arnold paul la rose croix et ses rapports avec la franc maçonnerie

Upload: pedro-hernan-rojas-young

Post on 02-Jun-2018

232 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

  • 8/11/2019 Arnold Paul La Rose Croix Et Ses Rapports Avec La Franc Maonnerie

    1/21

    1

    PAUL ARNOLD

    LA ROSE+CROIX

    ET SES RAPPORTS AVEC LA FRANC-MAONNERIE

    LERENOUVEAUROSICRUCIENETLANAISSANCEDESLOGES

    Vingt ans aprs les derniers chos de ce que j'appelais la querelle de la Rose-Croix, la philoso-

    phie lance par la fictive Fraternit connat en Angleterre un renouveau d'intrt qui n'est pas, ce

    semble, sans lien avec la naissance des loges maonniques.

    Ecrivant sous le pseudonyme d'Eugenius Philalethes - ami de la lumire, illumin - Thomas

    Vaughan, n en Ecosse en 1622, l'extrme fin, donc, de la bataille rose-croix, publie en 1652 la

    premire traduction anglaise des deux premiers manifestes, la Famaet la Confession, tout en pro-

    clamant son tour, comme ses prdcesseurs de 1614-1620, qu'il n'tait pas Frre Rose-Croix .

    Mais philosophiquement cette renaissance se situe dans un cadre fort diffrent. Les livres de Vaug-

    han sont un conglomrat des doctrines rosicruciennes, paracelsiques, alchimiques et des ides de

    l'abb Trithme sur les recteurs ou gouverneurs du monde. Il suffit d'analyser le titre de tel

    ou tel de ses livres pour s'apercevoir que Vaughan n'a t qu'un compilateur fru de syncrtisme.

    Tel L'Euphrate ou les eaux de l'est, bref discours de la fontaine secrte dont les eaux coulent du

    feu et portent en elles le baume du Soleil et de la Lune (1).

    Dans ce livre Philalthes entend se rattacher la vraie rvlation et la tradition de saint Paul.

    Du moins ne manque-t-il pas de courage en dnonant l'intolrance qui rgne en Angleterre puri-taine - celle qui met un terme aux fastes intellectuels et sociaux de l'poque lisabthaine et jaco-

    benne et qui fait fermer pour trente ans les thtres -, il proclame que ni le protestantisme officiel

    ni le catholicisme ne dsarment dans la guerre qu'ils font au christianisme sotrique (2). A dfendre

    celui-ci, affirme Vaughan, on passe aisment pour anabaptiste (3), ce qui n'est du reste pas nouveau

    du moins pour l'Allemagne. Au demeurant Vaughan reprend les vaticinations des premiers rosicru-

    ciens sur l'avnement de l'Esprit et, dans son Introitus apertus (4) dcrivant non sans emphase la

    nouvelle Jrusalem, il annonce la grande esprance. Cet Elie Artiste qui au dire de Paracelse devra

    marquer dans l'avenir la venue des Temps, ce nouveau Messie, prtend Vaughan, est dj n avec la

    parution au grand jour des premiers manifestes. On devait donc s'attendre l'empire de l'Esprit pr-

    par par la premire Fraternit (5).

    ARNOLDP.,La Rose+Croix et ses rapports avec la Franc-Maonnerie, Maisonneuve & Larose, Paris, 1970, pp.

    215-259.1Thomas Vaughan dit Eugenius Philalethes :Euphrates or the water of the east(Londres, 1655).2Doctrine qui nourrissait, mon sens, la majeure partie de la littrature anglaise depuis Lyly et Spenser (dont on a

    rappel la Fairie Queen) jusqu' Heywood. Voir mon Esotrisme de Shakespeare(Mercure de France, 1955, puis),

    repris et dvelopp dans mon Introduction Shakespeare, tome XXI de ma traduction de l'uvre complte de William

    Shakespeare (C.A.L., Plante, diteurs).3Thomas Vaughan, op. cit., Prface.

    4Thomas Vaughan (Eugenius Philalethes) :Introitus apertus ad occlusum regis palatium, trad. Langlet Du Fresnoy,

    inHistoire de la Philosophie hermtique, tome II, 1699.5Passons sur la fable qui s'emparera du premier des Philalethes - car ce pseudonyme fera fortune au sein des loges et

    des sotristes ; au dire de Sdir (op. cit., p. 84) un initi de Nuremberg dit qu'il vivait encore en 1747-1748 ; on l'au-

    rait vu au convent annuel de tous les Illumins d'Europe qu'il prsiderait encore actuellement. Une tradition prtend

    qu'il n'a pas encore quitt la terre .

  • 8/11/2019 Arnold Paul La Rose Croix Et Ses Rapports Avec La Franc Maonnerie

    2/21

    2

    Georg Starkey, contemporain de Vaughan, adopte le mme pseudonyme, Irne Philalethes et

    puis migre en Amrique. Au mme moment John Heydon, dans son Voyage au pays des Rosicru-

    ciens(1) (1660) publie sa falsification de laNouvelle Atlantisde Francis Bacon dont il fait un Rose-

    Croix. Ce sera l'un des premiers livres de ce rosicrucien prolifique qui l'on doit entre autres une

    Nouvelle Mthode de physique rosicrucienne(2), et lesInfaillibles Axiomata des R. C.(

    3). Comme

    Vaughan et suivant l'exemple des premiers doctrinaires, il assure, tort ou raison, n'tre pas unFrre R. C. mais soutient qu'il a t en relations suivies avec d'authentiques Frres dont il cite les

    noms incontrlables et avant tout un certain Frre Walfoord et un Frre Williams qui il prte un

    palais-temple rappelant ceux qu'imaginrent ses prdcesseurs en 1614.

    Le renouveau ne se cantonne plus en Angleterre partir de 1660. En Allemagne (4) on publie ds

    lors des indits, les uns authentiques les autres apocryphes, des premiers doctrinaires de la rose-

    croix. C'est ainsi que Benedictus Bhanson publie en 1660-1661 un trait de Sperber qui annonce et

    dpeint la Troisime Monarchie, rgne de l'Esprit et l'on prpare l'dition de l'admirable Scrutinum

    chymicumde Michel Maier qui paratra en 1687 avec son abondante illustration (5), tandis que se

    rveille la vigilance luthrienne : en 1672, J. F. Bud dnonce les Rose-Croix lucifuges . En

    France (6) un apothicaire alchimiste fonde en 1660 une association de Rose-Croix qui sera disperse

    en mme temps que toutes les officines d'alchimie et tous les clubs secrets au lendemain de l'affairedes poisons de la marquise de Brinvilliers. C'est le temps o le philosophe franais Sorbire

    voyageant en Hollande proclame qu'il n'y a point de pays au monde plus commode que la Hol-

    lande aux Frres de la Rose-Croix et o ceux qui ont le secret du grand uvre soient plus en liber-

    t .

    En tout cas quelque chose a d se produire autour du demi-sicle et il n'est pas douteux que des

    associations ou socits secrtes aux proccupations plus ou moins philosophiques ou occultistes se

    mettent pulluler. Quel a t le rle de la Rose-Croix dans leur gense, voil ce qu'il nous importe

    d'lucider. J'ai esquiss plus haut l'histoire des acadmies qui fleurissent au XVeet au XVI

    esi-

    cle particulirement en Italie et en Allemagne. Le mouvement parat s'tre accentu au XVIIesicle

    de part et d'autre du Rhin. A ct de l'acadmie du Palmier (1617) (7) et de la Socit strasbour-

    geoise du Sapin (1633 ), on rencontre celle des Trois Roses (1643), celle de l'Ordre des

    Fleurs Nuremberg (1644), l'Ordre des Cygnes de l'Elbe (1660), celle dite Indissolubilis qui

    remonterait 1580 et fusionne en 1671 avec le Palmier. Que des relations se soient tablies entre

    ces divers cercles, cela est trs vraisemblable; rien de certain ne permet d'affirmer qu'elles formaient

    une chane hirarchise avec des liens de filiation quelque degr comparable l'organisation des

    loges maonniques aprs 1717, et encore moins qu'il y ait entre elles d'une part et la franc-

    maonnerie d'autre part un rapport autre que celui d'une ambiance commune.

    La franc-maonnerie moderne est ne en Angleterre dans une ambiance similaire, celle des

    clubs qui commencent fleurir l'poque de Cromwell Londres. Mais elle ne parat pas da-

    vantage se rattacher directement par voie de filiation l'un ou l'autre des clubs. Le nom mme si

    original de freeemason franc-maon porte examiner la thse, accrdite dans les loges, d'unevolution partie des corporations de maons et d'architectes.

    1John Heydon : Voyage to the land of the Rosi-crucian(Londres, 1660).

    2John Heydon :A new methode of Rosie Crucian physick(Londres, 1658).3John Heydon : The R. C. infallible Axiomata(Londres, 1660); autres ouvrages du mme : The holy guide(Londres,

    1662) ; Theomagia, or the temple of Wisdome in three parts : spiritual, celestical and elemental(Londres, 166221664).4Peuckert (Die Rosenkreutzer, p. 277) signale la sduction exerce par l'ide rosicrucienne sur Abraham von Franc-

    kenberg qui, en 1638, adopte cette doctrine dans son livre Raphal. C'tait au demeurant un fervent disciple de Jacques

    Boehme qu'il visita en 1623 Grlitz.5Michael Maier : Scrutinum chymicum per oculis et intellectui accurate accomodata, figuris cupro appositissime

    incosi(Francfort, 1687).6Ne citons que pour mmoire la rdition par un factieux des absurdits publies par Gabriel Naud : en 1639,

    dans un exercice oratoire du Bureau d'Adresse (Des Frres de la Rose-Croix, inRecueil gnral des questions traites

    s confrences du Bureau d'Adresse, lundi 16 mai 1639, t. IV, Paris, 1660).7Cette socit avait des usages curieux, par exemple pour la faon de tenir le verre ou de taquiner les bleus .

  • 8/11/2019 Arnold Paul La Rose Croix Et Ses Rapports Avec La Franc Maonnerie

    3/21

    3

    1.Loges opratives d'architectes et de maons et franc-maonnerie.

    Les corporations artisanales imposaient une part de secret leurs membres pour ne pas divulguer

    des mthodes de travail ou des lois physiques ou esthtiques qu'on croyait sacres.

    On ne connat pas l'poque exacte o naissent les corporations. En 1317 les tailleurs de pierre

    de Venise se manifestent par un document qui n'est sans doute que le plus ancien qui nous soit par-

    venu (1). Vers la fin du sicle circule en Angleterre un Pome maonnique - signal par les his-toriens sous le nom de Manuscrit Royal ou Manuscrit Halliwell, nom du premier diteur de ce texte

    dont on a voulu dduire qu' l'poque dj des profanes avaient accs aux runions professionnelles.

    Nous le discuterons plus loin. Ne sont gure moins anciennes les Old chargesdes guildes anglaises

    de maons qui munis du privilge royal se disaient free-masons , franc-maons. Aucun texte de

    l'poque ne permet toutefois d'entrevoir l'organisation et les usages internes, rituels ou autres, qu'on

    voudrait prter ces groupements professionnels.

    Les choses sont un peu plus nettes sur le continent.

    C'est semble-t-il Strasbourg que fut fonde la premire loge (Htte) d'architectes. A son exem-

    ple de nombreuses villes allemandes, autrichiennes et hongroises virent natre des corporations for-

    tement hirarchises. Et le 25 avril 1459 les matres architectes de toutes les loges se runirent Ratisbonne pour laborer un statut commun la profession et toutes les loges. Ils se constiturent

    en Fraternit dont l'architecte de Strasbourg, clbre par sa cathdrale, devait prendre la tte et ils

    dcidrent des runions annuelles par provinces et, de loin en loin - tous les cinq ans, semble-t-il -

    des runions plnires. Il y en eut en 1464 et en 1469 (2). Maximilien I

    erleur accorda des privilges

    et prit la Fraternit sous sa protection le 3 octobre 1497 (3). La guilde se perptua. Cent ans aprs sa

    cration on prouva le besoin d'en rviser le cadre. En 1563, soixante-douze matres de loges se r-

    unirent Ble, dotrent la Fraternit de nouveaux statuts et rvisrent les hirarchies traditionnelles.

    La loge de Strasbourg restait en tte, suivie des trois grandes loges de Vienne, de Zurich et de Colo-

    gne. La hirarchie ne change gure : matres, compagnons, artisans, rpondant aux besoins de l'u-

    vre et encore maintenue dans les professions, par-del la dissolution des guildes. On institua des si-

    gnes de reconnaissance entre grades et l'intrieur des grades et un symbolisme rituel identiquedans tous les pays mais dont nous ne savons rien de prcis. Rien n'assure que le rituel clbrait le

    mythe d'Hiram, architecte du temple de Salomon assassin par des artisans jaloux qui cachrent son

    corps retrouv plus tard par les matres. Dveloppement sans doute tardif d'un passage de l'Ecriture

    (Rois, III, ch. VII) (4) qui dans la Franc-Maonnerie moderne servira de mythe d'initiation au grade

    de matre. Nous ne savons pas davantage si les architectes se rfraient au symbole des colonnes

    Boaz et Iachin places par Hiram, dit l'Ecriture (ibid. 21), de part et d'autre dans le vestibule du

    temple. Selon une tradition maonnique manifestement tardive, le mythe d'Hiram fait allusion au

    meurtre de Matre Erwin, constructeur de la cathdrale de Strasbourg, assassin par ses compagnons

    le jour mme de la conscration ; et Iachin et Boaz symbolisent les deux tours inacheves de la

    mme cathdrale. Ce sont l, peut-on croire, des laborations de loges soucieuses de garantir une

    filiation incertaine.

    1Ce texte proclame le dsir des tailleurs de pierre de contribuer la gloire de Dieu et de la glorieuse Vierge Marie,

    toujours notre avocate .2Buble, Ueber den Ursprung und die vornehmsten Schicksale der Orden der Rosenkreutzer und Freymaurer(Gt-

    tingen, 1804), p. 257-261.3Tenons pour une fable la prtendue assemble des franc-maons anglais tenue York en 926 qui aurait labor la

    premire constitution, dite constitution d'York, dotant ainsi la Franc-Maonnerie anglaise d'un brevet d 'antriorit.4Eliphas Lvi (Le grand Arcane ou l'occultisme dvoil, p. 162-163) cite un manuscrit du VIIIesicle parlant de

    cette version. Ce texte est apocryphe.

  • 8/11/2019 Arnold Paul La Rose Croix Et Ses Rapports Avec La Franc Maonnerie

    4/21

    4

    Pour dmontrer cette filiation on s'est rfr plusieurs documents ambigus (1), avant tout le

    manuscrit Halliwell : Je trouve crit dans les temps anciens que les apprentis devaient tre de

    bonne race, et que ceux du sang des grands seigneurs pratiquaient parfois cette gomtrie, ce qui est

    fort bien . Est-il raisonnable d'induire de l'allusion la prsence occasionnelle de grands seigneurs

    l'existence de loges mi-professionnelles mi-philosophiques ? Le texte n'impose pas cette interprta-

    tion. La raret mme du fait que souligne le terme parfois porte croire la prsence de quelquegrand protecteur, comme il en allait de tous temps dans toutes les assembles professionnelles. Et

    c'est bien ainsi qu'il conviendrait d'interprter la prtendue acceptation de la reine Elisabeth par

    la loge londonienne des free-masons si elle tait atteste par un document srieux. Or nous ne l'ap-

    prenons que par la Constitution de la Franc-Maonnerie rdige par Anderson en 1723 dont les in-

    formations historiques n'ont aucune valeur, nous le verrons. La reine, dit ce texte, s'tait attriste de

    ce que, tant femme, elle ne pouvait satisfaire son dsir d'tre accueillie comme sur par les ma-

    ons. Cette lgende que rien n'atteste avait manifestement pour but de recommander la formation de

    loges fminines. Sur cet argument fragile Katsch (2) a voulu chafauder une hypothse plus subtile.

    Rejetant l'ide gure soutenable d'une filiation directe, il s'avisa de ce de tous temps, en Angle-

    terre du moins, l'histoire connatparalllementavec les guildes de maonnerie oprative, des soci-

    ts occultes de maons de l'Art royal . Anderson, raisonne cet auteur, n'appelait-il pas les affilis fils de l'art royal ? et tout l'historique propos par Anderson des loges opratives, tait un tissu

    d'erreurs , n'tait-il pas tout bonnement symbolique, dcrivant, mots couverts l'histoire vridique

    des unions occultes assez troites que des hommes libres pourraient bien avoir entretenu ?

    Le moins qu'on puisse dire, c'est que l'hypothse ne force par l'adhsion.

    Reste celle que formule Robert F. Gould. Il avait remarqu (3) dans laDescription de Londres(

    4)

    par John Stow des diffrences apprciables entre la seconde, la troisime et la dernire dition res-

    pectivement de 1603, 1618 et 1633, pour ce qui touchait la guilde des freemasons. L'dition de

    1633 nous apprend en effet (5) que la Compagnie des maons antrieurement nomme Freema-

    sons, de date ancienne et de bonne rputation de par les runions affables et gentilles en divers

    temps, ayant coutume d'tre une aimable Fraternit (a loving Brotherhood), tenait frquemment ses

    assembles mutuelles aux temps du roi Henri IV dans la douzime anne de son gracieux rgne .

    Gould assure que l'dition de 1603 passe sous silence ces dtails historiques et mentionne la place:

    mais je n'ai rien lu sur l'anciennet de cette compagnie . La citation est errone (6). Katsch sans

    prendre la peine de contrler s'en empara pour dmontrer qu'entre les deux dates la Franc-

    1Je passe sur le soi-disant acte de Cologne de 1535 dont la teneur mme trahit la tardivit et dont, bien entendu,

    il ne subsiste pas de texte ancien ; il manerait de la Fraternit des loges d'architectes allemands : Comme nous som-

    mes devenus attentifs ces temps difficiles et confus en raison des mprises et dchances des hommes..., comme nous

    sommes unis par des secrets et des conventions indissolubles et d'autant plus srement accuss par les trangers et pro-fanes... nous annonons tant au monde clair qu'au monde obscurci que nous ne sommes pas les descendants des Tem-

    pliers mais bien plus anciens. 2Katsch, op. cit., p. 13-64.

    3Robert Freke Gould : The History of Masonry(Londres, 1882-87), t. III, p. 176, note 4.4John Stow : A Survay of London, contayning the originall, antiquity, increase, moderne estate and description

    (resp. ed. 1663 gouvernment) of that citie, written, in the year 1598 (ed. 1633 : afterwards inlarged by the care of A.M.). 1reed. Londres, 1599, in-4, 484 p. ; 2eed. Londres, 1603, in-4, 581 p. ; 3ed. Londres. 1618, in-4, 983 p. ; 4ed.

    Londres, 1633, in-fol., 939 p.5Ibid., 3

    ed., p. 630.

    6L'dition de 1603 ne donne de renseignements historiques sur aucune des nombreuses guildes dont elle dresse l'in-

    ventaire, pas plus qu'elle ne mentionne le dfaut d'information de l'auteur. L'dition de 1618, lgrement augmente,

    reproduit le mme inventaire et mentionne la fin que la plus ancienne des guildes est la connaissance de l'auteurcelle des Tisserands, brotherhood or Fraternity confirme par Henri II, et que les suivantes sont celle des Tailleurs et

    celle des Armuriers confirmes par le roi Edouard II. Elle ajoute : Les autres compagnies ont poursuivi leur licence de

    Socit Fraternit ou Corporation sous les rgnes d'Edouard III, de Richard II, Henri IV, Henri V, Henri VI et EdouardIV, et certaines plus tard. Enfin l'dition dfinitive de 1633, trs enrichie, consacre autant de place chaque corpora-

    tion avec ses armoiries et son historique, souvent analogue jusqu'aux termes. Rien n'y distingue des autres compagnies

    l'allusion aux freemasons.

  • 8/11/2019 Arnold Paul La Rose Croix Et Ses Rapports Avec La Franc Maonnerie

    5/21

    5

    Maonnerie spculative dissimule sous le masque de la guilde professionnelle avait constitu sa

    lgende artistique (1).

    Ainsi rien ne vient dmontrer le moindre lien entre les deux ordres de loges avant le milieu du

    XVIIesicle au moins. Le premier document srieux, je l'ai rencontr dans un ouvrage anglais de

    1686, L'Histoire naturelle du Staffordshire (2). Robert Plot, son auteur, conservateur du muse

    d'Ashmole dont nous allons parler, et professeur de chimie l'universit d'Oxford, runit dans ce li-vre, l'intention du roi, toutes sortes de renseignements. Il nous entretient longuement d'une loge

    de freemasons assez particulire. Il est d'usage dans le Comt, dit-il, de recevoir des gens dans la

    Socit des Francs-Maons (Society of Freemasons), usage qui dans les limites de ce Comt sem-

    ble plus en vogue que partout ailleurs, quoique je trouve la coutume rpandue plus ou moins dans

    toute la nation. Car ici j'ai trouv des personnes du plus haut rang qui ne ddaignent pas de se faire

    recevoir dans la Fraternit (Fellowship) . Lorsqu'il s'agit d'admettre un nouveau membre, on r-

    unit une assemble ou loge (they call a meeting or Lodg) au cours de laquelle devant cinq ou six

    anciens et en prsence de sa femme, des gants et une collation sont offerts et certains signes se-

    crets sont transmis au candidat. Ces signes sont connus par les initis dans toute l'tendue du

    royaume, et aide et assistance est aussitt fournie l'adhrent. En outre il y a des articles secrets

    que personne ne connat sauf eux-mmes (that none knows out themselves) et qui sont peut-treaussi mauvais que l'histoire de l'ordre contenu dans un rouleau ou parchemin et faisant remon-

    ter la socit saint Amphibalus (3). Voil qui est net, indiscutable et bien attest.

    Nous sommes en prsence d'une loge mi-oprative mi-spculative. L'vnement n'est pas une ab-

    solue nouveaut, puisque dj il existe des loges dans tout le pays et l'adhrent peut trouver assis-

    tance o qu'il aille en Angleterre. Le fait pourtant que Plot le relate comme une singularit remar-

    quable tend prouver que cette coutume est relativement rcente encore. Un tmoignage recueilli

    par Bliss (4) en 1716 recoupe cet indice: sir Christopher Wren, n en 1632, dclara devant Hearne

    que lorsqu'il avait t un jeune homme il n'y avait pas eu de (francs) maons Londres , disons

    donc autour de 1650 (5).

    C'est dans cette perspective qu'il convient de placer le document que citait en dernier lieu Hutin

    (6) et dont rien n'assure, comme le pense cet auteur, qu'il rvle sans doute un usage fort ancien

    chez les freemasons anglais : L'un des anciens, est-il crit dans le statut de la Loge d'York

    (1693), prend le Livre ; celui ou celle qui doit tre fait Maon pose les mains sur le Livre et alors les

    Instructions (lui) sont donnes ; et cet autre texte de 1691, d Robert Kirk, pasteur d'Aberfoill en

    Ecosse : Le mot de maon est un mystre dont je ne veux pas cacher le peu que je sais. C'est une

    espce de tradition rabbinique, une sorte de documentaire sur Jakin et Booz, les deux colonnes ri-

    ges dans le temple de Salomon ; avec en plus certain signe secret, transmis de main en main, au

    moyen duquel ils se reconnaissent et deviennent familiers entre eux. L'intrt de ce dernier texte

    est de montrer que derechef les discussions philosophiques - o cabale et alchimie ont autant de

    place que dans les ouvrages d'un Vaughan ou d'un Heydon - se substituent aux proccupations pu-

    rement professionnelles.

    2. Franc-maonnerie et Rose-Croix.

    Ce que j'ai dit de l'essence mythique de la premire Fraternit R. C. tranche la question jusqu'en

    1650 et au renouveau rosicrucien. Il me faut cependant dire un mot d'un texte de Robert Fludd qu'on

    a beaucoup comment. Les loges anglaises taient et sont encore persuades que Fludd fut le pre-

    1Katsch, op. cit., p. 473.2Robert Plot : The National History of Staffordshire(Oxford, 1686).

    3Ibid., p. 316-317.4Philippe Bliss,Reliquiae Hernianiae, 1, 336, cit par Gould, op. cit., t. III, p. 98.5Les premiers dbuts de ces usages remontent, semble-t-il, tout le moins au dbut du sicle, titre de cas isols.

    On cite l'acceptation par la Loge La chapelle de Marie d'Edimbourg, de John Boswell d'Auchinlek reu le 8 juin 1600

    et, le 20 mai 1641, de Robert Moray, quartier-matre gnral de l'arme cossaise.6Serge Hutin :Les Francs-Maons(Paris, 1960), p. 55.

  • 8/11/2019 Arnold Paul La Rose Croix Et Ses Rapports Avec La Franc Maonnerie

    6/21

    6

    mier organisateur d'une sorte de maonnerie rosicrucienne. Waite (1) prtend avoir recueilli dans

    ces loges maints documents secrets tablissant qu'autour de 1620 une loge spculative tenait ses as-

    sises proximit de sa maison. On possderait mme la liste des membres si elle n'avait pri avec

    toutes les archives dans l'incendie monstre de 1666. Voici ce texte dont un fragment nous a dj

    servi : Nul fruit ne peut tre cueilli avant qu'il soit mr. Et la venue des Frres Rose-Croix ne peut

    tre le gage de la restauration des choses, mais c'est Dieu seul habitant dans le ciel qui opre touteschoses et la fois donnera leur signe tant au ciel que sur la terre; les sages (sapientes) seuls peuvent

    les observer et les distinguer. Les Frres de Rose-Croix, dis-je (ainsi appelait-on jadis ceux que

    nous nommons aujourd'hui les Sages, ce nom de R. C. attribu l'ignorance de la misrable huma-

    nit tant tellement odieux aux contemporains qu'il est dj enseveli dans l'oubli des hommes) ne

    peuvent faire en Europe de telles mutations ; cependant ils osent annoncer ouvertement aux Euro-

    pens que de tels maux seraient bientt amens par eux de la main de Dieu, ce qu'ils prvoient par

    de nouveaux astres et par l'observation d'autres miracles de la nature, tout comme les trois mages

    prvoyrent, par l'apparition d'une nouvelle toile, que le Roi spirituel des Juifs tait n, qu'il serait

    ador dans les sicles venir et que ses fidles seraient conduits une fin heureuse. Et maintenant il

    semble que soit proche le terme de cette dernire monarchie qu'annona le rve du roi selon Daniel

    II. Comme il rsulte de ces prdictions, ce ne fut pas mon intention de dire que cette nouvelle cons-tellation prsageait l'apparition des Frres Rose-Croix, mais que les sages modernes et ces trois ma-

    ges de jadis russissent connatre la vrit future par les toiles et la prdire au monde.

    Peut-on sans risque dduire de ce texte aprs tout trs clair que, ds avant sa publication en 1633,

    la Rose-Croix tait entre dans la clandestinit et s'tait transforme en Franc-Maonnerie occulte

    dsigne ici par Sages, pour devenir sous Cromwell les clubs secrets ou loges (2) ? Le pro-

    gramme de la socit transforme figure-t-il en toutes lettres dans ce Summum Bonumde 1629

    paru sous la signature de Frizius (mais auquel Fludd a au moins collabor) et plac encore sous le

    signe de la Fraternit R. C. ? Le XVIIesicle croyait aux constellations et l'astrologie et les Sages

    pourraient fort bien dsigner des isols, des individus pratiquant par eux-mmes et pour eux-mmes

    une recherche et des progrs spirituels qu'on attribuait auparavant aux Frres Rose-Croix.

    Mais si le Summum Bonumn'a pas t le programme d'une fraternit, il contient une prise de po-

    sition prcieuse qui annonce un principe essentiel de la future Franc-maonnerie : la tolrance et

    l'union dans une mme assemble de toutes les confessions et de toutes les couches de la socit :

    Toutes ces diversits de croyances demeurent pour eux c'est--dire pour les sages alias

    Rose-Croix tout fait en dehors des lois essentielles de la vraie sagesse mystique (sapientiae mys-

    ticae). Ainsi nous croyons que ces hommes qui appartiennent les uns aux couches humbles, les au-

    tres aux couches plus leves de la socit, se trouvent de-ci de-l travers une confession comme

    une autre... Ces hommes honorables observent consciencieusement la loi morale de l'Ecriture

    comme la loi mystique de celle-ci au sein de n'importe quelle secte chrtienne, et suivant les normes

    du Sauveur ils se consacrent de mme de toutes leurs forces la crainte et l'adoration du Seigneur;

    comme l'amour le plus vaste du prochain tous les points de vue de la loi morale. C'est presqueune prfiguration de la Constitution d'Andersen, et cela est sans doute beaucoup plus important

    qu'une filiation indmontrable entre un organisme hypothtique et une ralit postrieure de plu-

    sieurs dcades.

    A dfaut de Robert Fludd et parfois mme cumulativement avec lui, c'est Elias Ashmole qui pas-

    sa pour l'organisateur de la Franc-Maonnerie spculative moderne. Ashmole est n en 1617 Lish-

    field dans ce comt de Shaffordshire o, nous l'avons vu, les loges fleurissent plus qu'ailleurs en

    Angleterre durant le dernier quart du sicle. Il dbarque Londres dix-neuf ans et se lie avec des

    astrologues. Certains en ont conclu qu'il devint vraisemblablement ds cette poque membre de la

    Fraternit de la Franc-Maonnerie . Pour ne prendre que les vnements prouvs d'une vie enrichie

    de lgendes par une Autobiographie publie tardivement (1717), Ashmole se fixe Londres pour

    publier partir de 1650, dans le got du temps, d'anciens manuscrits d'Alchimie sous le titre d'en-

    1Arthur Edward Waite : The real History of the Rosicrucians(Londres, 1882).2Von Murr, op. cit., 69, et Sender, op. cit., p. 473.

  • 8/11/2019 Arnold Paul La Rose Croix Et Ses Rapports Avec La Franc Maonnerie

    7/21

    7

    semble de Chymical collectionet sous le pseudonyme de James Hesoll. Puis il publie, sous son pro-

    pre nom, un Theatrum chemicum britannicum(1), compendium imposant qu'il introduit par une d-

    fense assez frivole des Rose-Croix de 1614 et de la Famaqui, nous l'avons vu, paratra l'anne sui-

    vante dans la traduction anglaise de Heydon. Ajoutant aux donnes des manifestes initiaux, Ash-

    mole nous apprend que le premier compagnon du Pre Rosencreutz, Frre I. O., ne se borne pas,

    comme dans la Fama, gurir des crouelles le jeune duc de Nortfolgt (Earl of Norfolk) ; il sauvele Dr B., mdecin particulier de la reine Elizabeth qui lui avait par deux fois pass la petite vrole.

    Ashmole trouve par ailleurs fort dsolant que ce frre ne soit venu en Angleterre que pour tra-

    duire en vers latins l'Ordinallde Thomas Norton, ouvrage d'alchimie qui ouvre le Theatrum chemi-

    cum.

    Cette prface contient cependant deux notations prcieuses. Elle dnonce - sans doute juste ti-

    tre - l'intolrance des puritains qui assaillent les convents et livrent au feu comme papiste ou diabo-

    lique, tout livre portant sur la couverture des lettres rouges ou contenant un diagramme mathmati-

    que. On rejoint ici cette volont de tolrance que proclamait Frizius vingt ans plus tt.

    A un autre endroit, parlant des vertus de l'alchimiste et de ses coutumes, Ashmole rappelle que

    c'est l'usage des connaisseurs de la nature de se choisir un fils spirituel qui ils livrent leur

    doctrine secrte aprs lui avoir fait prter serment de ne pas la rvler qui voudrait en tirer argent.Sur ce rappel d'un mode d'initiation et de transmission des doctrines effectivement en usage dans le

    monde savant de l'poque - Barnaud ne s'est-il pas lev contre cet usage peu profitable la science

    mondiale ? -, on a chafaud mainte hypothse. Est-ce vraiment l'aveu de l'initiation maonnique ?

    Quel crdit peut-on accorder au Journal d'Ashmole nous apprenant qu'il fit la connaissance de

    Master Barckhouse, un vnrable (philosophe) Rose-Croix qui l'appela son fils et lui confia li-

    brement un grand secret ? Le 13 mai 1653, poursuit le Journal , Barckhouse se croyant la veille

    de mourir me dit en mots (in syllables) la vrit sur la pierre philosophale qu'il me lgua (2).

    Nous voyons ici poindre cette amorce du prestige aussi mystrieux que tenace dont jouira dsormais

    et jusqu' nos jours le secret Rose-Croix , prenant la relve du secret alchimique , de la

    pierre et du Graal. William Barckhouse (1593-1662) fut un alchimiste. Rien n'assure qu'il a t

    Rose-Croix.

    Elias Ashmole a-t-il vraiment t affili la Franc-Maonnerie ? Quel crdit peut-on accorder

    deux notes que notre antiquaire aurait eu l'imprudence de laisser dans ses papiers : 16 octobre

    1646 : J'ai t fait franc-maon Warrington dans le Lancashire avec le colonel Henry Mainwaring

    of Kartishem de Cheshin. Les noms de ceux qui furent alors la loge, M. Richard Penkel Warden,

    M. James Collier, M. Sankey, Henry Litter, John Ellam et Hugh Brever. Et : 10 mars 1682 : J'ai

    reu un appel pour paratre la loge qui devait se tenir le lendemain au Masons hall de Londres. Le

    11, je suis all et dans la matine furent admis dans la compagnie (fellowship) des Francs-Maons

    suivent des noms de rcipiendaires. J'tais compagnon-senior parmi eux (il y avait trente-cinq ans

    que j'avais t admis). Etaient prsents mes cts suivent des noms. Nous tous dnmes la

    Taverne de la Demi-Lune Cheapside ; en un dner noble la charge des maons nouvellement ac-cepts (3) ?

    Doit-on dire pour autant que Elias Ashmole n'ait pas t affili quelque loge anglaise ? Tout au

    contraire, l'intrt qu'il portait l'alchimie et la doctrine rose-croix doit faire penser qu'il tait li

    avec tous ceux qui, tels Vaughan-Philalethes ou Heydon, dfendaient des ides analogues et que les

    uns et les autres aient t parmi les premiers promouvoir les clubs secrets qui prolifraient Lon-

    dres autour du demi-sicle, les premiers aussi introduire dans ls loges en voie de transformation

    l'intrt pour la philosophie alchimique ou cabaliste que note la fin du sicle le pasteur Kirk.

    1Elias Ashmole : Theatrum Cbemicum Britanicum containing severel poeticall Pieces of our Famous English Phi-

    losophers, who have written the Hermetique Mysteries in their own Ancient Langage, Faithfully collected into our Vol-

    ume, with annotation thereon, by Elias Ashmole esq. qui est Mercuriophilus Anglicus (Londres, 1652).2(Elias Ashmole) Memoirs of the life of the learned antiquary Elias Ashmole drawn by himself by way of Diary,

    publi par le Dr Campbell (Londres, 1717).3Cit par Katsh, op. cit., p. 504.

  • 8/11/2019 Arnold Paul La Rose Croix Et Ses Rapports Avec La Franc Maonnerie

    8/21

    8

    Et cette concidence du renouveau rosicrucien et de la naissance des clubs puis des loges spcu-

    latives doit faire penser que le message de la Fama, sous une forme plus ou moins pure, ml de

    tout un syncrtisme alchimique, s'est impos dans les loges maonniques, que toute la part de my-

    thes, de rites supposs, de dcor imaginaire emprunte ou labore par la premire Rose-Croix

    contribua altrer, rformer ou faonner le rituel et l'emplacement des premires lodges en at-

    tendant d'tre fixes par la premire Constitution maonnique, de 1723.C'est l'importance de ces emprunts qui est difficile mesurer. Pour les mythes d'abord, il n'est

    pas sr que les premiers Rose-Croix aient connu, comme on l'a assur le mythe de Hiram, architecte

    du temple. Plus d'un livre, mme antrieurement au XVIIesicle rapporte des dialogues philosophi-

    ques entre lui et le roi Salomon clair par l'homme de l'art. Au frontispice d'un livre de Michel

    Maier (1) on voit Hiram et la reine de Saba debout en face du roi sigeant sur son trne, tandis qu'un

    rang de scribes Rose-Croix consignent l'entretien. Mais ce n'est pas cet pisode de la lgende d'Hi-

    ram que pratiquent les rituels maonniques et l'on peut fort bien croire que la tragdie finale a t

    labore tardivement dans les loges. Il reste que tout le chapitre du livre des Rois a fourni un thme

    la fois aux premiers Rose-Croix et la Maonnerie.

    Le fait est frappant surtout pour la prsence des colonnes Jachin et Boaz, que Andreae situe

    l'entre du Palais du Roi, dans lesNoces chymiques) que Fludd rappelle dans un texte capital et quiparticipe des dcors maonniques ds la fin du sicle.

    On a fait cas d'identits de vocabulaire entre les Rose-Croix et les Maons. L'un et l'autre, af-

    firme-t-on, furent emprunts au jargon de la maonnerie. Cela n'est manifeste que pour le langage

    rituel des loges si pittoresque dans son symbolisme un peu systmatique. Chez les premiers Rose-

    Croix par contre, ce vocabulaire est exceptionnel et presque toujours emprunt servilement aux

    Ecritures. Pas plus que les grades ft-ce les trois premiers : apprentis, compagnons, matres, le vo-

    cabulaire n'est issue de la Rose-Croix primitive ; il drive tout droit des loges opratives d'architec-

    tes.

    C'est celles-l aussi qui ont d fournir le premier noyau de la liturgie et des rites. Ici, cependant,

    on peut penser que la littrature rosicrucienne a fcond ce fonds, moins que l'un et l'autre n'aient

    puis une mme source, comme pourrait le faire croire le pome de Spenser si proche des Noces

    chymiqueslorsqu'il dcrit les objets rituels ports par Fidelia, ceux-l mme qui ornent l'autel

    chez Andreae. L'tonnante parabole rose-croix Raptus philosophicus (2) de 1619 pourrait passer

    pour une prfiguration des voyages initiatiques imposs au candidat franc-maon, et le dialogue

    qui s'engage entre Nature et le Candidat , n'est pas sans analogie avec ceux des loges : sur le

    chemin prilleux o le candidat rose-croix cherche la sagesse, Nature apparat, sur son char, en-

    toure de ses femmes :

    NATURE. - O allez-vous ? Quel esprit vous mne ici ? Car ce lieu est gnralement inconnu,

    isol et dangereux.

    LE CANDIDAT. - Je cherche les Frres de la Rose-Croix.

    NATURE. - Tu as vraiment os beaucoup. Mais tu ne satisferas pas ton dsir si tu n'apprendspourquoi je viens au-devant de toi avec mes vertueuses femmes.

    LE CANDIDAT. - Je vous supplie de me le dire si ce n'est pas contraire l'ordre des dieux. Si,

    malgr ma petitesse, je puis te servir en retour, tu me trouveras en tout temps dispos et reconnais-

    sant.

    NATURE. - Tu peux me servir, certes, mais il faut que tu me suives. J'ai demand cela tous les

    fidles. Observe donc bien cette obligation et prends garde.

    On peut mettre en regard ce rituel d'initiation de la Rose-Croix maonnique d'obdience cos-

    saise (18edegr : Rose-Croix) publi rcemment (

    3) : le postulant ayant frapp la porte du Temple

    le Frre Premier Gardien annonce au Trs Sage prsident un Frre gar dans la Fort mystique,

    1Michael Maier, Scrutinium chymicum.2Rodophilus Staurophorus : Raptus Philosophicus, das ist Philosophische Offenbarung gantz Simpel und Einfltig

    gestellet, und an die Hochlbliche und berhmte Fraternitet R. C. unterthnig geschrieben(1619), p. 11.3Pierre Mariel :Rituels des Socits secrtes(Paris, 1961), p. 106.

  • 8/11/2019 Arnold Paul La Rose Croix Et Ses Rapports Avec La Franc Maonnerie

    9/21

    9

    qui a perdu la Parole lors de la seconde destruction du Temple et qui aspire, avec notre aide, la re-

    trouver . Une fois le rcipiendaire introduit, le Trs Sage demande :

    - Que dsirez-vous voir et entendre, mon frre ? Que souhaitez-vous apprendre et connatre?

    Sur sa rponse, le Trs Sage mentionne la parole de Pomandrs : Mdite d'abord sur la Lu-

    mire et arrive la connatre et dit que ceux qui sont ici rassembls en sont encore cette mdita-

    tion : vous voyez qu'il ne nous est gure possible de vous accorder ce que vous demandez, puis-que nous cherchons toujours. Cependant nous n'avons point dessein de rester dans l'oisivet. Et

    rappelant encore le Pomandrs qui demande l'homme de connatre sa propre nature et de consid-

    rer la part immortelle et la part mortelle en nous, c'est donc par l'esprit de sacrifice que nous esp-

    rons parvenir cette illumination, car, dit aussi Herms Trismgiste... le Divin est l'ordonnance du

    monde et son renouvellement naturel et la Nature est tablie sur le Divin . Etes-vous dans le senti-

    ment de nous suivre ?

    Plus frappantes encore sont les analogies avec lesNoces chymiques de Christian Rosencreutzet

    d'autres crits rosicruciens, des passages liturgiques suivant cette entre du candidat et sa prestation

    de serment qui le fait Chevalier de l'Aigle et Rose-Croix d'Hrdom. Revenant du premier

    Voyage le Rcipiendaire doit rpondre cette question du Trs Sage : qui l'a le mieux guid dans

    les trois rgions du monde dans lesquelles ont t dposes les trsors de la Connaissance, savoirl'antique Egypte, l'Inde secrte et la Palestine mystique :

    L'INTRODUCTEUR (rpondant pour le rcipiendaire) :

    La connaissance des Vertus de Foi et d'Esprance et la pratique constante de la Charit.

    On se souvient en effet du rle jou tant dans la Fairie Queenque dans lesNoces Chymiquespar

    ces trois vertus incarnes.

    Le secret que rapporte le nouveau Frre et qu'il apprit l'ombre des Pyramides ce sont les lettres

    INRI qui symbolisent la grande Vrit alchimique: IGNEM NATURA REGENERANDO IN-

    TEGRAT, Toute la Nature est renouvele par le Feu ou La Nature est renouvele, intgre, par le

    Feu. Et ce Feu est l'lment principe, c'est ce Feu vivifiant qui embrase toute la Nature spirituelle de

    l'tre humain. C'est cet lment sans lequel tous les autres resteraient froids et inertes, car il com-

    munique l'air sa puret, l'eau sa fluidit, la terre son inpuisable fcondit (1). Que dit le

    Verbe ? De mme que l'or est purifi dans la fournaise ainsi le Juste sera purifi en passant par le

    Feu ce principe de vie qui anime tous les tres. Formule presque identique celle de Paracelse

    que j'ai cite plus haut (2). C'est au rayonnement de ce Feu Saint, qui se manifeste dans le Cosmos

    par le Verbe et dans l'homme par la Parole, que l'homme a reconquis tous les droits de sa primitive

    origine , autrement dit a obtenu la Rintgration dans l'tat pradamique d'Adam Kadmon. L'es-

    clave est devenu l'gal de l'homme libre, la femme l'gale de son poux et aux lueurs de la Foi, de

    l'Esprance et de la Charit, les hommes sont appels ne plus former qu'une seule famille de Fr-

    res , admirable rsum de l'aspect social inscrit dans l'idal rosicrucien ancien.

    Le mme rituel comporte deux autres analogies prcises avec les Noces chymiqueset la Fairie

    Queen. A la Fermeture des travaux :TRES SAGE: Trs Respectable Chevalier Premier Gardien, quel but se proposent les Chevaliers

    Rose-Croix ?

    PREMIER GARDIEN : Combattre l'orgueil, Trs Sage, l'gosme et l'ambition, pour faire triom-

    pher leur place le dvouement, la charit et la vrit.

    T. S. : Qui vous a reu ?

    P. G. : Le plus humble de tous.

    T. S. : Pourquoi dites-vous le plus humble ?

    P. G. : Parce qu'il savait que seules la Science, la Vrit et la Lumire viennent d'en haut.

    1Michael Maier dans son Cantilnenous explique longuement en termes analogues le sens du Feu, notamment :

    Ce feu est la source de toute lumire qui claire le vaste univers : c'est lui qui donne la chaleur et la vie tous lestres... Une flamme dont les ardeurs brlent sans jamais consumer... C'est un esprit bienfaisant qui donne la forme in-

    trinsque toutes choses, et qui sublimise tous les corps , etc.2Supra, p. 19, n.

  • 8/11/2019 Arnold Paul La Rose Croix Et Ses Rapports Avec La Franc Maonnerie

    10/21

    10

    On se souvient que c'est Haute Humilit, portier du Chteau qui reoit tant le Chevalier de Croix-

    Rouge que Rosencreutz lequel, l'issue de ses preuves, ayant acquis la connaissance, le remplace-

    ra dans cet humble office.

    Enfin, au cours d'une Instruction du Chevalier Rose-Croix l'issu d'un dialogue initiatique

    d'aspect alchimique l'Initiateur qui se dit avoir l'ge de Mathusalem rpond au myste que lui repro-

    che de paratre bien jeune : C'est l'effet du Roi couronn de gloire qui mourut et ressuscita plus parfait. Je connais son bain

    qui est celui de son pouse et je l'y ai vue toute nue s'y baigner avec son poux.

    On se souvient de l'pisode dcisif desNoces chymiquesfaisant assister Christian Rosencreutz

    la dcapitation puis la rsurrection alchimique du roi et de la reine (1).

    La maonnerie de rite cossais dont nous venons de voir le rituel du XVIIIedegr a d'autre

    part adopt une partie de l'idologie alchimique transforme par Paracelse. Le XXVIe degr (Le

    Prince de Merci) tomb en dsutude distingue en effet trois sortes d'or : l'or astral, l'or lmen-

    taire et l'or vulgaire, tout comme Paracelse divise la cration en corps astral ou invisible, et en corps

    visible ou palpable. La Pierre philosophale c'est l'humide radical des lments parfaitement

    purifis et amens une souveraine fixit et c'est le travail du philosophe de s'exercer la

    connaissance de l'art de perfectionner ce que la Nature a laiss imparfait dans le genre minral etd'atteindre ainsi au trsor de la Pierre. La gense des lments est, elle aussi, purement alchimique :

    Quand la premire matire (la materia primades alchimistes) est sublimise au centre de la Terre

    et qu'elle passe dans les lieux chauds et purs o une certaine graine des souffles adhre aux parois,

    alors cette vapeur, ce Mercure des philosophes, s'unit, se joint cette graine qu'elle sublimise ; de ce

    mlange rsulte une certaine onctuosit qui, venant se sublimiser de nouveau et passant dans d'au-

    tres lieux nettoys par la vapeur prcdente et o la Terre est plus subtile, pure, humide, remplit les

    pores de cette terre, se joint elle, et c'est alors que se produit l'or (2).

    1La liturgie du grade de Chevalier Rose-Croix dans la Maonnerie d'obdience anglaise est fort diffrente et ne rap-

    pelle en rien le rosicrucisme initial. J'extrais ces passages du rituel rcemment publi par G. Serbanesco,Histoire de la

    franc-maonnerie universelle, son rituel, son symbolisme, (Paris, 1965-1966), t. II p. 127passim:LE TRES SAGE : - Digne Chevalier, qui tes-vous ?

    LE RECIPIENDAIRE : Je suis n de parents nobles de la tribu de Judas.

    LE TRES SAGE : Quel est votre pays ?

    LE RECIP. : La Jude.

    LE TRES SAGE : Quel art professez-vous ?

    LE RECIP. : La Maonnerie.LE TRES SAGE : Digne Chevalier, vous m'inspirez la plus parfaite estime; mais vous nous voyez accabls de tris-

    tesse. Tout est chang ; le premier soutien de la Maonnerie n'est plus; le voile du Temple est dchir; les colonnes sont

    brises; les ornements les plus prcieux sont enlevs, et la parole est perdue. Nous n'avons d'esprance, pour la recou-

    vrer, que dans votre courage. Nous promettez-vous de l'employer pour nous ?

    LE RECIP. : Oui, Trs-Sage.LE TRES SAGE : Venez ici nous en donner l'assurance, en prtant serment que si vous parvenez connatre nos

    mystres, vous en garderez le plus profond silence. Y consentez-vous ?Aprs la prestation de serment et le premier Voyage :

    LE T. S. : Mon frre, d'o venez-vous ?

    LE R. : De la Jude.

    LE T. S. : Par o avez-vous pass?LE R. : Par Nazareth.

    LE T. S. : Qui vous a conduit ?

    LE R. : Raphal.

    LE T. S. : De quelle tribu tes-vous ?

    LE R. : De la Tribu de Judas.

    LE T. S. : Rassemblez les lettres initiales de ces quatre noms. Que font-elles ensemble ?LE R. : INRI.

    LE T. S. : Oui, mon cher Frre. C'est l'inscription que vous voyez en haut de cette Croix, et la parole que nous

    avions perdue et que votre zle nous a fait retrouver.Et le rcipiendaire est fait Chevalier, Prince de l'Aigle et du Plican, parfait Maon libre d'Hrdom, sous le titre de

    Souverain de Rose-Croix.2Pierre Mariel, op. cit., p. 150-151.

  • 8/11/2019 Arnold Paul La Rose Croix Et Ses Rapports Avec La Franc Maonnerie

    11/21

    11

    Mais c'est davantage encore dans la mentalit, l'orientation gnrale des recherches, l'attitude de-

    vant la vie et la pense qu'il convient d'apercevoir un lien entre l'ordre mythique de 1614 et la franc-

    maonnerie naissante : l'ide de fraternit et d'entraide dsintresse, de tolrance absolue, avec un

    arrire-plan religieux et chrtien l'poque trs marqu, une curiosit mtaphysique teinte d'alchi-

    mie, de cabalisme et de paracelsisme, le recours aux symboles traditionnels des alchimistes, aux

    formules thosophiques, astrologiques, et pseudo-scientifiques, bref une ambiance spirituelle la-quelle se joignent des proccupations sociales et rformatrices purement spirituelles au dpart et

    que la Franc-maonnerie tirera de plus en plus vers le plan sculier.

    3.La filiation templire.

    On ne reprendra pas ici l'histoire des Templiers. Elle n'a pas fini de livrer son secret. D'anne en

    anne de nouvelles recherches ou de nouvelles hypothses essaient d'clairer les murs et coutumes

    de l'ordre et les raisons de sa perte. Il ne parat pas douteux que le supplice ait fait avouer des infa-

    mies imaginaires suggres par les bourreaux. Il ne parat pas douteux que la mort de Jacques de

    Molay dernier Grand Matre de l'Ordre et de ses compagnons ait t un des grands crimes de l'his-

    toire politique. Il est vraisemblable qu'aucun membre de l'Ordre alors en France n'a chapp aumassacre et l'on peut tenir pour une fable ou un pieux mythe les rcits aussi divers que circonstan-

    cis qui content la fuite de quelques-uns et leur continuit clandestine afin de prparer la vengeance

    de l'Ordre, doublet moderne du mythe d'Hiram. Tel le mythe constitutionnel de l'Ordre maonnique

    cossais de la Stricte Observance : Aprs la catastrophe, le Grand Matre provincial d'Auvergne,

    Pierre d'Aumont, s'enfuit avec deux commandeurs et cinq chevaliers. Pour n'tre pas reconnu, ils se

    dguisrent en ouvriers maons et se rfugirent dans une le cossaise o ils trouvrent le grand

    commandeur Georges de Harris et plusieurs autres frres, avec lesquels ils rsolurent de continuer

    l'Ordre. Le jour de la Saint-Jean 1313, ils tinrent un chapitre dans lequel Aumont, premier du nom,

    fut nomm Grand Matre. Pour se soustraire aux perscutions, ils empruntrent des symboles pris

    dans l'art de la maonnerie et se dnommrent Francs-Maons. Et comme pour justifier la filiation

    de la loge cossaise, le rcit continue : En 1631, le Grand Matre du Temple transporta son sige Aberdeen et par la suite l'Ordre se rpandit, sous le voile de la Franc-Maonnerie, en Italie, en Al-

    lemagne, en Espagne et ailleurs.

    Du moins peut-on penser que le souvenir des hirarchies templires a quelque peu influenc l'or-

    ganisation des loges, avant tout des hauts grades, emprunte pour l'essentiel celle des loges opra-

    tives enrichie par l'apport rose-croix.

  • 8/11/2019 Arnold Paul La Rose Croix Et Ses Rapports Avec La Franc Maonnerie

    12/21

    12

    LES REVISIONS DU CENTENAIRE

    Un vnement dcisif se produit en 1717 Londres. Le 24 juin, la saint Jean, sur l'initiative de

    savants, de pasteurs et de nobles appartenant aux quatre loges londoniennes, celles-ci dcident de se

    fondre en une Grande Loge qui entend prendre en main le destin de toute la franc-maonnerie du

    monde. C'est, avec le pasteur James Anderson, le naturaliste Desaguliers qui est l'me de cette r-forme. Antony Sayer, l'an des matres des quatre anciennes loges est lu Grand Matre pour une

    anne. La Grande Loge prtendit aussitt la primaut sur toutes les loges d'Angleterre qui furent

    invites solliciter d'elle confirmation de leur lgitimit. Ce fut le dbut d'un privilge que la

    Grande Loge ne tarda pas tendre au continent. On chargea Anderson de rdiger une constitution

    nouvelle qui devait rviser les Old charges, devoirs anciens , issues des loges opratives et l'on

    exclut les derniers artisans qui avaient eu accs aux anciennes loges.

    Anderson s'acquitta de sa tche en 1723. Sa Constitution (1) qui parut cette anne-l est em-

    preinte de pit et de tolrance religieuse et essentiellement soucieuse de morale et d'humanit.

    Aussi dclare-t-elle : Le maon est tenu d'obir aux lois des bonnes murs et s'il entend bien l'art

    (royal), il ne sera ni un ngateur obtus de Dieu, ni un libertin irrligieux. Que les maons des temps

    anciens aient ou non t tenus de partager la religion du pays ou de cette nation quelle qu'elle ait pu

    tre, on considre cependant comme plus utile de ne les obliger observer que la seule religion dans

    laquelle s'accordent tous les hommes, en laissant leur conscience leurs opinions particulires, au-

    trement dit d'tre des hommes de bien et fidles, ou des hommes droits et d'honneur, quelles que

    soient les dnominations ou les convictions qui les divisent. Ainsi la maonnerie devient le cur de

    l'union et le moyen de crer une fidle amiti entre les hommes qui seraient rests sans cesse loi-

    gns les uns des autres.

    Ce texte dans toute sa gnrosit consomme une rupture entre les desseins - essentiellement

    thosophiques et chiliastes - de la premire Rose-Croix et mme des premires loges. Les buts re-

    connus de la Grande Loge de Londres sont modrment religieux et avant tout sociaux. Rien de

    surprenant que les esprits plus fascins par les arcanes de la mtaphysique n'aient cess d'opposer cette maonnerie pragmatique et raliste l'idal philosophique ou utopique qu'ils supposaient la

    premire Rose-Croix. De l les incessantes tentatives pour faire renatre, face la Franc-maonnerie

    et parfois dans son sein mme, quelque Fraternit Rose-Croix sans lien profond avec ses origines. Il

    n'en est gure pourtant qui aient chapp l'emprunte maonnique, soit par la liturgie et le rituel

    soit mme par la doctrine.

    1.En Allemagne.

    Il devenait urgent de se dbarrasser d'une mythologie dsormais sans porte et depuis longtemps

    discrdite. On retrouva le livre de Mormius qui substituait au Pre Rosencreutz un certain Frie-

    drich Rose. En 1737 parat Francfort un trait d'alchimie intitul Coelum reseratum chymicumdeJ. G. Toeltius (2). L'diteur explique dans un avant-propos que le manuscrit remonte 1612, date

    videmment choisie pour assurer l'crit une antriorit sur la Famade 1614. Une lettre-prface

    portant le mme millsime et signe Johann Carl von Frisau J. F. R. C. - un pseudonyme qui, nous

    l'avons vu, avait servi les desseins de Kiesewetter et qui, au dire de Sdir, dsignerait un imperator

    R. C. - assure que le manuscrit tait dj chez l'imprimeur aux temps o paraissait la Fama; mais la

    Fraternit s'tait oppose la publication et pour plus de sret avait achet le trait pour six mille

    doublons, afin de poursuivre impunment son imposture. Car en dpit des affirmations fracassantes

    de la clique officielle, ce n'est pas Christian Rosencreutz qui avait fond la Rose-Croix mais Frie-

    drich Rose selon une tradition remontant Diocltien.

    1The Constitutions of the Freemasons containing the History, Charges, Regulations, etc., of that most ancient and

    right worshipful Fraternity for the use of the lodges, London in the year of Masonry 5723.2J. G. Toeltius : Coelum reseratum chymicum(Francfort et Leipzig, 1737).

  • 8/11/2019 Arnold Paul La Rose Croix Et Ses Rapports Avec La Franc Maonnerie

    13/21

    13

    On consacrait ainsi l'avnement de la Rose-Croix d'Or qu'avait entrevu Mormius, inventeur du

    personnage. C'est d'abord Hermann Fictuld qui lance en 1747 une Socit ou Fraternit de la Rose-

    Croix d'Or. A l'en croire la mort du Duc de Bourgogne les dtenteurs du grand secret sont ren-

    trs dans la clandestinit et ont gard le secret, tandis que fut cr un nouvel ordre de possesseurs du

    secret hermtique sous le nom de Socit ou Fraternit de la Rose-Croix d'Or. Se dbarrassant

    d'une terminologie emprunte l'alchimie, Fictuld assimile tous les symboles des premiers rosicru-ciens notions plus familires, substituant la Pierre philosophale la Toison d'Or emblme de la

    nouvelle Fraternit, aux quatre Elments les quatre Evanglistes, aux douze signes du Zodiac les

    douze articles de la foi, au Soleil et la Lune l'ancien et le nouveau Testament, la matire primi-

    tive, Dieu, et la Hyl paracelsique le Verbe (1). On mesure l'importance de l'volution : dans l'in-

    tention de prserver un enseignement traditionnel on le ramne une orthodoxie chrtienne quelque

    peu teinte d'sotrisme (2).

    Le sigle qu'on attribue dsormais la Rose-Croix en Allemagne subit une transformation toute

    semblable. Celui de 1614, on s'en souvient, drivait du sigle des alchimistes. En 1719, on se per-

    suade que le sigle ordinaire des Frres Rose-Croix avait toujours t et demeurait une croix de saint

    Andr aux quatre coins desquels on voyait un C et au-dessous une rose entoure d'pines, le tout en-

    tour de ces mots prtendant expliciter les quatre C - jadis symbole alchimique de la Lune - CruxChristi Corona Christianorum (

    3).

    En 1710, le pasteur silsien Samuel Richter publie sous le pseudonyme de Sincerus Renatus une

    Vraie et totale diffusion de la pierre philosophale de la Fraternit de l'Ordre de la Rose-Croix et de

    la Rose, dbut jusqu' la fin avec les tours de main pratiques pour y parvenir, se limitant toute-

    fois aux expriences primaires, le Pre (spirituel) de l'auteur s'tant rserv la rvlation du

    Grand-uvre. Il affirmait en effet tenir ce petit trait d'un Matre de l'Art que je ne dois pas

    nommer et dont une copie m'a t remise . Richter entendait de cette manire assurer son Ordre

    une filiation rgulire.

    Sa doctrine assez banale cherche, avec une terminologie encore teinte d'alchimie, subordonner

    la connaissance l'intuition mystique : La matire de l'uvre est minrale, animale et vgtale;

    c'est pourquoi elle est, une fois purifie, la mdecine des trois rgnes. Elle est aussi secrte qu'elle

    est commune; tous la connaissent, jeunes et vieux, riches et pauvres, elle ne cote rien que la peine

    de la recueillir et sa prparation peut tre faite par un enfant, s'il est bni de Dieu.

    La Fraternit parat avoir comport neuf grades: Zelator, Theoreticus, Practicus, Philosophus,

    Adeptus minor, Adeptus major, Adeptus exemptus, Magister et Magus. Elle tait organise en Cer-

    cles (Ringe) comportant cinq, sept ou neuf membres, coiffs chacun par un magister ou Matre et

    groups sous les ordres d'un directoire. Les divers directoires taient assujettis un triumvirat de

    Suprieurs Inconnus (Unbekannte Obere). La Fraternit qui aurait eu deux grands centres, l'un

    Nuremberg, l'autre Ancne, se consacrait essentiellement l'tude de l'alchimie spirituelle et op-

    rative. Elle parat toutefois avoir paralllement poursuivi des ambitions politiques (4).

    L'Ordre ne parat avoir t effectivement constitu qu'en 1757 Francfort. Il prend alors un essorrapide en Allemagne mridionale d'o il essaime en Autriche, en Hongrie, en Hollande, en Pologne

    et en Russie sous l'impulsion d'abord de Wilhelm-Joseph-Friedrich Schrder, professeur l'univer-

    sit de Marbourg, puis des barons von Keller et von Proek, de Ratisbonne. L'aristocratie allemande

    1Hermann Fictuld :Aureum Vellus oder Goldenes Vlies(1747).2Fictuld dote lui aussi son Ordre d'un rituel d'aspect maonnique. C'est ainsi que le Rose-Croix porte autour du cou

    un ruban bleu auquel est suspendue une croix d'or et une rose. Il prvoit des signes de reconnaissance et un rituel d'ini-

    tiation.3L'clipse du Pre Rosencreutz amorce au dbut du sicle est complte en 1785 : les Figures occultes des Rose-

    Croix du XVIeet du XVIIesicle que fait paratre cette anne-l un anonyme Frre de la Fraternit ( Geheime Figu-

    ren der Rosenkreuzer aus dem 16 ten und 17 ten Jahrhundert, von einem Bruder der Fraternitt, Altona, 1785-1788)

    reproduit sous le titre Mons Philosophorum une planche du Scrutinum chymicumde Maier montrant le Grand Adam en-ferm dans sa tombe avec la date de 1604, date, on le sait, de la dcouverte de la tombe de Rosencreutz. Aucune al-

    lusion au nom de l 'ponyme.4Bien mis en lumire par Pierre Mariel,La Rose Croix d'Or, inAtlantis, mai-juin 1966, p. 249.

  • 8/11/2019 Arnold Paul La Rose Croix Et Ses Rapports Avec La Franc Maonnerie

    14/21

    14

    fut attire par ce mouvement d'esprit nationaliste qui atteignit son apoge en 1786 avec l'affiliation

    de Frdric-Guillaume II de Prusse. Le monarque attira Berlin le centre de la Fraternit et s'entou-

    ra pour ses affaires politiques de deux membres trs actifs de l'Ordre, le baron Johann Rudolf von

    Bischoffwerder qui l'avait initi et qui tait un disciple du mage de Leipzig Schrepfer, et le pasteur

    puis baron Johann Christoph von Woellner qui allait imposer en Prusse la contrainte religieuse (Re-

    ligionsedikt, 1788), la censure religieuse (Censuredikt) et une manire d'Inquisition (Geistlich Exa-minationskommission, 1791) svissant jusqu'en 1797, la veille de la mort de Frdric.

    Aprs le Convent de Prague (1761) qui avait ciment l'Ordre, celui-ci parat avoir tendu la main

    l'Ordre de la Stricte Observance du rite templier constitu en 1763 par le baron de Hund et l'Or-

    dre des Chevaliers Bienfaisants, en participant aux convents de Wiesbaden et de Wolfenbttel. En

    dlguant Bischoffwerder qui effectuait alors bien d'autres missions moins spirituelles que politi-

    ques dans toute l'Europe, la Fraternit tenta, peut-on penser, d'imposer son hgmonie. La mort de

    Frdric le Grand, suivie de la disgrce de Woellner puis de sa mort (1800), mit un terme son ex-

    pansion et entrana sa mise en sommeil ou sa disparition.

    2.En France.

    Paradoxalement, c'est en France o, on s'en souvient, la premire Rose-Croix n'avait suscit que

    dsapprobation et sarcasmes, qu'elle connatra dsormais sa plus glorieuse renaissance au cours de

    la seconde moiti du sicle. Mais davantage encore qu'en Allemagne on s'empare simplement d'un

    nom fascinant sans mme songer toute la littrature qui le justifiait, la doctrine prcise qu'il avait

    vhicul.

    Soudain frue d'sotrisme dont le Grand Sicle l'avait prive, la France abritera pendant cent

    cinquante ans des doctrinaires qui ne manqueront pas d'influencer jusqu'aux milieux littraires.

    Premier d'entre eux, Martins de Pasqually (1) dont nul ne sait s'il a t Franais, Espagnol ou Por-

    tugais, surgit Toulouse entre 1750 et 1760. Personnalit aussi fascinante que singulire dont il

    est difficile de dire s'il fut un mystique) un imaginaire ou un mdium , il tente en vain de fonder un

    rite nouveau dans la capitale du Languedoc, peut-tre en 1754, choue nouveau Foix, s'installe Bordeaux et y cre enfin, peut-tre vers 1766, les Chevaliers Elus Con de l'Univers dont le grade le

    plus lev est celui de Rau-Croix (2). Dans sa haute ambition il entend diffuser son Ordre tra-

    vers la France. Il rencontre Paris le Lyonnais Jean-Baptiste Willermoz et dcide avec lui la fonda-

    tion du Tribunal Souverain qui dans son esprit prfigure la Grande Loge de son Ordre. Claude

    de Saint-Martin, le futur Philosophe inconnu (3), devient son secrtaire son retour Bordeaux.

    Ensemble, ils installent une dizaine de chapitres puis entreprennent la rdaction de la doctrine

    de Martins dans un Trait de la Rintgration des tres dans leurs premires proprits, vertus,

    puissance spirituelle et divine.

    Somme de la doctrine martinsiste, cet ouvrage enseigne l'manation progressive des tres sortis

    de Dieu, aboutissant au grand Adam ou Rau, ce qui en hbreux signifie puissant prtre . Dsi-

    rant tre dmiurge son tour, Adam par son orgueil provoque la chute de la forme glorieuse ou

    grand Adam dans la forme prissable ou second Adam ou encore homme de dsir . L'homme d-

    chu devra tenter sa rintgration dans son tat primitif de grand Adam par le moyen extrieur

    1Orthographe traditionnelle. Le nom parat en ralit s'crire Martinez de Pascuallis. Rien ne permet d'affirmer que

    le vritable nom du mage ait t De Latour de la Cases, ni qu'il ait rapport sa doctrine d'un voyage de Jeunesse en

    Chine comme il l'a lui-mme prtendu. VoirMartines de Pasquallypar G. Van Rijnberk (Paris, 1935): et, sous le mme

    titre gnral, l'tude de Robert Amadou in L'Initiation: Esquisse biographique (Janv.-mars 1969), Introduction. a Mar-

    tines de Pasqually (les trois premiers fascicules de 1969). Nouvelles prcisions biographiques, par Lon Cellier ( id.juil.-sept. 1969). Enfin l'excellenteBibliographie de Martines de Pasqually, par Robert Amadou (mme fascicule).

    2Emile Dermenghem :Joseph de Maistre mystique(Paris, 1946), p. 42.3Dans un travail rcent Robert Amadou a dmontr que Saint-Martin a adopt un nom qui dsignait depuis 1646 au

    moins des socits relles ou fictives d'alchimistes ou de philosophes. La dernire en date fonde en 1766 par le baron

    de Tschoudy dans le cadre de la franc-maonnerie avait des statuts d'inspiration nettement rosi-crucienne. Cf. Robert

    Amadou,Le Philosophe Inconnu(La Tour Saint-Jacques, 1963).

  • 8/11/2019 Arnold Paul La Rose Croix Et Ses Rapports Avec La Franc Maonnerie

    15/21

    15

    des grades des Elus Con et par le moyen intrieur de la voie active . Cette dernire consiste en

    un rite occultiste base de magie, en dpit de ses apparences chrtiennes. Elle comporte un entra-

    nement physique comparable au yoga. Grce ces pratiques qui devaient vraisemblablement pro-

    voquer un tat second ou une extase, l'adepte tait cens entrer en contact avec l'au-del que Pas-

    qually se bornait dnommer la Chose (1).

    L'aventure martinsiste s'achve rapidement. En 1772 Martins de Pasqually s'embarque pourSaint-Domingue d'o il tait peut-tre originaire pour y recueillir un hritage. Il mourut l-bas deux

    ans plus tard. Willermoz et Saint-Martin poursuivirent son uvre, le premier pour organiser son

    Ordre, le second pour dvelopper sa doctrine. Car Willermoz qui possdait ce sens pratique et r-

    aliste qui fit peut-tre dfaut son matre, ambitionnait d'tre le chef d'une maonnerie franaise

    puissante et saine l'heure o, Paris, les loges braconnant autour du Grand Orient de France issu

    de la Grande Loge de Londres, se signalaient par le ridicule ou le libertinage (2).

    Son premier soin fut d'viter toute confusion possible avec les loges de Rose-Croix qui vg-

    taient et l en marge du Grand Orient proccup d'unification. Pragmatique il se laisse initier

    mainte loge Rose-Croix en France et en Allemagne o la Rose-Croix d'Or de Fictuld l'accueille la

    loge de l'Aigle Noir au grade de Souverain Prince Rose-Croix qui se consacre l'occultisme. Il h-

    site sans cesse entre la qualit de Rose-Croix et celle de Rau-Croix et en 1772 il cumule les deuxtitres, mais en 1780 il crit au Prince de Hesse qu'il n'est pas Rose-Croix mais Rau-Croix : J'ad-

    mets beaucoup de connaissances des Rose-Croix ; mais leur base est toute de nature temporelle; ils

    n'oprent que sur la matire mixte, c'est--dire mlange du spirituel et du matriel et ont par cons-

    quent des rsultats plus apparents que ceux des Raux-Croix qui n'oprent que sur le spirituel tem-

    porel et dont les rsultats se prsentent sous forme d'hiroglyphes (3).

    En termes plus clairs il reproche ces Rose-Croix dont Fictuld et Renatus sont le type, de se

    borner des enseignements extrieurs et spculatifs au lieu de rechercher par le moyen de la magie

    ou du magntisme communiquer avec l'invisible et provoquer une transformation interne et

    essentielle de l'individu par des voies mystiques. En quoi le martinsisme retrouva pleinement la

    voie ouverte par Andreae et ses amis qu'aprs 1630 doctrinaires et fraternits avaient tout de bon

    oublie pour s'en tenir aux chemins battus de l'exotrisme et des ratiocinations pragmatiques.

    Joignant la pratique la doctrine, Willermoz et Saint-Martin enseignrent avec ardeur le marti-

    nsisme par des confrences et des exercices d'asctisme. Leurs efforts ne portrent gure de fruits.

    Saint-Martin, homme de cabinet bien plus qu'homme d'action, se lassa vite et se retira pour mditer

    et crire sous le pseudonyme de Philosophe inconnu, sa doctrine personnelle et avant tout ce Ta-

    bleau Naturel (4) qui rsumera sa pense proche de celle de son matre.

    Priv d'un soutien prcieux, Willermoz recourt nouveau aux alliances. Depuis longtemps la

    Franc-Maonnerie anglaise est divise entre la Grande Loge de Londres et le rite cossais de la

    Stricte Observance qui prtend continuer l'ordre des Templiers. Les deux puissances s'affrontent

    dans toute l'Europe. Willermoz qui cherche riger son Ordre face au Grand Orient mise sur la

    Stricte Observance. Celle-ci divise l'Europe en neuf provinces , dont celle d'Auvergne englobeles deux-tiers de la France et une partie de l'Italie. C'est ce fief que convoite Willermoz. En 1774 il

    sollicite son admission l'Ordre; puis, esprant greffer le martinsisme sur la doctrine assez incer-

    taine de la Stricte Observance, il provoque la runion Lyon en 1778 du Convent des Gaules. Pour

    faire pice au Grand Orient il propose aux dlgus de proclamer pour but essentiel de la Franc-

    maonnerie l'tude des sciences occultes transcendantes. Il l'emporte, et c'est la cration de l'Ordre

    des Chevaliers bienfaisants de la Cit Sainte, triomphe du willermozisme. L'ordre lyonnais est dot

    1Paul Vulliaud :Les Rose-Croix lyonnais au XVIIIesicle d'aprs leurs archives originales, prcd d'une tude sur

    les origines des Rose-Croix (Paris, 1929), p. 47 sqq.2Hormis notamment la Loge des Neuf Surs qui groupait l'lite intellectuelle et artistique franaise et dont sont

    issus les grands rvolutionnaires et les principes de la dmocratie.3Paul Vulliaud, op. cit., p. 28.4Louis-Claude de Saint-Martin : Tableau Naturel(Paris, Griffon d'Or, 1946), cf. uvres de Louis-Claude de Saint-

    Martin, en cours de publication sous la direction de Robert Amadou, et de ce dernier :Le Philosophe Inconnu(La Tour

    Saint-Jacques, Paris, 1963).

  • 8/11/2019 Arnold Paul La Rose Croix Et Ses Rapports Avec La Franc Maonnerie

    16/21

    16

    cumulativement des trois grades anglais et de tous ceux du Temple et coiff par deux grades de Pro-

    fession chargs de l'tude de la doctrine martinsiste. Joseph de Maistre y accdera bientt. Un

    grand nombre de loges du rite cossais adoptent la rforme qui conserve un grade rose-croix .

    Ainsi s'impose pour un sicle l'orientation sotriste de toute une partie de la franc-maonnerie

    franaise, restituant l'appareil une part des volonts des premiers Rose-Croix.

  • 8/11/2019 Arnold Paul La Rose Croix Et Ses Rapports Avec La Franc Maonnerie

    17/21

    17

    LES DERNIERS AVATARS

    Fertile en curiosits intellectuelles, le XIXesicle voit se former dans maint pays nombre de fra-

    ternits sotrisantes qui adoptent le nom de la Rose-Croix sans autre lien avec ses origines qu'une

    filiation maonnique. L'Allemagne ne participe que faiblement cette rsurrection : en 1888 le Dr

    Franz Hartmann fonde un Ordre de la Rose-Croix Esotrique qui, taill sur le modle de la Rose-Croix d'Or de Fictuld, fusionnera bientt avec l'Ordre des Templiers orientaux (

    1). Mais c'est en

    France que le mouvement sera le plus turbulent, tandis que les pays anglo-saxons des deux cts de

    l'ocan prpareront la grande diffusion.

    En France, se dressant sur les ruines du willermozisme, l'abb Constant alias Eliphas Lvi de-

    vient rapidement le matre de l'occultisme autour du demi-sicle. Son Dogme et Rituel de Haute-

    Magie (2) fit aussitt et fait encore autorit. Comme pour Willermoz et Saint-Martin, c'est la mis-

    sion spiritualiste, mystique et alchimique de la franc-maonnerie qui lui tient cur et il en trouve

    l'expression la plus pure dans la Rose-Croix. Le symbole de la rose et de la croix rsume le mieux

    pour lui l'essence de l'univers. Il fonde une Socit de Rose-Croix qui vgtera, encore qu'elle

    connaisse plusieurs loges parses dans le pays. Lvi voudrait en faire le noyau d'un mouvement spi-

    ritualiste qu'on opposerait la Franc-Maonnerie du Grand-Orient d'obdience anglaise laquelle il

    reproche un ralisme sans grandeur et vid de sa mtaphysique. Prt faire alliance avec toutes les

    forces spirituelles du monde, il se fait admettre par la Societas Rosicruciana in Anglia ou Rosicru-

    cian Society de Londres fonde en 1865 par Robert Wentworth Little, qui entendait, elle aussi, res-

    taurer les doctrines sotriques de la premire Rose-Croix. Et il commence sa lutte avec l'aide du

    marquis Stanislas de Guata qu'il avait initi l'occultisme. C'est Guata qui avec l'aide du Dr G-

    rard Encausse alias Papus, poursuivra l'entreprise aprs la mort de Lvi (1875).

    Sous la conduite de Saint-Yves d'Alveydre (3), Papus et Guata rassemblent toutes les forces spi-

    ritualistes : Socits de Rose-Croix organises par Eliphas Lvi, loges martinistes qui ont pris de-

    puis 1810 la relve du willermozisme, socits swedenborgiennes (4) et prtendent donner l'assaut

    ce qu'ils appellent les socits trangres de ces bons importateurs londoniens - GrandOrient et Grande Loge auxquels Papus prte un plan de dix ans pour trangler le spiritualisme au

    sein de la franc-maonnerie franaise (5). En fait, s'il est vrai qu'en 1877 le Grand Orient de France

    supprime pour ses adeptes l'obligation de croire au Grand Architecte de l'Univers vis par la

    Constitution d'Anderson, les loges anglo-saxonnes excommunient la maonnerie franaise. Il n'im-

    porte, face la tradition paenne d'Aristote et de Pythagore qu'impose prtendument la loge an-

    glaise, Stanislas de Guata exalte la tradition chrtienne et annonce le triomphe de la synar-

    chie , avnement d'un spiritualisme qui aboutira au rgne de Dieu. En 1889, il fonde l'Ordre kabba-

    listique de la Rose-Croix qui espre grouper et hirarchiser les efforts sporadiques. Il prend la direc-

    tion du mouvement dans sa spcification occulte ; Barlet est dlgu aux adaptations scientifi-

    ques et la sociologie ; Papus se charge de l'aspect technique et historique et fonde la revueL'Ini-

    tiationqui parat de 1889 1911 et publie avec une lgret excusable l'Histoire de la Fraternit deRose-Croixdue Kiesewetter (

    6). L'ordre nouvellement cr comprend trois grades auxquels on ac-

    cde par un examen. Il est administr par un Conseil Suprme compos de trois chambres et plac

    sous la direction absolue du Grand Matre lequel est simultanment membre du Suprme

    Conseil de l'Ordre martiniste. Nul ne pouvait tre admis s'il ne possdait dj les trois grades marti-

    1Sdir, op. cit., p. 106.

    2Eliphas Lvi (abb Alphonse-Louis Constant) :Dogme et Rituel de la haute magie(Paris, 1856).3 1842-1909. Sur lui, voir notamment: Saint-Yves d'Alveydre, par Yves Boisset in L'Initiation, 1968, p. 96-103,

    1969, p. 86-99 et 131-138.4On sait que les doctrines de Swendenborg ont eu une grande vogue au milieu du dernier sicle tant en France (o

    Balzac a t un de ses plus ardents dfenseurs) que dans d'autres pays d'Europe. En 1863, on estime 400 000 le nom-

    bre des adeptes en Europe. Une Swedenborg Society fonde l'poque subsiste encore Londres.5Papus,Anarchie, Indolence et Synarchie(Paris, 1894), rimprim inL'Initiation, 1969, p. 188-214.6Une revue de mme titre, organe de l'Ordre martiniste, et poursuivant sur des fondements srieux les tches de la

    prcdente, parat depuis 1966, sous la direction de Philippe Encausse.

  • 8/11/2019 Arnold Paul La Rose Croix Et Ses Rapports Avec La Franc Maonnerie

    18/21

    18

    nistes de baccalaurat, licence et doctorat en Kabbale. La slection continuait par l'tude et les exa-

    mens. L'Ordre se manifestait au dehors par la publication des thses de doctorat en Kabbale di-

    rige par Guata personnellement. Aussi Papus tait-il justifi dire que l'Ordre tait un vritable

    Collge de France de l'sotrisme (dont) l'influence s'tendait vite au loin .

    Guata entendait ainsi restaurer le got du spiritualisme et des mystiques de Boehme Saint-

    Martin . De fait son corps de doctrine tait directement issu du martinisme et du martinsisme : L'Homme-Essence et Dieu manifest sont identiques. Du point de vue de la Nature-Essence, le

    Verbe, le Ihoh-Elohim de Mose est l'homme-type, l'Adam-Kadmon, ou le principe original de

    tous les tres vivants. Du point de vue de la nature physique, ce Verbe est Dieu manifest : c'est Ce-

    lui que nous adorons sous le nom de Ieshouah (Jsus). Ainsi le dogme de l'incarnation du Verbe

    possde une signification relle et prcise, spcialement en ce qui concerne l'me, passant des plus

    spirituels aux plus matriels, s'y revtant d'enveloppes progressivement opaques jusqu' ce qu'elle

    arrive au terme de sa course, notre terre, d'o par la loi ternelle du binaire, elle remonte vers son

    point de dpart (1). L'homme peut atteindre l'initiation ou illumination totale par la voie ac-

    tive (expression emprunte Martins de Pasqually, comme l'ide mme). Celle-ci aboutit l'ex-

    tase par un perfectionnement progressif du corps physique, puis du corps astral, enfin du corps in-

    tellectuel. On peut y atteindre aussi par des exercices d'abandon de la volont. Guata, prenantconseil de ses expriences personnelles, recommandait un mlange des deux voies ou l'alternance.

    Ainsi fructifia l'enseignement de Martins et de son disciple Saint-Martin. Dans l'immdiat pour-

    tant l'effort fut sans lendemain. A la mort de Stanislas de Guata, en 1897, il ne subsistait plus

    qu'une loge sotrique ou Misram rattache la Grande Loge qui continut invoquer le Grand

    Arcane en tte de ses planches. Et Papus pouvait dire que La Grande Loge de France avait tu le

    spiritualisme en Franc-maonnerie . D'un sicle l'autre, l'volution allait se poursuivre et qua-

    rante ans plus tard, en 1938, l'ancien secrtaire de Guata, Oswald Wirth tait justifi crire que

    les Maons reoivent symboliquement la lumire ; mais en ralit, de quoi sont-ils instruits ? Cer-

    tains travaillent par eux-mmes, il est vrai, dgrossissant leur pierre brute et cessent de demeurer

    profanes. Mais combien sont-ils ? (2).

    Dsillusion excessive, sans doute. Car il serait utopique d'esprer qu'un grand corps s'attache

    dans sa majorit des exercices et des tudes aussi levs que singuliers. L'enseignement de Stani-

    slas de Guata ne fut certainement pas tranger aux recherches que Ren Gunon (1886-1951) allait

    entreprendre au sein de la maonnerie.

    Avant de nous y arrter un instant nous devons rappeler d'un mot l'un des pisodes plus pittores-

    ques et les plus connus de la Rose-Croix au dernier sicle, l'Ordre fond par Josphin Pladan,

    membre du Conseil Suprme de l'Ordre martiniste de Stanislas de Guata. Il s'en spare au prin-

    temps 1890 aprs avoir fond l'Ordre de la Rose-Croix, du Temple et du Graal ou de la Rose-Croix

    catholique et avoir de la sorte, proclamait-il, restaur officiellement la Rose-Croix remontant,

    selon lui, au tribunal Vhmique en passant par les ordres de l'Hpital et du Temple, les fidles

    d'amour de Toscane et de Sicile, les Rose-Croix et les Illumins d'Allemagne, les Francs-Maons etles Socits secrtes (3). Il se proccupait avant tout de prparer ou ranimer le catholicisme sotri-

    que; car la plus belle union que le sicle prochain puisse clbrer, serait celle du christianisme et

    de l'occulte (4) ; elle rduirait pour toujours la double puissance mtaphysique du pape et du mage

    une unit invincible. L'enseignement catholique a des lacunes et des troitesses, faute d'sotrisme.

    Il faut donc penser avec l'occultisme et pratiquer l'Eglise . Ainsi le monde verrait la fin de ce

    1L'Initiation, janvier 1898, p. 37-48.2O. Wirth : Qui est rgulier? (Paris, 1938).

    3Josphin Pladan :Amphithtre des sciences mortes: V.L'Occultisme catholique(Paris, 1899), p. 54.4Sur ce point au moins Pladan a pressenti les vnements. On connat en effet les tentatives de rapprochements en-

    tre l'Eglise catholique et le Grand Orient de France dont l'pisode le plus spectaculaire a t rcemment (1961) la pr-sence du R. P. Riquet une tenue blanche (Loge de Volney) de ceux qu'on a propos d'appeler les frres spa-

    rs . D'autre part le clerg se proccupe beaucoup de l'tude des aspects sotriques du catholicisme mdival qu'il

    tente de restaurer.

  • 8/11/2019 Arnold Paul La Rose Croix Et Ses Rapports Avec La Franc Maonnerie

    19/21

    19

    grand schisme (qui) s'opra Alexandrie o l'occulte et la religion se mconnurent (1). En

    fait, la doctrine que Pladan diffusait par ses crits et ses actes sous les pseudonymes les plus tran-

    ges (princesse A. Dinska, Miss Sarah, marquis de Valognes, sr Merodack Josphin Pladan), n'est

    pas sans quelque analogie avec les enseignements de la Famalargie par l'emprunt Pythagore et

    Plotin de l'harmonie universelle et de l'ide de rintgration de l'homme dans le concert des astres,

    Victorien et au Pseudo-Denys de la Trinit sotrique. Pladan en fait un brassage original : Leshypostases no-platoniciennes clairent singulirement le dogme, assure-t-il. Le premier principe

    est crateur, le second est conscience ; se pensant il gnre les ides actives, les archtypes agissant

    en essence intelligibles ; le troisime s'appelle l'me du monde, l'uranien et le dynamique ; cette

    me est la puissance sanctifiante (2). Quant au logos il est tout le devenir encore indevenu (

    3)

    et l'esprit (saint), spiration runie du Pre et du Fils, s'appelle en thologie : Amour (4). Pladan

    se rapproche ainsi, jusqu' la terminologie, des grands mystiques du moyen ge, avant tout de Ma-

    tre Eckhart et de Ruysbroeck.

    Disciple d'Eliphas Lvi et de Stanislas de Guata, il propose la pratique de ses fidles une voie

    mystique analogue. Avec le Pre on mrite, avec le Fils on conquiert; le Saint-Esprit donne (5)

    avec l'aide d'une mthode voisine de celle de Ruysbroeck enrichie par la pratique de la magie qui

    est son sens une ascse par laquelle l'apptit abstrait se substitue aux contingences , la puis-sance du mage dpendant de ses renoncements (

    6). La Constitution de la Rose+Croix, le Temple et

    le Graal (7) propose donc de pratiquer la charit, d'enseigner les normes de la Beaut , de recher-

    cher et de grouper les tres d'exception, de ruiner l'amour charnel (8).

    L'Ordre ouvert aux femmes comportait des grades, se distinguant par des tuniques : cuyer de la

    Rose-Croix, chevalier et commandeur. Il se manifestait par des salons de la Rose+Croix esthti-

    que, sorte de pamphlets, et par des mandatements adresss par le sr tantt l'archevque de Pa-

    ris (9) pour protester de son loyalisme l'gard de l'Eglise, tantt au public pour excommunier

    qui lui dplaisait (10

    ). Ces extravagances firent sombrer le mouvement dans le ridicule, tandis que

    l'Ordre kabbalistique de la Rose-Croix fonde par Stanislas de Guata poursuivit petitement sa car-

    rire.

    Refusant les limites du cadre catholique, rejetant mme tout cadre confessionnel, ne s'attardant

    pas dans la maonnerie cossaise de la Grande Loge de France - Loge Thbah fonde en

    1901 dans un esprit occultiste - Ren Gunon enseigna une doctrine universaliste proche du marti-

    nsisme et fonde sur l'ide d'intemporalit des traditions religieuses ou philosophiques - dont

    toutes les formes ne sont que des voies diverses menant au mme but, le retour l'tat primor-

    dial ou adamique. Mais cet tat adamique n'est son sens qu'une tape vers l'Identit suprme

    chappant tout tat conditionn quel qu'il soit . Il estimait que les religions institues ne visent

    1Pladan, op. cit., p. 220.2Ibid., p. 319.

    3Ibid., p. 73.

    4Ibid., p. 314.5Loc. cit.

    6Ibid., p. 102.7Josphin Pladan : Constitution de la Rose+Croix, le Temple et le Graal(Paris, 1893). Passons sur les extravagan-

    ces et les agressivits de son intitul : Nous par la misricorde divine et l'assentiment de nos frres Grand Matre de laRose+Croix, du Temple et du Graal, en communion catholique romaine avec Joseph d'Arimathie, Hughes des Paens et

    Dante... dont l'organisation reste cache pour mieux grandir et qui mprise les imbciles de la maonnerie par la relle

    possession des trsors de la Rose+Croix et de la Vehme. 8Josphin Pladan : Constitution de la Rose+Croix, p. 21 sqq.9Josphin Pladan :La Dcadence Esthtique(Hirophanie) XIX :Le Salon de Josphin Pladan(9

    eanne), suivi

    de trois mandatements (II.Lettre l'archevque de Paris; III.Excommunication de la femme Rotschild) (Paris, 1891).10Ainsi l'excommunication de la femme Rotschild pour crime de sacrilge et d'iconoclastie suivant mandate-

    ment du 14 mai 1890 : Au nom de toutes les religions... de tous les arts... la Rose-Croix considrant : 1 que la

    femme Rotschild, en achetant l'ancien chteau de Beaujon devait s'instituer conservatrice de la chapelle Saint-Nicolas,curieux spcimen de la transition du style Louis XVI et celui de l 'Empire, la dclare sacrilge... La Rose-Croix obiurgue

    les hommes de lettres et d'art, qu'ils ne peuvent mme plus saluer la femme Rotschild. Si elle entre dans une glise, une

    bibliothque, un muse, un concert, quiconque a le droit moral de la chasser.

  • 8/11/2019 Arnold Paul La Rose Croix Et Ses Rapports Avec La Franc Maonnerie

    20/21

    20

    point faire sortir l'homme de l'tat individuel et tout au plus lui assurer les conditions les plus fa-

    vorables de cet tat.

    En revanche le but ultime des initiations est d'lever l'individu au point unique o, par-

    del toutes les voies distinctes des religions, par-del l'tat actuel de l'humanit aline par la chute

    qui l'enferme dans la sphre temporelle, toutes choses sont contemples sous l'aspect de l'ternit.

    Pour que l'initiation soit efficace il faut, aprs des rites prparatoires ou prliminaires, un travail in-trieur se traduisant par une ralisation spirituelle qui dbouche sur la Dlivrance ou Identit su-

    prme (1).

    Certes, Gunon ne s'est pas empar comme tant d'autres moins qualifis, du nom de Rose-Croix ;

    mais entre toutes les doctrines sotrisantes ou occultistes qui ont eu et ont cours en cette premire

    moiti du sicle ici ou l en Europe et en Amrique, la sienne a t la plus proche non d'une tradi-

    tion stricte qui n'a jamais exist, semble-t-il, mais de l'enseignement propos par les rdacteurs des

    premiers manifestes rose-croix de 1614-1616.

    On ne saurait en dire autant des socits rosicruciennes qui fleurissent en Angleterre et aux

    Etats-Unis. En Angleterre o la Rosicrucian Society de 1865 semble s'tre teinte, Mme

    Annie Be-

    sant, proccupe de spiritualisme et de thosophie, a t la promotrice d'un Ordre du Temple et de

    la Rose-Croix fonde en 1912 et se prtendant le successeur des Templiers et de la Rose-Croixd'Andreae. Comme le Frre Synthticus, Annie Besant soutient que le Pre Rosencreutz se mani-

    feste priodiquement en assistant aux assises rosicruciennes. Mme en interprtant ce point de vue

    symboliquement et par les donnes occultistes et de l'vocation du monde astral, cet aspect tire l'en-

    seignement vers un magisme ml de parapsychologie essentiellement tranger l'esprit de la Rose-

    Croix primitive. En Amrique, enfin, une Fraternit hermtique de la Lumire (Hermetic Brother-

    hood of Light), devenue la Fraternit hermtique (Fraternitas Hermetica) a t fonde Chicago en

    1875 pour rpandre une philosophie hermtique qui se rclamait de la Rose-Croix. En 1909, Max

    Heindel fonde Seattle une Rosicrucian Fellowship qui migrera Oceanside en Californie et dve-

    loppera de son ct des doctrines occultistes (2) fort loignes de l'anctre qu'elle invoque.

    En 1916 se constitue New York sous l'impulsion de H. Spencer Lewis the Ancient and Mysti-

    cal Order of Rosae-Crucis dit A.M.R.O.C. divis en douze grades prsids par un Grand Matre

    dont l'une des branches les plus actives est l'International Rosicrucian Order fonctionnant San Jose

    en Californie pour la diffusion l'tranger. Cet Ordre entend lever le mystre du monde et ces fins

    pratiquer l'alchimie mentale et transmuer les principes lmentaires en manifestations dores.

    Spencer Lewis (1883 -1939) prtendait rveiller de la sorte un Ordre mis en sommeil en 1801. Il

    se disait au surplus mandat par les hauts-missionns de la Rose-Croix europens et orientaux pour

    installer le sige de son Ordre en Californie o les initis la savaient l'abri des vnement apoca-

    lyptiques que constitueraient les deux guerres mondiales.

    La mthode de l'ordre est originale ; elle est marque par un certain relchement des liens entre

    les membres qui sont beaucoup moins astreints une prsence la loge ou temple local qu' l'tude

    domicile de publications priodiques et gradues. Lewis dfinit en effet le but de l'A.M.R.O.C. ences termes : enseigner, tudier et exprimenter les lois de Dieu et de la Nature qui permettent

    nos membres de devenir des Matres du Temple sacr que constitue le corps physique, et des tra-

    vailleurs dans le laboratoire divin qu'est la Nature . On parvient ainsi se librer des entraves de

    la superstition, des limitations de l'ignorance et des souffrances d'un Karma vitable . C'est ainsi

    que l'homme et la femme connatront une existen