approche pluridisciplinaire de l’enfant cérébrolésé

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Page 1: Approche pluridisciplinaire de l’enfant cérébrolésé

RFO 163 1–2

Revue francophone d'orthoptie 2014;xx:1–2 Dossier / Cas clinique

Approche pluridisciplinaire del'enfant cérébrolésé

Multidisciplinary approach to brain-injured child

[TD$FIRSTNAME][TD$FIRSTNAME]Alexandra [TD$FIRSTNAME.E][TD$FIRSTNAME.E] [TD$SURNAME][TD$SURNAME]

83140 - Six fours les plages, France Berger-Martinet [TD$SURNAME.E][TD$SURNAME.E] (Orthoptiste)

Mots clésPluridisciplinaritéPolysensorialitéSyndrome du bébésecouéVisionPostureOrthoptiePsychomotricité

KeywordsMultidisciplinaryMulti-sensoryShaken baby syndromeVisionPostureOrthopticPsychomotor

RÉSUMÉAu cours de mon expérience en centre d'action médico-sociale précoce, il m'a été permis detravailler en binôme avec divers professionnels de santé, à commencer par un partenaire naturel,l'ophtalmologiste. Nous assurions des consultations lors desquelles nous avons pu partager desregards spécifiques dans un même but, l'examen visuel. J'ai également eu l'occasion de faireéquipeavec lakinésithérapeute, l'orthophonisteet l'éducatricede jeunesenfants.A travers l'histoirede Simon, je souhaiterais également illustrer le travail commun avec la psychomotricienne.© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

SUMMARYIn my experience, it was allowed me to work in tandemwith various health professionals, startingwith a natural partner, the ophthalmologist. Us to ensure consultations during which we were ableto share specific looks for the same purpose, the visual examination. I also had the opportunity toteam up with the physiotherapist, speech therapist and educator of young children. Finally,through the story of Simon, I will wish to illustrate the joint work with the psychomotor.© 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Adresse e-mail :[email protected]

INTRODUCTION

Simon est un petit garçon victime de secoue-ment par sa nourrice à l'âge de 5 mois. Unedérivation a été mise en place ainsi qu'untraitement anti-épileptique.Il est arrivé au centre d'action médico-sociale,précoce, à l'âge de 9 mois. Le retard psycho-moteur était alors massif. Seule la position endécubitus dorsal était possible, il existait unehypotonie axiale majeure associée à unehypertonie périphérique. Le regard était videet le visage inexpressif. Il n'y avait pas devocalises.Lors de l'hospitalisation, des hémorragies péri-papillaires retro-hyaloïdiennes et inter papillo-maculaires bilatérales ont été retrouvées. Lamacula était visible à gauchemais pas à droite.Quatre mois après l'accident, il n'y avait plusd'hémorragie mais une atrophie optique bilaté-rale. Les examens électrophysiologiquesconcluaient à un ERG normal et des PEV dis-cernables mais immatures.

Pour citer cet article : Berger-Martinet A. Apd'orthoptie (2014), http://dx.doi.org/10.101

http://dx.doi.org/10.1016/j.rfo.2014.03.014© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

BILAN VISUEL D'ENTRÉE

Lors de son arrivée dans le service et compte-tenu de son histoire, le pédiatre a demandéqu'un examen visuel complet soit effectué rapi-dement. Nous avons donc reçu Simon enconsultation commune ophtalmologie/orthoptie.Sur le plan ophtalmologique, le clignementà la menace était absent et les réflexes photo-moteurs directs et consensuels présents maistrès faibles. Il y avait une atrophie optiquebilatérale massive et la réfraction était impos-sible à réaliser.Sur le plan sensoriel, sur l'œil droit nous neretrouvions qu'une perception lumineuse. Agauche, la réponse était très faible au test debébé vision et la détection des damiers étaitpossible.Sur le plan moteur, nous avons constaté uneerrance oculaire avec une déviation trèsvariable. La fixation était excentrée et possibleuniquement avec l'œil gauche mais le temps

proche pluridisciplinaire de l'enfant cérébrolésé. Revue francophone6/j.rfo.2014.03.014

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de latence était très élevé. Les poursuites étaient absentes etles saccades céphaliques possibles uniquement en détectionà gauche s'il n'y avait pas de son associé.Sur le plan fonctionnel, les coordinations oculomanuelle etoculocéphalique étaient absentes. Il n'y avait aucun geste depréhension, peu d'intérêt pour la cible et aucune dissociationœil/tête. Lacoordinationauditivomotriceétait présentedesdeuxcôtés.Au total, Simon montrait peu d'intérêt pour le canal visuel. Ilprésentait les symptômes d'une cécité corticale. Il a donc étédécidé de commencer immédiatement un travail de stimulationde l'éveil visuel et de l'oculomotricité de base en commençantpar l'obtention d'une fixation, avec pour parti pris de ne pasattendre la fin de l'ensemble des évaluations pluridisciplinaireset de faire deux séances par semaine.

PRISE EN CHARGE

Dès la fin des évaluations, et devant le besoin psychomoteurimportant, il a paru fondamental à l'équipe de conjuguer lessavoirs psychomoteurs et orthoptiques au sein d'une mêmeséance, afin de proposer à la fois une stimulation du potentielvisuel et un soutien de l'activité motrice par la vision dans lecadre d'un travail global. Nous souhaitions également déve-lopper la compréhension des liens entre ce qui était vu et lesautres perceptions sensorielles.Dans un premier temps, le travail psychomoteur a été axéautour des interactions sociales et de la prise de consciencede la globalité du corps. Ceci permettant l'intégration duschéma corporel et ainsi la construction des relations spatia-les. L'expression des émotions et le dialogue tonique ontégalement été abordés. Par la suite, la vision aidant, le versantmoteur a été plus investi en travaillant sur l'apprentissage etl'appropriation des schèmes moteurs du tout-petit tels que lesretournements, le rampé, le passage à quatre pattes, l'assisplage, la position assise, le chevalier servant et enfin la posi-tion debout. A chacune de ces étapes, le regard ne se posi-tionne pas au hasard. Il poursuit une trajectoire permettant unemobilisation correcte des segments corporels puis se fixe surdes points stratégiques permettant d'ancrer la posture.Très rapidement, la détection s'est améliorée, les poursuitessur damiers et parfois sur certains objets connus sont deve-nues possibles dans tous les champs du regard. Après deuxans de prise en charge, Simon a beaucoup évolué. Grâce auxdiverses stimulations, une fixation sur les objets a pu semettre en place. Le temps de latence restait élevé mais ilétait capable de regarder un objet pour le saisir, ou de l'attra-per et de l'amener devant ses yeux pour l'examiner. Même s'ilrestait probablement des séquelles de cécité corticale, Simonsemblait mieux comprendre son environnement et il pouvaitêtre en interaction visuelle avec l'autre. Comme la fixationétait devenue de meilleure qualité, l'ophtalmologiste a puréaliser une réfraction plus fiable qui a révélé une myopiede l'ordre de 6 dioptries. Une correction optique a étéprescrite.Quelques jours après cette consultation, Simon a quitté leservice pour une structure d'accueil à la journée. Nous avonspréconisé la poursuite de la stimulation visuelle mais l'institutmédico-éducatif n'ayant pas d'orthoptiste, les parents ontdu trouver, non sans mal, un relai en libéral, les adressesque nous avons fournies leur semblant trop éloignées dudomicile.

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Pour citer cet article : Berger-Martinet A. Approche pluridid'orthoptie (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.rfo.2014.03

BILAN VISUEL FINAL

Nous avons pu revoir Simon, un an après sa sortie, en consul-tation conjointe ophtalmologie/orthoptie dans le cadre d'unecollaboration entre services. Il acceptait bien ses lunettes.Selon ses parents, les PEV Flash se seraient normalisés.La prise en charge orthoptique se poursuivait à raison d'unefois par semaine depuis plusieurs mois.Sur le plan ophtalmologique, l'atrophie optique bilatéralerestait majeure. La myopie avait peu évolué. Il n'y avait tou-jours pas de clignement à la menace.Sur le plan sensoriel, on retrouvait une détection très incons-tante des damiers.Sur le plan moteur, les reflets montraient un strabisme diver-gent, la fixation était possible entre 5 et 10 cm. Simon fuyait lalumière. Il orientait son regard uniquement au bruit et de façoncéphalique.Sur le plan fonctionnel, la dissociationœil/tête était absente.Le geste de préhension ne se faisait qu'avec la main droite et iln'y avait pas d'ébauche de mouvement de la main gauchelorsque la droite était tenue. Simon repérait la cible en visionpériphérique puis lâchait le regard, attrapait l'objet et enfinregardait à nouveau.Depuis son entrée à l'institut médico-éducatif, il n'y a plus eu deprise en charge à quatre mains orthoptie/psychomotricité, nide liens entre les professionnels. On peut constater que lavision en elle-même se développe mais que la relation avecl'autre, l'intérêt pour l'environnement, et l'envie de découvrir sesont dégradés. Le regard est maintenant très peu engagé. Letemps de latence reste élevé. Il est capable de saisir un objet etde l'amener devant ses yeux mais n'en fait rien de plus.

DISCUSSION

Si pour cet enfant, cette approche pluridisciplinaire semblaitplus favorable à ses progrès, il est bien difficile de pouvoiraffirmer que cela soit le cas pour tout enfant cérébrolésé, outout au long de la prise en charge. La rééducation « à quatremains » peut être réalisée au coup par coup en fonction desbesoins de l'enfant. Par contre, il est évident que communiquerentre intervenants est essentiel à la prise en charge rééduca-tive du patient. Dans tous les cas, s'il est peu probable que lesrééducations avec plusieurs professionnels intervenantssimultanément soient instaurées, la rééducation au seind'un cabinet, avec un seul intervenant, permet aussi uneapproche et une prise en charge ciblée qui bénéficie à bonnombre d'enfants, du moment que l'on reste dans un souci decommunication avec l'entourage et les divers intervenants.

CONCLUSION

Dans un cas comme celui de cet enfant, le travail de concert apermis de développer le lien entre la vision et la proprioception,l'appréhension de l'environnement mais aussi le partage avecautrui. La mutualisation de nos compétences, nous a apportéune connaissance globale du développement de l'enfant et aenrichi notre savoir faire et, bien évidemment, nos prises encharges.

Déclaration d'intérêtsL'auteur déclare ne pas avoir de conflits d'intérêts en relation avec cetarticle.

sciplinaire de l'enfant cérébrolésé. Revue francophone.014