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1 - Leadership

Supplément gratuit au numéro 20.171 l Ne peut être vendu séparément Jeudi 15 mai 2008

et si efficacitérimait avec sérénité ?

rendez-vous page 12

Vision :promessesetdangersdescathédralesparDenisBourgeois Lire pages 2 et 3

Leadership,performance,développementdurableparBernardRamanantsoa Lire page3

Dirigeants : leaders,managersousimplementexécutants ?ParMichelFiol etNicolasMangin

Lire pages 4 et 5

Prisederesponsabilité :lesclefsdelaréussiteparGillesAmado Lire pages 5 à 7

PourunapprentissageduleadershipparValérieGauthier Lire pages 8 et 9

LecommandementmilitaireinspirationdumanagementparNicolasBarbier, IsabelleFetetetBaudouindeTorcy Lire page9

Equipesdedirection :pourquoiunteldéficitdecoopération ?parMichelFioletNicolasMangin

Lire pages 10 et 11

SOMMAIRE

[08 avr 2008, 18H40] 8481_CASE_O_001.2JLGBA.pdf

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2 - Les Echos - Jeudi 15 mai 2008 L’ART DU MANAGEMENT

Un art en pleinemutation

anouvellesériede « L’ArtduLManagement »que nousvousproposons,avec le concoursdel’équipedeschercheursetdesprofesseursd’HECtranche surplusieurspoints aveccellesqui l’ontprécédée.Pluscompacte,elle tiendraentroiscahiers ;plusdiverse, elle abordera troisthèmes distincts : leleadership, laperformance, le développementdurable.Ce choixapparemment aléatoiren’ariend’arbitraire.Toutes lesconsidérationssurlesqualités qui fontunbon leaderfinissent parconduire auxmêmes interrogations sur lamesurede laperformance.Ences tempscruelspour les gouvernances court-termistes, ilapparaitrait un peuvain devouloir continuer àdistinguer lesmanagers lesplus performantssans introduire uneperspectivetemporelleplus longue,etune conceptiondelacréationdevaleur moinsétroitement financière,commelemontre lavogueactuelledudéveloppementdurable.Encombinantcestroisdimensions,nosamisd’HECnousoffrentl’occasion de découvrircequidéfinit« l’étatdel’art »enmatièredemanagementaujourd’hui.Incontestable,etdevenueencore plusspectaculaire depuis la crise financière initiéepar lesmésaventuresdu« subprime »,l’accélération duturn-over des PDGsoulignelesambiguitésde lanotionde leadership.Sil’horizond’undirigeantseraccourcitsidrastiquementpeut-onencoreexigerdeluid’avoir une« vision »poursonentreprise ?Souvent leschangementsbrusquesde leadersetraduisentpar desséparations encascadedans lescomités dedirection.Estce le coûtcaché delaglorification del’espritd’équipedont la littératuremanagériale fait sonmiel ?Nonseulement il faut fairesespreuves depatronenmoinsenmoinsde temps,mais,semble-t-il, l’apprentissagedela fonction sefaitde plusenplusvite, carausommetlestransitionsbrutales, lessautsde génération,lesrupturesde profilssontmonnaiecourante.Celaexplique-t-il lesentiment assez répanduquele mondedesaffaires,comme lerestedelasociété,n’échappe pasà lacrise duleadership ?Quandlaquestiondelaperformancevients’ajouteràcetteproblématiquedéjà trèsriche,onrejoint des préoccupationsànouveautrèsconcrèteset d’une brulante actualité.Evoluantdansun environnementd’unegrandecomplexité, les entreprisessont contraintes degérerselondescritèrestoujoursplussophistiqués, cequine rendpasévidentdefixer la lignede partageentre performanceetnonperformance.Lesanalystesfinancierssontsoumis àun feucontinude critiques, au fur etàmesuredeséclatementsde« bulles »qu’ilsn’avaientpasvuvenir. L’appréciation del’efficacitédela recherchereste,àbiendeségards,un grandtrounoir.Lesméthodesemployéespourrécompenseretstimuler lescommerciauxou leshommes demarketingdoivent s’adapterà lapartcroissanteduqualitatifetde la stratégiedans la relationclient.Toutescesremisesencausesontaussiundeseffetsde l’impressionnantemontéeenpuissance delathématiquedudéveloppementdurable.L’artdumanagementestmaintenantceluiduménagement : lapoursuite durendementsanségardspoursespropresressourceshumaines,sonenvironnement,sessous-traitantset fournisseursn’aplusbonnepresse.Concilieraumieuxces impératifscontradictoires,c’estundéfidetaillepour leshommes degestion.

HENRIGIBIERdirecteur de la rédaction des« Echos »

auront des difficultés à se sentir les auteurs de la lasociété.Ledangerneguettepas que le secteur privé.

L’Art du management est réalisésous la direction d’Henri Gibier,directeur de la rédaction des « Echos »,avec la collaborationde Richard Perrin, directeurde la communication d’HEC Parisde Bernard Ramanantsoa,directeur général d’HEC Pariset président de la CEMS.

Vision :promessesetdangersdescathédralesIMPLICATION L’art du dirigeant serait d’élaborer une « vision » porteuse de valeurset transcendant le quotidien. Cet art consisterait ensuite à faire partager cette visionet à mobiliser derrière elle l’énergie des collaborateurs.

’histoire est souvent proposée dansdes stages ou ouvrages de manage-ment : quelqu’un visite le chantierd’une cathédrale, au Moyen-Age. Ilinterroge trois ouvriers sur ce qu’ilsfont. Le premier lui répond : « JeL gagne mon pain ». Le second lui dit :

« Je suis tailleur de pierre », et le troisième : « Jeconstruis une cathédrale ». Le plus souvent, ce troi-sième ouvrier est cité comme exemple à suivre. Celavientalorsenappuid’unereprésentationduleadershipqui se développe aujourd’hui : l’art du dirigeant seraitd’élaborerune« vision »,commeledisent lesanglo-sa-xons, ou un grand projet, comme on le dirait enfrançais, porteuse de valeurs et transcendant le quoti-dien ; cet art consisterait ensuite à faire partager cettevisionetàmobiliser derrière elle l’énergie des collabo-rateurs.

Ce recours à la vision du dirigeant,et à la cathédrale qu’elle invite à construire,comporte des promesses mais aussi des dangersTout d’abord, pour rester dans le fil de la parabole, ilimportederéhabiliter lesdeuxpremiersouvriers (etpar« ouvrier », j’entends ici toutes sortes de collaborateurs,manuels ou intellectuels). Ceux-ci également peuventcontribuer très efficacement et avec cœur à leur organi-sation.

Etre tailleur de pierre, c’est développer un art,c’est, au travers d’un canal particulier, enrichir sescapacités et travailler sur soi-même. C’est aussi unmoyen de créer du beau ou du bon qui bénéficie àd’autres autour de soi. C’est unmoyen de seprouver sa proprevaleur.Unebellecathédralenepeut se construire sanstailleursde pierre, experts et heureuxd’exercer leur art. Il convientpour cela de leur laisser lamarge d’autonomie suffisantepour qu’ils se sentent artistesetnon simples exécutants d’ins-tructions préétablies. Notonsaussi que, des trois ouvriers,seul le tailleur de pierre trouvesonsensdansleprésent ;ilnedépendpasd’unailleursoud’un plus tard qui risque toujours d’être chimérique.

Ceux qui ne font que « gagner leur pain » sontégalementnécessaires.Ilexistesur lechantierdestâchesmoins qualifiées, où développer un art serait plusproblématique. La logique du gagne-pain peut facile-ment conduire à une vie de travail triste ou morne.Cependant, cette logique n’empêche pas une contribu-tion impliquée à l’organisation, à la condition que cesouvriers évoluent au sein d’une équipe où ils se sententexister, qu’ils aient le sentiment d’être respectés dansleurs préoccupations et leur dignité. Cette reconnais-sance est d’autant plus nécessaire que leur positionsymbolique dans l’organisation les place souvent au basde la hiérarchie du prestige. Si ces conditions sontréunies, au minimum, ils en retireront une vie accep-table, au mieux, ils en seront heureux parce que l’essen-tieldeleurvieestailleursetqu’ilsnedemandentpasplusà leur job que de financer cet essentiel. Cette logiquepeut se rencontrer aussi chez des collaborateurs quali-fiés ; elle se teinte alors d’un peu de celle du tailleur depierre. Le cas est de plus en plus fréquent de nos jours.

Dans ces deux cas, nos ouvriers seront certescontents de savoir qu’ils collaborent à la constructiond’une cathédrale mais ils pourraient être aussi heureuxsur d’autres chantiers. Ils n’ont pas besoin de la cathé-drale pour être impliqués. Ceci est d’autant plus impor-tantque,biensouvent,ilsn’auront jamaisvulesplansdela cathédrale et n’auront pas été associés à sa concep-tion ; il n’auront peut-être même jamais parlé directe-ment avec l’architecte. Ils auront de ce fait une compré-hension limitée de leur contribution à l’ensemble et

cathédrale. C’est un cas quenous rencontrons fréquem-ment aujourd’hui.

Les recherches et interventions que j’ai menéesdepuis quinzeansm’ontconvaincud’unechose : il est leplus souvent illusoire de vouloir faire adopter auxcollaborateurs la vision du dirigeant. Cela est mêmeparfoismalsain.C’est illusoireparceque,mêmedanslesorganisations qui fonctionnent bien, dont les collabora-teurs sont impliqués, ces derniers se forgent un sens autravail qui est différent de celui de leur dirigeant. Lescollaborateursyrespectent lavisionqu’encommuniquele dirigeant, sont heureux d’y contribuer, mais ce n’estpascequi lesfaitmajoritairementvibrer ;ilsjouent le jeuparce que, donnant-donnant, cette organisation et cedirigeant leur permettentdetrouver leur propresensautravail, dans leur vie quotidienne.

LibertéetconfianceUn exemple parmi d’autres : ce dirigeant d’une unitéindustrielle performante me disait que la clef de sonsuccès était l’orientation vers le client, partagée à touslesniveaux.J’aipasséunematinéeentièreàparleravecbon nombre de ses ouvriers sans que jamais cesderniers ne me parlent de client, sauf quand je leurposais unequestionàce sujet. Ils étaienteffectivementheureux de se trouver dans cette entreprise, ils étaientimpliqués, mais ce qui faisait la valeur de leur travail àleurs yeux était la liberté et la confiance dont ilsbénéficiaient, la capacité de prendre des initiatives etdefaireuntravailtechniquementintéressant,dansuneambiance où ils se sentaient reconnus et respectés.Bien sûr, ils étaient conscients que la satisfaction desclients était essentielle à la survie de leur entreprisemais le sens du travail, pour eux, n’était pas là. Oncomprend que cela puisse en revanche être celui du

chef : prendre des parts de marché et des points derentabilité lui permet de faire face à des défis, dedévelopper sesqualités, devoir les effets directs desonaction. Pour resterdans le fil de notre parabole initiale,lechefimaginesouventcommecathédralecequilefaitvibrerlui,entantquetailleurdepierre,danssonpropremétier de dirigeant. En revanche, si l’implication descollaborateurs ne procédait pas de la vision du diri-geant,elledevaitbeaucoupàlaqualitédesonmanage-ment et de celui de son encadrement intermédiaire.

Cela m’amène à expliquer pourquoi cettepromotion d’une cathédrale peut être malsaineTout d’abord, certaines visions proposées par desdirigeants ne sont pas vraiment des cathédrales. Vou-loir, par exemple, être le numéro un mondial sur sonmarché peut certes constituer un but efficace, sansdoute satisfaire quelques egos, mais ne suffit pas àdonner la profondeur et l’élan que suggère la cathé-drale, c’est-à-dire le service de ce qui nous dépasse.

Ensuite, même quand cette vision peint l’orga-nisation comme étant au service d’un bien supérieurpour la sociétéet/ou les collaborateurs, il convientqueles actes suivent les paroles. Les collaborateurs saventqu’il est des moments de vérité où les ressorts dusommetserévèlentetc’estlàqu’ilsjugentdel’authenti-cité d’une vision. On voit beaucoup de PDG perdreleurplacepourdéfautdeperformancesfinancières ;onenvoit peu souvent le faire, par exemple parce que lescollaborateurs de leur entreprise sont malheureux, ouparcequelesproduitsdecettedernièresontnuisiblesà

DENIS BOURGEOIS

Etre tailleur de pierre, c’est développerun art, c’est, au travers d’un canalparticulier, enrichir ses capacitéset travailler sur soi-même. C’est unmoyen de se prouver sa propre valeur.

Denis Bourgeoisest professeur affiliéà HEC Paris. Il y estresponsable de plusieursprogrammes pour cadresdirigeants dontnotamment le Masterspécialisé, « Consultingand Coaching andCoaching for Change ».Le fil directeur de sesactivités (recherche,formation, interventionsen tant que consultant)est le sens que lesindividus donnentà leur travail.

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- 3Les Echos - Jeudi 15 mai 2008L’ART DU MANAGEMENT

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Lesecteurpubliccommeletiers secteur (associations,coopératives…) courent toujours le risque de voirleursmissionsaltruistespasserausecondplanderrièreles enjeux de territoires, de carrière et de réélections.Dans tous ces cas oùla visionsonne faux, ledommageest double : d’une part, cela rend les collaborateurscyniques et moins confiants en de possibles vraiescathédrales ; d’autre part, cette vi-sion factice risque fort d’être unpalliatifmasquant les insuffisancesdu management, son incapacité àrendre possible l’implication destailleurs de pierre et de ceux quiviennent gagner leur pain. A cesujet, on doit remarquer que cerecours croissant à la vision dudirigeant est concomitant avec ledéveloppement du taylorismedans des secteurs toujours plusnombreux.

Enfin, même quand cette vision est vécueauthentiquement, le fantasme de toute puissanceguette celui ou celle qui s’imagine être la source dusens pour les autres. En d’autres temps ou d’autresrégimes,l’onappelaitcelapropagande,etl’onsaitbiendans quels errements cela peut mener. Le partage dusens ne se décrète pas. Il émerge petit à petit du

Est-ce à dire qu’il faut en finir avec les cathé-drales ? Certes non. Travailler à créer des richessesmatérielles dans la journée et servir des valeurs le soiret le week-end conduit à la schizophrénie. Plus quejamais aujourd’hui, nous voyons que ce n’est pasdurablement viable ni pour les individus, ni pour lesorganisations, ni même pour la société. Nous avons

donc un cruel besoin de bâtir des cathédrales, mais ilconvient d’éviter les écueils décrits ci-dessus si l’onveut récolter les fruits de leurs promesses et non ceuxde leurs dangers.

Est-ce à dire, que le dirigeant ne doit pas avoirde vision ? Certes non, elle est indispensable, mais nemélangeons pas tout. Elle est d’abord nécessaire au

action. Elle l’est également parce que quelqu’un quiest authentiquement mu par une vision est respectépar ses collaborateurs ; ils apprécient toujours qu’il nesecontentepasdesoignersespropres intérêts ouceuxde ses alliés. De plus, l’authenticité est contagieuse…Ensuite, les collaborateurs ont besoin de savoir où ilsvont, àquoicontribuecequ’ils sontentraindefaire.Sila vision de leur dirigeant est claire, ils n’ont pas dedoutesàcesujet. Enfin,cettevisiondoitaussiconsidé-rer la place des individus au sein de l’organisation defaçonàpermettreàchacundecroître.Sanscettevisionfortement ancrée, le dirigeant résistera mal aux mul-tiples pressions qui peuvent le conduire à rechercherl’efficacité par l’instrumentalisation de ceux qui l’en-tourent.

Maisàpartirdelà,lavéritableimplicationdansle travail se produit quand l’organisation est capablede faire sentir aux collaborateurs qu’ils sont réelle-ment respectés en tant qu’être de sens, et, si possible,de leur donner les moyens d’être de bons tailleurs depierre. Diriger, ce n’est pas donner du sens, c’est teniruncapenétantfidèleausensquel’onsedonneetoffriraux autres les conditions leur permettant de seconstruire le leur l

L’auteur remercie Pierre Forthomme et Jean-Michel Fuzat pourles échanges qu’il a eus avec chacun d’eux au sujet de cette

Diriger, ce n’est pas donner du sens,c’est tenir un cap en étant fidèle au sensque l’on se donne et offrir aux autresles conditions leur permettantde se construire le leur.

Une belle cathédrale ne peut se construiresans tailleurs de pierre, experts etheureux d’exercer leur art. Il convientpour cela de leur laisser la marge d’autonomie suffisante.

dialogue entre individus libres de construire le leur. dirigeant lui-même pour orienter et inspirer sapropre parabole de la cathédrale.

de la CEMS.

PRÉSENTATION

Leadership,performance,développementdurablePourquoi, avec « Les Echos », avons-nous choisicestrois thèmes ? Incontestablement,danslapériodeactuelle, ils correspondent aux préoccupations ma-jeuresdesdirigeantsd’entreprise.Maisaussi,etj’aien-viededire surtout,parcequeces trois thèmes nécessi-tentaujourd’huid’êtrerevisitésdefondencomble.

l Leadership : un sujet majeur depuis qu’on en-seigne la gestion mais il faut bien reconnaître qu’onrencontre dans la littérature plus de banalités et delieuxcommunsqued’étudesapprofondies.Quedefa-daises oudepropos de convenancene lit-onpas sur cethème ?

l Performance :onpourraitpresquetrouver dansle thème, une forme de pléonasme. L’entreprise nedoit-elle pas se caractériser par la performance ? En-core faut-il,au-delàdes débats toujours d’actualitésur

lamesurede laperformance, savoir mesurer quels doi-vent être les critères à retenir aujourd’hui. Peut-on en-core se contenter de la valeur pour l’actionnaire ? Lesnouvelles normes comptables se revendiquant d’unsouci légitime de transparence ne rendent-elles pas enfaitplusfloue l’évaluationde laperformancedes entre-prises ?

l Développement durable : ce fut un gadget, puisun outil demarketing. N’est-ce pas aujourd’hui l’émer-genced’unnouveauparadigmeenéconomie etenges-tion des entreprises ? C’est en tous les cas ce que croitMuhammad Yunus, prix Nobel de la paix en 2006,concepteur dumicrocrédit, et c’esten tout cas une invi-tation aux entreprises à inventer de nouveaux « busi-nessmodels ».

Lechoixdecestroisthèmesestaussi, jecrois,lerefletde l’identitéetdelavisiond’HEC.Lecorpsprofessorald’HEC doit bien sûr former les jeunes (et les moinsjeunes) générations aux techniques de management

mais il doitaussi − etavant tout − participer à l’effortd’innovation que notre pays doit engager massive-ment pour rester compétitif. Un pays comme laFrance, ne parviendra à garder sa place dans laconcurrence mondiale que si nous sommes capablesdeproposer,danslessciencesdegestioncommedansles autres domaines scientifiques, des innovations etdes nouveaux paradigmes.Lavocationd’une institu-tion comme HEC n’est pas d’enseigner des tech-niques, c’est-à-dire de reproduire du savoir ; elleconsiste comme pour nos principaux collègues etconcurrentsétrangersàêtrecapables deproposerlesderniersrésultatsd’unerecherche,quinepeutêtreju-gée que selon des critères internationaux. C’est là lebut ultime de cette série : proposer aux lecteurs des« Echos », c’est-à-dire aux dirigeants et aux cadresd’entreprise, des pistes de réflexion et de débats quis’appuient sur nos derniers travaux de recherche etqui susciteront chez eux, je l’espère, réactions et pro-positionsàmêmed’enrichiràleurtour,nostravaux.

BERNARD RAMANANTSOA

RÉSUMÉUne belle cathédralene peut se construiresans tailleurs de pierre.Les collaborateurs ontbesoin de savoir où ilsvont, à quoi contribuece qu’ils sont en trainde faire. Si la vision deleur dirigeant est claire,ils n’ont pas de doutesà ce sujet.

Bernard Ramanantsoaest professeurau départementstratégie et politiqued’entreprise d’HEC,directeur général d’HECParis et président

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4 - Les Echos - Jeudi 15 mai 2008 L’ART DU MANAGEMENT

Dirigeants : leaders,managersousimplementexécutants ?

POUVOIR Abraham Zaleznik distingue deux types de dirigeants : les leadersqui sont des visionnaires provoquant ruptures et changements, les managersqui sont, au contraire, des hommes de compromis, partisans du travail en équipe.

ans un article célèbre (1) publiéen1977,Abraham Zaleznik,pro-fesseur de psychologie sociale àl’université d’Harvard, distinguedeux types de dirigeants, les lea-dersetlesmanagers,quidiffèrentDdans leur vision du monde. Les

leaders sont des visionnaires provoquant ruptures etchangements. Dotés d’une forte personnalité, ils sontcharismatiques, solitaires, empathiques, émotifs, intui-tifs et téméraires. Ils génèrent en permanence des idéesnouvelles et attisent l’amour ou la haine de leurscollaborateurs. Les managers, ou gestionnaires, sont aucontraire, des hommes de compromis, rationnels, mé-thodiques et organisés, prudents et partisans du travailen équipe. Ils conservent et régulent l’ordre existant, enmaintenant une coopération par la conciliation d’inté-rêts parfois contradictoires. Ils utilisent les instrumentsde gestion pour influencer leurs collaborateurs, mainte-niruncontrôleetéquilibrerleurspouvoirs.SelonlathèsedeZaleznik, les organisationsrationnelles,« averse »aurisque et au désordre, n’offrent un terreau fertile quepour les managers et inhibent le développement desleaders qui ont besoin d’un cadre tolérant l’agressivité,l’élitisme et l’audace.

La vision manichéenne de Zaleznik est loind’êtreacceptéepartous lesthéoriciensdumanagement.Onnoteaumoinscinqpointsdeclivage.Lesdeuxprofilssont-ils tout autant indispensables dans les organisa-tions ? Une même personne peut-elle concilier les deuxprofils, ou doit-elle former un binôme avec son complé-mentaire ? Un dirigeant peut-il être leader en toutecirconstance,ouest-ill’hommed’unesituationdonnée ?Comment devient-on leader ? Enfin les leaders appar-tiennent-ilsàunecasted’élusoubiensont-ilsdisséminésà tous les niveaux de l’organisation ? Bien que ladichotomie leader-manager apparaisse trop simplifica-triceauxyeuxdecertains,laquestionàlaquelleZaleznikapporte une réponse est loin de perdre sa pertinence :nos organisations permettent-elles le développementdes dirigeants dont elles ont besoin ?

Pour sortir du dilemme leader-manager, leconcept de dirigeant paraît appro-prié même s’il reste ambigu. Il peuten effet désigner exclusivement ledirecteur général ou s’appliquer àtous les opérationnels qui dirigentune équipe et sont générateurs deperformance collective, comme lesdirecteurs de filiales, divisions, dé-partements, etc. Il est néanmoinscommode dans cette deuxième ac-ception, car il concerne des popula-tions plus larges sur plusieurs ni-veaux hiérarchiques. Les travaux derecherche menés depuis près de vingt ans à HEC-EXED offrent quelques éclairages qui laissent per-plexes sur cette problématique du développement desdirigeants,toutdumoinsauseindesmultinationales.Aufil du temps, les dirigeants de ces entreprises apparais-sent de plus en plus confinés à des rôles d’exécution,permettant peu l’acquisition et l’exercice de compé-tences de leadership et de gestion.

Quellessituationsvivent les dirigeants ?Des enquêtes par questionnaires et entretiens portantsur les relations contradictoires que tout dirigeantdéveloppe avec un certain nombre de composantes deson univers de travail auprès de grandes entreprises.L’interrelation dirigeant/dirigé est ici en jeu. Dans sarelation avec ses collaborateurs directs, tout dirigeantest confronté à deux attitudes opposées et complémen-taires : en principe il délègue et dirige par le sens.Symétriquement, toutcollaborateurest théoriquementautonome et dirigé par le sens. L’autonomie corres-pond à la possibilité de négocier ses objectifs et sesressources, de mener à bien des projets sous tous leursaspects, et de prendre des initiatives et des décisionscorrectives importantes sansavoiràenréférer systéma-tiquement à son supérieur.La direction par le sensaideles collaborateurs à mieux se situer dans l’organisation,

per dans un climat éthique, être en confiance et avoirune pulsion de vie (2).

Pour développer ses compétences de leader-ship et/ou de gestion, tout dirigeant a besoin d’uncertaindegréd’autonomieparrapport àsonsupérieur,mais aussi de direction par le sens. Or les résultats dequestionnaires remplis par 1.068 dirigeants, à des ni-veaux hiérarchiques allant de N-2 à N-4 au sein degrandes entreprises appartenant à des secteurs diffé-rents révèlent que 52 % d’entre eux s’estiment insuffi-samment autonomes. Le détail des réponses conduit àclasser ces dirigeants en trois grands groupes : lessatisfaitsdeleurcapacitéànégocier leursobjectifsetdeleur liberté d’action ; ceux auxquels les objectifs sontprescrits sans négociation mais qui se sentent libresdans l’action ; les prisonniers d’un système imposéd’objectifs et de moyens d’action. Ces résultats sontconfirmés par des entretiens. Chacun de ces groupespeut ensuite se diviser en deux selon que les dirigeantsont l’impression que leur supérieur souhaite accroîtreou maintenir leurs marges de manœuvre, ou aucontraire, les restreindre.

Une étude plus poussée auprès de267 dirigeants d’une grande entreprise diversifiée per-met d’approfondir l’analyse. Cette entreprise a étéchoisie pour deux raisons : elle offre un bon taux de

comparer trois niveaux hiérarchiques. Selon les résul-tats obtenus par questionnaire, 61 % ( voir tableau 1,trois premières colonnes ) se sentent aussi autonomesqu’ils le souhaitent, tous niveaux confondus. Ce pour-centage varie peu d’un niveau à l’autre ( 63 %, 65 %,55 % respectivement pour les niveaux N-2, N-3 etN-4 ), même s’il semble tout de même régresser auniveau N-4 : le besoin d’autonomie s’y ferait-il plussentir, ou le management de proximité contraindrait-ildavantage (voir tableau 2) ? Par ailleurs, les 39 %restants manifestent un fort besoin d’autonomie et seperçoivent, lors des entretiens, comme des exécutants(voir tableau 1, trois dernières colonnes).

Si l’autonomieestuneconditionnécessaire,ellereste insuffisante pour faciliter le développement duleadership et de la gestion chez les dirigeants. Ellerequiert un équivalent de direction par le sens ; sinonelle est vécue comme un abandon. Seule la moitié deceux qui se déclarent aussi autonomes qu’ils le souhai-tent, se sentent également dirigés par le sens. L’autremoitié regroupe ceux qui se disent « délaissés » ou« désorientés » (voir tableau 1).

Seprojeterdansl’avenirEn outre, pour développer leurs compétences de lea-dership et de gestion, les dirigeants ont besoin de seprojeter dans l’avenir, de faire des bilans sur les actionspassées et de disposer d’espaces de réflexion. Si, dansl’ensemble, les dirigeants estiment analyser suffisam-ment le passé et ne souhaitent pas être davantage dansl’action, ils sont en revanche nombreux à manifester unfort besoin de projection et surtout de réflexion. Sur les267 dirigeants de l’échantillon, 61 % déclarent ne pasavoir suffisamment de temps pour préparer correcte-

MICHEL FIOL ET NICOLAS MANGIN

Dans sa relation avec sescollaborateurs directs, tout dirigeantest confronté à deux attitudesopposées et complémentaires : enprincipe, il délègue et dirige par le sens.

Michel Fiolest professeurau départementcomptabilitéet contrôle de gestion,à HEC Paris.

Nicolas Manginest doctorant HEC.

Tableau 1 : les profils types de dirigeants intermédiaires

idé é

Besoin de plus...

d’autonomie

de direction

d’analyse du passé

de projection

d’action

de réflexion

Répartition

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20 %

DésorientésSatisfaits Délaissés Entravés Surmenés Egarés

Tableau 2 : les profils types par niveau hiérarchique

idé

N-2

27 %

36 % 23 %

30 %

14 % 14 %

12 %0 %

5 % 5 %

18 % 16 % 26 %

18 %12 %

9 %

34 %

N-3 N-4

Satisfait Délaissés Désorientés Entravés Surmenés Egarés

1 %

à rêver, se sentir utile, se professionnaliser, se dévelop- satisfaction en matière d’autonomie ; elle permet de ment leurs activités futures et près de 82 % aspirent à

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- 5Les Echos - Jeudi 15 mai 2008L’ART DU MANAGEMENT

leadership et de gestion.

disposer de beaucoup plus d’espaces de réflexion dansleur travail. Le regroupement des dirigeants ayant lesmêmes caractéristiques en matière d’autonomie et dedirection par le sens, de relation au temps et de rapportau contenu du travail, laisse apparaître six profilsdistincts (voir tableau 1). Les « satisfaits » estimentdisposer de toutes les conditions (sauf, comme pour lesautres profils, de suffisamment d’espace de réflexion)leur permettant d’exercer pleinement leur fonction etde développer des compétences de leadership ou degestion.

Les « délaissés » sont globalement autonomeset satisfaits de leur travail, mais ont des relationsdifficilesouinexistantesavecleursupérieur,etpeinentàse situer dans l’entreprise. Leur proportion croît signifi-cativement lorsque l’on monte dans la hiérarchie (voirtableau 2). Les « désorientés » vivent dans l’instant,faute de direction et de repères sur la situation de leurentité. Les « entravés » souffrent tant de l’impositionunilatérale d’objectifs que d’importantes limitationsdans leur liberté d’action. A ce déficit d’autonomies’ajoutepoureuxundéficitdedirectionetunedifficultéà se projeter. Le nombre de dirigeants appartenant àcette catégorie est d’autant plus grand que l’on serapproche de la base opérationnelle. Les « surmenés »souhaitentfortementsortirdelarésolutionquotidiennedeproblèmesopérationnelsafindeprendre letempsderéfléchir à leur activité. Ce profil semble davantagereprésenté dans les niveaux les plus élevés de lahiérarchie. Enfin, les « égarés » (20 %) déclarent souf-frir d’un manque total de repères, situation aggravéeparuneabsencededirection.Leurproportion,relative-ment importante croît fortement au niveau N-4.

Des situationspeupropicesaudéveloppementdes compétencesmanagérialesPréoccupants, ces résultats sont confirmés par les té-moignagesdenombreuxdirigeants,à l’instardeceluidudirecteur général d’une filiale d’une multinationale àstructure matricielle. Au cours d’un entretien, ce der-

nier se qualifia lui-même d’exécutant. D’un côté desobjectifs précis, émanant de plusieurs sources, luiétaient de plus en plus imposés par le siège ; de l’autre,les exigences des normes de certification se multipliantdans son activité imposaient le détail des actions àmener. La multiplication des contraintes institution-nelles ou techniques, particulièrement marquée dansles structures matricielles, tend ainsi à réduire lesmarges de manœuvre des dirigeants au point de leurôter tout pouvoir de décision, voire de les paralyser enles plaçant dans des situations inextricables. Dans detelles conditions, il est possible de s’interroger sur lapossibilité laissée à certains dirigeants de devenir desleaders ou des gestionnaires, tels que les décrit Zalez-nik ;dessituationsorganisationnellesdanslesquelleslesdirigeantssontpeuautonomes,nesaventpasoùilsvontet ne font qu’agir dans l’instant, n’est a priori propice niaux uns, ni aux autres : elles enferment dans un rôled’exécutant.

Hélas, cette tendance semble en plus se nourrirelle-même : le déficit de direction dont les personnesinterrogées souffrent se répercute en s’amplifiant auxniveauxhiérarchiques inférieursetexpliqueenpartie lebesoin accru de réflexion exprimé par beaucoup quicherchent àtrouverdesrepèresetdonnerunsensàleuraction. En effet, un dirigeant ne peut transmettre à sessubordonnés que ce qu’il a : il ne peut déléguer quel’autorité dont il dispose ; il ne peut leur donner uneorientation que s’il sait lui-même oùil va. Lorsque cettechaîne est brisée (et nos résultats semblent indiquerqu’elle l’est déjà à des niveaux très élevés), l’organisa-tion ne souffrepas seulementdu désengagement de sesmembres : elle perd sa capacité à former les dirigeantsdont elle a besoin pour le contrecarrer l

(1) « Leaders and Manager : are they different ? », HarvardBusiness Review. Cet article a été republié dans la même revue en1986, 1992 et 2004.(2) La direction par le sens est un concept différent de ceux dedirection par les ordres et direction par la stratégie.

La multiplicationdes contraintes institutionnelles tendà réduire les marges de manœuvre des dirigeants.

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Prisederesponsabilité :lesclefsdelaréussite

CHANGEMENT Trop d’analyse peut tuer l’action, l’action trop impulsive peutconduire à l’échec, voire au drame. Or, dans les périodes de transition,lors de la prise d’un nouveau poste, certaines tensions se trouvent exacerbées.

ar bien des aspects, la transition repré-sente l’état normal de la vie, sa formepermanente, qu’il s’agisse de la viephysiologique et psychologique, decelle des organisations et des institu-tions, des sociétés ou de l’écosystème.PLa stabilité n’est pas de ce monde, c’est

le mouvement qui domine, c’est-à-dire le développe-ment, aussi imperceptible soit-il, pour le meilleur... etpour le pire. Mais il est des périodes où la transition estplus marquée. La prise de nouvelles responsabilités faitpartie de celles-là et mérite exploration en raison de sacomplexité, de ses enjeux pour le nouvel « élu » maisaussi,bienentendu,pourl’ensembledel’organisation.Siles travaux des chercheurs et praticiens autour duleadership sont abondants, surtout dans les pays anglo-saxons, traditionnellement plus mobilisés sur ce thèmeque la France, relativement peu nombreux sont ceuxconsacrés à cette phase critique qu’est la prise de poste.

Nousavons nous-mêmesvoulu allervoirdeprèsce qui se passe concrètement dans la tête comme dansl’environnement de ces nouveaux leaders, et cela pourplusieurs raisons. En premier lieu, on sait bien que, àl’instar des fusions et acquisitions d’entreprises, le pour-centage d’échec des nouveaux dirigeants est importantsans que les raisons invoquées soient toujours satisfai-santes.Ensecondlieu, ilexisteautourduleadershipunesorte de mythologie de l’héroïsme qui nous semble trèséloignéedelavéritéduquotidien.Toutnouveaurespon-sable se débat en effet avec plus ou moins de talent, desoutien, de lucidité, d’anxiété, avec son nouvel environ-nement, « bricolant » jour après jour son insertion, sonprojet, sa légitimité, son action.

C’estce« bricolage »quenousavonsétudiédansunerecherchedenaturecompréhensive(1)Dans un premier temps, l’étude a regroupé plusieurs

d’HEC et d’Ashridge. Plus de 40 entretiens ont étémenés auprès de dirigeants d’entreprises, de fonction-naires, de responsables des ressources humaines et de« chasseursdetête »dansdifférentspaysd’Europe.Ontparticipé à cette phase préliminaire : Alcatel, Alstom,BP, Spencer Stuart, Egon Zehnder, NELMEHT, Lex,Sauer Danfoss, Volkswagen, Holset, Ricardo, Danfoss,Amersham Nycomed, BBC, Department of SocialSecurity, Sara Lee, Energis, Thomson CSF, Boots, Sihl,Scott Bader, Nokia, St Thomas’Hospital, Carnaud Me-talbox, Zuricher Kantonalbank, Russell Reynolds,Aventis, Shell.

Huit études de cas ont étéréalisées. Les membres de l’équipede recherche ont accompagné desdirecteurs généraux et des respon-sables − et leurs équipes − nouvel-lement nommés pendant six àdouze mois. Dans chaque entre-prise étudiée,des entretiensont étéconduits dans l’entourage du nou-veau leader auprès de différentsacteurs directement concernés parla transition : directeurs, encadre-ment intermédiaire, collabora-teurs, responsables des ressourceshumaines,dirigeants. Ladémarchea accordé une large place à l’obser-vation des responsables en situation de prise de fonc-tion dans leur nouvelenvironnement ainsiqu’au dialo-gue et à la discussion autour des décisions-clefs,stratégies, actions et comportements du nouveau res-ponsable et de son entourage.

L’équipe de recherche a ensuite présenté lesconclusions issues des études de cas dans le cadre dedivers ateliers de travail, réunions et conférences envue de valider les grands thèmes identifiés. Les conclu-

été publiées par l’équipe en octobre 2003 sous le titre« Leaders in Transition : The Dramas of OrdinaryHeroes », rapport de recherche conjoint Ash-ridge/HEC.

Avec le soutien d’HEC/CPA, un travail d’ap-profondissement et de redéfinition des conclusionsissuesde la phase 1a ensuiteétéentreprisafind’appor-ter aux responsables en activité des éléments suscep-tibles d’éclairer leur pratique. Une nouvelle séried’entretiensaétéconduiteauprèsdesresponsablesdesétudes de cas de la phase 1 pour leur soumettre ce quenous voyions émerger comme des tensions inhérentes

aux transitions de leadership. Nous leur avons de-mandé de réexaminer leur expérience à la lumière deces éléments. Ces entretiens nous ont permis d’affinernotre analyse. Dix dirigeants (secteur privé, adminis-tration, enseignement, sport) ont par ailleurs été inter-viewés en Grande-Bretagne et en France pour validerces enseignements et réunir de nouveaux témoignagessur la prise de poste. L’ensemble est rapporté dansl’ouvrage « Leaders et transitions », (Gilles Amado et

GILLES AMADO

Il existe autour du leadership une sortede mythologie de l’héroïsme qui sembletrès éloignée de la vérité du quotidien.Tout nouveau responsable se débaten effet avec plus ou moins de talent,de soutien, de lucidité, d’anxiété,avec son nouvel environnement.

Gilles Amadoest professeurau départementmanagementdes ressources humainesd’HEC Paris.Il est l’un des membresfondateurs del’International Society forthe Psychoanalytic Studyof Organizations (ISPSO),du Centre Internationalpour la Recherche, laFormation etl’InterventionPsychosociologiques(CIRFIP), et lecorédacteur en chef de la« Nouvelle Revue dePsychosociologie ».

chercheurs européens, membres et collaborateurs sionsdestravauxdelapremièrephasederechercheont Richard Elsner, Village Mondial, 2004). xx

RÉSUMÉLes dirigeants desentreprises apparaissentde plus en plus confinésà des rôles d’exécution,permettant peul’acquisition et l’exercicede compétences de

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xx Pour décrire l’espace-temps sur lequel évoluentnos responsables en transition, nous avons choisi deproposer une série de « tensions », centrales au coursde cette phase. La notion de tension renvoie en effet àune problématique, incontournable sous bien desaspects, qui ne manque pas de se présenter de façonplus ou moins permanente et avec laquelle le respon-sable se débat en fonction d’une série de contrainteset d’opportunités. Ce sont les dilemmes de la prise deposte.

Ces contraintes et opportunités dépendent engrande partie des pressions objectives, d’une analysepersonnelle des situations, d’un style de leadership,d’une personnalité et d’une histoire personnelle sin-gulières, de la nature des interactions passées, pré-sentes et prévues avec l’environnement immédiat etfutur.

C’est parce que tous ces éléments intervien-nent de façon plus ou moins consciente que lenouveau responsable « navigue » souvent, en son forintérieur, sinon dansson comportement,surunesortede continuum entre des pôles, à la façon d’un curseurqui se déplacerait sur un fil, au gré d’un vent partielle-ment maîtrisé.

En choisissant la notion de « tension » pourrendre compte des processus à l’œuvre dans la prisede poste, nous voulons dire que l’hésitation estnormale, qu’elle ne doit pas être mise de côté tropprécocement, au risque de la fuite en avant. Unecertaine « idéologie » du management a en effettendance à survaloriser la prise de décision et àsous-estimer l’importance du doute, de l’ambiva-lence, de l’ambiguïté.

Or, doute et engagement semblent indissolu-blement liés dans toute « bonne » décision prise, danstoute action bien menée. Ainsi, Aimé Jacquet, lecoach de l’équipe de France de football de 1998,reconnaissait-il : « Chaque matin, au réveil, je suisenvahi par le doute… », ce qui ne l’a pas empêché demettre en place un dispositif conduisant son équipe àla victoire en Coupe du monde.

Si, bien entendu, trop d’analyse peut tuerl’action (c’est le versant obsédant, obsessionnel dudoute), l’action trop impulsive (fruit d’une intolé-rance à la complexité) peut conduire à l’échec, voireau drame. Or, dans les périodes de transition, lors dela prise d’un nouveau poste, certaines tensions setrouvent exacerbées.

Septtensionscapitales

1. Lamissiondunouveauresponsable :transformer <-----> consolider

ment tout nouveau responsable : que doit-il préserver ?Que doit-il changer ?

Ledésird’imposersamarque,sonstyle,d’utiliserson expérience passée se heurte inévitablement à l’exis-tence, à l’idiosyncrasie, à l’histoire du système en place,qui contient ses forces et ses faiblesses, largementinconnues au départ. Le risque d’une affirmation tropbrutale de certaines options peut conduire à la destruc-tion de forces vives (départ de personnes compétentes,mise en place de procédures et mesures inadéquates),tandis qu’une préservation trop passive de l’existantpeut aller à l’encontre d’un développement souhaitableet/ou souhaité (des politiques, des personnes).

Le nouveau responsable doit tenir compte desobjectifs de l’organisation tels qu’ils lui ont été définis,maisêtreaussicapabledelesmodifierenfonctiondesonappréciation personnelle de la situation qu’il rencontre.

2. Lesrelationsavec lesautres− supérieurs,subordonnés, collaborateurs : développerdes liens <-----> maintenirunedistanceIl s’agit ici de la « juste » distance aux autres, de lagestion des frontières. Vouloir créer des liens est,certes, important, non seulementpour parvenir à apprécier correc-tement la nouvelle situation, maisaussi pour mettre en place, defaçon concertée si possible, denouvelles démarches, voire pré-server les acquis du passé. Enmême temps, ces liens peuventconduiresurunefausseroute, soitque leur privilège empêche decontacter des personnes toutaussi précieuses, souvent moinsextraverties, et plus compétentes.Le nouveau responsable setrouve ici aux prises avec destentatives de séduction, d’in-fluence qui peuvent le conduire sur le mauvais che-min. Soumis en grande partie à ces nouveaux alliés, ilrisque d’en être le jouet. Conserver son libre-arbitreimplique une dépendance raisonnée à ces personnes,aux nouvelles informations. Mais une trop grandedistance peut être perçue comme de l’indifférence,une difficulté à supporter une certaine forme d’inti-mitéetconduireenretouràuneméfiancedelapartdupersonnel. Entre le bel indifférent et le complice naïf,il y a sûrement un juste équilibre à trouver enpermanence pour mener à bien sa mission.

3. Laréciprocité : chercherde l’aide <-----> ajouterde lavaleurLa notion d’aide est cruciale dans les premiers moments.Le nouveau responsable est amené, s’il n’est pas trop

s’entourer des personnes compétentes, susceptibles d’ac-célérersaconnaissancedel’organisation.C’estsacapacitéàaccepterlenon-savoirquiestenjeuicietqui« titille »sonnarcissisme. Le respectdu savoir d’autrui est une marqueforte d’une attitude coopérative dont les effets peuventêtre importants à moyen et long terme.Mais le personnelen place attend aussi de la valeur ajoutée du nouveauvenu, du changement face aux scories du passé, duprofessionnalisme, du mieux-être. Trop d’adaptation àl’existant, trop d’accompagnement de la part des autresrisque d’être perçu comme de la superficialité voire del’incompétence, alors qu’une trop grande guidance peutêtre appréhendée comme la marque d’une certainearrogance ou d’extranéité (« il n’est pas d’ici », « il neconnaît pas la boutique, le secteur,etc. ») ; la dialectiqueprendre-donner est bien au cœur de l’ouvrage et c’estd’une juste réciprocité qu’il s’agit.

4. Lestyledécisionnel :imposer <-----> faciliterTout nouveau responsable, après un diagnostic de lasituation, exprime en général ses objectifs, ses orienta-tionsetdéfinitleclimatdetravailqu’ilsouhaitemettreen

place. Bien entendu, celapeut entraîner des résistances.Si certaines sont fondées, légitimes, d’autres peuventêtre le fruit de peurs irrationnelles, non justifiées auregardd’uneanalyse« sereine »delasituation.Toujoursest-il que les résistances sont toujours là et que lesresponsables ne sont pas à égalité (de lucidité, d’hu-meur…) face à elles. Elles touchent leur style deleadership, mettent en question leur tolérance à l’oppo-sition, leurs capacités de négociation. Certains d’entreeux se conçoivent davantage comme « facilitateurs » duchangement, prennent en compte les opinions desautres, accroissent leur implication dans les plans et lesréorganisations éventuelles. Tenants de la théorie X deMc Gregor (l’individu vise le moindre effort, n’estintéressé que par les compensations pécuniaires, …) etde la théorie Y (l’individu est naturellement motivé,

Le nouveau responsable doittenir compte des objectifsde l’organisation tels qu’ils luiont été définis mais être aussicapable de les modifier en fonctionde son appréciation personnellede la situation qu’il rencontre.

Lebesoindereconnaissancedes leadersrisqued’êtreleurpireennemi :c’estluiqui lesempêcheparfoisdepercevoirqueleposteproposécorrespondàuneplace impossiblepourleuréquilibre.

Cette première tension est celle qui anime prioritaire- mégalomaniaque, à reconnaître son besoin d’aide et à potentiellement créateur, …) s’opposent ici, alors que

Biographiel Gilles Amado, professeurde psychosociologie desorganisations au groupeHEC, a développé depuisplusieurs années l’approche« transitionnelle duchangement » avec denombreux collègues àtravers le monde.l « Leaders et transitions »avec Richard Elsner,Village Mondial, 2004, suitd’ailleurs deux ouvragesconsacrés à cetteapproche : « TheTransitional Approach toChange » avec AntonyAmbrose, Karnac Books,2001 et « The TransitionalApproach in Action » avecLéopold Vansina, KarnacBooks, 2005.

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c’est la prise en compte des réalités de l’organisationet des comportements observables qui semble la plusutilepour guider l’action. Dans les cas extrêmes, c’estl’opposition entre le dictateur et le « froussard » quiprend corps, à tort ou à raison, dans l’esprit descollaborateurs.

5. Lerythmeduchangement :prendresontemps <-----> foncerNotre étude montre que le timing du changementn’est pas appréhendé de la même façon par tous.Certains considèrent que plusieurs actions immé-diates doivent être prises, quoi qu’il arrive, dans les100 premiers jours, comme les responsables du Bos-ton Consulting Group le préconisent, voire dans les90 premiers, comme le suggère Michael Watkins (2),professeur à Harvard. Ces mesures immédiatescréent alors ce fameux « choc psychologique », dontde nombreux entraîneurs d’équipes de sport sontfriands quand ils reprennent un groupe en difficulté.D’autres, au contraire, prennent leur temps, pèsentles choses,réfléchissent, consultent,expérimententetétablissent des étapes plus progressives, comme leconseille le psychologue Gabarro (3). Dans cettephase de transition, le nouveau responsable ne dis-pose jamais de toutes les informations susceptiblesd’éclairer sonanalysecommesonprojet. Hyperactifs,hypomaniaques, fonceurs, lièvres d’un côté, pru-dents, hésitants, conciliants, tortues de l’autre, lacourse n’est gagnée à coup sûr ni pour l’un ni pourl’autre, mais chacun est ballotté entre ces deuxextrêmes, selon son analyse et son tempérament.

6. Philosophieet valeurs :faire leménage <-----> développerTrancher, « tailler dans le vif », « couper court » ou,au contraire, faire confiance, développer, redynami-ser correspondent à des philosophies, des valeursdifférentes plus ou moins solidement ancrées. Enréalité, ces deux mouvements existent au fond dechacun de nous et se trouvent mis en évidence parl’urgenceperçuede la situation. Maisonsaitaussiquecertainsdirigeantsfontappelàdescoupeursdetêtesàcertaines périodes du développement de leur organi-sation, avantde les remercier lorsque celle-ci apris savitesse de croisière, sachant pertinemment qu’ils nepeuvent gérer la stabilité. Le nouveau responsablequi souhaite s’investir à long terme dans l’entreprisen’échappe pas à ce dilemme éthique. Il peut êtreperçu comme courageux ou comme tueur, s’il choisitla « brutalité », comme timoré ou naïf s’il table sur ledéveloppement de l’existant. L’expérience montrequ’il y a des succès et des échecs dans les deux cas defigure et beaucoup de dégâts humains trop souvent.Agirviteetdemanièredécisivepeutéviterdelongueset pénibles guerres de tranchées mais l’impulsivitéincontrôlée existe aussi, avec ses écueils.

7. LoyautéTout responsable est pris entre deux feux, sa hiérar-chie d’un côté, ses collègues et subordonnés del’autre. Où va sa loyauté ? Idéalement envers tous.Pratiquement, il est aux prises avec des pressionssouvent contradictoires, sommé par les uns de fairepasser une politique, par les autres de résister àl’ingérable. Curieusement, on trouverait autant denouveauxresponsablesévincésparcequ’ilsontpris leparti de leur direction en se coupant de leur base queparce qu’ils ont trop soutenu celle-ci. C’est que leresponsableestpayépourdiriger, impulsermaisaussipour contenir des paradoxes (et non les résoudre),« fonctionner » comme médiateur entre des intérêtsdivergents. Les transitions exacerbent cette comple-xitéet fontapparaître le nouveauresponsableparfoiscomme l’un des boys, en manque d’autorité, oucomme le seul homme de la direction, insouciant dubien-être de ses troupes.

PsychismeettransitionSitantdeprisesdeposteconduisentàdeséchecs,c’estsans doute que ces dilemmes sont appréhendés avecune vigilance insuffisante mais peut-être aussi parcequ’ils mettent encausedes processus psychiques plusprofonds qu’il n’y paraît, donc difficiles à « maîtri-ser ». Essayons d’évoquer les plus manifestes.

Dans la plupart des cas, le nouvel élu plongedans un environnement organisationnel et humainrelativement méconnu. D’où un sentiment d’étran-geté, de solitude, des anxiétés plus ou moins persécu-trices parfois, dues à l’effritement des repères. Cettesolitude initiale, les affects et représentations qui latraversent, peuvent susciter plusieurs types de dé-fenses :l la survalorisation desapropreexpérience : l’expé-rience acquise ailleurs est plaquée sur la situationactuelle, comme si toutes choses étaient égales ;l le crédit systématique accordé aux rumeurs et leseffets dangereux de la prophétie auto réalisatrice qui

l la confiance aveugle dans le diagnostic donné audépart par sa hiérarchie au nouveau responsable.

Cette dernière « défense » semble constituerle piège le plus fréquent car il confère une sorte detoute puissance due à l’adoubement tout en tradui-sant la reconnaissance de dette : ayant été choisiparmi d’autres postulants possibles par ses supé-rieurs, le nouveau leader leur est redevable enquelquesorte.Touteanalysedifférentedelasituationrisque de susciter des sentiments de culpabilité.

Or, c’est bien le maintien de son libre arbitre,de sa propre autonomie psychologique (cognitive etémotionnelle), de cette sécurité « ontologique » dontparlaitLaing (4), quipermetce que je nomme « l’em-pathie contextuelle », c’est-à-dire la capacité àappré-hender le contexte organisationnel (son histoire, sesenjeux,lessourcesdesonéquilibre etdeseséventuelsdéséquilibres…) sans porter de jugement radical,dans une attitude compréhensive, en se laissantprécocement imbiber par luicomme une éponge.

Mais, on lesait, l’empathiea comme corollaire toujours pos-sible la remise en cause de sespropres certitudes. D’où la me-nace identitaire de toute ouver-ture authentique. Au demeurant,le juste dosage entre empathie etengagement est toujours menacépar la démagogie d’un côté, latoute puissance de l’autre.

Cette empathie contex-tuelle mériterait d’être assortied’une compréhension, sinond’une connaissance approfondiedutravail lui-même,àtouslesniveaux.Car,commelerappelle Henry Mintzberg, les dirigeants qui s’inté-ressent avant tout au macromanagement sont inca-pables de développer des stratégies intéressantes oudes approches novatrices car ils n’ont aucune idée dece qui se passe sur le terrain (5).

Autre écueil possible : le besoin de poser samarque, de laisser sa trace qui, pour légitime qu’ilpuisse paraître, peut conduire à l’effacement dupassé, du prédécesseur, à l’intolérance au travail dedeuil des collaborateurs.

Enfin, et peut-être avant tout, le besoin dereconnaissance des leaders risque d’être leur pireennemi :c’estluiquilesempêcheparfoisdepercevoirque le poste proposé correspond à une place impos-sible, voire dangereuse, pour leur équilibre.

LespressionsducontexteToutefois, les tensions auxquelles sont soumis lesnouveaux responsables ne sont pas que des produc-tions intrapsychiques. Elles ont, bien entendu, à voiravec le contexte économique au sein duquel ellesprennentplace,maisaussiavecunecertaineidéologiemanagériale. Ainsi, l’univers concurrentiel et le nou-veau pouvoir conféré au « client » par les directionsd’entreprises servent-elles de leviers à une séried’injonctions. « Plus vite ! » est la première d’entreelles. Anticiper, accélérer, produire des résultatsimmédiats : cette pression était présente à un degréextrêmedans la plupart des entreprises étudiées d’oùune priorité accordée à l’action rapide plutôt qu’à laréflexion et la consultation. « Adaptez-vous » enpermanence suggère la remise en question possible à

Incertitude, surcharge detravail, déstabilisation sem-blent le lot commun des nouveaux élus qui setrouvent ainsi en difficulté pour solliciter l’engage-ment collectif.

D’autant que la consigne suivante leur estsoufflée àdemi-mot : « Soyezprêts à faire tomber destêtes… y compris la vôtre ». Dans trois des études decas que nous avons menées, les responsables ontactivement participé au démantèlement de leurpropre organisationtout enencourageant leurs colla-borateurs à bâtir l’organisation du futur. A la fin del’étudedecas,outrès peudetemps après, leur propreposte n’existait plus…

« Un héros charismatique tu seras ! », leaderet non plus « simple » manager, capable d’entraînertes troupes, quoi qu’il arrive, vers le toujours plusgrâce à tes qualités de communicateur.

« Rien n’est jamais acquis », leur laisse-t-onentendre. Tous nos responsables étaient conscients

que leur carrière dans l’organisation était menacée sileur hiérarchie jugeaitqu’ils avaientéchoué dans leurmission. La culture dominante du monde de l’entre-prise veut que l’on accorde les plus hautes récom-penses (avec les excès que l’on sait) aux responsablesqui réussissent et que l’on dispose de ceux qui ont« échoué » avec une cruauté à peine déguisée. Dèslors, on comprend que les responsables ayant parti-cipé ànotreétude sesoientmontrés particulièrementvigilants quant à leur niveau de crédibilité auprès deleur boss.

L’ensemble de ces injonctions semble doncfaire pencher actuellement la balance des inévitablestensions versl’undespôles,commel’indique la figure(ci-dessus).

Maislesdéterminismesabsolusn’existentpas.L’histoire n’est pas écrite, la volonté et le couragecontribuentàla créer.Laprised’unnouveauposte estainsi l’occasion d’écrire quelques pages originales desa propre histoire, de celle de son organisation àtravers les inévitables dilemmes et contraintes que lavie ne manque pas d’imposer l

(1)Dans notre esprit, lebricolage est loind’avoirunsens péjoratif.Il renvoie à l’acception que l’anthropologue Lévi-Strausslui a donné dans son ouvrage « La pensée sauvage », Paris, Plon,1962.(2) M. Watkins, « TheFirst 90 days : critical Success Strategies forNew leader at All Levels », Boston, Harvard Business SchoolPress, 2003.(3) J. Gabarro, « When a New Manager Takes Charge », Har-vard Business Review, 63 (3), 1985, p.110-123.(4) R. D. Laing, « The Divided Self », Londres, Tavistock Publi-cations, 19.(5) H. Mintzberg, « European Business Forum », N° 23,

Anticiper, accélérer, produire desrésultats immédiats : cette pressionétait présente à un degré extrêmedans la plupart des entreprises quenous avons étudié d’où une prioritéaccordée à l’action rapide plutôt qu’àla réflexion et la consultation.

Figure 1 : les sept tensions capitales

idé

Transformer

Maintenir une distance

Ajouter de la valeur

Imposer

Aller vite pour obtenir des résultats

Faire le ménage

Servir la hiérarchie

Consolider

Développer des liens

Chercher de l’aide, faire sonapprentissage de l’organisation

Faciliter

Prendre son temps pour préparer

Développer

Fortespressions

économiqueset idéologiques

en résultent ; tout moment des plans et projets, voire des objectifs. 2005/2006.

RÉSUMÉLa prise de nouvellesresponsabilités constituetoujours une transitioncomplexe au cours delaquelle une série detensions, de dilemmessont vécus. Cetterecherche menéependant deux ans auprèsde nouveaux élus desecteurs très diverspermet de mettre enévidence sept tensionscapitales plus ou moinsexacerbées par lecontexte économique etidéologique actuel ainsique par les résonnancesqu’elles ont chez chacundes leaders.

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Pourunapprentissageduleadership

PERSONNALITÉ Le leadership s’apprend et se construit par un travail inscrit dansune structure bien définie. MBA HEC forme ces « leaders de demain ». Le potentiel dechacun se dévoile tout au long du programme s’inscrivant dans la durée, sur le long terme.

ormer des « leaders de demain » a tou-jours été la vocation des meilleures« business schools » mondiales (1).Mais à l’heure où tout le monde parlede leadership, on peut se demander dequel leadership il s’agit. CertainsFconfondent leadership et pouvoir.

D’autres assimilent leadership et stratégie. D’autresencorecentrentl’analysesurlapersonnalitéduleader.Sitoutes ces approches sont utiles, nous pensons quel’exerciceduleadershipneseréduitniàceluidupouvoir,ni à une stratégie ou ni à un type de personnalité. Leleadership est avant tout un acte, comme nous l’expli-querons en nous appuyant sur la thèse de CyrilleSardais (2). Nous montrerons ensuite comment nousavonstransforméceprincipeenpédagogiedans lecadredu programme MBA HEC.

Nous verrons comment le leadership s’apprend,seconstruitetsedéveloppeparuntravailinscritdansunestructure bien définie. Nous exposerons comment uneformationMBApeutcréeruncadrefacilitantlepassagedu management au leadership.

L’actede leadership commeprincipe fondateurSi penser le leadership passe par une démarche analy-tique et critique essentielle, il convient également d’ob-serverque« sansacte,leleadershipdemeureenpuissance− doncn’existepas− » (3).Cettethèsemetenexergueunlienintéressantentreleadershipetpouvoir,lepouvoirausens défini par Michel Foucault dans ses derniersouvrages comme un « mode d’action de certains surcertains autres » (4). Sardais reprend ainsi l’idée d’unpouvoircomme« uneactionsurdesactions »qui« struc-ture le champ d’action éventuel des autres ». Il associe celeadership comme « pouvoir en acte » au leadershiptransformationnel.

Ainsi, c’est dans l’exercice du pouvoir que naîtcetterelationparticulièreàl’autre,etc’estdansl’actequele leadership existe en créant une relation leader-sui-veur. Par ses actes, le leader est évalué, jugé, apprécié,aimé, rejeté et devient souvent, comme le dit WarrenBennis, un « écran sur lequel les suiveurs projettent leurspropres fantasmes dans la relation et le pouvoir » (5).Etablir, développer, entretenircette relationsefaitdansle temps et par étapes.

Dutempsde l’apprentissageà l’apprentissagedutempsParaphrasant les sept ages de l’homme définis parShakespeare dans « As you like it », Warren Bennisparle des « Seven ages of the leader » (6). Il évoque lesétapes de la construction du leadership à travers lesépreuves nécessaires à l’apprentissage. De l’enfant auvieillard, de l’innocence à la sagesse, chaque momentcomporte ses caractéristiques propres : trouver unmen-tor, s’entourer d’équipes, en faire des suiveurs, gérer lesrelations d’autorité, savoir écouter et s’adapter. Cetempsdelaconstructionduleaderseretrouveauniveaudu temps de la décision.

S’il faut en effet prendre le temps d’apprendre àdevenir leader, il faut également apprendre àprendreletemps : l’acte de leadership, le moment de la décisionpeuvent paraître soudains, mais le leader doit êtrecapabled’écouter,des’adapter,de« donnerdutempsautemps » pour peser le poids de ses propres actes etdécisions avant d’engager le processus de changement,de renouvellement nécessaire à toute organisation.

Le leadership est ce qui va transformer l’organi-sationbanaleen« institution »,c’est-à-direluipermettrede devenir un corps socialconscient de ses buts et de sesvaleurs, capable de s’affirmer face aux autres (7). Leleadershipestenquelquesortelepouvoir transforméenaction collective.

Le leadershipseconstruitpasà pasdans la relation à l’autre, parunsavoir-reliermoteurde laconstructiondesoiPour diriger, il faut également être capable d’appréhen-der et affronter la complexité. Il s’agit alors de dévelop-percette intelligence dela complexitépar uncomporte-ment d’écoute et d’ouverture : travailler une capacité àmettre en relation des individus, des cultures, à faire le

lien entre des savoirs, des compétences, des idées et àgérer ces relations afin de jouer un rôle de leader. Nousappellerons ce talent le « savoir-relier » (8).

Le leadership s’inscrit dans le rapport à autrui àtravers ce savoir-relier. Le regardde l’autre impliqueunregard sur soi-même. La différence ou la distance entredeuxindividuspermetdesecomprendre :plusl’écartestgrand,plus l’effortàfournirpourcomprendrel’autreestimportantetplus l’onapprend àseconnaître.C’est ainsique l’on construit la confiance en soi qui permettra auleadership, comme processus d’influence, de s’exercer.La construction de soi permet au leader de se découvriret de se savoir capable d’agir comme tel.

Il existe un paradoxe entre cette nécessité du« savoir-relier » et la solitude du leader dans la prise dedécision. La relation entre leadership et solitude estcomplexe : il convient d’être en harmonie avec soi-même pour prendre une décision parce que, même sielle est le produit d’une réflexion basée sur l’écoute, leleader prend seul ses décisions. Les médias parlentbeaucoup de leader « responsable », de« responsabilitésociale et sociétale » : en effet, si la décision est laresponsabilité du seul décideur, elle impacte et engageles autres membres de l’organisation ; elle devientcollective et sociale : « Le leader est celui qui nourritl’identité collective de son identité personnelle. Celasupposedesapartuneélaborationpersonnellecapabledetransformer des talents particuliers en aventurecollective. » (9)

Lacultureestaucentredecespropos.L’appren-tissage du rapport à l’autre passe par la compréhensionet l’acceptation des différences. La construction de soidoit se faire dans et par ces différences. L’exercice duleadershipdansuneorganisationreposesur lacapacitéàforger une identité fondatrice de valeurs communes,partagées par les individus qui participent de l’identitécollective.

Letravail de leadershipdans les formations MBANous pensons que le travail sur le leadership induit desréflexions/actions au niveau individuel, interpersonnelet collectif. C’est en associant ces trois familles decompétences que l’apprentissage pourra avoir lieu. Etnous pensons que le contexte d’un programme MBA àplein temps est l’espace-temps idéal pour ce travail.

Un MBA aux standards internationaux est uneformationimpliquantuneinterruptiondecarrièresigni-ficative(dixàvingtetunmois)pourdesindividusquiontdéjà une expérience professionnelle de (quatre à cinqansenmoyenne).Cette formationsesitueàunmomentcharnière de la vie et de la carrière des individus(vingt-huit, vingt-neuf ans). La pédagogie est adaptéepourfaciliterunapprentissageprocheduterrain,toutenpermettant une réflexion de fond à partir de donnéesthéoriquesetuneprisedereculsurlespremierstempsdecarrière et de vie.

L’un des éléments structurant d’un programmeMBA repose en effet sur les participants eux-mêmes.Avecdesexpériencesprofessionnelleset culturelles trèsdifférentes, ils enrichissent les cours et leurs apportsthéoriques par un vécu partagé lors des travaux degroupe et par leurs remarques, échanges et questionspendant les cours. A HEC, nous avons pris le parti deproposer à ces individus qui prennent le risque d’inter-rompre leurcarrièrelapossibilitédetester leurpotentieldeleadership etdesesituerdans leurcapacitéà prendredes décisions, à être responsable pour eux-mêmes etpour les autres. Si un programme comme le MBA nepeut prétendre « fabriquer »des leadersà partirde rien,nouspensonsqu’ildoitcependant jouerunrôleclefdansle développement du potentiel de leadership. C’est surce principe que le MBA HEC a choisi d’offrir à sesparticipants un cadre où chacun se construit pas à pasdans larelationàsoi-même,àl’autreetauxautresparuntravail individuel, interpersonnel et sociétal.

« Visionsof leadership »auMBAHEC :l’exercicedu leadershipauquotidienpendantseizemoisPour devenir leader il faut développer la connaissancede soi et apprendre à penser le leadership, à poser lesquestions qui dérangent, à gérer l’inconnu, les incerti-tudes, à dépasser ses doutes et ses peurs, mais aussi àprendre le temps de la décision. Quand le manager gèrel’opérationnel, le leader doit construire, façonner l’ave-nir qui permettra à l’organisation d’avancer.

Lorsque que l’on parle de « Visions of leader-ship » au MBA HEC, cela s’entend aussi comme« Vision du monde », anticipation des attentes et desbesoins, compréhension de l’environnement socio-éco-nomique et pari sur l’avenir(10).

VALÉRIE GAUTHIER

Valérie Gauthierest professeuret directeur déléguédu MBA HEC Paris.

Pour diriger, il fautêtrecapable d’appréhender et d’affronter la complexité.

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Quatre temps structurent notre programme de leader-ship et rythment cet apprentissage pour permettrel’exercice du leadership tout en facilitant une réflexionen continu.

Temps1 : lesconférencesUncycledeconférencesavecdesleaders internationauxde tous horizons permet aux participants d’être exposésà des exemples pour en analyser les réussites et leséchecs. La règle du jeu pour le leader est de « tomber lemasque » pour permettre aux participants de décorti-quer la réalité derrière la décision. Ainsi se nourrit laréflexion par l’exemple, les modèles et l’analyse de laréalité. Ces séances sont l’occasion d’une réflexion defond sur l’éthique et la responsabilité dans la prise dedécision, mais aussi sur l’équilibre personnel et profes-sionnel ou la comparaison entre leadership au sommetpar rapport à la position de « middle management ».

Temps2 : la dynamiquedegroupeEn créantdes situations de relationscomplexes fondéessur la diversité dans des petits groupes de cinq à sixindividus de nationalités et d’expériencesdifférentes (11), le MBA HEC apprend, les huit pre-miers mois à s’ouvrir aux autres et à mieux se connaîtresoi-même :testersonpotentiel,sonseuildetolérance,sacapacité d’écoute, mais aussi sa capacité à diriger lesautres, à mener la discussion, à entraîner le groupe versune réalisation commune. Le leadership s’exerce égale-ment dans les groupes formés pour la gestion de projetset l’organisation d’événements.

Temps3 : la communicationL’apprentissage du leadership passe également par untravail sur la communication. Les situations de commu-nication sont une opportunité pour apprendre à accep-

constructif, puis pour travailler son propre regard sursoi-même par l’autocritique. La capacité à prendre laparole en public, à écouter et à communiquer estfondamentale dans l’exercice du leadership. Le travailsur la communication est la clef et le moteur dudéveloppement de la confiance en soi.

Temps4 : la « semaine du leadership »et les« récompenses »Une semaine entière est consacrée au leadership, alter-nant différents modes pédagogiques : cas réels exposés,analysés et discutés en groupes avec le CEO, gestion deprojet, analyse et critique de leaderships politiques,communication de crise... Le contact, l’échange et lacritique des échecs et réussites de grands leaders favori-sent laprisede consciencedelaréalitéduleadership.Lasemaine s’achève par un travail écrit qui servira depremierrepèrepourlesindividusamenésà« sepenser »en tant que leader, à analyser leur propre perception duleadershipet àseprojeterdans leurdevenir. Ce premieressai,puisunsecond,permettentuntravaildeformalisa-tion de la pensée des participants qui gardent ainsi latracedeleurcheminement,deceparcoursdeleadershiptout au long du programme. L’évaluation de ces essaisest l’un des quatre critères de sélection des meilleursleaders de la promotion qui sont récompensés lors des« leadership awards » (les trois autres critères sont : unvote de leurs pairs, les résultats académiques et les actesde leadership), autre moment fort du programme quivient clore le cycle « Visions of leadership » du MBAHEC.

ConclusionC’est à travers une approche par l’analyse, la critique et

MBA HEC forme ces « leaders de demain ». En créantle contexte qui permet cet exercice du leadership, lepotentiel de chacun se dévoile tout au long du pro-gramme et bien au-delà, l’impact de la formations’inscrivantdansladurée,surlelongterme.Lacapacitéàprendre des décisions, à les exécuter en pilotant desprojets de groupe, en guidant d’autres individus, maiségalement à penser le leadership est ainsi testée etdéveloppée. Le leader se construit pas à pas, par desactes de construction de soi dans la relation à l’autre. Cen’est certes qu’un pas à l’échelle d’une vie. Mais c’est unpas important, pour que le pouvoir, lorsqu’il s’exerce,soit un leadership de qualité, au centre duquel l’humainjoue le premier rôle l

(1) Le slogan de Harvard est « Educating leaders who make adifference in the world », celui de Wharton « Leadership inaction » et, celui de Stanford, « Developing leaders for a changingglobal environment ».(2) Cyrille Sardais, « Leadership et création d’institution » thèsesoutenue en 2006 sous la direction de P. Fridenson et B. Rama-nantsoa.(3) Ibid.(4) Michel Foucault, section 306, « Le sujet et le pouvoir », « inDits et Ecrits II », 1976-1988, Paris, Quarto Gallimard.(5) Warren Bennis « The Seven Ages of the Leaders », HarvardBusiness Review, 2004.(6) Ibid.(7) B. Ramanantsoa et R. Reitter, « Pouvoir et Politique », 1985,McGraw-Hill.(8) V. Gauthier, J. P. Larçon, J. Lendrevie, « Le Savoir relier »,l’« Ecole des Managers de Demain », 1994, Economica.(9) B. Ramanantsoa et R. Reitter, op.cit.(10) D.Bernard, professeur affilié à HEC dans la « Tribune » du27 avril 2007.(11) 55 nationalités, une expérience professionnelle d’environ six

ter le regard de l’autre sur soi, un regard critique et l’exercice du leadership (ACE) que le programme ans dans des contextes de management international. et sociétal.

Lecommandementmilitaire,inspirationdumanagement

EXPÉRIENCE Une étude a été menée pour comprendre les parallèles qui existententre le commandement militaire et le management civil. Il en est apparu, que l’autoritédu leader repose sur quatre piliers : exigence, compétence, exemplarité et amour.

pprendre à diriger, voilà notremission à l’Ecole Spéciale Mili-taire de Saint-Cyr Coëtquidan.Durant une semaine, nous avonsété confrontés à un environne-ment encore inconnu pour nousAet qui devait devenir familier au

cours des années à venir. Cet environnement nous a étéprésenté comme celui du commandement et du mana-gement, en portant l’accent sur le fait que les deuxréalités ne sont pas si éloignées que cela, et que danscertains cas, elles sont identiques. C’est pour com-prendre ce lien que nous avons passéquelques jours surle terrain à expérimenter ces concepts dans un contexteoù militaires et civils coopérent pour la bonne marched’unemission.Pourcela,nousavonseul’occasiond’êtreinitié à cette coopération à travers une mission desauvetageetunemissiondesurviesur leterraind’entraî-nement des militaires de l’Ecole Spéciale. En parallèle,des professeurs d’HEC étaient présents tout au long duséminaire afin d’échanger sur notre expérience et dres-ser des comparaisons entre la théorie et le caractèrepratique de notre mission. Cette innovation de l’écoleHEC constitue pour nous une première expérience dumanagérat autour des notions de leadership et d’espritd’équipe. C’est à travers cette expérience qu’HEC asouhaité nous faire découvrir le sens de cesdeux termes et leur importance dans le quoti-dien d’un étudiant en Ecole de Commerce etd’un futur manager. Nous avons eu l’occasionà tour de rôle de prendre la position de leaderauseindesdifférentsexercicesquinousontétéproposés, et chacun a pu obtenir un retour surce qui a été décidé et exécuté. Une chosefondamentale en est ressorti le leader ne peutêtre un bon leader que s’il est suivi par uneéquipe soudée et ceci que ce doit dans uncontexte de management ou de commande-ment.

Nousavonsalorsmenéuneétudepourcomprendre les parallèles qui existent entre lecommandement militaire et le managementcivil.Pourcelanousavonsrencontréplusieurs

du leadership et la pertinence de cette comparaison.Cela était un moyen efficace de conceptualiser ce quenous avions vécu sur le terrain mais aussi d’en tirer desleçons très concrètes pour notre avenir professionnel.Au terme de cette enquête, il nous est apparu, pourreprendre les termes d’un ancien Chef de l’Etat-majordel’ArméedeTerre,que l’autoritéduleader repose surquatre piliers : exigence, compétence, exemplarité etamour. Tout d’abord, le manager doit être exigeantautant envers lui-même qu’envers ses employés. Celaafin d’obtenir un résultat toujours meilleur et d’amenersesemployésà progresserdanstous les domaines. Cettequalité peut aussi setraduire par le dévouement du chefet de ses subordonnés dans leurs actions.

EspritdedécisionEnsuite, l’autoritén’existepassanscompétence.Celanesignifie pas pour autant qu’il doit être spécialiste danstouslesdomainescarildoitlaisserlaplaceàsesemployéslà où ils peuvent être meilleurs que lui. En effet, il estnécessairededéléguerafinquechaqueacteurtrouveunespace libre pour mettre sa compétence au service de lacompétence collective. Une des qualités essentiellesdans ce domaine est l’esprit de décision : la capacité à

garder la tête froide dans l’urgence et le stress. Cetteexigence est d’autant plus vraie dans le monde militaireque le commandant évolue dans un environnementparticulièrement dangereux. De plus, nous avonsconcrètement compris durant notre stage qu’il vautmieux qu’un leader prenne une décision même impar-faite qu’aucune décision. La compétence du leader setraduit aussi dans sa capacité à communiquer avec tousles échelons hiérarchiques. Cela permet une bonnecompréhension des directives de la part des subordon-nésmais aussicela favorise larelation de confiancedansla hiérarchie. La compétence débouche sur l’exempla-rité, c’est-à-dire le désir du leader de faire de son mieuxdans tous les domaines de la vie professionnelle, maisaussi de la vie quotidienne, pour faire naître en sessubordonnés la volonté de lui ressembler.

Enfin l’amour ou l’humanité − et les mots sontpesés − désigne le fait de considérer humainement sesemployés. Faire preuve d’humanité amène le subor-donné à travailler plus volontiers et à s’investir davan-tage. D’autre part cela rejaillit sur les relations entre lesemployés eux-mêmes. Un général nous a confié que laqualité la plus appréciée chez le commandant par dessubordonnés est l’humilité, c’est-à-dire cette capacité àreconnaître ses fautes mais aussi à se considérer commeauservicedeseshommesetdelaréalisationdel’objectif

commun. En un mot, l’objectif du leader avecses employés est de parvenir à un tout supé-rieur à la somme des parties.

Les exigences du manager sont assezsimilaires à celles du chef, mais la recette ducommandement dans l’armée n’est pas direc-tementapplicabledansl’entreprise,avanttoutparce que l’environnement est différent. Plusque de savoir faire respecter ses ordres, lemanager aura besoin de la capacité de mobili-ser l’enthousiasme de ses équipes sur unemission par exemple. Il s’agit donc pour lemanager de sélectionner les qualités du chefqui lui permettront de faire travailler efficace-ment ses équipes. Rigueur dans les valeurs,justesse de jugement et capacité de dialogue

font partie de ces qualités qui feront de lui un

RÉSUMÉPour mieuxcomprendre le lienentre commandementmilitaire et management,des élèves d’HECont passé quelques jourssur le terrainà Saint-Cyr Coëtquidanpour expérimenter

NICOLAS BARBIER, BAUDOUIN DE TORCYET ISABELLE FETET

Nicolas Barbierest étudiant à HEC.

Baudouin de Torcyest étudiant à HEC.

Isabelle Fetetest étudiante à HEC.

Lesélèvesd’HEC,lorsd’unemissiondesauvetageetd’unemissiondesurviesur

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généraux et PDG afin de cerner leurs visions leader d’envergure lleterraind’entraînementdesmilitairesdel’EcoleSpécialeàSaint-CyrCoëtquidan.

RÉSUMÉMBA HEC a choisid’offrir à ses participantsun cadre où chacunse construit pas à pasdans la relationà soi-même, à l’autreet aux autrespar un travail individuel,interpersonnel

ces concepts.

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Equipesdedirection :pourquoiunteldéficitdecoopération ?

FONCTIONS La qualité de la coordination hiérarchique au sein d’une équipe de directionest en moyenne de 4,70 sur une échelle de 6. Les collaborateurs déclarent ne définirque rarement leurs objectifs eux-mêmes, avant de les négocier avec leur supérieur.

ans son livre « The Human or-ganization : its managementand value » paru en 1976, lepsychologue américain RensisLikert met en évidence quatretypes de management : autori-Dtaire exploiteur, autoritaire pa-

ternaliste, consultatif et participatif. Le troisièmeapparaît, dans ses recherches, comme le moins per-formant bien qu’il soit à l’époque le plus répandu. Lemanagement participatif est quant à lui celui quiconduitaux meilleurs résultats. Il reposesur le travailen équipe, coordonné par un manager, et s’articuleautour derèglesdujeucommunes.Auseindechaqueéquipe, le développement individuel et collectif descollaborateurs est de la responsabilité du manager.L’orientation s’organise autourd’objectifsglobauxetpersonnels, ambitieux et fixés collectivement. Lesmembres du groupe coopèrent étroitement. La prisede décision et le contrôle s’effectuent conjointement.Enfin, dernier principe, chaque manager occupe uneposition charnière entre deux niveaux hiérarchiquessuccessifs, facilitant ainsi l’articulation verticale desactivités et la coordination globale au sein de l’entre-prise. Le management participatif « de groupe »,comme il est parfois qualifié (figure 1c), est fondé surla coordination du manager et la coopération au seinde l’équipe. Il s’opposeàunmanagementfondésur ladevise « diviser pour régner » (figure 1a) et à lapseudo-participation(figure1b), quiconsisteàréunirrégulièrement les collaborateurs pour lesinformer et,le cas échéant, les consulter, mais sans jamais réelle-ment entrer dans uneconfrontationde points de vue,tant hiérarchique que latérale.

Qu’en est-il du management participatif au-jourd’hui, trente ans après la recommandation deLikert ? Son application s’est-elle intensifiée ou a-t-elle, au contraire, régressé ? Le modèle de manage-ment préconisé par l’auteur s’avère-t-il suffisant àl’épreuvedesfaitsetdutemps ?L’applicationdetroisdémarches mises au point à HEC Exed et largementexpérimentées (voir encadrés) auprès de nombreuxdirigeants de tous types d’entités et de plusieurssecteurs d’activité montrent que le système consulta-tif reste malgré tout dominant. Ces résultats sontcorroborés par des enquêtes menées en parallèle cesquinze dernières années. En outre, le managementparticipatif, tel que le propose Likert, manque destabilité et court en permanence le danger de sedéliter.Fondésur letravailenéquipe, ilnepermetpasaux relations transversales entre collaborateurs des’épanouir et se consolider face à la prépondérancedes relations hiérarchiques.

LemanagementconsultatifMalgré toutes les mises en garde émises à sonencontre par les théoriciens des sciences humainesdepuis de nombreuses années, le managementconsultatif continue à régner en maître dans lesentreprises. Kathleen Eisenhardt, professeur à l’uni-versité Stanford, apporte en 1997 un témoignageaccablant à ce sujet. Ses recherches sur la prise dedécisionauseindescomitésdedirectiond’entreprisesnord-américaines conduisent aux constats suivants :le président accapare la parole, la participation desautresmembres estfaible,cesderniersn’affichentpasdepositions contraires àcelle de leur dirigeant et il y atrès peudeconflits. End’autrestermes,mêmeauseindes comités de direction, la participation de grouperecommandéepar Likertseraitunmythe.Eisenhardtavance quatre explications de cette absence deconfrontation de points de vue : le leader réprime leconflit, inhibant ainsi l’expression d’opinions diffé-rentes ; la camaraderie entre les membres du comitéconduit à de l’autocensure ; le conflit est perçucomme désagréable et donc évité ; tous enfin redou-tentdes débats sans fin. Faceà ceconstat,ellesuggèreaux comités de direction, non pas de promouvoirl’harmonie, mais de créer du conflit en leur sein en

des équipes hétérogènes dans lesquelles les points dedésaccord ont une plus grande chance de se multi-plier ; accroître la fréquence des échanges car leconflit est récurrent ; encourager la culture de rôlesdistincts dans laquelle chacun est incité à jouer le rôled’un autre pour mieux comprendre sa position ;développer des heuristiques pour organiser laconfrontation de points de vue.

Cette prédominance du management consul-tatif s’observe également dans les équipes de direc-tion en France. C’est ce que révèlent les différentsateliers (1) organisés par HEC Exed dans lesquelsenviron 300 dirigeants d’entités organisationnellesviennent présenter chaque année, sur le ton de laconfidence,dessituationscomplexesdemanagementauxquellesilssontconfrontésetdanslesquelles ilsontune décision à prendre. D’aprèsleursrécits, ilssevoientimposerlavision, quand il y en a une, et lastratégie, quand elle est commu-niquée, sans jamais pouvoir don-ner leur point de vue. Mêmelorsqu’ils sententqu’unegraveer-reur est en train d’être commise,ils doivent appliquer les direc-tives. Ils sont forcés de s’aligneralorsqu’ilssouhaiteraientunajus-tement mutuel. Ils ne partagentjamais en profondeur leurs expé-riences avec leurs pairs et éprou-ventunegrandesolitude.Lesréu-nions de comité sont plutôt rareset, quandelles ont lieu, ils yassistent sans yparticiper.Les instruments de gestion multiplient lescontraintes,restreignentlechampd’initiativeetcana-lisentenconséquencelescomportements.Onesttoutà fait dans la pseudo-participation dénoncée parLikert.

Par ailleurs, on constate que les dirigeants oucadres dirigeants responsables d’équipe n’ont pasl’habitude de construire avec leurs collaborateursimmédiatsunprojetcommun(unpourquoietunversquoi, puis un comment, et enfin un qui fait quoi,définis collectivement)(2). Ilest rare queles uns et lesautres soient amenés à exprimer leurs visions et à endébattre. Face à la proposition de les accompagnerdans ce travail, ils réagissent assez souvent par unscepticisme a priori. Néanmoins, les résultats dudispositif d’élaboration d’un projet commun mon-trent combien celui-ci comble un déficit de travail enéquipe, satisfaitunbesoinoubliéde travail collectifetaide à redécouvrir le plaisir à bâtir ensemble.

Enfin, l’application de la démarche de renfor-cement de la cohérence verticale et latérale (3) re-quiert que les membres d’une équipe de directionharmonisent leurs visions, objectifs et plans d’actionentre eux, sans leur supérieur, avant d’entamer uneintégration hiérarchique avec ce dernier. Lorsque lesdirigeants sont informés par un facilitateur de ladémarche de son intention de travailler avec leurscollaborateurs immédiats sans eux-mêmes, ils mani-

méfiance. Néanmoins, lors dudéroulementdudispo-sitif pédagogique, les principales difficultés se situentclairement au niveau des relations latérales : c’est làque se situe le nœud deconflits et que s’expriment lesantagonismes. Le temps passé en moyenne à renfor-cerlacohérencelatérale(entrecollègues)esttroisfoissupérieur à celui consacré à l’intégration verticale(avec le supérieur). La liberté de parole, permise parl’absence du supérieur et canalisée par le facilitateur,contribue à multiplier et densifier les échanges.

L’application de ces démarches de manage-ment met en lumière l’absence d’une coopérationglobaleassurantà lafoisladifférenciationetl’intégra-tion des responsabilités au sein des équipes de direc-tion. Elle illustre aussi le déficit de coopérationlatérale entre les collaborateurs directs du dirigeant.

Ce ressenti est confirmé par les résultats d’enquêtespar questionnaire et d’entretiens individuels, sur leniveau de cohérence des responsabilités, des déci-sions et des actions au sein des équipes de direction.La cohérence verticale, qui exprime la qualité de lacoordination hiérarchique au sein d’une équipe dedirection, estenmoyennede4,70 sur uneéchellede6.Ce chiffre est certainement surévalué du fait dequestions relatives à la cohérence imposée par ladirection par objectifs et les différents instruments degestion. En effet, les collaborateurs déclarent nedéfinir querarement leurs objectifseux-mêmes avantde lesnégocieravec leur supérieur, etestimentnepasêtre évalués en fonction de l’atteinte des objectifs quileursontimposés.Lacohérence latérale,quiévaluelaqualité de la coopération entre les collaborateursimmédiats du responsable de l’équipe, se situe à unniveaumoyenplusfaible4,12toujourssuruneéchellede6. Il ressort de l’analysedes résultats relatifs à cettecomposante, quatre constats. Les collaborateurs ontpeu l’habitude de se coordonner entre eux. Ils n’har-monisent pratiquement jamais leurs objectifs avecceux de leurs collègues. Ils élaborent très peu deprojets ou de plans d’action en commun. Enfin, ilsrecourent souventà leur supérieur hiérarchique pourarbitrer leurs différends. Ce faible niveau de cohé-rence latérale s’explique par le fait qu’aucun équiva-lent à la démarche qualité, renforçant les relationslatéralesauniveauopérationnel,n’aétédéveloppéau

MICHEL FIOL ET NICOLAS MANGIN

Le management participatif, tel quele propose Likert, manque de stabilité.Fondé sur le travail en équipe, il nepermet pas aux relations transversalesentre collaborateurs de s’épanouiret se consolider face à la prépondérancedes relations hiérarchiques.

Michel Fiolest professeurau départementcomptabilitéet contrôle de gestion,d’HEC Paris.

Nicolas Manginest doctorant HEC.

Figure 1 : les trois formes de management selon Likert

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Management participatif(de groupe)

1c

Management exploiteur(autoritaire ou paternaliste)

1a

Management consultatif1b

appliquant l’un des quatre dispositifs suivants : avoir festent de la surprise, de l’inquiétude voire de la niveau des équipes de direction.

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- 11Les Echos - Jeudi 15 mai 2008L’ART DU MANAGEMENT

Enfinunedernièreenquête (4) destinéeàexplorer lacapacité des collaborateurs à travailler ensemblesans leur supérieur, a mis en évidence plusieursconditions favorisant la coopération latérale au seindes équipes de direction. Trois sontparticulièrementdiscriminantes : le supérieur évite de diviser pourrégner ; ses actes sont en accord avec ses discours ; iltraite de manière équitable tous ses collaborateurs.Cinq autres apparaissent également importantes :l’organisation de réunion entre collaborateurs enl’absence de leur supérieur, la résolution de leursconflits sans que ce dernier n’intervienne, l’entraideencas dedifficultés, la réalisationde projets collectifsdont ils assument ensemble les conséquences, laresponsabilité conjointe d’un ou plusieurs objectifs.A l’inverse, deux facteurs n’influent en rien sur lacoopération latérale : le fait de se réunir entrecollaborateurs en dehors du travail et l’évaluation àpartir de critères de performance collective.

Quelques interprétations decemanquedecoopération latéraleOn peut faire l’hypothèse qu’il est difficile pour undirigeant de se départir d’un système fondé surl’autorité descendante et sur la séparation des fonc-tions des collaborateurs. Pour les managers intervie-wés, le management consultatif exige moins detemps qu’un système participatif. Il aligne les posi-tions sans grand effort de conviction et de communi-cation de sa part. Il confirme l’autorité du supérieuret maintient les rapports de force. Il laisse le pouvoird’arbitrage au dirigeant. Ilautoriseenfin les compor-tements inéquitables. A la domination des manage-ments autoritaires exploiteur et paternaliste, lesdirigeants préfèrent le compromis de façade qu’au-torise le management consultatif, mais ils résistent àl’intégration latérale et au management participatif.La peur de se couper de sa base et de devenir inutile,ou de créer les conditions d’une possible rébellion etde perdre du pouvoir peut expliquer l’appréhensiondesdirigeantsà laisser leur équipetravaillersanseux.

Mais, selon nos enquêtes, une autre raison,plus surprenante vient s’ajouter aux précédentes :paradoxalement, lesmembresd’une équipededirec-tion sont relativement peu demandeurs d’un renfor-cement de la cohésion latérale. Alors qu’ils sont82 % à considérer la cohérence verticale commeimportante, ils ne sont que 63 % à adopter la mêmepositionauregardde lacohérencelatérale. Pourquoine veulent-ils pas davantage de cohérence latérale ?Est-ce du fait d’une conception individualistede leurfonction,d’unefocalisationexcessive surlarelationà

leur supérieur hiérarchique au détriment des autresrelations professionnelles, ou d’un rejet massif de la« réunionite » ? Il se pourrait que ce soit tout simple-ment parce qu’ils ne savent pas ce que c’est, faute del’avoir jamais pratiquée.

Les instruments de gestion traditionnels quis’inspirenttous àdes degrés divers de la directionparobjectifs et qui permettent aux dirigeants d’agir parmanettes interposées, sont fondés sur des postulatsqui ne tiennent plus aujourd’hui. Trois exemplesparmi d’autres : la stratégie de l’organisation estclaire, connue et acceptée de tous ; face à une mêmesituation, les membres de l’équipe de directionpartagent les mêmes chaînes de causalité entreobjectifs et moyens ; les faits et les valeurs sontfacilement dissociables. Articulés dans le mondeoccidental autour de laprééminencedudirigeant, lesinstruments de gestion alimentent le cloisonnemententre les collaborateurs et la focalisation de chacund’eux sur sa propre responsabilité. La gestion parprojets devrait remédier à ces effets pervers ; maiscommeladémarche qualité,elle agitessentiellementau niveau opérationnel.

TroisfacteursAcausedecestroisfacteurs, lemodèleparticipatifdeLikert ne parvient pas à se maintenir. En effet, telqu’ilest conçu, ilreposesur le travaild’équipe (figure2a) qui combine des relations à la fois hiérarchiqueset latérales. Hélas, dans cette configuration managé-riale, la présenceactivedusupérieurtendà s’imposeret à fragiliser les relations entre pairs (figure 2b). Larelationhiérarchiquenetrouvealors plus soncontre-poids nécessaire dans les relations latérales. Ceprocessus aboutit à terme à une situation où seulesles relations hiérarchiques subsistent, établissant unmanagement de fait consultatif. Le travail en équipese réduit à de la pseudo-participation (figure 2c).Dans cette situation, Freud met en garde contre ledanger de l’iniquité susceptible de fragiliser lesrelations hiérarchiques, jusqu’à aggraver les antago-

geant (figure 2d). La coopération latérale doit êtreencouragée, dynamisée et protégée (figure 2e) pourassurer un management pleinement participatif (fi-gure 2a).

Cet article repose sur les observations réali-sées grâce à trois méthodes pédagogiques dévelop-pées à HEC Exed et utilisées régulièrement dans lesformationsdecadres-dirigeants : Solfiqui estmiseenœuvre depuis dix ans, Ovar, depuis plus de vingt ans,et Expo, née récemment. Ces trois démarches relè-vent de la maïeutique. Elles sont pour but d’inciterles membres d’une équipe de direction à s’accordersur les questions avant d’aborder les réponses. Cha-cune vise, à sa manière et à partir de questionsdifférentes, à ouvrir progressivement, par l’échangeavec d’autres personnes, le regard des managers surles situations qu’ils vivent dans leurs équipes. Endéveloppant une réflexion plus fine sur les questionsqui se posent à eux et sur la façon dont les personnesautour d’eux abordent ces mêmes questions, lesmanagers sont moins susceptibles de se mettre endanger par les réponses qu’ils y apportent l

(1) Ces ateliers s’articulent autour de la démarche Solfi mise aupoint de HEC Exed (voir encadré).(2) C’est ici la démarche Ovar qui est utilisée dont l’une desfinalités est de servir de support pour construire un projetcommun avec l’ensemble des membres d’une équipe de direction(voir encadré).(3) La deuxième finalité de la démarche Ovar, sollicitée ici,consiste à renforcer la cohérence hiérarchique et transversale ausein des équipes (voir encadré).(4) Enquête menée auprès des six groupes d’environ 25 cadresdirigeants appartenantà la même entrepriseetdont l’unseulementmontrait que ses membres vivaient des situations de coopérationlatérale satisfaisantes.

OvarDans touteéquipe chaquemembre se représente menta-lement sa fonction et celle de ses partenaires de travail.Mais il est rare que ces différentes représentations men-talesémergent et soientpartagées. En conséquence, touséprouvent des difficultés à décoder ce qui est attendud’eux : ils n’y parviennent que par tâtonnement, auhasardd’entretiens et de réunions. Chaquecollaborateurse représente ainsi la fonction de son supérieuret celledesescollègues,mais toutesces représentationsne sontquetrès rarementconfrontées.Unedes raisons decette faiblecommunication est l’absence d’une démarchequi l’orga-nise.Ovar répondàcebesoinen organisant lepartagedesreprésentations et leur mise en cohérence.Ovar répond à deux finalités distinctes et de ce fait revêtdeux modalités différentes. La première consiste à ame-ner tous les membres d’une équipe de direction (supé-rieurs et collaborateurs directs) à construire ensemble unprojet commun, sur un horizon de préférence à moyenterme (par exemple trois ans) et selon une approcheparticipative proche de celle recommandée par Likert. Ils’agit de déterminer ensemble les représentations àpartager : ce que l’on veut devenir, les moyens d’yparvenir et le rôle de chacun dans l’accomplissement dece projet. L’objectif est alors de renforcer la cohésionsocio-culturelle fondée sur le projet commun et la cohé-rence globale de l’équipe reposant sur la répartition desresponsabilités conjointement définie.

SolfiConfrontés à une situation complexe dans laquelle ils ont

Figure 2 : sortir du management consultatif sans s’isoler

idé

(a) Relations d’équipe(d) Isolement (c) Relations hiérarchiques

(e) Relations latérales

(b) Divisions

Supérieur

Subordonnés

Equipe de direction

Liens forts

Liens fragilisés

nismes entre pairs et provoquer l’isolement du diri-

La deuxième finalité est la mise en cohérence verticale etlatérale de l’équipe, sur un horizon à court terme (1 an).Elle amène méthodiquement chaque membre d’uneéquipe à définir et à exprimer la représentation de safonction en devenir et de celle de ses partenaires. Puis,dans l’interaction avec ces derniers, chacun prendconscience d’éventuelles incompréhensions au sein del’équipe. La méthode leur fournit un cadre dans lequel ilspeuvent harmoniser leurs représentations, préalable né-cessaire à une coopération et une coordination actives.Point important, cette harmonisation se fait dans unpremiertempsen l’absencedu supérieur hiérarchique,demanière à ce que la coopération latérale ne soit pasperturbée par les arbitrages de ce dernier. Une fois lesdifférents réglés entre pairs, l’équipe est réunie au com-plet, c’est-à-dire avec le supérieur.

ExpoLa démarche Expo est le pendant de la démarche Solfi ence qu’elle amène les participants à réfléchir non sur unesituation difficile, mais sur des expériences positives. Ils’agit d’en dégager et d’en comprendre les ressorts afind’entirerdesenseignementsetde lesprésenterdevantunpanel de professeurs qui les interprètent à la lumière deleur propre grille d’analyse. Cette démarche pallie uneconséquence fâcheuse dumanagementpar exception : laconcentration de l’attention des managers sur les échecs,qui les empêche d’apprendre des succès.

à décider, les managers réagissent en appliquant certainsréflexes mentaux qui leur permettent de simplifier unesituation : inférence du problème à partir des solutionsconnues ; vision étroite des situations faisant perdre enchamp de vision ce qui est gagné en focalisation ; postu-lats et chaînes causales inconscientes ; repli sur les certi-tudes ; etc.La démarche Solfi regroupe des managers dans desateliers, comprenant quatre personnes accompagnéesd’un facilitateur et dans desquels chaque personne pré-sente une situation complexe à laquelle elle est confron-tée. Lesautresmembresdugroupeet le facilitateuraidentalors le manager qui expose sa situation à prendreconscience de ses principaux réflexes mentaux, à mieuxcomprendre la situation et à ouvrir les possibles ensuggérant des éclairages jusque-là ignorés.

RÉSUMÉCet article reposesur les observationsréalisées grâceà trois méthodespédagogiquesdéveloppées àHEC Exed : Solfi,Ovar et Expo.Pour les managersinterviewés,le managementconsultatif exige moinsde temps qu’un systèmeparticipatif.