imaginaire peut se scinder en plusieurs

autres types d’imaginaires dotés d’une

organisation interne. La capacité à imaginer

qu’elle soit collective ou individuelle

s’appuie, bien souvent, sur une forme source

qui à son tour peut, également, relever d’un

monde imaginaire initial. L’imaginaire se

présente alors comme pouvant générer

d’autres mondes imaginaires, si tant est qu’il

ne fait que les modifier, à profusion – c’est

selon – comme il le fait pour la perception

première de l’image source. De plus,

l’imaginaire s’apparente à l’organe moteur

de l’imagination au point d’être comparable

à la langue quand le second se rapporterait à

la parole. L’imaginaire est donc l’élément

architectural sur lequel repose la faculté de

l’imagination. Voilà pourquoi, il revient

souvent qu’on perçoive le monde imaginaire

à partir d’une structure modifiée de la réalité.

Mais, l’imaginaire va bien au-delà d’une

réalité transformée, dans la mesure où il est

avant tout une puissance de création. À ce

titre, l’imaginaire serait foncièrement

inhérent à la nature créatrice de l’homme. Le

monde s’appréhenderait, dès lors, à partir

d’un imaginaire qui répondrait au besoin de

créativité de l’homme, dans son rapport à la

réalité.

Partant, une forme source relèvera soit du

«réel», soit de l’«imaginaire», soit des deux

à la fois ; elle est en tout cas un moyen de

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De l’imaginaire dans l’imitation littéraire / 65

converger de l’espace et du temps «réels» ou

«imaginaires» vers d’autres imaginaires.

Avec Kant, on a

« En conséquence, [que] toute synthèse par laquelle

la perception elle-même devient possible est soumise

aux catégories [ temps et espace ] ; et dans la mesure

où l’expérience est une connaissance s’accomplissant

par l’intermédiaire de perceptions liées entre elles, les

catégories sont les conditions de la possibilité de

l’expérience et elles valent donc aussi a priori pour

tous les objets de l’expérience. » (Kant, 1997: 215).

Il est alors loisible de concevoir que

l’inspiration en elle-même fût liée

intimement aux catégories imitatives que

représentent l’espace et le temps, ce, selon

l’entendement d’Emmanuel Kant. Ainsi,

« Nous avons a priori, dans les représentations de

l’espace et du temps, des formes de l’intuition

sensible, aussi bien externe qu’interne, et la synthèse

de l’appréhension du divers phénoménal doit toujours

s’y conformer, puisqu’elle ne peut elle-même s’opérer

que suivant cette condition formelle. » (Kant, 1997:

215).

En effet, il ressort que temps et espace

interviennent dans «la perception droite, ou,

si l’on veut, la science, [qui] consiste à se

faire une idée exacte de la chose, d’après

laquelle idée on pourra expliquer toutes les

apparences ». (Alain, 2003: 83). Mais pour

Pierce,

« Le travail du poète ou du romancier n’est pas

tellement différent de celui de l’homme de science.

L’artiste introduit une fiction, mais ce n’est pas une

fiction arbitraire, elle exhibe des affinités que l’esprit

approuve en déclarant qu’elles sont belles, ce qui,

sans être exactement la même chose que de dire que

la synthèse est vraie, relève de la même espèce

générale. » (Pierce, 1931: 383).

Voilà pourquoi, dans l’imitation littéraire,

on constate qu’elle intègre bien un jeu, une

mise en scène, cette fiction dont parle Pierce

et qui «n’est pas arbitraire» mais qui procède

d’une certaine logique, quand bien même

imaginaire. Abondant dans le même sens

que Pierce, Michel Roux rappelle que

l’imaginaire ne se soustrait pas du langage et

contribue, paradoxalement, à une

conformation aux réalités quotidiennes. À

cet effet, il remarque que

« Poussé à l’extrême on se rend bien compte que

c’est la soumission de l’expérience quotidienne à une

pensée rationnelle trop épurée, disjonctive et

exclusive, qui déforme le champ des représentations

en lui retirant une part fondamentale. » (Roux, 1999:

48).

On a à peu près la même approche avec

Jérôme Dokic pour qui la représentation

imitative de l’espace dépend de la faculté de

l’imaginer. Il en vient ainsi au fait

« [qu’] il s’agit de déterminer en quel sens notre

représentation des régions dans l’espace, des objets

physiques, de leurs relations spatiales ou encore de

leur forme apparente est redevable à notre faculté de

les apercevoir ou de les imaginer. » (Dokic, 2003:

77).

Selon ce constat, l’appréhension de

l’espace se ferait à la fois à partir de la

perception et de l’imagination. Ainsi, pour

ce philosophe de la perception «nous

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66/ Revue des Études de la Langue Française, Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

concevons l’espace non pas tel qu’il est

indépendamment de notre expérience, mais

tel qu’il nous apparaît dans la perception et

dans l’imagination». (Dokic, 2003: 79).

Davantage, pour montrer la subtile présence

de l’imaginaire, tout en évoquant Kant,

Dokic relève qu’«un système de

coordonnées [est] contenu de façon invisible

dans l’essence de l’espace». (Dokic, 2003:

79). Ceci étant, la perception de l’espace est

rattachée à l’idée qui en est faite. Dès lors,

«cette interprétation prépare le terrain de la

doctrine kantienne de l’idéalisme

transcendantal, plus précisément, de la thèse

selon laquelle l’espace n’est rien d’autre

qu’une forme de notre sensibilité». (Dokic,

2003: 79)L’artiste qui entreprend cet

exercice d’imitation représentative

n’hésiterait donc pas à lui accorder une

certaine volonté intrinsèque à ce même

monde qui lui « parle ». Schopenhauer

indique à ce propos, que « tout ce que le

monde renferme ou peut renfermer est dans

cette dépendance nécessaire vis-à-vis du

sujet et n’existe que pour le sujet. Le monde

est donc représentation ». (Schopenhauer,

2006: 25, 26). Si l’on en vient au domaine

littéraire, il ressortit à ce titre pour Kerbrat-

Orecchioni qu’il est évident

« Que les contenus implicites (ces choses dites à

mots couverts, ces arrière-pensées sous-entendues

entre les lignes) pèsent lourd dans les énoncés, et

qu’ils jouent un rôle crucial dans le fonctionnement

de la machine interactionnelle, c’est certain. »

(Kerbrat-Orecchioni, 1986: 126).

En effet, l’imitation en littérature intègre,

entre autres, des techniques stylistiques dont

la métaphore qui en tant qu’analogie

provoque le rapprochement tant attendu qui

suggère alors une réalité nouvelle faisant

office d’image. Partant, le comparé, mis en

relation avec son comparant pourra toutefois

s’effacer derrière celui-ci pour offrir en

entièreté la primauté du phénomène plus

frappant qui obtient ainsi son sens du

contexte où selon Alain, «il faut toujours

remonter de l’apparence à la chose ; il n’y a

point au monde de lunette ni d’observatoire

d’où l’on voit autre chose que des

apparences ». (Alain, 2003: 83).

On conviendra que l’auteur pourrait même

faire intervenir ici l’imagination pour aider à

la description comme s’il s’agissait d’une

réalité possible. On en arrive, par Ricochet, à

se trouver dans un monde des plus

imaginaire, «de même, il apparaît vite très

clair que le fait que l’espace soit désorganisé

et que le regard ne sait où se poser conduit à

un monde des apparences». (Ferrier, 2010:

238). Pour Todorov, «le fait est que

l’importance des visions est de tout premier

ordre. Nous n’avons jamais affaire, en

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De l’imaginaire dans l’imitation littéraire / 67

littérature, à des événements ou à des faits

bruts, mais à des événements présentés

d’une certaine façon». (Todorov, 1968: 57).

Notamment avec Freud,

« Je croirai plutôt que l’homme, quand il

personnifie les forces de la nature, suit une fois de

plus un modèle infantile. Il a appris, des personnes

qui constituaient son premier entourage, que, pour les

influencer, il fallait établir avec elles une relation ;

c’est pourquoi plus tard il agit de même, dans une

même intention, avec tout ce qu’il rencontre sur son

chemin. » (Freud, 1976: 31).

Toutefois, pour Bachelard, «la métaphore

vient donner un corps concret à une

impression difficile à exprimer. La

métaphore est relative à un être psychique

différent d’elle». (Bachelard, 2005: 79). À ce

propos, Jacques Lacan pour qui l’imitation

entretient cette possibilité d’évocation de

l’événement entend plutôt exposer le jeu de

la création métaphorique. Il dit alors que

« L’étincelle créatrice de la métaphore ne jaillit pas

de la mise en présence de deux images, c’est-à-dire de

deux signifiants également actualisés. Elle jaillit entre

deux signifiants dont l’un s’est substitué à l’autre en

prenant sa place dans la chaîne signifiante, le

signifiant occulté restant présent de sa connexion

(métonymique) au reste de la chaîne. » (Lacan, 1966:

504).

Quoiqu’encore la condition expressive de

la métaphore chez Jean Ricardou ait un lien

étroit avec l’exotisme. Selon ce critique

littéraire,

« Dans sa dimension expressive, déjà, elle est une

pratique de l’exotisme: toujours, dans le lieu où elle

s’accomplit, l’ici du texte, elle fait intervenir un

ailleurs en s’appuyant sur tel de leurs points

communs. La métaphore peut s’entendre ainsi, nous

le savons, comme la rencontre de deux espaces, leur

soudaine coïncidence partielle, quelque éloignés

qu’ils fussent auparavant. » (Ricardou, 1978: 91).

Justement, la métaphore et notamment la

comparaison posent, de ce fait, à partir d’une

imitation imagée, le détail par le biais des

mots agencés dans la combinatoire textuelle.

Tout compte fait, faudra-il encore le rappeler

avec Sigmund Freud que l’imitation de

même que le fantasme, est une activité qui

touche au domaine cette même combinaison

; ce qui pour ainsi dire, contribuera à établir

la chose entendue par la suite. C’est ainsi

que pour Ricardou,

« Puisque la description est astreinte à inscrire tout

détail choisi selon la succession de la ligne d’écriture,

la lecture se trouve contrainte de passer par chacun.

Quelque précaution qu’on prenne, décrire un détail

c’est donc toujours le porter au premier plan. Offert

un instant à toute l’attention, le détail subit un

grossissement absolu par lequel surgit la possibilité

de ses propres détails. » (Ricardou, 1971: 111).

Le détail, comme le souligne Jean

Ricardou, invite le lecteur à se pencher

davantage sur ce qui en est dit et plus

précisément sur les idées qu’on pourrait

découvrir dans la signification, ou «la

passion du signifiant» au sens lacanien du

terme. Ainsi dans un prolongement,

l’imitation littéraire comme Lacan l’indique

passe par

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68/ Revue des Études de la Langue Française, Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

« Cette passion du signifiant [qui] dès lors devient

une dimension nouvelle de la condition humaine en

tant que ce n’est pas seulement l’homme qui parle,

mais que dans l’homme et par l’homme ça parle, que

sa nature devient tissée par des effets où se retrouvent

la structure du langage dont il devient la matière et

que par-là résonne en lui, au-delà de tout ce qu’a pu

concevoir la psychologie des idées, la relations de la

parole. » (Lacan, 1966: 166, 167).

Il n’en demeure pas moins que «l’aptitude

productrice d’un mot joue certes au plan du

signifié comme du signifiant. Dans le

premier cas, il suffit d’admettre les diverses

occurrences de sa polysémie comme base de

la fiction». (Ricardou, 1971: 123). Le mot

conduit donc à la question du sens qui

participe en grande partie à l’appréhension

du lecteur qui est avant tout celui qui prend

le relais de l’imitation littéraire. Tout comme

l’expose Lacan, «le sujet, c’est tout le

système, et peut-être quelque chose qui

s’achève dans ce système. L’Autre est pareil,

il est construit de la même façon, et c’est

bien pour cela qu’il peut prendre le relais de

mon discours». (Lacan, 1998: 122). Le sujet

laisse alors voir ou entrevoir la place

qu’occupe l’autre ou l’Autre au sens

lacanien du terme pour en venir à Sartre qui

projette, pour ainsi dire, la liberté

d’appréciation du lecteur devenu sujet

second et de son intériorité à qui est destinée

l’œuvre, l’objet médiat. Voilà sans doute

pourquoi Julia Kristeva estime que «la

psychanalyse a tendance à considérer

l’espace psychique comme une intériorité

dans laquelle, par un mouvement involutif se

recueillent les expériences du sujet ».

(Kristeva, 1993: 214). Avec Sartre, «par

conséquent, vous le voyez, un livre conçu sur

le plan esthétique, c’est vraiment un appel

d’une liberté à une liberté, et le plaisir

esthétique c’est la prise de conscience de la

liberté devant l’objet». (Sartre, 1998: 27).

Ricardou, pour sa part, mettra l’accent sur le

sens se dégageant du texte et, de ce fait, sur

son approche de la part du lecteur. Il en vient

alors à conclure que «la contradiction, c’est

celle qui oppose un texte à ses propres effets

de sens. Nous le savons: en l’absence du

sens, point de texte ; en la présence du sens,

plus de texte ». (Ricardou, 1978: 43).

Le sens qui se laisse deviner, déroute donc

le lecteur. En accord avec Jean Ricardou, le

lecteur cherchera à percer le mystère du sens

devant la contradiction évidente des mots

mis en présence. Le langage cependant, mis

en action dans l’imitation littéraire provoque

bien souvent du sens à découvrir. Il s’agira

alors d’un décryptage à faire comme il est de

coutume en psychanalyse. Et pour Lacan,

même «si la psychanalyse doit se constituer

comme science de l’inconscient, il convient

de partir de ce que l’inconscient est

structuré comme un langage ».(Lacan, 1973:

227). Toutefois, comme le conçoit fort bien

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De l’imaginaire dans l’imitation littéraire / 69

Ricardou, «en ce qu’il est œuvre de langage,

le texte provoque du sens; en ce qu’il est

facteur de transparence, le sens estompe le

texte ».(Ricardou, 1978: 43).

Si l’on convient que le sens permet aux

artistes d’asseoir leur style propre d’une

imitation du monde, perçue selon une

sensibilité d’écriture, il importe alors

d’apprécier à juste titre la position de Jean

Ricardou sur l’effet produit par le texte. Il

indique de ce fait que «l’effet de texte, c’est

la proposition du sens ; l’effet du sens, c’est

l’effacement du texte. Là où le sens domine,

le texte tend à l’évanescence ; là où le texte

domine, le sens tend au problématique».

(Ricardou, 1978: 43). Encore que selon

Nathalie Heinich,

« La critique des représentations singularisantes de

l’écrivain constitue, nous venons de le voir, une

forme de relativisation. S’opposer à une

représentation, ou lui en opposer une autre c’est,

toujours, l’inscrire dans un univers élargi, où elle perd

son caractère absolu pour devenir, au mieux, un

possible parmi d’autres et, au pire, une impossibilité,

ne relevant pas du réel: fiction, illusion, idéologie ou,

dans un langage plus savant et moderne à la fois,

«mythe». » (Heinich, 2000: 307).

Une représentation imitative où le sens

domine comme on le constate lorsque les

événements sont décrits sans autres artifices,

concourt à enlever au texte sa magie et son

extraordinaire. Cependant, la question du

sens ne va pas sans cette disposition d’esprit

d’une part de l’écrivain et d’autre part du

lecteur qui prolonge la représentation

imitative par la médiation du livre et de sa

propre activité cérébrale. À ce propos

Schopenhauer estime que «les sens ne sont

que des prolongements du cerveau; c’est par

eux qu’il reçoit du dehors, sous forme de

sensation, la matière dont il va se servir

pour élaborer la représentation intuitive ».

(Schopenhauer, 2006: 698).

C’est à ce niveau que surgit la signification

attribuée aux textes en présence de la

diversité des positions intrinsèques à chaque

lecteur susceptible d’ajouter également

l’aperception de sa conception des choses au

monde. Maurice Blanchot en vient alors à

écrire que «ce que nous appelons sentiment

de la nature est une réaction complexe ou

notre sensibilité organique tout entière fait

écho à une sorte d’arrêt devant l’infini ».

(Blanchot, 1955: 164). A son tour, Yves

Thierry perçoit la complexité comme

« (…) une signification [qui] n’est pas ‘‘ quelque

chose ’’ qu’on signifie ou comprend, tel mode de

référence ou de représentation d’une idée ; il faut

plutôt la concevoir comme un dynamisme, mettant en

jeu la réalité externe et l’activité de penser, les

entrelaçant par une mise en situation pratique plus

que par des références déjà données. » (Thierry, 1983:

101).

En effet, l’acte de langage, plus encore

favorise cette propension du signifiant à

signifier dans la chaîne parlée selon un ordre

établi par la culture productrice de sens qui

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70/ Revue des Études de la Langue Française, Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

lui sont alors sous-jacents. Pour Thierry

donc «un acte de langage engendre une

signification. La signification apparaît

justement comme ce qui est produit par cet

engendrement ».(Thierry, 1983: 60). Mais,

en dépit de la prégnance de la polysémie, le

contexte, fruit de l’apport langagier prépare

le terrain en vue de l’optimalisation de la

signification qui prend alors à son compte le

sens convenable devant la pluralité des sens.

C’est anisi que pour Joël Pynte,

« Plus un mot peut recevoir de significations

différentes, plus il est facile de lui en donner une

quelconque. La dégradation de la performance

observée en contexte s’expliquerait par le fait que,

dans ce cas, le sujet devrait choisir une interprétation

déterminée, compatible avec le contexte. » (Pynte,

1983: 167-8).

Les œuvres littéraires entendent alors

favoriser l’outil linguistique, qui à travers la

polysémie du signe, entraîne dans une

découverte du monde selon une touche

personnelle des auteurs qui imiteraient des

qualités particulières presque invisibles dans

la réalité visible. François Rastier comprend

alors pourquoi

« On constate en revanche que la polysémie des

signes, l’ambiguïté des phrases, la pluviosité des

textes sont des phénomènes – peut-être fondamentaux

– de la sémantique des langues naturelles. Sans qu’ils

soient jamais tout à fait éliminés, leur importance est

réduite, dans la communication quotidienne, par le

recours au contexte pragmatique ; et dans les discours

qui visent à l’univocité, comme le discours

scientifique, par des normes particulières. » (Rastier,

1987: 210, 211).

La faculté qu’ont les mots à pouvoir

receler plusieurs sens, peut donner lieu à

diverses interprétations. Aussi, est-il

necessaire de prendre en compte le contexte

dans lequel les mots s’entourent, afin

d’éviter autant que faire se peut, les contre-

sens. À cela s’ajoutent les représentations

collectives, clichés, stéréotypes et mythes

qui viennent compliquer la possibilité d’une

compréhension unidirectionnelle. On peut en

ce cas penser à Carl Gustave Jung pour qui,

« Les représentations collectives ont un pouvoir

dominant et il n’est donc pas étonnant qu’elles soient

réprimées au moyen de la résistance la plus forte.

Dans leur état refoulé, elles ne se dissimulent pas

derrière une banalité quelconque, mais derrière ces

représentations et ces figures qui posent déjà des

problèmes pour d’autres raisons et qui augmentent et

accentuent leur complexité. » (Jung, 1971: 74).

La parole étant donnée à la libre

appréciation du lecteur, il lui revient alors

des œuvres de dégager intuitivement la

signification du message véhiculé par une

représentation imitative extraordinaire.

Justement, pour Georges Noizet,

« En rappelant la dimension relationnelle de la

signification, nous mettons l’accent sur le fait que la

signification est construite. Cette construction, c’est le

travail qu’effectue le locuteur lorsqu’il donne un sens

à une phrase en pensant quelque chose de ce qu’il

entend ou lit. » (Noizet, 1980: 130).

La signification est le produit d’un

processus de combinaisons et

d’enchevêtrement de sens possibles, en face

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De l’imaginaire dans l’imitation littéraire / 71

de plusieurs options. A cet effet, pour que le

lecteur puisse saisir la pensée du locuteur ou

du scripteur, un appel à une hypothétique

logique s’impose. Cela se conçoit également

chez Kant pour qui,

« Tous les phénomènes, comme expériences

possibles, résident donc aussi a priori dans

l’entendement, et en reçoivent leur possibilité

formelle, de même que, comme simples intuitions, ils

résident dans la sensibilité et ne sont possibles quant à

la forme que par elle. » (Kant, 1987: 652).

On retrouve bien évidemment, cet aspect

des choses dans le domaine littéraire où il

s’agit d’imitations plus que tout autre chose.

En procédant ainsi à une présentation,

l’artiste en vient à imiter, pour ainsi dire, le

monde réel. À ce titre, l’imitation par

l’artiste revient à donner une image qu’il a

ou qu’il se fait du monde. De là découle

l’antériorité d’un rapport au monde en ce qui

concerne l’imitation littéraire. Mais en plus

de ce rapport au monde, il faut aussi compter

avec la personnalité et la sensibilité de

l’auteur. En guise d’illustration, les fictions,

les dramaturgies ou les poèmes qui sont le

fruit d’une imagination, relèveraient plus ou

moins du fantasme de l’auteur qui arriverait

à son tour à produire l’imitation qu’il se fait

du monde. En d’autres termes, l’imitation

littéraire est le substitut, la fonction à partir

de laquelle dérive le sens mais non pas,

comme on aurait pu le croire, une simple

reproduction ou une triviale copie conforme

à la réalité.

Conclusion:

L’imitation littéraire se mêle ainsi à la

récurrence d’une certaine position de

l’auteur où le réel laisserait place à une

présentation qui parlerait au cœur et à

l’esprit des lecteurs. L’on se souvient

notamment de Lacan qui voyait dans le

langage un véhicule de la réalité

inconsciente. À ce titre, les œuvres littéraires

développent une vaste tentative de donner au

langage une structure ludique sinon plus ou

moins évocatrice d’un monde désarticulé,

mystérieux, souvent plus qu’autre chose. En

fait, l’artiste s’arrange à satisfaire un soi-

disant rapport entre la réalité et une

personnalité qui lui serait intrinsèque mais

dissimulée au commun des mortels à

l’exception bien entendu de quelques

privilégiés ou initiés. On se posera alors la

question de savoir si avec les auteurs le

langage n’aurait pas pour fin de révéler un

réel qui se blottirait insidieusement derrière

un autre plus trivial à profusion. En effet,

avec les auteurs, le langage est mis à rude

épreuve pour justement signifier, du moins

sur ce qui a trait à un écho favorable vers un

monde imaginaire, les profondeurs où

habiterait une part inconsciente.

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72/ Revue des Études de la Langue Française, Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

La particularité tient ici au fait que l’auteur

tout en s’inspirant du monde en arrive à

superposer réel et imaginaire dans un

langage mêlé d’analogie au monde

référentiel et à la poésie de la dérision ou

même de la rêverie. On le voit donc cette

imbrication manifeste d’un visible devant un

invisible, d’un réel en avant d’un surréel

chez les auteurs au point, pour ainsi dire,

d’asseoir une image transfigurée du monde.

On ne se trompe nullement en insistant sur la

portée linguistique chez les artistes qui

concourent, de ce fait, à revisiter le monde

sous le prisme de leur rapport à un autre

univers cette fois-ci interne à eux-mêmes et

sous-tendu par une pensée soutenue par

l’imaginaire. Libre de fantaisies diverses

auxquelles ils s’adonnent volontiers et

allégrement, le constat est que le monde

décrit par ces artistes se place dès lors sur

une scène littéraire qui, dans le même élan,

se voit dotée de pouvoirs surnaturels. En ce

sens, l’on s’oriente vers la vision d’un

monde qui serait dominé par le «mythe»

c’est-à-dire, sans véritable ancrage avec la

vie réelle. C’est à niveau que le jeu du

langage des auteurs trahit cette perspective

inconsciente dans leurs rapports au monde

réel. Même si cette confusion entre réel et

imaginaire semble persister, il n’en demeure

pas moins que l’inconscient de l’auteur sur

le sujet inspiré du réel rejaillit dans une part

belle. En fin de compte, ne serait-ce pas

plutôt vers une aventure poétique du langage

que nous entraînerait les auteurs lorsqu’ils

n’y manqueraient pas d’associer dans une

imitation littéraire les tréfonds ou les

méandres d’une pensée bien souvent perçue

comme désentravée, démentielle ou à plus

forte raison comme inconsciente. D’où

l’apport prépondérant dans leurs œuvres, du

jeu langagier et donc de l’imaginaire. Dès

lors, ce dernier devient l’objet d’une

imitation littéraire, à tout le moins, par le

biais d’un délire artistique donc ludique

sinon, à plus forte tendance, désaxé ou non

du réel.

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Étude comparative du "Perfectionnisme", chez Mowlânâ et Alfred de Vigny

MahdaviZadeh, Mojgan

Maître assistante, Université d’Ispahan, Ispahan, Iran

Reçu: 18.06.2013 Accepté: 15.07.2014

Résumé:

Parcourir la voie intérieure, nous mène à dominer le cercle de la connaissance et à atteindre le Sublime.

En ce qui concerne l’étude comparative du"perfectionnisme" chez Mowlânâ, poète mystique iranien du

XIIIe siècle et Vigny, poète stoïcien, romantique et mystique français du XIX

e siècle, il est tout à fait

normal que le chemin à parcourir pour un Occidental, soit différent de ce qu’il est pour un

Oriental.Pourtant, étant donné que les caractères humbles de tout être humain, tels la franchise, la

sincérité, l’honnêteté, la justesse, la gentillesse, le silence, etc.ne se limitent point dans des dimensions

spatiotemporelles, et qu’il ne faut point être de la même idéologie pour avoir des points communs de

caractère et de pensée, nous avons mis de côté les diplopies. Considérant l’unicité divine, nous nous

sommes concentrés sur «la pièce» plutôt que sur ses «deux côtés». Mais comment d’après nos deux

poètes, nous pourrions parcourir cette voie tout en gardant le cœur, intact des évènements qui pourraient

être sources de son affection et de purifier notre âme de toute impureté? Quels sont les conseils pratiques

qui nous proposent l’un et l’autre? Ce sont les questions que nous allons aborder, et auxquelles nous avons

essayé d’apporter des réponses translucides.

Mots-clés: Mowlânâ, Vigny, stoïcisme, romantisme, mysticisme islamique, Étude comparative du

"perfectionnisme" chez Mowlânâ et Vigny.

Introduction:

Au seuil de cette étude, il serait convenable

de noter que le champ sémantique du

"perfectionnisme" étant assez vaste, nous

nous sommes focalisés plutôt sur la

désignation philosophique de ce terme,

prouvant la quête de l’absolue et le

cheminement vers le Tout Puissant, pour

pouvoir acquérir une place sublime et des

caractères divins. En quête de la Vérité

Absolue, quelle que soit notre vision et notre

conception, il est fort certain que nous allons

être imprégnés, d’une manière implicite ou

explicite, d’un ensemble de principes

moraux, qui pourraient nous guider dans la

voie du Sublime.Mais en fait, comment est-

ce que d’après nos deux poètes, nous

pourrions parvenir à parcourir cette voie tout

en gardant le cœur, intact des évènements

qui pourraient être sources de son affection

et de purifier notre âme de toute impureté?

Quels sont les conseils pratiques qui nous

ont proposés l’un et l’autre?

Les mystiques islamiques croient que

l’Essence Divine est à la fois plus évidente et

plus latente que celle de toutes les créatures.

Pour montrer cette évidence Mowlânâdit:

«Dieu est manifeste parmi les autres comme

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76/ Revue des Études de la Langue Française, Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

la lune entre les étoiles»1(Rûmî a, 2004: vers

1400). Pour indiquer le sens caché de cette

essence et cette existence, il déclare:

«Qu’existe-t-il de plus éloigné de la

compréhension et de la perception mentale

que la conscience et l’essence de Dieu?»2

(Rûmî c, 2004: vers 3652).En effet,

Mowlânâ veut nous démontrer que

l’imperceptibilité de Dieu résulte de son

évidence extrême.Pour lui, le monde tout

entier est rempli de la Générosité Divine. Sa

Manifestation est la raison principale de la

manifestation du monde entier. En effet,

pour le vrai mystique, chaque

sonreprésenteun signe ou plutôt un message

de la part de Dieu. Il ne voit quela

manifestation de la beauté divine et n’entend

que les sons harmonieux du Bien-aimé,

n’importe où et dans n’importe quel état.

Mais cela ne serait possible qu’au moment

où il se sera libéré de son moi (nafs, égo), et

se sera anéanti dans l’Océan de la

Vérité(Schimmel,2004: 34).

Quant à l’étude de la pensée religieuse de

Vigny, elle est en fait, l’étude de ses

oscillations successives. Ces doutes sont

. موالنا) "حق پدید است از میان دیگران همچو ماه اندر میان اختران"

: تهران. ، با الحاقات دکتر محمد استعالمیمثنوی دفتر اول(.9731)

(9191،بیت951سخن، . موالنا) "در وجود از سر حق و ذات او دورتر، از فهم و استبصار، کو؟"

سخن، : تهران. ، با الحاقات دکتر محمد استعالمی مثنوی دفترسوم(. 9731)

( 7651، بیت 961

bien entendu déterminés, partiellement, par

les évènements de sa vie personnelle, par les

évènements de la société dans laquelle il

vivait, et enfin, par les lectures, qui,

certainement, pouvaient être considérées

comme les plus grands évènements.

L’évolution religieuse de Vigny, n’est à

retrouver que vers la deuxième moitié de sa

vie. La véritable religion pour lui consiste

dans la seule pratique de la vertu et de la

philosophie.

Atteinte du seuil de la Résidence Divine

chez Rûmî:

Nous savons que jusqu’aux dernières

minutes de sa vie,Bahâ-od-DînWalad,

Mowlânâétait sous l’influence directe de cet

éminent théologien qui fut son père.

(Forûzânfar, 1997: 34-37).En effet, la

conception mystique de Mowlânâ, était un

amalgame des conceptions mystiques de

plusieurs Maîtres, tels Šams, Borhân-od-

DînMohaghègh-é- Tarmazi, Mohyî-od-Dîn

Ibn- ol-«Arabî, Salâh-od-DînFereydûn-é

Zarkûb-é Ghûnavî, Hessâm-odDîn-

éTchalapîet de plusieurs œuvres telles celles

de Sanaei»Attâr, etc.

Pour lui, la franchise est munie d’une force

extrême et les miracles, les faits surnaturels,

prodigieux et extraordinaires, attribués à la

puissance divine des Prophètes et des Guides

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Étude comparative du "Perfectionnisme", chez Mowlânâet … / 77

proviennent de la sincérité et de la pureté de

leur cœur.Du moment où le serviteur décide

de parcourir cette voie, Dieu le Tout Puissant

l’aidera. Il l’affirme:

«Si la protection de Dieu est sur la tête de Son

serviteur, à la fin celui qui cherche trouvera. / Le

Prophète a dit que lorsqu’on frappe à une porte, à la

fin une tête sortira de cette porte»3 (Rûmî c: 2004,

vers 4781-4784).

La façon la plus adéquate d’approfondir

cette voie est celle qui contribue à la

découverte des signes de l’existence du plus

Sublime à l’intérieur de nous-mêmes: «Le

désir du bien et la bonne action elle-même

proviennent tous deux de Toi: qui sommes-

nous? Tu es le Premier, Tu es le Dernier»4

(Rûmî f, 2004: vers 1438). Mais, on attend

de celui qui s’imprègne dans la source de

l’existence, d’être humide; de même que

pour Mowlânâ, celui qui sort de la salle de

bain, ne doit point avoir les genoux, aussi

sales que ceux d’un chameau (Sorouš, 1980:

18).

: گفت پیغمبر که/ سایه حق بر سر بنده بود عاقبت جوینده یابنده بود "

چون نشینی بر سر / "ت زان در برون آید سریچون کوبی دری عاقب"

چون ز چاهی می کنی هر / کوی کسی عاقبت بینی تو هم روی کسی

مثنوی . (9731. )موالنا)"روز خاک عاقبت اندر رسی در آب پاک، ابیات 891سخن، : تهران. ، با الحاقات دکتر محمد استعالمی دفترسوم

1313-1311.) ست وهم آن نیکویی ما که ایم؟ اول تویی، آخرهم طلب از تو ا"

. ، با الحاقات دکتر محمد استعالمی مثنوی دفترششم(. 9731. )موالنا)"تویی

(.9115، بیت 38سخن،: تهران

Il est à rappeler que pour Mowlânâ, tous

nos actes sont des réflexions des actes du

Tout Puissant. C’est pourquoi, du moment

où nous nous voyons en quête de son

existence, c’est en faitLui-même qui est en

quête de Soi. Il le montre dans son Livre

troisième du Mathnavî, à travers la question

que posa Buhlul à un certain derviche et la

réponse de ce dernier qui contribua à une

discussion fort intéressante5 (Rûmî c, 2004:

vers 1885-1890).

Quant aux degrés de perfectionnement,

quoique la plupart des mystiques islamiques

pensent que dans la voie du Sublime, il

existe sept piliers à franchir, Mowlânâ se

focalise sur quatre grades, qui sont: le corps,

l’esprit (l’âme), l’intellect et l’esprit de

l’inspiration6 (Rûmî b, 2004: vers 3253-

3254).Il existe évidemment plusieurs

چو نی ای درویش؟ واقف کن ": گفت بهلول آن یکی درویش را"

/ ود کار جهان؟ چون باشد کسی که جاودان بر مراد او ر": گفت/ "مرا

/ سیل و جو ها بر مراد او روند اختران زآن سان که خواهد، آن شوند

هر کجا / زندگی و مرگ، سرهنگان او بر مراد او روانه کو به کو

سالکان راه هم / خواهد، فرستد تعزیت هر کجا خواهد، ببخشد تهنیت

چ دندانی نخندد در جهان هی/ بر کام او ماندگان از راه هم در دام او

، با الحاقات مثنوی دفترسوم. (9731. )موالنا) "بی رضا و امر آن فرمان روان

(.9116-9118، ابیات 19سخن،: تهران. دکتر محمد استعالمی

جسم ظاهر، روح مخفی آمده است جسم همچون آستین، جان همچو "

/ حس سوی روح زودتر ره برد باز، عقل از روح مخفی تر پرد / دست

روح وحی از عقل پنهان تر بود زآن که او غیبی است، او زآن سر / [...]

. ، با الحاقات دکتر محمد استعالمی مثنوی دفتردوم. (9731. )موالنا) "بود

(.7861-7861، ابیات 911سخن،: تهران

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78/ Revue des Études de la Langue Française, Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

niveaux de perfectionnement.

AbolqâssemGhaširi, mystique connu du 5e

siècle d’Hégire Lunaire, a écrit dans son

livre intitulé RessaleyehQashiryehque ceux

qui pensent que le terme Mystique, désigne

ceux qui se sont vêtus d’un sûfet rien

d’autre, ont tort, puisque ces gens-là sont

beaucoup plus avancés que le simple fait de

la manière de se vêtir puisse les

grouper(Qashiri, 1966:467-468).Mowlânâ

étant parmi les plus avancés, dit et a

d’ailleurs raison de dire:

«Je m’envole comme une lune et un soleil, je

déchire les voiles des cieux. / La lumière des

intelligences provient de ma pensée; le ciel a été créé

à cause de ma nature originelle. / […] / Attachez-vous

à moi, afin de connaître la béatitude, et de devenir des

faucons royaux, bien que vous soyez des hiboux!»7

(Rûmî b: 2004: vers 1159- 1165).

Il ne faut surtout pas oublier que la

capacité des personnes susmentionnées

diffère l’une de l’autre, de même que le

raisin qui n’est pas mûr et dont le jus est

acide, peut être abimé par un vent qui est

trop froid, alors qu’un raisin mûr dont le jus

est doux et bon, résistera beaucoup mieux.

-روشنی عقل/ درم مان ها میهای آسپرم پردههمچو ماه و آفتابی می"

بازم و حیران شود در من هما / ها از فکرتم انفطار آسمان از فطرتم

شه برای من ز زندان یاد کرد صد هزاران / ود تا بداند سر ما؟ جغد که ب

ا ها رها دمساز کرد از دم من جغدیک دمم با جغد/ بسته را آزاد کرد

ای خنک جغدی که در پرواز من فهم کرد از نیکبختی راز / کرد "باز"

"در من آویزید تا نازان شوید گر چه جغدانید، شهبازان شوید/ من

: تهران. ، با الحاقات دکتر محمد استعالمی مثنوی دفتردوم. (9731. )موالنا)

(. 9967-9961، ابیات 53سخن،

Également, la personne qui tend à être

parfaite ne sera jamais bien comprise par les

autres. Pour mieux saisir cette histoire,

Mowlânâ fait allusion à un éléphant, qui

dans la nuit, peut être perçu de différentes

manières (Jafari, 1999: 19)

Chez Mowlânâ, le secret du

perfectionnement dans la voie du sublime est

l’annihilation: «Il n’y a pas d’admission dans

la salle d’audience de la Majesté divine pour

quiconque, s’il n’est mort à lui-même. Quel

est le moyen de l’ascension vers le ciel?

Cette non-existence. La non-existence est la

foi et la religion des amoureux de Dieu»8

(Rûmî f, 2004: vers 232-233).

Quant aux moments où l’on est fermé ou

au contraire réceptif à la spiritualité,

Mowlânâ nous explique qu’il ne faut jamais

se contenter de cet état d’ouverture

spirituelle, tout comme il ne faut jamais

s’inquiéter et perdre espoir lorsqu’on se sent

contracté et fermé face à la spiritualité9

(Rûmî c, 2004: vers 3734-3735).

چیست معراج / چکس را تا نگردد او فنا نیست ره در بارگاه کبریا هی "

(. 9731. )موالنا) "فلک؟ این نیستی عاشقان را مذهب و دین نیستی

، 91سخن، : تهران. ، با الحاقات دکتر محمد استعالمی مثنوی دفترششم

(.876-873ابیات

/ توست، آتش دل مشو آن صالح ! چون که قبضی آیدت، ای راه رو "

"زآن که در خرجی در آن بسط و گشاد خرج را دخلی بباید زاعتداد

: تهران. ، با الحاقات دکتر محمد استعالمی مثنوی دفترسوم(. 9731. )موالنا)

(.7376-7373، ابیات 937سخن،

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Étude comparative du "Perfectionnisme", chez Mowlânâet … / 79

Pour progresser sur cette voie comme toute

autre voie d’ailleurs, il faut s’astreindre à

une certaine discipline et ne pas agir de

manière désordonnée10

(Rûmî d, 2004: vers

2899-2900). Il n’y a pas de temps à perdre

dans ce monde: «Le soufi est le fils de

l’instant, ô mon ami: ce n’est pas la règle de

la voie que de dire: "demain". N’es-tu donc

pas un soufi, en vérité? Ce qui est dans ta

main est réduit à néant si tu regardes le

paiement»11

(Rûmî a, 2004: vers 133-134).

Le mal majeur qui pourrait atteindre la

voie est le fait de se croire parfait. Mowlânâ

pense que pour ne pas être atteint de ce mal,

il faut travailler en groupe, puisque non

seulement avec le groupe vous n’allez pas

être trompé par le Satan, mais aussi la joie

du voyage en groupe est beaucoup plus

grande que celle de l’individu isolé: «Celui

qui s’en va gaiement en voyage, s’il s’en va

avec des compagnons, avance cent fois plus

vite. […]»12

(Rûmî f, 2004: vers 512-

/ گام ، می راند چو عام بر توکل، می نهد چون کورچون ندارد سیر "

. موالنا) "بر توکل، تا چه آید در نبرد چون توکل کردن اصحاب نرد

: تهران. ، با الحاقات دکتر محمد استعالمی مثنوی دفتر چهارم(. 9731)

(.8111-8119، ابیات 917سخن ،

/ نیست فردا گفتن از شرط طریق ! صوفی ابن الوقت باشد ای رفیق"

. موالنا) "تو مگر خود مرد صوفی نیستی؟ هست را، از نسیه خیزد نیستی

سخن، : تهران. ، با الحاقات دکتر محمد استعالمی مثنوی دفتر اول. (9731)

(. 977-971، ابیات919

/ رود با رفیقان سیر او صد تو شود آن که تنها در رهی او خوش "

/ بر وی آن راه، از تعب صد تو شود هر خری کز کاروان تنها رود/ [...]

516).C’est pourquoi, il annonce que c’est

Dieu qui a voulu savoir exposer des choses

précieuses, étranges et subtiles aux savants,

chercheurs, gens intelligents et à tous ceux

qui réfléchissent profondément (Rûmî,

1378/1999: 121).

Il est remarquable qu’au XIIIe siècle,

Mowlânâ donnait beaucoupd’importance au

Soi et à l’autre, ou plutôt à l’identité et à

l’altérité, très à la mode de nos jours. Il faut

s’entraider pour qu’on soit l’élan l’un de

l’autre dans la voie de perfectionnement vers

le plus Sublime:«Si ce n’était l’appui apporté

par les murs, comment les maisons et les

boutiques seraient-elles construites? Si

chaque mur est séparé des autres, comment

le toit resterait-il suspendu en l’air?»13

(Rûmî f, 2004: vers 518-523).

Il est connu comme l’un des plus célèbres

humanistes du monde entier. Il a su si bien

déchiffrer les vices et les imperfections de

l’âme, ainsi que les qualités de celle-ci,

مر تو را / چند سیخ و چند چوب افزون خورد تا که تنها آن بیابان را برد

"گر نه ای خر، همچنین تنها مرو !می گوید آن خر، خوش شنو

: تهران. ، با الحاقات دکتر محمد استعالمیمثنوی دفترششم(. 9731. )موالنا)

(.593-589، ابیات 78سخن،

گر / هر نبیی اندر این راه درست معجزه بنمود، و همراهان بجست "-

هر یکی دیوار اگر باشد / نباشد یاری دیوارها کی بر آید خانه و انبارها؟

گر نباشد یاری حبر و قلم کی / چون باشد معلق در هوا؟ جدا سقف

این حصیری که کسی می گسترد گر / فتد بر روی کاغذ ها رقم؟

حق ز هر جنسی چو زو جین آفرید پس نتایج، / نپیوندد به هم، بادش برد

لحاقات دکتر ، با امثنوی دفترششم(. 9731. )موالنا) "شد ز جمعیت پدید

(.587-581، ابیات 78سخن، : تهران. محمد استعالمی

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80/ Revue des Études de la Langue Française, Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

qu’on se demande s’il n’a pas été un

psychologue; mais ce qui le transcende, et le

différencie du simple psychologue, c’est

qu’il accorde trop d’importance à la morale.

Pour démontrer les qualités chères à

Mowlânâ, qui mèneraient au

perfectionnement, il est à signaler que pour

lui, le vrai mystique transcende même les

anges14

(Rûmî b, 2004: vers 3328-3329). Il

savait très bien que l’exotérisme nous

concerne tous, car tout le monde est appelé

au salut et à vivre en conformité avec Dieu,

alors que l’ésotérisme est une vocation tout à

fait individuelle, que n’importe qui n’aurait

pas la capacité d’expérimenter.

BâyazîdBastâmî le mystique persan le

confirme: «cette chose dont nous parlons ne

peut être trouvée par la recherche, et

pourtant seuls ceux qui cherchent la

trouvent» (Aflâkî, 1385/2006: 309).

En ce qui concerne l’amour spirituel,

Mowlânâ nous a offert son Dîvân-E Shams-

E Tabrîzî, qui est un recueil d’admirables

chants, consacré à un amour, terrestre en

apparence, mais qui est en réalité une

hypostase de l’amour divin. La douleur

toujours présente, ainsi que l’écho de la

وز / پس فزون از جان ما جان ملک کو منزه شد ز حس مشترک "

جان، چو / [...]/ملک جان خداوندان دل باشد افزون، تو تحیر را بحل

"[...]: / جان جمله چیز ها افزون شد، گذشت از انتها شد مطیعش

: تهران. ، با الحاقات دکتر محمد استعالمی مثنوی دفتردوم. (9731. )موالنا)

(.7717-7711، ابیات 959سخن ،

souffrance causée par la première séparation

de Mowlânâ, de Šams de Tabriz, est bien

discernable tout au long de cette œuvre

immense15

(Rûmî,2003: 13, Ode 36).

Cheminement spirituel de la voie de

l’honneur chez Vigny:

Il nous paraît claire pour quelles

raisonsayant lu Victor Hugo qui a parlé du

dualisme de Zoroastre, reposant sur le Bien

et le Mal, sur la Lumière et les Ténèbres,

Vigny croit lui aussi qu’il existe un esprit

saint, source de vertus, et un esprit mauvais,

signe de vices. Ces deux esprits coexistent

dans chacun des êtres vivants.«Toute

l’œuvre juvénile de Vigny, tendue de

draperies bibliques ou évangéliques,

dissimule avec adresse la flamme païenne

qui brûle sous ses voiles et va bientôt les

consommer. Une partie de la jeunesse

applaudit, les voltairiens s’amusent, des

catholiques s’inquiètent» (Flottes, 1970: 8).

Élevé dans la religion catholique, il avait

traduit la Bible en anglais et savait par cœur

l’Imitation de Jésus-Christ. Il se voyait

entouré d’anges dès les jeunes âges16

(Vigny

بار بیا دفع مده، دفع مده، ای مه خواجه بیا، خواجه بیا، خواجه دگر"-

انتشارات :تهران. کلیات شمس تبریزی (.9718). موالنا) "[...]عیار بیا

(76، غزل شماره 97دوستان، 16

Vigny,A. de, (1952). Mémoires inédits. Éditions

jean Sangnier, Paris: Gallimard., p.52: «Les premiers

tableaux que virent mes yeux furent la Sainte famille

de Raphaël et l’une surtout où on voit un jeune ange

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Étude comparative du "Perfectionnisme", chez Mowlânâet … / 81

1952: 52), et le jour de sa première

communion, il était plein d’une véritable foi

(Vigny,1952:70) lorsqu’il s’approchait de la

Sainte Table. Mais le prêtre l’a déçu; il a

trouvé en lui, une sorte de vulgarité et

d’indifférence si bien qu’à propos de ce jour,

il avoua ainsi dans l’une de ses œuvres: «Je

ne vis plus dans la chapelle qu’une salle de

spectacle d’un village où l’on avait joué une

indigne comédie à mes dépens» (Vigny,

1952: 3).

Maintes fois il fait allusion aux anges, en

introduisant des termes comme «Séraphins»,

«Gardiens», «Satan», «Lilith», etc. pensant

que «les anges ont au cœur des sources de

lumière» (Vigny, 1965: 47, Éloa, vers 632).

Quand il écrit dans le journal d’un poète,

«Les formes religieuses ne peuvent absorber

ni une tête puissante ni un cœur

passionné»(Vigny 1948: 890), cela pourrait

apparemment désigner le caractère

antireligieux de l’auteur, et «mettre en relief,

comme le dit Robert Dénommé (1993: 198),

les graves doutes que Vigny entretient au

sujet de la fonction de toutes les formes de

religion organisées dans la civilisation

moderne». Mais en fait, les reproches de

Vigny s’adressent aux religieux de son

aux cheveux bruns se pencher sur le berceau du

sauveur…cet ange m’était toujours présent, et, dès

que je pris un crayon je le voulu dessiner, le «Saint

Michel Archange» était «suspendu près de son

chevet».

époque; il est contre «les formes religieuses»

existantes mais non pas contre la Religion

elle-même.

Dans son livre intitulé Stello, au moment

où «Le Docteur Noir» s’adresse à «Stello»,

en lui demandant s’il se sent intérieurement

Poète. Stello, justifiant le titre du chapitre,

lui répond qu’il croit en lui, parce qu’il sent

au fond de son cœur, une puissance secrète,

invisible et indéfinissable, pareille à un

pressentiment de l’avenir et à une révélation

des causes mystérieuses du temps présent,

car la nature entière porte une émotion

profonde dans ses entrailles et gonfle ses

paupières par des larmes divines et

inexplicables (Voir Jodry, 1951: 19).

La vie religieuse de Vigny avait bien

changée durant l’époque où il était sous la

domination de ses voluptés. À travers ses

poèmes, trois périodes seront reconnues: une

période où la volupté s’exprime tout

doucement sans faire du bruit; une période

où la volupté du poète est inquiétante,

pendant laquelle il trouve que Dieu est

jaloux, injuste et que le mal vient de notre

incarnation permise par Dieu ; enfin une

période où la volupté n’est plus condamnée.

C’est à cette dernière époque où il existait

pour Vigny, la volupté des larmes, de la

souffrance, de l’honneur, et celle de la

misère humaine. Son évolution religieuse,

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82/ Revue des Études de la Langue Française, Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

n’est à retrouver que vers la deuxième moitié

de sa vie.

Pour déchiffrer les caractères de celui qui a

l’intention de se perfectionner selon la

conception de Vigny, jetons un coup d’œil

sur son cercle vicieux à propos de la

Raison:«La Raison ne se soumettrait jamais

si elle ne jugeait qu’elle doit se soumettre. Il

est donc juste qu’elle se soumette quand elle

juge qu’elle le doit. […]»(Jodry, 1951:

21).Cette manière de penser nous rappelle

Descartes et Pascal. En effet, jusqu’au XIXe

siècle, pour la majorité des philosophes, à

part des génies comme Montaigne, l’homme

était une âme sans corps.

Pour les stoïciens, la prénotion du divin se

justifiait de quatre manières: il y avait tout

d’abord les événements terribles tels la

foudre, les ouragans, les séismes, les

comètes, les éclairs,etc.qui conduisaient

l’homme à supposer qu’une force le

dépassait; il y avait aussi les prédictions

concernant l’avenir qui pouvaient forcer les

gens à croire que tout était programmé par

une force suprême. Le fait que la nature

fournissait à l’homme tout ce dont il avait

besoin pour vivre heureux, pouvait justifier

aux yeux de l’homme l’existence d’un

support surnaturel. Enfin, l’ordre existant

dans le monde, conduisait à inférer qu’il y

avait un dieu vivant, rationnel, bon et sage,

qui avait pour corps, le monde entier, la

cosmologie stoïcienne croyant fermement

que le monde est animé, et que dieu

administre l’univers avec

sagesse(Laurand,2002: 31).

En effet, Vigny sentait en lui le désir de

produire quelque chose de grand, sans perdre

un instant. Ici on le voit proche de Mowlânâ

qui, lui non plus, ne voulait perdre ne serait-

ce qu’un instant. Le temps lui paraissait

perdu s’il n’amenait pas une idée neuve et

féconde. N’hésitant pas à se jeter dans les

extrêmes, ainsi qu’il l’a fait toute sa vie, il

voulut être officier et pressa tellement son

père de lui donner cet état, qu’il entreprit le

jour même les démarches nécessaires pour

ce faire (Vigny, 1940: 221). À cette époque,

le perfectionnement pour lui était d’entrer

dans l’Armée et de faire de son mieux pour

être un parfait homme d’honneur (Vigny,

1949: 17).

Il nous annonce que pour lui, le Poète et le

Soldat sont tous deux des parias: «Après

avoir sous plusieurs formes, expliqué la

nature et plaint la condition du Poète [dans

Moïse (poème, 1822), Stello (roman, 1832),

Chatterton (drame, 1835)] dans notre

société, j’ai voulu montrer ici celle du

Soldat, autre paria moderne…» (Vigny,

1949: 80). Pour notre génie, dans la voie du

perfectionnement, il ne faut point considérer

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Étude comparative du "Perfectionnisme", chez Mowlânâet … / 83

les côtés négatifs, mais plutôt se concentrer

sur les points forts(Vigny, 1951: 18). Cela

signifie que pour lui, même une pécheresse

peut être naïve et innocente. L’Amour-

propre aussi est un terme cher à Vigny. Dans

Stello par exemple, «Stello reproche au

Docteur Noir d’avoir mendié auprès du roi

sans souci de la fierté du jeune poète»

(Vigny, 1951: 25).

Vigny accorde une grande place à Moïse et

lui consacre même un de ses poèmes. Pour

lui, la grandeur de l’esprit est une chose

innée. Cette grandeur est saisissable par le

monde entier, il n’est pas besoin de le

certifier. Dans son poème intitulé Moïse, il

parle de la bouche de ce Prophète(Régnier,

1928: 7).

Dans son poème intitulé Eloa, Vigny

confirme qu’il n’est pas facile de vivre

comme un ange. Il considère qu’à partir du

moment où nous prenons conscience du soi

et de l’autre, la tâche devient beaucoup plus

difficile à accomplir: «C’est pour avoir aimé,

c’est pour avoir sauvé, Que je suis

malheureux, que je suis réprouvé» (Régnier,

1928,:27).Certains de ses poèmes révèlent

son doute envers Dieu et l’Univers: il ne

comprenait pourquoi le juste doit être tué par

le méchant (le Déluge), l’ange séduit par son

ennemi, doit être puni et le mal doit

triompher le bien (Éloa). Par contre, certains

d’autres de ses poèmes manifestent son

inspiration chrétienne (La Sauvage, Le Mont

des Oliviers, La Bouteille à la Mer, L’Esprit

pur).

Vigny put faire paraître un poème

quimultiplie les affirmations rassurantes de

son cœur pur et simple qui croyait au

catholicisme: «Car tout vient du Seigneur, et

tout retourne à lui. / Dieu seul est juste,

enfants; sans lui tout est mensonge, / Sans

lui le mourant dit "la vertu n’est qu’un

songe"» (Bonnefoy, 1940: 28).

En ce qui concerne la mort, Vigny

l’accepte d’une manière stoïque et ne cesse

pas d’écrire sur ce sujet dans ses œuvres ; La

Mort du Loup en est l’exemple le plus

célèbre. Il s’inspire assurément du propos de

Lord Byron qui écrit dans Child

Harold’sPilgrimage:«Le loup meurt en

silence… Si des animaux d’une nature

inférieure et sauvage savent souffrir sans se

plaindre, nous qui sommes formés d’une

argile plus noble, sachons souffrir comme

eux» (Vigny, 1965: 100).

Pour les stoïciens, seul le sage est un

surhomme. Qui dit sage, dit raison. Ce qui

fait que dans une première étape, nous allons

conclure que Mowlânâ est en quête d’un

surhomme spirituel alors qu’Alfred de

Vigny, considéré comme un stoïcien, nous

parle d’un surhomme plutôt matériel.

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84/ Revue des Études de la Langue Française, Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

Il arriva que les parias de Vigny, et parmi

eux les Prophètes, tombent aux pieds de leur

créateur en le suppliant de mettre fin à ce

silence.«Les Stoïciens croient en général que

la vertu est le seul bien, le vice le seul mal,

et que tout le reste est indifférent» (Gourinat,

2007: 29). Ils pensent que «L’être humain

découvre peu à peu que la nature l’appelle à

s’accomplir comme être rationnel et à

découvrir le seul bien»(Laurand, 2007: 40).

Le perfectionnement pour Vigny réside

plutôt dans un honneur qui n’est point

terrestre, mais plutôt céleste. Tous ceux qui

ont été considérés commeParias, la société

voyait en eux des êtres différents. Ses Parias

sont soit des prophètes, tels Adam, Moïse,

Jésus et Mohammad, soit des poètes déçus

par la société matérielle, tels Stello et

Chatterton, soit des officiers de guerre, tels

les officiers cités dans Servitude et Grandeur

Militaires, soit des génies et des sages, tels

Platon. Sa pensée est avant tout une défense

de l’homme. Pour lui, la terre est révoltée

des injustices de la création.

Étude comparative:

La comparabilité à la manière des anglo-

saxons, résulte du fait que l’auteur constate

une quantité suffisante de points de

convergence et un nombre assez limité de

points de divergence entre les cas

mentionnés, pour établir une comparaison.

Cette méthode, dépourvue de la partie

transitoire qui paraît assez indispensable

pour les français et tous ceux qui donnent

beaucoup d’importance à l’influence de l’un

des personnages comparés sur l’autre, vise à

déchiffrer le premier et le second cas d’une

manière distincte, pour pouvoir discerner, les

points de convergence et ceux de divergence

qui rapprochent ou séparent les cas en

question, et ce, lors d’une troisième étape.

De plus que dans les domaines spirituels,

une focalisation zéro sur les caractères

humbles de l’être humain, ne demande point

que le sujet à traiter soit influencé par une

personne quelconque.

En ce qui concerne l’analyse comparative

du perfectionnismechez nos deux génies

créateurs, il convient de rajouter que pour

Mowlânâ, qui est musulman, l’Origine de

tout être remonte à Dieu et de même, après

être créé, tout être finira par rejoindre l’être

suprême. Chez Vigny, les êtres humains

doivent prendre la Nature et les Sages pour

symboles et essayer de se perfectionner

seconde par seconde en s’inspirant des

Poètes, des Prophètes, des Soldats et des

êtres humains les plus sages, les plus

stoïques et stoïciens. Il pense également que

les êtres humains doivent essayer d’être

forts, silencieux, patients, et doués de tous

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Étude comparative du "Perfectionnisme", chez Mowlânâet … / 85

les caractères humbles. Les idées

contradictoires de Vigny, sont assimilables

aux deux côtés d’une pièce. Il ne faut guère

voir les deux côtés, mais la pièce. C’est ainsi

pour Mowlânâ. L’originalité de cette

manière de pensée trouve ses sources dans la

doctrine de Zaratoustra (Zoroastre) qui

croyait fermement à une dualité des forces

existantes. En effet, selon certains

chercheurs tels Tholuck, Gobineau,

Delitzsch, Renan, Blochet et Palmer, les

origines du mysticisme persan se trouvent

dans la pensée de Zoroastre et sont donc

antérieures à l’Islam (Dehbashi &

Mirbagherifard, 2005: 33).Vigny, en était

inspiré par les œuvres de Victor Hugo,

André Chénier, Lord Byron et de Goethe, et

Mowlânâ, par les œuvres littéraires et

mystiques de son pays natal.

Les héros-parias des ouvrages de Vigny se

dirigent vers une mort volontaire, le suicide,

qui reste leur refuge et leur gage de liberté.

Par conséquent, Vigny et Mowlânâ

choisissent tous deux de mourir avant que le

moment de la mort soit arrivé. Mais il y a

tant de différence entre la mort choisie par

Vigny, qui n’est qu’une suicide pour se

libérer des souffrances et des malheurs de la

vie, et la mort spirituelle choisie par

Mowlânâ, afin de créer sa propre éternité.

Pour Mowlânâ, il faut tuer son âme charnelle

dans la voie du sublime, alors que pour

Vigny, c’est d’écouter l’âme charnelle qui

désire ne plus supporter les maux de la vie,

qui contribuerait au suicide.

L’un des plus grands mérites de

MowlânâJalâl-ol-dînRûmî réside dans le fait

qu’il a su déchiffrer les caractères humbles,

ainsi que les défaits caractéristiques de l’être

humain. Cela signifie qu’en se basant sur des

données psychologiques, il a su déchiffrer

les intentions de l’homme et grâce à des

données socioculturels et mystiques il nous a

présenté le trajet à parcourir pour être celui

ou celle que nous devons être. Il distingue en

l’homme des degrés à gravir pour atteindre

la dimension d’intériorité qui lui révélera son

moi véritable. Pour lui, le monde entier est

comme un miroir de l’Unicité divine, et voit

y apparaître la diversité des phénomènes. En

se trouvant lui-même, l’homme retrouve

l’univers (Rûmî d, 2004: vers 237). Il nous

apprend que l’univers entier est sous le

commandement de l’homme, qui s’est

purifié le cœur et l’esprit de toute impureté.

Pour Mowlânâ, le bavardage contribuerait

à une sorte de dépression mentale et

attristerait le cœur et l’âme, alors que le

silence, surtout au moment où nous sommes

assoiffés de commenter et de bavarder, nous

mènerait à une sorte de quiétude sans

pareille. Garder le silence et ne point se hâter

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86/ Revue des Études de la Langue Française, Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

à poser des questions, nous aide également à

obtenir une meilleure réponse de la part de

l’Univers.

Pour Vigny, étant donné que la philosophie

Stoïcienne n’apprécie point le bavardage, les

poèmes devraient être composés de

sentences, de fragments, de courtes

paraboles et de conseils de vie, certes courts

mais profonds. Lui aussi a insisté à maintes

reprises sur le fait de garder le silence, de

sorte qu’il annonce même que «seul le

silence est grand». En effet, le silence de

Vigny prend ses sources dans son stoïcisme,

puisque la pire des tortures ne pouvait causer

un seul gémissement du sage.

Pour Mowlânâ, la franchise est munie

d’une force extrême et les miracles, les faits

surnaturels, prodigieux et extraordinaires,

attribués à la puissance divine des Prophètes

et des Guides proviennent de la sincérité et

de la pureté de leur cœur. Vigny, étant du

même avis, rajoute que l’honnêteté, la

sincérité et le sacrifice, sont des qualités dont

les traces du germe, du bourgeonnement et

de l’épanouissement, remontent à l’enfance

d’une personnalité quelconque.

La dualité de conception de Vigny sur la

solitude et l’isolement nous montre que d’un

côté le pessimisme de Vigny réside dans le

fait qu’il se voit comme un paria, méprisé

par la société, d’où son sentiment amer de la

solitude, d’un autre côté, il fait constamment

l’éloge du savoir souverain qui atteint la

perfection dans la solitude et l’isolement du

poète. Alors que pour Mowlânâ, que son

entourage le méprise ou pas, n’a aucune

importance; il est en quête de l’Absolu.

Mowlânâ choisit expressivement de s’isoler

pendant des jours entiers pour mieux pouvoir

contrôler ses passions et se sentir auprès de

Dieu; il ne se sent pas seul. Il ne s’isole pas

comme Vigny juste parce qu’il n’est pas

accepté par une société quelconque. Le fait

qu’ils ont migré avec son père, n’était pas dû

au fait qu’ils n’étaient plus acceptés à

Balkh, ou qu’ils ne supportaient pas les

échecs, mais plutôt de peur d’être tués par

les Mongols. Il ne faut surtout pas oublier

que dans la solitude, il y a une sorte de

pessimisme latent, qu’on ne trouve pas dans

l’isolement, pourvu d’une constatation

divine. L’isolement du soufisme provient de

l’ascétisme alors que celui du romantisme

trouve ses racines dans le Mal du siècle.

L’Amour, sans lequel le mysticisme

islamique serait incompréhensible, occupe

une place prépondérante chez Mowlânâ. Il

assimile l’amour à un océan dont la

profondeur est invisible et croit vraiment que

le seul être, digne d’être l’amant, reste

toujours Dieu. Vigny, quant à lui, comme

tout stoïcien, insiste beaucoup sur la qualité

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Étude comparative du "Perfectionnisme", chez Mowlânâet … / 87

pédagogique de l’amour lorsqu’il est vécu

par le sage. L’amour pour un stoïcien ne

serait qu’une transition pédagogique vers la

sagesse, et cet amour se mue en amitié des

sages.

Nos deux génies nous montrent ainsi que,

du moment où l’homme est tenté de se

perfectionner vers le plus Sublime, il va être

silencieux, tranquille et ferme devant la

souffrance et la mort, avec une indifférence

remarquable vis-à-vis de son propre sort,

quelles que puissent être les circonstances,

indifférents aux plaisirs, aux richesses et au

bonheur, d’une fermeté proche de

l’insensibilité, impavide face à des avanies

de toutes sortes telles la douleur, les insultes,

les infortunes du destin, la mort. Les

évènements destructeurs, les maladies, les

incendies, les bêtes sauvages, l’exil, la

pauvreté et la perte des proches, paraîtront à

cet Homme, comme des épreuves spirituelles

de la part de Dieu et c’est pourquoi, ils

seront tous convertis en une cure de l’âme. À

ce moment-là, il ne regardera que ce que

Lui, aura l’intention de regarder, n’écoutera

que ce qu’Il aimera entendre, ne sentira que

ce que Celui-ci aura l’intention de sentir, ne

touchera que ce qui est permis, et ne goûtera

que ce qui aura été préparé par le plus

Sublime.

Simplement pour Mowlânâ, c’est la foi

religieuse et la religion de l’amour qui

dominaient son existence, alors que pour

Vigny, c’était plutôt une religion d’honneur

et d’amour-propre qui importait.

Conclusion:

Étant donné que Mowlânâ DjalâlOd-Dîn

Mohammad Balkhî-é Rûmi et Alfred de

Vigny, étaient de deux époques différentes,

croyaient à deux doctrines assez distinctes,

et que celui qui précédait l’autre n’a point

influencé ce dernier, il est assez délicat de

mettre leur idéologie en parallèle l’une et

l’autre, pour pouvoir en déchiffrer les points

de convergence et de divergence. Ils

affirment tous les deux que libérés de notre

«moi» matériel, nous pourrions nous

transformer en un pur reflet d’un «moi»

divin, qui adore tous les êtres, qui met

l’amour là où est la haine, qui se sacrifie, qui

pardonne là où est l’offense, qui met l’union

là où est la discorde, qui prouve la vérité là

où il y a l'erreur, qui est preuve de la foi, là

où est le doute, qui met l’espérance là où il y

a le désespoir, qui illumine là où existent les

ténèbres, qui rend joyeux là où il existe une

tristesse, qui console au lieu de s’attendre à

être consolé, qui comprend au lieu de

s’attendre à la compréhension d’autrui, et

enfin qui aime au lieu de s’attendre à être

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88/ Revue des Études de la Langue Française, Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

aimé. L’œuvre de Mowlânâ est d’inspiration

coranique et celle de Vigny, d’inspiration

biblique. Le premier fait allusion à Dieu, à

l’amour, au silence, et aux degrés de

cheminement, le second n’oublie pas de

colorer ses œuvres par des thèmes

jansénistes comme la prédestination, le Dieu

caché, la misère de l’homme, la dignité de la

pensée,etc. Selon le mysticisme de Mowlânâ

et le stoïcisme romantique de Vigny, l’être

humain veut garder son honneur, veut être le

symbole des caractères humbles et devancer

les autres dans la possession des

caractéristiques propres à Dieu. Vigny

considère l’homme comme étant responsable

de ce qui lui arrive, car c’est la nature et

l’âme humaine qui le poussent à agir et à

réagir de telle ou telle façon. Selon sa

conception, il faut être sensible vis-à-vis de

toutes les créatures.Tout comme Mowlânâ, il

indique que les hommes lui inspirent une

pitié sans borne, et il a le désir de leur tendre

la main et de les élever sans cesse par des

paroles de commisération et

d’amour.Mowlânâ a vécu une vie d’ascète

pour arriver à l’annihilation dans sa Majesté

tout en souffrant de cette séparation; Vigny

souffre et se lamente de cette séparation

provenant de la part de Dieu. Certains de ses

poèmes révèlent son doute envers Dieu et

l’Univers: il ne comprend pas pourquoi le

juste doit être tué par le méchant (le Déluge),

ni pourquoi l’ange séduit par son ennemi

doit être puni et le mal doit triompher du

bien (Éloa). Par contre, certains parmi les

autres poèmes traduisent son inspiration

chrétienne (La Sauvage, Le Mont des

Oliviers, La Bouteille à la Mer, L’Esprit

pur).Ilsconsidéraient tous deux qu’il nous

convient d’être franc, honnête, sincère et

symbole de sacrifice.On constate ainsi que

pour avoir les mêmes idées et conceptions

sur les thèmes qui prennent leur source de la

profondeur de l’existence d’un être humain,

et qui représentent les qualités attribuées à

Dieu ou à des créatures sacrées avec un

esprit divin, il n’est point nécessaire d’être

influencé par telle ou telle personne, d’être

contemporains, de croire à une même

doctrine ou d’être des compatriotes. En ce

qui concerne la bonté, la grâce, l’amour-

propre, la sobriété, la patience,etc.,la source

unique est Dieu, Il est le seul inspirateur des

hommes.Il faut simplement envisager les

points communs entre les sujets en question

et en tenant compte des notions d’identité et

d’altérité, se focaliser sur une paix

universelle.Plus nous restons attachés à notre

moi individuel, plus nous sommes captifs du

monde de la multiplicité. Le seul moyen d’y

échapper, c’est d’avoir un cœur pur et poli

comme un miroir. Il nous faut donc savoir

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Étude comparative du "Perfectionnisme", chez Mowlânâet … / 89

comment combattre notre moi, en apparence

intelligent et conscient, et comment éveiller

la partie divine de nous-mêmes de son

sommeil de ce monde.

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90/ Revue des Études de la Langue Française, Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

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Abstract

Explicit Teaching of Reading Strategies in French Language Classrooms as a Foreign Language

Assadnejad, Azam * Phd student tarbiat Modares, Tarbiat Modares University, Tehran, Iran Letafati, Roya **

Associate Professor, Tarbiat Modares University, Tehran, Iran Foroughi, Hassan***

Professor, Shahid Chamran University, Ahvaz , Iran Shairi, Hamid Reza****

Associate Professor, Tarbiat Modares University, Tehran, Iran

Received: 04.03.2013 Accepted: 26.10.2013 Abstract

In teaching French language, reading is one of the most important skills to be learned. To develop reading strategies and to acquire how to make written relationship are some of its objectives. In Iran, teaching reading skills is often applied for other skills. So, language learners do not acquire this skill appropriately. This article aims to deal with effective strategies in developing reading skills in French as a foreign language. Acquiring reading skills makes language learners independent in comprehending texts.

Key words: Teaching French as a Foreign Language, Reading Strategies, Explicit Teaching, Reading Classroom

* [email protected] ** [email protected] *** [email protected] **** [email protected]

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92/ Revue des Études de la Langue Française, Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

Reality and poetry through Assia Djebar's writing of the war in the novel Children of the New World

Alavi, Farideh* Associate Professor, University of Tehran, Tehran, Iran Rezvantalab, Zeinab** Ph. D. Candidate in French Literature–Comparative Literature, University of Tehran, Tehran , Iran

Received: 30.10.2013 Accepted:01.03.2014

Abstract:

One of the most influential novels the Algerian war of independence is the Children of the New World written by Assia Djebar. In this literary work, she illustrates a truly tangible and vivid picture of Algerian community during the war, and tries to demonstrate the profound consequences of the war on people's lives through describing the fate of multiple male and female characters in the story. Moreover, the author reflects the people's diverse and sometimes contradictory opinions about this war by exhibiting a variety of personalities and clearly elucidating the dialogue that goes on between them. This article is aimed to adopt a narrative approach in describing and analyzing the emergence of the war issue in Assia Djebar's literary text. We show that she can be considered as the inventor of a special type of war writing featuring a theme that combines realism and factionalism. We then take a sociological critical approach to represent Djebar's ideology about the war, and conclude that she believes in inevitability of defense and struggling for independence, without legitimating any kind of war and assassination, or treating the Algerian's liberation war as a sacred and mythical phenomena.

Keywords: Assia Djebar, Children of the New World, war, spectacle, poetic realism, psychological realism, ideology, society

*[email protected] **[email protected]

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English Abstracts /93

Investigating Incipits in Voltaire’s Short Stories (Case Study: Micromégas and Candide)

Azimi-Meibodi, Nazita* Assistant professor, University of Isfahan, Isfahan, Iran Malihe Ziaee** Master II in French Literature, University of Isfahan, Isfahan, Iran

Received: 29.11.2013 Accepted: 26.10.2014

Abstract How do the first words of a story lead readers to its theme? How does the writer lead readers’

mind to a distant horizon with which he or she face? This undeniable role is played by incipits. The aim of the present study is to indicate how Voltaire, as a deft storyteller, answers readers’ multiple questions during short stories “Candide” and “Micromégas”, and using their incipits, in such a way that these readers, from the beginning of the stories, can infer the theme of narratives by exploring their main stories. The present study is to investigate which grammatical and ungrammatical techniques Voltaire has used for presenting his own satirical ideas in order to attract his own audience to real and imaginative world such as planets or extraordinary travelogues. This important issue is feasible via incipits of short stories.

Key words: incipit, short story, satire, Voltaire, Micromégas, Candide.

* [email protected] ** [email protected]

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94/ Revue des Études de la Langue Française, Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

The Lake of Lamartine: an eternal return to the space of meeting

Ghiasi zarch, Abolghasem

*

Assistant professor, International University of Imam Khomeini, Qazvin, Iran

Yeckta Mard, Fatemeh**

Master II in French Literature, University of Ferdowsi Mashhad, Mashhad, Iran

Received: 12.09.2013 Accepted: 23.08.2014

Abstract Literature is the mirror of society. In society, men meet in space. The meeting space as a social

space influences people and guide their feelings and actions. This space has a remarkable

presence in the literature and raises a particular behavior that is identical in every literary work.

This research has the objective of verifying the meeting space in The Lake of Lamartine to show

the mythic structure of this space. First, the theory of "social space" of Di Meo & Buléon, allows

us to study how the meeting space influences people. Then, to prove the mythical structure of the

meeting space, we use the myth criticism.

Keywords: The Social space, The meeting, The space of meeting, The Lake, myth criticism.

* [email protected]

** [email protected]

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English Abstracts /95

Exploration in Literary Imitation Gnayoro, Jean Florent Romaric

*

Assistant professor, University of Peleforo Gon Coulibaly, Côte d’Ivoire

Received: 10.12.2013 Accepted:23.06.2014

Abstract The trace of reality in literary imitation (simulation) is perceived in the act of writing that

represents the ability of the author to create a fictional world. In the same line, the fictional world

in a literary text could be viewed as an appealing topic which would be worth exploring. In

common methods used to explore this fictional world, the authors often draw on some fragments

present in reality which can be considered as the source of imitation or simulation in literature. In

Pierce’s view, literary trace implicates a sign, a fingerprint, or an indication of its original literary

work. Now the question raised here is concerned with the characteristics of the boundary

between the natural (real) fragments and imitative (simulative) fragments.

Keywords: trace, imitation, real, fictional, literature, writing, language

* [email protected]

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96/ Revue des Études de la Langue Française, Sixième année, N° 10, Printemps-Été 2014

A comparative study on "perfectionism" of

Mowlânâ Jalâl Od-Dîn Rûmî, and that of Alfred de Vigny

Mahdavi Zadeh, Mojgan

*

Assistant professor, University of Isfahan, Isfahan, Iran

Received: 18.06.2013 Accepted: 15.07.2014

Abstract The experience shows that diving into man within, leads us to dominate the circle of

knowledge and approach the almighty God. In this respect, the comparative study on

perfectionist nature of Mowlana Jalaluddin Rumi (Mowlavi), a 13th-century Persian mystic poet,

and that of Alfred de Vigny, French Stoic, romantic and mystic poet of the 19th

century, is

completely normal in which the path of being perfectionist for a westerner is thoroughly distinct

from that adopted by an oriental. Nevertheless, given that the humble characters of every human

being, such as honesty, sincerity, integrity, affection and remaining silent are popular all over the

world and are something of no spatiotemporal dimensions, and given that the individuals should

not be of the same ideology to have common moral and spiritual aspects, we sought to put aside

diplopias and, while considering the divine uniqueness, focusing more on the "coin itself" rather

than on the "both sides of it".

But, indeed, not having been affected by inhibiting and destructive obstacles in our path, how

can we take step forward while protecting our soul and spirit and cleanse our soul from all

impurity? By which practical way do these two poets lead us towards perfectionism? These are

questions that we will encounter in the present paper and will try to give convincing answers to

each.

Keywords: Mowlânâ, Vigny, Stoicism, Romanticism, Islamic Mysticism, Perfectionism.

* [email protected]

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6 1393، بهار و تابستان 10مجله مطالعات زبان فرانسه، سال ششم، شماره

وینیی دو آلفردموالنا و "گراییکمال"اي مقایسهبررسی

*زادهمژگان مهدوي استادیار دانشگاه اصفهان

24/04/1393تاریخ پذیرش: 29/03/1392 تاریخ دریافت:

گرایی ي تطبیقی کماله خداوند واالي مطلق خواهد انجامید. در باب مطالعهبدایره آگاهی و وصل غور در درون، به تسلط بر

فرانسه، کامال 19گراي رمانتیک و عارف قرن وینیی، شاعر رواقی دو آلفردگرایی میالدي و کمال 13موالنا، شاعر و عارف ایرانی قرن کند. با این حال، با توجه غربی اتخاذ می رقی، کامال متمایز از مسیري است که یک نفرطبیعی است که مسیر کمال براي یک نفر ش

گویی، صداقت، درستی، عطوفت، اختیار به آن که مضامین مربوط به وجود و صفات برجسته و عالیه انسانی، به مانند راستگنجند، و با در نظر گرفتن اینکه داشتن نقاط مشترك فکري و سکوت،... در پهنه گیتی مشترك هستند، و در ابعاد فضا و زمان نمی

ها را کنار بگذاریم و با در نظر آن شدیم که دوبینیاخالقی مستلزم آن نیست که افراد از یک ایدئولوژي خاص تبعیت کنند، برتوانیم بدون راستی چگونه می. ولی به "دو طرف سکه"متمرکز شویم تا بر روي "خود سکه"گرفتن وحدت وجود، بیشتر بر روي

تأثر از عوامل بازدارنده و مخربی که بر سر راهمان قرار خواهند گرفت، با حفاظت کامل دل و روح خود، در این مسیر گام برداریم و سوق می دهند؟ ما را به کدامین روش عملی نیل به سوي کمال ، این دو شاعر ي دل خود را بزداییم ؟ هر یک ازهاخالصیناتمامی

هایی قانع کننده براي ها سؤاالتی هستند که در حین این مقاله به آنها خواهیم پرداخت و سعی بر آن خواهیم داشت که پاسخاین تک آنها ارائه دهیم.تک

وینیی. گرایی موالنا وکمالگرایی، رمانتیسم، عرفان اسالمی، مقایسه رواقیموالنا، وینیی، واژگان کلیدي:

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چکیده هاي فارسی 5

تخیل در تقلید ادبی *وریگانا سیرومار فلورنت ژان

عاج ساحل ،یبال یکول گون پلفور دانشگاه اریاستاد

02/04/1393تاریخ پذیرش: 20/09/1392 تاریخ دریافت:

یابد، می کان خلق یک دنیاي تخیلینویسنده ام هپاي واقعیت در عمل نوشتن، یعنی جایی کردسازي ادبی، شبیهدر تقلید یا شود. درحص میفمشهود است. در همین رابطه، تخیل مورد استناد در نوشتار ادبی، خود تبدیل به موضوع جالبی براي تحقیق و ت

پاي ردي مسئله شوند.، نویسندگان اغلب مواقع به اجزاي خاصی از واقعیت متوسل میایج براي تحقق این فرایند تخیلیهاي رروشپاي ادبی بر عالمت ردگیرد. از دیدگاه پیرس، کند، از همین جا نشأت میسازي بروز میشبیه ادبیات به شکل تقلید وواقعیت که در

پاي آن بشمار و تقلید که اثر و رد "واقعی"طبیعی جاست: حد و مرز میان عنصرو نشان و اثر داللت دارد. اکنون سوال واقعی در این دارد.هایی رود، چه ویژگیمی

زبان نوشتار، ادبیات، تخیلی، ،، تقلید، واقعیپارد واژگان کلیدي:

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4 1393، بهار و تابستان 10ششم، شماره مجله مطالعات زبان فرانسه، سال

شعر دریاچه المارتین: بازگشتی جاودانه به مکان مالقات

*ابوالقاسم غیاثی زارچ المللی امام خمینیبیناستادیار دانشگاه

**مردفاطمه یکتا دانشجوي کارشناسی ارشد دانشگاه فردوسی مشهد

01/06/1393تاریخ پذیرش: 21/06/1392تاریخ دریافت:

ها را پیوندد. مکان مالقات به عنوان مکانی اجتماعی انسانها به وقوع میمالقات همچون هر عمل انسانی در بستر مکان

کند. این مکان که حضور قابل توجهی در دنیاي ادبیات دارد، احساسات آنها را کنترل میتحت تاثیر قرار داده و اعمال و آن است تا با بررسی مکان بردارد. این پژوهش »مکان مقدس «انگیزد که شباهت بسیاري به رفتار در رفتار خاصی را بر می

مئو و دي »مکان اجتماعی «ي در ابتدا، نظریه مکان بپردازد.ي المارتین، ساختار به بررسی رفتار در این دریاچهمالقات در کند. سپس به منظور تحلیل رفتار در این مکان گذاري مکان مالقات را براي ما فراهم میي تاثیربولئون، امکان بررسی نحوه

جوییم.اي بهره میاز نقد اسطوره

.اياسطوره نقدالمارتین، بازگشت جاودانه، دریاچهمکان مالقات، شعر ،اجتماعی مکان : کلیديواژگان

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چکیده هاي فارسی 3

مگامیکروکاندید و هاي کوتاه ولتر مورد مطالعهستانبررسی پیشگویه در دا

*نازیتا عظیمی میبدي

استادیار دانشگاه اصفهان

*ملیحه ضیایی دانشجوي کارشناسی ارشد دانشگاه اصفهان

04/08/1393تاریخ پذیرش: 08/08/1392 تاریخ دریافت:

مگا چگونه کلمات نخستین یک داستان، خواننده را به میکروکاندید و کوتاه ولتر مورد مطالعههاي بررسی پیشگویه در داستان

شود، سوق میکند؟ چگونه نویسنده ذهن خواننده را به افق دوردستی که در حین خواندن با آن مواجه میمضمون آن هدایت میاین است که نشان دهد چگونه ولتربه عنوان داستان سراي بالقوه، از برکند. این مقاله ناپذیر را پیشگویه ایفا میانکاردهد؟ این نقش

که ها جوابگوي سواالت متعدد خوانندگان خواهد بود. بدین ترتیب آنهاي هاي ،کاندید و میکرومگا، و به کمک پیشگویهخالل قصهبتوانند دورنمایه داستان را استنباط کنند. مقاله حاضر در نظر دارد بررسی کند آنها از همان ابتداي داستان، با کشف ماجراي اصلی

تا خواننده خود را مجذوب گونه خود استفاده کرده است.آمیز و طنزغیره براي طرح نظرات هجو که ولتر از کدام تکنیک گرامري وهاي داستان کوتاه، لعاده کند و این مهم را از طریق پیشگویهااي خارقهاي سفرنامهها یا حکایتدنیاي واقعی یا تخیلی مثال سیاره

کند. میسر می

میکرومگا.پیشگویه، داستان کوتاه، فرانسوا ولتر،کاندید، واژگان کلیدي:

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2 1393، بهار و تابستان 10، شماره ششم مجله مطالعات زبان فرانسه، سال

دان رمان در جنگ از جبار هیآس نوشتار در یشاعرانگ و ییگراواقع دیجد جهان فرزن

*يعلو دهیفر تهران دانشگاه اریدانش

**طلبرضوان نبیز تهران دانشگاه يدکترا يدانشجو

10/12/1392پذیرش: تاریخ 08/08/1392دریافت: تاریخ

هیآس. است درآمده ریتحر رشته به جبار هیآس توسط که باشدیم دیجد جهان فرزندان ریالجزا جنگ يهارمان نیمؤثرتر از یکی قیعم راتیتأث دارد تالش نیهمچن و کند،یم ارائه جنگ دوران طول در ریالجزا ملت یزندگ از ملموس يریتصو اثر نیا در جبار

يهاتیشخص سرنوشت حیتشر ضمن رمان، ةسندینو ن،یا بر عالوه. دهد نشان ریالجزا جامعه مختلف اقشار یزندگ بر را جنگ جنگ نیا خصوص در را مردم يهادگاهید تقابل بعضا و تنوع دارد، انیجر آنان نیب که ییگفتگوها نگارش و داستان، متعدد

نگارش در جنگ مسئله شدن نمودار یچگونگ لیتحل و فیتوص به ،ییروا يکردیرو اتخاذ ضمن ابتدا مقاله نیا. کندیم منعکس و سمیرئال نیب یتیخاص که بوده، جنگ نوشتار از یخاص سبک مبدع سندهینو نیا دهدیم نشان و پردازد،یم جبار هیآس ،یادب نگونهیا و پرداخته جنگ خصوص در جبار هیآس يدئولوژیا حیتشر به ،یشناختجامعه نقد کردیرو با سپس،. دارد سمیونالیکسیف

جنگ دانستن يااسطوره و مقدس ای و ،يزیخونر و جنگ هرگونه به دنیبخش تیمشروع از دور به سندهینو که کندیم استنباط نیچن محصول و انعکاس زین يو رمان يمحتوا و ساختار و است بوده معتقد استقالل يبرا مبارزه و دفاع لزوم به ر،یالجزا يآزادساز

.باشدیم ینشیب

جامعه ،يدئولوژیا ،یشناختروان ییگراواقع شاعرانه، ییگراواقع ش،ینما جنگ، ،دیجد جهان فرزندان جبار، هیآس :واژگان کلیدي

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چکیده هاي فارسی 1

ایران در یخارج زبان عنوان به فرانسه زبان کالس در خواندن يها ياستراتژ صریح آموزش

*اعظم اسدنژاد تهران تربیت مدرسدانشگاه دانشجوي دکتري

**رویا لطافتی تهران تربیت مدرسدانشگاه دانشیار

***فروغی حسن شهید چمران اهوازدانشگاه استاد

****شعیري حمیدرضا تهران تربیت مدرس دانشگاه دانشیار

04/08/1392تاریخ پذیرش: 14/12/1391تاریخ دریافت:

گسترش باید فراگرفته شود، مهارت خواندن است. توسعه و هایی که میترین مهارتدر فرایند آموزش زبان فرانسه، یکی از اساسیباشد. آموزش مهارت خواندن در ایران در بیشتر هاي خواندن و فراگیري برقراري ارتباط نوشتاري از اهداف این مهم میاستراتژي

آموزان چنین مهارتی را به درستی فرا زبانشود. بنابراین، ها به کار گرفته میاي است که در خدمت دیگر مهارتمواقع به گونهپردازیم. هاي اثربخش در ارتقا مهارت خواندن زبان فرانسه به عنوان زبان خارجی میگیرند. در این مقاله به ترسیم استراتژي نمی

شود.کسب مهارت خواندن از سوي زبان آموزان موجب استقالل آنها در دریافت مفاهیم متن می

هاي یادگیري، استراتژي خواندن، آموزش صریح، کالس خواندن. خارجی، مهارتزبانآموزش زبان فرانسه به عنوان واژگان کلیدي:

* [email protected] ** [email protected] *** [email protected] **** [email protected]

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برگ درخواست اشتراك .باشدریال می 60000ریال و ساالنه 30000ارسال) ۀشماره (با احتساب هزین حق اشتراك براي هر ـ

لطفا وجه مورد نظر را به حساب اختصاصی دانشگاه اصفهان به شماره : 2177240238002 –: کد شناسه 110227سیباي ملی

ارسال فرمایید.» مطالعات زبان فرانسه« ۀهمراه فرم اشتراك به نشانی: دفتر مجلواریز و اصل فیش بانکی را به 81744-73441پستی: زبان. کد ۀهاي خارجی، دفتر مجلزبان ةدانشکد ،: اصفهان: دانشگاه اصفهانآدرس

)03136687391دورنگار: 03137932115(تلفن: www.uijs.ui.ac.ir/relfنشریه مطالعات زبان فرانسه دانشگاه اصفهان ۀسامان

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مجله مطالعات زبان فرانسه 1393بهار و تابستان ، 10، شماره ششمسال

فهرست مطالب

1 - 16 هاي خواندن در کالس زبان فرانسه به عنوان زبان خارجی در ایران آموزش صریح استراتژي ■ شعیري حمیدرضا، حسن فروغی، رویا لطافتی، اعظم اسدنژاد

دان رمان در جنگ از جبار هیآس نوشتار در یشاعرانگ و ییگرا واقع ■ 17 - 36 دیجد جهان فرزن طلبرضوان نبیزي، علو دهیفر

37 - 48 مگاکاندید و میکرو هاي کوتاه ولتر مورد مطالعهبررسی پیشگویه در داستان ■

نازیتا عظیمی میبدي، ملیحه ضیایی

49 - 60 شعر دریاچه المارتین: بازگشتی جاودانه به مکان مالقات ■

مردفاطمه یکتا، ابوالقاسم غیاثی زارچ

61 - 74 تخیل در تقلید ادبی ■ وریگانا سیرومار فلورنت ژان

75 - 90 وینیی دو موالنا و آلفرد "کمال گرایی"بررسی مقایسه اي ■

زادهمژگان مهدوي

91 چکیدة انگلیسی مقاالت

چکیدة فارسی مقاالت

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مطالعات زبان فرانسه مجـلــــــــه اصفهانهاي خارجی دانشگاه زبان فرانسه دانشکده زبان علمی ـ پژوهشیدو فصلنامۀ

2008-6571، شاپا: 1393 بهار و تابستان، 10، شمارة ششمسال X469-2322شاپاي الکترونیکی:

ینیز یانمحمدجواد شکردکتر مدیر مسؤول: استادیار گروه فرانسه دانشگاه اصفهان

[email protected]

يدکتر محمود رضا گشمردسردبیر: دانشگاه اصفهان گروه فرانسهدانشیار

[email protected]

کوچی سلیمی ابراهیم: دکتر داخلی مدیر دانشگاه اصفهان گروه فرانسهاستادیار

[email protected]

محمودرضا علیمی: اجرایی مدیر 031 -37932115تلفن:

عظیمی نازیتاویراستار فرانسه: دکتر استادیار گروه فرانسه دانشگاه اصفهان

[email protected]

نظريشاه محمدتقی: دکتر انگلیسی ویراستار استادیار گروه انگلیسی دانشگاه اصفهان

[email protected]

آرایی: طیبه ابراريصفحه

هیأت تحریریه اعضاي

گروه زبان و ادبیــــات فرانســـه دانشگـاه اصفهــان استاد اصغري تبریزي دکتر اکبر باغبانبیک دکتر حسین

استاد

گروه خاورشناسی دانشگاه مارك بلوك استـراسبــورگ

جواري دکتر محمدحسین

استاد

فرانســـه دانشگـاه تبریزگروه زبان و ادبیـــات

دکتر کریستین راگه

استاد

)3پاریس(وولنگروه زبان و ادبیات آمریکایی دانشگاه سوربن

دکتر ابراهیم سلیمی کوچی

استادیار

گروه زبان و ادبیات فرانسه دانشگاه اصفهان

شعیري دکتر حمیدرضا

دانشیار

مدرس تهران گروه زبان و ادبیات فرانسه دانشگاه تربیت

عباسی دکتر علی

اردانشیـ

گروه زبان و ادبیات فرانسـه دانشگاه شهید بهشتـی تهران

فروغی دکتر حسن

استاد

گروه زبان و ادبیــات فرانسه دانشگــاه شهید چمـران اهـواز

گروه زبان و ادبیات فرانسه دانشگاه اصفهان دانشیار دکتر محمودرضا گشمردي

دانشگاه اصفهان ۀچاپخان :صحافی چاپ و ریال 30000قیمت :

81744-73441هاي خارجی، دفتر مجلۀ زبان. کدپستی : اصفهان، دانشگاه اصفهان، دانشکدة زبان: آدرس )03136687391دورنگار : 03137932115(تلفن :

www.uijs.ui.ac.irسامانۀ نشریۀ مطالعات زبان فرانسۀ دانشگاه اصفهان

کمیسـیون «دبیرخانـۀ 7/5/1391مـورخ 99503/3، طبق مجـوز شـمارة مطالعات زبان فرانسه مجلۀ ـ پژوهشیعلمی درجۀ وزارت علوم، تحقیقات و فناوري ابالغ گردیده است. » نشریات علمی

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هنماي تدوین مقالهار

هاي ادبی و هاي خارجی، نظریهآموزش زبانشناسی، در حوزة ادبیات، زبانمطالعات زبان فرانسه فصلنامۀ علمی ـ پژوهشی .1 پذیرد.شناسی، مقاله به زبان فرانسه میترجمه

به صورت دو فصلنامه منتشر می شود. مطالعات زبان فرانسهمجله .2

مقاالت ارسالی نباید به هیچ مجلۀ دیگر ارسال و یا در جایی دیگر منتشر شده باشند. .3

پذیر است. امکان www.uijs.ui.ac.ir/relfارسال و اطالع از وضعیت مقاالت تنها از طریق سامانۀ مجله به نشانی اینترنتی .4

گیري و اصلی، نتیجه ها باشد: چکیده (به فرانسه، فارسی و انگلیسی)، واژگان کلیدي، مقدمه، متند شامل این بخشیمقاله با .5 کتابنامه.

کلیدواژه و 7تا 5کلمه) همراه با 200تا 150کلمه باشد. چکیده (بین 7000تا 4500تعداد کلمات مقاالت ارسالی باید بین .6 هاي فارسی و انگلیسی الزامی است.ترجمۀ آن به زبان

.شوندهمۀ مقاالت دریافت شده داوري و ارزیابی می .7بین خطوط نگاشته شده cm 1,5و فاصلۀ 12، اندازة Times New Romanبا فونت Wordتحت برنامۀ متن مقاالت باید .8

باشد.

فرورفته از سمت cm 1سطر در قالب پاراگراف جداگانه با یک فاصله از خطوط متن اصلی و به صورت 4هاي بیش از نقل قول .9 بین خطوط نوشته شوند. 1و فاصلۀ 10قلم ها باید با قولشوند. این نقلچپ در بین گیومه نوشته می

اسامی آثار در متن اصلی باید به صورت کج (ایتالیک) نوشته شوند. .10

گردند.مشخص می» کتابنامه«فهرست منابع و مآخذ در پایان متن مقاله و با عنوان .11

نامه را رعایت نکرده این شیوهتدوین شود. مقاالتی که APAفهرست منابع مقاله باید مطابق مثال زیر منحصرا طبق شیوة .12 باشند در بررسی اولیه برگردانده خواهند شد.

Livres: Mounin, G. (2008). Les problèmes théoriques de la traduction. Paris: Gallimard. Articles: Thoiron, Ph. & Béjoint, H. (2010). La terminologie, une question de termes?. Meta, 55/1: 105-118. Sitographie: Rheaume, J. (1998). Apprivoiser la technologie éducative, éléments de cours. http://www.fse.ulaval.ca/fac/ten/tv/plxx135.html#bib. Consulté le 20 mai 2001.

و هم در فهرست منابع، اي مربوط به یک سال ارجاع داده شده است، هم در ارجاعات داخل متن اگر به چند اثر از نویسنده .13 مشخص گردد. a, b, cبالفاصله پس از سال انتشار با حروف

صفحه) مطابق مثال زیر است:ارجاعات در متن مقاله در میان دو کمان (شامل نام خانوادگی نویسنده، سال انتشار مجله: شماره .14«Chaque langue structure la réalité à sa façon et, par là même, établit les éléments de la réalité qui sont particuliers à cette langue donnée» (Mounin, 2008: 44).

. شمارة این توضیحات باید بالفاصله پس از آیدمالحظات و نکات توضیحی فقط به صورت پانوشت در پایین همان صفحه می .15ها باید تنها در ها با عدد نشان داده شود. پانوشتگذاري بیاید و ترتیب پانوشتمطالب مربوط با پانوشت و قبل از عالیم نقطه

اي.مواقع ضرورت براي روشن شدن یک موضوع مرتبط به کار بروند و نه براي یادآوري ارجاعات کتابنامه

گیرند.مقاالت به وسیله ي دو داور به طور محرمانه مورد داوري قرار میي همه .16

داند.مجله حق رد یا ویرایش مقاالت را براي خود محفوظ می .17

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بسم اهللا الرحمن الرحیم

مجلۀ مطالعات زبان فرانسه

اصفهانهاي خارجی دانشگاه زبان فرانسۀ دانشکدة زبان علمی ـ پژوهشیدو فصلنامۀ

10، شمارة ششمسال 2008-6571: ، شاپا1393تابستان بهار و

X469-2322شاپاي الکترونیکی:

http://ulrichsweb.serialssolutions.com المللی نشریات ادوارياولریخ: راهنماي بین http://www.doaj.org دوآج: فهرست مجالت پژوهشی با دسترسی آزاد

http://www.ISC.gov.ir پایگاه علوم استنادي جهان اسالم http://www.SID.ir پایگاه اطالعات علمی جهاد دانشگاهی

http://www.magiran.com اطالعات نشریات کشوربانک http://www.msrt.ir وزارت علوم تحقیقات و فناوري

http://www.uijs.ui.ac.ir/relf پایگاه الکترونیکی مجالت دانشگاه اصفهان http ://www.noormags.com علوم اسالمی يمرکز تحقیقات کامپیوتر یاطالع رسان پایگاه