aspects de la vie économique et sociale d'antibes à la fin du moyen age d'après les...

21
Aspects de la vie économique et sociale à Antibes à la fin du Moyen· Age d'après les actes notariés Les n otaires médiévaux instr umentaient, on le sait, dans ùe multiples circonsta nces non se ul enlcnt pOUf les testaments, les contrats de mariage ou les ventes immobili ères, mais encore pour de très nombreuses opérations commer ciales: telles les ventes à crédit, les prêts, même l es plus modestes. Aussi leurs registres permettent-ils de re t rouver la société de J'époque et d 'en donner LIlle image souvent réaliste. C'es t dans cet esprit que nous avons entrepris le dépouillement des ar chives notariales d'Antibes à la fin du Moyen Age. On ne saurait prétendre à une étude exhaustive et, sans doute, Ce tableau r enferme-t-il bien des points d'ombre. Il est vra i, d'abord , que les archives notariales se prêtent difficil ement, pour le Moyen Age, à une exploitation quantitative et systématique 1; d'autre part, les fonds notariés d'Antibes pour celle ri ode présentent un caractère très incOlu- l'let, voire fragmentaire. Sur LIn siècle (1350-1450), nOLIs ne disvosons - outre quelques acles épars dans les registres des notaires grassois - qu e d'un très petit nombre de r egistres, souvent à ,'état de fragments. L' essen- ti el de la documentation est cons t itu é par les registres du notaire Christophe Raboys au début du xv e siècle 2. En dépit de ces réserves, reconnaissons cependant que les archives notariales d'Antibes, par la diversité des actes qu'elles renferment, nous livrent maints aspects de celte cité. 1. Voir, pourtant , un exemple d'utili sation systématique des actes notariés, C. CASTELLi\NI « Le rôle économique de la communaut é juive de Carpentras au début du XV, siècle » Annales, Economies, Sociétés, Civilisations, 1972, p. 583. 2. Excepté un registre des années 1414-1413 qui se trouve aux Archives municipales de Grasse (H-l), l'essentiel des archives notariales concernant Antibes figure dans le fonds des notaires de Grasse aux Archives départementales des Alpes-Maritimes. Pour notre période, voir notamment Etude Bérard 25, 26, 33 et, du notaire Raboys, les nO' 43, 44, 45,46,49,50 et 109.

Upload: lytuong

Post on 14-Sep-2018

213 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Aspects de la vie économique et sociale à Antibes à la fin du Moyen· Age d'après les actes notariés

Les notaires médiévaux instrumentaient, on le sait, dans ùe multiples circonstances non seul enlcnt pOUf les testaments, les contrats de mariage ou les ventes immobili ères, mais encore pour de très nombreuses opérations commerciales: telles les ventes à crédit, les prêts, même les plus modestes. Aussi leurs registres permettent-ils de re trouver la société de J'époque et d 'en donner LIlle image souvent réaliste. C'est dans cet esprit que nous avons entrepris le dépouillement des a rchives notariales d'Antibes à la fin du Moyen Age. On ne saurait prétendre à une étude exhaustive et, sans doute, Ce tableau renferme-t-il bien des points d'ombre. Il est vrai, d'abord , que les archives notariales se prêtent difficil ement, pour le Moyen Age, à une exploitation quantitative et systématique 1; d'autre part, les fonds notariés d'Antibes pour celle période présentent un caractère très incOlu­l'let, voire fragmentaire. Sur LIn siècle (1350-1450), nOLIs ne disvosons -outre quelques acles épars dans les registres des notaires grassois - qu e d'un très petit nombre de registres, souvent à ,'état de fragments. L'essen­ti el de la documentation est constitu é par les registres du notaire Christophe Raboys au début du xve siècle 2. En dépit de ces réserves, reconnaissons cependant que les archives notariales d'Antibes, par la diversité des actes qu'elles renferment, nous livrent maints aspects de celte cité.

1. Voir, pourtant , un exemple d'utilisation systématique des actes notariés, C. CASTELLi\NI « Le rôle économique de la communauté juive de Carpentras au début du XV, siècle » Annales, Economies, Sociétés, Civilisations, 1972, p. 583.

2. Excepté un registre des années 1414-1413 qui se trouve aux Archives municipales de Grasse (H-l), l'essentiel des archives notariales concernant Antibes figure dans le fonds des notaires de Grasse aux Archives départementales des Alpes-Maritimes. Pour notre période, voir notamment Etude Bérard n° 25, 26, 33 et, du notaire Raboys, les nO ' 43, 44, 45,46,49,50 et 109.

296 P.-1.. " .. II\I.AUSSI~NA

Les actes not ariés fournissent d ' util es indica ti ons pour l'élude de la topographie locale. Dans les dernières lignes des actes - le protocole te rm inal - , les notaires prennent touj ou rs le soin de mentionn er, an'c les noms des témoins, le Heu où ils ont é té conclus ; ce (lui perm et d e relrollYcl'

certa ins trails de la ci té médiévale. ~ombrell x, par exemple, so n t le:-i .. des

rédigés dans les rues d ' Antibes on près du port 3, Il al' I'i \'e qu e la désignation soit plus précise ou plus original e. Bien des contrats sont passés dans Je château d 'A ntibes in {orfalicio A ntipolis. Alors que cel ui-ci était eHeure

]a propriété de l'évêque de Grasse, seigne ur d'A ntibes, n OLIs voyons à plusieurs l'eprises les nolaires in s trum ent.er da ns les diverses pièces de l'édi fi ce, tantôt dans une quelconque chambre - inférieure ou supérieul'e - , la ntôt da ns une pièce à l'affecta tion plus précise : ain s i in cam era param enti ou in parna camera stlldii de J'évêquc 4.

C'est dans son chât eau «lie l'èyèquc, en qllali' l~ de seigne ur, l'end la justice (jusqu'cn 1385, avant que la sc igncu ri e ne passe à la famillc Grimaldi). Il n'esl, d ' ailleurs, pas l'ure de trUlIYe)' parmi les aeles notariés des documents concern ant la vie judiciaire. Ainsi , un registre de J'ann l'c 1:1RO n OLI s li vre certai ns procès inslJ'uÎls d evant nohl e .Jean d 'Avignon qui , au moi s d'octobre, tient sa première a udience dans la vill e d 'An tihes en qua lité de juge de J'évêqu e. ReLenons, entre autres, les poursuites en gagées con tre un An tibois p OUl' plusieurs accusations <le voies de fa it et d'injures. notamment pOlir a\'oil' crié au syndi c d'Antibes Raymond Mouton (/Ilod ipse lion era t dignlls exer(~e re offi cilllll sindicature, ou encore celles eonlre Pi erre Guisol que l'on so upçonne d'avoir fl'l~(llienlé d es femm es de IIlall\'a isl' \'Î e ct de s'être livl'l' à des pratilJlIe~ de sorcellerie 'J. Celle int er"enti on des nota ires dans la yie judiciaire ne doit pas nOLIs s urprl'ndre; leur t'ullul'e juridique el leur hahilude des actes ti c la l'l'utiqu e les appelaient normale­m en t à occuper les charges de greffi er auprès des ju r idiclions ; cc son t là pOUl' e ux des fonctions annexes. Ils les CllJllllJent. parfois, an,'e ('elles de

3. Par exemple, voir dans Etude Bérard, n" 2S et 43. 4. Ibid., n° 25, 31 janvier et 17 février 1381 (n.st.), 5. Ibid ., n° 25, 26 octobre et 7 décembre 1380,

ANTIBES AU Xv: S .• ÉCONOMIE ET SOCI ÉTÉ 297

juge. Citons, précisément, l'exem ple du notaire Chri s tophe Ra boys, q ui, en 141 8, est m en tionné comme j uge e l no la ire de la Cour de Cagnes; l'ann ée suiva nte, il exe rce, ce lle fo is, à Anlibes conllue nola ire, ba ile ct vice-juge 6.

Da ns cette mê me cité d'Antibes, en 1445, c'es t un n ota ire grassois, .J ea n Barthé lem y, qui remplit les fond ions de n ota ire e l de baile 7.

En même tem ps qu'il s nous re nsei gnen t sur la topographie. les docu· ments notari és n Oli S li vrent les noms d es p rincipa les fa m ill es, te l ce contra i de 13Ml qui énu mère les nom s d es qua tre syndics antibois (Pi erre d e P or lu, Véra n Bertrand, Guiltaum e Hich a rd et Bertra nd Mouton) et ceu x des conse ill ers de la commllna ut é 8. Da ns la mesure Olt il s ra ppe llent l'o ri gin e géographiqu e d es nouvea u x ha hitants, l e~ actes nota ri és la issent au ssi deviner certa in s mouvements d' immigr a tion . Sa ns doule, s'agit-il d ' un e immigrati on dé finiti ve lorsque le n ou vel a rri vant est fait c itoyen de la ville e l qU'UB acte d e ciladinage en témoigne. C'est le cas pour Arna ud Ga rnier d e Toulouse, o/erill s, qui, le II septembre 1380, désirant se fi xer à Antihes et a voir le sta tut de ses ha bita nts, port e homm age lige à l'évêqu e, pui s prê te en tre ses ma ins le serment de fi délité; a ussitô t l'h ommage e t le serment accompli s, il s'en gage cetle foi s envers l'évêque et le syn d ic Bert rand H ugoni s de l'Uniuersitas d 'Anlibe~ à éHre dom icile da ns la cité ct à Y transporter scs biens, tandi s qu 'il promet enfin de r especter les libertés, fra nchi ses c t immunités de la ville 9 . Outre cet exemple d'immi gra l'ion « offici ell e on consta te a ussi, da ns les ac tes n ota riés, la présen ce dès les premièr es années du xv~ siècle, et s urtout a u miH eu de ce s iècle, d 'indi viùus originail'es de Ligurie q ui n e se contentent pas d e \'enir à Antibes y concl ure une opératio n comm erciale, m a is pour s 'y éta bli ... Au m oi s d 'octobre 1445, ch ez un notai re g,'a ssois int ervienn ent plusieurs Li gu­riens d~sornla i s fi xés à Antibes, nunc habita/ores de Antipolis ; les uns

6. Ibid ., n° 109. 8 juillet 1418. 5 janvier 1419 (n.sL) . 7. Ibid., n° 110. 27 m ars 1445. On sait qu'il était parfois in terdit a ux no ta ires

d'exercer ces fonc tions dans la ville dont il s étaient o riginaires. cf. S ta tu ts de 1306 pour G r asse ci tés p a r G. GAUTH IER-ZIEGLER. Histoire de Grasse (Paris, 1935), p. 66.

8. Etude Bérard. n° 20, 2 ma rs 1369. 9. Ibid., n" 26. Il sep tembre 1380. L'acte est conclu à Antibes ante januam dom us

episcopalis

298 P.-L, MALAUSSÉNA

sont origina ires de la va llée d'On eglia, d'autres de Diano ou de 1">o1'lo­Maurizio 10, En marge d es re la tions commercia les avec la Li gur;e, se d essine un coura nt humain . A Antibes, comme à Grasse, les ac tes nota ri és a ttestent les débuts de ce mouvem ent de popula Lion qui s'inten sifier a da ns la seconde moHié du XV~ siècle et perm ettra le repeuplem ent de plusieurs vill ages de la P rovence orienta le 11 .

Si l'on s'attache, à présent, à cerner les structures socia les à partir des acles nota ri és, deux types de docu ments doivent retenir l'attenti on les eontra ts de mariage et les testaments.

L'exam en d es conventions m a trimonia les souligne d 'abord la place im portante qu'y LienL la dol et, surtout, révèle, d e façon p lu s ou moins pl'éci se. les rapports ent re époux el l'o rgani sation fa mill a le. D' lin point ù e vue juridique, les contra ts de m ariage l'appell en t les deu x p rin cipa les phases <lu m a riage, les verba d e flltllro e t les verba d e praesenti : les pa roles de futur (fi a nçailles ou prOlllcsse de ma riage) précèd ent les paro les de p résent, lesquelles m arquent. l'accord définitif des volont és et fonl le mariage indi s­so lllhie. La constituti on de dot cs t co ncomitante a ux unes ou a ux a ut res. Dans les deux cas, nous voyons les flltur s conj oints se prome tt re réci pro­qll emen t de se prendre pour époux el de faire cé lébrer le ma riage in rade Sancte E cclesie à la première requê te de l'un d'eux. C'est a insi que s'enga­gent, le 2 février 1409, pa r des uerba d e fU/lIro Barthé lemy Higaud el .la umete, fill e de maît re Pierre Al'ba ud, tous d eux d 'Antibes; la do t es t assez importante p ui squ'elle comprend une somm e de 100 li vres et la ga rde­r obe de la futu re épousée 12. Il est d ' usage, en effet , q ue la d ot soit COl11pos<~ e,

o utre le numéra ire, du Lrousseau (don t l'importa n ce et ]a r ich esse sont l'on cti on de l'ai sance eL d u mil ieu socia l du cons titua n t) , de m eubles (lit O lt

coffre), pa rfois de bij oux. Accord de d(~u x vo lontés, le con tr a t présente a ussi lIll caraelère collecti f ; il est 1111 « ael e fa mili a l », qui tend parfois à créer

10. I bid., n° 70, fo 81. 83 c t 84, 7 et 18 octobre 1445. Pour le débu t du siècle, I bid. no'

43, 2 11î.vrïo~4~G~~s~:. ~i. ~.~tÛ~!~~·SSENA, « Relations humaines entre le pays de Grasse ct la Ligu rie» (dans Acles du ll~ Congrès Historique Provence·Ligurie », 1968).

12. E tude Bérard, n° 43, 2 février 1409.

ANTIBES AU XV S. - ÉCONOMIE ET SOCI ÉTÉ 299

Llne vérita ble communauté de biens et de vie, un e totale associa ti on, non seulement entre les époux, mais encore avec d'autres Inembres de la famille, a u premier chef, les parents. Il en es t ainsi, pa .. exemple, dans la commu­nauté réalisée, au mois de décembre 140H, entre Urbain Cabrerii et ]a famill e de son épouse. Le l'he de celle-ci, Pons Raymond, par contra t conclu dans sa mai son en présence des nobles Honoré el Pie .... e Grimaldi. constitue en do l tous ses bi ens a u profit de son gendre. à condition pour ce dernier de vivre avec ses bea ux-parents, d'habiter la même maison et de m ettre ses biens en commun. L'époux doit promettre de se conduire COlnnle leur fils et. r éciproquement, c'est comme tel q ue les beaux-parents devront le traiter 13. De te lles dispositions ~ont intéressantes, car elles nous r évèlent les tendances cOl1ununautaires de l'époque. Les individus recherchent dans les gro upemen ts, el d'abord a u niveau de la famille. les moyens pour sur­monter les difficultés du m om ent. C'est là une solution au problème de ]a Inain-d'œuvre : la venue d'un gendre dans une fam ille, c'est d'abord l'ad­j oncti on d'un nouvea u travaill eur pour assurer la bonne Inarche de l'exploi­tation rurale ou artisanale.

Autre acte familia l pa r excellence, le testam ent. li r épond à u ne double préoccupation: au souci de d istribuer ses biens et an souci de garantir son repos éternel. Ce sont là des impéra tifs qui, au Moyen Age, incitent les Antibois, à l'image des a u tres Provençaux, à fai re leur testamen t. Ces actes fournissent de précieux éléments pour ]a connaissance de ]a vie familia le, mais aussi nous renseignent tant sur les classes sociales, leurs fortunes ou leurs m enta lités, que sur le sentiment r eligieux, dont ils sont en qu elque sorte la manifes tation offic ielle. Suggestifs sont, par exenlp]e, les testaments que di ctent le mêm e jour au notaire Raboys, Bertrand Naulasque et son épouse, chacun instituant l'écipl'oquemest son conjoint comme h éritier. A l'élection de sépulture à Antibes, fait su ite une série ùe legs particuliers, à cOlluuencer par les dispositions pieuses: le mari lègue 12 deniers cuilibel lampadi ardenli in ecclesia beale Marie de Plalea, quant à son épouse, c'est lIne somme de 10 florins qu'elle laisse au profit de cette église pOlir faire

13. Ibid., nG 43, 29 décembre 1409.

300 P.-L.MALAUSSÉN A

IIll vêlement sacerdota l. P uis \'ienn ent les legs de ch a rit l\ consenti s eu x a:'lssi UIn Qr e D ei pour le rachat des péch és, a u profit des pauvres cl ùes éta­hlissements dc bienfa isa nce; celle tes ta trice prévoit un e HlImône ù c 12 setiers de blé et de 6 saumécs d e vin à distribuer a ux pall n 'cs d ' Ant ibes 14. Dans le même esprit. Da m e Véranc, épouse d e ,J acqll cs Hu goni s, lègUt, à

son mari lin ferl'age a u CJua rti er de Layai, mai s, à la 111 0 l't de cc d erni er, IH terre sera vendu e e l son prix consacré à 2 a umônes d e pain pour h~s pa uvres d 'A ntibes 15. Ces offrandes a ux pauvres de la cit é el qui co nsistent le plus SO LI ven t en distributions d e denrées (pain. vin, via nde, fèves) pren­Ilent parfois le ca ractè re de coutumes observées da ns tOll les les c lasses d e la société. Le tes ta ment de Nicolas Grima ldi, al! mi li eu d u xv" siècle, y l'a il , lui a ussi, référen ce : son h éritier sera ten u d'accomplir l'aumôn e qu e consuela lied in domo Antipolis de pan e, vina et {a bis, in lempore Quadra­gesim e el eNam die m ortuorum 16. De fa çon généra le, ces libéralités pi euses et charitables se rencontrent dans tous les tes ta menls, qu elle que soÏl la fortune du testateur. Ai nsi, Nicolas Grima ldi, après avoir élu sépulture dan s l'égli se Sainte-Ma ri e d'Antibes, s' il d écède dans celle vi lle, énum ère plu sieurs legs: 13 fl orins à donner, l'ann ée d e sa mor l, a ux fill es pa uvres d 'A n tibes, Cagnes et Menton pour leur mariagc ; 1 florin p OUl' le luminaire d e l't\gli."ic Sainte-Marie; 25 fl orins à Sa int-Honorat; offrand e dc ses "êtemcnts lan('e,

lin ce, sirice et {aratin e ; enfin fo nda ti on d e deu x cha pell enies, l' ull e à l'mil el Saint-Nicolas dans l'égli se, l'autre dans la chapell e Sa inte-Madeleine r rt'c lIl­ment éd ifiée da ns le ch â teau d'Antibes.

Si ces dispositions pi euses sont communes, d'au tres, en reva nch e, so1l1

le refl e l de la classe socia le à laqu elle appartient le tes la leur et ci e l'réoccu­pations qui l11i so nt propres . Il es t nat urel, par exe mple. qu e Ics lc!.; tnmenls (le la famill e Gl'imaldi , s 'in spira nt de co ncep tion s féoda les, ent endent veiller

14 . Ibid., n° 43, 15 avril 1409. 15. I bid., n° 43. 16 avril 1409. 16. Testament du 2 février 1450 publié par SAIGE c t LAnANoE, Documents hisroriqtl es

relatifs aux seigneuries de Menron, Roquebrune et la Turbie (1909), n" CLXIII. p. 413

ANTIBES AU X~ S .• ÉCONOMIE ET SOCIÉT~ 301

à l'institulion d ' un héritier unique conservateur ùu fief : on y prévoit que la dévolution du fief se fera de màle en mâle par ordre de primogéniLure, avec l'obli gation pour l'hérilier de ne ri en aliéner 17.

D'ailleurs, contrats de mariage et testa ments, en m êm e temps qu e d'a utres actes, pennelten t de cerner qu elqu es traits d e cette famille Grimaldi el de son rôle dans la sociélé antiboise. On sait que le fi ef d'Antibes fut eédé a u x Grimaldi dans les dernières années du XIVt siècle 18. Dès lors, il es t fréquent de voir intervenir, à ùes litres divers, plusieurs lllembres d e ce lle famille d a ns les actes notari és d 'An tibes. Ces actes nous montrent précisément que les Grimaldi, puissante famille génoise, conservent uno profonde spécificit é pa r rapport à la vieill e noblesse provençale et cela m a lgré les alliances matrimoniales que les Grimaldi conc luront avec les seign eurs provençaux. Il semble, d 'abonl, que les Grimaldi s'en distinguent par leur niveau d e fortune, par le numérair e dont il s disposenL. A ce litre, le montant des dots est évoca teur : lorsq ue, au début du xv~ siècle, le « magnifiqu e et puissant Luc Grimaldi, coseigneur d'Antibes et de Cagnes, m a ri e sa fill e Luquine avec Guillaume d e Puget, coseignenr de ce li e u et de Figanières, il constitue en dot la somme de 1500 florins 19. Le testament de Nicolas Grimaldi, en 1450, n ous appren d qu e sa fill e Yolande, veuve de .Jean Doria, d es seigneurs d'Oneille, a re\~u en dot 1200 livres génoises, sa fill e Mariette, épouse d'Huguel de Villeneuve, seigneur de Vence, 2000 fio­r ins ; enfin il lègue 1500 florin s pOlir la dot de sa fille Brigitte. Sans doute, les échéances de pa iement des dots sont-elles souvent fort éch elonnées dans le temps : la dot de 1500 florin s sera payée à raison de 300 fl orin s le jour dn ma riage, puis de 50 florins par an. Mais, à la mêm e époque, on consta te que la dot d e la fille d e n oble Bertrand de Grasse, seigneUl" de Cabris, a ttei nt seulement 1000 fl orins ; quanl aux modalilés de versem ent, elles impliquent un dé lai ùe près d e 40 ans ponr obtenir complet paiement 20.

17. R. AUBENAS, « Le testament en Provence )) (Aix, 1927), p . 127. 18. Cf. SOURGNES, « Antibes et les Grimaldi » ( DES. Lettres, Nice, 1969). 19. Etude Bérard, n° 43, 13 octobre 1409. 20. Ibid., n° 67, 19 mai 1442.

102 P.·L. MALAUSSÉNA

L'argent qu'il s déti ennent, les Grim aldi n 'hésiten t pas à le fa ire fr ucli­fi er d e multiples façons. Ces seign eurs conservent le urs h a bitudes d 'h omm es d 'n ffa ires rompus aux opérations commerciales les plu s variées. On voit, a~ 1 débu L du xv" siècle, Lu c Gr ima ldi accueilli .. da ns son ch â teau d 'A ntibes des vill ageois q ui , depui s la h a u te vall ée de la Roya, viennent lui emprunt er (Jll clq ucs d izaines de flo rins 21. Il s'agit d 'une opéra tion de tout a utre envergure lorsqu'en 1406 il reçoit, ce tte fois, un ambassadeur de la vi ll e de F loren ce qui sollicite l'arm ement d e de ux ga lè res po ur lutter con tre Pi se 22 . Assurément , leur implanta tion en Proven ce n 'a pas mi s un terme a ux

rela tion s étroites des Grimaldi avec Gênes el ses milieux d'affaires; c'est av ce ces dern iers qu e se réali sen t touj ou rs les t ra nsacti ons com merciales les p lus importantes. E n 142] , nous voyons P hilippe Grima ld i, fil s d e L uc, eonslilu er proc ureurs en la personne de son frère P ierre et du Génois n oble Antoine I..omellini , pOlir r éclamer et récupérer ses créances sur des m ar­c ha nds génois 23 .

Corollaire d e leur for tu ne, d es en treprises qu 'il s poursui \'en t et, surtou t, de leurs origin es, ces nobl es génois se di stin guent s in gul ièrem en t pa l' leur mode de vie d es seign eurs r ura ux p rovença ux. Un trait caractéri sti<[u c est n ota mm ent la présence à lenrs côtés d ' une la rge cli entèle q ui réunit merce­na ires, servite urs et esclaves 24, Sa ns do ute, fa ut-il yoir là les h a bitudes des pui ssa nt es famill es gén oises q ui ent.reti ennent a utour de Ic ur albergo (ma ison) un gra nd nombre de « famili ers », acUfs el pa rfois influen ts, qui constitu en t Ull é lém cnt de pres ti ge et de p ui ssa nce 25. Parm i eux, il es t fréqu ent de tro llver des esclaves - a ffra nchi s 0 11 n on - qui vivent , eux a ussi , d a ns l' in timité des m a îtres, Les actes n a tad és antibois nOli s m onlren l qu ' il en est ainsi ch ez les Grima ldi et n Oli S Ii n'en l qu e lq ues documen ts

21. I bid., n° 43, 25 avril 1400. Les villageois son t origina ires de Breil ~t de Saorge. On sait, d'ai lleurs. que les Grimaldi sont alliés par manages avec des fam illes seigneu­ri a les de la vallée de la Roya : Madeleine, fi lle de Luc Grimaldi , a épousé Raynier de Brigue. coseigneur de ce lieu.

22 . Ibid., n° 43, 11 mars 1406 23. I bid., n° 50, 30 ju illet 1421. 24. Cf. tes ta ment de Nicolas Grim a ld i précité (1450) : quia die/us domirws teslator

diversos famtdos, servilores et mercenarios tentlÎt et cwn eis agere habuit .. 25. J. HEERS, « Gênes au xv" siècle» (Paris, 1961), p. 564

ANTIBES AU Xv' S. - ÉCONOMIE ET SOCIÉTÉ 303

ori gina ux. On n e peut m anquer de relever, pa r exemple, ce contra t de 1445 a ux tenues duqu el Ni colas Grim aldi se r end acquéreur auprès d'lsnard ùe Campo Fregoso, Génois h abitant Nice, d'un e esclave blanche â gée de 25 ans ('nviron, ori gin aire de Ru ssie, e t ce au pri x de 31 ducats or ; l'opération, conclue verbalem ent sur la place d'An tibes devant la demeure du ta ill eur Guill a ume Li ons, est régularisée qu elques jours plus tard dans une ru e de Nice 26. Cet acte est d'a utanl plll s inléressant qu'il nOliS apprend qu e cette escl ave a tlne j eune enfant e l Ni colas Grim aldi , pa r unc cla use expresse, s'engage à la nourrir et à l'élever ju squ 'à l'àgc de trois ans ; à l'expiration de ce délai, il devra la rClucLlre à quiconqu e la r éclamera en qualité de père légitime, après avoir reçu p aienlent des fr ais engagés p OUf cel enfant, m ais en a ucun cas il ne pourra la vcndre comme esclave. Tout aussi curieux pour la conditi on des esclaves ct lenr situa tion dans l'entourage des Grimaldi es l un acte du 7 décembre 1445 27, Il s'agit d'une donation qu e consent un e esclave du nom de Marie, ori gin a ire du « Royaume du Prê tre .Jea n > (vraisemblablement d'Abyssinie) , qui élait la proprié té de feu noble Georges Gr ima ldi avant d'être a ffranchie. Cette derni èr e fa il donati on, a u profit de Lambert fil s du seigneur Nicolas Grim aldi , de lous ses bien s et spécia lem en t des 26 florins p lacés da ns une société de comm ande. Les ra isons qui lui di c tent cel aele sont tout à la fois J'a ffecti on qu 'clic éprouve pOUl" le dona laire Lanlbert Grimaldi qu 'eHe a é levé et nourri alunus sive {iUllS lactan ells et la r econnaissance envers Nicolas Grim aldi pour les soins qu ' il ne cesse de lui p rodiguer. A propos des esclaves de la famille Grima ldi, nolons en fin qu'ils éLaient parfois lransmis pa r testam ent, tel ce legs qu e con senl J ea n de Grimaldi, en 1454, d'une esclave lui appartenant 28.

Les actes nota riés r ela tifs a ux Grimaldi nous présentent ccux-ci comme des gen s d'affai res qui, pa r leurs activités el leurs comportem enls, sont res lés proch es des milieux marchands génois où ils se sont d 'abord

26. Etude Bérard, n° 110, fo 42 et suiv. 13 et 19 mai 1445. Ces ac tes avaient é té signa lés par G. BRts, Il Da W1 archivio notarile di Grassa » (Nice, 1907)

27. I bid., n° 110, f" 83, 7 décembre 1445; cf. P .-L. MALAUSSI!N.4., Il La vie en Provence orientale aux X I Ve el XVc siècles. Un exemple : Grasse à travers les actes notariés j)

(Paris, 1969), p ièce justificative p . 385. 28. R. AUBENAS, Il Le testament... », p . 91, « item lego unam servam sive sclavam

domus ipsius tes tatoris ». C'es t par testament que se réalisait souvent l'affranchissement des esclaves, no tamment à Gênes, cf. J . H EERS, op. cil ., p . 554 ct suiv.

.\04 P.-L. MALAUSSÉNA

afnrm és . On peul se demander d a ns «uclle mes ure il s ont partici pé à la ,-je économi t.lu c locale; « homm es de mer », les Grima ldi ont-ils été tentés pa r la \t)cati on maritime d 'A ntibes, bi en que cell e-ci tl ti t sembler pa r tl'Op modes te à de te ls a rm a teurs?

La "ie éeol1omique est illu strée surtout pa r 1111 type de contra t lrès fr t'tllI ent dès les premières a nnées du XI V" siècle : ln socié té à commun profit ad m edium lucrum. Celte associatlon fa il inlcl'ycnil' un baille ur de fo nds et Uil ex ploit ant, ce lui-l a remet un ca pita l Cil llu mé raire à churge

Juur le preneur de commercer ayee cet argent dura nt un ccrl ain laps de

[cm l's, en principe un an ; au terme de la société, le capital initia l est rc:·j titu l' e l les profit s pa rtagés pa l' m oiti é entre les deu x associés 29. E nfin.

un e c lau se de ces contrats - c la ll se ca rac téri s liqu c cl de s ty le - precise' qu C' le :; opera ti ons c.o mm er c.ia les seront excill s i n~m c ni terrestres pcr lerra", d non per mare. Si ùe tell es association s so nt pl'a li (lli ées da ns les difft.~ ­

rcnt es c la sses sociales, on n e peut m anqu er de rCm !lnlll CI' à Antibes, cO lllm e

d 'a ill ellrs à Grasse, q ue les m embres du clergé fi guren t rréq uemment pHl'mi les ha ill cu rs de fond s. Content ons-n ous d c ci tcr cell e q ui . en 140H. re unit lin ta ille u I" cl P ic rre Gcnccllin , curé d 'A ntibes ci tit u la irc dc la cha pelle ni e l' ond (~e pa l' Luqu e t de Courmes; avec les 6 fl o rin s (lli C lui l'cmet le e lln:-' l'a rtisan a nli bois devrH commercer pendant un a n a ux ri squ es ct profit s d es de ux associés. Quelques an nées plus lard, un n O ll\'C3 U titula ire ti c ccl tt' eha pcll cnie, a ux mê mes co ndili ons, confic ra celle fo is 10 fl orin s :'HI forge ron ant ihois Hono ré Pons 30. Da ns un e société concili e le m êm e j our, nOliS

" oyons des synd ics d 'A ntibes, en qu a lité d 'admini stra teurs du luminaire de j'égli se Sa intc-Marie, investir 12 livres entrc Ics m ai ns d e Monel FOllcard 31. Ain si, ces sociétés sembl ent êtrc le mod e ùe p hlCcmcnt préféré du c lergé p Oli!' les revenu s qu ' il s re tirent des fonda tions de chapelleni es. A la mê me {" poqu e, les com ptes d u Chapitrc cath éd ra l de Grassc nou s prouvcnl qu e les

29. Cf. R. AUBENAS, 0( Commerce des draps et vie économique à Grasse en 1308-1309 - , dans 0( Provence Hisloriqlle _, 1959 et P.-L. M,\LAUSSÉNA, 0( La vie en Provence ... _, p. 233-245.

30. Etude Bérard. n° 43, 7 octobre 1409 et n° 109, 25 novembre 1418. 31. Ibid ., nU 109, 25 novemb re 1418.

ANTIBES AU xve S .• ÉCONOMIE ET SOCIÉTÉ 305

chanoines agissent d e la sorte avec les fondations d'anniversaires et surtout nous révèlent que ces sociétés fonctionnenL comme de simples prêts 32. Si

le clergé était Lenté par ce mod e de placement, il n'ignorait pas à l'occasion d'autres opérations tout aussi spéculatives. L 'évèque de Grasse, seigneur d 'A ntibes, ne restait pas à ,'écart des maniements d'argent. En 136U, nOLIS le trouvons mêlé à plusieurs transactions, ùe façon plus ou moins déguisée, a\'ec les habitants d'Antibes par l'intermédiaire d"111 bourgeois de Grasse, Pierre .Jusberl 33 • Toutes ces opérations ne sont que des exemples qui témoign ent des principales formes de crédil ; elles nOlis ren seign ent peu sHr les activités commerciales elles-mêmes. Vil1e côtière, Antibes est assu­rément par son s ite une esca le sur les voies maritinles qui parcourent ]a Méditerranée et, dès lors, il parait normal que son économie soit li ée au eOlllmerce maritime 34.

Le port d'Antibes, au Moyen Age, accueille plusieurs types de bateaux. Sous le term e de barque, I(~ plus lIsité, sont alors désignées diverses embnr­cations, souvent de faible tonn age. Parmi celles-ci, nous trouvons par exem­ple la « gondole », barque non pontée, dont lin ac te du d ébut du XIV~ siècle nOli s donne le prix, 100 SOllS l'efforcials, et IIn e par tie de son inventaire: [mLenne, mât, voile et six rames 35. Les bartfu es, notamment celles servant à la pèche, sont souvent d ésignées sous le nom de « lahllt », ce sont là des tartanes pouvant avoir une dizaine de mètres d e long 36. Le tenne de « linh », comme celui de barque, est générique et peut s 'appliquer à divers bâl'iments à rames ou à voiles, en général de tonnage médiocre, int ermc­<liaires enire la barque, la nef e t la galere. A ce type se rattach e pal' exempl e la sayette ou brigantin, sorte d e galère excessivement légère, telle celle que vend pour moitié Antoine Raynaud de Nice à un marin antibois 37 . De fait, ce:.; embarcations sont sOllvent la propriété de plusieurs, ce qui n'est pas

32. P.-L. MALA USSÊNA, La vie en Provence ...• p. 242. 33. Etude Bérard, n° 20, 2 et 4 mars, 16 mai 1369. 34. P. MÉJEAN, « D'Ant ipolis à ltlQn-les-Pins » (Paris, 1%9), p. 15. 35. Etude Bérard, n° 2, 27 octobre 1309. 36. Ibid.) n" 25, 30 novembre 1380. Sur les divers types de navires, cf. E. B ARATlER,

« Histoire du commerce de Marseille », 1. 2 (Paris, 1951), 3~ partie, chap. 2 37. Etude Bérard, n° 46, 18 avril 1412.

306 P.-L. MALAUSSÉNA

san s provoquer difficultés et litiges entre les copropriétaires 38. La plupart ùe ces bâtiments éta ient utili sés pOUf la pèch e et le ('Ollunerce de cabotage avec les régions avoisina ntes . Faute de con trats d'engagements ù e marins, 'lui, en principe, ne donnaient pas li eu à la rédaction d 'aeles notari és, BOCS

sommes forl peu renseignés sur l' importance des équipages, leurs sahlil'cs, leur condi tion de vie. Un contrat de louage de services nOlis Il.lOnt r e lin Ligurien qui s'engage auprès d'un Antibois à le servir tanl sur terre qu e sur mer, pendant 1111 an, moyennant un salaire de 24 florins-or et le "êLcll1cn l ( /Ina rallpa ) de gros drap qll'il porte )9.

Un alltre con tra t est passé par Bérenger Raymond d'Ant ibes HWC le consentement de son père a u profil de Johannet et Monnel Subt ilis, patrons antibois, il sc met à leur service pour un an et un sa laire de 10 florin s, auq uel s'ajouten t les habituell es fournitures vest imentaires chemises, bra ies, tuniqu e, capuch e, ch a usses. Son travail consistera à les aider de raçon convenable et fidèle tant snr terre que sur mer et, en parti culi er, pOlll'

la pèch e - y compris a u corai l - eL la navigation lam coralhando piscallcio l'l navigando qllam alias; une limite est toulefois posée à son engage ment : il ne sera pas tenu de suivre ses maitres dans les parages ùe la Sardaigne, ni de les servir sur une fus te :. armée 40 (Ia « fust e :. es t un bâtiment léger el rapid e, de 20 à 25 mètres de long, utilisé pOUf la protection des barques el la guerre de co urse).

Ce text e, en même temps qu'il implique la présence dans le port d'Antibes de navires de course ou d e guerre, laisse deviner les dangers du commerce maritime a u Moyen Age. La piraterie apparaît, à ceUe épOqll C là, comme une c véritable plaie :. séYissan t ùans toute la Méditerranée. Les Provençaux, à l'image ùes Génois ou des Catalans, n 'hésitent pas à armer c fuste > et brigantins pour se livrer à la guerre de course et fa ire de leurs rivages « les plus beaux nids à pira tes ~ 41. l'vIais l'i nsécurité ne règne pas

38. Etude Perett i, n° 67. 21 septembre 1442. 39. Etude Bérard, n° 109. 6 avril 1418. 40. Ibid ., n° 43. 13 janvier 1406. 41. J . HEERS, op. cil., p. 303.

ANTIBES AU XV- S. - ÉCONOMIE ET SOCIÉTÉ 307

seulement en mer, elle est aussi sur le littoral. Les incursions maritimes sur les côtes provençales sont alors fréquentes; elles sont le fait tout autant de corsaires barbaresques, aragonais ou génois que des Provençaux eux­mêmes qui, à l'occasion, ne répugnent pas à ce genre d'expéditions. Dès l'annonce de quelques galères cnnemies, les cités maritimes s'cmpressent de renforcer leurs remparts: ainsi Antibes, au mois de juin 1354, lorsqu'elle a connaissance de l'approche des navires du roi d'Aragon 42. Vers 1380, les conseillers d'Antibes se réunissent en présence du baile, noble Gaufridus de Grasse, pour délibérer sur la défense de la ville et l'état des fortifications; les syndics ont alors pour lâche d'aller inspecter les remparts et de faire procéder aux réparations là où elles sont nécessaires 43 .

A la tête de la viguerie, Grasse, que la proximité de la m er ne 111et pas à l'abri de toule menace, a la responsabilité de la défense du littoral et s'elnploie à prendre des luesures pour la protection des côtes. Disposant d'une milice d'une centaine d'hommes, elle en dépêche quelques-uns dès lors qu'une incursion est redoutée. A J'automne 1442, c'est à Antibes que eeux-ci interviennent" devant le danger ùes galères catalanes : à la tête de 26 houllnes, le Gl'assois Antoine Tombarel a assuré pendant trois jours ]a défense de la cité contre les attaques des navires catalans 44. Quelques nnnées auparavant, c'est Philippe Grimaldi qui, nommé capitaine de la galère « Sancta Maria » dans le porl d'Antibes, s'était mis au service de Gênes ad proffugandas insidias Calalanorum ; une fOlS sa mission accom­plie, il devra ramener le navire à Antibes 45.

Ce sont surtout les enlbarcations qui se livrent au trafic de cabotage Je long des côtes provençales qui ont à souffrir de )a piraterie qui y règne. JI n'est pas rare que des navires et leurs cargaisons soient enlevés et les marins capturés. Au mois de juillet 1400, nn procès nous apprend qu'une harque chargée de blé et appartenant à Monnet Subtilis d'Antibes a été

42. Etude Bérard, n° 13, 14 juin 1354. 43. Ibid., n" 25, 9 décembre 1380. 44. Ibid., n" 67, 20 octobre 1442; voir également les actes des 22 novembre 1442 et

25 mars 1443. 45. Acte du 30 juillet 1425, cité par G. BREs, op. cil., p. SO.

308 P"L. MALAUSSÉNA

prise pal' des marins de Ligurie 46, Au milieu du xv· s iècle, c'est lIll pa tron liguri en d ont la barque el sa cargaison ont été, ce lle fois, ca pturées ; par chance, il pou rra les récupérer a uprès du chàtelai n de la Napoule -17 . D'autres acles porlent m en tion de som mes avancées pOlif le l'ach a t des caplifs -18.

Quel s qu 'aient été les risques, sans dou le n'onl-il s j ama is mi s l ill

terme au trafic maritime le lon g des côtes provençales ; les nécessitt;s du commerce prennent volontier s le pas sur les dan gers de la piralcrie, A Antibes, comme dans la p lupa r t des a utres ports provençaux, les ndi yilés maritimes ti en nenl une large place dans la vic de la cite. Ces d el' Ili è rc~,

présentent a u moins deux aspecls : la pêche el les r ela tions comnl('r<~i ales

avcc d 'autres région s.

La pèche constituail a ss urém ent une ac tivité impor lanle. La prése nce

de fond s poissonneux, les nécessités du ravitaillement el la po:~s ihÎ l il é de tran saction s comm ercia les, Ce sonL là a ul a nl dc facleurs qui ont clu·o u ragt." à Anlibc.s celle forlll e d ' industrie maritime. Les ea u x proches de la vil ~ c cl

du cap étaient ùes li e ux de pêche fréquentés nOIl se ul ement p ,u les Anl ibois,

mai s encore par les pêche urs d es localités voisines - Ca nnes, Cil particu­li er - , voire pa r des marins marsei llni s 49 . On cOIlnaiL les confl it s qui oppo­saient a lor s Ics pêcheurs d'Antibes à ce ux d e Cannes dan s les pa rages (Il' Lérins. En 1469 les Cannois n'hésil enl pas à aLlaqllcr d e nuit aycC seize

ha lc3 u x armés les embarcations d ' Antibes e l à m a lmene r le urs lllari ll s 50 :

l'a nn ée suivante, ce son t les synd ics d'Antibes q ui protestenl contre l'nffcc­tali on d e cert ains li eux tle pêch e a u profit de Can lles 51. Les )lê-cheurs

46. G. BRES, I bid., p. 50 47. Etude Bérard, n° 73 , 16 novembre 1448. 48. Ibid., n" 62 , 9 octobre 1437. Etude. Pe retti, n° 67' .2 juillet 144.2 .. Sur le rac~at.dt.'

Provençaux aux mains de;s Barbaresques, cl. P.-L. MALA USSENA, « PrOI1}'SSIO redempt/Onts : le rachat des captifs chre tiens cn pays musulman à la fin du XIVe SIècle », dans AI1I1ale.~ du Midi, 1968.

49. F. REYNAU D, « Histoire du Commerce de Marseille », 1. II , p. 779. 50. R. J EANCARIJ, « Les seigneu ~il!-s d. 'Ourre.Siagne », p . .uS 51. Acte du 16 mai 1470 « notlfLcatLO calancarum ad plscandum pro Universitate de

Canoys », c ité par G. BRES, op. cil., p. 54

ANTIBES AU xV: S . - ÉCONOMIE ET SOCIÉTÉ 309

antibois semblent d'ailleurs assez peu soucieux de telles interdictions : en 1472. des poursuites sont engagées contre certains d 'entre e ux ayant pêch é dans les eaux de Cannes et dan s la calanga longa 52.

En matiè re de pêche, on retrouve au Moyen Age des engins Oll des pratiques dont les siècles ont conservé longtemps )'lI sage. La vente d ' un e barque nOlis livre les nom s des engins d e p êche qu'elle portnit : foèn e (fichoyra ), ép uisette (sa labre) , filets et nasses 53. Qnant aux fil ets, on utilisait tantôt des filets à grandes mailles (entremalh) qu e l'on fixait, tantôt des filet s flottants, leI celui désign é pal' le terme de « bogui ère » qui servait surtout à capturer les bogues o u bugues ; on avait reco urs au filet tralna nt, le « trahin », auquel les actes font souvent allusion. Le prix de ces filets étaU assez élevé, ce qui impliquait un achat à crédit: Jean SlLbtilis, en 1422, reconnaît d evoir 38 florin s à un pêch eur cannois pOUf J'achat (j'un « tra­hin » 54 . Ces divers engins lai ssent d 'aill eul's prés umer les principaux procé­dés de pêche. De même, on pra tique alors à Antibes la pêche ad lumen ou encore ad Irach despacha/, qui a lieu la nuiL en munissant les barques d'ulle grille dans laqu ell e on entretient lin feu 55. Quant aux produits de la pêch e, certains fai saient l'objet de transactions commerciales; il s'agissait essentiellement de3 sardines et des anchois qui se vendaient le plus souvent en SaUI11Ure dans des barils. Les acquéreurs se recrulaient nota mment dans les localités de l'intérieur, à co mmencer par Grasse, mai s aussi à Nice au mois de janvier 1409, .Jean Subtilis sur la place d'Antibes conclut une "ente de 40 quintaux de poissons avec un Niçois pour la somme de 36 florins payables avant la mi-février 56 . Vers le milieu du XV

9 siècle, on relè, 'c les prix de 10 gros pour un ba ril de sa rdines sa lées el d e 15 et 18

gros pour les anchoi s . C'es t à ces conditions qu'est réalisée a u mois de novembre 1431 la vente d e cinq barrilas sardinarum mayen carum, barils de sardines à pêcher au printemps prochain : il est stipulé yu e le vendeur

52. G. BRÈS, ibid; acte du 21 janvier 1472. 53. Etude Bérard, n~ 2, 27 octobre 1309. Sur ces engins, cf. JEANCARD. op. cil ..

p. 197 et s. 54. Etude Bérard, n" 50, 6 janvier 1422 (n.5t.). 55. G. BRÈS, ibid., p. 52 ; acte du 15 mars 1469. 56. Etude Bérard. n° 43, 15 janvier 1409.

310 P.-L. MA l AUSSÉNA

ùevra les garder à ses ri sques jusqu'au quinzi ème jour après la Sa inl-.Jea n­Baptiste. d 'autre part, à défa ut de n e pouvoir fourni r q ue des sardin es, il pourra compléter par des anchois < mayenqu a .57 ; la faculté de subsliluer ces poissons aux précédents se r etrouve dans plusieurs contra ts.

Le conlmerce des produits de Ja pêch e deva it être à Antibes assez actif ; il était enco uragé à la foi s par les possibilités de transactions avec "'a ulres locali tés et par les nécessités du ravitaillement à l'inl érieur de la cil é. On conçoit, dès lors, q ue certain s se soient intéressés à de telles act ivités a u point d'y investi r quelque argent. Tel ce prêtre de Grasse 'lu i, en 142 7, est associé à Barthélemy Grenon pour une exploit ation de pêche avec fil et tra tnant ; 40 fl orin s lui seront a lors remis, tant pOli r le capita l avancé q uc pour les p rofits réali sés '8. La pêch e est, en fin , un moyen dont s'efforcen t de tirer parti les seigneurs po ur la m ise en valeur de leur sei gn euri e, On connait le contra t passé en 1428 entl'e le Chapitre de Grassc, seignc ul' de Ma nd eli eu, et deu x pêch eurs, l'ull de Mandu el d a ns le diocèse d e Nî mes, l'autre des Saintes-Maries-de-la-Mer, pour l'exploita ti on de la pêche dans l'étan g de la Grande Roubine sur le terr itoire de la Napoule; dans une véri­table association , ch an oin es et pêch eurs pa rticipent a u fin a n cem ent et à la r éalisation de l'ouvrage, dans l'atlente de se partager les profit s : 1/ 3 a u chapitre ct 2/3 a ux exploitants .59, Un exemple tout a ussi s ignificati f nO LI S est donné pour Antibes avec le contrat consenti en 1380 par l'cvêqu e, seign eur du lieu, a u x trois pêch eurs antiboi s Antoine Sardin a, Gui lla u11lc Ma thieu el Guillaume Esmi ssol. Da ns cet ac te, conclu da ns la g l'an de chalnbre de la m aison épi scopa le, des cla uses précises e l déta illées perm et­tent d'analyser les formes de l'association 60.

Il s 'agit avan t lout pour les t rois pêch eurs d e con d uire et d e diri ger une ba rque siue laui neuve, appa rtena nt à l'évêq ue, pendant trois saisons, et ce pour l' utilité et le profit de l'évêque et d'eux-mêmes. Quelles en sonl

57, I bid" n° 89, 6 novembre 1431. Voir aussi n" 66, 30 septembre 1441 et n° 72, 25 juin 1447.

58. Ibid" 18 novemb re 1427 , 59, Ibid., n° 88, 8 avril 1428. Ce document est analysé par M. H ILDESHEIMER, .. Les

pècheries de la Napoule et de Mandelieu » (Cannes, 1953), P .. 84. 60. Etude Bérard, n° 25 , 30 novembre 1380

ANTIBES AU XV: S. - ÉCONOMIE ET SOCIÉTÉ 311

les conditions? D'abord, a u jour du contrat, en même temps qu'il le5 m et en possession de la barque, l'évêque remet aux pêcheurs 10 florins, 50 seti ers d'avoine et 25 setiers de fèves; les trols Antibois devront vendre ces denrées au meilleur prix et avec le produit de la vente, ajouté aux 10 florins, se procurer les engins nécessaires à la pèche, notamment les filets, et à l'arme­ment du bateau 61. Dans les deux jours (lui s uivront leur premier voyage - à entreprendre SOllS peu Deo dante _ ., ils seront tenus de venir ]·endre eompte à l'évêque de ces opérations. Avec leur embarcation ainsi équipl~e,

les Antibois s'engagent à naviguer et à pêcher pendant les trois années avec Je soin, la dili gence el la persévérance que J'on pourrait attendre de probi pescatores et navigatores. Quant aux profils, ils seront parlagés avee l'évêque dans les proportions suivantes: l'évêque aura le tiers des produit!; de la pêche el la moitié des bénéfices de la navigaLion. De leurs opérations, les exploitants devront rendre compte rie façon loya le et fidèl e chaque semaine s'ils ne sont pas en voyage. De son cô té, l'évêque leur r emettra ehaquc année 2 setiers de blé et 1 de fèves; de plus, il promet de mettre à. leur disposition des lignes ad piseandos piee.') ad 11lnlCIl en se réservant la moitié des poissons ou des profits réalisés. Enfin, unc obligation plus originale est mise à la charge des marins : ils seront tenus de conduire l'évêque, avec la barque, à ses frais, si celui-ci est conlraint de se rendre à Nice, à Fréjus 011 dans d'autres lieux alentour. Tel se présente ce docu­ment qui a l'intél'êt de donner un curieux exemple de collaboration entre bailleurs de fond s et exploitants, d'association capital-travail». Il a le mérite, aussi, d 'illuslrer la vie marilime et ses activités. D'autres contrats permettent de préciser quelqu e peu les directions et les objets du comUlerec.

Le comnlerce antibois consiste surtout dans LIll trafic de cabotage avec les côtes provençales et liguriennes. Il arrive que des actes fassent aJiusion à ces re lations nlarilimes. Ainsi en est-il, pa l' exemple, lorsqu'une contes­tation s'élève entre marchands et que les parties entendenl régler leur diffé­rend à l'amiable par un compromis. Tel celui qui intervient, en 1380, entre

61. « Duas pecias ~uguariarum sive buguiras novas e.l bonas el sex l!ecias de anlre­mals bonas et novas, Item vellam , remos el omnia alta necessaria dlcto laulo sive barche ... ».

312 P.-L. MALA USSÉNA

le marchand antibois Philippe Arba ud cL de ux marins de la dlé : :'1 la suit e d'lin voya ge fait pour son compte et s ur sa barqu e, le comm erç.ant ex ige que les co mpt es lui soient rendus; les arbitres. qui son t en g('n éral d es homm es d'affa ires conn aissant à fond les qu es tion s commereiales, seront ie; les llIal'c lwnds gl'a ssois Etienne Dura nd et Eti enne Por('c l ; une c hw se !t'ut' perm et d e s'adjoindre deu x ou troi s personnes ex pe rt es (Ians les li sag('s

ma l'itilllcs 62.

L c..'s ll'a nsac Lions a\'Cl' les ports Il1 l'dit e rral1 l;CnS êtyoisinanls port e nt

d'Hhol'(1 SUI' cCl'taines dl'lll"ées agrico les; les produit s du terroir sont à la

ha se dc:~ exportations. Ce sont no ta mm ent les fi gues qui faisai ent al! Moy(·n Age l'ohj et d'lin t r a fic aSsez important : AnLihc.'s, pt.' ndant longl e mp s, l'n a ex porh', vers Marsci ll l", tanlù t pOlir la ('OnSollllllalÎon loca le (I nns ct.'LLc

v ille, lunlùt t.' n nit' dl' rl' cx pl;ditions \' e rs le 1.~lIl g llt.'doc 6.3 . Qlla nt a u ("0 111-

m e rcc du hl t." - - produit d e premi è re importan n' - , il St' fai sait {' Il p<II' li ­

('tl li e r an'r la Li g uri e, Gènes e l sa 1\1,·ii' l'('. pOlir I"aire l'a r e a ux besoins d l' 1t.' lIr pOJlulation , di s posent d e p Cl! d e ('(: r l'ales ; Il' I,witailleillent ({oÎl n :nir

d e l'cx lt;r i(' ul', il dl' pend d(~ l'arrivt.', (' des na \"ÏI'l's (.4, II ('st donc na turl' I de \'oir les Li g Liri e ll .~ fn~qll entel' les }lori s pro\'t.~ ll ç a Il X p01l1' :-; 'appro\'isitlIlIH'1'

t.' n hlt'" En 1421. d eux hahit a nt s d'Alhenga \'it'nl1 (~ nl acheler à Giraud Arha\ltl

d'Alltih(~ s pri's d'une cinquantain C' d '(;min es HU prix de :J:~ gros pt (h'mi l'ull e M, Sans clou le, pOlir assure r ('('S expc..'clitiolls, les m a rchanlls anlilloi s vont-il s s'a ppJ'o \'i s ionner dans les I()('a lit c..' s de l'a rriè re-pays : Pit'JT(' Isnal'd de Ve nce, cHI Illois de juille t 1421 , con clut de ux , 'cnl es de hl é au profit Il ' Antibois c t s'engage à lin'cr le bl é à Antibes <Ill pri x de 16 sous l c seti CI'66,

II en esl de m ê m e en matiè re de pea ux eL d e cuirs , ac lhités alors fort l'ép::UHlli cs cn Pro\'ence. Les Antihoi s, a 1' c.'x(' l11pl (' (les tann eurs <'1 111:11'-

62. Etude Bén:\rd. n" 25. 9 oclobn: 1380: « dlfO~ vel Ires mereatures marina rios ~per/eS (s ic) i/l iIIa cal/sa sive aTla de Marsilia vel de Mart egue elige"do~ per ip.~os cam­promissarios, .. ..

63, F. REYNAUD, " His toire du Commerce de Marstdlle ", t. Il , p , 628 ct 646 64. J . HE~RS, " Gênes au XV~ siècle » , p . 326. 6S Etude Bérard, n" 46, 22 avril 1412 66. n}icl. , n° 50, IS juille t 1421

ANTIBES Ali X~ S. - f..CONOM TE ET SOC(I1T1~

ehand s de Nice, d e Brignoles ou de la Hi vière de Gênes, vont ach eter pr'oduils à Grasse qui es t, a lors lin centre de tan n erie très actif 67.

313

A propos de Grasse, on ne peul manqu er de souli gner les liens étroit s qui unissent Antibes à celte vi ll e. En e ffet, en marge des relations lna ri­limes, Antibes en tre ti ent un co ura nt d 'éch anges, tant hum ain s q u e comm er­ciaux, avec l'intéri eur et, d 'abord, avec Grasse, qui joue le rôle de petit e capita le régiona le. Il e~i l naturel de voir les Antibois fréquenter les bOlltifJlI<'S

des marchands ou les officines des notaires grasso is. Centre économiqu e, Grasse es t surtou t un e r éserve de numéraire. C'est auprès des marchands Ou d es juifs de celte ville 'I"e les gens d'Antibes, à l'image d es habitants des localités voisines, von t so lli citer quelques fl orins ou réaliser un achat à créd it . Reten ons, pOlir seul exemple, les d iver ses r econnaissances de deltes qui , a n moi s d 'octohl'c l445, nOlis monlrent plusieurs h abita nt s d'Antibcs a ller emprunter a uprès des jllifs de Grasse ou leur ach eter du bl é à crédit 68.

Pour le COl1UllerCe ma ritime, relevons, enfin, les r elations établies entrc Anti bes et la Sardaign e. Les Pro\'cnça u x fr équenta ien t réguli èrem ent les rivages de celle île, non seu le ment pour la pêche du corail, mais encore pOUl' leur approvisionnement en céréales e l autres produits. Dès la premi ère moitié du XIV· sièc le, 1111 contrat rédigé par un notaire marseilla is n OLI s met en présence de deux Antibois qui a ffrèten t leur n avire a u profit de d eu x m a rchand s de Marsei lle pour l'orIel' en Sardaigne 20 boules de vin e t en rapporter 500 quinta u x de produits de troupea ux 69. En 1455, c'est Giraud Va lenCe d'Antibes qui sc lou e ~l\'ec sa barque à un m a rch and d 'A lgh ero pOUl' la saison d'été à venir 70. Les échan ges avec la Sarda igne sont également a LLes tés à la fin du XV C s iècle pal' lln contr a t de noli sem ent (nalllizatio )

conclu è. Antibes var le nota ire Colllbreric, où nous voyons LIn patron d e

67. P.-L . MALAUSS~NA, « La vie ell Provellce ... lO, p. 175-180. 68. Etude Bérard, n" 70. f I> 81,7 octobre 1445, f" 83 et 84, 18 octobre ]445. Sur Je rôle

économique de Grasse, cf. pour Je début du XIVe siècle, R. AlJBENAS, « Commerce des draps ... », et pour les X IV· et XV· siècles, P.-L. MALAUSS~NA, « La vie en Provence orien­tale ... ».

69. Acte du 21 avril 1333, cité par E . B ARATlF.R, op. cil., p. 147, note 1. 70. Acte du 28 oCLobre 1433, cité par F. REYNAUD, op. cit., p. 145.

314 P.-L. MALAUSSÉNA

barque affréter son embarcation n\'cc six hommes d 'équipage pOUl" a ller effectuer un chargement de blé da ns le port d'Oristano, sur la côte occiden­laIe, d'où se fonl le plus sou"enl les exportations de céréa les 7I

Si tous ces contrats commerciaux fourni ssent quelqu es indices su r la "i e économique d'Antibes, il est fort malai sé d'apprécier à travers eux la conjoncture commerciale el l'intensité des échanges. On ne peul manquer de constat er, cependant, combien les opérations mercantiles sont peu nom­breuses et leur vo lume modeste en celte première moiti é du xv" siècle. l'cul-être, faut-il croire alors Ics Antibois qui, en 1471 , lors du réaffoua­

gemenl, se plaignent que les marcha nds se so ient relirés de ce lle ville 72. Pourtant, un registre nota rié pos térieur d ' ull e dizaine d'ann ées alleste qu 'An tibes est Loujours, à l'occasion. le li eu de rencontres entre marchands provença ux, liguriens, voire d 'autres régions. C'est à Antibes que Marc BoLin, marchand d e l\'Iarseille, reconna ît avoir r eç u L1nc somme de 100 ducats de Barthélemy de Andori a, originaire de Savon e, pOUl' une cargai son de laine 73. Quelques semaines plus ta rd, a u mois d'octobre 1482, ce sont d e ux Antibois, l'un patron d e barque, l'autre marchand, qui s'obligent envers noble Benoît Bata, marchand d e Gènes, ct donnent en gara ntie leur barque et sa cargaison d'huile 74, Enfin, le 30 novembre 1482, un contrat m aritime file t en présence à Antibes un patron de barque ni çois et un marchand castillan pour un voyage en Sardaigne 75 . Devant ces rares exemples, on es t tenté pour évoquer l'activité maritime d'Antibes de la comparer avec celle de Cannes dont un acte notarié nous apprend que le port es t alors fréqu enté « tous les jours et à chaque h eure du jour, par des bâ tim ents ca(alans, génois, espagnols, allemands et biscayens »76, Au r ega rd de ceci, le tra fi c commercia l d 'Antibes parait, certes, bien précaire si l'on en juge pHr les seuls docmuents notari és.

71. Notaires de Cannes. Etude Vial, n° 1, fo 82, 30 novembre 1482. 72. Arch , dép. Bouches·du·Rhône, B 200 dans JEANCARD, op. cil., p . 115. 73. Notaires de Cannes. Etude Via l, n° 1, fo 59, 1er août 1482. 74. Ibid., f" 69, 2 octobre 1482. 75. Ibid., fo 82, 30 novembre 1482. 76. Acte de 1489 : ({ et quia quoridie et singulis horis in dicto pOTtu aplicanr eT

ITeque111ant diverSI tam Catha/am, fantlerl ses, Yspal1i, Alemal1i, Biscaylti », dans G. BRÈS, op .cit., première partie, p. 75

ANTIBES AU xV' S. - ËCONOMIE ET SOCIËTË 315

Faut-il conclure pOlir uutant qu'il est excessif de présenter traditionnel­lement Antibes comme une ville à vocation maritime ou qu'une telle répu­lation est surfaite 77 ? Certaines constatations, en fait, s'imposent tant pour le Moyen Age que pOlir les s ièc les ultérieurs : d'une part. les actes notariés n e sont qu'un reflet - souvent fort pâle - des opérations commerciales, surtout en matière maritime; d'autre part, on ne saurait confondre la vocation maritime des Antibois et le (rafic commercial du porL. En dépit d 'activités somme toule modestes, Antibes a de tous temps été présente dans la vic maritime par le biais de ses marins. Si, au dernier siècle de l'Ancien Régime, Anlibes fournira des capitaines à toute la MéditerraIïée, déjà, au Moyen Age. la présence des marins et des armateurs antibois es t attestée dans les expéditions entreprises. au début du XIV" siècle, vers la Sicile et vers le Levant. Ainsi, commençail à se dessiner, semble-t-il, un certain contraste enLre l'activilé maritime d'Antibes et le rôle de ses gens de mer.

P .-L. MALAUSSENA.

77. P. COLLOMB, « Aspects de la vie à Antibes dans les dernières années de l'Ancien Régime » (Mémoire, Faculté de Droit de Nice, L960), p. 99-100.